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University of Ottawa
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T^DIE QUATHIEME.
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DICTIONNAIRE DES PERSÉCUTIONS.
2 VOLUMES, PRIX : 16 FRANCS,
TOME PREMIER
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^^ S»1MPRÎME ET SE VEND CHEZ J.-P. MIGNE , ÉDITEUR,
AUX ATIiLIliKS CATHOLIQUES, RUE D'AMBOISE, AU PETIT-MONTROUGE ,
BARRlèRE d'enfer DE PARIS.
1851
NOUVELLE
ENCYCLOPÉDIE
THÉOLOGIQUE,
ou NOUVELLE
SÉRIH DE DICTIONNAIRES SUR TOUTES LES PARTIES DE LA SCIENCE RELIGIEUSE ,
orra&NT, en français et par ordre alphabétique,
LA r-LUS CLAlIVlv, LA PLUS FACILK. LA PLUS COMMODE, LA PLUS VAIilÉE
tr L\ PLUS COMPLÈTE DES THÉOLOGIES.
CKS DICTIONNAIRES SONT CEUX :
DES LIVRES APOCRVMIES, — DES DÉCRETS DES CONGRÉGATIONS ROMAINES,
— DE DISCIPLINE ECCLÉSIASTIQUE, — DE LÉGISLATION MIXTE, THÉORIQUE ET PRATIQUE, — DE PATROLOGIE,
— DE blOGRAPHIE CHRÉTIENNE ET ANTI-CHRÉTJENNE , — DES CONEUÉRIES , — D HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE,
— DES CROISADES,— DES MISSIONS, — DES LÉGENDES, — d'aNECDOTES CHRÉTIENNES, —
d'ascétisme, des lNJl^0evTm^'S a la Vm^rge, et des indulgences,
— DES PROPHÉTIES ET DES MJRACLES , — DE lilIlLIOGRAPlIlE CATHOLIQUE ,
— d'érudition ECCLÉSIASTIQUE,— de STATISTIQUE CHRÉTIENNE+mç- d'ÉCONOMIE CHARITAULE ,
— DES PERSÉCUTIONS, — DES ERREURS SOCIAtïSTES ,
— DE PHILOSOPHIE CAIllOLIQUE, — DE PHYSIOLOGIE SPIRITUALISTE, -- u'aNTIPHILOSOPHISME, —
DES APOLOGISTES INVOLONTAIRES, — '
DE LA CHAIRE CHRÉTIENNE, - d'ÉLOQUENCE , id., — DE LITTÉRATURE, 1(1., — D ARCHÉOLOGIE , Id.,^
— D ARCHITECTURE, DE IM.INTURE ET DE SCULPTURE, jd., — DE NUMISMATIQUE, jd^ — D HÉRALDIQUE , iU»,
— DE MUSIQUE, i«/.,— DE PALÉONTOLOGIE, Jd., —DE BOTANIQUE, Jd., —DE ZOOLOGIE, îrt.,
— DE MÉDECINE USUELLE, —DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS, ETC.
PUBLIÉE
PAR M. L»ABBÉ MIGNE,
ÉDITEUR DE X.A BIBLXOTâÈQ U E Olf I VERSELtE DU CLEReÉ, .
OU
I
DES COURS COiaPZ.CTS SUR CHAQUE BRANCHE DE LA SCIENCE ECCLÉSIASTIQUE.
rRIX : 6 FR. LE VOL. POUR LE SOUSCRIPTEUR A LA COI LECTION I NTlÈllE, 7 FR,, 8 FR., ET MÊME lO FR. POUR L6
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NOUVELLE
ENCYCLOPEDIE
THÉOLOGIQUE,
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OFFRANT, EN FKANÇAIS ET PA» ORDRE ALPHABÉTIQUE,
Là PLUS CLAIRt:, L\ PLUS FACILE, L.\ PLUS COMMODE, L\ PLUS VARIÉE
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Cn:S DICTIONNAIRES SONT CEUX
DES LIVRES APOCRYPHES, — DES DFXRETS DES CONGRÉGATIONS ROMAINES,
— DE DISCIPLINE ECCLÉSIASTIQUE, — DE LÉGISLATION MIXTE, THÉORIQUE ET PRATIQUE,
DE PATROLOGIE, — DE BIOGRAPHIE CATHOLIQUE, — DES CONFRÉRIES, — d'hISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE,
- DES CROISADES, — DES MISSIONS, — DES LÉGENDES, — d'aNECDOTES CHRÉTIENNES, — d'ASCÉTISME,
des invocations a la sainte vierge,
— des indulgences, — des prophéties et des miracles, — de bibliographie catholique,
— d'Érudition ecclésiastique, — de statistique chrétienne,
— d'économie religieuse et charitable, — DES persécutions, — DES athées, incrédules, etc.,
DES ERREURS SOCIALISTES, — DE PHILOSOPHIE CATHOLIQUE, — DE PHYSIOLOGIE SPIRITUALISTE,
— d'aNTIPHILOSOPHISME, — DE CRITIQUE CHRÉTIENNE, DES APOLOGISTES INVOLONTAIRES,
DE LA CHAIRE CHRÉTIENNE, — D'ÉLOQUENCE, îrf., — DE LITTÉRATURE, \d., — -
d'archéologie, xd., — DE PEINTURE ET DE SCULPTURE, \d., — DE NUMISMATIQUE, \d., — d'hÉRALDIQUE, m.,
— DE MUSIQUE, if/., — DE PALÉONTOLOGIE, irf., — DE BOTANIQUE, irf., — DE ZOOLOGIE, îrf.,
— DE MÉDECINE USUELLE, — DES ARTS ET MÉTIERS.
PUBLIÉE
PAR M. L'ABBÉ MIGNE,
ÉDITEUR DE LA BIBLIOTHÈQUE UNIITERSELLE DU CLERGÉ,
OU 1
DES COURS COMPZ.ETS SUR CHAQUE BRANCHE DE LA SCIENCE ECCL;
PRIX : 6 FR. LE VOL. POUR LE SOUSCRIPTEUR A LA COLLECTION ENTIÈRE, 7 FR., 8 PR., ET MÈMR 10 FR.TOUR LE
M.. \
SOUSCRIPTEUR A TEL OU TEL DICTIONNAIRE PARTICUL»R.
TOME QUATRÏEIIIE
DICTIONNAIRE DES PERSÉCUTIONS.
TOME PREMIER.
2 VOLUMES, PRIX : 16 FRANCS.
S'IMPRIME ET SE VEND CHEZ J.-P. MIGNE, ÉDITEUR,
AUX ATELIERS CATHOLIQUES, RUE D'AMBOISE, AU PETIT-MONTROUGE ,
BARRIÈRE d'enfer DE PARIS.
«Ottawa.
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i
DICTIONNAIRE
GÉNÉRAL ET COMPLET
DES PERSÉCUTIONS
SOUFFERTES PAR l'ÉGlISE CATHOIIQUE
, DEPUIS JÉSUS-CHRIST JUSQU'A NOS JOURS.
PERSÉCUTIONS DES JUIFS, DES EMPEREURS ROMAINS, DES EMPEREURS d'ORIENT, DES ARIENS,
DES ICONOCLASTES, DES VANDALES, DES ROIS DE PERSE, d'aRMÉNIE.
PERSÉCUTIONS DANS LES MISSIONS MODERNES, NOTAMMENT EN CHINE, EN COCUINCHINE,
AU JAPON, EN ABYSSINIE, EN ÉGÏPTE, EN AMÉRIQUE;
PUIS EN ANGLETERRE, EN ALLEMAGNE, EN RUSSIE ET EN FRANCE, EN 1793, ETC., ETC. ^
Lesitsources principale» auxquelles on 'a puisé sont s
LES ACTES DES APÔTRES , LES PÈRES DE l'ÉGLISE , ET NOTAMMENT EUSÈBE , SOCRATE , SOZOMÈNE, LACTANCE ,
SAINT JUSTIN, SAINT CYPRIEN, SAINT JÉRÔME, SAINT JEAN DAMASCÈNE, SAINT JEAN CHRVSOSTOME,
SAINT GRÉGOIRE DE TOURS, SAINT MARUTHAS, LE MARTTROLOGE ROMAIN ET AUTRES, LES MENÉES DES GRECS,
SULPICE SÉVÈRE, ELISÉE WARTABED, BOLLANDUS ET SES CONTINUATEURS, BARONIUS,
SURIUS , FERRARIUS, USSÉRIUS , BEDE, MABILLON , TILLEMONT, FLEURY,
ROINART, LES ASSEMANI, LES LETTRES ÉDIFIANTES, TOURON, FONTANA, HENRION, ROHRBACHER,
ET LA PLUPART DES HISTORIENS ANGLAIS, FRANÇAIS ET AUTRES.
ïPiiîa Hc» ÎLI2 W SIBÎLCD^ÎISή^
Auteur de l'Histoire générale des Persécutions de l'Eglise; des Passions dons leurs rapports avec la religiont
la philosophie, la phusioïogie et la médecine légale;
De La femme (pbysiologie , histoire ei morale); de l'Oraison dominicale (Commentaire sur); du Livre des Pauvres
PUBLIE
PAR M. L'ABBÉ MIGNE,
ÉDITEUR DE LA BIBIOTHEQCE UNIVERSELLE DU CLERGÉ,
00
DES COVIUI GOmriiETS SUR CHAQUE BRANCHE DE LA SCIENCE ECeLÉSIASTiQOE.
TOME PREMIER.
2 TOL. PRIX : 16 FRANCS.
S'IMPRIME ET SE VEND CHEZ L'EDITEUK,
AUX ATELIERS CATHOLIQUES DU PETIT - MONTROUGE,
BARRIÈRE d'enfer DB PARIS.
1851
3
Imprimerie Mionr, au Pelil-MonirouKe.
AVERTISSEMENT.
Il est dans le monde un livre pour lequel
on n'a pas |)u trouver un nom assez giaml,
assez splendide en dehors du nom généri-
que, on l'a nommé le Livre, la Bible (ikCÀia),
c'est-à-dire le livre par excellence, le seul
digne d"étre ainsi appelé. Il est la base de la
foi des chrétiens, le soleil auquel toute lu-
mière ici-bas est due. L'histoire, les arts,
les sciences, la civilisixtiou, la politique, la
morale, tout pivote sur ce livce sublime. Il
est comme le contre du monde ; c'e^t au
point qui> tout ce qui s'approche de ce foyer
de lumière pros[)ère et grandit, et que tout
ce qui s'en éloigne dégénère. On peut me-
surer la civilisation comme la barbarie d'un
peuple, son bonheur comme sa misère, sa
grandeur comme sa décadence, au plus ou
moins de lumière qu'il reçoit de ce centre
universel, d'oij r lyonnent sur la terre les
croyanci'S qui civilisent et qui vivilient. Ce
livre, le plus ancien que nous [)OSS('dions,est
plein d'une sagesse plus h lute, plus i)ure,
d'une morale plus saine, d'une politi(]ue
P'US rationnelle, que tous les écrits di3S
philosophes. Aussi l'un d'eix s'écriait-il :
« La m jesté des Ecritures m'étonne
Voyez les livres des philosophes avec toute
leur pompe : qu'ils sont petits près de celui-
là ! » (.lean-Jacques, Pensées,\o]. I", p.29,Lon-
di es, 178'j.) Comme tout le monde le sait, la
Bible contient l'Ancien et le Nouveau 'l'esta-
ment. Ces deux parties de la parole divine
forment le trésor des croyances de l'Eglise.
Devant ce livre il faut incliner sa foi et ado-
rer, car ce livre, c'est la révélation, c'est
Dieu parlant aux homuK^s. Puis le Dieu qui
l'a dicté l'a scellé de son sang divin. Le
. Verbe incarné, en mourant sur la montagne
sainte pour sauver l'humanit', attestait la
vérité des Ec itures. Rien d'aussi granJ,
d'aussi saint que la Bible, encore une fois, la
Bible c'est D.eu, car c'est sa |)arole.
Ce que l'Eglise vénère le plus après ce li-
vre divin, ce sont les actes des martyrs, qui,
sur les traces de leur Sauveur, sont morts
martyrs, c'est-à-dire témoins à leur tour des
vérili's contenues dans la Bible. Les actes
authentiques des martyrs, les actes vrais,
contiennent 4es réponses que ces généreux
suidats de Jésus-Christ faisaient aix juges
dans lcu:i'S interrogatoires : or, souvent ces
réponses sont insfjirées. On sait que Jésus-
Chi-isl avait forinellement assuré à ses disci-
ples que quand ils seraient interrogés par les
persécuteurs, ce serait le S.unt-Èsi)rit qui
parierait par leur bouche. Le livre ues
actes des martyrs, contenant toutes h^urs
rép.Jiises, serait donc, quant à ct's réponses,
un livre divin, s'il était bien démontré
> DicTioNN. i>Es Persécutions^ I.
qu'elles nous fussent arrivées exactes, pures
de tout changement.
Les actes authentiques n'ont cependant
pas eux-mêmes l'autorité nécessaire |)0ur
que. nous devions leur accorder ce litre, car
l'Eglise permet qu'on les discute; quelque
considéi'ables que soient les caractères qui
établissent leur authenticité, ces caractères
ne sont jamais de nature à démontrer que les
faits rapportés soient assez com[)lélement
à l'abri de toute contestation pour qu'on
puisse, à l'égard des réponses des mar-
tyrs, obliger absolument la foi des lidèles.
î»!ais dans cet élat de choses, on conçoit
le respect et la vénération que l'Lglise doit
avoir pour les actes de ses martyrs. Il est
évident qu'après les saintes. Ecritures, ils
sont ce qy'il y a de plus vénérable d.-ns les
trésors que possède l'Eglise.
L'ouvrage que nous donnons au public
n'est autre chose que l'histoire par ordi-e al-
phabétique des persécutions endurées par
l'Eglise catholique pour iyi défense des vérités
contenues dans les saintes Ecritures. Les ac-
tes des martyrs, quand ils existent, sont donc
la base de notre travail. A déftut de ces actes
c'est l'histoire qui nous guide. Aussi, dès
le début de cette préface, nous prévenons
le lecteur qu'autant que nous 1 avons pu
nous avons donné les actes des Oiartyis.
Partout où nous avons pu croire trouver
l'authenticité, nous avons donné textuelle-
ment. De (piel droit aurions-nous mis notre
style, nos récits, nos a[)[)réciations, à la
place de ces réponses inspirées, à la place
de ces monumenis si véné.ables?Quel est le
lecteur qui puisse nous savoir mauvais gré
de ce respect qui nous a servi de règle?
Quel est celui qui eût préféré que notre
plume sacrilège eût icommis un tel crime?
Oui, parto.it où cela a été possible, nous
avons cité textuellement. En présence d'un
pareil devoir à accomplir, nous n'<ivoi-s re-
culé ni devant les redites, ni devant les lon-
gueurs. Nous n'avons jamais trouvé tro|» éten-
dus les actes authentiques que l'Eglise vé-
nère et que des martyrs eux-mêmes ou des
témoins oculaires ont écrits. Nous jirotes-
tons de toutes nos foi-ces contre ce vanda-
lisme sacrilège qui se permet de décapiter
les monuments historiques les pi s saints,
les plus vénérables, conti-e l'orgue 1 incon; e-
vable d'écrivains qui se mettent à la place
des Pères de la foi, des martyrs de Jésus-
Christ, des narrateurs qui ont recueilli de
la bouche des martyrs ou de celle de lé-
moins oculaires, les choses qu'ils racontent.
Le soin avec lequel les premiers chrétiens
recueillaient ces monuments qui constatent la
1
il
.WERTISSEMENT.
)3
pieté, la foi, le courage, les combats, la mort
des martyrs, le profond respect avec lequel
les Eglises les conservaient, l'acharnement
que les persécuti'urs mettaient à les dé-
truire, tout cela doit nous donner la mesure
de la vénération profonde avec laquelle
nous devons les recevoir et les conserver.
Nous avons donc estimé avec raison qu'il
était convenable de donner dans notre dic-
tionnaire autant que possible les pièces au-
thentiques. C'est mouis brillant peut-être
pour l'écrivain ; au fond c'est plus utile
pour le lecteur, c'est plus utile pour l'his-
toire en elle-même.
Ce que nous avons fait pour les actes des
martyrs, n«us l'avons fait souvent à propos
des récils, des ap.iréciations que nous avons
rencontrés dans les Pères de l'Eglise, dans
les h'stori ns universellement reçus comme
autorité dans ia matière. Ce qui nous préoc-
cupait, c'était i'inlérél de notre livre en lui-
même, et non pas le beso n né d'un amour-
propre outrecuidant de faire nous-mème des
apprécia' ions et des récts. Qu'on dise msin-
tenant q le cela rom[)t l'unilé de couleur
d'un livre et lui donne ra|>parence d'aï tra-
vail de marqueterie fait d'une im'inité de
pièces dissemblables, nous n'en disconve-
nons pas ; seulement nous prétendons que
ce défaut, infiniment moins sensible dans
un dictionnaire que dans une histoire sui-
vie, cesse d'èlre un défaut pour ainsi dire,
quand on considère que, par ce moyen de
faire, l'auteur a conservé autant que possi-
ble, et les pièces authentiques, et les appré-
ciations, et les récits universellement reçus
connue bons. Il faut conserver l'histoii-e
écrite avec le plus grand respect : c'est le
moyen de ne pas la déconsidérer dans les
sièch s futurs.
Nous commençons notre préface par l'ex-
position de ces idées, (jui nous ont paiu les
plus importantes de celles que nous y de-
vions traiter. Parlons inai-i enant du plan(pje
nous avons suivi. Nous avons fait un Dii;-
tiomiaiie des persécutions de Tlilglise d'a-
près ces données, ou plutôt d'a[)rès cette sy-
nopse, histoire des persécutés, dos poisécu-
teiirs, d(;s lieux de persécution, des causes
des persécutions , dus e.lets des pei sécu-
ti(»ns.
Il ne faut demander h un ouvrage que ce
que son titre .•ompurte. Nous avons lait un
Dictionnaire dis persécutions du l'Eglise ca-
tholi(/ne. On voit du premier coup les limi-
tes dans hxpiellcs nous avons dû rester.
Les persécutions, si peu nombreuses qu'elles
soient, soullerles pour les hérésies, étaient
en dehois de notre cadre ; à plus forte rai-
son, celles (pi'un faux zèle a pu porter
non (las l'Kglise, mais certains d entre ses
enfants, à fau'e endurer aux dissidents quels
qu'ils fuss(;nt.
il faut d(;iuander h un ouvrage tout ce (}ue
son litre coui[)Orte. Nous croyons avoir, h
peu de clios(! [)rès, répondu à cette obliga-
tion. Nous disons à peu prh, parce (juo,
(juelsquesoient lesoin av(!C lequel on vw\\n'-
ciie, ia méthode que l'on suit, il est imiiossi-
ble d'arriver à être complet. Il n'y a pas un
ouvrage du genre qui le soit. Les diction-
naires historiques j)rétendus généraux, les
plus renommés, les meilleurs, ne contien-
nent pas cinquante mots sur cent de notre
Dictionnaire, qui triple le Martyrologe ou
Catalogue général des saints, publié par l'or-
dre des papes Grégoire XIII, Urbain VIII,
Clément X et Benoît XIV. Nous croyons
avoir donné des détails qu'on ne trouve
nulle part dans les ouvrages spéciaux , en
particulier tout ce qui est relatif aux persé-
cutions d'Arménie sous Yesdedjerd, 11' dii
nom, et aux saints martyrs qu'elles couron-
nèrent. On trouvera encore dins ce Diction-
naire des traductions fidèlement faites par
nous des actes des martyrs recueillis par
Etienne Assemani, et que persoime n'a don-
nées d'une façon complète et satisfaisante.
Nous donnons de même les actes des mar-
tyrs d'Osde, sous Claude le Gothique, p; ince
(jue la j)lupart des auteurs n'ont pas classé
parmi les persécuteurs de l'Eglise, et qui
Je fut bien réellement, ainsi que nous le dé-
montrons.
Nous avons cru devoir, par une réserve
que chacun comprendra, nous l'espérons, ne
pas nous occuper des questions encore pen-
dantes et pour ainsi dire en litige. Bien qu'à
notre gré les prétendues libertés de l'Eglise
gallicane ne soient que les servitudes de
l'Eglise, et que les diiférentes conséquences
qui en sont découlées comme faits, aient
constitué de véritables persécutions, nous
avons gardé le silence à cet égard. Il y a
encore dans notre clergé quelques prélats,
beaucoup d'ecclésiastiques , qui sont do
bonne foi dans l'opinion contraire. L'Eglise
universelle, bien qu'elle en gémisse, a cru
devoir, dans un esprit de conciliation sage,
puisqu'elle l'a eu, tolérer cette opinion. Il
ne convenait pas que nous, laïque, vinssions
jeter nos a[)pi'éciations au milieu des doc-
leurs, juges naturels dans de semblables
coullils. C'est déjà bien assez que nous
osions nous faire écrivain narrateur des
choses et des faits qui ne sont pas en dis-
cussion. A notre avis, les lai(jues doivent se
mêler le moins possible des choses reli-
gieuses. On ne peut donc nous savoir mau-
vais gré do notre réserve.
Maintenant, qu'on vienne nous dire que
nol;-e travail est incomplet sous une infinité
de rapi)Oi'ts, nous n'eu serons point étoiuié ;
nous n'attendrons pas ce reproche. Nous
courons au-devant, |)Our le recevoir nous-
môme à litre de vérité. Ou'v a-t-il de com-
pl(!t dans le genre? Pas un liistoiien, pas un
recueil, pas môme les Bollandistes; et quand
on voitcettti montagne de volumes à coté de
notre opuscule, on demanderait à ce dernier
d'être complet? Mais il renferme non pas
dix, mais deux cents articles qui, traités à
fond, exigeraient plus de place (lu'il n'en
prend tout enti(!r lui-même. Nous savons,
qu'on nous pardonne cet orgutîil, comment
il faudrait traiter un [)aieil sujet, s'y dévouer
eniièr(nne,!it, sans autre préoccupation, sans
autre bul,i>ajis6uucidercxistence matérielle;
13
AVKIVTISSEMEN'f.
14
sans obstacles aucuns autour de soi, se met-
Ire h la lAtlie sans viser ^ la (in dès le coui-
raencenienl, et passer sa vie ii l'œuvre, con-
tent dVlre allé jusciu'où Dieu l'aurait per-
mis. Les auteurs sont trop pressés, les
éditeurs calculent, les lecteurs attendent. A
qui la faute ? au siècle ([ui nous distrait des
grandes choses et qui nous loj-ce à ylisser
avec une rapidité navrante sur toutes les su-
perficicîs. 11 n'y a pJus guère de Bénédictins.
On sait les dillerences essentielles qui
fout qu'un dictio'uiaire et une histoire sont
deux travaux absolument distincts : chacun
a ses avantages et ses inconvénients ; l'un ne
saurait sui)pléer à l'autre. 11 n'entrera jamais
dans la pensée de personne quun dictionnaire
historique puisse remplacer les histoires
générales ou partkulièi'es ; mais il entrera
dans les convictions de tous, que le diction-
naire est indispensable pour l'étude du fait
en parliculier, pour la recherche des malé-
riaux de travail, pour la réminiscence ou |-our
la coinaissanVe d'un point d'histoire. L'his-
toire est plussjiécialemeiitfaite j)0urceuxqui
veulent savoir, le dictionnaire pour ceux qui
savent déjà. L'ordre de ce dernier, oiic! a(iuo
f;\it se trouve h sa lettre, [)ermet de le trouver
sans hésitation, et évite la peine de feuille-
ter des volumes et de dépenser des heures
précieuses.
Dans tout le cours de cet ouvrage nous
avons constamment visé à ne pas émettre
une proposition qui ne fût orthodoxe. Nous
répr uvons d'avance tout ce qu on pourrait
attribuer comme sens à nos paroles, qui ^é
le fût pas. Nous avons en général ehoiNÎ des
guides snrs, autant que poss.ible, j^uisant aux
sources elles-mêmes.
Comme nous le disons plus haut, nous
donnons beaucoup de biographies de martyis
ou (le confesseurs dont les noms ne sont p. s
au catalogue des iramts; souvent nous I ur
attribuons ce titre. Avons-nous besoin de
dire au lecteur que nous n'avons pas plus
l'intention que nous n'avons laulorlé de
mettre au nombre des saints ceux qui n'ont
pas formellement été reconnus coir.me tels
par l'Eglise? Evidemment non; cet.e quali-
licat on, sous notre plume, exprime simp:e-
mmt (|ue les personnages desquels nous
parlons sont dignes de la vénération pi. bi-
que, à cause de leurs mérites, de leurs souf-
frances; mais elle ne va ; oint jusciu'à con-
trevenir par le fait au décret d'Urban "S'IIl
sur cette matière. Nous savons paitaitemei.t
que, qu. Isque soient les tit.es d'un peison-
nage qu.lconqiie, il ne peut être regodé
authi nti jiiCment comme sa nt < t reçu comme
tel [)ar l'Eg ise, quai/tiait c|u'il a éléprojfosé
à la vénération | ubbque par l'aulorité du
sauit-sié^e, ou par celle des églises [)articu-
lières, avant que ce dro.t eût été réservé
formellemenl. ux successeurs de saint Pierre.
Nous fais'.jns aussi h môme remarqua' rela-
tivement aux miracles qui n'o. t pas éié exa-
minés ni approuvés juri(iiqueme U. Histo-
rien, nous racontons les faits; quant à les
marquer du sceau infaillible de 1 authenti-
cité, ce droit est réservé aux juges institués
pour cola. Nous devons dire ici que nous
avons quelquefois été très-réservé dans la
narration de certains f.iils léputés niiiacu-
leux. Il y a des [)ersonnes qui, \>nr un sen-
timent de piété fort ïual eut. ndue, acceptent
comme constants tous les récils qui rap-
I)oitent un [)rétendu miracle. Il leur sem-
blerait en quelque .sorti; commettre une im-
[tiélé si elles le contestaient; c'est ui e fiii-
blcsse dans laquelle un h stoi len ne doii [las
tomber. Il est dis auteurs originaux qu'il ne
faut fias suivre avec une conliance aveugle :
de la meilleure foi du monde, ils ont [)U se
tromper. Il ne suffit [las qu'ils uiseni avoir
vu, (juils aient réellement vu, pourqu>j les
f iits racontés soieni vrais. Qui leur a donné
l'infaillibilité ? Sera t-ce l'antiquité du récit?
Malgré tout le respect que nous dev(;ns aux
anciens, nous ne pouvons nous empêcher
de dire ceci : Ce qui n'est pas vrai uans un
temps, n'est piis plus vrai iroiscents ans, mille
ans plus taïu. Les observateurs le^ mieux
intentionnés peuvent très-bien manciuer de
discernement; le [tréjugé peut très-bien les
avoir égalés. Nous avons eu occasion de
voir Ueinièremcnt un homme mstiuil, un
de nos «mis, qui ne concevait ]îas que liOus
pu.'sions Uiscuter une légende. — Ce qu'on
a cru si lon.^temps, disait-il, devait être vrai.
Discuter une <eu\e de ces pièce>, c'est se
donner le droit de les disent' r toutes; c'est
arriver h ne plus lien admettre; c'est f ire
du voltairianisme. On sent que de | areiUes
objections ne sont pas discutables. Oui, nous
avons souvent omis les récits de certains
tiiiracles qui nous ont paru eniachés der-
renr. Souvent nous avons critiqué certains
faits généralement admis. Faliait-il, par
exemple, que nous acceptassions eomUift
miracle le fait suivant ? Un sant envoie son
discip'e puiser de l'eau à une fonta.ne; le
disciple revient épouvanté, disant qu'il a vu
une vipère dans la fontaine : le saint retourne
avec le discip.e, fait le signe de la cioix sur
l'eau, en puise, la boit ci n'en meuft [las.
D'abord les vipères i e vont pas dans le.^ fon-
tiiines, à moins qu'i 1 es n'y tombent. Leur
vcn n ne se mélange pas à l'eau; y lût-.l mé-
langé, (ju'on [ounait le boie impui;ément.
Le veiiin do la vipère n"a pas d';,clion sur le
tubed'gest f dans l'état noi mal. laut-il noire
au récit suivant ? D> ux saints missionnaires
sont pris en Amériqu -. On leur r-uvre le
ve. tre, on lei r ariaihe Je caur, on les en
frai;|)e au visage et ils [)arient ensuite. Nous
non-, bornons a cette question. Souvent nous
avons été à même de voir avec quelle légè-
leté des persoiiLes très- pieuse.^ acmettan nt
des iaits conuiie miraculeux. Nous avons
souveiàr d'avoir vu, dans une grande ville
de rOuesî, un couvent (;L1 on jirétcndait
qu'un giand miracle avait eu lieu. ISous fû-
mes très-mal venu en voulant tonte.'îter ce
miiacle. Les bonnes religieuses ne souf-
fraient pas de discussion à l'endioit de leur
miracle. Voici le fait : Un médecin déclara
incurable une jeune tille appartenant à l'une
des nombreuses maisons religieuses confiées
à ses soins. Après cet arrêi de la science.
15
AVERTISSEMENT.
16
les relisieuses tirent une neuvaine, et la
jeune fille guérit. Aussitôt on publia que le
ciel venait Refaire un miracle; le tout re-
posait sur l'infaillibilité du docteur. Quant h
nous, eussions-nous eu pour y croire toutes
]cG raisons que nous n'avions certes pas,
nous n'eussions pas osé pousser notre con-
fiance en sa parole jusqu'à en faire la preuve
d'iui miracle, sa base j)0ur ainsi dirf. Il n'y
avait rien de miraculeux h ce (^u'une malade
j^nérit, quoique conJamnée par lui; au con-
traire. Encore un fait ijui '"evient à notre
mémoire. Dans les Vies des sain' s de la Thé-
baide, nous voyons que le diable, pour faire
})erdre son sérieux à un saint qui s'était im-
posé Tobligation de ne pas rire, faisait dan-
ser en l'air une plume attachée au bout d'un
bûton avec une ficelle. Peut-on sérieusement
admettre de pareils faits? Nous ne donnons
pas les noms des personnages, parce qu'avec
les r.oms, ces faits deviendraient bien plus
facilement une arm- entre les mains de ceux
qui voudraient en faire une moquer.e : nous
n'y voulons pas prêter. Bon nombre d'écri-
vains rejomma idables pi^uvent quelquefois
embarrasst^r beaucoup ceux, qui les consul-
tent. Pleins de bonne foi eux-mômes, iis n'ont
pas f)sé se défier de la bonne foi dos autres,
et ils ont adopté des récils qu'une confiance
muins grande leur eût fait rejeter. Us sont
ainsi devenus eux-mêmes, pour ainsi dire,
une seconde autorité. Du reste, nous ne
croyons pas que cette dernière réfiexion
puisse concerner autre chose que des faits
de peu d'importance.
De tout ce que nous venons de dire, il est
juste de conclure qu'il faut de la critique et
du discernement pour distinguer le vrai du
faux. Cependant, il est équitable de convenir
qu'à l'époque où nous sommes, les secours
ne font [)as défaut à qui veut écrire un ou-
vrage du genre du notre. De nombreux au-
teurs, tous fort recommandables, ont publié
des travaux qui permettent de marcher d'un
pas assez sur dans le dédale de l'histoire ec-
clés asti(iue. A la tête de tous, d f .ut mettre
les Bollandistes , auteurs des Acta Sancto-
rnm, Baronius, Le Nain do Tdlemonl, Uui-
nart, les deux Assemani, et une foule d'au-
tres non moins recommand d)les. (^e sont ces
auteui'S fjue nous avons suivis. Nous man-
querions à la reconn dssance si nous ne les
citions pas, ainsi que Fleury, Uohrbacher,
dont l(;s i.isloirus nous ont aussi beau:;oup
servi. Nous nous sommes aidé bien souvent
de l'ouvrage d'Alban Butler, traduit par Go-
des;art. .Malgré toutes ses imjterl'ect dus, ce
livre est un lecueil [précieux, qu'on a beau-
coup lro|) pris l'habitude de décrier.
Nous lermineioûs cet avertissement en ré-
pétant que nous n'avons pu faire dans ce li-
vre qu'un abrégé, et que ce serait vraiment
une prétention injuste d"y vouloir trouver
autre chose que les qualités d'un abrogé.
Les matières que nous avons traitées sont
très-abrégées dans Fleury, qui .1 6 volumes
de notre format. Tillemom, qui a IG volu-
mes in-i", n'est allé que jus ju'au W siècle.
Rohibacher lui-même, avec ses 28 volumes
in-8% compactes, n'a fait qu'un abrégé, si on
considère les faits en particulier. Les Bol-
landistes seuls ont disent • s.ienliliquement ;
aussi leur œuvre n'est-elle pas achevée, mal-
gré les montagnes de do umeiits qu'ils ont
entassés. 11 y a cependant une fiartie que
nous avons, autant que [)Oss ble, wonnée m
extenso : c'est ce qui a trait aux faits ['arfai-
tement authentiques. Là les citations ne
font pas faute dans notj^e livre. Nous l'avons
déjà dit : le res/iect des documents authen-
tiques doit être la principale préoccupa-
tion de l'historien qui traite de ces matièi es.
A propos d'un autre ouvrage du même genre
que nous publions [Histoire générale des
persécutions de l'Eglise ; Périsse frères ), plu-
sieurs prélats nous ont félicité d'avoir donné
sans les altérer ces trésors de l'histoire ec-
clésiastique. L'évoque d'Angers , notam-
ment, nous écrivait ces mots : « Vos lecteurs
vous sauront gré. Monsieur, de leur avoir
fait connaître les pièces les plus précieuses
de ce grand procès entre le christianisme et
l'idolâtrie. L'insertion de ces pièces dans le
corps de votre ouvrage fait honneur à votre
discernement. » M. Uohrbacher, qui nous a
donné une si excellente Histoire de l'Eglise,
a pensé aussi que l'inseriion des pièces au-
thentiques était bien importante. Nous ne
craignons pas d'être déuienti en disant que
dans son ouvrage les citations font près des
tro.s quarts du texte. Qaelques-uns pour-
raient prendre cette phra>e [)Our une criti-
que, ellesignitie le contraire. Hiumnage à
1 écrivain qui sait construire avec de tels
matériaux! Pour nous, cette histoire est In-
comparablement la meilleure, [)arce qu'elle
est la plus nourrie de faits; parce (|ue c'est
moins l'historien (jul |)arlc que lligllse de
Dieu, qu'il a constammeiit mise en scène en
faisant parler ses docteurs et ses saints, ils
avaient ta. Hé les pierres de l'édifice, il les a
réunies avec une certitude de coup d'œil et
une puissance d érudition, dt^S(iueiles on ne
sauiaii. trop faire l'éloge. L'homme (jul tra-
vaille poui la vérité lait ainsi. Nous avons
tàcué d'agir de même en ellac^aiit le plus
souvent possible notre récit, nos apj)récia-
tioiis ; nous serions trop heureux si nous
avions quelque peu réussi.
AVIS.
Pour ne pas embnrrasser le leclenr, nous n'avons pas mis d'abréviations dans ce Dictionnaire. Rien, par
consL'qucnt, à iniliqiier à col cndroil. Quant au rlassenient des faits, voici Tordro que nous avons suivi ; il
a ses inconvénients (jui nous ont semblé moindres que ses avantages. Aulantque possible, nous avons placé
les saints du même nom par ordre chronologique, sans nous préoccuper de ce qui aurait pu nous louruir
1 élément d'un autre ordre de classement, des prénoms, par exemple, quand il en existe; ce qui, du reste,
n'a pas lieu pour les saints de la primitive Eglise. Les saints à date ignorée ou très-incertaine, nous le»
avons rejeiés en niasse après leurs homonymes à dates certaines. Nous plaçons les persécutés avant les per-
sécuteurs du même nom qu'eux.
Dans les .Martyrologes et dans beaucoup d'historiens, nombre de martyrs sont indiqués comme ayant
souffert sous tel ou tel empereur, sous tel ou tel souverain, sans fixation exacte d'anii: e. Une telle indica-
tion est une date; mais, sans faire injure à la plupart de nos lecteurs, nous croyons ([u'idie est iiisulïisaiilc
pour eux. Généraiemoni on sait peu, ou du moins on ne se souvient guère, que Tr.;jaii, par exemple,
monta sur le trône en 98, Adrien en 117, Marc-Aurèle en 161, Valérien en 253, etc. Or, quand il sera
dit d'un saint ceci : « Son martyre eut lieu sous Alexandre-Sévère, » cela fera-t-il que le lecteur se reporte à
la date 222? Nous ne le croyons pas. Donc, pour éviter que le lecteur gourmande inutilement des souvenirs
récalciiranls, ou qu'il soit forcé de recourir sans cesse à un dictionnaire des dates, nous croyons conve-
nable de donner ici la nomenclature des empereurs jusqu'à ceux sous lesquels l'Eglise a cessé d'être par-
sécuiée.
NOMENCLATURE DES EMPEREURS ROMAINS.
N°^ d'ordre.
1er
2
3
4
6
7
8
9
10
il
12
13
U
15
16
17
18
19
20
21
22
23
U
25
26
27
28
29
30
31
32
33
34
35
36
37
38
39
40
Nom s des empereurs.
Dates d'avénemeot
.\ngnste .
avant J.-C. 27
Til ère . .
aprèsJ.-C. 14
Caligula . .
37
Claudel" .
41
Néron . .
54
Galba . .
65
Olhon . .
69
■Vilellius. .
69
Vespasien .
69
Titus. . .
79
Domitien. .
81
Nerva. . .
96
Trajan . .
98
Adrien . .
417
Anloîiin . .
138
Marc- Au IV le
161
Commode .
180
Pertiiiax. .
193
Sévère . .
195
Caracalla .
211
Maeriii . .
217
Iléliogaîiale.
218
Alexandre-Sévère. .
222
Maxiinin. .
235
Pubien . .
238
Gortlien . .
239
Philippe. .
245
Décius. . .
249
Gailus . .
251
Emilien . ,
252
Valérien. .
253
Gallien . .
261
Claude IL .
269
Aurélien. .
270
Tacite . .
276
Probus . .
" 276
Carus. . .
282
Dioelélien et
Maxi-
mien . .
• .
284
Constance-Chlore. .
304
Constantin .
•
306
NOMENCLATURE DES SOUVERAINS DE CONS-
TANTINOPLE.
N*>9 d'ordre. Noms dos empereurs. Dates d*avén(>meat
1"^ Constantin le Grand
2 Constance. . .
5 Julien l'Apostat .
4 Jovien ....
5 Valentinien. . .
6 Gralien ....
7 Théodose le Grand
8 Arcadius ....
9 Théodosell. . .
10 Marcien. . . .
H Léon I". . . .
12 Léon 11 ... ,
13 Zenon
14 Anastase . . .
15 Justin l»"" . . .
16 Jjslinienl*''. . .
17 Jubtin IL . . .
18 Tiiière Constantin
19 Maurice. . . .
20 Phocas ....
21 Héraclius. . . .
22 Consiantin 111 . ,
23 lléracléonas. . .
24 Constance II . .
25 Constantin IV . .
26 Jusiinien IL . .
27 Léonce ....
28 Absimare . . .
29 PhilippiqueBardanez
30 Anastase II . . .
31 Théodose III . .
32 Léon 111, d'Isaurie.
33 Constantin V . .
34 Léon IV .
33 Constantin VI . .
36 Irène
37 NiC' phore 1" . .
38 Michel I" . . .
39 Léon V . . . .
40 Michel IL . . .
41 Théophile . . .
42 Michelin . . .
330
335
361
563
364
575
379
595
408
4b0
457
474
474
491
518
527
665
576
683
602
611
641
641
642
669
686
696
699
7l2
715
717
717
741
775
780
797
802
815
815
820
ZZd
B42
DICTIONNAIRE
DES PERSÉCUTIONS
DE l'EGIISE (CATDOIIPE.
AARON (saint), martyr, était Breton de
naissance. Il vint d'abord à Rome, où jl
s'appliqua beaucoup à 1 étude' de l'Ecriture
sainte, il passa ensuite en Angleterre, où il
reçut la couronne du martyre sous Dioclé-
ti en, vers l'an 287, à Caerléon sur l'Usk, dans
le comté de Montmouth, avec saint Jules.
L"Eglise fait la fête de saint Aaron et de saint
Jules le 1*" juillet. (Voy. Alford, ad annum
287.)
ABACHUM fsaint), fils de s^int Maris et de
sainte Mar.he, frère de saint Audifat, viit à
Rome avec eux pour visiter les tombeaux
des apôtres. Arrêté avec eux comme chré-
tien, il soulfrit, sous Claude II le Gothique,
la bastonnade, le chevalet, le feu, les ongles
de fer, eut les mains coupées et ensuite fut
décapité. Son corjts fut Itrûlé. L'Eglise honore
sa mémoire le 19 janvier.
ABDAICLA (saint), m:irtyr en Perse sous
le règne de Sapor, a des actes qui lui sont
corauiuns avec saint Siméon , évoque de
Ctésiphon et de Séleucie. Nous y renvoyons
le lecteur. (Fête le 17 avril.)
ABDAS (saint), martyr, évoque de Cascar,
en Clialdée, vivait sous le roi Sapor. Ce fut
dans la GG* année du règne de ce prince (par
consé(pient en 37G ou 377) qu'il remporta
la couroime du martyre avec vingt-huit au-
tres chrétiens, dans la vilie de Lédan, au
pays des l!iizil(;s. Il soulfrit un vendredi,
vers le 15 mai. L'Eglise fait sa fête le IG.
AB.jON (sailli), martyr, était Persan d'ori-
gine; il vint avec saint SeniuMi à Rome : il y
iiit arrêté avec lui comme chréticm, souffrit
de très-orands loiirnuMits poiir la fti, et 1er-
niiiia enliii s(;s jours [lar l'épée, sous l'em-
pire <t en |)résf'nce di; l'empereur Dèce, en
l'ann/^Mi 2.i0. Les actes (h; c(!S deux saints
sont sans auloriié. L(;s chi-éliens de Rome
reçurent es d(;ux sjiinis, non noint comme
des étrangers, mais comme; des frères (pie la
môme espérance, la même foi leur unissaient
d'esprit et de cœur, parenté chrétienne plus
puissante et plus forte que les liens de na-
tionalité, et môrhe que les liens de famille.
Les deux sajnts, après leur mort, fuient dé-
posés dans la maison d'un sous-diacre nommé
Quirin. Sous le règne de l'einpereur Cons-
tantin on déposa leurs corps dans le cime-
tière de Pontien. On dit que le pape Gré-
goirelV transporta leurs corps dans l'église de
Sainl-Marc, dans l'intérieur de la ville. D'au-
tres disent que le pape Damase les avait
doipés, en l'année 370 ou à peu près, h saint
Zén.Qbo de Florence. D'autres, enfin, ont pré-
tentlù qu'ils furent transportés à Saint-Mé-
dard de Soissons, et qu'ils y sont demeurés
jusqu'aux guerres des huguenots, qui les
brûlèrent. L'Eglise fait la fête de ces deux
saints h' 30 novembre.
ABIBE (saint), diacre et martyr, versa son
sang pour la foi à Fdesse, en Syi-ie, du lemps
de i'ejnpereur Licinius. Le juge le fit déchi-
rer avec des ongles (Je fer, puis ensuite le lit
jeter dans le feu. L'Eglise honoi'e sa mémoire
le 15 novembre. (Extrait du Martyrologe
romain. Pas d'actes sérieux.)
ABJÉSUS (sauit), martyr, évêque de Cas-
car, donna son sang pour la foi en l*eise,
sous le roi IsJegerde, ou mieux Yesded-
jerd. Le Martyrologe romain le met dans
le iv' sièchs sans date précise. 11 est pour-
tant facile de l'établii- h fort i)eu de chose
près. Le roi Yesdedjerd monta sur le trùne
en 39i), et mourut en 'i20. Or il ne régna
pas tout h l'ait deux ans durant le iv siècle.
Saint Abjésus dut donc ê re martyrisé à la
lin de 39!) ou au couis de l'an khO. Il eut
poui' compagnons (h* son martyre sei/.e- pi'ê-
tres, neuf (liacres, six moines et sept vier-
ges. Sa fête a ;\ussi lieu h» 16 mai.
ABONDANCE (saint), mait,>r, UKuirut à
Ronu! pour la loi ( ln('lie!Uie, avec les saints
L(''oii. Donal, lNicéplior(^ et ncid'antres. L'E-
glise honore leur mémoire le l" mars.
SI
ABO
ABO
î«
ABONDANCE (saint), diacre et martyr,
inonrut pour la foi avec saint Abonde, prôlre,
sous Diocléliun. Sa l'ôte a lieu le IG septem-
bre.
ABONDE (saint), martyr comme le précô-
dent, fut martyrisé h Borne pour la défense
do 1,1 leligio'l de J(^siis-('.liri t. 11 eut pour
compagnons de son martyre les saints Alexan-
dre, AiitigOïK? et Fortunat, (pii sont honorés
avec lui |)nrrKylise, lo27 février.
ABONDIi (sai'it), évtVpje et confesseur,
soulfrit divers loiirinenls pour la foi chré-
tienne, «^ Conio. On ne sait ni la date ni les
détails de sa confession. Sa fête arrive le 2
avril.
ABONDE (saint), prêtre et martyr, souffrit
la mort pour Jésns-Cluist , sou^ je réj^ne et
durant la iierséculion de Dioclélien, avec
saint Abondance, diacre, saiui Marcien, per-
son"ia;e dlustre de Kume, el son tils Jean,
que les deuv saints avaio-it rt'ssiisciié. Ils
furent tous exéiuilés sur la voi^^ Flauii-
niei>ne. L'Kglise honore leur mémoire le 16
septembre.
ABONDE (saint), d'acre et martyr, sous le
règne et durant la persécution deDioclétien,
eut pour compagnon de ses souffrances saint
Carpnphore, prêtre. D'abord on les nnurtrit
de coups de bûton ; on les mit ensuite en
prison, où on les tint longtemps sans leur
donner ni à boire ni à manger. Après cette
longue torture, on les mit sur le chevalet,
où ils furent cruellement tourmentés. Enfin
ils eurent la tète tranchée. L'Eglise honore
leur mémoire le 10 décembre.
ABONDE (saint) fut martyrisé à Rome
sousTempire de Valérien, avec saint Irénée.
Ils avaient relire le corps de sainte Concorde
d'un cloaque où O'i l'avait jeté. Ils y furent
eux-mêmes jetés et noyés. Le prêtre Justin
les en ayant retirés, ils furent enterrés dans
une crypte [irès du corps de saint Laurent.
L'Eglise vénère leur mémoire le 26 août.
ABONDE ou ABONDANCE (saint), est cité
dans le bréviaire de Tolède, avec saint Just,
comme ayant été martyrisé pour la foi chré-
tienne, sous l'empereur Numérien et sous le
juge Olybre. On ne sait pas dans quel pays il
a souffert. Le Martyrologe romain dit qu'ils
furent condamnés au feu, mais que n'en ayant
souti'ert aucune atteinte, ils périrent par le
glaive. La fête de ces deux saints est célé-
brée par l'Eglise le H décembre.
ABONDE (saint), prêtre et martyr, versa
son sang à Cordoue, pour avoir parlé avec
trop de liberté contre la secte de Mahomet,
dans le temps où les Maures étaient maîtres
de l'Espagne. L'Eglise honore sa mémoire le
Il juillet.
ABOR.VIIO, franciscain et Itahen de nation,
fut pris, en 1746, le dimanche de Pâques,
dans le Chan-si. Il fut traîné de prison en
prison, pendant onze mois, et conduit enfin
à Macao, où on le remit aux mains du pro-
cureur de la ville, avec charge de répondre
de lui. Lessoldnts lui donnèrent des soufflets,
pillèrent ce qu'il ava^t de meubles et se'por-
tèrent envers son domestique à de si rudes
traitements, qu'il en mourut quelques jours
après. Les tribunaux se saisirent de l'alfairto
et le nri.sonnier fut forcé de comparaître.
Alors le (uandarin, se voyant obligé de l'en-
voyer, le suivit [)Onr lui flemander avant l'au-
dience de vouloir bien ne rien din,' des mau-
vais traitements ([u'il lui avait fait subir et
des vols commis;» son préjudice, lui promet-
tant qu'il ferait son po.ssible pour obtenir sa
liberté. Le P. Abormio ne comptait guère sur
ses promess(!s; mais ne; jugeant pas utile hia
religion de tirer vengeance de ce qu'il avait
soulf^.'rt, il [)romit ceqmj le mandarin lui de-
mandait. C{îlui-ci, bien loin de vouloir tenir
parole, forma l'alfrcux projet de se garantir
tout à fait des accusations (ju'il redoutait, en
faisant secrèlement mourir- le religieux dans
sa prison. Un seigneur condannié h une pri-
son perpétin^lîe, (!t (pii s'était trouvé renfermé
avec le missionnaii-e, It^quel l'avait iiulié à
la connaissance de la foi, fit avorter le pro-
jet du mandarin. Instruit des ordres que
celui-ci avait donnés, il lui lit dire que si le
P. Abormio mourait en prison, il en écrirait
à un de ses parents qui était puissant |)rès
dfc l'empereur. Le mandarin crut qu'il évite-
rait de voir connu d.i tribunal ce qu'il avait
tenté, en resserrant tellement ses prison-
niers qu'ils ne pussent avoir aucune commu-
nication ni entre eux, ni avec personne du
dehors. Il fil construire un nouveau mur de-
vant la prison, et fit attacher les détenus avec
des chaînes chacun aux deux murailles op-
posées d'un cachot fort étroit, de sorte qu'ils
ne pouvaient ni se tenir debout, ni s'asseoir,
ni même se remuer. L'unique adoucisse-
ment qu'on leur accordât fut de les détacher
quelques heures chague jour. Ce supplice
dura un mois et demi. Des chrétiens ayant
sauté par dessus les murs, jetèrent par une
petite fenêtre du pain aux missionnaires.
Ayant été pris, ils furent rudement châtiés
par ordre du mandarin. Enfin, les mandarins
supérieurs le renvoyèrent à Macao sous la
garde de deux soldats. En chemin, le P. Abor-
mio prêchait tous les jours. Plusieurs man-
darins voulurent l'entendre et l'invitèrent
même à leur table. Un seul le maltraita dans
sa route ; ce fut celui (ÏHyang-Chan. Cet
homme, qui avait signalé sa haine contre la
religion par ses traitements barbares envers
le P. Beutli, lit donner 32 soufflets au P. Abor-
mio et le fit mettre deux fois à la torture.
Voici une partie de l'entretien qu'ils eurent
pendant l'audience : « Es-tu Chinois ou Eu-
ropéen ? — Je suis Européen. — C'est faux,
tu es Chinois comme moi ; ta mère habitait
le Hou-Kouang ; ie l'ai deshonorée; qu'on
donne dix soufflets à ce menteur, pour avoir
méconnu sa patrie.» Après les soufflets don-
nés, le mandarin reprit :—« Quelle est ta
religion ? — J'adore le Seigneur du ciel. — Il
n'y a pas de seigneur du ciel ; tu ne sais ce
que tu dis. — Dans une maison n'y a-t-il pas
un chef de famille? dans un empire, un em-
pereur? dans un tribunal, un président? De
même le ciel a son Seigneur, maître de toutes
choses. » Ce fut sur ces réponses que le man-
darin fit frapper et mettre deux fois à la ques-
tion ce généreux confesseur de la foi. Le P.
25
\BR
ABR
U
Abormio fut malade plusieurs semaines des
mauvais traitements qu'il avait reçus.
ABRAAMIUS (saint], martyr, évèque d'Ar-
belles, ville capitale de l'Abiadène, lui mis à
mort ()Our la loi clnétienue en l'an de Jésus-
Christ 3iS, L'Eglise honore sa mémoire, le 5
février. Il fut un des iiomhieux martyrs que
lit la persécution de Sa{)or. [Voy. Sozomène,
1. II, ch. 1-2.)
ABHAHAM fsaint), solitaire, prêtre et con-
fesseur, s'est distingué de plusieurs autres
saints qui ont })orté comme lui le nom du
patriardie et du i)ère de tous les tld'.-les, par
I'honi:eur |)articulier qu'il a eu d'avoir pour
historien le grand saint Ephrem d'Edesse,
qui non-seulement viv.iit dansleméme temps
que lui, c'est-à-dire durant le iV siècle de
TE^^Iise, mais qui se représente comme son
ami particulier, qui le visitait quelquefois,
qui |)renait part à ses alllictions et h ses joies,
qui unissait ses larmes avec les siennes. L'u-
nion de ce saint avec saint Ejjhrem nous fait
croire qu'ils ont vécu dans le même pays,
c'ebt-h-dire autour d'Edesse, capitale de l'Ôs-
rohène, dans la Mésopotamie. 11 naquit au
plus tard vers l'an 300, autant qu'on ]c peut
juger par ce que nous dirons de la suite de sa
vie. Il eut pour parents des perso mes fort
riches qui l'aimaient extraordinairement,
mais qui ne songeaient qu'à l'avancer dans
le monde pendant qu'il ne pensait qu'à s'ap-
procher de Dieu en fréquentant l'Eglise, en
méditant ce qu'il y avait entendu de l'Ecri-
ture, et j)ar d'autres exercices de piété. Le
r.espect de ses parents le iorça de céder enfin
aux tréquenles instances qu'ils lui tirent pour
épouser une tille à qui ils l'avaient accordé
encore enfant. M.ùs, le septième jour des no-
ces, avant senti dans son cœur un vif rayon
de la gr..ce, il quitta son épouse et la maison
de son père, et alla se cacher plein de joie
dans une cabane qu'il trouva vide à une pe-
tite lieue de la ville. On prétend que, selon la
coutume de ce temps-là, les mariages nes'ac-
coinplissaient qu'ap es sept jours de solenni-
tés et de l'eslins ; de sorte que saint Abraham
peut avoir conservé sa virginité entière et
celle de son épouse. Ses parents le trouvè-
rent dans sa cabane dix-sept jours après, et
Dieu lui donna la force de les faire consentir
à l'v laisser en repos pleurer ses péchés 1 11
en mura même la porte, n'y laissant qu'une
petite fenêtre pour recevoir la nourriture
(lu'on lui api)Ortait. I! avait vingt ans lorsqu'il
se retira ainsi dans la solitude, et il persé-
véra durant cinquante ans, c'est-à-dire jus-
qu'à ce que la mort vint l'en faire quitter à
r;lge de soixante-dix ans, cinq ans au moins
avant l'an .'578, auquel saint Ephrem mourut.
C'est ce qui nous a lait mettre sa naissance
vers l'an 300.
iTy vécut dans une grande austérité, ne
mangeant pas môme de pain, dans les veilles,
dans les larmes, dans l'humilité, d.ms une;
chaiilé et une douceur ég.des envers tout le
monde, sans jamais changer, durant tant
d'années, sans se relAcher, sans s'enimyer,
ou plutôt sans se ra.ssasier jamais de la
douceur de la pénitence, regardant chacine
jour comme celui de sa mort. Il ne passa ja-
mais un seul jour sans verser des larmes, et
jamais au contraire on ne le vit même sou-
rire. Au milieu d'une vie si dure et si aus'ère,
il conserva toujours un visage frais, un air
agréable et un corps qui ne manquait point
de force ni de vigueur, parce que !a grAce de
Dieu qui le soutenait suppléait au défaut de
la nourriture. 11 semble qu'il y ait eu aussi
quelque espèce de miracle dans la durée de
ses habits. Dieu récom!<ensa plus avantageu-
sement sa piété par la lumière, la sagesse et
l'intelligence que la grâce lui donna ; de sorte
que sa ré[)utation se répandant de toutes
paris, on accourait à lui de tous côtés jiour
profiter de ses discours. Toutes ses richesses
consistaient en un manteau, une tunique de
poil de chèvre, un peiit plat pour manger et
une natte de jonc pour dormir; car il ne tra-
vaillait à rien tant qu'à dégager son cœur et
son esprit de toutes les choses temporelles,
pour ! ap|)liquer à la f)rière et à pleurer ses
pé'hés. C'est pourquoi son iièrc et sa mère
étant morts dix ans après qu'il les eut quittés,
il pria un ami de distribuer aux pauvres les
grands biens qu'ils lui avaient laissés, sans
s'en embarrasser davantage. Il restait encore
quel(|ue chose de celte distribution, lorsque
l'obéissance l'obligea de quitter sa retraite
pouraller travailler à la conversion d'un grand
village du diocèse où il vivait, dont tous les
habitants étaient païens, et si attachés à leurs
superstitions, que jamais ils n'avaent voulu
écouler ni divers prêtres et diacres (|ue l'é-
vêque y avait établis, ni un grand nombrede
solitaires qui avaient entrepris plusieurs fois
d'y travailler. Ils persécutaient même si cruel-
lement ceux qui leur venaient prêcher la foi,
qu'ils avaient toujours été obligés de se reti-
rer sans rien faire. L'évêque d'Edesse, extrê-
mement ailligé de leur résistance, proposa d'y
envoyer Abraham comme le plus grand ser-
viteur de Dieu qu'il connût, et le plus capa
ble de les convertir par sa charité et par sa
patience. Tous ses ecclésiastiques entrèrent
dans son sentiment. Ils vinrent tous ensem-
ble à la cellule du saint, et après une longue
résistance, ils forcèrent enfin son humilité,
l'emmenèrent à la ville où l'évêque, avec bien
de la joie, l'ordonna prêtre et l'envoya tra-
vailler à l'ouvrage du Seigneur. 11 le fit au-
tant en priant Dieu pour ce peu|)le, dont la
dureté môme le touchait de compassion,
qu'en leur prêchant la vérité. 11 employa ce
qui lui restait de son bien à y bAtir prom[)le-
ment une église fort belle et fort ornée; de
sorte que les habitants vtnaient tous les
jours la voir par curiosité ; et, après qu'elle
fut achevée, il l'odril à Dieu par ses prières,
en le conjniant û'y vouloir bientôt rassem-
bler ces infidèles, qui apparemment n'avaient
osé l'cnnpôcher de la bAtir, parce qu'il était
appuyé de l'autorité des magistrats et |)eut-
ôtr(! par un l'escrit de l'empereur môme ob-
t(niu par révè(pie. Car, selon la suile de so'.i
histoire, il |)ar'ait (ju'il fut envoyé à ce villa ;e
sous le règne de Constantin, eiitie l'an 330
et l'an 33'i. Juscpie-là il av;nl souvent passé
;ui milieu des idoles, dont levillage étaitplein,
25
ABR
ABR
2C
en so contentant do gémir et do pleurer de-
vant Dieu, sans dire môtne une parole. Mais
alors animé d'un nouveau zèle, en sortant
de i'é|:;iise, il alla briser toutes les idoles du
bourg el re'iverser leuis autels, autorisé |)ar
le mouvement de l'esprit de Dieu aul;uit(pie
()ar le-« lois que le yiand Conslaitin av lil th'jà
publiées, (ies [teuples, furieux, se jetèrent
sur lai, le l'oueltèrent et le chassèrent de
leur bour^. 1! y revint aus-^ tôt et s'en alla
priei" et plein-or poui' eux à l'égl se. Ils turent
tout étonnés de l'y trouver le lendemain, et
il prit cette occasion [)Our leur ()arler; mais
au lieu d' l'écouter, ils le ballirenl cruelle-
ment et le traînèrent pir les pieds avec une
corde jus(iue hors du bourg, où après l'avoir
accablé de cou()s de picri'es et le croyant
ex|»iré, ils le laissèrent |)resi|ue sans vie.
Aussi furent-ils étrangement surpris lorsque
le lendemain ils le virent encore dans l'église,
qui chantait les louanges de Dieu debout.
Cependant leur étonnement se changeant en
fureur, ils le traitèrent encore comme ils
avaient fait la veille.
Il passa trois ans de la sorte, dans une suite
perpétuelle de soulfrances et de douleurs.
Mais, (luoiqu'oii le b,.ttît, qu'on l'outiageAt,
qu'on le traînât parles pieds, qu'on lui fît
enduier la faim ou la soif, au milieu de tant
de maux, il restait ferme sans s'ébranler ja-
mais ; sans avoir aucun mouvement de
colère ou d'aversion pour ceux qui lui fai-
saient tant de maux. Au contraire , plus ils
le maltiaitaient, plus il les aimait ; au milieu
de leurs raiLeiies et de leurs insultes, il ne
cessait point de les exhorter et de les ins-
truire avec toutes les marques de la charité
la plus tendre. Entin Dieu exauça ses prières
et ses souffrances, et le jour de sa miséri-
corde étant arrivé, ces inlidèles rassemblés
un jour ensemble commencèrent à se témoi-
gner les uns aux autres l'admiration où ils
étaient de la patience et de la charité du saint,
e't qu'assurément il fallait que ce qu'il leur
prêchait fût bien véritable, et qu'ils ne pou-
vaient mieux faire que d'obéir à Dieu qui
leur parlait par sa bouche. Sur cela ils s'en
allèrent en foule àl'église où le saint, voyant
qu'ils venaient pour renoncer à leurs erreurs,
]es reçut avei^ toute la joie dont son âme
était capable. Il les instruisit sur le mystère
de la Trinité consubstantielle et sur les au-
tres points de la foi, et les baptisa ensuite
jusqu'au nombre de mille personnes. Il passa
encore un an entier avec eux, les instruisant
jour et nuit pour les fortilier dans la piété.
Aiais, quelque amour qu'il eiit pour eux, la
Ci-ainte d'être obligé de changer sa manière
de vivre, ce qu'il n'avaU point fait au milieu
de tous les maux cju'il avait soufferts, et de
se trouver embarrassé dans les soins de la
terre, lit que, les jugeant assez affermis dans
la foi et la charité, il se retira la nuit, après
les avoir recommandés à Dieu par une prière
très-ardente et avoir béni le village par trois
signes de croix. On peut juger de la don eur
où fut ce peuple lor.ciuôn no le vit plus le
lendemain, et que ceux qui l'allèrent cher-
cher partout ne purent avoir de ses nouvelles.
lU eurent recours h l'évèque, qui, l'ayant
aussi fait chercher inutilement , vint, avec
tout son clergé, consoler ces nouveaux (idè-
les, et il eu choisit (juelques-uns (pi'il lit lec-
teurs, diacres et |)rêtres. I.e saint, (iuan(J il
le sut, en bénit Dieu, et s'en retourna alors
à son ancienne demeure où il s'cMd'erina
comme auparavant. Le diable, irnlé des avan-
tages qu'il venait de reuipurler sur lui, l'alla-
qua plusieurs fois visiblement ; mais il fut
t(jujours re()oussé [)ar l'humilité et la con-
tiance qu'Abraham avait en Dieu, sans avoir
pu seulement lui faire peur, et le saint, sans
s'amuser à lui, ne songeait i|u'h s'avancer de
plus en f)lus dans la veriu. Quand il appre-
nait que quelqu'un marchait avec ardeur
dans le chemin de la piété, ou qu'un autre
oifensait Dieu fiar sesciinies, il ne man'|uaii
point de demander dans ses prières la pei'sé-
vérance pour l'un et la grâce du salut pour
l'autre. Il était assurément rent; é dans la so
litude en la trente-huitième année de son
âge, lorsqu'on lui amena Marie, sa nièce,
que son frère, en mourant, avait laissée or-
pheline. Elle n'avait encore que sept ans; et
néanmoins le saint lit aussitôt distribuer aux
pauvres les grands biens que son père lui
avait laissés, et la fit mettre dans une cellule
proche de la sienne, où il y avait une fenêtre
par laquelle il l'instruisait. Elle profita telle-
ment sous sa conduite, qu'elle devint parfaite
imitatrice de sa vertu, à quoi saint Ephrem
contribua aussi par les exhortations qu'il lui
faisait lorsqu'il venait voir saint Abraham
Cependant, au bout de vingt ans, elle se
laissa malheureusement tromper par un faux
moine qui l'avait vue par sa fenêtre en ve-
nant souvent voir le saint, et qui la séduisit.
Pendant deux ans elle vécut dans le péché
et ne fut tirée qu'alors de ce dé.dorable état
par notre saint, qui avait eu connaissance du
lieu où elle s'était retirée. Il la gagna par ses
saintes exhortations, et elle revint pleurer
ses péchés et finir sa vie dans la solitude.
Abraham mourut enfin âgé de soixante-dix
ans. Presque toute la yille d'Edesse voulut
être présente è son enterrement ; chacun se
pressa avec dévotion pour s'approcher de ce
corps si chaste, et pour emporter ce qu'il
pouvait de ses habits ; on assure que tous
les malades qui le touchèrent furent guéris à
l'heure même. Les Grecs font la fête de saint
Abraham et de sainte Marie, sa nièce, le 29
octobre, auquel ils en font leur principal
olîice, conjointement avec celui de sainte
Anastasie, et l'on croit que cet oflice a été
composé par un saint Joseph, qui vivait
au IX.' siècle. Les Cophtes font aussi la fête
de saint Abraham le dernier du mois Babai
ou Paiiphi, cest-à-dire vers le 27 d'octobre.
Les Latins ne l'honorent que depuis peu,
tantôt le 29 d'octobre avrc les Grecs, tantôt
le 16 de mars, auquel Baronius l'a mis dans
le Martyrologe romain. Eux et les Grecs le
nomment quel(|uefois seul et quehjuefois
avec sa nièc^ (Tillemont, vol. VII, pag. 586.)
ABRAHAM (saint), martyr en Perse, donna
sa vie pour le christianisme, en l'an de Jé-
sus-Christ 339, sous l'empire et durant la
«7 ACR
l'i-rsécution do Sapnr. Ses actes étant les mô-
nips que ceux de sai-it Sapor, évoque de Beth-
Nictor, nous re-ivoyons le lecteur au titre
de ce dernier saint. La fête de saint Abra-
ham est célébrée par rE,Miso avec celle de
ses fompagnons, \o 30 novembre.
ABllAHAM DE NIUCHABOUH (saint), con-
fesseur, soallVit pour la foi chrétienne sous
Haziiei-d, deuxième du nom, roi de Perse, eu
l'anlkS'i- ou 455. Après la mort des six martyrs
d"Ab.u-Sahay, Joseph et leurs compagnons,
le chef des bourreaux vint trouver leurs
serviteurs, et en prenant deux qu"il jugeait à
la simplicité de leur phjsio lomie, plus fa-
ciles que les autres à persuader, il leur dit :
« Comment vous nomme-t-on? — J'ai reçu
de mes parents, répondit celui auquel la
question était adressée, le noui deKhoren, et
celui-ci s'appelle Abraham. Quant h notre
honorable condition, nous sommes serviteurs
de Jésus-Christ et disciples des saints que
vous avez mis à mort. ^ Pourquoi êles-vous
venus, demanda l'officier du roi, et qui vous
a amenés? — Vous auriez puapprendre cela
de mes maîtres, répondit froidement Abra-
ham. Ce n'étaient pas des personnages de
peu de considération ; ils avaient de magni-
fiques patrimoines et un grand nombre de
serviteurs tels que nous, ou plutôt medleurs
que nous, car ds les avaient instruits et éle-
vés depuis leur tendre enfance chez eux ;
nous faisions partie de ces serviteurs et nous
sommes venus ici avec eux, car le comman-
dement de Dieu nous oblige de vénérer nos
supérieurs siùrituels à légal de nos pères et
de les servir comme nos maîtres. » Le ciief
des i)Ourreaux, irrité, s'écria : « Tu es trop
hardi ; tu me parles sans peur, comme un
insolent; si vous étiez en pleine p:uxetdans
votre pays, h la bonne heure. Vos maîtres
oU i)iévai'i(|ué dans les alfairesde lèse-ma-
jesté'; ils ont été reconnus criminels et vous
n'auriez pas même dû vous en approcher.
Ne voyez vous pas à la cour du grand roi,
que loi'squ'un seigneur est tombé malheu-
reusement dans ladisgrAce du prince et qu'il
est Jeté dans les prisons île 1 Kta', il prend
d 'S habits de deuil, s'assied par terre, sisole
de tout le monde, et que personne, soit ami,
Soit domestique, n'ose l'aijprocher? Et vous,
serviteurs, qui êtes criminels aussi bien que
vos maîtres, vous osez encore vous en van-
ter coinuie ayant fait une bonne action ? —
Vos usigesne sont pas injustes, ré])ondit
Kliorcn, en pi-enanl la parole ; mais vous ne
dev(;/. pas nous faire un reproche du notre.
Un dig litaire coniblé d'honneurs par le roi
doit être exact et diligent dans le service de
son mailr ■, d(î sf)rl(! (ju'il serait élevé de di-
g lité en dignité. Mais s'il a ma u[ué <àson de-
voir, il est juste (pi'il soit dégradé et puni.
Si nos maîtres eussent été cou[»ai)les devant
le roi ou deva it Dieu, nous les (dissions
ti-ailés com ne vous le dit(;s, et nous ne les
aurions rn atjp.ochés d mis noln; pays, ni
suivis dans le votre. Ma s puis(ju'ils sontir-
ri'qtroc lables devant Di.iU i-t devant le roi,
vous les avez égorgés à tort et nous souiun-s
plus cjue jamais les .serviteurs de leurs sani-
ÀBR
^»
tes re\iques. — Je vous l'ai déjà dit, s'écria
le chef des bourreaux, vous n'êtes qu'un im-
pertinent, et il est facile de présumer que
vous avez participé en qualité de complice
dans tous les désastres dont ces hommes ont
été cause. — Quels dé-^astres donc? demanda
Abraham. — La révolte de l'Arménie d'a-
bord, répondit le chef des bourreaux, puisla
mort des mages, sans parler d'une foule d au-
tres. — Cela est trop vrai, reprit Abraham,
non-seulement de notre part, mais aussi sui-
vant vos usages, car le roi vous ordonne
une chose et vous la commandez à vos su-
bordonnés qui font leur devoir sans plus de
question. «Le clvf desbourreauxs'emj)orla:
« Par le dieu Miher ( le soleil), s'écria-t-il,
vous parlez [)lus insolennnenl que vos pré-
cej)teurs, et il e>t clair comiiie le jour que
vous êtes des hommes [)lus coupables qu'eux;
or, il ne m'est plus possible de vous sauvei-;
adorez le soleil, et suivez notre loi <à lins-
tant môme. — Jusqu'à présent, répondit Kiio-
ren, vous avez assez mal raisonné comme
homme, et maintenant voilà que vous aboyez
inutilement comme un cinen. Si le soleil
pouvait vouse iten<lre, voa* lui feriez hoiite;
mais il est insensible de sa nature ( t vous
l'êtes encore plus que lui par méchanceté.
Quand est-ce que vous nous avez vus recu-
ler dans la voie où ont maiché nos [)ères?
Ne perdez pas le temps en vains discours :
Agissez 1 allons, que tardez-vous, (ils du dé-
mon ? Meltez-i:ous à l'épreuve, essayez no-
tre fermeté, afin que vous et votre père in-
fernal vous soyez confondus. Je ne parle [»as
seulement pour nous qui avons atteint 1 Age
milr, mais les plus jeunes et les plus fdblcs
d'entre nous vous braveront de manière à
vous percer 1 Ame et le cœur. » Alors le
chef des bourreaux, ne sachant [dus ce q l'il
ftiisait et sous rinlluauce d'une excessive co-
lère, couim uida qu'on les traînât par terre si
Violemment et si longteiiq)s, que lorsque ce
supplice cessa, on les crut morts. Au bout de
trois heures ayant repris leurs sens, ils di-
rent : « Nous comptons pour peu de chose
l'outrage que vous venez de nous faire, et les
douleui's que nous venons d'éprouver pour
rien. Nous sommes heureux d'avoir subi vos
mauvais traitements et vos sujiplices, pour
l'amour de Dieu, comme l'ont fait nos pères
spirituels. Allons donc, ne vous lassez |)as,
point de pitié ; ce que vous avez fait à nos
maîtres, faitivs-le-nous. Si leurs actions vous
ont paru criminelles, nous le souimes da-
vantage, car ils nous coupnandaicnt seide-
ment, c'était nous qui exécutions en elfet
avec une ardeur excessive. » Le chef des
bourreaux., de [dus en plus irriié, ordonna
qu'on les battît de verges jusipi'à la mort.
Six bourreaux attachés à chaqnechrélie!! de-
vaient reu)j)lir cet alfreux oflii e en se re-
layant tour à tour. Pendant (pie ces confes-
srmis étaient étendus à t.n-rc et demi-nioits,
on leur cf)upa les oreilles; ce (pii fut exé-
cuté d'une manière si cruelle, qu'il ne rcista
plus à la place qu'un trou. Après un éva-
nouissement profond à cause de lu baston-
nade, dont les violonltjs douleurs de l'aïupu-
29 APK
talion les tiivroiil suulos, les coiircssiuus
bienheureux crièrent d'une voix su[)i)liantc
auchefdcis bourreaux : (inlee, i^a-Ace, vail-
lant oHiiier du roi, cxlerniinez-nous conuno
nos pères 1 nous souunes piivés de l'ouie et
fions ne pourrons plus pécher par cesons-1^;
njais en Vevanche nous n'en entendrons ((uo
mieux les inspirations célestes. 11 nous reste
( ncoro nos ne/ ; ne nous faites pas à demi
vos présents; vous nous priveriez d'une
jHirtie du bonheur du ciel, vous av(>z fait
expier à !ios coi'ps leurs j)échés en les ti-ai-
nant i)ar terre, ef ceux que nous avons com-
mis par les oreilles en les con{)ant; faites-
nous expier de même ceux de l'odorat eu
nous coufiant le nez ; car plus vous nous
rendrez diilormes sur la terre, i)lus nous se-
rons beaux dans le paradis. » Le chef des
bourreaux, stui)éfait de cette prière, leur ré-
pondit d'un ton plus calme: «Si je restais un
peu de temps avec vous, vous seriez capa-
bles de me vaincre et de me convertir à vo-
tre obstination ; mais je vais vous révéler
maintenant l'ordre de la cour : votre châti-
ment se borne Ih ; vous allez partir pour l'As-
syrie afin d'y labourer la terre pour le compte
du roi ; ceux qui vous verront apprendront
par votre exemple ce qu'il en coûte à ceux
qui s'obstinent à ne point ohéir aux ordres
de la cour. » Abraham et Khoren lui répon-
dirent : « A'ous nous avez ôté la moitié de nos
membres, comment pourrons-nous travailler
au domaine royal avec des corps si mutilés?
— Conduisez-les Lujours en Assyrie, dit à
ses soldats l'officier du roi, et en y arrivant,
laissez-les aller oi!i il leur plaira. » Ces con-
fesseurs arméniens, qui avaient subi avec
joie un atlVeux supplice, étaient inconsola-
bles de n'avoir pas reçu la mort. Celait avec
des regrets amers et une grande répugnance
qu'ils prenaient le chemin de la terre d'exil;
leurs chaînes aux pieds et aux mains leur
pesaient moins que l'oppiession qni était
lourde sur leur cœur, lorsqu'ils songeaient
qu'ils n'avaient pas été jugés dignes de rem-
porter la palme du martyre. Ce regret dura
aussi longtemps que leur vie. Arrivés dans
la province de Babylpne, au pays qu'on ap-
pelle Chéher/our, ds furent reçus des haiii-
tanls soit en secret, soit en public, avec véné-
ration et respect , tout con^iamnés qu'ils
étaient par la cour de Perse. Ils tirent tous
leurs efforts pour être utiles aux princes ar-
méniens et alléger les rigueurs de leur cap-
tivité en pourvoyant à leurs besoins. Ils
communiquèrent ce projet charitable aux
chrétiens les plus aisés de ce pa_ys ; les
grands et les petits y consentirent avec un
égal empressement. Toutes les personnes
pieuses furent aussitôt invitées à faire une
quête pour subvenir aux besoins temporels
des illustres captifs qui étaient en exil dans
ces pays lointains. Tous les ans, les chré-
tiens mutilés allaient recueillir des aumônes
et de l'argent, chacun plus ou moins, dans
les provinces voisines, et les apportaient re-
ligieusement aux captifs dans leur prison. Ils
remplirent pendant presque six ou sept an-
nées ce pieux office. Ces voyages fciligants
ABR
30
qu'ils(;ntre])renaienl sans repos,dansun]»a_ys
âpre et brûlant, de (^héherzour au Méched
et au Cachgar, pai' toute l'Assyrie enfin et
le Kouzislan, étaient si pénibles (|ue Khoren
mourut en voyage le lassitude et de l'excès
de chaleur. 11 fut révéré avec les saints con-
fesseurs par les habitants du pays. Abraham
continua la môme œuvre de charité ; il re-
cueillait en tous lieux les oïlVandes des fidè-
les et les portait dans dilférents [)ays pour
secourir tous les captifs; il pourvut ainsi d(j
son mieux h tous leurs besoins.
La douzième année depuis leur arresta-
tion, une partie des prhjces (jui avaient été
délivrés d(! leurs chani s el étaient rentrés
en grâc!', prièrent Abraham avec les [)lus
vives instances d'aller au pays d'Arménie,
afin que la nation y pût voir l'image vi-
vante des héroïques martyrs tombés sous
la hache, et d'instruire en inème temps leurs
familles et leurs amis do la manière coura-
geuse dont ils supportaient les cimuis de
leur captivité ; car, })ensaient-ils, quand les
martyrs, les confesseurs et les prisonniers,
qui souffrent pour la foi, seront vus par lui,
tout le royaume d'Arménie sera béni et
sanctifié. A la vue do ce digne chrétien qui
porte les marques de son supplice, les en-
fants grandiront dans la sainteté, les jeunes
gens resteront dans le sentier de la sagesse,
les vieillards s'encourageront à la patience, et
les seigneurs appr.'udront à pratiquer 1 hu-
manité. A sa prière. Dieu mettra la pitié
dans le cœur du roi, et il se déterminera à
purifier notre patrie. Nos églises et nos ora-
toii'es où sont les tombeaux des martyrs, se
glorifieront de voir le soldat de Jésus-Christ,
nos martyrs eux-mêmes, et béniront ce
martyr vivant. Le champ d'Avaraïr, tout
blanchi des ossements des héros , et dont le
sol a bu le sang des saints, ce vaste théâtre
de nos batailles, ti-essaillira de joie plus que
s'il était arrosé par des pluies abondantes,
sous les pas de ce inart,,r; il y aura en cet
endroit une réunion mystériimse entre le
martyr vivant et les martyrs morts, et tous
ces cantons seront vivifiés. Quand les moi-
nes et les ermites d'Arménie ve.rront ce digne
confesseur, ils auront souvenir de celte im-
mense armée de chrétiens qui, pour le pré-
server de tout mal, ont versé leur sang
comme une oblation agréable à Dieu. Vai
voyant ce serviteur des prêlres martyrs, tous
nos compatriotes se souviendront de ses maî-
tres,ces prêtres illustres qui fui-ent égorgés
par l'ordre du roi dans un ' terre lointaine,
et qui apaisèrent sa co.ère. Peut-être aussi, en
voyant ce saint homme, le pays reconnais-
sant se souviendra-t-il d ■ noire longue cap-
tivité ; on demandera à Dieu qu'il nous dé-
livre de cet esclavage el que nous puissioiis
revoir notre chère pairie, loin de laquelle
nous languissons depuis tant d'années. Ce
n'est pas seulement le désir de revoir i]as
familles qui nous presse, c'est celui de con-
templer de nouveau les églises que nous
avons bâties el les prêtres que nous y avons
placés pour les desservir. Si le bon Dieu
permet que ce saint homme arrive au terme
51
ABR
ABR
Si
de ce voyagp, el qu'il calme les inquiétudes
de nos familles, nous n'en serons que plus
fondés à espérer qu'ils nous ouvrira les
portes de sa miséricorde infinie, pour re-
tourner dans nos foyers par le môme che-
min que les pieds de ce saint homme vont
parcourir Ainsi pensèrent nos JDienheu-
rpux princf's, et à force d'insiances, ils par-
vinrent à lui persuader (Tentreprendic ce
vovage. Accoutumé comme il était mw œu-
vres de vertu et de chanté, il y consentit
sans trop liésiter, et il se rendit en Armé-
nie.!] est impossible de rendre l'accueil res-
pectueux qii'on lui lit de tous côtés : hom-
mes, femmes, grands, petits, nobles, pay-
sans, chacun se prosternant devant lui, lui
baisait les pieds et les mains. « Bén: soit ,
cessaient-ils, le Dieu qui vous envoie comme
un messager céleste pour nous annoncer la
bonne nouvelle de la résurrection et des fé-
licités du ciel ; car nous voyons en vous
tous les morts qui ont expiré en Jésus-
Christ, avec l'espérance de l'immortatilé, et
les captifs qui ne sont pas encore tous déli-
vrés. En vous nous esjjérons le rétablisse-
ment de la paix du royaume; par vous, nos
égl ses, notre clergé, les saints martys qui
sont nos intercesseurs auprès de Dieu, se
réjouiront d'une commune joie. Bénissez-
nous, saint Père; vous êtes la bouche des
saints qui sont morts; en recevant votre bé-
nédiction par votre bouche, nous croirons
recevoir celle des saints dans nos cœurs.
Vous avez ouvert le chemin à ceux qui as-
pirent nuit et jour à rentrer dans leur pa-
trie ; priez Dieu qu'ils y reviennent bientôt
sur vos traces, vous avez ouvert la route dé-
fendue du retour, route fermée depuis si
longtemps. Ouvrez-nous aussi, à nous qui
sonmies pécheurs, la i)orle du ciel par vos
prières. Nos supplications à Dieu se join-
dront aux vôtres [)Our intercéder en faveur
des captifs, et comme nous avons eu le bon-
heur de vous voir de nos yeux corporels ,
notre félicité sera sans doute complétée en
revoyant ceux que nous pleurons du fond
du cœur depuis un si grand nombre d'an-
nées. V' otre arrivée est pour nous un gage
de bonheur, et votre charitable présence
nous est garant que nous aurons bientôt
rinevf)rimable joie de contempler ces bi-aves
et patients captifs qui soutirent pour l'amour
de Jésus-Christ. Leur vue guérira les plaies
saignantes de nos Ames, el leur majestueux
aspect nous fera ounlier nos lotigues dou-
leurs. » Ainsi fut reçu, dans le pays qui l'a-
vait vu naître, ce saint coidesseur ; mais il
ne voulut pas y mener une vie publi(]ue.
Choisissant un lieu écarté et éloigné du
bruit du monde, il s'y élanlit avec trois ver-
tueux frères, et y m)urut en odeur d(i sain-
teté a[)rès liue j)énilence exemplaii(î. Il est
dillieib; de riconl<'r la vie de ce saint er-
mite dans sa retraite, sa (Ȏnilence et toutes
les vertus (ju'il y prati(piail. Il veillait toute
la imit comme une lamj)e ardente et jeûnait
tous les jours de sa vie comme l(;sang(;s (pii
n'ont j)as besoin de so nourrir. Quant à la
modestie, la douceur et l'humilité, personne
ne lui était comparable ; et quant aux be-
soins temporels et aux choses du monde, il
était comme un mort qui n'a envie de rien.
11 était assidu à réciter l'office divin, et, |)ar
une jirière ])erpétuelle, il s'entretenait sans
cesse avec Dieu, il était le sel de l'Ev.tngile
pour donner saveur à qui il en manquait
(Matth. v, 13), et l'aiguillon des paresseux.
Auprès de lui l'avarice se senl.nt mai dite, la
débaucheet lagourmandiseav.iient honte d'el-
les-mêmes. Il fut la santé de notre |)ays d'Ar-
ménie, et bon nombre de blessés (jui souf-
fraient secrètement dans l'àme, reçurent de
lui leur guérison. Il fiit le docteur des doc-
teurs et le |)ère instructeur de ses propres
pères. Au seul bruit de son nom, les inso-
lents rentraient en eux-mêmes, et devant
lui les impudents rotigissai nt de honte. Il
n'habitait qu'une hutte étroite ; mais le re-
nom de sa sainteté saisissait les absents
comme les présents. Les démons le fuyaient,
mais les anges venaient à lui, à cause de
lui; les habitants de la Grèce nous répu-
taient heureux, et les barbares des pays les
plus éloignés venaient le voir dans sa cel-
lule. 11 fut l'ami des amis de Dieu, et rame-
na un grand nombre de ses ennemis au sein
d-e l'Eglise. 11 était entré dès sa plus tendre
enfance dans la carrière de la vertu, et ce
fut dans l'exercice de la vertu qu'il rendit le
dernier soupir. Comme il ne se lia point par
le saint nœud du mariage, il ne fut astreint
à aucun des besoins de ce monde périssable;
enfin il échangea les choses du corps pour
celles de l'âme, et il fut ainsi transporté de
la terre au ciel. (E. V. tiad. G. K. G. 223.)
ABRAHAM, abbé en Auvei'gne, confes-
seur, naquit dans la haute Syrie, sur les
bords de l'Eujjhrate. Voulant imiter le saint
patriarche dont il portait le nom, il partit
dans le dessein d'aller visiter les anachorè-
tes qui peu})laient l'Egypte ; ayant été pris
en chemin pai- des barbares, il resta cinq ans
en prison. Quand il eut recouvré sa liberté,
il se rendit dans les Gaules et s'arrêta en
Auvergne : il fonda un monastère auprès
d'une église que l'on bâtissait en l'honneur
de saint Cirgues, martyr, et y forma un
grand nombre de disciples à la perfection
évangélique et à la pratique des plus saintes
vertus. Nous voyons dans saint Grégoire de
Tours que notre saint abbé fut honoré du
don des miracles. 11 mourut vers l'an kll, et
saint Sidoine, évêque deClermout, composa
lui-même son éloge en forme d'épitanhe. On
inhuma le corps de saint Abraham clans l'é-
glise de Saint-t^irgues, aujourd'hui une des
])aroisses de Clenuont. L'Eglise célèbre sa
mémoire le 15 juin.
ABI\AHA.M (saint), diacre, du village d'A-
ralzj'ut niarlyiisé sous le l'ègne d'IIazguerd,
roi de Perse, avec le prêtre Sannud. Ils sout-
fiirent le niartvrc h Vartesse, pour n'avoir
p(nnt voulu i(!nier leur foi et embrasser le
culte (lu feu.
AHKAHAM (saint), évêque de Carres et
conresscur, na(piil dans le diocèse cc Cyr.
Ce saint, [)lein du désir d'avancer dans les
voies du salut, so retira dans le désert et y
33
ABR
Y(.''(iit longtemps (hns la pi-aliqno dos pins
^raulcs aiistriilôs. Ses mortilicatiuris lurent
si Torlos (ït si noiiibrcusos, (ju'il loiiii)a ma-
la le. Dieu lui ayant rcnilu la sanlo, il réso-
lut (le la eonsaiirer au service de celui qui
s'était souvenu d'un si humble serviteur.
S'etarit i-evôtu d'nn habit de marchand, il se
dii'igea avec [)lusieurs autres solitaires vers
nu ^rand village tlu Mont-Liban, assez près
d'Iunése, dont les habitants étaient encore
plofij^és dans les ténèbres du paganisme Ils
commencèrent à chanter des psaumes et à
prèclKM- le nouï du Crucifié ; mais les habi-
tants furieux voulurent les lapider. Ce ne
fut qu'à la prière ne plusieurs d'entre eux,
que la patience de ces saints honunes avait
touchés , qu'ils abandonnèrent leurs des-
seins , mais toutefois en leur ordonnant do
quitter leur village aussitôt. Au môme mo-
m(mt, des S(M'gents du lise arrivaient pour
lever les im[)ùts, et trdTivant les habitants
insolvables, ils Itvs fi'af)pèrent rudement.
Notre saint, rem[)li de charité, les reprit de
h'ur inhumanité, ré; ondit de la somme exi-
gée, partit l'emprunter à Emèse,et vint sol-
der rim[)(H. Les habitants, [)!eins de recon-
naissance, le prirent pour seigneur et em-
brassèrent la loi. Il leur fallait un prêtre,
ils n'( n voulurent point d'autre, et il fut or-
donné leur pasteur. A|)rès trois années de
séjour au milieu d'eux, les voyant bien af-
fermis dans la religion chrétienne, il se re-
tira dans .son ancienne solitude, d'où on le
tira une seconde fois pour le faire évèque
de Carres. Quoiqu'il fut élevé à la dignité
ép'scopale, il resta toujours moine par le
cœur, ])ar sa profonde humilité et parles
austérités auxrpielles il se livrait. La ville,
qui était confiée à ses soins, était encore
plongée dans l'imjjiété et adorait la lune.
Bientôt sa piété, ses vertus, lui gagnèrent
k'S cœurs, et ses instructions achevèrent ce
que sa sainteté avait commencé. Le bien
qii'il y lit fut si grand, (jue le bruit s'en re-
paru it jusqu'à la cour, etThfodrse leGranii
souhaita de le voir. Il le lit venir à Constan-
finople, l'y retint et le combla d'honneurs
et de lespects toute sa vie. A sa mort qui
arriva en 422, l'empereur renvoya son corps
à son troupeau, et gai-da un de ses vête-
ments, ({u'il portait à cei'tains jours par res-
pect pour sa mémoire. L'Eglise fait sa fête
le 1^ févi'ier.
AIJKAHAiM (le bienheureux Georges),
prêtre de la compagnie de Jésus, naquit à
Alep et fut élevé à Uome, au collège des
Mai-i.mites, que les jésuites y dirigeaient. 11
embrassa leur or-dr-e en 1582, à l'Age de
vingt ans. Pendant quelque temps, il exei^ça
son saint ministère chez les chrétiens de
Saiiît-Thomas; ensuite, déguisé en marchand
turc, il s'embar'qua pour l'Abyssinie. Une
tempête l'ayant for-cé d'aborder à l'île de Mas-
saouah, un jeune Abyssin, qui lui servait de
guide, le tit soupçonner par son imprudence
et le trahit entièrement après qu'on lui eut
appliqué la bastonnade. Notre bienheureux
ayant refusé de renier sa foi et traité Maho-
met d'imposteur, le gouverneur s'élança fu-
ABU 54
rieux de son tribunal jiour le fi'a|)p('r do
son cimetei're. Urre for-ce secrète l'ayant ar-
rêté, il fut ÙTcé de recpiérir le bourreau,
fpii émoussa deux cimeterres, sans que no-
tre bienheureux eAt été nrème blessé. Ce ne
fut (|ue sous le tro(sièrr\(> qm; la tête tomba,
au mois d'avr-il 159.5. Abr-aharn n'avait que
trente-deux ans. Son cadavre ayant été jeté
à la voirie, y resta quar'ante jours enviioniré
de lumièr-es mir-aculeuses. Peu de temps
après, les meurtriers périrent miséi-ableriKi'it.
( l'aimer, Sociclas Jesu usque ad sanijuinis
et vitœ profusionnn milituns, p. 184 ; Du
Jarwie, Histoire des choses plus mémora-
bles, etc., t. II, p. 2.;J9.)
ABUEU (Le P. Egide d'), jésuite portu-
gais, mourut en XiSz'-l, martyr de la religion
chrétienne. Pris sur mer par les hérétiques
holland.ùs, il fut accablé par eux de mau-
vais traitements et mourut, à l'époque que
nous venons de dire, des suites de ses bles-
sures, dans les ))risons de Batavia.
ABIUiU (D'), natif d'Arouca, dans la pr^o-
vince de Béira, entra au noviciat desjésuit(\s
à l'âge de 10 ans, le 17 février 1724. Le 10
mars 173G, il s'embarqua à Macao pour aller
évangéliser le Tonkin, avec les Pèr*es Jean
Gaspard Cratz, allemand, Barthélémy Alva-
rez, Vincent de Cunha, Christophe de Sam-
payo et Emmanuel Carvalho, portugais. Le
12 avril 1736, quatre d'entre eux furent pris
à Batxa , avec les catéchistes tonkinois ,
Marc et Vincent. Le P. Sampayo avait été
arrêté j)ar la maladie à So-Feou, et le P. Car-
valho était resté pour l'y soigner; de sorte
que ces deux Pères ne pénétrèrent que plus
tard dans le royaume. On peut voir à l'article
Alvarez le détail des souffrances et du mar-
tyre de nos quatre saints missionnaires, ils
furent décapités le 12 juin 1737. La tête du
P. D'Abi'eu, à demi tranchée, resta pendante
sur sa poitrine jusqu'à ce que le bourreau
l'eAt détachée tout à fait. Le catéchiste Vin-
cent, cjui avait été pris avec eux, était mort
en prison le 30 juin 1736. L'autre catéchiste
nommé Mar-cfut exilé.
ABKOSIME (saintj, prêtre et martyr, mou-
rut en Perse pour le chinstianisrae en l'an
341 de notre ère, sous le règne de Sapor,
qui persécutait violemment l'Eglise. Ses
actes lui étant communs avec saint Milles,
évêque, nous renvoyons le lecteur à ce titre.
Les noms de ces saints sont au Martyrologe
romain le 10 novembre.
ABKSAN, prince arniiénien, de la famille
Arzerounik, fut l'un de ceux qui soulVriient
volontairement la captivité pour Jésus-Christ
sous le règne d'Hazguei'd, deuxième du nom,
roi de Per-se, et qui ne furent remis en liberté
et renvoyés dans leur pays que huit ans aj/iès
la mort de ce prince, sous le règne de s. n fils
Bérose. (Pour plus de détails, y 0)Qz: Princes
arméniens.)
ABSALON (saint), martyr, mourut en Cap-
padocepourla foi chrétienne, avec saint Lu-
cius, évoque, et saint Lorge. L'Eglise honore
sa'mémoirele2mars. (Pas dedétails certains).
ABUDÈME (saint), martyr, habitait l'île de
Ténédos du temps de l'atroce persécution de
55
ABY
remperenr Diocldtien. Il y versa son sang
pwurJ 'sus-Christ. Alalheureuseraenl les dé-
tails nous manquent à son sujet. Sa fête a
lieu le 15 juillet.
ABYSSINIE, grande contrée de l'Afrique
orio'Uale, ancienne Lydie. Les Abyssins ou
Ai>yssiniens s'eaiparèient de celte conliée
vers la tii du rèj^'ie de Constantin le Grand.
Il est constant qu'à réj)oque où les Abyssins
embrassèrent le christianisme, ils faisaient
profession du judaïsme : depuis le règne du
iils de Salomon jusqu'à leur conversion,
leur histoire n'otlVe rien de certain ; elle
n\i;)prend pas même quand une partie des
Homérites jointe à d'autres Arabes, passa la
m.T, conquit la province de Tigré sur les
Ethiopiens, et fonda le ro>aume d'Axuma.
Ce royaume était gouverné par deux frères,
Abraham et Atzhée, quand Frumence, (ils
d'un marchand alexandrin et captif, leur an-
nonça TEvangile ; les deux rois dont l'histoire
et les hymnes qu'on chante encore font l'é-
loge, renoncèrent au judaïsme. Saint Alha-
nase ordonna Frumence premier évêque de
cette nation, qui depuis n'a jamais eu qu'un
seul évoque pour tout le pays, et a regardé
l'Eglise d'Alexandrie comme sa métropole ;
ce pays ne lui a et'- que trop soumis,
puisqu'il a reçu d'elle les erreurs de Dios-
corii et s'est sé()aré comme elle de l'Eglise
catholique.
On n'a que des conjectures sur le temps
où l'Ethiopie fut engagée dans les erreurs
des Jacobites. La Nubie, voisine de l'Egypte,
ne fut pervertie que vers le milieu du viir
siècle. L'histoire des Jacobites nous fournit
une preuve certaine que les patriaiches d'A-
lexandrie, dès lors hérétiques, ne consa-
craient point l'évoque d'Ethiopie au com-
mencement de ce viir siècle; enfin, on ne
voit dons cette histoire la communication
de l'Egl'se éthiopienne avec les patriarches
jacobites qu'au commencement du i\' siècle;
on peut donc su}); oser que rEtliio[)iea con-
servé la foi jusqu'au ix' siècle: elle ne la
perdit pos sans que ce changement de reli-
gion excitAt des troubles. L'évoque jacobiie,
envoyé par le patriarche d'Alexandrie , Ja-
cob, éj)rouva de la résistance dans l'exécu-
tion (le son projet ; il fut chnssé après quel-
ques ani ées, mais le parti hérétique {jréve.lut
enfin. L'abouna (Père, c'est le nom qu'un
donne à l'évèque d'ICthiopiej jacobite fut rap-
pelé ; l'Eglise éthiopienne ne pouvait alors
tirer aucun secours de l'Eglise grecque, in-
fectée et persécutée pai- les iconoclastes.
Un(3 nouvelle A thnlie voulut, veisl'an î!60,
détruire; l.i f<Uiiille de Salornon ; elle réussit
en partie, usiu'pa la couronne et la laissa à
un (ils né de s^n mariage avec un seigneur
éthiopien : cette nf)uvelle race royale a donné
de grands rois à ri-Uhiopie ; elle litiit vers
l'an 13;)(). Ikun-Amlac, des<'endant du seul
priti((! de la niarson de Salomon, échappé à
bfureurde l'usurpatrice, recouvra leroyamiie
(bi S(.'S pères ; un de ses succ(;sseurs, nonnriô
Constantin, envoya des députés au concile
de Florence. David, son arrière-petil-(ils ,
Agé de 12 ans ut sous la tutelle de sa giand'-
ABY 5(>
mère Hélène, demanda à Emmanuel, foi de
Portugal, du secours contre ses ennemis, et
des prédicateurs qui l'instruisissent de la foi
catholique. Après la mort de cette sage ré-
gente, David se plongea dans l'oisivtté et
dans le libertinage : Hamet (lanhé, visir du
roi d'Adel, mahométan, le chassa de pres-
que tous ses Etats. Dans cette triste situa-
tion il eut recours h Jean JIl, roi de Portu-
gal, comme il avait eu recours à Enunanuel ;
il mourut avant que d'avoir obtenu ce
qu'il souhaitait. Claude, son fils et son suc-
cesseui', fut plus heureux ; le roi de Portu-
gal lui envoya des troui)es qui lui furent
très-utiles ; ce religieux j)rince joignit à ces
troupes un patriarche, des évoques et des
missionnaires orthodoxes. Saint Ignace, fon-
dateur de la compagnie de Jésus, que le pape
Jules m chargea de cette entreprise aposto-
lique, choisit Jean IVugnez pour patiiarctie,et
pour sulfiagants et coadjute ^rs du j)atiiarche,
AiidréOviédo et Melchior Carneio : le {)atriar-
che partit de Lisbonne l'an 1550.
Cependant Claude avait succédé à David
son père, sous le nom d'Atznaf. Le roi de
Portugal n'avait pas voulu exposer le patriar-
che à l'inconstance du prince abyssin : il
avait ordonné que Nugnez attendit à Goa le
retour de J:icques Dias, son an.bassadeur
vers l'emjiereur d'Ethiopie. Gonsalve Rodri-
guez, jésuite, accomp;igr)ait l'ambassadeur ;
ils trouvèrent le nouvel empereur dais des
sentiments fort contraires à ceux que David
avait fait paraît: e. Clau.ie avait de granues
qualités, de l'esiTit et plus d'étuiie qu'un
p]ince n'en a d'ordinaire; il faisait le théo-
logien, et il pouvait lefaiie, car les mission-
naires avouèrent qu'il en savait plus que ses
doiteurs, et que dans les disputes, qu'il ai-
mait, il donnait à ses erreurs un toui fort
subtil et fort imposant. Il publia une confes-
si( n def'j })Oui- juvtifier sou Eglise .suspec-
tée de judaïsme; il avait l'Auje grande. Avec
le se.ours de quatre cents Portugais, il re-
con(p,iit ses Etats ; mais après dix-huit ans
et (pu,'l(]ues mois de guérie contre les ma-
hornétans d'Adel, aband nné de ses troupes
dans une b daille, il tint ferme avec dix-liut
Portugais et mourut glorieusement comme
eux.
André Oviédo était <:rrivé en Ethiopie dès
l'an 1557, ( l quoi'.jue l'empereur lui eût dé-
fendu de f)arler d religion à ses sujets, il
en avait converti un petit nombre. Adai»as
Srghcd, frère et successeur de Cla;iii(î, |)rince
féroce, exila Oviédo ( t ses compngnons sur
une haute montagne froide et stérile; ils y
[lassèrent huit mois exposés aux injures de
l'air, a»ix bêles féroces et à un peuple [ilus fé'-
roce encor(!. Privés de la consola, ion de
pouvoir dire la messe, on leur avait ùlé jus-
qu'à leur calice; on peiséc ta encore plus
ciuellement hs nouveaux lidèhs, plusieurs
obtinrent la couronne du martyre. Une prin-
cesse du s;uig royal, (pm la curiosité, ou plu-
tôt la [)rovidence avait conduite à la caverne
qui .servait de retraite «u\ jé.suite.s exilés, et
(pi'tdle vit enviionm-e d'une lumière mira-
culeuse, oblijit d'Adaiiia.s le rappel des saints
37
ABY
ABY
58
nii^sîonnniros. T/h'^ntonx succès dnzèlo d'O-
vii'tlo a-^iiva hietilAl la raiO du < cr-éciitcnr;
poil s"(ii f;ilhit fjiril ne tiiAt dosa \)foy\'o
niaui le sailli tWtV|iio; il le ha-Miit' avec tous
1 s Porlug is diiiit il r'ctihl les f mviios ( l les
eiHia "fs (Mus INsolav.-^^c. Srt e(uaul(''nL' so
bfiruàit prt's aux ratli(tli(jnes ; sît; sujf>ts nial-
tràilis élcvèivnt sur lo Irùne Tazcar, lils na-
tur( I de Jarob son frèro. Adanias, pri ssr par
les ri'bellcs, fit revenir d^ns son camp I(>s
Poruigaiset les jésuites; d'abord il fui vaincu:
dans une ^ecoiidi^ b.iladle il vai Mpiit l'usur-
pateur ( t lui Ôla la vie. 11 ne fut pas si heu-
reux ronire un graud capitai'n', (''lliiO|)ien,
Isaae Rarna;i;as, lequel, uiéeontent d'Atîainas,
introduisit les Turcs dans l'Ethiopie et ré-
duisit (;e prince à de gramies extrémités.
Adi'inas mourut dans ce triste et il l'an 15()3.
Les grands d'Klhiopie se partagèrent entre
l)lusieurs prétendants à renii)irc et ce n»- fut
qu'après dix-sept ans que Mclec-Segned, (ils
d'Ad.im<is, posséda tranquillement la cou-
ronne: qu(ii(jue attaché aux erreurs de sa
sei te, \\ laissa les e-itholiques ei f)aix ; il ai-
ma t là vertu. Un historien hérétique nous
a[)prtnd que lii nocencc des mœurs et Ja vie
sainledes jésuites lui inspiraient le plus tou-
chant intérêt, (]uelque éloigné qu'il fût de
leur doctrine. Il n'eut point de tils légitime,
mai< il en eut deux naturels. Quoi(iue son
iiiciination le poi tAt à mettre sur le trône
Jacob, le plus jeune de ses (ils, la justice
l'eiUi orta, et se voyant près de mourir, il dé-
clara Zadengiiel, son neveu, son légitime suc-
cesseur. L( s grands, qui voulaient profiter
d'u e minorité, n'eue^t aucun ég-irdà la der-
nière volont de l'empereur, et ils préférèrent
Jacol>,qui n'avait que 7ans,àZadenghel.Leur
am»)ition fui trompée : Jacob, ïOrli de l'en-
fance, voulut être le maître. Les deux prin-
cipaux seigneurs qui l'aviient mis sur le
trône, ramenés à leur devoir par l'Higrati-
tude de celui auquel ils l'avaient sacriiié,
tirèrent de prison Zatlenghel, leur roi légi-
time, et le couronnèrei.l. Il i)ril le nom d'Atz-
naf-Segued 11. Jacoij, fuyant avec huit gar.jes
qui seuls n'avaient point changé comuie sa
fortune, fut arrêté et livré à l'empereur qui,
sans écouter des déiiances assez bien lon-
dées et une [lolitique cruelle, pardonna à
l'usurpateur et se contenta de le bannir.
Tous les partisans de l'u.surpateur éprouvè-
rent la clémence de leur monarque légitime;
i! ne se vengea d'eux (ju'en leur monlrout
par sa conduite combien il était digne de
lempire.
Oviédo, devenu patriarche par la mort de
Nugnez, mo rut à Fromen.-i, l'an 1.577, au
mois de septeuibi e. Son extrême pauvreté,
jointe aux pers. cuLons qu'il soulIVait ;iYec
une iiatience inVinciLb-, sa char. té, les fré-
quents miiacies que Dieu opérait fnr son
serviteur, le faisaient .CLhercher également
des catholiques et dcs schismat.ques. Après
sa mort, tous honorèrent son sépulcre: les
guérisons des malades et les conversions
qui se firent k son tombeau le faisaient re-
giarder comme uû homme miraculeux, qui
exei'(;.ait encore après sa vie son apostolat.
r.es cinq (compagnons d'Oviédo continuèrent
de irava lier h la conversion de l'i'ithiopie :
Fr.ii (;o s Lopez mourut h' dérider, l'an 151)7.
1 eur mémoire l'ut longtemps vénérab'e aux
schismaliipies, dont quel(]ues-iuis rendaient
un téuioignage rréciisalde de leur siinteté
d.:ns les informations juriijiques qm; larche-
v(\pie de Tioa en (it faire; par Michel de Silva,
son grand vicaire.
Le P. Pierre Paès, castillan, choisi parsog
sup'i'ieurs pour la mission d'Ethiofiie , avait,
dès raniiée 1580, tenté ce vovage. Dieu, (]ui
voulut lui faire acheter, par die cruelles souf-
frances, les succès qui lui étaient réservés,
l'éprouva par les plus tristes avinitures, par
de dures prisons, par rdlîreux travail des ga-
lères au\(iuelles les Turcs le condamner ni.
Kntin, l'an 1003, il pénétra jusque dans l'E-
thopie et fut favorablement reçu par l'eni-
jiereur Jacob. Apres la révolution qui réta-
blit le piiiice légitime, Paès trouva encore
plus défaveurs auprès de ce prince. Atznaf-
Seghe.l avait autant d'esprit que de cou-
rage ; droit et sine ère, il aima et embrassa
la vérité siiôt qu'il l'aperçut: « Je no puis,
disait-il , ne pas reconnaître pour chef de
l'Eglise le successeur de Pierre, a .quel Jé-
sus-Christ a donné le soin de paître les bre-
bis et les agneaux et sur lequel il a fondé
son Eglise. Je crois que lui refuser l'obéis-
sance , c'est la refuser h Jésus-Christ. » Il
abjura ses erreurs, et après avoir caciié sa
conversion pendant quelque temps, il se
déclara ouvertem nt catholique et il (écrivit,
l'an lëO'j, au roi d'£s| agne, Philippe 111, pour
demander un patriarche, tles évoques et des
missionnaires.
La faveur extraordinaire de Lύa-iMariam
avait iriité les grands; ils cherchaient un
jnétexte pour le perdre. Les écrits du prince
en faveur de la lel gion romaine leur en of-
frirent un qu ils ne négligèrent pas. Zaslacé,
homme d'une naissance obscure, mais que
son mérite militaire égalait aux premiers
do la cour, donna le signal de la révol e ; il
fut ingrat et perlide envers son souverain qui
l'avait rap, elé de l'exil aujuel l'usurpateur
Jaiob l'avait condamné. L'empereur suivit
le rebelle po;jr le combatlre ; mais dans la
mar.he il fut abandonné de Ras-Athanase.
L'abouna ou l'évêque hérétique Pier.c, était
parmi les révoltés ; par un attentat i;n>ui en
Eihiopio, il osa absoudre les Ab^ ssnis du
serment prêté à l'empereur. On coml)altit, et
l'empereur, trahi par ses propres troupes,
mo.iiut en combattant. L(eça-iMariam j-.sti-
ha l'amitié que son prince avait pour lui et
fut tué en le couvrant de son corpis.
Susneios, arrière-petit-Iils de l'empereur
David et héiitier légiîiine de l'empire, après
Aîznaf-Seghed, s'était retiré parmi les Galles
pour éviter la cruauté de l'usurpateur Ja-
cob. 11 saisit l'occasion de monter sur le
trône, et il envoya un de ses amis pour
traiter avec le fameux Ras-Athanase, qui
avait déjà disposé deux fois de la couronne ;
mais pour assurer l'eilet de la négociation,
il suivit lui-même, avec ses t'coiipes,- M dé-
puté qu'il envoyait. Athanase délibérait,
59
ABT
AB-Ï
40
quand raiTiy(''e de Susneios le contraignit ^
se détcrininor. Susneios fut recoanu souve-
rain par toute l'armée d'Athanase ; il s'atta-
cha h rétablir la justice et h remédier aux
mau\ que les guerres civiles avaient causés.
La religion eut sa première attention. 11 fit
venir h la cour le P. Pierre Paès, jésuite,
qui avait converti son prédécesseur Atznaf-
Seghed. Le P. Paès gagna la confiance de
Susneios aussi promptement qu'il avait ga-
gné le cœur d'Atznaf; ce digne missionnaire,
selon le témoignage des hérétiques mêmes,
joignait à une vertu héroïque, à un esprit
universel, une prudence rare et une poli-
tesse perfectionnée par la vraie charité ; il
ouvrit les yeux, du prince aux lumières de
la foi. Susneios, sans être effrayé par les dis-
grâces d'Atznaf, pensa sérieusement à rendre
l'Ethiopie catholique ; les moines abyssins
et ïabouna ou métropolitain, hérétiques,
furent confondus dans plusieurs conféren-
ces ; Uas-Zela-Christ, frère utérin de l'empe-
reur, beaucoup de grands et plusieurs olli-
jiers distingués, renoncèrent au schisme.
L'empereur crut ne devoir plus ditférer à
ordonner que tous ses sujets reçussent le
concile de Calcédoine. L'abouna Siméon, à
la tête des moines, employa d'abord les
sollicitations les plus fortes et finit par ex-
communier tous ceux qui abandonneraient
l'ancienne religion ; on fit peu d'attention à
des excommunications si téméraires. La ré-
volte d'Emana Chrislo, frère utérin de l'em-
pereur et d'OElnis, gendre de l'empereur,
donna plus d'inquiéiude ; elle fut bientôt
apaisée par la mort d'OElnis et de l'abouna
Siméon; d'autres rebelles, qui s'élevèrent
l'un après l'autre, eurent le même sort. L'em-
pereur prolila de tant de succès; il déclai-a à
ses peuples sa conversion par une espèce
de manifeste, où il faisait d'atlreux portraits
des patriarches d'Alexandrie et des mélro-
p plitains d'Ethiopie. Les moines schismati-
ques, que les jésuites avaient tant de fois
réduits au silence, eurent recours aux ca-
lomnies ; ils en répandirent de bien ridicu-
les pour rendre les Pères odieux.
La missioi d'Elhio[)ie lit, l'an 1022, au
mois de mai, une grande perte ; le P. Pierre
Paès, apfjclé par l'empereur (on nomme vul-
gairement l'empereur, Néjous), pour enten-
dre sa confession généiale, moui'ut d'une
maladie contractée par la fntigue du voyage
et d'un jeûne rigoureux qu'i^ n'avait point
voulu interromure ; son corps usé parles
travaux apostoliques n'y put résister. La
cour le regretta, mais remf)ereur en fut in-
consolable ; il vint dans l'église des Jésuites
se jeter sur le tomb;îau du Père et l'arrosa
de ses larmes : « Ne me parlez |)oint de mo-
dérer ma douleur, s'écriait-il ; j'ai perdu
1
sr)leil qi
pie était couverte, s'est 'donc éclipsé; nous
n'aurons plus devait les yeux ce niO(lèle(le
pénitence, de dévotion, d'humilité. » C'est
ainsi que son allliction s'exprimait. Quatre
ans après la mort du P. Paès, M(!lcc-
Seguea, Négous, avait écrit au roi d'IN-
'ami le plus lidèle, j'ai perdu mon père ; le
ioleil qui a dissipé les ténèbres dont l'Eihio-
pagne et au pape pour demander un pa-
triarche et des missionnaires. (1^1. édif.,
t. VI, p. OV.) Alphonse Mendez, jésuite do
Portugal, fut sacré en qualité de patuiarche,
le 25 mai 162.V. On lui nomma deux coadju-
tenrs ; Jacques Sicco fut le premier, avec le
titre d'évêque de Nicée : il eut le droit de
succession immédiate. 11 avait longtemps
professé la théologie à Coïmbre, puis au
collège Romain. Le second qui fut nommé
fut Jean de la Rocca, qui ne put pas dépasser
Go'i, ol'i il fut contraint de rester; il avait
le titie d'évêque d'Hiérapolis. Le premier
coadjuteiir, Jacques Sicco, ne parvint f;as
non plus en Abyssinie ; il mourut durant la
traversée. On nomma pour les remjilacer
le P. Apollinaire Almeida de Lisbonne. Aus-
sitôt que Melec-Segued ( t son frère le Ras-
Sela-Christos furent informés de la promo-
tion de Mendez, ils lui écrivirent pour hAter
son arrivée, et pour qu'il araeiiAt avec lui
d'autres missionnaires. Le Négous, en dic-
tant sa lettre, dit qu'on pouvait e itrer dans
son royaume par Dankali ; mais le secré-
taire, au lieu de ce mot, écrivit Zeila. Cette
erreur fut fatale aux PP. Fr.inçois Machado
et Bernard Pereiia, auxquels elle coûta la
vie. Quoi qu'il en soit, le d n"!ger pour péné-
trer en Abyssinie était grand, (^t quelle qrte
fût la route qu'on suivi , elle exposait à une
multitu le de dangers. La voie de mer n'é-
tait pas plus sûre que cel e de terre. .Mendez
sé[)ara sa troupe en deux bandes ; quatre
de ses religi.'ux allèrent par mer, quatre
par terre. Ceux qui s'embarquèient furent
plus heureux que les autres. Le bâcha, de
M:.ssaouah ne voulut pourtant les laisser
passer qu'a[)rè3 que le Négous lui eut en-
voyé un zeura ou âne sauvage, espèce d'a-
nimal qu'on estime beaucoup dans ces con-
trées, et dont l'Abyssmie fournit les [dus
b aux. Ceux qui voyageaient par terre ne
savaient pas même les noms des p uples
au milieu desquels ils devaient passer; ils
se séparèrent ; deux i)ritent le chemin de
Zeila. les deux autres celui de MeJinde. Le
roi de Zeila se saisit des PP. Machado et Pe-
reira, et les lit enfermer dans un cachot ; ils
y demeurèrent fort longtemps. Vainement
le N.'gous insi^^ta poni- les ravoir, et lit tou-
tes les ollVes imaginables pour leur rançon ;
le roi barbare leur til trancher la tête. Les
deux autres, a|)rès une marche de plusieurs
mois,reviui'ent sur leurs fias, et h Baçaïm re-
joignirent le patriarche, avec lc<iuel ils dé-
barquèrent Ji Raylour dans le D.mkali. Six
semaines durant, ils voyagèrent dans des
déserts brûlants poin" ariiver, le 17 ju n
1G25, aux montagnes dci Duan, oiî ils trou-
vèrent le P. Emmanuel Haradas.u'i nev( u du
Négous, et |)lusieurs seigi.eurs d'Abyssinie,
(pu les y attendaient depuis longtemiis (léjh.
Us gagnèrent Frémone h; 21 du mèmemos;
ne jiouvant pas tout de suite voir lo Négous
(pii était fort loin de- là occupé h faire la
guerre, ils s'occupèrent h évangéliser les
(mvirons de Frémone. Us y eurent des suc-
cès (pii dépassaient toute espérance. Les pi'ê-
ires et les jnoiuos schismatiques firent tout
41
ABY
ABY
M
ce qu'ils piiront pour nuire aux sucrés dns
missionnairivs. Ils lt>s accusaient d'ôtro les
ennemis de Dieu, cl (l'attirer h leur suite
toutes sortes de inakHlictions, C'étaient eux
disaient-ils, qui faisaient tomber sur l'Abys-
«inie les nuées de sauterelles ([ui désolaient
les campagnes. Mais bientôt le peuple vit
que les missionnaires passaient sans que les
fléaux annoncés vinssent après eux ; il cessa
de croire à des calomnies qui d'abord l'a-
vaient trouvé crédule. Peu de temps après
le Négous revint de la guerre, il lit au pa-
triarche et à ses missionnaires une réception
magnifique. L'année d'après, dans une as-
semblée solennelle, on proclame l'union de
l'Abyssinie avec Uome, et on reconnaît la
suprématie du souverain pontife. Le bruit
de ces événements produisit en Europe un
effet vraiment merveilleux. On se racontait
les prodiges que Dieu accomplissait dans ce
bienheureux pays, et les jésuites brûlaient du
désir d'y rejoindre leurs confrères. Plusieurs
partent d'Italie, cinq viennent de Lisbonne.
Bientôt les conversions devinrent excessi-
vement nombreuses ; ces adhésions à la foi
catholique se comptaient par milliers dans
chaque partie de ce vaste territoire ; mais
Dieu voulait qu'il fût arrosé du sang des
martyrs. Dans le Tigré, deux prêtres furent
•assommés par l'ordre du chef d'un village.
Le Négous avait porté une loi qui défendait
de suivre une autre religion que la religion
catholique. Ici nous ne saurions être de l'a-
vis de ceux qui approuvent une telle con-
duite de la part d'un souverain. Trouver bon
qu'un prince force aujourd'hui ses sujets à
se faire catholiques , c'est s'enlever le droit
d€ trouver mauvais que demain il les en
«mpêche. Nous n'aimons pas mieux le sabre
mis au service de la propagande catholique
qu'au service de la propagande mahométane.
Le Négous, en violentant les consciences, fit
un tort immense à la religion dans ses Etats ;
il en prépara la ruine. Les missionnaires, qui
rapportent les événements que nous venons
de raconter, trouvent la conduite du Négous
digne d'éloges. Nous serions tenté d'en être
peiné pour eux. Soixante moines d'un mo-
nastère aimèrent mieux se précipiter du
haut d'un rocher que d'obéir aux ordres de
leur souverain. Evidemment c'étaient là des
martyrs. Hérétiques , dira-t-on. En fait oui ,
en intention non. En suivant la religion de-
puis si longtemps suivie en Abyssinie, pays
isolé du reste de la chrétienté, ces hommes
pensaient avoir gardé pure la foi qu'ils
avaient puisée aux sources de la primitive
Eglise. Ils mouraient pour leur conviction.
Nous estimons qu'il eût mieux valu les con-
vertir que les précipiter; et nous trouvons
étonnant que les jésuites , qui avaient tant
d'influence sur l'esprit du Négous, n'aient pas
empêché les atrocités que commettait ce tyran
en opposition formelle avec l'esprit évangé-
lique. Mais on ne se borna pas là. On fit la
guerre aux hérétiques, qu'on traita de re-
belles. Six cents religieux ou religieuses
s'avancèrent à la tête de leurs troupes, por-
tant sur leurs têtes des pierres d'autel, et af-
DiCTioNN. DES Persécutions. L
firmant au peuple qu'à la seule vue de ces
pierres les catholujues s'oiiruiraiont sans
combattre. L(; narraKîur dit que, comme ils
furcMit tiiés les premiers, leur moit ne con-
ti'ibua [)as peu à (iétrom|)er ces hommes sim-
ples et ignorants. C'est la seule réflexion qu'il
lasse sur cet événement. Quant à nous, nous
trouvons admirable la foi de ces moines et do
ces religieuses, qui, croyant combattre pour
la bonne cause, attendaient avec toute la
ferveur de la piété la plus sincère que Dieu
fît des miracles en leur faveur. Mais c'étaient
des rebelles , dira-t-on. N'arrangeons pas
l'histoire pour le besoin d'une cause, et sou-
venons-nous que nous ne sommes pas si sé-
vères dans certaines circonstances. Nous di-
sons : Les martyrs d'Arménie ; nous disons :
les martyrs de la Vendée.
La vraie cause de la ruine de la religion
en Abyssinie, ce fut cette conduite odieuse
du gouvernement, cette tyrannie du Négous.
En comprimant violemment les consciences,
il prépara l'explosion. S'il eût laissé la li-
berté, il n'eût pas fait d'hypocrites ni de
conspirateurs. Les hommes qui autour de
lui n'avaient pas eu le courage de résister à
ses ordres, se la.^sèrent de sa tyrannie, et pro-
fitèrent du premier prétexte qu'on leur oflVit
de se révolter. Nous estimons être bien plus
dans le vrai que ceux qui prétendent que ce
furent l'erreur , la superstition , la disso-
lution des mœurs, enracinées depuis si long-
temps, qui étoufl'èrent le bon grain. Non; ce
grain qu'on avait semé poussait en Abyssi-
nie avec infiniment de vitalité. Ce qui le fit
mourir, c'est qu'on ne sut pas le cultiver.
Une femme voluptueuse , disent les narra-
teurs, causa la ruine de la religion en Abys-
sinie. Nous ne croyons guère qu'une cause
si minime puisse en général produire d'aussi
grands résultats. Ce ne fut point pour les
désordres d'une femme voluptueuse que les
rebelles prirent parti. Encore une fois ils sai-
sirent un prétexte pour secouer une odieuse
tyrannie. Técla Georgis, vice-roi du Tigré,
avait épousé une fille du Négous. Cette femma
fut mauvaise épouse, et mérita par sa con^
duite dissolue les reproches les plus sévères
de la part de son mari. Elle se réfugia près
de son père, qui l'accueillit dans son palais,
et la mit ainsi à l'abri de la juste colère de
son époux. Georgis fit entendre des plaintes
parfaitement fondées, et demanda à Melec-
Segued de ne pas tolérer les désordres de
sa fille ; de permettre qu'on procédât à un
jugement qui intervînt pour montrer si elle
était coupable ou innocente. Le souverain
s'y refusa. Georgis fut pendant quelque
temps dans la plus noire mélancolie, dans le
plus profond chagrin. Il résolut de se ven-
ger. Pour se faire chef de parti, pour com-
battre son souverain en se mettant à la tête
d'une partie des Abyssiniens, vint-il mon-
trer au peuple ses griefs domestiques, et par-
ler du déni de justice dont il était l'objet?
Aucunement. Le peuple ne prend pas parti
pour un mari trompé et malheureux. S'il le
plaint, c'est déjà beaucoup 11 ne se soulève
pas pour de semblables causes. Georgis le
45
ABY
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savait bien. H apostasia la religion catholi-
que, qu'il avait embrassée, et se mit à la tûto
de tous ceux dont les lois récemment por-
tées violentaient la conscience. Alors il fut
entendu. Le feu do la révolte s'étendit de
toutes paris ; il v eut uncmbrasementprosque
générrd. On résolut le massacre de tous les
missionnaires. Ils furent prévenus à temps,
et se mirent en sûi-eté. Georgis, furieux de
voir sa ])roie lui échapper, tourna sa rage
contre Jacques son confesseur, qui avait été
élevé dans un séminaire fondé à Frémonc.
ïl se le ht amener enehaînéau milieu de son
camp. Lui-même lui porta le premier coup.
Aussitôt les conjurés se j)récipilent et le per-
cent de leurs épées. Ceux qui ne peuvent pas
contribuer à sa mort viennent tremper dans
son sang la pointe do leurs glaives. Sur le
premier cadavre, ils jurent tous de ne pas
déiioser les armes avant d'avoir détruit en
ALfvssinie la foi catholique, et exterminé tous
ceux qui viennent l'y prêcher. Tout ce qu'on
trouve de crucilix, de médailles, de reliques,
devient la proie du feu. Le Négous nomma
Keba Christos vice-roi du ïigré, et envoya sous
ses ordres une armée considérable combattre
les rebellcsqui furent entièrement'défails. Té-
cla Georgis , trouvé caché dans une grotte, fut
amené au camp dulNégous et condamné à être
pendu. Mais tandis que de ce côté les armes du
souverain étaient victorieuses, d'un autre elles
recevaient de rudes échecs. Les habitants du
Lasta, très-indépendants par caractère, ne pu-
rent supporter les violences qu'on commit à
leur égard pour les amener h la foi catholique.
Le Négous avait ordonné de les convertir.
Le vice-roi publia un édit sévère qui exigeait
qu'immédiaiemont ttms se fissent catholi-
ques. Il employa contre les récalcitrants des
amendes et les supplices. Aussitôt les habi-
tants du Lasta coururent aux armes, et à plu-
sieurs reprises laiilèrent en pièces les trou-
l)es du vice-roi. Les sch'smatiques insistèrent
alors très-fortement auprès du roi , pour
qu'on rétablit l'ancienne liturgie. Mendez,(pii
l'avait supprimée, la rétablit à la demande
du prince , ajirès en avoir corrigé les nom-
breuses erreurs. Sur ces entrefaites arriva le
P. Apoll.naire Alm^ida, évèque m partibus
de Nicée, nommé coadjuteur de Mendez, et
porteur de lettres du pape pour le Négous,
pour Basilides sm lils et pour Mendez. De
plus un bref accordait à I Abyssinie, pour
icn, le jubilé publié à Rome en 1623. Ce
jubilé produisit des fruits abondants. De
nombnîuses conversions s'opérèrent.
De nouveaux trouilfs ne tardèrent pas à
éclater. B.isilides, déjà avancé en âge, con-
voitait la conionne rjue la longue e.v slence
duN'gous l'empôcbait d'avoir aussi vite
(pi'il l'aurait di'-siré. H blAmait tout ce que
faisait Melec-Seguel, désapprouvait tous ses
actes, et, en tout ce; rpji dé|)endail de lui, don-
nait des ordres contraires aux siens. Ce prince
avait embrassé la foi calholiipie par coinpl u-
sance jio'ir son [)èr(! [dulol (juc par convic-
tion. Jicaucoup d'Abyssins, (pii avaient agi
par les niéni(;s motifs, n'attendaient qu'une
occasion favorable pour revenir h l'erreur
et se rattacher îi l'église schismatique d'A-
lexandrie. Serca Christos, vice-roi du Gojam,
était le plus ardent de tous ces mécontents.
Il parvint à faire accepter à Basilides le titre
de chef de la consjjiration ; mais ayant mis
trop de précipitation à agir, il fut découvert
et amené devant Melec-Segued, auquel il dé-
voila ses desseins et ses complices. Le vieux
Négous, déconcerté de voir son iils dans une
conspiration pareille, et eiïrayé de voir les
tendances de la plus grande partie de ses su-
jets à l'égard des questions religieuses, sen-
tit, disent les narrateurs, son courage faiblir. •
Il publia un édit qui permettait de retenir
tous les rttes anciens. Pour nous, nous admet-
trons volontiers c^ue son courage faiblit en
cette circonstance ; mais comme il l'avait di-
rigé jusque-là dans des voies de violence et
d'oppression, nous ne saurions lui faire un
crime de son changement. Il fit ce qu'il de-
vait faire en proclamant la liberté de cons-
cience. Il ht au patriarche la promesse d'en-
lever des anciens rites ce qui était contraire
à la foi catholique. Ce prince triompha peu
après des habitants du Lasta. Après une
victoire sanglante qu'il remporta, quelques- ,
uns de ses oiiiciers saisirent le moment où
il visitait le champ de bataille pour lui parler
en faveur de l'ancienne religion du pays.
« Prince, lui disent-ils, ceux que vous voyez
étendus morts, quoique rebelles, quoique bien
dignes de perdre la vie, sont néanmoins vos
sujets. Dans ces monceaux de cadavres, vous
voyez de nombreux serviteurs, d'anciens
amis, des parents. Ce carnage, c'est la reli-
gion nouvellement introduite qui l'a causé,
et elle en causera de plus sanglants et de
plus affreux encore, si vous n'y avisez. Gar-
dez-vous de croire que la guerre soit termi-
née, ce n'est là que le commencement de
I)lus grands désastres. Partout le peuple
Irémit et redemande la foi d'Alexandrie, qu'il
avait reçue de ses ancêtres. Vous connaissez,
prince, l'audace et la fureur de la multitude;
elle ne respecte rien, pas même les rois, sur-
tout lorsqu'il s'agit de religion. Pour nous,
jamais nous ne vous abandoiinerons; mais
simlsconlre toutes les iirovinces,àquoi abou-
tiront nos etibrts? Déjà, et nous ne l'avons
appris iu'avec la plus vive douleur, plusieurs
d'tMitre les chefs et le [)lus grand nombre des
soldats ont déserté vos di'apeaux ; les autres
suivi'ont bientôt leur exemple, si vous con-
tinuez à é>:outer les docteurs étrangers. Que
la foi romaine soit plus sainte, nous l'accor-
derons, ciuoique vous n'ignoriez ])as, |)riuce,
que des [)erso'.ines très-habiles le mettent
en doute. (Ju'unc réforau.', dans les mœurs
soit nécessaire, nous l'avouerons encore ;
niais il faut y procéder avec douceur et at-
tendre queles esprits spieiit mieux pré|>arés.
Ne pas en suspendre maintenant la j)ouisuilc,
c'est courir à une ruine certai'ie, c'est vous
perdre et perdre l'einpirc!. » (lleurion, Uist.
des missions, tom. III, pa;^. 21).{.j
Les Négous d'Ain ssiuie étaient un peu à
la discrétion d(! l'armée, ([ui les nommait et
les (lé])0sait suivant son caprice. Ajelec-So-
guéd n'eut pas la forcede protéger la religion
«s ABY
catholique, qu'il avait embras.s(5o. Los dis-
cours dcst's ollicicr^, les i)ri(^r(vs inenaeanlcs
de son lils, riM)n»iilèi"t'iit. H cotiseiitil (lu'oa
assenibl.U tous les corps de l'Klat, i)Our dis-
cuter la question de savoir si on {jçarderait
ou non la relif^ion eatliolique. Ce fut là le
ni.il, car Melec-Se^ued devait maintenir pour
iui-nu'^nie et pour les callioli([ues la liberté
de conscience, (ju'il av.ut naguère accordéi^à
ses adversaires. A rass(>mbl(!e qui fut convo-
quée, O'i n'admit ni le patriarche ni aiuuui dos
autres iuissionnain>s. L:» religion calhohquo
fulproscrite; cependant beaucouj) d'Abjssins
protestèrent que jamais ils ne se rendraient
couf)ables d'apostasie. Le ratriaclie, fut accusé
de sédition, et reçut l'ordre, ainsi que les au-
tres missionnaires, de ne plus prêcher à l'a-
venir. On leur désigna une ville où ils duix'ut
attendre leur embarquement pour aller aux
Indes. Le 14 juin 1032, Basilides publia un
édit qui ordonnait do revenir à la foi d'A-
lexandrie. Melec-Segued, livré aux remords
les plus cuisants en voyant les filiales con-
séquences de sa faiblesse, ne prenait plus
aucune nourriture, ne se livrait à aucun re-
pos. Il lit venir le P. Diego de Matos et pro-
mit devant lui de rétablir le culte catholique,
s'il revena t à la santé; mais il mourut entre
les mains du missionnaire, le 26 septembre
1G32, dix ans après sa conversion. Il avait
soixante et un ans; il en avait régné vingt-
huit. Dès lors Basilides ne garda plus au-
cune mesure : après avoir fait tuer ou em|)oi-
sonner ses frères, qui étaient au nombre de
vingt-cinq, dépouillé de ses titres et relégué
dans un désert SeraChristos son oncle, dont
il redoutait la capacité, il reconnut pour
abonna un aventurer égyptien, lequel se di-
sait envoyé par le patriarche d'Alexandrie.
On n'était pas même certain qu'il fut prêtre.
Il était violent de caractère avec le public,
flatteur vis-à-vis du Négous.Ii déclara immé-
diatement qu'il ne pouvait pas^emeurer en
AbyssiniL', si les jésuites y restaient. On
confirma donc l'ordre précédemment donné
de leur sortie. .^îendez écrivit au Négous une
lettre très-respectueuse et cependant très-
forte, dans laquelle il le priait de lui dire
pour quelle faute on voul àt faire partir les
jésuites, atin qu'il pût en instruire le souve-
rain pontife et les princes caliioliques tjui le
lui demandaient. Il réclamait en outre une
conférence i)ublique oij il pût être mis en
présence des docteurs abys^^ins, et où on dis-
cutât la bonté de la religion catholique. Mais
les hérétiques, redoutant la capacité de Mon-
dez, ne voulurent pas que leur nouveau chef
se mesurât avec lui. Ils engagèrent Basilides
à refuser la conférence, puisque, dirent-ils,
la question était jugée. Les jésuites reçurent,
au mois de mars 1633, l'ordre de se rendre
à Frémone. On n'excçpta que le P. Louis
Azevedo, qui avait passé plus de vingt-huit
ans dans cette mission. Il ne vécut que quel-
ques mois après le départ de ses confrères.
En parlant, les jésuites confièrent leur cher
troupeau à des moines aussi instruits que
zélés. Non contents de cela, ils se décident à
rester en Abyssinie , quels que soient les
ABY
46
dangers qui puissent les y attendre. Ils sa-
vaient d'ailleuis qu'on avait le dessein de les
livrer aux Tiucs. Le baharnagasch Jean Akaz
était d(!puis (pie!(pK; temps (lans rindé|)en-
dance et s'y mainte/îait ; ils se nurent sous
sa protection, et furent b!en reçus par lui.
Dès que le Négous en fut informé, i! envoya
un corfjs de troupes pour contraindre les jV
suites à partir. Les soldats d'Akaz rcsièrent
triom|)hants, et le Négous, comi)» jnant qu'il
ne [)Ouvait rien obtenir |»ar la force, eut re-
cours ti la prière. Il demanda h Akaz de fure
partir les jésuites pour l'Inde, le menaçant,
en cas (Je refus, de l'attaquer avec toute son
armée. Akaz fut ébranlé fiar ce message, et
les jésuites virent bien que les disf)Ositions
de leur protecteur étaient changées. Alors ils
se décident à parlir et h ne laissa r que quel-
ques-uns d'entre eux en Abyssinie. Apolli-
naire Almeida, évêque de Nicée, fut désigné
avec six jésuites, pour y demeurer. Akaz en
retint deux auprès de lui, en les faisant ha-
biller comme les autres Portugais qui étaient
à son service ; puis il donna aux autres des
lettres de recommandation pour le gouver-
neur de Massaouah. Cette ville est un portdt
la mer Rouge, vers lequel il les fit conduire
par un corps de six cents soldats. Les enne-
mis des jésuites avaient fait croire aux Turcs
que ces religieux emportaient avec eux tou-
tes les richesses d'Abyssinie. Aussi on les
fouilla avec un soin extrême ; on ne trouva
en leur possession que deux calices et quel-
ques reliquaires. Le bâcha de Souatrim, de
qui Mas-aouah dépendait, était un homme
violent ei excessivement cupide. Avant l'ar-
rivée des jésuites, il s'étaitvanté qu'il les tue-
rait tous de sa propre main. Basilides l'avait
prié de le faire. 11 ne fut arrêté dans ce des-
sein que par la pensée que les Poitugais ra-
chèteraient les captifs en payant une forte
rançon. Il fit dire aux jésuites quils eussent
à choisir entre la mort" et un rachat de trente
mihe écus, que successivement il réduisit à
vingt, puis à quinze. Il les menaçait de les
faire em|!aler, s'ils ne comptaient pas sur
l'heure cette dernière somme. Enfin, quel-
ques-uns de ceux qui lentotiraient le déci-
dèrent à accepter quatre mille trois cents
écus, qu'avancèrent les marchands portugais
sur la parole des jésuites. Ils devaient s'em-
barquer dans deux heures; mais, changeant
bientôt de résolution, il exige que trois des
jésuites restent en otage jusqu'au payement
de la somme promise. Le patriarche Diego
de Matos et Anioine Fernandez furent dési-
gnés pour rester. Fernandez était âgé de plus
quatre-vingts ans ; les autres religieux firent
tout ce qu'ils purent j)Our rester à sa i)iace.
Le P. Jérôme Lobo dit au bâcha que le P.
Fernandez étant si âgé, il s'exposait, s'il ve-
nait à mourir, à perdre ainsi une rançon;
qu'il serait plus piudentde choisir à sa j'iace
un otage parmi ceux qui étaient plus jeunes.
Le bâcha consentit à cette substitution. Le
P. Lobo, ayant essayé vainement de faire ren-
voyer aussi le patriarche, se rendit de l'Inde
à Rome eî à Lisbonne, pour y raconter l'état
de la mission d'Abyssinie. Le général de»
47
ABl
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jésuites s'adressa à l'ambassadeur de France
à Konie, lequel écrivit au consul de sanatiou
au Caire. Ce fonctionnaire (il écrire par le
bâcha de cette ville à celui de Souakim, qui
était son subordonné, qu'il eût à rendre im-
médiatement les prisonniers. On les relûcha
en elFet , mais ce ne fut qu'après que le cu-
pide bâcha eut extorqué encore aux mar-
chands portugais six mille cruzades.
Les jésuites restés en Abyssinie étaient
dans la position la [)lus déplorable : obligés
de se cacher sans cesse, ils erraient dans les
lieux sauvages, ex[)Osés sans cesse à ôtre
dévorés i)ar les animaux féroces, ou bien à
mourir ae faim. Bnsilides , sachant qu'il y
avait encore des jésuites dan'^ ses Etats, fit
mettre dans un cachot le vice-roi Téela Em-
riianuel, qui les protégeait. Il mit 5 sa place
Mecla Christos, ennemi déclaré des catho-
liques. Ce nouveau vice-roi, ayant été infor-
mé que trois Pères jésuites étaient cachés
dans une vallée avec quelques Portuga s,
plaça des troupes en embuscade, et s'empara
des" Pères Bruno de Sainte-Croix, Gaspard
Pacz et Jean Pereira. Il les ht iunnédiat ment
mourir en les faisant percer de nombreux
coups d'épée. Les Portugais, ayant appris
leur martyre, recueillirent leurs corps ; quand
ils les enlevèrent, Bruno et Pereira respi-
raient encore. Ils prodiguèrent des soins
empressés k ces deux saintes victimes. Bruno
survécut; mais Pereira mourut quelques
jours après, le 2 du mois de mai. Basilides
témoigna que cette exécution suffisait à sa
vengeance, mais il n'agissait ainsi que pour
s'emparer plus facilement de l'évôtiue Al-
meida et des jésuites qui étaient encore avec
lui. Il défendit qu'on les inquiétât en au-
cune façon, leur permit de retourner dans
leurs maisons, et montra môme le désir de
les voir à la cour. L'cvèque de Nicée s'était
réfugié auprès de Jean Akaz, qui n'hésita
pas à lui conseil'er de profiler de la permis-
sion qu'on lui accordait. Za Mariam, vice-
roi de ïemben, était d'un avis dillerent et
répétait aux missionnaires que la douceur
qu'on leur faisait voir n'était qu'un piège
dans lequel ils devaient bien se donner garde
de tomlJer. Malgré cela, les jésuites estimè-
rent (pi'il convenait de tenter les dispositions
du Négous : ils se lendirent à son camp.
L'évôquede Nicée, le P. Hyacinthe Fr.inceschi
et François Uodriguez ne reçurent sur la
route (jue des témoignages de vénération.
A [icine furent-ils arrivés, que Basilides les
fit charger de chaînes. Ils comparurent de-
vant l'abouna, (jui les traita avec inliniment
de dédain et de mépris, puis huit par dire
que l'allaire n'était i)as de sa compétence, et
que c'était au Négous à prononcer dans l'in-
térêt de la chose publi(}ue. On forma pour
juger les missionnaires un tribunal c(jmpos6
des grands de l'empire, qui prononcèrent la
peine de mort. La sentence ne fut pas (!xé-
culée immédiatcriient : Basilides voulait
montrer (pje li moi t n'est pas un supplice
suîiisail au gié de ci;rlaines Ames. Il (;onlia
les prisojmiers à la garde d'un hérétique
extrèmomont inhumain, <pii trouva dans les
atroces imaginations de sa cruauté le moyen
de satisfaire les désirs du tyran. Rien de ce
qui i)eut être mis en œuvre f)our faire souf-
frir cruellement ne fut omis par cet homme.
La faim, la soif, les tortures, il em])loya lout
avec une férocité sans égale; la nuit, il fai-
sait ])lacer les prisonniers, é roitement en-
chaînés, sous son lit; le jour, il les faisait
traîner derrière son char. Leurs membres,
entamés parles fers dont ils étaient chargés,
étaient couverts d'ulcères. Le moindre mou-
vement déterminait d'atroces douleurs; n'im-
porte, il fallait qu'ils marchassent le jour, et
la nuit, qu'ils se tinssent dans la même i:)0-
sition sans pouvoir en changer, tant ils étaient
étroitement attachés. On les exila ensuite
dans une île du lac Dembéa, où il y avait des
moines fanatiques qui les abreuvèrent d'ou-
trages, les accablèrent de mauvais traite-
ments. Ils eurent dans cet exil quelques con-
solations : les catholiques venaient les visi-
ter, afin de s'édifier de leur exemple et se
retremj)er au spectacle de leurs soutfrances.
Les moines hérétiques, furieux de voir les
m irques de vénération qu'on prodiguait aux
saints confesseurs, écrivirent au Négous
pour lui dire qu'il était scandaleux de laisser
vivre les ennemis de la foi et de la religion
de l'Abyssinie, les artisans de tous les trou-
bles qui depuis quelque temps avaient agité
l'Etat. Cédant à leurs obsessions , Basilides
leur abandonna les captifs. Ces moines fu-
rieux se saisirent aussitôt des trois martyrs,
et les dépouillant de leurs vêtements, les
suspendiient à des branches d'arbres oià ils
les tirent mourir sous une g èle de pierres.
Cette mort arriva dans le mois de juin 1G38.
Il ne restait plus que les PP. Bruno etCardciia;
ils étaient près de Za Mariam, qui ne voulut
jamais consentir qu'ils quitiass nt l'as. le qu'il
leur avait donné. Ba.-ilides l'attaqua et fut
vaincu; mais, peu de temps après, ce brave
défenseur du catholicisme tomba et périt
dansuneembuscade. Bientôtles missionnaires
furent découverts, et, le 12 avril 1G40, mou-
rurent du môme genre de supplice que leurs
saints compagnons. Ajirès leur mort, il n'y
eut plus en Abyssinie, pour administrer les
sacrements aux catholiques, que cinij prêtres
portugais et quatre religieux abyssins. V' oici
les noms des prêtres portugais : B 'rnard No-
giieira, vicaire du patriarche Mendez ; Jean-
Ciabriel, Grégoire Pirez , Antoine Almança,
Christophe Gonçalez. Les quatre prêtres
abyssins étaient : l'abba Abala Melca Chris-
tos; Meica Christos, supérieur du séminaire
de Gorgora; Paul de Saiiite-Crux, et Oiasi
Christos. Pi'csque tous furent égorgés; mais
avant d'arriver h ce terme fatal, ds furent
exposés à toutes les soullVances que peuvent
ocoasionn(>r la faim, la soif et h; dénuement
pres((uo absolu de toutes les choses néces-
saires h la vie.
Pendant que les derniers événements que
nous venons de; raconter avaient lieu, le papo
chargeait hvs capucins, (jui avaient une mis-
sion en Kgyplc!, de liavaillerh ranimer la foi
(jui était sur le point de .se perdre en Abys-
sinie. Le Pore supérieur des cauucins d E-
49
AfiT
ABT
£0
gypte était lo bieiiheareui AgatliariKe «le
Vendôme. SitAl i[a'il eut appris l'état déplo-
rable aïKiiicl était réduit le catliolicisinti eu
Abyssiiiie, et les persécutions dont il était
l'objet, il alla trouver lo patriairlio d'A-
lexandrie et le conjura de prendie pitié des
cath()li(|ues persécutés. Sur sa prière, le p.l-
triartlie uoiruna abou'ia, à la place de l'aven-
tuiier duquel nous avons |)arlé plus haut,
l'abbé Marc, ami du P. Agatliange. Le supé-
rieur des capucins avait eu avec ce Marc
plusieurs conférences, h la suite desquelles
il croyait lui avoir doiné le d '"sir de revenir
à l'unité. En outre, le patriarche écrivit au
Négous de traiter les catholiques avec moins
de cruauté, et de cesser d'employer vis-h-vis
d'eux les mesures vioh^ntes que réprouve
toujours l'esprit évangélique. Marc, en pas-
sant à Souakim, où Mendez était encore dé-
tenu, lui remit une lettre du P. Agathange.
Mendez ne partagea pas les illusions du bon
capucin : il entrevit ce qu'était Marc, et ne
fut aucunement dupe, ni de ses faux sem-
blants d'amitié, ni de la tolérance qu'il af-
fectait de montrer envers les catholiques. Le
P. Agathange devait, expier bien chèrement
sa contiance et l'amitié qu'il avait témoignée
à ce Judas. 11 destina cniq des religieux de
son ordre à entrer en Abyssinie, et se mit
lui sixième U leur tête. 11 ])artit du Caire,
avec le P. Cassien de Nantes, le 23 décembre
1637, et s'embarqua avec un bâcha que le
Grand Seigneur envoyait à Souakim. Ils fu-
rent à peine arrivés en Abyssinie, que, bien
que déguisés en marchands arméniens, ils
furent pris et conduits à l'abouna Marc. 11 les
reconnut aussitôt, et déclara que c'étaient des
prêtres catholiques romains, ennemis de la
foi d'Alexandrie, et qu'ils venaient en Abys-
sinie pour l'y détruire s'il était possible. Ces
paroles, dans la bouche du traître, équiva-
laient à un arrêt de mort. 11 le savait bien :
les deux saints lurent lapidés sur-le-champ.
Leur mort bienheureuse arriva en 1638. Ainsi
le P. Agathange fut tué par celui-là môme
en qui il avait mis si contiance, à qui il avait
accordé son amitié, et qu'il avait fait élever
à la dignité de laquelle il se servait pour
faire mourir son bienfaiteur et son ami. Les
PP. Chérubin et François s'embarquèrent à
Mascate, et furent massacrés à Magadoxo.
Li'S PP. An'oine de Virgoleta et de Petra
Sau^a furent longtemps à Massaouah, sous la
protection du bâcha de Souakim. Ils y firent
de nombreuses conversions. Le P. de Vir-
goleta mourut au commencement de 1642;
le P. de Petra Santa demanda des auxiliaires.
On lui envoya les PP. Félix de Saint-Séve-
rin et Joseph Tortulani d'Altino. Quand on
sut en Abyssinie l'arrivée de ces deux nou-
veaux missionnaires, l'alarme y fut grande.
Un nouveau bâcha venait de succéder, à Soua-
kim, à celui que nous avons vu si favorable
aux catholiques. Basilides lui écrivit , et
chargea l'ambassadeur porteur du message
de lui faire cadeau de cent cinquante onces
d'or et de cinquante esclaves, en le priant
de lui remettre ces étrangers, ou bien de les
faire mourir lui-môme. Aussitôt le bâcha fit
venir et décapiter en sa présence les PP. Fé-
lix de Saint-Séverin et Joseph Tortulani. îl
connaissait particulièrement le P. de Petra
Santa, il ne voulut pas le faire venir et se
boi-na h ordonner cpi'on lui appor-lAt sa tête.
Le f)atriar(;he M nid iz était, pendant ce; temps-
là, dans l'Inde. S )n cœur gémissait aux la-
mentables récits des douleurs de son Eglise
abandonnée, et des soulfrances des bienheu-
reux martyrs qui, af)rès lui, avaient évangéli-
sél'Abyssinie. Les autres jésuites, qui comme
lui en étaient sortis, prenaient part h ses
douleurs, et ne i)()uvaient se i)ardonner d'ê-
tre sortis d'une contrée où ils eussent i)u,
comme leurs successeurs, recevoir la cou-
ronne du martyre. Ils résv)lurent d'y rentrer;
mais leurs efforts à cet égard (,'emeurèrent
stériles. Ce fut sur ces entrefaites que Men-
dez reçut de Nogueira, alors à Massaouah,
la leltre suivante, écrite au nom du Ras Sela
Christos :
Ti'ès-illustres seigneurs, évoques et gou-
verneur des Indes, Uas Sela Christos, à tcms
les c-hrétiens catholiques et vrais enfants
de l'Eglise de Dieu, paix et salut en Notre-
Seigneur.
« Je ne sais ni en quelle langue je dois
vous écrire, ni de quels termes je dois me
servir, pour vous représenter les périls et les
souffrances de cette Eglise qu'on alilige, d'au-
tant plus que je les vois de mes yeux.
Je prie Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui a
été attaché en croix, qui est plein de misé-
ricorde, de les faire connaître à tous nos
frères, à tous les recteurs, prélats, évoques,
archevêques, rois, vice-rois, princes, gou-
verneurs, qui ont quelque autorité au delà
des mers. J'ai toujours cru, et je me suis
souvent dit à moi-même, qu'ils nous auraient
secourus et qu'ils n'auraient pas tant tardé
à nous racheter des mains de ces barbares
et de cette nation perverse, si la multitude
et l'énormité de mes péchés n'y étaient un
obstacle. Autrefois, lorsqu'il n'y avait point
d'Eglise ici, lorsque le nom de chrélien et de
catholique nous était inconnu, on est venu
à notre secours, on nous a délivrés de la
puissance des mahométans. Aujourdhui
qu'il y a un si grand nombre de fidèles, on
nousoublieetpersonnene penseànous secou-
rir. Quoi ! le pontife romain, notre père, notre
pasteur, que nous chérissons tant, n'est-il
plus sur la chaire inébranlable de saint Pierre,
et ne veut-il plus songer à nous consoler?
Nous qui sommes ses brebis, n'aurons-nous
pas, avant que nous sortions de cette misé-
rable vie, la satisfaction d'apprendre qu'il
pense à nous, et qu'il veut empêcher que ces
hérétiques, qui nous font une si cruelle
guerre, ne nous dévorent? Le Portugal n'a-t-
ilplus de princes qui aient le zèle ardent qui
enflammait Christophe de Gama? N'y a-t-il
point quelque prélat qui lève ses mains au
ciel pour nous obtenir le secours dont nous
avons besoin ? Je n'en puis plus, je me tais,
ma langue se sèche, et la source de mes lar-
mes ne tarit point. Couvert de poussière et de
cendre, je prie et je conjure tous les fidèles
de nous secourir prompiement, de peur quQ
SI
ABY
ABY
5i
nous ne périssions. Tous les jours mes chaî-
nes deviennent plus pesantes et on me dit :
Rangez-vous de notre parti, rentrez dans
notre communion, nous vous rappellerons
de votre exil. On rao tient ce discours poui?
me perdre et pour faire périr avec moi tout
ce qu'il v a ici de catholicjues : on veut rui-
ner TE^Ïise de Dieu, et la ruiner de fond en
comble. Si donc il y a encore des chrétiens
au delà de la mer, qu'ils nous en donnent
des preuves, qu'ils nous reconnaissent pouF
leurs frères en Jésus-Christ, nous qu; soute-
nons la vérité comme eux ; qu'ils nous déli-
vrent de cette hérésie et de cette captivité
d'Egypte. — Ici, ajoute Nogueira, finissent
les paroles du Ras Sela Christos, notre ami.
Il me les a dictées lui-même sanglotant et
fondant en larmes, [)endant la visite que je
lui rendis au mois d'août de l'année der-
nière 16i8. C'est h mon tour aujourd'hui de
pleurer. Un torrent de larmes me fait tomber
la plume de la main, je ne puis écrire. Jugez
de ma tristesse et de ma douleur. Je suis
arrivé dans ce port de Massaouah le 26 de
ce mois (janvier 16 V9), j'ai exposé ma vie, il
n'est point de danger que je n'aie couru, per-
suadé que nos fidèles amis des Indos ou du
Portugal nous auraient envoyé quelques se-
cours, et je n'ai rien trouvé. J'ai même été
mal reçu aes Banians et particulièrement de
Xabandar et de Xarraii, qu'on sait être ici les
maîtres de l'argent. Ils m'o: t f.iit très-mau-
vais visage, et pas un n'a voulu me montrer
ses lettres, ni me faire part des nouvelles
qu'il reçoit. J'ai écrit plusieurs lettres de
Dembea, je n'en ai aucune réponse. Je crois
que toutes ont fait naufrage et queDieu, pour
mes péchés, n'a pas permis qu'utie seule soit
arrivée jusqu'à vous. Je retourne vers le Ras
SelaChrist.js, et je laisse ici Jacques Xarem,
qui est fort connu des Banians. Il attendra
1"S réponses à mes lettres, et il me les appor-
tera, s'il en vient quelques-unes. Il demeure
ordinairement à Addi, pays d'Engana. Mes
compagnons , abba Melca ('hrislos , abba
Tensa Chrislos, Jean-Gabriel, (îrégoire, An-
toine d'Almança et Christophe ne sont plus
que d 'S squ 'It.'tlfs animés ; ils ont été traî-
nés en prison, fo leltés; leur peau est tom-
bée de misère; et, s'ils ne sont pas morts,
du moins ils ont soull'ert tout ce qu'une ex-
trême pauvreté a de plus lude, m.'ndiant do
porte e;i porte. Le 21 octobre de l'année 16V7
on a fait mourir, en h-iincî de notre sainte
religion, abba Zara Chrislos, disciple de l'alaba
Kéril,fière dii l'abba drégoire, et lesénat.^ur
Ando, aussi rtïcommandable pour sa piété
(pie pour sa doctrine. Le 30 se; lembn; de
l'année 16V8, on a mis en f)rison dom Jliuiu
Laça Mariarn, d(jm Je m, dom Mel a (Christos,
dom Théodore. Le capitaine (iabiicl Dona-
céos a été exilé pour n'avoir pas voulu me
livrer entre les niîtins des héréti([iies. I s se
sont [Kirlésaux plus gr.iri Is excès contre moi :
ils m'ont trailéavec toute sort(j d'inhiiiu'.nité.
lis m ont dénoncé à l'abbé Emana (^li. istos,
notre plus cruel (Minfiini, qui a déjà fait mou-
rir tant (le calfioli(pies. linUti, j(! pars d'ici
sans la moindre consolation, et sans aucune
espérance, n'ayant ni vivres ni habits, et n'o-
sant pas demeurer davantage, de peur des
Turcs, qui pourront arriver au temps de la
navigation. Je reviendrai l'année prochaine,
si Dieu le permet. Je prie le Seigneur que
cette lettre puisse être lue d(! tous nos pré-
lats et autres ecclésiastiques, et principale-
ment de M. le f)atriarche et du P. Emmanuel
d'Almeida, s'ils sont encore en vie. Prosterné
le visage contre terre, je me recommande à
leurs |)iières, et demande leur bénédiction.
— A Massaouah, le .3i) janvier 16V9 Ber-
nard NoGUKiRA.» (Henrion, Hist. des missions,
t. III, p. 297.)
L'auteur de cette lettre précieuse fut pen-
du dans le Gojam, en 1653. Mendez mourut
aux Indes quelque temps après, âgé de
soixante-seize ans. On a reproché à ce pa-
triarche d'avoir compromis la mission d'Abys-
sinie, en voulant forcer les Abyssins à re-
noncer à certains usages, à certaines coutu-
mes, suivis de temps immémorial dans ce
pays, et que la religion ne condamnait pas,
disait-on , formellement. La pluralité des
femmes, la circoncision, l'observance du sab-
bat, sont au nombre des choses que le pa-
triarche voulait i)roscrire. Nous ne croyons pas
' que ceux qui sont sérieusement catholiques
puissent trouver qu'il ait usé, relativement
à ces choses, d'une rigueur trop grande. Si on
peut reprocher quelque chose à Mendez, ce
n'est pas d'avoir usé de trop de sévérité powr
maintenir la doctrine en telles circonstances;
c'est d'avoir permis, quand il pouvait l'empô-
cher, qu'on employât des moyens violents
pour convertir les dissidents; c'est d'avoir
ainsi laissé se produire en Abyssinie l'irri-
tation qui y causa la ruine de la mission et
jcclle des fruits de catholicisme qu'elle avait
'produits.
Urbain Cerri {Etat présent de VEgîise ro^
maine, p. 218), parlant des tentatives faites
après l'expulsion de Mendez pour évangéli-
ser l'Abyssinie, s'exprime ainsi : « Les Réfor-
més et les capucins, ayant entrepris depuis ce
temps-là de s'établir en Ethiopie, furent mis
à mort àSouakim et dans d'autres endroits; et
l'évèque de Crisopoli, qui fut envoyé dans ce
pays-là en qualité de vicaire apostolique, ne
put aller que jusqu'au Caire. Depuis cela, un
piaronite, qui avait été trente ans en Ethio-
pie, étant arrivé à Jérusalem en 1665, rap-
porta les particularités suivantes : que le i-oi
qui persécutait la religion était mort (le 30
septembre de c(>tte année); que son tils (Han-
nès ou OKlal'e Segued), ([ui lui avait succédé,
témoignait être bien int(!ntionné pour les ca-
tholifjucs, et qu'il leur perm(>llait d'exercer
pul)li((uem(Mit leur religion; <juc, dans une
prf>vince frontière d'Egvple, il y avait plus
30,000 catholiques, et (pu' dans la ville où il
avait demeuré avec sa l'amille, I.-ur nombre
montait à environ six nnlh;; qu'ils parlaient
l)orlugais et (pi'ils souliaitaiciil exlrèinement
d'avoir (les prêtres; (lu'enlin on pouvait faire
de grands progn'^s dans la conversion des
si;hismati([ues, pourvu que les missionnaires
voulussent se contenter de ce (pii est néces-
saiie à la vio et ne s'ai)i>liquassent à autre
55
AB\
chose qu'à l'avancement do la gloire de
Dieu. Cotte nouvelle ayant été coiumuniqnéo
à une eoiigP('ji;;ilio!i particulière, le 7 décoin-
bre JG(>(), il l'ut résolu ([u'on reuouvollorait
la missif)ri el qu'on euvorrait dans C(s pays
un ceitaiii Anloiuo Andrado, nalif d'Ethio-
pio, à ([ni on donna le titre de vicaire apos-
tolique, et qui avait été chapelain du paliiar-
che et lait ensuite évéquo de (lalipoli. Pour
cet effet, on donna aux unssionnaires de l'ar-
gent, des livres et autres ciioses nécessaires.
Etant arrivés à Suez, ils firent savoir à la
con;j;Tégation, en 1(>()9, que la persécution y
régnait toujours, mais non pas avec la
même violence que dans les commencements.
En 1()7I, la congrégation apprit que ces mis-
sionnaires et le vicaire apostoli([ue avaient
été mis h mort par un etîet de la haine con-
tre la religion catholique. Ainsi cette mis-
sion fut entièrement abandonnée. Mais, de-
puis ce temps-là, on l'a jointe à celle d'E-
gypte et on a ordonné au supérieur d'en-
voyer des missionnaires en Ethiopie dès qu'il
y aurait une occasion favorable pour cela, et
on a eu soin, en môme temps, de procurer
l'argent nécessaire à celte entreprise. »
De Maillet nous permet de suivre la trace
des essais de missions tentés pour l'Abyssi-
nie : « Il y a huit ou dix années (vers 1693),
écrit ce consul, qu'il se trouvait au Caire des
missionnaires italiens de la réforme de Saint-
François, indépendants du gardien de Jéru-
salem et cependant entretenus aux dépens de
la Custodie de Terre-Sainte, dont les reli-
gieux de cette ville (mineurs observantins)
demeuraient en un même hospice avec les
premiers. Cette indépendance et la dépense
nécessaire à l'entretien de ces religieux mis-
sionnaires, chagrinant ceux de Jérusalem, ils
agirent si fortement à Rome, soit en offrant
de se charger de la mission d'Egypte et de
fournir pour cela les sujets nécessaires, soit
en y représentant d'autres choses , qu'enfin,
après l'envoi de plusieurs commissaires en
ces quartiers-ci, la congrégition de la Pro-
pagation de la foi, établie à Rome, leur ac-
corda cette mission d'Egypte. Le gouverne-
ment de Jérusalem, en étant en conséquence
entré en possession, renvoya d'aborJ tous les
missionnaires qui étaient des sujets de cette
même congrégation, et n'en adopta que deux.
Ceux qui avaient été congédiés, étant retour-
nés à Rome, travaillèrent longtemps pour se
faire rétablir en Egypte ; mais n'ayant pas
trouvé moyen d'y réussir directement, ils y
parvinrent par une autre voie. Ils présentè-
rent au pape et à la congrégation de la Pro-
pagation une relation , laquelle a été im-
primée. Elle était dressée par les deux des
leurs que la Custodie de Terre-Sainte avait
gardés, et portait en substance que telles et
telles personnes v désignées les avaient as-
surées que, dans le pays de Fungi, sur les
confins d'Ethiopie, il y avait un très-grand
nombre de familles chrétiennes catholiques,
qui s'y étaient retirées d'Abyssinie, lors de
la persécution y livrée aux catholiques, en
1 an leVO ou kl dudit siècle; que ces pauvres
âmes, au nombre de plus de quinze cents,
AHY 5i
étaient sans pasteur et sans aucun secours
spirituel , offrant lesdits religieux de s'y
trans()orler et de |)énétriM' même jusqu'en
J<;thiopi(!, où ils assurai(!nt qu'il y avait beau-
coup d'autres (.•atholi(iuos et des dis(»osilions
favorables ii réunir celle Eglise h la romaine.
Cett(! permission ne fut [joint seulement ac-
cordée à c<!s Perces, mais l'on fut encore si
persuadé do la réalité dos choses qui étaient
ref)résenlées et du succès de la réunion de
l'iiglise éthiopienne, qu(! le pape Innocent
douzième, sous lequel cela se passait, lit un
fonds considérable j)our rontretien perpétuel
d'un grand noml)re do sujets destinés à celle
mission (pie l'on ai)pela d'iithiopic, et dont
le soin fut commis aux religieux réformés
de Sainl-Fran(;ois. On leur poruiil en mèm(!
temps de tenir deux ou trois religieux au
Caire, en qualité de procureurs de cette mis-
sion; et, pour la commodité de ceux qui
iraient ou viendraient d'Elhiopie môme,
d'avoir un hospice à Achmin (la Panapolis
dos anciens), dans la haute Egy[)te, lieu
qu'ils avaient représenté être nécessaire pour
le rafraîchissement des religieux qui passe-
raient du Caire en Ethiopie, eloii il y aurait
aussi beaucoup de fruit à faire auprès des chré-
tiens cophtes qui y étaient en grand nombre.
C'est de cette sorte que ces religieux, exclus
en quelque manière de l'Egypte, trouvèrent
moyen de s'y rétablir. Cependant comme on
ne parlait à Rome et dans toutes les cours
catholiques que de cette grande mission, les
RR. PP. jésuites crurent ne devoir point
s'oublier dans une conjoncture si impor-
tante pour la gloire de la religion... Ils ju-
gèrent à propos, avant de s'adresser à Sa
Sainteté, de prévenir le roi de la résolution
qu'ils avaient prise d'envoyer de leurs ou-
vriers dans cette grande mission d'Ethiopie;
résolution que S. M. loua et promit de se-
conder. Cette démarche ayant été faite, le
R. P. Verseau, de leur compagnie, passa de
France à Rome, avec de fortes lettres de re-
commandation... Il arriva au Caire en 1697,
avec des ordres de protection, que lui et les
siensy ont constamment éprouvéede ma part,
bien au delà de mes obligations. Je l'ai reçu
dans ma maison avec son compagnon ; j'enga-
geai ensuite la nation (française) à leur en
acheter et présenter une autre, ce qui n'avait
point encore eu d'exemple... Quant à l'en-
treprise d'Ethiopie, j'en dis mon sentiment
au R. P. Verseau, et que ce serait une es-
pèce de miracle de pouvoir y pénétrer, et
plus encore de s'y conserver et d'y faire
quelques progrès. Je l'assurai, comme le
temps l'a justifié, que l'histoire des chrétiens
établis sur les confins de l'Ethiopie était une
fable, et lui promis cependant que je ne né-
gligerais aucune occasion de contribuer au
dessein qu'il me paraissait avoir de tenter
une entrée dms cet empire. Après cela il
partit pour la Syrie, où il fit sa résidence en
qualité de supérieur général de sa compagnie,
tant de cette contrée que d'Ethiopie. Alors
étaient au Caire deux sujets de sa compa-
gnie, dont l'un Ilalien et l'aiilre Français. Le
dernier s'a[);'ielait le R. P. Brévédent, et on
5ft
ABT
ABY
5Ô
peut dire que c était un saint religieux, éloi-
gné de l'esprit d'intrigue et de dissimulation,
et d'une humilité profonde. En l'année 1698,
un certain Ha igi-Ali, marchand, vint d'EMiio-
pie au Caire avec quelques commissionsduNé-
gous (Yasous I"), dont l'une était de lui amener
quelques médecins, s'il en trouvait... Il eut
besoi'i pour sa "iropre personne de quelques
remèdes de chirurgie, et le hasard l'ayant con-
duit entre les mains du sieurCharlesPoncet,
Français établi au Caire, il s'en trouva fort bien
et lui proposa sur cette expérience de passer
avec lui en Etiiiopie, où il lui promit de lui
faire faire une fortune onsidérable. Le sieur
Poncet m'ayant communiqué la chose, je
l'invitai à accepter cette proposition, dans
l'espérance que j'eus d'i'itroduire avec lui
quel;jups-uns des Pères jésuites dans la cour
d'Abyssinie. Je leur lis part ensuite de ce
dessein, qu'ils approuvèrent extrêmement, et
duquel nous donnâmes avis au R. P. Ver-
seau. Cependant, comme le temps du départ
de cet Hadgi-Ali pressait et que nous ne
doutions point que le R. P. Verseau n'ap-
prouvât ce que nous lui avions proposé, le
R. P.Brévédent, déguisé en domestique, par-
tit du Caire le 10 juin 1698, avec le sieur
Poncet et lui, sans avoir l'approbation de
son supérieur... Comme la caravane fut re-
tenue longtemps dans la haute Egypte par
la crainte des Arabes, le R. P. Grenier, jé-
suite, envoyé par le R. P. Verseau en cette
ville, pour détùurnt^r le voyage du R. P. Bré-
védenl, arriva assez à tem[)s pour le rappe-
ler; mais trouvant la chose à moitié con-
sommée, et satisfait des mesures qui avaient
été prises, il lui laissa continuer sa route. »
Dans la relation que Poncet a donnée de
sa curieuse excursion hors de l'Egypte, il
dit que, durant le trajet deMoscho à Dongola,
duiau 13 novembre, il rencontra des peuples
qui, bienqu'ilsiissentalors profession du ma-
hométisme, n'en savaient quelaformuledefoi.
« Ce qui est déplorable, ajoute le voyageur,
et ce qui tirait des larmes des yeux du
P.Brévédent, mon cher compagnon, c'est qu'il
n'y a pas longtemps que ce pays était chré-
tien et qu'il n'a perdu la foi que parce qu'il
ne s'est trouvé personne qui ait eu assez de
zèle pour se consacrer à l'instruction de
cette nation abandonnée. Nous trouvâmes
encore sur notre route quantité d'ermitages
et d'églises à demi ruinés. » Pendant le sé-
jour des voyageurs à Sennaar, capitale de la
Nubie, on apporta à Poncet une fille maho-
raélane, âgée de cinq à six mois, pour la
traiter d'une maladie : «Comme cette enfant
était à l'extrémité et sans espérance de vie,
dit-il , le P. Brévédent la baptisa sous pré-
texte de lui donner un remède, et cette fille
l'ut assez heureuse pour mourir après avoir
jcçu le saint bai)lème Le P. Brévédent
était si pénétré de joie d'avoir ouvert le ciel
à cette Ame, qu'il In'assur.iit, avec un trans-
port que j(! n(! puis e\|)rimer, ({ue, quand il
n'auniil Wnl que cela en sa vie, il se tenait
fiour Ijieii récoiii|)ensé di; loutns les |>(!ines
tju'ii avait eiu^s en ce voya,j;e. » I^orscjue ce
missiOJinairo se trouvait à Ti ipoli de Syrie,
on lui avait donné fort mal à propos un vio-
lent purgatif de pignons d'Inde, dit catapu-
tia, et ce remède, toujours dangereux, lui
avait causé un flux dont il était incommoder
et qu'il cacha par modestie à Poncet. Cepen-
dant sa position empira, et à Barcos, il se
vit en peu de jours réduit à la dernière ex-
trémité. « Je n'eus pas plutôt appris l'état
oh. il était, dit Poncet, que je me fis porter
dans sa chambre, quoique je fusse alors
très-mal. Mes larmes plutôt que mes paro-
les lui firent connaître que je désespérais de
sa guérison et que son mal était sans re-
mède. Ces larmes étaient sincères, et si j'a-
vais pu le sauver aux dépens de ma vie , je
l'aurais fait avec plaisir. Mais il était mûr
pour le ciel, et Dieu voulait récompenser
ses travaux apostoliques Pour rendre?
justice au P. Brévédent, je puis dire que ja-
mais je n'ai connu d'homme plus intrépide
et plus courageux dans les dangers, plus ar-
dent et plus ferme lorsqu'il fallait soutenir
les intérêts de la religion, plus modeste et
plus religieux dans ses manières et dans
toute sa conduite Pendant tout le voyage,.
il ne me parla que de Dieu, et ses paroles
étaient si vives et si pleines d'onction, qu'el-
les faisaient sur moi de profondes impres-
sions. Dans les derniers moments de sa vie,,
son cœur se répandit en des sentiments d'à—
mour et de reconnaissance envers Dieu, si
ardents et si tendres que je ne les oublierai
jamais. C'est dans ces sentiments que ce
saint homme mourut dans une terre étran-
gère, à la vue de la ville capitale d'Ethiopie,,
comme saint François Xavier, doatil portait
le nom, était mort autrefois à la vue de la
Chine , lorsqu'il était près d'y entrer pour
gagner ce vaste empire à Jésus-Christ Il
mourut le 9 juillet de l'année 1699, h trois
heures du soir. Plusieurs religieux d'Ethio-
pie, qui furent présents à sa mort, en furent
si touchés et si édifiés, que je ne doute pas
qu'ils ne conservent toute leur vie un grand
respect pour la mémoire d'un si saint mis-
sionnaire. Ces religieux vinrent le lende-
main en corps , revêtus de leurs habits de
cérémonie, ayant chacun une croix de fer k
la main. Après avoir fait les prières pour les
morts et les encensements ordinaires, ils
portèrent eux-mêmes le corps dans une
église dédiée à la sainte Vierge, en laquelle
il fut inhumé. » '
Quand Poncet se fut rendu à Gondar, l'em-
pereur lui dit être aiUigé de la mort de son
compagnon, dont on avait fait connaître le
mérite et la capacité h ce prince. Comme on
ne recevait aucune nouvelle ni du P. Bré-^'
védenl, ni de Poncet, les PP. Grenier et Pau- %
let, jésuites, ])leins de zèle pour la mission \
d'Abyssinie , partirent avec des lettres du '
consul de Maillet. Le roi de Sennaar les re-
çut avec honneur, comme des envoyés <lii
roi di; France, et les rcM-ommanda à un am-
bassa'leur du Négous cpii était venu coiu-Iure
la j)aix entre son maître et lui ; ils accom-
pagnèrent c(!l ambassadiïur à son retour en
Abyssinic, mais il n'est plus fait mention
d'eux. Quoi(juo les franciscains réformés
5Î
ABV
AB¥
58
italiens eussent un des leurs attaché au roi
de Sennaar en qualité de médecin, et qu'ils
prissent le titre d'envoyés du pape auprès
du Néj^ous, moins favorisés que les jésuites,
ils durent attendre une réponse aux lettres
qu'ils avaient adressées à Yasous, à l'abouna
et aux moines abyssins, pour leur exposer
leur commission. Le voyage de Poncet avait
un double but : d'abord, de guérir le Né-
gous malade, ensuiie de déterminer Yasous
à envoyer un ambass;ideur au roi de France.
Il reparut, en ellet, au Caire, avec un cer-
tain Mourad, et le P. Verseau, qui s'y trou-
vait alors, les accomi)agna à Paris. Lorsque
Poucet reprit, en 1703, avec Mo .rad, le che-
min de l'Abyssinie par la mer Rou-^e, le
P. du Bernât, jésuite, qui voulait pénétrer
dans cet empire, alla rattendf(và Suez. Ce
religieux se lit, h son tour, passer pour le
serviteur du médecin. Jacques <.hrislo[>hc,
marchand cypriote, se joignit à eux. Mfiisdès
3u'on fut arrivé à Djedda, le P. du IJeroat
ut retourner au Caire avec Christophe, tan-
dis que Mourad et Poucet poursuivaient leur
destinée errante ; le premier mourui à Mas-
kate, et le second passa en Perse, où il acheva
sa vie marquée par les servie -s qu'il a ren-
dus à la géographie des cotitiées inconnues
dont il a parlé. Bruce et Sait l'ont traité avec
plus de justice que le consul de Maillet,
L'Arménien Elias, attaché au service de la
nation française, fut envoyé en Abyssinie
par la voie de Massaouah, pour préparer
Yasous à recevoir, comme ambassadeur de
France, Le Noir du Roule, vice-consul à Da-
miette, dont le succès eût ouvert cet empire
aux jésuites. Malheureusement du Roule
périt assassiné le 25 novembre 1705, à Sen-
naar ; caiastrophe que Bruce impute calora-
nieusement aux. franciscains réformés, alors
établis en Nubie, et qu'un sentiment de ja-
lousie contre les jésuites, auxquels le vice-
consul frayait le chemin, aurait, dit-il, por-
tés à faire échouer son ambassade. Le P. Jo-
seph, leur préfet, avait non-seulement péné-
tré en Abyssinie, mais reçu de Yasous une
lettre pour le pape, et il conduisit à Rome
sept Abyssins. La cupidité des Nubiens ,
excitée par les présents dont du Roule était
chargé pour le Négous, explique le meurtre
des Français , et la calomnie de Bruce est
d'autant plus évidente que les franciscains
réformés ne séjournaient pas à Sennaar au
moment de l'aitentat. L'auteur anglican se
borne, au reste, à reproduire les odieuses
accusations du consul de Maillet.
Malgré le malheur que du Roule venait
d'éprouver à Sennaar, il resta dans l'Atbara
des missionnaires qui eurent assez de cou-
rage pour tenter un voyage en Abyssinie, et
assez d'adresse pour réussir. Oustas, étran-
ger à la famille de Saloraon, occupait le trône
lorsque arrivèrent les PP. Libéral Weis ( ou
de Wies), préfet apostolique d'Autriche; Mi-
chel Pie de Zerba, de la province de Pa-
doue, et Samuel de Bienno (ou de Beamo),
né dans le Milanais, religieux de l'ordre de
Saint-François. Ce pri'ue, dit Bruce, avait
conçu, comme Yasous, une idée avantageuse
de la religion romaine ; aussi il les reçut
favorablement et les mit sous la garde d'Ain
Egzié, ancien oflicier d'Yasous et gouver-
neur du Walkayt. 11 leur donna , en outre,
pour interpièle, un moine abyssin qui avait
été h Jérusalem et qui était très-attaché à la
communion de Rome. 11 le chargea de de-
meurer s ins cesse auprès d'eux et de veiller
à leurs intéiéts. Charmé de leur pauvreté et
de leur refus constant d'accepter les biens
u'il leur offrait, il leur défen^lit néanmoins
e prêcher en public , dans la crainte d'a-
meuter le peuple : « L'œuvre que nous en-
treprenons est difficile, leur dit le prince;
elle demande du temps, des ménagements et
de la patience ; Dieu n'a pas créé le monde
en un instant, mais en six jours. » Se déro-
b int lui-même à ses courtisans pendant la
chasse, Oustas allait vi iter les missionnai-
re-, entendait la messe, communiait de leurs
mains. Ces démarches furent bientôt con-
nues de beaucoup de prôires et de laïques
de sa cour, mais la sévérité du Négous leur
imposa. La race de Salomon ressaisit le scep-
tre, au mois ue janvier 171i , dans la per-
sonne de David, fils de Yasous. Le chef des
moines de Debra-Libanos déclara alors, dans
une assemblée du de. gé , et offrit de prou-
ver que trois prèt.-es catholiques, avec un
interprète ai)yssiii, étaient éiablis dans le
Walkayt depuis plusieurs années, et qu'ils
avaient été entretenus , protégés , consultés
par Oustas, qui assistait souvent à la messe,
célébrée suivant le rite romain. David, élevé
dans les préventions du schisme, ordonna
aussitôt d'arrêter les missionnaires et leur
interj)rète, l'abba Grégoire. Les confesseurs
furent conduits devant le plus partial et le
plus barbare de tous les tribunaux. L'abba
Masmaré et Adug Tesfo, qui avaient fait le
voyage du Caire et de Jérusalem, et qui en-
tendaient l'arabe, interrogèrent les francis-
cains et traduisirent leurs réponses. La pre-
mière question fut ainsi formulée : « Rece-
vez-vous ou ne recevez-vous pas le concile
de Calcédoine comme une règle de foi, et
croyez-vous que le pape Léon l'a présidé et
dirigé régulièrement et légitimement? » Ils
répondirent « qu'ils regardaient le concile
de Calcédoine comme le quatrième concile
général ; qu'ils recevaient ses décisions
comme des règles de foi, qu'ils croyaient que
le pape Léon l'avait présidé et dirigé régu-
lièrement et légitimement, comme chef de
l'Eglise catholique et successeur de saint
Pierre et vicaire de Jésus-Christ sur la terre.»
A ces mots, un cri génf^ral s'éleva avec fu-
reur du milieu de l'assemblée, et l'on n'en-
tendit que ces paroles terribles : « Qu'ils
soient lapidés I Quiconqne ne leurjetiera pas
trois pierres, sera maudit et ennemi de la
vierge Marie! » Et soudain cette sentence
cruelle fut exécutée. Un seul prêtre, homme
distingué par son savoir et par sa piété, et
l'un des cliefs de Tass^mb ée , déclara avec
véhémence que les missioinares étaient ju-
gés irrégulièrement et injustement ; mais sa
voix se perdit au milieu des clameurs de
cette multitude de barbares. Les martyrs
59
iCA
ACA
60
restèrent en butte à la fureur de leurs fana-
tiques ennemis. Ou leur mit une corde au
cou et on les traîna sur une plane, derrière
l'église d'Abbo, dans le chemin de Tedda,
où, conformément à la sentence, on les la-
pida. Ils reçurent la mort avec une patience
et une résignation égales à celles dos pre-
miers martyrs. Non contents de ce triple
meurtre, les moines abyssins voulurent im-
moler Tabba Grégoire, interprète des prê-
tres d'Europe; mais David, considérant ([ue
Grégoire, en résidant avec les missionnaires
dans le Walkayt, n'avait fait qu'accomplir
les ordres d'Oustas, alors son souverain ,
n'autorisa point sa mort, et le renvoya dans
sa province. (Henrion , Hisf. des missions,
roi. III, p. 299, etc., citant Urbain Cerri, de
Maillet, Poucet, Bruce. )
•. Depuis lors l'Abyssinie n'a plus été une
terre de persécution , les enfanîs de saint
Vincent de Paul l'ont de nouveau évangéli-
sée, et maintenant la religion catholique y
est tolérée.
AGACE (saint), évêque d'Antioche (petite
ville de Phrygie, Antiochia ad Cragum), eut la
gloire de combattre pour la foi sous le règne
de l'empereur Dèce, par ordre du consulaire
Martien. Ce saint évèque avait maintenu,
durant le cours de la persécution, tout son
troupeau dans la foi, tandis que les marcio-
nites, nombreux dans ce pays, sacrifiaient aux
idoles par la crainte des supplices. Nous
donnons ici les actes cités par Ruinart.
Martien, personnage consulaire et enne-
mi déclaré des chrétiens, se trouvant à An-
lioche, petite ville de son gouvernement,
ordonna qu'on lui amenAt l'évêque ; il se
nommait Acace, et sa vigueur épiscopale,
jointe à une charité universelle, lui avait
fait donner le surnom de bouclier et de re-
fuge du pays. Lorsque ce saint homme eut
été introduit en la présence de Martien, ce
gouverneur lui dit : « Puisque vous avez le
bonheur de vivre sous la protection des lois
romaines, vous êtes obligé d'aimer et d'a-
dorer nos princes, qui en sont eux-raômes.
les protecteurs. » Acnce répondit à Martien :
« Sachez que de tous les sujets de l'empire,
11 n'y en a point qui aiment et qui honorent
plus l'empereur que les chrétiens. Nous
prions sans discontinuation pour sa ])erson-
ne, et nous demandons à Dieu , dans nos
lirières, qu'il lui accorde une vie longue,
jjleinc de succès heureux et comblée de tou-
tes sortes de bénédictions; qu'il lui donne
Icsprit de justice et de sagesse pour gouver-
ner ses peuples, et que tout son règne se
I asse dans une i)aix florissante, et qui entrc-
lieune la joie et l'abondance dans loutes les
jiiovinces qui lui ohéissent.Mr/r^/en: Cela est
fort louable ; mais alin que l'em|)ereur puisse
efre encore plus foiteiiKint j)ersuadé de vo-
tn; fidélité et du zèle que vous avez [)Our
son service, comme aussi de l'attachenuînt
que \()us dites avfjir [)Our sa personne, ve-
nez lui offrir avec nous un sacrifice. Avacc :
Je viens de vous dire que j'ull're mes vœux
pour le salut du jjrince , .'i mou Dieu, qui
est le seul ot véritable Dieu : mais, îi l'égard
du prince, il ne peut exiger de nous aucun
sacrifice, et nous ne devons lui en offrir au-
cun ; car enfin ce qui s'appelle sacrifice n'est
dû à homme tel qu'il soit. Martien .- Ilépon-
dez-moi : Quel Dieu adorez- vous donc, afin
que, de notre côté, nous puissions aussi lui
présenter nos vœux et notre encens ?.lracc :
Je souhaite de tout mon cœur que vous le
connaissiez. Martien : Apprenez - moi son
nom. Acace : Il se nomme le Dieu d'Abra-
ham, d^lsaac et de Jacob. Martien : Sont-ce
là aussi des dieux? Acace .-Non, sans doute ;
ce sont des hommes auxquels véritablement
Dieu a parlé. Il n'y a que lui seul qui soit
Dieu, et lui seul doit être adoré, craint et
aimé. Martien : Quel est-il enfin, ce Dieu ?
Acace : Adonai, le Très -Haut, qui est assise
sur des cliérubins et sur des séraphins.
Martien : Qu'est-ce qu'un séraphin ? Acace :
C'est un des ministres du Dieu très-haut, et
un des principaux seigneurs de la cour cé-
leste, qui approche le plus près du trône.
Martien : Quelles chimères nous débitez-
vous là? Laissez toutes ces choses invisibles,
et adorez [ilutôl des dieux que vous puissiez
voir et connaître. Acace : Dites-moi donc , à
votre tour , quels sont ces dieux à qui
vous voulez que je sacrifie? Martien : Apol-
lon, le sauveur, le libérateur des hommes,
qui peut nous préserver de la famine, de la
peste et des autres fléaux ; qui éclaire, régit
et gouverne l'univers. Acace : Apollon, di-
tes-vous? Quoi, ce jeune fou, qui, épris de
l'amour d'une fille, courait après elle, sans
prévoir que dans le moment même il allait
la perdre pour toujours? Il est constant qu'il
n'était pas prophète, puisqu'il ignorait ce
qui devait lui arriver, et il était encore
moins dieu, puisqu'il se laissa tromper par
une fille. Mais ce ne fut pas là le seul malheur
qui lui arriva, ni la seule sottise qu'il fit.
Comme il aimait les beaux garçons, il con-
çut une passion détestable pour le beau
Hyacinthe, comme tout le monde sait, et il
fut assez maladroit pour casser la tête à ce
beau mignon, du môme palet dont il jouait
avec lui. N'est-ce pas aussi ce dieu qui,
avec Neptune, un autre dieu comme lui, se
fit maçon et se loua à un roi***, pour
bâtir lés murailles d'une ville? Ce fut aussi
lui qui, chassé du ciel et n'ayant le sou, se
mit à garder les troupeaux du roi Admètc.
Et vous voulez m'obliger à offrir des sacri-
fices à une telle divinité? Ne voiidriez-vous
j)as aussi que j'en offrisse à Esculape, quoi-
que foudroyé par Jupiter? à Vénus, malgré
sa vie libertine et ses infimes amours, et à
cent autr(\s monstres semblables, à ({ui vous
sacrifiez vous-mêmes? Ne croyez pas que la
crainte de |)erdre la vie au milieu des plus
affreux sup|)lic<;s ])uisse jamais me faire ré-
sou(lr(! à adorer ceux (jue je rougirais d'imi-
ter, pour lesipiels j(! n'ai (pie du mépris, que
de riioi'i'eur. Dites-moi, si (pielipi'un, dans
son gouvernement , après avoir commis do
pareils forfaits, voulait se justifier par
l'excMiiple d(î vos dieux , aurie/.-vous ()0ur
eux assez de respect «4 de complaisance j>our
lo renvoyer absous? El ccpeiulanl vous ado-
61
ACA
ACA
6?
rez dans vos ditMiK ce quo vous puiiirii.'Z
sévèrement dans les hommes. Martien : Je
sais que c'est votre ordinaire, h vous antres
chrétiens, de vomir force injures contre la
majesté de nos dieux; c'est |)Ourqnoi je
veux ((ue vous veniez tous présentement avec
moi au tem()le do Jupiter et de Junon ,
pour leur rendre, dans un banquet reli-
gieux que nous y ferons ei leur honneur,
ce qui est dil à ces gran.ies divinités.
Acace : Bon ! j'irais sacritier à un homme
dont on voit encore aujourd'hui le tondjeau
dans l'île de Crète fCandie)! Quoi, est-il res-
suscité ? Martien : Tout cela ne sert de rien ;
il faut ou sacrifier, ou mourir, xicace : Voilà
justement comme en usent les brigands de
Dalmatie, dans les défilés de leurs monta-
gnes, envers les pauvres voyageurs que leur
malheureuse destinée y conduit : La bourse
ou la vie 1 vous demandent-ils : il faut lais-
ser l'une ou l'autre. De même ici, il faut,
ou perdre la vie, ou commettre un crime. Je
vous déclare que je ne crains rien, que je
n'appréhende rien ; les lois punissent les
adultères, les voleurs, les homicides : si j'é-
tais coupable de quelqu'un de ces for-
faits, je serais le premier k me condamner et
à me punir sans attendre votre jugement.
Mais si tout mon crime est d'adorer le vrai
Dieu, et que pour cela seul je sois conduit
au supplice, ce ne sera plus la loi qui me
condamnera, mais l'injustice. Il est dit- en
plus d'un endroit dans nos livres sacrés
\Ps. xni et lu) : Ils se sont tous détournés
du bon chemin; ils sont tous devenus inutiles :
il n'y en a pas un qui fasse le bien, il n'y en
a pas un seul. Et il est écrit ailleurs {Luc vi) :
Vous serez jugés de la même manière que vous
jugerez, et l'on vous fera comme vous faites
aux autres. Martien : Moi, je n'ai pas ordre
de juger, mais de contraindre ; c'est pour-
quoi, si vous n'obéissez de bon gré, je sau-
rai bien vous faire obéir par force. Acace:
Et moi j'ai aussi reçu un commandement au-
quel je prétends déférer ; c'est de ne point
renoncer mon Dieu. Si vous croyez être
obligé d'exécuter les ordres d'un homme
morteU qui demain sera la pfdure des vers,
quelle doit être ma fidélité et mon exactitude
à obéir à un Dieu dont la durée est éternelle
et ]>i puissance infinie, et qui a prononcé ce
terrible arrél contre ceux qui le renonceraient
[Matth. x) : Quiconque ne confessera pas mon
nomdevant leshommes^jene lereconnaîtrai pas
non plus moi-même en la présence de mon Père,
lorsque je viendrai, tout environné de gloire
et de majesté, juger les vivants et les morts !
Martien : Vous venez tout à propos de décla-
rer cette erreur de votre secte, qu'il y avait
longtemps que j'avais envie de savoir. Vous:
dit-es donc que Dieu a un fils? Acace : Oui, il
en a un. Martien: El qui est-il ce fds de
Dieu ? Acace : Le Verbe de grâce et de vérité.
Martien : Est-ce là son nom? Acace :Yo\is
ne m'aviez pas demandé son nom, mais quelle
était sa puissance. Martien : Eh bien ! son
nom? Acace : Jésus - Christ. Martien : De
quelle femme Dieu a-t-il eu ce fils ? Acace :
Jésus-Christ est né de la bienheureuse vierge
Marie. Martien : Dieu a-t-il eu ce fils à la
manière diS hommes? Acace : Lh Eils de
Dieu a été conçu dans le sein de Marie j)ar
l'opération Ja Saint -Es[)rit. Quand Dieu
créa le premier homme, il lui forma un cor[)s
avec un peu de terre, et ensuite il lui inspira
l'Ame et la vie. Car ne pensez f)as (pie cette
divine Majesté , qui est un pur esprit, souille
son infinie pureté par le commerce d'une
femme mortelle. Ainsi le Fils de Dieu, le
Vei-be de vérité est sorti do rentendt;ment
de Dieu; c'est ce qui est exprimé dans les
livr((S divins, en ces termes : Mon cœur a
produit une parole sainte {Ps. xliv). Mar-
tien : Dieu a donc un corf)S ? Acace : Lui
seul se connaît ; pour nous, nous ne sau-
rions dire quelle forme il a, [)arce qu'elle
est invisible. Nous nous contentons do re-
connaître et d'adorer son pouvoir souve-
rain. Martien : Si Dieu n'a pas un corps,
comment lui donnez-vous un cœur ? car,
tout ce qui a sentiment doit nécessairement
avoir un corps. Acace : La sagesse subsiste
indépendamment des organes du coips; c'est
Dieu qui en est le principe. Et quel besoin,
je vous prie, l'entendement a-t-il d'un
corps ? Martien : Revenons au fjoint. Con-
sidérez les cataphryges (anciens hérétiques);
ce sont gens qui professant une ancienne
religion; eh bien, ils ont renoncé à leurs
vieilles erreurs, et se sont joints à nous pour
offrir des sacriiices à nos dieux. Croyez-
moi, hâtez -vous d'en faire autant, kas-
semb'ez tous les chrétiens qui sont sous
votre charge, et persuadez-leur d'embras-
ser la religion de l'empereur. Que tout le
peuple vous suive au temple. Acace : Ce
n'est pas à moi que tout ce peuple obéit ;
c'est à Dieu. Ainsi il m'écoutera volontiers
lorsque je voudrai lui enseigner des choses
justes et raisonnables, et qui ne serant point
opposées à la loi de Dieu ; mais tous m'aban-
donneront, n'auront que du mépris pour mes
paroles, s'ilsreconnaisscntqu'elies soientcon-
trairesà cette divine loi, etqueje chercheàles
pervertir. Martien : Donnez-moi leurs noms.
Acace : Leurs noms sont écrits au ciel et
dans les sacrés registres de Dieu. Croyez-
vous que les yeux d'un mortel puissent lire
des caractères formés de la main de Dieu
même ? Martien : Où. sont les autres magi-
ciens, vos compagnons, ces adroits impos-
teurs, qui font, comme vous, profession de
cet art trompeur? Acace : 11 n'y a persomie
au monde qui ait plus d'horreur de la ma-
gie que les chrétiens. Martien : Cette nou-
velle religion que vous introduisez, qu'est-ce
autre chose que magie et qu'enchantements ?
Acace : Appelez-vous enchantements ce que
nous faisons à l'égard de vos dieux, que nous
renversons souvent d'une seule parole, et que
nous dégradons de ce haut rang où vous les
aviez placés, leur ôtant la divinité qu'ils te-
naient de vous ? car enfm, ces pauvres dieux
demeureraient imparfaits, si le bois ou la
pierre vetiait à manquer à l'ouvrier qui les
fait. Pour nous, nous craignons, non celui
que nous avons forgé de nos mains , mais
celui qui nous a formés des siennes ; qui
63
ACA
ACE
64
nous a créés comme le maître el .e seigneur
de la nature, qui nous a aimés comme un
bon père, qui nous a arra; h6s h la m )rt et
à l'enfer, comme un pasteur soigneux et af-
fectionné. Mirtien : Do-i'iez-moi, vous dis-je,
les noms que je vous demande ; et craignez
qu'un second refus ne vous coûte cher.
Arace : Je comparais devant vous , et vous
me demandez mon nom ; vous voulez aussi
savoir celui des autres ministres du Sei-
gneur. Croyez-vous en pouvoir désarmer
plusieurs, vous qui ne pouvez résister h. un
seul. E!i bien 1 si vous aimez tant à savoir
des noms, je m'appelle Acace; et si vous
en voulez encore savoir davantage, on me
nomme Agathange , et mes deux compa-
gnons, Pison, évoque des Troyens, el Méan-
dre, prôtre de cette Eglise. Faites mainte-
nant ce qu'il vous plaira. Martien : Vous
tiendrez prison jusqu'à ce que j'aie informé
l'empereur de vos sentiments, et j'attendrai
là-dessus ses ordres.» Decius, ayant lu cette
relation , ne put s'empêcher d'admirer les
réponses vives, et pleines de feu et de jus-
tesse du saint évêque Acace. Et tournant en
raillerie toute cette dispute, il ne laissa pas
de récompenser Martien du gouvernement
de laPamphylie; mais il permit à Acace de
professer librement sa religion.
L'Eglise fait la fête d ; saint Acace le 31
du mois de mars. Saint Acace, après ce glo-
rieux combat, convertit beaucoup d'infidèles
à la religion chrétienne, et plus tard mourut
tranquillement dans la paix du Seigneur.
ACACE (saint), est indiqué dans les mar-
tyrologes latins et grecs comme ayant souf-
fert le martyre avec saint Ménandre et saint
Polyène, en même temps que saint Patrice, à
Pruse en Bithynie. Les actes de ce saint
évoque ne donnent pas de détails sur le mar-
tyre des trois saints que nous venons de
nommer. Leur fête est, comme celle de saint
Patrice, célébrée par l'Eglise le 28 avril. Le
martyre de ces saints eut lien dans le
ni' siècle, sous le règne de Dioclétien.
ACACE (saint), prêtre et martyr, illustra
par sa mort la ville de Séhaste en Arménie,
sous l'empereur Dioclétien. 11 eut pour com-
pagnons de son martyre le saint prêtre Hi-
rénarqueet septfemmes chrétiennes. L'Eglise
célèbre leur fête le vingt-sept de novembre.
ACACE (saint), martyr, habitait Milet
quand l'empereur Licinius, violant les enga-
gements qu'il avait pris, se déclarant l'en-
neuii de C(i (pi'il avait protégé, se mit à per-
sécuter violemment his chrétiens. Saint
Acace fut arrêté, soudVit divers tourments,
fut jeté par les persécuteurs dans une four-
naise où la Providence le (conserva miracu-
leusement, et (Milin eut la tête tianchét.'. Sa
fête a lieu le 28 juillet.
A(]AC1US (sîiinlj, niarlyr, l'un di!S ({uaranle
martyrs de Sébaste, sous Licinius. Voij. Mau-
'J YUS I)K SkJIASTK.
A(L\THE (saint), ccnluiion à Hyzance,
sous h.' lè^ne de Dioch-tien et de Maximieii,
fut accusé ji.ir la tribun Kirnnis défaire |)ro-
fession du cliristiarusim;. Le juge llihieii lui
iil soull'rir à Cériiithc d'atrocci) tortures, puis,
le proconsul Flaccus le conaamna, quand on
l'eut ramené à Bysance, à perdre la tête. On
dit que son corps fut porté miraculeusement
sur le bord do la mer à Squillace, où il est
conservé, dit le oiartyrologe romain, avec
honneur. L'Eglise célèbre sa fête le 8 du
mois de mai.
ACCURSE (saint), martyr, était religieux
de l'ordre de Saint-François. Il eut la gloire
de mourir pour la foi à Maroc en Afrique. Il
eut des compagnons de martyre, ce furent
les saints Pierre, Berard, Ajut et Olhon. L'é-
poque où eut lieu leur martyre est inconnue.
L'Eglise fait leur fête le IG janvier.
ACEPSIMAS (saint), martyr, mourut en
Perse pour la foi chrétienne, en l'an de Jésus-
Christ 380, sous le roi Sapor, surnommé
Longue-Vie, prince qui ravagea l'Eglise du-
rant quarante années. Saint Maruthas, qui
finit son histoire de la persécution de Sapor
par celle du martyre de saint Acepsimas et
de ses compagnons, dit avoir recueilli tout
ce qu'il raconte, do la bouche de témoins
oculaires. Durant trois années, Acepsimas,
évêque, Joseph, prêtre, Aithilahas, diacre,
soulfrirent d'incroyables tourments. Ils de-
meurèrent dans une affreuse prison, furent
plusieurs fois appliqués à la question, cruel-
lement torturés, sans cesse menacés de la
mort. Ce fut dans la trente-septième année
de la persécution du roi Sapor, qu'un nouvel
édit parut, enjoignant aux magistrats, aux
gouverneurs de provinces, de sévir avec une
nouvelle rigueur contre les chrétiens, non
qu'ils eussent commis de nouveaux crimes,
(' mais, disait l'édit, parce qu'ils détruisaient
la doctrine anciennement reçue dans le
royaume, parce qu'ils enseignaient aux peu-
ples le culte d'un seul Dieu, condamnaient
celui du soleil, détournaient du mariage ,
défendaient d'entrer dans les armées du
prince, et de l'aire du mal à qui que ce fût;
parce qu'ils permettaient de tuer toutes
sortes d'animaux, de donner la sépulture
aux morts, et disaient que c'était Dieu, et
non le diable, (iui était le créateur des ser-
jients et des scor|)ions. » Certes dans ces
dilférentes allégations il y avait, les chrétiens
s'en font gloire, infiniment de vérité. Mais il
s'agit de bien comprendre certaines d'entre
elles ; celle, par exemple, où il est question
du mariage. Les Perses se faisaient ou alfec-
taient de se faire une fausse idée de la doc-
trine d 'S chrétiens sur ce point. Non, les
chrétiens n'allacpiaient pas le mariage conniie
mauvais en soi ; seulement, ils prêt ndaient
que la virginité était un état meilleur et plus
partait. Dès que cet édit eut été publié, on
arrêta l'év.'que d'Honite en Assyiie. 11 se
nommait Acepsimas. Il avait quatre-vingts
ans. Son g. and Age ne [)ut le mettre à l'abri
(les mauvais traitements des persécuteurs.
On le mena enchaîné jus(pi'à Arbelles, où se
tenait le gouverneur de la province. — Eh
qiKji! lui dit, en K; voyant, ce migistrat, tu
nies la divinité du soled (lue tout l'Orient
pi().;lam<^! Vraiment, je ny |)nis croire.
— Acepsimas iui réijondil (pie lui, de son côté,
ne savait cujnmenl cruiie que des homuioi
«5
ACE
ACE
66
raisonnables -pussent préférer la créature à
son auteur, et (juMl ne llétrirait point sa
vieillesse par une semblable et si crnninello
démence. — Aussitôt qu'il eut fini de parler,
iG gouverneur lui lit gariotter les deux pieds
avec de grosses cordes, et l'ayant fait cou-
cber sur la terre, ordonna qu'on le frappât
si cruellement, (|uc bientôt son corps tout
entier n'offrit plus que l'aspect d'une plaie
saij^nante. Au sortir de cet supplice atroce,
il fut jeté en prison.
A celte époque aussi on arrôta un nommé
Joseph, prôtre de Bélli-Catuba, ainsi qu'Ailhi-
lahas, diacre de l'église de Beth-Nuhadra. Ce
diacre était un homme aussi éminent par sa
sainteté que par son profond savoir. Tous
deux furent amenés devant le gouverneur,
qui, s'adressant à Joseph, lui demanda s'il
adorait le soleil. — Comment ! dit Joseph,
vous croiriez que j'adore le soleil, moi qui
ai enseigné aux autres à le considérer
comme une créature inanimée, et qui n'a
rien de divin ! Non, vous ne connaissez pas
les chrétiens. — Le gouverneur le condamna
au même supplice que le saint évêque. Jo-
seph, couché par terre, fut frappé successive-
ment par dix bourreaux, qui se fatiguèrent à
celle cruelle tâche. Il était tellement déchiré
3ue les assistants pensaient qu'il allait ren-
re l'ûme. Mais lui, les yeux levés au ciel,
et ranimant ses forces, dit à haute voix:
« Oh! je vous rends grâces, Seigneur Jésus,
Fils de Dieu, car vous avez daigné me laver
dans mon sang , comme dans un second
baptême, pour me purifier de mes péchés. »
Les bourreaux, entendant cette prière, le
tourmentèrent avec une nouvelle rage. En-
suite ils le mirent, chargé de chaînes, dans
la même prison qu'Acepsimas.
Après cela, ce fut le tour d'Aithilahas.
Quai.d il fut devant le tribunal : « En quel-
ques mots, lui dit le gouverneur, adore le
soleil, qui est un dieu, mange du sang,
mords-toi , je te laisserai vivre. — J'aime
mieux mourir, pour vivre dans l'éternité ,
dit le saint, que de vivre aux conditions que
vous m'otïrez, pour ensuite être condamné à
une mortquin'auraitjamaisde tin. —Qu'on lui
lie les mains sur les genoux, dit le gouver-
neur ; qu'on le mette sous une poutre, et
que douze hommes foulent sur les extrémi-
tés. » Après cet atroce supplice , le saint
eui à enuurer une fustigation excessivement
barbare : ses os étaient disloqués, sa chair
tombait en lambeaux, quand on cessa de le
tourmenter. H était dans un tel état de fai-
ble>se, qu'il ne pouvait plus faire usage de
Fes membres. On fut contraint de le porter
dans la prison. Dès le lendemain les saints
martyrs furent ramenés au tribunal. Les
menaces les plus atroces leur furent faites,
sans pouvoir en rien ébranler leur cons-
tance. Ils furent couchés à terre, et on leur
lia le corps et les membres avec des cordes
tellement serrées, qu'on entendait craquer
leurs os. Durant cette effroyable torture, les
ofUciers royaux les pressaient d'obéir aux
édits du monarque. Les saints ne faisaient
qu'une réponse : «Nous plaçons en Dieu
toute notre confiance; nous ne voulons pas
obéir. » Les persécut(!urs, au comble de la
fureur, leur refusèrent la mort pour les vain-
cre [lar la souffrance i)rolongée. Trois ans
ils demeurèrent en prison, privés de tout
secours et sans cesse tourmentés de la fa-
çon la plus cruelle par leurs impitoyables
bourreaux. Cependant le roi arriva dans la
Médie. Adarsapor, le premier des gouver-
neurs des provinces d'Orient , l'accompa-
gnait. Les martvrs, tirés de prison, furent
amenés devant lui. Ils étaient méconnaissa-
bles. Les païens eux-mêmes ne pouvaient
s'empêcher de les prendre en pitié. Adarsa-
por siégeait entouré de beaucoup de satra-
pes et de gouverneurs. «Professez-vous la
religion du Christ? leur dit-il. — Oui, répon-
dirent les martyrs, et nous n'adorons qu'un
Dieu, qui a créé l'univers et oui en est le
maître. — Obéissez au prince, ait le juge.
— Votre espérance demeurera vaine, dit Acep-
simas ; nous n'abjurerons pas notre foi.
Condamnez-nous à n'importe quels suppli-
ces ; cessez de nous faire languir. Jamciis
nous ne nous laisserons intimider par vos
menaces. Nous avons appris à ne pas redou-
ter la mort. — C'est le propre des criminels
de la souhaiter, reprit le juge; ils sont par
là délivrés des peines qu'ils méritent. Vous
vivrez, mais je vous rendrai la vie aussi
insupportable qu'une mort continuelle. Je
veux que vous serviez d'exemple à tous
ceux de votre secte. — A quoi servent vos
menaces? reprirent les saints, le Dieu en
qui nous mettons notre confiance saura
nous donner de la force et du courage. »
— Adarsapor, furieux, proféra contre les saints
les plus cruelles menaces. « Votre sang, leur
dit-il, va souiller vos cheveux blancs; je
vais détruire vos corps, les réduire en pous-
sière et les jeter au vent. — Faites, dit Acep-
simas, nos corps vous appartiennent ; quant
à nos âmes, elles sont à Dieu, et vous n'y
pouvez rien. Vous comblerez nos désirs les
plus ardents, en exécutant vos menaces. »
Adarsapor, cédant à sa rage, commanda que
trente hommes, tirant en sens divers avec
des cordes les membres du saint vieillard,
essayassent de l'écarteler. Pendant ce temps-
là, deux licteurs le frappaient encore avec
des courroies. Ce fut au milieu de ce sup-
plice atroce qu'Acepsimas rendit l'âme.
Des gardes furent mis auprès de son corps ;
mais au bout de trois jours, malgré leur sur-
veillance, les chrétiens l'emportèrent. 11 fut
enterré par l'ordre et les soins d'une fille du
roi d'Arménie, alors en otage chez les Perses.
Le même supplice fut infiigé à Joseph et à
Aithilahas ; mais ils n'y perdirent pas la vie,
étant plus forts et plus jeunes. Le dernier
disait au juge : « Vos tortures sont trop
douces; vous pouvez les augmenter tant
qu'il vous plaira. — Quoi l s'écria le juge, ces
hommes vont à la mort comme d'autres
iraient à un festinl — N'en soyez pas surpris,
lui répondirent les assistants, ceci est une
conséquence de leurs croyances qui leur pro-
mettent une autre vie dans un monde que
les yeux ne sauraient pas voir. » Alors il les
67
ACE
ÂCH
68
fit déchirer avec la plus révoltante cruauté,
ordonnant que, s'ils suivi vaient, ils fussent
cond ;itî> dans le^r pays jiûur y subir le der-
niei- supplice. Dieu les gaidail à de nouvel-
les gloires, ils survécurent. On les transporta
donc sur des bètes de somme à Arbellcs.
Durant le chemin ils endurèrent un continuel
supplice, occasionné tant par les douleurs que
leur causaient leurs blessures que par la
liarbarie de leurs gardes, qui se faisaient
un jeu cruel de les tourmenter. A leur airi-
yée, JazdLindocte, dame de la ville, obtint,
en donnant une grande somme au gouver-
neur, de garder quelque temps les deux
saints dans sa maiso.i. Elle leur prodigua
tous les soins de la plus ardeute charité.
Dieu les fit returaber en bénédictions sur son
ûme, eu l'attachant de plus en plus à son
amour. Au bout de quelque temps les deux
martyrs furent enlevés de ce pieux asile. On
les mit en prison. Ils y restèrent six mois,
entièrement privés des soins les plus stric-
tement nécessaires à leur position. Au bout
de ce temps arriva un nouveau gouverneur,
qui surpassait beaucoup en cruauté le pre-
mier. Il était porteur d'un édit du roi, par
lequel il était ordonné que tous les chré-
tiens qui refuseraient de sacrifier et d'adorer
le solciil fussent lapidés par des gens de
leur propre religion. Les chrétiens, épouvan-
tés d'une telle abomination, prirent la fuite,
et se réfugièrent dans les déserts, dans les
forêts, dans les montagnes, partout enfin où
il n'y avait d'autre danger que de mourir de
misèVe ou d'être la proie des bêtes féroces ,
mais où du moins aucun u)Onstre ne se
trouverait qui leur ordonnât d'être eux-
mêmes les bourreaux de leurs frères. On
mit des soldats à leur poursuite. Beaucoup
furent arrêtés.
Les deux frères en Jésus-Christ, que déjà
les souifrances avaient ceints de la glorieuse
couronne du martyre, furent amenés devant
le gouverneur. Josei)h fut attaché par les
gros orteils et susj.endu la tête en bas. Dans
cette position, il fut horriblement fouetté
durant deux heures. Il parlait duiant ce
temps-là de la résurrection. « Quoi 1 lui dit
le juge, quand tu seras lessuscité tu me pu-
niras?— Non, dit Joseph; on nous a a{)pris la
douceur et le pardon des injures. Nous ren-
dons le bien pour le mal. —Comment, tu
me feras du bien pour le mal que je te fais
aujourd'hui. 11 n"y aura alors plus de faveur
à espéicr, plus de grâce à obtenir. — Je j)rieiai
donc mon Dieu de vous amener à la connais-
sance de son nom, tatidis que vous êtes (en-
core dans celte vie. — Tu pensei'as,dit lejuge,
à tout cela dans le monde où je vais t'e'i-
voyer, mais dans celui-ci obéis au loi. — La
mort dont vous me menacez, dit Joseph, no
m'épouvante [)a.s, elle est l'objc't de mes iilus
ard(!nis désiis. » L'interrogatoire d'Ailhila-
has ayant montré en lui les mêuuïs senti-
ments, il fut condamné au même su|)pli(;(!
que Joseph. Le juge le fil délachei', pensant
que l'exemple d'un mafiicliéen, (jui venait
d'abjurer sa religion, l'engagerait â en faire
nntant. «Je ne suis pas do 1<i mAme religion
que ce misérable, dit le saint diacre ; je ne
ferai j)as la même chose que lui. » Alors le
juge ordonna qu'on le flagellât de nouveau.
On le fit avec une si révoltante cruauté qu'il
eut bientôt toute sa chair en lambeaux. 11
perdit connaissance. Alors on le jeta dans un
coin, comme une chose inanimée. Un mage
qui le vit en eut pitié, et s'approchant il
ôta son manteau pour en couvrir le saint
martyr. Le gouverneur, l'ayant su, fit donner
au mage charitable deux cents coups de bâ-
ton. Ce mage aussi, lui, perdit connaissance.
Cinq jours après ces événements, Tam-
sapor arriva dans les environs d'A> belles,
au château de Beth-Thabala. Le gouverneur
lui envoya les deux saints. Promesses, me-
naces, tout les trouva inébranlables. « Avalez
au moins du jus de ces raisins, leur dit-i )n , pour
laisser croire au peuple que vous avez obéi.
— Loin de nous un tel crime, répondirent-
ils. La dissimulation est incompatible avec no-
tre foi, qui ne veut pas que nous produisions
le scandale par l'apparence même du crime.»
Après quelques instants de délibéraiion, le
gouverneur et Thamsapor condamnèrent
les deux saints à la peine que portait le der-
nier édit, à être lapidés par des chrétiens.
Ce fut à Arbelles que Joseph fut exécuté. On
avait assemblé cinq cents chrétiens pour
son supplice. Au nombre d'entre eux était
Jazdundocte. On voulut qu'elle piquât seu-
lement le saint avec une plume, afin qu'elle
parût avoir obéi aux ordres du roi. Elle re-
fusa avec tant de générosité, que les païens
eux-mêmes furent en admiration devant elle.
Tous n'imitèrent pas son généreux courage;
il y eut des chrétiens assez lâches pour lapi-
der le saint. On l'avait préalablement enterré,
de manière que la tête seule fût au-dessus
du sol. Des gardes furent mis auprès de ses
restes; mais, à la faveur d'une tempête for-
midable qui arriva dans la nuit du troisième
jour, les chrétiens les enlevèrent, et leur
rendirent les honneurs dont ils étaient di-
gnes. Saint Ailhilahas fut mis à mort de la
môme façon à Beth-Nuhadra. Ainsi, ces deux
glorieux combattants, après avoir si long-
temps soutfert ensemble, lurent séparés au
dernier moment. Dieu les réunit au ciel.
L'Eglise romaine vénère la mémoire de ces
trois saints martyrs, le IV du mois de mars.
(Stephen Assemani, trad. de l'auteur.)
ACIIE (saiiU) soulfi-it le martyre; à Amiens,
en 200, avec saint Aciieul, sous le règne des
empei'curs Dioclétien et Maximien. On ne
sait rien de j)Ositif ni sur leur vie, ni sur
les circonstances de leur marlyre. L'KglisQ
célèbre leur fête le 1" du mois de mai. A
Amiens, on ne fait, malgré cela, leur fête i^ue
le h du même mois
ACIIEIIL (saint). Voij. le précédent.
AClllLLÉlî (saint), l'un des serviti'urs do
sainte Domitifle (Flavie), la mère et non pas
l'épouse du consul Clément, mart\ r, fut déca-
pité à Teiracine avec saint Nérie, j)ar ordre
d(! Domitien. L'Eglise fait sa f(Me le 12 mai.
ACIIILLÉE (saint), diacre et martyr, eut la
gloire de donjier sa vie pour Jésus-Christ,
à N'alencc en I)au|)lnné. II eut pfair compa-
69
ACT
ACT
70
giion3 do .son martyre le pr<>tre Félix et lo
diacro Foiluiiat. Ces saints martyrs ayant été
envoyés par saint Jrénée, évoque, pour ()rA-
chor'la parole de Dieu, et ayant converti à
la loi de Jésus-Christ la plus grande par-
tie de la ville, lurent mis en ])rison [)ar lo
général Corneille. Ensuite ils subirent une
longue ilagellation, curent les jambes bri-
sées, fiu'ent attachés à des roues (ju'on fai-
sait tourner avec beaucoup de vitesse, sus-
pendus sur le chevalet au milieu d'une
épaisse fumée, enliu mis à mort par le glaive.
L Kglise fait collectivement leur fête le 23
avril.
ACHILLÉE (saint), martyr, honoré par l'E-
glise le 1" mai. Sans autre indication.
ACHOD, prince arménien, de la famille
Camsaragank, fut l'un de ceux qui soullVi-
ront volontairement la captivité pour Jésus-
Christ, sous le règne d'Hazguei'd, deuxième
du nom, roi de Perse, et qui ne furent remis
en liberté et renvoyés en leur pays que huit
ans après la mort de ce prince, sous le règne
de son lils Bérose. (Pour plus de détails, voyez
Princes arméniens.)
ACISCLE (saint), martyr, habitait Cor-
doue, avec sa sœur Victoire, sous le règne
de Dioclétien. Le président Dion les lit pren-
dre tous les deux et cruellement tourmenter.
Ils reçurent la couronne du martyre ensem-
})\e, et sont honorés par l'Eglise le 17 du
mois de novembre.
ACOSTA (Simon d'j, Portugais, de la com-
pagnie de Jésus, faisait partie de la troupe
de missionnaires que le P. Azevedo était
venu recruter à Rome pour le Brésil. Voy.
Azevedo. Leur navire fut pris le 15 juillet
1571, (lar des corsaires calvinistes, qui les
massacrèrent ou les jetèrent dans les flots.
Notre bienheureux, dont l'extérieur et les
manières annoaçaient une naissance distin-
guée, fut amené devant Sourie, le chef cal-
viniste. Moyennant une rançon et une sim-
ple dénégation il eût sauvé" sa vie, mais il
aima mieux dire la vérité, fut étranglé et
jeté par-dessus le bord. 11 n'avait que dix-
îmit ans. fDu Jarrie, Histoire des choses plus
mémorables, etc.; t. Il, p. 278. — Tanner,
Societas Jesu usque ad sanguinis et vitœ pro-
fusionein militans, p. 166 et 170.)
ACQUIGiNY, village situé aux environs
d'Evreux, célèbre par le martyre de saint
Maxime et de saint Venerand, qui y eurent
la tète coupée parles idolâtres. Ces deux
saints avaient d'abord prêché en Lombardie.
Voyant leurs etforts infructueux, ils pas-
sèrent les Alpes, et Auxerre, Sens et Paris
furent su^.cessivement témoins de leurs pré-
dications. Ils continuaient leur marche, se
dirigeant sur Evreux, lorsqu'arrivés auprès
d'Acquigny, une troupe d'idolâtres s'empa-
rèrent d'eux et leur coupèrent la tète ainsi
qu'à trente-huit soldats qu'ils avaient con-
vertis.
ACTES DES MARTYRS. On nomme ainsi
les récits écrits des souffrances, des coiWiats
des confesseurs et des martyrs. Ces Actes
ont de tout temps été regardés par l'Eglise
comme éminemment dignes de sa vénéra-
tion. Ils viennent au premier rang après les
saintes Ecritures. Quoi de plus précieux
pour elle, en elTet, ([ue l'histoire exacte, au-
thenti({ue, des saints (|ui ont souffert , qui
sont morts |)our la défense, pour la confir-
mation des vérités contenues dans les saintes
Ecritures?
Quand Jésus-Christ donna pour mission à
ses apôtres, h ses disciples, d'aller prêcher
les nations, il leur annonça qu'ils seraient
persécutés ; mais il leur promit en même
îem[)S que quand ils paraîtraient devant les
juges de ce monde, le Saint-Esprit parlerait
par leur bouche, et dicterait les réponses
qu'ils auraient à faire. Quoi donc de plus
saint, de plus vénérable que les interroga-
toires de ces héros qui mouraient pour la foi
chrétienne? Il y a, clans les Actes, des pas-
sages qui évidemment sont inspirés : nous
en avons pour garant la promesse de Jésus-
Christ lui-même. Il importe aux lecteurs de
savoir comment ces Actes ont été recueillis
dans les différents siècles, de savoir en un
mot f-eur histoire précise. Le P. Ruinart ,
bénédictin de Saint-Maur, a traité ce sujet
avec une telle supériorité, que nous serions
vraiment coupable en substituant notre récit
au sien.
Divers moyens dont les chrétiens se sont ser-
vis pour recueillir et conserver les Actes
des martyrs.
Le premier moyen, et un des plus ordi-
naires dont les chrétiens se servaient pour
avoir la communication de ces Actes, était
de gagner à force d'argent les commis du
grefïe où les registres publics étaient gardés,
et d'en tirer des copies. Secondement, lors-
que les juges faisaient tourmenter quelque
chrôîien qui avait été dénoncé ou qui s'était
présenté de lui-môme , plusieurs fidèles qui
n'étaient pas reconnus pour tels se mêlaient
parmi les païens, et recueillaient soigneuse-
mont les demandes et les réponses, et les
autres circonstances de ces sortes de procès
criminels. Puis, de ces différentes pièces
réunies en un corps, ils en composaient un
discours suivi, en forme de relation, qu'on
portait à l'évêque ou à celui que l'évèque
nommait pour en faire l'examen : l'approba-
tion donnée, ce discours était distribué aux
fidèles , qui en faisaient leur lecture ordi-
naire. Ce fut par l'un de ces moyens que les
Actes qui contenaient la première confession
de saint Cyprien (Cypr., ep. 77) tombèrent
entre les mains de Némésien et des autres
confesseurs d'Afrique qui avaient été con-
damnés aux mines, et que ces généreux sol-
dats de Jésus-Christ les reçurent comme des
armes que le ciel leur envoyait pour les
mettre à couvert des traits de la persécution
et de la fureur des tyrans. Et que l'on ne
s'imagine pas qu'il n'y eût que les personnes
considérables par leur naissance ou par leur
dignité dont on prît soin de recueillir les
Actes : la vénération que les chrétiens avaient
pour les manyrs était telle, que, suivant le
témoignage du diacre (Ponce) qui a écrit la
Vie de saint Cyprien, ce même honneur était
71
AGT
ACT
72
accordé aux personnes du peuple, et même
aux catéchumènes.
•Ces précieux restes de l'antiquité se sont
encore conservés par la plume des martyrs
même qui écrivaient leur histoire. Sainte
Félicité nous a laissé la sienne; Sature, Fla-
vien et quelques autres ont fait un récit de
leur martyre; saint Ignace, dans ceîte lettre
digne d'un apôtre, qu'il écrivit aux chrétiens
de Rome un peu avant sa mort, leur apprend
la manière dure et cruelle dont il était traité
par une troupe de soldats insolents qui le
conduisaient. Nous devons à saiiit IJenys
d'Alexandrie ce que nous savons des mar-
tyrs de cette ville, et nous l'apprenons d'une
relation de leur mort, que ce savant homme
envoya à Fabius , évoque d'Antioche. El le
même saint Denys, écrivant contre Germain,
ne fait point de nifticulté d'insérer dans sa
lettre ce qui s'était passé à son égard lors-
qu'il confessa Jésus-Chirst. Nous avons en-
fin, dans les lettres de s iit Cyprien, plu-
sieurs circonstances de l'histoire des mar-
tyrs : ce saint docteur s'en sert pour animer
ceux qui se préparaient à souffrir pour la foi,
ou qui pouvaient être un jour expo-és à la
f)ersécution. Souvent même les évèques, sur
e point de répandre leur sang, éciivaient à
leur peuple pour l'avertir de ne point se
laisser ébranler par la vue des supplices ni
par la crainte de la mort, et pour 1 encoura-
ger, par leur exemple et par celui des auti-es
martyrs, à y courir avec joie. 11 nous reste,
dans Eusèbe, une belle lettre de ce carac-
tère ; elle est de Philéas, évêque de Thmuis.
11 l'écrivit aux chrétiens de son diocèse, lors-
qu'il allait au martyre, pour leur apprendre
l'état où il se trouvait, mais principalement
pour les exhorter à persévérer, après sa
mort, dans les sentiments de piété et de re-
ligion envers Jésus-Christ qu'il avait tâché
de leur inspirer durant sa vie. Enlin , les
Eglises qui avaient porté ces illustres con-
fesseurs, se tro.vant honorées par leur mar-
tyre, en ramassaient les circonstances dans
une lettre cn-culaire , qu'elles envoyaient
aux autres Eglises, afin que leur gloire no
demeurât pas renfermée dans un seul ei-
droit, mais qu'elle passât avec leur nom jus-
qu'aux provinces les plu3 éloignées. Sm^rne
en usa ainsi après la mort de saint Polycar]>e;
Lyon et Vienne firent la môme chose au
martyre de saint Polhin, et plusieurs autres
villes écrivirent aussi de ces lettres.
Les païens font tous leurs efforts pour les
supprimer.
Il faut cependant demeurer d'accord qu'un
grand nombre de ces Actes se sont perdus
dans la longue suite des temps, ou ont été
supprimés par la malice d.js persécuteurs;
car les ennemis du nom chrétien, s'ap(;ree-
vant que hmr lectur(! servait beaucoup à
alfernur les fidèles dans leur relii^ion en-
treprirent une guerre ouverte contre leuis
kvres. Arnobe, avant la sanglante persécu-
tion de J)io(l(''lien, avait l'eproclié aux |)aiens
tu» |)rocédé si pitu étpitable {Lidr. iv adv.
Gent.j. 11 y eut même des gouverneurs do
province qui défendirent qu'on gardât parmi
les actes publics les interrogatoires des mar-
tyrs, de peur que ces pièces juridiques, oii
la constance des accusés triomphait de l'in-
juste cruauté des juges, n'éternisassent la
victoire de ceux-là et la honteuse défaite de
ceux-ci. C'est la pensée d'un ancien auteur
qui a écrit le martyre de saint Vincent, que
Dacien , gouverneur d'Espagne , fit mourir.
Un autre historien [In pass. S. Anast. fullo-
nis Salonitani) s'exprime de la môme sorte
au sujet des gouverneurs de quelques pro-
vinces d'Italie. Mais le désordre fut si grand
et l'injustice si criante durant la dernière
persécution, qu'on ne sauvait pas même les
apparences dans la condamnation des chré-
tiens : on les tuait par troupes, sans observer
la moindre formalité, et on se jetait sur eux
comme sur des ennemis déclarés de l'Etat et
do la patrie (Euseb.). C'est ce qui fait que
non-seulement leurs Actes, mais leurs noms
même sont demeurés inconnus à la pos-
térité.
VJigllar. fait lire publiquement , dans les aS'
semblées des fidèles, les Actes des martyrs.
Et c'est de là que les saints Pères ont pris
occasion de se plaindre que de tant de mar-
tyrs qui sont morts pour la foi, il y en eût si
peu dont les Actes fussent parvenus à la
co maissance des fidèles, et dont on pût faire
publiquement la lecture dans l'Eglise ; car
c'était une ancienne coutume de l'Eglise ca-
tholique de lire, dans les assemblées publi-'
ques des chrétiens, les Actes des martyrs au
jour de leur fête [Apud Lab., t. II). Nous ap-
prenons, de divers passages de saint Augus-
tin, que c'était l'usage de l'Eglise d'Afrique;
et du recueil des canons de cette Eglise, que
cet usage fut reçu du consentement unanime
et par un décret solennel des Pères [Ibid.y
t. VIî). C'est ce décret que le pape Adrien
cite honorablement dans la lettre qu'il écrit
à Charlemagne, pour répondre aux objections
que l'Eglise de France opposait aux décisions
du septième concile général. Mais une cou-
tume si sainte et si édifiante n'était pas
moins en vigueur dans les Gaules que dans
le: autres parties du monde chrétien, comme
on i)eut le voir dans un sermon de saint
Césaire d'Arles [Serm. î)5). Ce saint prélat
s'y plaint de la délicatesse peu religieuse de
quelques jeunes filles, ([ui s'asseyaient pour
eutendie la lecture qu'on faisait des Actes
des martyrs, et qui, dans une santé parfaite
et une jeunesse vigoureuse, se servaient do
la permission qu'il avait accordée aux infir-
mes et aux valétudinaires de s'asseoir du-
rant cette lecture. Saint Avit , évêcjue do
Vienne, dans une honiélie dont il ne nous
rester rien (ju'un fragment, dit qu'on vient
de lire les Actes des martyrs de Savoie (la
légion thébaine), selon l'usage presci-it par
l'Eglise. On trouve des Actes de martyrs in-
sérés dans nos liturgies, et le savant P. Ma-
billon en a doimé une; au public, après l'avoir
lii-ée d'un ancien nuuuiscrit du monastère de
Ijixeuil, (pii conlieMl plusieurs de ces Actes.
On peut dire la même chose des Eglises
73
ACT
ACT
n
d'Espagne, non-seulement parce qu'elles so
sont toujours conformc'îos h celles des Gau-
les, mais parce qu'on en a un témoignage
particulier dans la préface que IJraulion ,
évéque de Saragosse, a mise au devant dt' la
Vie de saini Emilien, qu'il a composée, dit-il,
alin qu'on la i)ût lire h la messe qui so célé-
brait au jour de sa fête. Au reste, la même
coutume était observée dans les monastère^,
et les anciennes règles des jnoines y sont
expresses. Saint Ferréol, évéque d'Uzès, en
fait une ordonnance. Aurélien, évoque d'Ar-
les, veut qu'aux fêtes des -martyrs Von dise
trois ou quatre leçons, dont la première soit
de l'Kvangile, et les autres des Actes des
martyrs mêmes (Cap. 18 in Ord. PsaL). Et
saint Césaire , son successeur, se sert des
mêmes termes, dans la règle qu'il a compo-
sée pour des religieuses {Apud Bolland. 12
Januar.). 11 semble cependant qu'Agobard,
qui gouvernait l'Eglise de Lyon au ix* siècle,
n'ait pas approuvé cet usage , et qu'il ait
voulu insinuer, dans un de ses ouvrages ,
que l'on ne doit recevoir dans l'office divin
que des leçons tirées de l'Ecriture sainte {In
lib. de Correct. antiphon.).\\ faut aussi avouer
3ue l'Eglise romaine, pour obéir au décret
u pape Gélase, ne permettait pas, dans les
basiliques de la ville , la lecture publique
des Actes des martyrs, quoiqu'elle les reçût
ailleurs. Mais cela ne doit s'entendre que de
la basili(|ue de Latran et des Actes dont les
auteurs étaient inconnus, selon que l'a re-
marqué l'illustre antiquaire de notre siècle
[D. Mab. in disquisii. de cicrsu Gallic, § 1);
et l'on ne saurait douter que la Vie des
saints n'ait été lue à Rome, dans les assem-
blées du peuple, pour peu qu'on fasse atten-
tioiȈ ces paroles d'Adrien 1", dans la lettre
qui vient d'être citée (Zi'/jù/. ad Caro/.Ma^n.) :
« On ne lit point dans l'Eglise, dit ce pape,
les Vies des saints Pères dont les auteurs
sont incertains, mais seulement celles qui
portent le nom d'auteurs connus et ortho-
doxes. » Cette vérité se soutient par le té-
moignage de Jean, diacre de l'Eglise romaine,
qui a écrit la Vie de saint Grégoire le Grand
[In Prœfat. ad Joan. VI II). Et ce qui avait
donné lieu à une précaution si sage était la
mauvaise foi et l'insolente malignité des
hérétiques, qui avaient fabriqué les Acte s de
quelques martyrs, et les avaient remplis de
fables absurdes et de faits ridicules et mons-
trueux. Au reste, les princijiales actions des
martyrs étaient insérées parmi les prières de
la messe, comme il est facile de le montrer
par les plus anciennes liturgies des Eglises
de France, par la liturgie Mosarabique et par
celle de saint Grégoire même. Car ce que
nous appelons maintenant préface , et ce
qu'on nommait alors le témoignage, n'était
autre chose qu'un narré et une exposition
succincte des faits les plus glorieux du martyr
en l'honneur de qui l'on célébrait la messe.
C'est de cette sorte de préface historique
qu'on doit entendre le passage d'Hilduin ,
qu'on lit dans une lettre de cet abbé de
Saint-Denis à l'empereur Louis le Débon-
naire (Ep. Hild. prœf. areopagitic), et qui
DiCTiONN. DES Persécution». L
est conçu en ces termes : « Les anciens
missels dont on se servait en France, avant
qu'on y eût reçu celui de Home, faisaient
mémoire des martyrs au milieu de la célé-
bration des saints mystènîs, et maniuaie 't
en abrégé les tourments qu'ils avaient souf-
ferts. » Mais comme dans ces préfaces, et
même dans les véritables Actes des martyrs,
les choses étaient souvent rapportées dans
un style ou trop élevé, ou troj) pou clair, ou
avec moins d'ordre qu'il n'eût été nécessairo
pour en rendre au peuple rintelligence fa-
cile, les évêques avaient coutume, au jour
que l'Eglise consacrait à leur mémoire, do
les exi)oser d'une manière familière, accom-
modant leur discours h la portée do leur au-
ditoire : de là sont venues ces homélies à
l'honneur des martyrs, qu'on trouve à cha-
que pas dans les Pères.
Les chrétiens en faisaient leur lecture or-
dinaire.
Ce n'était pas seulement dans les assem-
blées publiques et dans les églises qu'on li-
sait les Actes des martyrs ; mais chaque fidèle
en particulier, en faisait dans son logis sa
lecture la plus ordinaire. Saint Nil, disciple
de saint Chrysostome, recommande fort cotte
lecture à son propre disci[)le (Lib. iv, ep. 1;
Instit. divin. Liltcr. c. 32] ; Cassiodore la juge
très-utile aux moines; et Guillaume, abbé
de Saint-Thierry, écrivant aux Frères du
Mont-Dieu, croit qu'il est à propos de repré-
senter souvent aux novices quels ont été les
martyrs, et leur remettre à tous moments
devant les yeux leurs actions et leurs souf-
frances, rien n'étant plus propre à exciter en
eux l'amour de Dieu, et à les porter au mé-
pris d'eux-mêmes. On a vu des saints avoir
pour ces sacrés monuments un respect si
profond et une attache si religieuse , qu'ils
les portaient sur eux, ne pouvant s'en sépa-
rer même dans leurs voyages. L'auteur de la
Vie de saint Siran rapporte que ce saint,
dans le voyage qu'il fit à Rome, avait tou-
jours entre les mains les livres de l'Ecriture
et les Actes des martyrs ( Sœc. ii Benedict.,
p. 437). Et une lettre qu'on trouve parmi
cefies de saint Boniface nous apprend que ce
saint archevêque de Mayence avait le même
empressement pour cette lecture : car la
personne qui lui écrit cette lettre s'excu&e
de ne lui avoir pas envoyé THistoiie des
martyrs, qu'il lui avait demandée, ^ur ce
qu'elle n'avait pu encore la recouvrer; mais
que, si Dieu lui conservaii la vie, elle la lui
enverrait au plus tôt (Buggœ ep., inter Bonif.
35). Et l'on ne doit point douter que saint
Boniface n'ait pris d^ns cette lecture le goût
du martyre et les dispositions nécessaires
pour le soufl'rir comme il faut. Mais rien
n'est plus édifiant que ce qu'on raconte, sur
ce sujet, de saint Ai astase, religieux persan
et martyr; car on dit de lui qu'il arrosa't do
ses larmes les livres où les combats des
martyrs et leurs trophées étaient décrits. 11
demandait sans cesse de pouvoir, comme
eux , mourir pour Jésus-Christ , et il no
croyait pas qu'il y eût pour lui dans la vie
3
7S
ACT
ACT
76
quelque autre chose qui lût plus digne de
toute son application que cotte lecture {In
ejus Act. a Synod. approbat.). Ce fut cette
dévotion aCfectueuse des Iklèlis envers les
mailyrs qui mit d ins les églises les images
et les peintures, atiii, disent les sainls Pères,
5UC ceux qui étaient privés de la connais-
sance des lettres ne le fussent pas du se-
cours de tant de bi-aux exempl s. Qu 1 elfet
ne firent-ils pas, par ces exemfiles admira-
bles, sur le cœur de sainte Thérèse [Chap. 1
desaVie) 1 Mais, sans parler du tous les etfels
surfirenants qu'ils ont produiis dans l'àme
d'une infinité de personnes, nous nous con-
tenterons de rappoi'ier (juels ont été, pour
ces grands honuues, les sentiments de Joseph
Scaliger, qu'on n'aecusera pas sans doute de
donner dans une dévotion do femme. Ce sa-
vant critique {Remarques sur Eusêbc), parlant
des Actes de saint Po'ycarpe et de (pielques
autres martyrs, dit ces i)aroles remarquables:
« Cette lecture est si touchante, qae l'esprit
ce peut jamais s'en rassasier. Chacun ['eut
l'avoir éprouvé, selon le degré de sensibilité
et d'intelligence qu'il a ; mais pour moi , j'a-
voue que je n'ai jamais rien lu, dans l'histoire
ecclésiastique, qui ait excité en mon cœur
des mouvements si extraordinaires , mais
en môme temps si violents, qu'en quittant
.e livre, je ne me connais plus moi-même. »
Les savants de tous les siècles s'appliquent à
les recueillir.
Doit-on s'étonner, après cela, qu'un res-
pect si général et si uniforme, répandu dans
ïe cœur de tous les fidèles pour les sainls
Martyrs et pour leurs Actes, ait fait naître
dans l'esprit des savants de tous les siècles
et des amateurs de la sainte antiquité, la pen-
sée de s'appliquer à les recueillir? Celui qui
s'est le plus signalé dans cette recherche,
est Eusèbe, évèque de Césaréc dans la Pa-
lestine, lequel , outre ce qu'il en rapporte
dans son Histoire, en comi)osa deux livres
exprès. Le premier, qu'il nomme le Recueil
des martyrs anciens, contenait les actes vé-
ritables et originaux des anciens martyrs,
comme on le conjecture de ce qu'il en dit
dans son histoire; et d-ins le second, qui a
pour titre : Des martyrs de la Palestine, il fait
un récit de tout ce qui s'est j)assé dans sa
province, durant la persécution de Dioclétien,
et dont il avait été lui-même le témoin. Nous
donnerons ce dernier livre tout entier, et tel
qu'il est venu jusqu'h nous : pour le [ivo-
niier, on ne le trouvait |)lus du temps de
saint Grégoire le (Irand {Gref/., ep. 29, lib.
yii, indict. i), ni dans Alexandrie; , ni dans
aucune bibliothèque d(! Home, et s'il n'est en-
ti(Vement [)eiiiu,il est si bi<;n caché, qu'il n'a
pu être jnsf^u'ici découvert, cl (ju'il a e> ha|;pé
à la recherche la [)lus exacte et a la perspi-
cacité des ()lus curieux d'entre les doctes.
Chaque l'^jUse particulière a fuit écrire les
Actes de ses propres martyrs. Actes sup-
posés, corrompus.
Au reste, après que Dieu (iul donné la
paix à son l'^ghse en donnant l'iunitire à des
prioces chrélienii, comme la dévoUon cnvcjs
les martyrs ne fut plus contrainte ni gênée,
il n'y eut presque aucune Eglise qui ne se
mît en devoir de rechercher les Actes de ses
propres mai-lyrs, pour en faire la lecture
d.ins l'assemljiée des fidèles. Ces Actes fu-
r; ni tirés, comme nous avons dit, ou des
gi'elfes, ou d'S mémoires de quelques chré-
ti;Mis qui s'étaient rencontrés aux inter-
rogatoires di.;s juges, ou de ce que l'on
en put trouver dans la tradition et dans le
souvenir de ceux qu; étaient encore en vie
et qui avaient vu les peisécut ons. Mais
Comme la plu[)art des [)rovin(;es de l'empire
vinrent à tomuer sous la piùs.>ance des Bar-
bares, qui s'en ('m})arèrent après les avoir
pillées, une gnnde partie de ces Actes fut
enveloppée dans cotte désolation générale
d(;s provinces. On en substitua dans la
suite d'autres à leur place, mais qui n'avaient
ni le même carac tère de vérité, m par consé-
quent la même autorité. Ce sont ceux qui se
trouvent en {)lus grand nombie dans les
m «nuscrits et dans les livres imprimés. Nous
ne croyons pas ci'pendant qu'on les cive
entièrement rejeter, quoiqu'ils n'aient pas
t iute la pureté et toute l'intégrité des pre-
miers Actes, et (juoiqu'on y remarque p u-
sieurs fautes, soit pour ce qui regaide les
})ersonnes, soit pour ce qui concerne les
temps. 11 fiut mettre au même rang les Ac-
tes qui, vérilab es dans leur origine, ont été
gâtés e corrompus par une main ignorants
et térnéraiie, qui y a souvent ajouté de faux
miracles, ou des dialogues entre les juges et
les inartyi'S, dans la pensée que c s .^ortes
de fictions pourraient donner à ces pièces
plus de force et de relief, cela n'ayant, au
contraire, servi qu'à leur faire perdre leur
crédit dansl'espril des savants, malgré quel-
ques éiincebes de vérité qui brille il parmi
les ténèbres dont on les a couvertes.
Actes légitimes, quoiqu'on y ait aiouté quel-
que circonstance.
Il faut toutefois prendre garde à ne pas
confondre avec ces actes adultéiins d'auires
qui sont très-légitimes, quoiqu'on voie au
commencement une petite piéface, et une
apostille à la fin, l'une et l'autre ajoutée par
une main éti'angère. Car, comme la pluparldes
Actes finissent à la seiilenetedu juge, etcpi'il
y en a peu (jui contiennent la mort du mar-
tyr, à moins qu'elle nesoil arrivée ù la ques-
tion, les lidrics suppléaient ce qui manquait
à ces A(,'tes; mais, soit que ce supplément
y ait été ajouté du tem'ps même de la p.isé-
cutioti. Soit (ju'il n'y ail élé inséré (|ue lors-
que; le recueil en a été fait, il est cm't lin cpie
cela ne doit rien diminuer do leur valeur ni
de leui' autorité.
Quelques écrivains ont compilé les Actes. Ce-
ruune de Paris. Anaslase le liibliothécaire.
D. J. Mabillon, et />. /)/. livrmoiu. Jean,
diacre de Rome. Ililduin. Siméon Meta-
phrasie. Pierre, éré'iue de Jcsol, dans l'iilnt
de Venise. Lipoiiutn. Surins. Jacques le
fèvre.N. de Belforesl. Uollundus et ses con-
tinuateurs.
On peul jugt'r, par coque nous avons Jit,
77 ACT
.',onibicn il serait diïïicilo de faire un catalo-
gue .juslo (le tous ceux qui ont travaillé h re-
cueillir les Actes des martyis, [)uisque no-i-
sculeiueut chaque Eglise, mais aussi chaque
fidèle y mettait la uiaiii, et y donnait tel or-
dre et t(d oruiMuent que bon lui sendjiait.
Cependant, parmi ce ^rand nombre, on en
trouve quelques-uns (jui S(! sont disti"<g;u''s,
soit par leur exactitude, soit |)ar la yrandenr
dt! leur travail. Tel fut, au counnencement
du vn' siècle, Cèraune, tWèciue d' Paris, (jue
"NVharnaiie égale i» Eusèbe de Césaréc, [)0>n'
avoir, par un sentiment de respect et d'a-
mour pour la religion, fait un recueil des
Actes des niartyi-s, et l'avoii' do lîié à son
peuple [Apud Sur. et Bolland. M ianuar.).
Le môme auteur déclare, dans l'Instoire du
martyre de saint Didier, évèque de Langres,
et dans celle des six fameux martyrs de cette
ville, (ju'il n'a entrepris l'une et l'autre
qu'à la prière, ou plutôt par l'ordre de Té-
vè(|ue Céraune. Au ix" siècle , Anastase le
Bibliothécaire entreprit, à la persuasion de
Pierre, évèque de Gavi, de traduire du grec
eu latin, quelques Actes de martyrs, comme
on l'apprend des diverses préfaces de ces
Actes, qui ayant été tirées de la bibliothèque
du Moni-Gassin par deux savants hommes
de ce siècle, font partie du premier tome de
la bibliothèque italique: Tune <le ces préfa-
ces fait SOj hione, évèciue de Jérusalem, au-
teur des Actes de saint Cyr et de saint Jean.
Au même siècle , Jean , diacre do l'Eglise
romaine, lit aussi un recueil d'Actes, suivant
le témoignage de l'évoque Gaudence [Gauden.
Veiller., cpist. ad Joan. VIII ). 11 n'y eut
pas jusqu'aux rois et aux empereurs qui ne
lissent gloire de voir leurs noms augustes à
la tète de ces recueils. G'est ce qui paraît par
rinscri|)tion des Actes de saint Corneille et
de saint Cy[)rien , qui porte qu'Hilduin,
grand chancelier, les a recueillis par le com-
mandement de rempereui- Lothaire, et par
le titre de la Vie de sainte Marie d'Egypte,
que Jean, diacr-e, écrivit par l'ordre du roi
Charles {Mss.S. Germ. Anlissiodor.). Siméon
Metiqihraste se rendit célèbre au siècle sui-
vant, selon la commune opinion, par une am-
ple couqjilation qu'il fit de plusieurs Actes
de mai tyrs, qu'il ramassa de tous côtés avec
beaucoup de soin, mais avec peu de choix,
et mo-ns encore de sincérité; et c'est avec
justice qu'il s'est attiré la censure des sa-
vants , qui lui reprochent d'avoir remjdi
son ouvrage de faits 'incertains , d'avoir
mêlé en beaucoup d'endroiis le mensonge
avec la vérité, et d'avoir mis des fables, dont
il était l'iuvenîeur, à la place des anciens
monuments, qui s'étaient perdus {Vide Léon.
Allât, diatr. de Siineonuin sa'iptis). Nous ne
dirons rien de l'auteur de la Légende Dorée
{Joan. deVoragine), ni de Pie re, surnommé
de Natalibus, ni de Georges Wicel, ni d'au-
tres semblables compilateurs , pour venir à
Lipoman, évoque de Vérone, qui, dans le
milieu du x.vr siècle, publia les Vies des
saints et les Actes des martyrs, avec des no-
tes séparées. 11 donna aussi plusieurs textes
grecs, que le cardinal Sirlet, Hervet, cha-
ACt
78
noine de Reims , et quelques autres inter-
prètes, oni traduits en lat n. Le cliarlieux
Surius[)arut quelque temps après; il retoucha
l'ouvi'age d(î tous ceux (pii 1 avaicnil précédé;
il lui donna une nouvelle forme; il l'aug-
menta de plusieurs nuuuiscrits; il l(> gi'O'^sil
de ce (pi'il tira de divers livres imprimés;
il changea le style ancien, et il disposa ce
nouveau recueil sidon les jours et les mois
de l'année. Il eut |)lusieurs abr('vialeurs,
Jacques le Fèvre, natif d'Etaples, méditait
une ami)le collection, sous le nom des Com-
bats des martyrs; mais il ne i ul (sxécuterce
vaste dessei 1, et il ne nous a laissé qu'un
très-petit volume, contenant quehpu'S Actes
des martyrs du mois d" janvier. Nicolas de
Belforest, chanoine régulier de l'alibaye de
Saint-Jean des Vignes, à Soissons, avait aussi
formé un projet qui n'était pas d'une moin-
dre étendue, sous le nom de su[!plément
de Surins; mais Auberl le M're en arrêta
l'exécution , sous firétexte qu'il en avait
conçu un encore plus am; le, qu'il était près
de mettre ap jour : cependant rien ne parut,
et le travail de Belforest fût demeuré inutile,
si ses écrits ne fussent tombés eidre les
mains des révérends Pères delà compagnie
de Jé-us, qui les ont inséiés dans leur re-
cueil, sous le nom de leur auteur. Ce recueil,
au reste, est le plus ample de tous ceux qui
ont paru jusqu'ici. Bollandus l'a commencé,
et ses doctes continuateurs , par le secours
d'une multitude presque infinie de pièces con-
cernant Il vie et l'histoire des saints, recher-
chées avec un soin extrême, et tirées de tou-
tes les bibliothèques de l'Europe, avec un
travail in-concevable, l'ont enfin conduitjus-
qu'à la fin du mois de juin. Personne n'i-
gnore combien nous sommes redevables à
ces savantes recherches.
Ce qui rend ces recueils défectueux.
Mais il est arrivé que ces Actes qui de-
vaient, après tant d'éditions et de recueils, pa-
raître dans un jour admirable , ont perdu
une partie de leur pureté originelle , à me-
sure c[u'ils ont passé par les mains des co-
pistes et sous les presses des imprimeurs,
et cette multitude de corrections et de ré-
visions fréquentes n'a servi qu'à les rendre
plus douteux et moins authentiques. Car de
tous ces compilateurs, les uns ont ajouté au
texte les produ^'tions de leur imagination;
les autres en ont retranché ce qui ciioquait
leur goût et blessait leur délicatesse; les au-
tres ont même osé toucher au style, pour le
rendre plus poli et plus élégant: ce qui est
une espèce de sacrilège, rien ne devant être
plus inviolable que des paroles consacrées
par une antiquité si sainte. Et ceux enfin
qui, respectant également et le texte et le
style, ont produit les Actes tels qu'ils les
ont trouvés dans les anciens manuscrits, et
sans aucun choix, ont fait un amas confus
de tout ce qui s'est présenté à leur recher-
che, de faux, de douteux et de vrai, et n'ont
pu, après tout, nous donner dans plusieurs
énormes volumes, qu'un petit nombre d'Ac-
tes véritables, et si fort confondus et embar-
79
ACT
ACT
80
rassés parmi les incertains et les apoci\vphes,
que li's plus éclairés d'entre les savants ne
peuvent les démêler sans un travail extraor-
diiaire.
Pour peu qu'on eût de vénération et d'a-
mour pour l'antiquité, on ne pouvait s'em-
pêcher de gémir en voyant tant de sacrés et
précieux monumcnis [»rùfanés [var des mains
peu respectueuses, et déligurés par l'atten-
tat de quelques écrivains peu connus ; et
l'âme pénétrée de douleur, on s'écriait,
avec un auteur célèbr.^ : « Quelle honte pour
nous autres chrétiens, quel sujet de confu-
sion, de laisser ansi les actions les plus
héroïques et les plus éclatantes des Saints,
dans un état si peu digne d'elles, d'en lais-
ser été ndre ou du moins obscurcir la mé-
moire, et par le peu de soin que nous avons
d'exjioser en vue leurs vertus ; nous priver,
nous et notre postérité, du secours de leurs
exemples 1 » {Lud. de Vivez, lib. ii de Caus.
corrupt. art.) Les h reliques mêmes ont bien
eu l'audace de repro,;her à l'Eglise catholi-
que, qu'elle avilit peu de martyrs ; ils n'ont
pas craint de soutenir que nous n'avons
aucuns arguments solides pour prouver un
nombre aussi considérable que celui que
nous nous vantons d'avoir, et que les Actes
que nous produisons ne sont que de pures
iables, publiées par des moines oisifs ou su-
perstitieux. 11 éta.t donc d'une extrême im-
portance que quelqu'un voulût prendre le
soin de faire un choix parmi une si grande
confusion, et, par un discernement juste et
éclairé, séparât les Actes véritables des
Actes faux, supposés et incertains. C'était le
souhait de plusieuis personnes considéra-
bles {)ar leur piété et par leurs belles con-
naissances. Ces personnes ont enlin jeté les
yeux sur moi (D. Thierry Ruinartj ; ils
m'ont exhorté, sollicité, pressé ; et, pour
m'oter tout sujet d'excuse ou de retarde-
ment, ils m'ont promis de m'aider de leurs
lu'inières. Ainsi, quoi |ue convaincu de ma
faiblesse, j'ai ba-ssé les épaules pour rece-
Toir le fardeau qu'on voulait m'imposer ; et
comptant beaucoup sur les secours qu'on
me promettait, j'ai cru devoir accorder à
mes amis ce qu'ils demandaient de moi en
cette rencontre.
De quelle manière Vautcur a composé son
Recueil.
Je nu! suis donc donn/' tout entier à ce
travail. J'ai d'abord conunencé par faire un
choix des Actes qui se trouvent dans les
livres imprimés ; j'ai consulté ensuite les
manuscrits, pour en tirer ces sories de piô-
jes, en cas qu'il s'y en trouvât (|ui ne fus-
sent pas encoi'e veinies h la connaissance
des aulein-s, ou di moins alin qu'à l'aide de
ces maMusc:ils, je pusse rendre aux Actes
déjà imprimés leur pureté premiêi'e. Pour
Venir à bout d(; mon dessein, j'ai visité soi-
gneusement les bibliothèques d(; Paris les
plus liches en ces srj.les de monuMUMils ;
je n'ai pas laissé de pousser ma recherc lie
dans les autres villes du rfiyaume, autant
qu'il a pu être permis à un lujiiniie de ni.i pro-
fession. Enfin, j'ai eu recours âmes amis et
à mes confrères ; je les ai priés de fouiller
dans leurs monastères, dans les cabinets des
curieux, et généralement dans tous les en-
droits qui leur pour, aient fournir quelque
pièce propre à entrer dans le i)lan et la struc-
ture de mon ouvrage. Et certes, en cela j'ai
sujet de me louer de la diligence de mes
amis, et de me féliciter moi-même de l'heu-
reux succès qu'a eu leur diligence. Car en-
fin, toutes choses ont réussi avec tant de
bonheur et de conformité à mon dessein,
que, hors quelques Actes qui n'avaient pas
encore vu le jour, et qui le voient aujour-
d'hui pour la première fois, à peine y en
a-t-il un ou deux qui n'aient été confron-
tés avec un ou plusieurs manuscrits, corri-
gés et revus sur eux avec une exactitude et
une attention extraordinaires.
Au reste, quel(|ue soin que j'aie pu ap-
porter pour rendre ce recueil très-ample et
très-correct, quelque ap|)lication que j'aie
eue à lui donner toute la |)erfection dont
il est capable, je ne prétends f)as y avoir
mis tous les Actes véritables et légitimes
qu'on peut recouvrer. Ce n'est pas non
plus ma pensée, de faire passer pour
illégiiime et pour supposé tout ce qui ne
s'y trouvera [)as compris ; je suis même
prêt à recevoir jour auihtntiques ceux
qu'on me fera voir être marqués au coin de
l'antiquité. Je ne contrains personne; cha-
cun peut librement demeurer dans son
opnion. Mais celle de Dodwel touchant le
petit nombre prétendu des martyrs n'est
pas moins nouvelle qu'insoutenable, et
nous allons tâc'.îer, en la combattant, de
faire voir qu'on ne doit pas juger du petit
nombre des fiiartyrs par celui des Actes qui
nous en restent. (Kuinart, Préface aux Actes
autlienti(/ucs). — Vorj. l'article Martvks dans
ce Dictionnaire.
ACUCE (saint), martyr, était bourgeois
de Pouz/ol'.'S, en l'an de Jésus-Christ 30k,
durant (]ue la persécution de Dioclétien dé-
cimait l'Eglise calholicîue. Etant venu visiter
dans sa prison saint Sosie, diacre de Misène,
qui avait été arrêté i)ar ordre du gouverneur
I)raco. ce, il le fut lui-même, et emprisonné
aussi après avoir été fouetté cruellement.
Il r(>sta en prison jusqu'à la venue de Ti-
mothée, que Diocléiien nomma gouverneur
en |)lace de Draconce. Ce nouveau gouver-
neur le fit conduire avec ses compa-uons à
ram[)lutliéâlre, où d les fit tous jeter aux
bêtf's. Celles-ci n'ayant pas voulu fa.re do
mal aux saints, Timolhée les fit tous déca-
piter. Le corps du sa ni resta à Pou/zoles.
L'i";glis(^ célèbre sa fêle le 10 janvier.
ACVNDINI'^ (sailli), martyr, mourut pour
la relig.oii de Jésus-Christ sous la persécu-
tion s nguinaircî (jue l'impie Dioclétien fit
soiilfrir à l'Eglise. Il eut pour coiiipa.:nons
d(î son martyie les saints Victcr, Zoiiqut!,
Zenon, Césaire, Sévérien, Chrysophore,
Théonas et Antonin. ils souH'rirent plu-
sieurs tourments fort cinels avant de rece-
voir hnir cour Mine. L'Eglise honore leur
mémoire le 20 avril.
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ADA
ADA
83
ADAOAUD (saint), martyr, mari de
sainte Rictnulc, honorée dans rEyliso le 12
mai, (Hait, suivant (|uel(jues autonis, frère
dArchainbaud, maire du palais; ils lui ont
môme donné le titre de seij^neur de Douai.
Quoic^u'il en soit de ces hypothèses, on con-
vient généralement (|u'il était resté long-
temps à la cour de Clovis II, et qu'il possé-
dait de grands biens. Quand l'clge de se ma-
rier ai-riva, Dieu, (jui voulait récompenser
sa tendr'e piété, lui lit trouver une épouse
aussi vertueuse que lui, sainte ilictrude,
que l'Kglise honore comme sainte le 12 mai,
comme nous l'avons dit plus haut. Ils eu-
rent ({uatre enfants, qu'ils élevèrent dans les
pratiques de la vertu, et qui sont honorés,
comme leurs saints parents, d'un culte pu-
blic. Ce sont : saint Mauront, al)bé de
Brueil en Flandre, dont l'Eglise fait la fête
le 5 mai ; la bienheureuse Clotsende, ab-
besse de Marchiennes, honorée dans l'Eglise
le 30 juin; sainte Isoye, abbesse de Hamay,
dont la mémoire se fait le IG mars, et enfin
la bienheureuse Adalsende, religieuse de
Hamay, honorée par l'Eglise le 2'i. dé-
cembre.
Adalbaud ayant été forcé d'entreprendre
un voyage en Aquitaine, sa sainte épouse
l'accompagna jusqu'à une certaine distance :
en le quittant, elle fut prise d'une grande
tristesse et d'un secret pressentiment qu'elle
ne le verrait plus. Adalbaud, en effet, fut
attaqué en chemin par des scélérats qui le
massacrèrent vers l'an 645.
Nous lui donnons le titre glorieux de
martyr, suivant en cela la coutume de la
primitive Eglise, qui révérait comme mar-
tyrs les saints personnages mis injustement
à mort. Du reste. Dieu lui-même ne tarda
pas à manifester d'une manière sensible la
sainte é de son serviteur : plusieurs mira-
cles s'opérèrent sur son tombeau. Bientôt
après, ses r(diques furent transférées à l'ab-
baye d'Elnon, dans un tombeau préparé par
sainte Kictrude. La tète seule de saint Adal-
baud fut appo.tée plus tard à Douai, dans
l'église de Saint-Amé, oij elle est restée jus-
qu'à la démolition de ce saint monument.
L'Eglise fait la mémoire de notre saint le
2 lévrier.
ADALBERT (saint ), évoque de Prague,
martyr, naquit en 956 d'une famille il ustre
de la Bohême. Ayant été atteint d'une m la-
die dangereuse dans sa jeunesse, ses parents,
désespérés du danger imminent oij il se
trouvait, promirent à la Mère de Dieu de le
vouer au culte des autels, s'il revenait à la
vie et à la santé. Lorsqu'il fut guéri, ses pa-
rents le confièrent à Adalbert, archevêque de
Magdebourg, c^ui lui donna des maîtres ha-
biles. Dès lors, il se faisait déjà remarquer
par son amour pour la ()iété et sa grande
charité pour les malheureux. L'archevêque
de Magdebourg étant mort en 981, notre
saint retourna en Bohême, et reçut les or-
(hes sacrés des mains de Dieihmar, évêque
«le Prague, qui, peu de temps après, mourut
Jans le désespoir, en s'écriant qu'il était dam-
iié pour avoir trop aimé les richesses et les
honneurs. Cette mort fit une grande impres-
sion sur notre saint, ({ui pi'it le ciliée et se
livra entièrement aux exercices de la piété
et d(î la vertu. Il fut élu successeur de Di-
eihmar, Ie29juin983, et futsacré par l'arche-
vêcpie de Mayeuc(i. Il entra dans sa ville
épiscopale les pieds nus, et y fut reçu avec
un enthousiasm(3 difficile à décrire. Chaque
jour il nouri-issait douze pauvres en l'hon-
neur des do.ize apôtres, et couchait sur la
terre nue. Tout le temps qu'il [)Ouvait dis-
traire des devoirs de sa charge était eniployé
à visiter les pauvres et les })iisonn'ers.
N'ayant pu parvenir à faire fleurir la piété dans
son diocèse, encore plo'igé dans les ténèbres
de l'idolâtrie, il obtint du pape Jean XV, en
989, la permission de quitter son évèché. Il
visita alors le Mont-Cassin , puis revint à
Rome, où il entra dans le monastère de Saint-
Boiiface avec son frère Gaudence, et y passa
cinq années dans les jeûnes et les macéra-
tions les plus grandes.
Cependant l'archevêque de Mayence, tou-
ché de voir le diocèse de Prague sans évêque,
en écrivit au pape afin d'obtenir qu'Adalbert
revînt prendre ses anciennes fonctions de
premier pasteur. Le pa;)e ordonna donc h
notre saint de reiourner à Prague, lui accor-
dant toutefois la permission de s'en retirer
dans le cas où son troupeau se montrerait
rebelle à ses exhortations. Il revint donc et
fut reçu comme la première fois avec une
joie très-vive ; le peuple lui fit même la pro-
messe de se conformer désormais à ses
instructions. Bientôt cependant notre saint,
voyant que le peuple oubliait ses promesses,
le quitta [)our toujours, et retourna dans sa
chère solitude. On sait que,duraitson retour
au monastère, il prêcha chez les Hongrois et
convertit leur roi Etienne, qui plus tard mé-
rita que l'Eglise l'honorât comme saint.
De retour à son monastère, il fut fait prieur
et s'acquitta de cette charge avec beaucoup
d'humilité ; souvent l'empereur Othon 111 le
venait visiter et passait de longues heures
dans son intimité. Le pape Grégoire V, suc-
cesseur de Jean XV, pressé par les sollicita-
tions de l'archevêque de Mayence, renvoya
Adalbert à Prague. Le peuple, loin de venir
au-devant de lui comme parle passé, devint
furieux quand il apprit son retour, tua plu-
sieurs de ses proches et pilla leurs châteaux.
Ayant été instruit le ce qui venait de se
passer, notre saint alla trouver son ami Bo-
leslas, duc de Bohème, qui envoya des dé-
putés aux habitants de Prague. Ceux-ci ré-
pondirent en se moquant qu'ils n'étaient pas
dignes de vivre sous un si saint évêque, et que
du reste s'il voulait revenir parmi eux, c'était
moins pour les diriger dans les voies du sa-
lut que pour venger sur eux la mort de ses
proches et le pillage de leurs biens. Cette
ré[)onse ayant fixé les irrésolutions d'Adal-
bert, il se consacra à la conversion des ido-
lâtres de la Pologne. Après en avoir converti
un grand nombre , il passa dans la Prusse
avec Benoît et Gaudence, et ils y tirèrent un
grand fruit de leurs prédications, surtout à
Dantzick. Il passa ensuite dans une petite.
83
ADJ
ADR
84
lie ofi il fut accnblé d'outrages et d^' mauvais
traiteiuonls. U'i jour même un inlidèle lui
donna un si terrible couj) d'aviron ([u'il resta
à demi mort. Ayant quitté ce lieu pour se
rendre dans un autre, les lia!)itants, qu'il
voulait convertir, lui ordonnèrent de se re-
tirer. La fatigue l'ayant obligé de se reposer
quelques inslanl>j, les païens, furieux, se sai-
sirent de lui. Un prêtre des idoles le perça
de sa lance en lui disant avec ironie : Réjouis-
toi donc maintenant, puisque tu voulais mou-
rir pour ton Christ. Six autres païens lui
donnèrent encore chacun un cou;) de lance.
Son martyre arriva le 23 avril 9!)7. Le duc
Boleslas ayant racheté le corps de notre saint,
letit transjjorler dans la cathédrale deGne^ne,
où on le voit encore. On lui a donné le litre
d'Apôtre de Prusse. L'Eghse fait son illustre
mémoire le 23 avril.
ADANÉ, château situé en Turquie, où fu-
rent envoyés parle Grand Seigîieur, Ignace-
Pierre, patriarche de Syrie, et Oenis Rezkal-
lah, archevêque d"Alei). On peut voir à leur
titre respectif ce qui a rapport à ces deux
saints martyrs de la foi catholique.
ADAUCTE (saint), martyr, fut décapité à
Rome avec saint Félix, prêtre. Ce saint mar-
chait aastrpplice, quand un homme, perçant
la foule, s'avance au premier plan et s écrie :
« Moi aussi je suis chréti-^n, j'adore le même
Dieu qu'adore cet homme, le même Jésus-
Christ, et je veux mourir avec lui !» Outréde
ce qu'il nommait son audace, h; magistrat le
fit arrêter cl décapiter avec Félix. Cet honnue
couiageux était Adaucte, nom qui signitie
adjoint, ajouté, et que lui donnèrent les
chrél.ens, i)arce qu'ils ignoraient son nom
véritable. La fêle des deux saints est mar-
quée dans le Martyrologe romain au 30 du
mois d'août.
ADAUQl'E (saint), était originaire d'Italie ;
dans la faveur toute [larliculière des empe-
reurs, il fut promu par eux succe^sivem;}nt
à la plupart d<'b dignités de l'inupire. Il était
questeur en IMirygie quand il fut martyrisé
Cour la foi. L'E^bse honore sa mémoire le
février.
ADELPHIUS, confesseur, évêque d'Onu-
phiz, fui banni à Diocésarée en Palestine, en
373, sous l'empereui-ai'ien Valens, [)ar Mag-
nus, qui voulait le contraindre à abandonn.;r
la foi orthodoxe. 11 n'vst pas au Martyrologe.
ADEIUT (saint), évêque de Uavenne et
confesseur, soulfiit j)0ur la foi divers tour-
ments en Italie. On croit (pie ce fut dans la
ville de Ravenne. 11 mérita d'être mis par
l'Eglise au nond)re des saints et des confes-
seurs. Sa fêle est inscrite au Martyrologe le
27 de septf!iid)re.
ADJUILLU (saint), martyr, eut h; bonheur
de dotnier sa vie |)(jur la défense du cluis-
tianisme dui-ant les persécutions que les
empereurs lomains iiicnil soullVir à 1 Fglise.
11 veisa son sang dans celle l<;i'i(; d'Abiqu(î
si jiiofondémcnl nnidégnéedi; sang (chrétien,
3t si riche «lors de foi, de généreuv dévoue-
ments et de sublimes vertus chrétiennes. On
ne sait pas l'époque de son martyre. Seule-
ment on sait qu'il soutlVit avec les saints
Victur, Victor, Victorin, Quart, ei trente au-
tres qui ne sont pas nommés dans les mar-
tyrologes ; cohorte partie i)our le ciel sans
laisser h la terre le nom de ses soldats, mais
en lui léguant l'exemple de son courage et
le fruit précieux de ses combats. L'Eglise
honore leur mémoire le 18 du mois de dé-
cembre.
ADJUTEUR (saint) , reclus à Vernon-sur-
Seine, était hls de Jean, seigneur de Ver-
non, et de Rosemonde de Biaru. Après avoir
passé son enfance dans la pratiiiue des leçons
de vertus que lui donnait sa mère , il em-
biassa la cari'ièie des armes, et parût en Pa-
lestine, comme croisé, à la tête d'une com-
pagnie de deux cents h mmes. Après avoir
donné en dillcientes occasions des marques
de sa grande valeur, ii fut pris par les Sar-
rasins. Pendant sa captivité, il eut à soulfrir
toutes sortes de mauvais traitements à cause
de sa persévérance danslafoi lie Jésus-Christ.
Quand il eut recouvré sa libellé, il revint en
France , et prit l'h.ibit dans Tabbaye do Ti-
ron , à laquelle il lit don de tous ses biens ,
à la condition qu'on lui bâtirait une cellule
et un oratoire près de V^ernon. 11 y passa ,
comme reclus, le reste de sa vie dans la
pratique des plus grandes austérités. 11 ex-
pira le 30 avril 113J, et les religieux l'enter-
rèrent dans son oratoire. 11 est principale-
ment honoré dans la cha})elle de Sainte-Ma-
deleine, près de la ville de Vernon, où l'on
voit encore aujourd'hui son tombeau. L'Et-
glise fait sa samte mémoire le 30 avril.
ADOM, prince arménien de la famille Ki-
nunik , fut l'un de ceux qui soulfrirent vo-
lontairement la captivité pour Jésus-Christ,
sous le règne d'Ha/guerd, IP du nom , roi
de Perse, el qui ne furent remis en liberté et
renvoyés en leur pays «lue huit ans après la
mort de ce prince, sous le règne de son hls
Bérose. l*our plus de détails , voy. Princes
AU.MKMKNS.
ADRIAS (saint) , fut martyrisé à Rome ,
sous l'empire de Valérien , avec les saints
Hippolyte, Eusèbe, Marcel , Maxime, Heon,
et les saintes Pauline et Marie. L'Eglise fait
sa fête le 2 décembre. Pour plus amples dé-
tails, voy. HiPi'OLYTE (saint).
ADRIEN ( P. /Elius Adrianus), cousin do
Trajan, et adopté par lui, nu. nia sur le Irono
inipérial en 117. Ce prince lit le bonheur do
l'empire ()ar sa douceur et par sa justice;
mais il fut loin d'avoir les qualités (pii con-
viennent 5 un prince. Visant ù la grandeur,
il était moralemenl taillé dans des propor-
tions trop mesciuines [)our pouvoir y attein-
dre. TiOj) petit i)()ur monter jusqu'à l'or-
gueil, il se complut dans toutes les vanités
puériles (pii sont rélémenl des Ames faibles.
Besogneux el leumant, il agit beaucoup i>our
faire peu de chose. Il aima nneuv abandon-
ner h (]liosroës les compièles dt^ Traian que
de les garder en fai>anl la guerre. Il acheta
la paix des barbares. Il fut envieux de tou«
ce (pn" le dépassait, el, C(msé(pjemment, dut
l'être sans cesse. Il se montra généreux danî
85 ADI\
des circonstances solonnolles , ot fit tuor
sournoisoinont qiiatro consulaires qui l\ii
porlaiont oinhra.^e. Sans cosse occupi'i de
petites choses, il faisait des vers, des é,ii-
gr.unnies , et voulait qu'on les ailmiivU. Il
p.MTDurait ineessannnent l'empire pou- y
l'aire des r('';^liMntMits do police O'.i aulrc-s
choses semblables, (pi'il aurait dit laisser au
soi'i des gouverneurs. Il se miui'ra attaché
à l'excès aux su[)erslitions païenuivs , aux
nratiques du culte des idoles. 11 l'ut adonné
a la magie : ces croyances d s esprits faibles
furent une des grandes occupations de sa
vie.
. A une époque où la religion paionno crou-
lait de toutes parts, où dans les esprits éclai-
rés elle avait perdu tout son [)restige ; quand
elle n'était plus ap[)uyée , ^ vrai dire, que
sur une seule bn-e, la coutume et la raison
d'état, on voit AJr-ien revenir aux miiui-
ties, aux pratiques du culte païen, avec au-
tant de ferveur et de crédulité qu'un dévot
ignorant et su[)erstitieux des f)remiers teui[)s
de la répid)lique. Ce prince était donc un
espiit faible et sans portée. Ce fut son fana-
tisme inintelligent (|ui le porta, d.'s les com-
mencements de son règne, à p;Msécuter les
chrétiens, et à les laisser persécuter dans
tout l'empire par les ju^es et les gouver-
neurs de province : ils faisaient ainsi une
flatterie atroce et sanguinaire aux s:i|)eisti-
tions de l'einpereur. L'histoire d'Antinous
prouvera à quel degré était arrivée la su-
perstition chez Adrien. Il é|)rouvait pour An-
tinous, j une tiomme de Bithynie, une pas-
sion infâme ; il le menait partout avec lui.
Désirant sacritier quelqu'un à l'cifer pour se
prolonger l'existence, et ne t ouvant per-
sonne, parce qu'il fallait une victime volon-
taire, il fit égorger Antinoiis, qui y consen-
tait. Il en eut ui chagrin profond ; il le mit
au nombre des dieux, et ordonna qu'où l'a-
dorût en cette qualité. Bientôt toute la terre
fut couverte de temples que la lâcheté dos
peuples élevait à celui qui méritait l'horreur
du genre humain.
Adrien persécuta donc les chrétiens avec
violencejusqu'en l'année 125 ou 126. A cette
époque , saint Quadrat et saint Aristide lui
ayant remis , en faveur des chrétiens, cha-
cun une apologie pleine de raisonnements
puissants et éloquemment rendus, il ordonna
qu'on cessa de persécuter les chrétiens.
L'Eglise jouit de la paix pendant quelque
temps; mais les Juifs s'étant révoltés sous
la conduite de Barcochcbas , Adrien, qui ,
comme beaucoup dans ce temps-ià, déver-
sait sur les chréticiis la haine que méritaient
les Juifs, recommença dejjuis loi'S, jusqu'à
la lin de son règne, à pe.sécuter les chré-
tiens, oubliant les termes et l'esprit du res-
crit qu'il avait donné, et qu'on verra à l'ar-
ticle Persécution. Beaucoup d'auteurs ont
dit qu'Adrien avait été si bien disposé pour
.le christianisme, qu'il avait voulu faire
mettre Jésus-Christ au rang des dieux , et
lui faire élever des temples. Beaucoup aussi
ont cru que ces temples qu'il fit bâtir, et qui
De furent consacrés à aucune divinité , et
ADR
8G
que depuis on a nommés les Adrianécs, avaient
celte destination. Ceci nous paraît assez dif-
ficile h concilier avec la haine fpi'il montra
contrôles chrétiens, leur doctrine, et les
lieux do leiM'S mystères, «piaïul il rebâtit Jé-
rus/ilem sous le nom d'Olilia , en l'année
VM.
Adrien comprenait la profanation : il (it
dresser une statuer à Jupiter au lieu de la
résurrectio \ de Jésus-Christ; une de Vénus,
en marbre, au Cilvaire. Il lit planter un bois
en faveur d'Adonis à Bethléem , et lui con-
sacra retable où le Sauveur était né : trois
emblèmes fiaiens destinés à répondre mot
pour mot : à la toute-puissance qui ressus-
cite les morts; h l'amour de la femme, mère
du Dieu d', mour ; à l'amour Dieu enfant,
naiss mt pour le bonheur du monde ! Mais
la profanation passe, et il reste [)Our l'éter-
nité sur la poussière du profanateur et do
ses idoles, au tombeau du Christ, le tout
puissant maître de la vie et do la mort ; au
Calvaire, une femme qui réhabilite son sexe,
et qui personnifie l'amour maternel dans son
ardeur dans les souffrances, et la chasteté
dans sa plus pure expression; à Bethléem,
un enfant, Dieu d'amour, qui naît pour le sa-
lut de tou'^; en un mot, Jésus-Christ. Mais,
à côté de la profanation, Adrien mit l'injure
grossière et dégoût '.nie: sur la porte qui re-
gariia t Bot il du , il fit placer un pourceau
eu niarbre. Ne diiait-on pas, en voyant ces
impiétés et cette ig loble mjure, le précurseur
de nos vol tairions ?
Adrien mourut en 138, chargé du poids
du sang innocent. Dieu peut-être l'épargna
sur la tv'rre [)0ur le récompenser de certai-
nes vertus humaines ; le secret du reste est
au ciel.
Adrien persécuta les chrétiens avec vio-
lence, et Ruinart l'a très-bien établi contre
Dodwel, qui prétend dans ses écrits que les
chrétiens n'eurent presque pas de martyrs
sous les empereurs romains.
La persécution d'Adrien est mise au qua-
trième rang par quelques-uns, et ne passe
chez les autres que pour une suite de la
troisième. Dodwel trouve le moyen d'ac-
corder ces deux sentiments, en décidant
qu'il n'y a eu sous ce prince aucune persé-
cution. Il lâche d'appuyer sa décision sur un
passage de l'apologie de saint Justin, où ce
saint martyr, pour porter l'empereur Anto-
nm à donner la paix aux chrétiens, lui pro-
pose l'exemple d'Adrien. De quel front, dit
Dodwel, aurait-il o.^é se servir du nom d'A-
drien, si ce prince avait été un des persé-
cuteurs de l'Eglise? Mais, au contraire, il pa-
rait que, SîJi)pusé la persécution d'Adrien,
l'argument de saint Justin a bien plus de
force si, en effet, cet empereur l'a fait en-
fin cesser. Car ce saint philosophe remon-
tre à Àntonin qu'il est de sa clémence de
faire cesser le meurtre des chrétiens, après
avoir reconnu leur innocence, à l'exemple
d'Adrien, qui, après h'S avoir longtemps
persécutés, détrompé enfin par les apolo-
gies que des philosophes chrétiens lui pré-
sentèrent, et- par les remontrances de quel-
87
ADR
ADR
sa
qucs gouverneurs tle province, ordonna
qu'on arrôlât les cruautés qu'on exerçai! con-
tre eux. Et il est aisé de voir que saint
Justin avait eu cette pensée en composant
son apologie, puisqu'il y a inséié un rescrit
d'Adrien, adressé à JNJinutius Fundanus, par
le pii'l l'empereur déclare que, défénint à
l'avis qui lui a été donné par Sérénius dra-
n.us, pr«-^décesseur de Minutiu"?, il veut qu'on
ne condamne point les chrétiens qu'on n'ait
Auparavant observé dans l'instruction de
leur procès toutes les formalités prescrites
i ar les lois. Dodwel répond que ce rescrit
peut marquer une persécution prête à écla-
ter, ujais non une perséchtion (}ui ait déjà
fa t quelques pro^'r-ès. A quoi Kusèbe est en-
tièrement contraire, car voici comme il parle
de C' fait dans son histoire:» Sérénius,
(li(-il, remontrait à l'empereur que c'était
une chose injuste de faire mourir les chré-
tiens sans qu'il leur fût reproché aucun
crime, mais uniquement pour plaire à une
populace emportée, qui, par des cris sédi-
tieux, faisait violence aux juge<. A quoi
r mpereur envoya son rescrit, qui portait
qu'il l'avenir on ne rendrait aucun jugement
(le mort c ntrc ks chrétiens, qu';.près que
le crime dont ils seraient légitimement ac-
cusés eût été avéré. » Saint Justin nous
fournit une autre preuve de cette persécu-
tion. C'est dans sa première apologie où,
l)arlant de sa conversion qui arriva sous
l'empire d'Adrien, il nous fait comprendre
que ce fut à l'occasion des martyrs qu'il
vint à connaître la vérité de la religion chré-
tienne. « J'étais, dil-il, de la secte des pla-
toniciens, et j'entendais dire que les chré-
tiens, quoique leur vie fût très-innocente,
succombaient tous les jours snus de fausses
accusations : je les voyais marchor au sup-
plice d'un pas assuré, 'et alfronier d'un air
intrépide ce qu'il y a de plus terrible dans
la naiure. Je disais en moi-même : Qui est
l'homme qui, étant amolli par la volupté, se
trouve assez de force et de courage pour
courir volontairement à la mort ou pour la
recevoir sans émoiion ?... »
O'i ne doit pas croire non plus que la
haine qu'Adrien avait pour les juifs le ren-
dit plus favorable aux chrétiens, selon la
plaisante imagination de Dodwel. 11 est vrai
(pje Burchocfiébas, chef des juifs révoltés,
ht mourir plusieuis chrétiens dans les tour-
ments pour n'avoir [)as voulu renoncer Jé-
sus-Christ, ou pour avoir refusé de prendre
les armes contn; 1 s Romains; mai<, comme
le dit fort judicieusement s.iinl Justin, « les
juifs fout l.i guerre aux chrétieiis, les païens
les i)erséculent, sans que ni les uns ni les au-
tres sac.li(;nt précisénuTit ce qui l(;s fait agir
avec tant d'emportement et si peu de jus-
tice. )' il n'y a pas plus d'aijparenci! qu(! cet
C'uipereur eut desseui de favoriseï- les chré-
ti(.'i)s, en relevant les uuirs de Jérusalem,
puisquo au (;ontraire l'aversion (|u'il avait
pour eux lui inspira \v, dessein sacrilège
d'abolir eiilièrcîment la méuioiru des lieux
sa( rés et d'en ellacei' les moiiidr(;.s traces, en
y filaça/it ses idoles. C'est le sentiment do
saint Paulin, de saint Jérôme, de Sévère
Sulpice et de plusieurs autres écrivains ec-
clésiastiques, à l'autorité desquels Dodwel
n'a{>as la moindre autorité h o poser; il se
contente de nous dire qu'Adrien n'avait
aucurje connaissance de la sainteté de ces
lieux , et que les chrétiens se mettaient
})eu en peine d'en conserver la mémoire.
Mais il vaut mieux en croire Origène, qui
nous assure que longtemps après Adrien, ces
lieux, consacrés j)ar les grands mystères qui
s'y sont opérés, n'étaient pas seulement en
vénération aux chrétiens, mais aussi aux
infidèles, qui respectaient la grotte de Be-
thléem comme un lieu que Jésus, Dieu des
chrétiens, avait honoré par sa naissance : et
pour ce qui regarde les chrétiens , Eusèbe
écrit que, lorsqu'Alexandre fut fait évêque
de Jérusalem, il y était venu de Cappadoce
pour visiter les saints lieux.
II n'est pas moins certain qu'Adrien aimait
à répandre le sang. Spartien dit que la cruauté
lui était natunlle ; Dion Cassius fait le dé-
nombrement de ceux qu'il avait fait tuer; et
quoique, selon ïertullien, il n'ait publié au-
cun édit contre les chrétiens, il était toute-
fois superstitieux jusqu'<i l'excès, et il pre-
nait soin de tous les sacrifices qui se faisaient
h Rome; il méprisa toutes les religions étran-
gères, mais il exerça la charge de souverain
pontife, et fut sacrificateur du temple d'Eleu-
sine. Ayant passé un hiver à Athènes et s'y
étant fait initier à tous les mystères de la
Grèce, il permit aux païens de persécuter les
chrétiens, et cette persécution, au rapport de
saint Jérôme, fut très-sanglante. Cependant,
il reçut voloitiers les a: ologies qui lui fu-
rent présentées par Aristide et Quadratus,
pliilosophes chrétiens; il se laissa persuader
par leur éloquence et fit cesser la [persécu-
tion. Il résulte de tous ces faits qu'on ne
doit point rejeter les martyrologes qui font
mémoii-e des martyrs qui ont souffert sous
Adrien, auxquels nous ajouterons encore Ma-
rius , officier d'armée, qui perdit la vie,
comme on croit, durant le règne de cet em-
pcreiu-, et comme on le lit dans une ins-
cription trouvée au cimetière de Caliste, où
il fut enterré parmi les larmes et la crainte
de ceux qui lui rendaient ce [)ieux office,
sans doute à cause de la persi'cution.
ADRIEN (saint), martyr, avait un grade
important dans les armées im|)ériales. 11 avait
pendant quehpie tem|)S violenmienl persé-
cuté les chrétiens; mais enfin, touché de leur
constance; extraordinaire au milieu des tour-
ments, il avait fini par embrasser la religion
qu'il avait tant combattue. Arrêté en .')Oti , il
souffrit d'horribles tourments, et enfin reçut
la couronne éternelle à Nicomédie. Ses reli-
(pu.'S furent successivcnuentà RonuietàCons"*
lantinople. Depuis elh>s fui-eut poilées en
Flandre. La fête de saint Adrien a lieu le
8 septembre. {Voy. Eemire , Diolom. liclg.y
p. h\h.)
A-DRIEN (saint), martyr en Palestine, souf-
fiil pour la foi cnrélieiuie en l'an de Jésus-
Christ .'{00, sous les success(nns de Dioclé-
tuMi. Cu fut le tjouverncur Firmilien qui lo
89
ADR
AFR
9Ù
condamna h ninrt. Sa sentence fut exécutée
à Césaré.'. D'abord on lui déchira les côtés
avec les on^^lcs de Ter; ensuite, le 5 de mars,
il fui e:^|)Osé à un lion et aciievé d'un (joup
d'épée. Saint Eubule eut le même sort. Tous
deux eraieut venus de Mangane à Césarée
pour visiter les confesseurs à la porte de la
ville , ainsi que cela se praticpiait alors ; on
leur avait demandé ce qu'ils venaient faire :
sur leur réponse qui dit ingénuement la vé-
rité, ils furent arrêtés et menés au gouver-
neur (V'oj/. Eusèbe, Des mart. de Palest.). Le
Martyrologe romain marque la fête de ces
deux saints le 5 de mars.
ADRIEN (saint), martyr, mourut pour la
défense du christianisme dans l'antique co-
lonie des Phocéens, dans cette ville de Mar-
seille que tant de martyrs illustrèrent. Il eut
pour compagnon de ses glorieux combats
saint Hermès , dont l'Eglise fait la fcte avec
la sienne le 1" mars.
ADRIEN (saint), martyr, vivait à Alexan-
drie du temps des empereurs romains , et
très-probablement sous le règne de Dioclé-
tien et de Maximien , dont l'atroce persécu-
tion répandit tant et de si généreux sang
chrétien dans la terre d'Egypte, et notam-
ment à Alexandrie. La rage de la persécution
V sévissait toujours avec infiniment d'inten-
sité. Cette ville, étant la seconde de l'em-
pire, appelait immédiatement l'attention des
empereurs. Saint Adrien y fut martyrisé pour
la ioi chrétienne à une époque malneureuse-
ment ignorée. L'histoire a recueilli son nom,
mais n'a enregistré aucun détail touchant les
combats qu'il eut à soutenir. Tant de saints
ont ainsi combattu laissant à peine un nom
aux hommes, tant était grand parfois le soin
que mettaient les persécuteurs à empêcher
qu'on (écrivît leurs actes, qu'on recueillît
leurs reliques, qu'on fit rien, en un mot, qui
pût mettre leurs noms, leur glorieuse résis-
tance, leur mort plus glorieuse encore, à
hauteur d'exemple pour les autres chrétiens !
Saint Adrien se trouva probablement dans
ce cas, avec les compagnons de son martyre,
car il ne mourut pas seul. Dans le Martyro-
loge romain , dans celui de saint Jérôme et
dans plusieurs autres , on trouve que saint
Basile et saint Victor souffrirent avec lui.
L'Eglise fait la fête de ces trois généreux sol-
dats de Jésus-Christ le 17 de mai.
ADRIEN (saint), martyr, était issu de sang
impérial. Son père Probus avait été revêtu
de la pourpre romaine. Il vivait dans la re-
traite, que lui imposaient les souvenirs qu'il
avait à porter. Il y a des noms qui sont pour
l'homme qui les porte une espèce d'exil au
milieu des autres hommes : déchus de la
grandeur suprême , ils ne doivent pas dé-
cheoir des sentiments qui y sont inhérents.
Adrien était dans ce cas. Il avait eu le bon-
heur, en outre, d'être instruit de la religion
chrétienne. Il était considéré dans la ville de
Nicomédie tout à la fois à cause de l'éclat
de sa naissance, et à cause de sa piété comme
chrétien. Il ne put s"erapêcher de témoigner
son indignation quand il vit Licinius persé-
cuter les chrétiens, desquels naguère il s'é-
tait déclaré protecteur de concert avec Cons-
tantin. Il lui Hiprocha hautement l'odieux d(»
sa conduite. Licinius, furieux, le fit ni(;ltre à
mort. Domic(; , évoque de Byzancc , et soii
oncle, fit enlever son corps, qu'on enterra à
ArgyrO|)olis.
ADRIEN (saint), évoque de Saint-André ei»
Ecosse, martyr, se trouva maintes fois ex
{)Osé aux fureurs des Danois qui faisaient de
fréquentes irruptions dans la contrée qu'il
habitait. Souvent il vint à bout de calmer
leurs fureurs, d'y mettre obstacle , et môme
il en convertit un assez grand nombre. Mal-
gré cela, ils revenaient fréquemment : une
lois entre autres, ils se montrèrent si mena-
çants que le saint jugea prudent de se retirer
dans la [)etite île de May. Cette île est située
à l'embouchure du Forth. Les Danois l'j
ayant trouvé le massacrèrent avec un autre
é>6que, saint Stalbrand, et beaucoup d'autres
chrétiens. Le bréviaire d'Abcrdeen en port«
le nombre à plus de six mille. Ce massacre!
effroyable eut lieu en 87i. Les reliques du
saint furent déposées dans un monastère
qu'on bâtit en son honneur dans la ville qui
avait été témoin de sa mort , et auquel pen-
dant longues années eurent lieu de fréquents
pèlerinages. L'Eglise fait la fête de saint
Adrien et de ses compagnons le 4 du mois
de mars.
ADRUMÈTE, ville d'Afrique, aujourd'hin
ruinée, à 130 kilom. de Carthage, dans la By-
zacène ( Etat de Tunis ) , est célèbre par le
martyre des deux époux Boniface et Thècle.
On ignore à quelle époque leur martyre eut
lieu.
ADULPHE (saint), martyr, remporta la
couronne du martyre à Cordoue, pendant la
cruelle persécution que les Arabes y susci-
tèrent contre les disciplesdu Christ. Les mar-
tyrologes n'ont conservé que son nom et ce-
lui de saint Jean, son frère et son compagnon
de soutïrances. C'est le 27 de septembre que
le Martyrologe romain inscrit le nom de ces
deux saints martyrs.
ADVENTEUR (saint), martyr, était soldat
dans la légion Thébéenne, qui fut massacrée
par Maximien dans un endroit des Alpes ap-
pelé aujourd'hui Saint-Maurice , pour avoir
refusé d'assister à des cérémonies païennes.
Plusieurs légioimaires dont Adventeur faisait
partie se trouvaient alors à Turin, soit en dé-
tachements, soit comme retardataires. Ce fut
là qu'il cueillit la palme du martyre avec
deux autres soldats ses compagnons , saint
Octave et saint Soluteur. Ils sont inscrits au
Martyrologe le 20 novembre.
AËTIUS, était président en Pamphylie. Ce
fut lui qui , durant la persécution ()ue l'em-
pereur Aurélien fit souffrir aux chrétiens, fit
mettre h mort saint Héliodore, qui refusait
d'abandonner sa foi et sa religion.
AFRE (sainte), souffrit le martyre dans la
persécution d'Adrien. Il est parlé d'elle dans
les Actes de saint Faustin et de saint Jovite ;
mais on convient généralement que ces Ac-
tes n'ont pas une grande autorité. Le corps
de sainte Afre est dans une église de son
nom, à Bresse. Sa fête a lieu le 2^ de mai.
91
AFR
AFR
92
AFRE (sainte), ^/"ra, était fille publique ît
Augsbourg. Ouiind vint la persécution de Dio-
ciétien, eu Tande Jésus-Chrisl 30'i.,Di(Hi per-
mit que sainte Afre cueillit la palme glorieuse
du martyre , avec sa mère Hilaria et ti-ois
servantes, complices de ses désordres, Euno-
mie, Entropie et Digne. Il voulait ainsi luou-
trer, dans la personne de cette autre Made-
leine, que, quels que soient les péchés dans
lesquels tombe une ûiue , jamais il ne faut
désespérer de sou salut, et qu'il n'est pas de
souillure qu'un rayon de la grâce divine ne
puisse faire disparailie. Nous donnons ici en
entier, d'après Ruinart , les Actes de sainte
Afre.
« La persécution allumée dans Augsbourg
lui enlevait chaque jour plusieurs de ses ci-
toyens : on les traînait devant les idoles ,
pour les contraindre à leur olfrir de l'encens;
on les tourmentait en mille manières pour
arracher de leur bouche quelque blasphème
contre Jésus-Christ , et leur sang coulait de
tous côtés , mêlé avec le sang impur des
laureau\ que les gentils immolaient à leurs
dieux. Une foraeuse courtisane nommée Afra
fut arrêtée avec quelques autres chrétiens.
Lorsqu'elle fut devant le juge, et qu'elle eut
confessé qu'elle était chrétienne, le juge lui
dit : Sacrifiez aux dieux , car je crois que
vous comprenez assez qu'il vaut mieux vi-
vre que de s'exposer imprudemment à expi-
rer dans les supplices. Afra répondit : Hé-
las ! j'ai assez de mes péch.''s passés, sans y en
ajouter encore de nouveaux ; ainsi n'espérez
})as que je fasse jamais ce que vous me con-
seillez de faire. Le juge dit : Allez au temple,
croyez-moi , et sacrifiez aux dieux. Afra ré-
pondit : Jésus-Christ est mon Dieu, je le vois,
je l'ai toujours devant les yeux , je lui con-
fesse mes péchés dans toute l'amertume de
mon cœur; je suis indigne, il est vrai, de lui
oll'rir un sacrifice, mais je brûle du désir de
me sacrifier moi-même pour la gloire de son
nom, afin que ce corps, que j'ai tant de fois
souillé par mes impuretés, soit purifié dans
son propre sang. Le juge dit : A ce que
j'entends, tu fais le métier de courtisane ; et
puisque cela est , tu ne dois nullement pré-
tendre h l'amitié du Dieu des chrétiens; c'est
pourquoi je le conseille de sacrifier aux nô-
tres , qui sont beaucoup plus indulgents.
Afra répondit : Jésus-Chr-ist mon Seigneur
a dit qu'il était descendu du ciel exprès pour
les pauvres pécheurs , et son Evangile nous
apprend qu'il permit à une courtisane connue
moi do lui arroser les pieds de ses larm.^s ,
et qu'il lui pardonna tous ses |)éché.s; il n'a
jamais témoigné aucun mépris pour les j):''-
cheurs; il s'(;ntretenait f.unilièrement avec
eux, et il mangeait souvent à leur table.
« Le jug(! dit : Sacrifie du moins, afin ([uo
iCS dieux te fassent avoir beaucoup d'amants,
i't surtout de ceux qui aiment à dunner. Afra
répondit : Plutôt mouiic mille fois qu(i de
rec(;v(jii' aucun [)iési;nl d'un homme. Je n'en
ai voulu garder aucun de tous c(;ux qu'on
m'avait faits, je les ai jetés. Je les voulais
donner?) hkîs rrèr(!S les pauvres; mais quel;
»iu«; instance que je leur aie laite de les ac-
cepter, jamais ils n'en ont voulu (i), quoique
je leur (lisse que je les leur donnais afin qu'ils
])riassent Dieu pour moi. J'ai donc été obli-
gée de les j(!ter : counnent voulez-vous que
je prenne maintenant ce que je ne regarde
qu'avec horreur et qu(,' comme de la boue.
Le juge dit: Mais ton Christ ne veut point
de toi , il n'a plus que du mépris pour toi ,
tu n'as plus que faire de rai)peler ton Dieu.
Oses-tu môme te d re chrétienne? une coiu'-
tisane! Afra répondit : Je l'avoue, je ne mé-
rite pas d'être aimée de mon Dieu , mais je
sais aussi que ce môme Dieu, pour aimcn\ ne
consulte que sa miséricorde , et non le mé-
rite de ceux qu'il honore de son amour; je
crois donc qu'il m'aime. Le juge dit : l-'t
comment le sais-tu? Afra répondit : Je cou-
nais bien que mon Dieu ne m'a pas rejetée,
puisqu'il me permet de confesser son saint
nom devant vous , et j'ai une ferme espé-
rance que l'aveu libre et sincère que je fais
maintenant m'obtiendra le pardon de mes
péchés. Le juge dit : Contes en l'air que
tout cela ; je te conseille plutôt de sacrifier
aux dieux, qui peuvent seuls te rendre heu-
reuse. Afra répondit : Vous vous trompez ,
il n'y a que Jésus-Christ qui puisse faire mon
bonheur, comme il n'y a que lui qui puisse
sauver mon âme. Ne sauva-t-il pas le boiî
larron, et ne lui promit-il pas son paradis ,.
parce qu'il confessa sa divinité un moment
avant que d'expirer? Le juge dit : Sacrifie,
ou je te ferai donner les élrivières en pré-
sence de tes amants. Afra répondit : Faites
ce qu'il vous plaira, mais il n'y a plus que le
souvenir de mes péchés qui puisse me cau-
ser de la confusion. Le juge dit : Oh bien l
sacritie , c'est une chose honteuse pour moi
de disputer si longtem;-)s avec une courti-
sane. Si tu n'obéis, je te ferai mourir. Afra
répondit : Ah! c'est ce que je souhaite de
tout mon cœur, si toutefois je suis trouvée
digne de mourir pour mon Deu. Le juge
dit : Sacrifie , je te le dis pour la dernièrn'
foi , sinon , je vais commencer par te faire
tourmenter, et puis te brûler toute vive.
Afra ré{)ondit : Que ce corps malheureux,
qui s'est souillé de tant de crimes, souiïre
mille tourments , qu'il brûle , j'y consens, il
l'a bien mérité ; mais pour mon Ame , je la
conserverai |)ure , et l'on ne verra jamais la
courtisane Afra donner de l'encens à vos
idoles.
« Alors ce méchant juge prononça celle
sentence : « Nous ordonnons que la courti-
saiK! Afra, recoinnui de toute la ville d'Augs-
bourg pour une infAme prostituée, et qui
outre cela se dit chrétienne , soit brûlée
toute vive , i)!)ur avoir la t refus de sacrifier
auv dieux immortels. » Aussitôt elle fut li-
viée aux bourreaux, qui la tinnit passer dans
une îl(i qu(! le fieuve Liens (le Lick) l'orme au-
dessus d(; la ville, où, l'ayant dépouillée dti
ses habits, ils la lièrent à un poteau. Cej)en-
daut la sainte, élevant au ciel ses yeux tout
(I) \iliiiiraltit; (lésiiilércssoincnt des premiffrs chrc-
ticiis. U(!s pauvres n-jelicul k's ainiioncs d'une pros-
liuiéc.
93
AFIl
AGA
04
baignés de larracs, fit cette prière : 0 Jdsiis!
Dieu tout - puissant , qui ôtes venu en ce
monde non pour appeler les justes, mais les
pécheurs i^ la pénileiiecî; Sei.;n(Hir, (jui avez
promis au pécheur d'oublier ses crimes au
môme moment (ju'il retournera à vous (et je
sais que vous êtes lidèle dans vos promesses),
recevez le sincère ref)entirque vousollVe u'i
cœur contrit et humilié, recevez -le, Sei-
gneur, avec les tourments qu'on me pré-
pare. Heureuse si ce feu qui va réduire mon
corps en cendres peut ex[)ier les dérègle-
ments honteux do tna jeunesse 1 Ge;)endant
OR élevait autour d'elle un biïcher. Dcijà la
flamme commençait à gagner les endioits
les plus proches de la sainte , lorsqu'elle lit
entendre distinctement ces paroles : Je vous
rends grâces , ô mon Jésus, de ce que vous
daignez me recevoir comme une hostie im-
molée à la gloire de votre nom , vous qui
êtes la véritable et la seule hostie qui a été
offerte pour le salut de tout le monde. Vous
qui étant l'innocence même, la bonté essen-
tielle, le Dieu de bénédiction , le Saint des
saints, avez voulu mourir pour des crimi-
nels , pour des méchants , pour des enfants
de malédiction , pour des pécheurs, je vous
otfre ma vie en sacrifice. Seigneur, qui vivez,
avec le Père et le Saint-Esprit, dans les siè-
cles des siècles.
«Tandis que la bienheureuse Afra s'ouvrait
à travers les flammes de son bûcher un che-
min vers le ciel, Eunomie, Entropie et Di-
gne étaient restées sur le bord de la rivière;
c'étaient trois hlles qui servaient Afra , et
qui , après l'avoir imitée dans son péché ,
l'avaient suivie dans sa conversion ; elles
avaient reçu le baptême de la main du saint
évèque Narcisse. Une barque étant venue
aborder à l'endroit où elles étaient , elles
prièrent le batelier de les passer dans l'île.
Elles trouvèrent le corps de leur maîtresse
tout entier. Une jeune esclave qui les avait
accompagnées se jeta promptement dans le
fleuve , et l'ayant traversé à la nage , courut
chez Hilaria , mère de la sainte , lui donner
avis de cette merveille. Ceite vertueuse
femme , prenant avec elle deux prêtres , se
rendit la nuit suivante dans l'ile du Lick ;
d'où ayant enlevé secrètement le sacré corps
de sa lîlle , elle le plaça dans un tombeau
qu'elle avait fait construire pour elle et pour
les siens à doux milles d'Augsbourg. La chose
ne |)ut ê:re si secrète qu'elle ne vînt à la
connaissance du juge, qui sur l'heure en-
voya au tombeau quelques-uns de ses ar-
chers, avec ordre de lui amener Hilaria et les
trois servanies. Toutefois, leur dit-il, ne leur
faites d'ahord aucune violence ; mais après
vous être assurés d'elles , proposez-leur ci-
vilement QO sacrifier aux dieux ; si elles y
consentent , conduisez-les ici avec tous les
honneurs qu'on rend aux personnes distin-
guées. Si , au contraire , elles refusent de
rendre à nos dieux leurs hommages , rem-
plissez le tombeau d'épines sèches et d'au-
tre bois facile à s'allumer; et y ayant ren-
fermé ces femmes , bouchez-en soigneuse-
ment l'entrée, et mettez-y le feu. Prenez
garde surtout que pas une n'en échappe. Les
archers exécutèrent leurs ordres h la lettre.
Hilaria refusa co-istnnuient de sacrifier; les
tro s servantes en firent autant : on les ren-
ferme dans le tomheau, on le remplit de ma-
tièies combustibles, on y met h; feu , et ces
saintes femmes, y laissant leurs corps à demi
consumés, allèrent rejoindre dans le ciel
la bi(;nheiireuse Afra le môme jour qu'elle y
était e trée. » — 5 août.
AFRICAIN (saint), martyr, donna sa vie
pour la foi chrétienne durant la persécution
de l'empereur Dèce, sous le gouvernement
du |)roi;oiisul Fortunatien, eu Afi-ique, en
250, avec saint Pompée, saint Térence, et
plusieurs autres vaillants soldats de Jésus-
Christ. Les Crées et les Russes les ont en
très-grande vénération. Leurs Actes n'ollVent
pas les caractèi-es qui donnent h des faits le
cachet de l'authenticité. Il y est raconté qu'ils
furent battus do verges, mis à la torture,
tourmentés de divei'ses autres manières, et
enfin décapités. Théodore le Lecteur, qui vi
vait vers la fin du vi" siècle, dit que leurs
reliques furent placées, sous le règne de
Théodose le Grand, dans l'église de Sainte-
Euphémie, au quartier de Constai\tinO|)le
appel j la Pierre. Us sont inscrits au Marty-
rologe romain, à la date du 10 avril.
ACABE (saint), martyr, versa son sang
pour la foi durant les persécuiions que les
empereurs romains firent souffrir aux disci-
ples du Christ. Il eut deux com()agnons dans
ses soulfr.nces, saint Donat et saint Sabin.
L'EJise les honore le 25 janvier.
AGABE (saint), évèque et confesseur, souf-
frit pour sa foi dans la ville de Vérone. Les
martyrologes ne donnent aucun détail sur
son martyre. L'Eglise honore sa mémoire le
4 août.
AGABUS ou AGAB, prophètf^, et l'un des
soixante-dix disciples, prédit la grande fa-
mine qui désola l'empire sous le règne de
Claude. Il prédit à saint Pa.l, dans la v lie
de Césarée, sa captivité et son martyre. Il
prit la ceinture du saint apôtre, et se liant
les pieds et les mains, il dit : VoiUi ce que
prophétise le Saint-Esprit : Les juifs lieront
ainsi, dans Jérusalem, lliomme à qui est cette
ceinture, et ils le livreront aux mains des
gentils. {Actes xxi, 11.) —Les Grecs préten-
dent qu'Agabus mourut martyr ; mais rien
n'est certain dans toutes les histoires qu'on
rapporte de lui. Il semble que la tradition
ait choisi ce saint personnage pour en faire
le sujet des contes les plus absurdes. Il existe
des tableaux qui représentent saint Agabus
tellement colère de n'avoir pu épouser la
sainte Vierge, qu'il en casse son buton et va
se faire carme de dépit. (Nous avons vu un
tableau dans lequel sainte Anne fait lire
la Vierge dans un paroissien relié en ve
leurs, avec tranches dorées et fermoirs. C'est
un de ces élégants volumes que vendent nos
libraires ù la mode. Il est impossible de pous-
ser [)lus loin l'ignorance et le ridicule.)
AGAPE (saint), martyr, eut l'avantage de
verser son sang pour la religion chrétienne,
mais on ignore le lieu et la date de son mar-
95
AGA
AGA
96
ivre. On voit seulement, dans le Martyro-
loge romain, qu'il eut pour compa;;- !0 is de
son martyre saint Aphrodise, saiiit (^avalippe
et saint Èusèbe. C'est le 28 du mois d'avril
que l'Eglise honore la mémoire de ces saints
martyrs.
AGAPE (saint), fut martyrisé à Rome, au
commencement du règne d'Adrien, avec son
père saint Eustate , sa mère et sa sœur,
qui toutes deux se nommaient ïliéopiste. Sa
fête tomlje le 20 de septembre. Voy. Eus-
TATHE.
ACiAPE (saint), martyr, souffrit durant la
persécution de Valérien, à Cyrthe en Numi-
die, avec les saints Secondin, Emilien, sol-
dat, et les saintes TertuUe et Antoinette.
Voi/. pour les détails, Marikn (saint).
ÀGAPE (saint), marlyr, donna sa vie pour
la foi, h Edesse en Syrie, durant la persé-
cution de Maximien. 11 souffrit le martyre
avec saint Tliéogone et saint Fidèle, ses frè-
res. Ce fut leur mère, sainte Basse, qui elle-
même fat décapitée plus tard dans la môme
persécution, qui les encouragea à donner
leur vie pour Jésus-Christ. L'Eglise honore
leur mémoire le 21 août.
AGAPE (saint), martyr, fut décapité à Cé-
sarée en Palestine, sous le président Urbain,
dans la {)ersécution de Dioclétien. 11 eut pour
compagnons do son glorieux martyre les
deux saints Denis, les deux saints Alexan-
dre, saint Timolaiis, saint Pauside et saint
Romule. C'est le 21 mars que l'Eglise honore
la mémoire de ces illustres martyrs.
AGAPE (saint), était citoyen de Césarée
en Palestine, quand la féroce i)ersécution de
Dioclétien vint désoler l'Eglise. C'était Ga-
lère Maximien qui commandait dans ces
contrées. Ce saint fut condamné à être jeté
aux botes. Mais la Providence, qui protégeait
souvent les saints martyrs pour éclairer le
cœur des persécuteurs, ne permit pas que les
bètes féroces fissent aucun mal h saint Agape.
11 sortit sain et sauf de l'amphithéAtre. Plus
sanguinaires que les tigres et les lions, les
persécuteurs ne voulurent pas épargner ce-
lui que la Providence avait couvert de sa
protection. Ils firent jeter le saint dans la mer,
avec des fers aux pieds.
AGAPE (saint), l'un des glorieux combat-
tants de l'armée de Jésus-Christ, en Pales-
tine, fut mis à mort pour son nom, en 30() de
l'ère chrétienne, par ordre du gouverneur Ur-
bain, l'un des plus acharnés p(;rsé.;ut(!urs
narmi les gouverneurs de j)rovince. D'abord
le saint martyr souffrit avec sainte Thècle
div(.'rs touiincnts. Conduit h Césarée, il y fut
exposé aux bêles avec Thècle. Cette der-
nière fut di'chirée en pièces par les bêtes fé-
roces, mais Agapt; écliappa ce jour-là à la
fureur d(;s' animaux et au glaive des confec-
teurs. Dieu le réservait à (le nouveaux com-
bats. Il r(ista, diîpuis, deux ans en prison.
Maximin Daia donna l'ordrt; fju'on le fil mou-
rii's il refusait d'abjui'cr. Exposé de nouveau
dans ranij)hilh(''àtr(!, un ours se j(!la sur lui
cl ne fil (jue le bhîsser. L(; lendemain l(!s [njr-
séeuteurs le jetèrent dans la im-r. L'Eglise
^liibm sa fêle, avec celle de sainte Thôcio
et de saint Timothée, le 19 août. (Voy. Eu-
sèbe, dr Mart. Palest., c. 3; Stephan. Asse-
mani, Acla sincera mart. Occiaenl.y t. II,
p. ISi.)
AGAPE (saint), fut une des nombreuses
victimes que la persécution de l'impie Lici-
nius ht mourir pour la foi chrétienne dans
la ville d'Edesse, quand, oubliant la protec-
tion dont il avait jusque-là couvert les chré-
tiens, et les promesses faites à Constantin,
son beau-frère, ce prince perfide et cruel se
mil à persécuter l'Eglise du Seigneur. Le
saint dont nous parlons eut pour compa-
gnons de son triomphe les saints Cartère,
Styriaque, Tobio, et plusieurs autres que le
Martyrologe romain ne nomme pas, mais
dont il marque la fête avec la sienne, à la
date du 2 novembre.
AGAPE (sainte), martyre, fut mise à mort à
Thessalonique pour la religion de Jésus-
Christ, en l'année 30i, sous le règne et du-
rant la persécution de Dioclétien. Elle et ses
compagnes sont honorées par l'Eglise le 3 du
mois d'avril. Voici ses actes authentiques
pris dans Ruinart, ils lui sont communs avec
les saintes Quionie et Irène.
Dulcétius tenant l'audience, Artémésius,
greffier, dit: Voici une information envoyée
par le^stationnaire, et faite par lui contre six
femmes chrétiennes qui sont ici présentes ,
ef un homme qui est avec elles. Si votro
grandeur l'ordonne, j'en vais faire la lecture.
Dulcétius dit : xNous ordonnons que la lec-
ture soit faite de ladite information. Le gref-
fier lut ce qui suit : Le pensionnaire (I) Cas-
sandre à Dulcétius, gouverneur de la Macé-
doine. J'envoie à votre grandeur six femmes
chrétiennes, avec un homme, lesquels ont
refusé de manger des viandes immolées aux
dieux; elles se nomment Agape, Quionie,
Irène, Casie, Philippe et Eulyquie, et l'hommo
qui est avec elles, Agathon Le gouver-
neur, l'interrompant, dit: C'est assez. Puis, se
tournant vers ces femmes, il leur dit : Misé-
rables, quelle fureur et quel esprit de révolte
vous possèdent, vous autres chrétiens ? Pour-
quoi ne pas obéir aux saintes ordonnances
des empereurs et des Césars? Puis, s'adres-
sant à Agathon, il lui dit : Quelle raison avez-
vous eu de ne vouloir point loucher au vin
et aux viandes qu'on ollVe aux dieux, comme
tous ceux qui sont initiés à leurs mystères
ont coutume de faire. Agathon lui répondit :
La raison, c'est que je suis chrétien. Dulcé-
tius, se tournant ensuite vers les femmes, dit
à Agape : Et vous, qu'avez-vous à dire ?
Agape répondit : Moi, je crois au Dieu vi-
vant, et je n'ai |)oint voulu par mie mauvaise
action j)er(h(! le fruit de toutes les bonnes
(pi(! j'ai faites jus(ju'ici. Alors le gouverneur
(fit: Et Quionie, que me direz-vous ? Je
vous (lirai aussi, répli(pia Quionie, que je
crois au Dimi vivant, et (pie je n'ai (ni garde
de faire ce (pi'ordonnait l'édit. Le g(»uverneur
(1) Beneftciarius, on xlationarim : celaient def
j)l;i((s (luOii (lonri.'iit à des oniciers pour réconipense,
cl (|iii ont assez de i':i|)|)(>rl à nos cuiiunaiidenes, ou
aiiik liiuars des Tiucs.
97
AGA
AGA
9S
faisani approcher Irène : Et vous, quo dites-
vous à cela? d'où vient que vous n'avez pas
V(inlu ol)éir aux ordres des cuipercurs? C'est
parce que je crains Dieu, rcfiarlil lièno. Le
{^■ouverneur faisant si^iie à Casie do répon-
dre, Casie dit : Pour moi, c'est que je veux
sauver mon ûme. Le gouverneur ajouta : Ne
voulez-vous pas bientôt paiticiper à nos sa-
criliccs? Non, assurément, re|)rit-elle. Le gou-
verneur dit : Pour Philippe, elle nous dira
quelque cliose de meilleur (lue les autres.
Philippe répondit : Je ne dirai que ce que les
autres ont dit. Le gouverneur lui dit : Et
quoi? que drez-vous? Que j'aime mieux
niourir, repartit promptement Philippe, que
de toucher le moins du monde à vos sacrifices.
Le gouverneur s'adressa entin îi Eutyquie, et
lui dit : Euty(iuie, vous serez plus raisonnable
quovoscompagncs. Eutyquie répondit: Je n'ai
pas d'autres sentiments qu'elles. Legouver-
neurluidit : Ave/-vousunmari? Mon mari est
mort, répondit Eutyquie. Ya-t-il longtemps,
continuale gouverneur? Depuisseptmois, ré-
pliqua Eutyquie. De qui êtes-vousdoncgrosse,
dit le gouverneur? Du mari que Dieu m'a-
vait donné, rejirit modestement Eutyquie et
en rougissant un peu. Croyez-moi, ajouta le
gouverneur, défaites- vous de toutes ces chi-
mères-là, et suivez, avec toutes les person-
nes de bon sens, une religion bien plus con-
forme à la raison et à la nature. Qu'en pen-
sez-vous, ne voulez-vous pas obéir à l'édit
impérial ? Non , Seigneur, re|)artit Eutyquie :
je suis chrétienne et servante du Dieu tout-
puissant, je ne veux obéir qu'à lui. Alors le
gouverneur dit. Qu'on mène Eutyquie en pri-
son, et qu'on en ait soin jusqu'à ce qu'elle
soit accouchée.
Le gouverneur revint ensuite à Agape. Eh
bien! Agape, lui dit il, quelle résolution
avez-vous prise ? N'est-ce pas votre intention
de faire ce que nous faisons tous tant que
nous sommes, qui sommes entièrement dé-
voués aux empereurs et aux Césars ? Agape
répondit : Pour moi, je ne suis pas d'avis de
me dévouer au démon. Quionie, dit le gou-
verneur, sera sans doute plus complaisante;
n'est-il pas vrai, ma fille ?Rien ne poui raja-
mais me faire changer de sentiments, repar-
tit Quionie. Le gouverneur : Dites-moi un
peu, n'y a-t-il point chez vous de ces mé-
chants livres que ces impies de chrétiens ap-
pellent les saintes Ecritures, qui sont écrites
sur du parchemin, dont les feuilles sont at-
tachées ensemble, ou roulées sur du bois.
Quionie répondit : Nous n'en avons point.
Seigneur, on nous les a ôtées toutes par l'or-
dre des empereurs. Le gouverneur, reve-
nant à la charge : Mais qui vous a mis, leur
dit-il, cette fantaisie dans la tête? Agape ré-
pondit : Le Dieu tout-puissant a bien voulu
nous éclairer de ses divines lumières. Je vous
demande, poursuivit le gouverneur, qui sont
ceux qui vous ont enseigné ces folies ? Quio-
nie prit la parole et dit : Ma compagne vous
a déjà répondu que c'était le Dieu tout-
puissant qui nous avait fait part de ses lu-
mières. Je n'ai pas autre chose à vous répon-
are. Dulcétius dit : Nulle puissance sur la ,
terre ni dans le ciel ne peut vous dispenser
de l'obéissance que vous devez à nos très-
jmissants et très-excellents princes, les em-
pereurs et les Césars. Ainsi, puisqu'après
tant d'avertissements, tant d'édils publiés,
tant de menaces, tant de délais accordés, vous
persévérez toujours avec une opiniAtrelé cri-
minelle dans le mépris formel de leurs or-
donnances, et que vous vous faites gloire au
contraire de ce nom odieux de chrétiennes; et
qu'enlin, après avoir été interpellées par les
stationnaires et les principaux ofliciers de
professer la religion de l'empire, vous n'avez
jamais voulu y consentir, je ne puis me dis
penser de vous condamner aux peines por
tées par lesdites ordonnances. Alors, pre
nant des tablettes, il y lut la sentence qui
suit : « Attendu qu'Agape et Quionie, par un
esprit d'orgueil et de désobéissance, font
gloire do mépriser les divines ordonnances
des invincil)les Augustes et Césars, nos très-
religieux seigneurs et maîtres, et que contre
leurs défenses expreses elles font profession
* de la secte des chrétiens, proscrite et con-
damnée par divers édits comme vaine, témé-
raire, impie, et comme étant en exécratioi à
tous les gens de bien ; Nous condamnons les
dites Agape et Quionie à la peine du feu. E^
à l'égard d'Agathon, de Casie, de Philippe, et
d'Irène, nous ordonnons qu'ils tiendront pri
son jusqu'à ce qu'il nous plaise de- travail-
ler à une nouvelle instruction de leur pro
ces. »
Après que la sentence rendue contre ces
deux saintes femmes eut été exécutée» Dul
cétius fit venir Irène en sa présence, et il lui
parla en ces termes : Irène, votre conduite
fait pitié, et il n'y a pas la moindre ombre
de bon sens et de prudence. Car enfin, aprè«
avoir nié d'avoir en dépôt ce grand nombre
de livres, d'écrits, de feuilles volantes, de
tablettes et de cahiers appartenant à ces
impies de chrétiens, les plus méchants hom-
mes qui soient sur la terre, et qu'on vient
de trouver chez vous, vous avez été obligée
de les reconnaître lorsqu'on vous les a repré-
sentés. Ainsi vous voilà convaincue de men-
songe, de mauvaise foi et de désobéissance
aux ordonnances des empereurs, et par con-
séquent vous avez encouru la peine portée
par ces mêmes ordonnances. Mais ce qu'il y
a de plus étonnant, c'est que ni le supplice
de vos sœurs, ni la crainte d'une fin sem-
blable à la leur, ne vous ont point encore
ouvert les yeux pour vous faire voir votre im-
prudence et le danger où elle vous jette. Je
veux bien toutefois vous faire grâce, Irène,
j'oublierai votre crime (et c'est le moins que
je puisse exiger de vous), pourvu toutefois
que vous vouliez reconnaître les dieux. Ré-
pondez maintenant : êtes-^vous prête à faire
ce que les empereurs et les Césars ont or-
donné ; êtes-vous disposée à manger des
viandes qui ont été immolées aux dieux, à
leur sacrifier ? Non, répondit Irène, je ne suis
disposée à rien de tout cela, et si vous ne
m'en croyez pas, j'en jure par ce Dieu tout-
puissant qui a créé le ciel et la terre, la mer
et tout ce qu'ils contiennent. Je ne m'exjjo-
?9 AGA
berai ])as, par complaisance pour vous, à
soiitl'rir, toute une éternité, le feu qui est pré-
paré i our ceux qui auront renoncé Jésus, le
Verbe de Dieu. Dulcétius lui dit : Avouez-
moi Ja vérité : Qui est la personne qui vous
a portée à garder jusqu'ici et avec tant de
soin et un si grand secret ces méchants li-
vics ? C'est Dieu lui-même, répondit Irène,
qui nous commande de l'aimer jusqu'au der-
nier soupir (le notre vie. Nous étions donc
résolues de nous laisser brûler toutes vives,
plutôt que délivrer ses Ecritures et de tra-
hir ainsi les intérêts de notre Dieu. Vous
aviez, dit !e gouverneur, quel(|ue autre com-
plice qu'il faut que vous me nommiez? Hors
Dieu seul, qui voit tout et qui sait tout, dit
Irène, aucun autre n'en avait connaissance :
nous n'avions garde de confier ce secret à
qui que ce fût, de crainte qu'on ne vînt à
nous déceler. Mais, dit le gouverneur, où
vous tîntes-vous cachées l'année dernière,
lorsqu'on commença à publier l'édit de nos
tiès-pieu\ empereurs ? Où il a plu à Dieu,
répondit Irène; dans les montagnes, Dieu le
sait, exposées h toutes les injures de l'air.
Où vous retiriez-vous, reprit le gouverneur?
Nous n'avions point d'autres retraites, repar-
tit Irène, que le creux des rochers, tantôt
d'un côté, tantôt d'un autre. Qui vous nour-
rissait, continua le gouvern;'ur? Dieu en
])renait le soin, répliqua Irène, lui qui nour-
rit les moindres animaux. Votre i)ère, pour-
suivit le gouverneur, savait-il tout cela? 11
n'eu savait rien, répondit Irène, vous m'en
p:)uvez croire. Vos voisins du moins ne l'i-
gnoraient pas, dit le gouverneur? Vous
]) .uvez les interroger, répondit Irène, et
Aous informer plus |)arliculièrement de tou-
tes les circonstances que vous désirez savoir.
Mais, ajouta le gouverneur, lor^jue vous
fûtes de retour à la ville, lisiez-vous quelque-
fois ces sortes de livres, et y avait-il quelque
autre que vous qui fût (irésent à cette lec-
ture? Comme nous tenions c 'S livres, re.irit
Irène, soigneusement renfermés chez nous,
et ([ue nous u'osiuns pas les trans[)orter ail-
leurs (Ij. c'était j)Our nous un sujet de dou-
leur bi.n sensible, de ne pouvoir plus va(juer
à cotte sainte lecture le jouret la nuit, comme
nous avions accoutumé de faire avant la pu-
blication de l'édit dont vous pa.lez. Vos
sœurs, dit alors le gouverneur, ont été pu-
nies comme elles le méritaient. Pour vous,
quoi.iut; vous ne so.vez pas moins criminelle
qu'elles, et (]ue vous aje'. encouru la j)eine
de mort pour avoir tenu caciiés dans votre
logis ces livres impies, je prétends vous
punir d'une autr(! manière: je vous laisse-
rai la vie, mais vous serez conduite toute
nue par de.<> soldats et j)ar Z(jzime, l'exécu-
teur de haute justice, dans un lieu de dé-
bauche où vous (lemeurer(!Z jus^pi'ii nouvel
ordre, vivant chaqiKîjoun.lu paui qu'on vous
portf.'ta du p.ilais. l-il u; veux (pi'il y ail tou-
jours là (pK'hpies soldais \u)\ii vous empê-
cher d'eu sortir. Puis, se toui-nant vers h;
(1) C'est-à-dire à rassemblée des lideleb, ou à la
Coikcle.
AGA iOG
bourreau et les soldats, il leur dit : Je vous
avertis que si je viciis à savoir que vous
ayez souffert que cette fille sort ■ seulement
une heure de l'enUroit où je l'envoie, vous
me le paierez de votre tête. Qu'on m'ap-
porte ces livres qu'on a trouvés dans sa
cassette.
Cependant les soldats conduisirent Irène
dans un lieu de prosti ution des plus fameux
de la ville. Mais le Dieu de pureté si! déclara
si hautement son protecteur, qu'il ne se
trouva là aucun, môme des plus emportés,
qui osAt approcher d'elle, ni dire en sa pré-
sence la moindre parole déshonnête. Cela
obligea le gouverneur à la citer une seconde
fois devant son tribunal. Lorsqu'elle y fut,
il lui dit : Persistez-vous toujours dans cette
audace téméraire qui vous révolle si inso-
lemment contre les puissances légitimes ? Ce
que vous nommez audace et révolte, répon-
dit Irène, je l'appelle piété et religion, et je
vous déclare que j'y persiste. Puisque cela
est, dit le gouverneur, et que je trouve en
vous ce même esprit de désobéissance, je
vais faire ma charge. Il demanda du papier,
et il écrivit cette sentence. « Irène ayant
refusé avec opiniâtreté d'obéir à l'édit des
empereurs, et d' sacrifier aux dieux, et
ayant fa.t sa déclaration qu'elle persiste tou-
jours à vouloir vivre et mourir chrétienne,
nous ordonnons qu'elle soit brûlée toute
vive, ainsi que ses deux sœurs. » La sentence
l'ut exécutée à l'heure même, et au même
lieu où ses deux sœurs avaient soulferl quel-
cju s jours auparavant, le jour des calendes
d'avril, sous le neuvième consulat deDioclé-
tien, et le huitième de Maximien Auguste.
ACAPE (sainte), martyre, versa s.ui sang
pour la foi a Nicomédie, durant la persécu-
tion que Dioclétieu lit souffrir aux disciples
du Christ. Elle eut pour compagnons de son
illustre martyre saint Idnès, un des oliiciers
du p;dais, les vierges Domne, Théophile et
leurs compagnons, que le Martyrologe romain
ne nomme pas. C'est le 28 décembre que
l'Eglise honore la mémoire de ces saints
mai'tyrs.
AGAPE (sainte), vierge et martyre , vécut
sur la terre en sainte et mourut en hérouie;
elle monta au ciel avec une double couronne :
celle qui failles anges d(; vertu, celle (jue
Dieu donne aux géiiénnix défenseurs de sa
loi. Ce fut à Terni ([u'elle l(irmina sa car-
rière. Son sang coula dans les lieux (ju'elle
avait |)arfumés de ses vertus et remplis des
bonnes ceuvres de sa charité. L'Eglise fait
sa fêl(î le 15 février.
AGAPliou CnAiirnc (sainte), (ille i\o, sainte
Sophie, S(i;ui' de sainte Pistis ou Foi, et do
saint- Elpis ou l*lspérauce, ciunllil la palme
du martyre à Home, durant la persécution
d'Adrien. Martyrisée avec ses ihnix su'urs,
elle pi'écéda au ciel sainte Sophie, sa mèr(> ,
(pu; l(!s pvn'sécuteurs w. lircnil mourir que
trois jours après. L'Eglise fait sa fêle et celle
d(! ses ^(eUrs, le 1" août.
A(iAPET (saint), diacre el martyr, fut mis
à mort en iiîiO, sous N'ah-rien, avec s.unlSixt',
en même temi)S (jue les saints diacro« Eéli-
iOI AGA
cissime, Janvier, Magne, Vincent, Iiticnno;
ils fui'cnl tous décapités. L'Ej^ilisi' Iiononî la
ni('Mnoire de tous ces saints le G août.^
A(iAPI<yr fsaint), est un de ces saints
UKuiyis (jui donnùrent à Dieu leur vie ;i la
ileur de leur ;1ge et qui, plus auiour(Mix des
choses du ciel que des illusions qui s'olTient
ti nos yeux si riantes et si spkuLiides quand
nous sommes encore au seuil (J(; re\islence,
allèrent trouver au sein du Très-Haut la
source des f licite^ , seules vraies , seules
grandes, seules dijçnes des auihilions du
cœur. Les païens arrêtèrent saint A-;;apet à
Prén 'ste, aujourd'hui Palcslrine, et lui tirent
soulfrir de cruelles tortures. On ne dit pas
commetit il consomma son sacrilice. Son
martyre eut lieu durant la persécution d'Au-
rélien. L^'s sacranientaires de saint riélas(;,
de saint Grégoire le Grand, les mai'tyi'ologes
de Bè le et de saint Jérôme, l'ont mention de
lui avec gr-and îjonneur. Rien ne méiile, en
ellel, l'admiration, rien n'est touchant, comme
de voir ces jeunes tètes que le vent du tré-
pas incline si vite, surtout quand c'est v;)-
lontairement qu'elles se courbent sous son
aile. Le sacritice a toujours quelque chose
d'autant plus attendrissant , que la victime
est plus l'aible, plus jeune, plus douci^, plus
résignée. Voir tomber upe tète que la mort
doit b entôt moissonner, ne touche jamais
autant que de voir to i:ber celle sur la-
quelle se posent en couronne toutes les pro-
messes de la vie, toutes les espérances, toutes
les illusions, qui dorent pou: nous tous les
horizons de 1 avenir. Eu 445 , révè(|ue de
Besançon, Chélidnine, apporta de Uome le
chef du saint mar yr et le mit dans l'église
de Saint-Etienne. C'est i'égliso de Saint-J(;an
qui le possè.ie aujouni'lmi , l'archevêque
Hugues l'y ayant transféré vers le milieu
du xr siècle. L'Egiise lait sa fête le 18 août.
AGAPET(saii;t), maityr, recueillit la palme
du martyre à Héraclée en Thrace. La date
de son martyre est inconnue, il eut deux
compagnons de souil'rances appelés Derus
et Bassus, et quarante autres dont on ignoi'e
les noms. L'Egiise célèbie Ja mémoire de
ces saillis le 20 novembre.
AOATHANGE (saintj, martyr, fut mis à
mort pour la religion chrétienne, au com-
mencement du IV siècle , sous le règne et
durant la persécution de Dioclétien, le môme
jour que saint Clément d'Ancyre et avec lui.
{Voy. Le Quien. Or. Christ., L I, p. 457.) Il
est fêté par l'Eglise le môme jour que lui,
le 23 janvier.
AGATUANGE (le bienheureux), martyr,
était supérieur des Capucins d'Egypte, que
le pape avait chargés de tâcher de rallumer
la foi en Abyssinie, où la persécution de
Basilides, hls de Mélec-Segued, lavait pres-
que éteinte depuis l'année 1632, époque à
laquelle ce prince avait succédé à son père.
Le P. Agathange s'empressa d'exécuter les
ordres qu'il avait reçus du pontife suprême.
Il alla trouver le patriarche hh-étique d'A-
lexandrie, et lui exiiosa l'état déplorable de
l'Arménie, le priant de prendre en pitié les
catholiques qu'on y persécutait avec une
AGA
102
violence inouïe. Il lui représenta que co
malheureux pays était livré à un abouna qui,
sous tous rapports, était indigue de ce litre
et le conjura d'en envoyer un autre qui ne
fût ni un méchant homme ni un aventurier
comme celui ((U(3 Basilides avait reçu. Lo
patriarche reçut fort bien les demandes du
P. Agathange, il écrivit au Négous de trai-
ter les calh(jliques avec moins de dureté,
puis il sacra abouna l'abbé Marc , ami du
P. Agathange. Ce dernier avait eu avec
l'abbé A'arc [ilusieurs conférences, à la suite
desquelles il croyait lui avoir inspiré le dé-
sir de revenir à l'unité. Le P. Agathange ,
jugeant les circonstances favorables jiour
pénétrer en Abyssinie, s'adjoignit le P. Cas-
sien de Nantes, un de ses religieux, et s'em-
barciua avec un bâcha que le Grand Seigneur
envoyait à Souakim. A penne les deux capu-
cins eurent-ils mis le pied en Abyssinie ,
qu'ils fuient pris, quoiqu'ils eussent eu la
])récaulioii de se dégu'ser en niarchaniis
arméniens. Us furent conduits devant Marc,
le nouv 1 abouna. Cet abominable Judas les
lecon lut et dit que c'étaient ties prêtres ca-
tholi(jues romains, ennemis de la foi d'A-
lexandrie, et qu'ils venaient en Abyssinie
pour y détiuire la religion reçue depuis tant
de siècles. Dans la bouche de cet homme ,
de semblables paroles avaient la valeur d'un
arrêt de moit. Il le savait bien quand il les
j)rononça, aussi les deux missionnaires fu-
rent immédiatement saisis par la populace
et lapidés. L'ahouna récompensa ainsi le
P. Agathange de la vive amitié qu'il lui avait
montrée et de la dignité qu'il lui avait pro-
curée, en le fusant choisir ])ar le patriarche.
La mort de nos deux saints arriva en 1038.
Le P. Agathange était né à Vendôme en
France.
AGATHE (sainte), vierge et martyre , souf-
frit à Calane pour la foi chrétienne sous
l^empire du cruel empereur Dèce, et sous
un juge nommé Quintien. Ses actes sont de
ceux que Bollandus, ordinairement si facile
dans ses jugements, déclare mauvais et peu
authentiques. Tillemont déclare , lui , qu'il
se contente des raisons de Bollandus. Tout
le respect que nous avons pour de si puis-
santes autorités ne peut nous empêcher, en
lisant ces actes, d'éprouver des sentiments ,
des émotions, qui nous constituent une opi-
nion personnelle dilférente de la leur. Pré-
tendre que les narrateurs n'aient pas un
peu embelli , c'est ce que nous ne ferons
pas. Mais sous cette broderie de la forme
et des détails , le fond nous apparaît ex-
trêmement grave et certain. Les faits ra-
contés sont complètement d'accord avec
ce génie de la persécution dont s'inspiraient
les ennemis des chrétiens , et avec les pas-
sions qui forment le triste apanage de no-
tre humanité. Quintien nous y est révélé
sous un jour vrai et saisissant de naturel.
Qu'on trouve ses procédés, à part son rôle
de persécuteur, ignobles et grossiers, en ce
qui concerne sa passion, nous en conve-
nons ; certes, trop souvent Vignoble et le
grossier viennent affliger notre regard ,
i05
AGÂ
AGA
loi
quand nous étudions la nature humaine. Est-
ce, par liasard, la délicatesse dans le vice que
nos contradicteurs voudraient trouver ici
I)our .'îdmettre le rôle de ce vice dans l'his-
toire qui nous occupe ? Mais Quintien n'é-
tait pas un homme qui voulût plaire, qui
prétendit exercer une séduction .à l'égard
de la sainte : non, c'était un homme cor-
rompu, qui ne voulait cpi'une victime à sa con-
voitise. Il voulait le corps sans s'inquiéter d'a-
voir le cœur. (Certes s'il eût eu d'autres inten-
tions, il eût agi autrement à l'égard de la sain-
te : il l'eûl prise chez lui ou placée dans un
lieu où les prévenances, les attentions et les
éj;ards de toutes sortes l'auraient entourée,
au lieu de la mettre dans une maison f)uhli-
que, chez des femmes de mauvaise vie. Ceux
qui étudient le monde réel, tel que mal-
heureusement il est toujours, savent qu'il
est rempli de ces hommes de chair et de
sang, qui ne voient dans une passion que
le côté brutal à satisfaire. Ces hommes ,
qu'il nous soit permis de le dire en j)as-
sant, sont pour l'innocence et la vertu
les moins dangereux de tous. Jamais, pour
notre compte, nous ne ferons comme cer-
tains actes (jui attribuent à des saintes un
grand mérite pour avoir résisté dans de
telles circonstances. Les épreuves auxquel-
les on les soumettait en pareil cas-, ne sont
point dignes de se nommer des tentations:
c'étaient simplement des supplices outra-
geants qu'elles avaient à subir. Qn'une
lemme ait un mérite réel à garder sa vertu ,
quand elle est exposée aux tentations dont
lentoure une passion (toujours coupable,
nous le savons) qui veut arriver à son but
f»ar la délicatesse des manières, par les sol-
icitations du cœur, nous l'admettons; mais
nous ne croyons pas qu'il faille grand ehort
de vertu à une femme bien élevée, douée
de sentiments nobles et grands pour résister
à un corrupteur grossier et brutal qui, pour
f)remier moyen de séduction, commence par
a mettre en mauvais lieu, et par la faiie
solliciter en sa faveur par des femmes qui
font métier de leurs charmes. Qu'elle éprou-
ve de l'indignation, du dégoût, que sa pu-
deur ait à souffrir matériellement, cela se
coiiçoit. Mais, par respect pour elle, nous
n'admettons pas que son cœur puisse être
t'flleuré seulement. C'est une tleur qu'on
aura beau jeter dans la fange , on ne par-
viendra jamais à faire (ju'elle participe de sa
nature. Aussi nous devons, puisque nous
.sommes on train de digression, nous de-
vons rappeler ici cette histoire d'un saint
que les persé(;uteurs tirent olacer dans un
jardin rempli de lleiirs et plein des séduc-
tions qui entrent dans l'Ame par hissens,
attaché sur un lit mocdleux, et (pj'ils liient
tenter par uix; lille de mauvaise vie. L'his-
toire raconte (jue, pour éteindre en lui les
révoltes de la chair et déconcerter la tenla-
tric'i , le saint se broya la langue av(îc les
dénis, et la lui cracha au visage. Ah! sans
d(;ule, l'argile (11; I.Kpielle Dieu .'vc sert jjour
]>étrir riiumanilé, n'est pas la même pour
chacun de nous ; mais cnJin on ric nou» jxîr-
suadera guère qu'un saint qui avec tout le
courage de sa foi a su[)porté les tourments,
puisse se laisser tenter par une courtisane,
qui vient d'olTic pourle séduire. La tentation
en général, naît dans le cœur pour ce qu'il
convoite, le regardant comme digne de ses
désirs. Il n'en est autrement que chez les
individus que le vice a déjà dégradés. L'art
a déjà été de notre avis. Anciennement, les
peintres représentant la tentation de saint
Antoine plaçaient autour de lui des tenta-
trices à figures hideuses, avec des coi nés
sur la tète. C'était le diable habillé en fem-
me, avec tous ses attributs j)lus ou moins
apparents. Si c'est la forme que prit le dé-
mon pour tenter le saint anaidiorète, d faut
convenir qu'il fut bien mal inspiré ou qu'il
se fit d'étranges idées sur les séductions
que pouvait faire son propre visage. Le
saint dut rire et se moquer d'un diable aus-
si peu avisé; mais être tenté, non, cent
mille fois non I Certes, les hallucinations
que le diable envoya au saint, ou, si l'on veut,
la forme qu'il prit, n'eurent rien de ce que
nous venons de dire. Le peintre qui, cette
année, a j)eint pour le salon (18W^ une ten-
tation de saint Antoine, a été, bien mieux
que ses prédécesseurs, dans la vérité. Il a
entouré le saint de femmes charmantes ,
créatures délicieuses qui rappellent les plus
beaux types de l'humanité. Toutes sont
charmantes de forme, attrayantes de pudeur
et de grAces naïves. Si le diable les poussait,
il avait du moins l'habileté de ne pas se mon-
trer. Résumons-nous : pour qu'il y ait tenta-
tion, il faut qu'il y ait un objet digne de
tenter. Encore une fois, nous ne pouvons
partager l'admiration de ceux qui trouvent
les saints éminemment vertueux, pour avoir
résisté à des séductions de filles publiques
et de fennnes qui vendent les charmes d'au-
trui. Voilà une digression qui aura peut-être
un succès de scandale. Si nos lecteurs veulent
faire de toutes les légendes et de toutes les
interprétations qui touchent les saints, une
sorte d'arche sainte que jamais la critique
et la raison ne puissent loucher, nous se-
rons jugé sévèrement. Mais si, en hommes sa-
ges, ils veulent se donner la peine de chercher
la vérité en interrogeant le cœur iiumain, tel
qu'il est, nous serons absous. Nous disons
la vérité. Loin de nous d'avoir voulu faire
autre chose. Le plus grand respect possible
pour la vérité, c'est de la dire.
Nous sommes bien loin de sainte Agathe,
revenons-y. Ses actes sont des plus beaux (pie
nous trouvions dans les Vies des saints. Nous
allons les donner en les émondanl des.sur-
ciiarges (jne les oi'nementistes y ont nnses.
Les villes de Palerme et de Catane se dis-
putent la gloii(ï d'avoir donné naissance à
.sainte Agathe. IJollandus a cité en plus do
«piatre-vnigls articles les prétentions de l'une
et de l'autre, |)our conclun^ (\n'\\ ne sait (juo
décider. 11 valait mi(!ux (onclun; sans les
(juaire-vingls articles, l'our couper le meud
gor(ii(.'n d<; cette dit'licullé , disons aux habi-
tants d(! ces d(;ux villes (|ue les saints sont
concitoyens do tous t'^ux qui suivent sur la
105
AGA
AGA
iOO
terre la voie qu'us ont tracée, et qu'ils ne
se souvioniieiit plus au ciel, quand ils regar-
dent ceux (ju'ils protègent et (jui les im{)I()-
rent, des délimitations qui font ici-bas les
îsitoyens et les peu|)les. Dans la vérité, dans
la sainteté, dans les vertus, tous les honinies
sont IVôres et concitoyens. Les limites sont
b.Uies h cause de nos imperfections, jamais
à cause de nos vertus. Ce cpi'il y a de posi-
tivement certain, c'est que ce fut dans la ville
de Catane que saint(; Agathe soutfrit le m^ir-
iycQ. Elh; était d'une famille riche et noble.
Elle avait une excessive beauté, cette ri-
chesse des feuiUies que; notre époque met
au-dessus des auti'es. Dès sa jeunesse elle
résolut de se consacrer à Dieu. Sans doute,
belle, jeune et riche, elle eut à soutenir
contre les séductions du monde et contre
celles de son cœup bien dcss combats. Mais
Dieu étendit sur son innocence l'ombre de
sa [)rotection. 11 est des ileurs de sainteté
que Dieu protège, ce sont les lis des vallées
qu'il abrite contre les feux du soleil et qui
gardent leur blancheur veloutée jusqu'au
soir. Leur naissance a lieu loin des regards
du monde, leur existence est un mystère;
ils vivent dans une atmosphère parfumée,
et quand ils meurent, c'est un vent du soir
qui emporte leurs pétales vers les sommets
voisins. Sainte Agathe eût vécu et tini
comme l'un d'eux, si la persécution ne fût
pas venue violer son refuge.
L'infâme Dèce venait de monter sur le
trône en assassinant celui qui l'occupait; il
avait soulevée une violente persécution con-
tre les chrétiens. Quinlien, consulaire, gou-
vernait la Sicile. 11 connaissait Agathe, et
une passion désordonnée pour elle s'était
emparée de lui. Saint Méthode dit que la
sainte fut obligée de se retirer de Catane
à Païenne, pour éviter les pièges (nous gar-
dons l'expression textuelle) que ce gouver-
neur dressait à sa chasteté. Sans doute Quin-
lien, ce passage le prouve, lit ce qu'il put pour
séduire Agathe, avant d'en venir aux moyens
violents qu'il employa plus tard. Ses obses-
sions, ses insistances, tout fut inutile. Agathe
croyant qu'il l'oublierait peut-être changea
de résidence. Comme nous venons de le dire,
elle se réfugia à Palerme. Mais hélas ! ses
prévisions furent trompées : l'innocence s'a-
buse si facilement ! Quintien, voyant sa pas-
sion repoussée, trouva dans son amour-pro-
pre blessé les éléments d'une haine furieuse.
N'ayant pu réussir dans ses premiers des-
seins, il crut que les édits que Dèce venait
de lancer contre les chrétiens lui seraient
un excellent moyen de s'emparer de sa vic-
time, et de la réduire à ses volontés. 11 la lit
donc arrêter comme chrétienne. Quand on
vint pour la prendre, elle obtint de rentrer
un instant dans sa chambre, et fit à Dieu
cette prière que nous trouvons dans ses ac-
tes : « Jésus-Christ, seigneur et maître de
toutes choses, vous voyez mon cœur; vous
savez quel est mon désir ; soyez seul le pos-
sesseur de tout ce que je suis, et conservez-
moi contre le tyran. » Durant la route, elle
pria constamment pour que Dieu lui fît la
DiCTioNN. DES Persécutions, l.
grAce de j)ei'sévér(3r, ei surtout d'avoir lu
forc(^ de supporter les condjats auxfjuels elle
allait être exposée. Arrivé(! à Catane, elle
fut [)lacé(! |)ar Quintien chez une femme
nommée A])hrodite ou Aphrodisic, (jui, avec
neuf lilles (|u'(dle avait chez elle, faisait |)ro-
fession d'impudicité. La sainte fut dans cet
intïïme repaire ex|)Osé(! à toutes les sollici-
tations possibles, et sa chasteté y souffiit de
mille manières. Nous avons dit, dans le com-
mencement de cet article, pourquoi nous ne
voulions pas dire ([u'elle y eut à supj)orter
des tentations. Il est des situations qui ne les
comportent pas. Pour l'honneur de la sainte,
nous croyons que celle-ci est du nombre.
Son indignation lui fut un refuge, et elle sut
placer son âme assez haut pour que toutes
ces infamies n'arrivassent |)as jusqu'à elle.
Ses jours et ses nuits se passaient en priè-
res ; le martyre était l'objet de ses désirs les
plus ardents.
Quintien, voyant qu'Aphrodisie avait inu-
tilement employé tous les moyens qu'elle
était capable de mettre en œuvre, fit amener
la sainte dans son prétoire. Agathe y ht une
solennelle profession de la foi, et fut amenée
par le juge à dire cette belle parole, que la
plus illustre noblesse consiste à être l'hum-
ble serviteur de Dieu. Quintien la pressant
d'adorer les faux dieux, la sainte lui demanda
s'il trouverait bon que sa femme ressemblât
à Véims , et s'il voudrait ressembler lui-
même à Jupiter. Arrivé au paroxysme de la
fureur, cet ignoble juge la fit soulïleter par
les bourreaux. Il y a. Dieu le veut ainsi, des
outrages qui rejaillissent vers celui qui les
envoie. L'homme fort et l'autorité se brisent
ou se dégradent quand ils s'attaquent â la
puissance de la faiblesse. L'homme qui
frappe une femme, un prêtre, un ennemi
vaincu, se déshonore. 11 y a des êtres qui,
dans certaines situations, sont revêtus du
caractère sacré de la faiblesse, qui leur fait
une telle armure qu'on peut diie à la fois
honte et malheur à qui les touche. Quintienla
fit après reconduire en prison. Quand la vierge
insultée entra dans cette prison, la pierre du
seuil s'amollit sous ses pieds, comme si elle
se fût abaissée sous cette femme ainsi gran-
die par l'outrage. Aujourd'hui encore on
voit cette empreinte à la porte de cette
même prison convertie en chapelle. Ce fait,
absent des actes, se trouve dans saint Mé-
thode.
Le lendemain, Quintien la fit ramener de-
vant lui, et lui demanda si elle avait songé
au moyen de sauver sa vie. La sainte répon-
dit : « Jésus-Christ est ma vie et mon salut.»
Alors il la fit étendre sur le chevalet, et or-
donna qu'on lui donnât la question avec les
formes ordinaires. Agathe soutfrit les tour-
ments, non-seulement avec courage, mais
encore avec joie. De plus en plus irrité,
Quintien ordonna qu'on la tourmentât long-
temps aux seins, et ensuite les lui fil cou-
per. Dans ce lait atroce, il y a pour nous,
physiologiste, plus que de la cruauté, il y s
la féroce jouissance de la passion qui' se
venge en s'assouvissant à sa manière. Pour
k
î07
ÂGA
i;oiu;evuir cela, il faut coiiiiaître le cœur hu-
main dans ses rejiiis les plus piof luls. Quin-
tien lit recouiiuii'e Agathe dans sa j)riso'i, eti
défenùaiit qu'o:i pansai ses plaies. Dieu gué-
rir miraculeusement Agathe dans la nuit
même. On dit que toute la nuit le cachot fut
remj.li d'une vive lumière, et que les pri-
sonniers qui étaient enchaînés tandis qu'A-
gathe ne Tétait pas, lui conseillaient de s'en-
fuir. Mais elle leur dit : Croyez-vous donc
que je veuille perdre le prix de mes com-
bats et renoncer à ma couronne? Croyez-
vous que je veuille ôire cause que mon
évasion fasse mourir ou emprisonner mes
gardiens? Elle refusa.
Au bout de quatre jours, Quintien la fit
amener devant lui, et la tit rouler toute nue
sur des morceaux de pots cassés, mêlés de
charbons ardents. Les actes disent que la
sainte ne sentit aucune douleur; ils ajoutent
que, pendant son supplice, un tremblement
de terre eut lieu, et qu'un pan de nmraiile
en tombant écrasa l'assesseur de Quintien
et un de ses amis; le premier nommé Sil-
vam, et le second Falcone.
Revenue en prison , la sainte leva les
mains au ciel, et après avoir rendu grâces à
Dieu de l'avoir fortiiiéc contre les tourments,
de lui avoir ôté l'amour des choses d'ici-
bas, et de la vie terrestre, elle le pria ins-
tamment de la retirer du inonde. Dieu
l'exauça, et comme sa prière tinissait, son
âme s'envola vers lui.
Ainsi la llamme qui dévore un parfum se
balance oscillante sur son dernier vestige.
Elle semble donner un baiser au foyer qui
l'alimentait, puis elle monte au ciel invisi-
ble connue un souj)ir ou comme un ange
qui passe. Après la mort de la sainte, la jus-
tice de Dieu se ht. Quintien sempara des
biens d'Agathe, et s'étant mis en chemin
pour les aller visiter, il entra dans un ba-
teau pour passer la rivière nommée Jai'utte.
L'un de ses chevaux le mordit à la gorge, et
un auir-' le jeta d'un coup de pied h la ri-
vière. Son co.'-|)s alla s.' perdre dans la mer.
Après la jii4icc, la miséricorde. Un an
plustanJ, l'hlna grondait ùo. ce bruit précur-
seur des catadys nés; les habitants eif.ayés
fuyaient. Déjà le cratère vomit sa lave, les
chan.ps et les hibitaiions vont ôtrc englou-
tis. Un voile, pris sur la tombe de la sainte,
est ajiporté [)ar les (ideh.'S, pour servir de
barrière au toirent de feu. Soudain il s'ar-
rête, les feux souterrains s'apaisent, et le
fleuve ue fei rentre dans son lit. Bien des
lois, dil-on, depuis cette époque, un tel mi-
racle s'est renouvelé.
Sainte Agathe mourut le 5 féviier, jour
auquel ri';glis ; Ci'Iebre sa fêle. S(^s r. Inp.es,
jKirle. saCoiistantino|»le en lOîO, fuient rap-
portées à Calane en 1127.
AdATllUIS, était pro.;onsnl h Soia, sous
le régn ■ de l'i inp(;ienr Aurélicii; il Ih souf-
frir le martyre a sainte Uestilnte, qui fui dé-
capitée, par smi ordre, en riionn».M,r de la
religion chrétienne.
A<.iATHO(^LlE (sainte), martyre, élait ser-
vante d'une femme païenne. Elle était
espagnole et soi tait d'une famille [lauvre.
Etant entrée au service d'une dame riche ,
attachée comme elle au culle des idoles, elle
s'y montra légère, inconsidéi'ée, tant qu'elle
servit les faux dieux. Plus tard, ayant été
convertie à la foi par une autre servante,
elle changea entièrement de conduite. Sa
maîtresse, voulant la faire renoncer à sa foi,
la til fouetter d'aijord chez elle, mais inuli-
lement. Voyant que ses efforts étaient vains,
elle la tit conduire devant le juge, qui la lit
cruellement déchirer. On lui coupa la langue,
et elle fut enhn jetée dans un brasier. On
ignore la date et le lieu de son martyre.
L'Eglise honore sa mémoire le 17 sep-
tembre.
AGATHODORE (saint) , martyr , mourut
sous l'eminre de Dèce, en 251, sous le pro-
consul Valère, dans la ville de Sardes. Ce
saint était au service de saint Carp ■, évoque
de Thyatires, lequel avait été arrêté avec son
diacre Papyle, et conduit devant le procon-
sul, qui les avait fait conduire h Sirdes.
Ag'ithodore n'avait [)as voulu les quitter, et
cette fidélité, a beau dévouement, lui méri-
tèrent le bonheur d'être persécuîé comme
enx et mis à mort pour la foi. Valère le lit
cruellement déchirer à coups de nerf de
bœuf. Le saint mourut dans ce supplice. Le
féroce proconsul ordonna que son corps fût
jeté aux chiens, mais des fidèles l'enlevèrent
la nuit et, l'ayant enseveli, le déposèrent
dans une caveine. La fête de ce saint maityr
arrive, avec celle de ses compagnons, le 13
avril.
AGATHODORE (saint), martyr, eut la
gloire de répandre son sang pour la foi. Il
était évêque dons la Chersonèse. Il eut
poUi- compagnons de j-es tortures les saints
évoques Basile, Eugène, Elpide, Eîhère, Ca-
piton, E[)lirem, Nestor et Arcade. On ignore
la date à kupieile eut lieu ce mai'tyre. L'E-
glise célèbre la mémoire de ces saints évo-
ques le 4 mai s.
AGATHON (saint), élail homme de guerre,
et servait à Alexandrie, dans les armées im-
périales, du tem()S de l'empereur Dèce. Ayi.nit
eu occasion de témoigner son indign; tion
contre des païens (|ui tra.tai nt avec irré-
vérence les corps de plusieurs sainis mar-
tyi'S (jui vena.ciit de tomber vituiincs de la
persécution, il ne recula pas devant l'immi-
nence du danger que cet acte courageuv ap-
pelait sur sa tête. Il empêcha ces piof.iua-
teurs de continuer. Cela excita contre lui
une de ces émeutes populair» s, si ^ (/unnu-
m s dans c(;s t mps malheureu"v. Il fut mal-
trruté, arrêté et coniiuit devait leju^e. Y
ayant persisté à (oniesstM' Jésus-Ch: ist, il
eut la tête iraïuliée, cl consomma a. nsi son
sacrilice, en recevant le |)riv mérité de son
com-age. L'Eglise honore sa mémoiro le 7
décmiibre.
A(iATHON (saint), nommé comme martyr
dans un grand nombre d'actes et de maily-
rologes, coidessa généreusement la foi h
Thessalouique, ou l'an do l'ôro chrélienu«
too
ÀCA
AGW
liO
30i-. Ses actes lui sont coiuimuis avec suinte
AK,apeet ses compagnes. (ry.//f=-ies.) L'E^^lise
ho:ioi-e la inéinuire de tous ces saints le 3
avril.
A(iATIION (saint), est i'iscrit au Martyro-
loge romain le quatorzième jour du mois
de février. 11 eut pour compagnons de son
martyre, sur lequel nous n'avons point de
détails, les saints Cyrion, Hassien et Moïse.
Ils lurent jetés dans un brasier ardent, où ils
reculent la couronne du martyre. L'Eglise
honore leur glorieuse ménioirele 1^* février.
ACiATHON (saint), mourut, en Sicile, vic-
time courageuse pour la dél'tuise de la foi
chrétienne, on ignore en quelle année. Il eut,
pour compagne de son martyre, sainte Tri-
Ehine, que l'Eglise honore avec lui le
juillet.
AGATHONIQUE (saint), martyr, tomba
glorieuseuient victime de la persécution do
Maximie'i, à Nicomédie, condamné à la
peui'^ ca[)itale, avec saint Zotique, compa-
gnon de ses soutf. ances et de son triomphe,
par le président Eulholome. L'Eglise honore
sa mémoire le 2*2 août.
AGATHONIQUE (sainte), martyre à Per-
gamc, sous remi)ire de Dèce, en 251, avait
suivi son frère saint Carpe, évê;jue de
Thyatu-es, d'abord à Sardes, où le proconsul
Valère l'avait fait co Kiuire, et ensuite h Pb -
garae. Quand elle vit so!i frèie dans le bû-
cher oiî l'avait fait jeter le procousul, elle
s'y préci[)ita avec lui et y fut consumée.
L'Eglise fait sa fête en môme temps que celle
de son fière, le 13 avril. A propos de C!> fait
comme, à l'égard de sainte Apollonie, il faut
nécessairement admellrerintorvention d'une
inspiration divine, portant sainte Agathoni-
que à agir comme elle Ta fait, autrement
nous ne saurions comment excuser une ac-
tion qui serait un suic.de et rien (Je plus.
Dieu ne permet pas, d'après les règles com-
munes, qu'un individu, quel qu'il so^t, dis-
f)oso ainsi de .'on existence. Sr.ns cela, au
ieu de mettre Agathonique au nombre ucs
saintes et des mn-tyr s, l'Eglise eût blâmé
sévèrement sa conduite. {Voy. Cakpe de
Thyatires.)
AGATHOPODE (saini), martyr, était diacre
à Thessaloni(|ue. 11 y cue.llit la palme du
martyre avec Théodule, qui était lecteur. Ce
fut sous rem[)e(eur iVLixunien et le piés;dent
Faustm ([u'on les jeta dans la mer avec une
pierre au cou. La date de leur martyie est
ignorée. C'est le 4 avril que I Eglise célèbre
leur fête.
AGATHUS, l'un des trente-sept martyrs
égypt ens qui donnèrent leur sang pour la
foi en Egypte et desquels Ruinait a laissé
les actes authenti(jues. Voy. Martyrs (les
trenle-sept) égyptiens.
AGATOfE (s,iint), martyr, eut la gloire de
mourir pour Jésus-Christ, en Crète, dans la
ville de Gortyne, sous le règne de Dèce,
durant la persécution si terrible que ce
prince féroce alluma contre l'Eglise. Il fut
décapité après avoir soutfert d'horribles tour-
ments. Sa fête arrive le 23 décembre. Saint
Agatope est l'un des dix martyrs do Crète.
{Voy. Martyks de Crète. )
ÀGAUNE {Ayminuinj, aujourd'hui Saint-
Maurice, ville de Suisse, céleb e par le mar-
tyre que saint Maurice; y subit en 280, avec
l<nite sa légion, par ordre de Maximien, col-
lègue de Dioclétien.
x\GEN , vill(! de France (chef-lieu du dé-
partement de Lot-et-Garonn(;), anciennement
Ayinuin, capitale des Niliobriges, fut témoin
du martyre de sainte Foi et de ses < om[)a-
gnons, sous le règne de Dioclétien et de
Maximien, et sous le gouverneur Dacien.
Sainte Foi a[)[)artenait à une des premières
familles de la ville. Agen possède oncoie les
reiiqucsde cesglttrieux martyrs, compagnons
de sainte Foi. Celles de sainte Foi ont été
transléiées à [)lusieui'S reprises en d'autres
lieux. Voyez Foi (saintej. Quelque temps
après, saint Caprais, qui s'était caché dans
une caverne pour éviter la persécution, ayant
appris de quelle manière sainte Foi avait
combattu pour Jésus-Christ, se rendit au lieu
où on persécutait, c'est-h-dii'e à Agen, et y
reçut la glorieuse couronne qu'il ambition-
nait. Voy. Capiiais (saint).
AGGÉE (saint), fut immolé pour la foi
chrétienne à Bologne, du temps de l'empe-
reur romain Maxiniien, avec les saints Her-
mès et Caïus. L'Eglise vénèi'c la mémoire
de ces saints martyrs le 4- janvier.
AGilIAS (saint), martyr, l'un des quarante
martyrs de Sébaste sous Licinius. [Voy. Mar-
tyrs de Sébaste.)
AGILÉE (saint), martyr, eut la gloire de
verser son sang pour la confession de la foi.
Les martyrologes nu donnent aucun détail
sur son martyre ; on sait seulement qu'il eut
lieu à Cartilage. Ce saint martyr n'est connu
que par un sermon que saint Augustin fit
sur lui au peuple. L'Eglise honore la mé-
moire de ce saint martyr le 15 octobre.
AGLIBEIIT (saint), martyr, originaire, com-
me saint Agoard, des bords du Rhin, vint
habiter C:éteil avec lui. il dut également
la connaissance de l'Evangile aux prédica-
tions de saint Allin et de saint Coald. Dans
un excès de zèle, ayant un jour renversé un
temple d'idoles, il futiué, ainsi qu'une troupe
de chrétiens qui l'accompagnaient, parocdro
du gouverneur qui était païen; d'autres pré-
tendent qu'il fut martyrisé par les Vandales.
On place générahmient son mart, re vers l'an
400 de Jésus-Christ. Ses reliques , comme
celles desaint Agoard, sontgardées dansucux
châsses précieuses, placées (ians une église
qui a été bâtie sur leur tombeau. 11 est ins-
crit sous la date du 2'( juin au Martyrologe
romain, quoiqu'àCréteil et dans tom le d;o-
cè e de Paris, sa l'ète ne soit célébrée que
le 25.
AGNAN (saint), martyr, était diacre à l'E-
glise d'Antioche. 11 soutlrit le mai'tyre avec
saint Démètre, évèque de cette ville, saint
Eustose et vingt auties saints martyrs. On
ignore l'époque. L'Eglise fait leur fè^e le 10
novembre.
AGNÈS (sainte), vierge et martyre, tomla
victime de la persécution de Dioclétien, w
ni
AGiN
AGN
US
l'ati de Jésus-Christ 304. Elle n'avait alors
(jue douze ou treize ans. Native de Rome,
elle appartenait à une famille illustre et des
plus liaut placées. Ce qui le prouve, c'est cette
circonstance relatée dans ses actes, que le
fils du préfet de Rome voulait l'épouser. Elle
ne voulut jamais y consentir, parce qu'elle
avait voué sa virginité au Seigneur. Ce fut
la cause de son martyre, soitquecela attirât
sur elle l'attention, soit que le fils du préfet
l'eût dénoncée, comme cela arrivait souvent
en pareille circonstance. Elle souffrit coura-
geusement les chaînes de fer dont on la
chargea. Elle méprisa également et les cares-
ses et les menaces qu'on lui fit pour l'obliger
de renoncer à la foi. Elle fit voir qu'elle était
prête d'endurer i)lulùt toutes sortes de sup-
jtlices et le feu môme dont le juge la mena-
çait. On la traîna par force aux autels des dé-
mons, mais étendant ses mains vers Jésus-
Christ, elle éleva le trophée de la croix parmi
ces brasiers sacrilèges. Alors le juge croyant
qu'elle serait plus sensible à la jierte de sa
chasteté qu'à tous les supplices, lui dit que
si. elle n'adorait Minerve et ne lui deman-
dait pardon, il l'exposerait à l'impudicité de
la jeunesse. Mais elle ne s'épouvanta pas de
«■ette menace , mettant toute sa confiance en
Jésus-Christ, qui était le protecteur de sa
chasteté, et elle ne manqua pas d'éprouver
.son assistance. Ses actes disent qu'ayiin't été
exposée toute nue, elle fut couverte m ii-acu-
leusement de ses cheveux. Damase semble
marquer la même chose, mais Prudence ni
saint Ambroise n'en disent rien. Tout le
monde, dit Prudence, détournait la vue du
lieu public où on l'avait exposée, hormis un
jeune homme qui la regardait d'une manière
moins chaste. Mais un éclat de feu vint com-
me un coup de foudre frapper les yeux de
cet impudent et le renversa par terre aveu-
gle et à demi-mort. Ses compagnons l'em-
portèrent en pleurant, pendant que la sainte
chantait des hjmnesà Jésus-Christ. li y en
a qui disent qu'elle pria Dieu pour ce mal-
heureux et lui rendit la santé avec la vue.
Ainsi elle conserva sa chasteté au milieu des
plus grands dangers. Ses actes n'oublient pas
cet événement, mais le racontent d'une ma-
nière bien différente.
-\ cette première couronne sainte Agnès
en ajouta bientôt une autre ; car le persécu-
teur se voyant vaincu la condamna h la mort.
Elle fut ravie de joie quand elle vil l'exécu-
teur. Elle alla au lieu de l'exécution avec
plus de plaisir et d(! promptitude (pi'une au-
tre n'irait au lit nuptial. Elle courut à la
mort, allant non à la mort, mais à l'immor-
talité. Ell(; parut seule lesyeuxsecs pendant
que tout l(! monde la pleurait. I-Ille dfuncura
sans craint(!, fpioiqufî r(;xécut(!ur trc^nblàt et
pâlit de fray(;ur. Elle fil sa |)rièr(! cl baissa
lecou, tant pour- adftrei' Jésus-Christ (pie pour
recevoir jtlus aisément uneplaie si favoiable,
et (;rilin cllr; s'envola au ciel sans ressentii-
jiucune douleiM' , rcivéculeui' lui ayant Iran-
ché la tête (l'un seul coup.
Son martyre arriv.i \t',-2\ dejanvier, comme
on peut le conjerturer de sa fêle, qui se fai-
sait ce jour-là dès le iv siècle, selon l'ancien
calendrier de Bucherius. Saint Augustin
témoigne aussi que le jour de son martyre
était celui delà fête de saint Fructueux, qui
a soulfert le 21 de janvier, selon ses actes.
La fête de sainte Agnès est aussi marquée
ce jour-là dans le Calendrier de l'Eglise d'A-
frique, dansles martyrologes de saint Jérôme,
dans Bède et les autres postérieurs. Elle l'est
encore dans le Sacramentaire de saint Gré-
goire, dans le Calendrier du P. Fronlo, dans
le Missel romain de Thomasius. Elle a aussi
son olnce propre dans le Missel des Gaules,
donné par le même auteur, et il n'y a point
d'Eglise parmi les Latins qui n'en i'asse au-
jourd'hui l'ofiice. Il semble qu'on en ait fait
autrefois quelque mémoire le 18 octobre ,
peut-être i)our la dédicace de quelque église
de son nom. Les Grecs en font aussi le 21
janvier, et encore le ik du même mois et le
5 juillet.
AGNÈS .(la bienheureuse) , martyre au Ja-
pon avec Jeanne, sa belle-mère, Madeleine,
veuve de Minami, et Louis, fils adoptif de
cette dernière et de son mari, épouse de Ta-
cuenda, mourut ])Our Jésus-Christ en l'année
1602. On peut voir aux titres de Minami et de
Tacuenda comment ces saintes femmes les
encouragèrent au martyre, comment la mère
et l'épouse de Tacuenda furent les courageux
témoins de sa mort. L'arrêi, qui avait j)ro-
noncé la peine capitale contre ces deux saints,
(Condamnait les saintes que nous venons de
nommer à être crucifiées. Après la mort de
Tacuenda, Jeanne et Agnès venaient de pas-
ser dans un cabinet atten nt à la chambre où
l'exécution avait eu lieu. Elles avaient avec
elles la tête du saint martyr, elles l'embras-
saient et la conviaient d larnu^s. Tout à
coup un bonheur inattendu leur fut donné.
Madeleine, femme de Minami, entra avec le
petit Louis, enfant âgé do 7 ou 8 ans, qu'elle
et son mari avaient adopté. Elle leur dit
qu'elle venait partager avec elles le bonheur
de mourir pour la foi et leur annonça que le
lendemain elles allaienl être crucifiées. On
peut voir au titre Jeanne ïo détail de leur
martyre. Agnès fut martyrisée la dernière.
Sajeunesse, l'éclatante beauté qui resplen-
dissait en elle, son extrême douceur, atten-
drissaient tous les assistants. Elle demeurait
agenouillée au j)ied de la croix qui lui était
destinée. Personne n'osait venir l'y attacher.
Voyant cela, elle s'y plaça elle-même de son
mieux et pria les soldats de l'aider. Mais la
modestie, mais la grAce (pi'elle fit voir dms
cette circonstance, achevèrent de lui gagner
tous les cœurs : les soldats refusèrent de la
supplicier. Ce furent ([uelquc^s misérables do
la lie du peuple , (pii,dans l'esjjoir du gain,
remplirent cel office. Inhabiles à se sei'vir
de la lance, ils lui en portèrent un très-grand
nombre de coups avant de la tuer.
AGNÈS, belfij-lilledu prince Jean, troisième
iWsdi) Sounou, ri'gulo chinois, sonlli'it l"e\il
poiu' la foi en 1724-, avec toul(!sa famille, sous
l'i iiipereiu' Y(,'ng- Tcliini^. On les envoya
à Veou-Oué, pelil(! bouigach^ dtï la 'l'arlarie,
nu del(i de la grande muraille, à plus de 80
113
AGR
AGR
lli
lieues de Pékin. (Voir, pour tous les détails
de cet'exil, les articles Sounou et Chine.)
AGNÈS (la princesse), belle-fille du prince
François Xavier, tils aîné de Sounou-Peylé
(réyulo de 3" ordre h la cour de Pékin), [)ar-
tagca l'exil auquel l'empereur Youg-Tching
condamna toute sa famille, i)our la loi, eu
172i. On sait (pie toute celte famille si nom-
breuse l'ut exilée à Yeou-Oué, i)0sle mili-
taire en Tarlarie, h 00 lieues de Pékin, au
delà do la grande muraille. La veille du dé-
part ])Our l'exil, cette princesse communia
avec Xavier, Thérèse, sa femme, et leur se-
cond lils Pierre. (Pour les détails, voir les
ai'ticles Sounou et Chine.)
AGOAUD (saint), martyr, était originaire
des bords du Rhin. Il vint, avec saint Agli-
bert, son compatriote, habiter Créteil, près
Paris. Les prédications de saint Altin et de
saint Coald les amenèrent à la connaissance
de l'Evangile. Ayant un jour, dans mî excès
de zèle, renversé un temple 'd'idoles, ils fu-
rent tous deux tués par ordre du gouver-
neur, qui était j)ajen, avec une troupe de
chrétiens qu'on arrêta avec eux. Quelques-
uns disent que ce furent les Vandales qui les
martyrisèrent. On s'accorde généralement à
placer leur martyre vers l'an iOO de Jésus-
Christ. Une église a été bûtie sur leur tom-
beau. On y garde encore leurs reliques dans
deux châsses précieuses. Tous deux sont ins-
crits au Martyrologe romain , sous la date
du 24 juni , mais leur fèto n'est célébrée que
le 25 à Paris, dans tout le diocèse et à Cré-
teil. {Voj/. le nouveau bréviaire de Paris.)
AGRICOLAN (Aurîîle), était lieutenant du
préfet du prétoire , dans la Mauritanie Tin-
gitane, en 298, sous le règae de Dioclétien.
Ce fut lui qui, dans la ville de Tanger, où il
faisait sa résidence, condamna à mort le
centurion Mjrcel , que Fortunat, son com-
mandant, avait envoyé devant son tribunal,
parce qu'il avait refusé de servir davantage
l'empereur, auquel on voulait le forcer d'of-
frir des sacrifices. Agricolan condamna aussi
à mort Cassien, secrétaire, qui tenait la
plume lors du jugement de Marcel, et qui,
dans l'indignation qu'il éprouvait du lan-
gage d'Agricolan et de la condamnation qu'il
prononçait , malgré les réponses victorieu-
ses de Marcel, jeta à la face des juges son
encrier, sa plume et son papier.
AGRICOLAUS, qualifié président dans les
actes de saint Biaise de Sébaste, fit, en 316,
sous Licinius, martyriser le saint évêque
que nous verrons de nonmier, avec deux en-
lants et sept femmes, qui avaient recueilli du
sang qui couhiit de ses plaies. [Voy. saint
Blaise.) Ce fut lui qui fit mouiir à Sébaste
les quarante martyrs, connus sous le nom
des quarante martyrs de Sébaste. (Foy. Mar-
tyrs de Sébaste.)
AGRICOLE (saint), eut le bonheur de
mourir pour la défense du christianisme, sous
le règne de Maximien. Il eut pour compa-
gnons de son triomphe saint Naval et saint
Concorde, avec saint Valentin, père de ce
dernier. Saint Valentin était maître de la mi-
lice à Ravenne. Ce fut dans cette ville que tous
ces saints accomplirent leur martyre. L'K-
glise honore leur mémoire le 16 décembre.
AGRICOLE (saint), martyr, versa son sang
pour la foi chrétienne, en Pannonie. On ne
sait pas la date de son martyre. L'Eglise cé-
lèbre saleté le 3 décembre.
AGRICOLE (saint), martyr, iiabitait Bolo-
gne. Il y soutfrit le martyre avec Vital, son
domestique, qui devint ainsi son collègue
dans la soutfranre. Agricole mourut sur une
croix, ok on l'avait attaché avec des clous,
tandis quu le corps de Vital ne formait plus
qu'une plai«. Saint Ambroise dil qu'étant
présent à la translation de leurs corps, il
mit sous l'autel les clous et le bois de la
croix, avec le sang du saint martyr. On
ignore l'époque oii ils souffrirent pour la re-
ligion. L'Eglise honore leur mémoire le 4
novembre.
AGRIPPA I" (Hérode), filsd'Aristobule et
petit-fils d'Hérode le Grand, passa une par-
tie de sa jeunesse à Rome, oii Tibère le re-
çut d'abord très-bien , le nomma gouver-
neur de Caligula, son petit-fils ; mais en-
suite le fit mettre en prison, le soupçonnant
d'avoir souhaité sa mort. Il y resta six mois,
Caligula, à son avènement, l'en fit sortir et
le nomma tétrarque ou roi de Judée. Ce fui
pour plaire aux Juifs que ce prince persé-
cuta les chrétiens. Il fit trancher la tête h.
saint Jacques le Majeur ; il fit mettre en pri-
son saint Pierre, à qui il réservait le môme
traitement. Dieu délivra miraculeusement le
chef de son Eglise.
. « Agrippa fut, ainsi que nous l'avons vu,
le premier souverain qui ait persécuté l'E-
glise. Ce fut lui qui fit mourir saint Jacques
le Majeur avec plusieurs autres chrétiens, et
qui fit jeter saint Pierre en prison. Quand
Dieu eut tiré miraculeusement son apôtre
de la prison où. il était renfermé. Agrippa,
furieux, fit donner la question à ceux qui le
gardaient, et les fit ensuite étrangler. Ce fut
immédiatement après qu'il se rendit à Césa-
rée, où il donnait des jeux magnifiques pour
la santé de l'empereur. Une ailluence con-
sidérable de peuple s'y était rendue ; tous
les grands du pays y assistaient. Au matin
du second jour. Agrippa entra au théâtre
avec des habits royaux tout brodés d'argent
et d'une magnificence inouïe. Les rayons du
soleil qui se levait alors les faisaient briller
d'une lumière si éclatante, que les assis-
tants regardaient le roi avec une admiration
mêlée de crainte et de respect. Il prononça
un discours, et les courtisans qui l'envi-
ronnaient s'écrièrent que ces accents étaient
ceux d'un dieu, et non pas ceux d'un simple
mortel. '< Jusqu'à présent, disaient-ils, nous
vous avons vénéré comme un homme, désor-
mais nous vous adorons comme un dieu. »
En effet, ils se mirent à l'invoquer, le priant
de leur être propice. Gonflé d'orgueil et de
vanité, le roi ne repoussa point ces hom-
mages sacrilèges. Si nous en croyons Jo-
sèphe, un hibou vint se placer au-dessus
de la tête d'Agrippa, sur une corde qui tra-
versait le théâtre. Alors il se souvint de ce
qui lui avait été prédit autref.>is, quand il
IIS
ÀiQR
était prisonnier à Romu. Cet oiseau lui était
apparu, lui présageant alors sa liberté pro-
cnaine; mais il lui avait été révélé que,
quand il le verrait pour la seconde fois , il
n'aurait [)lus que cinq jours à vivre. Quoi
3uil en soit de ce fait, dont nous ne vou-
rions en aucune manière garantir rautlien-
ticité, la main de Dieu atteignit soudaine-
ment le roi persécuieur au milieu des eni-
vrements de son orgueil. Il sentit tout j\
couj) de viole-ites douleurs d'entrailles, et
comprit qu'il était frappé de mort. Se tour-
nant vers ses couitism^ : « Regardez votre
dieu, dit-il , CHr vous m"a;)pelliez .'linsi tout
à riieure : commandeme'U lui est fait de
laisser cette vie, et la destinée fa'ale vient
lui prouver la fausseté de vos paroles. Je
me soumets à la volonté de Dieu ; j';ù con-
fia.nce, car ma vie a été si sainte cl si bonne,
que tous me disent bienheureux. » ( Josè-
phe, chap. 19, Ant. jud.j
« C'est ainsi (jue Dieu frappait d'aveugle-
ment ce prince persécuteuc, au i)oint de
faire qu'il n'eAt aucun remords des crimes
qu'il avait commis. Aux yeux de la foi, c'est
là le plus te rible de tous h'S châtiments. Oa
transporta le roi dans son polais, et bientôt
la noiivelle de sa mort prochaine se répan-
dit parmi le peuple. Suivait la coutume des
Juifs, les habitants, hommes, femmes et en-
fants, se couvrirent de sacs et se prosternè-
rent, [)riant avec larmes et gémissements ,
pour la santé d'Agrippa. 11 les voyait de ses
fenêtres, et ce spectacle douloureux, lui rap-
pelait incessamment le sort qui l'attendait.
— L'arrêt de Dieu était prononcé. Après ces
cinq jours d'atroces souUVances, Agrip[)a
rendit l'àme dans la cinquante-quatrième an-
née de son âge et la se[)tième de son règne.
Quand il mourut, on lui voyait les entniilles
qui pulliilaient de vers. Dès qu'il fut mort,
sa mémoire, qu'il pensait devoir être véné-
rée, fut outragée de la manière la plus
cruelle par le |)eu|)le : les soldats enlevèrent
du pa'ais les statiies de ses tilles, et les trai-
tèrent de la façon la plus ignonnnieuse. Il y
en a. ail trois : Héréiu(;e, ûgée de seize ans ;
Mariamne, de dix ; Druzill.', de sept. Dans
les rues et sur les j)laces |)ubli()ues, on se
livrait il des réjouissances; dos hommes
couronnés d(î Heurs oïlVaient des saciilices à
Charon, et faisaient des hbalions en action
de grâces de la mort du roi. C'est aijisi
(lu'après avoii' frai)pé ce prince persécuteur
(l'une ma'iière si terrible, Dieu rendait son
nom un objet d'exécration pour ses piopres
sujets. Agrippa avait cependant de boimes
qualités : il était géuéicnx jus ju'a la |)rodi-
§ alité. 11 avait gouv(.-iiié les Juifs avecas^ez
(' gloire et tJe bonheur, durant «les temps
didiciies ; mais il avait per.sécuté les sai-its,
re.)ou."'Sé la vérité, i.es plus biillaiiles (juali-
tt'S ne servent ■■ r e"i aux pi iuces qui veuleil
lutter contre Dieu et conire s n liglise-
{IJist. de» ijcrséc, l" vol., p. 80. j
ACKII'I'A 11, (ils du pr céd(!i;t, et dernier
roi de.s Juiis. (it; lut drva;;l lui el sa .sieur
héif-nice (pje .saint l'.iul comparut , piésc; :té
par i'e&lus, et plaida sa cause àCesarée avant
de se rendre à Rome. On croit que le frère
et la sœur entretenaient un commerce in-
cestueux. Agrippa, ()rivé de son royaume
par Claude, reçut en échange d'autres pro-
vinces. Il se joignit aux Romains pour châ-
tier les Hébreux. Il mourut sous Domitien,
vers l'an \)ï de Jésus-Christ.
ACiRIPPA, jug(! qui, sous le règne de
Maximii.'ii, lit martyriser cruellement dans
le Pont saint Basilisque. Il lui fit mettre des
chaussures gandins lie pointes embiasées, et
ensuite, l'ayant fait tourmenter de \ lusieurs
autres maiiières et fort cruellement, il le
condamna h être décapité. La sentence fut
exéi utée, et les restes du saint furent jetés
dans la rivière.
AGRIPPA, (jualifié préfet dans les actes de
sainte Théo 'Ole de Ph lip' es, fit martyriser
cette sainle avec la dei-nière cruauté, stms
le rogne de Licinius, eu l'an 318 de Jésus-
Christ. Il la fit metire en prison, où elle
resta vingt jours. En so tant de là, elle fut
fouettée cruellement, étendue sur le cheva-
let, où on lui déc'iira les côtés avec les pei-
gnes de fer. Voyant que la (ons;ance delà
sainte ne cédait à aucun des su|»plices qu'il
eiij|)loyait conire elle, Agri|>pa lui fit arra-
clier toutes les dents, et ensuite l'envoya
hors de la ville pour y èire lapidée. Cette
sentence fut exécutée, comme nous l'avons
dit plus haut, l'an 318 de l'ère chrétienne.
AGKIPPIN, était lieutenant à Ancyre, en
Galat.e. Il fit souffrir le martyre à saint Pla-
toj ; ce saiiit fut rudement fouetté, déchiré
avec des ongles de fer, et souffrit plusieurs
autres tourments encore plus cruels. Agrip-
pin leur fit enfin trancher la tète. Les mira-
cles de Platon en fîiveur des captifs sont
attestés par les actes du second concile de
Nicée.
AGRIPPINE (sainte) et vierge, fut marty-
risée sous l'empereur Valérien, à Rome. Son
corps, porté en Sic le, y opéra une grande
quantité de miracles. L'Eglise ftiit la iète de
cette sainte le 23 juin.
AIGUILLON (stimulus) , instrument em-
ployé ])ai' les persécuteurs contre les chré-
tiens des jiremiers siècles de l'Eglise pour
les martyriser. Tout le monde sait ce que
c'est qu'un aiguillon , insirument dont se
servent les conducteurs de bieufs attelés [lour
les faire marcher et les exciter au travail. La
seule différence consistait en ce que la pointe
de celui (ju'on emjiloyail j)Our les martyrs
était i)lus longue que celle des paysans pour
leurs b>eufs.
AîGlJLPflE (saint) , martyr, était abbé du
monastère de Lérins , fondé par saint Ho-
norai , dans l'ile qui porlt; maintenant soi)
nom, située sur les côles du déj)arlement du
Var. Il soullVit de grands lonrmenis avec
plusiouis moines, ses (O.npag'ions. On leur
coupa la langue, on leur arracha les yeux, et
ils furent eiisnile décapités. L'Iiglise honoi'O
leui' im'iiioirc! li' 3 septembre.
AITIIILULVS (sainlj, diacre et martyr, fut
mis ;i iiioii pour la foi, en Perse, sous le rè-
;.:,iie de Sapor, en l'an .'180. il eut pour com-
pagnons do son tjloi'ieux luarlyre, saint Jo-
117 ALC
seph , prêtre , et saint Acepsimas, évoque.
(Voij. 1 article de ce dernier») L'Eglise fuit
leur fùte le IV mars.
AI\ {Aqaœ Sextiœ) , ville anciennement
fort importante du temps dos Rom-iins , est
située en Provence , t^ 30 i.il. dt; Marseille.
Aujourd'hui cette ville , bien déc'uK! de sa
grandeur, n'est plus qu'un cliel-lieu d'arron-
dissement du depai'tement drs lîouches-du-
R!)i)ne. Les ruines de sa splendeui- antique
s'y rencontrent h cliacpie pas. Rtune déchue,
elle montre avec orgueil aux visiteurs les
restes de ses palais et de ses teuqjles ; ses
mo unnents, ébréchés par Iv. feni|)s, ce so it
les joyaux de sa couronne. Petit à petit, les
' siècles, en passant , les longent et (iniroit
' par les f:iire disparaître. Ainsi vont les cho-
ses d'ici-bns. Ma s il est des gloires (pie les
années n'elfacent pas; bitm au contraire, le
respect des ;1ges y met sa is cesse un nou-
veau lustre et agrandit leur auréole. Que
Dieu |)ei'mettc qu'un de ses plus Immbles
serviteurs [oudje (jueUiue part sous la main
des persécuteurs et meure pour sa gloire, ce
souvenir se {perpétuera d';1ge en<lge. Le lieu
béni où le ciel a remporté cette victoire si'.r
l'enfer, dans la personne d un dj ses élus,
devient un lieu consacré. La foi y élève un
temple qui prend le nom du liéi os martyr,
et, pendant la durée des siècles , les généra-
tions viennent pieusement s'agenouiller de-
vant l'autel placé sous l'invocation du saint.
Ainsi la ville d'Aix vit dans ses murs le mar-
tyre de saint Mitre ou Morre, et, deiniis l'é-
poque de la persécution de Diocléticn, à la-
quelle cet événement eut lieu, elle est placée
sous son patronage.
AJECT (saint), martyr, était religieux dans
l'ordre de Saint-François. 11 cueillit la palme
du martyre à Maroc ', en Afrique , avec les
saints Accurse, Pierre, Othon et Bérard. On
ignore la date de leur martyre. L'Eglise ho-
nore leur mémoire le 16 janvier.
ALABÈS (Louis de) , de la compagnie de
Jésus , naquit à Guaxaca , dans la Nouvelle-
Espagne, et entra au noviciat des Jésuites de
Mexico vers l'an 1607. On l'envoya prêcher
les Tépéguans avec le P. Jean de Valle. Ils
tirent une grande moisson chez ces peuples,
dont ils étaient les domestiques autant que
les |)ères. Les deux compagnons reçurent la
révélation de leur martyre. Nous verrons
aux articles Didace de Ôrosco, Bernard de
Cisneros , Ferdinand de Culiacan, etc., que
les Tépéguans avaient résolu le massacre de
leurs missionnaires. Le 18 novembre 1016,
ils se portèrent sur le bourg de Saint-Ignace,
que dirigeaient Louis de Alabès et Jean de
Valle. Nos deux bienheureux furent massa-
crés au moment ou ils se disposaient à cé-
lébrer les divins mystères. Un jeune enfant
et un dominicain, nommé Sébastien du Mont,
«à qui Louis de Alabès avait annoncé leur
martyre, subirent le même sort.
ALBAN (saint), l'un des compagnons du
saint martyr Cyriaque , diacre de l'Eglise ro-
maine, mourut en 303, à Rome, sur la voie
Salaria, oiî il fut enterré. Ils furent vi îgt-six,
dans le môme jour, mis à mort au même en-
ALB
11g
droit. L'Eglise célèbre leur fôte collective le
jour de leur translation, qui eut lieu le 8
aoiU. {Voy. Cyhiaole, dans ce Dictionnaire,
et l'abbé (irandidier, His' -ire de rEylise de
Strasbourq.)
ALHAN (saint), martyr, habitait Mayence,
où il accomplit beaucoup et de longs travaux
[)our la foi chrétienne. Il mérita de recevoir
la couronne immortelle que les [)ersé(niteurs
décernaient à ceux qu'ils choisissaient pour
victimes. L'Eglise fait sa fête le 21 juin.
ALiiAN (saint), martyr, est considéré
comme le jjrenner qui , dans la (Irande-Bi e-
tagiie, ait versé son sang [)Our Jésu>-Chrisl
Cette île avait reçu la lumière évangéliquo
du tem{)s du pa[)e Éleulhère , quand le roi
Lucius se convertit. Jusqu'à ré()oque de
Bioclélien , elle fut à l'ahi'i de la rage des
])eisécutions. Celles des Dèce, des Sévèi-e, des
Valérien , avaient passé sans qu'elle en fût
atteinte. La (irande-Bi'ctagne était couime le
nouveau monde de ce temps-là. Aussi de-
venait-(;lle le lieu de refuge de beaucoup
do ceux qui craignaient d'être atteints par
les persécuteurs. Dieu, dit saint Gildas, vou-
lut enfin étendre aussi le bras de sa miséri-
corde sur ce pays; il lui donna des martyrs.
Plusieurs hommes et femmes soutinrent
pour la foi. Saint Alban est généralement
mis à leur tête, comme le plus célèbre do
tous. Nous ne savons pas l'époque exacte de
la mort de saint A.lban, seulement on sait
qu'il souffrit dans les commencements de
Dioclétien, c'est-à-dire de sa persécution.
Alban Butler dit que ce fut environ l'an 303.
Quelques modernes font naître notre saint
d'une famille noble et distinguée sous le rap-
port de la fortune. Cette affirmation serait
peu fondée , s'il faut en croire Bède , qui
nomme une cabane la maison qu'il habitait.
Ce fut dans cette modeste demeure qu'il re-
çut et cacha un ecclésiastique que poursui-
vaient les persécuteurs. Cet homme de Dieu
se nommait Amphibole. A cette époque, Al-
ban était encore païen. L'action charilalde
qu'il fit en cachant ce prêtre fui la cause de
son salut. 11 fut extrêmement touché de la
piété, de la résignation de son hôte, qui pas-
sait toutes les journées et une partie des
nuits en prières. 11 voulut s'iiistruire d'une
religion qui produisait une perfection si
grande , et bientôt il fut tellement illuminé
par la grâce, que sa ferveur et sa piété furent
sans bornes. Au bout de quelque temps, le
gouverneur ayant appris qu'Alban donnait
l'hospitalité à cet ecclésiastique, envoya des
soldats pour se saisir de ce dernier. Alban
avait pourvu à sauver son hôte , en chan-
geant d'habit avec lui. Il se présenta à sa
place aux soldats , qui l'emmenèrent : l'ec-
clésiastique avait pris la fuite. L'habit que
portait cet ecclésiastique, et que prit saint
Alban, était une caracalle, vêtement qui des
cendait jusqu'aux talons. On prétend que
cette cararalle de saint Alban était autrefois
gardée à Eli , ville épiscopale du comté de
Cambridge, au royaume d'East-Angles , sur
la rivière d'Ouso. Edouai'd II ayant fait ou-
vrir, en 1314, le cotire oui la contenait, on la
119
ALB
ALB
120
trouva, dit-on, tachée de caillots de sang qui
paraissait tout frais.
Quand on amena Alban devant lui, le gou-
verneur était à l'autel, oifrant un sacrifice. 11
entra dans une grande colère en voyant la
supercherie dont avait usé Alban pour sau-
ver l'ecclésiastique. « Eh bien ! lui dit-il ,
puisque vous l'avez fait évader en changeant
avec lui de vêtement, vous irez au supplice
à sa place, si mieux n'aimez sacrifier sur-le-
champ à nos dieux. » Alban avait déjà déclaré
auxsoldats qu'il était chrétien. Alban protesia
ouvertement de son attachement à la foi, et
déclara qu'il n'obéirait pas aux ordres du
gouverneur. Ce dernier, l'intei-rogeant , lui
demanda de quelle fanulle il élait. Alban. Que
vous importe ma famille ? Désirez-vous con-
naître ma religion ? je suis chrétien. Legoxi-
rerneur. Votre nom. Alban. Je me nomme
Alban et j'adore le seul vrai Dieu, le Dieu
vivant, le souverain créateur de toutes cho-
ses. Le gouverneur. Sacrifiez aux dieux im-
mortels , ou bien je vous ferai mourir. Al-
ban. Vous sacrifiez aux démons qui ne i)eu-
vent secourir leurs adorateurs ni leur ac-
corder l'etfet de leurs prières. L'enfer et ses
supplices seront le partage de cjuiconque les
adorera et leur offrira des sacrifices. » Le
gouverneur , exaspéré , fit fouetter cruelle-
ment le serviteur de Jésus-Christ , qui sup-
porta patiemment ce supplice et qui demeura
inébranlable. Le gouverneur , voyant qu'il
ne pouvait rien obtenir, le condamna à être
décapité.
Pour aller au lieu de l'exécution, il fallait
traverser la rivière de Cole , car c'était près
de la ville de Verulam , autrefois grande et
belle , aujourd'hui ruinée. Une grande mul-
titude de p(,'uple était sortie de la ville pour
assister au su[»plice. Elle encombrait telle-
ment le pont qu'il était impossible d'y pas-
ser. Le saint, qui désirait ardemment cueillir
la palme du nuirtyre , s'a|)i)rocha d'abord de
Peau et lit sa prière. Immédiatement le lit de
la rivière se trouva sec, et il y passa avec
})lus (le mille pei'sonncs. Les eaux du fleuve,
dit saint (iddas , s'élevaient de chaque côté
comme deux hautes montagnes. Quand tout
le monde fut passé, elles reprirent leur cours.
Témoin de ce mii-acle , le soldat qui devait
exécuter le saint se convertit. Il vint se jeter
h ses pieds , et dit qu'il ne désirait ([u'une
chose, mourir à sa place; , ou du moins avec
lui. Ce désir du soldat fut exaucé. Pendant
(jue les ministres de la persécution délibé-
raient sur cet incid(înt , Alban , avec une
grande inultitu le de peuple, monta sur' une
colline , éloignée d'environ cimi cents i)as
de la rivière. Par ses prières , il obtint (pie
Dieu y fit jaillir une source. Il fut décaj)ité
(ni ce lieu iiu^me. Le soldat (jui s'était con-
v(;rti , et qui refusa d'exécuter h; saint , fut
décapité avec lui. liaptisé dans son propre
.sang, il monta au ciel avec la palme du mar-
tyre.
Saint Alban souffrit le '22 juin, jour au(piel
tous les martyrologeiS marepient sa fêle : l'K-
glise la célèbi-e ce join-la. J{(.'aucoup d'au-
teurs, et entre autres FJoius , lui donnent
pour compagnons huit ou neuf cents mar-
tyrs. Bède et Usuard ne parlent que du sol-
dat qui se convertit et qui fut décapité avec
lui. Ainsi cfue nous l'avons dit plus haut, il
versa son sang pour la foi près de la ville de
Verulam , autrefois l'une des plus im-
portantes de l'Angleterre , tant par son éten-
due que par ses richesses. Cette ville est
complètement ruinée. Quelques fondements
de murailles , des chai)iteaux et des marbres
épars sont tout ce qui reste d'elle. Saint-
Alban , que Bède dit être la même , est une
ville neuve, complètement difl'érente de l'an-
cienne. Le corps du saint fut trouvé sous ie
roi OfTa , en 793 , et transporté dans une
église, oii ce roi fonda une abbaye de Béné-
dictins. (Voy. Bède, Ussérius.)
ALBANE ou ALBANIE, aujourd'hui Holna,
sur les limites de l'Assyrie et de la Médie.
C'est dans cette ville qu'on prétend que l'a-
pôtre saint Barthélémy fut écorché vif.
ALBE-ROYALE, dite aussi Stuhlweissem-
bourg , ville de Hongrie , célèbre par les
souffrances que saint Emeri , fils de saint
Etienne, roi de Hongrie, y endura en l'hon-
neur de la foi chrétienne.
ALBENGA {Albingaunum) , actuellement
dans les Etats sardes, sur les côtes de Gênes;
c'est dans cette ville que fut martyrisé saint
Calocère. Les habitants d'Albenga préten-
dent avoir son corps dans l'église des reli-
gieuses de Sainte-Claire. Les habitants de
Bresse soutiennent qu'ils l'ont dans leur
église de Sainte-Afre.
ALBIillT (saint), évoque de Liège et mar-
tyr, naquit , en 1159 , à Louvain , du comte
Go(iefroi III et de Marguerite de Limbourg.
De bonne heure le jeune Albert se consacra
à Dieu dans le clergé de la cathédrale de
Liège , et son mérite le fit élever jusqu'au
rang d'archidiacre de laCampine. Raoul, évê-
que de Liège, revenant de la croisade, mou-
rut de poison le 5 août 1191 , comme il était
près de rentrer chez lui. Il y eut partage pour
l'élection du successeur; la plupart élurent
notre saint, frère de Henri, duc de Lorraine
et de Louvain; quelques-uns, par la faction
de Baudouin , comte de Namur , élurent un
autre Albert , frère du comte Rétiiel, aussi
archidiacre de Liège , homme sans lettres et
sans esprit, qui n'avait (i'autr(^ mériti; que sa
naissance. Ils s'adressèrent l'un et l'autre îi
l'empereur Henri pour recevoir l'investiture;
mais ce prince, (pii avait choisi un autre su-
jet , et haïssait depuis longtemps le duc de
Lorraine , soutint (pie , quand il v avait par-
tage, l'élection était caduque et lui apparte-
nait à lui seul; ainsi il donna l'investiture à
Lothaire , prévôt de Bone , homme riche et
d(''jà pouivu de plusieurs dignités ecclésias-
li<iues, frère du comie d'Hoi-slade, cpii avait
r(îii(lu d(> glands servi(;es à l'eiupereur. Les
chanoines ap|)elèrent au pape, soutenant (juo
l'élection d'Albert de Louvain était canoni-
(pie; mais Lothaire vint à Liège et se mit
eu possession (h; l'évêcké et des forteresses
(pii en dépeiidaictiit.
Albert fit le voyage de Rome avec do
grandes difficultés, ])arce que l'empereur lui
121
ALB
ALC
122
avait t'ernu^ tous les passages. Il fut obligé
de prendre des chemins détournés et de se
(lé;^uisor en valet , et on le présenta en cet
é([uipaiio au |)ape Célestin , ([ul en fut tou-
ché jusqu'aux laruu^s. Il Fenibrassa et le
consola, le connaissant déjà de réputation.
Albert arriva à Home aux fcMes de I'/kjucs,
qui, celte année 119-2, fut le 5 avril, et y de-
meura jus([u'après l'octave de la Pentecôte.
Il produisit les preuves de la régularité do
son élection; mais quelques cardinaux étaient
d'avis de céder à la violence des Allemands
et à la haine imi)lacable de l'empereur. En-
lin , le pape ayant pris jour pour le juge-
ment,, il fut rendu publiquement dans le pa-
lais de Latran , l'élection d'Albert jugée ca-
nonique et conlirmée par le pape, qui même
le lit cardinal , l'ordonna diacre le samedi
des Quatre-Temps de la Pentecôte , et lui fit
chanter l'évangile à la messe. 11 lui donna
toutes les bulles nécessaires , entre autres
une pour se fidre sacrer par Guillaume, ar-
chevêque de Reims , en cas que Brunon , ar-
chevêque de Cologne , son métropolitain , le
refusât par la crainte de l'empereur; et il lui
Ht délivrer toutes ces expéditions gratis.
Albert étant venu à Reims fut parfaitement
bien reçu par l'archevêque Guillaume, qui
l'ordonna prêtre le samedi des Quatre-Temps
de septembre, et le dimanche suivant, 20 du
même mois , il le sacra solennellement évo-
que de Liège. Le lendemain , on apprit que
l'empereur était à Liège , extrêmement irrité
et résolu de perdre tous ceux qui adhére-
raient à l'évêque Albert. Le duc d'Ardenne,
oncle de ce prélat, qui l'avait amené à Reims,
lui proposait de se soutenir par la force avec
le secours de leurs amis, mais Albert lui dé-
clara qu'il ne voulait point user de tels
moyens , et qu'il espérait apaiser l'empe-
reur par son humilité et sa patience. Peu de
temps après arrivèrent à Reims trois cheva-
liers allemands et quatre écuyers, qui se di-
saient chassés de la cour de l'empereur à l'oc-
casion d'une querelle. Ils vinrent saluer l'é-
vêque de Liège, et s'insinuèrent si bien dans
son amitié, qu'ils l'accoiupagnaient ordinai-
rement et mangeaient souvent à sa table :
plusieurs personnes les soupçonnaient de
(jnelque mauvais dessein, mais l'évoque ne
s'en défiait point. Entin , ils le tirèrent de
la ville sous prétexte d'une promenade, suivi
seulement d'un chanoine et d'un chevalier.
Quand ils furent à cinq cents pas , les deux
qui marchaient à ses côtés lui percèrent la
tête par les tempes, et tous ensemble lui don-
nèrent tant de coups d'épée et do couteau,
qu'on lui trouva treize grandes plaies. Aus-
sitôt ils piquèrent leurs chevaux, et, quoi(jue
la nuit fût proche, ils firent telle diligence
qu'ils arrivèrent à Verdun à neuf heures du
matin; puis ils allèrent trouver l'empereur,
de qui ils furent très-favorablement reçus.
L évoque Albert fut ainsi tué le mardi 24
novembre 1192, et enterré solennellement
dans l'église métropolitaine de Reims ; on le
regarda comme martyrdela lii)erté ecclésias-
ti(iue , et on lui en "donna le litre dans son
épitaphe. On rapporte quelques miracles
faits h son tombeau : enfin plus de auatre
cents ans après , savoir, l'an 1G12, l'arcliiduc
Albert et l'infante Isabelle, son épouse , du
consentement du roi Louis XIII, obtinrent
du cardiiuil de Guise, ai'clmvè(pi(! de Reims,
la permission d'eidever son cor()s, et le firent
transférer solenncilhiuunit à l'église des Car-
mélites, ([u'ils venai(!nt de fondei- à Bruxel-
les. Il est marqué, dans le Martyrologe ro-
main au 21 novembre.
ALBERT (saint) , habitait Messine, en Si-
cile. Il était de l'ordre des Carmes, et fut cé-
lèbre par ses miracles. Il confessa sa foi au
milieu des plus grandes douleurs. Les mar-
tyrologes no donnent aucun détail sur sa con-
fession ni sur sa date. L'Eglise honore sa
mémoire le 7 août.
ALBINE (sainte), fut décapitée à Lyon, en
l'an de Jésus-Christ 177, sous le règne de
l'empereur Marc-Aurèle. Sa qualité de ci-
toyenne romaine fit qu'on ne l'exposa pas
aux bêtes, comme le furent plusieurs de ses
compagnons. L'Eglise fait lafôte de ces qua-
rante-huit héros et de ceux que l'histoire no
nomme pas, mais qui cueillirent dans cette
circonstance la palme du martyre, le 2 juin.
ALBINE (sainte), vierge, fut martyrisée k
Formici, en Campanie, sous le règne et durant
la persécution de Dèce. L'Eglise fait sa fête
le 16 décembre.
ALCIBIADE (saint), martyr, fut décapité à
Lyon , en l'an 177 de Jésus-Christ, sous le
règne de l'empereur Marc-Aurèle. Ce fut à sa
qualité de citoyen romain qu'il dut de ne pas
être exposé aux bêtes, comme plusieurs de
ses compagnons. L'Eglise célèbre sa fête le 2
juin, avec celle de saint Pothin.
ALCMOND (saint), martyr, était fils d'Elred
et frère d'Osred , tous deux rois des Nor-
thumbres. Tant qu'il fut au sein delà pros-
périté, il sut en faire un saint usage pour sa
sanctification et le bonheur des autres. Bien-
tôt le temps de l'épreuve arriva pour lui. Les
Northumbres, s'étant ligués avec les Danois,
levèrent l'étendard de la révolte , et notre
saint fut forcé de s'enfuir avec son père. Il
resta vingt années chez les Pietés , et profita
de ce temps pour s'attacher de plus en plus
à Dieu. A cette époque, les Northumbres se
voyant opprimés par des tyrans, supplièrent
Alcmond de se mettre à leur tête pour se dé-
livrer. 11 accepta dans le seul désir d'être so-
courable à des malheureux , et vainquit les
tyrans. Mais il fut assassiné par les Danois,
disent les uns , en 819 , el par une trahison,
disent les autres , ourdi(; par Eardulp ,
qui avait usurpé la souveraineté. Son corps
fut enterré à Lilleshut, dans le Shropshire.
On le transporta ensuite à Derby, où il était
honoré comme patron. On dit que l'église oij
ses reliques étaient déposées devint célèbre
par un grand nombre de miracles. L'Eglise
honore la mémoire de ce saint prince le 19
mars.
ALCOBER ( Jean ) , naquit à Girone, en
Espagne, en 1094. Il partit en 1728, et de
Manille vint à Macao, puis h Canton. L'évê-
que de Mauricastre l'envoya, en 1730, dans Hff^
territoire de Fou-ngan. Seize^ans il l'évan- ^&
O. H. I
{
Ï^TA^l
hlù
ALE
Ai^.
1-!
gélisa et fut nommé vicaire provincial dans
Cv.4tepartie(ielaChine.Danslaper>éoutionqui
s'éleva en 17+0, une bande de soldats f nvoyée
])ar roiricierf'aus'étant diri;^ée sur le village
de Mo-Yan^, les mission lair.^s, cachés dins
cevillag' et lousdoiuin 'ains, prirent -'a fuite,
il rex.ce,)lioi du P. Alcober, que des t:)rlures
précède itesavaion' réduU à riiUj)i)Ssibililéde
marcîier. il fut pris et conduit <^ Fon-n^jan,
où le gouverneur le 1 igo'a chez lui et le fit
servir [)ar ses doinestijucs. Dans l'iiterro-
gatoirc <|ui l'Ut lieu, ce gouver.icur lui de-
min laat |)ourq lOi il était venu à la C'iine :
« C'est, rép mdit le P>r.\ pouv y p:ô,;her la
religion chrétienne. » Là- lossus il expliq sa
les command «ments de Dieu. I/ofùcier Frai
lui fit, à ()r)i)os des prisonnières, de > questions
tellemsiit outrageantes i.our In pudeur, que
le Père dut lui (lire : « Des qiiestions si di-
gnes d'un enfant de Sitin ne méritent pas
de r'ponse. » Le 10 juillet il fut conduit en-
chaîné à Foa-Tcheoa-Faii, cipitile de la pr >-
yiiice, distante de 27 lieues de Fou-ngan.
Les missionnaires prisouuiers étaient sur
des c'iarretles que suivait la populace en
vomissait les malédictions et les iij ires.
Arris'és dans la cipitalo, ds furent aussitôt
interrogés p\r le vice-roi. Oi les accusait de
ma^is et (ïiinpadicité , parce qu'on avait
trouvé chez ui chrétien une caisse d'osse-
ments que le P. Aljober y avait déposés.
L'ofiicier prétendait que les missionnaires
tuaieit de petits eifants pour tirer de leurs
tôtf^s des (il très propres à séduire les fem-
mes. Alcober dit aux juges que ces ossements
et deut les restes d'un des pi'édéce>^seurs des
missionn;\ires, mort sous la dynastie pré-
cédente, et qu'il les avait recueillis pour les
envoyer eu Europe^ dans sa patrie. On p^ut
voir à l'article Chine commont fat fait l'exa-
men de cette caisse. Le P. Alcober reçut, dans
le cours de cette instruction, plusieurs fois
des soudLts et une fois la basto made. La
sentence de mort portée dans le Fo-Kien,
confiraiée h Pékin par le tribunal des crimes
et sigaée de l'emnoreur, fut communiquée
aux coidamnés. Le P. Alcober devait être
étranglé; il fut mis, avec le P. Diaz, dans une
m'^me prisoi. On lui marqua sur le visage,
au fer rouge, deux caractères chinois, qui
exprinnient le genre de supplice qu'il de-
vait sij!)ir. I! fut étranglé dans sa })rison le
28 û:;tobre 17W.
ALliP, ville de Syrie, sur le Koik, pres-
que eniièrement ruinée en 1822 par des
tremblements de terre, était au;)aravant la
troisième ville de l'empiie Turc, pour la
'grandeur et l'importance : elle com[)tait deux
cent mille hai)it.ints. D;;puis cetl • époque,
elle est réduite à civiroi cent vingt mille.
Cette ville fut le siège de la preiiiière mis-
sion (jui fut él tbli(i (Ui S/rie. (a' fut en lG2"i
r(ue le [)ape Urbiin VIII y envoya des mis-
siounaii'es. Les PP. (l;isp;n-d \lanillier et
Jean Stella arrivèrfvit h Alep celte miMue an-
née, ils furent d'abord expulsés. Sylv.'Stre,
auteur des perse. aititns f|u'ds en Jurèrent,
était un sc'iisiu.iti pu; furieux et opi liAtre,
mais souple et intrigant, qui se proposait
d'éteindre la foi à Damas et dans la Syrie.
Pour y réussir, il fallait être élu patriarche
d'Antioche; Athinase, son ennemi, l'était;
il plia sa haine à son ambition, sut gagner
ses bonnes grades et se fit nommer son suc-
cesseur. Les habitants de Damas n'apprirent
cette nouvelle qu'avec fi^ayeur; ils connais-
saient le caractère, violent et emporté de Syl-
vestre, et ils cherché ent aie prévenir par
nn clioix plus <; 'uforme aux canons et plus
avantageux à la ville. Ils cho sirent pour pa-
triarche C^Tille ; on l'ordonna, il fut intro-
nisé à D:\rais avant que S/lvestre le fût à
Constantinoole. oj il s'élail transporté. Cette
ordimtioi imprévue l'étonna, il en fut alar-
mé; la crainîe qu'elle ne fût co itirmée h la
Porte l'engagea dans to itjs les manœuvres
qu'il ju^ea capables de l'empêcher; il s'atta-
cha le nalriarche de Jérusalem et celui de
Constantinople; il s'appu/a du crédit de
quelques seigieurs ottomans et obtint de
la Porte un commandemen' (jui. en l'établis-
sant patriarche, lui permettait do faire arrê-
ter ou exder son concui-rent et tous ceux
qiii suivraient son parti. Son ambition était
satisfaite, il croyait sa puissance assurée et
il ne s'occupait {dus que des moyens d'as-
souvir SI fureur. Les missionnaires fran-
çais en furent le premier objet : comme ils
étiient le premier obstacle à ses prétentions,
il conféra avec les deux patrinrches, ses
amis, sur les moyens de les éloigner, et ils
obtinrent le firman ou l'ordre qu'ils deman-
daient de nous exiler et de nous bannir de
la mission.
L'expédition de cet ordre n'échappa point
à la vigilance de M. le comte d'Andrezel,
alors notre ambassadeur h la Porte ; par ce
lirman les missionnaires étaient chassés de
tous les endroits où il ny aurait pas de con-
sul de nation française; on voit assez que
cet ordre ne regardait que la mission de
Damas. M. l'ambassadeur en p >rtases plaintes
au grand-visir; il représenta à ce ministre
combien cette démarche était contraire aux
capitulations ; on suspendit l'exécution de
col ordre rigoureux. Ou travaillait à l'an-
nuler, torsqîie la mort nous enleva cet am-
bassadeur, si digne de la conliam^e du roi
et des regrets des catholiques de la mission.
A la première nouvelle de ces ordres dont
Sylvestre était porteur, son compétiteur Cy-
rille se retira dans les montagnes; l'usurpa-
teur partit de Constantino;)l.î avec cet air de
triomplie, par 1 'quel la passion satisfaite croit
se donn M" du lustre et couvrii- la honte de ses
démarches; il se disait chargé de lettres qui
l'autorisaient h mettre dans les fm-s (piicon-
que se refuserait à ses lois; il était accom-
gié d'un religieux, son procurimr ou son
agent, aussi fuiàeux et plus foui-be (pie lui,
et d'un chavichy (pii devait être l'exérute u'
de ses or 'res et le miLiis"lr(! de ses ciaïautés.
Il (! itra dans Alej); son comuia ulein(Uit fut
signilié, on somma tons hvs (hrétien>> de lo
laico maître pour pitriarchî; rév(\que Gé-
rasimos fut arrêté et envoyé en exil. Di'di-
vré de ce concurreiit verluruv, il proj.osa
deux fonuules ou piofessions de foi qu'il
1-23
AIE
ALE
m
avait lui-mômc dressées : l'une était pour
les pi-ôtros catholiques et contenait une ma-
lédiction contre la reli:^ion des Francs, con-
tre le pape et contre le huitième concile,
c'est-à-dire, selon les (Irecs, contre le saint
concile de Floi'cnce; celte profession devait
ôtre lue publiquement ; l'auli'e était pour les
hcques; elle consistait dans la manière de
souscrire à la prciinière et dans une [)roles-
lalion de n'avoir jamais do commerce avec
les prêtres fra nos jii de croyancti dans ce qui
est enseigné par le pape. Ces formules ré-
voltèrent beaucoup de callioliipies : ils re-
gardèrent celte souscrij)tioii comme -une es-
pèce d'a()OSlasie. \j'^ gi-and nombi-e de prê-
tres la reçut ; ceux qui refuseront, allèrent
(laiis les montagnes se joindre au [)atriarcho
Cyrille, rKglise des Pères francs n'en fut
pas moins i'réquentée. Sylveslre envoya, le
jour de la fête du Saint-Sacrement, son cha-
vic'i avec des hommes armés pour se saisir
des Grecs qui s'y rendraient.
M. le consul y était; il fut témoin de cette
violence, et il envoya faire des plaintes au
gouverneur; on arrêta le chavich, son es-
corte et quelques héréliques qui favori -
saifut la manœuvre. Sylvestre fut cité; il
lui en coûta douze bourses pour éviter 'a
prison. L'épreuve qu'il venait de faire du
crédit des catholiques et des dispositions du
bâcha fil impress on si:rlui,et suspendit
pour un temps ses fureurs. On crut même
son caractère changé: il passa de la plus iin-
péiieuse airogance à la plus lâche timidité;
il craignit que l'alfaire ne fût portée à Cons-
tantinople, et que le Grand-Seigneur, dont
il avait outrepassé les ordres, ne le regar-
dât coiiiino un esprit brouillon et digne des
punitions qu'il avait sollicitées contre les
autres. La frayeur qu'il laissa entrevoir ins-
pira de la hardiesse à ceux qu'il persécu-
tait; on le menaça, il disjjarut et s'embarqua
pour la capitale de l'empire, chargé déplus
de malédictions qu'il n'en donnait à la reli-
gion.L;s catholiques présentèrei! tau c>.di une
lo gue requête où étaient ex}.osé>leurs griefs
co tre ce faux [)alriarche ; le cadi permit
qu'on les envoyai à la Porte. Trois dépulés
furei.t chargés de la commission : l'objet et
la conclusi<n delà requête étaient la dépo-
sition de Sylvestre; elle fut obtenue. La vic-
toire était entièi'e; deux députés vinrent
Tannoncer : par malheur, le troisième resta
à Constanlinople; il se noninimi Ciici ver i lii-
lar. Silvestre entreprit de le gagne.-, et il y
réussit. Ge député, Ilatté de se voir recher-
ché, voulut bien se prêter à un accommode-
ment ; on convint que Sylveslre resterait pa-
triarche d'Aitioche,, mais qu'Alep serait sous
la juridiction de Gonslantinople , et qu'on
enverrait aux habita: :ts d'Alep tel évêque
qu'ils demanderaient eux-mêmes. Gelui
q l'on leur donna d'abord se nommait Gré-
gou'e; peu attaché à la religion par principe,
ii le fut quelque temps pat intérêt, ou plu-
tôt il aifecta de le paraître; mais il se dé-
mentit bientôt. Les catholiques se séparè-
rent de lui et demandèrent au cadi la ])er-
liiissiou de se choisir un évêque qui filt de
leur pays et indépendant de tout patriarche;
il y consentit. Ils nommèrent Maxime, un dé
leurs coiiq)atriotes , homme irréprochablo
dans ses moeurs et dans sa foi, d'un carac-
t( n." liant et propre h réunir ](!.s es()rits; ce
choix fut conlirméîi Gonslantinople... Géra-
simos était exi'é, mais non pas (lépo>-é ; sa
démission était nécessaire pour (jne l'élec-
lion de l'autre ïùl lég lime; il la donna sans
peine, et ce vertueux prélat -consatra lui-
même celui qui était élu ii sa place.
Plus sûr dans la foi que Grégoire, plus
ferme que Géiasinr s, Maxime se lit un ]ilan
de gouvci-neuient qui lit respeol^ r la reli-
gion et charma tous ses diocésains. Les [)rê-
Ires qui s'é;aient laissés troaq)er par Syl-
vestre vinrent se jelei- entre le> bras de co
j)asleur chu'ilabie,"qui les reçut avec bonté
et, ajarès une répa alion | ro| orlionnée au
scand.ile, les rétablit dans l'exercice de leurs
fonctions. Les é.ilises et les écoles oes mis-
sionnaires furent [)ius fiéquentées q.e ja-
mais ; ce calme, qui dura qiie.ques années,
rappe'a dans la Syrie les beaux jours au
chrislianiSfje naissant.
Sylvestre resta quelque temps obscur et
presque inconnu dans Gonstant.nople ; mais
i'inacuonel l'obscurité soi, t un état bien vio-
lent pour un esprit inijuiei et an. bilieux. Il
alla en Valachie, (jù ii trouva sonanui n pro-
tecteur, le pnnce ScaPatogli, Us de Mauro
Cordato, jnemier interprète du Giand-Sei-
gneur. Ij lui fit une peinture vive et tou-
chante de ses malheurs, surprit la compassion
de ce j)rjnce et parvint jusqu'à s'en assurer la
protection. Il le renvoya à Gonslantinople,
muni des recommandations les [ lus pres-
santes; là il recommença ses manèges et
demanda la révision de son procès. La pro-
tection du prince fit aimettre sa requête; le
Grand-Seigneur lui donna même un c :m-
mandement par lequel, anéantissant tout ce
qui s'é ait fait conlre lui, il le rétablissait
dans tous les droits de son patriarcat, sou-
mettait de nouveau x\lep à sa juridiction,
l'autorisait à y nommer un évêqu.^ et à se
ftiire leiiibours r do toutes les sommes qu'il
n'avait })as touchées pendant les sept années
de son exil. Le palr.arche rétabli se hâta de
not.her cet ordre du Grand - Seign( ur. 11
vii.t à Tripoli et à Damas, et cette dernière
ville fut choisie de préférence pour ôtre le
théâtre de la persécution nouvelle qu'il mé-
ditait. Il craignait les habitants d'Alep, et il
se contenta de leur envoyer son commande-
ment par son charvich et par un religieux,
son procureur; cette démarche même, quoi-
que modérée, ne fut pas heureuse. On dressa
un acte signé de plus de six cents pe sonnes
où l'on représentait au Grand-Seigneur ce
même Sylvestre qui l'avait trompé, comme
un méchant homme, e.ont la puissance ne
s'établissait que sur tes vexations les plus
tyranniques et les persécutions les plus
odieuses : l'on y peignait au contraire
Maxime comme v;i homme sans passions,
et dont le zèle, conduit par la douceur, n'a-
vait pour objet que la paix et avait le talent
127
ALE
de la maintenir. Ce contraste produisit enfin
l'effet désiré.
Les religieux français surtout étaient les
victimes de choix sûr lesquelles Sylvestre
aimait à exercer ses vexations. Il fit défen-
dre aux catholiques, sous peine de la vie,
d'aller ou d'envoyer leurs enfants à l'église
ou à l'école des missionnaires; il fit présen-
ter par son procureur une requête contre
eux, au grand juge, mais on n'y eut point
d'égard. Il menaça de l'envoyer à Constan-
tinople, on le craignit. Le P. Seguiran, mis-
sionnaire jésuite, fut chargé d'écrire à M. le
marquis de Villeneuve , ambassadeur à la
Porte, au nom de tous les autres mission-
naires : il le fit. La lettre fut accompagnée
d'un mémoire des liabitants de Damas, qui
contenait 5 articles principaux ; ils l'accu-
saient : 1° d'avoir dit au bâcha que les ca-
tholiques ne refusaient de communiquer
avec lui que parce que c'était le (Îrand-Sei-
^neur qui l'avait fait patriarche. C'est une
imposture; 2° d'avoir défendu aux pères et
aux mères, sous peine de la vie, d'envoyer
leurs enfants à l'école des missionnaires ,
contre la coutume établie depuis quatre-
vingt-dix ans; 3° d'avoir suscité aux mission-
naires français des procès injustes et de leur
avoir causé des insultes sans nombre; i° d'a-
voir parlé en public contre le nom français
et contre les ministres du roi; 5" d'avoir mis
îe trouble et le désordre dans Alep , par les
lettres qu'il avait écrites au bâcha contre les
chrétiens et les religieux français.
Ces griefs, envoyés à Constantinople, y
firent une grande impression ; le quatrième
surtout parut d'une conséquence digne de la
plus sérieuse attention. On sait combien le
roi de France est respecté à la cour Otto-
mane, et la préférence éclatante que Ton y
donne à nos ambassadeurs sur tous les au-
tres. M. le marquis de Villeneuve eut toute
la satisfaction qu'il demanda, et l'on expé-
dia en faveur des missionnaires un com-
mandement qui assura leur repos. On lit
rendre les six bourses extorquées aux jé-
suites de Damas avec la dernière violence;
un leur donna un dipiouK; ou sauvegarde
|K)ur les mettre désormais à couvert de pa-
reilles avanies. M. de Lane, témoin des dés-
ordres qui s'étaient passés, manda à M. le
comte de Castellane, ({U(; le moyen le plus
sûr j)Our couper jusfpi'h la racine du mal,
(•(ait de solii(:il(;r vivement, auprès du (Irand-
Seigneur, la déposition de Sylvestr(\ Elle fut
demandée et accordée sur-le-champ. M. de
Lauc fut cliaigé de l'exécution des ordres
(pii porlaic'iil en même temps la déjxj.silion
de Sylvestre et le rétablisscmtînt (Ut (Cyrille
sur le siège patriarcal d'Antioclie. Ce doidilo
événement a [jorté un coup mortel au
schisme ; nos églises sont li'érpieiitées, et
les callioli(pies, <i (]ui nous ik; l.iissons pas
iguurer (pi'ils ne sont n;devables de ces
changements heurciux (\nnn zèle du roi,
fuiit sans cesse des V(i!ux au ciel jjoui- la
coriscîrvalion do sa personne sacrée, poiu' la
gloire de son règne, j)our la j)rosj)éiité de
am: H'i
la famille royale. [Lettres édilîantes, vo\ Vj
p. 161.)
Dans le passage que nous venons de citer,
on voit que les missionnaires furent autori-
sés à résider à Alep; mais celui qui les avait
fait chasser d'abord essaya encore de sur-
prendre la religion du bâcha à cet égard, et
de le porter à les chasser de nouveau. Il se
trouva que ce fonctionnaire, qui venait d'ar-
river à Alep, avait connu les missionnaires à
Constantinople. Il Ut venir devant son tribu-
nal les missionnaires et leurs accusateurs.
« Vous êtes des imposteurs, dit-il ci ces der-
niers : j'ai vu ces religieux à Constantinople,
et moi-même j'ai signé l'ordre qui leui per-
met de résider ici. Je ferai mettre en prison
quiconque les molestera. » Ensuite, s'adres-
sant aux Pères : « Soyez tranquilles, leur
dit-il, vous avez ma protection. «Mais bientôt
après, un nouveau bâcha ayant succédé à
celui qui montrait de si bonnes dispositions
en faveur des missionnaires, les accusateurs
furent écoutés et les PP. Jérôme Queyrot,
Aimé Ghezeaud, les frères Fleury Bechesnes
et Raymond Bourgeois, furent emprisonnés,
chargés de chaînes et jetés dans un cachot,
dont le sol fut couvert de cailloux anguleux.
L'intervention du consul de France les fit
bientôt élargir, et cette persécution n'eut pas
d'autres suites.
Plus tard, les PP. Sauvage et Pagnon eu-
rent à soutenir des persécutions vioientes.
Ce dernier s'occupant à faire réparer une
maison que M. Lemaire, consul d'Alep, lui
avait donnée, fut accusé d'avoir voulu faire
bâtir une chapelle publique. On le fit pren-
dre par des soldats, conduire devant le cadi,
qui lui fit mettre un carcan et l'envoyii en
prison. L'affaire n'eut heureusement pas do
suites graves, parce que M. Lemaire inter-
posa son autorité et le tira des mains de ses
ennemis
Le patriarche et l'archevêque d'Alep avaient
eu à soullVir quelques années auparavant
pour la religion catholique. Sur ce seul fait,
qu'ils en faisaient profession i)ublique, le
patriarche, (pii se nommait Ignace Pierre, re-
çut quatr®- vingts coups debAton sous la plante
des pieds; il fut ensuite emprisonné avec
l'archevêque d'Alep, qui se nommait Denis
Rezkalah. Ils n'en sortirent que pour être
conduits au cliAteau d'Adané, prison où
ils devaient rester perpétuellemeiil. Ils y
moururent bi(MUôt, connue on peul le voir à
leurs titres. Ici se bornent les renseigne-
ments que nous possédons relativement à
Alep.
^ ALEXANDRE, l'un des quatre person-
nages désignés dans les Actes des apôtres,
connue siégeant dans le Safdiédiin, en 33,
(piand saint Pierre et saint Jean, après la
guérison du boiteux , comparurent devant
cette assemblée. On est géuéialement fondé
à croire que ce meml)r(! du SanlK'diin est
Alexandre Lysima(pie, frère de Philon. Il
était prêlre, et le plus rich'' ihî tous les Juifs
d'Ale\an(lru>,où il avait été alaharcpie. C'est
cet Alexandre ([ui lit conviir d'or et d'ar-
129
ALE
ALE
130
genl noufpoitos du lemplo. Son fils nommé
Tibère Alcxa-idro devint idoIAtre.
ALEXANDUh: (saitU), martyr à Antioche
do Pisidii', l'ut mis à mort pour la foi ehré-
tienn(> avec saint Aïarc, beri^er, son frère, ses
deux autres frèi'es Alplic el Zo/ime, les saints
Nieon, Niîon, Hélioilorc!, plus trente soldats
que la vue des miracles de saint Marc avait
convertis. l'Eglise fait sa fête le 28 se[)teni-
bre.
ALEXANDRE (saint). Nous trouvons sa
fête avec celle de saint Eveuce et de saint
Tlîéodule, dans le Sacramentaire de saint
Grégoire, ils y sont désignés comme des mar-
tyisau 3 mai. Evideunnent ces trois saiids
sont des martyrs, ils sont morts pour la foi
sous remi)ire d'Adiien ; mais s'agit-il ici,
comme beaucou[) l'ont cru et écrit, de saint
AK'xandre pa|)e, cinquième évèque de Komc,
et successeur de saint Evai'iste ? Rien no le
lu'ouve. Raronius, |ias plus que Tillemont,et
nous n'hésitons pas à être de leur avis, ne
regardent pas les actes que nous avons de
ces saints, et que Bède croit être bons,
comme suffisamment authentiques.
ALEXANDRE (saint), martyr, versa son
sang pour la foi sous l'empereur Antonin,
sur la voie Claudienue, à 20 milles de Rome.
Il soulfrit les chaînes, les coups de. bâton,
le chevalet, les torches ardentes, les pointes
de fer, les bêtes et les llammes d'une four-
naise ; enfin ayant eu la tète tranchée, il en-
tra dans la gloire qui ne finit point. Le pape
saint Damase lit depuis transîerer son corps à
Rome, le 26 novembre, et fixa chaque année
sa fête au jour de cette translation. l'Eglise
honore sa mémoire le 21 septembre.
ALEXANDRE (saint) , l'un des sept fils
de sainte Félicité, fut martyrisé avec elle et
tous ses frères à Rome, le 10 juillet 164,
sous le règne de l'empereur Marc-Aurèle. Le
préfet Publius l'ayant fait amener à son tri-
bunal, lui dit : « Jeune homme, ta destinée
est entre tes mains ; prends pitié de toi-
même, sauve mie vie qui ne fait encore que
commencer et dont je ne pourrais m'empê-
cher de regretter la perte. Obéis aux ordres
de l'empereur; sacritie, et tâche de mériter,
par cette complaisance religieuse, la protec-
tion des dieux et la faveur des Césars. »
Alexandre se hâta de répondre au magistrat:
« Je sers un maître plus puissant que César:
c'est Jésus-Christ. Je le confesse de bouche,
je le porte dans le cœur, et je l'adore sans
cesse. Cet âge, au reste, qui vous paraît si
tendre, qui l'est en elfet , aura toutes les
vertus de l'âge le plus avancé, et surtout la
prudence, si je demeure fidèle à mon Dieu.
Quant aux vôtres, puissent-ils périr avec
ceux qui les adorent. » Le rapport de ce qui
s'était passé ayant été fait à l'empereur, il
fit comparaître Alexandre devant un juge
qui le condamna à avoir la tête tranchée, ce
qui fut exécuté le 10 juillet, jour auquel
l'Eglise fait la fête de saint Alexandre.
ALEXANDRE (saint), fut martyrisé à Ro-
uie, sous le règne de l'empereur Marc-Au-
rèle. Il était évoque, mais on ignore de cj;uel
sii'ge. Les documents qui nous restent ne
nous permettent pas de nous étendre davan-
tag(i. Sa fête est manjuée au Martyrologe
romain le 21 septembre.
(ALEXANDRE (saint), martyr. Nous don-
nons ici ses actes , ({ui renferment aussi
ceux de saint Iilpipode.
Il y avait dix-sept ans (pie Lucius Verus
et Marc-Aurèle étaient assis sur le lrùn(! des
Césars, lorsque la fur(;ur des gentils se ré-
pandit comme un torrent inq)élueux, dans
touti^s les provinces de l'em.pire, contre l'E-
glise. Mais ce fut particulièrement dans la
province de Lyon qu'elle causa de plus
grands ravages , et les traces qu'elle y laissa
furent d'autant plus funestes et en plus
grand nombre, qu'elle la trouva peuplée
d'un plus grand nombre de fidèles. Les ma-
gistrats et les officiers d'armée, les soldats
et le peuple travaillaient de concert et avec
une égale animosité à détruire la religion,
en employant contre elle toutes sortes de
tourments, et persécutant sans relâche tout
ce qui portait le nom de chrétien, sans faire
de distinction ni d'âge ni de sexe. Les noms
de quelciues-uns ont été conservés avec les
circonstances de leur mort; mais il y en a
beaucoup plus qui , pour avoir fini leurs
jours dans les chaînes et dans l'obscurité
d'une prison, ou ayant péri dans quelque
émeute populaire, ont été confondus dans la
foule et ne sont écrits que dans le livre de
la vie bienheureuse. Car, après cet horrible
carnage des chrétiens, dont le sang remplit
la ville de Lyon et fit changer de couleur
aux eaux du Rhône (ainsi qu'on le i)eut voir
dans la lettre que les Eglises de Vienne et
de Lyon écrivirent sur ce sujet aux Eglises
d'Asie et de Phrygie) , les païens crurent
avoir entièrement éteint le nom de la reli-
gion de Jésus-Christ. Ce fut pour lors qu'E-
pipode et Alexandre, qui en faisaient une
profession secrète, furent dénoncés au gou-
verneur par leurs propres domestiques. Ce
magistrat, en colère de ce que deux chré-
tiens avaient échappé à l'exacte recherche
qu'il croyait en avoir faite, donna des ordres
très-précis de les arrêter, s'imaginant pou-
voir enfin achever d'abolir en leur personne
une religion qui lui était si odieuse.
Mais avant que de venir aux particularités
de la mort de ces saints, il faut dire un mot
de leur vie. Alexandre était Grec, Ejiipode
était natif de Lyon : tous deux étaient unis
dès leur plus tendre enfance par les mêmes
études et les mêmes exercices, mais plus
unis encore dans la suite par les liens d'une
véritable charité. Leur amitié croissait avec
leurs lumières , et augmentait à mesure
c^u'ils faisaient de nouveaux progrès dans
les sciences. Leur union devint si intime, et
leurs sentiments se trouvèrent si conformes
en toutes choses, que , quoiqu'ils eussent
reçu de ceux qui leur avaient donné la nais-
sance une éducation très-sainte, ils ne ces-
saient cependant de s'exciter l'un et l'autre
par do réciproques et de continuelles exhor-
tations à tendre à une plus haute perfection.
Ils y réussirent si bien, que, s'exerçant avec
une attention toute particulière à la fempé"
iSl
ALË
rance, à la pauvreté et à la foi, à la chasteté,
aux œuvres de miséricorde, et généralement
à toutes les vertus les plus excellentes du
christianisme, ils se rendirent des victimes
dignes d'cMre immolées à Dieu ; et ils eun-nt,
par une neureuse anticipation, tout le mé-
rite du martyre avant que d"en soutïrir la
peine. Ils étaient dans la Heur de leur jeu-
nesse, et ils n'avaient | oint voulu engager
leur liberté, ni se charger du joug du ma-
riage. Dès qu'ils eurent ape. çu les premiers
feux de la persécution, ils songèrent à sui-
vre le conseil de l'Evangile ; car, ne pouvant
pas fuir de ville en ville, ils se contentèrent
de chercher une retraite où ils pussent de-
meurer cachés et y servir Dieu en secret. Ils
la trouvèrent dans un faubourg de Lyon,
proche Saint-Seize, et ce fut le polit logis
d'une veuve chrétienne et d'une singulière
piété qui les mit d'abord à couvert de la
première enquête des persécuteurs. Ils y
furent quelque temps inconnus, par la lidé-
lité que leur garda la sainte hôtesse et par
le peu d'apparence qu'avait leur asile. Mais
enlin ils furent dé. ouverts, et ils ne purent
échapper cà l'importune et trop curieuse re-
cherche d'un ollicier du président. Ils furent
arrêtés au passage étroit d'une petite cham-
bre, dans le moment qu'ils se sauvaient, et
ils demeurèrent si éperdus lorsqu'ils se vi-
rent entre les mains cruelles des gardes du
gouverneur, qu'P2pipode perdit un de ses
souliers, que sa charitable hôtesse trouva et
qu'elle conserva comme un riche trésor.^ Ils
furent d'abord mis en prison, et avant même
que d'avoir é;é inierrogés, le seul nom de
chrétien portant alors avec soi une convic-
tion manifeste des plus giands crimes. Trois
jours après, ils f .rent conduits, ayant les
mains attachées derrière le dos, an pied du
tribunal du gouverneur. Cet homme cruel
leur demanda leur noui,et quelle était leur
profession. Une multitude innombrab e de
peuple remplissait l'audience, et l'on voyait
sur le visage do chacun la haine [)einte a\ uc
les plus noirt'S conleurs. Les accusés dirent
le ,r nom, et confessèrent naïvement qu'ils
étaient chrétiens. A cet aveu, et le juge et
l'assemblée se récrient, s'emportent, fré-
missent de ViVxe. Toute une vide est en mou-
vement [)Our perdre deux innoc(nits, «Ouoil
dit le gouverneur, d'un ton que lai fureur
rendait terrible, douv jeunes téméraires ose-
ront bravi-r les iiumortels? les .saintes or-
donnances de nos princes seront foulées aux
pied^? A quoi ont donc servi tant de sup-
plices? c'est donc (m vain ({u'on a drosé
des croix, qu'on a nus en usage le fer et le
feu? en vain les bêles se sonl rassa-iées des
corps de ces im[).esl Où sont les ch. valets,! -s
iami.'S de cuivre a. dentés? où so:.t les lou.-
ments les plus alfreux, prolongés mmue jis-
(pi'au delà du Irépas? Qu(ji ! tout cela a élé
inutile 1 les hommes n(! sont plus, leurs os
ont élé réduits en cendre, <i |)ein(! trouve-
l-on la [ilace où furent leurs tombeaux, cl
le nom de Christ reteniit encore à nos
oreilles? des bouches sacrilé^os font encoro
éiitèndre co nom odieux à la vue dés autels,
âle: isis
devant les images sacrées des Césars 1 Non,
non, n'attendez pas que cette audace crimi-
nelle demeui'e imi)unie. Le ciel et la terre
demandent votre supplice, i! est juste de les
satisfaire. Mnsde crainte qu'ils ne s'encou-
ragent l'un l'autre et ([u'ils ne s'animent à
soutfrir par des paroles ou j)ar des signes,
comme on sait assez que c'est la coutume de
ces gens-ci, qu'on les sépare, qu'on fasse
retirer Alexandre, qui paraît le |ilus vigou-
reux, et qu'on a[)plique Epi[)ode h la ques-
tion. » Le gouverieur ciul qu'il pourrait ti-
rer quelque avantage de la co \joneture où
se trouvait ce pauvre jeune homme, privé
du secours de son ami, abandonné à sa pro-
pre faiblesse, et laissant présumer que dans
une si grande jeunesse on ne devait pas
craindre une résistance trop opiniâtre. Sui-
vant donc les traces de l'ancien serpent, il
commenç:! par employer la do.ice persuasion
et à f'iiriî glisser dans son âme le p.oison
moriel de la tl-'tterie. « A'» 1 c'est dommage,
lui dit-il, qu'un si aimable jeune hoinrie
pelisse ]>our la défense d'une mauvaise
cause; je sais que vous avez de h jiiéié,
que votre Ame est renifilie de t( ndres senn-
menis de religion : mais nous croyez-vois
des impies ? n'avons-nous f-as une re!igi->n
et des dieux, et la piité est-elle bannie do
nos temples ? Toute la terre adore les mêmes
divinités q le nous, et nos augustes |)rinces
sont les [)iemiers à leur rendre leurs hom-
mages. Au reste, nos oieux aiment la joii' :
c'est au milieu des banquets somptueux
qu'on leur adresse des piières ; et les vœux
qu'on leurfatt ne sont jainiis mieux exaucés
que lorsqu'on les accompagne de jeux, de
danses el de charmants concerts. Que vous
dirai-je, entin ? l'amour et les plaisirs, la
bonne chère et les vins délicieux, la magni-
licence des spectacles, les agréables intri-
gues du théâtie ; en un uîoI, les phis doux
))asse-lemps de la vie font la pins grande
partie de leur cuite. Mais pour vous, vous aviz
une religion sombre et ch.igrine : vous ado-
rez un homme qui a été cloué à une croix,
qui ne |)eut souifrir ((u'on jouisse de tais
ces plaisirs, qui cond nnn ' la joie, qui se
plaît à avoir dus adoraleu-rs evlénués par les
jeunes ; enlin, qui conseile une clia^teto
triste et infé>; nde. Mais apr'^s tout, (;uel
<q)pui peut-un attendre de ce Dieu, quel l)i'nî
peut-il faire a ceux qui -'vdla- lient à son
service, lui qui n'a pu garai;tir sa vi(^ de 1 at-
tentat formé co: ti'e elle par le> dtrn .rs des
IiouniKîS ? J'ai bien voulu vous reprcsen' r
toutes ces choses, aiin qu<-, renonçant <\ cet o
leligion larouc-he. et sauvage, vo.is ih' son-
giez pins qu'à passer votre jeunesse ii'<rmi
les doux et tendres amu-enn-nts de cel âge,
destiné par la nature h la joii ssaïK. d>- tous
les contcuteiiKnils que le monde oll're à ceux
(|ui (iii sav( Ml l'aire un bon us.ige. » Le b eii-
h(!ureux J"]pii)0(l(î ré,;ouilit ai go.ivein.nr
en ces teimes : « La lAiAce di' Jésus-Christ
mon maître, el la foi catholicpie ipie je nro-
l'> sse, ne me laissinont jamais surprenurc il
la douceur empoisonnef de vos paroles.
> «lus feignez d'être sensible aux maux (|uo
135
ALI-:
je me prépare ; mais sachez que je ne regarde
cette fausse compassion (pie comme une v<';-
ritable ciu.iuti^. La vie (\ue vous me [)ropo-
sez est pour moi une élernclle mort, et la
moiidont vous me menacez n'est qu'un {)as-
sage h une vie <iui ne linira jamais; il est
glorieux de mourir d'une main comme ia
vôlre, accoulum(^e <i répandi'c le sang de
ceux (pii refusent d"ai»andt)'iner le parti de
la vertu. Au reste, ce Dieu que nous ado-
rons, ce souverain Seigneui- de tout l'uni-
vers ; en un mot, ce Jc^sus que vous diies
avoir soutF(^rt le su|)p!ice de la croix, savez-
vous qu'il (^st ressuscité ? qu'Homme et Dieu
tout ensemble il s'est élevé dans le ciel par
sa propre vorlu, traçant lui-même à ses ser-
viteurs un chemin à l'immortalité, et leur
préparant là-haut des trùnes tout brillants
de gloire ? Mais je m'aperçois que ces choses
sont trop relevées [)our vous, je veux bien
me rabaisser en votre faveur et vous parler
le Jaiiga^ie des hommes. Les ténèbres dont
votre esprit esl couvert sont-elles si éjiaisses
qu'elles ne vous laisse; t pas voir (jue tout
homme est composé de deux 'iitférentes sub-
stances, l'àme ei \(^ c -rps qui lui obéit ; ces
plaisirs infâmes que vous me vantez tant
flattent agréablement le corps, mais il s donnent
la mort à l'âme. Pour nous, nous prenons
le parti de nctre ame contre notre corps, et
nous la défendons des vices qui l'attaquent.
Ne nous vantez [loinltant votre piété envers
vos dieux immortels : le premiei- et le plus
grand de vos diiux, c'est \otre ventre; vous
lui sacrifiez la pius noble partie de vous-
raém s ; et vous rabaissant jusqu'à la nature
des bêtes, après avoir vécu comme elles,
vous naîtendez qu'une fin 'pareille à la leur.
Mais lors(|ue nous périssons par vos ordres,
que font vos tourments, sinon de nous faire
passer du temps à l'éternité, et des misères
d'une vie mortelle au bonlieur d'une vie qui
n'ist plus sujette à la mort? » Le gouver-
neur ne put lefuser son admiration à un
discours si rempli de sagesse et de généro-
sité ; il en fut toucijé : mais ce sentiment
ne dura p;.s longtemjis, et la honte, le dépit
et la ra,^e lui succéder, ni bi ntôt avec tou-
tes les hcrreurs qui les accompagnent. Ne
pouvant donc '"ési-ter à ces trois furies, il
commanda qu'on frappilt à coums de po;ng
celle bouche qui avait [.arlé avec tant d'élo-
quence. La douleur que ressentit le saint
maityr ne fit qu'afiVrmir sa constance; et,
malgié le sang qui sortait de sa bouche avec
une partie de ses dents, il ne laissa pas ue
profé.er ces paroles : « Je confesse; que Jé-
sus-Chrisi est un seul Dieu avec le i*èi e et
le Saint-Espiit ; il est juste que je lui rende
une (Uiie q li est sortie de ses mains et qu'il
a rache et; de son sang. Ainsi la vie ne m'est
point ôtée, elle n"est que cliangée en une
plus heureuse ; et il m'im[)orte peu de quelle
manière ce corps cesse de vivre, })Ourvu que
l'espiit qui i'anmie retourne à celui qui lui
a donné l'être. » A peine saint Kpipode eut
fini ces derniers mots, que le juge le fit éle-
ver sur le chevalet et placer des bourreaux
à droite et à gauche, qui lui déchirèrent les
ALÈ 1S4
côtes avec des ongles de fer. Mais voilh
(pie tout à cou[) on entend un bruit elfroja
ble : tout le peuple demande le mari^^r;
il veut qu'on le lui abandonne. Les uns ra-
massent des pierres j)Our l'eu accabler; les
autres, plus furieux, s'ollVent à le mettre en
piôc(3s ; tous enfin trouvent la cruauté du
gouverneur trop lente à leui'gré. 11 n'est pas
lui-nuîme en sûreté. Surpris de cette vio-
lence inopinée , il craint (ju'on ne viole le
respect dii à son caractère, el désirant assou-
|)ir dès sa naissance ce commencement de
sédition, il fcut enlever le martyr, et, sans
donner le temps aux. mutins de poursuivre
leur attentat, il le fait tuer d'un coup d'épéc.
Ainsi, par une disposition favorable de la
Providence, l'emportement les ennemis de
saint Epipode ne fit que hâter la fi:i de son
martyre , Jésus-Christ se h.Uant lui-même
de couronner son serviteur. Ce|)endai.t le
gouverneur bi ûlait d'impatience tle tremper
dans le sang d'Alexandre ses mains encore
fumantes de celui de son cher Epipode. Il
1 avait laissé un jour en prison, et remettant
son interrogatoire au jour suivant , il se le
fit amener uans le dessein de pouvoir par
son supplice rassasier sa fureur et celle de
tout le peui)le. Il fit toutefois son etfort sur
lui-môiue, et, retenant avec peine les mou-
vements imj)étueux d'un couiroux a eugle,
il vouiut bien tenter la voie de la douceur
avant que de prendre celle des tourments.
« Vous voilà, lui dit-il, encore maître de
votre destinée ; pruiiiez du délai qu'on vous
douiie et de l'exemple de ceux qu'un f<-l en-
têtement a lait péiir. Grâces aux dieux im-
mortels, nous avons fait une si bonne guerre
aux sectateurs du Christ, que vous êtes pres-
que le seul qui soyez resté de ces misé.ables :
car enfin ajiprenez que le comjiagnon de vo-
tre impiété ne vit plus ; cessez donc de vous
piome.tre l'impunité si vous persévérez
d.ins votre crime ; ayez pitié de vous-même,
et venez remercier les d.eux d'une vie qu'ils
ont la bonté de vous conserver. — C'est à
mon Dieu (|ue je dois toute ma reconnais-
sance , répondit AlexatKiie , que son nom
adorable suit béni à jamais. Vous croyez
m'épouvanler par le souv>-iiir que vous l'ap-
peîez dans ma mémoire des touiments C|ue
tant de martyrs ont enduri'S ; mais sacîhez
que vous ne faite- qu'enilammei- davantage
l'urde.ir que j'ai de les suivre en reir.içant
à mes yeux leurs tr.omphes. Pensez-vous
avoir fa.t péiii- ces âmes bienheureuses, que
vous avez chassées >ie leur co ps à fui ce de
supplices; désabusez-vous, eles sont dans
le Ciel où elles régnent. Mais le cr-oirez-vous ?
ce sont les persécuteurs eux-mêmes qui ont
péri en cette rencontre. Que j'ai pitié de
l'erreur oii je vous vois ! Ce nom sacré, que
vous vous imaginez pouvoir éteindre dai.s
les flots de sang que vous versez, n'en est
que [dus éclatant. Cette religion que vous
prétendez renverser par vos faibles eU'orts ,
c'est Dieu qui en a jeté les fondements, ils
sont inébranlables ; la vie puie et sainte des
chrétiens soutient l'édifice, et leur mort pré-
cieuse l'augmente el l'embellit. C'est' cq
iôo
ALE
ALE
ize
niêiiie Dieu qui a fait le ciel et la terre , et
il règne par sa justice dans les enfers. Ap-
prenez que les âmes auxquelles vous croyez
donner la mort s'éihappent de vos mains et
prennent leur essor vers le ciel où un
royaume les attend, au lieu que vous descen-
drez dans l'enfer avec vos dieux. En faisant
mourir mon cher frère, vous avez assuré son
bo'.dieur, et je meurs d'impatience de le par-
tager avec lui. Qu'attendez-vous donc? Je suis
chrétien, je l'ai toujours été, je ne cesserai
de l'être. Vous i)ouvez cependant tourmen-
ter ce corps qui , étant formé de terre, est
sujet aux puissances de la terre ; mais mon
âme, d'une nature toute céleste , ne recon-
naît point votre i)Ouvoir; et celui qui l'a
créée saura bien la garantir de votre cruauté. »
Ce discours ne lit qu'augmenter dans l'âme
du gouverneur la honte et la colère. Il lit
étendre le saint martyr les jambes écartées,
et trois bourreaux le frappaient sans relâche.
Ce tourment ne diminua rien de la sainte
fierté de ce généreux athlète , et il no s'a-
dressa jamais qu'à Dieu pour implorer son
secours. Comme sou courage ne se démen-
tait point , et qu'il commençait à lasser les
bourreaux qui s'étaient déjà relayés plusieurs
fois, le gouverneur lui demanda s'il persis-
tait toujours dans sa première confession.
« Oui, répondit-il, d'un ton d'autorité, et qui
témoignait la grandeur de sa foi ; car vos
dieux ne sont que de mauvais démons ; mais
le Dieu quej'adore, et qui seul est tout puis-
sant et éternel , me donnera la force de le
confesser jusqu'au dernier soupir. Il sera le
conservateur et le gardien de ma foi. » Le
gouverneur dit alors : '( Je vois la pensée de
ces misérables ; leur fureur insensée est
montée à un tel point , qu'ils mettent toute
leur gloire dans la durée de leurs soutiVan-
ces , et ils croient par là avoir remporté une
victoire signalée sur ceux qu'ils nomment
leurs persécuteurs ; mais il faut les guérir de
cette folle présomption. » Puis, s'etforçant
de prendre un ton [)lus grave et plus modéré,
il prononça celle sentence : « Etant une
chose contraire au bon exemple et au respect
dû à la religion des dieux et à la dignité de
notre siège , de soull'rir plus longtemps l'o-
piniâtreté impie du nommmé Alexandre ,
convaincu de christianisme ; et comme ce
serait en quehpie sorte s'en rendre com-
plice que d en dilïérer la punition, nous or-
donnons qu'il sera attaché à une croix |)0ur
y expier son crime par sa mort. » Les bour-
reaux prirent aussitôt ce saint et le lièrent
à ce bois qui est devenu le signe de notre
salut. 11 n'y demeura pas beaucoup sans y
expirer; car son corps était si fort déciiiré
dans cette cruelle llagellation, que ses cotes
décharnées laissaient voii- à découvert les
entrailles. Ayant donc son âme unie à Jé-
su.s-(Jhrist, il la lui rendit en invo([uanl son
saint nom. Im lomheau réunit deux amis
que la mort seule avait pu séparer durant
<{iit;lqu(.'S moin(;iils ; les lidèlcs, ayant enlevé
secreleuKuit leurs corj^s , allèrent cacher ce
pieux larcin dans un endroit iMconnii aux
inlideles. Il y avait sur le penchant d'une des
collines de la ville un enfoncement couvert
d'arbres épais ; là , parmi des broussailles ,
on trouvait une espèce de grotte : la chute
des eaux l'avait insensiblement creusée , et
leur humidité féconde avait fait naître à l'eii-
tour des ronces et des épines qui en déro-
baient la vue à ceux que le hasard condui-
sait en ces lieux écartés. Ce fut cette ca-
verne qui fut choisie j)Our être la dépositaire
des sacrées dépouilles de uos martyrs, et qui
les mit à couvert d'une seconde persécution
des païens, qui, par une inhumanité incon-
nue aux peuples les plus barbares , refu-
saient aux morts le repos de la sépulture. Ce
lieu est devenu dans Ja suite célèbre par les
miracles qui s'y o[)èrent tous les jours, et qui
y attirent la dévotion du peuple. Et voici ce
qui commença à le mettre en réputation :
une maladie Contagieuse ravageant toute la
ville de Lyon, un jeune homme de condition,
consumé des ardeurs d'une lièvre maligne,
fut averti en songe d'avoir recours aux re-
mèdes que lui donnerait une certaine femme
qui lui fut nommée. C'était celle-là même
qui avait le soulier de saint Epipode. Elle
fut fort surprise de la prière qu'on lui faisait
de vouloir s'employer à la guérison de ce
jeune gentilhomme ; elle dit ingénument
qu'elle n'avait aucune connaissanc de la mé-
decine; qu'à la vérité elle avait guéri plu-
sieurs maladies par le moyen du soulier qui
avait servi à un saint martyr, et que Dieu
avait fait tomber entre ses mains pour la
récompenser de l'hospitalité qu'elle avait
exercée envers ses serviteurs. En môme temps
Lucie (c'est ainsi que se nommait cette cha-
ritable veuve) lit la bénédiction sur un verre
d'eau, qu'elle présenta au malade ; il ne l'eut
pas i)lutot ])ris, que le feu de sa lièvre s'é-
teignit, non par un ettel naturel, mais par
un miracle de la toute-])uissance divine. Le
bruit de cette merveille se répand par toute
la ville ; la foi' chrétienne est exaltée, le pou-
voir des saints est reconnu. Une multitude
de peuple court en foule au tombeau des
martyrs, demande la santé, la reçoit, et avec
la santé, la grâce du ciel et la lumière de
l'Evangile ; on ne cherche que la guérison
du corps, et on obtient encore celle de l'âme.
Les miracles se multii)lient, et, à l'aspect de
cette sainte caverne, les démons sortent i\i's
corps, les maladies prennent la fuite , tous
les maux disparaissent , et il s'y })asse de si
grandes choses, que l'incrédulité est obligée
d(î se rendre malgi-é elle à l'évidence des
faits. (îardons-nous donc d'être incrédules ;
la i)uissance de Dieu aime à se découvrir
aux esprits dociles, elle les favorise, elle les
aime ; mais elle se réserve pour ceux (pii
(hjulenl, et elle ne daigne riiMi opérer eu
leur faveur. (Kuiuarl. ) — G, 22 et 2'i. avril.
AEEXANDUK (saint), fut martyrisé à Lyon
durant la pcu'sécution de Marc-Aurèle. 11
était de Phrygii; et médecin. « C'était un
homiiKi révéré (h; tous les lidèles pour son
• irdeiitc! charité enver's Dieu, et pour celle li-
bellé vraiment ajxistoliipK! avec laquelle' il
prêchait la loi de Jesiis-llhrisl (car il avait
reçu de lui la grâce et la mission pour aiuion-
137
ALE
ALE
11^8
nor .os vtTilôs de l'Evangilo i ; et! saiiil
lionuiie s'(Hait a|)|)roL;lu'' du liibunal, et par
tif's signes i-t'(l()ul)l('s cxlioi'lail ceux (|iii su-
bissaient riuterrogaloire à denieurei' l'eruies
dans la loi. A lo voir s'agiter, l'aire des Res-
tes (le la main et ilos mouvements do la tète
et des yeux, et don-ier h tout son corps di-
verses contorsions, ou l'eût pris |)Our une
Ceunne <]ui soutire les tranchées de l'enlan-
Irmefit. Le i)eui)le qui s'en a[)erçut et qui
('•(ait au désespoir de ce que ceux (pii avaient
renoncé la foi la confessaient avec une nou-
velle ferveur, tourna l(mte sa rage contre
Al(!xandre, l'auteur de ce cliang(Mnent, qu'il
rei;ardait connue un crime énorme, et l'ayant
sur l'heure déféré au gouveineur, ce magis-
j trat lui demanda qui il était : il lépondit
■ (|u'il était chrétien; ce qui ayant mis le juge
en co!ère, il le condannia aux bêles. Le len-
demain donc, on le vit entrer avec Atlale
dans rampliilhéàtro ; car lo président, pour
faire plaisir au peui)le, avait résolu d'cxp(3-
ser encore celui-ci aux bètes. Ainsi l'un et
l'autre, après avoir enduré tous les tour-
monts ordinaires de l'amphithéâtre, furent
égorgés. Alexandre ne poussa pas le moin-
dre soupir ; mais se retirant, |)Our ainsi dire,
tout eu lui-même, il s'entre: int toujours
avec Dieu. )i (Ruinart.) — Sa fête arrive le
•22 avril.
ALEXANDRE (saint), versa son sang pour
la défense de la foi chrétienne, avec saint
Gains, à Apamée en Phrygie : nous ne savons
sur leur compte que ce que nous dit Eusèbe
d'après Astérius IJrbanus, auteur contempo-
rain. Tous deux étaient de la ville d'Eumé-
nie, dans la grande Phrygie. Cette contrée
était celle oii les montanistes avaient fait le
plus (le progrès ; elle était entièrement in-
fectée de leur hérésie. Quand par hasard des
catholiques se trouvaient arrêtés avec des hé-
rétiques, ils se séparaient d'eux et déclaraient
qu'ils n'avaient jjas la môme foi. Les deux
sanits de qui nous parlons, s'étant trouvés
arrêtés avec des montanistes, déclarèrent
qu'ils se séparaient entièrement d'eux, et que
leurs croyances n'étaient pas les mêmes. On
met leur martyre sous Marc-Aurèle, d'au-
tres le placent sous Sévère. L'Eglise célèbre
leur fête le 10 mars.
ALEXANDRE (saint), de Jérusalem, évê-
que et martyr, fut un des plus glorieux dis-
ciples de la fameuse école d'Alexandrie. Ce
fut 1.1 qu'il étudia les mystères de notre re-
ligion, sous saint Panthène et sous saint Clé-
ment. Il y eut pour condisciple le fameux
Origène, avec lequel il resta toujours étroi-
tement lié. 11 fut un de ses protecteurs les
plus constants et les plus dévoués durant les
épreuves et les persécutions qu'il eut à sou-
tenir, par suite de l'envie que lui portait son
évêque. Nous transcrirons ici Ruinart pour
ce qui concerne ce saint évêque.
Nous n'avons point les Actes de saint
Alexandre, évoque de Jérusalem et martyr,
mais nous avons cru pouvoir y suppléer en
quelque sorte parce lecueil de diverses par-
ticularités concernant sa vie et sa mort, qus
nous avons tirées d'Eusèbe et des autres au-
DlCilONN. OES PeUSKCI TIONS. l.
(ions auteurs ue rHisloir(î (■(;clésiaslique. Ou
ne sait l'ien do positif de son pays, ni d(^ la ma-
nière (prili)assa les [tremières années de sa
vie;et leshistori(Misnouslemontrent tout d'un
co(q» dans les fei'S, combattant |)Our Jésus-
Christ, sous le règne et (hirant la persécution
de Sévère, environ Tan 20'i..Au reste, nous au-
rions assez de [)eti(hant à croii-e (ju'il était [)Our
lors évèipu' dans la j)rovi)ice de Cappadoce, si
ce sentiment pouvait s'accoi'der avec une
lettre (|u'ii écrivit en c(î temps-là de sa pri-
son au peuple d'Antioche, au j-ujet de l'or-
dination d'Asclépiade, dans la(fuelle il ne
j)rend pas la qualité d'évê(]ue, mais simple-
ment celle de serviteur et de prisonnier de
Jésus-Chiist. Après la mort de Sévère, la
l)aix ayant été rendue à l'Eglise, Alexandre,
étant d(''jà évè(jue en Cap|)adoce, mais dune
église dont ou ignore le nom, lit un voyage
à Jérusalem pour y rendre ses vceuxau tom-
beau de Notre-Seigneur Jésus-Chrisi. Il y ar-
riva dans le temps que Narcisse, évoque de
cette ville sainte, et do retour depuis peu
dansson église, aprèsunefortlongue absence,
la gouvernait à l'âge de près de cent ans. Ce
saint vieill-ard, croyant n'avoir pas assez de
force pour soutenir lui seul ie pesant fardeau
de i'épiscopat, jeta les yeux sur Alexandre,
pour s'en décharger sur lui d'une partie. La
chose réussit comme il l'avait projeté;
Alexandre fut retenu à Jérusalem, et, avec
l'applaudissement du clergé et du peuple,
placé sur le même trône avec Narcisse par
les évêques de la province. A la vérité, il fut
nécessaire que le ciel se déclarât en faveur
de cette élection par des révélations divines
qui portèrentle [teuple et le clergé à la faire,
et par divers miracles qui la confirmèrent.
Et certainement une chose aussi extraordi-
naire que celle-là, et si formel. enient oppo-
sée aux canons et à l'usage, devait avoir de
pareils garants pour n'être pas condamnée
])ar les autres églises. Rufin s'étend beau-
coup sur ces révélations ; car, après avoir
parlé de l'arrivée de saint Alexandre à Jéru-
salem, il ajoute que le ciel déclara sa vo-
lonté évidemment par des révélations et des
signes miraculeux, non-seulement au bien-
heureux Narcisse, mais aussi à phisieurs
personnes du peuple ; que celui qui parut le
plus manifeste etle plus éclatant futcelui-ci :
le jour qu'Alexandre devait arriver à Jéru-
salem, plusieurs fidèles étant sortis hors
l'une des portes de la ville pour le recevo'r,
on entendit distinctement une voix venant
du ciel qui proiéra ces paroles : « Recevez
))Our votre évêque celui que Dieu lui-même
vous a destiné. » Mais ce ne furent pas seu-
lement ces prodiges et ces lévélations qui
contribuèrent à élever saint Alexandre sur
le trône épiscopal de Jérusalem ; la glo-
rieuse confession qu'il avait faite du nom de
Jésus-Christ ne fut pas un motif moins puis-
sant pour y déterminer les évoques etlei)eu-
ple. Eusèbe a piis soin de nous marquer ce
motif, en même temps qu'il nous marque
Tannée de cet événement. « Sévère, dit cet
hisLorien, ayant tenu l'empire dix-huit ans,
le laissa par sa mort à son fils Antonin, sur-
5
150
ALE
ALE
140
nommé Caracalla, pour la manière bizarre
dont il s'Iiabillait ordiiiairemetit.Ce fut pour
lors qu'Alexandre, du nombre de ceux qui
avaient généreusement combattu durant la
persécution, et qui, par une providence par-
ticulière, avaient survécu à la cruauté des
bourreaux et à la rigueur des tourments, fut
élevé à l'épiscopat en considération de cette
généreuse et fidèle persévérance à confesser
Jésus-Christ, quoique Narcisse, qui en était
évoque, fût encore en vie. » Au reste, les
canonistes remarquent dans cette ordination
deux défauts considérables et directement
op[)Osés aux règles de la discipline ecclé-
siastique ; premièrement, en ce qu'Alexan-
dre fut transféré d'un siège à un autre ; en
second lieu, en ce que, du vivant même de
révoque Marcisse, il lui fut donné pour suc-
cesseur, ou du moins pour coadjuteur, n'y
avant encore eu dans l'Eglise aucun exem-
ple de ces sortes de substitutions; et voilà
où l'on f)eut prendre l'origine des coadju-
teurs, qui sont maintenant un peu plus fré-
quents qu'ils ne l'étaient eii ce temps-là. A
la vérité, Alexandre doit plutôt être nommé
successeur que coadjuteur de Narcisse,
comme le remarque M. de Valois, et comme
Alexandre semble Tinsinuer lui-même dans
sa leltre au peuple d'Antinoé, « Narcisse,
leur dit-il, vous salue, cet illustre vieillard,
âgé de cent seize ans, qui avant moi a rem-
pli si dignf'ment le siégede Jérusalem ; d'où
ron pourrait conclure quon aurait conservé
à Narcisse le nom d'évêque et les honneurs
de l'épiscopat ; mais qu'Alexandre en aurait
eu l'autorité et la juridiction, qu'il aurait
exercée non pas au nom de l'ancien, ce que
font aujourd'hui les coadjuleurs, mais en son
propre nom et par le droit de son élection et
de sa consécration. «Après tout, il faut avouer
de bonne foi que presque tous les anciens
auteurs ont dit quAlexandre avait été l'ad-
joint de Narcisse et son collègue dans l'évè-
ché de Jérusalem. Au reste, quoique les ca-
nons, pour réprimer l'ambition ou l'avarice
de certains ecclésiasli({ues, eussent défendu
ces sortes de translations d'un siège à un au-
tre, et ((u'on donnait des coadjuteurs aux évo-
ques, de crainte qu'une môme église eût en
même temps deux époux vivants, toutefois,
lorsqu'une nécessité pressante semblait
l'exiger, et que sans avoir égard à l'ulililé
. des particuliers, on n'avait en vue que les
besoins de l'Eglise, alors les évoques as-
semblés dans un concile provincial pou-
valent dispenser de ces règles, conuno il pa-
rait |iar plusieurs exemples (fue l'histoire
ecclésiiisii(iue nous fournit. I)i(;u couronna
d'un glorieux martyre les travaux qu'Ale\«in-
dre avait essuyés durant plusieurs années
dans le gouvernement de ses deux Eglises;
car Philippe, qui fut toujours iavoiable aux
chrétiens, après avoir tenulempir.' sept ans,
ayant eu pour successeur Décius, c»; nouvel
em[»(!reur, en haine de Philippe, «excita con-
tre l'Eglise une nouvelle [lersécution. Elle
enleva d'abord à Kome le pape saint Fabien,
à la place duqu(;i on élut saiiiK^orMcille. S'é-
tant ensuite étendu(^ dans la Palestine ,
Alexandre fut cité devant le président de la
province ; là, ayant remporté une nouvelle
gloire [)Our avoir confessé Jésus-Christ une
seconde fois, il fut jeté en prison, quoique
ses cheveux blancs et la pureté de ses mœurs
le rendissent vénérable à tout le monde : il
y expira après avoir persévéré jusqu'à la fm
dans le témoignage authentique qu il rendit
plus d'une fois, en plein tribunal, à la vérité
de la religion chrétienne. Le Ménologe des
Grecs en fait mention le 12 décembre, et le
Martyrologe romain le 18 mars.
ALEXANDRE (saint), martyr, donna sa vie
pour Jésus-Christ, sous le règne de l'empe-
reur Maximin 1". llfut décapité à Uiéts (dans
rOmbrie ), avec saint Silon et saint Uufm,
évêque des Marses et père de s.iint Céside.
L'Eglise fait leur fête. le 11 août. Les Actes
de ces saints, pleins d'erreurs et d'inexacti-
tudes, n'ont aucune autorité.
ALEXANDRE (saint), reçut la couronne
du martyre à Alexandrie, sous l'empire de
Dèce, en 250, et sous le gouvernement de
Sabinus. Ayant souifert pendant plusieurs
jours, avec saint Epimaque, les horreurs d'une
prison obscure, il fut tourmenté avec les
fouets, les ongles de fer, et de mille autres
manières. Le jUge voyant qu'il ne pouvait pas
abattre son courage, le fit jeter, avec saint
Epimaque, dans une fosse de chaux vive où
il fut entièrement consumé. Son corps avec
la chaux ne faisait plus qu'une masse, où il
était impossible de distinguerforme humaine.
Sa fête a lieu le 12 décembre.
ALEXANDRE (saint), fut martyrisé àCésa-
rée de Palestine, sous l'empereur Valérien,
avec les saints Malch et Prisque. Tous trois
habitaient la campagne près la ville ; sainte-
ment envieux de la couronne des martyrs,
ils allèrent àCésarée déclarer au gouverneur
qu'ils étaient chrétiens, ils furent horrible-
ment tourmentés et ensuite livrés aux botes.
L'Eglise latine fait la fétu de saint Alexan-
dre le 28 mars. ( Voij. l'article de saint Pris-
que.)
ALEXANDRE ( saint ), martyr, fut mis à
mortàEdesse,sousrempercuriNumérien,pHr
ordre du juge Théodore, avec les saints Tha-
lalée et Aslère et plusieurs autres. Voilà tout
ce qu'on sait de jtositif sur son compte, car
il ne faut pas s'en rapporter aux Actes que
nous donne RoUandus , qui, d'après lui-
même, s-mt [deiiis d'absurdités. (Voy. saint
TiiALALÉK. L'I'iglisefaitlaiêtede saint Alexan-
dre le 20 mai.
ALEXANDRE (saint), martyr, eut la gloire
de verser son sang pour hi religion à Thes-
salonique, et durant la persécution de Maxi-
mien. On ignore répoiiue et hîs ciiconslan-
ces de ses eomb its. L'Eglise honore sa mé-
moire le 9 iKjvembre.
ALEXANDUK (saint), martyr, était soldat
dans la légion Thébéenne. Ayant confessé
Jésus-Christ, il fut décapité a Rergame en
Lombardie, et accomplit ainsi son martyre.
On ignore' l'époipu; de son martyre. L'Eglise
célèbre; sa mérnoire le 20 août.
ALEXANDRE (saint), tils de saint Claude et
de sainte Prépédignc, fut arrêté [)Our la foi au
lit
ALE
ALE
in
temps de la persc^culio'i de l'eiupereiir Dioclé-
tien, avec son \)('Vii el sa mère, son oncle Ma-
xime et son IVéïeCulins. l.e lyran |)ar l'ordre
duquel ils avaient été arrètéseutd'abord égard
à leur naissaîice, et à leur positio!i. Ils appar-
tenaient ù une lamille exlrèniemenl illustre.
Il 11 s condamna d'abord à l'exil, mais bien-
tôt, se re|)er)tant d'nnc^ douceur qui n'était
ni dans ses habitudes ni dans son caractère,
il ordonna qu'ils [)érissenl tous au milieu des
llamraes. La seitence fut exécutée dans la
ville d'Ostie. Cette sainte famille mouiut
donc tout entière sur le bûchei', offrant à
Dieu son saeritice avec un courage vraiment
admirable. Les païens, qui ne voulaient i)as
que les chrétiens pussent reeueillii'leui'S re-
li(|ues, les jetèrent dans le Tibre ; mais la
plus grande partie put être reprise et enter-
rée près de la ville. La fête de ces saints
martyrs est célébrée par l'Eglise le 18 fé-
vrier.
ALEXANDRE (saint), martyr, répandit
son saMg pour la foi à Césarée en Palestine,
sous le président Urbain, dans la persécution
de Dioclétien.Le Martyrologe romain lomrae
ses compagnons de martyre, qui sont un au-
tre saint Alexandre, saint Timolaùs, les
deux saints Denys, saint Pauside, saint Ro-
mule et saint Agape. L'Eglise célè!>re la mé-
moire de ces glorieux mart. rs le 2i mars.
ALEXANDRE ( saint ), martyr, fut déca-
pité au môme lieu et dans les mêmes cir-
constances que le saint précédent. ( Voy. ci-
dessus.)
ALEXANDRE (saint), laboureur, habitait
la Pampliylie, sous le règne et durant la per-
sécution de Dioclétien. Il fut arrêté avec saint
Atte, saint Léonce et six autres laboureurs,
que le président Flavien (it décapiter à Perge.
L'Eglise célèbre leur mémoire le 1"' août.
ALEXANDRE (saint), dit le Charbonnier,
martyr, devint évoque de Comanes, dans le
Pont, dans les circonstances suivantes : les
habitanis de cette ville, qui étaient devenus
très-nombreux, sentirent le besoin d'un évo-
que sage, qui | ût les diriger dans la voie du
salut. Vers l'an 248, ils députèrent vers saint
Grégoire le Thaumaturge, pour le prier de
venir les soutenir de ses conseils dans l'élec-
tion qu'ils voulaient faire d'un évèque. Au
jour désigné, on présenta au saint évoque
plusieurs candidats remarquables par leur
richesse et leurs connaissances. Mais aucun
ne plut à saint Grégoire, qui dit au peuple,
que dans une sphère moins élevée , on
pourrait trouver un homme digne de les di-
riger. Un assist.Tnt dit en plaisantant que
l'on pourrait donc fixer le choix sur Alexan-
dre le Charbonnier. Le saint évèque pria les
assistants de lui amener cet homme, qui se
présenta les mains et le visage couveits de
poussière, qui, par sa couleur noire, témoi-
gnait assez du métier qu'il faisa.t. Le
peuple l'accueillit par des rires. Mais saint
Grégoire, faisant approcher cet homme, causa
avec lui, le reconnut pour être au-dessus de
sa profession, et lui ût avouer qu'il était
d'une noble famdle, et se livrait ainsi au mé-
tier de charbonnier, afin de gagner plus
sûrement le ciel. Saint Grégoire raconta
son histoire au peuple, qui le désigna aussi-
tôt poiu- son évè(pie. Al xaiidn; répondit
y)arfaitenient à la haute i(]é(^ que saint (Gré-
goire le Thaumaturge s'était formée de lui
el mérita que saint Grégoire de Nysse, dans
son panégyri(pie de saint (irégoiie le Thau-
maturge, parIcU de lui en termes fort hono-
rables. Ce saint évèque soullrit le martyre par
le feu. On n'est pas d'accord sur l'époque de
sa mort, maison la [)]ace généralemcmt dans
le temps de la persécution que l'empeieur
Dèce (it souffrir aux chrétiens. L'Eglise ho-
nore sa mémoire le 11 août.
ALEXANDRE (saint), soldat, eut la tête
tranchée pour la foi durant la persécution
de Maximien. Il accom|)lit, dit-on, de i. om-
breux miracles, et soutint (ie violents com-
bats pour la sainte cause qu'il défendait, il
consomma son sacrihce dans la vihe de
Drisipare en Pannonie. L'Eglise fait sa fôte
le 27 mars.
ALEXANDRE (saint), l'un des soldats qui
gardaient saint Victor dans sa prison à Aiar-
seille, se convertit en voyant la lumière mi-
raculeuse qui éclaira, duiant la nu. t, cette
prison. AJaximien l'ayant su, tii venir saint
Victor avec les trô s soldats conveitis,
Alexandre, Longin et Félicien, et les ht dé-
capiter tous les trois. L'Eglise honore la mé-
moire de ces troio saints, avec celle de saint
Victor, le 21 juillet. {Voy. saint Victor de
Marseille.)
. ALEXANDRE (saint), martyr à Pyane ,
avait d'abord été [laion, et même ardent per-
sécuteur des chrétiens. Il se convertit, sans
que ses Actes disent de quelle manière. Rol-
landus raconte sa vie au 14 lùars. Galère lui
fit tranchiT la tète en l'année 298.
ALEXANDRE, gouverneur à Séleucie ,
sous Dioclétien, en l'an de Jésus-Christ 304,
fit mourir pour la foi chrétienne sainte Ju-
htte et son Ids saint Cyr, a^é seulement de
tioisans. Cet homme féroce le ht d'aboid
frap.erà coups de nerf de bœuf, et ensuite ,
l'ayant pris par un pied, lui brisa la têt • sur
les marches de son tribunal. (Voy. sainte
JULITTK.)
ALEXANDRE (saint), martyr, l'un des
quarante m.utyrs de Sébaste, sous Licinius.
{Voy. Maktyus de Sébas:e.)
ALEXANDRE (saint), martyr, souifrit
pour la foi 3 Corinthe, sous Julien l'Apos-
tat et le président Salluste. L'année de son
martyre est inconnue, et les martyrologes ne
donnent point de détails sur ses souliVan-
ces. L'Eglise honore sa mémoire ie 24 no-
vembre.
ALEXANDRE (saint), martyr, fut marty-
risé à Alexandrie, sous Juhen l'Aposlal, avec
Palermuthe el Copiés. On ignore eu quelle
année. L'Eglise célèbre la mémoire de ces
sainls martyrs le Ojui.lct.
ALEXANDRE (saini), po lier, fut marty
risé pour ia religion de Jésus-Christ, en l'an
3*J7, sous l'empire d'Arcadius. Les païens
du canton d'Anaune (aujourd'hui Val-d'A-
nayna) le mirent à mort, avec saint Lici
nius et saint Martyrius. Pour plus de détails
r.3
A LE
A LE
144
(Voi/. saint Licimls.) L'Kglise honore saino-
nioire lo 29 mai, jour anniversaire de sa
mort,
ALRXANDRK (saint), martyr, donna sa vie
avecHéraclius, soldat et leurs compagnons,
dont le Martyrologe romain ne donne pas
les noms, et "dans des circonstances (}iril a
laissées obscures. L'Eglise ci-lèbre leur m^j-
moire le 2*2 octobre.
ALEXANDRE (saint), martyr, éiait soldat
à Constantinople. Ce fut sous le i)résident
Festus qu'il cueillit la palme du martyre :
voici à quelle occasion. Sainte Antoniue
avait été condamnée à être prostituée dans
un lieu de débiuche : notre saint la fit éva-
der et se mit à sa place. On les fit soulfrir
ensemble ;i's eurent les mains coupées et
furent ensuite jetés dans un brasier ardent.
On ignore l'époque où finit leur martyre.
L'Itg'dse honore la mémoire de ces deux
saints martvrs le 3 mai. •
ALEXANDRE (saint), honoré par l'Eglise
comme martyr, à la date du 17 octobre , fut
mis à mort pour la foi chrétienne, avec les
saints Victor et Marien. L'histoire se tait sur
les détails de leurs combats.
AI>EXANDHE (saint), martyr, honoré })ar
l'Eglise le 17 mars, fut martyrisé à Rome
avec ^aint Théodore. On ne connaît pas l'é-
poque précise de son martyre.
ALEXANDRE (saint), rnartyr, cueillit la
couronne des glorieux combattants de Jésus-
Christ à Rome, avec les saints Abonde, An-
tigone 't Fortunat. Tous quatre sont honorés
par l'Eglise le 27 février.
ALEXANDRE (saint), évéque et martyr à
Fiesole en Toscane, est honoré par l'Eglise
le 6 juin.
ALEXANDRE (saint), fut martyrisé à Rome
avec trente-huit autres chrétiens. Ou ne sait
pas la date de son martyre. L'Eglise le fête
le 9 février.
ALEXANDRE {siùnia), Alexandra, martyre,
versa son sang pour la foi à Amide en Pa-
phlagonie. On n'a aucun détail sur son mar-
tyre, ni sur l'époque oii il eut lieu. On sait
seulement qu'elle eut pour compagnes de
souffrances Claude , Euphrasie , Matrone,
Justine, Eupbéinie et Thi'odosc, sainte Der-
phute et sa sœur. L'Eglise les honore le 20
mars.
ALEXANDRIE, ville capitale de la basse
Egypte, aujourd'hui peu[)Iée seulement de
.VO,O0O habitants. Elle en eut jusqu'à 900,000
dans l'anlicpiité. C'était après Rome la se-
conde ville du monde connu. Cette ville fut
très-célèbre par ses richesses, son impor-
tance commerciale, ses académies, ses éco-
les de philosophie, et par sa fameuse biblio-
thèipie brûlée par Omar en (iVl. En 202, cette
ville, (jii avait pour gouveriunir Létus, fut
témoin d'une violciili! pei'sécution (jue le
gouveiTieur fit snbii' aux (;hir'li('ns, en a-j-
conq)lissement d(! l'édit que S(!ptime Sévère
venait du rcJKU'e conire eux. A cotte éixKpie
llorissiil il Alexandrie,' l'école des calécnèses,
et le christianisme faisait d'inimenses pr'-)-
)irès dans celte grande cité. Saint l,éouide.
père d'Origine, lut le premic martyr qui
souffrit |)Our Jésus-Christ dans cette persé-
cution. Plus tard, Origène étant devenu
le chef de l'école des catéchèses , eut la
gloire de voir un grand nombre de ses
disciples payer à Jésus-Christ cette rançon
de sang (jue les persécuteurs prélevaient à
cette époque sur les chrétiens. Saint Plutar-
que et ses compagnons, les deux saints Ser-
nène,Héraclide, Héron, sainte Heraide, sainte
Polamienîie, un soldat nommé Rasilide, ver-
sèrent leur sang pour la foi. Origène lui-
même faillit être victime de son zèle. Il fut
presque tué par la populace qui le lapida.
Depuis cette époque, rien d'absolument mé-
morable, en fait de persécutions, no se passa
h Alexandrie, jusqu'<à la fin du règne de
l'empereur Philippe, c'est-à-dire en 2^9. A
cette date, et dans les derniers mois du règne
de ce prince, il s'éleva une tempête popu-
laire terrible contreles chrétiens. SaintDenis.
dans une lettre citée par Eusèbe, s'exprime
en ces ternies : « La dernière année du règne
del'einpf TeurPhili]ipe,uncertaiiîhommed'A
lexandrie, quise mêlailde prédire l'avenir et
qui était au-si quelquefois saisi de la fureur
poéiique, se servit du moiifdela religion pour
animer contre les chrétiens le peuple decette
grande ville. Comme il n'avait déjà que trop
de penchant pour toutes sortes de crimes, il
fut ravi de trouver une occasion si favoi-f ble
d'accorder son inclination dominante avec
l'intérêt de ses dieux, et il s'abandonna,
sous prétexte de piété, à tous les excès que
l'enfer, dont il soutenait le parti contre le
ciel, put lui suggérer pour perdre les fidè-
les. »
SaintMétran, saint Sérapion, sainte Quinte,
sainte Apolline, furent les principales victi-
mes de cette sédition. Saint Denis termine
ainsi sa lettre. « Aucun chrétien n'osait se
montrer dc^ jour ni de nuit dans les rues
d'Alexandrie : des gens couraient aussitôt
après lui, l'arrêtaient et le menaçaient du
feu, à moins qu'il ne prononçât sur l'heure
cette formule impie et sacrilège, qu'ils fai-
saient redire après eux. Il n'y eut qu'une
guerre civile qui put mettre fin à tant de
mauvais traitements. Pendant ([ue nos enne-
mis se déchiraient les uns les autres, et qu'ils
tournaient contre eux-mêmes le fer et le feu
dont ils s'étaient servis contre nous, nous
resi)irAnies un peu. »
Nous laisserons saint Denis continuer le
récit de ce qui se passa à Ah'xandrie : « Mais
ce caliiKi ne dura ])as longtem[)s, et l'cMnjjire
ayant changé de maître, après un gouverne-
ment doux et modéré, et (juc nous avions
trouvé favorable, nous nous vîmes expo-
sés à de nouvtilles alarmes. Il parut cet hor-
rible édit de l'empereur Décins, si (M'uel et
si funeste à l'Eglise, ({u'on a douté si ce n'é-
taitpoint celui (pre leSeigneur-avaitpr-édit de-
voir êtr'c aux élus mêmes un sujet dcscandale
et dv cliuie. L'é|)(Mivanh' se répandit généra-
h'ineni parmi Ions les lidèh-s. l-^llc s'empara
d'abnr'd d(î (•eux ipri, par Icur's grands bicnis
(it Icirr's hautes digrriti's, font dans h; monde
uru! ligur'c «(Uisidér-abU) ; ds fureirt les pr'o-
niiei"' 'pii se i ehilin nt. Il y en eut (pii, par
I4l
au:
A LE
140
une mallitnii't'usf iiocessilé (rongageinoiil
([u'ils avait'iil :v;cc lo prinoc, h cause des
ad'.u'res publiiiu/s dont ils l'taiont cliarf^i'S,
se virent connue lbrc(^s à avoir pour lui une
lAche complaisance. D'autres, (pii ne pou-
vaient résister aux prières de leurs proches,
se laissaient entraîner aux pieds do Taulcl
des taux dieux ; (pu'hpnîs-uns y apportaient
nn visage |)Ale (>t défait, et (pioicpi'ils parus-
sent être dans la résolution du ne !)oint sa-
crifier, elle était toutefois si fa hle et si chan-
celante qu'on aurait plutôt cru (juMls ve-
naient pourôtre sacrifiés eux-niènies, et c{u"on
no pouvait s'empêcher do rire en les voyant
si peu résolus ou à mourir on h sacrifier.
D'autres se présentaient sans façon, et sans
s'embarrasser beaucoup de sauver les ap[)a-
rences, donnaient de l'encens aux idoles,
l)rotestaienl hautement qu'ils n'avaient ja-
mais été chrétiens. Enfin, le gi-and noml)re
se rendit honteusement; plusieurs j)rirent
la fuite, et on en arrêta ciuel({ues-uns. l^lais
parmi ces derniers, il y en eut qui n'eurent
de fermeté que pour sonll'rir la prison et les
fers, et qui la virent évanouir dès qu'ils
aperçurent le visage des juges; d'autres, qui
n'en avaient fait fond que pour les premiers
tourments qu'on leur faisait endurer, et qui
en manquaient lorsqu'on venait à redoubler.
Mais enfin la foi ne fut [)as abandonnée de
tous ; il se trouva encore de ces honnnes
bienheureux, de ces colonnes fermes et iné-
branlables et que la main du Seigneur avait
elle-même affermies, qui se sentirent une
force et une générosité capables de rendre
témoignage à la vérité de cette foi et à la puis-
sance souveraine de Jésus-Christ. »
Les saints martyrs qui donnèrent leur vie
pour Jésus-Christ dans cette persécution, et
qui sont nommés dans l'histoiie, sont les
sain! s Julien et Chronion, son domestique,
aussi nommé liune, à cause de sa fidélité à
son maître, un soldat nommé Bèse ou Besas,
les saints Epimaque et Alexandre ; saint
Macaire, nommé aussi Macar (M«x«p), les
deux saintes Anmionaire, sainte Mercurie et
sainte Denise ; d'un autre côté, les saints
Héron, Arsène ou Ater, Isidore. Saint Dios-
corc, arrêté avec eux, s'illustra par une cou-
rageuse confession du nom de Jésus-Christ.
Némésion fut martyrisé quekjue temps après
eux, ainsi qu'un saint nommé Pausophe dans
les menées des Grecs. A la même époque,
les saints Fauste, prêtre, Bibe, cité dans les
menées grecques (et non pas Abibe, comme
le dit Tillemont), et un saint Macaire, souf-
frirent avec onze antres dont nous ne savons
jias les noms. Le Martyrologe romain donne
aussi comme ayant reçu la couronne du mar-
tyi-e à Alexandrie, à cette époque, les quatre
soldats saint Ammon, Zenon, Ingénu, Pto-
lémée et le vieillard Théophile. Qu'ils aient
confessé le nom de Jésus-Christ av-'C infini-
ment de courage, cela n'est pas le moins du
monde douteux ; qu'ils aient été martyrs ,
là-dessus il y a plus que du doute : nous ci-
tons un passage de saint Denis, qui est for-
mel pour affirmer que le juge ne leur fit
aucun mal, et qu'après leur généreuse confes-
sion, ils purent librement sortir du prétoire.
i*onr voir ce morceau de saint Denis, recou-
ic/. au titre tie saint A]\i\io.\, martyr d'A-
lexandrie).
Saint Jschyrion fut tué p((ur la foi dans
une petite ville d'Egypte; mais, connue on
peut le voir à son titre, sa nuirt fut le fait
de la colère de son maître, et si elle doit être
attribuée h la persécution de Dèce, (jui per-
mettait qu'un maître se portAl iin|iunément
envers ses serviteurs à de tels excès de bar-
barie , elle ne peut en aucune façon êlic at-
tribuée ni aux juges ni aux magistrats. Nous
venons d'énumérer les noms des martyrs
d'Alexandrie que l'histoire a mentionnés
dans ses fastes. Mais « qui pourrait (c'est
saint J)enis qui parle) dire maintenant com-
bien (le fidèles, durant cette persécution ,
ont péri parmi les déserts et dans les mon-
tagnes, où la faim et la soif, le froid et la
nudité, les voleurs et les bêtes, h ur ont ôté
une vie qu'ils cherchaient à dérober à l'épée
des persécuteurs. Et si quelques-uns d'en-
tre eux ont échappé à tant d'ennemis jiar
une providence particulière, ils n'ont été
réservés que pour venir publier les victoires
de ces généreux combattants, qui, sans ces
témoins, seraient demeurés ensevelis dans
le silence des solitudes et l'obscurité des fo-
rêts. Le saint vieillard Chéremon était évo-
que de Milopse; s'étant sauvé avec sa femme
dans les rochers d'une montagne d'Arabie
(nommée Croïque |)ar les géographes) , ni
l'un ni l'autre n'ont plus paru depuis ; en
vain les frères en ont fait une recherche
exacte : l'on n'a pu même trouver leurs corps.
Plusieurs autres sont tombés entre les mains
des Sarrasins qui les ont mis aux fers; on
en a racheté quelques-uns à force d'argent,
mais il en reste encore beaucoup qui n'Out
pu encore être rachetés jusqu'ici, »
Sous l'empire de Dioclétien, en l'an de Jé-
sus-Christ 3i}k, le préfet Augustal Eustratms
Proculus fit arrêter sainte Tiiéodore, jeune
fille d'une des premières familles de la ville.
Ne pouvant l'amener à renier sa loi, il la con-
damna à perdre sa virginité dans une maison
de prostitution de la ville. Elle fut sauvée
par ledévouement d'un jeune hommenommé
Didyme, ainsi qu'on le peut voir à son arti-
cle. Le préfet les condamna tous deux à être
décapités; ce qui fut exécuté immédiate-
ment.
Sous l'empire des successeurs de Dioclé-
tien, Maximin Daia étant venu dans la ville
d'Alexandrie, en l'an de Jésus-Christ 311,
nt arrêter et mettre à mort saint Pierre cjui
en était évêque, ainsi que les prêtres Fauste,
Dion et Ammonius ou Ammon. Depuis lors
jusqu'au règne de Constance, Alexandrie fut
presque toujours en paix; mais alors elle
eut à supporter une des plus cruelles per-
sécutions dont les fastes de son église aient
gardé souvenir. Elle avait la gloire d'avoir
pour évêque le grand saint Athanase , la
plus ferme colonne de l'Eglise d'Orient, ce-
lui qui fil dans ces contrées triompher le
catholicisme de l'arianisrae. Ce saint évêque
fut le point de mire de toutes les attaques
147
ALI
ALM
m
des ariens; il tut chassé par eux plusieurs
fois de son Eglise; et les habitants catholi-
ques d'Alexandrie furent exposés à tous les
tourments, à toutes les persécutions imagi-
nables. Nous ne voulons pas revenir ici sur
des détails que le lectenr trouvera à l'article
de saint Athanase. (Foy. George.)
ALEXIS (saint), confesseur, était fils du
sénateur Euphéinien. On rapporte que la
nuit iQÔme de ses noces , laissant sa femmo
vier-;e, il s'enfuit et revint dans la maison
paternelle après un long pèlerinage. Il y vé-
cut en qualité de domestique pendant dix-
sept ans, sans se faire reconnaître de ses
parents. Il ne fut reconnu après sa mort que
par un billet qu'il avait l.iissé et par une
voix qu'on entendit, dit-on, en plusieurs
églises de Rome. Ses reliques o..t opéré do
nombreux miracles dans l'église de saint
Boniface, où le papo Innocent l"lcs avait fait
transporter. L'Egl'so célèbre sa fôie le 17
juillet.
ALGER, en arabe, Al-Gezair, ville de l'A-
frique septentrionale, capitale do l'Algérie
et des possessions françaises en Afrique,
était de temps immémorial, avant l'occupa-
tion des Français en 1830, un repaire de pi-
rates, vivant de déprédations, de pillages et
de vols. Du temps des Romains, il en éiait
ainsi. Après la conquête vand île, l'Afrique
devint le repaire du fameux Genséric qui,
se fit écumeur de mer après avoir été con-
quérant, et qui fut le fléau de tout l'empire.
Il amena d'Italie, de Grèce et d'une infinité
d'autres lieux, une multitude d'esclaves qui,
comme on peut le voira son titre, finirent
tristL'ment leurs jours sur celte terre de cap-
tivité. Depuis, toutes les dominations qui se
sont succédé sur ce sol qu'avaient iliustré
de si grands docteurs et de si nombreux
martyrs, ont semblé prendre à tàclie do
suivre les traces de Genséric. Plusieurs fois
les souverains d'Europe, justement indignés
des actes de piraterie qui se renouvelaient
sans cesse, envoyèrent châtier dais leurs
repaires les cos'saires de la cote d'Afrique ;
mais ce n'étaient pas des ch.ifiinenls qu'il
leur fallait; les cxjiéd'.tions qu'on envoyait
contre eux n'avaient pour effet rpje de dé-
vaster quelques points dulittoral, de détruire
quel |uos u)onume Ils dais les cités qu'on
bombardait; miis ijuelque temps après les
piiateries rccounnençaient , les insultes \\
l'humaiiité redevenaient journalières. Quand
les souverains cliAtiaient ainsi ces barbares,
géiieialem.îut ils causaient, sans le vo .loir,
\'A mort d'un grand nombre de chrétiens,
sur lesquels tombait la vengeance des mu-
sulmans. Ainsi, (piand l'escadre de Du-
:îuesne parut, ei 1()8:{, devant Alger, tes
Turcs mirent le I*. Le Vacher h la gu(!nle
d'un canon, et ur» boulet (uuporla son coips.
Mic'nd Monluia'-so 1 subit le même su[)plice
le 5 juillet l(o8, (piand l'amii-al d'KsIrées
[larul dev.jul Algei- ; W i'rèic François Fran-
cillon, de l'ur-lrode la Mission, mourut avec
Ini de la mùmi! m.inière.
ALISE, petit village du diocèse d'Autun
en Bourgogne; sainte Reine y fut marty-
risée. Autrefois Alise, sous le nom ù'Aleeia,
était une ville considérable, qui souùnt
contre César un siég' mémorable.
ALMANCA (Antoine d'), prêtre portugais,
fut un des derniers prêtres catholiques qui
restèrent en Abyssinie, après le départ ou
la mort des missionnaires, lors de la crueilo
persécution que Basilidjs, Négous du pays,
suscita contre les catholiques. [Voy. Melca
ClIRISTOS.)
ALMAOUE, nom du préfet du prétoire,
qui, d'après les Actes de sainte Cécile, fit
mettre à mort, pour cause de christianisme,
cette sainte, ai isi que Valérien son mari,
Tiburce, son beau-frère, et Maxime, l'un de
ses propres ofiiciers, lequel s'était converti,
en voyant comment les saints que nous ve-
nons de nommer supportaient les tourments
pour leur foi. Il fit mourir tous ces saints
sur la voie Appienne. L "s Actes de sainte
Cécile qui donnent tous ces détails, sont
remplis de faits qui obligent à n'y ajouter
qu'une foi très-douteuse. L'histoire n'a point
enregistré le nom de ce préfet du prétoire.
ALMAQUE (saint), martyr, était un pau-
vre solitaire d'Oritnit, qui vivait dans le dé-
sert, se livrant à la contnnnlation et priant
ponrce monde qu'il avait abandonné. Par
lois ses bruits arrivaient encore à son oreille
et venaient rappeler à son cœur de tristes
souvenirs. Il songeait aux crimes qui souil-
laient encore le monde romain, malgré la
régénération chrétienne. Il déplorait que la
lumière évangélique n'eût pas encore effacé
complètement les restes de la barbarie
païenne. Ainsi quand il songeait que des
hommes enfants dn même Dieu, tous rache-
tés de son sang, s'entre égorgeaient dans les
amphithéiUres pour le ilaisir des assistants,
il gémissait dans son cœur et demandait à
Dieu de faire cesser un tel étal de choses.
Ses prières et ses larmes montaient sans
cesse au ciel, comme une invocation; c'é-
tait là son but, c'était la part de bien qu'il
était provide iliellenient destiné à accomj)lir.
Ainsi fait chaque homme ici-bas, s'il suit
les voies de sa destinée. Chacun de nous,
connue une pierre dans un vaste édifice, a
une place à ienq)lir, un;? œuvre à mener h
bi(m. Ce n'est })as assez peut-êtr ■ poui- les am-
bitions, pour les convoitises du cœur; c'est as-
sez [)our le ciel, c'est assez pour la vraie gloire.
Les hommes qui se dévonent h \\\ fait, à
une œuvre, sont les hounnes prali(iues, les
honnues utiles. Saint Vincent de Paul
avait rêvé e salut, le rachat des petits en-
fants abandonnés ; et saint Vincent de Paul
fut un des bienfaiteurs de l'hunumité. Notre
solitair(! av. it rêvé l'extinction des combats
de gladiateurs ; pauvre iUncs simple, onibt'a-
sé(î d'amour pour ses semblable-, il croyait
dans la naivelé d'u'i saint, (pi'il allait arrêter
la fincnrdes combatlants et atleindre son but
\)\w sa pro()r(! [juissance. N'admirez-vous pas
la l'olie d(! c<! saint lionnne, pcntanl de son
d'Vserl |)our vcniir à Home accoinpii" son des-
sein. Le voilà daîis la grande ville, perdu
dans C(Ute solitude humaine, où trois mil-
1
149 Lui
lions d'hommes s'agitent ; inconnu, sans re-
lations, sans nuissance, il attend les jours
des fôtes du cirque. Le peuple est assemblé,
les,gla(liateurs|)araissenl dans l'arène, lafoule
applaudit, leconibat commence. Tout .'i coup
le pauvr(î solitaire, IVaMcliissant l'enceinte,
court aux combattants (^t vent les séparer.
I)c (ju(;î droit vient-il i'iterrompre les plai-
sirs du peuple roi? Les gladiateurs le sai-
sissent, le renversent, il tombe baigné dans
son sang, il paye de sa vie son audace et sa
folie. Cert(KS, c'est ainsi qu'au point de vue
de l'humaine sagesse, il faut juger un acte
aussi extraordinaire, aceom[)li en dehors de
de toutes les |)r6visions de la raison. Mais
Dieu menait son serviteur, il avait entendu
ses prières, compté ses larmes, il accepta
celte rançon du sang d'un juste, pour le ra-
chat de tant de crimes conunis et de tant de
sang versé. L'empereur llonorius ayant
su cet événement, {)roscrivit les combats de
gladiateurs. Le fou que Dieu mène est le
plus grand des sages, parce qu'il suit la voie
qu'un doigt divin lui montre. Saint Alma-
que mourut en W*. L'Kglise fait sa fête le
1" janvier.
ALAIAQUE, était président h Mérée en
Phrygie, sous le règne de Julien l'Apostat.
11 est connu dans le Martyrologe, pour avoir
fait mettre à mort les saints Macédone ,
Théodule et Tatien, qui ne voulaient point
sacrifier aux idoles.
ALMEIDA (Apollinaire) [le bienheureux],
jésuite, fut nommé, en 1G28, évoque de Nicée
et coadjuteur d'Alphonse Mendez, patriar-
che d'Abyssinie. Il arriva dans ce pays en
1630, après deux ans de voyage, apportant
des lettres du pape Urbain VIII à Mélec-
Segued, Négous, à Basilides, son tils, à Men-
dez, patriarche, un bref qui ouvrait pour l'A-
byssinie, en 1631, le jubilé qui avait été
publié à Rome en 1625. Deux ans après, le
Négous, ayant malneureusemenl cédé aux
instances de ses courtisans, et aux menaçan-
tes prières de son (ils Basilides, publia i'é-
dit qui ordonnait aux missionnaires de ne
plus prêcher dans ses Etats, et de se retirer
à Frémone, pour y atiendre leur embarque-
ment pour les Indes. Ai^rès sa mort, qui
arriva le 26 s&ptembre 1632, Basilides con-
firma l'édit d'exil ; après plusieurs tentatives
infructueuses pour rester, les jésuites du-
rent s'éloigner. Ils se mirent sous la protec-
tion du baharnagasch Jean Akaz, qui, de[)uis
quelque temps, se maintenait dans l'indé-
pendance, et qui les accueillit bien ; mais,
peu de temps après, le Négous l'ayant inti-
midé, il coiiseilla aux jésuites de se retirer,
et six d'entre eux seulement restèrent sous
la conduite du P. Almeida, qui devait bien-
tôt après payer son tr.but de dévouement à
la foi catholique, en mourant pour elle. Le
25 avril 1635, Melca Christos, vice-roi du
Tigré, ayant fait, martyriser les saints mis-
siomaires Bnmo de Sainte-Croix, Gaspard
Paez et Jean Pereira, le Négous Basilides
lit semblant d'être apaisé, pour s'emparer
plus fcicilement des autres missionnaires. 11
Ordonna de ne plus les inquiéter, de ne les
ALO
i&C
maltraiter d'aucune façon, et alla môme jus-
qu'à montrer le désir de les voir à sa cour.
Jean Akaz était d'avis que les missionnaires
acceptassent ce qui leur était offert ; Basili-
des leur permettait de rentrer dans leurs
anciennes maisons. Za-Mariam, vice-roi du
Temben, ne croyait pas aux promesses de
Basilides ; il dissuadait autant (pi'il était en
lui Aiméida et ses compagnons, de se ren-
dre aux invitations hypocrites de cet en-
nemi du christianisme. Aiméida crut qu'il
était de son devoir de tenter ce qui pouvait
être utile au progrès du christianisme ; il
vint donc au camj) du Négous, avec les
PP. Hyacinthe, Franccschi et François llo-
driguez. Sur leur passage, on les combla
d'honneurs ; mais h p(,nne furent-ils arrivés,
que Basilides les lit charger de chaînes. On
les traduisit devant l'abouna, qui les reçut
d'une façon très-méprisante, et qui les ren-
voya, en déclarant son incompétence, et en
disant que c'était au Négous à prononcer,
dans l'intérêt de la chose publique. On forma
un tribunal, composé des grands de l'em-
pire, et les saints y ayant comparu, furent
condamnés h mort. Basilides jugeant que la
mort était chose trop douce pour eux, si on
les y envoyait tout de suite, les remit à la
garde d'un hérétique cruel et ennemi acharné
de la foi catholique. Cet homme fit soutfrir
aux saints toutes les tortures imaginables ;
ils les traînait partout, le jour derrière son
char, sans se laisser toucher par les souf-
frances atroces que leur occasionnaient les
blessures faites à leurs membres, par les
chaînes qu'ils portaient constamment. La
nuit, il l 'S enchaînait sous son lit, et si
étroitoraent qu'ils ne pouvaient pas changer
de position. Enfin, Basilides les exila dans
une île du lac Dembea, où étaient des moi-
nes fanatiques, qui les tourmentèrent de
milles manières. Ils disaient hautement que
c'était un scandale de laisser vivre plus
longtemps ces ennemis de la religion. Ils
écrivirent dans ce s ns à Basilides, qui leur
abandonna complètement ces missiotmaires,
leur permettant d'en faire ce qu'ils vou-
draient. Alors ces hommes féroces, indignes
du nom de chrétiens qu'ds portaient, dé-
pouillèrent en partie les missiunnair.'S de
leurs vêtements, et les suspendant ainsi dé-
pouillés à des branches d'arbres ; ils les fi-
rent mourir sous une grêle de pierres. Le
martyre de ces bienheureux soldats de Jé-
sus-Christ arriva au mois de juin 1638.
ALOBKANDIN (saint) , frère franciscain,
natif de Florence, versa son sang pour la
foi en Perse, vers l'année 1287, sous le rè-
gne d'un prince monghol qui persécutait vi-
vement les chrétiens, et surtout les minis-
tres de Jésus-Christ.
ALODIE (sainte), martyre, était originaire
d'Huesca en Espagne. Ayant confessé la foi
avec sa sœur, sainte Nunilon, elles furent
condamnées par les Sarrasins à la peine ca-
pitale. On ignore en quelle année. L'Eglise
célèbre leur fête le 22 octobre.
ALOMNE (sainte), martyre, mourut à Lyon,
en 177, sous le règne et durant la persécution
V6\ ALV
d' rempcreur Anto:iin .Marc-Aurèle. Elio
s'êleignit oa prisoa comme saint Pothiii ol
une foule d'autres martyrs , Dieu voulant
épargn^'P îi sa faiblesse les tlernières fatigues
du coiubit. Les tOiirinents qu'elle avait (in-
durés l'avaient épuisée. Elle alla se rafraî-
chir à l'ombre éternelle de la palme qu'elle
av.-rit conquise par son courage. Safétearrive
Je 2 juin.
AL'JPH (saint), martyr en Lorraine, donna
sa vie pom- la foi, en l'an de Jésus-Christ
362, sons le règne de Julien l'Apostat. D'a-
bord emprisonné à Toul, il fut bientôt nrs
en liberté ; une seconde fois em[)risonné, il
souifrit diverses tortures, avant d'être con-
damné à la peine capilale, qu'il subit ei 3G2.
Sa fête est inscrite .lu Martyrologe à la date
du 16 octobre. Ses reliques ont été brûlées
en 1587 par les reitres. (Voy. sa Vie, par Ru-
i.'erl, abbé de Duytz, près Cologne.)
ALPHE (sainl),^nartyr, frère de saint Marc
berger, fut martyrisé avec lui à Antiochede
Pisidie, avec Alexandre et Zozime, ses au-
tres frères, jmis les s.ùnts Nicon, Néon et
HélioJore, plus, tr.Mite soldats que les mira-
cles de saint Marc avaient convertis à la re-
ligion chrétienne. L'Eglise honore sa mé-
moire le 28 septembre.
ALPHÉE (saint), martyr, sonffrit la mort
pour la foi chrétienne, le 17 novembre 303,
sous le règne de l'empereur Diodétien. A
cette époqu'% le gouverneur de Palestine,
résidant à Césarée, obtint de l'empereur la
grûce de tous les criminels. Cela se pratiquait
ainsi, quand on célébrait les jeux, des quin-
quennales, décennales, vicennalesdu souve-
rain; c'est-à-dire des cinquième, dixième,
vingtième année de son règne. Les chrétiens
furent seuls exceptés, étant regardés comme
plus coui)ables que les voleurs, les assassins
&. autres scéléi-ats retenus dans les prisons.
Alphée , issu d'une des premières familles
d'Eleuthéropolis, lecteur et exorcist(^ dans
l'église de Césarée, fut arrèlé avec Zachée,
son parent, qui était diacre à Caadun!. {Votj.
saint Z.veuKK.) Il était célèbre par 'e zèle
qu'il dé[)loyait à exhorter les chrétiens, à
ivs pousser à confesser généreusement Jé-
sus-Christ. Mis en |)rison, il subit deux in-
terrogatores, fui ballu de verges et <nit les
côtés déchirés av(,'C des (.t'Ocs de fer. Après
un troisième interrogatoire, il fut condamné
avec suint Zai;hé.! à perdre la tète. La sen-
tence fut evécutée le 17 novembre. L'Egiise
honore sa mémoire le 18 du même mois.
ALTINO, ville ([ui a été illustrée par le
m-irtyre de l'évêtiue Théoncste, lue par les
arit;ris. On ignoi-e à quelle époque.
ALVAKKZ (le bienhcnreuv (iASPAui) ) ,
l'ortugMis, de la compagni(; de J('.sns, faisait
partie; des saints et courageux missionnaires
(fue le P. Azevedf) vint rei:rul(!r h Rome pour
le Brésil. {Voy. Azkvkuo.j Limr navire fut
pris, le 15 juillet 15/"!, par dc-s corsaires cal-
vinisl(;s, (pii les massaci'èrent ou lesielèreiit
dans les Ilots. (Du Jarric, Histoire des cho-
Hfs plus tnnnor(ihles,i^U\, t. Il, j). '278; Tan-
ner, Socictds Jesa us(jne ad HnixjuiniH et vifœ
rnofusinnein u>ilitnn.tf [), JOO iH 171).)
ALV
I5i
ALVARE (le bienheureux Fernand), Por-
tugais, de la compagnie de Jésus, souffrit le
nurtyre en se rendant au Brésil, avec une
troupe d'autres missionnaires, conduits par
les PP. Pierre Diaz et François de Castro.
Ils furent noyés en mer par les calvinistes
le 13 septembre 1571. {Voy. l'article suivant
et François du: Castro, etc.).
ALVAIIE le bienheureux Jean), de la com-
pagnie de Jésus, Portugais, faisait partie de
la troupe de missionnaires que le P. Diaz
conduisait au Brésil, à la suite du P. Azevedo.
Un mois après le dépait du Saint-Jacques,
qui porlait ce dernier, Diaz et ses compa-
gnons (}uittèrent Madère, aîin de poursuivre
la roule vers le Brésil avec le reste de la
flotte. La tempête ayant disi)ersé les navires,
celui que montaient notre bienheureux et ses
compagnons dévia vers l'île de Cuba, et à
San-Iago on dut abandonner le vaisseau qui
faisait eau de toutes parts. Les voyageurs
trouvèrent une barque qui les conduisit au
port d'Abana, d'où un navire qu'ils y frétè-
rent les transporta aux Açores, le mois d'août
1571. Ils y trouvèrent le commandant de la
flotte, Louis de Vasconcellos, avec le P. Diaz
et cinq auires jésuites qui les y avaient de-
vancés. L'amiral, voyant son monde si ré-
duit, ne conserva qu'un navire, et ils se
rembarquèrent le 6 septembre 1571. Bientôt
ils rencontrèrent cinq vaisseaux de haut
bord, commandés par le Béarnais Capdeville,
calviniste, qui s'était trouvé à l'abordage du
Saint-Jacques. Le combat ne fut pas long, et
les calvinistes s'emparèrent du navire catho-
lique. Le bienheureux Diaz fut massacré,
puis jeté à la mer, le 13 septembre ; Fran-
çois de Castro confessait le pilote au mo-
ment où les calvinistes montaient à l'abor-
dage, il fut massacré ; Gaspard Goès subit le
même sort; le P. Michel, qui avait été ren-
fermé avec d'autres, durant la nuit, dans la
cabine de Vasconcellos, ayant jeté un soupir
que lui arrachait la blessure de son bras, au
moment où on les lui liait derrière le dos,
les calvinistes se saisirent de lui et le jetè-
rent à la mer avec le bienheureux François
Paul. Jean Alvare fut précipité également
dans les flots, et fut noyé presque aussitôt
avec Pierre Fernand, ne sachant nager ni
l'un ni l'autre. Les autres compagnons de
leur martyre fuient, Allbnse F(n"nandez,
Portugais; Alfons. '-André Pais, Portugais ;
un autre Pierre Diaz, Portugais; Jacijues
Carvalzo, Porlugus; Fernand Alvare, Portu-
g;iis. (Du Jarri(.', ilisluire drs choses plus vïc-
morablcs, etc., t. H, p. 205; Tanner, Socielas
Jcsa usquc ad sanyuiiiis et vitœ profusionein
mUilans, p. 17i et 177.)
ALVAUËS (le bienheureux BAUTriÉLEMi),
jésuite et missionnaire au ToiKpiin, élait né
à Parâmes, (ont près de IJi'agamu'. Il élait on-
Iré, il r.'^ge d(! (lix-se|)t ans, au noviciat do
Coimbre, le 30 du mois d'aoûl 1723. Le 10
mars 1736, il s'cnnb.iinpia ;> >Li('ao, avec les
PP. Ji';ui-(iaspard Cral/, lùmnaiiuel d'Abi-cni,
Niiirenl du Cunlia, Chinslophe d(; Sampa\o
et lùninanuel Caivalho. 11 |)énétra dans k-
'l'iHKpiin avec (ux et les caléchisles tonnui-
153
ALT
ALY
m
nois, Marc ctVincfiil. Le P. Sanipflzo ayant,
(''té nirHit [)ar une maladie à Lo-lt-ou, le
P. Cai'vallio resta pour le soij^iUM-. Tous les
autres péiiétr(''reut dans le Tou(iuiM. A peine
l'ui'ent-ils arriv(Vs à Halya, qu'ils lurent arrê-
tés, It^ \> avril 173(1, avec le batelier (pii les
avait anieni'^s. On les envoya à la eour. Ils
furent interroj^és par l(;s euinumes du palais,
dans une salhî inl(^rieure, où le roi était ca-
ché derrière une la isserie, pour les voir et
pour entendi'e leui's ré[)onses sans être
aperçu. On leur coninianda de niai-clier sur
un cruciliv: (pii était étendu h terre, et de le
fouler aux pieds. Remplis d'iiorreur, ils s'é-
crièrent qu'on leur couperait [)lutot les pieds,
les mains et la tète. Comme on voulait les
contraindre par la violence à commettre
cette impiété, ils embrassèrent la sainte
image ci rélevèrent au-dessus de leur tète,
ce qui est, dans le Tonquin, la manpie de la
nlus ^Tande véni'ration. Un seul a|)ostasia,
le batelier, ([ui fut alors le sujet d'amères
plaisanteries de la |)art des eunuques.
«A' oyez, disaient-ils, le scélérat, (|ui foule
aux pieds celui (fu'il respectait, il n'y a qu'un
moment, comme un dieu! w Les lettrés, ayant
été saisis de cette alfaire, condamnèrent nos
saints confesseurs à la martelade, supplice
qui consiste à recevoir de grands coups de
marteau sur les genoux. Un des juges, stu-
péfait de la constance de î\Lirc et de Vin-
coiit, déclara qu'il était inutdo de les faire
soutfrir davantage ; Vincent mourut sainte-
ment, le 30 juin, dans le Ngue-Dom ou En-
fer de l'Kst, prison obscure, liuiuide et in-
fecte, où l'on enfermait les voleurs, et d'où
ils ne sortaient que pour aller au supplice.
Les confesseurs y eurent à subir les injures
et les outrages d'une troupe de scélérats ; les
gardes refusaient l'entrée aux chrétiens qui
venaient leur apj3orter des vivres, et une
fois, ces lionmies, pleins d'inhumanité, lais-
sèrent leurs })risonniers deux jours sans
manger. Sur ces entrefaites, le tribunal des
crimes ayant confirmé la sentence qui les
condamnait à mort, un secrétaire du tribunal
vint, le 7 janvier 1737, à la prison, alin de
s'assurer de l'identité des prisonniers ; car
c'est la coutume au Tonquin, à l'égard de
ceux qui sont condamnés à mort. Trois jours
après, un catéchiste, nommé Benoît vint se
jeter aux pieds des saints confesseurs, en
leur disant: « Comment me récompenserez-
vous de la bonne nouvelle que je vous ap-
porte? le 12 de ce mois sera certainement le
jour de votre triomphe. » A ces mots, les
missionnaires levèrent les yeux au ciel, et
rendirent grâces à Dieu du grand bienfait
ciu'il voulait bien leur accorder. Le 10 de
janvier, on vint leur lire la sentence. Les
bourreaux, tirant de temps en temps leur
Sabre du fourreau, semblaient sexercer à la
décapitation des saints confesseurs. Ce jeu
barbare des bourreaux offrit à nos saints l'oc-
casion de faire plusieurs fois le sacrifice de
leur vie au Seigneur. On avait laissé libre
l'entrée de la prison ; les chrétiens y accou-
raient en foule pour embrasser les genoux
des futurs martyrs, ainsi que les fers qui les
enchaînaient. Deux, jours après, des soldats
entrèrent, l'épée à la main, lircMit sortir tout
le monde, et, attachant chacun des inission-
naires à une longue chaîne, les co'iduisu'ent
avec l<! catéchiste, Marc, auprès du [)alais(pii
était h tnie lieue de là. Ils liienl le chenua
pieds nus; c'élait le P. Alvarès (pii ouvrait
la marche; il élait suivi des l^M». d'Abreu,
Cralz, (la C-unha et du ca.téchisie. Auprès de
chacun d'eux marcha iisnl unsoldat,lalanc(.'au
|)oing, et un bouriMîau, sabre nu. Arrivés au
lieu du supplice, on leur permit de se repo-
ser (pielques instants, (pii turent rem|)l!S p-ar
les insnlt(KS do la po[)ulace. lîienlol, un s(;-
crétaire du tribunal sui)rèine leur lut la se'i-
tence, écrite en langue tonquinoise. Elle ne
condamnait le catéchiste Marc cpi'ù l'exil;
aussi, ce fut vainement (pi'il rej)résenta (jue,
si les missionnaires méritaient la mort |)0ur
avoir [)rèché la religion chrétienne, à bien
plus forte raison la méritait-il lui-mèmo pour
les avoir introduits dans le royaume. On con-
duisit alors les missionnaires à deux lieues
de distance pour les décapiter. Un des man-
darins qui devaient présider à l'exécution,
témoin de la joie qui rayonnait sur le visage
du P. da Cunha, lui envoya demander s'il ne
savait pas où on le conduisait : « Je n'ignore
pas, répondit le Père, que l'on va me tran-
cher la tète, en haine de la foi que je suis
venu prêcher au Tonquin ; mais je sais aussi
que, dès qu'on m'aura arraché la vie pour
une si juste cause, mon Ame s'envolera au
ciel, où elle jouira d'un bonlieur sans lin. »
Cette réponse ayant été transmise au manda-
rin, il répondit avec mépiis: « Ce fou d'é-
tranger ne com|)rend pas ce qu'on lui dit ; il
s'imagine qu'on le mène à Macao. « On avait
déjà parcouru la moitié de la route, lorsqu'il
envoya aux missionnaires quelques petites
monnaies de cuivre, alin qu'ils pussent s'a-
cheter des rafraîchissements; mais ils refu-
sèrent. Ils reçurent seulement des fruits que
des chrétiens leur offraient ; encore, après
les avoir goûtés, ils les donnèrent aux bour-
reaux. Les mantlarins, qui craignaient que
la nuit ne les surprit avant l'exécution, or-
donnèrent aux soldats de presser la marche.
Les confesseurs, que leurs souffrances dans
les prisons avaient réduits à la plus extrême
faiblesse, ne pouvaient pas marcher au gré
de ceux qui les conduisaient. De temps en
temps les soldats les poussaient en les frap-
pant du bout de leurs lances, les menaçant
de leur en décharger de grands coups, s'ils
n'avançaient pas davantage. Arrivés au lieu
du supplice, ces saints athlètes du Seigneur
se prosternèrent, embrassèrent la terre à plu-
sieurs reprises, et, les yeux levés au ciel,
demeurèrent unis à Dieu par la prière. Une
heure se passade la sorte, pendant qu'on fai
sait les préparatifs du supplice. Enfin, les
bourreaux leur rasèrent le derrière de la tète,
et les conduisirent aux potaux qui leur
étaient destinés. Les saints les embrassèrent,
comme s'ils leur eussent été reconnaissants
de ce qu'ils allaient servir à leur martyre.
Les soldats, le sabre levé, attendaient le
geste du mandarin: ils frappèrent tous « lu
f56
ÂMÀ
AMA
156
fois quand il le fit. Le P. Alvarôs eut la tôle
tranchée d'an seul coup, ainsi que le P. Cralz.
Le P.d'Abieu ne l'eut qu'à demi coupée ; elle
demeura suspendue sur sa poitrine jusqu'à
ce que le bourreau l'on délacliàt entièrement.
Le P. da Cunlia ne fut déi-apilé qu'au troi-
sième coup de sabre. Les chrétiens parla;^è-
rent leurs hibits ensanglantés, leur en mi-
rent d'autres tout neufs, et, les ayant trans-
portés dans leurs massons, les y laissèrent,
en attend-Mit qu'on [)ût les envoyer aux jé-
suites de Macao.
ALVAUEZ (le bienheureux Vincent), Por-
tugais, de la compa^'nie de Jésus, se rendait,
en 1006, de Baçaim àGoa. Il fut })r:S par des
corsaires mahomélans de la côte de Malab;ir,
et décapité sur le tillac du navire. On le pré-
cipita ensuite dans les flots. (Du Jàrvic, His-
toire des choses plus mémorables, etc., t. III,
p. i2 ) ; Tanner, Societas Jesu usque ad san-
guinis et vitre profusionem militans, p. 267.)
AL\'ARO (le bienheureux Eviviamjel),
Portugais, de la compagnie de Jésus, fais lit
partie de la troupe de missionnaii-es que le
P. Azevedo était venu recruter à Rome pour
leBrésil. ro?/.AzEVEDo.) Leur navire fut pris,
le 15 juiih 1 1571, par des corsaires calvinis-
tes, qui les massacrèrent ou les jetèrent dans
les flots. Noti'e i)ieiiheureux encourageait les
Portugais à combattre: il fut blessé au vi-
sage; puis, les bourreaux l'ayant étendu à
demi mort sur le tillac, lui rompirent L-s jam-
bes, lui brisèrent les os et le jetèrent en cet
état dans les flots. (Du Jarrie, Histoire des
choses plus mémorables, etc., t. II, p. 278;
Tann( r, Societas Jesu unque ad sanguinis et
vitœ profusionem militans, p. 100 et i70.)
AMA (siiint j, jeune vierge consacrée à
Dieu, et martyre en Perso dans la septième
an:iée de la grande persécution de Sapor, fut
mise à morta.ec sainte ïhècle. {Voy. ce
nom.)
AMANCE (saint), était tribun dans les
troupes de l'empereur Adrien. Il était frère
de saint Gétule et beau-frère, par consé-
quent, de sainte Syriq^horose, sa femme. Il
Uem urait avec son frère à Tivoli, quand il y
fut arrêté avec lui et Céréal vA Primitif, par
Liciniiis. Fouetté, torturé do diverses ma-
nières, emprisDiuié dura u vingt-sept jours,
il refusa de sacrilier, et fui ontin décapité à
5 lieues de Home, sur le borii du Tibre, avec
les t ois saints (]ue nous venons de nommer,
le 10 juin, jour où on fait sa fête. {Voy. (1é-
TL'LE et CÉhÉAI..)
AMANU (saint), confesseur, évè(jue do
Maesliiclil, na(pjit aux environs de Nantes.
Ses parents, r(;m, .lisde piété, étaient seigneurs
du pays. A l'ilg • de vingt ans, il i^ntra dans
un monastère d'Oye, petite de voisine de
celle de Uhé. 11 y avait à penu; uii an qu'il
y goillait le bonheur de servir Dieu loin
des dangers «J'uii monde peivers, qiand son
nerf! ayant découvei't <;nlin sa i-elraile, viiit
l'y troiver, et le pressa vivement d' sortir
du monastère, le menaçant de; le d.'shériler
s'il n • lui (obéissait. H se refusa resp(!ct leu-
seinent ;i Tordre pat(îniel, et bientôt ;ijirès,
alla vi.siter le tombeau do suiut Martin, a
Tours. L'année suivante, s'étant retiré dans
la ville de Bourges , il y resta près de quinze
ans dans une petite cellule située dans les
alentours de la cathédrale, et y vécut sous
la sainte direction de l'évèque Austrégisile.
Pendant ces qidnzo années de réclusion vo-
lontaire, il porta continuellement le cilice et
ne prit pour toute nourritui'e que du |)ain
d'orge et de l'eau. U fil ensuite un pieux p( le-
rinige à Rome, et revint a()rèî: en France,
où il fut sacré évèque' en l'année 1/28. On ne
lui donna aucun siège particulier, et sa mis-
sion devait être de pur e/ la lum ère de
l'Evangile aux infidèles. Il [)ai'tit prèclnn* dans
la Flandi'e, chez les Slaves, dans la Carinlhie
et d ms les provinces avoisinanl le Danube.
Plus tard, a.anl repris le roi Dagobert de ses
scandaleux désoi'dres, ce prince le bannit.
Pendant son court exil, il instruisit les Gas-
cons et les Navarrais des mystères qu'en
seigne notre .^ainte religion. Bientôt après,
Dagobert s'étant repenti de ses rigueurs con-
tre notre saint, le rappela d'exil et le pi-ia,
en se jetant à ses pieds, de le baptiser, ainsi
que le dis qui venait de. lui naître (saint Si-
gebert, qui mourut [ilus tard roi d'Aus rasie).
Dévoré d'un saint zèle |)Our la conversion
des infidèles, saint Ainand alla en mission
dans le territoire de Gan I. Il y trouva des
peuples encore barbares et livrés aux supers-
titions les plus grossières. Il eut d'abord à
souilrir de leur part; il fut cruellement bai tu
et jeté daiis l'eau ; mais Dieu, voulant récom-
penser son zèl.', ht luire eniin pour ces peu-
ples le moment de ses miséricordes. Il fa-
voris i notre saint du don des miracles :
Amand ayant ressicité un mort, les inhJèles
renversôi eut leurs idoles et accoururent de-
mander le baptême. Notre saint bûlit plu-
sieurs églises en 033, et fonda deux inonas-
tèr.'S à Gand , sons l'invocation de saint
Pierre. PlusieiJi's années après, il en bâtit un
autre à trois lieues de la ville de Tournai,
on ra[)pelle aujourd'hui Saint-Amand, ainsi
que la ville qui s'y est formée.
i)ans le courant de l'année 6i9, notre
bienheureux confesseur fut promu au siège
de Maëslricht, malgré ses pressants refus;
mais il n'y resta pas longtemps. Toujours
rempli du désir de gagner des ;lmes à Jésus-
Christ, il donna sa démission au b<jut de trois
ans, après avoir désigné lui-même pour sou
successeur saint Reinacle, abbé de Cougnon.
Il se livra dès lors entièrement aux travaux
apostoliques h» restant de ses jours. Q land
la vieilless(! et les fatigues lui eurent iuiposé
l'obligation do se reposer, il se relira à l'ab-
baye d'EInoii qu'il gouverna comme abbé,
pendant quatre ans environ. U mourut enlin
en 075, âgé de (pialre-vingl-d x ans. Son
corps fut inhumé dans l'abbaye de Saint-
Pierre d'Elnon. Son culte était fort célèbre
autrefois en Anglelei're. L'Eglise honore sa
mémoire le 0 février.
AdANDINUS (saint), l'un des gardes delà
prison de; Saint-Geiisorin ou (ieiisorinus, souS
(Claude kl le Gelhicpie, hit converti à la foi
chrélitniiK! par saint Maxime, ave(; les autres
gardes de la prison, lesquels élaioul Félix,
157
AMR
AMB
m
Maxime, Faustin, Herciilan, Numère, Stora-
ci'uis, iM^Mo, Commode, Merne, Maur, En-
sùbe, !vii.sii((ue, Moiiacre, Olympe, Cy|)rien
el Tlu^oloro. (Pour voii" leur histoire, recîoii-
rez ?» larticle Martyus d'Ostie. C(\s saints iio
SDiit pas nomnu'is dans li; Martyrologe ro-
main.)
AMAIlANDou Amara tiii': (.ainl), lïitmar-
tyi'isc^, les uns dis(>nt sous Dèee, les aulies
sous Vali''rien. Il est |)robil)l(> ({ue ce fut
sous ce d(M'nier prince, quand Chrocus, ce roi
féroce des Allema-ids , vint rava^^er les
Gaules, et y lit périr un grand nombre de
chréîiens. Ce fut dans le villa-^e de Vians
ou Vieux, t0)Jt [)rès d'Albi, (|ue 1(^ saint con-
fessa la foi. Son tombeau ayant été décou-
vert, la piété des lidèles les y attirait en
grand nombre et il s'y lit une grande quan-
tité de miracles. Saint Eugén;' que les Van-
dales bannirent de Cartilage cl reléguèrent
dans les Caules, voulut mourir au pied du
tombeau nu saiid martyr. Depuis, leui-s re-
liques ont été réunies, et on les a placées
dans la cathédrale d'Albi, qui est sous l'in-
vocation de sainte Cécile. Presque tous les
martyrologes mar(pient la fè;e du saint le
7 novembre. C'est ce jour que l'Eglise latine
fait sa fèie
AMAUIN (saint), martyr, était un solitaire
qui vivait i étiré au fond des Vosges, dans
un lieu nommé Doroangus, aujourd'hui val-
lée de Saint-Amarin. SI tomba gravement ma-
la ie et fut miraculeusement guéri par un
évoque qui passait. C'était saiit Prix, évèque
de Clermont, qu s'en allait à la cour de Chil-
déi'ic 1, pour les atfair.s de son diocèse. Le
solitaire fut si touciié, si reconnaissant du
service que lui avait reiidu saint Prix, qu'il
s'attacha à lui, et le suivit. Comme saint Prix
retournait au bout de quelque temps dans
son diocèse, suivi de srdnt Amarin , des
hommes postés pour l'attendre l'assassi-
nèrent avec son compagnon de voyage, dans
un lieu nommé Volvic. L'Eglise les honore
tous doux le 25 janvier.
AàîASTRIDE, ancienne Sésame, est si-
tuée dans la Turquie asiatique. Elle est cé-
lèbre dans les annales des martyrs, par les
soutlVances qu'y endura saint Hyacinthe,
sous le président Castrice.
AMATEUR (sainti, martyr, était prêtre à
Cordoue. Ce fut dans cette ville qu'il versa
son sang pour la foi, avec le solitaire Pierre
et saint Louis. Le Martyrologe romain ne
marque pas l'année où ils souffrirent et
ne dôme pas de détail sur leur martyre. L'E-
glise honore leur s dnte mémoire le 3.) avril.
AMBKÎQUE (saint), cueillit la palme du
martyre à Nicomédie avec saint Victor et
saint Jules. Le Martyrologe romain ne dit
point à ({uelle époque ef ne donne pas de
détails sur leurs souffrances. L'Eglise les
lioi:ore le 3 décembre.
AMBROISE (saint) , confesseur , disciple
d'Origène, était d'une haute naissance et fort
riche. Il était d'Alexandrie, et du nombre de
ceux qu'y convertit Origène. Avant sa con-
version, il parut avec éclat à la cour des em-
pereurs ; il fut môme dans les charges et
dans les honneurs, puisque, plusieurs fois,
on le reçut avec grande pompe dansl s villes
où il passait. Il avait épousé Marcelle, femme
d'un ran^ mérite, et il en avait eu plusieurs
eidanls. 11 eut le malheur, ayant mal choisi
ses gnides et ses lectures , de tomber dans
les erreurs des valentini(;ns; mais au bout
d(! (pielques (nitreticnis avec Origène, il re-
vint h la vérité. D'a|)rès Eusèbe, sa conver-
sion arriva vers l'an 212, par consiMpunil, au
comm(;nccment du règiiecleCaracalla. Aiumé
d'un désir insatiable d(! s'instruire, il iit une
espèce de pat;le avec Origène , (|ui travailla
pour lui {)en(lant longues années. Le savant
docteur éiail pauvre; il ac(;(;plait d Anibroise,
qui avait une fortune considérable , des co-
])istes et tout ce qui lui était nécessaire pour
son travail. C'est à ]ui que nous devo' s la
plus grande j)artie des travaux (TOrigène.
il ne lui laissait aucun re[)OS, el exigeait de
lui une tAche journalièi-e. « Il me surpasse ,
disait ce docteur, dans l'ardeur qu'il a pour
la |)arole de Dieu, et je succmnbe presque à
la fatigue et aux travaux qu'il m'impose. »
Ambroise, d'après saint Jérôme, passait son
temps à lire et à prier. La plupart des ou-
vrages d'Origène lui sont dédiés, et l'auteur
se plaignait souvent de ce que fon ami pu-
bliait les livres qui n'étaient composés que
pour lui. Il paraît, d'après saint Jérôme ,
qu'il fit un voyage en Grèce. Probablement
qu'il y accompagna son ami. Sa vie était
sainte et toute consacrée aux œuvres saintes
et pieuses. Plusieurs anciens martyrologes
.ui donnent le titre de diacre de l'église d'A-
lexandrie.
Dieu permit que l'ardeur de sa foi et son
courage fussent éprouvés par la persécution.
Sous Maximin, il fut pris avec Protoctète ,
prôtre de Césnrée, en Palestine, par les gens
qui cherchaient Origène, lequel s'était caché
à Césarée de Cappadoce , où il resta deux
ans. Leurs biens furent pillés ; ils furent
abreuvés de toutes les ignominirs possibles,
et on les traîna en Germanie, où éiait Maxi-
min. Longtî mus il les tint à sa suite, les fai-
sant voyager de ville en ville, pour y être
donnés en spectacle , et leur faisant sôuifrir
toutes sortes u'incommodités et même (.e
tourments. Protoctète n'avait rien qui l'at-
tachât à la vie et à sa patrie, comme Ambroise,
lequel avait laissé à Alexandrie sa femme
et ses enfants. Mais rien ne put ébranler
le courage du saint confesseur. Origène sa-
chant ses souffrances et celles de Protoc-
tète, leur écrivit un discours pour les en-
gager à souffrir courageusement pour Jésus-
Christ. Maximin aurait fait mourir les saints
confesseurs, mais des préoccupations plus gra-
ves pour lui le forcèrent à partir brusque-
ment de Germanie, pour venir combattre
les empereurs nommés pour le dét ôner par
le sénat de Rome , qui l'avait déclaré en-
nemi public. Saint Ambroise et saint Protoc
tèie furent mis en liberté , à l'instant où ils
pensaient n'avoir })lus qu'à verser leur sang
pour la foi. Saint Ambroise vivait encore
sous le règne de Philippe , puisque ce fut
lui qui engagea Origène à faire son ouvrage
l;)d
AMB
AMB
160
contre Celse. 11 mourut sous Dèci», vers l'au
250. Saint Jérôme dit qu'il fut blAmé de n'a-
voir pas songé en mourant à Ori^^^éno, qu'il
laissait vieux et pauvre; mais il suffit de
connaître passablement l'iiistoire d'Origène,
pour savoir (}u'il ne faut [)oi'it attribuer la
conduite d'Ambroise à un ouljli, uiais bien à
lamour qu'avait son ami pour la pau-
vreté. Origène, qui avait consenti à accepter
d'Ambroisj ce cjui lui était nécessaire pour
son travail, n'ivait jama:s rien voulu pren-
dre |)Our ses besoins personnels. 11 y a plus
que de la légèreté à accuser ainsi une ami-
tié que l'histoire tout entière montre si fi-
dèle et si dévouée. Quelques martyrologes
lui donnent la qualité de martyr. Peut-être
Dieu lui accorda-t-il sous Dèce la couronne
(ju'il avait été si près de recevoir sous Maxi-
min. L'Eglise fait sa fête le il mars.
AMBROiSE (saint), archevêque de Milan,
docteur de l'Eglise et confesseur, est un des
l)lus grands parmi les saintsque l'Eglise hono-
re. Il naquit dans les daules vers l'an 3i0. Son
père, Ambroise, était préfet du prétoire de
ce pays, et résidait à Trêves. Du reste, sa
famille était originaire de Rome, qui était
vraiment sa patrie; car né dans les Gaules ,
il y dut être inscrit comme tils d'étranger. Il
avait une sœur, sainte Marcelline , et un
fi-ère nommé UranusSatyrus. Marcelline était
l'aînée. Lui était le plus jeune des trois. Nous
passerons sous silence l'histoire des abeilles
(lui vinrent se re|)Oser sur son visage, dans
son berceau , pour passer à quelque chose
de sérieux. On raconte la môme chose de
Platon. L'histoire est ainsi faite, elle sème
les merveilles sur le chemin des grands hom-
mes. A C"tte époque, on le voit souvent trop,
elle garde encore cet amour du ni.Tveilleux
({ui marque chez tous les peuples l'enfance
(les civilisations. Après la mort de son père,
le jeune Ambroise vint demeurer à Rome
avec sa mère, sa sœur Marcelline , qui s'é-
tait vouée à Jésus-Christ, et une autre jeune
vierge nommée Candide, qui avait aussi em-
brassé l'état de virginité. Ce fut dans cette
compagnie douce et sainte (pi'Ambroise fut
élevé ; aussi garda-t-il la pureté de son Ame,
chose si rare dans ces temps-là. Du reste , il
fut élevé en laison de la position de sa fa-
mille et de l'avenir (|u'on prévoyait natu-
rellement devoir être le sien. 11 passa donc
Sel première jeunesse dans l'étude des scien-
ces humaines ; il y réussit adiuii'abhnnent :
h'S précieux ouvrages qu'il a laiss(''s en sont
la pi-euve. Après (pi'il eut lini ses études ,
il entra dans le barreau, et |)laida quehiue
temps, en dehors de Rome, devant le ti'ibu-
nal du préi'..'l du piétoire, dont hî siég(! or-
dinaire élnit à .Milan. Il remplit e(!tt(; fonc-
tion avec tant d'éeîat, (pic le préfet h; choisit
pour êti'e son ass(;ss('ur. Ce préfet se nom-
miit Pelroriins Probus. Ambioise était aussi
très en faveur auprès di; Syunnaipie, grand
sei'gneur romain, mais aussi ardemment at-
taiifié au paganisme (pie Probus et Audjroise
l'étaient a \;\ i(!ligion chrétienne. Ri(nitùt ,
f^r.lee a soi inéiiie et ii i'.ippui (jue lui pi'6-
laient ces JKUTnnes émin(,'nts, Ambroise ar-
riva aux plus hautes dignités, il fut nommé
gouverneur de la Ligurie et de l'Emilie,
c'est-à-dire d > tout le [)ays tenu par les ar-
chevêchés de Milan, de Turin , de Gênes, de
Bologne et de Ravenne. Il exeri-i sa charge
à la satisfaction générale et se fusant aimer
de tous ses administrés. Il v avait plus de
vingt ans que l'Eglise de Milan était oppri-
mée par Auxence, évêque arien, ami de Gré-
goire , avec lequel il avait commis divers
crimes à Alexandrie. Conslance l'avait in-
trus h la place do saint Denis, qu'il avait
banni. Saint Denis aima mieux mourir dans
son exil que de revenir. Quand Valentinien
parvint au trnie, Auxence, pourp.air' au
nouveau monarque , qui était catholique,
dis-imula si bien ses sentiments , que saint
Hilaire, qui entreprit de le dévoiler , reçut
l'oixlre de sortir de Milan. Auxence gardait
le siège de Milan malgré le pape lui-même
et malgré les principaux évèques de la chré-
lienlé. Enlin, Dieu Unit parla mort du pré-
lat intrus ce que la puissance des hommes
n'avait pu fcdre, Auxence mourut en STV. Les
évê({ues de la province dé Milan écrivirent
à Valentinien, qui était alors dans bs Gau-
les, pour qu'on remplaçât Auxence. Valen-
tinien leur fit une réjjonse dictée par la
sagesse , s'excusant de nommer lui-même
le nouvel évêque de Milan, et s'en remet-
tant aux j)rélats bien plus aptes que lui ,
disait-d, h fair(; un pareil choix. Les évo-
ques délibérèrent longtem|)s ; mais le choix
était difficile. Les catholiques d'un côté,
les ariens do l'autre, parmi les hab tanis de
Milan, voulaient avoir, tant les uns les autres,
un évêque de leur parti. Comme on |)ré-
voyait une sédition, Ambroise lit nnè allo-
culion au peuple. Il l'engageait à faire ce
choix sagement et sans tumulte. 11 parlait
encore que toute l'assemblée, d'une com-
mune voix, s'écria qu'elle voulait Ambroise
pour évê([iie, et dit que c'était à cette
condition seulement qu'elle recevrait un
môme évêque et une même foi. Saint Am-
broise n'était alors que c itéihuinène; mal-
gré cela, il savait très-bien (|ue le comman-
dement de saint Paul et les canons défen-
daient d'élever à l'épiscopat ceux qui ou n'é-
taient pas encoi'e baptisés , ou ne l'étaient
que depuis \)e\i de t(Miips. Pourtant nous ne
vo.ons [)as (]u'il ait allégiu' d'antre raison d(^,
refuser (pie celle tirée dt; l'indigiiité qu'il se
sentait ])Our r(nni)lir des l'onclions si saintes
et si importantes. \'()yaiit donc ce consente-
ment unanime de (oui le peuph», il lit dres-
ser son tribunal, et lit uu^tti-e à la (juestinii
avec une grande rigueur plusieurs person-
nes, alin (pie le jugeant cruel et méclrint,
on le trouvât indigne du sacerdoce. Le peu-
ple n'en cria «pie plus lort (ju'il ne voulait
pas d'autre évêqiui (prAuibioise. M so relifa
chez lui dans une graud(.' per'pl(;\il(''. il (it
enti-(M' pul»li(pienie'itdanssa mnisou desfem-
UK.'S (1<; mauvaise vie ; mais le peuple ne se
laissa pas plus surpr(!ndre par cet aililice
(pie par le premiei'. Voyant ipie tout ce: (|u'il
fais;iil ne pouvait réussir, il prit la fuite au
milieu de la nuit, et prit If eheinin do Pa-
IGi
A^IB
AMB
10?
vie; mais Dieu IT'^^ara (clleiiKMit qui; le nui'
tin il so tfoiiva à la porto (h; Milan, nomniro
|)ort() (le Uoiue. Quand on l'eut retrouvé , lo
p(Mi|)l(i lui donna dos jjjardos. On écrivit ii
v'alontinion coqni s'était passé. L'oniporour,
enchanté, roniorcia Dieu d'un toi choix; non-
sculoniont il a|)prouva ce choix, mais il
donna dos ordres pour qu'il eût iuunédiate-
ment son ell'ct. Pendant qu'on avait écrit
dans lesCiauIes, Aud)roise s'était do nou-
veau caché chez un nommé Léonce. Quand
l'oi'dro do l'empereur fut venu , et (ju'on
commanda h tous de dénonc t Ambrois(î ,
Léonce le lit. Alors il fut pris et amené à
iMilan. Voyant qu'il n'y avait plus moyen
d'éluder, il demanda h n'être baptisé que
}iar\ui évoque catholi(iue, crai^vint fort d'è-
Iro surpris do quoUiue côté pour l'hérésie des
ariens. Ba|)(isé le 30 novembre , il exerça
successivement toutes les fonctions ecclé-
siastiques, et fut emin ordonné évèiiuo huit
jours a()rès son b:q)témo. Toute l'Eglise
d'Occident approuva soîi ordination. Par le
fait de cette ordination de saint Aiubroise ,
l'aiianismo se trouva immédiatement détruit
à Milai, et l)ientot dans toute l'Italie. 11 dé-
buai par donner tout son bien aux pauvres.
îl mit une telle l'ègio dans sa conduite et
dans sa vie entière que rien ne le déran-
geait des austérités qu'il s'imposa. 11 dormait
peu, travaillait beaucoup, et jeûnait tous les
jours : il ne dînait que le samedi et le di-
manche, ou bien encore les jours de fête des
plus célèbres mnrlyrs. Il n'acceptait aucun
festin, à moins qu'il ne fût hors do Milan et
chez ses amis. Il recevait quelquefois les
grands personnages avec lesquels il était lié ;
mais il le faisait d'une façon simple, quoique
convenable. La porte de sa chambre était
continuellement ouvert:; à tout le monde ;
chacun y entrait librement et sans se faire
annoncer. Il y a loin de cette simplicité
vraiment apostolique aux façons princières
de certains prélats mo lernes, ch.'Z lesquels
il faut solliciter audience, et qu'on ne trouve
qu'en traverscuit de fastueux appartomeuts ,
où chaque porte est gardée par des laquais
en livrée. Saint Pierre et saint Paul n'ose-
raient vraiment jias entrerdans d'aussi beaux
logis et chez d'aussi grands seigneurs. Le
pape Damase lui envoya Simplicien, prêtre
de Rome, pour le diriger dans les commen-
cements, touchant la science et la conduite
de l'Eglise.
Après la mort de Valentinien, les ariens
enti éprirent de troubler l'église de Milan;
mais l'avènement de Gratien, fervent catho-
lique, lit avorter leurs projets. Ce nouveau
prujce protégea le saint évoque, qui lui
écrivit pour l'en remercier. Saint Ambioise
lit ses premiers écrits bientôt après. Il con-
sacra son talent à l'éloge de la virginité. On
peut admirer dans ses œuvres ce qui a trait
a ce sujet si intéressant.
Dans les guerres que les Romains fai-
saient aux barbares, ces derniers ayant fait
nombre de prisonniers, dans la Thrace et
dans riUyrie, vendaient ces malheureux.
Le nombre en était si grand, ([u'il y en
avait do (pioi |»oupler une province. Les
Eglises en raclnHèi-ent une grande quantité,
mais saint Ambroise se signala uarticuliè-
rement : il n'hésita pas à sacrifier les vases
sacrés ([ui servaient dans les églises de son
diocèse. Il lit rompre et servir au rachat des
captifs tous ceux qui n'avaient |)as encore
servi au saint sacrilice. Si cette quantité
n'eût pas suiïi , il eût de môme fait briser
ces derniers. Les ariens, en lui faisant un
crime de cela, lui fournirent l'occasion d'un
discours au peu|)le où il étale avec un noble
orgueil toutes les magnificences do la cha-
rité chrétienne.
Il n'est point inutile de remarquer sur
cette action si illustre de noire saint, que,
ayant surmonté l'avarice ordinaire aux gens
du monde en se dé|)Ouillant do ses biens, il
avait surmonté celle qui se rencontre assez
souvent dans les cnr[)s ecclésiastiques et
dans les communautés les plus saintes. On
s'y lait une maxime do piété de conserver
ce qui appartient à l'Eglise et à la commu-
nauté avec la même attache, et souvent avec
une beaucoup plus grande, que celle qu'on
condamne si justement dans les séculiers à
l'égard do leur bien |)roi)rc. On préfère cet
intérêt qui pour être commun, ne cesse pas
d'être f)articulier, non-seulement à ce que
la bienséance demande, mais à ce que la
charité, l'Evangile et quelquefois même la
justice la plus rigoureuse exigent de nous.
On ruine des familles et on perd son propre
repos pour faire revenir des terres qu'on
prétend avoir appartenu à l'Eglise des siè-
cles auparavant; et l'on aime mieux laisser
périr des provinces que de vendre ou d'en-
gager des richesses qui ont souvent été fort
mal acquises, et qui au moins ne servent
d'ordinaire qu'à donner un vain éclat et à
parer d'une magnihcence toute séculière des
temples consacrés à un Dieu pauvre et où
l'on prêche aux autres la pauvreté , l'au-
mône et le mépris des richesses. (Tillemont,
vol. X, p. 112.)
Peu de temps après, saint Ambroise eut le
malheur de perdre son frère Satyre, qui
lit naufrage en se rendant, en Afrique en
378, et .qui, quelque temps après, revint
mourir à Milan près de lui, des suites peut-
être de cet accident. A la prière de Gratien,
saint Ambroise écrivit ses livres sur la foi.
En 380, Ambroise, qui venait d'ordonner
Anème évêque de Sirmich, malgré Justine,
revint à Milan, où cette princesse le fit atî;--
quer par toutes sortes de moyens. Elle était
arienne fanatique. Elle fit de très-grandes
instances près de Gratien , pour qu'on
donnât dans Milan une église à ceux de sa
secte. Gratien fit mettre une église en sé-
questre, ce qui, disait saint Ambroise, ne ve-
nait pas de lui. Ambroise invoqua le ciel
dans cette circonstance. Dieu l'exauça, car
Gratien lui ayant demandé d'écrire sur la
divinité du Saint-Esprit, il promit de le faire.
L'empereur en fut si touché, qu'il commanda
de rendre la basilique aux catholiques. Peu
de temps après on tint le concile d'Aquilée,
^xU\\, Ambroise y assista; il y confondit Pal-
Î63 AMB
lade, Secondien et Attale, qui furent anathé-
matisés parle concile. Le concile d'A(iuilée
demanda un concile œcuménique. E'i 382,
eut lieu le concile de Rouieau|uel saint Am-
broise assista; mais il y tomba malade. Peu
de temps aptes, Ambfoisc fut dé[)uté par
Valenliiiie-i II à Maxime, avec lequel il con-
clut la paix. Revenu à Milan, il eut le bon-
beur, par sa chiuiié et par ses discours, de
convertir saint Augustin. Puis il réfuta son
ami S\-mmaque,qui doniandailà Volentinien
qu'on rétablit à Rome l'autel de la Victoire.
Ce fut ei 38'+ qm; commencèrent pour saint
Ambroise les persé^utio;:s qui portent l'E-
glise à l'bonorer comme confesseur. Justine,
cette nouvelle Jézabel, arienne outrée, qui
avait échoué dans ses projets durant la vie
de son époux Valentinien 1", et sous Gra-
tien, crut pouvoir abuser de la jeunesse de
Valentinien II. Elle avait auprès d'elle un
nommé Auxence, qui se prétendait évêque
et qui, de concert avec l'impératrice, quel-
ques dames de la cour et un certain nombre
d'étrangers, avait résolu de perdre saint Am-
broise. Justine promettait argent et hon-
neurs à ceux, qui soulèveraient le peuple
contre lui. Elle offrit la charge de tribun à
quiconque voudiait le tirer de lEglise elle
conduire en exil. Plusieurs l'essayèrent, mais
n'en purent venir à bout. Va nonuné En-
tliyme le tenta. Cette entreprise lui devint
funeste. C'état en mars 385. Il vint se lo-
ger près de l'église et se procura un char-
riot pour pouvoir emmener le saint. Mais
au bout d'un an, lejour même où il croyait
pouvoir surprendre le saint, il fut saisi et
conduit en exil, dans ce même charriot qu'il
avait destiné à Ambioise. Le vénérable pré-
lat lui envoya dans son exil l'argent et les
autres choses des(iuelles il pouvait avoir bu-
soin. Peiidaiil qu'on cherchait ainsi ài'enle-
ver, il fut mandé au palais impérial. Valen-
tinien voulait qu'il cédât une église aux
ariens : c'était la basilique Portienne, située
hors des murs de la ville. Cette atlaire fut
traitée en plein conseil. Ambroise ne se
laissa pas intimider : à Dieu ne plaise, dit-il,
qu'une Ame consacrée au service du Seigneur
craig'^c plus la rigueur des touimenis (ju'elle
n'aime les règles de la jiiété. Le peu])le, sa-
chant qu'il était au [lalais, s'y porta enfouie
et avec tant d'impétuosité, (pie rien ne pou-
vait le contenu-. On envoya un comte avec
des soldr.ls,pourd;ssi[)cr ce rassemblement,
mais tous s'otli ,rent à perdre la vie pour la
foi. On fut réduit à prier saint Ambroise de
vouloir bien lui-même calmer le peuple,
et de |)iOMiettre (jn • personne n'entrepren-
drait rien sur l;i b!isili{pie (pie d(nnan(laient
les a iens. Après fju'il eût rendu ce service,
on lui im[)ula cette ('•meute à crime. Dès le
lerideni.nn, au heu de deuiandir seulem(;nt
la tjasiliijue Poilienne (pii était hors des
murs, on demanda la neuve, ((ui était d;ms
renci'inle de la ville. Probablement (^'était
l'église des Ap('')tr(;s , billie par saint Am-
broise, près de la porl(! d(! Rome. L'iinpéra-
tiif!' i-i\oya ores, de lui des c(>ns(.'iliers d'E-
lîii, qui lui demandèrent de livrer cette ba-
mB
164
silique neuve, et de faire en sorte que le
peu|)le ne remuAt pas. Il ré; ondit qu'il n'a-
v.iit pas plus le droit de la donner que lem-
pereur de la prendre ; (|ue si le pouvoir de
l'empereur ne pouvait aile jusqu'à s'empa-
rer de la maison d'un simple i articulier, à
plus forte raison n'al'ail-il |)as jusqu'à jiren-
dre la maison du Seigneur. On lui dit que
tout appartenait à l'empereur. Le saint ré-
pliqua que l'autorité impériale ne s'étendait
pas sur ce qui appartenait à Dieu; qu'un
prince ne pouvait mieux prolong r son rè-
gne qu'en se soumettant humblement au
Très-Haut. Le lendemain, le samedi 5 avril,
le peuple acclama dans léglise tout ce que
le saint évèque avait répondu aux envoyés.
Le préfet du prétoire s'y rendit et demanda
qu'on livrAtau moins la basilique Portienne.
Le |>eu[)le refusa énergijuement. Le magitrat
se retira, disant qu'il en ftraitson rap[iort à
l'empereur. Le lendemain, jour du dimanche
des rame-mx, saint Ambroise donnait, c'est-à-
dire expliquait le symbole aux compétents,
quand on vint lui annoncer que l'on avait
envoyé du p<ilais à la basilique Portienne
des hommes qui en prenaient [)Ossession, y
mettaient des tentures, et que le peuple ca-
tholique s'y rendait en foide, [)Our s'oppo-
ser à cette entreprise. Il continua et ensuite
commença l'oblation du saint sacrifice. On
vint alors lui dire que le peuple s'étiit saisi
d'un nommé Caslule, |)rèlre aritm. 11 f»leura
amèi'ement, et pria Dieu de ne pas permet-
tre qu'il y eût du sang versé pour la cause
de l'Eglise. Il envoya prompt» ment des prê-
tres et des diacres , qui arrachèrent cet
homme à la fureur du peuple. Ensuite, en
punition de l'émotion populaire qui s'était
manifestée , la cour fit punir sévèrement
toute la corporation des marchands. On les
chargeait do chaînes, et le plus grand nom-
bre était condamné h payer sous trois jours,
pour se racheter, la somme de deux cents li-
vres d'or. Les comtes et les tribuns vinrent
de nouveau trouver saint Ambroise, pour le
sommer de livrer promptement la b .sili(|ue.
Si vous voulez mon patrimoine, prniez-le,
leur dit-il : prenez mon sang, ma vie, met-
tez-moi dans les fers; mais quant à l'église,
elle ne m'ajipartient pas, et je ne puis la li-
vrer. Alors on envoya des hommes armés
pour s'em[)aier de la basilique. Le saint
tremblait de IVayeur, cai- il craign;\it qu(nes
catholiipies faisant résista n-e, il ne survint
un coiillit sanglant. (3n lui dcma^ida d'à ai-
ser le peujle. il dé[)en(l de moi, dil-i , de
ne pas le soulever; mais Dieu seul |»i ut l'a-
paiser ; si vous c o\ cz que je -ois cause de
sédition, |)unissez-m en sur l'heure, dil-il ;
envoyez-moi dans quehiuo désert. Ntms no
voyons plus rien de ce. (jui concer.c la basi-
li(|ue l'oilienne. Il y n aj)|iaicnce (;ue les
soldais, voyant (|ue ]v peujtle ('t.ul le jihis
fort, se retirèrent ave(" les s(Miten( (>s ((u'ils
avaunit apportées. On ne dit rien de ce (jui
S(! passa l(!S deux jours suivants; mais le mer-
CHidi l) avril, saint Ambroise ne fut pas plu-
têt sorti d(î son logis , (pi(> la basilique
neuve fut investie et occupée par (ie.* sol
165
ÂMB
ÂMB
166
dats. On y mit dos lenturos pour qu'A uxenco "
pûl y c(?i(''l)i'(M- rolFice; mais les calholicuics
y enir(''n'nl tic force, et on si jj,' niici nnnilirc,
que Ti^^lisc en élail enlièreinenl roiiiiilie. Ils
ueinaïulaie'U un leelciir pour leur lire l'I']-
vaiîgilo. Saint Ambi-oise, (jui céléhrail rollico
(la-^s l'ancienne basili(Hie, connut par Je jjji'-
nusscHK nt du peuple, (pu* l'églisi^ neuve
était envahie, alors il commanda (pm les
soldats fussent séj ares de la comiuunio'i
s'ils ne se i-etiraient. Pendant qu'il lisait les
leçons, qui étaient dulivre de Job cejour-lh,
on vint lui a[)prendre que l'église neuve
était [.leine de catholiques. Il craignait un
conflit , mais les soldats ayant su l'excom-
munication dont il les menaçait, quittèrent
la basilique neuve et vinrent à l'ancienne se
somnettie.au saint prélat. Le peu[)le souhai-
tait que le saint évé(pie se rendît à la basili-
que neuve; beaucoup le lui conseillaient,
il ne le voulut pas faire. Il répondit qu'il n'a-
vait pas plus le droit de combattre que celui
de livrer la basili(|ue. Il fil ensuite au peu-
ple un discours dan» lequel il profile de sou
désir du martyre, et stigmatise les femmes
qui persécutent l'Eglise en sa personne, no-
tamment Justine, (|u'il compare à Jézabel et
à Hérodiade. Pendant qu'il prêchait, on vint
lui dire que les tentures qu'avait fait mettre
rem|)ereur étaient enlevées, en même temps
on le priait de venir à la bisilique neuve. Il
refusa, mais il y envoya des prêtres. Un ins-
tant après on vint lui diie qu'un secrétaire
envoyé de l'empereur demandait h lui par-
ler. Le saint se mit un peu à l'écart poui' le
recevoir. « Comment avez-vous osé entre-
prendre, lui dit ce secrétaire, de vous oppo-
ser à l'ordre de l'empereur ? — Je ne sais, ré-
pondit le saint, de quel ordre vous me
parlez ni quelle est cette témérité qu'on
trouve dans ma conduite. — Pourquoi, repar-
tit le secrétaire, avez-vous envoyé des prê-
tres à la basilique? L'empereur veut savoir
si vous prétendez vous ériger en tyran, afin
de prendre ses mesures contre vous.» Saint
Ambroise lui rendit raison de son procédé
avec beaucoup de douceur, et il ajouta : « Si
cette manière d'agir vous semble être une
tyrannie, les armes dont je me sers sont au
nom de Jésus-Christ. Toid mon pouvoir est
de vous présenter mon corps; si on me juge
un tyran, pourquoi ditfère-t-f)n à me punir
de mort? Il est vrai que nous avons une ty-
rannie assez particulière. La tyrannie d'un
éyêque consiste dans sa faiblesse. Valenti-
nien, que Dieu laisse sans adversaire, de-
vrait prendre garde de s'attirer quelque ty-
ran véritable. Ce n'est pas la pensée de
Maxime que je sois le tyran d." Valentinien,
lui qui se [-laint que je l'ai empôciié par mon
ambassade de passer en Italie. Les évêques
ne se sont jamais érigés en tyrans ; mais ils
ont souvent souffert de la part des tvrans. »
(îiIlemont,vol.X, [i. 173.)
Tout le reste du jour se passa dans la dou-
leur. Ambroise ne put jamais regagner son
logis, qui était contigu à la basilique neuve.
Des soldats l'environnaient de toutes parts.
Au lieu donc de rentrer, il passa toute
la nuit à chanter des psaumes avec les
fidèles, dans la petite basilitpie de l'église.
Le jour suivant, comme on venait de liie
selon la coutume le livre d(! Jonas, Am-
broise cnmnieiiça son sermon par ces paro-
les : On vient, mes frères, de lire un livre, où
il est f)ro|)héiisé (jue les pécheurs revien-
dront un jour h Dieu par la pénitence. On
crut (pie ces paroles du saint étaient en elfet
prophétiques relativement au\ événements
qui préoccupaient si fortinnent ro[)inion pu-
bli(|ue. En etlVt, quelques in- tans après on
vint dire que l'emoeriHir faisait retirer ses
soldats de la basilique neuve, et restituait
aux marchands tout l'argent qu'on leur
avait extorqué. Ce fut ainsi que se termina
cette persécution, mais saint Ambroise crai-
gnait avec raison qu'elle ne se renouvelAt
bientôt. Les seigneurs do la cour priant
l'empereur de se rendre à l'église parmi li'S
catholiques, disant que c'étaient les sol-
dats qui le désiraient : « Vraiment, leur dit
l'empereur, je pense que si Ambr.iise vous le
commande; vous me livrerez à sa discré-
tion.» Ces mauvais sentiments lui étaientdic-
tés par l'impératrice Justine, et par Cal-
lyone, grand chambdlan et premi, r eunu-
que. Cet homme eut l'effronterie de faire dire
à Ambroise : « Quoil vous méprisez Valenti-
nien de mon vivant I je vous couperai la tête.»
Le saint sans s'étonner lui répondit : « Dieu
vous permette d'exécuter vos menaces. Je
souffrirai ce qu'il convient à un évèque d'en-
durer, et vous ferez une action digne d'un eu-
nuque. » Quelque temps après cet homme
eut lui-même la tête tranchée pour avoir
commis un crime habituel aux eunuques
dans ces temps de débauches, où les prin-
cesses et les grandes dames aimaient à se
donner des plaisirs sans dangers. Justine,
irritée au dernier point contre saint Ambroise,
recommença, en l'an 386, à persécuter les
églises, à menacer les évêques de les chasser
de leurs sièges, s'ils ne reconnaissaient les
décrets du concile de Rimini. Elle voulait
ainsi abattre Ambroise. L'empereur consen-
tit à faire des ordonnances contre la foi des
catholiques. Il donna des ordres à Bénévole
pour qu'il les rédigeât. Bénévole, élevé dans
l'amour de la foi catholique, fit voir bientôt
qu'il en saurait garder les enseignements. A
la première proposition qu'on lui en fit, il re-
fusa soa concours, et déclara qu'il n'écrirait
pas des choses qui attaquaient Dieu lui-
même. On lui promit des honneurs, un
grade plus élevé. « Pourquoi, répondit-il,
m'otlVez-vous de plus grandes charges, en
récompense d'une impiété? Otez-moi plutôt
cel'e que jai. Je serai content, pourvu que je
conserve inviolablement ma foi, et que je ne
fasse rien contre ma conscience. » Il quitta
alors les insignes de sa dignité, et les jetant
aux pieds de ceux qui lui donnaient ces or-
dres impies, il se relira chez lui, aimant
mieux n'être plus rien dans l'Etat que de
conserver son rang et la laveur impériale au
prix de son salut et de ses convictions. Jus-
tine trouva d'autres personnes qui n'hésitè-
rent pas à lui tenir lieu de Bénévole dan*
167
AMB
A MB
168
celto circonstance. La loi parât le -il janvier
de cette année 38G. Elle statuait en subs-
tance, ({Lie ceux qui suivaient la foi de Ri-
mini auraient liberté entière du tenir des as-
semblées, et défendait aux catholiques, sous
})eine(le la vie, d'y faire aucune o|)i)osition,
déclarant que dans le cas où ils enfrein-
draient cette défense, ils seraient considérés
commeséditieux, perturbateurs de l'Eglise et
criminels de lèse-majesté. Saint Ambroisedit
qu'en ex:'Cution de cette loi, on commajidait
partout de chasser les évèques catholiciues,
et de décapiter tous ceux qui résisteraient
et refuseraient de livrer les éj-dises. L'hom-
me qui dicta cette loi, qui l'éciivit, fut Au-
xence, cet arien de t}ui nous avons déjà eu
l'occasion de parler dans le cours de cet ar-
ticle. C'est de lui que saint Ambroise dit :
qu'il portera malgré lui ses lois dans l'autre
monde. 11 y portera sa conscience, ajoute-il,
quoi(iu'ii n'y porte pas sou papier. 11 y por-
tera son àmè teinte du sang des saints, quoi-
qu'il n'y porte pas sa lettre. Ton péché, ô Ju-
das ! est écrit avec un burin de fer et un
ongle de diamant, il est écrit dans ton cœur
parce ({uec'est loncœurqui encst le principe.
Ccite loi portée contre tous les catholi-
ques jeta |)artout l'aiarme elle deuil. L'em-
pereur Maxime parle de cette persécution
comme d'une calamité dans la([uelle les ca-
tholiques de Rome, d'itidie et des autres
provinces, perdirent leurs évèques et leurs
églises. Pourtant nous ne voyoïis pas qu'au-
cun évoque ors saint Ambroise ail éié tour-
menté. Quand on vi-U lui signilier qu'il quit-
tât l'église Portiennc: « Dieu m'eapiéserve,
réponuil-d. Je ne livrerai pas l'héritage des
saints évèques mes prédécesseurs ; je ne li-
vrerai pointla maison du Seigneur. » llajou-
ta, connue il avait déjà lait, que s'il possé-
dait quelque chos(t en propre, de l'or, des
iniisons, des terres, il h,' donnerait immé-
diatement ; mais qu'il n'était [)oint le maili-e
délivrer cequi était le patrunoiniMle Jésus-
Christ. Vous savez, disait-il à son |)euple,
que j'ai toujours eu pour les enqxM'Curs une
juste déférence. 11 est vrai que je ne sais
pas (■■ ' que c'est (jue bassesse; loin de crain-
dre les sujjplieesdonton me menace, je m'y
jirésente volontieis do moi-même ; (juand
l'empereur deniande le t. ibui,nous ne le lui
refusons pas. Les terres de l'églisi; le j)ayejit.
S'il veut même prendre ces t^M-res, il a le
{(ouvoir de s eu emparer, personne ne s'y
op|)osera. Les aumùn( s du peu|)le peuvent
suihre pour la subsistance des pauvres. Je
ne do,,n<;rai | as crste; res à l'emijcreur, mais
je ne m'opposerai pas à lui sd veut s'en
rendre le maître. Le tiibut appartient à Cé-
sar, ainsi on ne le lui refuse point; mais l'é--
glise appartient a Dieu, et on ne doit pas la
donnera tlésar, |)arce ([ue ce temple d.- Dieu
ne dépend pas de Cés.ir. l'ersoniie ne p(;ut
nier (pjc celte indéi)cndance de l'Kglise ne
soit même glorieuse à l'empereur. Car
(ju'ya-l-ilde |)lushonoi/ible àrempereuripu;
tl'éire appelé le lils de l'Kglise? Lui donner
celle (jualilé, ce n'est pas l'ollenser, mais
J'honorer. Un bon empereur se tient dans
l'Eglise et ne s'élève pas au-dessus de l'E-
glise. Il en cherche la jirotection et ne la
rejettei)as. Je le dis sans orgueil, mais avec
une généreuse liberté. On me menace de
m'envoyer en exil, de me trancher la tète,
de me brûler tout vif. Mais des serviteurs
de Jésus-Christ ont appris à ne rien craindre
de tout cela. Et quand on ne craint r:en,
on ne se met point en peine de ces sortes de
terreurs. »
On connaissait asse'. la fermeté de saint
Ambroise pour être bien sûr (ju'il ne lléchi-
rait pas. On se résolut donc à le faire sortir
de Milan. Quant à lui, il ne prenait aucune
précaution, allant et venant comme d'habi-
tude, passant tous les jours devant le ])alais
sans être accompagné de personne. Il s'at-
tendait chaque jour nu martyre, et c'était là
l'objet de toute son audDilion. On allait jus-
(|u'à faire courir le bi'uit publiquement que
des gens étaient apostés pour l'assassii.er.
Des tribuns envoyés ])ar l'empereut vinrent
lui apporter l'ordre de sortir de Milan. Il en
éprouva d'abord de la joie; c'était une j» r-
sécution, et les saints les ainienL comme les
soldats aiment le combat. ?tlais samt Am-
broise comprit aux observations qui lui fu-
rent faites, qu'on n'avait d autre but d • le
renvoyer que de donner aux Ariens les égli-
ses de la ville, et que son déj art équivau-
drait à la tradition qu'on lui demandait. Il
demeura donc, résolu à ne quitter que de-
vant la violence. L'exemple de saint Am-
broise montre que, si dans des cas sembla-
bles, des |)rélats ont cru devoir obéir aux
princes, leur exemple ne saurait èire don-
né comme règle générale. Chacun en pareil
cas doit obéir a.x prescriptions de sa cons-
cience et aux inspirations de l'Espril-Saint.
Dernièrement (à l'instant où nous écrivons,
nous eu lisons la nouvelle) deux archevê-
ques bannis, ceux de Turin et de Cagliari,
ont jugé à propos de laisser entre les mains
du gouvernement qui les proscrit leurs dé-
missions. N'est-ce pas là pousser troj) loin
l'amour de la paix, et renoncer trop aux
droiis ([ue l'Eglisedoit mamtenirà ses prélats
contre les gouvernements qui em[)ièlent sur
son autorité ?.
Après avoir mûr.Miicnt jjcsé sa réponse,
Ambroise dit aux envoyés qu'il ne [)uuvail
aucunement songer à quitter son église, par-
ce (pie jiour cela il ne reconnaissait ([u > 1 au-
torité de Dieuipii l'avad fait évê>|ue; (pie du
reste l'empereur était le maître; d'employer
les moyens violents que la puissance mettait
entre ses mains; qu'alors il serait bicni obli-
gé de faire ce tjue tant d'évê({u s avant lui
avaient fait, mais (ju'ilne pouvait consentir
à (juitter volontairementsonéglise. il pi'ia et lit
prier .son peuph» pour (pie Dieu voulût bien
(■loign I (le lui les maux (pii le mena(;aient ;
car il identiliailsa caus(!à celle de son peuple
et aux iulérêtsde son église. Il faisait d'abon-
dant(!s aunu'ines, disant (.pie .a charité ap-
pe.le l(! sec mrs de Dieu. Le pcniple, (jui crai-
gnait ([u'on lui enlevAt son évêipi(>, ou (pi'il
consinilità se retirer, passait les jours elles
nuits à le garder, résolu de soullrir avec lui.
169
AMB
AMB
170
On rapporte plusieurs faits aui sont regard(^s
comme miraculeux. Le peuple était barricadé
dans l'Eglise, et en avait fermé exactement les
portes. Or il arriva deux fois qu'une des
Ïirincipalesportes se trouva ouverte, sans que
es soldats, qui cherchaient partout le moyen
d'entrer, s'en ai)erçussent. Du reste, les soldats
qu'on envoyait ainsi se faisaient eux-mêmes
les défenseurs des catholiques. Ils laiss dent
entrer dans l'éylise tous ceux qui voulaient.
Seulement ils empochaient qu'on en pût
sortir.
Sur ces entrefaites, Dalmace, tribun et no-
taire, vint de la part de l'empereur sommer
Ambroise de venu*, en sa présence, disputer
contre Auxence, et de choisir des arbitres
comme cet évoque Arien avait fait. S'il ne se
fût agi que d'exposnr sa personne, Ambroise
eût acce[)té; mais ni les évoques présents ni
le peuple ne voulurent consentir h ce qu'il
s'exposât dans le palais. Il répondit à l'em-
pereur, par une lettre signée de tous les
évêques présents, s'excusant d'aller au palais
pour y disputerni devant lui,nidevant d'au-
tres laïques. C'est une indignité, dit-il, que
défaire des laïques juges des choses de l'E-
glise, en présence des évêques. Ambroise
ne vaut pas la peine qu'à cause de lui
on avilisse le sacerdoce. La vie d'un évo-
que ne mérite pas que, pour la racheter,
tuusles autres ] eident l'honneur de leur di-
gnité. Il proleste ensuit,! qu'il nejccssera d'ad-
hérer au concile de Nirée, et d'exécrer celui
de Kimini. Il finit en disant que si Auxence
veut faire juger son atlalre par un synode,
il ne manquera point de s'y trouver, quoi-
qu'on ne doive pas tioubler la paix de l'E-
glise pour un seul homme ; mais qu'il ne
sait ce que c'est que de s:.^ trouver à un con-
seil pour y parler des choses delà foi; que ce
serait différent, s'il s'agissait de l'intérêt du
prince. Ce fut peu de temps après avoir écrit
cette lettre, qu'il prononça le discours inti-
tulé : quil ne faut point livrer les temples.
Paulin nous assure que Justine tenta d'ac-
complir, à l'aide des crimes les plus atroces,
ce qu'elle ne pouvait réussir à faire par la
persécution ouverte. Elle voulut faire assas-
siner saint Ambroise par un homme qui, à
cet eflet, entra jusque dans sa chambre, mais
qui, n'ayant pu exécuter son dessein, déclara
pourquoi Justine l'avait envoyé. Ce fut vers
ce temps-là que Maxime certainement , et
Théodose peut-être, écrvirent àValentinien
pour le supplier de ne plus persécuter la re-
ligion catholique. Maxime allait même jus-
qu'à menacer Valentinicn de prendre fait et
cause pour les persécutés. Il lui disait: «C'est
une chose bien périlleuse de toucher à ce
qui regarde Dieu. » La persécution cessa en
386 ou 387.
Cette persécution de Justine a valu à saint
Ambroise le titre de confesseur. Le reste de
sa vie nous appartient beaucoup moins : nous
allons l'esquisser. Quelque temps après il
baptisa saint Augustin et saini Alype. Ce fut
aussi en ce temps-là que Maxime passa en
Italie et que Valentinien s'enfuit eri Orient.
Ambroise fut député vers lui, pour demander
DiCTiONN. DES Persécutions. I.
1(! corps de Gratien et pour traiter- ue la paix.
Il ne put rien obtenir. Ce lui alors que Va-
lentinien s'enfuit en Orient. Théodo^e passa
en Italie et vainquit Maxime. 11 demeura
longtemps à Milan. Ce fut durant qu'il y
était, ([ue le gouverneur d'Orient lui écrivit
que les chrétiens ava eut détruit une syna-
gogue juive, [ytv le comm.indeinent d'un évô-
([ue, et (|ue des moines avaient brûlé un
temple appartenant aux hérétiques valenti-
niens. Théodose ne se préoccui)antpas delà
question religieuse, et ne voyant là qu'une af-
faire de police et une atteinte à la propriété,
ordonna que l'évoque rebâtit la synagogue,
et qu'on réédiliat le temple aux frais des
moines. Saint Ambroise prétendit que cette
ordonnance était honteuse à la religion
chrétienne, se fondant sur certains exemples
tirés de l'Ecriture et des Actes des martyrs.
Il écrivit, à ce sujet, une lettre extrêmement
énergique à Théodose. Ce prince n'en tenant
compte, il l'attendit à l'église, et étant en
chaire il lui dit qu'il n'otfrirait le saint sa-
crifice que s'il consentait à rétracter ses or-
dres. Il obtint ainsi ce qu'il désirait. Bien-
tôt après il s'opposaaussiaurétablissement de
l'autel de la Victoire. Nous ne trouvons plus
rien qui regarde ce saint, dans le courant de
l'année 389. L'année suivante, eut lieu la fa-
meuse sédition de Thessalonique. Bollieric,
qui commandait les troupes dans la contrée ,
avait fait mettre justement en prison un co-
cher aimé du peujdc. Le peuple se souleva
pour le ravoir, et Botheric fut tué. Théodose
ne punit pas la ville selon la justice. Il frappa
avec l'aveugle rage de l'emportement. 11 tît
tuer dans la ville indistinctement, et sans re-
cherche des vrais coupal)les , une grande
quantité de personnes. Ambroise, dans cette
circonstance, avertit Théodose, et enfin lui
refusa l'entrée de l'église jusqu'à ce qu'il eût
fait pénitence. Théodose accepta la pénite'ice.
L'évoque et l'empereur se grandirent tous
deux dans cette circonstance mémorable :
l'évêque par le courage , l'empereur par l'hu-
milité.
Cette même année, 390, saint Ambroise
tint à Milan un concile contre les Ithaciens
et Jovinien. En 391, il assista au concile de
Capoue, travailla au rétablissement de la paix
à Antioche, troublée par la division de saint
Mélèce et de Paulin, vivante encore dans les
hommes de leur parti après la mort du pre-
mier. Théodose, ayant reconstitué la puis-
sance impériale en Occident, remit l'autorité
à Valentinien II, et retourna dans ses Etals.
Après la mort de sa mère Justine, Valenâ-
nien était devenu extrêmement sage et ver-
tueux. Il manda Ambroise pour recevoir de
lui le baptême, mais il fut tué avant l'arrivée
du saint, qui pleura sa mort, et fit son orai-
son funèbre. Après l'avènement d'Eugène à
l'empire, il se retira de Milan pour n'y point
assister à l'arrivée de ce prince, qui semblait
prendre à tâche de rétablir le paganisme. Il
alla à Florence, où il ressuscita un mort, et
se fit beaucoup aimer des Florentins. Après
que Théodose eut vaincu Eugène, il revint
y Milan, et fit en sorte que le v.:ri iqueur usât
m
AMI
AMM
m
modérément de sa victoire. Peu de temps
après il eut à faire l'oraison funèbre de ïhéo-
dose, en 39'i-. Peu après, il ordonna un évo-
que pour la ville de Pavie, et tomba malade.
Stilicon dit que, si le saint mourait, l'Italie
était menacée de ruines. Il assembla les no-
tables, et les força d'aller prier le saint de
demander à Dieu une prolongation d'exis-
tence. « Je n'ai point vécu de manière, dit-il,
à craindre de rester encore quelque temps
parmi vous. Je ne crains pas non j)lus do
mourir, car nous avons affaire à un bon maî-
tre. » Il mourut dans la nuit du vendredi au
samedi saint, en 397. Son corps est encore
aujourd'hui dans une cave, sous le grand
autel de la basilique Ambroisienne. L'Eglise
fait sa fôte le 7 décembre.
AMBROISE (saint), martyr, était centu-
rion. Durant la persécution de Dioclétien, il
souffrit divers tourments, et passa par le f^'u.
Le tyran, le voyant en sortir sans aucun mal,
le (it plonger dans l'eau, d'oii il s'envola vers
le ciel. On ignore l'année de son martyre.
L'Eglise honore sa sainte mémoire le 16 août.
AMBROISE, prêtre habitué de la paroisse
de la Trinité, de Laval, fut guillotiné dans
cette ville, le 21 janvier 1794, avec treize au-
tres prêtres. Cet ecclésiastique passait pour
attaché au parti janséniste. « J'espère, lui
dit le président, que tu ne refuseras pas ce
qu'on te demande, car tu ne partages pas les
opinions de tes confrères. — Je veux bien,
répondit M. Ambroise, obéir au gouverne-
ment, mais je ne veux pas renoncer à ma
religion. — N'es-tu pas janséniste? reprit le
juge. — Je conviens, répondit-il, que j'ai eu
le malheur d'adopter des opinions qui n'é-
taient pas conformes à la saine doctrine;
mais Dieu m'a fait la grâce de reconnaître
mes erreurs, je les ai abjurées devant mes
confrères, qui m'ont réconcihéavec l'Eglise. »
On témoin déclare même qu'il ajouta : « Je
suis content de laver ma faute dans mon
sang. » Ce pieux souhait fut exaucé, et, quel-
ques instants après, sa tête roulait sur l'é-
chalaud. ( Tiré des Mémoires ecclésiasti-
ques, etc., par M. Isidore Boullier, curé de
la Trinité de Laval, 1846.)
AMELIA, vilh; de l'Etat ecclésiastique, est
célèbre par le martyre qu'y souffrit sainte
Firmine, sous le règne de l'impie Dioclétien.
AMIDE, en Paphiagonie, ville célèbre ()ar
le martyre des saintes femmes Alexandra,
Claude, Euphrasie, Matrone, Justine, Euphé-
mie, Tliéodose, Derphute et sa sœur.
AMIENS, ville de France, ancienne capi-
tale de la Picardie, anjourd'lnii chef-lieu du
dé|)artenient di: la Somme, eut pour |)reniier
évoque saint Firmin, que le juge Valèic Sé-
bastien lit emprisonner et décapiter (;n l'an-
née 287, sous l'empire de Dioclétien. Un se-
cond saint Fuiiiin lit bMir, sur le; tombeau
de celui dont nous parlons, une église dédiée
à la vierge Marie. La cathédrale d'Amiens
possèd(j (jncore une grande, pai'tie d(;s reli-
ques de son premier évèque. En l'année 2H6,
durant la violente persécution (pie Butins
Varus avait ex(;itée contre les chrétiens, et de
laquelle saint Quentin venait d'être victimo,
iCs deux saints Fuscien et 'Victoric, qui
avaient fixé à Terouenne le siège de leur
mission, étant venus dans cette ville pour y
voir saint Quentin, et ne l'y ayant pas ren-
contré, prirent le chemin de Paris, où ils se
rendaient. Arrêtés sur la route i)ar un vieil-
lard, nommé Gentien,qui leur raconta la mort
du saint martyr, ils acceptèrent Ihospitalité
qu'il leur offrit dans sa maison. Ils y furent
j)resque immédiatement arrêtés par ordre de
Riclius "Varus, qui, ayant fait couper la tête
à saint (lentien, lit ramener les deux saints à
Amiens, oii ils furent aussi décapités. Nous
avouons qu'il y a dans le récit de tous ces
faits quelque chose qui nous étonne profon-
dément. Comment se fait-il, en etfet, que
saint Fuscien et saint Victoric eussent besoin
de rencontrer saint Gentien, en se rendant
d'Amiens à Paris, pour apprendre de lui la
mort de saint Quentin ? Comment ne la leur
avait-on pas apprise à Amiens? La mémoire
de ce fait y était encore toute palpitante.
On ne saurait admettre que les deux saints,
n'ayant pas i encontre celui qu'ils venaient
voir, soient partis sans demander au moins
où il était, ce qu'il était devenu : peut-être
la narration des actes de ces saints signiiie-
t-elle seulement que Gentien, mieux instruit
que d'autres sur ce qui s'était passé, leur
raconta sur le martyre du saint des détails
plus précis et plus circonstanciés que ceux
qu'ils connaissaient déjà.
AMINIEN (saint), fut honoré de la palme
du martyre, sous l'empereur Maximien, avec
les saints Théodore, Océan et Julien. Après
avoir eu les pieds coupés, ils furent jetés
dans le feu, et accomplirent ainsi leur triom-
phe. Ils sont inscrits au Martyrologe ro-
main le 4 septembre.
AMITERNE, Amiternum, aujourd'hui San
Vittorino, était jadis une ville assez impor-
tante de l'Italie, dans le pays des Vestini.
Elle fut la patrie de Salluste; mais sa gloire
la })lus grande est d'avoir eu pour évèque
saint Viclorin, qui y mourut martyr durant
la persécution de Trajan. Depuis, cette ville,
déchue de son ancienne grandeur , est un
bourg modeste, mais il se nomme Saint-Vic-
torin. Le souvenir du saint martyr a sur-
vécu à la grandeur de la cité, et la tradition
suOit pour répondre à ceux qui nient que
saint Victoria ait été évèque d'Amiterne et
martyr.
AMMIE (sainte), martyre, versa son sang
pour la foi, à Césarée en Cappadoce. Elle
soulfrit le niai'tyre avec saint Théodole, père
du martyr saint Mamès, et sainte Ruline, sa
mère, (pii le mit au monde en })rison. L'E-
gli.s(; fait leui' fête le3t août.
AMMON (saint ), est inscrit au Martyro-
log(! i-omain conniu! martyr, ainsi que les
trois soldats et le vieillard Théophile (pii se
trouvaient avec lui près du tribunal du juge
(]'Ale\andri(; (pii, sous l'empire de Dôct*,
faisait mourir, (>n 250, saint Némésion. L'E-
glise fait sa fêl(! au 20 décembi'e avec celle
(le ses compagnons, ils soûl (pialitiés mar-
tyrs par [)i(;s(pie tous les historiens, qui ci-
tent saint Dcnys faisant mention d'eux dan:»
475 AMM
sa lettre sur lo martyre des saints d'Alexan-
drie. Nous nous contenterons de citer le
passait! (le saint Denjs.
« Il y avait |)roclie le tribunal du gouver-
neur quelques soldats de sa garde (jui étaient
clu'étiens, et entres autre Anuuoii, Jeuon,
Ptoléniée, Ingénu et le vieillard Théophile.
On interrogeait alors un chrétien ; et coiuiue
le juge le pressait vivement , le pauvi-e
liomiiie commençait à se troubler et à don-
ner des marques d'une loi chancelante; peu
s'en fallait cpi'il ne renonçât Jésus-Christ.
Voilà l'inquiélude qui prend à nos soldats ;
ils ne peuvent s'empêcher de la faire paraî-
tre ; et les divers signes qu'ils tirent pour
encourager ce faible athlète les trahirent
bientôt. Mais ils n'attendirent pas qu'on se
saisit d'eux ; et, s'approchant encore plus
près du juge , ils déclarèrent qu'ils étaient
chréliens. Cet aveu si peu attendu épou-
vanta le préfet et les autres juges , et sus-
pendit pour un temps leur sévère cruauté :
ils n'osèrent lien ordonner contre ces braves
soldats, qui sortirent du prétoire pleins de
joie et couverts de gloire, pour avoir fait
triompher Jésus-Christ de l'impiété et des
idoles, à la vue même de leurs autels et en
présence de leurs ministres les plus dé-
voués. ))
AMMON (saint), diacre à Andrinople dans
la Thrace, n'avait pas tenu compte de la dé-
fense qu'avait faite Licinius aux hommes
d'enseigner la religion aux femmes. Il fut ar-
rêté avec quarante vierges qu'il instrui-
sait. Un juge, nommé Rabde , leur fit souf-
frir divers tourments, d'abord à Andrinople,
puis à Bérée ; entin, ils furent tous envoyés
à Licinius, à Héraclée. Ce prince fit mourir
les quarante vierges par divers supplices.
Saint Ammon fut décapité. L'Eglise honore la
mémoire de tous ces saints le 1" septembre.
( Voy. le Ménologe des Grecs, se|)t., p. 19. j
AMMON (saint), martyr, soulfrit pour la
foi à Alexandrie. 11 eut pour compagnons de
son martyre les saints Théophile, Néotère et
vingt-deux autres que le Martyrologe ro-
main ne nomme point. On ignore l'époque
où eut lieu leur glorieux martyre. L'église
célèbre la mémoire de ces saints le 8 sep-
tembre.
AMMONAIRE (sainte), martyre (Ammona-
rium), mourut pour la foi sous l'empire de
Dèce, à Alexandrie, en l'année 250, et sous
le gouverneur Sabinus. Elle était vierge. Le
juge la fit longtemps tourmenter, pour l'o-
bliger à prononcer quelque blasphème con-
tre Jésus-Christ ; mais elle refusa toujours,
avec une constance a Imirable, de souiller
ses lèvres de cette impiété. Le juge l'envoya
au supplice. Nous citons les propres paroles
de saint Denys. L'Eglise fait sa fête le 12 dé-
cembre.
AMMONAIRE (sainte), martyre, comme
celle qui précède, donna sa vie pour Jésus-
Cllrist, dans les mêmes circonstances et dans
le même jour. L'Eglise fait leur fête le même
jour aussi. Le Martyrologe romain dit que
le juge, ayant eu honte de se voir vaincu
par la première Ammonaire , envoya ses
AMP
m
trois compagnes au supplice, les fit décapi-
ter, pour ne pas se voir contraint de céder
h leur constance s'il exerçait sur elles les
mêmes rigucui's. Saint Deuys dit, en parlant
de la seconde yVnnnonaire, qu'elle ne céda
en lien à la générosiié dii la première. Dans
le catalogue du Mailyrologc; romain, publié
j)ar ordre de (Irégoire XIII, revu par Ur-
bain V1!I cl Clément X, corrigé par Biî-
noil XIV, il n'y a qu'une seule Ammonaire
inscrite, c'est une faute.
AMMONE (saint), martyr , fut décapité à
Alexandrie avec saint lienis. Les détails
manquent complètement sur eux. L'Eglise
fait leur fête le ik lévrier.
AMMONE (saint), martyr, versa son sang
pour la foi, dans la |)entapole de Libye ; il
était lecteur. Les compagnons d(,' son martyre
l'ur.'iit Théodore, évêque, Irénée, diacre', ot
Sérapion, lecteur. On ignore la date de leur
martyre, et le Martyrologe romain ne donne
point de détails sur leurs combats. L"Eglise
honore leur mémoire le 26 mars.
AMMONE (saint), martyr, était soldat
dans la province du Pont. Il avait d'abord
été condamné aux mines avec un de ses
compagnons, nommé Mosée, mais ils furent
ensuite brûlés. On ignore à quelle époque.
L'Eglise célèbre leur mémoire le 18 jan-
vier.
AMMONE (saint), martyr, répandit son
sang pour la foi à Sole en Chypre, avec saint
Alexandre. Le Martyrologe romain ne mar-
que point à quelle époque eut lieu leur mar-
tyre, et n'en donne aucun détail. L'Eglise
les honore le 9 février.
AMMONIUS, l'un des trente-sept martyrs
égyptiens qui donnèrent leur sang pour la
foi en Egypte, et desquels Ruinart a laissé
les actes authentiques. Voij. Martyrs ( les
trente-sept) égyptiens.
AMMONIUS (saint), martyr, prêtre de l'E-
glise d'Alexandiie, fut mis à mort pour la
foi, en lan 311, avec saint Pierre, évoque de
cette ville, par ordre de Maximien Daia,
avec les saints Dion et Fauste. L'Eglise cé-
lèbre leur lête à tous le 26 du mois de no-
vembre.
AMMONIUS, évêque de Pacnémoune, con-
fesseu,', fut exilé pour l'orthodoxie, par le
comte Magnus, sous l'empereur arien Va-
lons. Il fut envoyé à Diocésarée en Pales-
tine. Il n'est pas inscrit au Martyrologe
AMPELE (saint), soutfrit le martyre à
Messine en Sicile, avec saint Caïus. On n'a
aucun détail. L'Eglise célèbre leur mémoire
le 20 novembre.
AMPELIUS (saint), fut lun des quarante-
huit martyrs mis à mort avec saint Saturnin
en Afrique, sous le proconsul Anulin, en
l'an de Jésus-Christ 305, sous le règne et
durant la persécution atroce que l'infâmo
Dioclétien suscita contre l'Eglise du Sei-
gneur. (Voij. saint Saturnin.) L'Eglise célè-
bre la fête de tous ces saints le 11 février.
AMPHIEN (saint), soutfrit le martvreàCé-
sarée en Palestine, sous la persécution de
Galère-Maximien, pirce qu'il avait repris le
président Urbain de sacrifier aux idoles. On
175
ANA
ANA
17C
le déchira cruellemenl ; on lui enveloppa les
pieds avec un linge trempé dans l'huile,
puis on y mit le feu. Enlin il fut précipité
dans la mer. L'Eglise honore la mémoire de
ce courageux martyr le 2 avril.
AMPHILOQUE (saint ), raarlyr, était chef
de mihce. On n'a aucun détail sur son mai-
tyre. On sait seulement qu'il eut pour com-
pagnons de ses combats saint Philet, séna-
teur, ssinte Lydie, saint Macédo et saint
Théoprépide, femme et hls du dernier. Le
Martyrologe romain nomme encore saint
Cronidas, greflier. L'Eglise honore lamé-
moire de ces glorieux martyrs le 27 mars.
AMPHIPOLIS, ville de Macédoine, oii eut
lieu le martyre des saints Aucte et Taurion,
et de sainte Thessalonice.
AMPLLVT (saint), martyr, répandit son
sang pour l'Evangile. Il eut pour compagnons
de sa gloire saint Urbain et saint Narcisse.
Saint Paul parle de ces glorieux martyrs dans
son Epître aux Romains. L'Eglise célèbre
leur mémoire le 31 octobre.
ANACLET (saint), troisième pape. C'est
le même que saint Clet. Baronius veut que
ce pape soit mort martyr, en 91 ; mais des
Pontificaux disent qu'il est mort en paix.
SepuUus est in pace. Le doute plane sur cette
question. Saint Anaclet gouverna l'Eglise
environ neuf ans. — 13 juillet.
ANAGNI, ville des Etats ecclésiastiques,
est célèbre dans les annales des martyrs par
la mort de l'évèque saint Magne, qui y per-
dit la vie en confessant la foi de Jésus-
Christ. Son martyre arriva durant la persé-
cution de l'empereur J)èce.
ANANIE, hls de Ncbedée, avait été fait
grand pontife avant la huitième armée de
Claude (de J.-C. 48), par Hérodc, roi de
Chalcide. 11 fit donner un soulilet à saint Paul
quand il eut été arrêté à Jérusalem par les
Juifs. Saint Paul l'apostropha avec véhé-
mence, l'appelant « muraille blanchie », et
lui annonçant que Dieu le frapperait lui-
même. Ceux qui étaient présents dirent à
Paul : « Quoi! tu maudis le grand prêtre de
Dieu? » Paul ré[)Ondit qu'il ne savait pas
que ce fût le grand jirêtre. Saint Chrysoslome
croit que la réponse de saint Paul était iro-
nique, disant (ju'un homme, élevécomme lui
parmi les Juifs, devait connaître le grand
prêtre; saint Chrysostome n'a pas rétléchi
(jue saint Paid , absent depuis vingt-quatre
ans de Jérusalem, pouvait très-bien ne pas
connaîti-e Ananie, lequel n'était grand prêtre
que de()uis dix années. Ananie vnit à Césarée
dfvant le proconsul Félix pour y accuser
saint Paul, il amena avec lui |)Iu.sieur.s séna-
teurs et un oraleurappeléTertulle. Agrippa 11
lui ôla la grande [)rêtri.se en 02. Il mourut
en 00 (Vojj. Josèphej. 11 fut massacré d.ms
Jérus.ilern au couurienccuiient de la guerre
(les Juifs comIii; les Komains. Ainsi fut ae-
COiii|)li<' 1.) préilielion de saint Paul.
ANAMI"^, l'un des soixant(;-dix disciples.
Ce fui lui qu(! le Seigne'ur, dans une; v/sutn,
d.iarge;i d' .iller cherclw.'r s;iinl l'.uil, (|ui v('n;iit
d'e-utrer h D.im.'is et (|ui était dans la maison
de Jude. Il eut le bonheur d'instruire le futur
apôtre des gentils et de le baptiser. Les nou-
veaux Grecs (Bollandus, 29 janv., p. 013,
§ 2) disent qu'il a été martyrisé , et font sa
iete le 1" d'octobre. Suivant eux, il fut évo-
que de Damas. Les Grecs et le martyrologe
romain, d'après eux, disent qu'il fut lapidé
par ordre du gouverneur Lucien. D'abord,
les Romains ne condamnaient personne à
êlie lapidé; ensuite, les actes que donne
Bollandus sont paifaitement dignes de la
réputation de Métaphraste, à qui Léo Allatius
les attribue. En dernier lieu, enfin, ces actes
portent qu'Ananie fut martyrisé à Belha-
gaure d'Eleutéropolis, qui se trouve en Pa-
lestine. Or, durant tout le temps qu'on peut
attribuer à la vie de saint Ananie , aucun
Lucien ne fut gouverneur de la Palestine.
ANANIE, cinquième fils d'Anne, le grand
prêtre, dont il est si souvent question dans
l'Evangile , fut nommé grand prêtre par
Agrippa le Jeune, en 02, à la place de Joseph
Cabi. Ce fut lui qui fit mourir saint Jacques
le Mineur et, ainsi que le dit Josèphe , dans
le xx° liv. de ses Antiquités judaïques, ch. 8,
plusieurs autres chrétiens. 11 fut accusé par
les principaux de Jérusalem, devant Agrippa
et devant Albinus, gouverneur, qui succédait
à Festus. Agrippa lui ôta la grande sacrifica-
ture, pour le fait de la mort de saint Jacques,
et la donna à Jésus, fils de Damneus. Ananie
ne fut grand prêtre que quatre mois.
ANANIE (saint), martyr, baptisa saint Paul.
Ayant prêché l'Evangile à Damas, à Eleulé-
ropohs et ailleurs, il fut meurtri et déchiqueté
à coups de nerf de bœuf, sous le juge Lici-
nius; enfin, accablé de pierres, il consomma
son martyre. L'Eglise vénère sa sainte mé-
moire le 25 janvier.
ANANIE (saint), martyr, mourut en con-
fessant la foi, à Arbelles en Perse. Le Mar-
tyrologe romain ne dit point à quelle époque
il soutlrit le martyre, et ne donne aucun dé-
tail sur ses combats. L'Eglise célèbre sa
mémoire le 1" décembre.
ANASTASE (saint), cueillit la glorieuse
palme du martyre sous le règne de Dèce,
dans la ville de Camérino, en Italie, peu de
temps après saint Venant ou Yenance , et
par ordre du môme juge, nommé Antiochus.
L'Eglise célèbre la fête de ce saint et de ses
compagnons le 11 mai.
• ANASTASE (saint), martyr, était grelher
en chef h Saloiie. La constance de saint
Agapil dans les tourments le toucha si fort ,
qu'il se lit subitement chrétien. Il confessa
le nom de Jésus-Christ, et lut mis à mort
])ar l'ordre de l'empereur Aurélien. L'Eglise
vénère sa sainte mémoire le 21 aoiU.
ANASTASE (saint), prêtre, souffrit pour la
loi sous le règne de (îalèr(; et de Maximin,
le 0 janvier 313, avec saint Julien IHuspita-
liei'. Sa fête arrive le 9 janvier. {Voij. (^lias-
lelain, p. 100.)
ANASTASE (saint), ((jiilesstMir, était pa-
Iriarclie d'Alexandrie. Son /èle poui' la dé-
fense d(! la foi calliolique fut cause tlu long
exil ipi'il eut à soull'rir, comme nous allons
If v(Mr plus bas. Lorsque l'eiupereui' Justi-
nien se décl.n-a favorable aux hérétiques qui
177
ANA
ANA
178
soutenaient que Jésus-Clirist, durant sa vie
mortolle, avait pu un corps incapable de
soullVir, notre saint patriarclKi s(> montra
leur plus grand ennemi et prit la phime pour
d(^teu(lre la vérit(^. L'eni()er(!ur était sur le
l)()int de l'exiler quand la mort vint le sur-
pre-ulre. Mais Justin h; Jeiuu> , son suc-
cesseur, chassa bientôt notre saint de sou
siégG, mit ^. sa place un nxunc appelé (îré-
goire, et le tint en exil pendant vingt-trois
ans. Anastase fut rapt)elé<i Anlioche en l'an-
née 593, et continua de gouverner son Eglise
jusqu'il sa mort, qui eut lieu vers l'année
598. L'Eglise célèbre sa fôte le 21 avril.
ANASTASE (saint), martyr, était évoque.
Il reçut la couronne du martyre à Antioclie.
Les Juifs le massacrèrent d'une manière
barbare, sous l'empire de Pliocas. On ignore
en quelle année. L'Eglise célèbre sa glorieuse
mémoire le 21 décembre.
ANASTASE (saint). Persan, fut martyrisé
pour la foi en 628. Le roi de Perse Chosroès,
ayant pris Jérusalem, emporta dans ses Etats
la vraie croix. La présence de ce saint ins-
trument de notre salut fut l'occasion de la
conversion d'un grand nombre de Persans ,
parmi lesquels saint Anastase. Il appartenait
a une famille de mages. Son père l'avait ins-
truit dans les sciences que possédaient ces
prêtres orientaux. De bonne heure Anastase
embrassa le métier des armes. Ayant entendu
parler de la vraie croix, il désira savoir au
juste ce que c'était. Il étudia la religion chré-
tienne , et immédiatement demeura frappé
de la grandeur de ses dogmes et de la beauté
de sa morale. Après avoir servi dans une
expédition contre les Romains, il revint en
Perse, et, ainsi que son frère, quitta la pro-
fession qu'il avait embrassée. Il alla se loger
à Hiéraple, chez un monnayeur persan qui
suivait la religion de l'Evangile. Souvent ce
dernier le menait aux réunions des chrétiens.
Anastase se faisait expliquer les peintures
qui dans les églises chréiiennes représen-
taient les combats des martyrs; il s'enflam-
mait au récit de ces glorieux combats. Il
brûlait de verser aussi son sang pour Jésus-
Christ. Il avait l'extrême désir de s'instruire
à fond de la doctrine évangélique. Au bout
de peu de temps, il quitta Hiéraple, et vint
h Jérusalem recevoir le baptême. Ce fut
. Modeste, vicaire général de cette église, qui
\ le lui administra. Il se nommait Magundat et
prit au baptême le nom d'Anastase. Après
avoir reçu ce sacrement régénérateur, il se
retira dans un monastère à deux lieues de Jé-
rusalem. L'abbé, qui se nommait Justin, lui fit
apprendre la langue grecque et les psaumes ;
puis il le tondit et lui fit prendre l'habit en l'an
de Jésus-Christ 621. Bientôt Anastase devint
le modèle du couvent tout entier. Sa lecture
favorile, celle qu'il faisait le plus souvent,
était celle des vies et des combats des saints
martyrs. Poussé par le désir d'obtenir lui-
même la palme du martyre, il sortit de son
monastère , près de Jérusalem , et vint à
Césarée de Palestine. Comme les Perses en
étaient les maîtres, il vit, en passant, quel-
ques-uns de leurs mages , qui pratiquaient
leurs superstitions. Il les en reprit et .eur
parla avec tant de force, qu'ils le prièrent de
ne les pas découvrir. Ensuite il renconlrn
d(3s cavaliers qui le prirent pour un espion.
Il fut arrêté et présenté au gouverneur, nom-
mé Marzaban, cpii, l'ayant interrogé (il trouvé
ferme dans la confession de Jésus-Christ, le
fit enchainer avec un autre et travailler à
porter de grosses pierres. Quelques Perses
de sa province, le voyant en cet état, le mal-
traitaient encore , disant qu'il déshonorait
leur pays. Marznban le fit ramener devant
lui, et le voyant toujours constant, le fitbattro
en sa présence à coups de bâton. Anastase
priait seulement qu'on lui ôtât son habit mo-
naslique , pour ne pas le profaner. Après
avoir ainsi confessé Jésus-Christ par trois
fois, il fut remis en prison, où il ne cessait
point de louer Dieu et de célébrer son ofiice
le jour et la nuit, prenant garde seulement
de ne pas troubler le repos du jeune homme
qui était attaché à la même chaîne. L'abbé
de son monastère , ayant appris le commen-
cement de ses souffrances , fit faire des
prières pour lui par toute la communauté,
et envoya deux moines à Césarée , avec des
lettres, pour l'encourager. Marzaban avait
écrit au roi Chosroès, pour savoir ce qu'il de-
vait faire d'Anastase ; et ayant reçu la réponse,
il lui fit encore parler, l'exhortant à renoncer
à Jésus-Christ , au moins en secret , de-
vant lui et deux autres témoins. Le voyant
inébranlable , il lui déclara l'ordre du roi
de le mener en Perse, chargé de fers, le fit
mettre dans la prison publique, pour par-
tir dans cinq jours avec deux autres chré-
tiens. La fôte de l'Exaltation de la sainte
croix arriva dans ces jours-là , le quator-
zième de septembre 627; et Anastase, avec
ses deux compagnons , les deux moines de
son- monastère et quelques hommes pieux
de la ville, célébrèrent la veille, dans la
prison, passant la nuit en prières. Un rece-
veur des tributs, qui était chrétien , obtint,
même du gouverneur la liberté de tirer
Anastase hors de ses fers, pour le mener en
l'église, le jour de la fôte : ce qui donna une
grande consolation à tous les fidèles. Ils en-
courageaient le martyr, baisaient ses chaînes
et lui rendaient tous les honneurs possibles.
Les cinqjours étant passés, les prisonniers
partirent et furent conduits par plusieurs
chrétiens de Césarée , tant de Perse , que
d'autres nations. Un des deux moines du
monastère d'Anastase l'accompagnait dans ce
voyage, suivant l'ordre de l'abbé, pour lui
rendre tous les services possibles , et rap-
porter une relation exacte de ce qui lui serait
arrivé. Partout où le martyr passait , il était
reçu avec grande joie et grand honneur,
comme il l'écrivit par deux fois à son abbé.
Etant arrivé en Perse, il fut rais en prison à
six milles du lieu où demeurait le roi, qui,
en étant averti, envoya un de ses officiers
pour l'examiner. Anastase répondit par in-
terprète , ne voulant plus parler la langue
persanne, confessa librement Jésus-Christ,
et refusa les offres qu'on lui faisait d'une
grande fortune. Le roi, l'ayant appris, ren-
IT9
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180
voya le lendeniaiu le même olïicier, qui fit
étendre le martyr couché sur le dos, puis on
lui mit sur les jambes une pièce de bois ,
sur les bouts de laquelle montèrent deux
huîumes robustes. Après ce tourment , on le
remit en prison; mais, au bout de quelques
jours, le même olficier revint et lui fit doimer
quantité de coups de bâton; ce qu"il réitéra
jusqu'à trois fois en divers jours. Puis il le
fit pendre par une main avec une grosso
j)ierre à un pied et le laissa ainsi pendant
deux heures.
Cinq jours après, le roi renvoj^^ le même
ollicier pour laire mourir Anastase avec
d'autres chrétien>< captifs. On les tira de la
vide, et on commença par étrangler tous 1(!S
autres, qui étaient environ soixante-dix, et,
entre eux, les deux qui avaient été amenés
de Césarée avec saint Anastase. Ensuite on
lui demanda s'il voulait périr malheureuse-
ment comme eux, ou obéir au roi et devenir
un des plus grands de sa cour. Le martyr,
regardant le ciel, rendit grâces à Dieu de ce
que son désir était accompli , et leur dit :
« J'espérais que vous me feriez raettie en
pièces pour l'amour de Jésus-Clirist , mais
si c'est là cette mort dont vous me menacez,
je remercie mon Dieu de me faire partici[)er
à la gloire de ses martyrs par une peine si
légère. » On l'étrangla comme les autres,
mais ensuite on lui coupa la tête et on l'en-
voya au roi : c'était le vin^t-deuxième de
janvier, la dix-huitième année de l'empereur
Héiaclius , c'est-à-dire l'an 628. Le corjis
du saint fut racheté et mis dans le monas-
tère de Saint-Serge, à un mille de là, par
le moine qui l'avait suivi.
Environ dix jours après, et le premier de
février, l'empereur Héraclius arriva avec
son armée, suivant la prédiction du saint,
qui avait dit, la veille de son martyre : « Sa-
chez, mes fières, que demain je finirai par
la grAce de Dieu; vous serez délivrés dans
jii-u de jours, et ce roi injuste sera mis à
mort. » Le moine qui l'avait suivi revint au
bout d'un an au monastère, rapportant la
tunique du martyr. Il raconta à l'abbé toute
.•^on histoire, qui fut écrite dès lors comme
nous l'avons. Le corps de saint Anastase fut
depuis apporté par 1(! même moine à Cons-
taiiliiiople , et ensuite en Palestine , à son
monastère. Enfin l'image de sa tête, et sa
tète même, furent apportées à Uome, où (^n
les voit encore, au monastère nonnné Ad
aquas Salvias , qui porte le nom de S.iint-
Viiiccni et de Saint-Anastasc, car l'Eglis >
romaine les honore ens(;mbl<î le 22 janvier.
(l'Ieury, vol. II, p. 821.)
ANASTASK (sainfj, prêtre et moine, souf-
frit le martyre à Cordoue diu-anl la ncrsécu-
tion d'Abdéraîiie II. Il l'ut instruit dès l'cn-
lanceà Sainl-Acisclc de (>)rd()U(;. Etant dia-
cre, il en (pjifla les fonctions poui' embr-asscr
la vie rn()naNfi(pi(', et lut ciiliii ordoinié prê-
tre. S'élant donc [)iésriifé aux juges (il ayant
f>arlé (;onlr<! leur prophète, il l'ut aussitôt
exécuté avec, h; moine saint Féliv, natif (h;
Complut, mais africain d'origine. Ils eurent
l'un et l'outre la tête tranchée. L'Kglise
nonore leur glorieuse mémoire le li juin
ANASTASE (saint!, qui était homme de
guerre, fut décapité avec saint Marcel dans
la ville d'Argenton. On ignore les circons-
tances qui illustrèrent leur martyre. L'Eglise
honore leur glorieuse mémoire le 29juin.
ANASTASE (saint), martyr, était prêtre.
Il eut la gloire de répandre son sang j our la
religio!! de Jésus-Christ, et eut pour compa-
gnons de ses combats saint Placide, saint de
nés, et d'autres saints martyrs qu'on ne con-
naît pas. L'Eglise les honore le 11 octobre.
ANASTASE (saint), martyr, avait un tel
désir de mourir pour Jésus-Christ, qu'il vint
se présenter de lui-même aux persécuteurs.
C'est tout ce que le Martyrologe romain
donne de détails sur ce saint martyr. L'E-
glise honore et célèbre sa mémoire le 5 dé-
cembre.
ANASTASE (saint) , martyr , cueillit la
palme du martyre à Nicomédie, avec les
saints Cyriaque, Paucille, Second, Syndime,
et d'autres compagnons dont les noms sont
inconnus. L'Eglise fait leur fête le 19 dé-
cembre.
ANASTASE (saint), martyr, eut la gloire
de verser son sang pom^ la foi, à Aquilée.
C'est tout ce que le Martyrologe romain en
dit : On ignore l'époque de son martyre. L'E-
glise célèbre sa mémoire le 7 septembre.
ANASTASE (saint), évêque, confessa sa foi
à Terni. Le Martyrologe romain ne donne
aucun détail sur ses souffrances. L'Eglise
l'honore le 17 août.
ANASTASIE (sainte), martyrisée h Rome,
en 66, avec sainte Basilisse. Elle fut, comme
cette sainte , décapitée après qu'on lui eut
coupé les pieds et les mains, pour avoir pris
soin des corps de saint Pierre et de saint
Paul. Les Grecs, et à leur imitation les Ro-
mains, en font la fête le 15 avril.
ANASTASIE ( sainte ) , vierge , appelée
l'Ancienne, donna sa vie pour la foi à Rome
sous l'empire de Valérien, et sous le préfet
Probus. Après avoir été chargée de chaînes,
soufllefée , tourmentée par le feu, frappée à
coups de bâtons, elle eut les mamelles dé-
chirées, les ongles arrachés, les dents cas-
sées, les mains et les pieds coupés. i^>nfin,
pour terminer son martyre, on lui trancha la
tête. Cyrille, qui assistait à son supplice, lui
ayant donné de l'eau qu'elle lui avait de-
niandée, fut, à cause décela, j)ris par les per-
sécuteurs, et reçut la couronne du martyre.
L'Eglise; fait la fêle de sainte Anastasie le 28
octobre.
ANASTASIE (sainte) ou Anastask, mar-
tyre, était dune illustre famille de la ville
(le Roin(\ Saint Chrysogone avait été son
tut(Mn' et son insliluteui- dans la foi. Quand
(•(! saint niarlyi- eut été arrêté à A(piilée, (dNî
le rejoignit pour le consoler et lui prodiguer
les soins desfpu'ls il [louvait avoir besoin.
Elle l'ut elle-même arrêtée, et, après avoir
soull'eif divers sumilices, elle fut hiillée vive,
|iar' ordre du iiretet d'Illyrie'. Ses reli(pies
lurent |toi'lé(!S a Home, où elles sont encore,
(l.uis rt''glis(( placée sous son invocation.
L Egiis(! célèbre sa fôto le 25 décembre.
181
ANA
AND
189
ANATHALON (saint), martyr, était disci-
ple de l'apAtro saint B;irnah(^ et fut son sue-
cossenr à l'évôciiô de Milan. Il reçut la palme
du martyre, mais on ignore h quelle date.
L'Kj^liso célèbre sa mémoire le 25 sep-
tembre.
ANATOLE (saint), oucillil la palme du
martyre h Nieée en Bithyiiie. Il eut pour
compagnons de ses glorieux combats saint
Eustache et saint Tliespèse. Ce lut sous la
persécution que rim|)ie Maximin fit subir
aux chrétiens qu'eut liiu ce martyre. L'E-
glise honore leur mémoire le 20 novembre.
ANATOLE (saint), martyr, mourut pour la
défense (le la religion avec sainte IMiotine et
ses deux fils Victor et Joseph, les saints Sé-
bastien,ofiicier de l'armée, Photius, Photide,
les saintes Parascève et Cyriaque, sœurs. Le
Martyrologe romain ne marque point à
quelle époque. L'Eglise honore leur mé-
moire le 20 mars.
ANATOLIE (sainte), sœur de sainte 'Vic-
toire , était fiancée à un jeune homme
nommé Aurélièn; Victoire l'était h un jeune
homme nommé Eugène. Cette dernière ayant
pris la résolution de consacrer sa virginité
au Seigneur, Anatolie fut priée par Eugène
de vouloir bien se rendre auprès de Victoire
pour la ramener h d'autres desseins. Ana-
tolie, au lieu de changer sa sœur, fut con-
vertie par elle à la même résolution. Les
deux fiancés des deux saintes, n'ayant rien
pu obtenir d'elles, s'adressèrent à l'empereur
Dèce, qui les autorisa à les emmener à la
campagne, pour obtenir d'elles, soit par per-
suasion, soit par violence, ce que jusqu'alors
ils n'avaient pas pu obtenir. Ces deux sain-
tes, accablées de mauvais traitements par
leurs fiancés, privées d'aliments , ne perdi-
rent ni le courage ni l'amour de la chasteté.
Voyant qu'ils ne pouvaient les vaincre, Eu-
gène et Aurélièn les traduisirent devant le
juge, qiii, par ordre de Dèce, les fit mourir
toutes deux. Nous .renvoyons le lecteur au
titre de sainte Victoire pour ce qui la con-
cerne, et aussi pour certaines observations
que nous avons jugé convenable de faire re-
lativement aux détails contenus dans les
actes des deux saintes desquelles nous par-
lons. Le juge Faustinien fit endurer divers
tourments à sainte Anatolie : on jetta sur elle
un serpent, qui, à la yérité, ne lui fit aucun
mal. Audax, qui était présent, fut tellement
impressionné du courage de la sainte fille,
qu'il se fit chrétien. Sainte Anatolie fut,
comme sa sœur, percée d'un coup d'épée.
L'Eglise fait sa fête le 9 juillet. Quant à Au-
dax, mis en prison, il fut aussitôt décapité.
ANAUNE (canton d'), aujourd'hui Val d'A-
nagna, dans les Alpes, est célèbre par le mar-
tyre qu'y endurèrent pour la foi les saints
Sisinius diacre, Martyrius lecteur, et Alexan-
dre portier, en l'an de l'ère chrétienne 397,
sous l'empire d'Arcadius , successeur du
grand Théodose. Les habitants de ce pays,
au milieu des remparts naturels que leurs
montagnes avec leurs vallées, leurs préci-
pices, leurs neiges éternelles, opposaient au
commerce fréquent avec les peuples voisins,
étaient restés idol.\tr(,'S, h une é|)0(iue où ou
comptait dans le reste du monde romain les
sectateurs de cette reTij^ion, ruinée par le
christianisme. Ils gardaient fidèlement leur
religion traditionnelle. On sait combien est
grande la force d(!S habitudes che/. les peu-
pU's des montagnes. Saint Vigile, évô([ue de
Trente, envoya pour les convertir les saints
que nous venons de nommer. Tous trois
étaient Cappadociens, et avaient (pjillé leur
])ays, pour se consacrer h Dieu, et [lour por-
ter la lumière de son Evangile chez les peu-
ples (|ui avaient le ujalheur de ne ()as la con-
naître encore. Nobles soldats du Chiist qui,
couune tant d'autres, trouvèrent la mort au
milieu des travaux de l'apostolat 1 Les habi-
tants d'Anaune, furieux de voir que chaque
jour leurs prédications enlevaient queluues
adorateurs aux faux dieux, les saisirent dans
l'église où ils chantaient les louanges du Sei-
gneur, et les firent mourir au milieu des plus
cruels supplices. {Voij., pour les détails, saint
Sisinius.)
ANGYRE, aujourd'hui Angora ou Angou-
RiGH, ville de l'Asie Mineure, dans laGalatie,
fut illustrée sous le règne de Dioclétien, au
commencement du iv° siècle, par le martyre
des saints Clément évoque, et Agathange.
[Voy. Chastelain, p. 386, et Le Quien, Or.
Christ., t. l, p. 457.) En 303, Théoctène,
gouverneur de cette ville, fit arrêter Théo-
dote, cabaretier, et sept vierges consacrées au
Seigneur. 11 les fit tous mourir pour la foi.
(Pour plus de détails, voy. Théodote, Théoc-
tène.)
ANDÉOL (saint), envoyé d'Orient en Gau
le par saint Polycarpe, fut martyrisé dans
le Vivarais. Ses actes racontent qu'il fut ru-
dement frappé avec des bâtons garnis d'épi-
nes, et qu'ensuite on lui fendit la tète en
cjuatre avec une épée de bois.lds disent qu'il
fut martyrisé presque aussitôt après son ar-
rivée en Gaule; or saint Polycarpe, qui l'a-
vait envoyé, étant mort en 166, il en faudrait
conclure que ce fut sous Marc-Aurèle. Or
ces mômes Actes ajoutent que ce fut sous
Sévère, présent lui-même dans les Gaules.
Sévère ne vint dans les Gaules qu'en 197,
lorsqu'il était encore favorable aux chré-
tiens ; puis en l'an 208, lorsqu'il alla en An-
gleterre. Sévère ayant co .imandé, sous Com-
mode, dans la Lyonnaise en qualité de gou-
verneur, on pourrait peut-être dire que saint
Andéol fut martyrisé sous son gouverne-
ment, et qu'on confond dans ses Actes son
gouvernement avec son empire. Cette expli-
cation serait plausible, bien qu'encore elle
reculât la mort du saint jusque sous Com-
mode, au moins vingt ans après la mort de
saint Polycarpe. Mais une observation vient
la combattre : c'est que le gouverneur de la
Lyonnaise n'avait aucune sorte d'autorité
dans le diocèse de Viviers, où fut martyrisé
saint Andéol. Laissant de côté ces difficultés
que nous n'avons pas la prétention de tran-
cher, nous ferons remarquer une circons-
tance assez extraordinaire, signalée dans les
Actes. Saint Andéol, disent-ils, eut la tète
fendue en quatre av^c une épée de bois.
183
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L'Eglise fait la fête de saint Andéol le l"mai.
ANDO le bienheureux), sénateur, fut rais <\
mort pour la foi catholique en Abvssinie,sous
Je règne et dînant la persécution du tyran Ba-
*;i]ides,Négousdecepavs,le21 octobre IGïl.
ANDOCHE (saint), disciple de saint Poly-
carpo, fut envoyé par ce saint évoque dans
les (iaules pour y prêcher l'Evangile, avec
saint Bé'iigne , prêtre comme lui, et saint
ïhyrse diacre. Ils arrivèrent heureusement
à Marseille ; de là se rendirent à Lyon, puis à
Autun. Saint Bénigne les ayant quittés pour
aller, à la prière de Fauste, convertir à Lan-
gres les petits-fils de sainte Léonille, saint
Speusippe, saint Elcusippe et saint Méleu-
sippe, ils se rendirent à Saulieu, quittant
Aulun, où ils avaient fait de nombreuses con-
quêtes à l'Evangile. Lk ils furent reçus par
un marchand, nommé Félix, chrétien fervent
qui donnait aux pauvres tous les bénéfices
de son négoce. Un des officiers du gouver-
neur, étant venu chez Félix pour y loger,
y trouva les saints qui instruisaient quelques
personnes, alla les dénoncer au gouverneur.
Ce magistrat donna ordre de les arrêter. Fé-
lix, leur liAte, voulut part;iger leurs dangers
et leur trioiuphe. Conduits devant le juge,
dont ils méprisèrent les prières et les me-
naces , ils furent fouettés , pendus pendant
tout un jour par les mains à des arbres avec
de grosses pierres aux pieds, ensuite jetés
dans le feu, qui ne les brûla point, et enfin
assomra'^s avec des bâtons. Ou fait leur fête
le 2i septembre.
ANDRACT, ou AUDACTE (saint'), martyr,
était un prêtre d'Afrique, attaché h l'église de
Thibare. Peu de temps après que Dioclélien
eut renouvelé la persécution contre les chré-
tiens, Andract fut pris, chargé de chaînes et
conduit en prison, avec saint Félix, son
évêque, par qfdre du magistrat Magnilien,
tenu iJe mettre à exécution les édits sangui-
naires de l'empereur. Ces deux, confesseurs
furent exilés dans la Sicile et n'obtinrent
pas alors la couroinie du martyre après la-
qaelle ils soupiraient. Dieu la leur accorda
enfin, et ils furent plus tard misa mort, avec
plusieurs autres dont on ne cite pas les noms,
dans la Pouiile, l'an 303. L'Eglise honore
saint Andract le 2V octobre.
ANDllADA (Jacqlks o'), Portugais, de la
compagnie de Jésus, faisaitparlie de la sainte
troupe de missionnaires qui suivaient le P.
Azevedo au Brésil (Voi/. Azkvkdo;. Leur na-
vire fut pris le Lojuillet loli perdes corsaires
C'dvinisles, qui les massacrèrent ou lesjelèrent
dans les Ilots. Noire bienheureux, ayant été
aperçu conh'ssant ses compagnons, fut poi-
gnardé et j(!lé à l'eau. (I)ii Jarri(;, Jlistojre
d(s choses ftlns memorahlcs, etc., t. Il, p. '278;
Tanner, Socirlns Jésus usqiic. ad saïKjuinis et
vitœ profusionein tiiililans, p. 100 cl 170.)
ANDKADE fie bienheureux .Antoink), na-
lifd'Elhiopie, anciennement chapelain du |)a-
Iriarche .Mendez et fait depuis évêqu(! de Ca-
li[)()li, l'ut nouHué, le 7 (léctsmbre 1000, vi-
caire aposloliipie d'Abyssinie. Ilannès rm
OI-la|)h<; Sc^ued venait de succéder ii llasi-
lides. Arrivé <'i Suez, eu 1060, il a])prit que
la persécution durait toujours en Abyssinie;
ce qui ne l'empêcha pas d'aller en avant
avec ses compagnons. En 1671 , la congré-
gation dont faisait partie Andrade ap|)rit
qu'il avait été mis à mort avec les mission-
naires qui l'accompagnaient, en haine de la
religion catholique.
ANDRÉ (saint), apôtre, frère de saint Pierre
et pêcheur comme lui, fut a(i[ielé le premier
de tous par Jésus-Christ. II était de Bethbaïde
en Galilée. Son père se nomma. t Jonas ou
Jean. Anrôs la mort du Sauveur, il porta
l'Evangile dans un très- grand nombre de
pays, sans qu'on ait sur ses travaux des do-
cuments bien positifs. Ce fut à Patra^, en
Achaïe, qu'il cueillit la [aime du martyre. 11
fut condamné à être crucitié par Egée, gou-
verneur de cette province, il le fut à un ar-
bre, suivant saint Pierre Chrysologue : le
faux Hippolyte veut que ce soit à un olivier.
L'église de Saint-Vicior de Marseille prétend
posséder la croix (lui fit l'instrument de
son triomplie. Elle a la inè:ne forme que celle
de Notre-Seigneur. On ignore pourquoi les
jieintres la figurent louj )i;rs ditféremment.
Son corps fut enterré à Patras, et ensuite
transporté à Con>t.intinople avec celui de
saint Luc, en 357. 11 fat uéposé dans la basi-
l.que des Apôtres. On célèbre sa fête Ij 30
novembre. On ne sait pas précisément la
date de sa mort. Il y a lieu de croire qu'elle
arriva sous Néron, vers l'an 64.
ANDRÉ (saint), martyr <\ Lampsaque en
25), avec les saints Pierre, Paul et sainte
Denise, sous l'empereur Dèce, fut mis à
mort, comme ses compagnons, par ordre du
proconsul Oplimus. Dans uii premier inter-
rogatoire, il comparut devant ce magistrat
avec Paul etNicomaque.Paul et lui confessè-
rent glorieusement le nom de Jésus-Christ.
Leurs Actes mar.juent qu'ils montrèrent une
grande humilité, tandis que Nicomaque, qui
se présenta avec une grande assurance, n'eut
pas la force de résister aux tourments. Le
len lemain, le })euple s'attroupa autour du
logis du proconsul, et se mit à demander à
grands cris André et Paul ; Onésicrate et
Macédon. tous deux prêtres de Diane, s'é-
taient mêlés parmi le peuple et réchauffaient
encore davantage. La sédition s'augmentant,
le proconsul envoya quérir André et Paul, et
leur dit: « Il n'y a qu'un moyen d'apaiser ce
tumulte; c'est de sacrifier tout présente-
ment à la grande Diane. » Les deux martyrs
ré})ondirent : « Nous ne connaissons point
Diane pour une déesse, ni pour des dieux les
autres démons ipie vous adorez. Nous n'a-
doi'ous (pi'un seul Dieu. » Le peuple, enten-
dant cela, |)ressa le proi-onsul de les lui li-
vrcM' pour les fair(i moui'ir ; ce que le procon-
sul lui accorda, après avoir fait déchirer do
verges les marlu'.s. L(! peuple s'en étant
saisi, ils furent menés hors de la ville, où
l'on commença à faire pleuvoir sur eux une
grèhï de cadloux. L'Eglise fait la fiMe des
.saints iiiaityrs de Lampsaipas h; l.'i mai.
ANDIIÉ "(saint), tribun, avait reiui)urté un
avaiitagi; coiisidérabhî sur les Ptîrsos, en in-
voquant le nom de Jésus-<^hrisl. A la suite
185 AMD
de cet év(^nement, il se convertit, avec un
grand nombre de soldats. Dénoncé au géné-
ral Anliochus, il fut arrêté avec tous les
nouveaux convertis. Saint André lut étendu
par ordre d'Antioeluis sur un lit de l'er rougi
au l'en ; mais, ne voulant pas prendre la res-
ponsabilité d'une condamnation à mort, il
en référa ^ (lalère. Celui-ci, hypocrite et lA-
clic autant que cruel, écrivit à son général
qu'd tallait user de ménagements a l'égard
tiun personnage aussi considérabh; ([u'An-
(iré. Il lui enjoignit de mettre a[)[)areniment
les prisonniers en liberté et de chen^her par
tous les moyens en son pouvoir à les faire
renoncer à leur foi. 11 lui disait qu'en cas
d'insuccès il eût à les accuser d'un crime
quelconque, autre que le crime de christia-
nisme, et, sous ce prétexte, de lesfaiie mou-
rir. Les ordres de Galère furent ponctuelle-
ment exécutés. S il faut en croire les Actes
qui racontent ces événements, peu de temps
après saint André fut rais à mort, avec 2593
soldats. Quant à nous, nous inclinons à
croire que, si ce cliiftVe était vrai, un tel évé-
nement eût été remarqué , eût fait grand
bruit dans le monde, et eût laissé dans l'his-
toire des traces faciles à retrouver, et qui
n'eussent pas la«sé le moindre nuaga. Les
faits que nous racontons sont rap[)Ortés par
Surius, sous la date du 19 août, jour auquel
la léte de saint André est marquée au Mar-
tyrologe romain.
ANDRÉ (saint), martyr, était prêtre en
Asie. Il souffrit le martyre avec l'évoque
Hypace pour le culte des saintes images, sous
le règne de Léon llsaurien. Leur barbe fut
enduite de poix, puis brûlée. Le bourreau leur
ayant enlevé la peau de la tête, il les égorgea
ensuite. L'Eglise honore leur sainte mé-
moire le 29 août.
ANDRÉ DE CRÈTE (saint), martyr, était
un solitaire deConstantinople. Il fut souvent
fouetté pour le culte des saintes images
sous Constantin Copronyme, et eut enfin un
pied coupé. Il mourut ainsi. L'Eglise célèbre
sa mémoire le 17 octobre.
ANDRÉ (le bienheureux), de Chio, souf-
frit un courageux martyre h Constantinople
pour la foi de Jésus-Christ. Les mahométans
le torturèrent cruellement pour l'amener à
renier sa foi. Chaque jour, on marquait avec
le couteau dans <on corps un morceau de
chair que l'on arrachait ensuite violemment.
Quand il ne resta plus de chair à couper,
on lui trancha la tète. Stupéfait du courage
extraordinaire de notre bienheureux, Maho-
met II permit que ses restes fussent inhu-
més au faubourg de Galata, dans une église
dédiée à la Mère de Dieu. (Wadding, année
li65, n" 20.)
ANDRÉ, vénérable curé d'une des parois-
ses de Laval, fut guillotiné dans cette ville,
le 21 janvier 179i, avec treize autres prêtres.
Comme il montait l'escalier de la guillotine,
le grellier du tribunal, qui était un prêtre
apostat, lui dit, en montrant un verre de vin
rorige : « A ta santé 1 Je vais boire comme si
c'était ton sang : — Et moi, je vais prier pour
vous, répondit le saint martyr 1 » (Tiré des
ANG
186
Mémoires ecclésiastiques , etc., par M. Isi-
dore BouUier, curé de la Trinité de Laval,
18it).)
ANDRÉ (saint), évêriue de Florence. 11
confessa sa foi au milieu des toin-ments,
mais resta lidôle à sa religion. Le M irtyro-
ioge romain ne donne aucun détail sur l'épo-
«pie et les circonstan(,'es de son martyre.
L'Eglise célèbre la mémoire de ce saint mar-
tyr le 2() février.
ANDRÉ (saint), martyr, donna se vie pour
la défense de la religion, en Afrique, avec
ses saints compagnons Jean, Pierre et An-
toine. On ignore à quelle époque eut lieu ce
martyre. L'Eglise honore leur mémoire le
23 septembre.
ANDRINOPLE, ville de la Turquie d'Eu-
rope ([ui fut témoin du martyre des saints
Maxime, Théodore et Asclépiodote, qui fu-
rent couronnés sous le règne de l'empereur
Maximien.
ANDRONIC (saint), fut martyrisé pour la
foi chrétienne, en l'an de Jésus-Christ 305,
sous le règne et durant la persécution de
l'empereur Dioclétien. Le juge qui les con-
damna se nommait Maxime. {Voy. Taraque.)
ANECT (saint), fat raart^isé à Corintho
durant la persécution de Dèce, sous le pré-
sident Jason, avec les saints Codrat, Denys,
Cyprien, Paul et Crescent. L'Eglise fait leur
fête le 10 mars.
ANECTE (saint), martyr, versa son sang
pour la foi à Césarée en Palestine, durant la
persécution de Dioclétien, sous le président
Urbain. Ayant exhorté les autres au martyre et
renversé les idoles par sa prière, il fut, sui-
vant l'ordre dujuge, fouetté par dix soldats ;
il eut ensuite les mains et les pieds coupés,
la- tête tranchée, et reçut la couronne du mar-
tyre. L'Eglise honore sa mémoire le 27 juin.
ANOMPODISTE (saint), martyr, répandit
son sang en Perse, pour la défense de la foi.
Il eut pour compagnons de ses combats les
saints Acyndine, Pégase, Aphtone, Elpidé-
phore, et plusieurs autres qui sont inconnus.
L'Eglise les honore le 2 novembre.
ANÈSE (saint), fut martyrisé en Afrique
avec les saints Théodule, Félix, Cornélie et
leurs compagnons qui sont inconnus. L'Eglise
honore la mémoire de ces saints martyrs le
31 mars.
ANGE (saint), martyr, naquit de parents
juifs, dans la ville de Jérusalem. Ayant eu le
bonheur de se convertir à la religion chré-
tienne, il vécut pendant quelque temps au
milieu des anachorètesdes bords du Jourdain,
puis il se retira parmi les ermites du Mont-
Carmel. 11 fut certainement un des premiers
religieux de l'ordre que l'on connaît sous le
nom de Carmes. Ayant passé dans l'Occident,
il y prêcha l'Evangile avec zèle et persévé-
rance. Rempli d'indignation à la vue du scan-
dale que donnait un puissant personnage de
Sicile en vivant avec sa propre sœur, il l'en-
gagea plusieurs fois à réformer sa conduite ;
la sœur de l'incestueux se laissa toucher néan-
moins, et rompit tout commerce criminel
avec son frère. Ce dernier, ayant fait d'inutiles
efforts pour ramener à lui la victime de ses
487
ÀNG
AÎs'ii
st."
168
passions, tourna toute sa fureur contre saint
Ange. Il aposta des scélérats pour l'assassi-
ner. Saint Ange mourut ainsi, victime de son
zèle, hLicateou Léucate en Sicile, dans l'an-
née 1225. L'Eglise honore sa mémoire glo-
rieuse le 5 mai.
ANGLETERRE PROTESTANTE (Persécu-
tions de 1'). Pour suppléer aux commenc^e-
ments de cet article, voir lesarticles Henri M! I
et Elisabeth, que nous avons jugés trof)
imporlantspour les renfermer dans un article
général. Après la mort d'Klisabeth, quand
Jaccjues 1'' monta sur le trône, les catholi-
ques espérèient beaucoup de lui. Ce prince
aurait, en effet, dû se souvenir que la reine
papesse avait fait mourn- sa mère, Marie
Stuart, sur l'échafaud, et qu'il avait à venger,
par sa conduite, la mort de celle qui lui avait
donné le jour et ([u'un pape avait reconnue
comme martyre. Les catholiques avaient aidé
Jacques 1" à monter sur le trône. 11 avait
promis au pape de rester fidèle à la foi ro-
maine. A peine ce prince fut-il sur le trône,
qu'il oublia ses promesses, se fit ai)Ostat tout
à la fois de sa religion, et des sentiments
filiaux qui n'auraient pas dû sorlir de son
cœur. Il comm#iça à persécuter violemment
les catholiques. Tous ceux qui n'allaient pas
au prêche étaient condamnés à payer une
amende de cinq cents francs par mois lunaire.
Il fit payer, en montant sur le trône, même
les arrérages, de sorte qu'il ruina un grand
nombre '!e familles. Plusieurs des seigneurs
de sa cour, n'a\ ant pu supporter de si atroces
vexations, com[)lotèrent de faire sauter, à
l'aide de barils de poudre, la ville de West-
minster, quand le roi y ouvrirait le parle-
ment. Ce complot ayant élé découvert, le
jésuite Garni'tfut atrocement martyrisé pour
en avoir eu connaissance, et pour ne l'avoir
pas révélé. 11 n'avait connu ce complot que
sous le sceau de la confession , et avait du
reste, fait tout ce qu'il avait pu pour en em-
pêcher l'exécution.
Le parlement [)roposa, le roi sanctionna
un nouvi'au code pénal contre les Anglais
fidèles h la foi de la vieille Angleterre. Il y
avait [)lus de soixante-dix articles qui leur
infligeaient despeines suivant leur condition
de maîtres , domestirpies, époux, parents,
enfants, héritiers , [la Irons, avocats et mé-
decins, i" l\ fut défendu aux catholiques ré-
fraclaires, sous des peines particujièi'es, de
paraîtie h la cour, do demeiu^er on dedans
des b u'iièr(;s ou à dix milhîs des limites de
la cité de Londres, ou de s'éloigner en au-
cune circonstance de plus de cin(j milles (h;
leur habitation, sans un permis spécial signé
de quatre magistrats du voisinage. 2' On les
déclara incapables de [)ratiquer la chiriugie
ou la médecine, de faire les f uiclions de
jurisconsultes, d'exerc(!r celles de juges, do
secrétaires ou d'officiers dans aucum; cour
ou corporation quelconque, ou de présent(!i'
dr;s sujets pour les l)énéfic(!s, les écohjs, les
hôpitaux, où ils auraient des places à don-
ner, ou de remplir l(!s charges d'adniiuistra-
tours, d'exéculfMirs t(!stamenlaires ou de tu-
teurs. 3' A moins qu'ils no fussent mariés
par un ministre protestant, tes deux conjoints
encouraient la confiscation de tous les béné-
fices aux(piels leur eût donné droit la pro-
priété de l'unoude l'autre; si leurs enfants n'é-
taient pas baptisés par un ministre protestant,
un mois après leur naissance, cette omission
les assujettissait à une amende de deux mille
cinq cejits francs; et si leurs morts n'étaient
pas enterrés dans un cimetière protestant,
les exécuteurs testamentaires étaient pas-
sibles d'une amende de vingt francs ])our
chaque corps ; tout enfant envoyé outre
mer pour son éducation était, de ce moment,
jirivé de tous legs, héritages ou donations, à
moins qu'il ne revint se soumettre à l'Eglise
établie, etlaloisubstituaità sesdroitsson plus
proche héritier protestant. i°Toutréfractaire,
c'est-h-dire tout catholique qui refusait
d'assister au prêche de l'hérésie, était placé
dans la môme position que s'il eût été ex-
communié nominativement : sa maison pou-
vait être visitée ; ses livres ou papiers ou
meubles , que l'on croyait avoir quelque
rapport à son culte ou à sa religion, pou-
vaient être brûlés, et, sur un ordre des ma
gistrats voisins, il était obligé de iivrer ses
armes et ses chevaux. 5° Toutes les peines
existantes pour absence du prêche furent
conservées avec deux dispositions addition-
nelles : d'abord on laissa au roi le choix de
prendre l'amende de vingt livres sterling
par mois lunaire, ou, à sa i)lace, toute la pro-
priété personnelle et les deux tiers des terres.
Ensuite chaque tenancier propriétaire, quelle
que fût sa religion, s'il recevait des visiteurs
catholiques, ou conservait des domestiques
catholiques, fut assujetti à payer dix livres
sterling pour chaque individu et par mois
lunaire. ( Rorhbacner citant Lingard , vol.
XXV, p. 323.)
Comme si ce code tyrannique n'eût pas
sutli, on y ajouta une mesure excessivement
astucieuse, qui, sous prétexte du serment de
fidélité, menait à faire celui de suprématie.
Par 1(! serment de suprématie , les anglicans
reconnaissaient la puissance ecclésiastique
émanant de saint Pierre dans leur souverain,
loi ou reine. Ce serment, les catholiques
l'avaient en horreur et pour rien au monde
ne l'eussent voulu prêter. Quant au serment
de fidélité civile, c'était autre chose, et, avec
l'approbation de Rome , les catholiques an-
glais n'avaient pas fait difficulté de le prêter
à lîlisabeth et à Jaccjues. Ce dernier monar-
(juc v(julut ajout(M" quelque chose qui fût
assez é(juivo({ue pour mener, sans (ju'on s'en
aperçût, au serment de suprématie. Jacques
voulait contraindre! ses sujets, dans le ser-
ment de fidélité, à ne pas r(!connaître au pape
l(! pouvoir d'excommunier un roi héréti(jiie,
de délier du serment de fidélité si le roi ex-
communié persistait dans l'hérésie ; en troi-
sième lieu, i\o ne plus le rt.'connaître comme
suz(;rain de l'Angleteire. Comme on le voit,
poui' une partie (lu moins, ce n'était plus
un seriiKînt (h; fidélité politi(pie; c'était un
se/nient emportant jugement tliéologicpie sur
h;s deux dei'iiieis points. Jac(pies avait par-
faitement raison. Il u'aiipartient in aucune
m
àng
ANG
190
autorité dr déWov les sujets du serment de
fidcMité envers leur souverain. Le spirituel
ne doit pas plus empiéter sur le lempon;!,
que le temporel sur le spirituel. Ouaiit i\ la
jirétentiou des jiafxvs d'cMrc et de rester su-
zerains de l'Angleterre, nous la trouvons assez
étrange, et du reste assez bien résolue dans
les idées de nos jours, pour ne devoir pas
nous y arrêter. Maintenant, sur le i)remier
point, le roi d'Angleterre avait aussi certai-
nement tort qu'il avait raison sur les deux
derniers. Toute autorité sj)ir'ituelle a i)arlai-
lement le droit d'oxconHiunii!'r(pii quecesoit
en ce monde. Paul V condanuia ce serment
• en 1G06, par un bref daté du 2*2 septembre, et
un an après par un seco'id, donné aussi le 22
, septembre, lin des crchiprêtres anglais ayant
■* cru pouvoir prêter ce serment en dt'^pit du
bref papal, le cardinal Bellarmin lui écrivit
pourbl;\mer sa conduite. Jacques, de son côté,
prit la plume pour justitier rarclii[)rêtre. Par
une contradiction qu'on n'explique pas, il le
laissa, malgré cela, mourir en prison. Lepam-
phet royal fut réfuté p.ir Bellarmin. La logi-
que la plus pressante employée par le roi
Jacques était dans une suite d'arguments
de la nature de ceux-ci : prison perpétuelle
pour ceux qui refuseront de prêter le ser-
ment. Confiscation, leur vie durant, de leurs
propriétés et de leurs revenus : si les délin-
quants étaient dos femmes mariées , elles
étaient emprisonnées dans une geôle com-
mune. Les prêtres qui refusaient le serment
étaient impitoyablement mis à mort.
Quand Charles 1" monta sur le trône, les
catholiques d'Angleterre prirent parti pour
lui contre les protestants, qui l'assassinèrent.
EarannéelGiS, le parlement rendit un décret
qui ordonnait que les deux tiers dos biens des
papistes fussent saisis et vendus auprotit de
l'Etat. On nommait papistes tous ceux qui
durant un certain temps auraientlogéchezeux
des prêtres, auraient manqué d'assister au
jirêche, auraient entendu la messe, ou bien
auraient permis que leurs enfants fussent
élevés dans la religion catholique. Il suf-
fisait aussi, pour être réputé papiste, de refu-
ser de prêter le nouveau serment qui, sous
prétexte de serment de fidélité, était, comme
nous l'avons vu, un serment de suprématie.
SousCromwell et sous la r(''[)ublique , l'An-
gleterre protestante persécuta vivement l'Ir-
lande catholique, ainsi qu'on peut le voir au
titre de ce malheureux pays.
Sous le règne de Charles II , la situtation
des catholiques d'Angleterre devint de plus
en plus intolérable. L'an 1673, il imagina
d'ordonner un nouveau serment. On le nom-
ma serment du Test. C'était une protesta-
tion contre la foi de l'Eglise romaine. On
déclarait incapable de tout emploi civil ou
militaire quiconque ne voulait pas prêter le
serment de suprématie, et recevoir la com-
munion suivant les nouvelles coutumes de
l'Eglise anglicane. Tous ceux qui occupaient
des emplois furent, en conséquence, sommés
de faire les serments prescrits, et de com-
munier à la façon anglicane. Ce n'était -pas
assez : on exigea qu'ils signassent formel-
lement ne pas admettre la transsubstantia-
tion, et on condamna ceux qui ne le voulu-
rent pas faire, à une amende de cinq cents
livres sterling, et de plus à la perte; de tous
les droits civils. Cela signifiait qu'ils ne pou-
vaient plus poursuivre pour quoi que ce fût,
dans aucune cour de justice, être tuteurs ou
exécuteurs testamentaires, recevoir aucuns
legs ou donations ou exercer aucunes fon-
ctions publiques.
Les protestants , qui avaient assassiné
Charles V% accusèrent les catholiques de
vouloir à leur tour assassiner Charles 11.
L'histoire tout entière dément cette abomi-
nable calomnie. Malgré ce témoignage irré-
cusable, l'Angleterre a pendant très-long-
temps été exaspérée par cette odieuse et sotte
imputation.
Le premier auteur ou instrument de cette
longue mystification fut Titus Oates, faiseur
de rubans, puis ministre anabaptiste sous
Cromwell, puis ministre anglican sous Char-
les H, mais chassé de tous ses emplois pour
son inconduite, pour ses inclinations contre
nature, pour deux faux témoignages dont
il fiit convaincu en justice, ^ns feu ni lieu,
il se mit aux gages d'un ministre anglican,
nommé Tonge, pour faire l'espion parmi les
catholiques et lui fournir matière à des dé-
clamations périodiques contre eux. Oates
feignit donc de se convertir au catholicisme,
et obtint une place dans un collège sous
l'administration de jésuites anglais, à Val-
ladolid en Espagne. Il en fut chassé, pour
indiscipline, au bout de cinq mois. Par l'avis
de Tonge, il s'adressa de nouveau aux jé-
suites, et obtint, par ses larmes et ses pro-
messes, d'être reçu au collège de Saint-Omer.
Comme il ne put dompter son humeur déré-
glée ni cacher tout à fait son hypocrisie, il
fut encore chassé. Il revint auprès de Tonge,
sans pouvoir lui rapporter quelque chose
qui en valût la peine. Seulement il avait ap-
pris que, le 4 avril 1678, quelques jésuiles
s'éta ent réunis à Londres pour leur chapitre
triennal. D'un fait aussi simple, les deux
imposteurs en font une conspiration épou-
vantable, oi^i ils font entrer tous les jésuites
dont Oates avait retenu les noms , bien ou
mal, entre autres le P. Lachaise, confesseur
de Louis XIV qu'il appelait Leshée. Ils fa-
briquent des lettres, des correspondances:
le roi Charles II devait être assassiné, son
frère, 1(î duc d'York, mis à sa place, la reli-
gion protestante abolie ; ils avaient nommé
de nouveaux ministres, de nouveaux géné-
raux, de nouveaux gouverneurs, dont plu-
sieurs, par leur âge et leurs infirmités, étaient
notoirement incapables deremplirles emplois
assignés. Aux deux premiers imposteurs s'en
joignit un troisième, Bedioe, puni en divers
pays pour escroquerie et inconduite , con -
damné à mort pour vol en Normandie, sorti
récemment de prison à Londres. La déclara
tion de Bedioe et d'Oates était tellemen*
absurde, qu'il est impossible d'imaginer au-
jourd'hui comment des hommes sensés y
ajoutèrent la moindre confiance.
Nous ayons vu que sous Charles II l'An-
m
ANG
ANG
192
gleterre était déchirée en deux factions ,
celle de la cour et celle des révolutionnaires,
l'une et l'autre soudoyées par le roi de
France, Louis XIV. Les révolutionnaires,
ayant à leur tète le comte de Shallesbury,
ministre du roi, travaillaient à exclure du
ti'ône le duc d'York, frère du roi, et porté
pour l'ancienne religion, et à lui subs-
tituer le duc de Monmouth, un des bâtards
de Charles IL L'imposture d'Oates et com-
pagnie leur vint fort à propos. Shafl^sbury
aida les imposteurs à mettre un peu plus
de vraisemblance dans leurs mensonges ;
il ameuta la partie révolutionnaire du par-
lement et du peuple. L'Angleterre pro-
testante devint folle ; cinquante mille hom-
mes étaient continuellement sous les armes
à Londres, et les chaînes prêtes à être ten-
dues pour arrêter les papistes qui venaient
égorger le roi et la nation : en attendant, les
catholiques étaient mis hors la loi, traqués,
emprisonnés, pendus pour une conspiration
imaginaire ; ils ne purent siéger dans au-
cune des chambres ni de législature, ni de
justice, sans faire le serment d'apostasie,
sans abjurer la suprématie spirituelle du
pape pour la reconnaître au roi, sans décla-
rer que la religion catholique était une ido-
lâtrie ; en un mot, les fidèles héritiers de la
vieille Angleterre furent traités par les An-
glais renégats et novateurs comme des pa-
rias, des ilotes, des esclaves; et ce n'est que
de nosjours que les noms si catholiques et
si anglais de Norfolk, de Talbot, d'Arundel,
do Clifford, ont pu rentrer à la chambre des
pairs. (Rohrbacher, citant Lingard, vol. XXV,
p. 327:)
En 1688, il y avait en Angleterre quatre
vicaires apostoliques, avec le titre, le carac-
tère et la juridiction épiscopale, et gouver-
nant les quatre districts du royaume, le
nord, le sud, l'ouest, et le milieu. La ré-
volution de 1688 ayant expulsé le dernier
roi anglais et catholique pour lui substituer
un hollandais calviniste, elle statua tout d'a-
bord qu'aucun catholique ou époux de ca-
tholique ne })Ourrait hériter du trône. Les
catholiques ou ceux réputés tels eurent or-
dre de s'éloigner h dix milles de Londres.
On les désarma, on prit leurs chevaux, on
ferma quelques écoles qu'ils avaient for-
mées; on les excepta seuls de l'acte de to-
lérance. Leur droit de patronage fut con-
féré aux universités. On accorda, en 1700,
des récorn|)enses à (pii ferait prcndi-e uii prê-
tre ou un jésuite. Il fut défendu, sous peine
de cent livres sterling d'amende, d'envoyer
ses enfants hors dii royaume pour les faire
élever dans la religion catholi(pie. L(!S ca-
tholiques étaient inhabiles à héiùter. Les
évêqucs noiivclicmi'nt envoyés en An.^le-
Icrre étaient particulièrement l'objet de la
jalousie [irotest uile. Dfiux des vi(;air(!s
apostoliques furent arrêtés, emprisonnés,
nuis relâchés, mais uKMiacés sans cesse. A
la moindre alarme ils étaient obligés de se
tenir cachés. Les prêtres furent soigneuse-
ment recherchés, et [ilusicurs accompagnè-
rent Jacques dans .sa fuite. D'autres restè-
rent en prison : des laïques eurent le même
sort. Walker, président du collège de l'uni-
versité d'Oxford, qui s'ét;fit déclaré catholi-
(pie et avait converti plusieurs personnes,
l'ut mis à la Tour, interrogé en plein parle-
ment, et excepté noiumément de l'acte d'am-
nistie. Ce[)endant il faut savoir gré a Guil-
laume III de n'avoir pas versé le sang et de
n'avoir pas renouvelé les scènes atroces
de 1679 et des années suivantes. (Roihba-
cher, citant Picot, mémoires, etc., Intro-
duction, vol. XXVI, p. 500.)
Au milieu de ces traverses, la religion ca-
tholique se soutint par elle-même, et son
état dans ce pays était, en 1701, aussi satis-
faisant que possible. Ses vicaires apostoli-
ques y gouvernaient leurs districts avec un
zèle mêlé de prudence. M. Leyburn, fort
âgé, vicaire apostolique du midi, restait à
Londres, tandis que M. Giffard gouvernait
le district du milieu. Ce dernier faisait de
fréquentes visites, établissant des mission-
naires, donnant la confirmation et encoura-
geant les catholiques dans la foi. Il secon-
dait M. Leyburn dans l'administration du
district du sud et visitait aussi celui de
l'ouest , privé d'évêque. Le clergé comp-
tait dans son sein des hommes distingués
l)<ir leurs talents, desquels deux refusè-
rent l'épiscopat par modestie. Plusieurs
chapelains de Jacques II laissèrent des ser^
mons imprimés. Le.jésuite Pulton publia la
relation de sa conférence avec l'anglican
Tenison. Son confrère Dorrel est auteur de
livres de controverse et de piété. Plusieurs
missionnaires trouvaient, au milieu de
leurs travaux, le temps de composer de bons
écrits, dont quelques-uns sont encore esti-
més des catholiques anglais. Quelques laï-
ques donnaient l'exemple d'une haute piété.
Les lois sévères qui interdisaient aux ca-
tholiques la faculté de tenir des écoles les
obligeaient d'envoyer leurs enfants sur le
continent. Il s'était formé, à cet elfet, difîé-
rents établissementsà Rome, à Paris, à Douai,
à Valladolid. Le plus célèbre de ces collèges
était celui d(ï Douai, qui était comme la pé-
pinière du clergé séculier en Angletoire. Il
avait été créé vers le commencement du xvii''
siècle, et les papes l'avaient protégé et lui
avaient accordé une pension annuelle. Les
présidents des collèges étaient choisis par le
cardinal protecteur des églises d'Angleterre
à Rome. Le collège des Anglais, à Lisbonne,
était le plus considérableaprèscelui de Douai.
Il avait été fondé par un seigneur portugais.
A I*aris, le collège des Anglais venait d être
établi par le docteur Betham, chapelain do
.Iac(pies II. et pi'écepteur du prince de (Jalles.
l»armi les ordres religieux (]iii fournissaient
des sujets aux missions d'Angleterre, les bé-
nédictins et les jésuites étaient les plus nom-
breux. Les premiers, (pii formaienl uik; cou
grégatioii à part, sous le nom de Hcnéclictins
atif/ldis, avaient d(!s maisoll'^ A Paris, h Douai,
?i Saiiit-Malo, ^ Dieulouard en Lorraine. Ils
fournirent plusi(!urs évê(pi(!S ;\ la mission e*
tenaient tous les quatre ans des chapitres
pour nommer leurs supérieurs.
i93
ANG
ANG
194
Enfin 1 Angleterre ontholiqne du xvii'sièciO
compte païuii ses eni'anls les Ir'ois i)lusgi'ands
poètes dont l'Angleterre s'honora h <ct(o
époque: Shakespeare, Dryden et Pope. Sha-
kespeare, (lue les Anglais |)rononcenl (]heks-
pire, né en 15(i4, mort en IGKî, surnonmié
le S()[)lioele anglais, fit un grand nombre de
tragédies fameuses, la plupart sur des sujets
nationaux, dans lesquelles il n'y a jjas un
mot eonlre l'Eglise catholique et sa créance;
ce qui seul équivaut h une profession de foi,
surtout h une époqiu» oi'i toutes les plumes
iM'Otestantes se faisaient un mérite d'injurier
la religion de la vieille Angleterre. Dryden,
né en JG31, mort en 1707, se fit calholi(|ue
en 1688, et, malgré les pertes temporelles
que lui attira celte démarche, il persévéra
courageusement, ainsi que ses trois fils, dont
les deux j)remiers furent employés à la cour
du pape Clément XI, et le troisième se fit
religieux. Dryden est auteur de plusieurs
tragédies estimées et d'autres poèmes ; son
chef-d'œuvre est une ode pour la félc de
sainte Cécile, }iatronno des musiciens ; on la
regarde comme l'ode la plus belle de la poésie
moderne. Alexandre Pope naquit à Londres
en 1688, d'une famille noble et catholique,
fort zélée pour la cause des Stuarts. Il passa
les premières années de son enfance dans de
f)etites écoles dirigées par des prêtres catho-
iques. Le goût de la poésie s'éveilla chez
lui de si bonne heure, qu'il ne pouvait se
souvenir du temps où il avait commencé à
faire des vers. A l'âge de 12 ans, il composa
une ode sur la solitude, remarquable par sa
maturité précoce. Tous ses ouvrages se dis-
tinguent par la pureté du style. Les princi-
paux sont une traduction en vers de Ylliade
et son Essai sur l'homme, dans lequel se
trouvent quelques propositions peu exactes,
qui ont besoin d'une bénigne interprétation.
Accusé, à propos de cet ouvrage, de vouloir
établir la fatalité de Spinosa, Pope écrivit, le
1" septembre 17i2, une lettre à Racine le fils,
où il témoignait son chagrin de se voir im-
puter des principes qu'il abhorrait. Il disait
que ses traducteurs s'étaient mépris sur ses
véritables sentiments, et finissait par déclarer
trcs-hautement et Ircs-sincèrement que ses sen-
timents étaient diamétralement opposés à ceux
de Spinoso, piàsquils étaient parfaitement
conformes à ceux de Fénelon, dont il se faisait
gloire d'imiter la docilité, en soumettant tou-
jours toutes ses opinions particulières aux
décisions de T Eglise. Pope, d'mia constitution
faible et maladive, mourut le 30 mai 1744, à
l'âge de cinquante-six ans. (Rohrbacher, ci-
tant Biogr. univ. Picot, Mémoires, T. XXVI,
pag. 502.)
Quant à l'Ecosse, vers la fin du xvn* siècle,
elle comptait un assez grand nombre de ca-
tholiques, et elle en aurait eu davantage sans
le manque de prêtres et d'écoles. Ces deux
circonstances favorisèrent beaucoup le succès
des Réformateurs du xvr siècle. Le saint
siège y faisait passer de temps en temps des
Franciscains irlandais. Mais la plupart étaient
rebutés de la rigueur du climat, au moins
dans la partie septentrionale de l'Ecosse, où
le froid rend la vie pénible, et ils restaient
peu dans cette mission. Un pieux et zélé
missionnaire, nonnné Whilc, fut plus cons-
tant. Aidé de la protection de lord Macdo-
nald, il fit rcn'ivre la foi dans les montagnes
d'Ecoss(î et ramena, [)ies(iue sans difiiculté,
les familles que le n)alheur des tenq)s avait
éloignées de la religion. Ses travaux, vrai-
ment apostoliques, datent de la lin d(! Crom-
\vell et du commencement de Charles 11. On
essaya, vers le môme temps, d'établir quel-
ques écoles pour former des prêtres et en
même temps pour préseiver les enfants des
catholi{|ues de la séduction des écoles ])ro-
testantes. Mais ces établissements avaient
peine à se soutenir au milieu des traverses
qu'on suscitait aux catholiques.
La révolution de 1688 n'eut pas des résul-
tats moins fâcheux pour ce pays que j)our
l'Angleterre, et l'attachement d'un grand nom-
bre d'Ecossais aux Sluarts , leurs anciens
maîtres, servit de prétexte à de longues vexa-
tions. Les protestants s'y montrèrent pres-
qu'aussi jacobites ou partisans de l'ancienne
dynastie que les catholiques, et les premiers,
comme les seconds, parurent vouloir profiler
de toutes les occasions pour soutenir les
droits de leur souverain légitime. On les
comprima donc avec soin. Le gouvernement
anglais cessa de protéger les épiscopaux, et
les presbytériens devmrent dominants en
Ecosse. Les préjugés politiques se mêlant
aux préjugés religieux, on poursuivit à la
fois en eux les partisans des Stuarts et les
adhérents à une foi proscrite. On tint des
prêtres cathohques en prison pendant plu-
sieurs années, ensuite on les bannit. On en-
voya des troupes dans les montagnes, on
ravagea les terres des catholiques, et un ca-
pitaine, nommé Porringer, se rendit fameux
dans l'ouest par ses dévastations et ses cru-
autés. En même temps, le parlement d'E-
cosse statua que les enfants qui ne se feraient
pas protestants seraient privés de la succes-
sion ue leurs père et mère.
Cependant la foi se soutint au milieu des
efforts faits pour la comprimer. II parait que
Jacques, dans sa retraite, entretenait des re-
lations étroites avec l'Ecosse. 11 y fit passer
quelques fonds avec lesquels on établit dans
les montagnes une école dirigée par Georges
Panton, élève du collège des Ecossais. Ce
prince s'unit avec les missionnaires d'Ecosse
pour demander l'envoi d'un évêque dans ce
pays. Le saint-siége accéda à leurs désirs.
Thomas Nicolson fut fait, en 1694, évêque
de Peristachium et vicaire apostolique en
Ecosse, où il se rendit secrètement en 1797.
Il n'y trouva que vingt-cinq missionnaires
dont il augmenta successivement le nombre.
11 commença, dès cette année, à faire quel-
ques Visites dans le nord, où les catholiques
sont plus nombreux. Il en fit également, les
quatre années suivantes, dans les différentes
parties de son vicariat. Son activité et son
zèle produisirent beaucoup de fruit dans un
pays qui n'avait pas vud'évêque depuis près
de cent ans. 11 adressa des avis aux pasteurs
qui furent acceptésdans une réunion de nuis-»
!96
AISG
ANK
496
sionnaires écossais et confirmés depuis à
Rome. Dans un voyage de plus de quatre
cent milles par des montagnes fort rudes et
des mers dangereuses, il contirma, l'an 1700,
un grand nombre de personnes, s'instruisit
du besoin des peuples, réprima les abus, an-
nonça à ces tidèles catholiques la [)arole de
Dieu et les exhorta à la constance dans la foi.
ils étaient assez nombreux dans ces quar-
tiers. Plusieurs îles de l'ouest étaient exclu-
sivement peuplées de catholiques, et dans
une seule station le vicaire apostolique con-
firma plus de 700 personnes. 11 trouva ces
bons montagnards réglés dans leurs mœurs,
respectueux |)Our les piètres, et observant
avec exactitude les lois de l'Eglise. Quelques-
uns d'entre eux avaient été mis à mort peu
auparavant par le cruel Porringer, sur le re-
fus qu'Us avaient fait de renoncer à la foi
catholique. L'évoque Nicolson encouragea
ses prêt les et en nomma deux ses provicai-
res. 11 inspecta aussi l'école d'Arasaick, sur
laquelle il fondait ses espérances, et qui ser-
vait comme de préparation aux sujets que
l'on envoyait ensuite au collège Ecossais, à
Paris, maison qui était la principale ressource
pour l'éducation des prêtres, et la principale
pépinière de missionnaires pour l'Ecosse.
Outre ce collège, il y en avait encore un à
Rome et un à Katisbonne chez les Bénédic-
tins écossais, qui avaient trois maisons en
Allemagne. (Rohrbacher citant Biog. univ.;
Picot, Mémoires, Introduction,!. XXVI,
p. 504.)
L'Irlande, ce peuple martyr, a constam-
ment repoussé les innovations religieuses vi
conservé ses évoques. La succession des pas-
teurs légitimes s'est maintenue dans ce pays
à travers tous les orages. Forcés d'abandon-
ner aux évoques anglicans leurs églises, leurs
maisons et leurs revenus, ces bons pasteurs
ont continué de gouverner leurs troupeaux
dans une honorable indigence et dans des
retraites où leurs ennemis venaient souvent
les troubler. Les catholiques formaient les
trois quarts de la population de l'îie, et, mal-
gré celte disproportion, ils étaient exclus de
toutes les faveurs et de toutes les i)laces,
privés de tout droit politique, inquiétés dans
ce qu'ils avaient de plus chei", asservis à des
lois rigoureuses. Ils voyaient un petit nom-
bre de protestants dominer sur eux et s'arro-
ger tous les avantages. Cependant Charles P'
trouva j)lusde lidélité dans les irlandais que
dans les anglicans o])presseurs. Les premiers,
instruils par les archevêques OKeilly et
VValsli, se dévouèrenlà la cause d'un prin.;e
malheuHMix. Aussi le régicide Cronnvell ne
leur pardoima-l-il jamais, il aggrava leur
)0ug par de nouvelles dis|)Ositioiis. Une loi
déshérita et mit hors la loi tout étudiant ca-
Iholique qui (mibrassait l'état clérical. Le
règne de Charles II ne fut guère plus favo-
rable aux catholupjes irlandais, et le supplice
du vènèrabhî archi'vèfjuc; (rAriiiagh jeta la
terreur parmi eux. l)euxaulr(!S évèques,ceux
de hildure et d(! Corck, fur(;rit mis en prison.
i)'autre.> sf r«;lirerenl eu l'rance.
Le rè^ne de .)a<qu<s li tut trop court pour
apporter beaucoup d'avantages aux catho-
liques, ou du moins ces avantages ne furent
guère durables. Les faveurs même que ce
prince accorda dans ce pays à ceux de sa
communion irritèrent l'envie contre eux, e*
sa chute les exposa à de nouvelles traverses.
Plus ils lui restèrent tidèles dans sa disgrâce,
plus on usa de rigueur envers eux, et ils
expièrent par toutes sortes de vexations leur
courageux dévouement. La capitulation de
Limerick avait assuré aux irlandais quelques
avantages. On était convenu que les choses
restei aient sur le pied où elles étaient sous
le règne de Charles il, et qu'on n'exigerait
des catholiques que le serment général de
hdéliié qu'il est d'usage de demander aux
peuples qui passent sous une autre domina-
tion. Ces concessions déi)lurent aux protes-
tants fanatiques, qui demandèrent qu'on les
enfreignît sur-le-champ.
Guillaume de Hollande se montra plus
modéré et parut vouloir tenir les articles de
Limerick. 11 réprima plus d'une fois les ef-
forts du parlement d'Irlande pour les en-
freindre et empêcha, entre autres, un projet
de loi qui bannissait à perpétuité tous les
archevêques , évêques et religieux. Mais
tandis que la cour suivait ce système de mo-
dération, la masse des protestants établis en
Irlande montrait un tout autre esprit contre
les catholiques, el tous les documents de l'é-
poque font un portrait déplorable de la si-
tuaùou de la religion catholique en Irlande
à la Un du xvir siècle et au commencement
du xviir. Les catholiques étaient en butte à
toutes sortes de vexations, et les protestants,
quoiqu'en inoindre nombre, appesantissaient
sur eux le joug le plus dur.
L'épiscopat irlandais était réduit, en 1701,
à un très-petit nombre de membres. Les
troubles , les guerres , les persécutions ,
avaient rendus vacants la plupart des sièges.
11 ne se trouvait dans l'île, à celte époque,
que deux prélats : Comorfort, arc levèque de
Cashel, qui était fort Agé, elDonelly, évêque
de Dromore, qui était en prison. On cile
aussi l'évêque de Clonfert, comme ayant
échappé aux poursuites ; les autres évêques
avaient été obligés de s'ex[)atrier. Les arche-
vêques d'Armagh, de Dublin, de Tuam, et l'é-
vê(iued'Ossory étaient en France, et l'évoque
de Cork s'était réfugié à Lisbonne. Le
clergé de France faisait une pension à l'ar-
chevêijue de Cashel et à l'évêque de Clon-
fert. Les vacances des autres sièges duré, eut
encore i)lusieurs années, et ce ne fut qu'en
1707 (pie l'on commença à y nommer. Le
clergé du second ordre n'était pas dans une
|)osilioii ])lus heureuse. Beaucoup de reli-
gieux et de prêlres avaient été contraints do
fuir l(;ur patrie; plusieurs avaient suivi
Jacques dans son exil. La France et les Pays-
B.is coiiij)taient un grand nombre de ces
honorables [MOscrits, aux(juels leur double
iidélité à leur croyance et à leur prince
avait coulé tant de sacritices.
Lo cKîrgô calholiciue d'Irlande se compo-
sait, comme c(dui d'Angleterre, de séculiers
et de réguliers. Les réguliers étaient fort
i9t
ANG
nombrouï. Les ordres qui fournissaient le
plus à cette mission étaient les Dominicains,
tes iMaiiciscains, les Augnstins. Ils avaient
des colh'i^es h Rome, à Louvain, h Douai et
à Prague. Le clergé séculier en avait à Uome,
à Lisboime, à Compostelle, <à Salaman(|ne, à
Séville, h Alcala, à Bordeaux , à Paris, à
Douai, j\ Lille, c^ Louvain et h Anvers. On
avait adopté pour l'éducation du clergé irlan-
dais un usage singulier, qui n'était pas
sans de graves inconvéïiienls. La pauvreté de
la plupart des sujets et la dillieulté de pour-
voira leur entrelien avaient lait imaginer do
renverser l'ordre naturel. Leurs évôciues les
ordonnaient prêtres dans leur {^ays et les en-
voyaient ensuite étudier à Paris, princi[)alo
pépinière du clergé irlandais, et où ils trou-
vaient quelque ressource dans l'exercice des
fonctions du ministère. On ne peut se dissi-
muler , observe le respectable Picot dans
ses mémoires, que cette méthode n'introdui-
sit souvent dans l'état ecclésiastique des su-
jets médiocres, soit pour la conduite, soit
pour la doctrine. On s'éleva plusieurs fois
contre cet abus et contre la facilité avec la-
quelle les évêques conféraient les ordres.
Mais ces plaintes, quelque fondées qu'elles
fussent, ne doivent pas nous empêcher de
reconnaître qu'il y eut souvent dans le
clergé irlandais des hommes recommanda-
bles par leurs talents, leur piété et leur zèle.
Un prêtre irlandais, un prêtre du peuple
martyr , dira au roi martyr de France, à
Louis XVI : « Fils de saint Louis, montez au
ciel ! »
Le protestant Cobbet résume ainsi le Code
pénal ou Code de sang de l'Angleterre pro-
testante , contre l'Angleterre catholique ;
code composé de plus de deux cents actes
du parlement, rendus depuis le règne d'E-
lisabeth jusqu'à la vingtième année de celui
de Georges IIL En Angleterre, il privait les
f)airs catholiques du droit de siéger au par-
ement, qu'ils tenaient de leur naissance, et
le reste de leurs coreligionnaires de celui de
faire partie de la Chambre des communes. Il
enlevait à tous les catholiques le droit de
voter aux élections. Bien que, d'après la
grande Charte, aucun homme ne doive être
taxé sans son consentement, il imposait de
doubles taxes aux catholiques qui refusaient
d'abjurer la religion de leurs pères. 11 leur
refusait l'accès du pouvoir et les empêchait
d'arriver aux plus minces emplois. Il les
déclarait inhabiles à présenter des sujets
aux bénéfices ecclésiastiques, bien que ce
droit fût exercé par des quakers et des juifs.
Il les condamnait à une amende de vingt
livres sterlings par mois, s'ils ne fréquen-
taient pas avec exactitude les temples du
culte établis par le parlement, fréquentation
qu'ils ne pouvaient considérer que comme
un véritable acte d'apostasie. Il leur défen-
dait, sous peine de châtiments graves, de
garder des armes dans leurs demeures, même
pour leur propre sûreté, de plaider en jus-
tice, d'être tuteurs ou exécuteurs testamen-
taires, d'exer(;er la profession de médecin
ou d'avocat, et dé s'éloigner de plus de cinq
AN6 IM
milles de leur domicile. Toute femme ma-
rié(( qui ne fréiiuentail |)as assidûment le
tenqde de VJùjlise établie perdait les deux
tiers de sa dot; elle n'était plus apte à de-
venir exécutrice testamentaire d(ï son maii,
et pouvait être renfei'mé(î [)endant la vie de
celui-ci, à moins qu'il ne payât pour elle
dix livres sterling d'amende par mois.
Ouand un homme était atteint et convaincu
du même crime, les quatre premiers juges
de f)aix venus j)ouvaient le citf.'i- à leur ban e,
le forcer <v abjurer sa foi, et, s'il refusait, le
condannier, sans l'avis d'aucun jury, à un
bannissement ])erpéluel, et à mort s'il re-
mettait les pieds sur le territoire anglais.
Les deux premiers juges de paix venus
avaient droit de citer devant leur tribunal,
et sans aucun information préalable, tout
honnne âgé de plus de seize ans ; s'il refu-
sait d'abjurer la religion catholique, et s'il
persistait pendant six mois dans son refus, il
devenait inca])able de posséder des terres ;
toutes celles qui lui appartenaient reve-
naient de droit à son plus proche héritier
prolestant, lequel ne lui devait ensuite au-
cun compte de leur produit. Le catholique
obstiné ne pouvait plus aclseterde terres, et
tout, acte ou contrat souscrit par lui était
radicalement nul. Etaient passibles d'une
amende de six livres sterling par mois les
personnes qui employaient dans leurs mai-
sons un précepteur catholique, et celui-ci
était en outre puni d'une amende de deux
livres sterling par jour. Etaient passibles
de cent livres sterling ceux qui envoyaient
un enfant à une école catholique étrangère,
et cet enfant devenait de plus inhabile à hé-
riter, à acheter ou posséder des terres, des
revenus, des biens, (ies dettes, des legs ou
des sommes d'argent. Etait punissable de
cent vingt livres sterling d'amende celui
qui célébrait la messe, et de soixante livres
seulement celui qui l'entendait. Tout prêtre
catholique qui revenait par-delà les mers,
et qui dans les trois premiers jours de son
arrivée, n'abjurait pas sa religion, ou toute
personne qui rentrait dans la foi catholique
ou y ramenait un autre individu, était con-
damnée à être pendue, éventrée et écartelée.
« En Irlande, le code pénal auquel les ca-
tholiques étaient soumis était encore plus
hideux et plus féroce ; car un simple trait de j
plume avait suflTi pour faire appliquer à ce 1
malheureux pays toutes les dispositions ?
cruelles du code anglais, indépendamment \
des dispositions pénales spécialement desti-
nées à la population irlandaise. Ainsi :
« Tout instituteur catholique, public ou
particulier, et même le modeste sous-maître
d'une école tenue par un protestant, était
puni de l'emprisonnement, du bannissement,
et considéré, en un mot, comme un félon,
s'il était catholique. Les membres du clergé
catholique ne pouvaient demeurer dans le
pays sans être enregistrés comme des es-
pèces de prisonniers sur parole; des récom-
penses faites avec les fonds levés en partie
sur les catholiques étaient décernées, dans
ies proportions suivantes, à ceux qui dé-
199
ANG
ANG
200
couvraient des contrevenants à cette disposi-
tion de la loi, à savoir : cinquante livres ster-
ling pour un archevêque ou évêque, vingt
livres sterling pour un prêtre, et dix pour un
maître ou sous-maitre d'école. Les deux pre-
miers juges de paix, venus pouvaient citer
tout catholique à leur barre et lui oi'donner
de déclarer sous serment où et quand il avait
entendu la messe, les personnes qui y avaient
assisté avec lui, le nom et le domicile des
prêtres et maîtres d'école de sa connaissance;
que s'il refusait d'obéir à cet ordi-e tyranni-
quc, ils avaient droit de le condamner, sans
plus de formalités, à une année de prison
ou à vingt livres sterlings d'amende. Tout
protestant qui voyait un catholique en pos-
session d'un cheval d'une valeur de plus de
cinq livres sterling, pouvait s'emparer de
ce cheval en comptant les einq livre's ster-
ling au propriétaire. Pour que, dans de pa-
reils cas, les tribunaux ne pusseiit jamais
faire droit à qui il appartenait, on n'admet-
tait sur les listes des jurés que des protes-
tants connus. La succession d'un protestant
dont les héritiers directs étaient catholiques
passait à son plus proche héritier protestant,
comme si les héritiers catholiques étaient
prédécédés. Tout mariage contracté entre
protestant et catholique était nul de plein
droit, encore qu'un grand nombre d'enfants
en fût né. Tout prêtre catholique qui célé-
brait un mariage entre un catholique et un
protestant, ou entre deux protestants, était
condamné à être pendu. Toute femme, épouse
d'un catholique, qui voulait devenir protes-
tante, sortait par cela même de la puissance
de son mari et participait à tous ses biens,
quelque répréhensible qu'eût d'ailleurs été
sa conduite soit comme épouse, soit comme
mère ; si le fils d'un père catholique se faisait
protestant, ce iils devenait maître de tous
les biens de son père, lequel ne pouvait plus
en vendre, engager ou léguer une partie
quelconque, à quelque titre qu'il les possé-
dât et quand bien même ils étaient le fruit de
son travail. »
Après avoir résumé ces articles et d'autres,
le protestant Cobbet conclut : « Je le demande
à mes lecteurs, y a-t-il un seul d'entre eux
qui n'ait gémi du plus profond de son cœur
en in'entendant rapporter toutes ces horribles
cruautés, exercées contre des hommes uni-
quement coupables d'être restés fidèles à la
foi de leurs pères et des noires, à la foi
d'Alfred le Grand, fondateur de la puissance
dt; noire nation, à la foi des hounnes (^ui
établirent la grande Charte et créèrent toutes
ces vénérables institutions qui font la gloirii
de notn; [)ays ? Kt si l'on rétléiliil ([ue tant
d'horreurs et d'atrocités n'cjnt été connnises
(]ue f)Our assurer la prédominancedc! l'Eglisi;
anglicane, conniu;nt ne pas s'alUiger et rou-
gir de »;e qui s'est passé, et ne pas ardem-
ment souhaiter (pie bientôt pleine; et entière
justice soit (îulin rendue auv malheureux
qui soullVcnt d(!piiis si longtemps! » (Uohr-
bacher, t. XXVI, p. 509; Cobbel, ///s/, delà
réforme dWnf/lelcrrc, lettre l.i.j
Les souhaits du protestant Cobbet ont été
accomplis en 1828, par l'émancipation légale
des catholiques dans tout le royaume d'An-
gleterre. De()uis cette époque, le gouverne-
ment anglais a bien voulu accorder à plu-
sieurs collèges caiholiques les privilèges des
universités de l'Etat, ce qui n'existe pour
aucun établissement catholique en France.
D'un autre côté, il est des îles de la mer
qui, tant qu'elles ont apj)artenu à la France,
n'ont pu avoir d'évêques et qui en ont de
catholiques depuis qu'elles appartiennent à
l'Angleterre. B'après ces faits et d'autres
nous ne serions pas étonnés de voir, dans une
vingtaine d'années, la nation anglaise devenir
lapremièie etlaplus fervente des nations ca-
tholiques, et ravir cette gloire antique à lana-
tion française. (Hohibacher,t. XXVT, p. 509.)
En 1714, la reine Anne Stuart étant morte,
son frère Edouard, qui vivait retiré en Lor-
raine, entreprit de faire valoir ses droits au
trône, contre ceux d'un prince étranger ori-
ginaire de Hanovre. Deux ans après, il opéra
une descente en Ecosse, où son parti s'était,
dès 17 J 5, organisé en sa faveur et avait
même rassemblé des traupes. Les partisans
d'Edouard furent nommés jucobites, du nom
de leurs anciens rois. Ils prirent pour devise :
Pour Jacques JIl et pour la religion protes'
tante, il est donc bien évident que les ca-
tholiques ne dominaient pas parmi eux. Ce-
pendant le charlatanisme politique trouva
bon d'agir exactement comme si la tentative
eût été faite par les catholiques. Après que
le parti du prétendant eut été vaincu, on
publia qu'eux seuls en avaient été l'àme , et
de tous côtés on se mit à les persécuter, à
les traquer, aussi vivernent que du temps de
la trop fameuse Elisabeth. Ils furent désar-
més dans toute l'étendue du royaume. On
leur ôta leurs chevaux. Tous ceux qui ne
purent pas trouver deux prolestants pour
leur servir de caution furent emprisonnés.
Pour découvrir immanquablement les catho-
liques, on entreprit de faire jurer à tout le
monde haine à la doctrine de la transsub-
stantiation, comme à une erreur détestable.
En juillet 1717, le 26, le roi signa un bill
qui contraignait tous les catholiques à don-
ner une déclaration détaillée de leurs biens.
Cinq ans après, le duc de Norfolck, premier
pair du royaume, fut mis en prison, parce
qu'il était catholique fervent, et en outre
fort riche. A la même époque, on frappa d'une
contribution considérable toutes les terres
des calholi({ues.
En 17iG, après la bataille de Culloden, le
gonvernemenl anglais montra une sévérité
excessive envers les catholiciues. On abattit
leur:
dises. Le séminaire de Scalan fut dé-
triiii, les missionnai. es furent vivement pour-
suivis. Colin (.lamiibell mourut par suite des
mauvais traitements cpi'il avail reçus. Les
Jésuites Cordon et Cameron moururent en
j)ris()n. (]qI état de clios(!S dura foit long-
temps. En 1751, messieurs (Iraiil et Cordon
prèti'es furent pris, (iordon fut (•ondamné
au baimisscMiienl. Hugues Maedonald, évè-
<pie de Dia , vicaire a|)osloli{iue dans le
jiays des luonlaiines, l'ut dénoncé et mis en
IM
A^m
ANN
202
J)rison en 1755. Celui qui le livra reçut pour
cela huit conts éms. On rt'iKJiivela, on lt57,
comme on l'avait fait (](^j<^ en 1736, les vieilles
lois qui |)ortaient int( idiction des droits ci-
vils contre qiiicon(iue reniscrait de prêter
au roi d'Aiii.',letci're, sernu-nt de suprématie
spirituelle. De i»lus on condanriait quicijii-
que se rendait coupablt; de ce forfait, à payer
la somme de douze mdic cintj cents francs.
A partir de ce moment jusqu'à I828 et
182 J, é{)oque à la(iuelle on accorda l'éman-
cipation aux cathol ques d'Anji,l('terfe, l'état
du catholicisme demeura le même. c'<'St-à-
dire qu'il fut soumis à l'oppression de ce
code persécuteur et barbare, au |uel chacun
des souverain'^ anglais eut la triste gloire
d'ajouter quelque chose. Mais enfin la civi-
lisation l'a emporté, et de[)uis (]ue la foi-ce
des choses a contraint l'A-igleterre à revenir
à la suprême justice, le catholicisme reprend
de jour en jour sa supréma ic. De toutes les
nations protestantes, l'Angleterre est le plus
près de sa co"iversio"i. Sa doctrine est la plus
évidemment absurde et la plus évidemment
près de la vérité.
ANIGET (saint), martyr et pape, reçut la
pahue du martyre durant la persécution que
Marc-Aurèie-Antonin et Luce-Vère flreat
souti'rir aux. chrétiens. On ignore en quelle
année. L'Eglise honore la mémoire de ce
saint pape le 17 avril.
ANICET (saint), martyr, était comte et
habitant de Nicomédie. Ce fut sous l'empe-
reur Diocléiien qu'il fut martyrisé avec soi
frère saint Photin et plusieurs autres saints
compagnons dont on ignore les noms. L'Eglise
fait leur fête le 12 août.
ANNE faisait partie du sanhédrin , tribu-
nal devant lequel comparurent saint Pierre
et saint Jean, arrêtés dans le teniple [lar les
prêtres et les sadciucéens, afirès la guérison
du boiteux. Dans le G' verset du chatûtre iv
des Actes, Anne est qualilié grand prêtre,
quoiqu'à l'époque dont il est question dans
cet endroit il n'en exerçât plus les fonctions. Ce
passage des^cfcsprouvesimplcment qu'il gar-
dait le t tre honoraire de la charge qu'il avait
occupée, et qui depuis avait passé aux mains
d'Eléasar, son fiis, puis ensuite à celles de
Caïj)lie, son gendre. Anne conservait toujours
une grande autorité |)armi les Juifs. 11 sié-
geait ()robablement dans le sanhédrin qu -nd
ce tribunal Ut fouetter les apôtres et con-
damna saint Etienne à la mort.
ANNE (sainte), vierge, souffrit le martyre
en l'an 343 de Jésus-Christ, sous le règne de
Sapor dit Longue-Vie. Elle était originaire
de Beth-Seleucie. Sa fête est inscrite au Mar-
tyrologe romain le 30 novembre.
ANNE (sainte) est célèbre dans la persé-
cution des icoaoclastes , sous l'empereur
Constantin Copronyme. Cette sainte femme,
étant devenue veuve, résolut de se consacrer
à Dieu. Le bruit de la sainteté d'Etienne,
abbé du Mont-Auxence, était presqsie univer-
sel. Ses austérités, ses éminentes vertus, les
miracles qu'il opérait lui amenaient de tous
côtés de nombreux disciples. 11 y avait au
Mont-Auxence deux monastères, lun d'hom-
DiCTioNN. DES Persécutions. I,
mes, l'autre de femmes. Celui des femmes
était au bas de la montagne, et avait une ab-
b(sse qui le gouvernait, sous la direction
})ourtant de l'abbé du couvent d'hommes.
Sainte Anne, (pii ne prit ce nom (ju'en se
vouant h l'état monastique, et (]ue nous ne
connaissons |)as sous un autre nom, vint
trouver le saint, et le pria de vouloir bien la
dirigerdans les voiesdelaperfectir.n. Kticnine
la reçut et la confia aux soins de l'abbesse du
CMUvent d'en bas, c'est-à-dire du couvent des
femmes. Or l'empereur Constantin CofJiocy-
me, ayant entendu parler delà sainteté d'E-
tienne du Monf-Auxence, entrepiit de le ga-
gner à la secte des iconoc a-tes. Il lui envoya
Calliste, prêtre, qui, comme on peut lo voir
dans la vie du saint, échoua dans sa négocia-
tion. Comme on le f)eul voir aussi, l'empe-
reur fit mettre saiiit Etienne en prison, où il
resta six jours sans boire ni marger. Après
cela, partant pour une guerre contre les Bul-
gares, il le fit reconduire dans sa cellule ; mais
Calliste, dont l'amour-pro.iro avait été cruel-
lement blessé, gag-ia m moine de Saint-
Auxence, nommé Sergius, ei,à prix d'argent,
le fit consentir à calomnier son abbé. Ce
moine prévaricateur, do concert avec Auli-
calame, receveur de l'impôt du goife de Ni-
comédie, rédigea pour l'empereur un libelle
dans lequel il accusciil le saint de ditiérenis
crimes. Parmi ceux qu'il lui reprochait était
celui d'avoir séduit une femme noble qui
n'était autre que la s inie de qui nous écri-
vons la vie. Cet imposieur prétendait que,
toutes les nuits, elle moulait dans la cellule du
saint abbé pour s'y livrer avec lui à un com-
merce adultère. On remit ce lib. Ile à l'em-
pereur, qui pour lors se trouvait en Scythie.
11 témoigna une giande colère, et envoya
l'ordre à Antès, son lieutenant à Constanti-
nople, de se rendre au Mont-Auxence, chez
d.s ièmmes qui, disait-il, sous l'apparence
d'une vie sainte et pieuse, cachaient dinfi-
mes impudicités, de se saisir de celle qui se
nommait Anne, et de la lui amener à son
camp. Lorsque l'abbesse fut instruite du but
de l'envoyé de l'empereur, elle fit venir Anne
devant elle a\ec une religieuse nommée
Théopham». « Allez, dit-elle, mes filles, allez
vers l'empereur; dites la vérité sans faiblesse,
etquoD.eu vous accompagne et vous garde. »
Elles partirent, et, dès qu'elles furent arrivées
au camp, l'empereur prit à part saime Anne :
«Je connais la faiblesse des femmes, lui dit-il,
et ne serai pas surpris de vos aveux. Faites-
les entièrement : dite-^-moi comment il se fait
que cet abominable ait pu vous séduire. Ré-
vélez-moi quels sont les moyens employés
par lui. — Je n'ai trouvé en lui qu'un saint
homme, répondit Anne, un sage directeur,
apte à donner d'excellents conseils ; je n'ai
qu'à me louer de sa direction. » Constan-
tin n'en put rien tirer autre chose. Alors il la
menaça de la faire rigoureusement punir, et
même de la faire mettre à mort ; mais elle
ne voulut jamais se souiller par le mensonge.
Alors l'empereur la fit d'abord battre cruel-
lement, et ensuite mettre en prison, où elle
demeura jusqu'à ce qu'il revînt de son expé'
20o ANS ANT 204
ditioQ à Constantinople, Pour Tliéophano, il ANTÈRE (saint), p.ipo, succéda au pape
la renvoya à son couvent. Aussitôt qu'il fut saint Pontien, martyr, en rannéo 235, pre-
de retour ;iConstantinO|)le, il til mettre Anne mière de; Maximin. Il ne tint le siège do
dans la prison des bains du |)alais, et i'inter- liomu (pi'un mois el dix jours, étant mort le
rogea de nouveau. 11 la trouva toujours iiié- 3 janvier d(; Tan 23G. Il élait (iiec de nais-
branlable, toujours dans les mêmes dispo- sance, et (ils d'un nommé Kdumh.'. Le peu
sitions. Alors il envoya vers elle un lionnuc, de temps que dura son ponlilieal, sa mort
({ui lui était dévoué, et qui lui dit: « Pour- arrivée ilurant la persécution de Maximin,
i[uoi persistez-vous à nier les faits (]ui sont donnent lieu de croire rpie le martyre a
j)rouvés parleléuloiAnage de votre esclave? » couronné sa vie. "^epinidant ce n'est (pi'nnp
i^On avait en ell'el gagné à prix d'or un des opinion douleus.). Un ancien l^oiilitieal, cpii
esclaves de la sainte.) Klle refusa énergique- nouune sa vii; on sonnn(.'il, ne. contredit
mentde mentir. Alorson intioduisit l'esclave point celte opinion, cai'cetle expression du
qui lui aftirmo avec serment qu'il avait dit la Pontilical pointait s'appliipn'i- à sa mort ar-
vérité, et qai lui craclia au visage. Ensuite, rivée, par exemple, en (irison, comme celle
huit hommes vigoureux la saisirent, et lui de tant d'autri.'s; ce qui rio (limitnu'rait en
tenant les bras forteuient écartés en forme rien la gloire de son martyre. 1/K-lise cè-
de croix;, la présentèrent toute nue aux bour- lébre la fèliî de saint Anière le 3 janvier. Il
reaux chargés de son supplice. Ils étaient fut enterré dans le cimetière de (lallisli'.
deux, qui avec des nerfs de bœuf la déchi- AN THÉS (saint), marivr, fut décai'ilé à
rèrcnt cruellement, l'un la frappant au dos, Salern(>, sous l'emijereur Diodélien et le
l'autre sur le ventre. On la laissa pour morte, proconsul Li'oru-e, avi-c les saints (laiiis et
Cependant elle revint à elle, et l'empereur la Fortunat. I/Eglise honon' la mémoire di- ces
liljerer dans un des couvents de femmes de glorieux mariyrs le, 28 aoùi.
Constantinople. Janu\is[)luson n'entendit par- AN'I'HIK (sainte), mère de saint El-Hitlièrc,
1er d'elle. Le nom de cette glorieuse mariyre fut martMi.si'e avec lui à Kome, sous l'cin-
delafoinese tiouvfc pas insci'it au Marlyro- [)ire d'Adrien. Nous n'av(ms, diniï> tous les
loge, et c'est à tort. Les combats ((u'elle eut à Actes (pii parlent il'clle, rien (pu soit siifli-
soutenir, les souDrances qu'elle endura, l'ont samnicnl aullientique. L'Eglise célebie sa
rendue digne de tigurer à cùté de ceux que léle le 18 avril.
l'Eglise vénère comme martyrs, ou tout au ANTULME (saint), prêtre et niartvr, était
moins comme confesseurs. ( Ko//. icO-xocLASTiis détenu dans les prisons d'Asie, par (udre de
et EriENNE DU MoNT-AuxiiNCE.) PiuiiMi, procuiisul «l'Asie, avet; les sauils Si-
ANSAN (saint) reçut la couronne du glo- sinie, .\iaxime, laisse, Fabn-M, Oiodélien et
rieux martyre à Home, avec sainte Maxime. Florent. Lucine, lemme t\v. Pinn-n, le lit
Ils confessèrent .Té>us-Clirist durant le règne sortii- avec saint Sisinne pour Veinr auprès
de l'empereur Dio -lélien, et rendirent l'es- de son mari, alleint d'une maladie de la-
prit sous les coups de bâton dont les b(mr- (pielle les iiK'dêcins déscspiMaienl. Il guéiit
reaux les accablaient, ils sont honorés dans juiiai;uleuse'menl Pinien, (|ui, touché du la
l'Eglise le 2 septembri!. grâce de Dieu, se convertit t-t fut baptisé
ÀNSAN (saint), martyr, ayant confessé Je- b cnlùl aprè> avec sa femme et ses amis.
gus-(^lirist sous l'empereur Dio.:lélien, fut Ouand Piiiien revint d'Asie, il amena avec
emprisonné à Rome, de là conduit à Sienne, lui saint Anihime étions ses compagnons;
en Coscane, où, ayant eu la tète tranchée, il mais biisnlùt leur séjoui* dans sa maison
acheva de fournir sa glorieuse caiiière. On ayant éveillé les soufiçons, il tes ht |/ariir
igiore l'année de son martyre. L'Eglise ho- pour ses terres. Ils y vécurent on |)aix assez
nore sa mémoire le 1" dé;emi)re. longtemps. Veis l'an 290, un |Mèueduiio
ANSEViN (saint), confesseur, était évoque idole iKjmmée Sihona.s, avant été possédé
h Tamérino. 11 endura de grands tourments du démon dans un sacrilice, devint si lii-
Four la défense de la religion, et mérita que rieux, tpi'il tuait loiiles les personnes ([u'il
Eglise le mît au nombre de s>'S saints. On rencontrait. Anihime l'ayanl appris, le guéiil,
ignore à quelle é[)oque il confessa sa foi. et trois jours après le conveilil avec sa
L'Eglise l'honore le 13 mars. femme et ses (nilanls. Reancoup d*aulit\s
ANSUÈRE (saint), et plusieurs moines, pré- imilèrent le prêtre de l'idole, et atialiirent ce
très et vierges martyrs, fureiit massacrés, j)rélendu dimi, ainsi (pie le bois au milieu
vers le milieu du xi' sièfde, parles peu- duipiel on 1 honorait. Mais ceux (pn rcsièreiil
plades encore barbares des SKiviïs et di's V'an- iiilideles ac( usèrent Anihime (K-vanl Pris-
dales qui [lortaienl une liaitie implacable au (pie, consulaire. Celui-ci l'axaiU fait |>ien-
christianisme. Saint Ansuère fut lapidé av(!c (ire, et ne pouvant le coiilraindr(! «i sacri-
irente moines qu'il gouver liait. 11 di manda lii'r, le lit ji-ter tians le 'libre avec une pimre
aux bourreaux d'(Hre m.ntyinsé le dciniei'; ;m cou. Avant de le jeter dans l'eau, les
il voulait ainsi olfrir h Dieu, en montant au jtaiens lui brisèinnil tous les nunubres. Les
ciel, une double couronne: celle qu'il ac- Actes de saint Anihime portent (pi'il l'ut re-
quérait en soull'ranl p(MSonnellein(M»t, et en- liié vivant par un ange (pii le déposa dans
suite, celle d(;s doiibniis (pi'il (induiail dans son oratoire. Le bnubmiain, les pannis so
3'i charité, en vrjya il soulfrir, avant lui, tous moipiaient des chréliinis ipii, comme h I'op-
«es saints comj).igno is. S.i demande fut exau- dinaire, venaicMit voir le saint; mais ils
Cce. L'Eglise fait colJectiv>nnenl leur glo- furent exlr('minnent surpris d'apprendre
rieuse riiémoii'e le 15 juillet. d'eux (^u'il était bien, en ell'et,dans sonoi'tt
20S
ANf
ÀNT
<HHj
icire. Ils le dô'ionc(''renl do nouveau h Piis-
qut', ([ui, (xvuJanl tioi-i join-s, essaya Je l'a-
ballic pur la lueiiaeo des supplices et par
Jes ii,.îueurs de la prison, el c|ui enliu le Ut
d(^ea|)ilei'. L'Kglise lioîioio saint Anlliinie le
11 mai. (Voif. LtciNE.)
ANTHIMK (saint), Trère des saints Cosino
et Daiu en, l'ut martyrisé avec eux, en 303,
sous l'empire de Dioclélien. Sa IcHe arrive
avec la leur, le 27 septembre. Voy. Cosmi:.
ANTUl SiE (sai;it), martyr, évoque de Ni-
comédie, versa son sang pour la loi sous le
règne et durant la |)ersiHulion de Dioclétien.
On ignore l'année précise de sa mort. Divers
auteurs, notammcit Alban l^utler, ont lait
sa vie avec ce qu'ils ont trouvé dans Eusèbe
el dans Lactance. Celte vie est plutôt l'his-
toire de la persécution que celle du saint.
Tout ce qu'on peut dire de lui se trouve ré-
sumé dans ces lignes du Martyrologe romain,
que nous tjanscrivons. « A Nicomédie (le
27"= jour d'avril), la fête de saint Anthime,
évoque et martyr, qui, durant la persécu-
tion de Dioclétien, eut la tête tranchée, [)Our
la défense du nom de Jésus-Christ. Presque
tout son troupeau le suivit, et la plupart do
ses diocésains souHVii-ent la mort avec lui :
les uns furent décapités, les autres brûlés;
le juge en mit plusieurs dans des bai-ques
et les lit noyer dans la mer. »
ANTilOLElN (saint) fut martyrisé à Cler-
mont, en Auvergne. On ignore h quelle épo-
que et dans quelles circonstances. L'Eglise
honore sa mémoire le 6 février.
ANTHUSE (sainte) reçut la couronne du
martyre à Tarse, sous l'empereur Valérien,
avec deux de ses esclaves dont on ignore les
noms, et lévéque saint Athanase, qui l'avait
baptisée. L'Eglise honore leur sainte mé-
moire le 22 août.
ANTHUSE (sainte), martyre, était vierge
et vivait du temps de Constantin Copronyme.
Après avoir été cruellement fouettée et ban-
nie pour le culte des saintes images, elle
mourut en paix. On ignore l'année où elle
confessa sa foi. L'Eglise honore cette vierge
le 27 juUlet.
ANl'lDE (saint), martyr, était évêque"tie
Besançon, il y fui massacré par les V aU'iales,
pour la foi de Jésus-Christ. On ignore en
quelle an lée son ma; tyre eut heu. L'Eglise
honore sa mémoire le 23 juin.
ANTiCONE (.>aint), martyr, versa son sang
pour la foi, à Rome, avec les saints Abonde,
Antigone et Fortunat. L'Eglise honore la
mémoire de ces quatre illustres martyrs le
27 fé/rier.
ANTINOÉ, primitivement Besa, aujour-
d'hui En>ène, est située dans l'Egypte. Cette
ville est célèbre par le martyre qu'y soutl'i it
sainte Iraire, et un grand nombre de prê-
tres, de diacres et de vierges, dont le nom-
bre et les no. us sont com détement ignorés.
ANTIOCHE, Antiochia, Antakieh des
TuriS, vUle dei'.incienne Syrie (Turquie d'A-
sie). Saint Ignace en était évêque en l'an 107,
quand l'rajan y vint et y persécuta violem-
ment les chrétiens. Ignace fut amené devant
lui, et ayant répondu à cet empereur avec
l'énergie qui convenait à nn chrétien , à un
évé |Ue, à lui disciple des apùti-es, il fut con-
damné à être conduii à Home jiour y périr
dans les spectacles (}ue U's empereurs don-
naient au peu le dans les am|)liilliéàlres. En
237, celte ville eut l'honneur d'avoir pour
évècpie sa'nt Babylas, qui fut vraiment digne
d'illustrer ini siégeoù avaientdéj.^ brillé de si
grands saints. Ce fut dans cette ville, au raj)-
}iort de saint Jean Chrysostome, qu il donna
ce spectacle étonnant au milieu du monde
païen, d'un évèque défendant l'entrée de son
église à un empereur romain {h l'empereur
Philippe), le forçant de confesser publique-
ment ses fautes , et de prendre rang dans
l'église parmi les pénitents. Sous Dèce , ce
saint évèque eut la gloire de donner sa vie
pour Jésus - Christ. Il monrut en prison,
comme saint Alexandre de Jérusah-m. li de-
ra/uida à ôirc enterré <ivec ses chaînes. L'his-
toire des ditl'érentes translations de ses reli-
ques est rapportée à son titre. Sous l'empire
de Valérien , la ville d'Anlioche vit le glo-
rieux martyre de Nicéphore , laïque , et la
chute terrible de Saprice , prêtre de son
Eglise. Cette histoire , Tune des plus belles
pages de la morale h:storiqu >, est ra[)i)Ortée
en entier à liOt. e article Nicéphohe. ( Voy.
aussi l'article Saprice.)
En 1208, Antioche eut le malheur de tom-
ber sous la tyrannie de Bibais, sultan d'E-
gypte. Cetie Ville avait alors deux couvents
de femmes, l'un de Dominicaines, l'autre de
Franciscames. Quand le patriaiche sut que
les musulmans approchaient, il réisnit toutes
ces tilles du Seigneur dans le couvenr des
Dominicaines, el là il les prêcha avec force ,
les invitant à souifrir la more plutôt qu'à
consentir aux outrages dont les vainqueurs
ne manqueraient i)as de vouloir les rendre
victimes. Ces saintes femmes, qui savaient
bien que la meilleure volonté ne saurait pas
les soustraire aux exigences des musul-
mans , se déligurèrent toutes en se coupant
mutuellement le nez. Ce moyen de sauve-
garder leur pudeur, de la mettre à l'abri des
insultes , fut-il une inspiration du Saint-Es-
prit? Il faut l'admettre [lour le trouver excu-
sable. Avec une foi vive et une grande con-
fiance en Dieu , ehes auraient pu ne pas se
dédgurer, en se souvenant comment Dieu ,
dans les premiers siècles de l'Eglise mili-
tante, savait protéger les saintes que la bru-
talité des juges pré.eniait livrer à la bruta-
lité des débauchés. Les musulmans les voyant
en cet état les égorgèrent toutes. Le pa-
triarche fut égorgé avec quatre frères prê-
cheurs au pi d du grand autel de son église,
où, prosterné, il priait Dieu pour son [leuple.
Tous les Franciscains que les vainqueurs
trouvèrent dans la ville et dans les couvents
voisins, furent emmenés -captifs. Cette an-
née vit le martyre de plus de cent Domini-
cains, de la province de Terre-Sainte, que le
barbare suiian fit mourir et envoyer rejoin-
dre au ciel leurs gloiieux compagnons d'An-
lioche. (Fontana, Monumenla Dominicana.)
ANTIOCHE , ville ruinée de la Turquie
d'Asie (ancienne Cilicie), anciennement An-
207
A NT
ANT
20S
tiochia ad Cragnm , eut pour évoque saint
Acacr, qui, sou> L' vhx^-yQ. de l'omporeur Dèce
et sous le consulaire Marcien , confessa glo-
rieu'^euie'it la foi do Ji'su^-Christ.
ANT;0'^HE DE PISID'E, Antiochia ad Pi-
sidiain, ville qu'oi nommait aussi Cœsarœa ,
dépendait , sous Probus , du gouverueuient
de Plirygie. Elle était gouvernée par le vi-
caire du gouverneur m-mmé Ailicus Helio-
dorus. Saint Tropliime et saint Sab:icco ayant
été arrêtés lui furent amenés. Il les lit met-
tre à la question. Saint Trophime l'ayant
supportée, il l'envoya à Dionisius Perennius,
gouverneur de Phr. gie. Saint Sabbace, plus
faible, mourut h An;ioc!ie au milieu des tour-
ments. Ces faits se passèrent sous l'empire
de Probus. Cette ville fui plus tard témoin du
marty,e de saint Marc, berger. On en ignore
l'épo jue certaine. Cet homme, dans ses ibiic-
tions si calmes et si tranq.iilles , s'était fait
une hab tude de la contem.ilalion et de l'as-
cétisme. Sa piélé était si éminente qu'il avait
le don des miracles. Témoins de ceux qu'il
opérait, un grand nombre de soldats jl'liis-
toire dit trente , se convertirent , et s'étant
hautement déclarés chrétiens, furent marty-
risés en diiférents lieux. 11 eut aussi pour
compagnons de son martyre ses trois frères,
Alphe, Alexandre et Zozime, plus les saints
Nicon. Néon et Héliodoi e.
ANTIOCHUS était piésident à Marciano-
p.e-en Thrace , sous le règne de l'empereur
Antonin. il (it -oullVir le ujârtyre à une saime
femuje nommée Mélitine.
ANTIO nus, juge qii lit mourir à Caraé-
rino, sous l'empire de Dèce, d'abord le saint
martyr Venant ou Venance et ses co.npa-
gnous, et un [leu plus tard, toujours so s le
mùme prince , saint Anastase et ses compa-
gnons.
ANTIOCîRjS (saint) , martyr, était tribun
à Cé.-arée de Piiilipne.ll y sontfrit le mariyre
avec un autre tribun appelé Ni ostratc et
queljues-uns de ses soKlals djnt les noms
ne sont point ma.quésdans le .aityrologe
romain. L'Eg ise célèl)re la mémoire de ces
courageux martyrs lu 21 m;w.
ANTiOCHL'S, général en Orient sous l'em-
pire de Dioclélien , en l'an 207, lit mourir
saint Euly;|ue, (ils de Polyeuele. Il le iitcru-
citier. Ce" fut aussi lui qai lit mourir saint
André, ti-ibun. 11 le til étendre sur un lit de
f(.'r rougi au feu. Ne voulant pas prendre sur
lui la rcspoiisabililé d'une tondamnalion à
moil, il le renvoya <i (lalere. Celui-ci, ciai-
gnanl u'.ielqie sédition tjans les troupes ,
donna 1 ordre à Antioclius de le mettre
a|)pareMunent en li. erlé , de faire ensuite
tout .son possible pour le faire renoncer ù sa
fui , et s'il refusait, de le condamner en l'ac-
cusant d'un autre crimts (pii |)rjt servir de;
r^rétexte. Anliochus exécuta des ordres aussi
baibares el aussi injusies. {Voij. Anduê, Iri-
biui.)
ANTIOQrE (saint), premier mailyr d(! Sar-
daigni' , lut mis <i rrjort pour Jésus-Cluisl
sous l'emprc! (l'A iricn, dans l'île de Suici où
d'abord il availéié exilé. D('jiu.s,(('tleil< a j)iis
le nom du saint marlvi'. Aujoiudluii encore
elle se nomme île Saint-Antioque. L'Eglise,
célèbre la fête de ce saint martyr le 13 dé-
cembre.
ANTIPAS (saint), martyr, fut martyrisé à
Pergame sous Domitien. Son martyre est de
foi, étant rapporté dans l'Apocalypse (ch. ii,
V. 13). Ses Actes ne méritent aucune autorité.
L'Eglise fait sa fête le 11 avril. On prétend
que l'église de Pergame possède ses reli-
ques.
ANTIPATER, était président en Achaie
sous le règiie d ? l'empereur Dèce. Il lit dé-
capiter le prêtre Miron dans la ville de Cy-
rique.
ANTIPATRIDE, petite ville située entre
Jérusalem et Césarée. Ce fut là que les cen-
turions, à qui Claude Lysias avait confié saint
Paul pour le conduire au gouverneur Félix,
le firent s'arrêter la nuit. Le lendemain il ga-
gna Césarée.
ANTOINE (saint), martyr, fut jeté a a mer
pour la défense de sa foi, à Alexandrie. Il eut
pour compagnons de son martyre les saints
Bassus et Prololique. Le Martyrologe ro-
main ne marque point à quelle époque eut
lieu ce martyre. L'Eglise honore leur sainte
el glorieuse mémoire le iï février.
ANTOINE (saint), martyr, eut la gloire de
verser son sang pour la foi à Rome , sous
le règne de Valérien. Les compagnons de son
martyre sont saint Irénée , saint Théodore,
saint Satiunin , saint Victor et dix-sept au-
tres dont les noms sont inconnus. On ne sait
[)as en quelle année eut lieu leur martyre.
L'Eglise célèbre la mémoire de ces saints
mariy s le 15 décembre.
ANTOINE (saint), martyr, cueillit la palme
du mai tyre en Afiique , avec ses compagnons
saints André, Jean et Pierre. On ignore l'é-
poque et les circonstances de leur martyre.
L'Eglise fait leur fête le 23 septembre.
ANTOINE (saint), piètre, soutfril pour la
foi sous le règne de Galère et de Maximin ,
le 6 janvier 3l3,avec saint Julien l'Hospita-
lier. Saleté arrive le 9 janvier. ( Voy. Clias-
telain, p. lO'G.)
ANTOINE (sa nt), martyr, versa son sang
po.u- la foi à Amyre, sous Julien l'AfJOStat,
avec les saints Mélasippe et Carinne. L'Eglise
cé.èbre leur inémoite le 7 novembre.
ANTOINE, (]ualilié patrice et domestique,
sous ConstantinCo;ironyme, fut un des prin-
cipaux ministres des ciuautésdece prince,
dans sa [)ersé(ut on contie les catholiques ,
en faveur de l'hérésie des iconoclastes.
ANTOINE (saint ) , martyr Agé de quinze
ans, était enfant de cliœ.u- chez les Eiancis-
cains du Ja[)on. Quand on vint les arrêter
])ar oi'dre de l'empereur Taïcosama, en l'an-
né(î 1590, il insista pour (|u'on l'emmenAl avec
eux, ce ipi'on ne voul.ul |)as faire à cause do
son Age. Il fut martyrisé h Naiigaza([ui le
5 février de l'année suivante. Sur la croix
où il était élciulu , apiès t[ue le P. Raptiste
(Mit chanté le Nunc <liiiiiltis. In petit Antoine
chanta li'. Laudalc, puoi, Doininiiiii : mais le
bourreau le tua d'un coup de lanci; avant
(pi'il eût achevé (Ko//. Japon). L'Eglise fait
la fêle de ce sainl h' 5 février.
209
ANTOINE
saint Kucloy,
ANT
ANT
ÎIO
saint ), martyr, vulgairement
naquit on Litiuianio (i'uii(> ft-
inille IriXs-iïlustre. Il <''lail clininbcllaii d'Ol-
gcrd, grand duc de Litinianic, et pC'nî du
famf'ux Jagcllon. Avant d\Mre converti à la
fui par UM |)r(Hrc nonnné Ncslorius, il ado-
rail lo feu couune les habitants du pays.
Avant refusé de manger des viandes défen-
dues, un jour déjeune, il fut mis en prison
el bie-itot cxéoulé. Il fut ex unité le l'i-juin,
Jean son frère, le 2'i- avril, cl saint Kuslaclie,
son troisième coiupagion ( vulgairement a])-
P'ié Nizilon), le fut le 13 décembre, ('.es
trois saints moururent à Wilna, vers l'an
i:iV2. Ou les pendit à m grand ehône cpii
servait de potence pour les malfaiteurs ; mais
après leur martyre on n'y [)endit plus per-
sonne. Les chrétiens achetèrent du prince
l'arbre et le terrain, et ils y b,\tirent ensuite
une ('glisc. Leurs coi'ps sont encore dans l'é-
glise delà Trinité, qui est desservie par des
moines de Saint-Jîasde. On fait leur féto à
Wilna le IV avril, et ils sont reg u-dés comme
les |irincipaux [tatrons de cette ville.
AN TOINE ( le bienheureux Fuançgis ),
prêtre de la compagnie de Jésus, fut associé
au martyre du B, Aquaviva, recteur du col-
lège que les Jésuites avaient dans l'ilo de
Salcelte, avec les BB. AlfonsePacheco, P erre
Berna, prêtres, et le frère eoadjuteur François .
Aragua. (Tanner, SocietasJesu usquead san-
ijuinis et vitœ profusionem mllitans, p. 2V7.
Le P. d'Outreman, Recueil des hommes illus-
tres de In compagnie de Jésus, p 457. Du Jir-
ric, Histoire des choses plus mémorables, etc.
t. 1, p. 352.)
ANTOINE (saint), franciscain, mourut
pour la foi chrétienne à Salmastre en Perse,
sous le règne d'un prince monghol, qui per-
sécutaif vivement les chrétiens et su.'lout les
ujinistres de Jésus-Christ. Sa mort arriva en
i287. Dans le même pays, le frère Alobran-
dindc Florence, les frères Conrad et Voisel,
de l'ordre des Frères Mineurs, furent aussi
ra:irtyrisés pour la foi. Les mahométans les
lièrent à des poteaux, et leur dépouillèrent
le crâne. Comme ils continuaient, malgré ce
supplice, à chanter à pleine voix le .Sa/fe, /îe-
gina, les bourreaux les noyèrent. [Voy. Wad-
ding, an. 1284, n" H. )
ANTOINE DE MILAN ( le bienheureux ),
avec ses deux compagnons François Pitriolo
et Monaldo d'Ancône, fut martyrisé pour la
foi chrétienne, en l'an de Jésus-Christ 1288.
Ces sainis missionnaires choisissaient de
préférence le vendredi, jour consacré à Dieu,
chez les musulmans, pour leur annoncer l'E-
vangile. Us se livraient à la prédication,
même en présence du cadi d'Erzingan. Cet
ofïlcier, voyant que le peuple était ébranlé par
les discours des s.ùnts pi-édicateurs, crut ne
pouvoir mieux faire que de les mettre en
présence d'un des prinoi-paux docteurs de la
toi pour qu'ils fussent vaincus publiquement
dans la discussion ; mais son espoir fut sin-
gulièrement trompé. Ce fut au contraire je
docteur mahométan qui fut vaincu par les
disciples de Jésus-Christ. Les musulmans en
éprouvèrent une grande fureur. Néanmoins
le cadi laissa les saints prédicateurs se reti-
rer ; mais le conseil des principaux d'entre
les nnisnlmans s'éiant assemblé, il y fut dé-
cidé (ju'on contraindrait les prédicateurs
chrétiens <\ désavouer [)nbli(iuemenl leur
doctrine. Us furent doiu tous les trois pris
et conduits devant le conseil. Au lieu d'y dé-
savou 'r Jésus-Christ, ils exaltèrent son di-
vin nom et montrèrent que Mahomet n'était
(pi'uii imposteur: il y avait un aveugle dans
l'assembléfi. Le cadi dit aux saints confes-
seurs : « Vous aflirmez que la foi que vous
prêchez a été prouvée par des miracles; eh
bien ! ordonn"z ([ue cet aveugle voie : s'il re-
couvre la lumière, nous croirons à vos en-
seignements. » — « Dieu a la toute-puissance,
dirent les confesseurs , s'il lui plaît que ce
niirac'e s'accomplisse, il s'accomplira ! » Ils
firent le signe de la croix sur les yeux de l'a-
veugle ; il en sortit du sang et de l'eau et il?
s'ouvrirent .^ la lumière. Ce miracle ne réus-
sit pas à vaincre l'aveuglpment des mahomé-
tans. On lit sortir l'aveugle guéri, et les Fran-
ciscains furent unanimement condamnés à
mort. Ces trois religieux marchèrent gaie-
ment au supplice, se félicitant mutuellement
de voir la réalisation de ce qu'ils avaient
tant désiré. Arrivés au lieu de l'exécution,
ils levèrent les yeux au ciel, étendirent les
bras en croix, quand ils virent les mahomé-
tans armés d'épées se ruer sur eux. Un ma-
hométan, pris de pitié pour les saints mar-
tyrs, ayant ailressé quelques mots de repro-
che aux bourreaux, fut immédiatement mis
à mort [)ar ses coreligionnaires. Effrayés de
la rage des mahométans, les chrétiens de la
ville s'étaient enfuis d.ins la campagne. Ce
fut un vendredi h midi que les trois Francis-
cains moururent. On coupa leurs corps en
quatre et on attacha les morceaux aux por-
tes de la ville. Des gardes furent placés au-
près pour empêcher les chrétiens de les en-
lever. Un prêtre arménien, qui avait donné
ostensiblement son approbation aux Francis-
cains dans la discussion qu'ils avaient sou-
tenue, fut saisi par les mahométans. On lui
attacha au cou la tête d'un d.'S martyrs avec
une de ces cordes qui servent de ceinture
aux frères M.neurs, et on le fjromena en le
fustigeant par toute la ville. Dès qu'il eut re-
couvré sa liberté, il en profita pour recueillir
religieusement les restes des saints martyrs.
( Voy. les Chroniques des Frères Mineurs^
t. II, p. U6 )
ANTOINE DE NAYROT (saini), était fort
jeune, lorsqu'il se consacra à Dieu dans l'or-
dre de Saint-Dominique, et dans le couvent
de Saint-Marc, que dirigea saint Antonin,
futur archevêque de Florence. Saint Antoine
étant parti pour Naples d'après les ordres ae
ses supérieurs, fit pris en mer par les cor-
saires de Tunis. Ces barbares lui firent en-
durer de si cruels tourments qu'il renia son
Dieu, et resta dans cettedéplorable apostasie
environ quatre mois. La grâce l'ayant toU'
ché, il confessa publiquement sa foi, en pré-
sence du dey qui tenta d'abord de le rega-
gner par des promesses et des caresses. On le
mit en prison ensuite, mais inutilement. A-
m
ANT
ANT
m
près cinq jours de captivité, il fut condamné
a ôtre lapidé, le 10 avril UGO. Les niahoiué-
lans tentèrent de brûler son corts, mais ils
n'y purent i>arvcnir ; ils le vendirent à dos
marchands (génois qui remarquèi'entla bonne
odeur qu'il ex'ialait. Le pape Clément Xlll
approuva, le 22 février 1707, le culte- public
qu'on commençait à rendre à notre saint, à
cause de plusieurs ^r<kes obteiues de Dieu
parso') cri'dit. L'Eglise vénère sa mémoire le
20 avril
ANTOINE -DE SAXE ( le bienheureux ),
francisjain, souffrit le mu'tyre dans la capi-
tale des Bulgares aiec quatre autres bien-
heureux de son ordre, nommés Grégoire de
ïrau, en Dalmatie, Nicolas de Hongrie, Tho-
mas de roligno, et Ladislas de Hoigrie.
Bussaralh, prince schismatique, qui régnait
au delà du Danube, surprit la ville oij étiient
nos saints, aidé par les schismatiques qui
riiabilaient.L'u'i de ces martyrs futmassacré
dans le premier tumulte, et le^ quatre autres
furent décapités sur le bord du tluuve. le 12
février 131)9. L'endroit du i ivage où gisaient
les corps des martyrs fut illuminé d une
clarté splendide ; on y entendit une musique
qui semblait j)rovenir des chœurs cèle -tes.
Quand on raconta ces prodiges à Bussarath,
il se rendit immédiatement sur les lieux;
mais, quoi qu'il put faire, son cheval, n'obéis-
sant ni aux coups ni h Tépcron, roiusa d'ap-
procher des corps des -ainls. Alors, descen-
dant de cheval, il voulut s'en approcher ;
mais une terrible apparition lui en défendit
le chemin. 11 fut obligé de se retirer l'épou-
vante dans le cœur; les moines du rite grec,
qui craignaient qu'on rendît les honneurs
accoutumés [)armi les catholiques aux reli-
ques des saints, amenèrent des chiens pour
les dévorer. Quand ces animaux voulureiit
accomplir cette horrible curée, la main de ce-
lui qui commande à toutes choses ici-bas,
les frappant d'une façon invisible jour les
spectateurs, les força de fuir en jeîant des
cris épouvantables. L'un deux, ayanlm rdu
un de ces corps sacrés, parut immédiate-
ment la gueule en feu aux yeux des specta-
teurs épouvantés. Gefut alors que Dieu, met-
tant le comble à ces prodiges, fit sortir le
fleuve de son lit ; ses vagues vinrent soule-
ver sur la rive ces corps que tant û t mira-
cles avaient gh/riliés, et les placèrentdansdes
cercueils qu'a[)portèrent des anges. Qu-m I
cet ensevelissement miraculeux fut leiiuiné,
le fleuve souvrit pour coimer aux martyrs
une sépulture non moins miraculeuse au
«ein de ses flots. L((S vén'n-ablcs n^li pies
n'oiU pas été retrouvées. Voilà ce (jue raconte
Wadding, et, d'après lui, Heniion. Nous ai-
mons h croire (jue d(!S faits d(; celte; nalui-(!
oi.'l été élayés de preuves suflisa il(!S pour
que des aut(!uis reconunandables aient ac-
cejité la rosfionsabilité d'un tel récit.
ANTOINE (le bienheunnix ), lils de Xico-
tcncalt, C'Ii'Vi' du séminaire que gouveinait à
Tlascala, au Mexiipie, le P.Martin de Valenci;,
«uivil, avec Didace, autre élève du séminaire,
Bernardin de . VI maza, qui allait ,'i Guaxadona
avecAjvarezdeSandoval. Arrivés h Tei)eaca,
lieu distant de dix lieues de Tlascala, les
voyageurs commencèrent à briser les idoles
des habitants do ce lieu et des environs:
ceux de Tecali et de Quantillan les avaient
cachées. Bernardin engagea ses jeunes com-
l)aguons h faire des fouilles pour les cher-
cher. Ces invesli^^ations irritèrent tellement
les idohUres, qu'ils résolurent de tuer ces
jeunes gens. Pour cela ils les guettèrent, car
ils n'osaient pas accomplir leur crime ouver-
tement. Antoine et Jean, sou serviteur ( qui
l'avait suivi par dévouement ), étant entrés,
hors de la ville, dans une maison en l'ab-
sence du prof)riétaire, pour y faire leurs
fouilles, furent suivis par des indigènes qui
les assommèrent sur |)lace. Ce crime devait^
s'il était découvert, attirer sur ses auteurs
des chAtiments sévères. Les meurtrier^, pour
dépister les investigations, portèrent les ca-
davres dans un endroit éloigné, et les. jetè-
rent dans une fosse profonde. Cependant les
assassins furent découverts , et on les fit
p ndre. Il nous est impossible de justifier
par les règles ordinaires le zèle de Bernar-
din et de SCS jeunes compagnons. Pour ne
pas le condamner, il faut, connue le fil Mar-
tin de Valence, supérieur du couvent de
Tlascala, admettre une intervention directe
du Saint-Esprit. Sans cela nous ne saurions
voir dans la conduite de ces briseurs d'ido-
les qu'un fanatisme inconsidéré. Pourquoi
détruire ces idoles? que sont-el'es sans le
culte qu'on leur rend ? Bien évidemment.
Ce qu'il faut détruire, c'est le culte et non l'i-
dole. L'idolâtre converti brisera de sa main
le ridicule objet de son adoration. Si on brise
l'idole avant de convertir son adorateur, il
demeurera d'autant [)lus attaché à sa croyance
qu'il la verra persécutée. Le bris des idoles,
la destruction des tem[)lys des faux dieuï,
ne sent que le fait d un fanatisjne inintelli-
gent, qui ne saurait plaire <i Dieu, et qui ne
saurait produire de bous fruits. La prédica-
tion eut iuliiiimenl mieux valu que ces
moyens violents, qui ne sont le fait que des
persécuteurs.
ANTOINETTE fsainte), martyre, souffrit
dur:mt la persécution de Valérien à Cirlhe
en Numidie, avec lessainls Agapc,Secondin,
Emilien soldat, et sainte Tertulle. {Voij., pour
les détails, les Actes de saint Mauhcn.)
ANTOINETTE (-ainle), martyre, était ori-
ginaire de Nicomédie. h^llefut d'abord mise
à la quetion d'une manière cruelle et éprou-
vée par d'au 1res sortes de tortures; ensuite, du-
rant trois jours, on la suspendit |)ar un bras,
après quoi elle fut rentermée pendant deux
an>^ dans un cachot, d'où on la sortit pour
6trc' bri~dé(; par ordi'o du présitlent Pri>cil-
lien, à cause de sa pcn-sévérance à conf-ssor
Jésus-ChriNt. L'Eglise honore sa .sainte mé-
moiic le It- niai.
ANT0LI1':N (saint), ou Anatoukn, soulTril
environ l'an 2r)(), un glorieux martyre pour
la foi, quand Ghrociis, roi des Allemands,
vint rava,;er les Gaules. Au v' siècle, !^es rc-
li(pu\s étaient dans une église qu'on avait
bAtie en sou liomunn-. Depuis, elles fin-ent
mises dans l'église de Saiul-Gal, i»uis, j>lus
Ci3
ANT
ANT
ai4
.ard, dans celle de Saint-Allyrc. L'Ei^lisofait
sa fôlelc 11) m.ii, avec celle de saiiil Cassius
€l de SOS comparAMoiis.
AiNTOMli ( sainte ), martyre, fat couroi-
née par la porséciiliori sous l'eMiipire d'Ai-
to )iii Marc - Aiirèle , à Lyon , en 177. î'ille
niournl e » [iriso ), n'ayant |)aseu la force de
sup,>orter jusqu'au bout les to'.u-incnls (juir
lui lirent cndui'er les persécuteurs. 8a f^'to
arrive le 2 juin, avec celle dci saint Tolliin
et do tous les glorieux martyrs ses compa-
gtions.
ANTONIN, Aurelius Fulvius Antoniniis
Pius, fils adoplif d'Adrien, monta sur lo
trône en 138. C'est le nitulleur empereur
q l'aient eu les Romains.- 11 donna sur Je
trône 1 exenifile de toutes les vertus qui con-
viennent à un particulier et h un souverain.
Sa justice, son liumauiti'», sa bieufaisanciî, le
lirent aimer autant qu'admirer, uon-seulc-
ïuent de ses sujets, mais encore do tous les
autres peu[)les, qu'il domina \)av l'ascendant
de la vertu, plus que n'avaient pu faire les
empereurs les plus belliqueux p^r lasi'-en-
daiii de la terreur. Ce prince ne lit point de
lois ni d'édils contre les chrétiens, aaint Mé-
îiton w'ans son apolo.gie à Marc-Aurèle, Ter-
lullien dans la sienne, disent positivement,
qu'il n'v eut pas d(; persécution sous son rè-
gne. Suipice Sévère et Oiose n'en indiquent
pas no.i plus. Le premier parle même do
l'heureuse tranquillité donj Jouissaient alors
les Eglises.
Nous ne pensons pas qu'on puisse prendre
à la lettre ces affirmations, il n'y eut pas de
pei.^ji;ution sous Antouin, cela veut dire
qu'en elfet il ne fit point de lois contre les
chréiKMis, mais cela ne signilie pas qu'ils ne
lurent pas isolément persécutés sous son rè-
gne, suivant le caprice des gouverneurs, en
dépit des lois anciennes. Nous discuterons
cette question à l'article Persécitions (1).
(1) Dodwel avoue que, sous le pieux Antonin, la
persécution parcourut plusicuis villes de l'empire el
qu'elle y lit q^iel [ues niariyrs, au nombre desfuicls
il met saint Poîycarpe cl douze martyrs de Piiikuiel-
pliie, Jusiin el ceux dont soa apologie fait mentioi),
Lucius et quelques antres; mais q.ioique nous soyons
d'un se'.i'.i iieiil contraire au sien, pour ce qui re-
garde le lenqjs auquel ces martyrs ont soulîert, le
nôtre élanl (prils o..t enUiré la mort sons .Marc-Au-
réle, nous sommes d'acrord avec fii pour ce qui
concerne le nombre de ceux que la persécution d'An-
tonin a enlevés; saint Jusiin y est formel dans l'a-
pologie qu'il présente à cel. empeieur : « Tout notre
crinie, dii-il en adressant la parole aux juges, est
de (onfesser que no .s sommes cbrétiens; voiià unl-
quemoiit ce que vous punissez en nous "Vous
commer.cez par condainner ceux qui sont déférés à
voire Hibuaal, et vous les envoyez au sup^)Iice avant
que de connaître s'ils l'onl mérité » El plusieurs
lignes après : « Nous confessons neileneat que nous
sommes ciiiétiens, à la première demande que vous
non.- ti! (ailes, quoique îious n'ignorions pas que la
moil. noil èlre aussitôt ie prix de celle confession
sincère. Si nous n'avions en vue que d'acquérir un
royauuit sur la terre, nous nous donnerions i ien de
garde <J avouer une chose qui doil sur-le-champ nous
couler la vie Si noiis êonlcssous Jésus-Chr.st, ce
n'est pas que nous y soyons forcés, et si nous al-
lons à la mort, c'est volontairement que nous y
allons ) Que ce soit, au reste, par des ordres e.x-
Sous Antonin, durant la première année
do .son règne, saint Télesphore, septième
pasteur de l'Ejisc romaine, fut martyrisé à
l(ome méin". Ce seul fait pi'ouvo qu'il y
eut au moins des perse niions isoléessous
Antonin. Beaucoup d'inscriptions, d'histoi-
res de martyrs, beaucou[) do passages des
Mirlyrologes ont fait atirdMier à ce [irinco
des persécutions auxquelles il est complète-
ment étranger. On sait (pi'h partir de; lui^
plusieurs souverains, et notamment Marc-
Aurèle, se nomment Antonius comme d'au-
tres se sont nommés (Césars. Or la pluj)art
des ma' tyrs indiqués comme ayant souffert
sous le règne d'Anlonin, ont réellement
près de l'empereurqu'on en ail usé ainsi envers les
clirétiens, les dernières paroles de celte apologie le
l'onl assez connailre, car voici comme son bienheu-
reu\ anteur parle à Anlonin même : « Ceu.\ que
vonsconiianmez à mort no. il jamais commis aucun
cri. ne : ils sont innocents; ne les Iraitez pas coiiune
des coupables ou comme des ennemis de votre em-
pire; mais sacliez que si vois persistez dans votre
injustice, vous n'éviterez pas le terrible jugement du
Dieu vivant; c'est de sa pari que nous vous l'annon-
çons. 1 D'ailleurs, il est clair que celle apologie ne
fut pas présentée à Antonin au commeifcemeiit de
son règne, puisque, outre que l'aiileuryparledesmar-
cioniles, dont l'Iiérésien avait pas encore alors éclaié,
il manjue expressément qu'il écrit la cenl cinquan-
tième aimée de Jésus-Christ, qui revient à la treiziè-
me d'Anlonin.
Le même auteur dans son dialogue avec Tryphon,
après avoir dit que les cnreliens viennent de perdre
la vie pour n'avoir pas voulu renoncer Jésus-Christ,
ajoute vers le milieu : < Il p irait assez que rien n'est
cap-i le de nous faire changer de religion, puisque
no is aimons mieux elie égorgés , attachés à des
croix, exposés aux bêles, charges de chaînes, brûlés
à petit leu, en un mol, eniurer toutes sortes de
snp lices, que de donner la moindre marque d'une
foi chancelante et douteuse ; «et ensuite:» On ne
souffre plus aucun chrétien sur la terre, i Tous ces
p.iss ges lîe sailli Jusiin s'accordent fort bien avec
une ancienne inscription , trouvée au cimetière de
Calisle. C'est l'épilaphe d'un martyr nommé Alexan-
dre, où on lit ([ue les temp» fiirent si malheureux
sous l'empire dWnlonin, <iiie les cavernes les jdus
reculées et les antres les plus obscurs ne pouvaient
servir d'asiles aux chivtie.is contre la fureur des
persécuteurs, el que l'on faisait un crime aux pa-
rciits et aux amis des devoirs que la nature ou l'a-
niilié leur faisait rendre à ceux que la pers culion
immola. t. Certainement , si nous en croyons un
auieur (jui a écrit la vie d'Anlonin , ce prince avait
une si graiule attache à ses dieux, qu'il leur ofl'rait
sans cesse des sacrilices, ce qu'il faisait toujours lui-
même, à moins, qu'il ne fût malade. Et si quelquefois
il s'abstenait de répandre le sang des chrétiens, ce
n'était (luc parce que les voyant courir à la mort
avec la même joie que les autres courenl à la vic-
toire; il reconnaissait qu'il ne pouvait leur faire un
plus grand plaisir que de les faire mourir. Enfin,
ces perséculions locales se prouvent par un res-
crit de ce| empereur même, à plusieurs villes de
so.i empire auxquelles il défend d'inquiéter à l'ave-
nir les chrétiens , voulant qu'on fasse cesser tout
trouble et tout tumulte excité contre eux, car ces
émotions populaires n'allaient pas moins qu'à ré-
pandre le saiig des fidèles, ce que le rescrit exprime
en ces termes : < Vous chassez avec violence les
chrétiens de vos villes, et vous les poursuivez
avec tant d'auimosilé, qu'il en coûte la vie à plu-
sieurs. I
2!5
ANT
ANU
210
souffert sous Antonin Marc-Aurèle, ou sous
Commode. Cependant, et par le martyre de
saiiit Télosphore, et par les afùrmations de
saint Justin dans son apologie, il est impos-
sijjle do ne ])as admettre des persécutions
SOIS Antonin. Mais ce qui est certain, c'est
cpi'on ne doit croire qu'à d(^s persécutions
isolées et indépendantes de l'action directe
de l'empereur.
Ce fut dans l'année 139 que saint Justin
I)résenta sa grande apologie à l'empereur
Antonin. Tourhé par la force des raisons de
saint Justin, Antonin rendit en faveur des
chrétiens un r^'scrit qu'on peut lire à l'arti-
cle Persécutions. An'onin fit publier cet édit,
et écrivit dans le môme sens à beaucoup de
gouverneurs de province^. Les dernières an-
nées de son règne furent des années de paix
pour l'Eglise. Ce qui le prouve, c'est la li-
berté qu'eurent sùnt Justin d'aller visiter
l.'S Egl ses d'Orient, saint Polycarpe évcque
de Smyrne, et siiit H'gésippe, de venii- à
Ro-me. Saint Polycarpe, put môme y combat-
tre publiquement et avec succès les hérésies
prôchéespar Valentin et par Marcion.
Après un règne de vingt-trois ans, qui fit
le bonheur de l'empire romain , Antonin
mourut dans son palais de Lorie le 7 mars
10 1.
Ce prince donna sur le irone l'exemple de
toutes les vertus publiques et privé 'S. Un
conte absurde porte que saint Grégoire le
Grand obtint de Dieu la béatification de Tra-
jan. 11 aura't été convenable de choisir au
moins le me'lleur des empereurs romains,
pour en faire l'objet d'une telle h'stoire.
Pourquoi n'avoir pas choisi Antonin?
ANTONIN (saint), fut martyrisé h Rome,
vers le commencement du règne de Gallien,
avec sainte Flore, sainte Lucille et lessaints
Eugène, Théodore et leurs compagnons au
nombre de dix-huit. L'Eglise fait leur fête
le 29 juillet.
ANTONIN (saint), martyr, faisait partie de
l'illustre légion Thébéenne. Il soulfrit le
martyre à Plaisance; le Martyrologe romain
ne marque jjoint en quelles circonstances ni
h quelle éjKjque. L'Eglise honore sa mémoire
le 3 septembre.
ANTONIN (saint), raarlvr, versa son sang
pour la défense de la religion sous la cruelle
persécution que Dioclétien fit soulfrir aux
chrétiens. Il eut pour compagnons de son
martyre les saints Victor, Zoli(iue, Zenon,
Césaire, SévéricF), Chrysophore et Théonas.
L'Eglise honore leur illustre mémoire le 20
avril.
ANTONIN (saint), martyr, était tout jeune
lorsqu'il versa son sang |)Our la défense de
Il religion à Capoue. Il eut ()Oiir compagnon
«le soij glorieux combat saint Aristée, évô(|U(î.
0.1 no aucun détail sin- hiur martyre, et le
-Martyrologe ne niJuipie point à iju. Ile épo-
que il eut lieu. L'Eglise honore h;ur sainte
mém.)ir(! h; ;{ sept(!mbr(;.
ANTONJN ("saintj, martyr à Pamiers, est
honoré par Tl'^glise (h; l'amiers le 2se[)tem-
J.M'e. Il est h |)eu près certain (pie ce saint
n'est autre (jne celui (pii soulfrit pour la foi
h Apamée en Syrie. La similitude des nom5
entre ces deux villes a probablement causé
cette erreur
ANTONIN (saint), confesseur, était évoque
à Milan. Il y confessa sa foi dans des circons-
tances que malheure sèment le Martyrologe
romain ne dit pas. On ig ore égalcm nt à
quelle époque. L'Eglise honore sa glorieuse
mémoire le 31 octobre.
ANTONIN (saint), martyr, versa son sang
pour la foi à Rome par l'oidre du juge Vi-
tellins. On n'a aucun détail sur son martyre.
Il fut eriterré sur la voie Aurélienne. L'E-
glise célèbre sa glorieuse mémoire le 22
août.
ANTONIN (saint)t martyr, versa son sang
pour la foi à Césarée eh Palestine, Il eut
pour compagnons de son martyre les saints
Zébinas, Germain, et sainte Ennathe, vierge,
qui fut d'abord meurtrie de coups et ensuite
brà ée. Ils furent décapités sous Galère-Maxi-
mien, parce qu'ils accusaient d'impiété le
président Firmilien et le reprennent de ce
qu'il sacrifiait aux faux dieux. L'Eglise ho-
nore leur mémoire le 13 novembre.
ANTONINE (sainte), mart.^re, versa son
sang pour la foi durant la persécution de
Maximien , sous le président Festus. Elle
avait d'abord été condamnée à être prosti-
tuée dans un lieu de débauche; mais elle en
fut retirée secrètement par le solJat Alexan-
dre , qui , changeant dhabit avec elle , de-
meura à sa ()lace. Cette pieuse fraude ayant
été découverte , on la mit avec lui à la tor-
ture ; ils eurent tous deux les mains coupées
et furent jetés ensemble dans le feu , où
étant mirts pour Jésus-Ch;ist , ils reçurent
la couronne du martyre. L'Eglise honore la
mémoire de ces deux glorieux martyrs le
3 mai.
ANTONINE (sainte), martyre, s'étant mo-
quée des dieux des gentils durant h persé-
cution de Dioclétien, fut, après divers tour-
ments , enfermée dans un tonneau et siKb-
mergée dans le marais de la ville de Gée.
L'Eglise honore sa mémoire le 1" mars.
ANTONINUS ( Arrius ), proconsul d'Asie ,
sous l'empire de Marc-Aurèle, persécuta vio-
lemment les chrétiens dans sou gouverne-
ment. Ce fut à la suite de ces persécutions
ou môme pendant qu'elles duraient, qu'A-
thénagore présenta à l'empereur sa fameuse
Apologie. Sous Commode , successeur do
Marc-Aurèle, ce gouverneur conliinia à sévir
avec rage contre les chrétiens. Sa fureur
donna lieu à une démonstration magnifique
de la jiart des habitants d'une petite ville
cntièrenumt chrétienne. Ils vinrcnil en niasse
se |)résenter au proconsul, s'olfrant h la mort.
« Malheureux , leur dit-il , si vous avez si
grande envie de nuuinr , vous ne man(piez
ni de cordes ni de précipic<'s. » Il en lit niou-
rii- (piehpies - uns et renvoya les autres.
Oui'l([ue temps après , il périt de mort vio-
lente. Les chrétien"^ virent dans cette mort
une vengeance du ciel.
ANIJLIN, proconsul (rAfii(|ue sous Dio-
«létieu, lit mourir pour la toi, en3()'i, à Thé-
baste , sainte CiiisriMi. ( Voij. son litre. ) \
217
APH
APH
2IS
fil aussi mourir, on l'an (1(( Jésus-Christ 305 ,
s.iinlS;ilurnin, prôtre, ot quariuit(vluiit autres
martyrs. (Pour plus do détails, voy. les
Actes d(> saint Satukmn. )
ANYSIK (sainte) , martyre, versa son san;^
pour Jésus -Clu-ist à Tiiessalonique. On n'a
au.'U'i détail sur sou martyre ; on ignore
même l'épo |ue où il eut lieu. I/bv^lise ho-
nore s.i sainte mémoire le 30 décembre.
APAMÉE, ville (le Syrie , fut témoin du
martyre de l'évèque Marcel , qui fut massa-
cré |)ar une troupe de gentils en fureur.
APKLLK (saint), m.irtyr, cueil it la [)ahne
du martyre avec les sainis Luc et Clément.
On ignore à quelle époque et dans (|uelles
circonstances eut lieu leur martyre. L'Eglise
célèbre leur glorieuse mémoire le 10 sep-
tembre.
APHUAATE, solitaire près d'Antioche,
confesseur. Comme Dieu, dit ïillemont,
veut avoir des saints dans toutes les na-
tions, il a tiré saint Aphraate du milieu de
la corruption etfroyablo qui régnait alors
parmi les Perses. 11 le fit naître d'une fa-
mille illustre, mais criminelle, et ce semble
même, dans une famille de mages, c'est-à-
dire de ceux qui étaient les maîtres de l'i-
dolAtrie chez les Perses et les plus grands
ennemis de la religion. Cependant, après
être né et avoir été élevé dans l'impiété,
il connut et aima la vérité, l'embrassa de
tout son cœur, et dans la douleur de voir
qu'elle lût si peu aimée dans son pa,s, il le
quitta sans se mettre en peine de tou'e la
grandeur de sa maison, et vint s'enfermer
avec joie dans une cabane qu'il trouva au-
près d'Edosse en Mésopotimie. Après y
avoir été quelque temps à acquérir l'entière
pureté de son Ame, il vint à Antioche où il
se retira dans un monastère hors de la ville,
prenant son logement auprès de la porte,
pour ouvrir à tous ceux qui demandaient à
entrer et les reconduire quand ils s'en al-
laient. Il ne parlait aux lemmes que hors
de la [.orte. On ne put jamais l'obliger de
prendre personne avec lui, parce qu'il vou-
lait to jo.irs se servir lui-même, quelque
occupation quil eût. 11 ne recevait aussi
rien de personne que d'un seul de ses amis
qui lui fournissait les choses dont il avait
besoin ; ce qui ne le chargeait pas beau-
coup, car le saint ne mangeait qu'un peu
dv3 pain a[)rès le soleil couché jusqu'à ce
qu'en son extrême vieillesse il y ajoutât
quelques herbes. Anthème, qui fut depuis
préfet et consul en l'an 4-05, et le plus loué
aussi bien que le plus puissant de tous les
magistrats de son temps, ayant été envoyé
ambassadeur en Perse, en rapporta une tu-
nique qu'il pria le saint d'accepter parce
que c'était un ouvrage de son pa. s. Mais il
s'en excusa d'une manière fort civ.le et fort
ingénieuse, ne voulant pas changer celle
qui lui servait depuis 16 ans, ni en avoir
deux, et il obligea Anthème même d'avouer
qu'il avait raison.
Depuis qu'il fut venu à Antioche, il ap-
prit un peu de grec, et avec ce langage moi-
tié grec, moitié persan, il attirait tout ce
(|u'il y avait de monde dans Antioche. Les
personnes do lettres el de qualité y accou-
raient aussi bicm que le simple peuple ;
chricun se pressait de venir enl(,'ndre les
exhortations qu'il faisait à la porte du mo-
nastère et les ré[)onses (|u'il faisait à ceux
(jui lui pr()[)osaieiit quehiucs (juestions. Il
parlait souv(!iit par paraboles à l'imitation du
Sauveur. C'est l'ordiiMire des Ori(mlaux.
Théodoret dit (pi'il vint à Antioche qui était
violemment aj.itée j)ar la temfiôte de l'héré-
sie. On peut dire ([u'elle fut toujours en cet
état depuis que saint Eustacho en eut été
chassé en 331 jusqu'en 378 que mourut
Valeuv Et il semble en eifet par la suite de
Théodoret que saint Aphraate y était avant
le règne de Jovien. 11 est certain qu'il y sou-
tint admirablement l'Eglise durant la persé-
cution que Valons y excita après qu'il y fut
venu fiiire sa résidence en 371. Il sortit
alors de la retraite où il avait toujours vécu,
afin de défendre l'Eglise, quoiqu'il n'y fût
engagé que par son zèle et non jjar aucun
ministère ecclésiastique. Il se joignit aux
prêtres Flavien et Diodore, qui étaient les
chefs de cette Eglise, parce que l'évoque
saint Mélèce était banni, et se donna tout
entier à encourager le peuple et à le forti-
fier dans la vraie foi, autant par la sainteté
de sa vie et par ses miracles que par ses
paroles. Ce fut lui qui avec Flavien et Dio-
di» e envoya Acace de Bérée prier saint
Julien Sabbas de venir rendre témoignage à
la vérité.
Un jour que l'empereur Valons regardait
les passants, il aiierçut notre saint qui se
rendait à l'assemblée des chrétiens. Valons
voulut lui faire un reproche de ce qu'il
avait quitté sa cellule et lui reprocha à lui-
même d'avoir rais le feu dans l'Eglise, lui
demandant si après cela il n'était pas obligé
de faire tout ce qu'il pouvait pour l'éteindre.
Un des eunuques de l'emfjoreur maltraita
le saint, et le menaça même de le faire
mour.r. Quelques moments ap.ès, on le
trouva mort dans le bain qu'il avait fait pré-
parer à l'empeieur et où il était tombé par
mégarde. Dieu avait ainsi vengé Aphr.iate.
Cette punition si prompte et si visible
etfraya Valons et l'empêcha d'envoyei' ce
saint en exil, comme l s ariens le voulaient,
à cause de la grande autorité qu'il avait
parmi le peuple.
Après que la mort funeste de Valons eut
rendu la paix à l'Eglise, Aphraate entra dans
sa première retraite où il continua à faire
paraître son éminente vertu et à briller par
un grand nombre de miracles. Théodoret
s'est contenté d'en marquer deux, dont il fit
le premier à la prière d'une femme affligée
de ce que son mari, ensorcelé par une misé-
rable, préférait un amour criminel à un légi-
time. 11 pria pour elle et pour son mari, lui
dit de s'oindre avec de l'huile qu'il avait
bénite, et ce remède fit tout l'efiet qu'elle
souhaitait. Par l'autre miracle, il préserva
avec de l'eau qu'il avait aussi bénite, le
champ d'un j)auvre homme contre une nuée
de sauterelles qui ravageaient tout le pays.
219
APO
T-!iéo(loret, étant enconj bien jeune (h l'âge
peut-ôtre de 10 ou 12 ans), .-illait avec sa
mère rer^evoir sa bi^niédiction, d"où nous
pouvons juger que ce saint a vécu jns-
qu'iprcs lan iOO. Tliéodor.'t qui était en-
core jeune lorsqu'il fut foit évôqui; en 423,
devant être né après 890, il faut que saint
Aphraate fiU alors dans une extrême vieil-
lesse, puisque Ton marqup que, dès le
temps de Valens (vers l'an 375) il était d'\j;i
cassé et fort Agé. 11 fut enterré au faubourg
d'Antioche, dans l'église des martyrs, où
était le corps de saint Julien, célèbre mar-
tyr, dont saint Ghrysoslome a fait l'éloge.
Les Grecs font la fèto de saint Ai)liraate le
29 janvier, avec une histoire qui est l'abrégé
de ce qu'en dit Tliéodoret. Baronius l'a rais
le sepiième d'avril dans le Martyrologe
romain.
Saint Théodose d'Antioche et saint Macé-
done furent mis depuis dans le môme tom-
beau que saint Aphraate. (Tillemont, vol. X,
pag. 477.)
APHRODISE (saint), fut martyrisé en Afri-
que durant la persécution dos Vandales. Il
eut pour compagnon de son martyre saint
Pierre. L'Eglise fait collectivement leur fête
le iï mars.
APHRODISE (saint), martyr, était prêtre à
Alexandrie. Il y soulfrit le martyre avec
trente autres saints dont on ignore les noms.
Le Martyrologe romain ne <Jit point dans
quelles circonstances. L'Eglise vénère leur
mémoire le 30 avril.
APHRODISE (saint), martyr, eut la gloire
de verser son sang pour la foi. On ignore le
lieu et la date do son martyre. Le Martyro-
loge romain dit seulement qu'il eut, nour
compagnons de soulfrance, saint Caralippe,
saint Aga[)e et saint lîusèbe. L'Eglise honore
leur mémoire le 28 avril.
APHTONE (saint), martyr, répandit son
sang pour la foi, en Per-;e, avec les saints
Ac.ndine, Pégase, EI[)idépliore, Anerapo-
diste et plusieurs autres dont les noms ne se
trouvent pas au Martyrologe romain. L'E-
{^ilise célèbre leur sainte mémoire le 2 no-
vembre.
APODÈME (saint), fut martyrisé h Sara-
go-^se, en Espagne, parles ordres de Dacien,
qui CH était gouverneur, en Tan de Jésus-
Clirist 30V, durant la persécution d,i Dioclé-
tiim. Dix-sept autres furent martyrisés avec
lui. On trouvera leurs noms à l'article Dacien.
Les dix-huit martyrs de Saragossc sont très-
honorésen Espagne. C'est P. udencfi qui rap-
porte ce qu'on sait d'eux. Ils sont ni'>;crils
au .Martyrolog(,' romain sous la date du IG
avril, rr lleiiH)nl,vol. V, j). 229.)
APOLIJNAIRi: (saint;, fut martyrisé à
Ravenric, sdus le règne d(; Vespasien. Ee
piince n'ayant l'ail ni lois ni édits contre les
chi-éliens, Apollinaire^ lut êti-e condamni! en
vertu des lois (pie Néron avait porté«.'s. (Pas
d(; dociiirienls certains. j L'Eglise fait sa fête
Je 23 iuill(!t.
APOLLINAIRE (saint;, était l'ini des bour-
reaux de Reirus, dans le m' siècle, sous l'em-
pire de Galère et de Maximin. A)'ant été
APÔ 220
charge de tourmenter saint Timothée; il fut
tellement frappé de son courage, qu'il se
convertit. Conduit en pr-ison, il fut t)aptisé,
et eut le bonheui', deux jours après, de cuenl-
lir la |)aliiie >iu martyre av<'c le saint cause
de sa conversion. L'Eglise hoiiore Unir mé-
moire le 23 août.
APOLLINAIRE (saint). Voy. Claude Apol-
LIWIRE.
APOLLINAIRE (saint), martyr, eut le glo-
rieux [îrivilége de donner sa vie pour la
défense d*; la religion, en Afrique, avec saint
Cyriaipio. Les martyrologes ne donn(>nt j)oint
de détails su' leur martyre, et ne disent point
à quelle épojue il eut lieu. L"Eglise honore
la sainte mémoire de ces martyrs de la foi le
21 juin.
APOLLINAIRE (saint), confesseur, évêque
de Valence, en Daaphiné, eut pour père
saint Isique, qui, après avoir été sénateur de
Vienne, en était devenu évoque; et, pour
mère, sainte Audence; il comptait dans sa
fcunille plusieurs évoques illustres. Il fut
élevé sous la direction do saint Mamert,
évê (ue (le Vienne, qui lui donna les ordres
sacrés et le lit entrer dans son clergé. Vers
l'année 480, l'Eglise de Valence, en Dau-
pliiné, s'étant trouvée sans [)!Steur, j)ar
suite de la condamnation de Maxime, qui
s'était rendu coupable de plusieurs crimes,
son gouvernement fut coniié à notre saint.
Il réforma les Uimbreux abus introduits par
son prédécesseur, et se livra à de nombreux
travaux apostoliques. Son zèle fut cause de
son exil ; voici h quelle occasion
Le trésorier des tinances de Gondebaud et
de Sigismond, rois de Bourgogne, nommé
Etienne, avait contracté une aJiance ince»^-
tuense avec sa belle-sœ ir, après la mort de
sa femme. Les évoques dos provinces de
Lyon et de V^ienne s'assembièi-ent en con-
cile, excommunièrent le coupaole et le con-
damnèrent à la pénitence (pie les canons
prescrivaient en pareil cas ; mais Etienne se
refusa h tout amendeinent dans sa c;)nduite,
et ne voulut point se soumettre. La cour,
qui était infectée de l'hérésie d'Arius, four-
nit au coupable des protecteurs puissants qui
s'élevèi'onl contre le concil;', et tirent exder
les évoques qui l'avaient composé. On tenta,
mais inutdement, de gagner Apollinair-e ; il
répondit avec fermeté (pi'Etienne ne serait
re(;u c\ la communion ((u'après avoir fait pé-
nitence de son criir\o. Après avoir souiïert
quehpie temps sa peine avec une grande
constance, sa veitu Je; lit triompher de ses
nombreux ennemis, et il revint dans son
diocèse. On assure (pi'il lit |>lusieuis mira-
cles, et (pn^ Sigismond lui-même, tourmenté
d'une maladi(! danger(;use, ne dut son réta-
blissement (|u'au\ prières de notre saint con-
J'esseiir. L'opinion la plus répandue est (pi'A-
|)ollinair(î momul vei-s rmi 525. Il l'ut in-
innné dans l'église de Saint-Pierre et d(3 Saint
Paul. Son (^orps fut brillé |tai- les huguenots
dans l(! xvi' siècle. L'Eglise célèbi'e sa glo-
rieuse, et sainte mémoire; le 5 octobre.
Al'OLLON (saint), martyr, .soiilVrit la morl
iions Dioclétien avec les saints Isaco et Cru-
m Apo
tato. On Ignore en quel lieu et ?i quelle ('po-
que.L'Kgliso linnore la mémoire de ces saints
ujartvrs le î2l avril.
APOl.LONl*: (saint), l'un des quarante-huit
nKirlvi's<l(' Lyon, sous le règne de rem[)e-
reiir 'Antoine "Marc-Aurèle, mourut en [)rison
dans cette ville. Connue saint Potliin, le v6-
II rable évoque de Lyon, comme une multi-
tude d'autres saints inartyrs, il fut é{)nisé par
la violence des tourments que les persécu-
teurs lui tirent subir, et ne put i)as arriver
jusqu'h la tin des su|i[)lices qui l'altendaient.
L'Kj^lise célèbre sa iète le 2 juin.
APOLLONE (saint), martyr, ré|)andit son
sang pour la foi avec les saints Procule et
Ephèbe. Le consulaire Léonce les ayant fait
surprendre une nuit (ju'ils piiaieiitauprôsdu
corps de saint Valentin, il les lit mouiir par
le glaive. C'est le L'i- lévrier (lu.' l'Eglise lio-
nore la mémoire de ces saints niait vrs.
APOLLONE (saint), martyr, cueillit la palme
du martyre en Egypte ious la persécution
de dalère-Maximieh. Il eut jour comjiagnons
de son martyre les saints Marcien, N.canor
et quelqu'S autres que le Martyrologe ro-
main ne nomme point. L'Eglise célèbre leur
immortelle mémoire le 5 juin.
APOLLONE (saint), 4po//o/u'us, anachorète
en Thébaïile, fut arrêté pour la foi en l'an de
Jésus-Christ 311, sous le règne des succes-
seurs de Diocléîien, dans la ville d'Artinoé.
Parmi la po[)ulace qui s'était attroujiée au-
tour de lui, un homme se faisait remai-quer
par la fougue avec laquelle il injuriait le
saint. C'était un nommé Philémon, célèbre
joueur de flûte, que le jieuple a mait beau-
coup. Apollone, s'entendant traiter par lui
d'impie et de séducteur, lui répondit sim-
plement : « Mon tils, je prie Dieu qu'il vous
prenne en rilié, et qu'il ne vous iin()ute pas
les discours que vous tenez. » Vivement
touché d'une telle douceur, Philémon dé-
clara immédiatement qu'il était chrétien, et
qu il renonçait au paganisme. Il fut mené
avec A[)olione au magistrat, ainsi que plu-
sieurs autres chrélieiis. Ce magistrat, après
les avoir fait cruellement soullVir, les fit jeter
dans un bûcher. Apollone fit cette prière :
« Seigneur, ne livrez pasaux bêtes lésâmes
de ceux qui confessent votre saint nom;
mais manifestez votre ()uissance. » Aussitôt
un nuage environna le bûcher, éteignit le
feu, et arracha les deux saints aux flammes.
Le magistrat et tous les assistants stupéfaits
se mirent à crier : « Le Dieu des chrétiens
est puissant, il est le seul vrai Dieu. » Le
préfet d'Egypte se fit amener à Alexandrie
le juge et les deux saints chargés de chaînes.
Durant le voyage, Apollone convertit les
soldats qui le conduisaient. Arrivés à Alexan-
drie, tous confessent généreusement la foi
chrétienne. Le préfet, voyant qu'il ne pou-
vait pas parvenir à ébranler la foi de tous ces
saints, les condamna à être tous précipités
dans la mer. Cette sentence fut exécutée en
l'année 311. Au bout de quelques jours, la
vague ayant ramené leurs corps sur la rive,
ou les enterra tous dans le même tombeau.
llufin raconte que beaucoup de miracles s'o-
APO
222
pérèrent sur ce tombeau jiar l'intercession
des saints. Il dit qu(! lui-même y reçut les
preuves de la puissance (;t d(! la bouté di
viiH'. L'Eglise célèbre la fête de tous ces
sai Us le 8 mars. Voici les actes authen-
tiques de sai'it Apollonius et de ses compa-
gnons; ils sont tirés du livre (h; Uiiliu, de la
Vie des Pires, cliap. 19, conféré avec VJIis-
toire LausicK/HC de Pallade.
« Ces anciens solitaires nous racontent
que, du temps de la persécution, il y en avait
un nommé Apollonius, dont la vertu et le
mérite furent récom])ensés du diaconat.
Oi le voyait aller de cellule en cellule, et de
monastère en monastère, exhorter les frères
au martyre, et leur inspirer sa fermeté et
son courage. Ayant été ])ris lui-même, et
mis en prison, plusieurs païens y venaient
pour lui insulter, et i)Our avoir le bizarre et
détestable plaisir de blasphémer en sa i)ré-
sence contre Dieu. De ce nombre était un
certain joueur de flûte, nommé Philémon;
cet homme, qui s'était rendu agréable au
peuple [)ar ses chansons et ses boufl'onne-
ries, voulant mériter encore davantage ses
bonnes grâces, atfectait de dire au saint
diacre toutes sortes d'injures. Il l'appelait
scélérat, imj)ie, séducteur, un homme enfin
qui mh'ifait la haine publique, Apollonius
ne répondait autre chose, sinon : Je prie
Dieu, mon fils, qu'il vous pardonne toiis vos
emportements, et qu'il ne vous impute point
à péché les paroles injurieuses que vous me
dites, Philémon fut touché de la modération
de ce saint solitaire, et il sentit dans le mo-
ment que ce peu de mots faisait sur son
cœur une impression qui avait quelque chose
de surnaiurel et de divin; en sorte que ne
pouvant plus résister h cette violente émo-
tion, il s'écria qu'il était chiélien. Cette dé-
claration fit du bruit, et fut bientôt portée
aux oreilles du juge. Lui-même s'approchant
du tribunal lui dit hardiment, en présence
d'une foule de peuple qui l'environnait :
« Vous agissez en mauvais juge, lorsque vous
punis-ez des innocents, des hommes aimés
de Dieu, de saints religieux; les chrétiens
sont irrépréhensibles dans leur doctrine
comme dans leurs mœurs.» Le juge, qui con-
naissait Philémon pour un homme clont le
métier était de fan^e rire et de plaisanter sur
toutes choses , crut d'abord qu'il méditait
quelque scène bouffonne; mais reconnais-
sant enfin qu'il parlait sérieusement, il lui
dit : « Vous avez perdu l'esprit, Philémon, et
vous êtes hors de votre bon sens. — Ce n'est
pas moi, répondit Phdémon, qui ai perdu
l'esprit, c'est vous-même. Oui, une injuste
fureur vous possède, et elle vous fait ré
pandre le sang d'une infinité de gens de bien
Pour moi, je vous déclare que je suis chré-
tien; et sachez qu'd n'y a point d'hommes
sur la terre qui leur soient comparables en
bonté. » Le juge voulut d'abord le faire re-
venir à force de caresses et de flatteries;
mais voyant aue cela était inutile, il eut re-
cours à la violence, quoique avec aussi peu
de succès.
« Cependant on apprend que le change-
223
APO
APO
224
ment do Philémon n'est arrivé que depuis
qu'Aj'ollonius lui a parlé. Sur cette pré-
somptio 1 on met Apollonius sur le chevalet;
il est traité de séducteur, et puni comme tel.
« Plût à Dieu, s'écria le saint homme au mi-
lieu des tourments, que vous, ô juge! et
vous tous qui m'écoutez, voulussiez-vous
laisser ainsi séduire ! Quelle heureuse séduc-
tion pour vousl qu'une pareille erreur est
désirable! » L" juge, l'entendant parlerde la
sorte, le condamna à être brûlé avec Philé- ,^
mon. Ils entrèrent dans le feu avec un visage
riant, et l'on entendit Apollonius qui, du
milieu des flannnes. priait o'i ces termes :
Seigneur, n abandonnez pas à la fureur des
bétes farouches les âmes de ceux qui croient
en vous; mais faites voir que vous êtes véri-
tablement leur Sauveur. A peine le saint
avait-il fini sa prière, qu'h la vue du juge et
de tout le peu[)le, une nuée descendit sur le
bûcher et en éteignit entièrement le feu.
Cette merveille causa un prodigieux étonne-
raent dans les esprits ; en sorte que le juge
et le peui)le s'écrièrent tout d'une voix : «Le
Dieu des chrétiens est grand, il est immortel,
il est le seul et le vrai Dieu. » Le préfet d'A-
lexandrie , ayant eu connaissance de toute
cette affaire, devenu pour ainsi dire plus
cruel que lui-môme, et enchérissant sur sa
cruauté ordinaire, il envoie des commissaires
sur les lieux pour informer contre le juge et
contre le peuple qui s'était converti à la vue
du miracle dont on vient de parler, et pour
les amener chargés de chaînes à Alexandrie.
« Mais ceux qui avaient ordre deles arrêter
se trouvèrent eux-mêmes pris par les dis-
cours d'Apollonius, que la grAce rendit si
eOicaces, que ces hommes, ayant reçu de
tout leur cœur la foi qu'il leur annonçait, se
livrèrent eux-mêmes au préfet avec ceux
qu'ils conduisaient, et confessèrent haute-
ment qu'ils étaient (hrétiens. Le préfet,
épouvanté de tant de conversions, et irrité
de la généreuse résistance que lui faisaient
ces nouveaux fidèles, les lit tous jeter au
fond de la mer, ne sachant pas, l'impie, qu'il
en faisait des chrétiens, de simi)les catéchu-
mènes qu'ils étaient auparavant. Car enfin
ce fut moins la mort (lue le ba[)tême qu'ils
reçurent dans les Ilots.
«Cei)endant leurs corps, par unedisposition
toute particulière de la Providence, furent
noussés sur le rivage par les vagues et en-
levés par les fidèles (jue la charité avait con-
duits en ce lieu. Ils furent tous mis dans un
mêm(! tombeau oii il se fait cluupu' if)ur di-
vers mirar-les, ces saints martyrs étant tou-
jours j)rêts (1 rf-cevoir les v(eu\ et les prières
de ceux (pii ont recours à leur intercession,
qu'on n'emploie jamais en vain aujirès de
Dieu. );
APOLLONE (saint) reçut la palme du mar-
tyre avec saint l'jigène. On igiiori! dans
quel lieu et dans (nielles circonstances. L'K-
glise célèbre la mémoire de ces deux saints
le '2.'{ juilj(,i.
APOLLONK (saintj, martyr, était évêquc
h J{i'e.ss(!. C(; fut 1?» cpi'il confessa sa foi au
rniJieu des tourments. Le Martyrologe ro-
main ne donne malheureusement pas de dé-
tails. L'Eglise célèbre sa mémoire le 7 juillet.
APOLLONE (saint), accomplit son martyre
sur la croix dans la ville d'Icône. On n'a
aucun détail. Le Martyrologe romain ne dit
p:<s non plus en quelle année. L'Eglise célèbre
la mémoire de ce saint martyr le 10 juillet.
APOLLONIE (sainte) ou Apolline, eut la
gloire de mourir pour Jésus-Christ à A'exan-
drie, au milieu d'une émeute popuiaire qui
s'éleva contre les chrétiens sous le règne de
l'empereur Philippe, qui monta sur le trône en
2'i-5.VoicicommentsainlDenis,dans une lettre
citée par Eusèbe, raconte le martyre de cette
sainte. Il se forma tout à coup dans Alexan-
drie un orage si universel contre les chré-
tiens, qu'on le vit fondre en un instant de
tous côtés sur leurs maisons et sur leurs per-
sonnes. On forçait leurs logis, on se jetait
sur ceux qu'on y trouvait, on les en chas-
sait, on les dépouillait. Les meilleurs meu-
bles étaient enlevés, comme un butin pris de
bonne guerre sur des ennemis, et on brû-
lait ceux qui n'étaient que de bois; en un
mot, on voyait partout dans Alexandtie
l'image d'une ville prise d'assaut. Les frères,
de leur côté, n'opposaient que la fuite à cette
horrible violence; ils paraissaient peu tou-
chés de la perte de leurs biens, et ils en
voyaient le pillage avec cette joie tranquille
qui marque le peu d'attache qu'on y a.
Mais leur foi ne fut pas moins ferme que
leur désintéressement fut parfait; car de
tous ceux qui tnmbèrent entre les mains de
ces furies, il n'y en eut qu'un seul que je
sache, qui fut assez malheureux i)Our re-
noncera Jésus-Christ. L'admirable Ajiollonie
que la vieillesse et la virginité rendaient
également vénérable , ne put l'être à ces
hommes de sang. Ils lui tirent sauter les
dents à force de lui décharger des coups de
poing sur les mâchoires, puis, ayant fait al-
lum r un grand feu hors de la ville, ils la
menacèrent de la brûler toute vive si elle ne
disait avec eux de certaines paroles impies;
elle leur demanda quelque moment comme
pour s'y résoudre; mais ce ne fut que pour
se lancer d'elle-même dans le feu, ne vou-
lant pas qu'on pût soupçonner le moins du
monde son sacrilice de n'être pas volontaire.
L'Eglise fait la fête de sainte A[)olline le 9
févi'ier.
APOLLONIUS (saint), se convertit à la re-
ligion chrétienne durant la paix dont l'E-
glise jouit sous rem()ereur Cou mode. II
était sénatinn- et eut la gloire d'ajouter à
c(( litre c(^lui d'apologiste et de maityr. Il
était [)liilosophe ei versé dans la connais-
sance des belles-lettres. Ou sait rab>urdo
jnrispiudence (pu^ J'rajan et ensuite Marc-
Aurèle avaient établie. Si un chrétien était
(If'iio icé, le dénonciateur devait être puni
de mort; mais le chrétien devait l'être aiKssi,
s'il ne renonçait pas à sa religion. Nous
avons apprécié ailleurs ce (pi'il y a d'ab-
surde dans une telle loi. Sauit Apollonius
en fui victime. Un misérable esclave, nommé
Si'vèie, accusa saint Apollonius d'être chré-
tien devant Péreiniis, (jui était préfet du pré-
225
APO
APP
22b
loiro. Cette charge iUi donnait l'autorité do
juger les sénateurs. Il est [)robable que ce
fut en 185 ou en 18G ([ue cet événoiiicrit eut
lieu, puis(|ue Péreiuiis fut tué à la lin do
cette dernière année. Pérennis condamna
l'accusatcnr i» moi't, et à avoir les janihes et
les bras rompus à coups do barres de fer. 11
fut attaché ?i un poteau sur le({uol il subit
son supplice. Ensuite Pérennis ordonna à
saint Apollonius de rendre compte de sa i-c-
ligion au sénat, en qualité d(î membre de
cette compagnie. Le saint composa une a[)o-
logie Irôs-forte et très-savante, qu'il lut dans
le sénat. Saint Jérôme en fait le plus grand
éloge. Mais comme il était défendu d'ab-
soudre un chrétien qui persistait dans sa foi,
le sénat condamna saint Apollonius à avoir
la tète tranchée. L'Eglise romaine honore
sa mémoire le 18 avril.
Nous citerons ici ses actes tirés d'Eusèl)C :
« Sous le règne de l'empereur Commode,
les affaires de la religion demeurèrent dans
un état assez tranquille, l'Eglise, par la mi-
séricorde de Dieu jouissant de la paix par
toute la terre. Cependant la parole qui opère
le salut dans les Ames attirait un très-grand
nombre de personnes au culte de Dieu; en
sorte que les plus considérables do Rome,
soit pour la naissance ou pour les biens de
la fortune, accouraient tous les jours, suivis
de.toute leur maison, pour recevoir le saint
baptême. Le démon, l'ennemi irréconciliable
des gens de bien, ne put voir sans une ex
trême rage le progrès étonnant que faisait
le christianisme dans la première ville et
parmi les premiers hommes de l'univers.
Le voilà qui dresse de nouvelles machines
contre nous; il s'arme de nouveaux artifices
pour tâcher de détruire un culte qui détrui-
sait le si( n ; il corrompt le domestique d'un
nouiraé Apollonius, personnage que l'étude
des belles-lettres et de la philosophie ren-
dait recommandable, et qui s'était acquis par
sa vertu l'estime de tous les honnêtes gens.
Cet esclave, homme perdu et digne de con-
tribuer à l'accomplissement des desseins du
prince des ténèbres déféra son maître de-
vant le préfet de Rome; mais ce fut si mal
<i propos pour lui qu'il lui en coûta la vie;
car, par un édit de l'empereur, il était dé-
fendu, sous peine capitale, à qui que ce fût,
de se rendre délateur contre les chrétiens;
ainsi ce misérable fut en môme temps ex-
pédié, et par seijtence du préfet Pérennis, il
tut rompu tout vif. Cependant Apollonius,*
qui, dans son cœur, s'otfrait déjà à D;eu en
sacrifice, et que Dieu acceptait comme une
victime qui lui était agréable; Apollonius,
dis-je, après avoir généreusement résisté à
tout ce que le préfet lui put dire de tou-
chant pour ébranler sa fermeté, obtint la
permission de parler devant le sénat et de
rendre raison de sa foi ; il fit un discours
fort éloquent pour la défense de cette môme
foi et sa propre justification. Après qu'il eut
cessé de parler, tout le sénat le condamna
i'une commune voix à avoir la tête tran-
j-hée. Car il y avait un règlement fait depuis
auelque temps par cette compagnie, qui por-
tait qiie dès qu un chrétien aurait été une
fois dénoncé , d n(; ponrrait être renvoyé
absous, à moins (ju'il ua chang(!àt de senti
ments et d(^ religion. »
APPIA (sainte), eut pour compagnon de
son martyre saiid Piiilé(non, connue Vile dis-
ciple de saint Paul, apoire. Ils soullVicent à
Coloss(\s, en Phrygie, sous la persécution do
Néron. Sa fête a lieu le 2'J novend)ie.
APPIEN (saint), maityr, mourut à Alexan-
drie en confessant sa foi. On ignon» à quelle
époque. Il eut pour compagnons de son mar-
tyre saint Mansuet, saint Sévère, saint Do-
uât, saint Honorius «t d'autres saints dont
les noms sont ignorés. L'Eglise célèbre leur
immortelle et sainte mémoire le 30 dé-
cembre.
APPIEN (saintl, martyr à Césarée de Pa-
lestine, naquit dans la Lycie. Ses parents
étaient fortunés et nobles. Envoyé de bonne
heure à l'école de Béryte, en Phénicie, pour
V apprendre l'éloquence, la philosophie et
le droit, il fit de rapides progrès dans ces
diverses sciences. îl s'y convertit à la reli-
gion chrétienne, et armé des vertus qu'on
puise dans l'amour divin, il se jiréserva des
passions et des écarts dans lesquels tombe
d'ordinaire la jeunesse des écoles. De re-
tour dans sa patrie, il eut la douleur de ne
pouvoir pas convertir ses parents, ce qui lui
fit prendre la résolution de s'éloigner de
chez eux. Il vint à Césarée de Palestine se
mettre au nombre des disciples de saint
Pamphili, célèbre par ses leçons érudites
sur les Ecritures. L'empereurGalère Maxi
mien, ayant renouvelé la persécution contre
les chrétiens, ordonna au gouverneur de
Césarée de contraindre tous les sujets de
l'empire de se trouver aux sacrifices publics.
Appien n'attendit pas qu'on recherchât quels
étaient ses sentiments. Il quitta son logis,
dit Eusèbe, sans avoir dit son dessein à per-
sonne, pas même à nous, avec lesquels il de-
meurait. Il se rendit au temple. Les soldats
de garde l'ayant Liissé passer, il s'approcha
du gouverneur Urbain , et lui saisissant le
bras à l'instant où il le levait pour sacrifier,
il lui dit qu'on ne devait adorer que le vrai
Dieu, et que tout culte rendu aux idoles
était sacrilège. Cette action d'Appien, jugée
d'après les règles ordinaires, ne serait pas
de nature à être approuvée ; mais il est pro-
bable que Dieu inspira ce jeune homme
pour abattre la vanité des idolâtres, et pour
faire voir à tous jusqu'à quel point les dis-
ciples du vrai Dieu méprisaient la mort. Les
gardes se ruèrent sur Appien, le renversè-
rent et le couvrirent de blessures. Il passa
ving-quatre heures en prison, les jambes
prises d ins des ceps ; ensuite on le déchira
avec les ongles de fer, au point qu'on lui
voyait à découvert les os et les entrailles.
Son visage fut tellement meurtri à coups
de verges armées de plomb, qu'il devint mé-
connaissable pour ceux qui le voyaient jour-
nellement. A tout ce qu'on lui disait, il ne
répondait qu'une seule cho-e : Je suis le
serviteur de Jésus -Christ. Le gouverneur,
transformé en bête féroce par la rage qu'il
2£Tr
AQO
AQIJ
m
éprouvait, lui'fit eivciOppcr \25 pieds avec
une étoile iml)iî>(.^c d'huile. On y mit le fou.
La !1 iimne le brûl;i profoudoineiit, uKiis son
courage resta invincible. Keporté en i^rison,
il y resta trois j')urs, après Icsqui^ls le ;^ou-
vcrneur onJoina qu'oi le jetât d;\ns ]\ mer.
A iss tôt qu'il fut dans la mer, une tempête
furieuse s'éleva , et tiuoiqii'on eût attaché
d'énormes [)ierres au\ pieds du saint, elle
T)0ussa son corps vis-à-vis une des portes de
la ville. Sai-ilA[)pien n'avait que dix-ne if aïs
■quand il mo'U'ut pour Jésus-Christ. Ce fut
en 30(5, le 2 avril, jour auquel sa fête est ins-
crite au M.irlvrolo^e romain.
APKONIEN (>aint), marlyr, était geôlier à
Rome. Un jour, éuint encore païen, tirant
de prison sanit Sisinne pour le faire compa-
raître devant le préfet Laodice, il entendit
ces parol'-s prononcées jiar une voiv veime
du c el : « Venez, les bénis de mon père ; pos-
sédez le royaume qui vous a été préparé dès
la création du monde. Aussitôt il crut et re-
çut le haplôme. Et [)ersévérant dans la suite
a C{mfes^er Jésus-Christ, il fut condamné à
perdre la tête. L' Ejjlise célèbi'e sa mémoire
le 2 février.
APUONiEN, préfet de Rome sous Julien
l'Apostat, se montra fort acliaraé contre .lt5S
chétiens, (|u'il peisécuta violemment. Il (it
mourir, en 362, les saints Jean et P.ml, tous
deux oiïiciers dans les iroupes impériales.
Quiind ce magistrat eut été nommé [)ar Ju-
lien, en s'acheminant vers Rom/\ il perdit
un œil. Dans sa rage de cet accident, il l'at-
tribua aux magiciens, et sous ce nom il en-
tendait les chrétiens. Il résolut de leur en
faire [)ort('r la peine. Il fit, à cause de cela,
un gi and nombre de martyrs, parmi lesquels
onciimpte sainte Bibi me. Elle étaitllomaine
et vivait faintement dans l'état de virginité.
Son [)ère se nommait. Flavien, et sa mère
Dafrose. Tous deux étaient chrétiens fer-
vents. Flavien, qui était chevalier romain,
fut pris, et on lui ôta un (unploi considéra-
ble qu'il remplissait depuis longtemps. Après
qu'on lui eut brûlé le visage avec un fer
rouAe, il fut banni à Aqua-Pendente, qu'on
nommait ,\\ov^Aqnœ-Taurin!e. Il y mourut fort
peu de tem()s après des suites Je ses bles-
sures. Quant t» Dafros ', on la renferma du-
l'ant queh^ue temps dans sa maison. Puis
enfin on l'en tira, par l'ordre d'A[)ronien.
Ce juge féroce, n'ayant pu venir à bout de
Ribiane, ni par menaces ni [lar séduction,
la cjudnuna à être attachée à un pilier et
battue à co qjs de fouets armés de plomb,
jusqu'à ce (Qu'elle expirât.
APULfil-: (saint, avait été converti par l'a-
pôtru s.iint Paul. Il (nieidit la palnuidu mar-
tyre durant la persécution de l'empereur
Doiu tien, sans (pi'on ail, sur le lieu et sur
le gcni'e de son su;i|)li(;(', aucun document
autlienli(4ue. L'Eglise l'ait sa fête le 7 oc-
tobre.
AQUAVIVA (h; bicmhenreux), d(i la com-
pagni(i (le Jésus, après avoir évangélisé avec
i'i'uit dans l'eiiqjire monghol, lut noiumé
re!;t(:ur du <ol;é^t; (pn; les Jésuites avaient
dans l'île d" Salcetle. Il }■ cueillit la jialnir du
martyre le 15 juillet 15^3, pende mois après
son retour de l'empire monghol. Il eut pour
comjiagnous de son marivrelesP. Al[)honse
Pachc'O, Antoine - rran.jois, Pierre Berna,
prêtres, et le frère coadjuîeur François Ara-
gna. (Tinner, S:)cietis Jesu nsque ad sangui-
nis et vitœ profusionem mililans, p. 2'i-7. Le
P. d'Outrenian, Recueil des hommes illustres
de la compagnie de Jésus, p. i57. Du Jarrie,
Histoire des choses mémorables, etc. , tom. I,
p. 352.)
AQUJË GRADATM. Voy. Sa^-Cantiano.
AQUILA, nom d'un juge qui, sous l'em-
pire d.' Septime-Sévère, fit mourir en .Ma-
cédoine saint Sérapion, inscrit au Martyro-
loge romain au 13 juill I.
AQUILA, gouverneur d'Alexandrie sous
l'empire de Sévère, fait mourir, dans cette
capitale de l'Egypte, sainte Polamienne ,
saint Plutarque et six autres disciples d'O-
rigène. Il se distingua par la cruauté des
supplices qu'il fit endurera ces saints mar-
tyrs.
AQUILA, prêtre de l'Eglise d'Alexandrie,
qui allait de côté el d'autre dans l'Egypte,
pour se cacher durant la persécution deDèce,
tandis que les autres prêtres, envoyés par
saint Denis, allaient secourir et consoler les
fiilèles. Les expressions de saint Denis sont
celles que nous soulignons. L'admirable in-
dulgence du saint ne caractérise pas autre-
ment la désertion dont ce prêtre se rendait
coupable. 11 faut distinguer, entre le chré-
tien, prêtre ou non, qui prend la fuite en
temps de persécution, quand sa vie est di-
rectement menacée, et qu'il n'est point utile
aux autres en restant, et celui qui, sans
être actuellement menacé, ou même l'étant,
déserte un poste où Dieu lui donne des de-
voirs à rem;ilir au{)rès de ses frères. Le prê-
tre en temps de persécution, le soldat le
jour de la bataille, le médecin dans les temps
d'é[)idémie , doivent rester à leur poste ;
faire! autrement, c'est déserter.
AQUILAS (saint], martyr, eut le glorieux
privilège de verser s >n sang [)Our la foi. Il
eut pour compagnons de gloire saint Domice,
saint Eparque, les saintes Pélagie et Théo-
dasie. La date et le lieu de leur martyre
sont inconnus. L'Eglise honore leur mé-
moire le 23 mars.
AQUILAS (saint), martyr, vivait dans la
Théijaide. Il fut déihii'é avec des peigm^s de
fer [)our l'amour de Jésus-Christ. On ignore
à (juelle épo(pie. L'Eglise célèbre sa mé-
mo ne le 20 mai.
AQUILAS (saint), martyr, répandit son
sang pour Jésus-Chiist à Pliiladelphie, en
Arabie. Il eut |)our('ouipa nous tie son mar-
tyre les saints Cyrille^ Pierre, Domilien,
lluf (!t Mena idi'e. L(i Martyrologe romain ne
mar(iu(î point répo([ue oCi eut lieu hnir mar-
tyre. L'Eglise lionore leur mémoire le 1"
août.
AQUILK (sainte), martyre, .«-ouirrit la
mort à Césan.'e. en Miuritaihe , avt'C sou
mari Sévéricni. Ils furent liviés aux llamaies
cl furent ainsi couronnés. L'^C^liie fait loui
fête le 23 janvier.
iennt'iiioil capitiilc des iann, \)q pie no
é'iilio. Ikiiiillet (Dict. universel d'histoire
' lie qi'o(jraphie) dil qircIlL' osl lo sii^ge d'uii
ahiarc.it (jui était d'abord h (ji'ado. Pour
2-29 ACU
AOUILKE, ville dn royaiimo (nilyrio, an-
cieniu'iiioil capitale des Carni, |)(' pie do
Vé- ■ ■ ■ ' '"■ '
et
patriarc.it (ji-- ^ - -
(Hro p.jrfaituiiHMit exact il faut dire : que (;e
si'''j;o é'ait d'ahord h Aquiléo , qu'il fut
ti aiisféré Ji (irado avec les coi'ps de saiul Iler-
inagorc , premier évoque trA({uilée, et de
saint Fortunat, son archidiacre, (jui fureiit
les premiers martyrs qu'ait vus mouiir celle
ville. Kn transférant h une épcxpie plus rap-
nrotliée le siéj^e épi.-copal de Grado à Aqui-
lée, on n'a lait que rendre h celte dernière
ville ce qu'anciennement on lui avait ôté.
Dans la môme persécution (celle de Néron)
celt(^ ville vit couronner les saintes Doro-
thée, luiphémie et Tliècle , ainsi que saint
Erasme. On manque de doiunucnts sur tous
ces saints mait_> rs. Sous l'empire de Numé-
rien, cette ville vit le mart.re de saint Hi-
laire, sou évéquo , de saint Tatien diacre, et
(les saints Lar-,e, Félix et Denis, (|ue lieroine,
qualitié président par le Martyrologe romain ,
lit mettre à mort pour la foi chiéliennc. On
ne sait pas comuientil'S terminèrent leur sa-
critii'e ; mais ce qu'il y a de certain , c'est
que Boroine les lit appliquer au chevalet et
ensuite tourmenter tle diverses lagons. Dans
les commenceuients du iv^ siècle, et de la
persécution de D oclétien, saint Chrysogone
qu'on avait arrêté à lloine, fut d(''capité dans
la ville d'Aquilée. On a peu de détails sur ce
martyre. En l'an de Jésus-Christ 3()'i., sainie
Anastasie, pupille et élevée dans la foi du
saint (|ue nous venons de nommer, fut mise
à moil pour la foi. Ayant appris l'arresta-
tioïi de saint Chrysogone , elle était venue
lui prodiguer des co isolations et les soins
qui lui étaient nécessaires, {Voy. Anastasik.)
AQUILIN (saint), maityr, mourut pour la
foi à Fossombr(»ne II eut pour compagnon
de son martyre les saints Géminé, Gélase ,
Mag, e et Donat. On igaore la date de leur
coujbat. L'Eglise cclèbie leur mémoire le 4
février.
AQUILIN (saint), martyr, mourut en Afri-
que en confe^sant sa foi. Il eut pour com-
p ignons de sa gloire les saints Géminé, Eu-
gène, Marcien, Quinctus, Théodote et Tri-
phon. On ignore l'époque où eut lieu leur
martyre. L'Eglise célèbre leur sainte mé-
moiie le h janvier.
AQUILIN (saint) , martyr, mourut pour la
foi dans la ville de Nyon. Les compagnons
de son martyre furent les saints Héracle ,
Paul et deux autres, que le Martyrologe ro-
main ne nomme pas. On ignore les ci,-
constances et la date de leur martyre. L'E-
glise fait leur fête le 17 mai.
AQUILIN (saint), martyr, était prêtre à
Milan. Il y eut la gorge percée d'un coup
d'épée par les Ariens, et reçut ainsi la cou-
ronne du martyre. On ignore à quelle épo-
c{ue. L'Eglise célèbre sa mémoire le 29 jan-
vier.
AQUILIN (saint), martyr, souffrit le mar-
tyre en Isauric avec saint Viclorien. On
ignore en quelle circonstance et à quelle
AHA
2.-0
époque. L'Eg'ise célèbre son illustre mé-
mo re le 10 uiai.
AQUILIN {Gracchus Claudius Aquilinm) ^
gouveimur de IJitliynie sous Tempiic do
Dèce , se îit l'instrument bien cruel de la
nersé(rution que ce prince sanguinaiie al
luma contre les chrétiens. Si nous en jug(!ons
j)ai' l'exécrable ai'deur (ju'il mit à toeriuen
ter- saint 'Jfy|)lion et saint Res|)ice, il dut
cxer-c(M' de grandes cr-uautés dans son gou-
vernement. Il lit endurer aux deux saints
que. noirs venons de nommer des supplices
ellïoyables dui-ant plusieurs jours, et cela
avec un raffinement de cruauté excessif. Les
Actes (le ces deux saints racontent (pie dans
rinfervalle des allVeuses tortures qu'il leur
faisait endur(T, il se livrait à ses amuse-
ments ordinaires. Ainsi, en sortant de les
fair'e déchirer ixMidant trois heures avec les
• ongles de fer, il partait [)Our la chasse, en
ordonnant ({u'on les laissât ainsi tout mu-
tilés, tout couverts de i)laies, exposés à l'ac-
tion d'un froid rigoureux qui régnait alors.
Voyant au bout de ([irelques jours que tou-
te> ses fureurs et ses cruautés étaient inuti-
les, il fil décapiter les deux saints.
AQUILIN, juge qualifié président par le
Martyrologe romain, fit mettre à mort sous
Dèie, sans désignation de lieu, saint ^^ara-
mon et trois cent soixante-quinze cni(^tiens
avec lui.
AQUILINE (sainte), martyre, était mère de
saint Victor, lévite à Roda près Gironne, en
Espagne. Victor ayant reçu dans sa maison
L's deux saints Vincent et Oronte, et les
ayant ensevelis après que Rutin, qui gouver-
nait le pays pour Dioclétien, les eut fait mar-
lyj'iser, fut lui-même mis à mort par ordre
de Ruiin, qui lui fit piéalablemevii souffrir
d'horribles tourments. Sainte Aquiline avec
son mari as.^istail au supplice de son bien-
heureux fis. Epouvanté h la vue du sang
qui coulait des plaies de .^on fils sous le fouet
des bourr-eaux, le ;.ère de Victor vo.ilut [)ren-
dre 11 fuite ; m us Aquiline le i^elinl en lui
disant : Soyons fermes dans la foi , et mou-
rons pour Jésus-Christ. R entôt les bour-
reaux se .-aisirent d'eux, et tous deux s'étant
agenouillés reçurent le coup mortel. Comme
saint Vrctor, ils sont inscrits au Martyro-
loge romain, à la date du 22 janvier.
AQUILLNE (sainte), martyre, répandit son
sang pour la foi en Lycie avec sainte Nicette,
convertie comme elle à la religion chrétienne
par .'^aint Christophe, martyr. On ignore à
quelle époque leur martyr e eut lieu. L'Eglise
célèbre leur mémoire le 2i juillet.
AQUIN , ville du royaume de Naples, cé-
lèbre par les to.rmeuts qu'y endura saint
Cligne pour la confession de la foi chré-
tienne.
ARABIE (sainte), martyre, cueillit la palme
du martyre à Nicée avec les saints Theusétas
et Horrez , son fils, les saintes Théodora ,
Nymphodora et saint Mfirc. Ils furent tous
livrés aux fiammes. L'Eglise célèbre la mé-
moir-e de ces illustres martyrs le 13 mars.
AHAGNxV (le bienheureux François), de
la compagnie de Jésus, frère coadjuteur, fut
tel
ARA
associé au martyre du B. Aquaviva, recteur
du coH<''se que les jésuites avaient dans
Vile de Salcette, avec les B. Pierre Berna,
Antoine François et Alfonse Paclieco, prê-
tres de la môme compagnie. Leur martyre
eut lieu le 15 juillet 1583. (Tanner, Societns
Jesn usque ad sanguinis et vitœ profusionem
militans, p. 2M. Le P. d'Outreman, Recueil
des lioinmes illustres de la compaguie de Jé-
sus, p. i57. Du Jarrie , Ilistoires des choses
plusméinorables, etc., t. I, p. 352.)
AUANDA, VALDIVIA (Martin d'), de la
compagnie de Jésus, et parent du P. Louis Val-
divia, était né à Villaricca du Chili, en 1561,
de colons espagnols, et avait servi comme offi-
cier de cavalerie. Ayant été nommé au gou-
vernement d'une })rovince , il voulut, avant
de se rendre à son nouveau poste, faire les
exercices spirituels, alin d'attirer sur lui les
bénédictions du ciel. Dieu toucha son cœur,
il renonça au monde et entra dans la com-
pagnie, il avait trente-un ans. Il fut envoyé
par son p^arent pour évangéliser la tribu
des Klicurieiis, avec les bienheureux Horace
de Vecchi et le coadjuteur Diego de Mon-
tai van. Peu de temps auparavant, le P. Louis
ValJivia avait baptisé trois des femmes
d'Anganomon, cacique des Arançanos. Ces
feiOmcs s'étaient évadées avec leurs enfants
tout jeunes encore, et réfugiées auprès des
Espagnols. Anganomon les ayant réclamées
en vain, résolut de se venger. Ayant appris
le départ de nos trois missionnaires, il les
suivit avec deux cents cavaliers, et fondit
sur eux au moment oti ils faisaient leur pre-
mière exhortation aux Llicuriens. Ils furent
as>-onnnés à coup de massue, percés de tlè-
ches, et eurent ensuite la tête tranchée le
4 décembre 1C12. D'autres auteurs préten-
dent (ju ayant été liés à un arbre pour être
écorchés vifs, on le ir arrach i le cœur et
qu'ils furent achevés à coups de massue.
(Tanner, Societas Jesu risque ad sanguinis
et vitœ profusionem militans, p. kGï.)
ARA.NZAK, prince arménien , de la fa-
mille Ancadounik, fut l'un de ceux qui souf-
frirent volontairement la captivité pour Jésus-
Christ sous le règne d'Hazguerd, deuxième
du nom, roi d^ Perse, et (pu ne furent re-
mis en liberté et renvoyés en leur pays que
huit ans après la mort de ce prince, sous le
rè.^ne de son lils Bérose. (Pour plus de dé-
tails, vog. Princes arméniens.)
AKAKAT, montagne d'Arménie, la plus
haute de toutes. Les Menées des (Irecs, et
d'après cette autorité Bai'onius, disent que
onze mille chr/tiens fiirent crucifiés sur le
sounnet de cette montagne. Ce fait se con-
cilie mal avec les données géographi(pie.s.
L<; mont Ararat a (pialre niilh; mètres de
hauteui. Son sommet connue celui des hau-
tes montagnes des Alpes, est couronné de
neiges éternelles. Néanmoins, connue l'ii-
gli-.e fait la fête au 22 juin, de nombreux
chi étiens cruciliés sur le mont Araral, il fuit
croire qu'en (tllet il y eut bciaueoup de mar-
tyrs saciiliés sur eelte montagne, mais non
]j;is à .son soiiinnji. Ivi tome matière il laut
admettre des opinions raisonnables, et sur-
ARC ÎS3
tout qui puissent concorder avec l'état réel
des lieux et des faits.
AKATOR (saint), martyr, mourut pour la
foi à Alexandrie où il était prêtre. Il mou-
rut en prison aveeles saints Fortunat, Félix,
Silvin et Vital. Le Martyrologe romain ne
dit point à quelle époque. L'Eglise honore
leur mémoire le 21 avril.
ARATUS , l'un des trente-sept martyrs
égyptiens qui donnèrent leur sang pour la
foi en Egypte, et desquels Ruinart a laissé
les actes authentiques. {Voy. Martyrs [les
trente-sept] égyptiens.)
ARAVAN, prince arménien de la famille
Anzevadzik, lut l'un de ceux qui souffrirent
volontairement la captivité pour Jésus-Christ,
sous le règne d'Hazguerd , deuxième du
nom, roi de Perse, et qui ne furent remis
en liberté et renvoyés en leur pays que huit
ans après la mort de ce prince, sous le règne
de son tils Berose. (Pour plus de détails,
voy. Princes arméniens.)
ARBFLLLS, ville de Perse , capitale de
l'Abiadène, aujourd'hui Irbii, est fameuse
par la grande victoire qu'y remporta Alexan-
dre; mais pour nous plus encore par le
martyre qu'y endura son évêque saint Abraa
mius , sous Sapor, en l'an de Jésus-Chris*
3i8. {Voy. Sozomène, 1. ii, ch. 12.) Ce fu*
aussi dans cette ville que, sous le même roi,
en l'an de l'ère chrétienne 308, saint Joseph,
prêtre, fut lapidé, comme le portait le der-
nier édit royal, par des chrétiens. On l'avai*
enterré jusqu'au cou avant de lui faire su-
bir le dernier supplice. Jazdundoife refusa
généreusement de rien faire au saint homme
deDieu. On voulait que, pour avoir l'air d'o-
béir, elle le piquâtseulementavecune plume;
elle refusa. Les païens eux-mêmes furent
obligés d'admirer sa vertu. (Foy. Acepsimas.)
ARBUÊS (saint Pierre d'), premier inqui-
siteur de la foi dans le royaume d'Aragon,
fut martyrisé à Saragosse en Espagne. Son
zèle pour la foi catholique dans l'exercice
de sa charge le lit massacrer par les juifs
relaps. L'Eglise fait sa mémoire le 17 sep-
tembre.
ARCADE (saint), martyr , répandit son
sang, pour la religion , en Chersonèse où
il était évêque. Il eut pour compagnons de
tortures les saints évèques Basile, Eugène,
Agat .odore, Elpide, Etheve, Cépiton, Epiiiein
etiNestor. La date de leur martyre est ignorée.
L'Eglise célèbre la fête de ces illustres évè-
ques le k mars.
ARCADE (saint), martyr en Afrique, donna
sa vie par allachement à la vraie religion.
Il eut ])our compagnons de son martyre les
saints Pascase, Probe et Eutychien. Durant
la |ierséculion d»s Vandales, a^ant déclaré
•lu ils ne suivraient jamais la secte impie
des ariens , ils furent d'abord i)roscrits par
Censéric, roi arien, puis exilés. Fiilin, après
avoir enduré des tortures elIVoyaoles, un
les lit mourir j)ar divers genres de mort.
Alors, parut a. eu é> lat la constance d'un
jeune enfant nommé P.uilille, iVere des saints
Pascase et Futychien , le(juel, ne pouvan*
être ébranlé dans sou attachcuienl à la foi
233
ARC
ARC
«4
catholique, fut longtemps frappé h coups de
bAloii et condamné enliii au plus vil escla-
vage. L'Eglise célùbn; la mémoire de saint
Arcade le 13 novembre.
AUCADIUS (saint), martyr, soutînt dans
le in" siècle, on ne sait ni |)récisément à
quelle époque, ni en quel lieu. Toujours
est-il que c'était durant une persécution vio-
lente : partout on poursuivait les chrétiens,
on enfonçait les maisons et on y faisait les
perquisitions les plus rigoureuses. Avant de
conduire devant les juges ceux desquels on
s'emparait, on leur faisait subir toutes sor-
tes de supplices. Partout on forçait les iidù-
les à assister aux sacritices offerts aux dieux;
on leur ordonnait d'en otfrir eux-mêmes,
ou bien on les envoyait au supplice. Dans
de telles circonstances, Arcadius abandonna
ses biens et sa maison pour chercher un sé-
jour plus tranquille. Il se retira donc dans
un lieu éloigné de la ville, où il servait Jé-
sus-Christ librement, s'adonnant à la prière
et aux pratiques religieuses. Le gouverneur,
ayant su qu'on ne le voyait pas aux sacriti-
ces, envoya des soldats pour l'arrêter. Sa
maison fut investie, mais on n'y trouva qu'un
des parents du saint. Ce digne parent fit tout
ce qu'il put pour expliquer et justifier l'ab-
sence d'Arcadius, mais les envoyés du gou-
verneur ne se rendirent pas à ses raisons et
le conduisirent à ce magistrat, qui donna
l'ordre de le tenir en prison, et de l'y gar-
der jusqu'à ce qu'il eût révéîé le lieu de la
retraite d'Arcadius. Ce dernier, ayant appris le
danger que courait son parent, vint de lui-
même se présenter au gouverneur : Si c'est à
cause de moi, lui dit-il, que vous retenez mon
parent dans les fers, accordez-lui la liberté ;
je suis cet Arcadius, l'unique cause de sa dé-
tention. Je viens vous déclarer qu'il igno-
rait le lieu de ma retraite, et je satisferai en
personne à toutes les questions que vous
voudrez me faire. — Je veux bien, répondit
le juge, vous pardonner à tous deux, mais
à condition que vous sacrifierez aux dieux.
— Qu'osez-vous me proposer, répondit Arca-
dius ? Connaissez- vous les chrétiens et
croyez-vous que la crainte de la mort soit
capable de leur faire trahir leur devoir ?
Jésus-Christ est ma vie, et la mort m'est un
gain. Inventez tel supplice qu'il vous plaira,
jamais je ne serai infidèle à mon Dieu.
Le gouverneur exaspéré, ne trouvant pas
les supplices ordinaires assez cruels pour
lui, donna l'ordre de lui couper successive-
ment toutes les articulations des membres,
et d'y mettre une telle lenteur, que la bar-
barie du supplice en fût de beaucoup aug-
mentée. Conduit au lieu du supplice, il eut
d'abord lesdoigts coupés, puisles mains, puis
les bras, ensuite les pieds, les jambes et les
cuisses. 11 présentait successivement ses
membres à ceux qui le martyrisaient, té-
moignant par une patience admirable le
grand courage qu'il avait dans le cœur. Il
s'applaudissait de ses souffrances, il disait
au peuple assemblé tout le bonheur qu'il
avait à mourir pour Jésus-Christ. Les païens
et les bourreaux eux-mêmes ne pouvaient
DiCTioNN. DES Persécutions. I.
lui refuser leur admiration. Il expira dans
les su[>plices le 12 janvier, jour auquel lE-
glise célèbre sa fête. S'il faut en croire cer-
tains martyrologes, ce fut à Césarée en Mau-
ritanie (pi'il reçut la couronne du martyre.
Tels sont relativement à saint Arcadius les
documents que nous avons trouvés dans les
meilleurs historiens : voici maintenant ses
actes autlnnitiques pris dans Kuinarl, et qu'il
a tirésdulivredes Combatsdes martyrs et d'un
sermon attribué à saint Zenon de Vérone.
« La fureur des tyrans se répandait avec
une extrême violence dans toute l'Achaïe ;
le démon, pour favoriser leur entreprise,
avait fait prendre les armes à ses soldats,
qui, comme autant do loups ravissants, se
jetaient sur le troupeau de Jésus-Christ, et
faisaient une guerre sanglante h tous ceux
qui adoraient le vrai Dieu. Sur le moindre
soupçon on enfonçait les maisons , on v
faisait une recherche rigoureuse , et lors"^
qu'il s'y rencontrait quelques chrétiens ,
aussitôt la haine qu'on leur portait se si-
gnalait par un crime. Chaque jour voyait
commettre plusieurs sacrilèges ; on contrai-
gnait les fidèles à assister à des cérémonies
superstitieuses, à faire des libations, h con-
duire par les rues des victimes couronnées
de Heurs, à brûler de l'encens devant les
idoles, à chanter à la manière des bacchan-
tes, et à respirer l'odeur des sacrifices. C'est
qu'on espérait par ce moyen pouvoir arra-
cher la foi du cœur des chrétiens, et leur
faire renoncer Jésus-Christ.
« Mais pendant qu'il se livre divers com-
bats entre les ministres du démon et les sol-
dats du vrai Dieu, Arcadius, l'un de ces der-
niers, voyant la ville où il demeurait dans
une effroyable confusion, et qu'on traînait
les chrétiens malgré eux dans les temples des
faux dieux, résolut de s'enfuir et d abandon-
ner tous ses biens. Ayant donc trouvé aux
environs de la ville un lieu écarté, il s'y tint
caché, servant Jésus-Christ, dans les veilles,
dans l'oraison et dans tous les autres exer-
cices d'une vie austère et pénitente. Sa fuite
ne put pas être longtemps ignorée ; on ne le
voyait plus aux sacrifices ; le gouverneur en-
voie des soldats à son logis; ils l'environ-
nent, ils le forcent, ils pensent y surprendre
Arcadius, mais ils n'y trouvent qu'un de ses
parents, qui y était venu ce jour-là par occa-
sion. Cet homme fit tout son possible pour
justifier l'absence de son parent. Les soldats,
au désespoir de n'avoir pas trouvé ce qu'ils
cherchaient, se saisirent de ce que le hasard
leur mettait entre les mains. Ils emmènent
ce parent; le gouverneur le fait garder étroi-
tement, jusqu'à ce qu'il découvre le lieu où
s'était retiré Arcadius. Ce saint homme
ayant appris ce qui se passait, et brûlant du
désir du martyre, abandonne sa chèi-e re-
traite ; et ne pouvant se résoudre ni à dissi-
muler plus longtemps, ni à souffrir qu'un
autre fût plus maltraité pour lui, il se mon-
tre tout à coup dans la ville, se remet volon-
tairement au pouvoir du gouverneur. Si
c'est à cause de moi, lui dit-il en l'aboidanf
et en se nommant, que vous retenez dans
8
235
ARC
ARC
les fers mon parent, faites-lui donner la li-
berté, il est innocent ; je viens le dégager,
vous apprendre le lieu de ma retraite qu'il;
n'a jamais su, et répondre aux autres choses
que vous voudrez savoir de moi. Je veux
bien, repartit le gouverneur, lui pardonner
le secret qu'il m'a fait de votre fuite, qu'il ne
craigne rien, mais à condition que dès ce
soir vous sacrifierez aux dieux. Qu'osez-vous
me proiwser, répliqua Arcadius, connais-
sez-vous les chrétiens, et croyez-vous que la
crainte de la mort soit capable de les faire
manquer à leur devoir? comme si nous
ignorions cette parole du grand Apùtre : Jé-
sus-Christ est ma vie, et la mort m'est un gain
{Pkilipp. II, 23j. Inventez tel supplice qu'il
vous plaira, n'écoutez plus que votre fu-
reur, ob'issez, j'y consens, à lout ce qu'elle
vous inspirera, et vous verrez s'il est facile
de me faire renoncer mon Dieu.
« Le gouverneur, à ces paroles, sent que sa
bile s'enflamme, et qu'un fiel de vipère s'in-
sinue dans son cœur et y excite une rage
forcenée. Il est tout occupé de la p;'nsée de
faire souffrir au martyr des tourments inouïs,
et que les lois les plus sévères n'osèrent ja-
mais ordonner pour les plus criminels. Les
ongles de fer lui semblent trop doux, les
plombeaux ne font à son gré (|u'('ffleurer la
peau ; il ne daigne pas seulement regarder
le chevalel, et une grêle de coups de bâton
ne satisferait pas sa fureur. L'idée qu'il se
forme de quelque supplice extraordinaire
lui fait négliger tous ceux dont il s'est servi
jusqu'alors. Il croit enfin l'avoir' trouvé, ef,
l'insensé qu'il est, il pense qu'à celte fois il
faudra bien que Dieu lui cède. Il ordonne
donc à ses bourreaux de se saisir du saint,
et il ne leur prescrit autre chose, sinon qu'ils
fassent en sorte que la grandeur des tour-
ments l'oblige à souhaiter la mort, sans qu'il
la puisse obtenir qu'après l'avoir longlemps
souhaitée. Qu'il 1 attende toujours, s'é>:rie
cet homme furieux, sans qu'elle vienne.
Qu'il puisse, encore vivant, voir son corps
semnlable à un tronc d'arbre auquel on a
ôté toutes les branches. Que toutes les join-
tures de ses membres soient coupi'cs l'une
afirès l'autre, et que tout leur assemblage se
roiiijje et se désunisse. Commencez par les
articlesdes doigts, séparez ensuite les mains
des bras, les bras des épaules, et les épaules
de la poitrine. Qu'on commence pareille-
ment par les doigts des |)ieds, et remontant
toujours, venez aux pieds, puis aux jambes,
aux genoux, aux cuisses ; et lorsque vous en
serez là, détaxiez les cuisses des hanches ;
mais que toutes ces opérations se fassent
lentement; faites dunn- la douleur 1.' plus
que vous [lourrez, afin (]u'il apiireiine, le
iiiisérabl", ce que c'est que d'abandonner
les di(jux de ses pères, pour suivre un Dieu
étranger et inconnu.
" Les bourreaux, obéissant h ces ordres
cruels, |)reiin''nl Arcadius, et le mènent au
lieu où plusieurs autres victimes connue lui
avaient él'- égi)igées. Lieu chéri (il souhaité
avec ardeur de ceux (pii .s<!U|)iienl après la
vie éternelle ' Arcadius, y étant arrivé, lève
236
les yeux au ciel, prie et sent que sa prière
lui a donné des forces. Il présentait le cou
aux bourreaux, dans la jjcnsée que le gou-
verneur se contenterait de sa mort, lors-
qu'on lui coinmanda de donner ses mains.
II les donne; ot pendant qu'on les coupe en
morceaux, il dit : Seigneur, vos mains m'ont
formé , donnez-moi l'intelligence. Et tant
que son supplice dura, il ne cessa point de
louer Dieu. Le gouverneur avait oublié de
lui faire couper la langue, et il s'en servit
toujours à confesser un seul Dieu, à publier
que les idoles n'étaient rien, à proclamer
Jésus-Christ vainqueur des tyrans. Après
qu'on Teut démemoré par en haut, on le fit
coucher sur le dos.. Lorsqu'il fut en cette
posture, il se mit à glorifier Dieu d un ton
de voix encore plus élevé. C'était la vue du
ciel qui augmentait sa force. Il donne en-
suite ses pieds avec joie, ses jambes et ses
cuisses : la séparation s'en fait aussitôt, et
l'art cruel des bourreaux sait même détacher
les hanches du ventre. Ce fut pour lors que
la constance admirable du martyr tira les lar-
mes des yeux à ses propres bourreaux, qui no
purent s'empêcher d'avouer qu'une si grande
patience ne pouvait être qu'un don du ciel.
Après autant de martyres différents qu'il
s'était fait de séparations dans le corps d'Ar-
cadius, ce qui en restait n'était plus qu'un
tronc qui nageait dans le sang. Le saint n'en
était pas plus ému ; son Ame, toujours tran-
quille, n'abandonne point encore ce corps
qui n'est plus que la moitié de ce qu'il avait
été, et qu'on ne doit plus appeler un corps.
Il voit devant lui ses membres épars çà et
là, il les regarde comme des parties de lui-
même, mais inutiles et embarrassantes, dont
il fait les funérailles; toutefois il les offre à
Dieu l'un après l'autre, et demande une cou-
ronne pour chacun d'eux en particulier.
Heureux membres, leur dit-il, qui avez eu
le bonheur de servir votre Dieu, vous ne me
fdlesjamais si chers lorsque vous étiez atta-
chés à mon corps, que vous me l'êtes main-
tenant en étant retranchés, il vous est avan-
tageux d'être sé[)arés, i)our être réunis dans
la glo.re, et afin que, de membres mortels
que vous étiez, vous |)uissiez un jour deve-
nir des membres glorieux et immortels. C'est
à présent que vous êtes les membres de
Jésus - Christ , c'est à présent (lue j'ap-
partiens vériiablcmenl à Jésus-Cnrisl , ce
que j'ai toujours désiré av.c une extrê-
me ardeur, lit vous, ajouta-l-il , qui êtes
sjM'Ctateuis d'une si sanglante tragédie, ap-
prenez (pie ces tourments, qui vous | arais-
sent si horribles, ne sont r;en à quicoïKiuc
envisage 1 immoi-lalilébienhiiureuse. Crovez-
en un homme qui ne prend plus de part à
la vie, vos dieux ne sonfpas des dieux ; re-
noncez à le.ur culte impie et vain ; cl recon-
naissez enfin qu'il n'y a noinl d'autre Dieu
(pi(! celui (pii iiK! console et me soutient
dai;S rét;»l où vous m<' considérez. Mourir
pour lui, (;'esl vivre; ( t soufliir |)0ur lui, c'est
(^tre dans les ddics. L'aïuouv (pi on a oour
lui ne se ralentit jamais, il ne cause jamais
237
ARC
ARE
258
je dégoilt, il ne soiinVira janiois do diinimi-
lion. l'niir récompense du peu (]iie j'endure
|><)ur lui, je vais recevoir une vie iuunorteile,
et qui m unira <^ lui pour touj(»urs. \i\\ disant
cela il evpira doucement, le i'2 de janvi(M'.
Les idolAlres ne i)ure'U refuser leur adnui-a-
tion h riinmitablf^ constance de ce fi,lorieux
marlyr, el les chrétiens s'en trouvèrent en-
core plus dispo><és à répandre leur san^ [)0ur
JéMis-Christ. Ils recueillirent ses relicfues,
et, les réunissant toutes, ils les renleriuèrent
daîis un niéuie ton)l)e,iu. » — 12 janvier.
ARCÉ (le bienheureux), missionnaire de la
compagnie de J sus, s'embarqua à l'Assom-
ptiou le 2V juillet 1715, aveo le P. Barthélémy
de Blende. Ils remontèrent le Paraguay jus-
qu'au la.; M.mioré, el là se (piiUèr(nit. Le
P. Arcé se dirigea vers le pays des Cdiicjuitos,
dans le but de d'coiivrir une communication
d'un facile accès entre le Tucuman et le Para-
guay. A son retour, la b:n(jue avait disparu ;
réquipag(>, rebelle aux orilresduP.de Blende,
avait voulu reprendre le chemin d(> l'Assom-
ptioîi, et les Payaguas, après avoir massa-
cré les matelots, avaient lait subir le môme
sort au missionnaire et avaient précipité
son cadavre dans le fleuve. Aidé de (juelques
néophytes, le P. Arcé se construisit une [)i-
rogue et commença à descendre le fleuve.
Les meurtriers de' son compagnon, l'ayant
surpris k son retour, le massacrèrent et
abandonnèrent son corps sur la rive. Il fut
percé à coups de lances par les duaycuros.
Ce double martyre arriva en 1718.
ARCHAVIK, prince arménien de la famille
Gamsaragank, lut l'un de ceux qui souffri-
rent volontairement la captivité pour Jésus-
Christ, sous le règne d'Hazguerd, deuxième
du nom, roi de Perse, et qui ne furent remis
en liberté et renvoyés en leur pays que huit
ans après la mort de ce prince, sous le règne
de son tils Bérose. (Pour plus de détails,
VOy. PlU>CES ARMÉNIENS.)
AFxGHKLAUS (saint), diacre, fut martyrisé
à Ostie, du temps de l'empereur Alexandre,
par ordre d'Ulpien, préfet du prétoire, avec
saint Quiriace, évoque, et saint Maxime, prê-
tre. L'Eglise fait leur fête le 23 août (Marty-
rologe romain).
ARCHELAUS (saint), diacre, eut la tête
tranchée pour la fui chrétienne, sous l'em-
pire de Claude II le Gothique, avec saint
Maxime, prôlre, et saint Cyriaque, évoque.
(Pour plus de détails, voy. Martyus d'Ostie.)
ARCHELAUS, exécuteur de haute justice
à Egée en Cilicie, sous le règne de Dioclé-
tien. Ce fut lui qui, en 2t5, par ordre du pro-
consul Lysias , tourmenta d'une mraiière
atroce et fit enfin mourir les saints Astère,
Claude et Néon, et les saintes Doranine et
Théonille. (Yoy. l'article Clauoe.j
ARCHELAUS (saint), martyr, reçut la
palme du martyre avec les saints CyrJle et
Photius. On ignore le lieu, la date et les
circonstances de leur martyre. Le Martyro-
loge romain n'en dit rien. L'Eglise hoiwre
leur îiiémoire le 4 mars.
ARCHEN (saint), était un prêtre arménien.
Ce saint souffrit le martyre sous le^ègne
du cruel Hazguerd, roi do Perse. On lui lia
les pieds et h'S mains, qu'on serra si fort,
que ses nerfs en craipiaient, el il resta ainsi
longtemps sous les yeux de ses compagnons;
il eut ensuite^ la tête tranchée, |)ui.s on le
jeta dans une fosse qui était à sec.
ARCHINI.\IE (saint), martyr, était origi-
naire d(; la ville d(! Mascula en Numidie.
Les i)erséculeurs cherchèrent |)ar les mena-
ces et les caresses à le rendre parjure h sa
foi, mais en vain. Furieux d'être vaincus,
les ennemis de sa foi le condamnèrent à avoir
la lèle tranchée. Le bourreau levait déjà la
hache, mais on lui laissa la vie |)arce que
les ariens n'aimaient point à faire de mar-
tyrs, disant que les chrétiens h s honoraient
alors comme des saints. On ignore ce ([u'il
devint parla suite ; mais si lEgîise l'honore,
on doit en conclure qu'il persévéra toujours
dans sa foi.
ARCONCE (saint), martyr, versa son sang
pour la foi, à Capoue, avec les saints Quince
el Donat. On ignore la date el les circons-
tances (ie leur martyre. Le Martyrologe ro-
main n'en dit rien. L'Eglise fait leur fête le
5 septembre.
^ ARDACIRUS, prince persan, probablement
l'un des fils de Sapor Longue-Vie, fil mou-
rir, en 3/1.3, à Belh-Séleucie, saint Jean, qui
en était évêque. {Voy., pour plus de détails,
Narsès, évêque de Sciaharcadal). Etant vice-
roi d'Abiadène, il fit mettre à mort Papa,
prêtre d'Helmine, dans le château de Gabal.
Il commanda à des femmes de Beth-Séleucie,
qui avaient apostasie, de lapider un jeune
prêtre, nommé Uhanam. GuhsciatazaJes, eu-
riuque de son palais, ayant refusé de sacri-
fier, il ordonna à Vartranes, prêtre apostat,
de le massacrer de sa propre main.
ARDAVAZD, prince arménien de la fa-
mille Mara goniank, fut l'un de ceux qui
souffrirent volontairement la captivité pour
Jésus-Christ, sous le règne d'Hazguerd deuxiè-
me du nom, roi de Perse, et qui ne furent
remis en liberté et renvoyés en leur pays
que huit ans après la mort de ce prince,
sous le règne de son fils Bérose. (Pour plus
dedétnls. voy. Princes arméniens.)
ARÈCE (saii l), martyr, donna sa vie pour
Jésus-Christ à Rome, avec saint Dacien. On
ignore la date et les circonstances de leur
mrfyre. Le Martyrologe romain n'en dit
absolument rien. L'Eglise les fête le 4 juin.
ARhSCE (saint), martyr, mourut k Lyon,
en l'année 177, sous l'empire d'Anton n
31arc-Auièie. Il fut du nombre de ceux qui,
comme saiiit Poihin, n'eurent pas la force
de iubir jusqu'au bout les tourmenis que
les persécuteurs lui lironi endurer; il mou-
rut en prison. L'Eglise fait sa lôlo, avec
celle de tous ses compagnons, le 2 juin.
ARÈSE (saint), martyr, répandit .'^on sang
en Afrique pour la foi de Jésus-Christ. 11 fut
martyrisa avec saint Rogat et quinze autres
dont I ' Martyrologe romain n'a pas conservé
les noms. L'Église vénère leur sainte et glo-
rieuse ménioiie le 10 juin.
ARÉTAS (saint), martyr, cueiljit la palme
du martyre à Rome avec cinq cent quatre
139
Àra
ARl
i4Q
de ses compagnons, dont le Martyrologe ro-
main ne donne malheureusement pas les
glorieux nomà. On ignore môme la date et
les circonstances de leur martyre. L'Eglise
fait leur fôte le 1" octobre.
ARÈTAS (saint), martyr, répandit son
sang à Nagran, dans le pays des Horaérires,
avec trois cent quarante de ses compagnons,
du temps de l'empereur Justin, sous un ty-
ran juif nommé Dunaan. Après eux, on livra
aux tlammes une femme chrétienne dont le
fils, âgé de cinq ans et qui confessait Jésus-
Christ en bégayant, n'ayant pu être retenu
ni par caresses ni par menaces, se précipita
lui-même dans le brasier où sa mère était
consumée. L'Eglise fa:t la fête de l'illustre
Arétas lo 2i octobre.
AREZZO, ville de la Toscane, où, sous
l'empire de Dèce, le président Tiburce fit
mettre h mort pour la foi les deux jeunes
frères Laurentin et Per^entin. Au commen-
cement du règne de Julien l'Apostat, le pré-
fet impérial Quadratien y lit décapiter le
saint évêque Donat ainsi qu'un moine
nommé Hilarin La ville a les reliques du
premier; celles du second sont à Ostie, où
on les a transférées.
ARGENTON, ville de France, qui fut té-
moin de la décapitation des saints Marcel et
Anastase; ce dernier était homme de guerre.
ARGIMIR (saint), martyr, était moine à
Cordoue. Il y fut martyrisé pour la foi de
lésus-Christ , durant la persécution des
Arabes. Le Martyrologe romain ne précise
point l'année et ne donne aucun détail sur
son martyre. L'Eglise célèbre la fête de ce
saint martyr le 28 juin.
ARIADNÉ (sainte), illustra par son mar-
tyre la Phrygie, sous l'empire et durant la
persécution d'Adrien. On ne sait rien de
précis sur le genre de supplice qui termina
la vie de sainte Ariadné, non plus que sur
sa date réelle. L'Eglise fait sa fête le 17 sep-
tembre.
ARIEN (saint), martyr, périt pour la foi
de Jésus-Christ. Il fut noyé dans la mer avec
saint ïhéolique. On prétend que les dau-
phins rapportèrent leur corps sur le rivage.
On ignore la date de leur martyre. L'E-
glise célèbre leur sainte mémoire le 8 mars.
ARIEN, était gouverneur en Thébaide. 11
donna la couronne du mart.)re à saint ïi-
molhée et à son épouse, sainte Maure.
ARIENS, hérétiques qui niaient l'unité et
la consubstantialité des trois personnes de la
sainte Triîiilé ( t la divinité de Jésus-Christ,
soutenant ([uc le Verbe était une simple créa-
ture, tirée du néant et sujette au péché. Les
ariens furent de violents persécuteurs de l'E-
glise. C'est à ce titrequ'ils trouvent placedans
cet ouvrage. Nous nenous bornerons pourtant
pas à narrer la guerre qu'ils ont faite à l'É-
ghse catholique, l'articie que nous faisons
ser.iit trop ecourté, nous devons les faire
co'iri.'iiire. Nous traiteions succinctement ce
<pii coni;(;riie leur héiésie, et nous nous éten-
druns laigernent sur ce qui concerne leurs
persécutions. Les ariens tirent leur nom du
cheid(; leur hérésie, qui se oommait Arius.
Il était né en Lybîe, ou à Alexandrie, s'il
faut en croire Constantin, qui , voulant le
renvoyer en cette ville, lui promet de le
renvoyer en son pays. Cependant n'esl-il pas
permis de croire que, par ce mot parjs, Con-
stantin entendait l'Afrique, et non pas seu-
lement la ville d'Alexan'drie? Arius était
instruit et habile en discussion. Il était élo-
quent et avait l'abord prévenant. On voyait
en lui toutes les apparences de la vertu,
prétexte dont il couvrait son ambition et son
goût démesuré pour la nouveauté. Il com-
posait son extérieur avec un art admirable ;
cependant l'observateur voyait, sous son air
abattu et austère, la mélancolie et les pas-
sions haineuses qui l'animaient. 11 était d'un
caractère dominant , et voulait absolument
commander. « Tout le monde ne voit-il pas,
dit Constantin, quels cris lui fait jeter la
blessure qu'il a reçue du démon? Le venin
de ce serpent qui remplit ses veines lui
cause d'elfroyables convulsions. Son corps
sans vigueur et sans force, son visage pâle,
hâve, sec , décharné jusqu'à faire horreur,
abattu de chagrins et d'inquiétudes, font voir
la maladie qui le tourmente au dedans; sa
voix éteinte et à demi morte, ses cheveux
épais, mal peignés et sales, ce mélange af-
freux que font en lui, depuis longtemps, la
vanité, la rage et la fureur, le rendent tout
farouche et tout sauvage, et le font moins
ressembler à un homme qu'à une bête. »
Outre son humeur noire et mélancolique,
il se rendit esclave de la vaine gloire, de
l'ambition et de l'envie. Il se laissa empor-
ter à une passion furieuse de vouloir com-
mander aux autres et de posséder les pre-
mières dignités de l'Eglise, et ce désir de
s'élever au-dessus des autres , qui passe
souvent dans le monde pour une vertu, fut
ce qui le rendit hérésiarque. On le taxe
aussi assez ouvertement d'avarice. (Till., vol.
VI, 240.)
Ayant quitté le schisme des méléciens,
dans lequel il était engagé, il fut ordonné
diacre par saint Pierre d'Alexandrie, qui
bientôt le chassa de l'Eglise, parce qu'il le
blâmait d'excommunier les })artisaiis de Mé-
lèce. Achillas, successeur de saint Pierre,
reçut en grâce Arius qui vint lui demander
pardon, lui permit d'exercer ses fonctions de
diacre, et enfin l'admit à la prêtrise. 11 pa-
raît qu'il fut curé à Alexandrie, dans la pa-
roisse nommée Bancale. Arius avait de bonne
heure commencé à répandre sa doctrine en
particulier et dans les conversations privées;
le mal demeura longtem[)s caché , mais ,
quand il eut beaucoup étendu le nombre de
ses partisans, il se crut assez fort pour prê-
cher publiquement ses principes. Saint
Ah'xandre avait alors réuni son clergé, et
avait excomnmnié Arius ainsi que plusieurs
de ses sectateurs. Voici les noms des princi-
paux : Achillas, Aïthale , Carpone, Sarmate,
et un autre Arius, tous j)iêties ; Euzoïus,
Luce, Julien, Mène, Heilade, Caïus, diacres.
Les deux évêques Second et Théonas, qui
suivaient les mêmes erreurs, furent comj)ris
dans la méuio excomtQunicatitjn. Secoa4
Ml
▲RI
ARl
SU
était évêque de Ptoléraaide, Théonas l'était
de Mamiorique en Libye. 11 y eut encore
d'autres |)ersonnes excommuniées. Saint
Athaiiaso marque Sisinne, Jule, Marc, Am-
mon, Irénée, Zozime, Sérapion, cpii |)lus
tard furent presque tous placés par les
ariens. A ces excommuniés il faut joindre
une grande quantité de siujples lidèles, qui
partageaient les mêmes erreurs. Saint Epi-
pliane dit que, dans ces commencements ,
Arius eut avec lui jusqu'à sept cents vierges,
l'el fut le noyau des ariens. Bientôt Ursaco
et Valens se joignirent h eux, ainsi que Mé-
lèce, évoque de Lycopolis. Après cela, Arius
se retira en Palestine , où il travailla à sur-
prendre la foi des évoques. 11 en surprit
quelques-uns ; d'autres le repoussèrent tou-
jours. Eusèbe de Gésarée, Théodole de Lao-
dicée, Paulin de Tyr, Athanase d'Anazarbe,
Grégoire de Béryte, Aëce de Diospolis, em-
brassèrent ses cloctrines hérétiques. 11 faut
en ajouterplusieurs autres, qui se déclarèrent
depuis : Patropliile de Scythopolis, Narcisse
de Néroniade, Ménophante d'Ephèse, ïhéo-
gnis de Nicée, Maris de Chalcédoine et Eusèbe
de Nicomédie. Ce dernier est le plus célèbre
de tous, et celui de tous les ariens qui fit le
plus de mal à l'Eglise. Il était d'abord évê-
que de Beryte. Selon les règles de ce temps-
là, il était défendu à un évêque de quitter
son siège pour un autre. Eusèbe n'en tint
compte, et passa au siège de Nicomédie.
Cette ville était, depuis Dioclétien, la capi-
tale de l'empire d'Orient, et son évêque, de-
puis la conversion de Constantin, était un
des personnages les plus importants de l'em-
pire. Ces considérations n'avaient pas échappé
à Eusèbe. Constantin, parlant de l'élévation
d'Eusèbe à cet évêché, dit que l'Eglise de
Nicomédie n'avait pas eu la liberté de se
choisir un prélat digne de cette charge, à
cause que ceux qui y étaient alors firent de
grands efforts pour y porter Eusèbe , dont
l'impudence troubla l'ordre et les règles si
équitables des canons. Ce terme, ceux qui
étaient alors , ne peut guère marquer que
ceux qui dominaient, c'est-à-dire Licinius.
Et en effet, Constantin accuse Eusèbe, au
même endroit, de s'être absolument attaché
k ce prince, jusqu'à avoir été la principale
cause de la guerre qu'il lui avait faite, ou au
moins de l'avoir servi contre lui, durant le
plus grand feu de la guerre, d'une manière
qui ne convenait nullement à un évêque. Il
se plaint qu'il envoyait des espions contre
lui, et qu'il rendait à Licinius toutes sortes
de services, presque jusqu'à .porter les ar-
mes pour le défendre; et il assure que tout
cela était très-bien justifié par ses prêtres et
ses diacres que l'on avait pris, et qui avaient
peut-être servi eux-mêmes d'espions à Lici-
nius, sous prétexte de venir ménager quel-
aue traité. Il ajoute qu'Eusèbe était complice
es cruautés du tyran Licinius, même de la
persécution qu'il avait faite aux chrétiens,
et du sang des plus saints évêques. Le crédit
qu'il avait à la cour venait, comme quelques-
uns croient , de ce qu'il possédait la faveur
de Gonstancie , femme de Licinius el, sœur
de Constantin ; et il est assez probable que
ce fut par son moyen qu'il monta à l'évêché
de Nicomédie. Au moins, l'on ne voit point
que la ruine de Licinius ni le changement
de l'empire aient diminué son autorité. L'on
voit de plus que Gonstancie avait de l'incli-
nation |)0ur l'arianisme, quoicfu'on en rap-
porte d'autres causes; et môme saint Jérôme
dit qu'Arius, pour tromper le monde, avait
d'abord trompé la sœur du [)rince. Eusèbe
pouvait même être son parent, car il l'était
de Julien l'Apostat, quoique de loin. On
verra dans la suite qu'il ne s'arrêta pas en-
core à Nicomédie, et qu'il passa de là à
Constantinople, lorsque cette ville fut deve-
nue la capitale de tout l'empire d'Orient; et
quoique ces changements fissent horreur à
ceux qui avaient quelque respect pour les
canons, la flatterie n'a pas laissé d'y faire
trouver à Eusèbe de Gésarée une matière de
le louer.
Outre le crédit qu'il avait auprès des puis-
sances du siècle et l'avantage de son siège,
il avait encore celui de l'éloquence. On ne
peut douter aussi qu'il n'eût bien de l'esprit
pour intriguer et pour cabaler. Philastorge
ne trouve personne entre les ariens dont la
vie lui parût plus digne de ses éloges, et il
lui attribue même dos miracles. Mais sa
force était dans ses liaisons avec la cour; et
c'est là ce qui faisait que beaucoup d'évê-
ques suivaient aisément ses sentiments.
C'est donc sans doute aussi par .là qu'il a
mérité que ceux de sa faction le qualifias-
sent de grand évêque.
Après tant de crimes dont il s'était rendu
coupable, il ne faut pas s'étonner qu il soi»
tombé dans l'hérésie, puisque la corrup-
tion de la doctrine et de la foi est assez sou-
vent une punition du dérèglement de la dis-
cipline et des mœurs; l'indulgence même de
l'Eglise, qui ne le punit point d'avoir passé,
contre ses lois, de Béryte à Nicomédie . lui
fit croire qu'il en était le maître et l'arb'tre,
et qu'il pouvait sans crainte se rendre le
prolecteur de la révolte d'Arius. Il y fut
porté sans doute par l'ancienne union qu'ils
avaient ensemble ; car on voit par um- let-
tre écrite vers ce temps-ci qu'ils avaient une
liaison particulière et qu'ils étaient déjà
dans les mêmes sentiments. Us avaient as-
sez vraisemblablement été compagnons dans
l'école de saint Lucien d'Antioche, puisque
Arius appelle Eusèbe un véritable collucia-
niste. Et saint Epiphane témoigne que le
vieil Eusèbe de Nicomédie (il le qualifie
ainsi) avait vécu assez longtemps avec saint
Lucien. Les ariens se vantaient même que
ce saint avait eu pour disciples, non-seule-
ment cet Eusèbe, mais encore les autres
principaux auteurs de leur secte, comme
M.iris de Chalcédoine, Théognis de Nicée,
Ménophante d'Ephèse, Athanase d'Anazarbe,
Eudoxe de Germanicie, Léonce d'Antioche,
Antoine de Tarse et le célèbre sophiste As-
tère. C'est apparemment ce qui a fait soup-
çonner la foi de ce saint martyr. Quelques-
uns prétendent qu'il retira tous ceux que
nous venons de nommer, du crime de l'a--
245
AKI
ÂRI
SU
postasie où ils s'étawnt engagés durant la
persécution; et Philastorge , de qui cela
vient originairement, donne quelque limido
le croire ; mais, assurt^uent, il ne l'a voulu
dire que d'Astère, qui, à cau&e de cela, ne
put jamais être élevé à Tépiscopat par les
eusébiens mêmes, et d'un Alexandre quon
ne voit point non plus avoir été évè(pae. Il
semble même qu'Eusèbe fut plutôt le maître
que le disciple de l'impiété d'Arius , car
saint Alexandre, parlant des lettres que cet
évêque écrivit en laveur d'Arius, dit qu'il ne
prétendait pas tant détendre Arius que se dé-
fendre lui-même, puisqu'il ne faisait que
renouveler par Arius ses anciennes impiétés,
dont le temps avait aboli le souvenir. C'est
donc pour ce snjet que, selon saint Alha-
nase, les ariens ou Arius môme suivaient
Eusèbe comme leur maître, lorsqu'ils met-
taient le Fds au nombre des créatures. Eu-
sèbe est néanmoins aussi appelé le disciple
de l'impiété d'Arius, parce que c'était ce
prêtre qui avait commencé à la rendre célè-
bre, et à exciter le trouble dans l'Eglise.
Mais, sans disputer trop qui mérite l'hon-
neur d'une si funeste hérésie, il est certain
que l'un et l'autre ne craignaient pas de pu-
blier, tant de houche que par écrit, les plus
horribles blasphèmes. Eusèbe avait néan-
moins abandonné à Arius le soin de prêcher
ouvertement son hérésie, et s'était réservé
celui de la soutenir par son crédit.
L'unioîi si particulière que ces deux ser-
pents, comme les appelle saint Athanase,
avaient entre eux, paraît tout à fait dans une
lettre qu'Arius écrivit à Eusèbe avant que
de l'aller trouver et aussitôt après sa sortie
d'Alexandrie, dont il lui mande la nouvelle.
Cette lettre est ranportée tout entière par
saint Epiphaiie et'[)ar Théodoret. On voit
dès l'inscription son esprit de tlatterie, par
les titres de lionnne de Dieu et de défen-
seur de la vérité qu'il donne à Eusèbe, et
son endurcissement [)lein de vanité lorsqu'il
se qualifie un liomme injustement persécuté
par le pape Alexandre pour la cause de l:i vé-
rité toute-puissante. Il continue dans sa let-
tre à se plaindre de ce ([ue cet évêque le
poursuivait sans relAche , (ju'd em[)loyait
contre lui toutes sortes de machines, ju-^-
quà le faire chasser de la ville comme un
impie et un athée. 11 fait ensuite une |)etite
exposition de la foi de ce saint prélat, h la-
quelle il o|)pose en un mol son blasphème.
— H ajoute que tous les évoques d'Orient,
hors trois, suivaient ses sentiments, et
avaient été analhérnatisés pour ce sujet , ce
qui est une calotrnii(! visibl(î. (ilnr, (pM'Ifjucs
plaintes que fassf! saint Alexan Ire contre les
évoques qui favorisaient Arius, jamais il ne
parle d'anathènu,', et, au contraire, il renvoie?
positivemrnil au jugement de l'h^glise ceux
d'enlie eux cpii étaient les plus coupables.
Il dépeint Eusèbt; coirune nn honunc (pii
mérit;iil toutes les foudres de l'Kglisc!; mais
il se conlfîiile de demander (lu'on n'nil point '
d'égard a tout r.c. (|u il poiui-a dire ou écrire,
f;l il ne le m(;l jiouil parmi cimix co lire qui
l'on avait prononcé raualhômc. Mais parce
que cet anathème tombait sur tous les com-
plices de Ihérésie d'Arius, il voulait, pour
décrier- saint Aleiandi'e, que tous ceux qu'il
s'imaginait être ses partisans y fussent en-
veloppés, et cela pouvait être vrai devant
Dieu de beaucoup d'entre eux.
Ce calomniateur, dans la suite de sa let-
tre à Eusèbe, ne représente pas plus sincè-
rement la foi que la conduite de î^es adver-
saires, et il impose faussement dos hérésies
aux plus illustres défenseurs de la vérité. Il
est plus croyable dans l'obstination qu'il
fait paraître, en disant qu'il aimerait mieux
souffrir mille moris que d'écouter seule-
ment la doctrine de ces saints, qu'il api^elle
des ignorants dans notre foi, des hérétiques,
des impies. Il finit par une petite exposition
de sa croyance , où, quoicpi'il tâche de ca- ;
cher son venin, il le «lécouvre assez pour
justifier la vérité de tout ce que saint Alexan-
dre et les autres défenseurs de la consub-
stantialité en ont écrit. Il remet le reste à la
connaissance d'Eusèbe, qui assurément l'en-
tendait fort bien h demi-mot, quand on n'en
ju^^erait que par ces trois lignes que saint
Athanase nous a conservées d'une de ses
lettres à Arius. C'était vraisemblablement la
réponse à celle-ci même : « Vos sentiments
sont fort bons, leur dit, cet impie, et vous
n'avez rien à souhaiter que de les voir em-
brassés par tout le monde ; car personne
ne peut douter que ce qui a été fait n'était
pas avant qu'il fût fiut, puisqu'd faut qu'il
ait commencé h être. » (Tillemont, vol. II ,
p. 252. )
Ce fut i)rès d'Eu«èbe de Nicomédie qu A-
rius se retira, ai^'ès ([ue saint Alexandre se
fut amèrement plaint de ce que les évêques
de Palestine l'avaient reçu. Ce fut de \h qu'il
écrivit h saint Alexandre, et là aussi qu'il
comi)osa sa Thalie, cantique dans lequel il
avait renfe:mé sa doctrine. Il était fait sur
l'air et conséquemment dans la mesure des
chansons infâmes que Sotade avait autrefois
composées pour les danses et les festins. Il
en lit aussi quelques autres pour les ré-
jiau'Jire dans le bas pcnq^le. Il y en avait
pour les voyageurs, pour les mariniers, j)Our
les toiH-neurs de meule. Longtemps Eusèbe
de Nicomédie intercéda , insista auprès de
saint Alexandre [.our qu'il leçûl Arius fi sa
communion : toutes ses démai'ches furent
inutiles. Vf)yant cela, il fit rassembler deux
concil-.'S, l'un on Hiïhyuie, l'autre en Pales-
tine. Arius y fut l'egu. De là, il écrivit <\ tous
les évêques de recevoir Ai'ius en leur com-
nuinion, comme ayant des sentiments ))ar-
fail(;meul orthodoxes. Ces lettres eurent un
trè.s-f;\(heux ell'et, et détachèrent de la foi
un grand nombre d'évêiiues. Sur ces entre-
faites, ut) nonuué Ceorge, prêtre d'Alexan-
diie, voulut se postT comme médiateui- entre
son évê(|U(! cl les ariens. Il écrivit donc aux
uns et aux autres; mais les erreurs qu'il ren-
ferma dans ses lettres, la façon dont il ex-
cusait Arius, lui valurent, non moins que le
scandali! (i(î sa conduite, (pii était tiès-dé-
baucliée, une excommunication de la part
de saint Alexandre. Déposé à Aloxaudrio, ii
i45
ARI
ARl
i46
voulut so l'niro recevoir d;ins le clergé d'An-
tioclie; mais s.iiiit Etisf.Ttlie le repoussa. Il
se retira h ArétiuiSiMU Syrie, où il fut reru,
ouis(iU(> C(»nslatilin, le pioposant plus tard
.onuu(> (WcVjue d'Aiitioclie, l'appelle [irOtre
d'Arétlmse. Dans ce iiu^'uic temps, le f^rand
Osius, étant venu ii Alexa'ulrie, y litiL un
concile dans lecjuel Arius fut e\cunnuunié.
Ce prôlre écrivit h ('oiislauiin , pour s'en
plaindre, une lettre dans la([uellc cet empt;-
reur découvrit l'impiété qui animait cet hé-
résiarque. 11 prit la plume pour le réfuter.
11 le lit d'une manière tellement savante,
qu'il fut 50up(,'0nué d'avoir été aidé par le
grand Osius. A la suite de cela, Arius vint
trouver Conslantin, (]ui lui avait écrit de
venir lui rendre com[ile de sa loi. Arius le
\\\ en des termes tellement an»bigus, qu'il était
inqiossible d'y découvrir l'hérésie de laquelle
on l'accusait. Mais bientôt afirès il se dévoila,
et l'empereur, voyant ([uil était impossible
de le ramener h bien, convoqua le concile
œcuménique de Nicéc. C'est ce qu'il avait de
mieux à faire, ce qu'il aurait dû faire tout
d'abord. Et, ici, qu'on nous permette quel-
ques réflexions.
Pendant les trois siècles qui viennent de
s'écouler, siècles pendant lesquels nous
avons vu l'Eglise littéralement sous la ha-
che des bourreaux, les |)rinces qui se succé-
dèrent ne cessèrent presque pas d'être per-
sécuteurs. Lorscjue vint Constantin, et qu'il
se fut converti à la religion chrétienne, il se
fit une réaction extrême eu sens opposé. 11
devint le protecteur de la religion qu'il ve-
nait d'embrasser. Or, nous voyons là un
mal, un mal véiitable. L'Eglise ne doit vou-
loir de la protection de personne. Ce qu'd
lui faut, c'est l.\ liberté, l'indépendance. Si
ses persécuteurs l'ont frappée à coups de
hache, ses protecteurs ont voulu l'enchaî-
ner. Jésus-Christ a institué pour l'Eglise des
évêques, des docteurs, c'est à eux de la gou-
verner. Les princes de la terre, eux, sont
institués pour gouverner leurs états. A chacun
son rôlj et ses fonctions. Constantin et ses
successeurs furent beaucoup trop prompts
h se mêler des affaires de l'Eglise. Sous pré-
texte de la protéger, ils citent devant eux
les prêtres et les évêques pour' qu'ils y
vienneijt rendre compte de leur foi; ils as-
sistent aux conciles, les dirigent eux-mêmes
Ou par 1 urs représentants. On les voit dé-
poser des prélats, se faire juges des ditïé-
rends ecclésiastiijues , et usurper l'autorité
des successeu/s des apôtres. 11 y a ceriains
services qu'oii paye toujours tro|) cher. Ceux
que les princes rendent à l'Eglise sont de
ce nombre. Presque toujours elle perd en
indéjiendance ce qu'elle reçoit en protec-
tion. Ce n'est })oint aux princes porleuis du
glaive à instruire et à enseigner la vérité.
Quand ils mettent leur puissance d'un côté,
ils oppriment de l'autre, et fussent-ils du
côté de la vérité, l'opprimé a toujours le
droit d'appel, car la conscience ne relève que
d'elle-même et non pas de la force. Dans
les premiers siècles de l'Egiise oi voit un
spectacle atfligeant. L'Eglise catholique aime
et bénit les princes qui la protègent; mais
elle fait entendre à ceux qui se uKittent
contre elle du côté des héréti(iues de sévères
avertissements. Ou'est-(Ui ([ne cela |)rouve?
sinon que le pouvoir civil, (|ui n'a pas reçu
mandat de diriger les clios(!s religieuses, n'y
devrait jamais mettre la main ; et que l'o
j)ouvoir religi(!ux est loujours inqinident
quand il réclame un concours qui ouvie. la
})orte à un abus. Encore une fois, p'as de
protection : liberté |)Our tous. La vérité est
assez puissante [)Our n'avoir pas besoin d'ap-
puis étrangers.
Le concile do Nicéc anathéraatisa Arius et
ses partisans. A la suite do ce concile, Arius
fut banni en lllyrie par Constantin. La con-
damnation du concile était juste. Le bannis-
sement était de trop. Plusieurs partisans
d'Arius furent anathématisés avec lui ; mais
Eusèbe de Nicomédie et [)lusieurs autres
évêques trouvèrent moyen d'esquiver la
sentence du concile, en signant la consub-
slantialité. Ils ne changèreni pas pour cela
de sentiment, et attendirent seulement une
occasion plus favorable pour se déclarer.
« Bientôt ils firent paraître que leurs sous-
criptions n'avaieiit pas été sincères. On dit
cju'ils les effacèrent, ayant gagné celui qui
gardait les actes du concile par ordre de
l'empereur, et qu'ils entreprirent d'ensei-
gner publiquement qu'il ne faut pas croire
que le Fils soit consubstantiel au Père. Qu'Eu
sèbe, en étant accusé, dit hardiment à l'em-
pereur, en montrant l'habit qu'il i)ortait :
Si on déchirait ce manteau en ma présence, jr
ne dirais jamais que les deux pièces fussen»
de la môme substance. Il est certain que
l'empereur ayant fait venir d'Alexandrie des
ariens qui brouill dent encore, Eusèbe eJ
ïhéognis les reçurent, les mirent en sûreté
et communiquèrent avec eux. On tint donc
un concile , ils furent déposés et d'au-
tres évêques mis à leur jtlace : Amphioa
à Nicomédie et Chrestus à Nicée. Pour Eu-
sèbe et ïhéognis, l'empereur irrité les en-
voya en exil dans les Gaules, trois mois
après le concile de Nicée, et ils y demeurè-
rent trois ans.
^ « En même temps, Constantin écrivit à
l'Eglise de Nicomédie une grande lettre ,
dont la première partie est un discours de
IhJologie assez obscur sur la divinité du
Verbe, le reste est une invective véhémente
contre Eusèbe. Il l'accuse d'avoir été com-
plice de la cruauté du tyran, c'est-à-dire Li-
cinius, dans les massacres des évêques et
dans la persécution des chrétiens. Il a, dit-
il, envoyé contre moi des espions pendant
les troubles, et il ne lui manquait que di>
prendre les armes pour le tyran; j'en ai dei
preuves par les prêtres et les diacres de sa
suite que j'ai pris. Et ensuite, pendant le
concile de Nicée, avec quel empressement et
quelle impudence a-t-il soutenu, contre le
témoignage de sa conscience, l'erreur con-
vaincue de tous côtés? tantôt en m'envoyant
diverses personnes pour me parler en sa fa-
veur; tantôt eu implorant ma protection, de
peur qu'étant convaincu d'un si grand crime,
247
ARI
il ne fiU privé de sa dignité. Il m'a circon-
venu et surpris honteusement, et a fait pas-
ser toutes choses comme il a voulu. Encore
depuis peu, voyez ce qu'il a fait avec Th.'^o-
gnis. J"avai3 commandé qu'on amenAt d'A-
lexandrie quehpies déserteurs de notre foi
qui allumaient la discorde : ces bons évo-
ques , que le concile avait réservés pour
faire pénitence, non-seulement les ont reçus
et protégés, mais encore ont communiqué
avec eu\. C'est pourquoi, j'ai fait prendre
ces ingrats, je les ai envoyés au loin. Il
exhorte les peuples à qui ii écrit à s'atta-
cher à la vraie foi, et à recevoir avec joie
les évôcjucs fidèles, purs et sincères, c'est-
à-dire Amphion et Chrestus, usant de me-
naces contre ceux qui oseront encore faire
mention des séducteurs et leur donner des
louanges. L'empereur écrivit aussi à Théo-
dote de Laodicée , pour l'exhorter douce-
ment à profiler de cet exemple et à effacer
de son esprit les mauvaises impressions
qu'Eusèbe et ïhéognis pourraient lui avoir
données. » (Fleury, vol. I, p. 450.)
Quelque temps après, Alexandre d'Alexan-
drie mourut, le 17 avril 326. ( Voij. saint
Atiiaxase. ) Un peu plus tard, en 329,
Eusèbe et Théognis furent rappelés par
Constantin, dont ils surprirent la bonne foi.
On préteîid que ce fut Constancie, sœur de
Constantin, qui obtint la grâce de ces deux
évêques. Non-seulement ils revinrent d'exil,
mais encore ils furent rétablis dans leurs
sièges, et eurent autant d'autorité que ja-
mais. Quand ils virent que Constantin, qui
les avait reçus en grâce, les croyait et avait
en eux grande confiance, ils résolurent de
chasser des églises les évoques qui s'oppo-
saient à leur cabale, pour en établir qui
fussent de leur parti. Eusèbe n'osait pas
intercéder directement pour Arius ; mais,
ayant fait en sorte de faire arriver un prê-
tre arien dans les bonnes grâces de Cons-
tancie, sœur de l'empereur, il fit obtenir, par
l'intercession de ce prêtre auprès de la prin-
cesse, le rappel d'Arius. Constancie, sur le
point de mourir , recommanda très - forte-
ment ce prêtre à son frère. Constantin peu
à peu se laissa gagner et promit que, si
Arius voulait recevoir le concile, il l'admet-
trait en grâce. 11 le fit revenir d'exil pour
déclarer quelle était sa véritable croyance.
Socrale rapporte une lettre toute pleine de
bonté et d'amitié (|ue Constantin écrivit li
Arius pour le faire venir prom|)t('ment à la
cour par les voitures publiques, afin de le
j-envoy(;r ensuite en sou pays. Elle est datée
du 27 novemljrede l'an 330, .uitant que nous
en jiouvons juger par l'histoire. On voit
par cette lettre iiue Constantin lui avait en-
voyé assez longlemi)s auparavant l'ordre de
venir à la cour, et il s'étonne de ce qu'il
n'était pas encore veini. Ai-ius |)0uvait être
alors mal;id(', car nous ih; voyons pas ce qui
aurut j)u 1(3 retenir dans h; lieu de son exil
hors l'uMpossibilité d'en soitii-. lùi (slfel, So-
craU; .ijoule (pi'ayanl reçu la lelli'e de Ouis-
l.intin, il ne manqua pas de le veiiii' bientôt
iiou\er h Consiaptiuople, Cl d amena Eu-
zoïus avec lui. Constantin leur ayant de-'
mandé s'ils tenaient la foi catholique du '
concile de Nicée, ils répondirent que oui, et
comme il voulut avoir leur croyance par
écrit, ils lui présentèrent une confession de
foi rapportée par Socrate et par Sozomène,
jurant que c'était leur véritable croyance et
qu'ils ne tenaient rien autre chose.
Cette confession, que l'on compte pour le
deuxième formulaire des ariens, ne parais-
sait avoir rien que de catholique dans les
termes, mais elle cachait un sens hérétique,
étant composée de telle sorte qu'elle pou-
vait exprimer et la foi et l'hérésie, laquelle
en effet elle n'exclut i)oint du temps. Ils
avaient seulement évité d'y exprimer leurs
blasphèmes les plus grossiers, et avaient af-
fecté de n'y employer que des termes au-
torisés par l'Ecriture. Cependant Rufin as-
sure qu'elle fut cause qu'une partie des sec-
tateurs d'Arius l'abandonnèrent et ne vou-
lurent plus communiquer avec lui depuis
son rappel, soutenant qu'il fallait dire hau-
tement ou plutôt impudemment, que le Fils
n'était pas né, mais fait et formé du néant.
Ce fut le parti qu'embrassèrent depuis Aëce
et Eunome. Car l'histoire ne nous apprend
rien sur ceux qui purent se séparer d'Arius
dès ce temps-ci.
Cette confession finissait par la prière
qu' Arius et Euzoïus y faisaient à Constan-
tin, qu'ils eussent le bonheur de se voir
réunis à l'Eglise par sa piété. Constantin,
fort réjoui de les voir entrer comme il le
pensait dans la croyance de l'Eglise, consentit
sans aucune peine à ce qu'ils lui deman-
daient, et Arius, ravi de l'avoir trompé, s'en
alla à Alexandrie, prétendant y être reçu
dans l'Eglise par saint Atlianase, qui gou-
vernait cette Eglise depuis que saint Alexan-
dre était mort en 320. Mais il trouva dans ce
saint une lumière à l'épreuve de ses four-
beries et un courage invincible à tous les
efforts de sa cabale. Ainsi, il se vit réduit à
exciter dans la ville quelques troubles dont
nous n'avons pas de connaissance particu-
lière, non plus que de ce qu'il devint de-
puis, jusqu'au concile de Tyr, en l'an 335.
(Tillemont,vol. VI, p. 272.)
Ce refus que fit saint Athanase fut cause
de la persécution acharnée que lui suscita
Eusèbe de Nicornédie. « Un autre ennemi
redoutable des ariens était Eusialhe, évoque
d'Antioche, la première église après Alexan-
drie, et la troisième du monde. 11 était con-
fesseur, docte et éloquent, et combattit l'hé-
résie par plusieurs écrits. Son exactitude
l'empêcha u'admetlre dans le clergé plusieurs
personnes suspectes, dont la jilupart furent
depuis faits évêques par le crédit des ariens,
connue Etienne, Léonce l'eunucpie, et Eu-
doxe, alors évoque do (iermanie, (pii furent
tous trois évêipies d'Antioche l'un après
l'autre : (ieorgo de Laodicée; Théo los» do
'l'ripoli, et Eustalho de Sèbasie. Saint Lus-
tache d'Antioche ne se contentait pas de
conserver son église ; il envoyait dans les
auti'es des hommes (•a|)al)les d'instruire et
d'encuuragor les fidèles. 11 attaqua en parti-
U9 ARt
cnlier F.iiS(M)e do C(^sarée, et l'accusa d'avoir
altéré la confession de l'»i de Nicée ; Kusèbe
soutenait (|ii'il no s'en était point écarté,
mais qu'Kusiatlie introduisait io sabellia-
iiisnio. Car, c'était Io roprocht» ordinaire de
ceux qui n'aituaient pas le mot de coiisub-
stantiel , ils accusaient (;oux qui le rece-
vaient de favoriser les erreurs de Sabeliius,
de Montan. Ce n'est piS que Moiitan lui-
mémo eOt rien avancé contre la Trinité, mais
il y avait do ses disciples ({ui niaient ,
coiùrae Sabellius , la distinction des [)er-
sormes, et disaient que Io mémo était Père,
Fils et Saint-Esprit. Saint Kustatho n'était
pas moins déclaré contre Paulin d ■ Tyr, et
Patrophilo de Scylhopolis, qui, par lem- au-
torité, entraînaient la plupart des évéques
d'Orient.
« Les ariens ayant donc résolu de le per-
dre, Eusôbc de Nicomédie feignit un grand
désir de voir Jérusalem , et on particulier
l'église magnifique que l'empereur y faisait
Mtir. Il le tlatta si bien par ce prétexte, qu'il
Partit de Nicomédie avec grand honneur,
empereur fournissant les voilures et tous
les frais du voyage. Tliéognis de Nicée, son
confident, partit avec lui. Arrivés à Antio-
che, ils se couvrii'cnt du masque de l'amitié,
et reçurent de saint Eustathe toutes sortes
de bons traitements et touies les marques
de la charité fraternelle. Quand ils furent
arrivés aux saints lieux, ils virent ceux qui
étaient dans leurs sentiments, Eusèbe de
Césarée, PatrOf)hile de Scythopolis, Aëtius
de Lydde, Théodoie de Laodicée et les au-
tres ariens ; ils leur découvrirent leur des-
sein, et revinrent avec eux à Antioche ; car
tous ceux-ci les accompagnèrent au retour,
sous prétexte de leur faire honneur.
« Tous ces évoques, se trouvant ensemble
à Antioche, tinrent un concile où Eustathe
assista et plusieurs évêques catholiques, qui
ne savaient rien du complot. Quand on eut
fait sortir tout le monde, les arions firent
entrer une femme débauchée qu'ils avaient
apostée; et qui, montrant un enfant à la
mamelle, qu'elle nourrissait, dit qu'elle l'a-
vait eu de l'évoque Eustathe, criant avec
impudence. Eustathe demanda qu'elle pro-
duisît quelque témon : elle dit ({u'eile n'en
avait pont; mais les juges lui déférèrent le
serment. Elle jura, et dit encore à haute voix
que l'enfant était à Eustathe; et, comme s'il
eût été convaincu, il fut condamné à la plura-
lité des voix. Les évêques qui n'étaient
point du complot réclamaient ouvertement
contrôla sentence, et défendaient à Eustathe
d'y acquiescer. Ils représentaient qu'elle
était contre toutes les règles, puisque la loi
de Dieu dit expressément , que pour la
preuve il faut deux ou trois témoins; et
saint Paul défend de recevoir autrement une
accusation contre un prêtre. Toutefois Eus-
tathe demeura condamné et déposé, seule-
ment on ne publia pas la cause. On dit sour-
dement qu'il avait été chargé d'un crime
honteux, à quoi l'on joignit le reproche gé-
néral de sabellianismo.
« A la place de saint Eustathe, on voulut
AKI
250
mottro Eusèbe de Césarée, et le transférer à
Antioche. Sa réputation était grande , et
l'empereur même l'estimait. \ai concile donc
en écrivit à rcmperein-, témoignant (pj'ils dé-
siraient cette tiansl.ition, et (lue le |)eupl(i y
consentait. Mais, en elfet, il n'y en avait
((u'uno [)artie ; l'autre tenait forme pour
Eustathe, et voulait le conserver. Celt(! di-
vision du peuple vint jusrju'ci la sédition,
et pensa renverser la ville d'Antiocho ; car
tout le inonde prit parti, mémo les magis-
trats et les soldats; et ils en seraient venus
aux mains, si l'empereur n'y eût mis ordre.
Eusèbe et Théognis retournèrent prom|)te-
ment auprès de lui, laissant les autres évê-
(]ues assemblés à Antioche. Ils persuadèrent
h l'empereur qu'Eustathe était coupab e ,
non-seulement du crime dont on l'accusait,
mais d'avoir autrefois fait injure à sainte
Hélène, sa mère, et d'agir tyranniquement ;
car ils faisaient tomber sur lui la haine de
la sédition. L'empereur envoya à Antioche,
pour adoucir les esprits, un do ses i)lus fi-
dèles serviteurs qui avait la dignité de comte,
et écrivit lettres sur lettres pour les exhor-
ter à la paix. Il se fit envoyer Eustathe, qui,
avant de partir , assembla son peuple , et
l'exhorta à demeurer ferme dans la bonne
doctrine, et ces exhortations furent de grand
poids, comme la suite le fera voir. L'empe-
reur, l'ayant ouï, ne laissa pas d'ajouter foi
aux calomnies, et l'envoya en exil en Thrace ;
plusieurs prêtres et plusieurs diacres furent
bannis avec lui. On croit qu'un de ces prê-
tres bannis alors fut Paul, depuis évêque
de Constantinople, que l'empereur Constan-
tin envoya dans le Pont. Saint Eustathe crut
que le meilleur parti était de porter tran-
quillement cette persécution, et nous ne
voyons aucun effort qu'il ait fait pour se ré-
tablir. Il mourut dans son exil, et fut en-
terré à Trajanopolis, dans la Thrace. La
malheureuse femme qui l'avait accusé, étant
tombée dans une longue et fâcheuse mala-
die, déclara à plusieurs évêques toute l'im-
posture , et avoua qu'on l'avait engagée à
cette calomnie pour de l'argent; mais elle
ne croyait pas son serment entièrement
faux , parce qu'elle avait eu cet enfant d'un
ouvrier en cuivre, nommé Eustathe.
« Cependant Eusèbe de Césarée ne ju-
gea pas à propos d'accepter la translation
de son église à celle d'Antioche, so.t par
zèle de la discipline, comme l'empereur le
crut, soit par la crainte du peuple catholi-
que d'Antioche, qui ne voulait point recon-
naître d'autre évêque que saint Eustathe.
Eusèbe écrivit donc à l'empereur, et l'em-
pereur lui répondit par une lettre qu'Eusèbe
a pris grand soin de nous conserver. Cons-
tantin le loue de son attachement aux ca-
nons et à la tradition apostolique, et le fé-
licite de ce que presque tout le monde l'a
jugé digne de gouverner l'Eglise. L'empe-
reur écrivit en même temps au peuple d'An-
tioche, pour le détourner du dessein d'élire
Eusèbe. Je connais , dit-il , depuis long-
temps sa doctrine et sa modestie, et j'ap-
prouve la bonne opinion que vous en avez j
251
ÂRI
ARl
25S
mais il ne faut pas pour cela renverser ce
qui a été sagement établi, ni priver les au-
tres de ce qui leur appartient. Ce que vous
avez fait n'est pas retenir un évoque, c'est
l'enlever; il n'y a que de la violence en un
tel procédé, et point de justice; c'est un
sujet de sédition. Il les exhorte enfin à con-
server la tranquillité, puisque l'on a ôté
(l'entre eu\ ce qui pouvait causer de la cor-
ruption. Par oiJ il semble marquer la ca-
lomnie contre Eustatlie, à laquelle il avait
ajouté foi.
« Eusèbe rapporte une troisième lettre de
Pempereur ailressée à Théodote, à Théo-
dore, à Narcisse, à Aëtius, à Alphée et aux
autres évoques qui étaient à Anlioche. Si
Eusèbe deNicomédie et Théognis y eussent
encore été, il est vraisemblable qu'ils eus-
sent été nommés. Dans cette lettre, Cons-
tantin témoigne qu'il a été in'ormé de tout,
tant par les lettres des évoques que par
celles d'Acace et de Stratéi^ius. On croit
qu'Acace était le comte d'Orient, dont la ré-
sidence était à Antioche, et Stratéji,ius, au-
trement Mausonien, le comte que l'empe-
reur y avait envoyé exprès pour apaiser
cette sédition. Les lettres d'Eusèbe, dit-il,
me paraissent très-conformes aux lois de
l'Eglise ; mais il faut aussi vous dire mon
avis. J'ai appris qu'Euphronius, prêtre, ci-
toyen de Césarée enCappadoce,et George d'A-
réthuse, aussi prêtre, or.ionnés par Alexan-
dre d'Alexandrie, sont très-éprouvés pour
la foi. Vous pourrez les proposer avec les
autres que vous jugerez dignes de l'épisco-
pat, pour en décider conformément à la tra-
dition af)ostolique. Une telle proposition de
l'empereur ne [)Ouvait manquer d'être d'un
grand poids. Aussi furent-ils tous deux évo-
ques, (jeorge à Laodicée, Euphrune à An-
tioche même, mais après quelijueinlervalle;
car dabord on y mit Paulin de Tyr, qui
uiourut six mois après , et Eula'-ius lui
succéda. C'était l'an 328 ou environ. Eu-
laJius ne Jura (jue trois mois, et Euphronius
lui succéda , (|ui mourut aussi après un
an et quelques mois. Le peu de durée
de ces trois évèques fait que les histo-
riens ne les coni|)tent pas tous, ou les
placent diversement. Enfin Placillusou Flac-
cillus fut ordonné évêque d'Antioclie vers
l'an 331, et tint le siège douze ans. Tons
ces évêfjues étaient du parti des ariens, et
ce[)endant le jieuple catholique, qu'ils riom-
maient les euslathiens, tenait à part ses as-
semblées.
« Les ariens firent aussi chasser en mémo
temps deiix autres sauits évôfiues, Asclépas
de Gage et Eutrope d'Andrinople. Asclépis
fut accusé de mauvaise doctrine, elQuinlien
fut mis en sa place. Entr0;ie reprenait sou-
vent Eusèbe de Nicomédie, et conseillai l h
ceux qui passaient chez lui à An rinople de
ne pas cron-e ses discours im|)ies. Ils se s(!r-
virent ronlre lui de la passion de Basiline,
femiJH! do Jules (>)nstintins, et mère do i\--\
lien l'Apostat; car Eusebt; était paient de
celte princesse, et elle haïssait ÉutiOi/C. »
(fleury, vol. 1, p. IGl.)
Les eusébiens mirent à la place d'Eus-
tathe Paulin et Eulale consécutivement sur Je
siège d'Antioclie. Eusèbe ayant refusé le siège
d'Antioche, les ariens y mirent Eupliro-ie
et puis Placille.Onant à "la persécution qu'ils
firent endurer à saint Eutrope et à saint
Luco d'Andrinople, elle mérite d'être rap-
portée ici. Cet évêque était homme d'émi-
nente vertu et dt' grand savoir: souvent il
reprenait Eusèbe de Nicomédie, et conseil-
lait à lojs ceux (pii passaient par Andrino-
ple de ne pas se laisser persuader par ses
paroles imj)ies. Ce fut ce (|ui lui att ra la
haine d'Eusèbe, et lui valut d'êîre chassé
de son église comme Enstathe l'avait été de
la sienne. Ces faits se passèrent en 331, ou
332 au plus tard. Saint Luce, successeur de
saint Eutrope, eut le môme sort ([uo lui. En
Palestine, saint Macaire de Jérusalem eut
aussi à souifrir des ariens; miis il les obli-
gea à demeurer en rep !S, en se sé[)arant im-
médiatement de leur communion. Li'S prin-
cipaux de ceux qui le persécutèrent furent
Eusèbe de Césarée et Palrophile. « Ce fut
peu do temps après, de 333 à 335, que les
ariens tinrent à Tyr leur fameux concile,
où saint Alhanaso fut déposé. {Voy. son ar-
ticle.) Ayant gagné quelques méléciens, ils les
présentèrent à l'ompciour, renouvelant contre
Athanase des accusations vagues de crimes
énormes. Ils firent tant qu'ils le i)ortèrent à
assembler un concile, et proposèrent la
ville de Césarée en Palestine, à cause d'Eu-
sèbe, qui en était évêque, l'un des princi-
paux du parti. Saint Athanase ne voulut
jjoint s'y rendre, sachant qu'il n'y aurait
point de liberté. 11 se passa trente mois,
c'est-à-dire deux ans et demi , depuis l'an
331 , que ce concile avait été indiqué, jus(iu'à
l'an 33'i-. Enfin les eusébiens se plaignirent à
l'empereur de la désobéissance d'Athanase,
le traitant de superbe et de tyran. L'empe-
reur en fut irrité, et en prit do mauvaises
impressions contre lui. Il changea le lieu
du concile, et ordonna qu'il s'assemblerait à
Tyr. C{i fut (m l'année 335,1a trentième du
règne (i(! Constantin, sous le consulat de
Constantius et d'Albin. La cause de la con-
vocat on de ce concih^ était, liisait-on, pour
réunir ios évèques divisés, et rendre la paix
à l'Eglise, L'empereur était bien aise encore
d'assemUler un grand nombre d'évêcpies en
Palestine, pour rendre solennelle la dédicace
de l'Église de Jérusibnii, (jui était achevée;
mais les eusébiens liront en sorte (ju'il ne
manda h ce concile (ju.3 les évê(|u s qu'ils
lui m:u'(pièreiit, et (ju'il y erivoya un comte
pour les a[)puyor doson autorité, sous pré-
texte do inaint(n)ii' l'ordre et d'empêcher le
tumulte. Ce comte était Flavius Denis, nuj'a-
ravanl consulaire do Phénieie, dmit Tyr
était capitale. L'assemblée fut nombr(Mise. 11
y eut des évèques do tontes les |)arties (|(> l'E-
gy|)te, delà Libye, de l'Asie, dt' la IJythinio,
de toutes les parties de l'Orient, do la Ma-
cédoine, de la Pannonio; mais ils étaient
ari(n)s |)Our la plupart. Los plus célèbics
él li.'Mt : les deux Ensobo; Placille ou
Elaccillo d'Antioche, Théognis de Nicée ,
I
3!!;3
ÂRl
ARl
25i
Maris de Chaloédoine, Narcisse do Néro-
niado, TlK^ndorf! de Périntho ou Hénulée,
hoiiimo tirs-savani, qui ('rrivit des (ouiinon-
taiics sur rEvangile d»' s.iiiil iMatlhicu et do
saiiit Jean, sur saint l*aul et sur les i)sau-
/ncs; sou stylo était c\n\v et ('-lé^^ant, ot il
s'adai-hait au sens luslori(|ue; Patrophiic de
Scvthopolis, ThoO[)hilo, Ursaoo do Siir^idou,
*^t Valons de Murse, deux villes de Panuo-
nio; ces deux évAiiues étaient des preiuiers
disciples d'Arius ; Macédonius dis Mo})-
suoste, Georges de Laodicée.»'Fleury, vol.l,
p. 407.)
A co connilo il se trouva bien quelques
évêques catholiques; mais i'iliniuionl moins
nombreux que les ariens, et d'ailleurs la
condamnation était déciclée d'avance. Le
saint [)atriarche Athanas(î eut beau démon-
trer la fausseté, l'absurdité des aeeusi lions
dirigées co'ilre lui, il fut C()r*<lamné. [Voi/.
son article.) On le déposa. A peine ce con-
cile était-il terminé, que les évoques reçu-
rent do Constantin l'invitation de se rendre
h Jérusalem pour la dédicace de l'église
qu'il y faisait construire. Avec les facilités
de voyage qu'il leur fournit, le plus grand
nombre de ceux cjui étaient au concile, et
une intinité d'autres s'y rendirent. « Arius
y vint avec une lettre de l'empereur, et
une confession de foi qu'il lui avait pré-
sentée; car l'empereur l'avait invité plu-
sieurs fois à le venir trouver, espérant (ju'il
se repentirait sincèrement de ses erreurs, et
voulant le renvoyer à Alexandrie. 11 vint en-
fin à Constantinople avec le diacre Euzoius,
que saint Alexandre d'Alexandrie avait
déposé avec lui; et ils présentèrent à l'em-
pereur un écrit en ces termes : A Constan-
tin, notre maître très-pieux et très-chéri
de Dieu, Arius et Euzoius. Suivant vos or-
dre-, seigneur, nous vous ex|)OSons notre
foi, et nous déclarons par écrit, devant
Dieu, que nous, et ceux qui sont avec
î.'OwS, croyons comme il s'ensuit ; c'est à sa-
voir en un seul Dieu, père tout-puissant,
et en Notre-Seigneur Jésus-Christ, son fils,
produit de L.i avant tous les siècles. Dieu-
verbe, par qui tout a été fait au ciel et sur
la terre. Qui est descendu, s'est incarné, a
soutfert, est ressusciîé et monté aux cieux,
et doit encore venir juger les vivants et les
morts. Et au Saint-Esprit. Nous croyons la
résurrection de la chair, la vie éternelle, le
royaume des cieux ; et en une seule Eglise
catho ique do D.eu, étendue d'une cxtrém té
à l'autre. C'est la foi que nous avons prise
dans les siints Evangiles, oh le Seigneur
dit à ses diciples : Allez, instruisez toutes
les nations, et les baptisez au nom du Père,
et du Fils, et du Saint-Esprit. Si nous ne
croyons pas ainsi, et ne recevons pas véri-
tablement le Père, le Fils, et le Saint-Esprit,
comme toute l'Eglise catholique, et comme
l'enseignent les Ecritures, que nous croyons
en toutes choses, Dieu est notre juge, et
maintenant, et au jugement futur. C'est
pourquoi nous vous su'.'plions, très-pieux
emp rour, puisque nous sommes enfants de
l'Eglise, et que nous tenons la foi de l'Eglise
et des saintes Ecritures, que vous nous fas
sio réunir à l'Kglist! notre mère, en retran-
chant toutes les (pusslions vi les pai'olos su-
|)(M'llu(!s, alin qu'étant (ni [taix avec l'Eglise,
nous puissions tous ensembh; faire les priè-
res accoutumées pour la prospérité do votre
empire et de voire famille. » (EJourv vol. I,
p. W.'J.)
Constantin avait été satisfait de cette pro-
fession de foi, ne faisant pas atl(;nlion que le
mot consubstanticl n'y était pas , mais qu'il
y était au contraire rejeté sous le nom géné-
ral de paroles superflues, cl que la prêtent ioiî
de croire selon les Ecritures était colle de
laisser h chacun le droit de les interpréter
à sa façon, sans s'inquiéter des décis ons de
l'Eglise' à cet égard. Croyant donc Arius et
Eii/oius revenus h la foi de Nicée, il les en-
voya au concile do Jérusalem, invitant ce con-
cile à les recevoir, s'il les trouvait ortho-
doxes ou calomniés par envie. C'était ce que
les évoques du parti d'Arius attendaient;
aussi ne se firent-ils pas faute de recevoir
Arius, Euzoius et tous ceux que la sentence
de Nicée avait exclus du sein do l'Eglise. Ils
écrivirent une lettre synodale, adressée à
l'Eglise d'Alexandrie, aux évoques d Egypte,
do la Libye, de la Thébaïde, do la Pontapole,
et généralement à l'Eglise tout entière. Ils
invitaient les évoques et tous les chrétiens à
recevoir Arius et les siens dans leur commu-
nion, prétendant que do l'exposition do leur
foi il résultait qu'ils ne s'étaient pas éloignés
de la doctrine orthodoxe, et avaient gardé
les croyances et les traditions apostoliques.
Saint Àthanase s'était rendu à Constantino-
ple, pour s'y plaindre à l'empereur de l'in-
justice commise à son égard au concile de
Tyr, et des indignes traitements dont il y avait
été l'objet.
Constantin manda à tous ceux qui avaient
élé du concile de Tyr de le venir trouver à
Constantinople, pour répondre aux plaintes
que saint Athanase faisait contre eux. Comme
ils se croyaient les maîtres do tout, ils jugè-
rent plus à propos de persuader aux autres
évoques de s'en retourner dans leurs diocèses,
et s'en allèrent eux seuls à Constantinople,
c'est-h-dire les deux Eusèbe, Théogiis, Ma-
ris, Patrophile, Ursace et Valons. Quand ils
y furent, ils chorclièront de nouvelles < a-
lomnies, et, sans songer à Isquyros ni à Ar-
sène, ils prétendirent que .^aint Alhnnase
avait menacé d'empocher qu'on apportât do
l'Egypte du blé à Constantinople. Leur heure
était venue, et Dieu, irrité contre eux, leur
accorda ce qu'ils souhaitaient depuis si long-
temps. Constantin, par une faiblesse inconce-
vable, crut des calomniateurs de profession,
condamna l'innocent et relégua dans Jos
Gaules le grand Athanase. Voilà comment
se termina l'année 335, qu'on peut dire avoir
été pour l'Eglise une année d'humiliation et
d'affliction.
Les eusébiens n'étaient pas encore con-
tents d'avoir fait bannir saint Athanase; ils
voulaient mettre à sa place un loup capable
255
AAI
ARI
S56
de dissiper le troupeau de Jésus-Christ. Ils
en avaient déjà un tout trouvé, mais Dieu
voulut épargner ce surcroît de douleur à ses
serviteurs, et Constantin ne put soutlVir qu'on
lui en parlât. Les eu-<ébiens s'en conso-
lèrent en se vengeant d'un autre de leurs
ennemis, savoir de M;ircel, évoque d'xVncyre,
qui s'était toujours opposé à eux avec une
axtrôme vigueur, et qui avait parlé avec
beaucoup de force contre les deux Eusèbe
iais un ouvrage qu'il avait composé depuis
peu. Les eusébiens crurent trouver dans cet
ouvrage que Marcel soutenait tellement con-
tre eux l'unité de la nature divine, qu'il
niait même la distinction des personnes. Et
il est certain qu'il y a eu lieu de soupçon-
ner aumoinsMarcel de cette erreuret dequel-
ques autres ; mais les saints les plus éclai-
rés ont soutenu qu'on ne l'en pouvait pas
condamner avec justice sur son livre. Les eu-
sébiens, qui haïssaient sa personne, n'exami-
nèrent pas son livre avec tant de soin. Ils
cô^i-damnèrent et le livre et l'auteur, dépo-
sèrent Marcel dans un grand concile qu'ils
tinrent en partie sur cela, l'anathémalisèrent,
le firent bannir et mirent en sa place Basile
ou Basilas, qui avait la réputation d'être un
homme éloquent et fort capable d'instruire.
C'est lui apparemment qu'Eunome appelait
Basile du Pont-Euxin , parce qu'il pouvait
être né sur les côtes de cette mer. Nous au-
rons souvent sujet de parler de lui dans la
suitede ce discours. Les eusébiens, pour con-
damner Marcel, assemblèrent à Constantino-
ple un grand concile composé de diverses
provinces de l'Orient, du Pont, de la Cappa-
doce, de l'Asie, de la Phrygie, de la Bithy-
nie et encore de la Thrace et des pays plus
occidentaux. Il semble que Protogène de Sar-
dique (dans la Dacie) et l'évoque "de Syracuse
en Sicile, s'y soient trouvés. 11 paraît qu'Eu-
sèbe de Césarée n'y manqua pas, et nous
avons vu qu'il était venu à Constantinople à
la fin de 335, avec celui de Nicomédie, Tnéo-
gnis, Patrophile, Ursace et Valens, tous chefs
du parti des ariens. Aussi l'histoire remar-
que que le concile dont nous {tarions fut
composé principalement d:v'S sectateurs d'Eu-
sèbe et d'Arius. Il y a lieu de croire que
Piacille d'Antioche y assistai, comme nous le
voyons autre part, et par conséquent qu'il y
présida. Butin dit ex[)ressément que Cons-
tantin convoqua ce concile par ses édits. Ce-
pendant Sozomène semble dire que les eu-
sébiens se rendirent d'eux-mêmes à Cons-
tantinople, sans aucune convocation publi-
que, [)Our y exécuter h.nirs entreprises, ou
plutôt qu'ils y accoururent. Saint Alexandi-e,
qui était alors évoque de Constantinople et
un dél<;nseur intrépide de la vérité, s'aper-
çut d(! leiJis mauvais d('ss(nns et Ht ce (pi'il
put, mais iniUilcinent, |)Oui' eiii|)è(:hei' cette
assemblée ou la dissiper. Klh; ih; se tenait
pas, on «îllet, simpl(!mentj)Our examiner l'af-
iaire di; Marcel d'Ari(yr(,'. Les eiiséjjiens vou-
laient cnlrcpjciidi'e, coinnu; nous avons dit,
d'y ruiner la foi d(î Nicéc. Mais Iciu- princi-
|>al(; viu; était de conliriner et; (pTils avaietit
iail ù Jérusalem, et de fuiro rocovoir Arius
dans la communion de l'Eglise. Ce dessein
était cependant bien opposé à celui de Dieu,
et nous allons voir Arius, non pas reçu dans
l'Eglise pour lui insulter, mais banni de
l'Ejlise et du monde par une mort infâme et
digne de lui. Après avoir été reçu si facile-
ment par ses fauteurs dans le concile de Je
rusalem, il s'en était allé à Alexandrie avec
ses disciples, pensant y trouver la même
facilité. Mais on y connaissait trop ses four-
beries pour s'y laisser prendre, et on ne vou-
lut point le recevoir à la communion de
l'Eglise. Ainsi, il n'y fit autre chose que du
trouble, par la douleur que le peuple avait
tant de son retour et de celui de ses disciples
que du bannissement de leur évêque. Il sem-
ble même que les autres Eglises aient refusé
positivement, aussi bien que celle d'Alexan-
drie, de recevoir les ariens, et n'aient eu au-
cun égard à ce qu'avait fait pour eux le con-
cile de Jérusalem. On sait avec quelle hor-
reur et quelle exécration le pape Jules parle
de cette réception ; et le concile d'Alexandrie
remercie tous les évoques d'avoir souvent
écrit pour anathématiser ces hérétiques et de
ne les avoir jamais admis dans l'Eglise. On a
toujours parlé de l'évêque Second, de Piste
et d'Euzoïus, avec la même horreur que s'ils
n'eussent jamais été relevés de l'anathème
prononcé contre eux par saint Alexandre et
par le concile de Nicée. On a fait un crime
aux eusébiens du commerce et de la commu-
nion qu'ils avaient avec les ariens d'Alexan-
drie, anathématisés par toute l'Eglise catho-
lique. Le pape Jules n'a pusoutfrir que Gré-
goire lui eût député Carpone et quelques
autres déposés par saint Alexandre à cause
de l'arianisme.
Constantin ayant été averti des troubles
qu'A rius causait dans Alexandrie, lui ordon-
na de venir à Constantinople pour rendre
raison de ce trouble qu'il avait excité, el en-
core de ce que l'on disait qu'il était retombé
dans son hérésie. Les eusébiens ne s'oppo
seront nullement à cet ordre, se voyant assez
maîtres de l'esprit de Constantin pour n'en
rien appréhender. Et ils crurent même que
ce leur serait une occasion favorable de
faire recevoir Arius dans l'Eglise à la vue de
tout l'empire. Ainsi il ne faut pas s'étonner
si l'on dit que c'étaient eux-mêmes qui
avaient sollicité cet ordre, voyant que c'était
inutilement (ju'il restait à Alexandrie, et
qu'au contraire saint Alexandre s'y opposa
tant (ju'il put.
Arius vint donc h Constantinople. On ne
dit point si le concile dont nous avons parlé
lit quchiue nouveau décret en sa laveur,
comme cela est fort à présumer. Mais ce
qu'on sait, c'est que ses partisans, Eusèbe
de Nicoméiiie et les autres, tâchèrent d'obte-
nir (le saint vVlexandrc par |)rièi'es et par do
fausses raisons (pi'il l'achuît <» la communion
ecclésiaNti(pie ; et ne pouvant l(> gagner, ils
1(! uKinacèrent qu(>, s'il ne le recevait <lans un
certain jour, ils le déposeiaiciit lui-même
comnie les autres, v.i incltraient un iKjnuno
en sa i)I;ice (pii nci serait pas si dil'ticile (juo
lui. Alexandre uul leouar^ au jeûne et à la
S57
ARI
ARI
258
prière avee saint Jacques de Nisibe, qui se
rencontra alors clans la ville, et le peuple, ani-
mé |)ar leur exemple et nar leurs exliorla-
tions, lit la môme ciiose durant sept jours.
Ce|)endant Constantin voulant s'assurer
par lui-môme si Arius tenait ellectivement
la vraie foi, comme on le lui voulait faire
croire, il le tit venir au palais et lui demanda
s'il suivait la foi de Nicée et de l'Eglise catho-
lique. Ce misérable l'assura par serment qu'il
était dans la véritable foi, et Constantin lui
en demandant une profession par écrit, il la
lui donna aussitôt. Mais ce fourbe y suppri-
mait les paroles impies qui l'avaient fait
chasser de l'Eglise, et couvrait son venin sous
la simplicité des paroles de l'Ecriture. Cons-
tantin lui demanda s'il n'avait point d'autre
croyance que celle-là, ajoutant que, s'il par-
lait sincèrement, il ne devait pas craindre
d'en prendre la vérité à témoin, mais que
s'il faisait un faux serment. Dieu môme se-
rait le vengeur de son parjure. Il ne crai-
gnit point une si terrible menace, et jura
qu'il n'avait jamais ni dit ni cru autre chose
que ce gui était écrit dans son papier, et qu'il
n'avait jamais tenu les choses pour lesquelles
il avait été condamné à Alexandrie. L'empe-
reur ie laissa aller sur cela, en lui répétant
que si sa foi était orthodoxe, il avait bien
fait de jurer, mais que, si elle était impie, le
Dieu qui est dans le ciel serait son juge.
Saint Athanase ne dit point quelle était cette
profession de foi. Socrate, qui dit qu'Arius
la signa en présence de Constantin, veut que
ce fût celle de Nicée, et Baronius l'entend de
la sorte, ce qui paraît néanmoins difficile à
croire.
Socrate ajoute qu'Arius ayant sous son
bras la véritable profession de sa croyance
et une autre à la main, qu'il présentait à
Constantin , il rapportait à la première le
serment qu'il faisait de ne croire autre chose
que ce qui était dans son papier. Cette four-
berie abominable était digne d'un Arius.
Mais Socrate ne la rapporte que comme un
bruit commun , et il se peut faire que ce
bruit ne soit venu que de l'ambiguïté des
termes de saint Athanase , dans lesquels on
peut en quelque sorte trouver ce sens, quoi-
que ce ne soit pas le véritable. Socrate cite
une lettre de Constantin qui parle du ser-
ment de cet hérésiarque.
Constantin , persuadé qu'Arius suivait la
foi de Nicée , ordonna comme, s'il eût été le
maître de l'Eglise aussi bien que de l'em-
pire, que saint Alexandre le reçût à la com-
munion. 11 manda ce saint même pour lui
en parler, et rejeta avec colère les raisons
qu'Alexandre lui alléguait pour s\m excuser.
Le saint vieillard se retira donc sans lui ré-
pondre; et, accablé de douleur, il eut recours
au maître des rois, le conjurant avec larmes
ou de l'ùter du monde, ou d'en ôter Arius.
Dieu l'exauça et plus promptement qu'on
n'eût osé l'espérer.
Ce fut le samedi que saint Alexandre
apprit de la bouche de Constantin qu'il vou-
lait absolument qu'Arius fût reçu à la cora-
aiunion, et le lendemain dimanche était le
jour pris pour le faire. Eusèbe leNicomédic
et les autres qui l'accompagnaient voulaient,
au sortir du palais, faire entrer Arius à
l'heure môme dans l'église, mais AU^xandre
était toujours inllexible. Ainsi , après l'avoir
menacé , ils attendirent au lendemain et
menèrent cependant leur Arius comme en
triomj)he par le milieu de la ville pour le
faire voir à tout le monde. Mais dès ce mê-
me jour, vers la nuit et lorsqu'il était déjà
fort tard , avant néanmoins que le soleil fût
couché, Arius, qui faisait mille discours vains
et imjiertinents dans l'espérance d'ôtre reçu
le lendemain dans l'église , se sentit tou*
d'un coup pressé de quelque nécessité na-
turelle, soit que cela vînt d'un remords de
conscience et d'un mouvement de crainte, ou
d'une joie excessive d'avoir en toutes choses
un si bon succès, soit que ce fût l'elfet d'une
réplétion extraordinaire. Car, du reste, son
corps était dans une aussi bonne santé que
son âme en avait peu. Il était alors près de
la place de Constantin où était la grande
colonne de porphyre; et ayant été contraint
de demander s'il n'y avait point là auprès
quelque commodité publique, comme il sut
qu'il y en avait une derrière la place, il s'y
en alla , laissant à la porte un valet qui le
suivait. Ce fut là que, tombant tout à coup
en défaillance , il vida en môme temps les
boyaux, les intestins, le sang, la rate et le
foie, et il mourut ainsi; tombé par terre la
tête devant , crevé par le milieu du corps
comme Judas , et privé en môme temps de
la communion et de la vie , par l'effet non
d'une maladie commune, mais des prières
des saints. Quelques-uns de ceux qui atten-
daient au dehors, dit Sozomène, entrèrent
pour savoir d'où venait qu'il était si long-
temps sans sortir et le trouvèrent en cet
état. Théodoret dit qu'il y avait d'autres per-
sonnes dans le même lieu, qui, ayant vu cet
accident, jetèrent un grand cri, et que le
valet d'Arius étant entré à ce cri, s'en alla
aussitôt avertir les amis de son maître.
Le bruit de cette mort se répandit en un
moment par toute la ville , ou plutôt dans
tout le monde. Les orthodoxes accoururent à
l'église, où ils en rendirent grâces à Dieu,
non pour insultera un misérable, puisque
quiconque se souvient qu'il est mortel et
que sa vie peut finir dès le jour même, n'a
pas sujet de se réjouir de la mort d'un autre,
quand ce serait son enneaji, mais pour louer
la main victorieuse du Tout-Puissant, qui
avait jugé eu faveur des prières et des lar-
mes d'Alexandre, contre les menaces des
eusébiens , ou plutôt en faveur de la vérité
catholique contre l'impiété de l'hérésie, et
qui avait déclaré l'arianisme indigne d'être
reçu dans la communion des saints, et dans
le ciel et sur la terre.
Marcellin et Fauslin disent que tout le
corps d'Arius tomba par le trou aussi bien
que ses entrailles. Mais nous ne voyons pas
que cela se puisse accorder aisément avec
les historiens, ni môme avec saint Athanase,
qui nous apprend que les eusébiens l'enter
rèrent , couverts de confusion, de honte ,
!Ô9
ARI
de crainte et d'inquiétude. Teîîe fut la fin
d'Aiins, digne d'une vie aussi criminelle
que 1.1 sienne , et qui le précifiiia dans le
sunpiice quil avait mérité en faisans sortir
de l'enfer la i lus damnable de toutes les
hérésies, et en aliiunant dans l'Kglise un
feu (jui ne fut pas éteint de plusieurs siècles
après , ou ((ui no Test pas môme encore.
Outre sa Thalie et ses autres écrits contre
1 Eglise, il semble qu'il ait fait quelque ou-
vr.ige contre les païens, où il prétendait les
confondre par la gloire de Jésus-Christ, en
môme temos que son hérésie la détruisait.
( Tiilemont, vol. VI, pag. 289, 290, 293,
297.)
Constantin mourut peu après, en 337. Son
fils Constance lui succéJa en Orient. C'était
un es: rit faible, mais c 'pendant lier et do-
minant, qui avait la prétention de tout gou-
verner, même les atfaires de l'Eglise. Cette
fatale tendance, à laquelle l'empereur Con-
stantin avait beaucf.up trop cédé, entiaîna
complètement Constance. Ce fut la cause de
la pi i[iart des maux que l'Eglise catholique
endura sous son règne. Constantin , à la
prièie de sa sœur Constancie, avait pris con-
fiance en un piètre, qu'il ne prenait nulle-
ment pour un arien, tant il était habile à dé-
guiser ses sentiments. N'ayant à sa mort au-
près de lui aucun de seseniants, il confia se-
crètement sontestament à ce prêtre, pour qu'il
le remît de sa part à Constance. Ce prince,
trouvant le testament favorable à ses vues
ambitieuses, prit le prêtre en aff 'ction et
l'admit dans son intimité. L'ambitiDU ({u'il
avait de commander aux autres fit qu'il de-
vint volontairement l'esclave des exigences
de cet homme. Ce prêtre, de son côté, sut
fort bien ménager cette faveur pour 1.3 mal-
heureux avantage do son parti ; et comme il
connaissait la faiblesse et la légèreté do
Constance, qui, comme un roseau ou un Eu-
ripe, se laissait emporter au moindre vent,
il eut la hardiesse d'entrepic-idrc ouvert ■-
nient do faire la guerre h la vérité. Il déplo-
rait avec une douleur fointe la tempête dont
l'Eglise était, agitée, et il prétendait que ce
mal n avait point d'autre cause que la malice
de ceux qui avaient inlro.luit dans TEgiisc
le mot de consubstantiel (pji ne se trou-
vait point dans l'Ecriture, condamnant ain.-^i
directement le grand concile de Nieée et fai-
sant en cela ce (]uo personne n'eût osé ftiro
du vivant de Constantin. Il passait de là à
rond.imner saint Alhanase et les autres saints
j.rélats de l'Eglise; en quoi Eusèbo do Ni-
coiné.lie, Théognis et Théodore d'iléraclée
ne innupiaieiit pas de le seco ider.
Avant ii/'anmoins ({uod atiaiiuor le [iiincc
même, il g^gna ceux pu élai(;nt autf)urde lui.
Car I.i familiarité qu'il avait avec rem[)ereur
l'ayant bientôt railconnaitre de l'impéralriic!
et do ses cuntKpies, il s'a;fiuil d'aljord Eu-
sèlie, le grand ctiambellan do Constance, et
par .son moyen il jtorveitit les autres eiiiiu-
uncs, et ensuite rimpéiati-iei! et les dames
30 la cour. D'où vient (pn; saint Athanuse
dit que les ariens se nîndaient terribles h
tout le monde, parce qu'ils étaient ai)puvés
ARIÇ 261
du crédit des femmes. Il fut aisé, après celay
à ce inallieureux insîrum^nt du démon, de
se rendi-e maître de l'esprit d'un empereU'
qui était lui-même l'esclave de ses eunuques.
L histoire est remplie de [ilaintes contre cett-:
esiièce d'hommes ou de femmes do'^t la 'Ou.
do Constance était toute remplie. Mais .Jii.i
les autres n'étaient que comme de petit.;
serfienleaux, selon les termes d'un historien,
et les malheureux enfants d'Eusèbo, le pre-
mier valet de chambre, aont on ne croyait
pas pouvoir mieux exprimer la puissance
qu'en élisant que Constance avait beaucoup
de créd.l auprès de lui. Il était esclave aussi
bien^ qu'eu uque. Ammien remarque qu'il
avait* une vanité insupjiorlable, qu'il était
également injuste et cruel, qu'il punissait
sans examen et sans faire distinction entre
les innocents et les coupables. Il reçut enfin
la juste punition de ses crimes après la mort
de Constance.
Les auteurs profanes disent encore bien
d'autres ch ;ses do la malignité et de la ty-
rannie de cet Eusèbe, (font les autres eunu-
ques de Constance étaient les imitateurs. Et
néanmoins, ils nuisirent encore beaucoup
plus à l'Eglise qu'à l'Etat. On vit ces elfé-
minés, que l'Eglise bannit, dit saint Atha-
nase, de ses conseils el de son ministère,
être, par l'indignité la plus étrange, les maî-
tres de l'Eglise et dominer dans ses juge-
ments, parce que Constance n'avait point de
volonté que celle qu'ils lui inspiraient, et
que ceux qui s'appelaient évoques n'é aient
que les acteurs des i)ièces qu'ils avaient
composées. Ainsi ce furent eux qui causè-
rent tous les maux que l'Eglise soutfiit alors,
dignes, certes, d'être les protecteurs de l'hé-
résie arienne et les ennemis de la divine fé-
condité du Père éternel.
Pour l'impératrice, qui tomba dès ce temps-
ci dans les pièges dos ariens, on ignore son
nom, el on sait seulement qu'elle était cousine
germaine de son mari, fil!.' de Jules Cons-
tance, sœur (le Callus et do Julien. Eus.'bie,
que Constance épousa en ."iSi ou 35J, passe
pour avoir étf' aussi fort zél.'ie en faveur de
l'arianisine. (Tiliomont, vol. Yi, p. 301.)
Constantin, en mou ani, avait d.'siré (ju'on
rapi)elût d'exil tous les évêques ba n s.
Constance, qm n'osait i)as encore se mettre
en op;)(_)siti(tn ouverte avec ses deux fièrcs
C(jiistant et Constantin, empereursd'Oicident
et fervents catholiques, oxécuti celte <lcr-
nièro volonté de son père Tous les évêques
bannis furent donc rappelés et riMivoyés à
Icui's églises. Cela n'tnupêclia pas les ariens,
ou eusébiens, do persécuter l'Eglise catlio-
li([ue. Ils noaimèront ui évê(iuo de leur
parti, en concurionco avec saim Alhanase:
ce fut un nouHué l'isl ', prêtre arien, cluK-sé
de ri":gliso par saint Alexandre et par h; con-
cile de Nicée. Ce fut à celle épotpie aus>^i, en
3;{8, (pi'ils liront dépo.-^'cr Paul de Constanti
no, lie el mirent h sa plaee Eusèb.' de iNiio-
iiiédie. Sur ces enlrefail; s, Eusèbe de C-ésa-
rée mourut. On noiuma à s,i place Acco,prêtrp
arien, cl très-|)iob;djleniont celui d >i.t l'in
flucnco avait été si funet.li.' à l'Eglise, près d<»
261
ARI
Aia
262
Constancio d'abord, de Constanlin oiisniic,
el onlii! de CoiistMiice. D(''sira'il \nm\vc saiiil
Alhaiiasp, l«;s eus(M)i('n.s (Mi-ivircnl coiilre
lui ail pnpo Jules, d(Miiaiulant un concile pour
y exposer leurs griefs coiitn^ le saint pa-
triarche d'Alexandrie. Saint Athanase, pre-
nant au st^rieux celte demande, vinlJi Home;
mais, comme on peut le voir avec dét.iil
dans s^ Vie, ils rel'u';(^rent do s'y rendre
quand ils virent (]u'on était prAt h les y bien
recevoir. Ils assemblèrent un concile des leurs
h Antiocbe, en liïl. Ils renouvelèrent contre
le saint les vieilles calomnies du concile de
Tyr, et après l'avoir condamné en son ab-
sence, ils nommèrent h sa place (îrègoire,
évoque d'Alexandrie. Saint Atlianase ét^^it ab-
sons au concile de Home, pendant que celui
d'Anlioclie le condamnait. I(;i nous n entrons
pas dans les détails, parce ({u'ils sont donnés
a l'article Atha-nask. C'est pour la même rai-
son que nous dirons seulement, ([u'après la
mort d'Kusèbe (le ÎNicomédie, ({ui arriva eu
l'an SVl, saint Paul de Conslantinople fut
rétabli deux fois, et deux fois chassé. Macé-
done fut mis à sa place. Cette nomination
fut très-mal reçue du peuple, et quand on
voulut installerVe nouvel évoque, il s'éleva
une sédition dans la(pielleHermo;^ène, géné-
ral de lacavaleiie, et plusieurs autres, fuient
tués. Comme plusieurs églises de la ville
étaient restées en la puissance de saint Paul,
Constance, qui en fut instruit à Antioche, où
il était, envoya ordre à Philippe, préfet du
prétoire, de le chasser de nouveau. Le pré-
fet voulut faire évacuer de force une église,
il ûl chaiger le peuple par ses soldats , et
3150 personnes y périrent.
A la suite de cela, les ariens demeurèrent
quarante ans duiant en possession des égli-
ses de Conslantinople. Ce fut à peu près à
cette époque qu'ils écrivirent à Constant
pour tâcher de le gagner; mais leurs efforts
demeuièrent inutiles. Les troubles de l'Eglise
continuant. Constant, qui en avait le cœur
navré , lit assembler en 3^7 le concile œcu-
ménique de Sardique. Les eusébiens, comme
on peut le voir dans l'article Athanase, se
retirèrent du concile et hrent une assemblée
op|)Osante à Phiii|)|)opo:is. Nonobstant cela,
le concie en condamna huit des principaux:
Acace de Césan'-e, Etienne d'Antiociie, George
de Laodicée, Narcisse de Néroniade, Méno-
phante d'Ephèse, 'J'héodore d'Hérach'e, Ur-
sace de Singidon et Valens de JMurse. Le
concile arien de Philippopolis lança, de son
côté, l'excommunication contre le pape Jules,
Osius et plusieurs autres. Ils en vinrent jus-
qu'à excommuîiier Maximin de Trêves pour
avoir reçu saint Athanase. En revenant de
leur concile de Philippopolis, les évèques
ariens, passant par Andrinople, voulurent
communiquer avec l'évèque Lucius et les
autres membres du clergé ; mais ces g^ié-
reux catholiques ne les voulurent pas rece-
voir, el leur dirent qu'ils les regardaient
comme s'éta-^t eux-mêmes condamnés par
leur fuite. Outrés de cela, hs ariens obtiîi-
rent de Constance qu'il fit trancher la tète h
plusieurs de ces dignes ecclésiastiques, lis
firent aussi mettre saint Lucius en prison,
{Voy. Lccius, évoque, 11 f'vrier ) En exécu-
tion de la sentence du concile de Sardique,
Constance, qui craignait si's frères, fut obligé
de faire partir de son siège Etienne d'An-
tioche. Les ariens, qui rie voulaient pas
manquer d'un chef, mirent à sa place Léonce
l'eunuque, Phrygien de naissance, hommo
incapable et ijrol'ondément immoral.
Peu après, en 'ikS, Constance fut forcé par
son frère Constant de rappeler saint Atha-
nase et les autres évoques bannis. Pendant
l'absence de saint Athanase de l'Eglise d'A-
lexandrie , Grégoire, ministre des fureurs
des ariens, avait soulevé contre les catholi-
ques de cette ville et de toute l'Egypte une
atroce persécution, dont on peut voir les dé-
tails h l'article saint Atuanase. Ce fut au re-
tour du saint évoque, en 349, qu'Ursace et
Valens publièrent une rétractation des ca-
lomnies qu'ils avaient dirigées contre lui,
prononcèrent anatlième contre la doctrine
d'Arius, comme ils prétendaient l'avoir fait
toujours. Leur déclaration, dictée par inté-
rêt, n'était pas franche : plus tai'd ils le prou-
vèrent par leur conduite. Constant étant
mort en 350, les ariens profitèrent de cet
événement, qui me fait la puissance tout
entière aux mains d'un empereur dévoué à
leur hérésie, pour recommencer leurs per-
sécutions. Ursace et Valens se dédiient de
leur rétractation. Les héritiers d'Arius et
d'Eusèbe, c'est-à-dire Léonce, George, Acace,
Théodore, Nai-cisse, tous, hormis Léonce,
déposés par le concile de Sardique, ne pou-
vaient plus soujfrir la paix dont l'Eglise
commençait à jouir. Ils résolurent de re-
commencer leurs attaques. Ils assemblèrent
un nouveau concile à Sirmich, où ils dépo-
sèrent Photin et mirent à sa place un arien
nommé Germine.
En 352, le pape Jules étant mort, Libère,
qui lui succéda, se laissa un instant sur-
prendre par les ariens ; il écrivit à Athanase
de se rendre à Rome j)Our y expliquer sa
conduite et sa foi. Le saint évoque ne put et
ne voulut pas s'y rendre. [Voy. son article.)
Alors Libère écrivit aux évôc{ues d'Orient
qu'il gardait la paix avec eux et séparait
Athanase de sa communion. Au concile
d'Arles, qui se tint en 353, les ariens voulu-
rent faire condamner Athanase : les légats
cnvo.Ȏs par le pape, et en particulier Vin-
cent de Capoue, y consentaient, mais à con-
d tion que le coneije condamnât la doctrnne
d'Arius. Les évèques ariens, qui s'y trou-
vaient en majorité, refusèrent et contraigni-
rent les légats à consentir à la condamnation
d'Athanase, sans qu'il fût question d'autre
chose. Ce fut ce qui ouvrit les yeux au pape.
Navré de douleur et versant d'abondantes
larmes, il disait qu'il n'avait jtlus qu'à mou-
rir, après avoir consenti à violer l'Evangiie.
Saint Athanase dit qu'au concile d'Arles,
les légats du pape et les autres évèques d'Oc-
cident furent coîitraiiits par des mauvais
tr:!iti ments de toute sorte. Vincent ne tomba
pas pourtant jusqu'au fond de l'abîme. Il
rentra dans la voie de la vérité, et mérita
265
ARI
ARI
264
qu'un célèbre concile dît de lui : qu'il a ho-
noré longtemps son éjDiscopat par une con-
duite irréprochable et sans tache, et que le
concile deRimini nn peut être accepté, puis-
que Vincent n'a jamais voulu y souscrire.
Cependant tout le monde n'imita pas cette
faii)lesse au sein du concile d'Arles. Saint
Paulin, de Trêves, y défendit la vérité avec
un courage et une'énergie qui lui valurent
le bannissement. Puis vint le concile de Mi-
lan, que le pape Libère avait demandé à
Constance ; il se tint en 355. Loin de s'y
jccuper de condamner la doctrine arienne,
les évoques d'Orient n'y furent occupés qu'à
montrer leur acharnement contre saint Atha-
nase et à y soutenir les erreurs d'Arius et
de ses adhérents; ils se déclarèrent ouver-
tement. L'empereur Constance voulut forcer
tous les évèques à souscrire aux décisions
de ce concile. Cela n'empêcha pas néanmoins
Constance de vouloir obliger à le signer
avec la condamnation de saint Athanase.
Mais saint Denys, qui était alors évèque de
Milan même, saint Eusèbe de Verceil, Lu-
cifer et les deux autres légats de Rome,
Pancrace et Hilaire, s'opposèrent à ce des-
sein arec une constance invincible et souf-
frirent sans s'éuiouvoir tout ce qu'on peut
attendre d'un prince furieux et emporté. Il
fut sur le point de leur faire souffrir le der-
nier supplice et d'en faire des martyrs ; mais
il eut honte de cette violence et se contenta
de leur procurer le titre de confesseurs en
les reléguant en divers endroits, dans le
dessein d'augmenter la peine de leur exil,
et, en effet, pour publier i)artout la honte de
sa cruauté, la gloire des confesseurs et le
triomphe que la vérité remportait sur l'aria-
Eisme : car ils furent reçus par tous les
peuples, non comme des criminels et des
bannis, mais comme des victorieux et des
défenseurs invincibles de la foi. Sainl Denys
fut relégué dans la Cappadoce ou dans l'Ar-
ménie, oii il mourut glorieusement avant la
fin de la persécution ; saint Eusèbe îv Scy-
thopolis dans la Palestine, et Lucifer à Gcr-
man:cie dans la Syrie, pour y être abandon-
né à la cruauté de Patrophile et d'Ludoxe.
On ne dit point où Pancrace et Hilaire furent
envoyés. Le dernier avait été déchju'é à
coups de fouet pour satisfaire Ursace et Va-
lons.
Pour ce qui est des autres évoques du
concile, Socrate et Sozomène, qui disent
qu'ils se séparèrent sans rien faire sur la ré-
sistance des confesseurs, semblent avoir cru
que la plupart étaient demeurés fermes daus
la vérité. Mais la manière dont Lucifer [)aiîe
de ce concile s'accorde bien mieux avec î;e
que dit Rulin, |)liis ancien (}u'eux : (jue 3a
plupart des évèques y furent trom|)és; ipic
benys, Lncii'er et Kusèbe furent les seuls
qui (iront |)araitre une lumière et une force
dignes d'évèques ; (jue les autres ne p(''né-
' traient pas dans les mauvais desseins des
ariens ou ne |)0uvaient se persuader C(; (jue
les [dus éclairés leur disaient, (pie les aiii'tis
t)e (J(;irian(l.iienl la condamnai ion de sainl
Alhauase (pie pour ruiner la loi. So/.ouiène
dit lui-même, en un autre endroit, que ce
saint y fut condamné de tout le monde, par
crainte, par surpiise ou par ignorance, hoir-
mis de Denys, Eusèbe et Lucifer, auxquels
il joint mal à propos Paulin et Rhodane.
Saint Athanase nous assure que les ariens,
appuyés de l'autoiité de Constance, fi.ent
tout ce qu'ils voulurent dans ce concile aussi
bien que dans celui d'Arles. C'est pourquoi
saint Hilaire l'appelle une synagogue de mé-
chants. Saint Athanase dit encore que tous
les évoques d'Occident souffrirent une vio-
lence extraordinaire, de grandes contraintes
et des injures étranges, jusqu'à ce qu'ils
eussent promis de renoncer à sa commu-
nion; Et Constance, parlant à Libère, dit
que le concile et tout l'univers avaient con-
damné le saint ; de sorte qu'il y a bien de
l'apparence que cette condamnation fut re-
çue presque par tous les évoques du concile.
Mais, pour l'édit de Constance, il se peut
faire qu'il n'ait pas été reru ?i universelle-
ment : au moins, nous n'en voyons pas de
preuve, et même il ne paraît pas que l'on en
ait si fort exigé la signature c'epuis que le
peuple eut témoigné hautement en avoir
horreur.
, Saint Athanase nomme, entre les évoques
qui avaient élé contraints de nier son inno-
cence, Fortunatien d'Aquilée et Erème de
Thessalonique, successeur sansdoute d'Aëce,
qui avait assisté au concile de Sardique. Le
premier, que nous avons vu être si fort esti-
mé par Libère, ne succomba pas d'abord. Car
on trouve qu'il envoya à divers évêques une
lettre qui était apparemment celle du concile
de Sardique à Constance. Mais cela ne servit
de rien, ni pour lui, ni pour les autres. Et
après être tombé par lâcheté, il servit enfin
lui-même à faire tomber ceux qui résistaient
encore.
Saint Athanase témoigne néanmoins q_u'ou-
tre saint Denys, saint Eusèbe et Lucifer, il
y eut encore beaucoup d'autres évêques,
prêtres et diacres, qui aimèrent mieux souf-
irir l'exil que de signer sa condamnation, et
furent bannis avant Libère. (ïillemonl, voL
VI, p. 363.)
Après avoir banni saint Denys de Milan,
Constance choisit, pour remplir ce siège,
Auxence, arien, intrigant, espion et délateur,
Il avait été ordonné prêtre par Grégoire, l'é-
vêque intrus d'Alexandrie. Constance, qui se
prêtait si l)i(m à toutes les entreprises des
ariens, était, comme nous l'avons dit, un es-
prit vain, faible et léger. Il faisait ce ([ue vou-
laient les ariens, parce (ju'ils avaient toujours
soin de le lui faire vouloir. Il obéissait en
croyant commander. C'était l'enfant qu'on
fait agir dans un certain sens, par esprit do
contrariété, quand il ne veut pas obén- à un
ordre directs : (ispècedemaniUMiuin jouani au
l)a|ie, et faisant, au gré des ariens, (•uiiq)a-
raître devant lui Ic^s évêipies ; écrivant des
lettres menaf;antes, faisant des |)romesses et
agissant comme h^ voulait son enlourage d'hé-
iésiar(iues. Du resie, ne s'apercevant pas
qu'on le tenait en cliaito jirivée, il était in-
visible pour ceux (jui venaient ruclameJ'jus-
265 ARt
ticc. Plus il voyait autour do lui grandir la
tempôtc (jue faisait sa tyrannie , plus il
croyait à sa |)uissanc(\ 11 y a tant du f^ens
qui prennent le bruit |)our l'expression de la
force! Sa eour ne fut pas le seul lien où
si'exerrail sa tyrannie; sans cesse il paitail
pour la {)rovince des ordres de l'empereur,
qu'il n'avait souvent [)as lus. On envoyait
partout des ollicieis pour [)orler les menaces
que l'on adressait auv év(}(|ues et aux magis-
trats, s'ils n'obéissaient au prince: car il
voulait que les évù.pies entrassent dans la
communion des ariens et signassent la con-
damnation irAthanaso, s'ils ne voulaient se
résoudre au bannissement et à voir leurs
peu[)les chargés de chaînes, couverts d'af-
fronts et de plaies, et réduits h la i)erle de
leurs biens ; et les magistrats étaient obligés
d'employer toute leur autorité i)Our faire
ob"ir et les évècpuïs et les peuples. Ces or-
dres furent exécutés avec d'autant plus de
chaleur, que ceux qui les portaient avaient
avec eux des ec(^lésiastiques d'Ursacc et de
A'alens, qui animaient tout le monde et ne
man(|uai(;nt pas de déférer à l'empereur les
magistrats qui faisaient paraître quelque
froideur.
On vit donc alors, selon la parole de l'E-
vangi'e, un grand nombre d'évêques traînés
devant les magistrats et devant les rois, et
là on leur disait : Ou signez, ou abandonnez
vos églises ; car l'empereur oi donne que vous
soyez d'éposés.
Après tant de violence contre les oints du
Seigneur, Constance n'était touché d'aucun
regret ni d'aucun remords, et il s'endurcissait
au contraire de plus en plus, comme Pha-
raon. Ce qui est encore plus étonnant, c'est
qu'il affectait de passer pour avoir de la dou-
ceur et de la bonté. Et, en effet, dans le
temps même qu'il traitait ainsi les évoques,
s'il arrivait que d'autres personnes fussent
condamnées pour des meurtres, des séditions
ou autres choses semblables, il leur pardon-
nait au bout de quelques mois, dès qu'il se
trouvait quelqu'un qui parlait pour eux;
mais, à l'égard des serviteurs de Jésus-
Christ, au lieu de les relâcher comme les
autres, il augmentait même la rigueur de
leui' t-xil, et semblait avoir fo.mé le dessein
d'être éternellement leur persécuteur, comme
s'il eût voulu iuiiier Pilate, qui Ci-ucifiait Jé-
sus-Ch.'ist en même temps qu'il délivrait
Barrabbas : et cela faisait dire qu'il aimait les
uns, parce qu'ils lui ressemblaient, et qu'il
hajssaitles autres, parce qu'ils étaient liaèles
à Jésus-Christ. Ce n'est pas qu'il ne se re-
pentît quelquefois de ce qu'il avait ordonné
contre la just.ce, mais il se repentait ensuite
de son repentir même, et s'emportait plus
que jamais, et après cela il s'affligeait encore
de s'être ejuporté. Mais, ne pouvant trouver
de remèdes aux maux qu'il avait faits, il ne
faisait que découvrir la faiblesse de son es-
prit et de son jugem-ent. Car il était entière-
me-H dominé, et comme enchanté par des
personnes qui ne lui permettaic'ut pas de
rien faire de juste et de raisonnable, et qui
lie songeaient qu'à abuser de sa facilité pour
DicTio>N. DES Persécutions. I.
AlU
2G0
se donner la joie de faire régner leui- hé-
résie. Ainsi il était, d'uru^ part, digne de j»i-
tié do servir de jouet aux autres, et se ren-
dait, de l'autre, digne de la condamnation
des feux éternels, parce qu'il abandonnait
l'hornieur des évêcpies et l'intérêt de 1 Eglise
<i des impies. Tout évêque (jui ne plaisait pas
aux ariens était aussitôt cidevé d(î son Eglise
comme coupable (1(> tout ce qu'il leur plai-
sait de lui im|mter, condamné par l'empe-
reur, relégué en un autre pays. I{n même
tem^s, on (!n cherchait un autre qui voulût
bien être le disci|)le de leur hérésie, et on
l'envoyait prendre la place de celui qu'on
avait chassé. Ainsi, i)ar un renversement
étrange. Constance ôtait aux j)euples ceux
qu'ils aimaient, parce qu'ils en connaissai'nt
l'innocence, et il leur envoyait, de bien loin,
avec des ordres impériaux et des troupes de
soldats, des hommes qu'ils ne connaissaient
point et qu'ils ne voulaient point avoir. Après
cela, des chrétiens étaient réduits à haïr ce-
lui qu'ils aimaient, celui qui les avait in-
struits, celui qui avait été leur père dans la
piété, et à aimer au contraire celui qu'ils ne
voulaient point du tout avoir, et à confier
leurs enfants à un homme dont ils ne con-
naissaient ni la vie ni la conduite, et dont
on n'avait jamais entendu parler.
On peut assez juger combien toutes les
villes étaient en même temps pleines de tu-
multe et d'effroi, pendant que, d'un côté, on
enlevait les évêques, et que, de l'autre, les
peuples témoignaient leur douleur par leurs
gf^missements et par leurs larmes. Les ma-
gistrats des villes voyaient ces maux, et
étaient contraints de s'en rentre les minis-
tres, au lieu d'y pouvoir remédier, à cause
des menaces terribles que leur faisait Con-
stance et des amendes auxquelles on les con-
damnait, s'ils ne contraignaient pas leurs
évêques à signer. Ainsi, ils faisaient encore
plus de mal qu'on n'en exigeait d'eux, de
peur qu'on ne les crût amis de l'évêque. Mais
la plcis grande misère était lorsqu'on leur
envoyait un faux évêque, au lieu du légitime ;
car il fallait s'attendie à tout si on refusait
d'obéir, et on ne voyait que confiscations,
qu'outrages, que toutes sortes de violences
contre ceux qui ne voulaient pas prendre un
loup pour un pasieur. Beaucoup de person-
nes, pour éviterdeux extrémitéssi fàclieuses,
s'enfuirent dans les déserts. Ainsi Constance,
en chassant les évêques et faisant donner les
églises à des usurpateurs et des impies, rui-
nait les assemblées ecclésiastiques et empê-
chait les peuples, autant qu'il était en lui,
d'oflrir à Dieu l'urs prières et de pratiquer
les autres devoirs de la piété. Quicon^^uo
s'opposait aux ariens était aussitôt train ' de-
vant le gouverneur ou le général de l'arvnée.
Leur impiété faisait perdre la foi aux évê-
ques, par la crainte d'êire dépi uiliés de leur
dignité, de leurs privilèges et de leufs riches-
ses. Et les autres, affaiblis | ar la lâcheté des
évêques, dont la force devaitles soutenir, com-
mençaient aussi à craindre de [jerLU'e des biens
périssables que la mort leur deva.t bientôt
ravir. Quand l'erreur se voyait réfutée par les
9
267
ÂIU
ÂRÏ
m
discours, elle s'irritait au lieu do céder, et
s'etîorçail deutraiuer par la violence, [jarles
coups et par les prisons, ceux qu'elle ne
pouvait persuader par ses faux raisonne-
ments. Ainsi, la crainte de la proscription
précipitait les riches dans l'hérésie, et l'auto-
rité qu'elle avait de jeter dans les prisons
faisait tomber les pauvres dans le même
abîme.
Saint Hilaire, à propos de la même [)ersé-
cution, s'exprime ainsi : « Je vous dis, Con-
stance (car il s'adresse à lui-môme), ce que
j'aurais dit à Néron, à Dèce et à Maximin :
vous combattez contre Dieu, vous vous em-
portez contre TEglise, vous persécutez les
saints, vous haïssez ceux qui prêchent Jésus-
Christ, vous abolissez la religion; vous en-
levez, avec la cruauté dun tyran, non les
biens de la terre, mais ceux du ciel. Voilà ce
que je vous dis, comme je l'aurais dit à ces
ennemis déclarés do Jésus-Christ ; et voici
ce qui est pour vous en particulier :
« Vous vous prétendez chrétien, et vous
êtes un nouvel ennemi de Jésus-Christ ;
vous prévenez l'antechrist, et vous opérez
déjà ses secrets et ses mystères ; vous éta-
blissez des articles de foi, et vous vive/: con-
tre les règles de la foi ; vous faites le docteur
pour introduire des maximes profanes, au
lieu de vous rendre disciple pour apprendre
la piété; vous donnez des évèchés à ceux de
votre secte ; vous ôtez les bons pasteurs pour
en mettre de méchants ; vous enfermez les
prélats de Dieu dans vos prisons ; vous em-
ployez vos armées pour épouvanter l'Eglise ;
vous assemblez des conciles pour obliger les
Occidentaux d'être des impies; voug fomen-
tez avec adresse les dissensions des Orien-
taux; vous troublez ce que nous avons reçu
de l'antiquité et vous inventez des nouveau-
tés profanes; v.ius faites les choses du
monde les plus cruelles, sans vous charger
de la liaine de nous procurer des morts glo-
rieuses. Par un triomphe nouveau et inouï
jusqu'à présent, vous vous servez du diable
môme pour remporter la victoire. Vous êtes
persécuteur et vous ne faites point de mar-
tyrs. Néron! Dècel Maximini nous avons de
plus grandes obligations à votre cruauté,
puisque c'est par votr-e moyen que nous
avons vaincu le diable. Le sang des bienheu-
reux martyrs a été recueilli avec honneur
par toute la terre, et les miracles qu'ils font
justifient les respects que nous leur rendons.
Mais vous, ({ui ôles plus crud que tous ces
ancii-ns tyrans, vous nous faites |)lus de mal
qu'eux, et vous ne nous laissez pas S(.'ule-
ment lieu de nous excuser dans les fautes
que vous nous fail(;s coiinnetln!. Vous vous
insirujez adroil(;metit, sous prélt^te de nous
caresser; vous nous l\ie/. en nr)us faisant em-
brasser volrcj |)iété ; vous consonniiez l'im-
piété en vous vantant faussement d(î confes-
ser Jé.sus-(>hrisl ; vous éteigniiz la toi dcJé-
sus-(>hrist; et av(M; cela, vous ne laissez pas,
du mùins aux misérables, les oxcu:îes qu'ils
{jourraienl alléguer en rer)iésenlant leurs
supplic(;s «levant h* jug(! él(Tnel, en mon-
trant f|u(*lqii('S cicatrices de leurs membres
déchirés, et en trouvant dans la faiblesse de
leurs corps la justilîcation de ce qu'ils pour-
raient n'avoir fait que par une nécessité pres-
sante. A'otre persécution est si maligne que
ceux qui tomb"nt n'ont rien qui diminue
leur faute pour leur en faire obtenir le par-
don, et que ceux qui souffrent le plus con-
stamment ne peuvent arriver au martyre. Le
démon, votre père, qui sait l'art de faire
mourir les hommes, vous a enseigné à vain-
cre sans beaucoup combattre, à égorger les
hommes sans épée, à persécuter sans porter
le nom infâme de tyran , à haïr sans qu'on
vous soupçonne de haine , à mentir sans
que Ton s'en aperçoive , à faire des profes-
sions de foi sans avoir de foi, à caresser
sans avoir de bonté , à faire ce que vous
vouli z sans qu'on sache que vous le voulez.
« Nous vous reconnaissons, ô loup ravis-
seur, sous la peau de brebis dont vous vous
couvrez. Vous honorez le sanctuaire de Dieu
avec l'or de votre Etat, et vous présentez à
Dieu, malgré lui, ce que vous avez pris dans
les temjiles des démons, ou ce que vous
avez confisqué par des édits, ou ce que vous
avez tiré i)ar la force des tourments ; vous
présentez aux évoques les mômes baisers
dont Jésus-Christ a été trahi ; vous baissez
la tête pour recevoir leur bénédiction, afin
de fouler la foi sous vos pieds ; vous les fai-
tes manger à votre table comme Judas man-
gea à celle de Jésus-Christ, pour le trahir en-
suite ; vous remettez, en leur faveur, le cens
et le tribut que Jésus-Christ a payé lui-
môme, de peur d'exciter du scandale; vous
leur relâchez les impôts, afin d'inviter les
chrétiens à renier leur divin maître, et vous
leur cédez vos droits, afin de leur faire per-
dre les biens de Dieu. Voilà quelle est la
fausse peau de brebis dont vous vous cou-
vrez.
« Mais maintenant, écoutez, ô loup ravis-
seur, le fruit de vos œuvres : je ne dirai que
ce qui s'est passé dans l'Eglise, et je ne par-
lerai de votre tyrannie qu'à l'égard des en-
treprises que vous faites contre Dieu. On se
plaint partout que vous avez i)rivé de l'épis-
copal des j)rélats que personne n'osait juger
coupables, qu'on voit encore aujourd'hui
des ministres de l'Eglise au nombre de ceux
qui sont condamnés aux mines, et qu'ils [)or-
tent sur le front les marques honteuses que
vous y avez fait graver. Toutes les villes et
tous les jx'uples d'Orient souffrent les maux
de la guerre que vous leur faites, ou trem-
blent dans la crainte de les souffrir. Vous
avez tourné toutes vos armées contre la foi
(l(i l'Occident, vl toutes voslroupes ont été
(îinployées contre les brcîbisde Jésus-Christ. »
Saini llilairc joint à cela diverses cruautés
particulièi'es exercées contre les Eglises d'A-
lexandrie, de Trêves, de Milan, tle Home et
do 'l'oulouse, et il finit par ces paroles fou-
droyantes: « Si ce tiue je dis est faux, vous
êtes une brebis de Jésus-Cluist ; mais si je
n'ai rien dit cpic ce cpie vous a\ez fait, et
ce (pic tout le monde sait (pie vous avez fait ;
si je n'ai rieu avaucé qui ue soil aussi vrai
269
A ni
ARI
270
qu'il est horriljlr et ciiiuiiicl, vous êtes un
loup et un antt'christ. »
On voit, par ces endroits de saint Hilaire,
que Constance n'employait pas seulement la
cruaulô du lion |)Our vaincre les serviteurs
de Jésus-Clirist, mais (pi'il y joignait les ar-
tiliees du serpent pour les liomper. C'est ce
(pie le môme Père dit en un autr(ï endioit,
en ces termes : « Nous avons maintenant à
combattre contre un persécuteur cjui veut
nous surprendre, contre un erniemi (jui nous
Halte, contre Constance (pii porte le nom do
chrétien et qui est un antechrist;(pii ne nnus
déchire point le dos à coups de fouets, mais
qui nous llatte et nous caresse; qui ne nous
fait point acquérir la vie de l'ânu; par des
proscriptions, uiaisijui nous enrichit afin de
nous donner la nioit; qui ne nous traîne
point en prison pour nous donner la liberté
desonfanls île Dieu, mais qui nous comble
d'homieurs, dans son palais, pour nous ren-
dre esclaves du démon ; qui ne nous tour-
mente point les cotés avec des ongles de fer,
mais qui s'empare de notre cœur; qui ne
nous tranche point la tête avec une épée,
mais qui fait mourir notre âme avec de l'or ;
qui ne nous menace pas publiquement de
nous jeter dans le feu, mais qui allume se-
crètement les flammes de l'enfer [)Our nous
brûler ; qui ne s'engage point à combattre,
de peur d'être vaincu, mais qui nous flatte
pour nous dominer; qui confesse Jésus-
Christ pour le renier ; qui travaille à réunir
les esprits, afin d'empêcher la paix ; qui
étoutfe les hérésies, afin qu'il n'y ait plus de
chi étiens ; qui honore les personnes consa-
crées à Dieu, afin qu'il n'y ait plus d'évêques ;
qui bâtit des églises, afin de détruire la foi;
qui ne parle que de vous, ô mon Dieu! qui
a continuellement votre saint nom à la bou-
che, et qui fait absolument toutes choses,
afin que ceux-mêmes qui savent que vous
êtes Dieu ne croient pas que vous soyez
père. » (Tillemont, vol. 'VI, pag, 367-371.)
Durant ces persécutions, l'Eglise, battue
comme un navire au milieu des mers et de la
tempête, était sous l'œil de Dieu qui avait
suscité pour la conduire des pilotes intré-
pides que rien ne pouvait vaincre. D'un côté,
c'était Athanase , pareil à un roc contre
lequel viennent se briser vainement les flots
irrités; de l'autre, Libère assis sur le trône iné-
branlable de saint Pierre, quirésistaicnt, l'un
à toutes les persécutions, l'autre à toutes les
tentatives faites près de lui par la ruse ou la
rueiiace. Bientôt pour le dernier la persécu-
tion s'ouvre aussi. Constance fait amener
Libère à Milan, et ne pouvant le gagner à
ses desseins, il l'envoie en exil dans la ville
de Bérée. Le trône de saint Pierre reçoit à la
place du saint confesseur un intrus nommé
Félix. Non-seulement Constance avait voulu
gagner Libère par les raisonnements et par
les menaces; mais encore il avait voulu le
corrompre. Il lui avait envoyé 500 pièces d'or;
l'impératrice en avait fait autant. Eusèbe
voulut lui en donner aussi; il refusa de la
part de ce dernier, et renvoya à l'empereur
tout ce qu'il lui avait fait remettre. Parmi les
évô(pi(;s d'Italie qui lurent persécutés dans
ce temps-là par his ari(;ns, nous trouvons
saint Maxime de Naples, qui fut tourmenté
fort longtemps . puis envoyé en oxiJ, où il
mourut. A sapkice, on mil un certain Zozime.
En Campanie , un saint évoque, nommé
Rulivicus, fut martyrisé, comme on peut le
voir à son titre, par l'infâme Epictète, évê-
qu(^ arien do Civ)ta-Vecehia. Saint Martin
l'Exorciste acquit aussi le litre de confesseur
en Illyrio. L'Esjiagne eut aussi son martyr,
Osius de Cordoue, que toute l'Eglise véné-
rait, et que par deux fois, malgré .ses cent
ans, Constance fit venir pour tâcher de le ga-
gner à l'arianisme, et qu'enfin il garda un an
entier dans une sorte d'exil, jusqu'à ce qu'il
en mourût. {Voy. so-i article.)
Ce fut en l'année 350 que les ariens par-
vinrent enfin à chasser saint Albouge d'A-
lexandrie, et à mettre à sa place un évêque
suivant lourcœur. (Pourlesdétails,i;oî/. Atha-
NASK.) (ieorge, l'évêque intrus qui le rem-
])laça, ne laissaaucune persécution au-dessous
de celles qu'il fit endurer aux catholiques. Peu
après ils assemblèrent le concile de Béziers,
à la suite duquel saint Hilaire , évêque de
cette ville, fut banni (Foy. son article) avec
Rhodane de Toulouse. A la suite du bannis-
sement de son évêque, la ville de Toulouse
eut à supporter de la part de Constance les
mêmes persécutions que ce prince avait fait
endurer à la ville deMilan.Pendantce temps-
là, Macédone, évêque intrus de Constanti-
nople , persécutait violemment les catho-
liques. Il eut pour ministres de ses fureurs
Marathone et Eleuse ; au nombre de ses vic-
times on compte les saints Martyre et Mar-
cien. [Voy. les articles de tous ces person-
nages.) Non content de persécuter les catho-
liques, il persécuta aussi les novatiens. Nous
passons ici plusieurs années ; l'histoire des
ariens ne s'y trouve pas mêlée de persécu-
tions.
En 4.57, Constance étant venu à Rome, le
peuple lui demanda le rappel de Libère.
Constance le fit revenir l'année suivante.
Mais, s'il faut en croire la plupart des histo-
riens, Zozomène et Rufin entre autres, cepape,
qui avait ouvert son pontificat par une faute
que depuis il avait glorieusement rachetée,'
cjui s'était montré depuis une des plus fermes
colonnes de la catholicité, paya ce retour en
signant la condamnation de saint Athanase
et l'hérésie d'Arius. Quelle chute après tant
de gloire 1 Desseins de Dieu, vous êtes vrai-
ment impénétrables !
Une autre chute, non moins grande, ce fut
celle du grand Osius. Martyr de la foi, il per-
dit tout d'un coup le mérite de sa vie passée,
de sa gloire antique et de ses soutfrances
récentes, en signant le formulaire impie de
Sirinich. Pour nous, malgré ce que dit saint
Hilaire, nous ne croyons pas à toute la cul-
pabilité d'Osius. {Voy. son article.)
Bientôt les ariens se divisèrent dans leurs
croyances. Ils firent ce que depuis nous avons
vu chez les protestants, maintenant divisés
en tant de sectes. Puis ils se persécutèrent
entre eux. Ainsi on vit les ariens acharnés
27 i
ARI
ARl
272
persécuteurs dos semi-ariens. (Ici recourez
à l'histoire de l'Eglise.) Nous ne sommes pas
chargé d'écrire les persécutions des sectes
dissidentes, nous nous bornons donc à indi-
quer. Libère rentrait dans Rome et chassait,
lui l'apostat, l'intrus qui l'avait remplacé
quand il était martyr. 11 se payait de son
apostasie en reprenant son siège qu'il avait
quitté pour Dieu. Il ôtait la couronne de
dessus sa tète pour y mettre volontairemeut
Je sceau de la prévarication.
En 339, Constance assembla le concile de
Rimini, qui, malgré son mauvais vouloir, ana-
thématisa les ariens, et cuntirma la loi de
Nicée. Mais sur la fin la tyrannie de Cons-
tance produisit un etfet désastreux sur quel-
ques-uns des Pères de ce concile. Saint Hi-
la'.re nous apprend qu'en les tenant enfermés
dans une ville où il les épouvanta par ses
menaces, où il les affaiblit par la faim qu'il
leur fit souffrir, où il les abattit par les souf-
frances que leur occasionnèrent les rigueurs
de l'hiver qui était proche, où il les corrom-
pit par ses artitices, il changea leur foi en
imp'été. Faut-il croire qu'un grand nombre
do Pères tombèrent, comme le dit saint Hi-
laire, ou bien, avec Théodoret, croire que ce
furent seulement les députés du concde que
les ariens tirent venir à Nice ou Nice, ou
même Nicée. Ces députés, sous le coup des
tourments, et craignant d'être bannis, con-
sentirent t-nfin à Ptfacer le mot consubstantiel.
On laissa ensuite retourner àRimini les dé-
putés du concile, et Constance, qui ne se con-
tentait pas d'avoir abattu dix évoques s il ne
renversait aussi tous les autres, envoya à Ri-
miid, et manda au préfet Taurus, de nepoint
laisser aller les évoques jusqu'à ce qu'ils eus-
sent tous signé la môme confession de foi
que leurs députés; que, s'il y en avait qui ré-
sistassent avec plus d'opiniâtreté que les au-
tres, il les envoyât en exil, pourvu qu'ils ne
fussent [>as plus de quinze. 11 écrivit aussi
aux évèques pour leur or lonner de suppri-
mer les mots de substance et de consubstan-
tiel, traitant fort injurieuseraent ceux qui
avaient déposé les ariens, et les menaçant
de ne les point laisser retournera leurs égli-
ses jusqu'à ce qu'ils lui eussent obéi.
Ceux qui avaient, dès auparavant, embrassé
le parti de l'ariai.isme, ne témoignèrent ({ue
de la joie et des actions de gr-Aces pour une
lettre si honteuse, et qu'une ubiussanciî hum-
• ble et aveugle pour des coamiandemciUs si
criminels. Jiil ce furent les seuls si-nliinents
qu'ils exprimèrent dans la lettre qu'ils léécri-
vireiit à (>oiistanci;. Mais connue on ne vou-
lait point l<;s laisseï- soi'tii' de, Rimini (pu) les
autres n'eussent aussi signé, iU conjuièienl
l'empereur d'écrire h Taui'us de leur accoichM-
la linerié qu'ils ava eut si bien méritée. Ils
écrivirent en même lem()s aux évè(pi(!s d'O-
rieut j)Our les assuier (qu'ils étaient dans la
mftiMcîfoi qu'eux, et (pi'iisy avaient toujours
été. Nous n'avons ([ue la lettr.- à renq)ereur,
qui est bien la [)ièc'' du mo'ide la plus lâche
et la plus infâme. Nous l'attribuons, non h
ceux qui lomhèient, c(jnuue nous le verrons
bJentOi, mais l\ 'oux qui avaient toujours fait
profession de l'arianisme, tant parce qu'ils
l'assurimt eux-mêmes qu'à cause qu'ils trai-
tent d'hérétiques ceux qui n'avaient pas si-
gné, n'y ayant [)oint d'apparence que ceux
qui signèrent ])ar faiblesse eussent voulu
écrire une lettre semblable à celle-ci. On le
peut encore juger [)ar Epictète, l'un des qua-
tre nommés à la tète de cette lettre, sous
Valens, qui y est aussi ; il n'est pas nécessaire
(pie ce soit celui de Murse. N'oilà donc ce
qui se lit du coté des ariens qui commen-
cèrent, par le retour des légats, à l'empor-
ter sur les autres, et les chassèrent même de
l'église pour s'en emparer.
Pour ce qui est des catholiques, ils témoi-
gnèrent d'abord quelque générosité, et ils
refusèrent la communion à leurs députés,
quoiqu'ils protestassent de la violence que
remi)ereur leur avait faite. Us se trouvèrent
néanmoins fort embarrassés de ce qu'ils
avaient à faire, et enfin la plupart s'élant
affaiblis peu à peu, soit par la faiblesse et
l'inconstance de leur esprit, soit par le cha-
grin de se voir relerms si longtemps hors de
leur pays, ils rendirent les armes à leurs ad-
versaires, et, dès que les esprits furent une
fois ébranlés, on courut à l'autre parti avec
tant de foice et de chaleur, que le nombre
des catholiques se trouva réduit à vingt.
Sozomène rapporte que les ariens, pour
vaincre plus aisément la résistance des or-
thodoxes, leur envoyèrent secrètement quel-
ques personnes de leur cabale qui. sous pré-
texte de faire les conseillers et les média-
teurs, leur venaient représenter qu il était
bien fâcneux d>' vor tous les évoques divisés
les uns des autres pour un mot, vu qu'd était
si aisé découper ioute la racine de ces trou-
bles en lui en substituant un autre ; que ja-
mais on n'aurait de paix avec l'Orient qu'en
siqiprimant le mol de substance. Le concile
céda à cette rai>oa, qui néanmoins était tout
à fait fausse, puisque les Orientaux tenaient
presque tous le Fils ou consubstantiel ou
semblable en substance.
Les ariens , qui étaient subtils et fourbes,
surprirent encore par une autre voie l'igno-
rance et la simplicité des Occidentaux, car ils
hiurdemandèrent si c'était laconsubstantialité
ou Jésus-Christ qu'ils adoraient ; et i)ai' cette
ojjposition ridicule cpii les obligeait de ré-
pondre avec quehjue sorte d'exéciadon que
c'était en Jésus-Christ (pi'ils croyaient, et
non en la consubsiantialit('', ils leur rendi-
rent odieux ce le me qu'ils n'entendaient pas
assez, et les obligèrent à rab.indonnei' et en-
suite à se résoudre de coinmuni(pier avec
eux. On prétend aussi (pi'ils céilèrent à la
ciaifile d'èti-e appelés alhanasiens, car les
ariens donnaient (pieKpu'fois ce nom aux
catholicpu's avec celui d'iionioousiens ou eon-
siibslanlialistes. 11 yen eut cpielipies- uns,
dit Uulin, (pii nci tombèreni p;is par igno-
rance , mais par faiblesse.
L(( prêtri! Miurellin représeiUe fort bien la
grandeui' de la faute! ipie lounuirent cesévê-
(pies, et le préjudi('e qu'ils lirenl ;i l'Eglise
par leur lârheh'. L'hisloins n'exprime pas
nettemonl quelle fut la faute de ces év«iques,
J73 Al\l
mais on no pout iloulrr qu'elle n'ait 6l^ la
même que celle île leurs députés, d'ahaii-
(lonner ce qu'ils avaient l'ait pour la vérité,
de recevoir dans lein- communion Ursace,
Valens et les autres (|u'ils en avaient exclus,
et de sii^ner le l'ornuilaire de Nicée. (Tille-
mont, vol. VI, pag. V55 )
S'il est vrai qu'il faille admettre la chute
de tous les Père^ du concile de Uimini, il
faut dire qu'il y en eut au moins quatre étants
à tomber. Pwurtant on nous accordeia, [)0ur
riionneur de l'Kglise, et du reste nous en
sonnnes certain , ([u'il en resta au moins
(|Ui'lques-uns. Le i)ape Libère, qui avait le
priviléf!;edes évolutions morales, l'et'usa cons-
taunnent de souscrire au co'icile de Uimini.
Vincent de Capoue tU la môme chose. Jus-
2 n'en l'an 3G0, les ariens ne cessèrent de se
échirer, de se proscrire, de s'anathématiser.
11 y eut bien (puîhpies persécutions isolées
contre les catholiques, mais ce fut principa-
lement contre les dissidents de leur propre
parti qu'ils tournèrent leurs fureurs. {Voy.
dans riiisloire de l'Eglise, ce qui a trait aux
concilesdeSéleucie,deConstantinople.)Dans
ce dernier, les ariens adoptèrent la formule
de Rimini, et obtinrent de l'empereur la per-
mission d'exiger que tous les évoques la si-
gnassent, sous peine de bannissement en cas
de refus. Beaucoup cédèrent à cette tempête.
Pourtant Sozomène dit que, dans toutes les
provinces de l'empire, il y eut des évoques
chassés de leurs sièges pour ce sujet. Malgré
cela, les chutis furent si fréquentes, que
saint Jérôme marque que presque toutes les
Ej,lises du monde furen'. souillées par l'union
avec les ariens, sous prétexte d'avoir la paix
et d'obéir à l'empereur.
Constance mourut baptisé par Euzoius en
l'an 361, après avoir fait plus de mal à l'E-
glise que les Néron et les Dioclétien n'en
avaient fait. Son successeur Julien, avec son
inditîérence philosophique, ne prêtant appui
à personne, mais laissant chacun libre, per-
mit à l'Eglise de se ranimer un peu. Pendant
son règne, les ariens se condamnèrent mu-
tuellement, jouèrent aux foudres excommu-
nicatoires, mais du moins ne persécutèrent
plus directement les catholiques. Ils avaient
rédigé dix-huit formulaires ou symboles.
Sous Julien, tout l'Occident et une grande
partie de l'Orient revinrent à la foi de Nicée.
Saint Athanase revint dans son Eglise. Son
départ avait été excessivement fatal à l'E-
glise, son retour y ramena la paix. Le con-
cile d'Alexandrie, qu'il tint en 362, sauva vé-
ritablement l'Eglise. Après la mort de Julien,
Jovieii s'étant déclaré pour la foi, les ariens
ne purent pas persécuter les catholiques, ils
se rabattirent sur les Macédoniens, qui fini-
rent |)ar signer le symbole de Nicée. Ils le
firent en Orient d'abord, puis en Occident.
Enlin le concile de Tyanes les reçut. Puis
vint Valens, qui se déclara pour les ariens
contre les catholiques. Revenu à Constanti-
nople, après i^a guerre contre les Goths, il
bannit saint Loagre, et fit périr en mer qua-
tre-vingts ecclésiastiques de Constantinople.
KM
tu
Demopliile de Berie fut fait évoque de Cous -
tar.tinoi)le par les ariens.
Saint Grégoire de Nazianze fait comme il
suit riiistoire de la persécution de Valens :
« >'alens, dit-il, fut un persécuteur qui n'eut
pas |)lus d'humanité que Julien, ou jilutôt il
le sui|)assait d'autant f)lus en cruauté, que
c'était un faux christ qui portait le nom de
Jésus-Christ. Il fut la lionte cl l'infamie des
chrétiens, qui ne pouvaient lui obéir sans
impiété ni accpiérir de la gloire en soullVant
sous lui, car il ne paraissait faire aucune in-
justice en punissant ceux qui ne lui étaient
pas soumis ; et l'on ne donnait pas le glorieux
litre de martyre aux tourments qu'il leur fai-
sait endurer; de sorte qu'il semblait avoir
trouvé le moyen de faire croire qu'ils étaient
punis comme des impies, lorsqu'ils souf-
fraient en qualité de chrétiens. » Le môme
Père ne veut point qu'on cherche d'autre
cause de ces maux que les péchés des chré-
tiens, qui, au lieu de conformer leur vie à la
loi de Dieu, suivaient la corruption de leur
esprit et la vanité de leurs pensées, et qui
par là avaient mérité d'être abandonnés aux
plus méchants et aux plus scélérats de tous
les hommes.
Il s'étend davantage dans un autre dis-
cours, oii il reproche aux ariens leurs cruau-
tés par l'opposition de la conduite des catho-
liques : « Les livres et les entretiens, dit-il
en les apostrophant, sont remplis des effets
de votre barbarie. La postérité les apprendra
et vous en couvri-a, comme je m'en assure,
d'une infamie éternelle. Que peut-on dire de
semblable des catholiques? Quel peuple in-
solent avons -nous soulevé contre vous?
Quels soldats avons-nous armés pour vous
combattre ? Avons-nous envoyé contre vous
un général furieux et plus emporté que ceux-
mêmes dontil exécutait les ordres ; un homme
qui, n'étant pas chrétien, croyait s'acquitter
d'un devoir religieux envers les démons, par
l'impiété avec laquelle il persécutait les ca-
tholiques ? Avons - nous assiégé avec des
troupes des personnes qui, les mains élevées
vers Dieu, ne songeaient qu'à lui offrir leurs
prières? Avons-nous étouffé le chant des
psaumes par le bruit des trompettes? Avons-
nous môle quelque part le sang mystique de
Jésus-Christ avec le sang des hommes mas-
sacrés ? Où avons-nous fait cesser les gf'mis-
sements spirituels par des cris lugubres et
lamentables? Où avons-nous arrêté les lar-
mes de componction, pour en faire répandre
de tragiques? Où avons-nous changé les mai-
sons de prières en sépulcres ? Quand avons-
nous livré entre des mains criminelles les
vaisseaux destinés aux sacrés mystères, et
qu'il n'est pas permis à tout le monde de
toucher? Aimables autels, comme l'Ecriture
vous appelle, mais que nous pouvons appe-
ler maintenant des autels déshonorés, avons-
nous fait monter sur vous de jeunes impudi-
ques, pour vous souiller par des airs lascifs,
par des gestes et des postures déshonnêtes ?
ou plutôt avons-nous fait insulter sur vous
au grand et divin mystère qui s'y offre?
Chaire vénérable et auguste, sur laquelle
275
ARI
ARi
'>76
tant d'illustres et de saints prélats ont été
assis successivement pour y prêcher les di-
vins mystères, avons-nous élevé sur vous
aucun païen pour tourner on ridicule les vé-
rités chrétiennes par des discours satyriques
et impies? Vieiges saiiiles, siège de la pureté
et de la pudeur, qui ne pouvez soutîrir la
présence des hommes, même les plus chas-
tes, je vous attesle si jamais aucun des nô-
tres vous a outragées par des regards abo-
minables et des excès dignes de la punition
de Sodome ? Quelles bètes féroces avons-
nous lâchées ])0ur dévorer les cori)S des
saints, comme ont fait ces inhumains à l'é-
gard de quelques i)erso'mes ({ui n'avaient
point d'autre crime que celui de ne vouloir
pas embrasser leurs dogmes impies et se
souiller par leur communion sacrilège, qu'ils
fuyaient comme le poison d'un serp»mt, ca-
pable de faire mourir non les corps, mais de
corrompre et perdre les âmes ; ou d'avoir
donné la sépulture à des personnes dont les
corps morts avaient été respectés par les
bêtes, même carnassières ? C'est, en vérité,
un crime qui méritait bien d'être puni dans
un autre théâtre et par d'autres bêtes. De
quels évèques a-t-on déchiré avec les on-
gles de fer le corps déjà tout cassé de vieil-
lesse, en présence de leurs disciples, qui ne
pouvaient les assister dans ces supplices que
par des larmes impuissantes? Qui sont, dis-
je, ces prélats qui ont été ainsi suspendus
avec Jésus-Christ, qui ont remporté la vic-
toire par Jeur constance dans les tourments,
qui ont arrosé leur peuple par leur sang pré-
cieux, et qui, enfin, ont été conduits à la
mort pour être ensevelis et glorifiés avec
Jésus-Christ, dont la victoire sur le monde
se continue encore par ces meurtres et par
l'immolation de ces victimes? Qui sont ces
prêtres que le feu et l'eau, deux éléments
contraires et incompatibles, séparèrent les
uns des autres, et qui furent consumés par
les flammes avec leur vaisseau? Et pour no
pas entrer dans le détail de tous les maux
que nous avons endurés, qui sont ceux que
les préfets mômes ont accusés de cruauté,
quoiiju'ils s'en rendissent les ministres ? car,
quoiqu'ils fussent les exécuteurs des passions
des souverains, ils ne pouvaient pas néan-
moins ne pas détester une si étrange barba-
rie, et ils ne se dépouillaient pas entièrement
de la raison, encore qu'ils s'accommodassent
au temps. Leur complaisance pour ces cruel-
les volontés du prince n'em])êcliait pas qu'ils
ne fussent emoie assez équitables pourcon-
damiKM' rinjustic(i dont ils étaient contraints
d'être les malheuieux instruments. »
Non-seulement l'Eglise avait aloi's à com-
battre contre un (MnjK.'reiu', mais encore con-
tre tous les m.igi.slrats et tous les ministres
de sa coui'. Les uns entraient dans ses pas-
sions, j>arce (pj'ils étaient (jngagi'S dans les
niôinr;s (;rreurs et lesmêines s<;ntimenls; ))lu-
sieurs autres faisaient volonlieis tout c(; (pii
pouvait lui être agréable, dans la craintii
de lui déplajie (;l d'(;n(:r>uiir son indignation.
Qu<lques-uns même s'attachaient à lui par
l'opi-r^silion qu'ils avaient conlio des per-
sonnes qui faisaient profession de la vérita-
ble foi , et ils ne croyaient pas le pouvoir
faire dans un temps plus propre que celui
auquel l'empereur punissait par les confis-
cations, les bannissements, les exactions,
les prisons, les chaînes, les fouets et les plus
cruels supi)lices, tous ceux qui ne se sou-
mettaient pas à ses passions ; car il y avait
alors plus de danger pour des personnes de
piété et des catholiques d'être trouvés dans
la maison de Dieu, que d'être convaincus
des crimes les \)\ns énormes.
11 n'y eut point de lieu exempt des tris-
tes effets d'un temps si malheureux, et au-
cune nation n'échappa aux ravages et à la
fureur de cette hérésie. Tous ceux qui flo-
rissaient davantage dans l'Eglise virent leurs
travaux et leurs desseins ruinés. Nul peu-
ple ne put se garantir de leurs insultes, ni la
Syrie, ni la Mésopotamie, ni la Phénicie, ni
la Palestine, ni l'Arabie, ni l'Egypte, ni la
Libye, ni le Pont, ni la Cilicie, ni la Lycle,
ni la Lydie, ni la Pisidie, ni la Pamphylie, ni
la Carie, ni l'Hellespont, ni les îles voisines
jusqu'à la Propontide, ni la Thrace, ni tou-
tes les nations des environs du Danube. Il
n'y eut que la Cappadoce qui fut assez heu-
reuse pour ne pas éprouver, comme les au-
tres pays, les malheurs du temps, parce que
le grand Basile, qui en était le protecteur, la
mit à couvert de toutes ces tempêtes, ce qui
ne fut pas même sans exception. La persé-
cution que l'on faisait aux catholiques, déjà
si odieuse par elle-même, l'était encore da-
vantage, parce qu'en même tem|)S qu'on trai-
tait si ma! les plus grands serviteurs de
Dieu, on laissait au contraire une entière li-
berté à tous ceux qui en étaient ennemis,
hérétiques, juifs ou païens , de sorte qu'il
paraissait que c'était moins dans Valens
une attache excessive pour le parti qu'il
avait malheureusement embrassé , qu'une
haine que le démon lui inspirait contre la
vérité et contre tous ceux qui l'aimaient.
Cette persécution était encore d'autant
plus dangereuse, que la phqiart des Elglises
maïKjuaient de pilotes; car Valens les en-
voyait tous en exil, pour mettre au lieu
d'eux de malheureux [ùrates, qui s'effor-
çaient de les perdre, n'ayant usur;!é l'épis-
copal que i)our en être la iionte et l'infamie.
Et néanmoins cet artifice lui devenait inu-
tile [)ar la générosité de ces saints prélats
qui, des extrémités tle la terre oii on les
avait relégués, soutenaient les fidèles et tT-
rassaicnt les liérélujucs |)ar les lettres ((u'ils
écrivaient; car celui dont la Providence rè-
gle toutes choses avait alors donné à son
peuple des pilotes dont l'art égalait la vio-
lence de la tempête, des chefs dont le cou-
rage répondait à la fureur des ennemis, et
des remèdes propoilionnés à la graiuleur de
la mala(li(^ ('rillemenl, vol. M, p. 558.)
Valens ayant cpiilté (^onsianlinople pour
aller à (lésaréc (an de Jésus-Christ ;{73), fai-
sait maiclier devant lui Modeste, piélel du
jiii'toire, (jui avait soin de déposer tous les
évèipics calliolifpies et d'ini nielti'e d'antres
à leur [»laco. 11 persécuta violemmout aussi
HT
AM
ABl
278
les cnllioliques d'Aiilioche, coiix de Syrie:
saint Pélago, saint Havse, saint Euloyc, saint
Prologèi\e. lurent succossivoiiient persécu-
tés pour la i'oi. Saint Abraham fut aussi per-
sécuté par les ariens, h JJatnes, place lorte
de rOsrlioéiie.
En 373, Pierre avait rem[)lacé Alhanase
sur le siège d'Alexandrie. Les ariens l'en
dépossédèrent. Kuzoïus amena Luce, arien,
pour être évoque à Alexandrie. Ce Luce y
excita une persécution horiibh;. 11 était ap-
parenunent aussi mal lait de cor()S que cor-
rompu dans l'àme. Il était d'Alexandrie et y
avait été lait, prêtre par George, à la place
duquel les ariens l'avaient aussitôt substi-
tué pour être leur cliet', sans néanmoins le
consacrer évêque. Ils tâchèrent de taire con-
lirmer leur choix par Jovien, (jui se moqua
lie lui et d'eux. 11 l'ut, depuis, sacré ou à
Antioche, ou eu quel(|ue autre lieu hors d'E-
gypte ; mais il l'ut condamné et rejeté plus
d'une fois par tous les prélats orthodoxes
de l'Eglise. 11 demamJa souvent à Valons
d'être mis en possession du siège d'Alexan-
drie ; mais la crainte d'émouvoir du trouble
dans cett(ï ville l'empêcha de rien obtenir
tant que saint Atlianase vécut. Ce saint étant
donc mort, Euzoius l'y amena avec l'agré-
ment de Valens, et des ordres de lui au gou-
verneur Pallade. Ils avaient avec eux, [)0ur
exécuter leurs desseins, un grand nombre
de soldats commandés par le surintendant
des finances nommé le comte Magnus, qui,
ayant brûlé l'église de Béryte, sous Julien,
avait pensé en perdre la tète sous Jovien.
Voilà ceux qui faisaient escorte à Luce lors
de son entrée, au lieu des évêques, des prê-
tres, des diacres, qui devaient faire cet oftice,
au lieu de l'affluence du peuple, au lieu des
moines qui le devaient précéder en chan-
tant des hymnes tirées des saintes Ecritures.
Les païens honorèrent encore sa pompe en
le bénissant en sa présence, de la part de
Sérapis, et en le louant de ne point recon-
naître le Fils de Dieu, de quoi il semblait
avoir plutôt de la joie que de l'horreur.
Il arriva peu de jours après le carnage et
les violences faites dans l'église de Saint-
Thomas, et les inhumanités qu'il y ajouta
ne vérilièreiit que trop qu'il avait, comme dit
Pierre, les actions et la rage aussi bien que
le nom d'un loup, selon la langue grecque,
et qu'il méritait les litres que saint Grégoire
de Nazianze lui donne, de nouvelle plaie et
de nouveau tlèau de l'Eghse, de pasteur des
loups, de voleur qui monte par-dessus les
murs de la bergerie, de perturbateur et de
destructeur de hi raison, de bête furieuse, de
nouvel Arius, de ruisseau plus abondant en
impiété que sa propre source. L'Eglise d'E-
gypte, qui avail seule joui de la paix lors-
qu'on persécutait toutes les autres, éprouva
alors plus qu'une autre toutes les rigueurs
tlê la persécution, et se vit tous les jours
accablée par des afflictions nouvelles. L'in-
tronisation de Luce ne put se faire qu'après
avoir chassé tous les ecclésiastiques. Il n'é-
pargna ni l'église , ni la ville, ni les laïques,
lii le clergé, ni les 'évêques. Car dès qu'il fut
arrivé, il tAcha ^i^• se saisir des églises; mais
le peuphî s'y étant op[)Osd, on en fit un
crime aux ecclésiastiques et aux vierges,
connue s'ils eussent excité une; sédition. Les
ariens , exerçant donc leur brigat)daj^e par
toute la ville, comme auraient pu faire les
ennemis de l'empire, obligèrent les catholi-
ques à se sauver par la fuite, en arrêtèrent
(pi('l(pies-uns (pii fuyaient, qu'ils chargèrent
de chaînes et menèrent en prison, d'cjii on
ne les tira qu(^ pour leur faire endurer d'hor-
ribles tourments.: car on en déchira, les uns
avec les ongles de fer et des lanières de cuir ;
on en brûla d'autres avec des toi-ches al-
lumées, de telle sorte que c'était comme un
miracle lorsqu'ils res|)i raient encore ai)rôs
de si rigoui'eux supplices. El il n'y avait
p(;rsonne qui n'eût mieux aimé jnourir, ou
au moins être envoyé en exil, plutôt que de
se voir exposé à ces tortures. On ne consi-
déra ni l'Age des enfants, ni la faiblesse des
vieillards, ni la charité et la conii)assion des
peuples envers ceux qu'on traitait si inhu-
mainement. On fouetta, on déchira, on ban-
nit les personnes; on pilla les biens et l'ar-
gent sans aucun respect pour les hommes,
ni aucune crainte de Dieu. On bannit des
évêques, des prêtres et des diacres ; on fit
trancher la tète à d'autres au milieu d'A-
lexandrie ; on en exposa quelques-uns à la
fureur des bètes; on massacra des vierges,
et on ôta la vie, en diverses manières, à
beaucoup d'autres.
C'est par ces voies que l'arianisme se ren-
dait puissant et redoutable ; c'est par ces
cruautés qu'il se rendit maître des églises
d'Alexandrie, et il fit voir en même temps le
petit nombre de ses sectateurs ; car le peuple,
nourri dans la doctrine de saint Athanase,
voyant qu'on lui présentait une viande toute
contraire, abandonna les assemblées ecclé-
siastiques. Mais Luce, soutenu par les ado-
rateurs des idoles, qui lui servaient de gardes,
faisait déchirer les uns à coups de fouet,
mettait les autres en fuite, pillait même les
maisons comme un bandit. (Tillemont, vol.
VI, p. 582.)
Pierre fut obligé de se retirer à Rome,
tandis que divers évêques d'Egyj)te étaient
bannis en Palestine. Saint Isidore d'Hermo-
polis, Dorothée, martyr à Alexandrie, souf-
frirent en 373. Les ariens, sous le règne de
Valens, s'étaient emparés d'un grand nom-
bre d'églises. Sous Valentinien, les catholi-
ques purent assembler un concile, celui
d'illyrie, qui condamna les ariens. Valenti-
nien écrivit aux Eglises d'Orient, pour dé-
fendre qu'on persécutât dorénavant les ortho-
doxes. Cependant Démosthène, vicaire de la
Cappadoce et du Pont, ayant réuni un con-
ciliabule d'ariens à Ancyre en Galatie, chassa
Hypsie de son siège, et mit à sa place Ecdice.
11 persécuta ensuite saint Grégoire de.Nysse;
puis il vint à Sébaste, oii il persécuta vio-
lemment ceux qui étaient attachés à la com-
munion de saint Basile. On sait quelle per-
sécution Valens fit endurer aux moines, en
l'année 376. Ce ne fut que la guerre des
Goths qui força Valens à finir la persécu-
279
ARl
4RI
S80
tion. On peut voir, à son article, comment
il y mourut misérablement. Gratien, son
successeur, fil revenir les catholiques exilés.
On peut voir, dans Thistoire de l'Eglise, ce
que devinrent les ariens à partir de cette
éi)oque. Théodose les réduisit h l'impuis-
sance par ses lois, et leurs sectes se divi-
sèrent ti'lleuient, qu'ils demeurèrent sans
importance réelle.
ARIMA, royaume du Japon. En 1613, le
roi de le pays ht martyriser Thomas et Ma-
thias, tous deux frères, avec leurs deux en-
fants, Just ot Jac |ues, et Marthe, leur mère
et grand'mère. le 27 avril de la môme an-
né', il ht é...orger dans leur lit deux de ses
[iropres frères qui avaient embrassé la reli-
gion chrétienne. Dans le mois d'octobre, le
o,il Condamna au feu Adrien Tacafati Mundo,
Jeanne sa femme, Marie-Madeleine sa hlle,
vierge Agée de dix-neuf ans, et Jacques son
fils, âgé de douze ans; Léon Faiuxida Lu-
guyemon et sa femme Marthe; enfin, Léon
Tacuen Domi Cuniemon et Paul son fils, âgé
do vingt-sept ans. On peut voir ce qui con-
cerne ces dilférents martyrs à leurs articles
respectifs et au titre général Japon.
ARISTARQUE (saint), disciple et compa-
gnon de saint Paul, était de Tliessalonique, et
juif de naissance. Il accompagna cet apôtre
à Ephèse, et demeura avec lui pendant les
tro;s ans qu'il y resta, partageant les dangers
et les travaux de son apostolat. 11 faillit pé-
rir dans le tumulte que les orfèvres d'Ephèse
excitèrent contre saint Paul, ayant été ar-
rêté avec Gaius. 11 sortit de cette ville avec
saint Paul, et l'accompagna en Grèce, puis
en Asie, en Judée, et enfin h Rome, où on
prétend qu'il fut décapité avec lui par ordre
de Néron.
« Ad on et le Martyrologe romain disent
que saint Aristarque a été évêque de Thes-
salonique, et qu'après beaucoup de combats
qu'il soutint longtemps po^r Jésus-Christ,
il fut couronné par lui, et se reposa. C'est
dire assez clairement qu'il n'a point souf-
fert le martyre. Cependant les Grecs préten-
dent qu'il a eu la tôte tranchée par ordre de
ISéroii, avec saint Paul, aussitôt après lui;
ils lui donnent pour compagnons de son
martyre saint Prudent et saint Trophime.
JNlais quelque pou d'autorité qu'ait leur té-
moignage, ils l'infirment encore, en citant
pour garant Dorothée de l\ome, dont ils font
un éloge magnifique. Ils disent que ces
trois saints furent compagnons de tous les
voyages et de toutes les soullVances de saint
Paul, de <juoi Adon et le Martyrologe ro-
main conviennent avec eux h l'égard de
saint Aristarque. Mais je ne sais si cela
s'accorde tout à fait bien avec ce qu'ils ajou-
tent, qu'ils élai(;nt du nombre des soixante-
dix disciples; ce; (pii fait (pi'iis ne miinpienl
point de leur donin-r h; liltt! d'apôtres. SOWh
ce (pi'ils en disent le IV d'avril, auquel jour
ils en font leur grand ollicc;. Ils font encore
une njéiiioii(; de saint Aristarcpie, le 27 de
s(![)tembre, où ils h; joignent av(îc Jean,
Miirc et Zén.is, (pi'ils appelleiil Zenon, et ils
J« inettenl aussi eo jour-l^ au rang des
soixante-dix disciples. Ils ajoutent qu'il a
été évoque d'Apamée, en Syrie ; que, comme
un autre saint Jean, il se nourrissait de sau-
terelles et de miel sauvage, et qu'il portait
une ceinture de cuir; mais ils ne parlent
point du tout de son martyre. Usnard se
contente de l'appeler disci[)le de saint Paul.»
(i'illemont, IHst. eccL, vol. 1, ]). 571.)
ARISTIDE (saint), a|)ologiste des chré-
tiens, présenta, p^u de iem[)S après saint
Quadrat, une Apologie en faveur de la reli-
git)n chrétienne 5 l'empereur Adrien. 11 fit
])reuve dans cette pièce d'une profonde éru-
dition etd'unegrandeéloquence, qui dut faire
impression sur l'esprit de l'empereur. 11 est
certain que saint Aristide fut pour quelque
chose dans la résolution que prit ce prince
de faire cesser la persécution. L'Eglise célè-
bre sa fête le 31 août.
ARISTIDE, était président en Illyrie, sous
le règne de l'empereur Maximien. 11 fit souf-
frir le martyre à saint Ursice.
ARISTOBULE (saint), martyr, était disci-
ple des apôtres. On ignore le lieu, la date
et les circonstances de son martyre. Le Mar-
tyrologe romain dit seulement qu'ayant
achevé le cours de sa prédication, il con-
somma son martyre. L'Eglise vénère sa mé-
moire le k mars.
ARISTOMAQUE, commandant de la gar-
nison d'Héraclée, de Thrace, en 30i4., sous le
règne de Dioclétien, vint, en vertu des élits
de ce prince, mettre les scellés sur l'église
et sur les vases sacrés, en présence de saint
Philippe, évoque de la ville d'Hermès, son
diacre, et du prêtre Sévère. Philippe lui parla
avec un grand Courage. (Voy. les Actes de
ce saint martyr.)
ARISTON (saint), martyr à Carthage, en
250, sous le règne et durant la persécution
de l'empereur Dèce, fut enfermé dans un
cachot avec une foule de chrétiens, où, par
orflre de l'empereur, on les laissa mourir de
faim. L'Eglise fait la fête de tous ces saints
martyrs le 17 avril, avec celle de saint Map^
palique. {Voy. Victorin.)
ARISTON (saint), martyr, s'était converti
à la foi chrétienne en môme temps que les
saints Crescentien, Eutychien, Urbain, Vital
et Juste. Ils y avaient été déterminés par
saint Tranquiilin, leur ami commun. Ce fut
à saint Sébastien ([u'ils durent surtout leur
conversion, puis(pie ce saint oflicier du pa-
lais de l'empereur Dioclétien fut rinstrument
principal de la conversion de Tranquiilin.
Ils furent baptisés par le prêtre saint Poly-
carpe. Sélanl retirés en Cainpanie, dans les
terres de saint Chromace, qui, pour s'adon-
ner <i la prati(iue des vertus chrétiennes,
avait quitté sa charge de préfet de Rome, ils
furent martyrisés avec saint Félix, saint Fé-
licissime, sainte Marcie, mère de ces deux
saints, et sainte Symi)h()rose. L'Kglisc^ fait la
fête lie saii'it Ariston, avec celle (le tous ses
comiiagnoiis, le 2 juillet. [Voij. SKHAsxiiiN.)
ARISTCXNIQUE (saint), martyr, réi>an(lil
son sang pour la foi, h Méh-lino, en Armé-
nie , ave(; les saints Ilerinogène, Expédil,
Canis, Riifus (>t Galatas. On ignore la date
m
ARM
ARM
Mt
et les circonstances de leur mort. L'Eglise
célèbrti leur immortelle mémoire le 19 <ivril.
ARLES {Arelas et Areintc), chef-lieu d'ar-
rondissement dans le département des Rou-
ehes-du-Rliùne, n'a i)his maintenant (juo
29,000 liahitants. Anciennement celle cité,
l'une des |ilus imporlantes des lîaules, était la
rivale de Marseille. Elle comptait, il IN'potjiio
de Constantin, 100,01)0 habitants. Notre su-
jet nous détend de parler ici de son histoire
si féconde en événements, des monuments
que l'anli piité a semés dans ses murs. Main-
tenant Arles est située sur la rive gauelu! du
Kli<Mie. Sous les Romains, ses maisons, h
l'étroit dans la premièrti enceinte, avaient
sauté le Ucuve, et s'étaient étalées sur l'au-
tre rive. Arles enjambait le Rhône. Sous la
persécution de Diodéiien, saint (iénès, grel-
iier, \ fut martyrisé. (Fo//. l'article dece saint.)
ARMEN(.;OL(siinl Piiîure), martyr, de l'or-
dre de Notre-Dame de la Merci, naquit dans
le diocèse de Tarragone, en Espagne, vers
l'an 1238, de parents remarquables par leur
illustre origuie et par leur piété. Il reçUt
une éducation digne de sa naissance; mais,
loin d'en profiter, il s'enfuit de la maison pa-
ternelle, et devint chef de brigands. Il fré-
quentait les grands chemins, pillait les voya-
geurs, et n'avait point horreur de verger le
sang de ceux qui lui résistaient. Dieu ayant
entin touché son cœur, il vint se jeter aux
pieds du vénérable P. Guillaume de^as, qui
avait succédé à saint Pierre Nolasque dans
le gouvernement de l'ordre de la Merci. No-
tre saint, devenu un autre homme après son
éclatante conversion, se couvrait de haires
et de cilices, se chargeait de lourdes chaînes,
se déchirait le corps par de sanglanies dis-
ciplines, et se livrait à des jeûnes et à des
veilles rigoureuses. Surs dès lors de sa con-
version, ses supérieurs l'employèrent, avec
d'autres frères de l'ordre, au rachat des cap-
tifs. Ayant réussi au delà de toute espérance
dans sa première mission en Murcie, où il
s'était attiré l'estime des infidèles eux-mê-
mes, on l'envoya jusqu'à Alger. En moins de
deux mois, il racrrBti trois cent quarante-six
esclaves qu'il renvoya en Espagne, voulant
rester chez les Maures, afin de délivrer cent
dix-neuf chrétiens qui gémissaient dans l'es-
clavage à Bugie, et qui étaient en danger de
l'enicr leur foi. Ayant réussi dans cette der-
nière entreprise, il se di.^posait à revenir
lui-même en Espagne, quand il apprit que
dix-huit enfants chrétiens étaient sur le point
d'apos^asier et de réf)ondre aux propositions
infâmes de leurs patrons. Il se rend au lieu
où ces enfants pleuraient leur liberté perdue,
et traite de leur rançon , qui se conclut
moyennant mille ducats. N'ayant pas l'ar-
gent nécessaire, il se constitue prisonnier
jusqu'au retour du religieux qui devait bien-
tôt venir, et les dix-huit jeunes chrétiens
s'embarquent pour l'Espagne. Il profita de
son séjour ciiez les infidèles pour en conver-
tir un grand nombre : plusieurs païens puis-
sants, l'ayant appris, le firent jeter dans un
noir cachot, où il devait mourir de faim.
Mais les mahométans qui lui avaient vendu
les dix-huit esclaves sur parole, ne voyant
point arriver l'argent de la rançon, le firent
condanuier, comme espion, à être pendu.
La sont(Uice fut aussilAt exé(;uti'(î. Ceux qui
l'avaient fait condamiHîr exigèrent (pi'il res-
tiU suspendu à la potence, afin d'y servir de
pâture aux oiseaux de proie, et six jours
api'ès, quand le P. (j'iillaume, son compa-
gnon, arriva avec la rançon, il y était en-
core. Cuillaume se rend auprès du cadavre,
le eouvre de larmes; mais Pierre lui dit qu'il
a été préservé de la mort |)ar la protection de
la sainte Vierge, (jui l'avait assisté dans sa
détresse. Le divan ordonna (}ue le |)rix de
la rançon ne passai point aux barbares pa-
trons qui l'avaientexigé avec, tant de cruauté,
et qu'il servît au rachat de vingt-six escla-
ves. Noire saint revint en Espagne, <t con-
serva toujours le cou tors et le visage exces-
sivement pAle , servant ainsi lui-même de
])reuve au miracle pi-odigieux dont il avait
été l'objet. Plein d(î reconnaissance pour la
Mère de Dieu, qui l'avait si visiblement pro-
tégé, il se retira dans un couvent solitaire
qui lui était dédié, sous le titre de Notre-
Dame-des-Prés. Il y passa dix années dans
la pratique des plus grandes austérités. Il
prédit sa mort quelques jours avant qu'elle
arrivât, et s'endormit dans le Seigneur le
27 avril 130'f. L'Eglise fait sa fête le 27 avril.
ARMÉNIE. La religion chrétienne avait
toujours été florissante dans ce pays jusqu'à
l'avènement de Harguerd ou JezguerJ. C'est
le même qu ; la plupart des historiens nom-
ment Isdeyerd ou Jesdedgerd, 11' du nom.
Il monta sur le trôp.e en kkO, ou en 439,
s'il faut en croire Elisée Vartabed, l'historien
des guerres d'Arménie à cette époque. Haz-
guer.i fut un prince orgueilleux et gonflé de
vanité. Il se déclara l'ennemi mortel de tous
ceux qui croyaient en Jésus-Christ. Turbu-
lent ennemi du repos et de la paix, il cher -
chait sans cesse l'occasion de donner cours
à sa fureur. Après avoir saccagé l'empire
romain jusqu'à Nisibe, humilié Théodose le
Jeune en lui faisant acheter honteusement
la paix, il tourna sa fureur contre les chré-
tiens, qu'il persécuta violemment. Mais
voyant que ses persécutions, loin de dé-
truire cette religion qu'il combattait, ne fai-
saient que la répandre davantage en dispersant
dans les provinces les plus éloignées ceux
qu'il poursuivait, il entra dans une grande
fureur , et assembla ce qu'on nommait en
Perse la milice de la gauche, ou satellites
de la gauche, que des liens tout particuliers
attachaient au culte païen, et les mages. Les
mages lui dirent donc : « Héros roi ! les
dieux t'ont donné le royaume et la victoire,
ils ne te demandent pas en retour des hom-
mages terrestres, ils n'en ont pas besoin.
Ils veulent seulement que tu travailles à
ranger sous une seule loi et religion les
peuples soumis à ton sceptre, et tu peux être
assuré alors que les Grecs eux-mêmes ne
tarderont pas à devenir tes coreligionnai-
res. Lève des troupes sans nul retard, as-
semble des armées nombreuses, marche con-
tre le pays du Couchuns , fais passer tes
MS ARM
guerriers au delà ue la porte du défilé de
Balkh, et séjourne toi-même sur la fron-
tière. Quand tu auras enfermé toutes les
troupes chrétiennes avec leurs chefs dans
ces royaumes lointains et inhospitaliers, ta
volonté sera faite. Nous avons découvert
dans les mystères de la magie que tu de-
viendras vainqueur du pays du Couclunis et
que les Grecs alors ne [)Ourront échaii[)er au
joug de la Perse. Mais la chose la plus im-
portante, ô roi, c'est de détruire à jamais
la secte chrétienne I » (E. V., trad. G. K.
G., (i) pag. 9.)
Le roi reçut parfaitement ce consci. qui
entrait dans ses desseins, et immédiatement
il expédia dans toutes les [)rovinces l'édit
suivant : a A toutes les nations qui composent
mon royaume, aux arik et aux anarilc (aux
libres et aux sujets) salut et bienveillance !
Que l'abondance et la santé régnent parmi
vous ; nous nous jjortons bien nous-même
avec l'aide des dieux. Sans vous donner la
moindre peine, nous sommes entré en ar-
mes dans le pays des Grecs, et là, sans
même en venir aux mains, nous avons, par
la douceur et l'amitié, soumis toute la terre
au joug de notre empire. Soyez iieureux et
(jue votre joie soit sans terme. Mais au
reçu de ce présent édit, rassemblez sur-le-
champ la cavalerie et allez m'attendre au
pays d'Abar, où j'irai vous rejoindre, car
nous avons résolu de marcher au pays de
l'Orient, avec l'aide des dieux, et de conqué-
rir le rovaume du Couchuns.» (E. V., trad.
G. K. G.', ibid.)
Aussitôt que cet édit fut promulgué, on se
hâta d'obéir en Arménie, comme partout
ailleurs. On leva des troupes en nombre
considérable; hommes de toutes conditions y
entrèrent, libres, nobles et princes de sang
royal, (leux d'Albanie, du |)ays de Lepnik,
les Carduques, les (jot.hs, les Zotechs et les
peuples d'Arznarzun firent la même chose.
Tous cesdilférents peuj)les étaient chrétiens,
attachés fermement à une Eglise catholi({ue
et apostolique. De toutes parts on se mit
en marche. Les chefs ignoraient les inten-
tions abominables d'Hazguerd. Tous ces
guerriers chrétiens avaient avec eux des
prêtres et leurs livres saints. C'était bien
ayec j)eine qu'ils avaient vu leurs coreli-
gionnaires de l'emjiiri; grec abaissés devant
les armes d'Hazgu(.'rd ; mais ils se souve-
naient du commandement du grand aj)ùtre
qui ordonne aux serviteurs d'ojjéir à leurs
maîtres tempoiiils. A la vue de cette multi-
tude, le r n manifesta sa joie, et (it i!e grands,
jirésents aux chefs. Il marcha contre le ])ays
du Couchun.s fpays des Huns], et il gmi-
roya deux ans sans gi-ands résullals. Mus
tard, jus(pi'à la onzième; anné(î de son règnt;
la guerre continua, (it il |)aivinl à liMoniphcr
complètement du roi de (louchuns. Knllé de
ses trioijq)he.'-s, il en était venu à croire
qu'il était plus (ju'un honnne. l*;n-fois il se
cachait, pour (pie les mag(;s jHjbliasseMt (lu'il
(1) Soulèvement national de l'Arménie chrétienne
par Llisé»; Varl:iln;(|, irudiiilcu l'raii(;ais par l'aljhô
Orcgoiic Kaharagy Garabe(J.
ARM
284
était en conversation avec les dieux. Le seul
nom de Jésus-Christ le mettait en fureur, et
il ne pouvait comprendre qu'un dieu se ftlt
laissé maltraiter, crucilier, mourir et ense-
velir; il revenait sans cesse à ces points de
notre foi, qui lui fournissaient un continuel
sujet de moquerie. « Mais, lui dit un jour
un très-jeune prince arménien, d'où savez-
vous, mon roi, toutes ces choses touchant
Notre-Seigneur ! — D'où je "les sais? répondit
Hazguerd; ne me suis-je pas fait lire le livre
de votre croyance erronée ? — Et pourquoi,
répondit le jeune prince, n'avez-vous fait
lire que jusque là? si vous aviez été plus
avant, vous auriez vu la résurrection, l'ap-
parition de Jésus ressuscité à ses disciples,
son ascension au ciel où il est assis à la
droite de Dieu, la promesse de son second
avènement, la résurrection merveilleuse du
genre humain, le jugement dernier et la ré-
compense équitable ! » Le roi se prit à rire
et dit d'un ton dédaigneux : « Mensonge que
tout cela, mensonge ! » Mais le héros chré-
tien lui repartit sans s'émouvoir : «Si vous
regardez comme croyable son supplice dans
le temps, vous pouvez croire avec plus de
certitucle encore à sa gloire immortelle et à
son terrible avènement dernier. » (E. V.,
trad. G. K. G., p. 13.)
Alors, entrant dans une violente colère,
le roi lit mettre aux fers ce jeune prince, qui
se nommait Karéhin, et après l'avoir fait lan-
guir deux ans au fond d'un cachot, il con-
fisqua ses biens et prononça contre lui une
sentence de mort.
Quand Hazguerd eut à peu près fini ses
guerres, il montra toute sa rage contre les
chrétiens. Ici, nous laissons parler Elisée
Vartabed. « Je dirai ce que j'ai vu, ce que
j'ai entendu moi-même, lorsque j'étais sur
les lieux. Il me semble encore entendre ré-
sonner à mes oreilles le son de sa voix inso-
lente. De même (qu'une tempête violente
fond sur la vaste mei-, ainsi ce roi impie
remuait et ébranlait les milices innombra-
bles qui s'étaient rangées sous ses ordres. 11
faisait examiner toutes les religions et toutes
les doctrines, qu'il confrontait avec la magie
et l'astrologie chaldéennes, sans en excepter
même le culte chrétien ; puis il disait avec
emportement : « Cherchez, examinez, nous
adopterons la meilleure; » mais c'était pure
hypocrisie, car il voulait qu'on ne suivît que
celle (lu'il avait dans la tête. Les prêtres de
vingt pays divers, ({ui étaient dans l'armée,
connurent bientôt les intentions secrètes
du roi, ils apei eurent le feu (jui brûlait sour-
(hnnent et ([ui allait l»ienl(H s'étendre de ma-
nier»! à l'avager les montagnes et les plaines;
c'est ])oui'(pini ils s'enllaminèrent, de leur
c(jté, du feu divin, et se tinrent en ganle
cohti'e les niachinalions occultes de l'ennenii
caché de leur foi. Dès lors, foulant aux pieds
Ions les mnagenienls timides, ils célébrè-
ii'ul l(Mir olliee divin au milieu du camp,
(Milointant à haute voix les psaumes et les
antres chaiils religieux, et faisant b^urs ser-
mons publiciuement aux yeux de toute l'ar-
mée sans la moindre crainte ; ils instrui-
285
ARM
ARM
280
saient ceux qui venaient à eux. et guéris-
saient, par IcMirs prières et avec l'aide do
Dieu, l)(>au('Oup de païens malades. » (K. V.,
trad. (i. Iv. C, p. 10.)
Le roi, voyant cette généreuse audace des
chrétiens, combla d'iionncurs et de dignités
ceux ([tii se prètaienl ii ses desseins iniiiiics.
Alors on vit les indignes |)r('n(ii'c la place
d;'s honnêtes, les ignorants celhi des savants,
les lAches celle des braves. Les hoiiniuîs
vertueux et consciencieux furent repoussés
de partout. Ce furent surtout les Arméniens
(|ui furent le plus maltraités. Us étaient plus
attachés que tons les autres à leur religion,
ce qui leur attirail la haine toute |)articulicre
d'Vïazguerd. Il faut malheureusement dire
(pio ceux qui avaient résisté aux menaces et
à la violence ne résistèrent pas également
aux séductions. Il [)rodiguait l'or, les domai-
nes, et, |)Our garder le langage (l'Klisée, les
métniries et les villages, h ceux (pii abandon-
naient leur religion." 11 les piessait d'abjurer
en leur disant : « Si vous embrassez la foi
des mages, si vous reconnaissez nos dieux
pour les dieux véritables, et que vous abju-
riez vos erreurs, je vous promets de vous
faire d'aussi grands personnages que mes
ministres, et même de plus grands qu'eux.»
]\ïalgré tout cela, le christianisme, loin de
s'éteindre, gagnait de plus eu plus. Il en
avait la preuve en parcourant les provinces.
Partout il y trouvait la foi chrétienne en
voie de progrès et d'agrandissement. Aussi
sa colère en était-elle au dernier des points
excitée. Ne pouvant plus se contenir, il dé-
voila malgré lui sa pensée et promulgua,
dans la onzième année de son règne, c'est-
à-dire en .'i5D, l'édit suivant : « Que toutes
les nations et tous les peuples soumis à mes
ordres cessent sur-le-champ de suivre leurs
fausses religions, qu'ils reviennent à l'ado-
ration unique du soleil , et le confessent
dieu en lui offrant des sacrifices ; qu'ils
soient toujours prêts à se rendre où. les
appellera le service du Feu, et qu'ils ob-
servent strictement la loi des mages. » (E.V.,
trad. G. K. G., p. 19.)
Des courriers extraordinaires portèrent
cet édit dans toutes les contrées soumises
à la domination d'Hazguerd. Les prescrip-
tions si larges de cet édit, qui ne précisait
rien, (permettaient tout aux persécuteurs, et
ouvraient la porte la plus large à la violence
et k l'arbitraire.
Au commencement de l'année suivante,
la douzième de son règne, Hazguerd fit de
nouvelles levées dans tous ses Etats. Il porta
encore la guerre chez les habitants du Gou-
chuns dont il ravagea les provinces. Ren-
trant en Perse chargé d'un imme ise butin,
il crut faire un acte pieux en revenant à ses
projets iniques. Les mages lui dirent : «Les
dieux qui vous ont donné l'empire et la
victoire ne vous demandent rien des choses
précieuses de la terre. Ils veulent seulement
que vous anéantissiez dans vos royaumes
tout culte qui n'est pas le culte du grand
Zoroastre. » En exécution de cela, le roi fit
enfermer toute la cavalerie des Arméniens,
des Géorgiens et de ceux d'Allaink sous la
porte du défilé de Balkh. Il les parqua, dit
l'historien, comme dans unci cage dans cette;
gorge sans issue. Alors il fit mettre les
chi'étions à la torture, il les livra <i de cruels
supplices pour les forccn- h abjunM- le culte
du vrai Dieu. Mais cette sainte milice ne se
laissa ni vaincre ni intimider'. Tous proles-
tèrent contre de telles cruautés, mais Haz-
guerd furieux jurait cpi'il ne laisserait nas
aller les chrétiens, qu'ils n'euss(;nl obei h
ses connnandements. Les voyant inébranla-
bles , il fit arrêter (juatre des principaux
chefs; il les fit juettre à la torture, battre
cruellenumt de verges au milieu du camp,
et ensuite jeter dans un cachot. Alors il fit
semblant de faire grâce aux autres. Il recula
devant la boucherie de cette nouvelle lé-
gion thébéenne; non pas que le crime lui fit
horreur, mais i)arce qu'il ne voulait pas
d'une exécution en masse qui eût trop de
retentissement. Satan lui dicta ce qu'il avait
<i faire, et il exécuta ses ordres avec une
atrocité qui n'a presque pas d'exemple dans
l'histoire. Au bout de douze jours, il invita
tous les chefs, ou du moins les principaux
des troupes chrétiennes, à un grand repas.
Au moment de se placer à table, Hazguerd,
avec un air aimable et prévenant, indiquait
à chacun sa place, et parlait à tous avec fa-
miliarité. On servit des viandes immolées au
soleil. Le roi invita ses convives à en man-
ger. Tous refusèrent avec un généreux cou-
rage. Il en fit servir d'autres, ayant même
l'air de n'attacher aucune importance à ce
qui venait de se passer. Mais, au sortir de
table, la plupart des convives furent arrêtés
dans la galerie. On leur attacha les mains
dei'rière le dos avec les cordons ou bre-
telles de leurs pantalons, et on les conduisit
en prison. On les y laissa deux ou trois jours
sans rien leur donner à boire et à manger.
On les y tortura d'une manière infâme. L'au-
teur dit que l'horreur des choses qu'on leur
fit souffrir l'empêche de les décrire. Ensuite
on les dépouilla de leurs dignités, et on les
envoya en exil. Le roi fit après cela dissé-
miner les troupes chrétiennes en plusieurs
corps, qu'il envoya au loin faire la guerre
dans d'alfreux déserts. La fatigue, le glaive
des ennemis, en firent périr un grand nom-
bre. On cessa d'envoyer des vivres à ceux
qui restaient. Us traînèrent dans ces pays
lointains l'existence la plus malheureuse ,
mais plus ils étaient accablés, plus ils re-
doublaient de ferveur et de confiance en
Dieu. Us se retrempaient dans la prière.
Chaque jour, au milieu d'eux, leurs prêtres
oifraient le saint sacrifice. Leur courage, leur
abnégation, leurs vertus admiiables, leur
attiraient le respect, la vénération des peu-
ples païens au milieu desquels ils étaient
relégués. Quant au roi, oublieux des servi-
ces de ces hommes qui l'avaient servi avec
courage et loyauté dans ses guerres, il inven-
tait chaque jour de nouvelles cruautés pour
les rendre de plus en plus malheureux. Il y
avait parmi eux plusieurs princes d'Arménie,
dont les mères ou les sœurs avaient allaité
287
ARM
ARM
288
ses frères. Il les maltraitait encore plus que
les autres.
Cette bête féroce n'était pas satisfaite : il
lui fallait ou la dostruition do l'Arménie, ou
son abjuration du christianisme. Il la tortura
de toutes les façons. '11 y envoya, comme
gouverneur commissaire , Tenchaboucli ,
homme qui lui était dévoué, et qui soumit
ce malheureux pays aux exactions fiscales
les plus e\orl)itantes. Ce fut surtout sur les
prêtres , les moines , et sur les chrétiens,
qu'il tît peser d'une façon atroce ces exigen-
ces, les accablant d'impôts onéseux, pour les
forcer ou à embrasser la religion d.'s mages
ou à quitter le pays. Il destitua Vahan l'A-
madouai , gouverneur du pays , père des
chrétiens par sa bonté, sous prétexte de né-
gligence dans ses fonctions. Il mit à sa
place un Perse, nommé Moucligan. Pour
donner au magisme la suprématie sur la
religion chrétienne , il plaça auprès du
nouveau gouverneur un mage comme juge
suprême du pays. Il ne fit pas de l'adminis-
tration, mais du pillage en Arménie.
Hazguerd, voyant que malgré tout cela la
malheureuse Arménie ne changeait pas dans
ses croyances, fit écrire par l'assemblée des
mages le manifeste suivant :
« Mihr-Nerseh, visir et grand ordonnateur
de Jeran et Danieran (Je la nation persane et
des peuples tributaires), aux grands Armé-
niens, salut très-cordial.
« Vous saurez que tout homme qui ha-
bite sous le ciel et qui ne suit })as la religion
de Mazdiezn (du roi , l'adorateur du dieu
d'Ormizt) est sourd , aveugle et trompé [lar
les dews (démons) de l'Ahrmen. Lorsque le
ciel et la terre n'existaient point encore,
Zervan, le grand dieu, offrit des sacrifices
pendant res[)ace de mille années, en disant :
Peut-être qu'il me naîtra un fils, du nom
d'Ormizt, qui fera le ciel et la terre. Son
ventre conçut alors deux enfants, l'un pour
les sacrifices, et l'autre pour diie : peut-être.
Lorsqu'il sentit les deux jumeaux remuer
dans son ventre , il dit : Celui qui viendra
au mondi; le premier aura mon empire. Ce-
lui qui avait été conçu pour linciédulité lui
fenoit le ventre et sortit dehors. — Qui es-tu?
lui demanda Zervan. — Ton fils Ormizt, i-é-
pondit-il. — Mon fils est éclatant de lumière
et lépand une douce o leur, répliqua Zervan,
tandis que tu es noir comme les ténèbres et
que tuas la mine d'un mauvais sujet.... Kt
tonmie il pleurait amèrement , son père,
touché de ses larnu;s,lui donna l'empire pour
mille ais et le nomma Arhm(!n.II engendra
ensuite l'autre fils (juil nonnna O rnizl, (U il
ôta l'emjiire ô Aihiui-n fiour en invcslii- Or-
mizt en lui disant : JusipTici j(! vous ai fait
d''S sacrifices, c'est maintenant à votre tour
de m'en offrir. Alors Oiinizt ciéa les cieux et
la terre; mais Aihmen, au contraire, ci'éa le
mal. Toutes les créatures furent partagées
entre les diMix frères, et divisées ainsi : les
anges appartinrent à Ormizt, et Arhinen eut
pour son lot les dews. Tous les biens cpii
descendent d'f'n liant sur la terre depnis h;
leij)[)s df; lu création jusqu'à nous, sont l'ou-
vrage d'Ormizt, et tous les maux qui acca-
blent les hommes sont l'œuvre d'Arhmen;
au^si tout ce (ju'il y a de bon en ce monde
vient d'Ormizt, et tout ce qu'il y a de mid de
son frère Arhmen. Oinizt a créé l'homme;
mais les peines, les maladies et la mort re-
montent h Arhmen, Les malheurs publics et
particuliers, les guerres et les entrejirises
d('sa'^trcu£es émanent du mauvais principe ;
mais le bonhei.r, la royauté, la gloire, les
h (inieurs, la santé du corps, la l)eauté du
visage, l'élocjuence, les longsjours de la vie,
découlent du bon principe. Tout ce qui n'est
pas pur et parfait découvre le mélange des
deux principes. Tout homme qui avance que
Dieu a créé la mort, et que le bien et le mal
découlent de la même source, est dans Ter-
reur. Les chrétiens y sont surtout, lorsqu'ils
disent que Dieu est susce;-tibh? de jalousie
et qu'il créa la mort pour imnir l'homme n'a-
voir mangé une figue cueillie sur l'arbre dé-
fendu. Une pareide jalousie, qui serait ab-
surde d'homme à homme, peut-elle exister
dans un dieu? Celui qui parle ainsi est sourd,
aveugle et trompé par les dews. Mais les
chrétiens donnent dans une erreur bien plus
grande encore ; ils disent que Dieu qui a
fait le ciel et la terre est venu parmi nous
et qu'il est né d'une certaine femme nom-
mée Marie, dont le mari s'appelait Joseph ;
beaucoup de gens ont été trompés par cet
homme, qui se disait Dieu. Si les Grecs, par
un effet de leur profonde ignorance et d une
manie, suivent cette doctrine erronée et se
])rivent des lumières de notre religion par-
faite, ils en porteront le dommage. Mais vous
qui êtes sujets de la Perse, pourquoi tombez-
vous dans le même délire? Poiuquoi suivez-
vous ces erreurs? Embrassez la religion de
votre maître, ipù doit répondre de vous de-
vant Dieu. N'avez pas foi à vos chefs, que
vous nommez nazaréens, parce qu'ils sont
très-menteurs et très-fourbes; ce qu'ils vous
enseignent ()ar leurs |)aroles, ils le démentent
par leurs œuvres. Manger de la viande, di-
sent-ils, n'est j)as pécher, et pourtant ils n'eu
mangent pas! Prendre fennne est, disent-
ils, une chose convenable, et cependant ils
ne veulent pas siîulement regarder les per-
sonnes de l'autre sexe! Ce n'est pas com-
mettre un péché que d'amasser honorable-
ment des richesses, disent ces honunes, et
ils ne cessent de prêciuM- et de vantei' la pau-
vreté ! Ils préconisent le malheur et décrient
la prospérité; ils se mo(pient du nom de
la bonne fortune, et tiennent à mépris t)ute
espèce de gloire; ils aiment à se vêtir d'ha-
bits grossiers et préfèrent les choses viles à
celles ([ui sont j)récieuses; ils louent la mort
et mé|)risent la vie; ils ne font pas de cas
de la fécondité de l'honiuK^ et vantent au
contraii-e la stérilité : en sorte (pu' si leurs
disciples les écoutaient, ils n'auraient |)liis
aucini comiiierce avec les femmes, ce ([ui
amèiiei'ait bienlol la fin du monde.
« Maisje ne pi^'lends pas dans cet écrit V'uis
d-'tailler loules leiu's doctiines, car ils disent
une foule de choses bien aulrenuMit absurdes
(jue celles (pie je viens de vous rapporter.
289 ARM
Us prôolionl, i)arexeni{)lo, quo Dieu a été mis
en croix uar les liommes, (lu'il est mort,
qu'il a éto enseveli, et ([u'ensuito il est res-
suscité et monté aux eieux. Or, vous devez
déjà étie en [losilion (1(^ juger la valeur de
celîe indigne doctrine. Les démons, (|ui sont
nu^chants, ne peuvent être ni pris ni lour-
numtés par les hommes : counntmt donc;
cela est-il su|)portable lorsipi'il s"agit du
sDuveiaiu auteur de toutes les créatures?
dette chose {)our vous autres, chrétiens, est
fort honteuse à dire, et i)Our nous, celte doc-
tiine est aiissi ab. urde ({u'elle t\st incroyable.
Ujne vous reste plas,ù Arménie'is,(pie d(;ux
chdses à faire : l'une de répondre à celte lettre
article par article, l'autre, de venii'en toute
dili-çence h notie SublimtvPortc et de vous
})résenter h notre grand tribunal. » (E. V.,
trad. G. K. G., -20.)
Aussitôt les évé(]ues du [Kiys se réunirent
en concile à Ardachade, capitale, et d'un
comumn accord rédigèrent une réponse au
roi. Voici les iicmis des évoques signataires :
Joseph, évè([ue d'Arazad, Sahag de Daron,
Melide de Mana/guerd, Eznige de Sagrévant,
Sourmag des Peznunik, Dadjad des Daïk,
Tatgie de Passen, Kasson du Daroupérau,
Jérémie de Martasdan, Evg' agh de Martagh,
Ananias des Siounik, Moucha des Arzirou-
nik, Sahag des Richedounik, Basile des Mo-
ges, Kat des Vanant, Elisée des Amandou-
nik. Frère des Antzvat/ik, Jérémie des Aba-
hounik. (E. V., trad. G. K. G., p. 30.)
La répor'se du concile reçut ra[)probation
d'un très-grand nombre d'ecclésiastiques et
des princes du pays. La voici textuellement:
« Joseph, évêque, du consentement de
toute l'assemblée, depuis les plus grands
jusqu'aux, plus petits , à Mihr-Nerseh le
grand ministre des Perses et de ceux qui ne
le sont point, salut respectueux et pacifique,
ainsi qu'a tous les grands officiers du héros.
Depuis le temps de nos ancêtres, nous avons
coutume, conformément au précepte divin,
de prier sans Ci'sse pour le roi et de deman-
der à Dieu qu'il lui accorde de longs jours
et un règne prosjière, afin que, jouissant des
bienfaits de cette longue tranquillité, nous
puissions servir Dieu en repos et en sécu-
rité pendant tout le cours de notre vie pré-
seuie. Quant au contenu delà lettre que vous
nous avez envoyée, voici notre réponse:
« 11 y a déjà c^uelque temps qu'un certain
chei de vos mages, parfaitement instruit de
votre doctrine religieuse, et que vous estimez
vous-même au-dessus de l'humaine nature,
se coiiVertit au Dieu vivant, créateur du ciel
et de la terre; il discuta voire reliç,ion, ar-
ticle par article, et vous en démontra l'erreur.
Comme on manquait de boinies raisons à lui
opposer, on le lapida [lar ordre du roi Or-
mizt. S'il vous est agréable d'entendre notre
réponse, donnez-vous la peine de lire ce li-
vre qui n'est pas diiiicile à trouver chez vous,
et vous serez parfaitement instruit. Notre
reli„ion n'est pas une petite secte impercep-
tible, prèchée dans quelque couvent ignoré ;
elle est rénandue par toute la terre, à l'Oc-
cident, à rOrient, au Midi, au Nord, dans
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les îles el dans les pays du Milieu; tout est
plein lie chrétiens. Ce n'est pas par l'appui
des hommes qu'elle s'est ainsi étendue par
tout l'univers; elle piicle en elle-même la
cause de son solide établissement, (le n'est
pas en la comparant aux autres cultes mé-
piisables (pion en reconnaît la sublimité,
c'est en l'étudiant avec attention; alors on
voit qu'elle a reçu du ciel sa constitulion
immuable sans intermédiaire humain. Dieu
est seul et unique, il n'y en a pas d'autre,
ni au-dessus ni au-dessous de lui. Il n'a r; çu
do personne son principe divin, il existe
éternellement par lui-même, non pas dans
un lieu, i)arce qu'il est seul lieu en lui-môme,
non pas dans une période, parce que les
temps el les périodes n'ont d'existence que
par lui. Non-seulement il est antérieur aux
cieux, mais son antiquité infinie passe l'ima-
gination des hommes et des anges. II ne se
revêt point d'une forme empruntée aux élé-
ments, nul regard ne l'a vu, nulle main ne
la touché, et nul esprit, et je n'entt nds pas
seulement celui des hommes corporels, mais
de même des anges, ne l'a pu comprendre.
Il se communique seulement à l'âme de ceux
qui l'aiiorent, et qui sont dignes de cette la-
veur par la pureté de leur foi; jamais il ne
peut tomber sous nos sens, ni être percep-
tible à l'esprit des êtres terrestres. Son nom
est : le créateur du ciel et de la terre, même
avant que le ciel et la terre existassent;
comme il existait de soi-même, ainsi son
nom est de soi-même. 11 est en dehors du
temps et sans période, et quand il lui a plu
il a donné le principe d'existence à tous les
êtres qu'il a créés, non de quelque chose,
mais de rien; car lui seul est la chose, et
toutes choses existent en lui et par lui. La
création de l'univers n'a pas même élé pour lui
une idée venue après; avant de le créer il
voyait comme dans un miroir tous les êtres
dans son éternelle connaissance , comme
maintenant il voit par avance toute action
bonne ou mauvaise que peut faire l'homme.
Ainsi, lors.iu'il n'existait encore rien. Dieu
connaissait déjà les êtres incréés qui se pré-
sentaient à son esprit divin, non pas confu-
sément, mais avec ordre et symétrie , soit
homme, soit ange, mais parfaitement distinct,
les espèces et les individus qui allaient naître
dans son espèce. Comme il est essentielle-
ment un pouvoir actif, notre méchanceté
même ne pouvait arrêter ses bienfaits. 11 en
a été réellement ainsi 1 1 nous avons eu le
bras de notre créateur pour juge. Les mêmes
mains qui ont créé le monde ont gravé sur
la table de pierre la loi pacitique et sainte qui
contient toute doctrine sublime. Cette loi
nous oblige avant tout de reconnaître qu'il
n'y a qu'un seul Dieu, créateur d'e tous les
êtres visibles et invisibles; ce Dieu ne se
compose pas, comme le vôtre, de deux prin-
cipes, l'un bon et l'autre mauvais : il est un
et purement bon. Mais s'il vous semble qu'il
y a des êtres mauvais parmi les créatures
de Dieu, ayez la complaisance d'entendre
notre réponse sincère. Les démons ou dews
sont mauvais ; vous dites : il y a aussi des
iJftl
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AHM
292
'lews bons que vous et nous apjjelons anges.
Si les di'ws lavaicMil voulu, ils auraient été
bons, et si les anges l'avaient voulu, ils eus-
sent été mauvais, ear les uns et les autres
ont été créés libres. 11 en est ainsi parmi les
hommes et souvent même parmi les enfants
du même i)ère : les uns sont d'une humeur
soumise et docile, les autres so'.it pires (lue
des démons. Bien plus, ce mélange de bien et
de mal se rencontre chez le même homme,
et l'on dirait deux êtres distincts dont l'un
bon et l'autre mauvais. Un homme bon peut
devenir mauvais en certaine circonstance,
et retourner ensuite au bien ; il n'y a pas pour-
tant en lui deux natures, mais une. A ce que
vous dites, que poui- une tigue Dieu a fait la
mort, je réponds : Un petit morceau de par-
chemin vaut moins ([u'une figue, mais si l'on
écrit une ordonnance du roi sur ce parche-
min, et qu'un audacieux ose le déchirer, ce
crime emporte peine capitale. S'ensuit-il que
le prince soit à blâmer pour cela, et pourrai-
je le taxer d'injustice? Nullement, et bien
loin d'avancer une telle chose, j'expliquerai
aux autres la raison pour laquelle ce cliàtiment
est convenable et mérité. En défendant à sa
créature de toucher au fruit de l'arbre de scien-
ce, Dieu ne fit point preuve de jalousie; au
contraire, il prévint l'homme des suites fata-
les qu'aurait sa désobéissance, et en le préve-
nant ainsi, il lui manifesta son amour.
Quand l'homme viola le précepte divin, il en-
courut naturellement la peine de mort.
« Mais, dites-vous, comment Dieu peut-il
naître d'une femme? Cet article de notre foi
ne devrait pas vous étonner si fort, car votre
Arhmen et votre Ormizt sont nés du père et
non pas de la mère, chose bien autrement en
contradiction avec les lois delà nature; et
comme si cette croyance n'était pas déjà assez
absurde, votre dieu Miher est non-seulement
né d'une femme, mais, ce qui est bien autre-
ment ridicule, il est né du commerce inces-
tueux avec sa i)ropre mère. Si vous eussiez
un peu mis de coté la prééminence dont
vous vous enorgueillissez <t que vous fussiez
entré avec nous dans une discussion amicale
(je sais que surtout autre objet que celui de
notre culte vous êtes réellement savant),
vous n'eussiez pas traité de fable l'origine de
Notre-Seigneur, né de la sainte Vierge, mais
vous eussiez confessé qu'un mystère plus
grand que l'univers créé de rien est celte
(uerveilleuse rédemption qui jnuis a sauvés
de l'esclavage du péché [tar une inex|)licable
bonté divine. Quand nous disons (jue Dieu
a créé l'univers, (;om[)r(M)ez bien que nous
voulons dire qu'd a donné l'être, au moyen
de sa seule parole, <i toutes les ciéalmiîs
qu'il renferme. Dieu, qui a fait et; gratid corps
de l'univers sans la moitxJre pcùne, en a ('ga-
iement un soin crmtiuuel connue un tendre
pèrci. Il a créé l'homme; incorru])til)le de sa
nature, il a fait son ouvrage ;i son image,
pur et sans co;iuplion; mais l'honnne pécha
et se corrompit v(jlontaiiemenl, et (;nsuile
il no r)Ut remonter à son premiiir état; car il
était t;iil de leiic, il renlia dans sa propre
nature. 0« ne fut pas par l'ell'i-t d'une force
étrangère ou d'un mauvais principe ou
d'Arhmen qu'il fut poussé à mal agir et qu'il
en reçut le cliàtinuMit, mais à cause de sa
proj)re faiblesse qui le porta à enfreindre
l'ordre de Dieu. C'est ainsi que la partie ser-
vile fut punie par la peine de mort, dont elle
avait le germe. Or, si un dieu mauvais a
fait la mort et détruit les créatures du dieu
bon, je vous demande quelle est la substance
de la mort, et si elle est perceptible îi la vue?
Certainement elle ne l'est pas. Si le mauvais
dieu était ce que vous dites, on ne pour-
rait à d'autre a[)pliquer l'épithète de bon ;
mais {)lulôl un créateur à demi dans chaque
chose créée et pourtant corruptible; car il
n'y a que l'ouvrage d'un dieu corruptible
qui puiss > être défait et détruit par un autre,
et il serait impossible alors de lui donner
la qualité d'incorruptible et de parfait. Dieu
nous i)réserve d'accepter une telle doctrine,
et de croire avec vous qu'un dieu méchant
ait gâté l'œuvre du dieu bon. Comment pou-
vez-vous admettre ce principe absurde? Un
même Etat ne peut avoir deux maîtres, vous
le savez, et à plus forte raison une simple
créature ne peut être dépendante de deux
dieux. Si deux rois venaient par malheur à
régner sur le même Etat, cet. Etat serait bien-
tôt sur le penchant de sa ruine, et se dissou-
drait de lui-même.
« Ce monde que nous habitons est matériel.
Ses éléments, pris séparément, sont distincts
et doués de qualités contraires; le créateur
de ces matières hostiles est le seul (lui puisse
les mettre en harmonie. Ainsi, la chaleur est
tempérée par le moyen de l'air, et l'air glacé
est à son tour adouci par- le feu. Ainsi la
poudre tme de la terre est délayée et pétrie
par l'humidité de l'eau, et l'eau, qui est tluide,
est arrêtée par le limon durci de la terre. Si
les éléments n'étaient [)as de nature opposée,
et s'ils étaient d'accord ensemble, il aurait
pu arriver que quelque pauvre esprit faible
ïas aurait pris pour des dieux et adorés de
préférence au Créateur; mais celui quia créé
toutes choses avait pris d'avance ses mesures
pour prévenu' un tel abus, il a mis les élé-
ments en opposition, atin ([ue l'homme put
recomiaîlre qu'ils avaient un modérateur et
que ce modérateur était un et non pas deux.
D api'ès l'ordre de leur ciéateur, ces quatre
éléments ([ui composent tout sur la terie,
causent tour à tour l'inlluence des quatre
saisons et font leur service annuel, connue
(les créatui'es intelli;4entes nécessairement
atl(Oée.s i\ un joug coimnun. Us obéissent ;\
la volonté de leiu' créateur sans nuninurer
et satis se disputer les lioiuieuis de la pré-
séance, 'l'elh^ est notre explication, et nous la
croyons assez claire [)our cpie tout h; monde
puisse la compremiic. Pai"ce(pu! le l'eu s'unit
subslanliellemeni aux trors autres éléments,
on trouve du ieu eu abondance dans les pier-
re ^ (;t dans h; fer, mais très-peu dans l'air et
dans l'eau, il n'existe mille j)art <i l'état sé-
paré et n'est point comme les autres ipii
existent en masse. L'eau, (pii forme un corps
s(''|ia»-é, S(! mèhi, à doses plus ou moins for-
tes, avec les trois autres éléments. Il eu
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entre heaiicoup dans la terre et dans ses di-
verses |)iûdiulioii.s,lrès-|ieii dans l'air et dans
1' l'eu. 1/air pénrlre le feu el dans l'eau et
dans la terre; avec la coopération de l'eau
el ilu l'eu, l'air est la grande puissance' végé-
tative (|ui nouriil. toutes les |)roductions ter-
restres. Auisi les éléments se mêlent et ils
sont connue un corps sans se conl'ondre et
sans altérer leur nature individuelle; aucun
d'eux ne s'arrête au milieu de sa tAclie, ni ne
s'écarte des autres dans un esprit d'opposi-
tion; ils subsistent ensemble par l'ordre de
Dieu, (jui préside à tous ces mélanges et les
dispose de manière à [)euplei' par une l'oule
d'èlres vivants el à continuer d'une manière
inaltérable et uniforme le système de l'uni-
vers. Si Dieu prend tant de soins du monde,
(jui n'est (lu'uueniatièreinintelligible, sa solli-
citude est bien pi us grande encore pour ce mon-
de laisonnable et pinsanl, qui est l'homme.
« Un de vos plus anciens sages a dit que
le dieu Miher naquit d'une mère, laquelle
était de race humaine ; il n'en est pas moins
roi, tils dieu et allié vaillant des septièmes
dieux. » S'il vous convient de croire une
fable aussi absurde qui s'accorde avec vos
mœurs et les autorise à certains égards, vous
en êtes les maîtres; quant à nous, il nous
est impossible d'ajouter la moindre croyance
à de pareils contes. Nous sommes disciples
du grand prophète Moise, à qui Dieu parla
dans le buisson d'Horeb et dans Sinai , et
devant lequel il écrivit la loi à la vue de
tous, et la lui donna. Dans cette loi donnée à
Moïse, il est dit que le monde est matériel
et créé, tandis que Dieu est immatériel ; que
Dieu a créé de rien la matière , le ciel avec
tous les corps célestes, puis la terre avec
tous les végétaux qui la couvrent elles ani-
maux qu'elle nourrit. Les anges habitent le
ciel, et les liommes la terre, qui sont des êtres
seuls doués de raison ; mais Dieu incom-
préhensible est plus grand et plus élevé que
la terre et les cieux.
« Les créatures qui ne sont point douées
de raison exécutent passivement ses ordres,
sans pouvoir s'écarter des bornes qui leur
sont tracées ; mais l'homme et l'ange sont
des agents libres, parce qu ils sont doués de
raison. Toutes les créatures supérieures sont
au service des anges , et les inférieures, qui
peuplent la terre, sont assujetties au service
de l'homme. Si les hommes et les anges
obéissent ponctuellement à Dieu , ils sont
immortels et iils de Dieu; mais s'ils transgres-
sent et violent ses préceptes, s'ils font tout
le contraire de la volonté de Dieu, ils seront
précipités dans l'abîme et dépouillés de leur
dignité. Dieu doit à sa justice et à sa gloire
de récompenser le juste et de punir l'impie ;
les pécheurs seront châtiés à cause de leurs
crimes et couverts de confusion. Si vous fai-
tes fausse route par ignorance, comment,
moi, qui sais de bonne source que vous vous
égarez, puis-je vous suivre dans votre voie
et me plonger à votre suite dans l'erreur ? Si
je me fais disciple de votre erreur et de votre
ignorance, nous tomberons bientôt , vous et
moi, dans la perdition irrévocable , et mon
sort, à cet égard, sera pire que le vAtre, c.ir
j'aurai pour juge la i.aroir de Dieu, qui dit
expressément : « Tout scrvileui' (pji jk; c.in-
nail pas la volonté de son niailrc (;t qui fait
(piehiue chose de mal, s(!ia puni d'un ch.Ui-
miMit léger ; mais (jue celui qui sud jiarfaile-
menl la volonté de son maître; (;t qui pèclie
contre lui délibérément, el sachant ce (^u'il
fait, sera puni avec la dernière rigueur. »
« Je vous en conjure, vous et tous ceux
qui sont sous vos ordres, ne faites pas que
nous soyons cliAliés ensemble d'une ma-
nière plus (ju moins rude; mais vous et moi,
le j)euple avec le héros roi, soyons tous
disciples des livnîs divins. Puissions-nous
ainsi éviter les châtiments de Dieu, nous
sauver de l'enfer et nous éloigner du feu
éternel ! Après avoir agi vertueusement dans
cette vie passagère, nous hériterons des
biens célestes et nous jouirons d'un bonheur
sans bornes. Si vous vouliez mettre vos pré-
jugés de coté, vous vous seriez bientôt fa-
nnliarisé avec ce qui vous semble étrange ,
et la force de la vérité vous persuaderait.
Ecoutez seulement ceci : Un des anges des
troupes immortelles s'étant révolté , il fut
chassé des cieux , et vint dans notre monde
où, par d'artiiicieux discours et des promesses
fallacieuses, il ht naître dans le cœur de
l'homme le désir insensé d'être mieux qu'il
n'était. S'adressant à lui comme à un enfant
sans expérience et d'une volonté Uexible, il
lui fit accroire que s'il mangeait du fruit d'un
arbre dont l'approche même lui était dé-
fendue, il deviendrait Dieu. Etl'homme, ou-
bliant l'ordre exprès du Seigneur, se laissa
séduire ; mais, bien loin d'atteindre à la gloire
qu'il avait rêvée, il perdit son privilège d'im-
mortalité, fut expulsé du paradis et relégué
dans ce monde corruptible où vous habitez
maintenant. En proie à un délire digne do
pitié, vous suivez, ô Perses, les suggestions
de ce même astucieux conseiller, non pas en
mangeant du fruit de l'arbre défendu, mais
en adorant les créatures de préférence au
créateur, en rendant un culte à des éléments
insensibles , en offrant des repas à des dé-
mons sans ventre, et en vous éloignant de
celui qui est le maître et le principe de tou-
tes les choses créées. Encore ce méchant
conseiller ne s'arrête-t-il pas à cela ; il veut
vous faire pire iju'il n'est. Ce n'est pas que
les démons puissent mener quelqu'un a la
perdition j)ar foi ce et par violence, mais ils
persuadent les hommes ignorants par des
suggestions artificieuses, ei au moyen de la
flatterie leur adoucissent la pente du péciié.
C'est ainsi qu'un bon nombre d'hommes,
après être pris dans leurs pièges, deviennent
ensuite leurs sateUites, et ils séduisent leurs
camarades, non pas par la violence, mais par
insinuations fallacieuses, à commettre toutes
sortes de crimes, tels que l'astr.ilogie, la
magie, la fornication, le vol, le brigandage
et mille autres abominations. Mais la justice
venge la société en punissant les malfaiteurs
de mort. Pour cela il ne faut pas dire qu'il
y a deux dieux, dont l'un a fait les juges
équitables, et l'autre les juges prévarica-
21)5
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296
teurs. Car di' môme un homme, aussi bien
dans une époque, peut devenir mc'Llianl, ou
d'un abîme de mcciianceté devenir homme
parlait dans l'autre époque. Donc , on ne
donne pas aux juj^es nn]>ai'liauv qui punis-
sent les malfaiteurs la qualitication de mé-
chants et de malfaiteurs ; on dit au contraire
que ce sont des hommes équitables et des
bienfiiiteurs de l'humanité. Cependant la
nature est unetii non pas double, et c'est de
cette unité que découle un double elfet, l'un
funeste, l'autre rémunérateur. Si parmi les
hommes on suit cette règle d'institution
royale pour bien gouverner un litat, à plus
forte raison devons-nous croire qu'elle [)ré-
sidc aux jugements de Dieu, qui ne veut bien
que le salut et non la morl d'aucun, il a dé-
cerné, en elfet, contre les grands coupables la
peine de mort, mais il comble de grâces et
couionne d'une gloire immortelle tous ceux
par qui la vertu d'obéissance a été pratiquée.
Or, ce Dieu, que votre langue sans frein
blasphème insolemment , est le créateur de
toutes choses et le Dieu véritable. Vous ne
gardez pas non {ilus de ménagements en-
vers Notre-S(;igneur Jésus-Christ, dont vous
changez le nom sacré en celui de lils de
Pantlior , et que vous décriez en le traitant
de sédicteur. Vous foulez aux pieds l'im-
mense bienfait de la rédemption, ce qui ne
peut que vous perdre, vous elles peuples de
vos Etats, et vous exposer à encourir la juste
vengeance du Seigneur qui vous plongera
dans le feu inextinguiuie de l'enfer, vous et
tous ceux qui ont consciiti, avant, pendant
et après , à vos croyances erri-nées. Pour
nous, notre ferme cr(jyance est que le même
Dieu (^ui a créé le monde a pris lui-même
un corps dans le sein de la vierge Marie, sans
particip<ition d'hoiume , suivant les prédic-
tions des [)ropliè[es. D(^ mèiui; que de rien
il a créé le moade, ainsi , sans causes char-
nelles, il a leçu son corps de la "N'ierge pure,
en réalité et non en a|)parence. Il est vrai
Dieu, et s'est fait vrai homme. Il n'a pas al-
téré ni sa div.inlé ni son humanité ; il est
resté toujours le môme, toujours un. Comme
nous ne |)ouvions le voir, étant de sa na-
ture divine invisible, ni l'apptocher n'étant
pas aj)piochable, il est venu à nous en pre-
nant la natuie humaine, alin (pje nous |,uis-
Sions nous ranger sous sa natuie divine, il
n'a i)as répiilé a déshonneur de se revêtir
du corps humain qu'il avait créé , mais il
l'honora au contraire coimiie son [)roi)re ou-
Yiage. il ne communiqua [)as à l;: iialuic
qu'il avait piise Tlnjuneur de rimiiioilalilé,
par degrés, et peu a p('U comme aux. anges
mcoiioreis, mais d investit to.t d'un coup
la nature du corps de l'esprit et de l'Ame
réelle, et les léuiiit à sa [)ersonne di\nie.
Ainsi en J(''sus-(Jirist est toujours unité (;t
jamais duile. Nous ne connaissons donc en lui
qu une diviniti; (pii existait avant la oM'ation
(lu morid(j; c'est encore la mémo aujourd'hui.
0 Jésus-Christ, qui par son incainalion a
sauvé le mond(î, s'est livré volontairement à
la morl. I/iricarnation et la i-édemotion sont
ijour nous des mystères ; mais cela est foi l
clair pour la Divinité. Jésus-Christ s'incarna
dans le sein d'une Vierge immaculée; il na-
quit, fut emmaillotlé et mis dans une crèche.
Des .Mages vinrent l'ndorer du fond de l'O-
rient ; il fut allaité et grandit comme un en-
fant ordinaire. A l'Age de 30 ans, il fui bap-
tisé dans le lleuve du Jourdain [)ar Jean iils
de la stérile Elisabeth. 11 a fait beaucoup de
miracles et de prodiges parmi le peuple
d'Israël. Il fut trahi i)ar les [)rêtres et con-
damné par Ponce-Pilate II fut crucifié, mou-
rut et fut enseveli. Il ressuscita le troisième
jour et apparut à ses douze apôtres , ainsi
qu'à [)lus de cinq cents })ersonnes. Après
avoir demeuré avec eux durant quarante
jours, il monta au ciel sur la montagne des
Oliviers , en présence de ses disciples, et
s'assit sur le trône auj)rès de son Père. Il a
promis de venir uae seconde fois arec beau-
coup de pompe poui- ressusciter tous Hs
morts, renouveler ce mon.ie, et juger les jus-
tes et les pécheurs, en donnant aux uns la
récompense et aux autres le chAtiment qu'ils
ont mérité ; ceux qui ne croient pas à son
Evangile et qui repoussent ses bienfaits se-
ront punis avec les malfaiteurs. Il n'est pas
possible d'ébranler en nous celte foi, ni de
nous faire quitter cette croyance. Ni les an-
ges, ni les hommes, ni le feu, ni l'eau, ni
l'épée, ni les plus cruel-s sup})lices du monde
ne peuvent rien à cet égard. Nous vous aban-
donnons nos corps et nos biens, faites-i;n
tout ce que vous voudrez. Si vous nous lais-
sez cette croyance, nous ne reconnaîtrons
que vous pour seigneur de la terre, comme
nous ne reconnaissons que Jésus-Christ pour
Dieu du ciel, car il n'est point d'autre Dieu
que lui. Si cette déclaration solennelle vous
iirite et si vous persistez dans vos desse.ns,
écoutez nos résolutions : Nos corps sont
dans ta main , traite-ies suivant ton |)laisir ;
à toi les tortures , à nous l'acceptation ; tu
peux lever le glaive, nous présenterons nos
cous. Nous ne valons j)as mieux que nos
ancêtres qui ont eu l'Iionneur de sacrifier
leurs biens ei leur vie pour ce véridique té-
moignage; fussions-nous immortels et qu'il
nous fût f)Ossible de mourir | our l'aajour
de Jésus-Christ, nous ne ferions pas moins
volontiers, puisqu'il était immortel et qu'il
nous a aimés jusqu'à mourir pour nous; car
c'est sa mort (jui nous a délivrés de la mort
éternelle. Il n'a [)as épaigné pour nous son
immorlaliié ; nous (\u\ ne sommes que des
morli Is , nous mourrons bien volontiers j-oiir
son amour , persuadés (ju'il daignera nous
recevoir dans son royaume céleste Aiourons
donc volontiers en écliangeaiit ces cor[»s i)é-
riss.ibles contre la vie immoi telle. Qu'on ne
nous jjarle plus, comme à des enfants, de re-
noncer au cmisliamsme ; nos vœux ne sont
point avec les hommes, qui sont toujours
trompeurs , mais avec Dieu, (pii ne trompe
point. Ces vo'ux , il est impossible de les
abolir, ni maintenant ni [ilus tai'd, ni au
bout de queh^ue» siècles, ni dans les siècles
di's siècles. » [li. V., lrad.(i. k. (î., |). 30.)
'l'ous le.> meml)res de celle assemblétsdans
le sein de latiueJlo on laissa entrer le peu-
297
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298
pie, no so bornèrent juis h riMigcr cette ré-
î)on.so; ils s'engagèrent par serment h verser
leur sang, s'il le fallait, pour la maintenir et
pour tleim;uror toujours dans la toi cliré-
lieune. Ce serment imposant l'uliail |)ar tous
les assistants.
Ouand cette lettre fut arrivée à la cour, on
la lut en assemblée sohinnelle. Tous les di-
g'iitaires de la cour, les principaux chefs
(l'armée étaient présents. Un grand nombrii
a()prouvaient tacitement ce qu'elle contenait
et n'osaient pas le faire voir ostensiblement.
J)e sourds nuuMUures circulèrent au sein de
cette réunion (pie pi'ésidail le roi. Alors les
chefs des mages et le [)remier ministre lan-
cèrent contre les Arméniens d'atroces ca-
lomnies. Hazguerd s'écria : « Je sais (ju'il y
a des insolents , de ces honnnes qui doutent
de notre loi et qu'une sorcellerie égare et
fait courir après des doctrines mensongères
et trompeuses. Mais moi, j'ai résolu de no
pas épargner les plus terribles chcltiments à
ceux qui agissent de la sorte. Je ne ferai ex-
ception de personne, pas même des grands
qui m'approchent le plus près, et je déclare
que j'emploierai les sup[)lices et les tortures
jusqu'à ce qu'on ait abandonné de gré ou de
force la loi pernicieuse des chrétiens.» (E. V.,
Irad. G. K. G., kl.)
Le vieux ministre ^ profitant de la colère
du roi pour l'exaspérer davantage , parla en
ces termes : « A quoi bon vous donner, ô
héros roi , dit-il, tant d'inquiétutfe et d'em-
barras. Si l'empereur des Grecs lui-même
n'ose enfreindre vos moindres ordres , si les
Huns sont devenus vos esclaves obéissants ,
quels sont les téméraires qui oseront en-
freindre vos lois? Commandez souveraine-
ment dans votre empire, et tout ce que vous
souhaiterez s'accomplira sur-le-champ.»
(E.V., trad. G. K. G., 47.)
Le roi fit venir le grand chancelier, et lui
dicta un manifeste plein d'exiiressions ou se
peignaient la fureur et la violence. Il com-
mandait aux princes dont les noms suivent
et qu'il indiqua lui-môme , de venir immé-
diatement à la cour. Voici leurs noms : Vas-
sag,de la maison de Sunik;Nerchabouth , de
la maison d'Arzrounik; Ardag, de la maison
Richedunick ; Katechan, de la maison Korko-
rounik ; Vartan, de la maison de Mamigonian ;
Ardag, de la maison Mogh;Manegh,de lamai-
sond'Abahounik; Vahan,cle la maison d'Ama-
dounik ; tvide, de la maison de Vahevounik;
Chémavon,de la maison d'Andzevazik (E. V.,
trad. G.K.G., 47). Lamoitié d'entre eux servait
dans les armées près du roi. Quelques autres
gardaient contre les Huns, vers le nord, le dé-
filé de Derbend; d'autres, qui étaient moi-
nes , étaient en Arménie dans leurs familles.
Quand ceux qui étaient absents de la cour
reçurent cette pièce émanée de la fureur du
roi, ils jurèrent, en présence de Joseph , le
premier des évoques du pays, de rester fi-
dèles dans la foi. Ils vinrent ensuite trouver
le -roi dans sa capitale. Ils marchaient hâti-
vement, pressés qu'ils étaient de voir leurs
t)arents, leurs amis, qui souffraient déjà pour
a foi. Le samedi de la grande semaine pas-
DiCTiOiNN. DES Persécutions. I,
cale ils se présentèrent au roi. Ils parurent
avec un visage calme et traïKpiille; ce qui ne
laissait pas que do. surprendre! étrangement
les ennemis d(! la religion chrélicnne. il était
d'usages (piand les i)rinces d'Arméni(! s(' pré-
sentaient h la coin-, que le roi envoyât [lour
les rec(!Voir un général (pu leur souhaitait
la bienvenue, (;t (pi'ensuile, a|)rèsavoii- passé
les troupes en revue, il les IV'licitat de la la-
|)idité d(! leur marche et hîur témoignAt qu'il
était content de hïurs services. Celte l'ois tout
cérémonial fut mis de côté. Pareil à un tigre
en fureur, le roi parut devant eux tout lioi's
de lui-même , et leur fit entendre ces terri-
bles pai'oles : « J'im jure par le soleil , C(;
grand dieu qui éclaire Je monde, et qui par sa
chaleur vivifie tous les êtres, si demain, à la
naissance du jour, chacun de vous avec moi,
h la première apparition de cet astre; mer-
veilleux, no lléciiit pas lo genou de; vaut lui
et ne confesse pas sa divinité , je lui ferai
subir les supplices les plus cruels jusqu'à ce
que bon gré, mal gré, il exécute mes ordres.»
(E. V., trad. G.K. G., 50.)
Les princes arméniens que ni les mena-
ces, ni la crainte des tortures, ne pouvaient
pas faire trembler, répondirent avec calme
au roi , et lui dirent : « Veuillez permettre ,
héros roi , que nous vous répondions briè-
vement en présence de cette honorable as-
semblée , et daignez nous entendre vous-
même avec calme. Nous rappellerons d'abord
à votre souvenir que Chabouk (II, l'an 805),
roi des rois, qui fut trisaïeul de votre grand
père Hazguerd (I", l'an 399), fut par la vo-
lonté de Dieu mis en possession du pays
d'Arménie qui professait alors cette même
religion que nous professons maintenant.
Nos pères et les aïeux de nos grands pères
sont toujours demeurés fidèles à la Perse ;
ils ont rempli tous leurs devoirs avec exac-
titude et se sont scrupuleusement acquittés
de tout ce qui concernait leur service mili-
taire. Souvent ces rois , vos aïeux, les com-
blèrent d'honneurs , proportionnellement à
leur mérite, et cet état de choses a duré ainsi
jusqu'à vous qui avez recueilli leur trône
comme votre héritage. Nous qui sommes ici
devant vous , héros roi , nous vous avons
rendu les mêmes services, et peut-être avons-
nous beaucoup plus fait pour vous que nos
ancêtres ne firent jamais pour les vôtres! »
Cela dit , nos princes rappelèrent hardi-
ment leur fidélité et leur vaillance supérieure
à celle de leurs pères ; ils parlèrent des im-
pôts écrasants qu'on levait en Arménie, im-
pôts infiniment plus lourds que ceux que
l'on payait aux anciens rois de Perse ,
puis ils ajoutèrent : « Sepuis les premiers
temps , notre sainte Eglise était libre d'im-
pôts , vous l'y avez soumise, et nous ne
nous y sommes pas opposés, parce que nous
aimons notre dynastie. Or , d'oij naît votre
colère ? veuillez nous en dire le motif. Notre
religion nous empêche~t-elle de vous servir
de mieux en mieux?... » Mais ce furieux ré-
pondit à nos princes en détournant la tête
en signe de mépris : « Le trésor royal est
souillé par les contributions qu'il lève sur
10
299
ARM
ARM
300
votre pays; votre or est impur, ot ces servi-
ces que vous vantez sont presque inutiles ,
car vous vous égarez faute de vouloir vous
instruire dans notre religion qui est la vraie.
Vous méprisez les dieux, vous faites mourir
le feu, vous infectez l'eau, vous enterrez les
morts dans la terre, vous souillez ainsi tous
les éléments, et ainsi, quand vous manquez
d'exécuter toutes ces pratiques en rigueur,
vous donnez une nouvelle vigueur et du con-
tentement au génie du mal, à Ahrimane. Ce
qui est encore une faute plus énorme , c'est
que vous ne vous appiocliez que rarement
des femmes , ce qui réjouit grandement les
démons, et que vous refusez obstinément de
suivre les doctrines des mages. Vous êtes à
mes yeux comme des brebis égarées et dis-
persées sur la vaste surface de la terre. Cela
m'afllige jusqu'au fond du cœur, et je crains
que les dieux olfensés ne se vengent sévère-
ment de moi à cause de vous. Or, si vous
voulez vivre , sauver vos âmes et retourner
en Arménie comblés d'honneur, songez à vous
conduire demain comme je l'ai prescrit...»
Alors nos vertueux princes, d'un consen-
tement unanime, élevèrent la voix et dirent
devant toute l'assemblée : « Assez, sire, as-
sez, ne nous parlez plus de celte chose-là 1
Le christianisme n'est ni une institution hu-
maine, ni une faveur du soleil, que par inad-
vertance vous qualifiez du titre de dit'u,et qui
non-seulement ne l'est point, mais qui n'est
pas même vivant. Les églises ne sont pas dos
dons royaux ni l'œuvie de la sagacité, ni l'in-
vealioni ni le butin des soldats, ni l'effet de
la fourberie trompeuse des démons , ni le
produit des éléments. L'Eglise ne tient point
son établissement de toutes ces choses.
C'est une grâce toute gratuite de Dieu ,
otîerte , non pas k quelques hommes seu-
lement, mais à tout le genre humain , à tous
les peuples doués de raison et babit.uit tou-
tes les contrées qui sont sous le ciel. Les
fondements de cette Eglise sunl posés sur
une j)ieri e solide : ceux qui sont ici-bas ne
peuvent l'ébranler, et ceux ((ui sont en haut
ne peuvent la remuer. Il n'est pas donné à
l'honnne de vaincre une chose à laquelle ni
le ciel, ni la terre ne P' uvent nuire. Mainte-
nant, usez-en envers nous selon votre désir.
Vos supplices nous trouveront prêts, et nous
sauions non-seulement souihir, mais mou-
rir. Qu'il vous plaise de nous interroger sé-
parément sur cet article, et vous recevrez la
môme réponse, ou même une réponse plus
ferme encore de chacun de nous sans ciain-
dre vos menaces. » Alors le un s'aigrit ex-
cessivement: sa bile se réj)ai)dit))ar toutes ses
enlrailies, sa bouche et ses narines fuma.ient
connue une fournaise ardente, et les raj)i<les
battemenlsde son c(eursemblèrentsus[)en(lre
un instant toutes les fonctions de son corps.
Son Ame, phnnedenoires machinations, s'ou-
vrit tout a coiq) lit laissa tomber ses |)ensé(!S
comme un vase brisé répand la li(ju(Mn- (pi'il
renferme. Ce qu'il eiH hésité à dire devant
ses conscdiers intimes , il le dévoila tout
haut il(^vanl les scrviUMirs du (Christ, d décou-
vrit aux veux de tous ses seciètes j)ensées
et détailla tous ses projets pour l'avenir.
Tri|)lant et quadruplant son serment par le
soleil : « Oh 1 s'éi ria-t-il avec l'accent de la
fureur, vos paroles n'ébranleront pas ma ré-
solution, et vous ne l'obtiendrez pas sitôt,
cettemort dont vous êtes enthousiastes. Vous
tous qui êtes là et ceux qui sont dans mon
armée, je vous ferai charger de fers, puis je
vous ferai dét)orter dans le Ségestan au tra-
vers des contrées impraticables, où vous pé-
rirez chemin faisant par suite du hàle et
de l'excessive chaleur. Ceux qui resteront
seront jetés dans des forteresses et dans des
cachots ell'royables. J'enverrai dans votre
pays une armée innombrable avec des élé-
phants, et vos femmes et vos enfants seront
transportés en exil par mon ordre dans le
Kouzistan et Su.-ian. Quant à vos églises
et aux oratoires où sont les tombeaux de
vos martyrs, je les ferai raser et réduire en
cendres. Si quehju'un d'entre vous se ha-
sarde de s'y 0[)poser, je le ferai écraser sans
pitié sous les pieds de mes éléphants. Vous
voilà prévenus, pensez-y bien, tout ce que j'ai
dit sera exécuté. » (E. V., trait. G. K. G., 50.)
Ce fut alors que ne se contenant plus, Haz-
guerd tit chasser honteusement les princes
arméniens de sa présence , et ordonna que
les bourreaux les eussent sous leur garde ,
saiîS [lourtant les enchaîner. Les chrétiens
mirent tout en œuvre pour les délirrer. Mais
ni l'or qu'on j)rodigua aux olficiers du tyran,
ni les {)rières qu'on tit entendre de toutes
I)arts, ne [)uienl tléchir ce tyran féroce. Tous
allaient probablement être immolés à la ven-
geance du roi, quand un eunuque attaché au
conseil du roi, secrètement chrétien, vint
les trouver et leur indiqua le seul moyen de
salut qui leur restait. C'était dy paraître ado-
rer le soleil sans le faire réellement. Ce con-
seil fut adopté. Evidcnmient les princes ar-
méniens commirent une grande faute : il
n'(!st pas permis de dinner le scandale d'une
ahjuraiion apparente. Nos lecteurs sont trop
bien édihés sur les viais principes pour que
nous devions insister. Sans doute le fond de
la conscience de ces [)rinces était pur; sans
doute ils ( royaient bien faire ; mais nous ne
saurions les a[)prouver, même dans ce cas.
Ils devaient tout soulfrir, la moitinème,
plutôt (|ue de lléchir le genou devant les
fausses divinités des Perses. Ils en\oyèrent
reunu(iue dire an roi (ju'ils étaient disposés
à lui ot)éir. En ellet, ils euient l'air d'ado-
ibv le soleil ; mais intérieurement ds adres-
sèrent leur |)i ièie à Dieu, en lui faisant ser-
ment d'être lideles à sa religion sainte. Le
roi se laissa prendre à cette tromperie. 11
combla ces pi'iuces de présents , leur lit de
graiides concessiuns de tei'raii.s, elles com-
bla (i'honiKuis et de digniti's. Il les chargea
de revenir dans leur pays pour y faire evé-
cMtei\ses desseins et ses plans relativement à
la religion chri-tienne. 11 leur conlia de gran-
des troupes d(! caval. rie, et sept cents doc-
teurs mages, sousia ilirecliond'un grand pon-
tile de celle loi. Ces mages se liraienl .m sort,
clunnin faisant, les provinces sur lesquelhis
ils coujulaienl voir leur domination s'établir,
SOI
AllSÎ
ARM
302
car les ordres du roi no comprenaiont'passou-
loiiKMitrAnriéiiitMUiùsoiicoi-cl.Kitîor.^ic, l'A-
^ouaiik, la Lcpiiik, la A}/.hik,la C.orlik, la
Ztotck, la'rasan,i't toulos les contrées du royaii-
lueoù le cliri.stiaiusmci'tail sc(-rèt('iiuuil suivi.
Les instructions des mages étaient conçues
en ces termes : « A conifiler du mois de nava-
sart ( du 15 août au 1,") se|)to;nl)re environ) ,
(|ui est le premier de la nouvelle année, jus-
qu'il l'autre navasarl, dans tous les Ét.its du
grand roi, on supprimera toute proiVssion et
le nom du chrislianisme. Les éj^lises seront
fermées et leurs portes scellées ; les orne-
ments des sanctuaires chrétiens, suivant les
registres et par écrit , seront conlisqués au
protit du trésor royal. Les chants des psau-
mes, les lectures des prophètes, seront abo-
lis, et les prêtres chrétiens n'auront plus
l'audace d'instruire le peuple dans leurs mai-
sons. Les moines et les religieuses sortiront
de leurs monastères et quiiteront leur cos-
tume pour prendre celui des laïques. Les
femmes de distinction et les familles des
f (rinces devront donner l'exemple et suivre
es premiers le culte des mages. Les fils et
les lilies des paysans et des notables de cha-
que lieu iront se faire in^crinï sur la place
publique, [)rès des mages, dans la religion de
Zoi'Oastre.Les lois qui concernent le mariage
selon le canon des chrétiens, sont al)rogées.
Au lieu de prendre une seule femme , les
hommes en preiidronl plusieurs, ce qui fera
a'Oîlre et multiplier la nation arménienne.
Les pères pourront épouser lurs (illes , les
frères leurs sœurs , les fils leurs mères , les
petits-fils leur aïeule. Aucun animal destiné
à la nourriture de l'homme, soit brebis, soit
chèvre, soit bœuf, soit |)orc ou volaille, ne
pourra être tué sans avoir été d'abord otfert
aux dieux. On ne fera j)oint de pâte sans
levain; on ne jettera ni fiente, ni immondices
dans le fu; oiue selaver.i pas les mains sans
urine de bœuf; on ne tuera ni les loutres, ni les
renards, ni les lièvres. Les serpents, les lé-
zards, les grenouilles , les fourmis et autres
animaux nuisibles ne vivront pas; mais la
quantité et le nombre des animaux qu'on
aura détruits seront notés avec exactitude
par le poids royal. Tout ce qui concernera
e service des immolations et des sacriii-
ces , la disposition et la quantité des cen-
dres , l'ordre des fêtes et de l'époque an-
nuelle, sera inscrit et annoté dans les regis-
tres royaux. Ces premières dispositions in-
dispensables seront exécutées dès à présent
par tout le monde, jusqu'à la tin de la pre-
mière ann '6, et le reste des observances les
plus minutieuses de la loi à l'avenir.» (E. V.,
trad. G. K. G., 59.)
Voilà donc la position dans laquelle se
trouvaient les princes arméniens. Ils mar-
chaient avec l'armée des Perses et les ma-
ges, pour porter dans leur propre patrie la
désolation, et pour y détruire la religion
chrétienne. Du moins c'était ce que tout le
monde croyait, car eux seuls avaient le se-
cret de leurs véritables desseins. Les mal-
heureux soldats arméniens, qui croyaient à
la trahison de leurs princes, étaient dans des
angoisses mortelles, pensant qu'on les con-
duisait contre h'urs parents, leurs amis.il
y avait dans le camp (hs cette armée en
'marche plusieurs |)euples qui [iratiquaient
le christianisme. Tous, en apprenant la dé-
fection des princes arméniims, avaient é[)rou-
vé la plus cruelle des déceptions. Plusieurs
de ces malheureux soldats, s'adressanl aux
princ(!s arméniens, leur disaient : « Qu'allez-
vous faire maintenant de votre sainte Bible?
Où transporterez-vous les ornements sacrés
du service divin? Oublierez-vous les béné-
dictions spirituelles et les paroles du pro-
phète ? Vous avez fermé les yeux pour ne
jias lire dans les livres saints, et bouché vos
oreilles pour ne pas les entendre. Mettrez-
vous aussi de côté la voix do votre cons-
cience ? Imposerez-vous silence à vos sou-
venirs et à vos remords? Qu'allez-vous faire
de la parole du Seigneur ? Quiconque me
reniera devant les hommes, a-t-il dit, je le re-
nierai aussi devant mon Pèrequi est aux cieux,
et devant tous les saints anges. Vous étiez
les docteurs de prédications apostoliques,
maintenant vous êtes les disciples de l'er-
reur et du mensonge des mages. Vous crai-
gniez et vous enseigniez la vérité, et main-
tenant c'est le mensonge et l'erreur que vous
prêchez. Vous annonciez le Dieu créateur
des êtres, et maintenant vous reconnaissez les
créatures pour dieux. Vous avez été baptisés
du baptême do feu du Saint-Esprit, vous al-
lez être maintenant marqués au sceau du
feu, de la fumée et de la cendre. Vous aviez
horreur du mensonge, et vous y voilà plon-
gés par-dessus la tête. Vous avez eu pour
nourriture le précieux corps et le précieux
sang du Christ ; maintenant, vous allez vous
repaître des viandes impures des sacrilices.
De temples du Saint-Esprit que vous étiez,
vous voilà devenus les autels oh l'on sacri-
fie aux démons. Vous vous étiez revêtus de
Jésus-Christ à votre naissance, et vous vous
êtes dépouillés de ce vêtement glorieux pour
aller danser et sauter devant le soleil
comme les dews. Vous étiez héritiers du
ciel, et vous avez pris librement pour par-
tage l'enfer. La menace du feu éternel était
surtout pour les idolâtres ; pourquoi voulez-
vous donc participer à leui triste sort ? C'est
pour eux que s'engraisse le ver éternel, et
c'est vous qui nourrissez aujourd'hui vos
corps pour lui servir de pâture. C'est pour
eux que s'épaississent les ténèbres extérieu-
res; pourquoi vous y êtes-vous jetés, vous
qui êtes des enfants ae lumière ? Depuis très-
longtemps ces peuples sont aveugles, vous
ne l'ignorez pas, et cela ne vous a pas em-
pêchés de courir sur leurs traces. C'était
pour eux que la fosse était creusée, pour-
quoi avez-vous couru en avant pour vous
y précipiter avec eux? Comment parvien-
drez-vous à apprendre tant de noms de tous
ces dieux qu'ils adorent, puisque ces dieux
n'existent nulle part ? Dieu vous avait dé-
chargés des fardeaux pesants, et voici que
par votre propre folie, vos épaules s'affais-
sent sous les poids les plus lourds. La grâce
vous avait délivrés de tout cela dès votre
305
ARM
tendro enfance , et voilà que vous chargez
vos bras des chaînes insupportables de la
servitude. Le ciel est en deuil pour vous sur
vos tôtes, et la terre s'attriste sous vos pas.
Les anges et les martyrs sont également ir-
rités de voire perlidie. Je déplore votre des-
tin, je plains vos proches, et je gémis sur
vous. Si vous aviez été atlranchis de l'escla-
vage par un homme, et que vous l'eussiez
quitté ingratemenl ensuite pour vous enga-
ger au service d'un autre maître, il n'est pas
douteux que vous n'eussiez mis le premier
en colère. Or, comment concilierez-vous vo-
tre désertion actuelle avec le premier com-
mandement qui dit : « Je suis Dieu , et il
n'y a pas d'autre Dieu que moi? Je suis un
Dieu jaloux , et je fais porter aux enfants,
jusqu'à la septième génération , les châti-
ments qu'(Uit attiré les péchés de leur
père. » Si les enfants innocents sont châtiés
à cause des iniquités de leur père, combien
ne le seront-ils pas davantage lorsqu'ils
joindront à ce fardeau, déjà si lourd, celui
de leurs propres péchés ?
« Vous étiez pour nous comme un rem-
part qui nous abritait du danger lorsqu'il
survenait quelque événement sinistre ; au-
près de vous nous trouvions le rcjios et la
sécurité ; maintenant ce rempart est abattu
de fond en comble. Vous étiez notre gloire
devant les ennemis de la vérité, et mainte-
nant vous êtes devant eux notre opprobre.
Tant qu'ils vous ont supposé de l'attache-
ment pour notre foi, ils ont montré quel-
ques égards pour nous ; mais maintenant, et
à cause de vous, ils vont certainement nous
traiter sans miséricorde. Ainsi vous ne ré-
pondrez pas seulement de vous-mêmes de-
vant le tribunal de Dieu, mais vous répon-
drez de tous ceux qui, à cause de vous, se-
ront condamnés au supplice. » (E. V., trad.
G. K. G., 02.)
Les princes qui gardaient leur secret dans
leurs cœurs, et qui ne pouvaient f)as le dé-
voiler sans compromettre tout le succès de
leur entreprise, se taisaient, mais acceptaient
avec désespoir ces reproches et ces plaintes
des chrétiens. Mais ce bhline même devint
tellement grave ])Our les prêtres qui étaient
au milieu d'eux, qu'ils quittèrent les trou-
pes arméniennes. Ils envoyèienl au pays un
courrier qui vint annoncer cfs tristes nou-
velJes. Il ignorait les desseins secrets des
princes. Le clergé fut frappé de désolation.
Les évê(|ues soulevèrent tous les habitants,
en leur disant que la loi humaine devait ces-
ser de régner, que la loi divine gouvernail
h sa place, et (ju'il fallait repousser la force
f)ar la force. Tous se levèrent en masse, et se
rendirent armés pour défendre la j)atrie.
Non-seuhnnent les hommes, mais encore
beaucoup de femmes, contribuèrent à for-
mer ces courageux bataillons.
Ce fut quati-e mois après leur <lépart de
l'erse, que l'S liou|)(;s «irméniennes, sous la
coriduit(;d(;s [)rinc(!s, arrivèrent dans leur pays
avj'c lours auxiliaires (;l les mag(!S. (Ui fut
près d'une bonr'^^ade notruiiée Ang(;gh, (pi(ï
toutes ces t/oupes campèienl, dans un lieu
ARM soi
qu'elles environnèrent d'une enceinte par-
faitement fortifiée. Elles formaient un effec-
tif considérable.
Depuis vingt-cinq jours, les troupes res-
taient inactives dans le camp, quand le chef
des mages, voulant commencer son œuvre
de destruction, vint suivi de plusieurs ma-
ges et d'un corps de troupes, un dimanche,
devant une église, pour en faire abattre les
portes. Saint Léon, prêtre, avec une partie
du clergé se trouvait là, ainsi qu'un assez
grand nombre d'habitants. Se mettant à la
tête du peuple, il chargea les mages et leurs
troupes, et les chassa de ce lien à coups de
pierres et de butons. Les mages se réfugiè-
rent dans leur camp ; les chrétiens retour-
nèrent à l'église, où ils célébrèrent les saints
offices jusqu'à ce que la nuit vînt les inter-
rompre. Au bruit de ce premier succès une
grande multitude armée, hommes et fem-
mes, accourut de toute l'Arménie. C'était
un sublime et déchirant spectacle de voir
toute c^4te multitude armée pour la foi ,
enthousiaste de courage ou navrée de déses-
poir. Le chef des mages en fut tellement
épouvanté , qu'il s'adressa à Vassag et aux
autres princii)aux officiers du camp, les sup-
pliant de se sauver d'une mort imminente,
et de regagner promptement la Perse. « Lais-
sez-moi, disait-il, puisque c'est moi qui suis
chargé de cette mission, laissez-moi écrire
au g and roi de renoncer à ses projets sur
l'Arménie; il est impossible , à moins que
nos dieux ne s'en mêlent, que la loi de Zo-
roastre prenne racine en ce pays-ci. Le
sentiment de la nation est trop prononcé
pour ))Ouvoir s'y méprendre. Si le camp
n'eût été composé que de mages, nous étions
tous infailliblement massacrés ; non seule-
ment ces chrétiens sont furieux contre les
étrangers, mais ils n'entendent épargner, à
ce qu'il paraît, ni leurs frères, ni leurs fils,
ni [jersonne de leur parenté ; ils ne songent
pas seulement à s'é()argner eux-mêmes. Ces
gens-l:\ n'ont pas peur des édits et ne s'ef-
fraient point des supplices ; on ne saurait
les corrompre à prix d'or, et ce qu'il y a de
l»lus fAcheux, c'est qu'ils préfèrent la mort
à la vie. Quel est donc l'homme qui puisse
les contraindre? J'ai entendu dire à mes
pères que du tem|)S du roi des rois Cha-
Douh II, quand cette religion commençait à
se développer dans l'empire de Perse , et
par delà, vers l'Orient, nos principaux doc-
teurs de la loi conseillèrent au roi, de peur
de voir l'entière destruction de la loi des ma-
ges dans ses Etats, de publier un édit sévère
(jui al)olît le christianisiiu! dans tout son
royaume. Plus il redoublait d'ellbrts |)Our ar-
rêter cette religion danssnn cours, |)lus elle
i'aisaitde [progrès; (dleari-ivajus pi'aii pays de
Couchuus, et delà s'étendit du cùlé tlu midi
aussi loiiiipie les Indes. Et Ic's chrétiens ([ui
habitaient les |)rovinc(vs de Perse ('taient si
hardis (pi'ils élevaient dans toutes les villes
des égliscis (pii surpassaient (m magnificence
les palais du roi. Ils bAlissaienI aussi (.les
oratoires (pi'ils nommaient tombeaux des
martyis, pour illustrer leurs églises; et il
5or>
ARM
AHM
30G
n'y avait point do lieu habité ni désert où
ils ne ronslruisisscnt des couvents. Sans
qu'il nous lïlt possible do savoir d'où ils
recevaient des secours, ils se inuliipliaient
(Ml nombre et cro'ssaienl en ricliesses. La
source do Icuropulence nous était inconinic,
mais nous savions, du reste, (juc! tout Tuni-
vors courait après leur doctrine. Or, li^ roi
(Ihabouh montra de la sévériti'; ; il lit arrê-
ter beaucouj) de chrétiens et les condannia
au dernier supplice. Mais rien ne réussit :
leur nombre ne diminua seulement pas, et
1(^ roi, après des fatigues excessives et de
violents accès de colère, s'aperçut cm'il n'a-
vançait pas. 11 ferma toutes les églises du
pays de Perse, et ht unHtre les scellés sur
les portes. Us transformèrent eu églises leurs
maisons, et partout ils purent célébrer leurs
rites, lîien plus , ils prétendaient qu'ils
étaient eu\-mèmes les plus nobles chapelles
du Seigneur, et (jue le temple de leur corps
était fort au-dessus des bâtiments construits
de moellons et de pierres. Les haches des
bourreaux se sont émoussées, mais leur cou
ne s'est pas lassé de se présenter au sup-
plice ; les exacteurs se sont fatigués d'em-
porter les richesses et les trésors, fruit du
pillage des chrétiens, et la fortune de ceux-
ci se grossissait de jour en jour. Le roi
était transporté de colère et les bourreaux
de fureur ; mais les chrétiens calmes, joyeux
môme , se présentaient aux supplices les
plus horribles , supportaient patiemment
toutes les privations, se consolaient de la
perte de leurs biens, et couraient à la mort
comme les brebis courent en foule, le soir,
à la porte de leur bergerie. Enfin, le roi,
lassé, lit cesser les persécutions ; il défendit
aux mages de persécuter les chrétiens, et
proclama pour tous les peuples qu'il gou-
vernait une entière liberté de conscience.
Ainsi le mage, le manikien, le juif, le chré-
tien et les sectateurs de toutes les religions
qui existaient dans le royaume de Perse fu-
"^ent libres de servir Dieu à leur manière.
Cette mesure conciliatrice fit cesser les trou-
bles, et la terre se reposa. Car, lorsque la
Perse est agitée, toutes hs contrées de l'Oc-
cident le sont aussi, et l'Arabie, la Syrie et
Dagjuges Tan avec elles. Nous savons tout
cela par tradition, mais ce que j'ai vu de
mes yeux me paraît plus fort, ajouta donc
le chef des mages, en adressant la parole à
Vassag. Toi qui es marzban (gouverneur)
de ce pays, tu aurais dû, avant toutes cho-
ses, instruire la cour de la force des réu-
nions des chrétiens, et avec quel mépris ils
reçoivent les ordres du roi, car tu dois les
connaître. Il est certain que si nous ne nous
fussions pas dépêchés de fuir, pas un de
nous ne serait encore vivant. Si des hommes
sans armes nous ont traités ainsi, que s^ra-
ce si les milices se joignent à eux ? Qui
pourra résister à cette fougue audacieuse ?
Moi je ne savais pas d'abord l'accord una-
nime de ce peuple, car autre chose est de
voir ou d'entendre. Toi qui as été élevé
dans cette loi depuis ton enfance, toi qui
savais la fermeté de ces hommes et qui n'i-
gnorais pas que le sang coulerait si nous
UK-'ttions la main sur leurs églises, pou-
(pioi n'as-tu pas dit sincèrcîment au roi tout
c(da? car c'est toi (pii étais h; picmier parmi
tous les [)rinces de la nation, cl tu étais de
plus gouverniMU" du pays. Pourquoi as-tu
manqué h un devoir si essentiel ? Tu es sa-
vant sur tout autre point; mais sur celui-
ci tu as gravement erré. Si tu ne las pas
fait |)ar inadvertance, alors il est évident
(jne tu es du com|)lot, vi que c'est par ton con-
seil (pi'ils m'ont attacpié moi et les miens. S'il
en est réellement ainsi, elciuelu répugnes h
accepter la loi des inages, ne sois pas honteux
par crainte du roi. Je vais écrire à la cour, au
souverain pontife des mages, au garde des
sceaux et au premier ministre. Us tAcheront
d'amener le roi à vouloir bien adoucir la ri-
guenrdu premier ordre, et de permettre à
chacun de suivre saconscicuicc. Parce moyen,
on s'iiabituera peu à peu à la loi des mages, et
ceux qui voudront l'embrasser obéiront du
moins volontaii'ement à l'ordre du roi, car le
pays fut remis entre nos mains. Les révoltés
assuiément dévasteront les contrées et se
disperseront ensuite chez les nations étran-
gères, et, quand ce pays sera dépeuplé, la
cour vous en voudra et vous en rendra res-
ponsable. )' Le marzban Vassag lui répon-
dit : « Vos pensées sont justes et vos con-
seils excellents; mais croyez-moi, j'ignorais
cette première attaque ; elle s'est faite à mon
nisu et j'en suis désespéré. Toutefois, fai-
tes ce que je vais vous dire. Veuillez avoir
un peu de patience, et ne parlez de vos in-
tentions à personne, excepté aux hommes
que je vous indiquerai, jusqu'à ce que j'aie
réuni une force imposante, et que j'aie tra-
vaillé à désunir les Arméniens. Si je viens à
bout de mes projets, je vous réponds que le
commandement royal sera exécuté. » Ayant
dit cela, il envoya l'ordre à tous ceux qui
habitaient sa principauté de Sunik de lever
des troupes en toute hâte, et de venir ren-
forcer ceux qui se trouvaient au camp des
mages. Il dit ensuite au chef des mages :
« Maintenant écrivez à la cour qu'elle en-
voie hiverner en Arménie les dix mille
hommes de cavalerie qui sont en quartier au
pays d'Albanie. Quand nous les aurons sous
la main, nul n'osera s'opposer à la volonté
du roi. » Mais le chef des mages répondit :
« Vous voyez autrement que moi dans cette
atTaire , et vos plans sont contraires aux
miens. Si nous employons la violence et
que nous excitions une guerre intestine,
le pays sera ravagé ; nous serons punis sé-
vèrement, et cela occasionnera un très-grand
dommage j)Our le royaume. (E. V., trad.
G. K. G., 68.)
Vassag ne voulut pas se rendre aux con-
seils du mage. ^Malheureusement pour lui et
pour la cause arménienne , ce chef n'avait
pas feint d'abjurer, il l'avait fait réellement,
il employa toutes sortes de moyens pour sé-
duire les défenseurs de sa patrie. Quant au
peuple, il le menaçait pour l'elfrayer. 11 fai-
sait publiquement l'éloge des édits du tyran.
Il distribuait les immenses trésor*) qu'il avait
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308
reçus du roi pour se faire des créatures et
pour gagner des partisans h sa cause. Les
évêques réussirent à séparer do lui lousceux
qui étaient secrètement demeurés fidèles. Le
généralissime Vartan se joi^^nit, ?i eux et tous
ceuxqui lesuivaienl s'éloignèrent avcclni (les
mages. Ces derniers commencèi-ent à se loger
dans les maisons des jirinces qui avaient été
séduits. Ils reçurent de forts émoluments, et
bientôt ils se mirent à forcer un grand nom-
bre de chrétiens à sacrifier des victimes aux
dieux de la Perse. On ne s'en lint pas là ; les
femmes des olficiers qui adoraient le feu,
vinrent un dimanche dans les églises des
couvents, et y éteignirent les lampes, y dé-
chirèrent les vêtements des religieuses. En
recevant ces désolantes nouvelles, les évo-
ques accoururent chez Vartan, et pénétrant
jusqu'à lui ils lui parlèrent en ces termes :
« Au nom du saint Evangile, nous sommes
ici pour vous adjurer de nous dire, vous et
les princes qui vous entourent si c'est par
vos ordres et de votre consentement que le
marzban Vassag et le chef des mages se por-
tent aux abominations que vous connaissez
comme nous; s'il en est ainsi, commencez
par nous faire couper la tête, avant de por-
ter vos mains sacrilèges sur la sainte Eglise.
Mais, s'ils font ce mal malgré vous, nous ve-
nons vous en demander vengeance dès au-
jourd'hui. » (E. V. trad. G. K. (;.,75.)
Tous les princes et autres guerriers pré-
sents s'engagèrent par serment à marcher
contre l'ennemi et à l'exterminer. Un seul
ayant refusé, fut lapidé par le peuple. Le
peuple d'Arménie se leva tout entier, cha-
que guerrier enthousiasmé saisit ses armes.
La nuit entière vit les préparatifs de la ba-
taille, et au jour naissant, le grand camp des
Perses fut entouré, attaqué avec fureur et
pris d'assaut. Toute l'armée persane fut
mise dans une déroute complète. On fit de
nombreux prisonniers. Les plus distingués
furent internés dans des forts sous le com-
mandement des princes arméniens. Vassag
fut pris, et fit amende honorable de sa trahi-
son. Il protesta avec serment qu'il revenait
à la foi chrétienne, qu'il n'avait abandonnée
que par crainte, disait-il. On ne voulut pas
le faire mourir pour une première faute, on
le laissa vivre. Les vainqueurs , ivres de
joie, semblaient un peuple de frères, n'ayant
qu'une Ame et qu'un cœur. Mourons en bra-
ves, criaient-ils ; que Jésus vive en nous et
nous conduise : il rendra à chacun selon ses
œuvres. Bientôt toutes les places fortes que
les Perses tenaient encore en Arménie tom-
bèrent au pouvoir des braves habitants du
pays. La capitale ArdachadjKar'ui etsafV)rto-
resse redoulabhi, l'Anie, Jiiryainorl, Aihinni
l'Ardakersse , Khoranisdc , Dzakliaiiisdc ,
Pardzapougn*;, Kuial, Oroden, (iahoud, Va-
s.ig;i(;had, Variavan, Arpanial et Olagaii, lom-
inuanl successivemeril au pouvoir des Ar-
méniens, qui firent pi-isonni(.'rs les IN-rsans,
renv(;rsèrent partout les temjjles des idoles
et arborèrent partout la croix de Jésus-Chri.st
sur los ruines di-s pyrées (!t des autres mo-
nuiiiOnls idolAlriques.
Pendant ce temps là, les Arméniens des
montagnes de l'est, sans avoir reçu d'ordres
de Varlan, avaient marché vers les pays d'A-
derheidjan, et après avoir tué les Perses idolû-
tres, ils avaient partouldétruit leurs temples.
Ce fut alors que le généralissime, inten-
dant général d'Albanie, avec l'archevêque,
vinreit trouver le généralissime Vartan, et le
prièrent d'envoyer chez eux des troupes,
'< car l'armée des Perses, en garnison dans
le défilé de Djgor où elle surveillait les Huns,
dirent-ils, est retournée et entrée dans no-
tre province; et une troupe nombreuse de
cavalerie, expédiée par le roi pour la renfor-
cer, l'accompagne. Avec eux sont trois cents
docteurs-mages qui ont déjà semé la divi-
sion dans la province et séduit plusieurs
d'entre nous. Ils se préparent à profaner nos
églises, et s'autorisant de l'ordre du roi, ils
violentent les populations et leur disent :
« Si vous acceptez volontairement la loi de
Zoroastre, vous aurez des présents et des
honneurs, et le roi vous déchargera complète-
ment de vos impôts; mais si vous n'acceptez
pas notre croyance de bon gré, nous sommes
autorisés à élever dans les villes et dans les
campagnes des pyrées et ày allumer des feux
de Yram, des appartements pour nous loger, et
à établir des mages dans tout votre |)ays en qua-
Hléde magistrats. Si quelqu'un s'avise de s'y
opposer, la peine de mort est déjà portée contre
lui, et sa femme et ses enfants quitteront
leur patrie pour devenir esclaves du roi. »
On réunit immédiatement tous les grands
d'Arménie, et on répondit aux Albanais d'a-
voir bon courage, d'amuser l'ennemi, de
retarder ses entreprises, et qu'on allait tâ-
cher de les secourir. Aussitôt on députa en
Grèce, à l'empereur Théodose le Jeune pour
demander son intervention. Ce fut le prince
Knounie Adom qui fut le chef de l'ambassade.
Il devait rendre compte à Théodose de tout ce
qui s'était passé, lui demander du secours, au
besoin ranger, s'il !efallait,rArméniesousro-
héissance romaine. 11 devait remettre à l'em-
pereur le message suivant :
«Joseph, évêque, et tous les évoques, mes
confrères, conjointement avec les troupes
d'Arménie, Vassag marzban, Nerchabouh (le
Kimposlian, le généralissime Vartan et tous
les pr'inces, à rem|)ereur Théodose César,
ainsi (ju'à toute son aianée, salut et prospérité.
« Nous savons que vous régnez sui- la mer
et sur la tei-re par votre bonté i)a<nlique, et
que rien de terrestre ne peut niellre obs-
tacle! à votre royauté. Les véridi(|ues an-
nales de nos ancêtres nous apprennent que
vos vaillants et vertueux j)rédécesseurs,
après avoir subjugué ri"]urop(!, ont subjugué
l'Asie, et (jU(! (le|)uis U) pays de Séricpie ou
Sérès ((]hiiie) jus(pi'aux conlius de G.iléron
(Cadix), [jersoiHK! n'a pu se souslraiiiî à leur
obi'issarwu!. Alors, nous aussi étions à eux,
vl les Césars daignaient nommer le pays
d'Arménie leur grand et délicieux lief; jiar
cette intime liaison, notre père et notre loi
Drilad a reçu de|)uis, de vous, de touchants
témoignages de bienveillance, lorsque, jx'ii-
dant sesjeunes années, il échappa aux mains
509
ARM
AUM
5(A
r^gioidos do sos onolos qui venaiont do liior
son |-èro Kosro^s, et (|u'il se r(^fuj^ia auprès
<io vous, (lésnr. T/csl par votn> assisla-ico
<]u'il a ainsi r6o^u(S sur le royaunio d;' son
jk'to, c'est par vous qu(i, pcndaîit son rogne,
il a rocu la foi on Jésus-Christ du saint pon-
tifia de Hom(i (eu y allant avec le premier
patriarehe, saint (îrégoii-o llluminat(nM') pai-
le(|uel toutes les contrées soml)res du nord
de l'Asie ont vu le joui- dci riwan^ile, et
voici que maintenant les fils de l'Orient V(ni-
lout l'éteindre et nous avcnigler de nouveau.
Comptauf sur l'appui de votre puissance in-
vincible, César, nous avons déjà fait quel-
(jue chose en nous oi)[iosant h l'cxéculioii
de leiu's ordres, mais il nous i'(>st(> plus en-
coi'e (\ faire. Nous nous préparons à la lutte,
car nous préférons la mort avec Dieu (jue la
vie avec la tache d'aposlats, et si vous vou-
lez nous |)réter la main, nous sauverons
doublement notre vie, c'<'st-h-<lire celle de
r<hno et celle du corps. Si vous mettez la
moindre lenteur dans cette affaire pressante,
cette flamme pourra gagner d'autres [)ays
que le nôtre. » (E. V., trad. G. K. G., 8±)
Théodose donna de bonnes paroles et
s'occupa activement de cette affaire. 11 se
préparait à intervenir pacifiquement, pour
obtenir que les églises ne fussent pas détrui-
tes en Orient, et pour qu'on laissait aux peu-
ples menacés la liberté de croyance et de
culte, quand la mort vint inopinément l'en-
lever. Marcien, son successeur, ne montra
pas les mômes dispositions. Désirant garder
la paix avec les Perses, il envoya, à l'instigation
de ses ministres,Elpharios, Syrien de naissan-
ce, homme infâme, trouver le roide Pirse, re-
nouveler avec lui les traités d'alliance, et
lui promettre que l'empire ne secourrait d'au-
cune façon ni les Arméniens ni leurs alliés.
A cette nouvelle, l'espérance quitta les
^•œnrs, le courage y resta. Tous songèrent à
suppléer au nombre par la valeur. Plein do
contiance en Dieu, le peuple arménien se
prépara à la guerre. On leva les troupes, les
princes se mirent à leur tète. Nerchabouh
Rimpostian eut à défondre le pays versl'A-
derocidjan (frontière de Perse), Vartan, gé-
néralissime, traversant la Géorgie, dut mar-
cher au secours de l'Albanie, contre le gou-
verneur de Djgor. On eut l'imprudence do
laisser le traître Vassag, prince de Sunik, com-
mander les forces destinées à la défense de
l'intérieur du pays II prit ceux d'entre les
chefs qu'il savait les moins attacliés à la f<)i
chrétienne:Bagradounik,Korborounik, Aba-
hounik, les j^rinces de Vahévounik, de Ba-
lounik, deKapilian, et celui d'Ourzan. Sous
prétexte de défendre le pays, il s'empara de
toutes les forteresses et alors écrivit aux Per-
ses qu'ilétait parvenu à diviser en trois corps
les forces des Arméniens : « Marchez contre
Vartan en Albanie, leur disait-il; je ne
doute pas que vous ne le vaiimuiez facile-
ment, » Ayant reçu cet avis, le marzban
Sepoukt, marcha "contre Vartan, passa le
Gour (Cyrus) et le rencontra près deKalkal,
résidence d'hiver des rois d'Albanie. Vartan
ne perdit pas courage en voyant une armée
ennemie bien plus forte que la sienne. 11
adressa sa prière au Seigiunir, se rua .sur
les Perses et les dt'fit (Mitièrcment, Les Per-
ses f.'gilifs se réfugièrent dans le Der-
beiiil. Nartan attaqua suc('essivement les
j>laces foi-les, et ras.i celles (pj'il ne [pouvait
gard(M'. Il mil im|)i(oyablemeiit h mort tous
les mages ([u'il put trouver. Après avoir f)ris
d'assaut la iorleressc; <pii gardait coiUri; les
Huns le délilé de Derbend, Vartan conclut
avec eux un ti-aité d'alliance.
Ce fut au milieu de ces succès que Vartan
reçut la nouvelle (!<; la trahison (le Vassag.
Les pei'tes des Armi'niens furcmt peu nom-
breuses. Au nombre d' s soldats mai-lyrs (pii
nu)unirent pou' la défense de la foi, fut le
bienheureux Mousche. Après sa trahison
secrète, Vassag avait levé le masque et
ravagé plusieurs provinces. Ce misérable
apostat dévasta Karni, Kramon, Tershana-
gerd, Varlanai^had, les foi'ts d'Olagan, de
Parakhod, d'Artéans, lebourgde D/onguerd,
le fort d'Armavir, le bourg de Gouache,
d'Aroudjo, d'Achenag, Arakas et ses envi-
rons, la ville capitale d'Ardachad et une
foule d'autres lieux. Il força tous les chrétiens
d'abandonner leurs demeures, incendia les
églises, pdla leurs trésors. Ceux quinevou-
laient pas s'associer à ces actes atroces, n'é-
tant pas les plus nombreux dans son armée,
se l'etirèrciit, ne se sentantpas en force pour
résister.
A ces nouvelles, Vartan reprit la route
d'Arménie. A son approche, Vassag et ses
partisans prirent la fuite. Cet apostat alla
s'enfermer dans ses châteaux forts du Su-
nik. Vartan hiverna ses troupes, mais garda
une division pour commencer immédiate-
ment les opérations militaires. Il attaqua et
reprit tous les châteaux forts du domaine
royal. Tous ceux de Sunik qui apparte-
naient à l'apostat Vassag furent pris d'assaut
ou réduits |)ar la famine.
Le clergé fit dos prières, et institua des
jeûnes pour célébrer la mémoire de ces
grands événements. Vartan et les princes
firent sortir de [)rison un des principaux
seigneu.'s persans, et lui racontèrent les
malheurs de leur patrie, les désastres des
troupes royales, et tout en blâmant leur pro-
pr.' révolte, ils lui dirent qu'ils s'étaient vus
contraints par la fausseté de quelques-uns
d'entre eux, qui en les trompant, avaient!
trompé aussi les Perses. Ils lui dirent
comment le roi des Perses avait voulu les
contraindre à abandonner la foi de leurs an-
cêtres. Ils lui narrèrent les infamies de Vas-
sag qui avait dit au roi que l'Arménie était
disposée à accepter cette loi tandis qu'elle
l'avait en horreur. Ils chargèrent ce seigneur
d'aller trouver Hazguerd pour réclamer son
indulgence et le [)orter, si faire se pouvait,
à accorder des conditions de paix tolérables.
Vassag avait prévenu déjà le roi de ce qui
s'était passé. Hazguerd, qui revenait humi-
lié delà guerre contre les Huns, sentit en-
fin qu'il était homme, et, domptant la fougue
de son caractère, il dit : « Quel mal ai-je
donc fait? Ai-je jamais causé du tort, je ne
311
ARM
ARM
312
dis pas à une nation et à une famille, mais "
à un simple individu ? Est-ce qu'il n'y a pas
dans ce pays des héros soumis à mon scep-
tre, quantité de doctrines et de religions,
que chacun exerce en toute liberté ? Qui ja-
mais les a forcés de se soumettre à une
seule loi, celle des mages ? Quant à la reli-
gion chrétienne, comme les chrétiens sont
les plus fermes et les plus lidèles observa-
teurs de leur loi, nous estimons que c'est
un meilleur culte que tous les autres, et per-
sonne ici n'aura la liberté de jeter sur cette
profession d'e foi la moindre tache, car je
pense qu'elle peut marcher de pair avec no-
tre loi à nous, qui sommes de la race des
dieux. Je tiens de mes aïeux, qui ont occupé
avant moi ce grand trône, que de leur temps
le- chrétiens étaient estimés des rois et du
peuple ;caralorsonhtexaminer touslescultes
qui existaient dans l'empire, et il fut reconnu
que celui des chrétiens était le plus pur et le
])lus sublime. Cefut pour cemotif qu'ils furent
chéris et respectés à la cour et dans tout le
royaume ; nos pères les élevèrent en dignité
et les comblèrent de marques de munificence
jila cour; ils pouvaient entrer librement en
Perse et en sortir de môme, et ils allaient par-
tout tète levée. Ceux qui sont les premiers
des prêtres chrétiens et qu'on appelle évo-
ques, étaient bien vus h la cour et recevaient
souvent des présents du roi comme de vi-
gilants magistrats et de fidèles préfets. Sou-
vent on leur confiait les administrations
dans les provinces éloignées, et les affaires
du royaume marchaient bien. Mais vous,
ajouta Hazguerd, en jetant un regard déco-
lère sur ses courtisans, vous no m'avez pas
rappelé ces faits; au contraire vous m'avez
toujours fatigué les oreilles de toutes sortes
de noirceurs , vous m'avez fait faire ce que
je ne voulais pas, et vous le voyez, il en est
résulté desdommages irréparables dans mon
empire, entre deux ennemis implacables.
Durant mon voyage lointain, je n'ai pu rien
terminer concernant la guerre, et voilà qu'ici
vous excitez des querelles dans ma maison;
vous me mettez encore sur les bras une nou-
velle guerre qui sera pire que cc'le des en-
nemis du dehors. » ( K. V., trad. G. K. G,
97.J
A ce langage du roi, les visirs et les
mages furent accablés de honte et de con-
fusion. L'un d'eux pourtant dit : « Tout ce
que vous venez d(! nous dire n'est que trop
vrai, ô roi; mais il est vrai aussi que vous
pouvez subjuguer tout selon votre volonté,
et que rien ne peut se soustraire; à votr(!
puissance, car les dieux vous ont a(;cordé
de réussir dans toutes vos entreprises. Ne
nous faites donc pas de la peine et n'accablez
pas nos Ames sous le poids d(! votre; déi)laisir.
reut-ètrela (i-i de celt(! (Mitreprisc; S(;ra-t-ell(;
plus facile que h; conunencement? Ay(;z pa-
tience et in-lul^jencc!, laissez à ces chréti(!ns
le libre exeicice de \cuv culte, et \)i\v ce
moy(!ii vous ramèn(!rez biemlùt les rebelles à
l'r^béissance. » (K. V., trad. G. K. G., 1)8.)
Le roi eut l'air d(! S(; rendre h ce (conseil :
il accorda une aumistie générale aux chré-
tiens, fit sortir de prison tous ceux qui s'y
trouvaient. Pour mieux masquer ses desseins
secrets , il força les apostats qui s'étaient
soustraits aux pénitences publiques à s'y
soumettre. Il prononça aussi la restitution
de tous les biens qui avaient été saisis. En
retour de cela, il demanda que les insurgés
d'Arménie lui donnassent des garanties de
leur soumission, 11 envoya à Constantinople,
pour s'assurer encore que de ce côté on ne
soutiendrait pas les Arméniens. Il écrivit à
ces derniers, qui, s'apercevant de son des-
sein, se dirent les uns aux autres : « Com-
bien cette fourberie royale est audacieuse et
maladroite! Mais voilà deux et trois fois
qu'Hazguerd échoue dans de pareilles ruses,
et il n'est pas encore honteux ? Son but est
visiblement de nous désunir et de relâcher
les nœuds qui nous lient. Est-il possible d'a-
jouter foi à ses discours frivoles? Quel bien
avons-nous vu ou entendu dire qu'il ait fait
aux églises de Perse? Comment les méchants
peuvent-ils faire du bien aux bons? Celui
qui marche dans les ténèbres peut-il guider
les autres dans 'e sentier de la lumière et de
la vérité? Comme la justice ne peut naître
de l'injustice, aussi la vérité ne peut surgir
du mensonge. Il n'y a point de paix à atten-
dre d'un cœur qui aime la discorde et la
perturbation. Nous qui sommes des élus
par la grâce de Dieu, et affermis par la foi et
l'espérance en Jésus-Christ ; nous qui avons
confessé et confessons toujours fermement
que le Christ est vrai Dieu, qu'il est venu
parmi nous, qu'il est né d'une vierge dans
le sein de laquelle il a pris un corps sembla-
ble au nôtre, corps qu'il a uni à sa divinité;
ciu'il s'est chargé de nos péchés, qu'il a été
mis sur la croix, puis dans le sépulcre, qu'il
est res uscité et monté au ciel en présence
de ses disciples, et qu'il est assis à la droite
du Père; nous qui croyons à son sur[)renant
et glorieux avènement dernier où il ressus-
citera les morts, renouvellera la vieillesse
des créatures et rendra aux justes et aux
pécheurs selon ieurs œuvres, nous ne nous
trompons i)as comme des enfants, nous ne
nous égarons pas comme des imprudents,
nous ne nous laissons point séduire comme
des ignorants ; nous sommes prêts à subir
toutes les vexations, et nous invoquons sans
cesse la clémence de Dieu, alin qu'il nous
accorde de finir nos jours dans la même foi
dans laquelle nous sommes nés, et que nous
devions ce bonheur à notre courage et non
à notre faiblesse. Maintenant tout l'Orient et
tout l'Occident savent que Hazguerd a dé-
claré la guerre au vrai Dieu, et (pi'il veut
nous massacrer injustement, en récompense
des nombreux services que nous lui avons
rendus. Nous prenons à témoin les cieiix
avec tous les êtres célestes, et la terre avec
tous les êtres terrestres, (jue nous ne som-
mes pas counables, non pas même dans nos
pensées, ni (l'intiMition. Au lieu de nous ré-
compenser par des dons et par des largesses,
h; roi veut nous priver d(î noire véritable vie,
el il est ini[)ossil)lo (pie nous h; pi'rmeltions
ni j)ré^entement m plus lard. Comment
513
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ARM
314
])Ourrions-nous croiro les paroles de paix
(l'une bouclunndigne qui nous forçait naguère
h l'apostasie? Par quelles bonncïs actions
a-t-il mérité la grAce du ciel, dans son (ueur si
pr()in|)t pour nous annoncer cette bonne
nouvelle? Si celui qui blasi)liéuiait habi-
luellement le nom de Jésus-Clnisl et (jui
cnlrainait les tidéles i\ l'apostasie, nous lait
aujt)uririiui (piehpuvs concessions, assuré-
ment c'est malgré lui, et nous ne devons pas
les accepter légèrement. Celui (pii jurait par
ses faux dieux d'exterminer les prêtres di,'
Jésus-Clirist, en leur faisant soullVir toutes
sortes de supplices , vient nous prodiguer
l'éloge, il est clair que ce n'est que fourbe-
rie e. astuce et pour nous tendre un piège
secret. Nous ne devons donc pas le croire, ni
accepter sa mensongère amnistie. » (E. V.,
Irad., G. K. ('.., 101).
Hazguerd, voyant que ses fourberies n'a-
vaient pas pu réussir, résolut de jeter le
masque. 11 lit revenir son ancien ministre
Nerseli, homme habile et artilicieux, et lui
confia les forces nécessaires pour arriver à
détruire complètement l'Arménie. Aussitôt
que le vieux visir fut arrivé, il s'entendit
avec l'apostat Vassag, qui lui livra tous les
secrets capables de procurer la ruine de son
pays. Ce l;\che déserteur parvint, par ses
menées , à ne pas laisser aux Arméniens
d'autre alliance que celle des Huns. Le mi-
nistre persan, sachant que Vartan avait en-
viron soixante mille hommes sous ses ordres,
lit en sorte de pouvoir bientôt lui en oppo-
ser le triple. Il laissa tous les généraux sous
les ordres de Mouchgan-Minsalavourd, à qui
il recommanda de se conduii'e en tout par
les conseils de Vassag. Lui se rendit à la cour.
11 dit au roi l'infamie de Vassag, qui, pour
servir les Perses, avait trahi son pays et jeté
un voile sur ses anciens crimes. Hazguerd,
au dernier point irrité contre Vassag, jura
que s'il échappait à cette guerre, il le ferait
mourir cruellement pour expier toutes ses
infamies.
Vartan, ayant convoqué toutes ses troupes
dans la ville d'Ardachad, remplaça dans les
commandements les princes qui étaient en-
trés dans le parti de Vassag. 11 se trouva à la
tète de soixante-six mille hommes, tant ca-
valiers que fantassins. Il leur adressa l'allo-
cution suivante :
« Je me suis déjà trouvé à beaucoup de
batailles, où plus d'un de vous qui m'écou-
tez, étiez avec moi. Dans quelques-uns de
ces combats nous avons remporté la vic-
toire, dans d'autres nous avons subi des
défaites, mais nous avons été plus souvent
"vainqueui'S que vaincus. Dans toutes ces oc-
casions, cependant, il ne s'agissait que d'une
gloire céleste, parce que nous combattions
par l'ordre du roi temporel; le déserteur et
le fugitif y étaient réputés vils et ignobles
en ce monde, et ils subissaient une mort
sans pitié que le roi leur faisait donner pour
les punir de leur lâche conduite. Celui qui
se comportait vaillamment, au contraire était
décoré du titre de brave, et cet honneur re-
jaillissait sur toute sa famille ; il recevait en
outre des présents magriifiques de la part du
roi tem|)orel et mort(d. Nous portons tous
des cicatrices ([ui nous ont valu des distinc-
tions et des récompens(!s; mais je regai'do
comme des (;hos(>s d(î néant ces actes d'hé-
roïsme aussi bien (jue tous ces honiieiu'S et
toutes ces dignités, car ce sont des chos(!S
passagèi'es et périss;d)l(!S. Si nous avons fait
pi'euv(! décourage pour complaire à un roi
mortel, coml)ien n'en devons-nous i)as mon-
trer davantage dans la cause de notre roi
immortel qui est maître des vivants et des
morts, et qui juge et récompense tous les
hommes suivant hiurs (i3uvres. Quand nous
prolongerions notre vie jus(iu'à une extrême
vieilk'sse, il faudrait pourtant à la On ([uitter
notre enveloppe mortelle. HAtons-nous plu-
tôt d'aller chez le Dieu vivant dont nous ne
serons jamais séparés. Je vous en prie, ô
mes braves compagnons, je vous en conjure
humblement, car plusieurs d'entre vous me
sont su|)érieurs en vaillance et en dignité
de famille, marchez sur les traces de vos
valeureux pères. Et puisque vous m'ayez
choisi volontairement pour votre généralis-
sime, écoulez attentivement mes paroles, et
puissent-elles trouver de la sympathie dans
le cœur des chefs et des soldats. Ne nous
laissons ctfrayer à tourner le dos ni par la
grande multitude de ces païens, ni par les
épées tranchantes des hommes mortels ; si
Dieu nous donne la victoire, nous les ferons
tous passer par les armes, afin que la sainte
cause de la vérité se relève ; si au contraire
les jours de notre vie sont tranchés par la
mort, dans ces batailles saintes, nous nous
résignerons sans murmure. Mais surtout, ô
mes frères d'armes, que jamais la moindre
lâcheté ne se montre ni dans nos conseils ni
au milieu de nos actes de bravoure. J'ai
toujours présente à la mémoire, et quelques-
uns d'entre vous se le rappellent ainsi que
moi, l'action par laquelle nous trompâmes
et nous déçûmes cet impie Hazguerd comme
un enfant simple. En apparence et par poli-
tique, nous souscrivîmes à ses volontés sa-
crilèges; mais en secret, et dans le fond de
notre pensée, Dieu est témoin que nous lui
étions fidèles. Nous ne feignîmes pas ainsi
par peur do la mort, notre seule intention
était de délivrer nos proches et notre patrie,
qui couraient le plus grand danger. Nous
voulions nous réunir à eux, afin d'e pouvoir
opposer une résistance ferme à ce roi impie
ou par la guerre ou par la paix, afin de con-
server la religion sainte que nos pères ont
reçue de Dieu. Maintenant, si nous n'avions
pas le bonheur do pouvoir venir en aide ni à
l'Arménie, ni à nos familles, il est impossi-
ble que pour leur amour nous échangions
Dieu pour l'homme.' Récemment, dans deux
ou trois batailles, nous avons, avec l'aide
puissant de Dieu, remporté des victoires
éclatantes; nous avons battu et dispersé
comme de la paille les troupes du roi, mas-
sacré sans merci les mages, et purgé le pays
en plusieurs endroits de l'abomination do
l'idolAtrie, enfin nous avons foulé aux pieds
et effacé l'ordre exécrable d'Hazguerd. L'a-
;is
ARM
ARM
316
gitatien de la mer s'est apaisëe , les flots
montag^ieiiK se sont aplanis, l'écurae s'est
anéantie et la rage brutale de notre tyran
s'est calmée. Celui qui tonnait sur les nuages
en nous pailant, ds^scendit de sa hauteur
accoutumée, et se lit humble devant nous ;
celui qui croyait avec une seule parole de
commandement venir à bout de ses projets
impius contre la sainte Eglise, le voilà arrivé
h se mesurer avec nous, les armes, l'arc,
la lance et l'épée h la main. Il voyait dans sa
vile pensée que nous avions revêtu le chris-
t4anisuîe comme un vôtement. Est-ce qu'il
peut changer la couleur de la chair? Et quand
même il y jiarviendrait, notre changement ne
serait pas moins impossible; car les bases de
notre croyance sont posées sur la pierre im-
muable, non pas sur la terre, mais au haut
du ciel où il n'y a ni pluie qui tombe, ni
tempêtes qui soufflent, ni torrents qui inon-
dent, où rien, en un mot, ne peut lébranler.
D'ailleurs, s'il est vrai que nous tenons h la
terre par nos corps, il ne l'est pas moins
que nous nous sommes bâti au ciel cet édi-
fice de Jésus-Christ où nul ne peut porter
les mains.
« Courage donc, ô mes amis ! attachez-vous
fermement à notre vrai général en chef, qui
n'oubliera pas vos actes de vertu. Courage,
vertueux compagnons ! c'est une grâce di-
vine, où son pouvoir le plus sublime se ré-
velle, qu'il a accordé à notre faible nature
humaine et non pas aux anges, mais à
nous, pour mourir comme témoins de la di-
vinité de Jésus-Christ. Si nous avons exter-
miné les ennemis de la loi divine, de[)uis
peu, de notre légitime révolution nous avons
obtenu, pour nous et pour nos familles, un
glorieux renom dont on se souviendra dans
l'Eglise, et nous aurons lieu d'espérer une
récompense céleste de Notre-Seigneur, ré-
compense ))roportionnée à la j)ureté de nos
motifs et à riiéroïsme de nos actions. Mais
si nous avons le bonheur de mourir en dé-
fendant cette sainte cause, quelle couronne
ne nous est pas |)jomise ? Mourir pour scel-
ler l'Evangile de noire sang, connue a fait
Jésus-Christ (jue les êtres célestes se mon-
trent jaloux d'imiter ; mourir pour la reli-
gion ! ah ! cette grâce insigne ne sera pas ac-
cordée h tous, mais seulemmit à ceux que
le Seigneur a prédestinés ; elle ne sera pas
l'elfet de nos mérites, mais des libéralités
du Seigneur; car, ainsi que nous l'apprend
l'Ecriture, où les j)échés abondent, la grâce
divine surabonde. Et en vérité, mes amis,
rapjilication de cette sentence nous convient
mieuv 'Uj'à (jui (|ue ce soit; car nous, (|ui
avfins passé devant les honiuies pour di; lâ-
ches apostats, nous serons justifiés aux yeux
des anges, des hommes et du Père de l'uni-
veis. Eorsipie les hommes nous (;iui(;nt coii-
1)ables d'avoir séri('us(;ment renié notre foi,
(eaiKOup d(; larmes furent versées j)our
nous d.iiis la sainlfî Eglise et au niili<!U do
nos familles. Nos [)i-oches compatriotes, le-
vant ré|)ée contre nous, noiis uu;nacèrerit
dune mort affreuse; nos serviteurs éyi-
laii ijt notre approche et prenaient la fuito
en nous voyant venir. Les pleurs dans les
yeux, la plainte et le reproche à la bouche,
nos amis coreligionnaires lointains, qui no
savaient pas ce (jui se passait dans nos cœurs,
nous chargèrent d injures et d'outrages par
ignoiance. Sans doute, cette scène de la
terre se répétait dans le ciel, et les anges de
Dieu détournaient la tête, afin de ne pas
nous voir dans cette triste position. Voici
le moment d'eifacer de nous toutes ces infa-
mies. Alors n(jus étions allligés et abattus
par la douleur; nous sommes consolés, ani-
més intérieurement et extérieurement, car
nous Sonnnes certains que Dieu est avec
nous et (pi'il nous conduit. Ce n'est point
un général comme un autre (}ui nous com-
mande, mes camarades , c'est le généi al de
tous les martyrs. La peur est un signe d'in-
crédulité ; depuis longtemps cette incrédu-
lité nous est étrangère : que la peur donc
soit à jamais bannie de notre pensée et de
notre esprit ! » (E. V., trad. G. K. G., 117.)
Un premier corps de trouiies que Mouch-
gan envoya pour dévaster le pays, fut taillé
en pièces par les Arméniens. L'apostat-Vas-
sag renouvela alors la promesse ue la liber-
té du culte au nom du roi de Perse ; mais
personne ne le voulut croire. On se prépara
à combattre sur l'ordre de l'évêque Joseph;
le bieidieureux prêtre Léonce prêcha les
troupes et s'exprima ainsi
« Rappelez à votre mémoire, ô braves Ar-
méniens , les anciens patriarches qui ont
vécu dans chaque siècle avant l'avènement
du fils de Dieu. Notre malheureux sort ,
après nous avoir re|)Oussés du délicieux
Eden et jetés dans cette vallée de larmes , a
été cause que nous nous sommes trouvés
sous la puissance tyrannique du péché, et
que, corrompus j^arnotre liljre volonté, nous
avons commis des actions coupables qui ont
excité la colère du Créateur, et forcé le juge
miséricordieux à nous i)unir dans sa justice.
C'est alors que Dieu oidonna à la mer cé-
leste de verser sur la terre ses flots de pluie,
et que les mers terrestres et les torrents
cacliés d.ins les entrailles du globe, se dé-
bordant de tous cotés , semblèrent vouloir
se confondre avec les nuages; ainsi les eaux
supt'rieures et intV'rieures furent les instru-
ments de supplice porté coi.tre nous, par
suite de nos péchés, car nous n'avions pas
de média eur. Je citerai d'abord pour exem-
ple le patriarche Noé, ce juste qui marcha
devant le Sei^iuîur avec un cœur parfait, qui
apaisa la colère de Dieu et (jui fut, pour
auisi jiarler, la seconde origine de l'espèce
hinnaine. Je citerai pareillement Abraham,
ce juste (jui subit glorieusement une épreuve
si rud(! ; il avait reçu Isaac, son fils uni(pie,
de la bonté de Dieu, et il conseiuit h ie lui
olfrir en sacrifice. C(i sacrifice inachevé fut
le ty|)e qui figura l'uicarnation du h'ils do
Dieu, qui, f)ar ses liens, par son sacrifice et
jjar sa mort, a anéanti h; pouvoir de la mort.
Or, si la mort (!st tuée par la moi-t, nous ne
d(!vons pas b. fiancer à nous rendre parlici-
l)anls de la mort de Jé.sus-Chi'ist, afin de
vivie do son immovlcUo vio.Kappclez-vous,
5it ARM
A vertueux chrétiens, le grand Moïse, (jui
supporta lo onntrasto mystérieux avant d a-
voir allciiil l'.V<' dhoiniuii ; la faïuillii do
Pliaraon, roi chv^yplo, lo recueillit, h; lit
élever, fut tout entière à son service, et,
sans le vouloir, son |>ère nourricier. I.ors-
(pu' le moment que Dieu avait nianiué ilans
ses (l(HM-ets divins poui- délivrer les llrhreux
de l'esclavai^e fut arrivé, Moise fut uu'uiia-
Icur entre le ciel et la terre, et le Seigneur
lui dit : Je vous ai établi comme Dieu sur
les Egyptiens; car, où la majesté divine ve-
nait s'otlVnser, lui-méuie vengeait les Egy[)-
tiens ; mais où la révélation divine lui com-
mandait, il oi)érait par sa baguette de gran-
des et merveilleusi'S vengeances Si
Moïse «est regardé comme le premit'r des pro-
phètes , c'est qu'il se sanctilia plutôt par
beaucoup d'elTusion de sang, et non-seule-
ment il répandit le sang île Télranger, mais
il n'épargna pas, [)ar son saint zèle, celui de
sa nation môme, (|ui avait échangé au dé-
sert lo Dieu d'Israël pour un veau. Si Moïse
vengea de si loin l'honneur du Fils do Dieu,
qui était encore à venir, nous qui l'avons
vu, qui jouissons des dons célestes et ma-
gniliques de sa grâce, combien plus ne de-
vojis-nous pas nous montrer les vengeurs
de la présente vérité. Il s'agit de défendre
l'honneur de celui 'qui s'est otfei t de lui-
même à la mort pour nos péchés, et qui
nous a délivrés ainsi de la damnation éter-
nelle. Allons donc nous jeter au-devant de
la mort pour obtenir une gloirç immortelle,
et nous ne serons pas moins que les pro-
phètes des temps anciens, les vengeurs de
Dieu. Rappelez-vous le granil Pliinée, qui,
égorgeant des Hébreux, pendant la guerre,
expia l'abomination dont ils s'étaient rendus
coupables, et la première dignité du sacer-
doce fut affermie dans sa famille de siècle
en siècle. Uappelez-vous le saint prophète
Elle, qui, indigné de l'idolâtrie d'Acliab, et
par un zèle juste, massacra de ses mains
huit cenis hommes. Ajoutez les cent hom-
mes qu'il fit brûler par le feu du ciel, et qui
furent condamnés au feu éternel ( Liv. III,
Rois, xiii). Après avoir ainsi vengé la sain-
teté du Seigneur, il fut enlevé au ciel dans
un char de feu. Et vous, chrétiens, vous
n'êtes pas moins intéressés à venger cette
cause divine, non pour que Dieu vous en
récompense en vous envoyant des chars
pour vous emporter au ciel par le chemin
des nuages ; mais lui-môme, le Dieu des
chars et des coursiers, dans un appareil ma-
gnitique et entouré de ses légions d'anges,
viendra au-devant de vous, et à chacun, sui-
vant ses dispositions, il fera croître des
ailes pour le suivre, et nous irons habiter
son royaume. Mais à quoi bon répéter tout
ceci à de braves et tidèles serviteurs de
Dieu? plusieurs d'entre vous sont plus ver-
sés que moi dans la science des saintes Ecri-
tures. David, dans son enfance, abattit,
avec un caillou Goliath , grosse tour de
chair, sans s'effrayer de l'énorme sabre de
ce géant; il mit en pleine déroute l'armée
des païens, sauva son peuple de la mort et
AUM
)18
de l'esclavage, et fut la tige des rois d'Israël.
Il fut phis encore , |)ui.squ'il eut l'insigne
luuuK'ur d'être nommé pèriMlii Fils de Dieu.
Celui-ci ne fut ai'isi nonnué (pjo par la né-
cessité des temps ; et vous, v(''rital)les en-
fants de la grAc(^ vous, nés du Siiini-Ksprit,
vous êtes enfants de Dieu et héi-itiers par
Jésus-Christ ; aucun n'osera vous enlever
votre pari d'héritage si vous méprisi'z les
menaces et les promesses des idolâtres qui
veulent vous rendre illégitimes et vous faire
déshériter (hs l'étiirnelle félicité. . .
« Kaj)p(!lez-vous les chefs des armées d'Is-
raël : JOsué, Gédéon, Ji'phté et tant d'antres
qui, pour venger la vraie religion, ont battu
et dis[)ei'sé les armées des païens et [)urgé
la terre de l'abomination de l'idolâtrie. Sûrs
qu'ils faisaient un acte de justice, et forts de
la pureté do leurs intentions, ils ne craigni-
rent point d'appeler au nom de Dieu les élé-
ments mêmes à leur secours, en sorte que
le soleil et la lune, quoique privés d'oreilles,
entendirent leurs ordres et y obéirent. La mer
et les rivières leur ouvrirent un passage au
milieu de leur lit, et les remparts orgueil-
leux de la ville de Jéricho tombèrent au bruit
seul de leurs trompettes. C'est ainsi que de
siècle en siècle, tous ceux qui firent des ac-
tes d'héroïsme pour la foi, furent applaudis
des hommes et justifiés devant Dieu. C'est
le même Seigneur qui règne depuis le com-
mencement des chbses jusqu'aujourd'hui et
qui régnera dans les siècles des siècles. Il
ne se renouvelle pas, car il. ne s'use pas ; il
ne rajeunit pas, car il ne peut vieillir ; il ne
varie ni ne change dans sa nature divine ,
ainsi qu'il le déclare lui-même par l'organe
de ses prophètes : Je suis, je suis, (\\t-i\, celui
qui est ; f existe toujours le même, depuis le
commencement ; je ne cède pas ma gloire à un
autre, ni ma puissance aux idoles.
« Sachant tout ceci, mes vertueux frères,
jamais la lâcheté n'aura la puissance de nous
énerver. Loin de là, nous marcherons avec
un cœur et une foi fermes sur les ennemis
qui s'avancent contre nous. Nos espérances
ne sont pas simples, mais doubles : si nous
allons mourir, nous sommes assurés de vi-
vre; si nous donnons la mort, nous vivrons
pareillement devant Dieu. Souvenez-vous
des paroles de l'Apôtre. Soyez, dit-il, dans
les mêtncs sentiments que Jésus-Christ : au
lieu de la béatitude du ciel, il a accepté les
souffrances et la mort de la croix ; c'est pour
cela aussi que Dieu l'a souverainement élevé eC
lui a donné un cœur qui est au-dessus de tout
autre nom, afin qu'au nom de Jésus, tout ce qui
est dans les deux, sur la terre et sous la terre,
fléchisse le genou (Philip, n, 5 ). Car ceux
qui sont unis à Jésus-Christ et qui le voient
des yeux de l'âme, contemplent clairement
l'invisible lumière de ce mystérieux soleil
qui, à toute heure et à tout moment, est
levé sur l'horizon des cieux. C'est ainsi qu'il
attire le regard pur et sanctifié à apercevoir
des objets ^accessibles aux êtres créés et à
l'adoration du mystère de la très-sainte Tri-
nité. Or, celui qui a eu le bonho-ur de s'é-
lever ainsi en âme et en esprit sur les liau-
319
ARM
ARM
320
teurs du royaume des béatitudes, participe
en vérité à la béatitude des élus et jouit de
consolations ineffables. Jamais, non jamais,
mes nobles seigneurs et mes bien-aimés frè-
res, jamais nous ne redescendrons de ces
hauteurs divines sur la terre pour nous traî-
ner dans ses passions; nous fixerons notre
demeure dans le lieu céleste où nous avons
porté notre pensée, sans aucun souci des
choses d'ici-bas ; car, en jetant un coup d'œil
sur la terre, nous n'y voyons que pourri-
ture, impuretés, abominations ; partout des
plaintes et des afflictions, partout misère ,
pauvreté , soutîrances , oppressions de la
part d'une foule d'exacteurs, vexations ty-
ranniques de la part de notre prochain, faim
et soif du côté de la nature, avec le froid de
l'hiver, la chaleur de l'été, les maladies im-
prévues, les douleurs de la mort, les craintes
du dehors, les terreurs du dedans, toutes
choses cjui tourmentent le genre humain.
Beaucoup désirent la mort avant qu'elle
arrive , et s'en vont contents lorsqu'elle
vient. Quant à ceux qui jouissent d'un bon-
heur apparent sur la terre, qui nagent pour
ainsi dire dans les délices et dans l'opu-
lence durant cette vie périssable, et qui s'en-
orgueillissent des honneurs et des dignités
de ce monde, ils sont privés delà vraie vie.
Et quelles perversités ya-t-il, qui ne soient
entremêlées avec leur jouissance de gran-
deur ? Confiscation du bien des pauvres,
impudicité dans le saint mariage, enfin ils
sacrifient à chacun de leurs vices comme à
un Dieu, et l'adorent, et ils sont tous hors
du chemin de la vraie vie. 11 est évident
que l'tmivers et la matière qui le compose
sont une création de Dieu ; c'est pourtant
cette matière qui est l'objet du culte des
païens, qui sont eux-mêmes des parties de
cette matière qu'ils adorent. Donc une par-
tie est au service d'une autre partie, et si
une partie de ce monde est corruptible, tou-
tes les autres sont essentiellement destruc-
tibles. Il est, en outre, indispensable qu'en-
tre ces diverses parties il y en ait qui soient
supérieures ou inférieures aux autres, et ce
qui est supérieur ici-bas à tout ce qui s'y
trouve, il n'est pas difficile de vous aperce-
voir que c'est l'homme, la plus sublime des
créatures de Dieu en ce monde. Or, dans le
culte des païens, les adorateurs sont au-
dessus des êtres inanimés qu'ils adorent,
ce qui prouve assez à quel point ce culte est
absurde. Jls ne servent [)as le vrai Dieu
qui se fit homme, ils adorent aveuglément
et obstinément les créatures, et ils seront
jugés et condamnés un jour sans excuse de-
vant le tribunal de Dieu.
" Courage donc ! rejetons loin (fi; nous les
err(;urs de ('(.'S pauvres égai'és, nous les plai-
gnons comme les|)ius faildes d'es|)i'it et plus
misérables «pie tous les hommes (pii otil fait
fausse voie volontairciiuent (!t non i)ar con-
trainte, et qui ne renireront jamais dans le
cheiidn delà vérité; mais nous, dont lagiv^cea
éclaiici la vue, nous voyons la lumièi'(! céles-
te, et les lénèbrtîs extérieures ik; seront pas
notre partage, car la vraie lumière est venue
pour ceux qui étaieni assis dans les ténè-
bres, mais ils n'ont pas voulu la recevoir
par aveuglement. Vous qui l'avez embrassée
par la foi, vous n'êtes plus des étrangers, des
fils dénaturés, mais des enfants chéris et pos-
sesseurs du bienheureux séjour de la ville
céleste , où règne celui qui nous dirige
dans la voie du salut, celui qui combattit
héroïquement sur la terre, et qui enseigna
sa fermeté aux apôtres, qui furent ses sol-
dats et ses lieutenants. Aujourd'hui, grâce à
leurs prédications et à leurs exemples, c'est
vous qui les remplacez sur la terre, vous qui
êtes affermis et armés par la foi contre les
ennemis visibles, qui sont satellites des in-
visibles, et contre leurs noires mançeuvres.
D'une manière ou d'une autre, vous ne pou-
vez manquer d'être triomphants sur tous les
deux, souvenez-vous que ce fut ainsi, lors-
c{ue Notre-Seigneur fut regardé comme mort,
qu'd remporta une victoire éclatante sur le
démon, qu'il dispersa les ennemis, s'empara
du butin, délivra les esclaves et distribua
des présents et des honneurs à tous ses amis,
suivant leur mérite et leur vertu.
« Vous savez qu'au temps passé et dans
d'autres occasions , lorsque vous marchiez
au combat, il était d'usage que beaucoup de
prêtres vous accompagnassent dans le camp,
et qu'au moment de combattre vous les lais-
sassiez dans un lieu de sûreté, après qu'ils
avaientprié pourle succès de vos entreprises ;
mais aujourd'hui, voilà les évêques, les prê-
tres, les diacres, les psalmistes et les lecteurs
aurailieu de vous avec tout leur cérémonial.
Ils se sont armés spirituellement pour vous
suivre à la guerre et i:)Our attaquer avec vous
les ennemis de la vérité ; ils n'ont pas la
moindre peur de la mort , car ils aiment
mieux la recevoir que la donner. Jusqu'à
présent, par les yeux de la foi, ils ont vu
les supplices des prophètes; maintenant,
par les yeux du corps, ils voient vos combats
qui font de vous des martyrs. Vous voyez,
de votre côté, en es|)rit, les tourments des
apôtres et le massacre des martyrs, et vous
vous tenez prêts à les accomplir aussitôt tous
les deux. Souvenez-vous (jue ce fut par leur
mort que se fonda la sainte Eglise, et que
l'effusion de leur sang fut un triomphe cé-
leste aussi bien (jue terrestre. Ainsi, jusqu'au
second avènement du Fils de Dieu, le même
triomphe héroï(iue s'opérera i)ar les mêmes
supplices. » {E. V, Irad. G. K. C, 125.)
On ;iivra une bataille sanglante, acharnée,
dans laipielle les Arméniens eurent moins
d'ln)mmes tués (]ue h^s Perses ; mais dans la-
quelle, ayant perdu leur général Vartan, ils fu-
rent obligés de (juitter le ('hamp de bataille.
On n'osa pas les poui'sn ivre. Les Perses eui-ent
.'{jVV hommes tués, parmi lesquels neufgrands
sali'apes. Les héi'os martyrs (pii loiid)èrent
du côlé des Arméniens furent: « de la famille
d(! Mamigonien, \'ar(an avec l.'{3 hommes ;
de la famille des Korkorounik , Klioren avci"
li> hoMunes; do la famille de Ualounik, Ardag
avec 1)7 hommes ; de la faniilh.' des Kintunik,
Dajad avec 19 hommes ; d(! la famille des
Timaksiaidi, Ifimaiag avec ^2 horames ; do
521
ARM
ARM
39A
la famille Kalcporounik, lo jouno Nerseh
avec 7 iioiniuos ; de la l'amillo dos Kinouiiik,
Vahan avec 3 hommes ; de la famille des lii-
zaïiik, Arseii avec 7 hommes ; de la famille
des Srouansdiank, Karakin avec 2 frères et
18 hommes. Kii tout 287 personnes, les 0
grands princes et les personnes d(î leur fa-
mille, de la maison d'Ardzourounik et do la
maison royale , qui succombèrent dans la
bataille. Outre ces 287, il y eut encore IkO
personnes qui succombèrent dans la môme
iournéc, et dont les noms sont inscrits au
livre de vie. Tous ensemble forment le
nombre de 1036, qui restèrent sur le champ
de bataille. (E. V., trad. G. K. (>., l^i-l).
Vassag tira enfin les Perses delà stupeur dans
laquelle ils étaient, et leur persuada enfin de
marcher contre les châteaux forts du pays,
ofi s'étaient retirés les Arméniens, ils vin-
rent mettre le siège devant une forteresse
où s'était réfugié un corps assez considéra-
ble d'Arméniens. Us envoyèrent plusieurs
fois vers les assiégés, leur promettant avec
serments faits sur l'Evangile, la vie sauve
s'ils se rendaient; les prêtres y consenti-
rent, les soldats refusèrent. Enfin, les vivres
manquant, les Arméniens durent mettre bas
les armes. Vassag, sur l'heure môme et de
sang-froid, fit égorger deux cent treize per-
sonnes. L'évêque Joseph avec le prêtre
Léonce, et d'autres ecclésiastiques qui s'é-
taient réfugiés dans ce fort, assistèrent à
cette affreuse boucherie ; ils bénissaient les
victimes. Au moment où. on allait les frapper,
ils en appelèrent au roi, accusant Vassag com-
me auteur de toutes les calamités de leur pa-
trie. Le général n'osa les faire mourir ; il fit
cruellement fouetter Joseph et Léonce, et
les fit garder avec soin. Quant aux autres, il
les fit renvoyer dans leurs demeures. La
plupart des Arméniens, ne croyant pas à
l'amnistie promise par le roi, résolurent de
mourir les armes à la main, ou bien de fuir
dans des contrées inaccessibles. On vit d'im-
menses multitudes, hommes, femmes et en-
fants, gagner les montagnes qui environnent
l'Arménie, se répandre dans les cavernes,
habiter le creux des rochers. Beaucoup se
réfugièrent jusque dans le nord, vers le
pays des Chalibes, oii le soleil luit à peine.
Demorik, aux contrées impénétrables, en re-
çut un grand nombre ; d'autres se réfugiè-
rent dans les forêts d'Ardzak.
Vassag reçut bientôt de nouveaux renforts.
Il vint assiéger une forteresse située sur la
montagne de Gaboud. Les assiégés ne vou-
lurent pas croire les fallacieuses promesses
qu'il leur faisait. Un prêtre, nommé Archen,
eut plus de confiance, et descendant de la
forteresse, vint engager les généraux per-
sans à la douceur envers ce peuple inno-
cent qui défendait sa vie et son culte; il s'a-
dressa à Vassag et lui rappela ce qu'il avait
été jadis. Celui-ci le fit charger de chaînes,
ainsi que ses compagnons, et les fit traîner
parmi les autres captifs. Dans le cours de
ces dévastations, plusieurs sorties furent fai-
tes par les Arméniens, qui furent fatales
aux Perses. Ceux de la forteresse de Demo-
rik parvinrent môme jusque sur les teries
dos Perses et les ravagèrent.
Les guerriers du Khagdik firent dans lo
val de Daik une sortie (jui força les Perses
à évacuer la contrée. Dans oolte circon-
stance, les Arméniens perdirent un de leurs
jtlus braves défenseurs, le prince Hotninaïak,
frère du généralissime Vartan, (jui resta sur
le champ de bataille. De leur côté, ceux (jui
s'étaient retirés dans les forêts d'Ariizak,
pressèrent tant les lluns de se souvenir do
leur alliance avec l'Arménie, que ceux-ci
rassemblant de nombreuses trou|)es, sej(!tè-
rent sur les terres des Perses, et y exercè-
rent de grand ravages. Le général persan
qui commandait en Arménie, de plus en
plus ii-rilé contre Vassag, qu'il regardait
comme la cause de tant de désastres dont il
recevait coup sur coup la nouvelle, se retira
comt)létement et rentia en Perse. Le roi, (jui
fut forcé de i-abattre de son orgueil, ne sa-
vait que décider. Le giand visir Mihir-
Nerseh lui dit : « Sire, pour savoir la vérité,
ordonnez aux chefs de l'Arménie de venir
ici ; ils viendront volontiers, j'en suis cer-
tain. Hazguerd adopta le conseil de son mi-
nistre ; il nomma Adrormitz marzban d'Ar-
ménie et lui commanda de traiter ce pays
avec la plus grande douceur, et de faire en
sorte que Vassag et les principaux chefs chré-
tiens se rendissent à la cour.
Adrormitz arriva donc en Arménie porteur
de paroles de paix. Sur son invitation, Sa-
hag, évêque de Richdounik, Mouché, curé
de la famille d'Ardzrounik, deux autres prê-
tres, Samuel et Abraham, c[ue Vassag avait
fait mettre en prison, furent mandés et vin-
rent trouver le marzban, ainsi que l'évêque
Joseph Léonce, Kacazt et Archen. Le marz-
ban les interrogea longuement, et envoya
toutes leurs réponses à la cour.
Vassag était allé à la cour, où il cherchait
à surprendre le roi par ses contes menson-
gers. Mais ce prince lui dit : « Je vous enten-
drai en présence des chrétiens, attendez
qu'ils soient venus. » Après deux mois et
vingt jours de voyage, les prêtres arrivèrent
à Suse. Mihir-Nerseh les fit traiter avec dis-
tinction ; plusieurs Arméniens résistaient
encore aux Perses : on ne voulait point les
irriter. Le marzban, qui recevait ordre sur
ordre de terminer tout par la douceur, rap-
pela les évêques dans leurs sièges, fit réta-
blir toutes les cérémonies du culte comme-à
la coutume. Les princes arméniens , qui
s'étaient retirés au loin, revinrent quand ils
furent certains du rétablissement du chris-
tianisme, que le roi venait du reste de pro-
téger par un édit conçu en ces termes :
« Ceux qui n'adoptent pas affectueusement
le culte des héros, irritent les dieux contre
eux : je les blâme. J'ordonne que chacun
désormais ne suive à cet égard que sa vo-
lonté et sa conviction. Que chacun serve le
dieu do son choix, que m'importe? Tous
sont mes sujets. » Presque tous les princes
revinrent se mettre à la disposition du marz-
ban, et prirent le chemin du quartier d'hiveç
323
ÂRït
ARM
ZU
du roi. Quand ils furent arrivés on jugea /as-
sa"" , à qui on reprocha tous ses crimes. Les
prfnces, les évêques l'accusèrent tous. L'éve-
que Sàhag parla ainsi : « Ceux qui ont renié
le vrai Uieu, dit-il, ne savent réellement ce
qu'ils fout ni ce qu'ils disent, car leurs pen-
sées sont confuses et leur conscience obscur-
cie et troublée. Ils servent leurs maîtres sans
loyauté, et trahissent leur prochain sans scru-
pule. Us sont les véritables arsenaux ou
agents du démon, qui commet des méchan-
cetés par leur ministère, comme cela se voit
réellement dans Vassag. Lorsqu'il portait
encore le nom de chrétien, il masquait au
dehors toutes ses perfidies, et le gouverne-
ment était sa dupe. Le croyant plein de pro-
bité et d'honneur, vous l'avez honoré plus
qu'il ne le méritait. Vous lui avec confié le
pays de Géorgie ; demandez aux Géorgiens
s'ils furent contents ? Vous lui avez donné
la principauté de Sunik ; écoutez ce que ses
propres parents rapportent de lui ? Vous l'a-
vez fait marzban de l'Arménie, royaume que
vos ancêtresavaient conquis avec biendelapei-
ne ; cet homme l'a ruinée en une seule année.
Vous voyez qu'en perdant la marque du Dieu
véritable qu'il servait par hypocrisie, toutes
ses iniquités ont été mises à nu. Que peut-
on attendre d'un apostat ? Comment celui
qui a été infidèle à son Dieu peut-il se mon-
trer fidèle envers quelque hommequece soit ?
11 ya bien longtemps que vous n'ignorez plus
ces chefs d'accusation dont on s'occupe
maintenant. Ses crimes vous étant connus,
pourquoi avez-vous gardé le silence ? Vous
en savez bien la raison. 11 me parait qu'il
vous flattait alors d'un espoir qui ne s'est
point réalisé. Nous n'avons rien de plus à
dire sur cet homme, ni à vous, ni au monde
entier, faites de lui ce qu'il vous plaira sans
nous en demander davantage. » (E. V.,trad.
G. K. G., 158.)
Après avoir reçu toutes ces dépositions,
le ministre fit son rapport au roi. Douze
jours durant le prince garda un profond si-
lence ; le treizième jour, il donna un grand
festin. Les grands et les fonctionnaires do
l'empire y furent invités. Vassag fut invité;
il y vint avec tous les insignes de sa dignité.
Les princes arméniens et les prêtres qui
étaient dans les cliaînes le virent passer.
c( O marchand slupide, dirent-ils, pleins do
pitié pour lui, lu as vendu les biens inap-
préciables de l'éternité |)Our ces vanités do
a terre que bientôt tu vjs |)erdre 1 » _
Vassag vint prendre sa place ordinaire
dans la salle où étaient les grands. A peine
f élail-iJ. que le grand chambellan entra, et
ui re[)rochant tous S(!S crimes, lui lut, de la
)ai't du roi, la sentence qui le dégradait et
.e condamnait à mort. Li^s bourreaux en-
trèrent, et l'ayant dé|JOuiilédeses vêlements
chargés d'oi' et de pierr(!ries, renchahièreiil,
cl layant assis de côlésur une cavale, coinmo
oui coutume de faire lesfcmnn^s, ils le con-
duisirent h la prison en lui faisanl traverser
dans celle i^oslure humiliante toutes les
tours d 1 palais. Il fut enferme avec les saints
toiilcsseurs de la foi. Il les voyait lou^oins
calmes et tranquilles, heureux au milieu de
leur captivité , bénissant Dieu de leurs
souffrances et chantant ses louanges. Pour
lui, il otfrait à tous le spectacle du déses-
poir et de l'infamie, qui se connaît et s'ap-
précie. Chaqu(^ jour, on le tirait du coin oil
il était relégué dans la prison commune ; on
le conduisait un certain nombres d'heures
sur la place publique, où il était exposé aux
insultes, aux mépris de la multitude. Rentré
dans la prison, il était tellement en ho: reur à
tous , que nul ne voulait s'approcher de
lui. Il tomba malade; une fièvre s'empara de
lui, des plaies couvrirent son corps, bientôt
les vers y pullulèrent. Il répandait une telle
infection, que les geôliers avaient peine à sup-
porter d'être près de lui. Enfin il mourut au
milieu d'atroces douleurs , objet de dégoût
et de répulsion, encore plus pour sa laideur
morale que pour les plaies dégoûtantes de
son corps.
.liazguerd entreprit 8n454, la quatorzième
année de son règne, une nouvelle guerre
contre les Huns. 11 traînait à sa suite les
prisonniers chrétiens. Quand il eut atteint
le pays d'Abar, il les Ut enfermer dans la
forteresse de Niuchabouh, n'emmenant avec
lui que Samuel et Abraham.
Dans le nombre des officiers du roi, était
un jeune homme nommé Pel. 11 était Hun
d'origine, doux et plein d'humanité ; il pen-
chait vers la religion du Christ, et s'instrui-
sait auprès des chrétiens des dogmes de leur
sainte religion. 11 avait en souveraine dou-
leur les mauvais traitements qu'on faisait aux
prisonniers. Il s'enfuit ch z le roi des Huns,
lui livra tous les secrets et les plans de
Hazguerd, qui, quoique supérieur en forces,
fui battu en détail [lar le roi des Huns, qui
le força de battre en retraite et le poursui-
vit juscju'en Perso, où il fit un très-riche bu-
tin. Mihir Nerseh, instigateur de cette guerre,
craignant la colère du roi, lui fit dire par les
mages : «Héros roi, les livres de notre reli-
gion nous disent que nul, ici-bas, ne doit résis-
ter à votre puissance. Elle serait invincible, si
les dieux n'étaient indignés contre les Persans,
par';e que vous laissez vivre ces chrétiens mau-
dits, quiméprisent noire loi et ont abattu nos
temf)les. » Ajoutant les calomnies el les men-
songes, les mages exaspérèrent la colère du
roi, qui ordonna aux bourreaux de tuer dans
un lieu écarté Samuel el Abraham. Puis il
envoya Tenchabouh, fournisseur des vivres
de l'armée, à Niuchabouh, pour qu'il condam-
nAt h mort et fît exécuter fous li;s prison-
niers. Le mage (|ui avait été préposé h feur
garde les foin-nuMitait eruelleinent. 11 les avait
fait enf 'rmer quarante jours dui-ant dans un
souterrain obscur, où il lU! leur faisait donner
(fU(^ très-rarement un peu (iinriauvaise sou|>o
elde l'eau. Ces niauvais traitements n'ayant
l)as pu aiiacheraux saints la moindre plainte,
il les scella dans h'ur cachot, de, manière à
(;e(pi'oii(liU leur passeï- leur noui-ritur(i par
un soupirail. L(! mage était stiipi-faif de voir
(pie ses ri.;ueurs et scvs mauvais traitements
IH! |)ouvaient abattre les saints. Il vint secrè-
temtMil les examiner. 11 les vit à plusieurs
V2î> ARM
I oprisos (l.ins Umjp cachot, environnés d'une
lumiôre édalaiilc, ayant chacun au-dessus
(h> la t(Ho une auréole qui resplendissait; il
lui ttîlleuu'Ut Irappé de ce piodi^e, (pi'il or-
donna au cherdes bourreaux de traiter les
[uisonniers avec beaucoup ti'éj^ianls, et de les
uu'tlre d.ins une salle sèche et bien aérée.
Ouand le chef des bourreaux vint counnu-
ui<|uer cet ordre aux prisonniers, le géné-
reux évô(jue Jose|)h, lui dit : « Allez deman-
der au gouverneur en chef s'il a jamais (;n-
tondu [)arlerde i'avéuement futur de Nolio-
Seigneur, cl des magiùti(iues demeures ([ui
nous soiU préparées dans une autre vie, d(v
puis le c()nuuen(;cmeut ilu uionde. Dites-lui
que notre courage est fondé sur cette csj)é-
rance, et que la foi nous fait sup{)orter aisé-
ment les supplices atroces (ju'il nous indige.
Nous vous remercions et nous vous savons
gré d'avoir obtenu de votre chef le soula-
gement de nos cor|)s, mais nous ne nous
sonnnes pas ennuyés connue des athées,
2ui n'ont pas d'autres espérances que celles
e la terre, et dont le regard n'embrasse
ue ce qu'il voit ici bas; nous, pour l'amour
e Notre-Seigneur Jésus-Christ, nous ac-
ceptons patiemment et même avec recon-
naissance; tous les supplices de la terre,
nour mériter i)lus tard les béatitudes éternel-
les du ciel. Si nous désirons des |)alais, nous
avons au ciel de magniliques édilices, con-
struits sans matériaux terrestres, et auprès
desquels vos châteaux royaux les plus
beaux paraissent comme rien. Les hom-
mes, les vêtements les plus somptueux, les
mets les plus délicats, célestes et incorrupti-
bles, que nous aui ons en partage dans l'au-
tre vie, sont tellement au-dessus de tout ce
que i)eut imaginer la pensée humaine, que
si l'on pouvait vous en faire le détail, votre
entendement demeurerait comme ébloui et
serait trop faible pour tout comprendre.
Malheureusement, plongés dans une erreur
ancienne, vous ne voyez ni n'entendez les
choses du ciel; et c'est pour cela que, bien
que nous ne soyons pas coupables du moindre
dél.t , vous nous jugez impitoyablement.
Toutefois si vous vouliez cunnaîire notre
Dieu, vous ne seriez pas sans espérance de
le liéchir, car c'est un roi généreux et bien-
faisant, qui ouvre la porte de son paradis à
tous ceux qui en prennent la roule par la
voie de la pénitence. Point de rancune, point
de mépris pour qui que se soit de la ])art de
Notre-Seigneur. Mais pour en revenir au
soulagement que vous nous avez procuré, et
aux adoucissements que vous venez nou3
otfrir de la part de voire chef, écoulez bien
ce que nous allons vous dire. Sachez que,
dans notre pays, nous avions tout à la fois
le pouvoir et les moyens de ne pas tomber
e.itre les main» de votre roi, ainsi que l'ont
fait plusieurs des noires, qui ont su se sous-
traire à vos vexations. Nous sommes venus
ici de bonne volonté, pressentant tout ce
que nous aurions à soutlrir et ne -nous en
etfrayanl pas. Or, nos vœux sont pour la
continuation de ces soutfrances, et nous
vous prions de ne point nous les ménager
ARM
350
jusqu'à ce que votre volonté cruelle soit as-
souvie. Car nous n'avons rien plus à cœur
sur la terrcïque d(; suivre l'excmphi de notre
Dieu, créateur d(! toutes les choses visibles
et invisibles, ([ui, par un eUet de sa boiUé
inlini(!, a daigné descendre Justpi'à nous. H
s'est i-evétu d'un coi'()s [)érissable (il en pra-
li(IViant toutes sorties de vertus, il accomplit
l'ieuvrii d(! la rédemplion. Il se livra volou-
taircMiienl (mire les mains d(!S boui'reaux,
il mourut fut enseveli, ressuscita [)ar la
puissance de sa tlivinilé et apparut ensuite
h ses disciples. Il remonta bientôt apiès au
ciel, où il est assis pour l'élernité h la droite
de son Père. Il nous a accordé la force céleste
de participer à ses souifiances, et il nous en
réconq)ensera un jour. Or, nous sonmies
bien [)ersuadés que nos peines sont Irès-
j)eu de choses en comparaison de ses souf-
frances corporelles , et que notre amour
pour lui, tout ardent qu'il est est, bien faible,
en comparaison de son amour immense pour
le genre humain. « (E. V., Irad. G. K. G.,
m.)
Le mage, de plus en plus étonné, se ren-
dit encore à la prison. Le même miracle vint
encore le frapper. Il appela l'évêque Sahag
et demanda à entrer. Le prêtre Léonce lui
dit : « Dieu, qui a fait éclater sa lumière
dans les ténèbres, et qui illumine par sa
sagesse toutes ses créatures , fait rayon-
ner sa puissance dans votre âme obscur-
cie ; les yeux aveugles de votre esprit sont
ouverts aujourd'hui , et vous avez mérité
de voir la brillante lumière de Ja grâce
divine. Hâtez-vous de prohter de cette fa-
veur extrordinaire, aOn que vous ne retom-
biez pas dans votre premier aveuglement, et
que vous ne rentiiez pas dans la voie des
ténèbres. » Tous se levèrent alors, ils com-
mencèrent à réciter le psaume xlu : « En-
voie, Seigneur, ta lumière et ta vérité;
quelles nous dirigent et nous introduisent à
la montagne sainte, et dans tes tabernacles.
En vérité, Seigneur, vous avez dirigé et
conduit cette âme égarée dans votre éter-
nelle joie et dans votre incomparable repos.
Ce jour ressemble au jour de votre passion :
vous y délivrâtes le bon larron de la seconde
mort, et après lui avoir ouvert la porte fer-
mée du paradis, vous l'y fîtes entrer. De
môme aujourd'hui, vous avez sauvé cette
âme perdue, qui était la cause de la mort
si)irilu lie de beaucoup d'autres, et vous en
avez lait pour noiis un objet de consolation
et de joie. Nous vous en rendons mdle ac-
tions (ie grâces, et nous confondons nos
VOIX avec celles des saints proj-hètes. Vous
avez achevé ces merveilles, non pas à cause de
nous, mais pour ta gloire de voire nom, pour
prouver votre fidélité dans vos promesses, de
peur que les nations ne disent : Où est leur
Dieu '( {Ps. Lxxvni.) C'est ainsi que vo-
tre puissance s'est manifestée aujourd'hui
parmi ce peuple sans frein qui vit dans
d'épaisses ténèbres. » Puis ils reprirent les
chants des psaumes : « Le Seigneur est ma
lumière et ma vie, chantaient les chrétiens,
que jL.ius-je ciaindie désormais ? Le Seigneur
527
ARM
ARM
328
est mon refuge, devant qui pourrai-je trem-
bler ? » Je sais, disait ce mage, que mes en-
nemis sont nombreux, maintenant, et qu'ils
s'avancent pour me dévorer ; mais vous,
Seigneur, vous êtes venu pour sauver la vie
des hommes qui se tourneront vers vous, et
ils seront sauvés par votre grâce. Ne soutirez
pas que je sois séparé de ces saints agneaux
avec lesquels je suis confondu, ni que je
sorte de votre bergerie, de peur que le loup
dévorant ne me déchire, que je ne me fourvoie
de nouveau et que je n'instruise les hommes
à se perdre. Au contraire, par mon bon exem-
ple, je serai le motif de leur vie ; daignez,
Seigneur, me pardonner les fautes commises
depuis tant d'années, et que le démon, qui
s'est enorgueilli de me voir entraîner tant
d'hommes à la perdition, soit humilié en
me vovant au milieu de vos disciples. »
(E. V./trad.K. C. G., 177.)
De nouveaux prodiges ayant achevé de le
convertir, il fil sortir les chrétiens de prison,
les traita magnifiquement dans son palais,
et reçut le baptême. Cependant il craignait
pour sa famille la colère du roi. Ce ne fut
plus que la nuit et secrètement qu'il invita
les prisonniers à revenir chez lui. Un soir
que le mage les invita, ils firent spontané-
ment mettre à la première place Archen, qui
élait un prêtre sans instruction et simple,
malgré ses refus réitérés. Joseph prenant la
parole, dit : « Réjouissez-vous en Jésus-
Christ, mes frères, car demain, à cette même
heure, toutes nos peines seront oubliées
ainsi que les souffrances que nous avons
supportées. En récompense du peu de tra-
vail que nous avons fait, nous jouirons d'un
éternel repos, et en place de notre prison,
nous entrerons dans la ville éternelle, dont
le maître est Jésus-Christ lui-même. C'est
lui qui distribue les prix d'honneur de la
carrière glorieuse que nous serons appelés
à fournir ; jadis il y remporta lui-même la
victoire, il nous fera la même grâce pour
notre salut éternel et pour la gloire de sa
sainte Eglise. Ce prêtre, notre frère, qui
occupe aujourd'hui la i)lace d'honneur, re-
cevra demain le premier la couronne du mar-
tyre, car voici que l'ennemi de notre vie s'ap-
proche, et il arrive afin de nous faire périr,
nous, les serviteurs de Jésus-Christ, w (E. V.,
trad. G. K. (i., iSk.)
A la suri)rise de tous, Archen répondit :
« Puisse Notre-Seigneur Jésus-Christ, par
l'entremise de vos saintes prières, m'accor-
der la grâce de quitter ce monde suivant
votre pi'édiction. Pendant votre discours,
une inspiralion énergiijue a rempli mon
âme. Je me rappelle l'immense bienfait de
Jésus-Christ, qui est V(îim au monde ])onr
nous délivrer de nos jjéchés ; ([u'il ait j)ilié
de moi, comme il eut pitié du Ijon larron
sur le Calvaire, et do n)ême (pi'en ouvrant
Ja porte fermée du paradis il l'y fit enli-erle
preirii(;r, comme le précurseur de ceux ([ui
sont destinés à ce lieu de délices, (pi'il me
fas-se la grâce d'y précéder demain votre il-
iu.')tre coinpagnie. Je sais que pour un [)é-
cheur qui revient, il y a grande l'ùle au ciel,
parmi ces angesde Dieu,!quiV,onnaissent bien
la volonté de celui qui était le pasteur des
brebis égarées et qui se réjouissent à la vue
d'un homme repentant ; peut-être est-ce à
cause de moi, que le grand général d'Armé-
nie et ses héroïques compagnons ont ap-
porté ici-bas les couronnes qu'ils vous des-
tinent en annonçant cette joyeuse nouvelle
en commun. Ce qui m'étonne, c'est que
leur étant tout à fait inconnu pendant leur
glorieuse vie, ils veulent, après leur sainte
mort, que je reçoive avec eux une portion
de l'héritage des bienheureux. Oh ! je vous
en supplie, mes chefs et mes pères, priez
pour moi, indigne, afin que je puisse attein-
dre à cette grande félicité que votre bouche
véridique m'a annoncée. Oh 1 qu'il me tarde
de voir arriver ce jour, ce moment heureux !
Quand quitterai-je cette lourde enveloppe
d'argile ? Quand donc vous verrai-je face à
face, Seigneur Jésus ? quand ne craindrai-
je plus la mort ? Quand donc mon ignorance
sera-t-elle changée en parfaite sagesse?
Hâtez-vous, Seigneur, de me secourir;
étendez votre bras puissant , afin que je
tienne mes promesses de fermeté et de cou-
rage, et que le nom de mon Seigneur soit
glorifié en moi. » (E. V., trad. G. K. G.,
185.)
Se levant de table, ils prièrent ensemble.
Prêts à se séparer, ils songèrent au moyen
de sauver le mage, car ils savaient bien que
la nouvelle de sa conversion mettrait le roi
en fureur. Ne sachant à quoi s'arrêter, ils
recommandaient à Dieu avec ferveur la vie
de ce nouveau converti ; les princes et les
prêtres retournèrent ensuite à leur prison.
Bientôt les bourreaux de Tenchabouh arri-
vèrent ; ils furent stupéfaits. Le chef des
mages à qui les chrétiens avaient été con-
fiés , était tranquillement assis au milieu
d'eux, les encourageant à souffrir la mort.
Ils allèrent raconter cela à Tenchabouh, qui
fit conduire tous les prisonniers à dix-huit
lieues de la ville, et ordonna qu'on lui ame-
nât le mage, pour lui parler en particulier.
Celui-ci lui raconta sa conversion ; Tencha-
bouh n'osant prendre sur lui de le condam-
ner, la référa au roi, qui lui dit de garder sur
toute celle affaire le pius profond silence
« Gardez-vous bien surtout, lui dit-il, de
rapporter un mot de cette vision qui lui est
apparue. Si des ignorants en entendaient
parler, ils commenceraient à douter de la
vérité de noire culte, et ils feraient secte
avec ces chréliens. N'est-il pas cruel qu'a-
piès tout ce ([ue nous avons entrepris pour
ranger ces hommes à nos lois, afin (ju'ils y
trouvent le salut de leurs âmes, non-seule-
ment nous ayons échoué, mais qu'un des
docleui's les plus célèbi'es de noire k)i passe
dans leurs rangs cl soit séduit pai- leurs er-
reurs. Car ce (pi'il y a de i)lns fâcheux, c'est
(pu) ce gouveiiienr du pays d'Abar, bien
loin d'être un homme vulgaire, est renom-
mé llcinéikui sur toute la suif'ace de la terre.
Si j'ortlonne une coiil'érenee publi(pie entre
lui et les aulres mages, lui (jui est i)lus ins-
truit qu'eux tous, il les battra infaillible^
329
ARM
ARM
'Z^
l
nient dans la disputo ; il est ca[)<il)le do ren-
verser d(! l'oiul en comble notre foi. D'un
autre coté, si nous le jn;4eons avec les au-
tres, comme chrétien obstiné, bi l)ruit de
son a|)Ostasie vase ré|);ui(lrede toutes parts,
et ce sera une tache ineUaçable sur notre
reli,:;ion. Si je fais tomber sa tête sous la
iiaciie, il y a beaucoup de chrétiens au camp
qui feront de ses restes des reliques, et qui
les exposeront h la véuération de toute la
terre. Ce n'est déjîi [las poumons une petite
houle (juc de voir les honneurs qu'on
rend dans notre royaume à ces reliques d(;s
Nazaréens ; mais si nous soulfrons (|u'on
accorde le niômc honneur aux ossements
des ma^^es et de Mobeds converti, ce sera
la ruine entière de notre culle.
« Je vous on conjure par les dieux immor-
tels, rclo rnez sur vos pas en toute liAte, et
pressez l'exécution de mes or 1res. Faites
venir devant vous ce vieux mage obstiné ;
narlez-iui seul h seul, avec amitié, avec
bienveillance ; s'il se repent et qu'il renonce
aux sorcelleries de ces chrétiens, respectez-
le et traitez-le avec la distinction due à son
rang, et la honte de ce jugement demeu-
rera entre vous et lui, et ne sera connue de
persomie. S'il s'obstine insolemment au con-
traire, s'il refuse de se soumettre à mes or-
dres, excitez v us-méme contre lui une foule
d'accusateurs et de mé.ontents, qui lui im-
puteront des malversations dans le poste
que je lui ai conlié. Enîamez contre lui un
rocès public, condamnez le à l'exil au fond
es contrées lointaines au delà de Gog et de
Magog, dans le désert reculé du Khoaissan ;
et \h, faites-le précipiter dans un puits afin
qu'il périsse d'unemortig'Tomini use. Quant
à ces autres contre-croyants inlidcles, il faut
les exterminer promptèment, sinon ils exci-
teront de grands troubles dans le royaume
et bouleverseront notre culte. S'ils ont pu
subjuguer si facilement un homme d'une
science aussi supérieure que le chef des
mages, je vous demande comment des hom-
mes sim[)les et ignorants leur pourront ré-
sister ? » (E. V., trad. G. K. G., 189.)
Tenchabouh, quittant le roi, se fit amener
'es captifs, et dit au chef des mages : « Je
suis le maître de votre vie, et j'ai sur vous
le pouvoir le plus absolu; non -seulement
je puis vous faire subir un interroga-
toire, mais encore vous faire subir tous
les supplices imaginables. Rélléchiss z avant
que je mette la main sur vous : acceptez-
vous les honneurs et les distinctions ? Vou-
lez-vous éviier le mépris et l'opproure? Al-
lons, songez à votre âge avancé ; ayez pitié
de vous-même, renoncez à ce nom de chré-
tien que vous détestiez depuis votre nais-
sance ; redevenez mage comme autrefois ;
vous étiez un docteur utile à b'^aucoup de
monde ». « Je vous en prie, vous qui m'étiez
comme un irère et en qui je trouve aujour-
d'hui un ennemi déterminé, je vous en [)rie,
réj)on .it énergiquement le chef des mages,
n ayez aucune pitié de moi, écartez loi.t sou-
venir de notre ancienne amitié, exécutez
l'ordreinique d'Hazguerd, etjugez-moi selon
DicTioNN. DES Persécutions. I,
vos pouvoirs.» (E. V., trail., G, K. G., 11)1. j
Voyant qu'il ne le pouvait amener à ses des-
soins, il le condamna h aller au nord du
Khorassan, dans un lointain jiays, oiiil reçut
la ()alm(; du martyre.
knsuite Teiuhab )uh , d'après l'ordre du
roi, s'adjoignit Tcinigan, nnnistre de tous
les grands [)réfets du royaume, et Movan,
grand inaitre des cérémonies du |)alais. Il ii;
transporter les |)risonniers dans un dé.s> n.
plus éloigné, qui était rocailleux et ariiie.
Cette translation se fit secrètement, |)Our que
les chrétiens ignorassent complètement le
lieu de la sépulture des saints martyrs. Mais
un soldat, chrétien en secret, et qui avait
été choisi connue bourreau, suivit le convoi.
Chacun des trois ministres le croyait attaché
à la suite d'un autre. Ainsi il fut témoin du
martyre des saints.
Qiiand on fut arrivé au lieu qu'on avait
choisi, et qui était plein de cailloux et d'as-
pérités, on donna l'ordre aux bourreaux
d'attacher les saints par les pieds, et de les
traîner attachés à de longues cordes. Bien-
loi les vêtements, puis les chairs, furent en
lambeaux : le sang ruisselait. On les mit
ainsi dans un état vraiment lamentable; on
croyait ainsi les dompter. On les détacha :
mas ce premier combat leur avait donné
une ardeur extraordinaire; leurs plaies, leur
sang qui coulait, les animaient au combat.
Ils avaient soif de mourir pour Jésus-Christ.
Tenchabouh leur parla ainsi :
« Le roi, de la part duquel je suis venu vers
vous, m'a chargé de vous dire, qu'il vous re-
garde comme la cause des soulèvements des
chrétiens, de la ruine de l'Arménie, du mas-
sacre d'une foule de gens de guerre et de
l'emprisonnement de vos princes. Votre en-
têtement est la source de tous ces désastres.
Or, écoutez-moi maintenant : comme vous
avez été la cause de tant de massacres et de
dommages, soyez-la désormais d'une répa-
ration qui sauvera votre propre vie et celle
de beaucoup d'autres. Il dépend de vous de
délivrer vos princes qui gémissent au fond
des cachots ; on réparera à votre considé-
ration tous les dégAts qui ont bouleversé l'Ar-
ménie, et cette foule d'Arméniens qui ont
été condamnés à l'exil ou à l'esclavage vous
devront leur retour et leur aifranchisse-
ment.
« Vous avez eu aujourd'hui sous les yeux
un exemple aussi frappant que terrible ; le
gouverneur du pays u'Abar., un mage illus-
tre par sa naissance et par son savoir, chéri
des grands comme du roi, célèbre par sa par-
faite science religieuse dans toute 1* Perse;
cet homme, renonçant à 1 1 religion de Maz-
tezen, s'est laissé séduire par vos idées igno-
bles ; il a embrassé vos doctrines. Voyez
quel en a été le résultat. Le roi n'a pris en
considération ni sa dignité ni sa parenté
même spirituelle, comme gouverneur do nolic
sublime loi, (|u'il lui avait si lo' g'emps ins-
pirée; le traitant comme un esclave ihf. me qui
n'a ni famille ni patrie, il m'a commandé de
l'exiler dans des contrées lointaines. Voulez-
i vous tout savoir ? Cet homme va périr en
11
Soi
AKM
chemin r il ne verra jamais la terre de l'exil.
Or, si le roi n'a pas respecté les liens d'alli-
nité dans la sublime religion, qui rattachaient
augouverneur d'Abar, pensez-vous qu'il vous
épargne, vous qui êtes d'un autre peuple, dont
l'origine est étrangère, et qui vous êtes sur-
tout rendus coupables du crime de lèse-ma-
jesté? Il ne vous reste plus qu'un moyen de
salut, c'est d'adorer le soleil et d'accomplir
la volonté du roi, comme nous l'enseigne le
grand Zoroastre (ZratuchI). Si vous accep-
tez cette proposition , non-seulement vous
aurez sauvé votre vie, maisje vous élargirai
sur-le-champ, et vous retournerez combles
d'honneurs et de présents dans votre patrie. »
Le prêtre Léonce s'avança alors accompa-
gné de l'évêque Sahag qui* lui servait d'in-
terprète. « Comment pouvons -nous com-
prendre, dit-il, votre double ordre ? Vous
nous dites d'abord : Adorez le soleil, et puis
vous appuyez cet ordre de la volonté du roi.
Vous avez honoré le soleil en le mentionnant
le premier ; mais vous avez ensuite exalté le
roi plus haut que le soleil, comme sa volonté
seule qui donne du poids au culte. Vous
avez prouvé malgré vous que le soleil n'é-
claire pas les créatures par l'efTet de sa pro-
pre volonté, et c'est votre roi qni fait, selon
son bon plaisir, des dieux, et à ces dieux, des
adorateurs; car lui-même n'est pas dans la
voie de la vérité. Ne nous parlez point comme
à des enfants; notre âge est mûr, et nous ne
sommes pas les derniers dans la culture dos
sciences. Ceci posé, je vais répondre à vos
reproches.
« Vous commencez par nous imputer les
dévastations qui ont désolé l'Arménie et le
massacre des troupes royales ; en cela vous
êtes dans l'erreur. Notre loi ne nous ensei-
gne point de pareilles choses; elle nous or-
donne au contraiie d'honorer les rois tinnpo-
relsetde les aimer sincèrement; elle veut c[ue
nous leur rendions tous les seivices, non
comme aux hommes, mais comme au Sei-
gneur; et s'ils négligent de nous en donner en
ce monde la récompense , ou qu'ils nous
vexent de millemanières. Dieu se chargera de
nous l'accorderlui-mème dans le ciel (C^oloss.
III, 22;. Nous ne devons pas seulement au roi les
services et l'obéissance, nous devons môme
mourir pour lui. 11 ne nous est jias permis
sur la terre de changer ca|)ricieusement de
maître : or, il en est ainsi de notre culte.
Nous ne sommes pas librtss de changer notre
Dieu du ciel pour un aulri;; et, d'ailleurs,
comment cet échange se pourrait-il laire, puis-
(ju'il n'existe pas dansl univers d'autre Dieu
(jue celui que nous adorons? J'expli([uerai
ma pen.séo [)ar un exeiriple (lui vous sera
plusfarailior [>eut-être. Le soldai (pii se i)ré-
sente le dernier pour combattre n'est |)as un
liiave, mais un lAche, n'est c(! pas? Un négo-
ciant échange-t-il ses nerles |)Our de vils chil-
lons ? 11 iuudraii qu'il f il aussi insensé que
vos docleuis (jui vous égaient.
« Après nou.s avoir sé|)arés de nos vail-
lants (il verlue\ix |)rin(;('s, vous croyez rpio
VOa ruses umulbroul notre fermelé ? Mais
ÀilM 332 ■
nous ne sommes pas seuls ici comme vous
lo pensez. Il n'y a pas de place vide où ne
soit noire roi Jésus; il est partout, excepté
chez ceux qui sont vides et éloignés de lui,
comme vous, et votre furieux chef. Si les
soldats arméniens, instruits et disciplinés
par nous en Jésus-Christ , foulèrent aux
pieds les ordres violents du roi, et regardè-
rent tous ses riches présents commi^rien, s'ils
se laissèrent |)iller, s'ils })erdirent leurs do-
maines héréditaires et n'eurent j)as plus de
souci d- leur femme et de leurs enfants que
de la fortune qu'il possédaient, et si enfin
ils n'épargnèrent pas plus leur sang que leurs
trésors terrestres, à combien plus forte rai-
son ne devons-nous pas suivre l'exemijle de
nos enfants, qui nous appelaient leurs pères
spirituels ! Ce ne fut que par zèle et par
amour pour Jésus-Christ qu'ils firent tomber
sous leurs haches vengeresses vos mages ado-
rateurs du soleil avec leurs disciples; c'est
Ear zèle encore qu'ils se sont vaillauiment
attus et qu'ils ont dispersé vos troupes.
Pltisiours sont morts en martyrs sur le
chfîmp de bataille, un grand nombre fut ré-
duit en esclavage, le reste se sauva dans les
pays loii tains. Tt)us ceux qui sont morts
parmi ces hoiiunes nous ont précéd's dans
le paradis; ils sont entrés dans le^ rangs des
anges, et ils se réjouissent au sein de ces
délices inetl'abies où arriva et fut admis ce
bienheureux mage, que vous nousditcsavoir
exilé. Heurense est la terre qu'il a traversée 1 M
Heureux est le lieu désert où il a rendu le \
dernier soipir ! Le coin dete.re([ui |)0ssède
sa dé[)ouille niorielle est plus précieu-; que
les plus magnifiques [)alais ou loi, i)lus glo-
rieux (jue les asires brillants du ciel que
vous adorez ! »
Movan, le grand maître des cérémonies,
prit la parole. « Les dieux, dit-il, sont
(l'humem- bienfaisante; ils en us.nt indul-
gemmcnt avec la race hunuiine, et lor.^que
les hommes se prosternent iievant leur ma-
jesté, ils joui-^sent en re onr des plaisirs de
ce monde , dont ils ont fait le roi dispensa-
teur. De la bouche du roi dépendent la vie
et la mort , et il lient dans ses mains les
destinées de l'uiivers. Vous n'avez donc pas
le droit d'aller iisolemment contre sa vo-
lonté, et de résister h ses ordres. Il vous
ordornie d'auorer le soleil , pourquoi ne le
fiiites-vous pas? N'est-ce pas Dieu (jui illu-
mine de ses rayons tout l'univers, et qui
fait mnrir par sa chaleur la nourriture des
hommes et des animaux? C'est en raison de
sa générosité univers. Ile qu'il a reçu lo
nom de dieu Miher ; car il est tont amour
pour l(!S houHues, et il n'a en soi ni décep-
tion ni duplicité. C'est pour l'imiter que
nous sonmu's indulgents juscpi'à l'excès
jiour votre ignorance. Nous sommes lt>s
amis des hommes et nous n'avons point
riiumeur sauvage de ces l)èles féroces (jui
se ((^paissent de chair et de sang. Ayez pitié
de vous-mênu'S, et ne nons forcez pas, mal-
gi('' nous, de Irimiper nos mains dans votre
sang. Mettons donc en onl)li vos crimes pas-
^és, el occupons-nt)us du jirésenl; à volro
5 -.3
AUM
AUM
z:a
coiisi(J;M:iti iM. la mis^ricorJc- du rùi s'tHcn-
diM sur tous vos c ui.liiî'S. »
'< Je it'uJsjuslija il vos talents, répondit
Tévôqu*^ Sahi^, vous ùlcs houiuie d'état et
homiue d'érudition; vnus désiroz (j ic tous
les [)ays (|ui dépendent de r.'Ui;)ire de Prrse
soient" llorissanls, et la gloire du roi vous
est elière; mais (jtiant ^ votre désir de ni>us
endoctriner, il n'est ni juilicieux ni raison-
nable. Ouoil vous reconnaissez jjlusieurs
dieuv, cl vous ne pouvez nous dire ce quils
sont, ni leur accorder une seule et même vo-
lonté 1 Si les dieux supérieurs se battent
entre eux pour des fautes d'une mémo
volonté , et vivent en désaccord complet ,
eonnnent nous autres hommes , qui leur
sommes inféiieurs, pourrons-nous nous ac-
corder en tniui que ce soil, et avec votre idée,
par exemple! Accorde/ donc l'eau et le l'eu,
que nous prenions d'eux l'exemjjle de la jiaix;
appelez le soleil dans voire ujaison comme
le l'eu : mais s'il ne peut |)as venir, afin que
le monde ne rentre pas dans les ténèbres ,
expédiez-lui du moins 1'^ feu, afin qu'il ap-
preiuie de lui à subsister sans consumer la
nu\tière combustible. Si vos dieux n'avaient
qu'une nature , qu'ils fussent également
puissants et d'acrord ensemble, soit le feu,
par exemple , sans besoin d'être alimenté ,
comme le soleil , les ollkiers du roi ne se-
raient |)as si occupés à faire abattre, à grands
frais, du bois pour rp.nlretenir sur vos autels.
Le feu mange toujours, ne se rassasie jamais
et se réduit en cendres, et le soleil ne mange
pas, il est vrai, mais sans l'air, ses rayons
se brisant; il se refroidit en hiver, et toute
la végétation est flétrie et glacée; il brûle
durant l'été tous les êtres vivants. Or, je vous
le Uemande, comment un objet qui subit ces
continuedes variations , peut-il donner à
quelqu'un une vie stable? Je ne vous blâme
pas cependant : vous suivez le culte des
éléments, parce que vous ne connaissez pas
leur maître; mais nous serions inexcusables
de vous imiter. On pardonne à un pauvre
ignorant qui ne connaît pas le roi, d'adorer
ses serviteurs par méprise. Mais si un habitué
de la cour qui connaîtrait p rfaitement le
prince , se prosiernait devant un de ses
seigneurs pour lui rendre sci 'rament les
honneui's souveiains, il serait puni de mort,
et l'au.ait mérité.
« Quant au soleil, votre divinité principale,
soutirez que je vous d se ce que j'en pense ,
et ce qui est vrai. 11 fait partie des chcjses
créées qui composent cet univers; il occupe
sa place dans le ciel au milieu d'une infinité
de choses ciééos, dont une partie est au-
dessus et une autre partie au-dessous de
lui. De soi, le so eil n'a pas une lu nière pure
et br. liante, mais, suivant l'ordre de Dieu ,
il répand ses ray(;ns par l'intermédiaire de
l'air, et ses émanations des parties ignées
échaulfent tous les êtres qui sont placés au-
dessous de son orbe. Ceux qui sont au-
dessus ne participent pas à la jouissance de
ses rayons, car la lumière de ce globi est
placée comme dans nn vase, dont l'ouverture
est tournée eu dessous, et c'est ainsi qu'il
réi)0iid :mx besoins de ceux (pii sont i)Osés
di! manièi-e à la recevoii-. De même qu'un
vaisseau vogu(ï sur les vagues sans savoir
(piell(! d(!slinatio'i lui inquiuui la main dun
capitaine; eApr'rinn^ilé, ainsi le soleil, sous
riiifliu'ru;e de son régulateur, nous donne
les saisons et les cychis de l'année. Toutes
les choses ([ui subsistent en ce mondi; étant
créées [)our notre usagi;, le sohiil, semblat)le
do tout point aux autres être> inanimés qui
se trouvent dans la nature , fut destiné à
nous disp(uiser la lumière. Il fut créé pour
nous servir en haut , comme la lune, les
étoiles, l'air incessamment agité, les nuages
pluvieux. Et sur la surface de la terre, la
mer, les rivières, les sources, les fontaines ,
tout cela fut fait pour l'homme. Or, il est
tiès-injuste de regarder une de ces choses
connue une divinité; et si quehju'un ose le
faire , il se [)erd comme un insensé , sans
{IU(; cette paitic do la nature qu'on adore
comme Dieu , en profite. Un état ne peut
contenir deux rois; à plus forte raison la
nature ne peut avoir deux dieux. Si l'homme
ne i)cut pas souffrir un tel état de choses, à
combien plus forte raison la nature de Dieu
repousse-t-elle un pareil désordre.
« Si vous voulez connaître la vérité, adou-
cissez l'amertume de votre cœur, ouvrez les
yeux de votre esprit, et persuadez-vous bien
que, tout éveillés que vous êtes, vous che-
minez dans les ténèbres; vous êtes tombés
dans l'abîme, et vous voulez y attirer tous les
autres. Ceux qui suivent votre fausse doc-
trine ne raisonnent pas, et ne voient rien. Il
n'en est pas ainsi de nous, les yeux de notre
entendement sont ouverts, et même ils sont
perçants. Par ces yeux du corps nous'voyons
les créatures; |)ar les yeux intéiieurs nous
concevons qu'elles ne se sont pas faites elles-
mêmes, mais bien par un autie , et qu'elles
sont toutes corruptibles. Il est vrai que leur
créateur est invisible aux yeux du corps,
mais sa puissance est intelligible à l'esprit.
Il nous a vus plongés dans une grossière
ignorance et il a eu compassion de notre
imbéjillité , car nous aussi nous étions
autrefois comme vous idolâtres; nous ado-
rions 1 s créatures à la place du Créateur,
et nous faisions toutes les abominations de
l'idoiàtrie. Par amour pour le genre humain,
Dieu est v. nu parmi nous , s'est fait homme
et nous a instruits de son invisible divinité,
voyant que 1 s hommes égaraient leurs ado-
rations parmi les astres : en s'élevant sur la
croix, d dépouilla le soleil de ses rayons, afin
que les ténèbres servissent à son humiliation
liumauie, et que les indignes créatures comme
vous ne vissent pas leui's dieux pl.jngés dans
l'opprobre. Aujourd'hui, ceux qui n'ont pas
la grAce du salut, et qui n'adorent pas le dieu
crucifié, sont [)l;ingés (ians les mêmes ténè-
bres épaisses qui s'étendent sur l'àuie comme
sur le corps. C'est parje que vous êtes ainsi
entourés de ténèbres que vous nous maltraitez
maintenant. Nous sommes prêts à mourir, à
l'exemple de Notre-Seigneur. Exécutez donc
sur nous vos ordres liéroces de la manière
que voUs voudrez. ;>
333 ARM
Tenclia!)Ouh, voyant après ce discours des
signi'S (l'adhésion et niônie d ' joie sur le
visage des confesseurs, jugea bien que ses
me"">aces et ses lla'teries seraient inutiles.
Pour eur faire subir um' dernière éjjreuve,
i! ordonn • d'amener devant lui l'un des moins
qiirdiiiés de !a troupe sainte, ee même prùtre
Arcîien (pii avait élé soupçonné de faiblesse
!<ar ses rompa^cnons. Oîi lui lia les pieds et
les ma ns (ju'on serrii si fort que ses ner s
en cv;\ niaient, ei on le laiss • loiigtemns sous
les y<'U\ de ses eomp ig .ons dans celte pi-
sitioi horrible. Le sain* leva les \eu\ au
ciel et dit : « Voilh tiu'une fo\de de scélérats
se sont jetés sur moi connue autant de chiens
furieux, et (}u"ils m'ont eivironné de toutes
parts. Ils mo it percé les [ueds et les ma ns,
et, au lieu de ma b ^uche , ce sont mes os
qui ont crié ^Ps. \xi). Kcoutez-moi, Seigneur,
écou ez ma voix : recevez mon Ame dans
l'assem.tlé- des siinls combatlanls , qui ont
paru au bienheureux mage. Moi qui suis le
très-humble et le dernier de vos seratenrs ,
il viius a plu de m'avancer. » Lorsque ces
mots, proioncés pén blemeni, furent termi-
nés, sur lordri' lies trois ministres, les bour-
reaux tranchèrent la tète du bienheureux ,
et on la jeta dans une fosse (jui était à sec.
Tenc'iabouh, prenant de nouveau la p irole,
dit alors à Sahag, évoque : « Quand j'ai été
en Arménie, du j'ai demeuré un an et demi,
je n'ai nul souvenir (ju'on m'ait fait de v(ms
quehpie |>lainte; j'en puis dire autant de
Joseph, qui était le chef des chrétiens, ce
qui ncl' lUiièclia t e.i aucune manière d'être
fidèle au roi. L'honuuc qui avait été marzban
avant mon arrivée dans votre pays était
fort content de lui. Je puis lui renJre ce
témoignage, qu'on le considérait connue le
nèie de tout le monde, tt (ju'il aimail éga-
lement les grands et les p( tits. Or, pu sque
vous ne me pr'Cz |)Oint d'avoir i>ilié de vous,
c'est moi qui vous en i)rie. Vous èt'^s des
gens res|tectai)les; ayez compassion de vos
cor[)S, et ne courez pas à une mort cruelle ,
à rexem|)le de celui dt; vos compagnons (jui
vient d'exi)irer sous vos yeux. Si vous per-
sistez dans votre inlhjxible résolution, je
serai f(jrcé nio:-mùme de vous tuer, et de
Vous faire péiir dans des supi)lices é[)Ou-
vanlanles; é[)argncz-moi celle douleur. Je
Vois que vous ôles fascinés par les paroles
d- ce Léonce. Eh! ne voyez-vous pas que
c'est un homme d'une mauvaise santé, qne
les médecins n'ont |)U guérir, et(iui, f.digué
(l'un iHal de soulfrance (jui lui pèse, désire
plulô la mort (|ue l.i vie. »
L'évéque Joseph répondit ainsi : « Les
louanges que vous avez données pi'cnuière-
ment a ré>e(jue Sahag, puisa moi, vous nous
les av(.'z adressées Miivant noire; Age et li
blancheur de nos barbes, et vous nous avez
honojés comme il convenait. Certes, vous
avez irès-bi. ti parlé; m us no is n'avons fait
que noire devmr. il ne convi(nil |)asaux vrais
s nvileins de Dieu de conlredire lessc-igneurs
tcmpoicls, ni de donner aux peuples des su-
jets de |)laint(;s pour satisfaire ini soiilide
intérêt : c'est à eux de les instruire avec
ARM
536
douceur et mansuétude, h observer les com-
maïuf'menls de D eu et à les conduire sage-
ment et pacitiqu<'menl à Tobéissan -e et à
l'adoration d'un Dieu créateur de tout l'uni-
vers. Quant h l'etlVl (pi"a produit sur nous
l'éloquence persuasive de cet homme (mon-
trant Léonce), vous ne vous êtes pas trompé;
tout -fois, ce n'est pas comme un étranger
séJuceur, ni comme nu rliéteur, qu'il nous
Si'-duit et no\i< [)ersuade. Loin de lui toute
fo irb 'rie; il nous aime troj) pour en vouloir
user. Parce que c'est la m.-me Egli-e, notre
c mmune mère, qui nous a mis au monde ,
c'e^t le même Père, le Saint-Es >iit, (jui nous
a engendrés. Comment des enfants (pii doi-
vent l'evis'ence au môme père et à la même
mère seraient-ils traîtres et désunis? Ce qui
vous parait que les |)aroles de Léonce sont
capables d ' nous séduire, c'est notre pi'0[)re
pensée continuelle de jour et de nuit qu'il
révèle; car nous vivons dans une indivisible
unité ue pensé.» et de cœur. Et s'il est ennuyé
de celle vie, et si ce corps intirme lui pèse ,
il en est anisi de nous tous; car nul homme
né do la fcniime n'est exempt de soutlVances
corporelles et de douleurs. »
Tenchabouh dit alors, en prenant un ton
haut, ces | arolcs : « Vous ne savez donc jjas
(]ue celte indulgence excessive que je vous
montre, que cette patience avec laquelle je
discute avec vous, n'est nullement due aux
ordres du roi, mais h mon humanité person-
nelle, qui me pousse A faire beaucoup j)lus
peut-être qu'il ne m'est enjoint? Je le lais,
parce que mon humeur n'est pas farouche
comme la vôtre, et(]ueje ne suis i)as, comme
vous , ennemi de moi-môme , ni ennemi
de mes semblables. J'ai mangé dans votre
pays le pain et le sel ; je me considèi-e comme
riiùle de l'Arménie, et j'ai pour cette teri'e,
aujourd'hui désolée , autant d'alfeclion que
de [)it.é! »
Le piètre Léonce lui répondit : k 11 est
b m et louable d'avoir de ralfection et de la
pitié poui' les étrangers : c'est accomplir le
commandement de Dieu; mais il ne faut pas
s'arrêter au corps, il faut avoir aussi des
égards })our son Ame et pour celhï des au-
tres. Car nous ne sommes pas nos maîtres ;
et il y a quehiu'un dans le ciel (pu nous de-
mande compte du corps et de l'Ame. Vous
dites que vous êles patient envers nous de
voire propie mouvement, et non pa'^ i)ar
l'oidre du roi : vous failes bien denfreindre
ses ordre-, car c'est un dévastateur de loyau-
mes, un assassin des innocents, un ami du
démon et un ennemi de Dieu. Mais poin-
nous, nous ne pouvons pas violer les coiii-
luandemenls de notre toi, ni échanger folle-
mr l les biens éterneU p(uir les biens péris-
sables de ce monde. Quant à ce cpu^ vous
avez dit, (|ue les médecins m'ont abandonné,
et (pie c'est pour ce mot.f (pie je préfèie la
mort h la vie, ccs paroles ne sont |)as appli-
cables A nous, (jui ne vos ons (|iie des maux
sur terre. Calmez donc un |ieu votre esprit
lurbu enl, et bii nliU vous serez persuade di;
la vérilé (pie je vais vous dire. Jetez un (oup
d'ceil autour do vous. Quel est le moi tel qui
537
ARM
XMl
338
vit sans se pl.iiiidre? Ne voyez-vous pas (|uc
tout est accabl.' de maux extérieurs, tels (|ii(ï
le froid, le chaud, la t'din, la soif, la pau-
vreté, l'injustiee, la rapine; et do maux in-
térieurs, èomme les passions elfr/'iiées, h s
vices, l'ij^noranee, l'apostasie et les mauvai-
ses liahiludes, choses auxquelles le libre ar-
bitre de riionnne lui pei met de se livrer, par
im acte (;oui)ahle tle sa raison ?
« Ne mé()riscz pas les médecins , de ce
qu'ils ne m'ont pas j^uéri. Pourquoi s'en
étonner, luiisiiu'ils sont des honmu's? 11 y a
des maux (]'ii cèdent h leui- art, et d'autres
qui lui échappent; car cnlin, les malades et
les médecins sont de simples mortels. IMùt h
Dieu, toutefois, (pie vous suivissiez leur
exemple, (i>.i n'a pas peu d'analogie avec
votre position. Ouand un médecin est averti
que quelque malade l'apiielle, il y eoiu't et
emploie ses soins cl son art |)Oui- le guér r;
et si c'est un favori du roi, un seigneur de la
cour, le médecin, en arrivant dans la grande
salle où se tiennent ordinairement les ofli-
ciers d'honneur et les brillants jeunes gens
qui jouissent d'une santé 11 rissante, et puis
dans l'intérieur de la cfiur, les serviteurs
magnitiquoment vêtus, l'honnne de l'art ne
se donne pas le temps d'admirer. toutes ces
belles choses. 11 ne daigne j)as même , en
entrant dans l'appartement éblouissant du
malade, jeter un re ard sur la couche oij ce-
lui-ci repose, fût-elle d'or massif < t incrustée
de pierres préc euses. Sans faire attention à
cette splendeur, il fait même enlever la cou-
verture tissue d'or, et, allongeant es mains,
il examine attentiv.'ment tout le corjis, afm
de dcLOUviir si la nature de la maladie est
tiévreuse. Il comiite le^ bilteraenls du cœur
et ceux des artères, s'ils sont bien réglés, et
si le foie n'est pas dur ou tendre; ensuite il
lui adm nistre, selon qu'il en a besoin, les
médicaments qui peuvent lui rendre la santé.
Or, si l'art purement humain de la médecine
néglige les choses exlérii'ures et éblouissan-
tes, et n'ap()lique toute son industrie qu'à
guérir le corps, pour l'honneur et la glo re
de sa profosion , combien i lus, vous (|ui
avez soumis lunivers à votre puissance,
combien plus ne eviiez-vous pas vous ap-
p iquer, avant tout, à guérir vos Ames des
maladies languissantes q e leur cause un
culte vicieux et tout matériel. Si vous aviez
fait cela, les sujets de la Perse seraient de-
meurés fort tranquilles ; mais vous avez né-
gligé cette mesure de haute irapoitance, et
vous avez travaillé constamment à livrer vo-
tre âme immortelle à la mort, avec vo re
corps au feu de l'enfer éternel. Vous qui
avez l'âme attaquée d'une maladie incur,;ble,
comment osez-vous nous rspiocher un mal
corporel qui ne dépend pas de notre volonté,
et auquel tout homme est sujet par un effet
de la nature?
« Le Dieu vivant, Notre-Seigneur Jésus-
Christ, est la cause de notre vie; grâce à son
ineffable bonté, il est le médecin de l'âme et
du corps. Il a guéri les maux du genre humain
en subissant de cruels supplices, et il nous a
lait renaître ensuite à la grâce par un effet
de S(Mi amour. Après avoir guéri les plaies
intérieures (pie l'ancien scn-pciit nous avait
faites à l'âme, il nous a |)romis dc' nous ren-
di(! sans tache, de purilier tant noire; tiina
(ju(! noire cor|)s, de nous admettre cnlin <i
son adoi'ation éternelle, et de nous placer
d,uis les i'an:J)S de la milice céleste, l^t vous
(pii, mallKuireusemenl, n'avez jias la moindre
idée de louti^'S ces choses, ni la moindre en-
vie de l'apprendre de nous, vous voulez nous
détourner de ce bonheur réel qui nous est
promis. Vous n'y parviendrez pas, et vous
ne l'espérez même pas; c'est impossible.
« Et, pour en revenir encore au mauvais
état de ma santé, sachez que, bien loin de
m'en plaindre, je suis con ent lorsque mon
COI ps souil'rc ; car, par les souffrances du
corjS, la santé de l'âme se foitifie. J'ai, d'ail-
1 urs, devant moi l'exemide du grand ain'itrQ
des gentils, le(juel s(! consolait des peines
corpor.lles et de l'allliction d'C'^prit que lui
causaient des honunes conseillés ])ar les dé-
mons, en disant • Si nous pariicipons aux
souifrances de J^'sus-Christ, nous mériterons
ainsi d'avoir part à sa résurrection glorieuse
{Mom.Yi, 5). Puisque vous êtes investi de
pouvoiis qui vous rendent maitre de noli-e
vie, jugez-nous >elon votre perverse volonté;
nous ne sommes pas de ceux que les mena-
ces etfrayent , et nous ne reculerons | as de-
vant la mort, si cruelle que votre tyrannie
puisse nous la fa re. »
Alors Tenchabouh les fit séparer et élo'-
gner les uns des autres; puis, pienant h \'é-
cait 11' saint évôqu» Sah:>.,i; : « Je voi s ai loué,
lui d t-il. et vous n'avez pas été touché de
riioniieur que je vous fai.^ais ; n)aii tenant
je vais lappeler à votre mémoire le mal que
vous avez fait, et c'est de votre propie bou-
che que sortira la sentence de mort. Dites
vrai. N'est-ce pas vous qui avez ruiné le
pyrée de Uichdounik? N'est-ce pas vous qui
avez sacrdégemenl fait mourir notre f u sa-
cré ? J'ai entendu et je me suis assuré en
outre que vous avez maltraité les mages, et
que vous avez emporté de nos temples tout
ce qui servait à l'usage du culte. Dites-moi
maintenant, êtes-vous réellement l'auteur de
ces horribles crimes ?
« Voulez-vous que je vous instruise de la
vérité des choses, répondit le saint évèque?
Esi-ce un renseignement que vous me de-
mandez, ou si votre pensée est déjà réelle-
ment fixée sur les faits? »
Tenchabouh. — « Le bruit public n'est pas
toujours d'accord avec la vérité. »
L'évoque. — « Et qu'en pensez-vous? di-
tes-le moi, je vous prie. »
Tenchabouh. — « On m'a assuré que vous
êtes cause de tous les dégâs qui ont eu lieu
à Richdounik , et des vexations que les Per-
sans y ont essuyées. »
L'évoque. — ^ « Si l'on vous a si bien in-
formé, pourquoi me questionnez-vous en-
core? »
Tenchabouh. — « Je vous interroge, parce
que je veux savoir de vous-même la vérité. »
L'évêque. — « Vous ne me demandez pas
de vous instruire des choses salutaiies à
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ARM
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SiO
votre âme; c'est mon sang que vous voulez
avoir. »
Tenchnboiih. — « Je ne suis pas d'humeur
sanguinaiie, je vous l'ai d 'jh dit; mais je
suis le vengeur des outrages qu'on fait aux
dieux. »
L't^vôque. — « Comnifnt 1 vous qui adorez
comme dieux des éléments inanimés, et les
hommes vivants, «jui sont vos semblables,
vous les voulez égorger sans merci? C'est
vous, c'est votre roi, qui, sur le tribunal
de Dieu, allez tirer une vengeance terrible
de tout cela. Or, ce que vous désirez mali-
gnement apprendre de ma bouelns je vais
vous le dire. C'est moi qui ai détruit le pyrée
de Riclidounik, c'est moi qui ai donné des
coups de fouet aux nnges et qui ai jeté dans
Ja mer tous les ustensiles abominables t\m
servaient à voire idolâtrie. Mais v.ms m'ac-
cusez de plus d'avoir fait mourir le feu.
Comment aurais-je pu faire mourir ee que le
Tout-Puissant a créé immortel? Les quatre
éléments peuvent-ils recevoir la mort ? Faites
donc mourir l'aii, si la chose est possible;
corrompez la terre, et em])ôchez-la de pro-
duire l'herbe; égorgez quelque ileuve, tuez
une rivière : si vous en venez h bout, vous
pourrez aussi faire mourir le feu.
« Le sa^e auteur de la nature a créé les
quatre éléments indestructibles, et les a liés
P'ir des rapports mystérieux. Le feu se trouve
dans la pierre, dans le fer, dans pre>-que
toutes les matières ualpables. Pourquoi donc
m'accusez-vous, mal h propos, de l'avoir fait
niourir? Mais tuez donc la ch deur du soleil,
car cette ch.deur a les parties ignées. Oidon-
nez au fer de ne pas ré[)aiidre le feu! Oîi ne
peut tuer que de^ créatures qui respirent,
se meuvent, sentent, marchent, mangent et
boivent. Le feu inange-t-il, boit-il? l'avez-
vous vu marchant, fiarlant, sentant? Non.
Donc, ce que vous n'avez jamais vu vivant,
vous m'accusez de lui av ir donné la mort !
Ah ! votre impiété est mille fois plus im;iar-
donnable que celle de tous les autres ido A-
tres. lis ne connaissent pas, h la vérité, le vrai
Dieu, et ils s'égarent dans leur voie; mais
du moins ils ne divin sent pas des éléments
muets et qu' ne sentent |.oint. V^ous avancez,
dans votre.' igtioranc(.', que le feu est |)érissa-
ble de sa nature : ce (|ui nest pas, puisepi'il
est môle h toutes les parties de li matière. »
Tenchabouii. — « Il ru) me convieiit ; as
do disputer avec vous sur la naluri; des él -
ments; cet examen est intempestif, et j'ai
autre chose à faire. Avouez-moi simrtlement
si vous avez vous-même éteint le leu , oui
ou non? »
L'évèque. — « Puisque vous refusez d'ôtre
le discipu; ([('. la vérité, j»; vais vous sali.>f;iire
selon la volonté inique; du votie père; le dé-
mon. C'est moi, oui, moi-ménu;, (pii suis
entré, de ma personne, dans votr(î tem|)lo
du feu ou [)yré('. Il ét;ut r(Mn|)li (h; m.ig- s qui
.s'of;(;upai('nt di; vos rit(;s frivohîs et ai)0mi-
nabl(;s, et au milieu d'eux s'('l('vail , jus pi'à
In voiUe, un immense brasif^r-. Je eonnnenr.ai
K b*s inlfrrog -r [)ar ih-s paroles, et non par
é*s coups. (Jnit pensez-vous, dans voire Ame
et votre conscience, de ce culte du feu? leur
dis-je. — Nous ne savons qu'en penser, ré-
pondirent-ils; tout ce que nous savons, c'est
que c'est une tradition de nos pères , et
qu'un ordre sévère du roi nous enjoint de
nous y coidbrmer. — Et que pensez-vous
que soit la nalure du feu? ajoutai-je; le
croyez-vous crt-atcur ou bien créature? —
Nous ne le croyons point créateur, réj)ondi-
rent-ils d'une voix unanime, ni même capa-
ble de donner du repos à ceux qui le ser-
vent. Nos mains sont devenues dures et cal-
leuses à force de manier la hache ; notre dos
est courbé sous le faix du bois; nos yeux
sont rouges et toujours mouillés par l'âcreté
de la fuuK'e qui s'en écliappe, et cette fumée
éi)aisse, n)è!ee d'humidité, nous noircit en-
CfU'e le visa..;e. Si nous lui jetons beaucoup
d'aliments, il s'en atfame de [)lus en plus; si
nous ne lui en donnons point du tout, il
s'éteint. Si nous nous approchons de lu»
pour l'adorer, il nous bride sans le moindre
égard; si nous ne nous en approchons pas, il
se réduit en cendre. Voilà tout ce que nous
savons de sa nature. — Savez-vous, deman
dai-je encore, quel est celui qui vous a en-
seigné une pareille erreur? — Pourquoi nous
interroger là-dessus? dirent-ils ; ne voyez-
vous pas vous-même l'état des choses? Nos
législ'i leurs sont aveugles du côté de l'âme
seulement; pour notre roi, il est borgne des
yeux du cori)s, et du côté de l'âme, il n'a
point de vue.
« J'ai eu pitié de ces pauvres mages en les
entendant pailer ainsi, et rendre hommage à
la vérité au sein même de leur ignorance. Il
est vi-ai que je leur ai fait donner queUiues
coui)S de fouet, et que je loui' ai ordonné de
jeter, de leurs propres mains, leur feu dans
l'eau, en disant : Que les dieux qui n'ont pas
fait le ciel et la terre soient anéantis! Cela
terminé, j'ai laissé la liberté aux mages do
s'en aller. »
Tenehabouh fut pénétré de frayt ur en
écoulant ces hai'dis aveux de l'évêque; il
frémit des insultes qui en résuli aient [)Our le
roi, et du mépris qu'ils respiraient pour la
reli don des mages. Il craignit qu'en aban-
donnant Saliag à de nouvelles tortuies, il
n'exprimât plus encore des injures contre le
roi tievant le jnililie; que cette alfaire, rap-
portée au roi, ne fût impu ée à lui-même à
crime, et (pi'on ne tinit p.ir laccuser d'irréli-
gion, pour avoir si lon,uement disputé avec
les évècpies. Confus de toutes ces penséis ,
il se leva du tribunal où il s'était assis, ap-
pu.é sur son sabre, pour inspir. r de la peur
aux saints; et, jetant un cri semblable au
ru,.;isseineiit d'un lion en colère, il leva son
arme et en happa l'évêipie, et lit tond)er par
tiure ré|)aule droite, une partie du dos et do
la main. L'évê(iue, renversé sur k' côté gau-
che, releva de son auti-e main celh; ipii était
s(''parée du corps, et dit à haute voix : « Re-
cevez, Seigneur, l'holocauste volontaire que
j(! vous ollre, et admellez-m(ji parmi vos
milices saintes. » Puis, se tournant vers ses
ronipagiions : « Allons! s'écria-t-il , ô mes
verlueuv frères, voici notre d'jruier moment;
S41
ARM
ARM
2i2
fcrmoz Tiii instant les youx du corps, et vous
verrez bicnliM Jôsus, nolro (\sp(''r;uu'0. » Kn
se roulant .lans son sau;j;, il r('M-itait : « .le
c")anto vos louanges, Soi,;ii('ui' ! qu'elles
soi(>ut toujours dans ma houclio. Seij^neuil
glorifiez mou Ame, et les justes se n'-joui-
ronl. » 11 récita ainsi jusqu'au verset : Nom-
breux sont les tourments du juste ; inais le
Seigneur les di^livrc et conserve même tous
leurs os (Ps. xxxiii). Et pendant qu'il lui res-
tait enrofe un i)eu de vie, et que ses forces
•ne l'avaient pas encore abandonné complè-
tement, il vit descendre du ciel des troupes
d'anges, et \m ai-change qui tenait dans ses
mains six couronnes. En mônuî temps, une
\oix du ciel disait : « Preniez courage, ô mes
bien-aimés seiviteurs! Voici que vous allez
oublier toutes les alllictions de ce monde, et
ceindre les couronnes trioin[)liaIes (jue vous
avez méritées par votre liéroïsnu; : metlez-
les chacun sur vos tôtes. Vous en avez fourni
la matière, m sis c'est Jésus-Christ lui-même
qui les a tressées; recevez-les des mains des
anges, et \ene/. prendre place à côté de saint
Etienne, premier martyr. »
Sur ces entrefaites, le glaive brillait déjà
sur le cou des héros chrétiens. Léonce, s'a-
percevant qu'il n'était plus question d'inter-
roger et de juger les deux autres, mais qu'ils
étaient tous enveloppés dans une sentence
commune , dit au saint évêque Joseph :
« Avancez-vous le premier contre le glaive ,
car votre dignité vous élève au-dessus de
nous tous. » Mais comme l'évêque se pré-
sentait, les bourreaux, pressés d'obéir, firent
tomber toutes les tètes des prêtres chrétiens
devant le saint évêque Sahag, qui s'écria
avant de rendre le dernier soupir : « Jésus,
recevez nos âmes, et placez-nous parmi ceux
qui vous ont aimél » (E. V., trad. G. K. G.,
p. 194.)
Les trois ministres proposèrent douze
hommes pour garder les corps , afm que les
chrétiens ne parvinssent pas à les enlever
pour en faire des reliques. Kougik fut au
nombre des dix qu'on choisit. Mais au bout
de quelques jours, ces hommes, eifrayés des
prodiges sans nombre qui s'accomplissaient
au lieu où étaient les corps des martyrs, pri-
rent la fuite et vinrent trouver les ministres,
auxquels ils racontèrent ce qu'ils avaient vu.
Kougik prit la fuite comme les autres. Les
mages résolurent de se tenir tranquilles.
Mais Kougik, s'étant assuré qu'on ne son-
geait plus aux corps des saints, alla avec dix
hommes dévoués les chercher. Ils étaient in-
tacts. Il les mit dans des caiss s, avec leurs
chaînes, et inscrivit le nom de chaque saint
sur la caisse qui contenait son corps. Peu do
temps après, les princes furent élargis. Kou-
gik leur avait remis les corps des martyrs.
C'est de Kougik que l'historien Elisée Varta-
b.d tenait les détails qui concernent les saints
martyrs.
Dans la ville de Ninchabouh, il y avait
quelques-uns des disciples ou serviteurs des
saints. On les avait m's dans une prison
séparée. Le roi l'ayant commandé, un des
bourreaux ordonna à cinq chrétiens qui
élai(!nt Assyriens, et (pi'ou détenait av(M;
eux, d'adoi'cr l(! soleil. Il les avait piéalablc-
mcnt fait conduire hors de la ville Commo
ils refiisèr'cnt, il les lit mettre à la tortuni, et
ensuite h'ui' lit coupt^r le nez et les oreilles,
et les envoya en Assyrie, pour y travailler à
la U'wo dans le domaine du roi. Lu chef (1(!S
boinr-aux, ayant commis cette atrocité, vint
veis les serviteurs des martyrs, et en prit
deux ({n'a leur physionomie timide et douce
il jugeait plus faciles à j)ersuader que les
antres. C'étaient Klioren et Abraham. N'ayant
pu les contraindre à adorer le soleil, il com-
manda qu'on les trainAt h terre si violem-
mciit, que quanil on cessa, on les crut morts.
'J'ro.s heures après, ils revinrent à eux, et
dirent la joie qu'ils ressentaient des traite-
UKMits ([u'on leur avait fait endurer. Le
bourreau les fit battre de verges par six
bourreaux qui se relayaient. Quand ils fu-
rent h t(>rre et demi morts, il leur fit couper
les oreilles. Après cela, suivant l'ordre qu'il
avait reçu du roi, il les envoya en Assyrie,
pour y labourer la terre dans le domaine
royal. Ces chrétiens mutilés furent, dans le
pays où ils arrivèrent, l'objet de la vénéra-
tion générale. Ils allaient tous les ans re-
cueillir des aumônes, qu'ils envoyaient aux
princes arméniens dans leurs prisons. Kho-
ren mourut dans un de ces pieux voyages.
Abraham continua cette œuvre de charité.
Lorsque les princes arméniens, douze ans
après leur arrestation , furent délivrés de
leurs chaînes et amnistiés, ils firent venir
Abraham en Arménie, où il fut l'objet de la
v<'nération générale. Abraham se retira dans
un lieu écarté et éloigné du monde, où il
vécut, avec trois autres chrétiens, dans les
exercices de la vie monastique. II y mourut
en odeur de sainteté.
Pendant ce temps-là, les princes arméniens
demeuraient toujours prisonniers. Ils étaient
trente-sept, dont voici les noms : de la fa-
mille de Sunik, les deux frères Papkéu et Pa-
gour; delà famille d'Ardzourounik, Nercha-
bouh, Chavasb, Chiukin, Aieroujan, Barker,
Dagas ; de la famille de Mamigoniank, Ha-
mazasbian, Hamazasbe, Ardavazd, Mouchege;
de la famille Gamsaragank, Archavir, Tatoul,
Vardz, Nerséh, Achod ; de la famille Ama-
dounik, Vahan, Aranzar, Arnag ; de la famille
de Kinunik, Adora ; de la famille de Timak-
siank, Tatoul, Sadéan, avec deux autres com-
pagnons; de la famille Anzevadzik, Chima-
von, Zouarén, Aravan ; de la famille Ara-
veleïank, Pabag, Varazkén , Tagh ; de la
famille Arzerounik, Abrsan ; de la famille
Mantagounik, Sahag, Parzman ; de la famille
Dachradzik, Vrén ; de la famille Herapso
niank, Papige et Houknan. Ils furent prison-
niers pour la foi, et excessivement malheu-
reux, jusqu'aux derniers temps du règne
d'Hazguerd, où le gouverneur du pays de
Hurève, nommé Schliom Chabouh, qui était
chargé de leur garde, intercédant pour eux,
le roi se décida à adoucir leur sort, et leur
rendit leur ancien rang dans ses armées. Le
roi fut telleme-'.t content de leurs services,
qu'il ne cessa jusqu'à sa mort, qui arriva
3i3
ARS
ASC
344
bientôt, après dix-neuf années de règac, de
les traiter avec toutes sortes d'honneurs et
d'égards.
Ici nous devons nous borner à dire en
doux mots comment finit cette persécution
eu Arménie. V'ahan, neveu du gra'id Vartan,
combittit plus tard avec les Arméaie-is fidèles
au christianisme contre les Persans et les
Arméniens apostats, et, â force d"ex )loits et
de courage, contraignit les Perses à laisser
l'Arménie paisible et libre de pratiquer le
christianisme.
ARMOGASTE (saint), martyr, vivait dans
Tannée i57. Il était comte et occupait une
charge élevée à la cour de Genséric, roi des
Vandales en Afrique. Ce prince, qui persé-
cuta cruellementles chrétiens, titd'Armogaste
une des premières victimes de sa fureur.
Saint Victor de Vite rapporte, sur le martyre
de ce saint, des circonstances auxquelles on
ne saurait guère ajouter grande croyance.
« On le serra, dit-il, avec des cordes, qui se
rompaient toutes les fois qu'il levait les yeux
au ciel ; puis on le pendit par un pied, la
tête en bas, et, dans cet état, il se trouvait
aussi tranquille que s'il eût été couché sur
un bon lit. Théodoric, fds du roi, voulait alors
qu'on lui tranchât la tête ; mais un prêtre
arien lui conseilla au contraire de le laisser
vivre et de l'envoyer aux mines, dans la By-
zacène. Après y avoir s 'journé quelque
temps, on l'envoya aux environs de Carthage
pour garder des troupeaux de vaches. Peu
de temps après, il prédit l'heure de sa mort,
et alla recueillir au ciel la récompense de
son courage et de sa sainteté. » — 23 mars.
AKNAG, prince arménien, de la famille
Amadounik, fut l'un de ceux qui souifrirent
volontairement la captivité pour Jésus-Christ,
sous le règne d'Hazguerd, deuxième du nom,
roi de Perse, et qui ne furent remis en li-
berté et renvoyés^en leur pays que huit ans
après la mort de ce prince, sous le règne de
son (ils, Bérose. (Pour plus de détails, voij.
Pki ces arméniens).
ARQUE, village de Lombardie, célèbre par
les soulfrances qu'y endura saint Eleutlière
en confessant sa foi.
ARRAKAN, royaume de Tlndoustan, vit
en 151)7 le martyre du P. Gaspard de l'As-
soin.ftion, celui du frère Simon de la Piété,
ie Pierre Ususinaris, tous trois dominicains.
En 159S eut lieu le martyre du frère Paul, re-
ligieux du même onire. {Voy. Fontana, Mo-
naincnta dorninicana.)
ARRAS, chef-lieu du département du Pas-
de-Calais, a vu le martyre de la vierge sainte
Situi-nine. On ignore a (juelle éi)o>jue.
ARSACE fsaiiitj, confesseur, ayant quitté
la milice [)our eiiihrass"r la vie solitaire du-
rant la |)erséi;ulion de Licinius, se riMulit
célèbre par tant de miracles, ({u'on rapporte
qu'il chassait les di'nnons, et (jue, par ses
prioccs, il tua un dragon monstriKMix ; en-
lin, .iprès avoir prédit la ruine de la ville,
il retidit l'iispcit en priant Dieu. L'Iiglise cé-
lèbre SI m ;iiioii-e le 10 août.
ARSfiNK isti.nl), martyr, étail Egyptien d(;
naissance; il fut mis ii mort sous \(; règne do
l'empereur Dèce et sous le gouverneur Sa-
binus, à Alexandrie, en 250. Amené devant
le juge avec saint Héron, saint Isidore et le
jeun». Dioscore, pour lors âgé de 15 ans, il
résista avec un courage admirable aux tour-
ments, h l'aide des(iuels on essaya de l'abattre
et de le forcer à renoncer Jésus-Christ. Alors
le juge le lit jeter dans le feu avec ses deux
compagnons, saint Isidore et saint Héron.
L'Eglise fait sa fête le li décembre. Il est
parfois nommé Ater.
ARTAXE (saint), fut brûlé vif à Carthage
sous rem[)ire de Septime Sévère. On trouve
la preuve de sa mort dans le récit de la vision
de saint Sature, écrite [)ar lui-même dans les
Actes de sainte Perpétue [voy. l'article de
cette sainte). L'Llglise fait la fête de saint
Artaxe le 9 janvier, avec celle de ses com-
pagnons.
ARTEME (saint), martyr, habitait Borne.
Ayant été converti à la foi parles miracles et
les discours de saint Pierre l'Exorciste, et
ayant fait baptiser toute sa maison par saint
Marcellin , prêtre , fut déchiré à cou})s de
fouets garnis de plomb, puis décapité par
l'ordre du juge Sérène. Sa femme Candide et
sa tille Pauline ayant été jetées dans une
grotte, y furent accablées de pierres et de
terre. — 6 juin.
ARTEME (saint), marlyr, était général des
troupes en Egypte. Depuis Auguste, cette
province était ainsi commandée par un che-
valier romain, qui avait le litre de duc ou
général d'Egypte. Sous Constance, Arlème
fut nommé à ce poste éminent. Après la
mort de ce prince, les païens l'ayant accusé
d'avoir démoli leurs temples et brisé leurs
idoles, Jul.en le cita devant lui à Antioche,
et, sur c tte simple accusaiion, le lit décapi
ter. Sa fête a lieu le 20 octobre. {Voy. Théo-
doret, Hist., I. III.)
ARTÉMÉSIUS, grelllerdu tribunal de Dul-
cétijs, gouverneur de .Vlacédoine, b égeant à
Thessalonique, en '30Ï, de Jésus-Christ, ac-
cusa devant ce juge les saintes Agape, Irène,
Onionie, Casie, Eutyquie et Phinppe, ainsi
([U ■ saint Agadion, <l être chrétiens et d'a-
voir refuséde m i.igerili s viandes consacrées.
(Ko//., pour plus de détails, les Actes de sainte
Agape de Thessalonique).
ARTE.MON (saint), martyr, était piêiro à
Laoïlicée. Il y fut brûlé |)Our la loi de Jé-
sus-ChrisI, duiaiil la persécut on de l'empe-
reur D oclélien. On ignore en (lueile année.
L'Eglise lait sa mémuire le 8 octobre.
ASi^ALON, ville de Syrie, est célèbre dans
les annales des martyrs, par les soulfran-
ces q.i'y endura saint Plalonide et deux
autres saints martyrs. On ignore à quelle
épo(|ue.
ASC LAS (saint), marlyr, versa son sang
pour la foi à Antiuoé, ville (rKg.ypte. Après
divers touriiunns, il fut précnpité dans la
rivière, où il rendit son ;\me à Dieu. On
igno.e h (luellt! éj)0(iue eut lieu son glu-
ri(;ux niailyre. L'Eglise célèbre son immor-
telle mémoire, le 2'i j;invi(!r.
ASCI.^;PIAI)K (sainlj, niarlyr, (pii fut mis
h moit avec s;iii,t Pioiic, est l'un des (pi'ii/.u
543
AST
ATH
346
jont l'Eglise fait la llHc au 1" février. Il lut
:in(iié avec ce saint prôlre et sainte Sabine.
il fut le compagnon de ses soullVances, et
riuiitaleui-d • son courage.
Il est difticile de séparer l'histoire de ce
saint, de celle de saint Pionc. Aussi nous en-
gageons le lecteur à y recourir. Ce ((u'il y a
de certain, c'est que saint Asclépiade r<'(jut
la couronne du martyre ; mais les Actes de
saint Pio'ie ne nons disent |)as de quelle
manière il tinit sa vie. Nous n'avons pas
trouvé de sa nt Asclé[)iade, compagnon de
saint IVone, ayant une fôte spéciale au Mar-
tyrologe. 11 faut donc dire que la fêle de ce-
lui dont il est ici question arrive le niôme
jour que celle de saint Pione, le 1" février.
ASCLÉPIADE (saint), martyr, était évo-
que à Aniiochc. 11 fut du nombre de ces
illustres martyrs qui soutlVirent une mort
glorieuse sous l'empereur Macrin. L'Eglise
fait la fête de ce saint martyr le 18 oc-
tobre.
ASCLÉPIADE, nom d'un juge qui à An-
tioclie, sous le règne et durant la persécntion
di' Diodéticn, en 303, fit arrêter saint Romain.
{Voy. ce nom.)
ASCLÉPIADE, juge indiqué dans le Mar-
tyrologe romain, comme ayant fait mettre
a mort sonte N'énérande. (En France, sans
indication de lieu ni de dale.) Voij. l'ar-
ticle de sainte Vénérande et aussi saint
Vénérand.
ASCLÉPIODOTE (saint), reçut la glorieuse
palme des combattants de la foi à Andrino-
ple, sous le règne de l'enqiereur Maximien.
Il eut |Our compagnons ueso'i triomphe les
saints Max. me et Théodor-'. L'Eglise fait leur
saiiite mémoire le 15 septembre.
ASCOLl, ville de la Marché' d'Ancône, a
été illnstroi* par le niarlyie Me révoque s/iint
Eio dgo, qui y mourut durant la peisécution
de l'eai^) reur Dioclélien.
ASSISE, ville des Etats ecclésiastiques,
Assisiant cliez ies Latins, Assisi chez les Ita-
liens, dépendait, sous Dioclétien, du gouver-
neaient d'Ombri- et d'Etrurie. Ei 303, son
évèque, saint Sabin, futari'ôié avec ses deux
diacres, saint Marcel et saint Exu()érance.
Ils furent détenus jusqu'à l'arrivée de Ve-
nustien, qui était gouverneur. Saint Marcel
et saint Exupérance })érirent au milieu des
sui)plices; quant à saint Sabin, il eut les
deux mains coupées, et plus tard Venus-
tien s'étant converti et ayant donné sa dé-
mission, fut conduit à Spolète par ordre de
Lueius, gouverneur, qui succéda à Venus-
tien. [Voij. Sabin, Lucius, Spolète.)
AST, aujourd'hui Asti, ville du Piémont,
fut témoin du martyre de saint Second, sous
le règne de l'empereur Adrien.
ASTÈRE (saini), prêtre et martyr, souffrit
du temps de l'empereur Alexandre, sous le
préfet du prétoire Ulpien, dans la ville d'Os-
tie. L'Eglise fait sa fête le 21 octobre. (Mar-
tyrologe romain.)
ASTÈRE (saint), Asturius ou Aster lus ,
sénateur romain; ayant assisté à Césarée en
Palestine au martyre de saint Marin, soldat,
il étendit son habit pour envelopper le corps
du saint martyr, et l'emporta sur ses épau-
les. Bientùt après, il obtint une couronne
pareille à celle du saint martyr. L'Eglise lio-
noie sa^ mémoire le 3 mars.
ASTÉHL ( saint ), martyr, était charpentier
dans la ville d'Edesse. Suivant les Actes de
saint Thalalée, il fut mandé |)arlejugeTnéo-
dore, pour percer avec une terrièrc les ta-
lons de ce saint, alin qu'on passût des cordes
dans les trous, pour l'attacher ou pour le
suspendre. Il travailla depuis neuf lieurc^s
du matin jusqu'à midi, sans pouvoir réussir
à entamer les talons de Thalalée. Le juge
lui ayant ordonné de recommencer, il vint
quelque tem[)S après lui dire qu'il avait fait
les trous. Quand on voulut passer les cordes,
on vit que saint Aslère avait percé un soli-
veau au lieu des talons du saint. Tliéodoro
ne croyant pas au miracle qui avait ainsi
obscurci le regard du saint charpentier, crut
qu'il se moquait de lui, et le fit arrêter avec
saint Alexandre. Mais Thalalée ayant prié
pour eux, ils s'échappèrent et ne furent
repris qu'après une course de deux lieues
et demie, par les soldats qui les tuèrent irn-
miMiatement. Voilà l'étrange narration que
nous trouvons parmi nombre d'autres aux
Actes de saint Thalalée. Somme toute, saint
Astère mourut à Edesse pour la foi sous
Numérien, par ordre de Théodore, en com-
pagnie de saint Alexandre, de saint Thalalée
et de plusieurs autres. Voilà ce que nous
savons certainement, et seulenient ce que
nous osons sérieusement écrire ici. L'Eglise
fait la fête de saint Astère le 20 mai.
ASTÈRE (saint), fut arrêtésous lerègnede
l'empereur Dioclétien, en l'an 285, avec ses
deux frères, saint Claude et saint Néon, et
les saintes Domnine et Théonille. Il fut con-
damné par le proconsul de Cilicie, nommé
Lysias, à souffrir d'horribles tourmtiits avant
d'accomplir son martyre. Il fut martyrisé à
Egie. L'Eglise célèbre sa fête le 23 août.
( Voy. Claude, à l'article duquel nous don-
nons ses Actes. )
ASTÉRIE (sainte), vierge et martyre, versa
son sang pour la foi des chrétiens à Bergame,
durant la persécution des empereurs Dioclé-
tien et Maximien. L'Eglise honore sa mé-
moire le 10 août.
ASTERIUS, était l'un des deux préfets qui
à Marseille, et en présence de Maximien,
tourmentèrent, en l'année 290, saint Victor,
officier de la* légion Thébéenne. Astérius et
l'autre préfetEutychius, s'étant trouvésd'avis
différent sur le choix des tortures qu'il con-
venait de faire souffrir au saint, le second
se retira, et ce fut Astérius qui, resté seul, lit
étendre Victor sur le chevalet, o\x les bour-
reaux le tourmentèrent jusqu'à ce qu'ils
fussent las.
ASTORGA, ville d'Espagne ( Léon). Ce fut
dans cette ville que, sous le règne de l'em-
pereur Dèce, le proconsul Paterne fit mourir
pour la foi sainte Marthe, vierge. On ne sait
de quel supplice. Ses actes, faits après coup,
sont ()eu probants.
ATHANARIC, roi des Goths, éleva en 370
une violente persécution contre les chrétiens.
547
ATII
ATIl
SiS
Il porta contre eux dos édits sanglants, et fit
lironiHncr uno idole sur un char dans tous
les lieux où il y avait des chrétiens. Ceux
f[ui refusaient de sacrilier étaient mis à ni'irt.
Le su|)i)licc ieplus ordinaire ([u'on tit endiii'er
aux chrétiens, était do les brûler dans les
éi^lises ou dans leurs maisons. Lesm:irtyrsles
plus célèbres de cette persécution soit : saint
Nicétas et saint Sabas. ( Voy. leurs articles. )
ATHANASE (saint), martyr, était évoque
à Tarse. 11 soulîrit le martyre sous l'empe-
reur Valérien avec sainte Anthuse, femme de
qualité, qu'il avait baptisée, et deux dj ses
esclaves. L'Eglise honore leur sainte mé-
moire le 22 aoiU.
ATHANASE (saint), que l'Eglise nonorc
comme martyr le 3janvier, donna sa vie pour
la foi, avec saint Zozinée en Gilicie. Les dé-
tails de leur martyre sont restés à peu près
ignorés.
ATHANASE ( saint ), martyr,run des qua-
rante martyrs de Sébaste, sous Licinius.
Voy. Martyrs de Sébaste.
ATHANASE (saint), dit le Grand, évêque
d'Alexandrie et confesseur, était très-proba-
blement de la ville d'Alexandrie : quand
Constance le fit revenir d'exil, il dit qu'il
voulait le rendre à sa patrie, à la maison pa-
ternelle; d'un autre côté, on voit que, durant
la persécution de Valens, il fut caché quatre
mois entiers dans le tombeau de son père.
Dans un endroit de ses écrits, ce saint parle
do Si tante, morte durant la tyrannie de
Grégoire. L'ensemble de ces circonstances
prouve ce que nous avons dit, qu'il était
d'Alexandrie. Il naquit vers 21)5 ou 296 ; il
fat élevé par les soins de saint Alexandre,
}),ntriarche d'Alexandrie; il n'étudia les lettres
profanes que pour ne pas paraître les igno-
rer, dit-il, et cependant on voit , [)ar ses
écrits, qu'il les connaissait h fond. Un tel es-
prit ne pouvait pas réussir médiocrement
en quoi que ce soit. Mais dès sa plus tendre
eafmce, il s'occupa de travailler les sciences
Sicrées. L'étude de l'Ancien et du Nouveau
Testament fut l'objet de ses i)lus profondes
méditations. Dès le temps du concile de Ni-
cée, il était diacre ; il fut un des quatre si-
gnatiires de la lettre de saint Alexandre
contre Arius. Son évèfjue faisait de lui très-
graiid cas, sous le rap|)ort du savoir et de
rexcdlence du jugement, .lulien l'Anostat,
tout en se déclarant soi ennemi, rend hom-
mage à ses (pjalités éminentes. Il avait uni;
ïer.aeté d'Ame invincible, une prudence ex-
trême, beaucoup de eondcsijendance et de
boité i)Our autrui. La tolérance et la charité
sont les vcitus distinctivcis des grandes
âmes. Il [jaraît (jue son extérieur n'anno'i-
(jail pas la Ix-auté (h; son àma et de son in-
Irlligence; il était de petit!! taille et dcixlé-
lieiir vulgaii'e. Du moins , c'est ainsi que
les auteurs parlent de lui. Quant à nous,
nous f;royoris (pie quand un diamant est (îii-
velopjjé (le matières opaques, il y a ton-
jours qm.'lque [Uiint pai- l'<piol il brilh;. De
même la clarté du gé>ii(! illumine toujours
1(! corps le moins favorisé sous le rapport
de lu ioiiue.
A Nicéo, Athanase combattit l'hérésie dos
ariens avec beaucoup do science et de cou-
rage. GiiKf mois aj^rès ce concile, Aloxandro
étant mort, en indi(|uait an clergé et à l'E^
glise d'Alexandiie Athanase C'imme son suc-
cesseur, celui-ci fut univers{'llcine->t accepté.
Il était absent qua k1 le saint évoque mou-
rut. Un concile se tint à Alexandrie, qui, do
concert avec le peuple, le choisit pour évo-
que de ce te ville. Les ariens calomnièrent
cette élection. Un des plus acharnés pour la
décrier fut Eusèbe de Nicomédie. A peine
sur le tr(jno d'Alexandrie, il eut à combat-
tre les méléciens, (|ui s'unirent contre lui
aux euséhi ns. Eusèbe, soi mortel ennemi,
procéda d'abord contre lui avec ruse; il fit
tout ce qu'il put pour faire rentrer Arius
dans l'Eglise d'Alexandrie. Arius, analhéma-
tisé par le concile de Nicée, avait été relégué
dans l'Illyrie par Constantin , qui bientôt
après le rappe'a, s'étant trcs-malheureuse-
mcnt laissé persuader que cet hérésiarque
était rentré dans la foi de l'Eglise. Ce fut
alors qu'Eusèbe de Nicomédie entreprit de
forcer saint Athanase à le recevoir dans son
Eglise, sous peine de s'en voir chassé lui-
môme. Il écrivit donc au sa nt évêque, pour
appuyer la permi>sion que Consiantin avait
donnée à Arius de retournor à Alexandrie,
La lettre était suppliante, mais ceux qui la
devaient remettre étaient chargés de faire
des menaces. Athanase refusa nettement.
Ni les prières ni les menaces ne purent le
décider à recevoir l'héréti |ue. Eusèbe alors
lui écrivit une seconde fois , et lui fit écrire
par Constantin. Ce prince disait que toutes
les querelles seraient ajiaisées et que la
tranquillité rentrerait da'is l'Eglise, si on
voulait en ouvrir les [lortes à ceux qui ne
demandaient qu'à y rentrer. Athanase ayant
refusé de nouveau, Constantin lui écrivit
une lettre qu'apptn-tèront deux officiers du
palais. Symlece et Gaudence, dans laiiuelbi
il disait au saint évêque que s'il persistait à
refuser Arius, il enveriait à Alexandrie des
gens [lour le déposer lui-même et le faircî
sortir de la ville. Ce|)endant Constantin
écouta les repn'sentations ([ue lui tit Atha-
nase, lequel lui (it entendre que l'Eglise ca-
tholiciûe ne pouvait pas admettre à sa com-
munion un hérétique comun; Arius. Cons-
tantin se montra encore favorai)le au saint,
dans les accus dions que les méléciens p >r-
tèrent contre lui devanî l'cnuporeur. Ils l'ac-
cusaient, (!!itr(! autres choses, d'avoir exigé
du [)ublic un tribut pour acheter des vêle-
monts ecclésiasliijnesà rusag(î de son église,
d'avoir voulu exciter une révolte contr(! le
gouvernement impérial. Mais Constantin
condaïu-'a les accusateurs, o[ renvoya Alha-
nas(' à Alexandrie, en é(;rivant h ceux do
celte ville uiKî longue lettre oi"! il s(! mon-
trait fort irrité conlr(î ceux (pii, par leurs ac-
cusations méchantes et calomni uses, Iron-
blaieut ainsi h; i-epos d(» rEgl'S(\ Les nu'' h'--
ciciis l'accusèrent eusuil(! d'être entré vio-
lemmo'd dans l'église do révê(pm Isquv-
ras, ri d'y avoir ))ris un calice (pi'il avait nus
en pièces en sortant. Isipiyras lui-même ju.s-
549
ATII
ATII
550
tilîa compldtomont lo saint de ces accusa-
lions, par une lettre. Mais la pins f^n-ave des
nccnsalions (ju'ils norl^rentcontre Ini, fut la
suivante : les inéléeiens lirenl eaiiher Tr-
vôcpie Arsène, l'un des leurs; on lui donna
de l'argent pour cela ; et jVrcaph ou Aeliah,
chef de la secte, accusa saint Athanase de
l'avoir tué. H se j)orta dénonciateur. Ils
avaient, dans une boîte, une main droite des-
séchée, qu'ils disaicMit celle d'Aisône, et
qu'ils accusaient Athanase d'avoir coui)ée
pour faire des opérations magi(iaes. Qu'on
nous rende, disaient-ils, avec larmes, au
moins le corps de celui que nous [)leurqns.
Constantin, informé de tout cela, écrivit à
Antioche , h son frère Dalmace, censeur,
d'examiner cette affaire. 11 envoya môme
Eusèbe et ïheognis, jiour qu'Athanase fût
jugé en leur présence. Attianase jugea à
propos d'élucider cette affaire; il écrivit à
tous les évoques d'Egypte, pour savoir où
était Arsène. Il envoya même un diacre avec
pleins pouvoirs des magistrats, pour décou-
vrir Arsène partout où il serait. Ce diacre,
ayant appris que ce prétendu mort était ca-
ché dans le monastère de Ptemencyrce, au
territoire de la ville d'Antée, dont un nommé
Pinne était supérieur , s'y présenta pour
l'y trouver; mais Pinne, préveau de sa visite,
fit partir Arsène la veille, sur un vaisseau
qui s'en allait dans la basse Egypte. Le dia-
cre se saisit de Pinne et d'un (iiacre nommé
Elle, qui avait été spéci dément chargé du
soin de cacher Arsène. Ces deux hommes
furent présentés au duc d'Egypte , auquel
ils furent contraints d'avouer q 'Arsène
était vivant, qu'il avait été caché chez eux,
et qu'il était pour lors en Egypte. Paphniice,
moine du couvent de Pinne, écrivit une let-
tre dans laquelle cette confession était aite
en entier, et dans laquelle, par conséquent,
saint Athanase se trouvait complètement
justifié. Depuis, à Tyr où il s'était retiré,
Arsène, surjjris par les gens d'Archelaùs,
gouverneur, fut amené devant Paul, évêque
de la ville, qui le connaissait. D'abord il
avait essayé de nier son identité; mais, de-
vant un homme qui le connaissait, il n'osa
plus soutenir cet impudeht mensonge.
Constantin, instruit de ces diverses cir-
constances, fit cesser la poursuite de cette
affaire. 11 écrivit à saint Athanase une lettre
dans laquelleilluidit que si ses calomniateurs
continuent à le poursuivre, il se fera lui-
même leurjuge, et les punira, non avec la
douceur des lois de l'Eglise, mais avec toute
la rigueur des lois civdes. Après cette af-
faire, qui se termina à la confusion des uîé-
iéciens, Arsène écrivit, tant en son nom
qu'au nom de beaucoup de méléciens comme
lui, à saint Athanase, pour lui demander sa
communion, et pour lui dire que désormais
il n'aurait pas d'autres croyances que celles
de l'Eglise catholique, et ne reconnaîtrait ])as
d'autre autorité que la sienne. Les ariens
avaient la rage au cœur de voir échouer tou-
tes leurs menées contre saint Athanase ,
mais ils n'étaient pas découragés ; bien au
contraire, ils se préparèrent à lui porter un
coup que cette fois il ne pourrait pas parer,
Eusèbe de; Nicomédio, qui était leur chef à
tous , surprit tellement l'esprit de l'em-
pereur Constantin, qu'il l'.iuKîna h entrer
parfaitement, sinon dans ses desseins, du
moins dans leur exécution. La grande
église de la Résurrection , (jue Constantin
faisait bAtir à Jérusalem, était en état d'ê-
tre dédié(i. Ce prince voulait qu'un nom-
bre considérable d'évèques concourût h cette
imposante cérémonie. Eusèbe lui persuada
facilenuint qu'il fallait que pour cela la paix
fût établie dans l'Eglise, et qu'il était conve-
nable d'assemblei', dans ee but, un concile
où la conciliation pût s'élablir sur tous les
points. Constantin, dont l'esprit était com-
plètement au pouvoir des eusébiens, manda,
pour assister à ce concile, tous les évoques
qu'ils lui désignèrent. Il envoya le comte
Denys poury maintenirl'ordre. Leseusébiens
eurent soin que les instructions de cet en-
voyé tournassent complètement à l'oppres-
sion do leurs ailversaires. Constantin recon-
nut lui-môme plus tard avoir choisi tous les
évoques de ce concile au gré des eusébiens.
L'Egypte, la Lybie, l'Asie, la Macédoine, la
Pannouie, la Bithynie et les provinces d'O-
rient furent les lieux d'où ces évoques vin-
rent presque tous. Les ariens y étaient en
majorité. Les deux Eusèbe en étaient les
chefs. Les plus célèbres, après eux, étaient
Narcisse de Néroniade en Cilicie , Flaccille
ou Placille d'Antioche, Theognis de Nicée,
Maris de Chalcédoine, Théodore d'Héraclée,
Patrophile de Scythople, Ursace de Singidon,
Valens de Mursa , Macédone de Mopsueste,
George de Laodicée en Syrie, tous évoques
ariens. Parmi les catholiques, il y avait saint
Maxime de Jérusalem , Marcel d'Ancyre ,
Alexandre de Thessalonique. Socrale compte
en tout soixante évoques dans ce concile, il
est probable que cet auteur ne veut parler
que de ceux que Constantin avait mandés di-
rectement ; car saint Athanase en amena
avec lui quarante-neuf qui ne lui firent pas
défaut, et qui lui auraient constitué la ma-
jorité, si, comme le dit Socrate, le concile
n'eût été en tout composé que de soixante
évoques. Le président du concile était Pla-
cille d'Antioche; mais celui qui y avait la
plus grande influence était ce comte Denys
que nous avons déjà nommé, et qui s'y
montra ennemi acharné de saint Atnanase.
Plusieurs autres laïques y siégeaient, entre
autres le gouverneur de Palestine et Arche-
laiis, comte d'Orient. Les eusébiens don-
naient les ordres, et Denys les faisait exécu-
ter, même violemment. 11 prenait la parole,
et opprimait complètement dans la discus-
sion, ceux qui ouvraient des avis qui étaient
justes et équitables. On amena à ce concile
saint Macaire chargé de chaînes, pour y ré-
pondre à cette ridicule accusation de calice
brisé qu'on avait fait porter sur lui aussi
bien que sur saint Athanase. Ce dernier,
qui voyait la tournure que prenaient les
choses, refusa d'abord de venir au concile.
Il craignait d'y voir outrageusement attaquée
la foi de Nicée. Constantin, circonvenu par
35!
ATH
ATH
352
les Eusébions, lui écrivit que s'il n'y venait
pas librement, ii le ferait prinidre et l'y fe-
rait conduire de force ; alors Ath uiase obéit.
Il y vint, comme nous l'avons dit, à la t^te
de quarante-neuf évèques. Ses ennemis eu-
rent l'audace de priHendre qu'il s'était fait
ainsi accompa.;ner , pour occasionner du
trouble dans l'assemblée. On ouvrit le con-
cile par la li'cture de la lettre que Constan-
tin avait écrite au saint évèque ; lettre (|ui
marqua l partaitement que ce prince était
sous la domination des ensébiens. Ces der-
niers convoquèrent des évèques de la secte
des méléciens qui se portaient accusateurs
(JAthanase. Là, on renouvela les caloiîinies
dont, à diverses reprises, le saint s'était vic-
torieusement lavé. On parla du calice rompu,
d'un siège épiscopal renveisé; on eut l'au-
dace de remettre sur le tapis le meurtre pré-
tendu d'Aisène. De plus, on accusa saint
Athanase d'avoir illégalement fait mettre en
prison l'un de ses accusateurs au concile,
un nommé Isquyrion. On l'accusa d'avoir dé-
posé Calliriique, évôiiue catholique de Pe-
luse, sans autre motif qne celui-ci : Cei évo-
que, prétendait-on, s'était attiré la colère
J'Atbanase, en refusant de communiquer
avec lui , jusqu'à ce qu'il se fût disculpé
Jans l'alfaire du calice rompu. Cinq évoques
méléciens , Euplus , Pacôme de Tentyre ,
Isaac de Lete, Achille de Cuses, Hermée de
Cyne, dans la seconde Egypte, l'accusaient
de les avoir battus. De plus, on l'accusait
encore d'avoir fait jeter en prison ceux qui
ne voulaient pas communiquer avec lui ;
d'avoir, durant la fôte de Pâques, accompa-
gné de généraux et de comtes, fait battre
cruellement, traîner en prison, tourmenter
par divers supplices ceux qui refusaient
d'entrer en comm nion avec lui. 11 est vrai
(}ue saint At'ianase avait fait tout ce (ju'il
avait pu pour em[)êchor les méléciens de se
séi)arer de l'Eglise, mais sans sortir jamais
des voies de modération et de justice que
son caractère sacré, sa piété lui comman-
daient de suivre. Dès le couunencement du
concile, sans aucun égard pour la dignité
du siège (|u'occupait saint Athanase, on le
traita comme un accusé vulgaire, le faisant
lester dei)Out tandis que ses accusateurs et
Eusèbe de Césarée entre autres étaient as-
sis, l'otamon, évèque d'Héraclée, en fut Id-
Jcmeiil indigné, (ju'il l\^t put se contenir. Il
s'écria : Counnenl, Eusèbe ! vous êtes assis,
et Athanase, tout innocent qu'il est, de-
meure debfjiil, j)0ur être jugé i)ar vous?
nui j)eut soullVir une clio-^e si indigne? Et
dites-moi un peu, n'étions-nous pas ensem-
ble en prison durant la persécution? Pour
moi, j'y perdis un o;il pour la vérité; mais
vous, il ne semble pas (|ue vous y ayez perdu
aucun de vos membres ; on ne voit aucune
maniuecjue vous ayez ri<'n enduré pour Jé-
sus-Christ; mais vous voilà ici pl(;in (h; vie,
et avec toutes les parties de vfjtre cor()S ,
bien saines et bien entières. Commc'nt avez-
voiis i)u sortir cri cet état de la pris n, si c(!
n'«;sl (jue vous ayez promis de coiiiiiKîltri! le
criine auquel les (iiiteui's de la persécnliou
nous voulaient contraindre, ou parce (jue
vous l'aviez déjà commis? Eusèbe s'emporta
de colère et rfjinpit la séance en prononçant
ces paroles : Si vous venez ici faire les* ty-
rans, il faut que vous en fassiez bien d'au-
tres en votre pays.
Ce récit est de saint Epiphane. Cela n'era-
pôcha pas les ousébicns de poursuivre le
jugement de saint Aihan.tse. Les évècpies
d'Egypte eurent beau récuser une p.irtie des
juges, par la bouche de saint Athanase, ( t
nommément les ueux Eusèbe, N rcisse, Pla-
cille, Theognis , Maris, Théodore, Palro-
phile, Théophile, Macédone, Ursace et V'.i-
lens, rien n'arrêta cet étrange concile. Les
mômes évèques eurent b au remontrer (juc
George de Laodicée avait été déposé par
s.iint Alexandre, on n'en persista pas moins
à le laisser au nombre des juges. Saint Atha-
nase commença à concevoir de l'inquiétude,
quand il vit que toujours on accordait l'im-
punité aux témoins dont il i-éussissait à dé-
monirer l'imposture. D'un autre coté, sa dé-
fense était singulièrement entravée. On
intimdait ses défenseurs par des violen-
ces, par des injures. Les méléciens étaient
l'objet d'une protection toute particul ère.
La principale aifaire qui fut agitée dans
ce concile fut celle d'isquyras ou du ca-
lice brisé. Nous la mettions la dernière,
pour suivre saint Athanase. On l'accusa
aussi de deux autres choses ; d'abord d'a-
voir tué Ai'sène , ensuite d'avoir violé
une vierge. Celte dernière accusation fut
examinée avant l'autre. On fit paraître une
malheureuse prostituée, qui vint dire qu'ayant
logé chez elle Athanase, il l'av.dt violée mal-
gré toutes ses résistances ; elle qui avait
voué sa virginité au Seigneur. Athanase,
prévenu de celte accusaiion , se conc rla
avec un de ses prêtres nommé Timothée,
pour qu'il prît la parole sur cette accusation.
Quant à lui, il se lut comme s'il eût été com-
plé ement étranger à cette atfaire. Quand
donc cette femme eut fait sa déposition, Ti-
mothée, se levant, lui dit : Ainsi donc vous
prétendez que c'est moi qui ai attenté à vo-
tre pudeur? Oui, dit-elle en étendant 'a
main vers Timothée, je vous reconnais,
c'est bien vous qui m'avez violée en tel
temps, en tel lieu ; elle broda loules l'S cir-
constances de cette h stoire avec toutii l'im-
pudence qu'on pouvait attendre d'une femme
de cette soi te. On était loin de s'attendre à
un tel résullat. Aussi le concile slupélait
était partagé, les gens équitables entre l'iii-
dignalioii et l'envie de iire d'une si déplo-
rable déconfiture des accusateurs, les com-
plices de cette malheureuse entre la houle
et la rag(! de se voir ainsi bafoués. Comme
ces derniers se trouvaient en nomb e, Is ikî
voului-ent j as (ju'on riiiteirogeAl d.ivaiilage,
et malgré les inslan(;e.s de saint Athanase,
qui voulait savoir «piels étaient les auteurs
de c(îlte indgnité, ils la firent sortir du
concile. Le fait est qu'on la laissa aller sans
lui inlliger aucune |)eiiie pour son faux té-
moignage, sans vouloir découvrir quels
étaient ses complices.
555
ATH
ATH
5S4
Pour ce qui est do l'autre accusation, re-
lative ?i la mort d'Arsônc, elle fut ronvo sée
dune tarou uou n^oiiis victorieuse. Nous
avou"^ déjli eu occasion de dire que, durant
rinslructioii ordonnée par Constantin, on
avait découvert Arséue vivant, et que, de-
va-il les magistrats, il avait été obligé de s'a-
vouer l'instiument de la miséral)le fraude à
laciueile on .e faisait servir. Le fait est qu'Ar-
sène, qui, connue on sait, était revenu h la
comnuniion de saint Atlianase, n'avait |)as
paru au concile de Tyr, soit que saint Atlia-
nase l'eût l'ait cacher pour confondre ses ca-
louuiiateurs, soit que ceux-ci l'eussent eux-
mèuies iiétenu, pour le succès de leur ca-
lomnie. Le fait est qu'Arsène, instruit de
ce qui se passait, trouva le moyen de partir
pour Tyr, et y ariiva la veille du jour où on
allait juger le saint, à propos de son pré-
tendu assassinat. 11 se présenta à Atlianase,
qui le fit cacher chez lui pour confondre ses
accusateurs.
L allaire de la courtisane venait de se ter-
miner à la confusion des ennemis d'Atha-
nase. Us se mirent à vociférer qu'il y avait
des crimes beaucoup plus graves que celui-
là, desquels on ne pourrait se justitier par
subtilité ou artifice; qu'd ne fallait qu'ouvrir
les yeux pour demeurer convaincu de leur
réalité. Alors, ouvrant la fameuse boîte qui
contenait la main desséchée, qu'on préten-
dait appartenir à Arsène : Voilà, dirent-ils,
qui vous accuse péremptoii-ement. Cette
main de votre victime, de l'évèque Arsène,
nierez-vous, Athan se, que ce soit vous qui
l'ayez coujiée? Déclarez-nous comment et
pourquoi vous l'avez fait. A ce spectacle,
tout le monde jeta un g'aml cri, tant ceux
qui croyaient que ce crime était véritable que
ceux qui en savaient la fausseté. On eut
grande peine à apaiser le tumulte. Alors
Atlianase se leva et demanda si quelqu'un
de la compagnie avait connu Arsène, pour
juger si c'était bien là sa main. Plusieurs se
levèrent et dirent qu'ils l'avaient parfaite-
ment connu. Alors le saint demanda à faire
entrer quelqu'un de ses gens , à qui il avait
affaire, et envoya chercher Arsène. On le
fit entrer les deux mains cachées sous son
manteau. Alhanase demanda aux assistants
si c'était bien là cet Arsène qu'on préten-
dait mort. Ceux qui avaient dit le connaître
furent obligés d'avouer que c'était bien lui.
L'etfel produit par cet incident fut prodi-
gieux dans l'assemblée. Quelques-uns s'i-
maginaient encore que, sans le tuer, on lui
avait peut-être coufié la main. Saint Atha-
nase lui Ut successivement tirer ses deux
mains de dessous son manteau, et s'adres-
sant au concile : « Voilà, dit-il, Arsène avec
ses deux mains ; Dieu ne nous en a pas
donné uavantage, et ainsi je ne crois pas
que personne en demande une troisième.
Néanmoins, je laisse à mes accusateurs à
chercher en quel endroit elle pourrait être
placée, sinon, c'est à vous à examiner d'où
vient celle qu'on vous a fait voir ici , et à
punir ceux qui l'ont coupée, si crime il y a
eu à le faire. » La présence d'Arsène porta
un coup épouvantable aux ennemis d'Atha-
nase. Pendant (piehpie temps, la confusion
fut horrible ; mais enlin, la rage prenant le
dessus sur la hont(^ ils se mir> nt à crier
qu'il était magicien, et que [lar ses arlilices
il parvenait à tromper les yeux et à fai e
voir ce qui n'était pas. Ils se jetèrent sur
lui, et sans l'intervention des ollieiers de
l'empereur qui l'arrachèrent de leurs inaiiis
furieuses, ils le mettaient en pièces.
Vint ensuite l'allaire du calice d'Isquyras.
On envoya dans la Maréote des commissai-
res chargés d'informer dans ce point de l'ac-
cusation. Les commissai'es nommés furent
justement ceux qu'Athanase avait récusés
comme juges.
Ceqa'il y a d'affreux dans cette accusation,
c'est de voir Isquyras venir la soutenir de-
vant le concile, après en avoir lui-môme dis-
culpé saint Athanaso , lors de l'instruction
que Constantin avait ordonné de faire quel-
que temps auparavant. Athanase soi tint
qu'Isquyras n'était |)as prêtre, et c'était la
vérité ; il le prouvait , mais le concile ne
voulut rien entendre. Isquyras n'ayant rien
pu établir contre saint Athanase et contre
Macaire, il fut donc décidé qu'on enverrait
des commissaires dans la Maréote. Les com-
missaires nommés furent Théognis, Maris ,
Macédone, Théodore, Ursace et Valens. Le
concile de Sardique appelle ces commissai-
res des jeunes gens les plus méchants et les
plus perdus de mœurs du monde, indignes
d'aucun degré dans l'Eglise. La fourberie
paraît dans toute cette atîaire. Quatre jours
avant leur nomination, ils avaient envoyé
dans diderenles contrées pour que des ariens
et des méléciens se rendissent dans la Ma-
réote, où il n'y avait personne de leur com-
munion pour y servir de témoins. Les évo-
ques d'Egypte s'opposèrent inutilement à la
nomination des commissaires ; inutilement,
ils en écrivirent à l'empereur. D'abord les
commissaires passèrent à Alexandrie, où ils
prirent pour les assister le préfet Philagre ,
païen et apostat. Ils avaient avec eux Isquy-
ras qu'ils hébergeaient. Ils partirent pour la
Maréote, et ce fut dans la maison de l'accu-
sateur qu'ils allèrent s'installer. Les prêtres
de la contrée demandèrent à assister à leurs
délibérations, et cela avec justice, disant
que, puisque ni Macaire, ni leur évêque n'é-
taient présents pour débattre leurs intérêts ,
il était juste qu'au moins quelqu'un le fît;
mais ces commisaires d'iniquité ne voulu-
rent rien entendre, et tout se passa entre
eux, les accusateurs et Philagre. On chassa
même ces prêtres, en leur disant des inju-
res. Au nombie des témoins admis contre
saint Athanase, par les commissaires , il y
avait de simples catéchumènes, des païens et
des Juifs. On ne les interrogeait pas pour
les faire parler sur les ventés augustes delà
religion, sur les mystères saints qu'on pré-
tendait avoir été outragés par Athanase, mais
bien pour leur faire débiter les mei songes
infâmes qu'on leur suggérait. Loin d'éiai>lir
le crime prétendu, les témoignages par leur
incohérence, par leurs oppositions, ne ser-
SS3
ATII
ATH
5o6
virent qu'à montrer évideramont Tiiii; os-
ture. Aussi les commissaires uo voulurent
jamais publier les actes de la pmcéilure.
Les ecclésiastiques d'Alexandrie al île la
Mcuéote ne se contentùrent pas des ellbi-ts
qu'ils avaient faits pour assister à cette pro-
cédure. Voyant qu'un leuiret'u-ait d'y pio.n-
dre I art, ils protestèrent de diverses m;inié-
res pour en démonirer ^inju^lice, et pour
servir de témoignage à la vérité, si on ve-
nait à traiter un jour cette alïaire dans
uu véritable concile. Saint Athanase nous a
conservé plusieuis de ces protesiations. A
leur retour à Alexandrie , les conmiissaires
firent commettre contre les callioliqaes tou-
tes sortes d'iiorreurs. Dans la mai>on môme
oii ils logeaient, leui'S partisans, assistés des
gens du gouverneur et des païens , amenè-
rent des vierges , les frap[)èrent de manière
à en estropier (juelques-unes, les outragè-
rent de mille façons, les mettant toutes nues,
et commettant sur elles tous les excès de
l'impudicité; on les frappait à coups d'épées,
à coups de fouets. Les commissaires pre-
naient [ilaisir à voir commettre toutes ces
abomina'ions : leur cruauté et leur lubricité
y trouvaient leur comjite. Du reste, une re-
marque que nous avons été mis à môme de
faire souvent, c'est que quand certains hom-
mes ne peuvent pas satisfaire leurs désirs
sur des femmes douées des beautés de la
forme, ils aiment à voir des nudités et à faire
torturer devant eux ces corps qu'ils conv^oi-
lent; ils éprouvent une sorte de délices en
voyant les convulsions et les soubresauts,
les souffrances de ces corps que leurs yeux
admirent. Cette remarque que nous avons
faite est justifiée par tout ce que nous avons
vu dans l'histoire et par tout ce que nous
savons de certaines dépravations que nous
ne pouvons marquer ici. Quand les députés
revinrent à Tyr , ils y trouvèrent un clian-
gemenl au juel ils ne s attendaient pas. Atha-
nase, qui voyait qu'il y avait parti pris de le
condamner, sans avoir aucinunuent égard à
sa défense et à la vérité, qui voyait môme sa
vie exposée s'il res:ait davantage en butte à
la co èio <Jes calomniateurs et des ennemis
qu il avait d.ms le "concile, avait jugé à pro-
pos de décliner la compétence du concile en
cessant d'y paraître. 11 était donc parti nui-
tamment pour se rendri- à Constantino|)le ,
aiii de s'y présenter à Cons:antin, et de tâ-
cher ainsi d'obtenir justice. La tyrannie ([ue
le comte De-iys exerçait dans le concile ,
jointe h la mauvaise volonté des eusébiens ,
ne lui jjcrmettait pas de s'y défendre. Après
son départ , les eusébiens le condamnèrent
par iléfaut. Puis quand les commissaires de
la Maréote fuient revenus, ils le déposèrent
de son siège, avec défense de. résider da-
vantage dans Alexandrie. A ssitôt ils le man-
dercMit à (^onstuitin. Ils écrivirent à tous his
évè([ues de ri'^glisi; de ne plus l'admettre
dans leur communion, dentiplus lui écrire,
et de ne nlus re<;evoir ses lettres. Ils assu-
raient (ju il avait été convaincu d'une partie
dr-.s choses dont il avait été accusé. Les pnn-
Cii^aux griefs qu'ih articulaient étai. jjI : iju'il
était venu accompagné d'une escorte au con-
cile, iioury établir le trouble et le désor.-re.
Puis , ei ("iutre dos différentes accusations
<|u'o 1 avait fait planer sur loi, (ju'il avait pris
la luit', et justifié ain>i tacitement tout ce
qu'.n lui r [)rocliait. Athanase vint donc à
Constantinople, et demanda justice à Cons-
tantin ; mais ce prince était tellement pré-
venu qu'il ne vouh.t pas l'écouter. Ce saint
évoque allajusqu'à le menacer de la colère
de Dieu , qui jugerait, lui dit-il, sa cause, et
le punirait de sou déni de justice. Rien ne
réussissait à toucher ce prince aveuglé. Atha-
nase loucha une corde sensible chez cet em-
])ereur : il lui dit de faire venir ceux qui
l'avaieit jugé , et qu'en sa présence, il leur
reprocherait leur conduite. On sait combien
Constantin aimait à se mêler des affaires de
l'Eglise : il accepta avec empressement de se
faire juge entre le concile et Athanase. Il
écrivit donc à tous ceux qui avaient com-
posé le concile de venir immédiatement près
de lui. Mais les meneurs empêcheront les
évoques de s'y rendre, et vinrent eux seuls
à l'invitation du prince. On pourrait trou-
ver extraordinaire l'abstention des évêques
d'Egypte, de ceux qui avaient pris le parti
d'Aihanase; mais il est certain que Cons-
tantin n'écrivit qu'à ceux qu'il avait invités
lui-même à faire partie du concile , consi-
dérant que les autres n'y avaient assisté
qu'indûment, ne sachant peut-être pas mê-
me qu'ils y eussent assisté. Ceux donc qui
vinrent tiouver l'empereur furent les deux
Eusèbe, Théognis, Patro[)hile, Ursace et Va-
lons; Socrate ajoute Maris de Chalcédoine.
Quand ils furent arrivés à Conslantinople ,
ils virent bi-en qu'ils seraient facilement con-
vaincus de fraude et de mensonge s'ils per-
sistaient dans leurs premières accusations ;
aussi no parlèrent-ils plus ni de calice, ni
d'autel, ni d'Arsène. Ils inventèrent qu'Atha-
nase avait comploté d'empêcher les blés
d'Egypte d'arriver à Constantinople. Lh n'é-
tait pas la question. Constantin , s'il eût été
sage, eût dû examiner d'abord et simple-
ment ce qui avait motivé la décision du con-
cile, quitte à s'occuper après de cette accu-
sation purement civile ou politique. 11 n'en
fut rien. Il était tellement à la discrétion
morale dos accusateurs, que sitôt qu'ils eu-
rent formulé cette accusation, il entra dans
une violente colère , et ne voulut plus rien
écouter en faveur du saint. Mais s'entlam-
mant de plus eu plus, il ouviit alors l'oreille
à toutes fes accusations qu'on porta contre
lui, et |)arles(juelles on n'avait pas osé com-
mencer. Les eusébiens triomphèrent. Cons-
tantin bannit le saint évècpie dans les Cau-
h s , dans la ville de Trêves. Cet événe-
ment eut li(Hi dans In trentième année diî
so'i règne, lin de 335, ou commencement
de :m.
Ici nous trouvons dans les auteurs, dans
sai'it Athanase lui-même , une explication
<pje ukus ne pouvons jias admettre. On pi'é-
tendqui! s. Constantin bannit saint Athanasi»,
(• était une laveur (ju'il lui acuordail, et (pi'il
h; traitait ainsi pour l'ariai-lier ii la rage do
5r)7 AÏH
ses ennemis. Ouc saint Alhannse ait dit cela
dans la g(^iiér()sit(5 de sa charité ehr('li(Mino ,
nous le conecvo'is , pourvu (ju'il ail voulu
(lire (|ue ce fut lit le but qu'attri-^iit la c^ui-
<liiile de Constantin ; mais nous ne pouvons
admettre (pio telle ait élé l'inteidio-i de ce
})rince. S'il eût vu la vérité, il était as;>oz
puisant pour ne pas se laisser o|)pi'im('r par
les cusébic.ns. Onehjm^ tem|)s auparavant il
avait rendu justice à Atlianase, et nialj^rc les
ellorts de ses ennemis , il leur avait refusé
r;t|)pui de sa puissance pour le perdre. D'un
autre côté, comment concilier cela ave(; le
refus que ce prince tit d'écouter Atlianase ,
do prendi e en considération sa défense, et,
surtout , avec la colère si inhéi-ente qu'il
montra contre lui à pro|)os {\o. cf^tte accusa-
tion absurde concernant les blés? Les eusé-
biens , })0ur (ritimplicr entièrement, auraient
voulu faire donner un successeur à saint
Atlianase; mais Constantin s'y refusa obsti-
nément. Il leur défendit avec menaces de
me Ire personne sur le siège d'Alexandiie.
Kien que cette circonstance vient appuyer
entièrement ce que nous disions quel jîies
li nés plus haut, à propos de la |,ossibilité
dans laquelle était Constantin de résister, s'il
l'eût voulu, cl toutes les entreprises des eu-
sébiens contre saint Athanase.
0 and l'illustre exilé fut arrivé dans les
Gai.les, le jeune Constantin Je recula Trê-
ves avec inlinimeit de faveiir et oe distinc-
tion. On aurait di^ qu'il f)rcnait à tâche de
réparer la conduite de son pèr' envers le
saint confesseur : il lui faisait fournir avec
abondance , et surloit avec toutes les pré-
ven.iuces qu'inspire la plus généreuse déli-
catesse , tout ce qui était nécessaire à ses
besoins. Saint Maxiinin, évoque de Trêves ,
ne le céda en rien à Constantin le Jeune pour
la manière dont il reçi.t Athanase, qui eut
aussi la con-olalion d'apprendre dans son
exil, que sonEglised'Alexandrie avait résisté
courageusement aux tentatives d'Arius, et
avait absolument refusé de le recevoir dans
sa communion. Le peuple d'Alexandrie de-
mandait incessamment à l'emperL-ur le re-
tour de son vénérable évoque. Le grand saint
Antoine lui écrivit aussi dans le même but.
Mais rien ne put persuader Constantin, qui
écrivit au peuple d'Alexandrie , le traitant
de fou et de i)rouillon. 11 dit aux ecclésiasti-
ques et aux vierges sacrées de demeurer ea
reiios, qu'il ne peut pas changer de senti-
ment à l'égard d'Athaiiase , qu'il traite de
séditieux, et qu'il dit condamné justement
par le jugement d'un concile. Encore une
fois, Constantin n'avait pas eu l'intention de
bien traiter Athanase et de lui être favora-
ble ; une telle prétention ne se soutient pas.
Nous sommes étonné en tout ceci de voir
dans quelles contradictions flagrantes et ab-
surdes tombent parfois les historiens, même
les plus recommandables. Saint Athanase
resta donc patiemment à Trêves, attendant
le jour de la justice , et environné de res-
pect et d'honneurs, tant par Constantin le
Jeune que par Vèvèque Maxiinin. Aujour-
d'hui la tiadilion de la ville de Trêves est
AtH
S58
que saint Athanase passa sept ans caclié
dans un puits, qu'on montre encore aux vi-
siteurs dans rabbay(îd(! saint Maximin.
Ainsi donc ce saint, si vénérable par sa
sainteté, si grand nar son courage, qui par
ses prières et avec la grAce de Dieu avait dis-
sipé tant (le fois les cabales des hérétiques,
montré la fausseté des accusations odieuses
dont ils le chargeaient, se soumit sans au-
cune hésilalion à l'arrêt du [irince, qui le
condamnait à l'exil dans un [lays étranger.
C'est bien \h h; vrai serviteur de Dieu, fai-
sant son devoir, et no murmurant pas contre
l'injustice des hommes, qui le punissant
])arce qu'il l'a fait. Mais Dieu relève ceux
qui sont abaissés pour son nom; et les tri-
bulations de SOS serviteurs servent au triom-
])he de la foi, dont ils sont les défenseurs.
Plus les langues insolentes et menteuses des
ennemis d'Athanase s'efforcent de le noircir,
plus éclatent la patience admirable et les
autres vertus du saint. Son innocence se
montre jusque dans cette humilité sublime
avec laquelle il accepte l'injuste sentence qui
le condamne. Admirables desseins de Dieul
C'est-la p>'rsécution qui fait qu'Athanase re-
çoit la glorieuse couronne du martyre, qu'il
soutient et fait prévaloir contre tant d'héréti-
ques et de puissants, le dogme de la consub-
stantialilé. C'est grâce à ces combats qu'on
lui livre, qu'il reste vainqueur de la doctrine
dArius, qu'il empêche la foi catholique de
succomber en Orient, et qu'il rend [si illus-
tre le trône épiscopal d'Alexandrie. Aussi,
quand le pape Célestin parle de lui, {Conc.
gêner, editionis Binianse, t. I, p. li>4, 2) et
de ses soutfrances, il le donne comme un
homme viaiment apostolique , et le cite
comme un exemple propie à encourager, à
consoler tous les amis de la vérité. Le saint
pape ajoute que saint Athanase eut à souf-
frir la jirison : cela est contre l'histoire, si
l'on s'en rapporte à la parole textuelle du ré-
cit. 11 faut l'interpréter : saint Athanase soui-
friL le bannissement. Or, encore aujourd'hui,
nous (iisons d'un banni, qu'il a une ville,
un territoire pour prison. Ainsi, l'événement
qui marqua d'une façon si fâcheuse la fin
du règne du grand Constantin, servit merveil-
leusement à grandir Athanase persécuté et,
au fait, à servir la religion catholique qu'il
défendait si vaillamment.
Saint Aihan.;se était depuis un an et quel-
ques mois à Trêves, quand Constantin tOu ba
dans um cruelle maladie, qui le ht mou.ir
le 22 mai 337. Sentant sa lin prochaine, il
voulut s'y préparer en réparant les erreurs
et les fautes qu'il avait pu commettre. Il rap-
pela saint Athanase d'exil, malgré l'opposi-
tion d'Eusèbe de Nicomédie, dans le diocèse
duquel il se mourait, et de qui il venait de re -
cevoir le baptême et les autres sacrements
de l'Eglise. Dans son testament il marqua
expressément le rappel de saint Athanase.
Malgré cela , le saint ne put quitter Trêves
qu'après y avoir passé deux ans et quatre
mois. 11 est très-[)robable que ce fut par le
fait de Constance de qui dépendait l'Orient.
Or cet empereur se laissa immédiatement
559
ATH
ATH
5G0
gagner par les ariens. Ce furent Constantin
le Jeune et C )i?stant qui leiivoyèrent Atha-
na.^e en Orient, en forçait Constance à y con-
sentir. Sai'U Athan.ise fut reçu dans sa ville
(''|)iscopale avec inliuiuient de démonstra-
tions de joie. Un cou[) rétabli, il contribua
puissamment au rappel des autres évèques
Ijaiin.is. En passant par Constantinople Atlia-
nasi' trouva dans cette ville révé(iue Paul,
qui était de retour de l'exil où Co'islanti'i
lavait envoyé. MacéJone, (jui avait été fait
évéïiue à sa place, servait comme prêtre
sous lui, s'étant soumis à son autorité. Le
retour d'Athanase irrita davantage ses enne-
rais , et les porta à de nouvelles entreprises
encore [)lus criminelles ijue les précédentes.
De peur que le sai it n'informât Constance
de tout ce qu'ils avaie-U fait contre lui, Us le
décrièrent dans l'esprit de ce prince et le lui
représentèrent comme un homme taré et
noirci de toutes sortes de crimes. Quoiqu'il
eût été reçu à bras ouvets par le peuple
d'Alexandrie, ils prétendirent que son en-
trée dans cette vill ; n'avait causé que des
séditions, des gémissements et des pleurs.
Ils ajoutaient qu'après son entrée dans
Alexandrie , il avait pillé les églises et
avait ajouté à ce premier crime, les violen-
ces, le meurtre et le carnage. Ils imaginè-
rent encore contre lui une foule d'autres ca-
lomnies , et ils écrivirent aux trois Auguste
pour obtenir ou la mort d'Athanase , ou
au moins un second exil. Mais Constant et
Constantin restèrent fort bien disposés pour
lui. 11 leur avait envo»é du reste des députés
qui prouvèrent parfailemont son innocence.
Pour perdre saint Ath.inase avec plus de
sûreté, ils envoyèrent au pape Jides l'infor-
mation qui avait été fa te dans la Maréote.
Par une providence toute particulière de
Dieu, cette information vint ainsi dans les
mains de saint Athanase , qui, pour se dis-
culper entièrement, envoya, de son côté, des
députés au pape. Ces députés confondirent
tellement leurs adversaires, que ceux-ci, pour
gagner du temps, i)rière'it le pape de connaî-
tre par lui-môme cette alfaire et d'assembler
pour cela un conci e. Le pape acce[)ta cette
j)roposilion, manda à Athanase de le ve-
nir trouver, tout en laissant cependant à
son choix le lieu où se ti(.'ndrail le concile.
Le saint évèque d'Alex.nidrie se rendit im-
médiatement a Rome avec ((uelques solitai-
res. Dix-huit mois entiers, il y resta h atten-
dre iinitilemcnt ses adversaires. Ceux-ci
n'avaient pas pensé (ju'il put se l'ésoudre h y
aller. Aussi, (juand ils surent ([u'il y était,
craignant (|ue leurs impostures fussent aisé-
ment découvertes, ils ne voulurent plus s'y
re-idre, refusant ainsi le jugement cpi'ils
avaietjt eux-mêmes sollicité. Ils ass(îmblô-
rent leur fameux con(;ile d'A'itioch(i , au
connnc'iceirK'nt du l'an '.iï\ , et \h, déclaraiit
qu'un évèque déposé par un «loncile, (jui re-
prendrait de 1 li-mème la place, ik; pouri'ait
jama.s èt/-i; rétabli, ils dé larèrent AthanaNc;
a jamais déelin de son siège. Ils uonnnèreiil
fiour le rcMuplai.or un ceitain (îrégoiri;, (lui
û]j]iaiten<iii a leur se-îe, (pioiqu'il eût été
quasi élevé h Alexandrie, par les soins de
saint Athanase. 11 était Cap|)adocien de nais-
sance. Athanase était venu à Home vers 1;>.
fin de l'au 339. Après y avoir passé le tem|!S
que nous avo-is dit, il jugea h propos d- .^'oi
revenir h Alexandrie. Il y arriva pour les
fêtes de PAijues. Tout s'y passa da; s le plus
grand calme, quand tout à coup Philagre,
préfet d'Egypte , fit afticher des lettres en
forme d'édit, qui annonçaient qu'un nonnné
Grégoire arrivait à Alexandrie, pour y succé-
der à Athanase.
« Tout le monde fut troublé d'u'ie chose
si nouvelle, et dont on n'avait pas en( ore
ouï parler. Le peuple catholique s'assendda
avec plus d'emi)ressement dans les églises,
se plaignant hautement aux autres juges et h
toute la ville, et repiésentant qu'il n'y avait
ni accusation ni plainte contre Athanase de
la part des lidèles, et que c'était un jeu joué
par les ariens; que, quand même Athanase
serait p évenu de quelque crime, il fallait le
juger légitimement, et lui donner un succes-
seur suivant les règles.
« Le préfet Philagre gagne la populace
païenne, les Juifs et les gens déiéglés, par
des promesses qu'il accomplit ensuite. Il
assemble les {)Atres et la jeunesse la plus in-
solente des places publiques, les échauffe et
les envoie par troupes, avec des épées et dci^
bâtons , contre le peuple assemblé daîis les
églises. Ils se jetèrei t dans celle qui portait
le nom de Quirin; ils y mirent le feu et au
baptistère. Des vierges furent dépouillées et
traitées indignement ; et , ne voulant pas
soutfrir, elles furent en péril de leur vie.
Des moines furent foulés aux pieds, et en
moururent; il y en eut de confisqués comme
esclaves, d'autres tués à coups d'épée et de
bâton, d'autres blessés ou battus. Les saints
mystères furent emportés et jetés à terre
par des païens, qui sacrifièrent sur la sainte
table des oiseaux et des pommes de pin, en
louant leurs idoles et blasphémant contre
Jésus-Christ; ils brûlèrent les livres sacrés
qu'ils trouvèrent dans l'église. Les Juifs et
les païens entrèrent dans le baptistère, et,
s'étant mis tout nus, y firent et y dirent dy
telles infamies, que la pudeur ne permet [)as
de les raconter. Quelques impies, imitant la
persécution , prenaient des vierges et des
femmes qui gardaient la continence , les
traînaient pour les contraindre h blaspliém'r
et à renier le Seigneur; et, comme elles le
refusaient, ils les fra|)|)aient et les foulaient
aux pieds. L'église fut abandonnée en |)roie :
les uns enlevaient ce qu'ils tro. valent de-
vant eux, d'autres |)artageai('nt les i.épôts de
qu hpu'S particuliers. Il y avait (pianlité de
vin : ils le burent, le ré()an(lirent ou l't'm-
noitèrenl; ils [)illèrent l'huil-', ils enlevèrcit
les j)orles et les balustres, ils miicnt les
iam|)es à terre contre les murailles, ils ;dlu-
mèrent les cierges de l'église en riioniieijii"
de leurs idoles. Oi prenait îles prêtres et dt s
laiipu's, on menait des vierges i évoilées de-
vaiu le tribun 1 du gouverneur, et on \cs
mettait en prison ; d'aulres élai(Mil vendus
comme esclaves, d'autres fouettés. Ou ôlait
dans le carc'^mo et
Le vendredi saint,
église avec le gou-
S6I ' AT«
le pain aux ministres de l'Eglise et aux
vierges.
I « Tout cela se passait
vers la f(Me de PAques.
Grégoire entra dans une
verneur et des païens; et, voyant lliorreur
que les peuples avaient de son entrée vio-
lente, il obligea le gouverneur à faire fouet-
ter publiquement et mettre en prison trenie-
quatre personnes, tant vierges que femmes
mariées et hommes de condition. Une de ces
vierges, entre autres, fut fouettée, ten.int en-
core entre ses mains le psautier, qui fut dé-
chiré par les bourreaux. Ils voulurent en
faire (le même dans une autre église , où
saint Athanase logeait le plus ordinairement
pendant ces jours-là, afin de le prendre et de
s'en défaire. Mais, se voyant découverl, et
craignant que Ton ne commît dans celte
église les mêmes excès que dans les autres,
il se déroba à son peuple avant que Grégoire
fût arrivé, et s'embarqua pour aller à Home,
voulant assister au concile qui s'y devait te-
nir. Grégoire n'épargna pas môme la fête de
Pâques, et fit emprisonner plusieurs catholi-
ques en ce saint jour. 11 s'empara de toutes
les églises , en sorte que le peuple et le
clergé catholique étaient réduits à n'y point
entrer, ou à communiquer avec les ariens.
« Grégoire ne voulait pas même souffrir
que les catholiques priassent dans leurs mai-
sons; il les dénonçait au gouverneur, et il
observait les ministres sacrés avec une telle
rigueur, que plusieurs particuliers qui se
trouvaient en danger ne pouvaient recevoir
le baptême, et les malades étaient privés de
consolation, ce qui leur était plus amer que
la maladie ; mais ils aimaient mieux s'en
passer que de recevoir la main des ariens
sur leurs têtes. De peur que ces violences
ne fussent connues, Grégoire fit donner des
ordres pressants aux maîtres des vaisseaux,
et même aux passagers , de ne point parler
contre lui, et au contraire de se charger de
ses lettres. Quelques-uns le refusèrent , et
souffrirent pour ce sujet la prison, les fers
et les tourments. Il fit aussi écrire par le
gouverneur un décret adressé à l'empereur,
comme au nom du peuple, contre saint Atha-
nase, le chargeant de telles calomnies, qu'il
y avait de quoi le condamner, non-seulement
à l'exil, mais à la mort. Ce décret fut souscrit
par des païens et des gardiens d'idoies, et
par les ariens avec eux.
« Cependant les eusébiens écrivirent à
Philagre , afin qu'il accompagnât Grégoire
dans une visite par toute l'Egypte. On fouet-
tait des évoques et on les mettait aux fers.
Sarapammon, évêque et confesseur, fut banni ;
Polammon , aussi évêque et confesseur, qui
avait perdu un oeil dans la persécution , fut
frappé sur le cou jusqu'à ce qu'on le crût
mort. A peine put-on le faire revenir au
bout de quelques heures, à force de remède;
mais il mourut peu de temps après, avec la
gloire d'un double martyre. C'est le même
Potammon, évêque d'Héraclée, qui avait as-
sisté au concile de Nicée et depuis à celui de
Tyr. L'Eglise honore sa mémoire le dix-
DiCTioNN. DES Persécutions. L
ATH
562
huitième de mai. Il y eut plusieurs autres
évêqucs battus et plusieurs solitaires fusti-
gés ; et, pendant ces exécutions, Grégoire
était assis avec un officier nommé Balacius,
qui portait le titre de duc. Après cela il in
vitait tout le monde à communiquer avec lui^
ne voyant pas la contradiction de les faire
maltraiter comme des méchants, et de leur
offrir sa communion comme à des saints. Il
persécuta la tante de saint Athanase, jusqu'à
ne permettre pas qu'f»n l'enterrât quand elle
fut morte; et elle fût demeurée sans sépul-
ture, si ceux qui l'avaient retirée ne l'eus-
sent portée en terre conmie leur apparte-
nant. Il ôla l'aumône que l'on donnait à des
pauvres enfermés, faisant casser les vais-
seaux dans lesquels on leur portail du vin et
de l'huile. Voilà une partie des violences do
Grégoire. ^> (Fleury, vol. 1", p. Wl.)
Une chose manquait à la rage des ariens,
c'était la mort de saint Atlianase. Ils l'eus-
sent tué s'il n'eût évité leur dessein en se
retirant. Il vmt droit à Rome où devait s'as-
sembler un concile pour juger sa cause. Les
lettres des eusébiens portaient de le cher-
cher partout, lui et les prêtres qui lui étaient
attachés, et de leur trancher la tête. Les
violences de Grégoire et du préfet Philagre
mirent les ariens en possession de toutes
les églises. Le peuple d'Alexandrie refusait
de communiquer avec l'évèque hérétique.
Aussi celui-ci dans sa colère faisait-il tour-
menter cruellement ceux qui refusaient
d'entrer en communion avec lui. Il faisait
donner la question aux uns , il faisait en-
chaîner les autres, et les faisait jeter en
prison. Il persécuta tellement tous les amis
d'Athanase, que tous furent obligés de quit-
ter la ville et la contrée. Il écrivit à Cons-
tance des lettres où il accu-^ait le saint des
crimes les f)lus affreux. Quant à saint Atha-
nase, comme il était possible que les évo-
ques se laissassent tromper par les lettres
que Grégoire envoyait de tous côtés, il se
hâta de prévenir ce malheur en écrivant
sa Lettre aux orthodoxes. Dans cette lettre
il explique la conduite qu'il a tenue et les
violences dont son Eglise et lui ont été vic-
times. H'autres évêques d'Egypte écrivirent
aussi dans le même sens. Pendant qu'Alha-
nase était à Rome, attendant que le con-
cile s'assemblât, Grégoire parcourait l'Egypte
et y commettait les plus indignes violences.
Le concile de Rome, composé de 50 évêques ,
reconnut pleinement l'innocence d'Aihanase.
Le saint attendait depuis trois ans, dans la
capitale du monde chrétien, que Dieu prît
sa défense et suscitât des jours de déli-
vrance pour son troupeau si malheureux,
quand il reçut une lettre de Constant, qui
lui mandait de le venir trouver à Milan. Ce
prince avait écrit à sor. frère une lettre pour
qu'on assemblât un concile qui eût autorité
pour finir la cause d'Athanase ; il y avait été
engagé par plusieurs évêques et par ie pape
iules. A la suite des démarches que fit Cons-
tant, on assembla le concile de Sardiqae l'an
3i7. L'Italie, l'Espagne, les Gaules, l'Afri-
que , la Panaonie , la Dacie , la Thrace , la
là
563
ATH
ATH
m
Macédoine, la Thessalie, la Phrygie, l'A-
chaie, la Crète, la Cappadote, la Galatie, la
Ciiicie, la Syrie, la Mésopotamie, la Phéni-
cie, la Palesiinc, l'Arabie, la Thébaïde, l'E-
gvple, furent les provinces qui fournirent le
plus grand nombre d'évèques à ce concile.
Ils y étaient en tout cent soixante-dix; cent
d'Occident, le reste d'Orient.
« Les eusébiens croyaient, à leur ordi-
naire, dominer dans le concile par l'autorité
séculière, et cette espérance les y faisait
venir avec un grand em|)ressement.
« Mais quand ils virent que les Occiden-
taux n'avaient à leur tôte qu Osius, et que
ce concile serait un jugement purement ec-
clésiastique, sans assistance de comte ni de
soldats, ils furent surpris et troublés par les
remords de leur conscience. Ils s'étaient
inia-^iné que saint Atiianase et les autres
accusés n'oseraient pas même se présenter;
cependant, ils les voyaient comparaître har-
diment. Ils voyaient qu'il était venu contre
eux-pnêmes des accusateurs de diverses Egli-
ses, avic les preuves en main; que quel-
ques-uns de ceux qu'ils avaient fait bannir
se représentaient avec les chaînes dont on
les avait chargés ; que des évêques venaient
parler pour d'autres qui étaient encore exi-
lés ; que des parents et des amis de ceux
qu'ils avaient fait mourir se présentaient ;
que d'autres évêques racontaient comment
par des calomnies ils avaient mis leur vie
en péril, et avaient fait elfectivement périr
de leurs confjères, entre autres l'évèque
Théodule, qui était mort dans sa fuite. Quel-
ques-uns montraient les coups d'épée
qu'ils avaient leçus ; d'autres se plaignaient
de la faim qu'on leur avait fait soutlrir.
Ce n'étaient pas seulement des particuliers,
mais des églises entières dont les députés
représentaient les violences des soldats et de
la populace, les menaces des juges, les sup-
positions des lettres fausses, les vierges dé-
jouillées, les ministres sacrés emprisomiés,
les églises brûlées, et tout cela pour con-
ti-aindre les calho'iques à communiquer
avec les ariens. Les eusébiens voyaient en-
core que deux évoques orientaux, Arius
ou Macaire d'Arabie, et Astérius de Pales-
tine, ayant fait le voyage avec eux, les
avaient quittés |)Our se joindre aux Occi-
denl.'uix, à qui ils avaient découvert leurs
fouiberies et leurs alarmes.
« Voyant tout cela, ils résolurent de ve-
nir à Sardique [)Our témoigner de la con-
tiance en leur cause; mais y étant arrivés,
ils se renfermèrent dans lu palais où ils
étaient logés, et se dirent les uns aux au-
tres: Nous sommes venus pour une chose,
et nous en voyons une autie ; nous avons
amené des coiutes, et le jugement se l'ait
bans eux: nous serons assurément i ondaïu-
nés. Vous savez tous quels sont les ordres
lies ein[)ereurs: Atiianase aies procédures
dii 1.1 Maréote, qui ne serviront (ju'à le jus-
tilier et à nous couvrir de cordusion. A quoi
Jonc nous ariAlons-nous? inventons des
prétextes cl nous retirons : il vaut niif^ux
.fuir, quelque Ijoute qu'il y ait, que d'être
convaincus et jugés calomniateurs. Si noo^
fuyons nous pouvons encore soutenir notre
parti; s'ils nous condamnent en notre ab-
sence, nous avons la protection de l'empe-
reur, qui ne nous laissera pas chasser de
nos églises. Telles étaient les pensées des
eusébiens. Osius et les autres évoques leur
parlaient souvent, relevant la conliance de
saint Atiianase et des autres accusés. Si vous
craignez le jugement, disaient-ils, pourquoi
êtes-vous venus? Il fallait ne pas venir, ou
ne pas reculer ensuite. Voilà Atlinnase et
ceux que vous accusiez en leur absence :
ils se présentent, afin que vous puissiez les
convaincre, si vous avez de quoi le faire.
Si vous ea faites semblant sans le pouvoir,
vous êtes des calomniateurs manifestes ;
et c'est le jugement que le concile portera
de vous.
«Les Pères du concile représentèrent sou-
vent tout cela aux Orientaux de vive voix
et par écrit ; mais le prétexte qu'ils prirent
d'abord, pour ne pas se joindre à eux, fut
qu'ils communiquaient avec Athanasc, Mar-
cel et les autres accusés; qu'ils étaient assis
et conféraient avec eux dans l'église, oij appa-
remmentse tenait le concile, suivant la coutu-
me et qu'ils célél)iaient avec eux les divins
myslères. Ils demandaient que les Occiden-
taux commençassent par les séparer de leur
Communion. Ceux-ci soutenaient que cela
n'était ni conven.ible ni possib'e, puisque
Athanase avait pour lui le jugement (iu pape
Jules, rendu avec grande connaissance de
cause, et le témoignage de quatre-vingts
évêques. Les Orientaux prétendaient qu'A-
thanase, Marcel et les autres dont ils se plai-
gnaient, étaient jugés par les conciles, con-
tre lesquel on ne pouvait plus revenir:
d'autant moins que ia plupart des témoins,
des juges et des autres personnes néces-
saires ne vivaient plus. On leur répondait
que le concile de Sardique était assemblé
pour examiner ces prétendus jugements;
qu'Athanase se présentait pour être jugé,
au lieu qu'on l'avait condamné absent, et
que les procédures faites contre lui étaient
rapportées.
«Les Orientaux se réduisirent à dire:
Puisque de six évêques qui ont fait l'infor-
mation dans la Maréole, il y en a encore
cinq de vivants : (|ue l'on envoie de chaque
coté quelques évêques sur les lieux où
Albanâse a commis les crimes; s'ils se
trouvent taux, nous serons condamnés et
non rt-cevaliles à nous plaindre, ni a;ix em-
pereurs, ni au concile, ni à aucun évè(]ue;
s'ils se trouvent vrais, vous serez condamnés
et non recevablcs, vous qui avez comiinnii
que avec Athanase depuis sa coiiilam-
nalion. Mais les Occidentaux refusèrent
celte piopusition, qui ne l(!ndait .ju'ù éluder
le jugement, ol à niulîi|)lier les proeéd.ires
inuliies, outre que (iiégoire, étant Iiî
iiiiitre vu l'Egypte, les eusébiens y eussent
fait VA', qu'ils auraient voulu. Comme ils
ét.ieiil venus trouver (Vsus dans Tég'lisn
où il demeurait, il i<>s invita à ni'ojioser e?
qu'ils avaient h dire contre Atiianase, U'S
56:i ATH
exhortant à par'or hanliinont, et les assurant
qu'ils ne (Icvaieut atlo-iJrc qu"w) ju^ç-ukmU /
tros-i>(iirtablc.llloH;un('ot(!c'ixtois,;'jouiant'
que s'ils no vou'.aie it pas p.irlor dovatit tout
10 conrile, ils s'oxiiliquassu'it du moins h
lui s^îil. Je vous promots, disaii-il, quo si
Aîlianasc s ' trouve coupa!)le, nous le rojct-
to.ons absolunu'iit, et quand m^me il se
trouverait innocent et vous convaincrait de
caloin:iies : si vous ne pouvez vou-j résoudre
à le receroir, je nie lais fort de l'eaniioner
en Espagne avec moi. Saint Alhanase con-
sentait à cette proposition; mais ses enno-
Eiis so d(Miaient tant de leur cause, qu'ils
la refusèrent comme les autres.
« Le concile était d'ailleuis bien informé
do leur mauvaise volonté p:\rMacaire etAsté-
rius, qui les avaient quittés a[)rés être venus
d'Orient avec eux. Ces deux évoques ra-
contaient que pendant tout le voyage les
eusébions faisaient en certains lieux dos
assemblées, où ils avaient résolu que, quand
ils seraient arrivés à Sardiquc,ils ne se sou-
mettraient à aucun jugement, et ne s'assem-
bleraient pas même avec le concile, mais
qu'ayant si-^nifié leur présence par une pro-
testation , ils se retireraient prompteaient.
En effet, étant arrivés, ils ne permirent point
à ceux qui étaient venus d'Orient avec eux
d'entrer dnn=? le concile, ni môme d'appro-
cher de l'église où i! se tenait. Car il y
avait plusieurs évêquos orieiUaux attachés
h la saine doctrine, qui voulaient se séparer
d'eux, et qu'ils retenaient par menaces et
par promesses. C'est ce que témoignaient
Macaire et Astérius , se plaignant de la vio-
lence ([u'ils avaient eux-mêmes souiferte.
« Les eusébions ne pouvant plus reculer,
et le jour marqué pour le jugement étant
expiré, ils dirent c^u'ils étaient obligés de se
retirer parce que l'empereur leur avait écrit
pour célébrer sa victoire sur les Perses ; et
ils n'eurent point de honte d'envoyer une
telle excuse par Eustathe, prêtre de l'église
de Sardique. Le concile, ne pouvant plus
douter de leur mauvaise intention, leur écri-
vit nettement : Ou venez vous défendre des
accusations dont vous êtes chargés, particu-
lièrement des calomnies, ou sachez que le
concile vous condamnera comme coupables,
et déclarera ceux qui sont avec Aihanase
Innocents et exempts de tout rep>roclie. Leur
conscience les pressa plus que cette lettre ;
ils s'enfuirent en diligence et se retirèrent
à Phili[)popolis en Thrace.
« On traita l'alfaire de saint Athanase , et,
quoi({ue la faite de ses adversaires le justi-
fi tassez, on examina de nouveau leurs
accusations, autant qu'on le pouvait en leur
absence. Quant au meurtre d'Arsène , la
calomnie était évidente et grossière, puis-
qu'il vivait, comme tout le monde savait, et
qu'il se montrait lui-même. Quant au calice
brisé chez Ischyras , les propres informa-
tions faites par les adversaires dans la Ma-
réôtb détruisaient leur prétention ; d'ail-
leurs, deux prêtres, autr'^ibis méléciens, et
depuis reçus par saint Alexandre, rendaient
fétaoignagé que jamais Ischyras n'avait été
ATH bW»
prêtre, même du temps de Mélèce. Anisi,
on leconnut la jur.tico du jugement rendu h
l{ome par le |)a|)e Jules o i faveur d'Atha-
naso , et la véiité du ténioignage que lui
rendaient les quatre-vingts évêqu(!s d'Egypte.
Sa cause se trouva sans aucune difiiculté, et
t();isles évêqaesle reconnurent iiinocont, et
le conlii'mèi'ont dans la connnunion de l'E-
glise. llsdé.;larèrcnt encore innocents qu.itre
prêtres d'Alexandrie , que les euséoiens
avaient perséL-ulés et obligés à fuir pour
éviter la mort, savoir, AphPione, Athanase,
fils de Capiton, Paul et Plntion. Leurs noms,
hormis celui de Paul , se trouvent dans la
protestation contre l'information de la Ma-
réote : ce qui montre leur attachement à saint
Athanase.
« Le concile examina la cause de Marcel
d'Ancyre. Et connue les eusébions renfer-
maient leur accusation dans son écrit contre
Astérius, qu'ils prétendaient être piein d'hé-
résies, le concile fit lire cet écrit, et trouva
qu'il n'avançait que par manière de ques-
tions ce que l'on prétondait qu'il eût sou-
tenu. En lisant ce qui précédait et ce qui
suivait , on voyait qu'il était orthodoxe ;
car il né disait point, comme ils préten-
daient, que le Verbe de Dieu eût pris son
commencement de la sainte Vierge Marie,
ni que son règne dût finir , mais que son
règne était sans commencement et sans fin.
Ainsi le concile le déclara innocent. Asclé-
pas de Gaze rapporta les nrocédures faites à
Antioche en présence de ses accusateurs et
d'Eusèbedè Césarée ; et son innocence parut
par les avis de ceux qui l'avaient jugé dans
le même concile qui déposa sur des calom-
nies saint Eustathe, évêque d'Antioche. Les
Pères du concile de Sardi(|ue jugèrent donc
Asclépas pleinement justifié.
« Ils vinrent ensuite à la troisième qu6î>-
tion qu'ils avaient à juger, et qui sans doute
était la plus considérab.e, savoir, les plaintes
formées de 'outes parts contre les eusé-
bions. La plus capitale était colle que le
pape Jules avait déjà si bien relevée dans
sa letire , qu'ils communiquaient avec les
ariens condamnés au concile de Nicée , et
notés en particulier ; et que non-seulement
ils les avaient reçus dans l'église, mais en-
core qu'ils avaient élevé les diacres au sa-
cerdoce et les prêtres à l'épiscopat. On voyait
partout leur dessein d'établir cette hérésie ;
car toutes lés violences qu'ils avaient com-
mises à Alexandrie et ailleurs n'étaient que
contre ceux qui refasaiont de communiquer
avec les ariens. Ils furent convaincus de ca-
lomnie par la justification de ceux qu'ils
avaient voulu perdre. Théognis en particu-
lier fut convaincu d'avoir fabriqué de fausses
lettres contre Athanase, Marcel et Asclépas ,
afin d'irriter les empereurs contre eux : les
lelires furent lues dans le concile , et ceux
qui avaienl été alors diacres de Théognis
en montrèrent la fausseté. On prouva que
Valons avait ydalu quiîté^.son é-;lise de
îîi'urse V'^ii: usài-per celle d'Aquiléo, boau-
çotip plus considérable , el que dans la sé-
dition excitée h. cette occasion, un évégue ,
^01
ATH
A,TH
508
uominé Viator, avait été tellement pressé et
foulé aux pieds, qu'il en était mort le troi-
sième jour h Aquiléc même,
« Le concile prononça donc une condam-
nation contre les chefs °de cette faction, que
rEj;lise avait tolérés jusque-là, savoir : Théo-
dore d'Héraclée; Narcisse de Néroniade;
Etienne d'Antioche ; George de Laodicée ;
Acace de Césarée en Palestine ; Ménophante
J'Ephèse ; Ursace de Singidon ; et Valens de
Murse. Ces huit furent déposés et excommu-
niés, c'est-à-dire privés non-seulement de
l'épiscopat, mais de la communion des fidè-
les. On traita-de même les trois usurpateurs
des sièges de saint Anathase, de Marcel et
d'Asjléjjas, c'est-à-dire Grégoire d'Alexan-
drie , Basile d'Ancjre et Quintien de Gage.
On défendit de les reconnaître pour évoques,
d'avoir aucune communication avec eux, de
recevoir leurs lettres et de leur écrire. »
( Fleury, vol. I , p. 508. )
Si l'autorité civile ne s'était pas mêlée des
affaires ecclésiastiques, immédiatement après
5a justiticalion devant le concile de Sardi-
que, saint Alhanase n'aurait eu qu'à retour-
ner gouverner paisiblement son Eglise; mais
malheureusement il n'en était pas ainsi. Les
princes à cette époque se mêlaient beaucoup
trop des affaires de l'Eglise. Aussitôt que les
«usébiens, qui s'étaient enfuis de Sardique,
furent rentrés sur les terres de Constance,
ils s'assemblèrent dans la Thrace à Philip-
popolis et écrivirent une lettre qu'ils datèrent
de Sardique , non-seulement contre saint
Athanas ' et ses adhérents, mais encore con-
tre tous ceux qui avaient défendu son inno-
cence. Cette lettre était remplie d'injures.
Ils y poussaient l'audace jusqu'à excommu-
nier le pa.ie Jules, Osius et plusieurs autres.
Us firent bannir plusieurs membres du clergé
d'Alexandrie, demeurés fidèles à saint Atha-
nase. Comme ils craignaient que le saint et
les autres évoques justifiés par le concile de
Sardique ne voulussent rentrer dans leurs
villes, ils en firent garder l'entrée par ordre
de Constance. Les magistrats furent préve-
nus que si Alhanase ou quelqu'un des siens
voulait rentrer dans Alexandrie, ils eussent
à 1 ;Ui' faire, sans autre forme de procès, tran-
cîier la tête. Ceci se passait au commence-
ment de SïS. Saint Athanase, jugeant qu'il
était impossible qu'il retournât dans son
Eglise, se retira d'abord à Naisse, ville de la
Dace supérieure. Mais bienlùt il y reçut de
Constant des lettres qui l'obligèrent à le ve-
nir trouver à Aquilée, où il demeura jusqu'à
ce que Constance le rappelât en Orient en
.'i'vO. Le coucile de Sardi(|ue, qui avait or-
donné le iTlablisseu)ent des évê({ues chassés
par les eusébiens, avait aussi député à Cons-
tance pour l'engager à permettre qu'on e\é-
cutiH li-'s décrets <pi'il avait rendus. Vincent,
évê.pie de Ca[toue , liupliratc de Cologne ,
métropole de la G.iule supérieure, avaient
été c'io sis pour déjjutés. (ajustant, (jue le
concil • d»- S.irdi(ju(! avait éclairé à la fois sur
la faiblesse de son frèn; à soulfrir le mal, et
la méchanceté de ceux (}ui h; lui faisaient
comniettre, autorisa les mêmes évêqucs en
qualité de ses députés près de Constance. Il
leur adjoignit le général Salien. Ces députés
avaient ordre d'exprimer à Constance tout
l'étonnement qu'il éprouvait de le voir la
victime et en même temps le complice des
eusébiens. Il le faisait supplier de croire ce
qu'on lui dirait de la méchanceté de ces hé-
rétiques, et ensuite il le menaçait, s'il ne
l'écoutait , d'aller lui-même à" Alexandrie
pour y rétablir saint Athanase sur son
siège.
Cette lettre de Constant mit l'empereur
d'Orient dans un immense embarras; attaché
de cœur aux eusébiens, il n'aurait pas vou-
lu céder. D'un autre côté, engagé dans la
guerre contre les Perses, il n'osait pas se
donner l'obstacle d'une guerre civile à faire.
Il assembla les évêques ses partisans et leur
exposa ce qui se passait. D'après leur avis,
dicté p^r la crainte d'une guerre, il décida le
rappel des évêques rétablis par le concile de
Sardique.
Constance écrivit donc d'après cela aux
évêques bannis et principalement à Atha-
nase, pour les inviter à rentrer dans leurs
villes épiscopales. Athanase, craignant la mé-
chanceté de ses ennemis, ne rentra à Alexan-
drie que l'année suivante 349. Sur ces entre-
faites, Grégoire, faux évêque d'Alexandrie,
mourut, ainsi que le duc Balac. Ils furent
frappés de la main de Dieu. Nous avons en-
core les lettres que Constance écrivit à saint
Athanase, pour l'engager à revenir. Après
un an d'attente, après avoir reçu plusieurs
lettres de Constance, Athanase résolut de
revenir en Orient. Il partit d'Aquilée avec
ceux qui avaient été les compagnons de son
exil. Cependant il voulut encore visiter les
Gaules qui l'avaient si bien accueilli , et
Rome pour y voir le chef de l'Eglise catholi-
que. Le pape Jules lui remit une lettre pour
le peuple et le clergé d'Alexandrie. EnUn il
vint à Antioche où était Constance. Il fut
très-bien reçu par ce prince, qui lui promit
de ne plus écouter les calomnies que ses
ennemis pourraient faire contre lui , et fit
déchirer tous les actes publics dans lesquels
il était question de ces malheureuses affaires.
Croyant Jui susciter un embarras sérieux,
les eusébiens représentèrent à Constance que
comme il y avait à Alexandrie uu assez
grand nombre de personnes de leur commu-
nion , il était juste de leur accorder une
église. Constance en ayant pailé à Athanase,
le saint ré[)ondit qu'il trouvait (X'ttedemando
très-juste, t.'t ({ue cette mesure devait être
appliquée à toutes les villes où il y avait
des chrétiens de communions dilTérentes;
qu'ainsi donc les ariens eussent à donner
aussi une église aux catholiques dans toutes
les villes où ils dominaient. Constance trouva
cette demande parfaitement convenable, et
en référa aux eusébiens, qui déclarèrent
préférer n'avoir pas d'église dans la ville
d'Alexandrie, que d'être obligés d'en accor-
der dans les leurs aux calholiques. Cons-
tance i-endit en outre plusieurs rescrits en
f.iveur du saint et des ordonnances qui ré-
tablissaient dans leurs immunités tous les
509
ATH
ATH
37i>
ecclésiastiques qui avaient été cHassés.
Après avoir quitté Antioche, le saint, sur
son passage en retournant en Kgypte, reçut
des témoignages d'estime et de respect de ia
plupart des évéques dans les diocèses (les-
quels il passait. Ceux qui avaient contribué
à sa condamnation élaient couverts de honte
et de confusion. Plusieurs se cachèrent.
Après avoir traversé la Syrie, le saint évoque
vint dans la Palestine, 6ù les évoques ca-
tholiques le reçurent à bras ouverts, et oiï
la plupart de ses ennemis vinrent lui de-
mander pardon de leur conduite. Saint Ma-
xime assembla un concile, dans lequel ces
évoques déclarèrent qu'ils avaient signé la
condamnation d'Athanase, non pas volontai-
rement, mais par contrainte. Une lettre fut
écrite à la chrétienté, constatant parfaite-
ment toutes ces choses. Dans sa ville, le
saint .évêque fut reçu avec une joie extraor-
dinaire. Le peuple se pressait do toutes parts
au-devant de lui. On l'aurait, s'il l'eût soulfert,
porté en triomphe. Son retour consola bien
des affligés, mit fin à bien des maux, à bien
des troubles , car cette ville malheureuse
avait été torturée, déchirée par Grégoire, ce
tigre qui, sous le titre d'évêque, était l'assas-
sin, le bourreau du peuple d'Alexandrie.
Ce fut quelque temps après ce retour que
les deux évêques Ursace et Valens revinrent
à la communion catholique, en anathémati-
sant Arius et ses adhérents , et en avouant
toute la faute qu'ils avaient commise à l'é-
gard de saint Athanase. Le pape Jules les re-
çut à la communion, quoiqu'il sût bien
que chez ces deux hommes la sincérité n'é-
tait pas au fond du cœur; mais il estima de-
voir en les recevant affaiblir le parti des
ariens, et donner ainsi une éclatante confir-
mation à tout ce qui s'était fait au concile de
Sardique. Dans l'année 350 , une conspira-
tion ayant mis fin aux jours de Constant,
Constance vit s'augmenter ses embarras, et
dès lors il se mêla moins des affaires de l'E-
glise. Les ariens, jugeant la circonstance fa-
vorable, recommencèrent leurs manœuvres,
leurs calomnies contre saint Athanase. Mais
Constance, loin de les écouter, voulut rassu-
rer lui-même le saint évêque. Il envoya pour
cela un ordre exprès à Félicissime, duc d'E-
gypte, età Nestor, gouverneur de la province,
f»our empêcher qu'aucun ne pût tourmenter
e saint évêque. 11 lui écrivit à lui-même
pour l'assurer des bonnes dispositions dans
lesquelles il resterait à son sujet.
L'amitié des princes est changeante; Atha-
nase en eut la preuve. Les bonnes disposi-
tions de Constance ne furent pas de longue
durée. Les eusébiens pressèrent ce prince de
renouveler la persécution contre Athanase,
l'accusant entre autres choses d'avoir écrit
et parlé de lui à son frère en fort mauvais
termes Malgré cela , Constance, embarrassé
dans sa guerre contre Magnence, ne donna
aucune suite aux mauvais desseins qu'il
avait contre Athanase. Ses ennemis ne se
lassèrent pas; ils écrivirent au pape Libère,
successeur de Jules, renouvelant toutes les
calomnies dont le saint avait déjà été l'objet.
Ce pape ôcrïvit à Athanase pour le mander à
Rome, lui disant que, s'il ne s'y rendait pas,
il le séparerait de la connnunion des fidèles.
Athanase, craignant pour sa vie, ou pour
toute autre raison, refusa de sortir d'Alexan-
drie. Alors Libère écrivit aux Oiiculaux une
lettre dans laquelle il accuse l'orlenient le
saint évoque et le déclare séparé de la com-
munion catholique. Alors saint Athanase
assembla un concile; soixante-quinze oui
quatre-vingts évêques qui s'y trouvèrent
écrivirent au pape pour le prier de ne pas
maintenir sa décision contre leur primat.
Cette lettre fut lue par Libère devant tout
son clergé, et comme il vit que lopins grand
nombre des Occidentaux défendait saint
Athanase, il ne persista pas à l'accuser; ùil
contraire , il se désista de sa première dé-
cision , reconnaissant qu'on l'avait trompé
et qu'il avait agi d'une façon trop, préci-
pitée.
Dans l'année 353, Athanase eut à déjoucar
une nouvelle machination des ariens. Cons-
tance était en Italie, occupé de la guerre
qu'il faisait à Magnence, quand, ayant reçu
une fausse demande d'Athanase de le venir
trouver, il lui écrivit pour le lui permettre,
donnant même tous les ordres nécessaires
pour ce voyage. Le saint fut fort étonné de-
recevoir une permission qu'il n'avait pas de-
mandée. Il vit là un piège tendu par ses en-
nemis. Cependant il se décida à ne pas par-
tir de sa ville. Il dit aux envoyés qu'il res-
tait, puisque l'empereur ne lui commandait
pas d'aller, mais se bornait à le lui permet-
tre ; que cette permission étant accordée sur
une fausse demande, il ne se croyait pas lo
droit de quitter son troupeau et d'abuser
ainsi de la bonne foi de l'empereur dans
cette atfaire. Il ajouta que du reste il était
aux ordres de l'empereur, prêt à partir à la
moindre injonction de sa part. Ceux qui
avaient écrit on son nom à Constance pour
solliciter cette permission , écrivirent aussi
une lettre adressée à Magnence, et la remi-
rent à Constance. Quand saint Athanase le
sut, il en fut tellement peiné, qu'il passait
les nuits sans dormir; il disputait et discu-
tait contre ses accusateurs absents. Il était
vraiment comme halluciné, tant ladouleurde
cette accusation le frappait vivement. On ne
peut s'empêcher d'être surpris qu'un homme
d'un si grand mérite, et de la trempe d'es-
prit d'Athanase, se laissât aller à de sembla-
liles manifestations. Peut-être que son es-
prit momentanément frappé était vraiment
malade. Toujours est-il que saint Athanase
demandait avec gémissements et avec lar-
mes l'occasion de se justifier. Il supplia
Constance de vouloir bien édaircir à fond
cette atlaire, et d'interroger tous ceux qui
écrivaient sous lui, pour découvrir le véri-
table auteur de cette infamie. Los ariens
n'eurent garde de le souffrir.
Telles étaient les infamies à l'aide des-
quelles on parvenait à faire dans l'esprit du
prince des plaies profondes, saignantes, qui
laissaient toujours des cicatrices visibles.
Peu à peu l'irritation s'accumulait, et enfin
371 AIH
elle éclata en l'an 356. Constance manda le
saint à la cour. Suivant Sozomène, Athanase,
voyant qu'on le desservait sans cesse dans
l'esprit de l'empereur, avait envoyé près de
lui cinq évoques, parmi lesquels Séra})ion de
Thmuis, afin de l'adoucir et de faire que la
vérité prît dans sa conscience la place de
l'erreur et de la calomnie. On ne sait pas
d'une façon bien sûre quel fut le résultat de
cetteambassadc. Les ariens ne se fatiguaient
pas. Leur but était de faire sortir Athanase
d'Aleïa-idiie. Nous les avons vus l'essayer à
l'aide d'une lettre supposée , puis à l'aide
des calomnies de toutes sortes répandues
contre lui, ils le tentèrent en supposant des
ordres formels de l'empereur. DiOjjène et
Hilaire, tous deux secrétaires du prince à
Alexandrie, se présentèrent au palais épisco-
pal pour faire sortir Athanase d'Alexandrie.
Mais le saint s'y refusa positivement, et dit
qu'il ne le ferait que sur la production des
ordres écrits de Constance. Dans l'impossi-
bilité de les produire, puisqu'ils étaient sup-
posés, les auteurs de celte odieuse tentative
durent se retirer avec la honte de l'insuc-
cès. Du reste le peuple alexandrin, ([ue tant
de persécutions exaspéraient, avait '})ris les
armes et se préparait h défendre son saint
évêque. On fit alors venir les légions pour
exécuter par la force ce qu'on n'avait pu ob-
tenir autrement. Ce fut le duc Syrien qui se
chargea de cette expédition. 11 se présenta à
Athanase, qui lui demanda aussi à lui s'il
avait à lui montrer des ordres de l'empereur.
« Je suis ici, lui dit-il, par l'ordre formel du
monarque; je n'en sortirai que sur un ordre
formel de sa part. Du moins, ajouta-l-il, à
défaut de l'ordre formol de l'empereur, pour
que ma responsabilité soit couverte, écrivez-
moi, vous ou Maxime, préfet d'Egypte, l'or-
dre positif de sortir d'Alexandrie. » Le peu-
ple tout entier se joignit au saint évèquo
pour faire la môme demande. Syrien, n'ayant
pas d'ordres à produire, et peu soucieux
d'en écrire un de. son autorité privée, dit
qu'il écrirait de tout ceci h l'empereur. On
demeura donc de part et d'autre tranquille
sur cette assurance. Mais vingt-trois jours
après, le 9 février, durant la nuit, saint
Athanase étant à prier dans l'église deSaint-
Théonas, Syrien vint, avec environ 5000
hommes armés, la cerner. L'intention des
agresseurs était de tu.jr le saint évoque. Ils
firent irruption dans l'église. Un grand nom-
bre de personnes furent renverséi;s, foulées
aux pieds. Beaucoup furent blessées, quel-
ques-unes tué(,'s. Quant au saint évoque,
assis sur son trône, du haut duquel il ex-
hortait le ()euple, il se refusait à sortir et à
se soustraire au danger. Des moines et des
X>rêtres y montèrent et, l'ayant enh;vé, le (i-
rent disparaître, ai»rès avoir réussi à le faire
passer sans être apeiçu au milieu des sol-
dats. Depuis lors il demeura constamment
carfK'. loi nous emj)runlons la suite du récit
h FliMiry. Nous ne saurions le donner plus
court; puis il contient d-s (tièces aullienti-
<pjes (jui doivtiiil se trouver ici.
« On lit enlever par des soldats les corps
ATH
375
morts pour les cacher; mais les vierges qui
avaient été tuées furent mises dans des sé-
pulcres et considérées comme martyres. On
honore encore la mémoire de tous ceux qui
moururent en cette occasion. Les fidèles
pendirent dans l'église les llèches, les épées
et les autres armes qu'ils y trouvèrent, pour
servir de preuve incontestable de cette vio-
lence, (|u'ils attestèrent encore par une pro-
testation solennelle. Syrien voulut les obli-
ger à la révoquer, et à déclarer qu'il n'y avait
point eu de tumulte ni personne de tuée; il
lit même donner des coui)s de bAtons à ceux
qui l'allèrent prier de ne forcer personne à
nier la vérité. Il envoya plusieurs fois le
bourreau de sa coiiorte et le capitaine de la
ville, pour ô'er les armes qui étaient sus-
pendues dans l'église; mais les catholiques
l'empêchèrent et Urent une seconde protes-
tation qui commence ainsi :
« Le peuple de l'Eglise catholique d'Alexan-
drie, qui est sous le révérendissime évêque
Athanase. Nous avons déjà protesté touchant
l'invasion no3turne- faite dans notre église,
quoiqu'il ne fut pas besoin de protestation
pour une chose notoire à toute la ville. On
a exposé en public les corps de ceux qui
ont été trouvés morts : les armes et les arcs
qui sont dans l'église crient vengeance.
Mais puisque l'illustre duc Syrien veut nous
faire dire qu'il n'y a point eu de tumulte ,
c'est une preuve manifeste qu'il n'a pas agi
par la volonté du très-clément empereur
Constantius; car, s'il l'avait fait par ordre, il
ne craiiidi-ait rien. Et ensuite : Quelques-uns
de nous étant prêts d'aller vers le très-pieux
em])creur, nous conjurons par le Dieu tout-
puissant, pour le salut de l'empereur môme,
le préfet d'Egypte Maxime et les curieux de
lui rapporter le tout, et aU préfet du pré^
toire. Nous conjurons aussi tous les maîtres
de vaisseaux de le publier partout, de le
])orter aux oreilles de l'empereur, des pré-
fets et des juges de chaque lieu, afin que
l'on connaisse la guerre que l'on fait h l'E-
glise, et (lue , sous le règne de Constantius,
Syrien a fait souU'rir le martyre à des vier-
ges et <à d'autres i)ersonnes. Car la veille du
cinquième jour avant les ides de février,
c'est-à-dire le quatorzième du mois Méchir,
comme nous étions d;ms l'église à veiller cl
à prier... Il raconte ensuite tout ce qui s'é-
tait passé. Méchir était le sixième mois des
Egyptiens, qui comnnmçait le vingt-sixième
dejanvicn", et doit hs (piatorzième tombait
au huitiènie de févi'ier, c'est-à-dire au jeudi,
veille du neuvièmtï, qui, cette année trois
cent cinquante-six, était le vtnidrodi. La
protestation finit ainsi : S'il y a ordre de nous
persécuter, nous sommes "prêts à soutVrir
tous le martyre ; s'il n'y a point d'ordre de
l'empereur, nous prions Maxime, préfet d'E-
gy|)te, et tous les magistrats, de le jirier
qu'on n'entreprenne plus rien de semblable.
Nous prions aussi qu'on lui porte la retjnête
(jue nous faisons, afin cpie l'on n'entreprenno
point d introduire ici un auli-c évêque : non?
suinnKîS préparés à la mort par l'alfeclion
que nous portons au révérendissime Atha-
573
ATH
ATII
374
iiase, que Dieu nous a donné dus le com-
mencement, suivant la succession de n()3
pères, que l'empereur ('onstantius lui-môme
nous a envoyé avec des lettres accoiO[)agiiées
de serments. Nous ne croyons pas (pi'il
veuille les violer. An contraire, nous som-
mes persuadés ([ue, s'il api)rend ce qui s'est
passé, il en sera indi^^'ié, et ([u'il ordonnera
de nouveau que l'évèquc Allianase demeure
avec nous. J)onné sous le consulat de ceux
qui seront désignés après Arbétion et Loi-
lieu, le dix-septiènie de Méchir, auli'emcnt
la veille des ides de février, c'est-à-dire le
douzième de février, trois cent cinquante-
six.
« Loin que cette protostation eût aucun
effet, l'empereur Constantius approuva tout
ce qui s'était passé. 11 écrivit au sénat et au
peu|)le d'Alexandrie, excitant la jeunesse à
s'assembler et à poursuivre Allianase, sous
peine de son indignation. Il tâchait aussi de
cacher la honte de son changouienl , en di-
sant qu'il n'avait soulfort le retour d'Atha-
nase qu'en cédant pour un temps à l'amitié
de son frère, et qu'en le bannissant il imitait
le grand Constantin , son père, qui l'avait
relégué dans les Gaules. Enlin il prétendait
Couvrir toute sa conduite du zèle des ca-
no'is de l'Eglise. Cette lettre fut apportée et
proposée en public par le comte Héraclius;
et il déclara de la part de l'empereur que, si
l'on n'y obéissait pas, il ôterait le pain que
l'on donnait par ordre public, et réduirait en
servitude plusieurs des magistrats et du
peuple. 11 menaçait môme de renverser les
idoles, pour intimider les païens qui étaient
encore en grand nombre. En faisant ces me-
naces, il disait publiquement que Tempereur
ne voulait point d'Athanase, et qu'il com-
mandait que l'on donnât les églises aux
ariens. Tous s'en étonnaient, et, se regar-
dant l'un l'autre, ils se demandaient si Cons-
tantius était devenu hérétique? Héraclius fit
plus ; U contraignit des sénateurs, des ma-
gistrats et des païens, gardiens des temples
d'idoles, de déclarer par écrit qu'ils rece-
vraient l'évêque que l'empereur enverrait.
Ces païens rachetaient par cette souscription
la sûreté de leurs idoles et de leurs manu-
factures, et cédaient à la volonté du prince,
comme quand on leur envoyait un gouver-
neur.
« La résistancç des catholiques leur attira
bientôt de nouvelles violences. Le peuple
étant assemblé dans la grande église, un
mercredi, qui était jour de station, le comte
Héraclius prit avec lui le préfet d'Egypte,
Cataphronius, Faustin, catholique ou tréso-
rier général, et un hérétique, nommé lîithy-
nus; puis, alléguant l'ordre de l'empereur, il
excita les plus jeunes des idolâtres qui se
trouvaient sur la place, à s'en aller dans l'é-
glise jeter des pierres au peuple. L'ofiîce
était fini, et la plupart des fidèles s'étaient
retirés : il ne restait que quelques femmes,
qui demeuraient assises, apparemment pour
se reposer après la prière qui se faisait
alors debout. Tout d'un coup ces jeunes
gens entrent nus avec des bâtons et jetant
des pierres. Ils frappent les vierges, arra^
client leurs voiles, leur découvrent la tète ;
et, irrités par la lésistance, ils leur don-
naient des coups de pied et hsur disaient des
j)aroles insolentes, l'aies fuyaient pour no les
point ouïr, comme pour éviter des morsures
d'as|)ics : les ariens n'en faisaient (lue rire.
Ensuite les i)aïens i)riiont les bancs, la
chaire, l'autel qui était de bois, les rid(îaux de
l'église, et tout le reste qu'ils purent empor-
ter, et le brûlèrent devant le portail dans la
grande place. Ils jetèrent de l'encens sur ce
feu en louant leurs idoles, et en disant :
Constantius est devenu païen, et les ariens
ont reconnu notre religion. Ils prirent même
une génisse, qui servait à tirer de l'eau pour
arroser les jardins du quartier, et pensèrent
la sacrifier : ils n'en furent empochés que
parce qu'ils reconnurent que c'était une fe-
melle ; car il n'était pas permis de les im-
moler.
<( Dans ce désordre il arriva deux acci-
dents, qui parurent des marques sensibles
de la vengeance divine. Un jeune insolent
courut s'asseoir dans la chaire épiscopale, et
faisait résonner son nez d'une façon déshoii-
nôte; puis il se leva et s'efforça de rom|)re la
chaire, mais, en tirant à lui, un morceau de
bois lui entra dans le ventre, de telle sorte
qu'il lui fit sortir les intestins; il tomba, on
l'emporta et il mourut un jour af)rès. Un au-
tre entra avec des feuilles qu'il secouait à la
manière des païens en se moquant. Aussitôt
il fut tellement ébloui qu'il ne voyait plus et
ne savait oii il était : il serait tombé si on ne
lui eût donné la main pour le soutenir et
l'emmener. A peine put-il au bout d'un jour
revenir à lui, et il ne savait ni ce qu'il avait
fait ni ce qui lui était arrivé. La terreur de
ces exemples arrêta remportement des
païens ; mais les ariens n'en furent que plus
endurcis.
« George, qu'ils avaient ordonné évoque
d'Alexandrie, était de Cappadoce, homme de
basse naissance, fils d'un foulon. Il fut d'a-
bord parasite et livré à qui lui faisait bonne
chère ; ensuite il se mit dans les affaires, et
prit la commission de fournir la chair de
porc que l'on donnait aux soldats; mais,
ayant malversé et tout consumé, il s'enfuit
de Constantinople, où il avait cet emploi, et
demeura quelque temps errant de province
en province. Il était grossier et ignorant, sans
agrément dans l'esprit, sans aucune teinture
des bonnes lettres , païen dans le fond et
chrétien seulement de nom ; ainsi il suivait
la doctrine qui convenait mieux à ses inté-
rêts, mais sans témoigner aucune piété,
même en apparence ; au contraire, il était
avare, malfaisant, brouillon et naturellement
cruel. Ce fut ce personnage que les ariens
choisirent pour remplir le siège d'Alexan-
drie à la place de saint Athanase, le regar-
dant comme un homme agissant et attaché
à leur doctrine. On croit qu'ils l'ordonnèrent
à Antioche dans un concile de trente évo-
ques de leur parti, tenu Tan SbY, où ils con-
damnèrent de nouveau saint Athanase, et
écrivirent à tous les évoques de ne point
575
ATH
ATH
876
communiquer avec lui, mais avec George,
qu'ils avaient ordonné. Quoi qu'il en soit, il
en'ra à Alexandrie pendant le carême de
cette année 356, et commença ses violences
ù la fête de PAques. Le peuple catholique
abandonna les églises, cl s'assembla ce saint
jour et les dimanches suivants dans un lieu
désert près le cimetière. La senuiine d'après
la Pentecôte, le peuple, après avoir jeûné,
vint en ce même lieu pour prier. George,
l'ayant appris , excita le duc Sébastien, qui
était manichéen, d'y aller, comme il fit le
dimanche môme, avec des soldats armés, au
nombre de plus de trois mille. Ils donnèrent
l'épée à la main sur ce peuple assemblé pour
prier, avec des femmes et des enfants; mais
il en restait peu, et la plupart s'étaient déjà
retirés. Sébastien lit allumer un grand feu,
devant lequel il pressait les vierges de dire
qu'elles suivaient la foid'Arius ; mais, voyant
que la vue de ce feu ne les ébranlait pas, il
les lit dépouiller et frapper sur le visage, de
telle sorte que longtemps après on avait
encore p^-ine à les reconnaître. 11 fit prendre
quarante hommes, à qui l'on déchira le dos,
les frappant avec des branches de palmes
fraîchement coupées et encore armées de
leurs pointes, qui entrèrent si avant, que
pour les retirer il fallut mettre les bles-
sés entre les mains des chirurgiens, et leur
faire plusieurs incisions; quelques-uns
même en moururent. 11 y eut des vierges
traitées de la même sorte. On refusa de ren-
dre les corps de ceux qui moururent en cette
occasion : on les détourna, on les jeta aux
chiens, et leurs parents les retirèrent à
grande peine pour les enterrer secrètement.
Ils furent comptés pour martyrs, et l'Eglise
fait encore leur mémoire le *il mai. Ceux qui
restèrent en vie furent bannis dans le dé-
sert nommé la gr.mde Oasis.
« Sous prétexte de chercher saint Atha-
nase, on scella plusieurs maisons, on en pilla
plusieurs, on ouvrit même <les sépultures,
on enleva des dépotsque saint Athanasc avait
mis chez des personnes de probité. Les ca-
t'.ioliques perdaient 1 1 plus grande partie de
leui' bien pour conserver le reste, et em-
pruntaient pour se racheter de la vexation
des ariens. Ils fuyaient leur rencontre, plu-
sieurs passaient de rue en rue, de la ville
dans les faubourgs ; mais ceux qui les reti-
raient étaient traités comme eux. D'autres
passaient la nuit dans le désert ; d'autres ai-
maient mieux s'exposer à la mer que d'en-
tendre leurs menaces; car ils avaient toujours
îi la bouche le nom de l'empereur. Ils enle-
vèrent plusieurs vierges de leurs maisons, et
insultèrent à d'autres dans les rues, princi-
jjalemenl par leurs femmes qui se prome-
naient insohnnment comme des bacchantes,
ch(Mchant l'occasion d'outrager les femmes
calhoiiiiues.
« On c lassapar l'auloiité du duc Sébasti(Mi
les prêtres et les diacn-s <|ui servaient dans
l'église d'.Mexariclrie depuis le temps de saint
Pierre et de saint Alexandre, cA on rélaldit
<;euxrpji avaient été chassés rlês le connnen-
ceujiiilaver, Aiius. Deux prêtres entre autres,
Hiérax et Dioscore, furent envoyés en exil,
et leurs maisons pillées. 11 y eut des vierges
qui furent attachées à des poteaux, et eurent
les côtés déchirés jusqu'à trois fois : ce que
l'on ne faisait pas aui véritables criminels.
Un vertueux sous-diacre, nommé Eutychius,
après avoir été fouetté sur le dos avec des
lanières de cuir de bœuf quasi jusqu'à la
mort, fut envoyé aux mines de Phaino, lieu
si malsain, que les criminels pouvaient à
peine y vivre quelques jours; et, sans lui
donner seulement quelques heures pour se
faire panser de ses plaies, on le pressa telle-
ment de partir, qu'il mourut en chemin
bientôt après avec la gloire du martyre. L'E-
glise honore sa mémoire le vingt-sixième de
mars, avec d'autres martyrs qui soutîrirent
sous cette persécution de George. Comme le
peuple sollicitait pour Eutychius, les ariens
tirent prendre un nommé Hermias, et trois
autres personnages considérables que le duc
Sébastien mit en prison après les avoir dé-
chirés de coups. Les ariens, voyant qu'ils
n'en étaient pas morts, se plaignirent et
menacèrent d'écrire aux eunuques ; le duc
en eut peur, et fit battre une seconde fois
ces innocents, qui disaient seulement : On
nous frappe pour la vérité, nous ne commu-
niquons point avec les hérétiques; frappez tant
qu'il vous plaira, vous en rendrez compte de-
vantDieu.Les ariens voulaient les faire mourir
en prison; mais le peuple, prenant son temps,
obtint leur liberté au bout d'environ sept
jours. Les ariens s'en vengèrent sur les pau-
vres; car après que le duc leur eut livré les
églises, les pauvres et les veuves, ne pouvant
plus y demeurer, étaient assis dans les lieux
que leur ava-ent marqués les clercs, qui pre-
naient soin d'eux. Mais les ariens, voyant que
les catholiques leur donnaientabondamment,
chassèrent 1. s veuves à coups de pied, et
dénoncèrent à Sébastien ceux qui leur don-
naient. Il reçut favorablement cetie accusa-
tion, étant manichéen, et par conséquent en-
nemi des pauvres et de l'aumône. C'était donc
une nouvelle espèce de crime d'avoir assisté
les misérables. Cette conduite rendait les
ariens odieux à tout le monde, et les païens
mêmes les maudissaient comme des bour-
reaux. Au reste, on voit ici que les pauvres
étaient logés dans les églises, c'cst-à-diro
dans les bAtiments qui les accompagnaient,
du moins ils y avaient leur place pour rece-
voir les aumônes.
« La persécution s'étendit hors d'Alexan-
drie, par toute l'Egypte et la Libye. Il y eut
un ordre de Conslantius pour chasser des
églises les évêcjues calholi(iues et les livrer
tous aux ariens. Aussitôt Sébastien commen-
ça de l'exécuter, écrivant aux gouverneurs
particuliers et aux puissances mditaires. On
voyait des évoques prisonniers, des prêtres
et (fi.'S moines chargés de chaînes, après avoir
été battus juscpi'à la ni(»rl. Tout le pays était
(m troubh;; les p(;u|>les nuunnuraieni d'une
ordonnance si injuste et d(^ la dureté do
re\(''< ulion; car, (juniiiue l'ordre ne porlAl
(pu' de les chasser de leur pays, on les en-
voyait à deux ou trois provinces au delà,
577
ATH
ATH
57g
dans dos solitudes alfreuses, ceux de Libye
dans la grande Oasis, en Tliébaïde ; ceux de
Thébaïde dans la Libye Ainmoiii(iiie. On
traitait ainsi de vénérables vieillards, évôrjucs
depuis un grand nombre d'années, les uns
dès le temps de saint Alexandre, les autres
depuis saint Achillas, quelques-uns de])uis
saint Pierre, qui avait souU'ert le martyre
quarante-cinq ans auparavant. On ne cher-
cliait qu'à les faire mourir en traversant les
déserts, car on n'avait point pitié des mala-
des; on ne les pressait pas moins, en sorte
qu'il les fallait [Orter dans des brancards, et
faire suivre de quoi les ent -rrer. Quel-
ques-uns moururent dans le lieu de l'exil,
d'autres en chemin, et il y en eut un dont
on ne permit pas aux siens d'emporter le
corps. On persécuta ainsi près de quatre-
vingt-dix évoques, c'est-à-dire à pi^u près
autant qu'il y en avait dans toute l'Egypte
et la Libye. Seize furent bannis , plus de
trente chassés : quelques-uns dissimulèrent
par contrainte, entre autres Théodore d'Oxy-
rinque , qui se fit même réordonner par
George.
« lilntre les évêques bannis fut Draconce,
qui avait tant résisté à accepter l'épiscopat;
et, entre lûs. évêques persécutés, nous re-
trouvons ceux dont saint Athanase lui avait
proposé l'exemple, et qui de la vie monas-
tique avaient été élevés à l'épiscopat. Dia-
conce fut envoyé aux déserts près de Clys-
ma, sur les bords de la mer Rouge, et relé-
gué dans le château de ïhébate, où saint
Hilarion le visita. Il visila aussi l'évêque de
Philon, relégué à Babylune, dans la seconde
Aiigustamnique : Adelphius fat relégué à
Psinabla, en Thébaïde. On croit que c'est
celui à qui saint Athanase écr.vit une lettre
pour réfuter une erreur des ariens, qui ne
voulaient pas que l'on adorât la chair de Jé-
sus-Christ. Il y montre que sa chair est ado-
rable comme unie à la divinité, et prouve
solidement l'unité de personne en Jésus-
Christ, nonobstant la distinction des natures.
11 donne à Adelphius le litre de confesseur,
ce qui peut faire croire que celte lettre fut
écrite depuis son exil. Le prêtre Hiérax, à
qui saint Athanase lui permet de la commu-
niquer, était aussi un des confesseurs exilés.
Saint Sérapion de Thmouis fut persécuté en
cette même occasion. Il y eut des monastères
ruinés et des moines que l'on voulut jeter
dans le feu.
« A la place de ces saints évêques on met-
tait de jeunes débauchés encore païens, ou
à peine catéchumènes, quelques-uns biga-
mes, d'autres chargés de plus grands repro-
ches. On demandait seulement qu'ils fissent
profession de l'arianisme, qu'ils fussent ri-
ches et accrédités dans le monde. Ils ache-
taient l'épiscopat comme au marché; ensuite
les ariens, bien escortés de solJais, les fai-
saient élire et les mettaient en possession.
C'étaient principalement les décurions et les
autres magisti-ats des villrs qui se faisaient
ainsiordonnerévèques pour jouir des exemp-
tions et avoir le premier rang. Les plus fa-
ciles à les recevoir et à traiter de leur pro-
motion pour de l'argent étaient les mélëciens,
(lui lisaient pou les sahiles Ecritures, et sa-
vaient à peine ce que c'était que le christia-
nisme. Ces évê pies ne connaissaient ni
l'importance d(! leur charge, ni la ditférence
de la vraie et de la fausse religion ; de mélé-
ciens ils devenaient aisément ariens, prêts,-
si l'empereur le commandait, de changer en-
core et de tourner à tous vents, pourvu qu'ils
conservassent leur exemption et leur pré-
séance. Ils demeuraient païens dans le cœur,
et traitaient les alfaires de l'Eglise par une
politique purement humaine. Ces faux pas-
teurs commf»ncèrent à altérer la foi en Egypte,
où la doctrine catholique avait été prôchée
jusque-là avec une entière liberté ; et, comme
les vrais lidèles s'éloignaient d'eux, ce fut
une nouvelle occasion au duc Sébastien de
les fouetter, de les emprisonner et de con-
fisquer leurs biens. Il y avait à Barcé, dans
la Pentapole, un prêtre nommé Second, qui
ne voulait pas se soumettre à l'évêque,
nommé aussi Second , l'un des premiers
ariens. Cet évoque et un certain Etienne,
que les ariens firent depuis évêque en Libye,
tous deux ensemble donnèrent au prêtre
Second tant de coups de pied qu'il en mou-
rut. Il disait cependant : Que personne ne
poursuive en justice la vengeance de ma
mort; Notre-Seigneur, pour (|ui je souffre,
me vengera. Mais ils ne furent touchés ni do
ces paroles, ni de la circonstance du temps,
car ce fut en carême qu'ils le tuèrent.
« George, le faux évêque d'Alexandrie, ne
manquait rien pour s'enrichir et s'accréditer;
il ne se soutenait que par la puissance tem-
porelle, abusant de la légèreté et du faux
zèle de l'empereur. Il employait le bien des
pauvres, c'est-à-dire le revenu de son Eglise,
qui était grand, à gagner ceux qui étaient en
charge, et principalement les eunuques du
palais. D'ailleurs, il preiiait à toutes mains;
il enlevait aux particuliers ce qu'ils avaient
hérité de leurs parents; il prit la ferme de
tout le salpêtre, et se rendit maître de tous
les étangs où croissait le papier d'Egypte, et
de tous les marais salants. Il ne négligeait
pas les moindres profits; et, comme on por-
tait en terre les cor,)S morts sur de petits
lits, il en fit faire uu certain nombre dont il
obligeait de se servir, même pour les étran-
gers, et cela sous certaine peine, prenant uu
droit pour chaque mort. Sa vie était volup-
tueuse et ses mœurs cruelles; il accusait
plusieurs personnes auprès de l'empereur
comme peu soumises à ses ordres, et les païens
mêmes se plaignaient qu'en cela il oubliait
sa profession, qui ne recommande que la
justice et la douceur. On disait qu'il avait
malicieusement donné avis à l'empereur
qu'il avait droit d'ap(iliquer à son trésor les
revenus de tous les bâtiments d'Alexandrie,
parce qu'ils avaient été construits la première
fois aux dépens d'Alexandre le Grand, fon-
dateur de la ville, aux droits duquel i'empe-
re.r avait succédé. Par tous ces moyens, il
se rendit étrangement odieux aux païens mô-
mes, et tout le monde le rOjjardait comme
un tyran.
S79
ATH
ATH
380
« Le peuple, irrité, l'attaqua un jour com-
me il était daus l'cglisc, et ie pensa tuer : il
se sauva à peine, et s'enfuit auprès de leni-
pereur. Cependant ceux qui soutenaient saint
Athanase, c'est-à-dire les catholiques, ren-
Irèrentdans les églises; mais ils ne les gar-
dèrent pas longtemps. Le duc d'Egypte sur-
vint et les rendit à ceu\ du parti de (ieorge.
Ensuite il vint un notaire de l'empereur pour
châtier les Alexandrins, et il en lit battre et
tourmenter plusieurs. George lui-même re-
vint peu de temps après, plus terrible que
devant, et plus haï , comme ayant excité
reaî|)ereur à faire tous ces maux. Les moi-
nes d'Egypte le décriaient à cause de sou
faste et de son impiété, et la vertu leur don-
nait une grande autorité parmi le peujjlo.
« Aétius, ce sophiste arien que Lé nce
avait fait diacre à Antioche, et qu'il avait été
obligé dinter-lire, revint alors à Alexandrie,
où il fut un des flatteurs et des par(isites de
George, qui le rétablit dans ses fonctions,
en sorte qu'on le nommait son diacre : aussi
le servit-il fidèlement, et par ses discours
impies et par ses actions criminelles. Euno-
mius devint alors disciple d'xVétius, et fut
depuis aussi célèbre que son maître. C( t
Eunomius était de Cap[)adoce, sur les confins
de la Galatie, hls d'un [)auvre laboureur, qui
cultivait de ses mains un petit champ, et
l'hiver gagnait sa vie à montrer à lire et à
écrireàdes enfants. Eunomius, trouvant cette
vie trop pénible, renonça à la charrue , et
s'appliqua à écrire en notes. Il exerça cet
art sous un de ses parents, qui le nourrissait
pourson travail ; puis il instruisit ses enfants,
et se mit à étudier la rhcloiique. A()rès di-
verses aventures qui n'étaient pas à son hon-
neur, ayant oui parler d'Aétius comme d'un
grand philosophe, il vint à Ant'oche le cher-
cher; et, ne l'y trouvant i>oint, il passa à
Alexandrie, oii il logea avic lui, et étudia
sous lui la théologie, cesl-à-dire l'arianismo.
Avec de tels secours George parcourait l'E-
gyple, ravageait la Syrie, et atlii-ait à son
()arti autant d'Orientaux qu'il pouvait, atta-
quant toujours les plus faibles et les plus
lâches.
« Saint Athanase était cependant dans le
désert. Il s'y était retiré d'abord en sortant
d'Alexandrie, lorsque George y entra; mais
bientôt après il voulut sortu- ""de sa retraite
pour aller trouver l'empereur, se conliant
en ses promesses réitérées tant de fois, et en
sa [irofire innocence. Il était déjà en chemin,
(^uand il a[)prii. les violences ([uo l'on avait
laites en Occident contre Libèie, Osius, De-
nis et les autres. Comme il ne le pouvait
croire, il ap[)rit ce qui se passait en Egypte
et en Libyi-, les évè(ju(;s chassés et le reste
de la persécution, paiticu ièremenl les vio-
lences connnises f)endaiit le temps pascal ù
Alexandrie. Tout cela ne le détournait pas
encore d'aller b l'empereur, dans la créance
<jue l'on abusait (h; sf)n nom, cl que l'on
étendait ses ordres au delà de ses intentions.
Enfin on lui montra deux letlrcisde Conslan-
lius, aui le désabusèrent et l'arrêtèrent. La
jircmicre, adressée au |)euple d'Alexandrie,
où il les loue de la soumission qu'ils lui
avaient témoignée, en chassant Athanase et
s'unissant à George. 11 y traite Athanase de
trompeur, d'imposteur et de charlatan; et
toutefois il reconnaît que le plus grand nom-
bre est pour lui- Il dit qu'il ne diffère en
rien des plus vils artisatis, ce qui marque
sans doute sa pauvreté et la simplicité de son
extérieur; enfin, il ra::cuse d'avoir fui le ju
gement, qui est l'ancienne calomnie du con-
cile de Tyr. Au contraire, il traite ses enne-
mis de gens graves et admirables; et George
en particulier de l'homme le plus capable de
les instruire des choses célestes et le j)lus
savant dans le gouvernement spirituel. Sur
la tin il menace des dernières rigueurs, et
de mort môme, ceux qui auront la témérité
de demeurer encore dans le parti <rAthânase.
L'opposition de cette lettre à celles que le
même empereur avait données auparavant
en faveur de saint Athanase, montre assez
qu'il n'avait écrit ni les unes ni les autres,
et qu'elles étaient comf)Osées par des secré-
taires, suivant les intérêts de ceux qui les
sollicitaient, comme il se fait d'ordinaire.
« L'autre lettre était adressée à Aïzan et
Saz .n, princes d'Auxume en Ethiopie, à qui
l'empereur commande comme à ses sujeis,
quoiqu'il les traite de frères. Il leur mande
d'envoyer au plus tôt l'évèque Frumentius
en Egy])te, pour être instruit et examiné par
George, et môme, ce semble, pour être or-
dOiUîé de nouveau. C'est ce môme Frumen-
tius qui avait le premier porté la foi dans co
])ays, dont il avait été ordonné évoque par
saint Athanase; c'est pourquoi les ariens
craignaient qu'il ne se retirât chez, lui, et ne
voulaient [)as qu'il fût en sûieté, môme chez
les barbares. Saint Athanase ayant donc vu
ces deux lettres, quitta le dessein d'aller trou-
ver l'empereur, voyant comme il était ob-
sédé par ses ennemis et comme ils étaient
animés contre lui, en sorte qu'il y avait sujet
de craindre qu'avant qu'il pût ap|)roi;her
du prince, ils ne lui lissent perdre la vie. Il
retourna donc dans le désert, se réservant
iwur un temps plus favorable.
« Il prolita de sa fuite pour visiter à loisir
les monastères d'Egypte, et connaîtie ces
hommes qui, s'étant séparés du monde, vi-
vaient uniquem.'iit à I)ieu. Les uns étaient
anachoi'ètes, gardant une entièie solitudi,
et ne parlant qu'à Dieu et à eux-mêmes ; les
autres, cénobites, prati(juant L» loi de charité
dans une conimunauté, morts [lour tout le
reste des hommes , se tenant lieu de monde
les uns aux auti-es, et s'excitant mutuelle-
ment à la veitu. Saint Athanase lit voir, en
conveisanlavec eux, (pie l'on pouvait allier le
sacerdoce à cette sainte |)lnlosophie, l'action
à sa trancpiillité; et (|ue la vie luonastiiiuo
consistait plutôt dans 1 égalité di!S mo'urs (pio
dans la retraite corj)or(lle. Ils appriri;nt plus
de lui pour la perfection religieuse, qu'il
ne [)rolita d'eux: ses maxunes élaient pour
eux (les lois, et ils le res|)ectaieut comme un
homme d'une sainteté exlraoïdinaire. Aussi
ne craignireiit-iis [las d'(!X|)oser leur vie |)oar
lui. Les ariens envoyèrent des soldats le
m
ATH
ATII
382
poursuivre jusque dans ces déserts ; on le
chercha parloul sans le trouver; ei les moi-
nes, qui it'iicoUrèrent ces rneurtriers, no dai-
gnèrent ()as Iciu" parler; mais ils pn^senlaient
la g()ri;e à leurs é[)ées, connue s'e\pr>sant
poui- Jésus-('lirist, et croyant qu'il y avait
[)his de miMite hsonll'rir {)onr lui en la per-
sonne d'Atliariasc , qu'h jeûue,- et à jirali-
quer toutes les autres austérités. SaiiU Atlui-
nas!', de son côîé, craignant (pie les moines
ne fusse'it inquiétés à son oocasio'i, se reli-
ra plus loin et se cacha entièrement. » (Fleu-
vy, I"vol., pag. 5V5.)
(Juoi(jue la persécution qu'avait à subir
saint Alhanase sembl.H le mettre dans l'im-
possibilité de défondre l'Eglise et sa propre
innocence, il trouva ^iioyen d'écrire aux
évèipies d'Egypte , au\ vierges persécutées
et à son peuple. Ensuite il Ht son apologie.
Nous sommes encore ici forcé de citer.
« Saint Athanase prolila (\o sa retraite pour
composer f)lusieurs écrits, entre auii-es l'a-
pologie adressée ti l'empereur Constantius,
où il se justide de toutes les calomnies dont
ses ennemis avaient voulu le noircir dans
l'esprit de ce prince. Il tranche d'abord en
un mot les anciennes accusations, en mar-
quant le grand nombre d'évôques qui avaient
écrit en sa faveur la rétractation d'Ursace et
de Valens, et que l'on n'avait jamais agi
contre lui qu'en son absence. Mais il s'étend
sur les accusations nouvelles, qui regar-
daient personnellement l'empereur Constan-
tius. La première était f[u'Anathase avait
mal parlé de lui à l'empereur Constant, son
frère, et avait travaillé à les brouiller. Il ré-
pond premièrement, en le niant formelle-
ment, et prenant Dieu à témoin; puis il en
montre l'impossibilité en ce que jamais il
n'a parlé seul à seul à l'empereur Clonsfant,
mais toujours en la compagnie de l'évêque
de la ville et des autres qui s'y rencontraient.
Il en prend à témoin Osius, Fortunatien,
évêque d'Aquilée, Crispin de Padoue, Lucil-
lus de Véror.e, Vincent de Capoue. Et parce,
ajoute-t-il, que Maximin de Trêves et Pro-
tais de Milan sont morts, Eugène, qui était
maître des offices , en peut rendre témoi-
gnage; car il était devant le rideau, et il en-
tendait ce que nous demandions à l'empe-
reur, et ce qu'il nous disait.
« Il rend un compte exact du voyage qu'il
fit en Italie, du temps que Grégoire fut in-
trus à sa place. Etant sorïi d'Alexandrie ,
dit-il, je n'allai point à la cour de votre
frère, ni ailleurs quà Rome; et laissant à
l'Eglise le soin de mes affaires, j^^étais assidu
aux prières publiques. Je n'ai point écrit à
votre frère , sinon lorsque les eusébiens
«"jcrivirent contre moi, et que je fus obligé
de me défendre étant encore à Alexandrie,
et quand je lui envoyai des exemplaires de
l'Ecriture sainte, qu'il m'avait ordonné de
lui faire faire. Au bout de trois ans, il m'é-
crivit de me rendre auprès ds lui à Milan.
J'en demandai la cause, et j'appris que quel-
ques évêques l'avaient prié de vous écrire
l)0ur assemhler un concile. Quand je fus ar-
rivé h Milan, il me témoigna beaucoup de
bonté; il voulut bien me voir, et médit (pi'il
avait écrit et envoyé vers vous, pour vous
prier ([ue l'on tint un concile. H me lit venir
encor(! une fois dans les Gaules, où le
P. Osius était venu, a(in (uk; no;i,s allassions
de là h Sardi(pie. A|)rès le concilo, ccmrne
j'étais h Naisse, il m'écrivit; je revins h Aqui-
lée, j'y deuKîurai et j'y reçus vos hjliics. II
m'appela encore une fois, je retournai en
Gaule, puis je vous allai trouver. En quel
temiJS d'juc, en quel li(!U, en présence de
qui m'accuse-t-on de lui avoir ainsi parlé?
Souvenez-vous, seigneur, vous qui avez si
bonne mémoire, de ce que je vous ai dit,
quand j'ai eu l'iionneur de vous voir, la i)re-
miôre lois à Viminiac , la seconde à Césarée
de Cappadoce , la troisième h Aniioche;
voyez si je vous ai dit du mal des eusébiens,
mes calomniateurs. Aurais-je été assez in-
sensé {)our dire du mal d'un empereur à un
empereur, et d'un frère à son frère?
« Le second chef d'accusation était qu'A-
th.mase avait écrit au tyran Magnence; les
ariens disaient môme avoir donné copie de
la lettre. Quand j'eus appris, dit-il, cette ca-
lomnie, je fus comme hors de moi; je pas-
sais les nuits sans dormir, j'attaquais mes
dénonciateurs comme présents; je jetai d'a-
bord un grand cri, et je priais Dieu avec dos
larmes et des sang'ots, que vous me vou-
lussiez écouter favorablement. Ensuite il
j)rend Dieu à témoin qu'il n'a jamais connu
Magnence, et montre les causes qu'il avait
de le détester comme le meurtrier de l'em-
pereur Constant, son bienfaiteur, et de ceux
qui rava;ent reçu chariiablement à Rome,
savoir, Eutropia, tante des trois empereurs,
Abutéiius, Spérantius et plusieurs autres ;
que c'était un impie adonné aux magiciens
et aux enchanteurs. Il prend à témoin les
ambassadeurs que Magnence envoya à Cons-
tantius, les évéques Servais et Maxime, et
les laïques qui les accompagnaient, Clémen-
lius ei Valens ; car ils avaient passé à Alexan-
drie. Demandez-leur, dit-il, s'ils m'ont ap-
porté des lettres; car ce m'eût été une oc-
casion de lui écrire. Au contraire, voyant
Ciémentius, je me souvins de votre frère
d'heureuse mémoire ; et comme d est écrit :
J'arrosai mes habits de mes larmes. Il prend
encore à témoin Félicissime, qui était alors
duc d'Egypie, et plusieurs autres officiers,
qu'en cette occasion il dit : Prions pour le
salut de notre très-pieux empereur Constan-
tius; que le peuple cria tout d'une voix,
Christ, secourez Constantius, et continua
longtemps. Cette forme de prière est remar-
quable, et nous voyons encore dans le onzième
siècle des litanies semblables. Quant à la
lettre dont les ariens disaient avoir des co-
pies , il dit qu'on peut bien avoir contrefait
son écriture, puisque l'on contrefait même
celle de l'empereur, et que les écritures ne
font point de foi, si elles ne sont reconnues.
Il demande où l'on a trouvé cette lettre, et
qui l'a donnée. Car, dit-il,. j'avcds des écri-
vains, je les représente; et le tyran avait des
gens pour recevoir ses lettres, que vous
pouvez faire venir. Si j'étais accusé devant
5$S
ATH
ÀTH
864
un auire juge, j'en appellerais à l'empereur;
étant accusé devant vous, qui puis-je invo-
quer? le père de celui qui a dit, Je suis la
vérité ; et là-dessus il adresse à Dieu sa
prière. 11 s'agit ici, eontinue-t-il, non d'un
intérêt pécuniaire, mais de la gloire de l'E-
glise : ne laissez pas ce soupçon contre elle,
que des chrétiens, et principalement des
évèques, écrivent de telles lettres et forment
de tels desseins. On voit combien les saints
étaient jaloux de la fidélité envers les princes,
et qu'en ces matières les évoques mômes ne
reconuaissaieni point d'autres'Juges sur la
terre.
« La troisième accusation était d'avoir cé-
lébré l'office dans la grande église d'Alexan-
drie, avant qu'elle fût dédiée. Oui, dit-il, on
l'a fait, je le confesse, mais nous n'avons pas
célébré la dédicace ; il n'était pas permis de
le faire sans votre ordre. Ce qu'il dit, parce
que cette église avait été bâtie aux dépens
de l'empereur, d'oii elle fut nommée la Cé-
sarée. 11 continue : Cette assemblée se fit
sans dessein et sans être annoncée; on n'y
appela aucun évêque ni aucun clerc ; tout le
monde sait comme la chose s'est passée.
C'était la fête de Pâques, le peuple était très-
nombreux; il y avait peu d'églises et très-
petites. On faisait grand bruit, et on deman-
dait de s'assembler dans la grande église. Je
les exhortais à attendre et à s'assembler
comme ils pourraient dans les autres églises,
quoiqu'avec incommodité : ils ne m'écou-
tèreiit pas; mais ils étaient prêts à sortir de
la ville, et à s'assembler au soleil dans les lieux
déserts, aimant mieux soulfrir la fatigue du
chemin que de passer la fête en tristesse. En
effet, dans les assemblées du carême il y avait
eu plusieurs enfants, plusieurs vieilles fem-
mes, plusieurs jeunes personnes de l'un et de
l'autre sexe, si maltraités de la presse, qu'on
les avait emportés dans les maisons ; quoique
personne n'en fût mort, tout le monde en
murmurait, et c'eût été bien pis le jour de
la fête: la joie eût été tournée en pleurs.
« J'ai suivi en cela l'exemple de nos
pères. Alexandre, d'heureuse mémoire, fit
l'assemblée dans l'église do Théonas, qui
passait alors pour la plus grande, et qu'il
faisait encore bAtir, j)arce que les autres
étaient trop petites. J'ai vu pratiquer la
même chose à Trêves et à Aquilée; on y a
assemblé le |)cuple dans des églises qui n'é-
taient jias achevées, et votre frère d'heu-
reuse mémoire assista à Aquilée à une telle
assemblée. Ce n'a donc pas été une dédicace,
mais une assemblée ordinaire. Eût-il été
jjlus h |)i'ûpos do nous assembler dans des
lieux déserts et ouverts, où l(;s païens eus-
sent j)u s'arrêter en passant, (]uo dans un
lieu lormé de muraibes (;t d(; [jorles, (lui
marque la (lilférence dos chrétiens et des
prof.inos? Valait-il mieux que le peuph; fût
sé()aré et pn-ssé avec péril on |)lusiours
églises, (|U(! d'être assemblé dans un uiênic
li'U, puisqu'il y en ;ivait un (pii les jiouv.iit
tous (;ont(Miii', où ils prjavaiciil prier cl dire
(imen tons d'une voix, pour montreur lunion
des cœurs? Quelle joio des peuples do se
voir ainsi réunis, au lieu d'être divisés
comme auparavant! Au reste, les prières
qui ont élé faites dans cette église n'empê-
chent pas que l'on en fasse solennellement
la dédicace, quand il en sera temps. Saint
Athanase ne méprisait donc pas cette céré-
monie de la dédicace des églises, puisqu'il
se défend si sérieusement sur ce point ; mais
il croyait que Von pouvait, en cas de néces-
sité, se servir d'une église avant qu elle fût
dédiée.
« Le quatrième et le dernier chef d'accu-
sation était d'avoir désobéi à l'empereur, en
refusant plusieurs fois de sortir d'Alexan-
drie. Je n'ai point résisté, dit-il , à vos or-
dres, à Dieu ne plaise; je ne suis pas assez
considérable pour résister au trésorier d'une
ville, beaucoup moins à un si grand empe-
reur. Ensuite il raconte tout ce qui s'était
passé : la lettre de l'empereur, apportée par
Montan, qui supposait que saint Athanase
demandait congé d'aller en Italie, la venue
de Diogène, vingt-six mois après les me-
naces de Syrien, la lettre que l'empereur lui
avait envoyée autrefois par Pallade et par
Astérius, pour l'exhorter à demeurer dans
son église. Sa défense sur ce point se réduit
à dire, qu'ayant eu des ordres de l'empereur
pour retourner à son église et pour y de-
meurer, et n'en ayant point eu pour en sortir,
il a dû demeurer. Joint le devoir général
d'évêque et la connaissance particulière du
péril auquel il exposait son troupeau, s'il
l'abandonnait aux ariens. 11 rapporte ensuite
les violences de Syrien, sa retraite, le des-
sein qu'il avait d'aller trouver l'empereur,
et comme il en fut détourné par ce qu'il ap-
prit de la persécution exercée en Occident
et en Egypte même, et par les lettres de
l'empereur au peuple d'Alexandrie et aux
princes d'Auxume. C'est, dit-il, ce qui m'a
obligé à retourner dans le désert; voyant
tant d'évêques persécutés, parce qu'ils ne
voulaient pas renoncer à ma communion, et
des vierges mêmes si indignement traitées,
j'ai vu que mes ennemis en voulaient à ma
vie. Je me suis retiré pour laisser passer
leur fureur, et vous donner occasion d'user
de volrc clémence. Recevez cette apologie,
rendez h leurs pairies et à leurs églises tous
les évoques et les autres ecclésiastiques, afin
que l'on voie la malice dos calomniateurs, et
que vous puissiez dire avec confiance à Jé-
sus-Christ, le roi des rois, maintenant et au
jour du jugement : Je n'ai perdu aucun des
vôtres. ToHe est l'apologie de saint Athanase
à rem|)oreur Constantius. Il écrivit en môme
temps des discours de consolation |)Our les
vierges que les ariens persécutaient jusqu'à
leur refuser la sépulture. » (Fleury, vol. 1,
]). 553.)
Nous trouvons encore une seconde apolo-
gi(! dans ses lettres aux solitaires. Saint
Athana><e y réfuie les préloxios dont l'empe-
r(Mir ('onstantius voulait coloicr sa persécu-
tion, dans nn(; lellre écrite au peuple d'A-
li'vaidric, cl |tul)!iéo par le coujIc Horaclius.
Constantius disait qu'il n'avait soull'ertle
retour d' Athanase qu'en cédant pour ua
585
ATH
•lyr.
ATH
586
temps à l'amitié de son frtVc Constant. Saint ;
Athanase répond que ses promesses ont donc /
été trompeuses, et qu'il n'a [)lus considéré '
son frère après sa mort, quoiqu'il ait soutenu
la guerre civile pour recuedlir sa succes-
sion. Constantius disait qu'en bannissant
Athanase il imitait le grand Constantin, son
père. Il l'imite, répond saint Athanase, en ce
qui fait plaisir aux hérétiques, mais non en
ce qui leur déplaît. Constantin, sur les calom-
nies des eusébiens, envoya pour un temps
Athanase dans les Gaules, le dérobant à
leur cruauté ; mais il ne se laissa pas per-
suader d'envoyer à sa place l'évoque qu'ils
voulaient ; il les en empocha et arrêta leur en-
treprise par de terribl(?s menaces. Comment
donc, s'il veut suivre la conduite de sou
père, a-t-il envoyé premièrement Grégoire
et maintenant George le banqueroutier?
Pourquoi s'etforce-t-il de faire entrer dans
l'Eglise les ariens, que son père appelait
porphyriens? Il se vante de prendre soin
des canons, lui qui fait tout le contraire.
Car quel canon porte qu'on envoie un évo-
que de la cour ; que des soldats insultent
les églises ; que des comtes et des eunu-
ques gouvernent les affaires ecclésiastiques;
que l'on juge les évêques suivant des édits?
« Saint Athanase n'épargne plus Constan-
tius dans cet écrit. Il marque sa légèreté
par la contradiction de ses lettres et de ses
ordres, qui montraient qu'il n'agissait pas de
son mouvement, mais selon qu'il était
poussé. Il marque sa cruauté, en ce qu'il
n'avait pas épargné ses propres parents. Car,
dit-il, il a égorgé ses oncles, il a fait mou-
rir ses cousins ; il a vu dans la souffrance
la fille de son beau-père, sans en avoir pi-
tié ; il a marié à un barbare, c'est-à-dire à Ar-
sace, roi d'Arménie, Olympiade fiancée à
son frère, qu'il avait gardée jusqu'à la mort,
comme devant être sa femme. Enfin il ne
feint point de traiter Constantius d'ante-
christ. Pour montrer l'injustice de la persé-
cution des ariens, il dit : S'il est honteux que
quelques évêques aient changé par la
crainte, il est bien plus honteux de leur
avoir fait violence, et rien ne marque plus
la faiblesse d'une mauvaise cause. Ainsi le
démon n'ayant rien de vrai, vient avec la
hache et la cognée rompi-e les portes de
ceux qui le reçoivent, mais le Sauveur est si
doux, qu'il se contente d'enseigner et de
dire : Si quelqu'un veut venir après moi ;
et celui qui veut être mon disciple. Et quand
il vient à chacun de nous, il ne fait point
de violence; mais il frappe à la porte, et
dit : Ouvre-moi, ma sœur, mon épouse :
si on lui ouvre, il entre; si on ne veut pas,
il se retire. Car la vérité ne se prêche pas
avec les épées et les dards, ni par les sol-
dats, mais par le conseil et la persuasion. Et
«quelle persuasion, oii règne la crainte de
I empereur? quel conseil, où la résistance
se termine à l'exil ou à la mort? Et en-
suite : C'est le propre de la vraie religion
de ne point contraindre, mais de persuader.
Car le Seigneur lui-même n'a point usé de
violeuco; il a laissé la liberté en disant à
tous : Si quelqu'un veut venir après moi ; et
à ses disciples : Voulez-vous aussi vous en
aller? Et ailleurs: Quelle église adore
maintenant Jésus-Christ en liberté? Si elle
conserve la piété, elle est en péril ; si elle
dissimule, elle craint. Il a tout rempli d'hy-
pocrisie et d'im[)iété, autant qu'il est en lui.
S'il y a quelque fidèle serviteur de Jésus-
Christ, et il y en a plusieurs partout : ils se
cachent comme le grand Elie, jusqu'à ce
qu'ils trouvent un autre Abdias, ils sont
dans les cavernes et les trous de la terre,
ou errants dans les déserts. » (Fleury, vol. I
p. 561.)
Saint Athanase resta dans son exil
jusqu'en Tannée 361, époque de la mort de
Constance. Julien, qui lui succéda, ennemi
acharné de la religion chrétienne, crut
qu'un des moyens les plus sûrs de la dé-
truire était de laisser une entière liberté à
toutes les sectes différentes. 11 permit à
tous les évoques bannis de rentrer dans
leurs églises. George, le faux évêque, était
mort, massacré par le peuple d'Alexandrie.
Athanase rentra dans la ville comme un
triomphateur. Toutes les églises lui furent
rendues ; il tint un concile avec saint Eu-
sèbe de Verceil. Plusieurs affaires impor-
tantes touchant l'hérésie et le bien de l'E-
glise y furent décidées. Ce fut après cela
que Julien, qui ne pouvait voir sans haine
les services que rendait ce grand homme à
la religion, lui écrivit pour lui donner l'or-
dre de sortir d'Alexandrie. Le peuple de
cette ville ayant intercédé pour son saint
évêque, Julien ordonna que non-seulement
il sortirait de la ville, mais encore de l'E-
gypte. Sous main, l'empereur apostat
avait donné l'ordre de tuer le saint homme;
mais protégé comme toujours par la Provi-
dence, Athanase échappa aux meurtriers et,
sorti d'abord d'Alexandrie, y rentra immé-
diatement et y demeura caché quelque
temps. Julien, l'ayant su, entra fort en co-
lère, et le fit chercher avec beaucoup d'ar-
deur, Athanase se retira à Antinoé. Ce fut
là qu'il apprit la mort de Julien tué par les
Perses. Immédiatement il revint à Alexan-
drie où bientôt il reçut de Jovien une lettre
qui cassait l'arrêt de son exil, le priait de
reprendre la direction de son Eglise, et don-
nait à son courage, à son énergie dans les
luttes qu'il avait eu à soutenir pour la foi
le juste tribut d'éloges qui leur était dû. Jo'
vien ne s'en tint pas là : désirant tout faire
pour le bien de la foi, il écrivit au saint de
lui envoyer toutes les instructions néces-
saires touchant les questions de foi, et la
conduite qu'il avait à tenir. Le saint pour
répondre ne voulut par s'en fier à ses pro
près lumières. La modestie est la vertu des
grands hommes et des saints. Il assembla
tout ce que les provinces voisines avaient
de plus distingué, de plus instruit en ftiil
de pasteurs. Puis il termina par une subli-
mité qu'il n'appartient qu'aux hommes vrai-
ment inspirés de Dieu d'atteindre. Il envova
à l'empereur le Symbole de Nicée. Tout
était là.
m ATH
tliehtôt remi^oreur voulut voir lo saint
iul-mr^ne. H eut riiônnedr de le recevoir h
Aîitioche et lui dnn-ia toutes les preuves de
respect et d'ati'ection que méritaient sa di-
gnité, son âge et ses luttes glorieuses pour la
foi. Vainement les ariens voulurent l'indis-
poser contre Athanase. D'abord il ne les
écouta pas, ensuite il les menaça de sa co-
\ève s'ils renouvelaient leurs accusations.
I)ura'it tout le règne de ce bon prince, Atha-
nase gouverna en paiK cette Eglise d'Alexan-
drie si rudement éprouvée par la persécu-
tion. Après sa mort, Valons, son successeur,
f>ersécuta les catholiques, et les troubles,
es agitations, les luttes, recommenjèrenl
pour le saint évèque. Néanmoins, cette fois,
il ne fut pas chassé de son siège. Les
Alexandrins résistèrent courageusement
aux ordres du préfet qui voulait l'expulser,
et Valens, craignant la sédition, écrivit
qu'Athauase eût à rester dans la libre pos-
session de toutes les églises. Après ce:te
persécution, il gouverna assez tranquille-
ment Son peuple, jusqu'en l'année 371
ou 373. La dernièi-e de es deux dates est la
plus universellement reçue; aussi l'adoptc-
rons-nous.
Ainsi quarante-six ans d'épiscopat, qui
furent quai'aiite-six ans de luttes, de com-
bats perpétuels pour la foi, ont fait de saint
Athanase l'un des plus illustres des athlètes
qui aient combattu pour la foi catholique.
Ici nous n'avons pas à nous occuper d'au-
tre chose que des persécutions endurées par
cette puissante colonne de l'Eglise. Qu'il
nous suilîse de dire qu'à part cette gloiie si
brillante du combat et de la lutte, Athanase
eut au plus haut degré celle de la science,
de la sainteté, et qu'il fut sous tous les rap-
Ijorts digne de ce surnom de (jrand, que les
siècles lui ont décerné. L'Eglise honore sa
méaioire le 2 mai.
ATlifvMià (TuiSTAX Dii), naquit à Friouli,
le 28 juillet 1707, et entra dans la société de
Jésus le môme jour, en l'année 1723. Il Ut
prolessiôii le 2 février 17 VO. Quatre ans après,
il vint à Macao. En 17io, il partit pour la pi'o-
vince de Nanking. Il fut découvert et arrêté
aviic le P. HiMiiique/. Le 21 décembre i7i7,
il fut amené |)risonnier à Sou-'r(;hi;ou, et fut
çûJidamlié,âni,'}i que son compagnon de cap-
tivité, u/;t'ro étji'anglé. La sentence ayant été
apjjrouvce par l'euiper(,'ur, le geôlier, accom-
pagué d'dii bourreau, vint, le 12 sepl('ui!)re
17VS, dâ)s 1 1 priion. On (kh la pailie des lits,
ce qui dOiina h. penser aux deux condamnés
(jiie riioure de leur supplice était piociie.
Uientol un autre bourre. lu arriva, poitant
diis ^;oi'Ues à la main. « Nous allons bi-.'n!-ùt,
(lil-îl (l'^n air moffueur, vous e^ivo^er dans
volie païadis, où vous vous prélmidez si
heureux d'alhir.w Sviivant la coutunn; des
Ciiinois, on leur servit à manger, mais ils ne
toijchèrcjnl à aucun mets ; alors les bourrraux
les iier(!iit (it \i:\ii' mirent la <;;jrde au cou.
Ils o!Hini<;nl un instant de réjiil poui" se ré-
t(>.'içili(ji- et jjour prier; iruiis les bourreaux
ne les iaisscKmt pas a( hevei' cl Ichi élrdu-
^lôrenl. (>ii |.l •;;i |..'ur.s corps dans des cer-
AtH
388
cueils, et on les enterra dans le cimetière
d3s pauvres, d'où, un an après, on les enleva
sans qu'ils ollVissont la moindre trace de cor-
ruption.
ATHÉNAGOr.E, apologiste, présenta à
l'empereur Marr-Aurèle, en l'année 177, sa
belle apologie vM\{u\èe : Lcgcilion pour hs
chrétiens. Nous n'avons absolument aucun
détail sur cet écrivain. Tout ce que nous sa-
vons, c'est qu'il étiit d'Athènes, et que, phi-
losophe païen , il s'était converti au chris-
tianisme dont il devint l'un des plus ardents
et des plus habiles défenseurs. Il ne reste de
lui que son aj)ologie, et un livre intitulé:
Traité de la résurrection des morts. Ces deux
ouvrage^ suffisent pour attester la beauté
de son génie, en môme temps que son élo-
quence et sa vaste érudition. On peut lire
son apologie dans les collections des Pères,
et dans notre Histoire générale des persécu-
tions de r Eglise, vol. L"", pag. 387.
Il cohimence par louer la douceur de Marc-
Aurôle et de son gouvern'niient , douceur
qui rendait heureux tous les sujets de l'em-
pire, tandis (ju'il n'y avait que les seuls chré-
tiens de maltraités. Il dit ({ue ces derniers,
quoique ne faisant de m.^J à personne, sont
])ersôcutés, injuriés, maltraités dans leurs
biens, dans leur honneur et dans leur exis-
tance même, sans qu'on puisse prouver qu'ils
soient coupables d'aucun crime. Il disculpe
complètement les chrétiens des accusations
calouniieuses portées contre eux , prouve
l'inanité des miracles des faux dieux, et l'im-
jiosture qui est au fond de la plupart des ré-
cits qu'(in en fait.
Ici se borne ce qu'on peut avec certitude
dire d'Athénagore. Ce qu'en ont dit les au-
teurs, tels (pje Bullus, lîaronius, appartient
ti'op au domaine des supi)Ositions pour que
nous puissions nous y ari'èter.
ATHf^lNKS, Atltcnœ, plus tard Aihina ou
Sélines , aujourd'hui Athènes, cajutale de
i'Attique, et au ])oint de vue intellectuel, de
toute la Crèce, est ti'op célèbre [)our que nous
ayons besoin d'en dire ici davantage. Du
l'esté, notre plan s'y oppose. Le premier
iiiirtyr cpie nous trouvions dans cette ville
est saint Publius, son évètjue, martyrisé sous
M;.r.;-Aurèle. Après la mort de ce .^ainl évù-
(]ue, les Atliéhi<Mi.s restèrent tiueliiue temps
sa is paslfMir. il.; j)crdireijt à [)eu près coni-
pléleiuent Ja i,oi, il n'y furent ramfenés que
par saint Quadi at, qui fut leur premier évoque
api'ès .saint Piiiij'us.
ATUENODOUE (saint), eut la gloire de
luouiir poui'.i<\ foi chiélienne durant laper-
séiMitio 1 de Dioclélien. Son martyre eut lien
dans la .Vlésopolamie. Un juge, nommé Lieuse,
le lit d'aboid iiiùlreàla cpicslion du feu,puis
ensuite appliquer îi d'auties tortures. Kieii
n'ayant pu ob.tltro .son coni'age, il fut con-
d imné h être déca])ilé. J^e bouneau (jui de-
vait exécuter 11 sentence étant tombé évanoui,
personne n'osa prendre san glaive pour en
liapper le saiiil. Il nioinut en priant DiCU.
L'lv:,lis(5 célèbre s<i fêt(« le II iiovend)re.
A i'il/ùNiMîfeiNfc (sailli;, (pie l'Iiglise honore
le 10 juillet, était évêipie ; il fut niailyriso à
889
ATT
Sébastè avec dix do ses disciples, au cours
de Ja porséi'ution de Dioclétien. Les détails
de son uiail>ie sont malljeureusemeiit ij^no-
rés. '
ATHÊNOCiÈNK (saint), consomma son sa-
crifice en recevant l;i couroiuK; du martyre
dans le Tout, i>our la loi de Jésus-Clu;st. H
fut coiidnnuHi au supplici» du feu. Avant que
(le inoiiter sur le bûcher, il chanta une hymne
qu'il laissa par écrit h ses disciples. L'Église
honore sa mémoire le IHjanvier.
ATIN, Mina, ville k\\\ royaume de Naples,
dans la terre de Labour. On suppose (jue c'est
dans cette ville qu'un saint Julien fut mar-
tyrisé sous le règne de l'empereur Marc-
Auièle.
ATLYHUETZA , ville du Mexique, prés
celle de Tlascala, où eut lieu le martyre du
bienheureux Chrislo[)he, tué par son père
Ac\ol(>chalt. (Voy., pour plus de détails, l'ar-
ticle CnniSTOPUE.)
ATTALE (saint), l'un des célèbres martyrs
de Lyon, sous le règne de rem[)ereur Marc-
Aurèle, Arrêté avec un grand nombre de chré-
tiens, il eut pour com[^agnons de ses com-
bats et de sa gloire les Pothin, les Sanctus,
les Blandine, et cette cohorte de saints que
lapersécution vint moissonner à Lyon, comme
les prémices de cette rançon innombrable
de saints et de saintes que l'Eglise de France
devait payer plus tard à Jésus-Christ. Saint
Attale était de Pergame. Il n'était encore, dit
la lettre des chrétiens de Lyon, que simple
néophyte, mais il nlontra une générosité di-
gne d'un ancien athlète de Jésus-Christ. Avec
Sanctus, Mature et les autres, il passa par
une série de supplices tels, que l'esprit a peine
à en concevoir le nombre et la violence. Il
sortit victorieux de toutes les épreuves. Le
fer, le feu, les fouets, la prison obscure avec
les ceps, où il avait les jambes écartées jus-
qu'au cinquième trou, rien ne put vaincre
son admirable courage. Ajirès quelquesjuurs,
il fut conduit à l'amphithéâtre, avec Mature,
Sanctus et lilandine, et là passa de nouveau
par tous les tourments qu'il avait déjà endu-
rés. Le fer, les fouets, les dents des bêtes
féroces, la chaise de fer rougie au feu, rou-
vrirent ses plaies qui se feimiient, et lui en
firent de nouvelles, sans que rien pût abattre
sa constance. 11 survécut pour de nouveaux
triomphes.
« Le gouverneur ayant fait tuer Sanctus et
Mature , le peuple, avec de grands cris de-
mandait Attale et voulait qu'on le livrât sur-
le-champ au supplice. C'était, comme nous
l'avons dit, un personnage considérable par
sa naissance et par sou mérite. Il entra har-
diment dans le champ de bataille, pi et à com-
battre; mais le témoignage de sa conscience
lui faisait espérer de vaincre. Il se sentait
intrépide, car il avait passé toute sa vie dans
une observation très-exacte des lois du chris-
tianisme, et il avait toujours été parmi nous
le tém ,in de la vérité. On lui lit faire le tour
de l'amphithéâtre, ayant devant lui wn écri-
leau où on lisait en paroles lutines : Attale,
chrétien. Le peuple s'echauilait de i)lus en
plus et ne cessait de demander sa mort : mais
Aun tu
le président ayant appris qu'il élau citoyen
romain, il le renvoya en prison avec plu-
sieurs autr(!s martyrs.» (Huinart.)
Quelque temj)s a[)rès, le gouverneur fil
ramener Attale dans ram[»hilhéatre avec
Alexandre. On le plaça de nouveau sur la
chaise de fer; son corps, d<'mi-rùli, exhalait
une odeur de graisse très-inconuiiooe. Il s'a-
dressa au peuple, et faisant allusion au re-
proche qu'on faisait aux chrétiensde se nour-
rir de Clair humaine, il lui dit en latin:
« C'est ce que vous faites maintenant, qu'on
peut a[)i)eler manger de la chair d'homme.
Pour nous autres, nous ne savons ce que
c'est que de faire de ces horribles lepas.»
Et comme on lui demandait quel nom Dieu
avait. — Dieu, répondit-il, n'a pas un nom
comme un homme.
ATTALE (saint), martyr, est inscrit au
Martyrologe romain le 31 décembre, et ho-
noré comme martyr par l'Eglise avec les saints
Etienne, Ponlien, Fabien, Corneille, Sexte,
Florus, Ouintien, Minervien et Simplicien,
qui furent les compagnons de son triomphe.
Les circonstances, le lieu et la date de leurs
combats sont inconnus.
ATTALIE, ville de Paraphylie dans l'Asie
Mineure. Cette ville fut témoin du martyre
de saint Hespère, de sainte Zoé et de leurs
deux enfants, saint Cyriaque et saint Théo-
dule, que Catale, païen, chtz qui ils étaient
esclaves, ht mourir dans un four, parce que
les deux enfants, indignés des honneurs
qu'on rendait chez lui aux idoles, s'étaient
déclaiés chrétiens.
ATTE (samt), était laboureur en Pamphy-
lie, et vivait dans le temps de l'empereur
Dioctétien. Il fut arrêté avec huit autres la-
boureurs, parmi lesquels saint Alexandre et
saint Léonce. Le président Flavien les fit dé-
capiter. L'Eglise fait leur fête le 1" août.
ATTICUS, gouverneur de Syrie sous Tra-
jan, ava.t autorité sur celui de Palestine.
C'est ce qui explique pourquoi Eusèbe peut
dire que saint Siméon, évêque de Jérusalem,
fut traduit devant Atticus, gouverneur, quand
on sait, d'un autre côté, qu'a cette époque (107)
c'était Tibérien qui était gouverneur de Pa-
lestine. Ce fut Atticus qui condamna saint
Siméon à finir sa vie par le supplice de la
croix.
AUCTE (saint), martyr, mourut pour la foi
chrétienne à Amphipolis en Macédoine, avec
âaintTaurion et sainte Thessalonice. L'Eglise
les honore le 7 novembre. (Pas de détails.)
AUDAX (saint), était présent quand sainte
Anatolie,sœurde sainte Victoire, fut tourmen-
tée et mise à mort par ordre du juge Fausti-
nien. il reçut une telle impression du mer-
veilleux courage de cette sainte, qu'il se fit
immédiatement chrétien. Emprisonné sur-le-
champ, il fut décapité sans qu'on lui laissât
aucun délai. L'Eglise célèbre sa fête le 9
juillet.
AUDIFAX (saint), fils de saint Maris, noble
pei san, et de sainte Marthe, frère de saint
Abaiiuim, vint à Koiiie avec eux pour visiter
les tombeaux des apôtres. Arrêté avec eux
comme chrétien, il souifrit, sous Claude II le
391
AUR
AVR
592
Gothique, la bastonnade, le chevalet, le feu,
les ongles de 1er, eut les mains coupées, et
ensuite lut décapité. Son corps fut brûlé.
L'Ej^lise honore sa mémoire le 19 janvier.
AUGENDE, confesseur, fut arrêté à Rome
en 250, sous l'empire de Dèce, pour cause de
christianisme, avec saint Moy se, saint .Maxime
et tous leurs compagnons. 11 soutlrit coura-
geusement les tourments, la prison pendant
dix-huit mois, et demeura inébranlable dans
la foi, quand, après leur sortie de prison, plu-
sieurs de ses compagnoiis eurent le malheur
de se laisser entraîner par Novat, et de tom-
ber dans le schisme de Novatien. Quand cet
évêque schismatique envoya en Afrique des
évêques qu'il avait ordonnés, saint Corneille
députa Augende vers saint Cy|)rien pour l'en
instruire. (Pour plus de détails, voy. Muyse.)
AUGSBOUUG. Toy. AisBOLRG.
AUGULE (saint), vulgairement nommé
Aule (et Oui! en Normandie), est cité dans
un Martyrologe attribué à saint Jérôme. On
tient qu'il souffrit pour la foi chrétienne au
commencement du iv' siècle, sous le règne
et durant la persécution de l'empereur Dio-
clétien à Londres. Henschénius a eu tort de
dire que le saint a soutfert à York. 11 a fait
erreur à propos du moi Augusta, il a cru que
la ville ainsi nommée signifiait la capitale
de la Grande-Bretagne. Or, du temps des
Romains York était la capitale de ce pays.
Cette interprétation n'est pas permise, quand
Ammien Marcellin dit positivement que la
ville de Londres se nommait Augusta. L'E-
glise honore la mémoire de saint Augule le
7 février.
AUGURE (saint), diacre de l'Eglise de
Tarragone, fut martyrisé avec son collègue,
saint Euloge et saint Fructueux, son évèque,
sous l'empire de Valérien, en l'année 259.
L'Eglise célèbre sa fête le 21 janvier. {Voy.,
pour plus de détails, les Actes de saint Fuuc-
TUEUX.)
AUGUSTE (saint), martyr, donna sa vie
pour la foi à Nicomédie avec ses deux frères
Flavius et Augustin. Le Maityrologe roniain
ne donne aucun renseignement authentique
à leur sujet. L'Eglise célèbre leur sainte mé-
moire le 7 mai.
AUiiUSTLN (saint), martyr, mourut pour
la fui à Nicomédie avec ses deux frères, Au-
guste et Flavius. Mous manquons de ren-
seignemen s a'-.thentiques a leur sujet. C'est
le 7 mai que i'Eglisu célèbre leur suinte mé-
moire.
AULANE, nom du lieu oiî saint Pierre
Balsame fut arrêté on l'an 311, sous le règne
de Galère et de Maximin. Ce fut aussi là
qu'il regut la couronne du martyre par ordre
du gouverneur Sévère.
AULE ^saint). Voy. Alglle.
AUUÉ (saint], habiîait Mayenceavec sainte
Justine, sa so^ur. 11 célébrait les saints of-
fices dans lé^'ise, ou bien y assistait avec
cette sainte et plusieurs autres chiétieiis,
Iors(]ue l.'S Huns, (pii ravageaient le pays,
vinrent les y surprendri; et h-s inassacrèKMit.
L'Eglise vénère l(;ur mémoire lo K» juin.
(Les détails manquent. )
AURÉE (sainte), martyre, eut d'abord le
malheur de renoncer sa foi. La force et le
courage l'abandonnèrent; maisbientôtaprès,
sentant sa faute, et le remords entrant dans
son cœur, elle revint d'elle-même au combat.
Cette fois, elle triompha et sortit de la lutte
avec la couronne du martyre. L'Eglise ho-
nore la mémoire de cette sainte le 19 juillet.
Son martvre eut lieu à Cordoue.
AURÉÉ ( sainte ), vierge et martyre, fut
mise à mort à Ostie, pour la foi chrétienne,
dans un temps et des circonstances sur les-
quels nous n'avons rien de précis. Elle fut »
jetée à la mer, avec une pierre au cou. Saint
Nonne ayant recueilli son corps que les Ilots
avaient amené an rivage, lui rendit les der-
niers devoirs. L'Eglise honore sa mémoire
le 2i août.
AURÈLE, célèbre confesseur de Carthage,
souffrit pour la foi chrétienne, sous le rè-
gne de l'empereur Dèce, en l'année 250, avec
saint Saturnin et une foule d'autres. 11 était
l'un des principaux d'entre ces saints con-
fesseurs, puisque les lettres de ceux de Rome
lui sont adressées à lui nommément, et à
Saturnin et aux autres en général. Ce coura-
geux soldat de Jésus-Christ était fort jeune
et ne savait pas écrire. Cette dernière circons-
tance explique pourquoi Lucien fit en son
nom un grand nombre de billets d'indulgen-
ces. II est excessivement probable que c'est
ce même Aurèle que saint Cyprien éleva à la
dignité de lecteur, avec de très-grands élo-
ges, à la tin de Tannée 250. Du moins la res-
semblance du nom et plusieurs autres cir-
constances donnent tout lieu de le penser.
Il avait d'abord confessé la foi en présence
des magistrats et d'un petit nombre de per-
sonnes, puis ensuite devant le proconsul en
pleine place publique. Sa première confes-
sion eut pour résultat le bannissement ; la se-
conde lui procura des tourments qu'il souf-
frit avec un très-grand courage. Saint Cy-
prien l'ayant donc ordonné lecteur, décida
qu'il recevrait dès ce temps-là les distribu-
tions des i)rêtres, car déjà il le réservait à la
prêtrise ; et s'il ne l'avait fait que lecteur,
c'était à cause de son jeune âge.
\URÈLE (saint), martyr, regut la couronne
du martyre à Cordoue en Espagne, du temps
de la})erséculion ([ue les Arabes tirent souf-
Irir aux chrétiens. 11 eut pour compagnons
de son triomphe les saints George, Félix et
les sanites Nathalie et Liliose. L'Eglise célè-
bre leur fête le 27 juillet.
AURELE (saint), martyr, dont l'Eglise fôte
le nom avec celui de saint Publius, le 12 no-
vembre, était évêque, ainsi (pie le saint que
nous vynons de nommer. Tous deux cueil-
Inent la couronne du martyre en Asie.
AUI^ELM (sainte), martyre, versa son sang
|)(»ur la loi ehrél.enue, à Paris, en compa-
gnie (le saint Georges, diau'e. .L'Eglis(> iio-
iiore leur mémoiie le même jour 20 octo-
bre.
AURÉLIEN {Lucius Doimlius AHri'linnus)^
eiiipen ur romain, naipiil le 9 .septembre 212,
(1 uni! l'amille obscure, très-prubablemeiil à
Sirmich, quelques-uns disent dans la Dace
595
Atli
AUR
39 i
F,
inlerieuro, ou dans la Messie. (-0 prince mon-
tra dès son jeune Ayc une grande a|ititudo et
une grande vivacité d'esprit. Dus lors il avait
un goût prononcé |)our le métier des armes
et une force de corps remarquahN; , (pie
l'exercice avait encore développée. De bonne
heure il se mit dans les troupes, et s'y lit
distinguer bientôt par une valeur au-dessus
de tout éloge et [)ar on talent militaire incon-
testable. Ses premiers ex[iloits eurent lieu
dans rillyrie et dr.us les Gaules (1), et dès
cette époque, quand Valéricn parlait de lui,
il le couiparait aux Corvius et aux Si'ipions.
Malgré cela, il ne voulut pas lui conlier l'é-
ducation de (lallien, son lils, h cause (ie son
excessive sévérité. Aurélien montra cette sé-
vérité dans une foule de circonstances. Un
de ses soldais ayant violé une femme, il le
lit écarteler, en l'attachant h deux bi'anclies
d'arbres qu on avait courbées ]iar force. 11
garda celte sévérité vraiment ciuelle jusqu'à
la (in de ses jours. On est sufll^amment au-
torisé à dire de lui, que si parfois il se mon-
tra doux et clément, ce fut dans l'intérêt de
sa gloire ou de sa sécurité. Aussitôt que
Claude eut rendu res.:rit, on songea natu-
rellement, pour le remplace.-, à celui qui de
tous les généiaux d'armée montrait le plus
de talent et d'habileté.
Les ex[)loits passés d'Aurélien promet-
taient son avenir, il ne faillit pas à cette pro-
messe. Ce fut en avril '270 qu'il prit la pour-
re : les légions le proclamèrent. Quintille,
rère de Claude, se tît déclarer auguste en
même terops qu'Aurélien ; mais bientôt ,
abandonné de tout le monde, il se donna vo-
lontairement la mort. Aurélien se rendit à
Rome, où il prit les mesures les [dus pro-
pres à affermir son autorité; seulement l'ha-
bileté qu'il montra fut déshonorée par sa
cruauté. Il fit mourr un grand nombre de
personnages distingués qui lui faisaient om-
brage, sous prétexte de conspiration et de
complots. Après cela, Aurélien s'occupa de
la tâche immense qu'il s'était imposée. Valé-
rien et ses successeurs, à rexce,»tion de
Claude, avaient laissé déchoir l'empire : ils
l'avaient laissé démembrer. Les plus belles
provinces étaient hors de l'obéissance de
ses empereurs. Les Gaules sous Tétricus,
l'Orient sous Zénobie, l'Egypte, étaient dé-
tachés du faisceau. Aurélien rêvait la res-
tauiation de l'empire de Trajan. C'était un
grand et magnifique projet , il l'exécuta.
Dieu le récompensa de son génie en lui don-
nant la gloire et des triomphes.
Aurélien fut bien peude tem|)s sur le trône
des Césars, et cependant aucun des princes
qui l'occupèrent n'accomplit plus de grandes
choses que lui, ne remporia plus de victoi-
res. Mais là devait s'arrêter Aurélien. Dieu
{\) Elant gouverneur des Gaules, il vint de Sens
à lioyes, où saint Patrocle, chrétien de cette ville,
lui lut dénoncé. Apres plusieurs interrogatoires, il
lui lit mettre les (ers aux pieds, des chauies rougies
au feu aux mains, et dans cet état le fil jeter au ca-
chot. Trois jours après, n'ayant pu ébranler sa fer-
meté, il le lit décapiter. On voit que ce prince
avait été persécuteur avant de njonler sur le trône.
DicTioNN. DBS Persécutions, l.
mettait une barrièrt; h ses projets de réfor-
me religieuse. Aurélien, fervent adorateur
des taux dieux et surtout du soleil, voulait
restituer au paganisme sa grandeur tombée,
en exterminant les chrétiens. Dieu l'atten-
dait là. Il le brisa le jour où il osa s'attaquer
h son Kglise. Aurélien éta t un prince trop
habile pour se donnera la fois les embarras
d(i la persécution contre les chi'étiens, et les
embarras de la guerre. Il se réserva de dé-
truire la religion chrétienne pour quand il
aurait abattu [)artout ses coMq)éliteuis et
chassé les baibares qui avaient violé le ter
ritoire de rem,)ire. 11 marcha d'; bord contre
les Goths, et api-ès une grande bataille, les
força de repasser le Danube. Après une
guerre qui eut des chances diverses, il vain-
quit enlin déiinitivement les Allemands qui
étaient venus jusqu'enllalie, et qui n'étaient
plus qu'à quel(}ues journées de Rome. En-
suite il vainquit et chassa de l'empire les
Vandales et les Marcomans.
Ce fut aj)rès avoir remporté ces avantages,
qu'il marcha contre Zénobie, reine et impéra-
trice d'Orient. A[)rès l'avoir vaincue deux fois
il l'enferma dans Palmyre, où elle résista
longtemps avec un grand courage. Enlin, man-
quant de tout, les Perses qui venaient à son se-
cours ayanl été vaincus, elle s'évada pour
aller à Ctésiphon chercher de nouvelles for-
ces. Aurélien la fit poursuivre. On s'empara
d'elle au moment où elle montait dans le ba-
teau pour passer l'Euphrate. Elle fut amenée
à Aurélien, qui lui fit grâce de la vie et la
réserva pour son triomphe. Cette circons-
tance est encore une tache pour sa gloire.
L'estime, le respect, les égards qu'il montra
depuis pour Zénobie, ne le laveront jamais
de la lâcheté d'avoir fait servir une femme
à son triomphe.
Après ces succès si grands et si rapides,
Aurélien reçut des ambassadeurs et beau-
coup de présents de la part de presque tous
les souverains d'Asie. Les Palmyréniens s'é-
tant, au bout de quelque temps, révoltés, il
fit raser leur ville et massacrer la plus grande
partie des habitants. Ici, comme on le voit,
nous retrouvons l'atroce cruauté dont nous
avons parlé en commençant. Peu de temps
après, il rattacha les Gaules à l'empire par
la défaite de Tétricus. Après tant de victoi-
res, après tant de travaux accomplis, Auré-
lien devait triompher. C'était dans les tradi-
tions païennes, il le fit avec un faste dont
l'histoire a gardé peu d'exemples. Tétricus
et Zénobie parurent enchaînés à la suite du
vainqueur. Il est vrai que les chaînes de Zé-
nobie étaient des chaînes d'or, et qu'après
le triomphe, Aurélien traita bien les deux
compétiteurs illustres qu'il avait vaincus ;
mais n'importe, c'était là une mauvaise ac-
tion. Tétricus et Zénobie étaient des per-
sonnages qu'il convenait toujours d'environ-
ner de respect. L'orgueil d'Aurélien se mit
au-dessus de ce dcvcir et de cette magnani-
mité.
Après ce triomphe, Aurélien termina la
guerre des monnayeurs et chassa les barba-
res de la Vindélicie ; puis il revint à Rome,
13
595
ÀUR
AUR
596
OÙ il se livra aux plus atroces cruautés con-
tre beaucoup do personnages éuiinents, sé-
nateurs et autres, qu'il accusait de complots.
Le voilà donc ce victorieux, arrivé au but
qu'il avait rêvé! La victoire a partout favo-
risé ses armes. Il a conquis tous les pays que
i& révolte avait détachés de l'empire sous
Valérien et sous son successeur. Il voit à ses
pieds ses ennemis vaincus. 11 a triomphé
comme triomphaient les Scipions, les Pom-
pée, les César. Il a fait aussi grande mois-
son de lauriers qu'en si pou de temps il
était possible de le faire. Dieu a donné à ses
talents militaires la récompense la plus
grande qu'homme puisse rêver ici - bas.
Le génie est une vertu terrestre que Dieu
récompense avec de la gloire plutôt qu'avec
du bonheur. L'orgueil humain y trouve son
compte, le cœur, hélas, presque jamais. Ses
destinées sont plus hautes ; il a besoin d'au-
tre chose que de ces hochets brillants dont
s'amuseal les hls de la terre.
Aurélien avait rôvé non-seulement la res-
tauration de l'empire romain, mais encore
la restauration du culte des idoles. 11 croyait
qu'il serait beau de restituer à son empire
les croyances qu'il avait jadis et i{ui partout
disparaissaient devant le chrislianisrne ,
comme les ténèbres disparaissent à la lu-
mière du soleil. Pourquoi, se disait-il dans
son cœur, pourquoi ne serait-il pas le res-
taurateur de la religion des Romains, comme
il avait été le restaurateurde leur puissance?
Pourquoi? parce que le Dieu des chrétiens
ne le veut pas; parce que ce Dieu, qui brise
les conquérants, efface leurs pas dans le
monde, comme le vent du désert les pas du
voyageur : parce que ce Dieu puissant va
l'enlever du monde au moment même où.
seront lancés les édils de persécution qu'il
prépare contre son Eglise.
Aurélien voyant sa puissance affermie,
ses ennemis vaincus, le nom romain redouté
des barbares, crut le moment venu de ren-
verser l'Eglise de Jésus-Christ. Il allait lan-
cer ses édits, quand la foudre du ciel, tom-
bant près de lui, l'épouvanta tellement, qu'il
dut y renoncer; mais la frayeur se |)assant
avec le temps, il reprit son dessein et [xjrta
des édits sanglants contre les chréliens. Dieu
l'attendait la. CfS édils n'étaient pas encore
rendus dans les provinces éloignées de l'em-
pire, que déjà la juslii-e divine avait passé.
Aurélien tombait sous le («oignard. 11 roulait
assassiné sur les marches de ce li'ùne en-
sanglanté, où l'on ne montait que par le
crime, d'où l'on ne descendait que par h;
crime.il était dans la Tlnace avec une ar-
mée puissante, qu'il voulait mener conln;
les Pers-s. Ayant su (pn; Mriesthée, un des
ses alfranchis , s'était rendu coupable de
quelque <;on(;us.sion, il le menaf;a vivement.
.Mnesthée,sa(;h;ml ipi'uiU! menace d'Aurélien
était toujours funeste, r;onlielil son écriture
et écrivit uni; |trélendue liste doproscription
dressée [)ar l'empereui'. Il y mil le nom des
principaux ollif iers de l'ai-mée, avec le sien,
Jt la leur nionlia 11 leui" disait (pi'un cou(»
ic dés(;spoir pouvait seul les sauver. Ils le
crurent ainsi et épièrent le moment favora-
ble. Ce moment arriva. Près de Gcenophru-
nium, Aurélien étant peu accompagné, ils
l'attaquèrent l'épée à la main et le tuèrent.
Les jjaïens dirent que sa mort était Une juste
punition de tout le sang innocent qu'il avait
versé. Les chrétiens ont toujours ciu qu'elle
était en outre le chAtiment de ses projets
sanguinaires h leur égard, et du sang des
saints que ses décrets tirent verser
«Dodwel ne met aucun martyr sous Auré-
lien, parce (jne la persécution fut, dit-il, à la
vérité résolue, mais on n'en vint pas jusqu'à
l'exécution ; et il fait ce qu'il peut pour s'au-
toriser du témoignage d'Eusèbe et de celui
de Lactance, que nous convenons avec lui
devoir servir de règle et êlre une décision
en cette matière. Or, Eusèbeditqu'Aurélien,
après avoir été à l'égard des chrétiens dans
des dispositions assez favorables, vint à chan-
ger de sentiments dans la suite, et suivant
l'avis de quek|ues persoimes de son conseil,
il prit la résolution de persécuter les fidèles.
«Déjà, dit cet historien, le bruit s'en répandait
de tous côtés; mais connne l'empereur était
sur le point designer les édits qui avaient élé
concertés contre nous, la justice divine ar-
rêta sa main...» Pour Lactance, il ditqu'Au'
rélien ne put exécuter ce qu'il avait projeté,
et qu'à peine sa fureur avait-elle commencé
à s'allumer, qu'elle fut éteinte avec sa vie.
Si Aurélien, conclut Dodwel, n'a pu- pour
suivre ce qui avait été résolu dans son con-
seil, c'est une preuve évidente qu'il n'y a eu
aucun martyr qui ait soutier! on vertu de ses
édits. Quoiqu'on puisse conclure de ces pas-
sages que la persécution d'Aurélien a peu
duré, il ne s'ensuit pas pour cela qu'elle
n'ait fait aucun martyr. Premièrement, ce
bruit qui se répandit du changement de l'em-
pereur à l'égard des chrétiens, qui le porta
à publier coiftre eux de sanglants édits, mar-
que déjà qu'il avait conçu poureux une aver-
sion prodigieuse. Son conseil s'étant ensuite
déclaré ouvertement contre eux et ayant al-
lumé par leurs pernicieux avis les premiers
feux de la persécution, il est presque impos-
sible que quelcjne chr-étien n'en ait élé con-
sumé. Eusôbe n'en disconvient pas dans sa
chronique, lorscju'il dit , « qu'Aurélien fut
massacré après avoir excifécontre les fidèles
une persécution. » A l'égard de Laclance, il
dit véritablement tpie, lorsque ce prince fut
tué, son édil n'avail pas encore été publié
dans les provinces de reni|)ire les plus éloi-
gnées. Mais (pii eni[)êcli(( ((u'il ne l'ait été
après (pi'il n'a plus élé au monde? El il ne
fallut pas plus de temps poui' y porter cet
édit (jne la nouvelle de sa morl.Onni' j)eut
(lu moins disconvenir (|u'il n'ait élé reçu
dans les provinces les plus voisines de Ro(ne;
et Aurélien fut lue à la vérité, dans le pr(î-
mier accès de sa fureur ; mais il avait déjà
|iar des clfels atlafjué la souveraims majesté
de Dieu. Il n'exécuta pas son projet, il est
vrai, car il avait projeté dt; détruire la reli-
gion chiélieiHie ; mais Néron avait formé le
mèmi! dessein, et il nu l'exécuta j)as ; mois
Dioclélien et tous les tyrans qui oui ré}>andu
397
AtS
AVI
598
le sangaosfhi'élions, ont ^nis Ui luOiuu véi>o~
lui ion ot soiil morts sans J'avoirpu cHecluor:
cdla a-l-il (Miipôché (lu'on lU' It's ail mis, du,
const'.nti'mciit de tout le monde, au iiomhie
des i)Ius ciui'ls persi^cLileuts ? Pour Aurélien,
il est ccitainiiue quoiim'il ne l'it,i)Our ainsi
dire, qu'ouvrir la scène, elle ne laissa pas
d'être LMisanglantc^e par la mort do qucitpics
martyrs. Ainsi c'est avec justice que; Lactaïu^o,
le grand Constantin, Paul Oroscelles aulres
auteurs ecclésiasti([ues, lui donnent rang
parmi les ennemis de l'Eglise. (Uuiiuul., Dis.
prél.)
AURÉrjEN, fiancé de sainte Anatolio ,
sœur de sainte Victoire, n'ayant pu de con-
cert avec son amiEugèius tiàuc6 de Victoire,
décider Ic'S deux sœurs, qui avaient pris la
résolution de consacrer M)ieu leur virginité,
à changer de dessein, s'adressa h Dèce i)()ur
que toutes deux leur fussent livrées. Eugène
avait voulu dénoncer Victoire au juge connue
chrétienne. Ce lut Aurélien qui s'y opposa.
Dèce accueillit la demande qu'on lui faisait,
et les deux jeunes gens emmenèrent les
deux saintes dans leurs terresàla campagne.
Lh, ni les tourments, ni les menaces, ni la
persuasion, ne purent rien sur le dessein des
deux généreuses filles. Alors leurs liancés
les dénoncèrent ofliciellement. Dèce com-
mit pour les juger Faustinien, qui s'ac-
quitta de sa mission, en faisant mourir les
deux sœurs et, on même temps, un nommé
Audax, qui s'était converti à la vue do leur
admirable courage. ( Voy. Victoire et Ana-
TOLiE. Voy. avissi Falstijnien, Audax et Eu-
gène. )
AUSBOURG , ou Augsbolrg, ville de la
Rhétie, fut la patrie de sainte Afre, célèbre
courtisane, qui, durant la persécution de
Dioclétiei, en l'an de Jésus-Christ 304-, y fut
mise à mort pour la foi, avec sainte Hilaria
sa mère, et trois de ses servantes et compa-
gnes, Euiiomie, Entropie et Digne. Ce fut
un juge nommé Gaïus qui les condamna à
mort et les lit exécuter. ( Fo?/. les Actes de
sainte Afre.)
AUSONE ( saint ), martyr, fut le premier
évèque de la ville d'Ângoulôme ; les ditîé-
reiites notices qui ont été publiées sur sa
vie sont toutes plus ou moins fabuleuses :
voici ce qui doit être regardé comme le plus
probable sur ce saint martyr. Les habitants
du territoire d'Angoulôme étaient encore
idolâtres quand saint Ausone vint leur por-
ter \\ lumière de l'Evangile : il s'établit chez
eux après en avoir converti uu grand nom-
bre. On ne sait s'il eut la tête tranchée par
l'ordre des magistrats du pays, ou parle ca-
pitaine des barbares, qui avaient fait irrup-
tion dans les Gaules. Les reliques de saint
Ausone furent brûlées, en 1568, par les hu-
guenots. L'Eglise fait si mémoire le 11
juin.
ACSONIE (sainte), fut couronnée du mar-
tyre dans la ville de Lyon, en l'année 177,
sous le règne de l'empereur Antonin Marc-
Aurèle. Elle mourut en prison, comme saint
Pothin et beaucoup d'autres saints martyrs,
n'ayant pas eu la force nécessaire pour en-
durci' jusqu'au bout les tourments (jui; lui
tirent subir les |)erséculeurs. Elle alla s'abri-
ter dans le sein de son Dieu coninï la fu-
reur de ses bourreaux. L'Kgliso fait sa fête
avec celle de tous ses (•ompagnons le 2 juin.
AUTAL (saint), évê(}ue et c.onlessimr, souf-
frit en France |)Our la foi h une époiiue res-
tée indéterminée. L'Eglise honore sa mé-
moire 1(! 7 sopltiuibre.
AUTIÎN , Jiihructe, puis Aw/ustodunum ,
ville de France (Saône-et-Loir(!j, ancien-
nement capitale des Edueiis et l'une des vil-
les les- plus importantes de la Gaule. C • fut
dans ses murs ciu'Héraclit.s, gouverneur de
la province, (il maitu'iser saint S.vmphorien,
sons l'emiiire do Mai-c-Auièle. Ce fut aussi
sous le même prince qu'un juge nomm'' Va-
léricMi y condannia saint Florelleà êlie dévo-
ré par les bètos. Sous lo r-ègne do l'empereur
Aurélien, on trouve à Autun les saints mar-
tyrs Kévérien, cvêque, et Paul, prêtre. Quel-
ques auteuis ont piétondu que saint Uévé-
ruiu était évêque d'Autun ; cot'e opinion
est loin d'être appuyée sur des pi-euves suf-
hsantes. Ce saint était inconiestablermnt
évêque, mais [)eut-être d'une autre ville.
Messieurs de Sainte-Marthe ne le comptent
pas au nombr(ï des évêques do celte ville.
AUXENGE (saint), fut martyrisé [lour la
foi chrétienne en Arabie, sous le règne et
durant la persécution de Dioclétien, sous un
juge nommé Lysias. Le lieu de son martyre
fut le pays des Arabraques, oii il fut mis à
mort, après avoir enduré de cruels tour-
ments. Depuis son corps fut transporté à
Rome, oii on l'enterra honorablement. L'E-
glise honore sa mémoire le 13 décembre.
AUXEKRE, ville siUiée dans le départe-
ment de l'Yonne, à IGCkilom. de Paris. Son
territoire a été illustré par le martyre de saint
Brix, qui y mourut pour la foi avec un grauvl
nombre de chrétiens dont les noms sont
malheureusement ignorés. Cette vilie vit
aussi la généreuse confession de i'évèque
Ethère, ainsi que le martyre de I'évèque
saint Fratcrne.
AUXILE (saint), martyr, reçut la palme
du martj.re à Antioche avec les saints Rasi-
lié et Saturnin. L'histoire n'a pas de détails
sur leur m,irty;e. L'Eglise célèbre leur sainte
mémoire le 27 novembre.
AVERTÏN (saint), diacre, confesseur, était
chanoine régul.er de la congrégation de
saint Gilb rt en Angleterre, il voulut suivre
l'ilLustre saint »Tliomas de Cantorbéry dans
son exil, et partagea ave^ son achevèque
toutes 1 s tribulations et inus les déiyoïres
qu'on lui lit subir. (J;iand saint Thomas de
Cantorbéi-y fut mo.l, noire saint confesseur
se retira dans le petit idage de N'inzai en
ïouraine, et y consacra le restant de ses
jours au service pénible d( s |)auvres et.<Jos
étrangers. Sa moit arriva vers l'an 1189.. La
paroisse de Boagival, dans le diocèse d^;Pa-
ris, l'honore comme son patron. L'Eglise fait
sa fête le 5 mai.
AVILA, ville d'Espagne, célèbre par le
glorieux martyre de saint Vincent et des
399
AZA
AZA
400
saintes Sabine et Ghristèle. Ils furent marty-
risés par Tordre du président Dacien.
AVIT fsaint), martyr, mourut en Afrique
pour la loi, à une époque et dans des cir-
constances que nous ignorons. L'Eglise cé-
lèbre sa fête le 27 janvier.
AXOTECHALT, était père du bienheureux
Christophe. Ce puissant Indien , habitant
d'Atlvhuetza, près de Tlascala, dans le Mexi-
({ue, avait soixante femmes et en avait eu
quatre (Ils. Corlez exigea qu'il les envoyât
au séminaire que les religieux avaient fondé:
les faits que nous rapportons se passaient eu
1528. L'aîné, qui se nommait Christophe, lit
de grands et rapides progrès dans les scien-
ces et montra un zèle ardent pour la propa-
gation de la foi. Rempli d'aflliction de voir
Axotechalt son père, idolâtre, il voulut le
convertir ; mais ses instances ne parvinrent
qu'à l'en faire d'-tester. Voyant que les pa-
roles de douceur n'avaient pas réussi, il ju-
gea convenable de le reprendre avec fermeté
et de lui faire entendre les menaces que
fait la religion à ceux qui ne suivent pas ses
saints commandements. Axotechalt fit endu-
rer à son fils de rudes châtiments pour la
liberté de son langage. La mère de son fils
puîné, voulant que son fils à elle devînt, au
détriment de l'aîné, l'héritier des biens pater-
nels, excita la colère d'Axotechalt en accu-
sant Christophe de certains crimes. Le père
alors résolut la mort de son fils. Il l'enferma
dans un lieu écarté et le tua eu l'accablant
de coups de bâton. Après cet odieux forfait,
Axotechalt cacha dans le sable le corps de
son fils el défendit à ses serviteurs d'en par-
ler. Quelque temps après, ayant été empri-
sonné pour injures envers un Espagnol, il
vit son crime découvert et fut pendu.
AZADE (saint), martyr en Perse, durant
le règne et la persécution de Sapor, en l'an
de Jésus-Christ 3il, était un eunuque chéri
du roi. Ce prince, dans la trente-deuxième
année de son règne, ayant publié un édit
sanglant, les gouverneurs de province se tiâ-
tèrent de l'exécuter. Ou ne voyait de toutes
parts qu'instruments de sui)plice et ruis-
seaux de sang. Azade fut mis à mort au nom-
bre des chrétiens desquels cet édit cruel causa
la mort. Sozomène en [)orte le nombre à seize
mille. Un écrivain nersan, publié par Uenau-
dot, va jusqu'au cnilfre de deux cent mille.
Quand le roi apprit la mort d'Azade, il en
fut tellement afiligé qu'il publia un second
édit(piireslreigiiaiLr.q)plicaliondu |)remier,
seulement aux èvèipies, aux pnHres, aux
moines, en un mot à ceux qui o;:cui)aient un
rang quelcon(}ue dans les ordres sacrés ou
dans la hiérarchie religieuse. S.iint Maralhas
a publié, à projjos de saint A/ade, une pièce
que nous avfjns Induite et (jue nous don-
nons ici, par res;)(!cl pour les docinnenls
aulhentiipifjs , (pioiipi'clle soit pleine di;
UJauvais godt au point de vue du style, (pii
est plein de clinquant el <le boullissure pré-
tentieuse. La fêle de saint A/ade et do ses
couqjagnons a lieu b' 22 avril.
Combat de plusieurs martyrs et de saint
Azade, eunuque.
Dans la trente-deuxième année du roi Sa-
por, le jour môme où elle commençait, fut
jjorté un édit cruel : l'épée cruelle fut tirée,
et la puissance fut donnée au fer pour la
porte de quiconque s'avouerait être chrétien,
afin qu'il fût mis sous le joug et enchaîné
pour être conduit on servitude. Une foule
immense de satellites se répaniiit aussitôt
dans tous les districts, à la poursuite du
troupeau des fidèles, et dans le but (i'exé-
cuter cette terrible se/itence. On se fusait
im mérite du massacre des saints ; mettre à
mort les chrétiens était une marque de dé-
vouement et d'amour. Alors, les âmes vrai-
ment courageuses el dignes devant Dieu, el
prèles à tous les supj)lices, marchèrent au-
devant de la mort qui les menaça' t. Le glaive
dévora les puissants en force, et bul le sang
des courageux par le cœur. Mais eux le pri-
rent pour un flocon qui vole et le méprisè-
rent, parce que, tremblant, il chancela quand
son tranchant fut émoussé. Ceux qui l'aigui-
saient se fatiguèrent, et. ceux qui le tenaient
tombèrent sans force. La vérité, au contraire,
ne fut point affaiblie et la force ne lui fit pas
défaut pour la bataille. Son feu s'alluma
dans la charité, sa flamme se condensa dans
l'espérance. Les brebis s'animèrent à la
boucherie, la croix germa sur les rives du
fleuve de sang ; à son aspect le troupeau des
saints, corroboré, s'exalta dans sa joie, et,
encouragé par ce signe salutaire, donna aux
autres la même force qu'il avait lui-môme
reçue. Les brebis burent l'eau de l'amour
divin et donnèrent naissance, par un heu-
reux enfantement, à une génération nou-
velle. Les agneaux grandirent ; conduits
dans retable el marqués du signe de la croix,
ils sortirent dans les gras pâturages quand
avril ramena le printemps.
Gloire à Jacob l'invincible et à son Dieu ;
gloire à Israël et à son Dieu. L'un, en mon-
trant de petits bâtons à ses brebis, les aida à
multiplier; l'autre, par sa croix, leur a pro-
ciiré un accroissement bien plus grand. Ces
bâtons étaient blancs, et leur aspect produi-
sit des agneaux tachetés et de couleurs va-
riées, qui avaient l'espoir de vivre. Cette
croix était rouge, et son aspect produisit la
blancheur chez les agneaux destinés à la
mort. Jacob conduisit ses brebis |!0ur qu'elles
missent bas; Jésus-Christ conduisit les sien-
nes à la boucherie. Le premier mena ses
brebis à l'abreuvoir pour qu'elles crussent
en nombre, 1(î second les mena à la mort.
Le premier fit paitrc h ses brebis les iierbes
vorles du désorl ; le secon:!, dais le sein de
la paix,(lotuia le glaiv(!aux siennes en guise
dopâlura.^e. Le premier con-luisit ses brebis
à la |),Uure dans les pâturages prinlaniors
des solitudes ; le second les conduisit à la
nu)rl dans les lieux l'rétpn'iiiés |)ar les hom-
mes. L(; premier nourrit ses brebis pour
(pi'elles engraissassenl el (pi'il s'en enrichît;
1(5 second leur donna du sel pour qu'il les
Hngrais5âl tians le temps présent. Le premier,
401 AZA
vivant, tua ses •brebis. Le second, mort, tua
les siennes pour qu'elles vécussent. Le pre-
mier conserva ses brebis vivantes jusqu'à
ce qu'elles mourussent successivement de
temps en temps ; le second les garda mortes
pour (pi'elles vécussent éterncllemenl. Le
premier trompa, par ruse, uti iionnne de
mauvaise foi, pour lui rt'jjremlre ce dont il
avait été frustré ; le second usa de sagesse
contre le diable, artisan de fraude, pour lui
arracher do la gueule ce qu'il avait ravi. Le
premier survécut hla mort de son troupeau;
le second detneurera pendant l'éternité et
son troupeau vivi'a.
Nous avons comparé un homme à Dieu ;
mais nous avons 'ait intervenir le serviteur,
vis-ti-vis de son seigneur, dans une com^)a-
i-aisou imparfaite ; car il y a entre l'un et
l'autre la dilférence de l'inlini. Mais accélé-
rons notre marcÎH' pour arriver à ceux qui
courent })rompts et joyeux, et précipitent
leur course vers les torrents de sang qui
coulent et vers les tristes ombres de la mort ;
qui fouliuit aux pieds la vanilé du tyran,
qui ré, riment la férocité de cet homme, le
plus superbe et le plus impudent de tous,
de cet homme si emporté et si scélérat, qui
a rempli au loin tout son empire de deuil et
de terreur et l'a bouleversé comme eût fait
la tempête ou l'ouragan. Pendant son ton-
nerre, un édit fut lancé, semblable aux tour-
billons de grêle stridents et sonores que vo-
missent les nuées ; ses torrents ravagèrent
la route du salui, pour la rendre impraticable
dans l'avenir. Le troupeau, épouvanté de
son fracas, se di'^persa d'abord ; mais bientôt
il se léunit ensemble, se resserra et s'aug-
menta. Désormais il demeure réuni. Ainsi
il a rempli les élables des nations et des
peuples et a apaisé, par sa riche abondance,
la faim des habitants ; aux uns il a été donné
gratuitement, aux autres contre une juste
rémunération. Grâce à lui , la force a été
rendue au^ membres alfaiblis, il a réparé
les forces perdues de la faiblesse. Ceux qui
ont trouvé en lui le salut, ont pu bientôt
soulager la disette des autres. O troupeau
digne de tous nos hommages ! qui est jiar-
venu cl une telle grandeur, qu'il a surpassé
toutes les puissances. La main du moisson-
neur a été frustrée, le bras du tondeur est
resté sans force, son cœur s'est desséché, et
son esjirit s'est troublé. Les choses qu'il
préparait n'ont point répondu à ses vœux;
celles qu'il médiail ont tourné à mal contre
lui. Au commencement, la tyrannie en a
enlevé un cent, à la tin elle en a produit des
milliers. A partir de la sixième heure de la
sixième férié, qui tombe le quaîorze de la
lune d'avril, moment auquel fut promulgué
l'édit, jusqu'au dimanche de la seconde se-
maine de la Pentecôt'3 , c'est-à-dire durant
dix jours, on ne cessa pas de massacrer les
eh éliens. Il arrive souvent que cette sixième
férié voie, à son déclin, mourir des gens
qu'elle rend à la lumière et à la vie au jour
du sabbat suivant: chose dont l'apôtre s'est
souvenu, quand il dit que l'observation du
sabbat a été laissée au peuple de Dieu. O
AZA
402
heure illustre, qui arrive un si grand et si
célèbre jour de fôtel Dans cette fête, les
époux parfaits ; régénérés par un nouveau
baptême, sont fortifiés; ils ne craignent ()lus
dans l'avenir la souillure du péché. Ceux
(}ui, pendant un jeûne de quarante jours,
sont demeurés dans le délaissement d'(!ux-
mêmes, ont déf)Osé leur deuil sur les sièges
de la gloire et ont acquis une félicité inouïe
qui doit durer l'éternité. Heure sainte, du-
rant laquelle les prêtres ont lavé leurs taches
dans les eaux qu'ils ont eux-mêmes prépa-
rées, de manière à n'avoir besoin, plus lard,
d'aucun remède de pénitence, d'aucun bap-
tême de larmes I O heure dans laquelle ceux
que jusque-là les ouragans et les tempêtes
avaient tourmentés, agités, sont entrés dans
un [)ort tranquille, où rien ne les |)ersécute,
où aucun soin d'ici-bas ne les agile, lors
même que la mer est tempétueuse et incer-
taine ! O heure dans laquelle les hommes, li-
bres d'eux-mêmes, ont mis de côté tous les
soucis des affaires domestiques, et dans la-
cjuelle les femmes également , cessant de
s'occuper à faire des tissus et libres des
soins du monde, purent goûter le repos !
Les esclaves purent passer des nuits tran-
quilles, nul ne les forçant au service de leurs
maîtres ! Egalement les servantes, débarras-
sées de la crainte de leurs maîtresses et li-
bres des labeurs du ménage, goûtèrent le
repos tant désiré !
O épée, qui nous donnes à boire, que
grande est ton iniquité ! 0 hache, qui nous
prépares des aliments, que ton métier te
sera funeste 1 Quand l'un eut enivré les con-
vives, il les poussa à abjurer la vérité ;
quand l'autre les eut rassasiés, elle les forçat
à renoncer à la charité : l'un mit dans ses
coupes des poisons qui se changèrent en
préservatif pour le salut ; l'autre mêla dans
ses mets des drogues mortifères qui se
changèrent en remède contre la mort et
procurèrent la résurrection. Que la seconde
mort, ô Seigneur, devienne leur récompense,
et l'enfer leur rétribution ! Que l'enfer en-
serre ceux qui se sont gorgés de notre sang
et qui ont déchiré nos chairs palpitantes.
Tirez, je vous en prie, votre glaive, et ordon-
nez que le fer du tyran rentre dans le four-
reau. Que votre épée se montre, et que la
sienne périsse. Irritez-vous contre ce furieux
et écrasez sa colère. Jugez-le, lui qui juge,
et par votie sagesse brisez son jugement.
Faites, Seigneur, que nos supplices se chan-
gent en triomphe ; que la vie reçoive notre
mort ; que l'amour s'attache à notre nom,
l'éclat à notre honneur, 0 Jésus, notre espé-
rance , secourez -nous et soutenez notre
confiance en vous, vous l'auteur de notre
salut.
Dès que le bruit de cet édit fut répandu,
il se fit un immense concours de chrétiens
qui convoitnient ce trésor de salut. On les
égorgeait comme des troupeaux ; et les gou-
verneurs, aussitôt qu'ils eurent appris, dans
le fond de leurs provinces, l'édit qui ordon-
nait de mettre à mort les. chrétiens, en rem^
plirent les prisons pour obéir aux ordres
*oz
AZA
AZE
iOt
barbares du roi. Les insensés, ie quelle
gloire ils faisaient vanité 1 Les choses en
vinrrnt au point que l'épée, enivrée du sang
des saints, se sentit prise de rage et, pour
éteindre sa soif, se lit d'iiumonses amphores;
et que la hache, rassasier de leur chair, fut
jirise de faim vorace et d ,t, pour la satis-
faire, se construire des tables immenses. De
là vint que ceux qu'on lu;iit [Jurent b «ire, et
que les bourreaux s'enivrèient ; que les
mourants furent rassasiés, et que les bour-
reaux se piécijiitcrent au banquet avec une
insatiahl' voracité ; (jue les uns présentèient
la tète et (jue les autres aiguisèrent le fer.
Le sang cria et la hache s'enilamma. Partout
où on voyait les corps de ceux qu'on massa-
crait, la mort rugissait, le sang couvrait la
terre et l'enfer tiessaillait de joie.
On fai>ait cts massacres avec tant d'em-
pressement que, sur le seul aveu de christia-
nisme, on envoyait au supplice sans examen
ni interrogatoire. Oi, il arriva cju'un eunu-
que que le roi aimait beaucoup, et qui se
nommait Azade , fut librement mis à mort
piiur le nom de Jésus-Christ, par suite de
cette f.ç0!i si promyjtc de sévir. Le roi
l'ajant ap|)ris, en éprouva un grand chagrin
et une grande douleur. Il rendit un édit dé-
fendant qu'on sévit à l'avenir contre tous
ceux qui le voudraient, mais seulement
centre ceux qui étaient les chefs apparents
des chrétiens.
C'est pourquoi les noms des hommes, des
femmes et des enfants qui f rent mis à mort
dans ce Irmps-là ne parvinrent pas jusqu'à
nous, h l'exception de ceux qui furent mis à
mort dans la ville. Il y eut dune un grand
nombre de martyrs dont les noms sont res-
tés inconnus, pour la plu[)art étiangcrs et
appartenant aux provinces éloignées.
Beaucoup de soldats des armées royales
augmentèrent ce nombre des saints martyrs,
qui reçurent la coMOni.e en confessant no-
tre Dieu. (Traduction de iauteur.)
AZALA CAndrkd'), frère mineur, fut mar-
tyrisé en 1585, dans la Nouvelle-Galice. Cette
contrée e>t couverte de hautes mon tajines,
aue couronnent des pins et des chênes fort
élevés. Les liabitant^, houjmes farouches,
demeuraient dans des j^rolles. André acquit
une si grande inlluencc sur eux, qu'il leur
fit quitter leurs cavernes pour venir élever
des maisons dans la |)laine et y tracer des
sillons. P. ndant six années, tout alla bien;
mais alors l.i lécolte ayant m uiqué, les in-
digènes regrettèrent Icui-s idoles (U résolu
rent de mas^-icrer leur bienlaileur, avec son
compagnon l''r.ini;ois l'igidius. |l> miicnl le
feu au couvent et à l'église, et André s'étant
avancé vers eux le crucjlix à la main, ils
l'assùmiiièrenl et lui coiipèicnt la lèle. Son
comji.ignon (U d'anli-es cliiél ens, (|ui s'étaient
ré u. es dans le jardin, subicnt le mèiiu;
sort. (CliroTiiqucs dcn frères Mineurs, t. IV,
p. 705.)
AZ,\S (saint), martyr en Lsauiie, domia sa
vie pfmr .lésii'.-Cliiisl, avec cent cin (U.inlo
soldatb qui parlagerunl avec lui les honneurs
du martyre. L'Eglise honore leur mémoire le
19 novenibre.
AZEVEDO (le bienheur(>ux), de la compa-
gnie de Jésus, avait été envoyé par François
de Borgin, général de la société, pour gouver-
ner les jésuites du Brésil en (pialité de vi-
siteur. Après avoir terminé sa visite du Bré-
sil, il était retourné en Europe pour enrôler
de nouveaux soldats de Jésus-Christ dont ou
manquait. Il recruta à Rome, pour le service
des njissions, soixante-neuf sujets, dont les
uns étaient prêtres, les autres élèves en théo-
logie ou en philosophie , d'autres enf^ore
simples coadjuteurs temporels. Cette troupe
sainte fut pa;lagéo en trois corps, dont l'un,
compos''> de quarante-quatre d'entre eux, lui
fut coniié avec 1« titte de piovincial. Il s'em-
barqua sur \e Saint- J.icques. Us partirent do
Lisbonne le 5 juin 1570 et bientôt arrivèrent
à Madère. Là ils apprirent que des corsaires
calvinistes, qui venaient de se prési n'er en
vue de l'île, avai(-nt le cap sur les Canaries.
Comme le Saint-Jacques devait aller débar-
quer des marchandises à Palma, notre bien-
heureux engagea ceux qui craignaient la mort
à rester avec le reste de la Hotte. Quatre s-ule-
ment se retirèrent. Le SaiiH-Jacques continua
sa route, et le samedi 15 juillet, dès le ma-
tin, une vigie signala cinq vaisseaux. On re-
connut bientôt que c'étaient des navires fran-
çais, conduits par Jacques Sourie, natif de
Dieppe, vice-amiral de la reine de Navarre
et zélé calvinisle. Notre bienheureux fit des-
cendre ses compagnons et resta stir le pont,
au jiied du grand m<\t, alin d'exhorter les com-
battants à soutenir vaillamment l'abordage.
Le Saint-Jacques fut bientôt cerné de toutes
parts. Azevedo reçut un coup d'épée sur la
tête qui fuî fendue jusqu'à la cervelle; trois
cou})s de piques suivirent bientôt et il tom-
ba frappé à mort. Les comjîagnons de son
martyre furent : le P. Benoit de î'astro. Por-
tugais ; le P. Jacques d'Andradn, Portugais;
Eiiunanuel Alvaro, Portugais; Biaise Kibeiro,
Portugais d.! Braga ; Pierre Fonseca, Portu-
gais; (irégoire Escrivaiti, Portugais; Alvaro
Mendez, Portugais ; Simon d'Acosta, Portu-
gais; François-Alvaro Covillo , Portugais;
Dmninique Hermandès, Portugais; Alfonse
Vaina, Espagnol d ■ la Nouvelle-Castille ; (ion-
zale ilenriquez. Portugais, diacre; Jean Fer-
nandès de Lisboiuie; Jean Feinandès de
Brag-i; Jean de Majorque, Aragonais ; Alexis
Deigrado, Portugais; Louis Corréa, Portu-
gais; Emmanuel Hodrigue/, Porlu;j,ais; Si-
mon Lope/, Portugais ; Pierre Nu.nnès, Ivs-
pngnol ; François Magallanes, Portugais; Ni-
col.is Donys de Bragança; (laspard Alvar- /,
Porlug.Ms; Antoine Hernandès, Portugais de
Monte-Major ; lùnmanuel Pacher o, Poi lugais ;
Pirrre Im) danra, PorlU;Aais; André Coii/;dr>-,
Pnilugaisde Viana;Jai(pn'sPér. z. Portugais;
Jean Kaèza, Espagnol; Marc Cal(hira, Poilu-
gais ; Antoine C riéa, Pcjrtugais de Sailo;
Heiiiaii I S nchez, Es| agnol ; Fiaiçois Pérez
(lt»doy, l"'s|'agno| de Torijos; J(>an do Stunl-
Martni, Poiiu.^ais des Iles ('.os; Jean do Za-
fni, Espagnol d(^ 'l'olèdc; Antoine Suai'cz,
Espagnol; Etienne Zuzayre, Bisca^en, qui,
405
m^
BAB
406
avant, de quitter Placoncia on Kspagno, où il
résidait, pour se rendre au Brésil, avait dit à
son conibs.seur qu'il soulîrirait le martyre.
(Du Jarric, Histoire d(s choses plus mémora-
bles, etc., t. H, p. 278. Tanner, Societas Jesu
nsque ad sanyuinis et vitœ profasionem mili-
tans, p. ii\G et 170.)
AZOCA, Espagnol, aoeoinpagn?»it le bien-
heuicux Castanarez, de la compagnie de Jé-
sus,lorsqu'il parlitpourévangrliseiies iVjata-
gua; os,sur la demande du cai:i(iue lui-même.
Tous deux fta-ent massacics {)ai' ce [)rince
dont la démarche n'avait été qu'un piège ten-
du au zèle des j(5suites.
AZOTE, était gouverneur de la ville de
Valence, soumise alors au\ Maures (1230).
Ce i)rincc était ennemi déclaré des chrélieiis.
Il (il mourir deux saints religieux de l'ordre
de Saint-François d'Assise ; ces deux saints,
nonunés Pierre de Sasso-Fci-rato et Jean de
Pérouse, furent envoyés en Espagne par
leur saint fondateur, alin d'y prêcher l'Evan-
gile. Ils vinrent d'aboi'd à Tucrel, dans le
royaume d'Aragon, et y établirent un cou-
vent, si toutefois on peut donner ce nom à
deux pauvres cabanes ou cellules qu'ils
avaient bûties auprès d'une église. Bientôt
leurs prédications et la sainteté do leur vie
les rendinïnt l'objet de la vénération géné-
rale. Dans l'intérêt de la religion et confor-
mément aux ordres de leur saint fondateur,
ils se rendirent à Valence. Ils y prêchèrejit
l'Evangile aux Maures, et s'etforcerent de
leur démontrer la fausseté de la religion de
Mahomet. Azote l'ayant appris, les fit arrê-
ter et jeter en prison. Il mit tout en œuvre
pour les amener à renier leur foi, mais ni les
promesses ni les menaces, rien ne put les
gagner. Alors il les condamna à être dé-
capités l'an 1230. On dit que de nombreux
miracles s'accomplirent sur leur saint
tombeau. A cette époque, le prince qui
nous occupe était en guerre avec le pieux
Jacques, roi d'Aragon. V'oyant que rien ne
lui réussissait, ot peisu.-idé que Il's Arago-
nais, qui étaient chrétiens, ne le battaient
toujours que par la protection du Dieu qu'ils
adoraient, il proposa à Jacques de faire un
traité d'alliance, par lequel il lui abandonne-
rait Valence, [)Ourvu (ju'on lui laissAt une
pension honnête. La proposition fut acceptée,
et Jacques prit possession de Valence 1<! 28
septembre 1238. Azoti; regut le baptême, et
loin d*accepter le palais royal de Valence
pour résidence, connue Jacques le lui olfrait,
il appela les frèr.'S Mineurs (jui se; trouvaient
dans le pays et le leur olfrit, disant qu'après
avoir ensanglanté cetti! demeure par le mar-
tyre qu'il avait fait souIlVir h un grand nom-
bre de chrétiens, il voulait qu'il fût purifié
par leur présence. Le roi Jacques accéda
sans diflicullé à cet arrangement, et ainsi
fut fondé le couvent des franciscains do
Valence.
AZOTH, ville de la Pentapole de Palestine,
aux Philistins, a été témoin de l'illustre mar-
tyre de saint Philipi)e duPiiy,et de deux mille
autres combattants pour la foi. Cette ville
étant tombée par trahison au pouvoir des
musulmans, notre saint demanda à être mar-
tyrisé le dernier. Les musulmans, espérant
qu'il allait abjurer, y consentirent ; mais il
profita de cette faveur pour exhorter les chré-
tiens à mourir avec courage. Quand on eut
raconté au sultan la conduite de Philippe, il
lui fit couper une à une les articulations des
doigts en présence des chrétiens. Malgré
cela , le généreux martyr ne cessa d'exhor-
ter ses compagnons de souffrance à suppor-
ter courageusement la mort. Le sultan, voyant
la persistance de notre saint, ïe fit écorcher
vif jusqu'à la p.-irtie inférieure du corps et
lui fit couper la langue. La façon dont il sup-
porta ces tourments fit la joie des chrétiens
et enflamma de plus en plus la fureur des
musulmans. Comme sa langue mutilée ne
lui permettait plus d'adresser la parole aux
compagnons de son martyre, il les encou-
rageait encore du geste. Il fut enfin décapité
avec les autres, et son âme s'envola vers les
cieux, sa récompense.
AZZIVEDO (Paul), de Ferrare, frère Mi-
neur, fut percé à coups de flèches par les
habitants de la province de Culiacaz, sur le
bord oriental de la mer Vermeille, avec le
frère lai Jean do Ferrare, qui l'accompagnait
dans sa course ovangélique. {Chroniques des
Frères Mineurs, t. IV, p. 768.)
B
BABIANSKA (Calixte) , l'une des reli-
gieuses' Basiliennes qui, dans le courant, de
l'année 1837, lurent si violemment persécu-
tées par le czar Nicolas et Siemaszko, évoque
apostat. On les employa à la construction
d'un palais pour ce prêtre schismatique. Un
pan de muraille étant venu à s'écrouler,
Calixte Babianska et huit de ses compagnes
furent écrasées. [Voy. Mieczyslawska).
BABCGO, ville située dans la Campagne
de Rome, a été témoin des souffrances qu'y
endura saint Pierre en confessant sa foi. Ce
saint s'est illustré par un grand nombre de
fliiracles.
BABYLAS, évêque d'Antioche et martyr
sous le règne de l'empereur Dèce, en 250.
C'est dans saint Jean Chrysostome [Joannis
Chrys. homilia de S. Babyla, et liber de S,
Babyla contra gentiles) que nous trouvons
l'histoire de ce saint évêque. Saint Jean
Chrysostome, qui écrivait beaucoup plus pour
l'édification des fidèles de son troupeau, en
fais.mt l'histoire de saint Babylas, que pour
laisser des documents à la postérité, a laissé
ce qui concerne ce saint personnage dans
un vague assez obscur. Aussi bien des points
de son histoire sont fort douteux et présen-
tent des diUicuUés jjre^sque insurmontables
407
BAB
BAB
i08
à l'appréciation de la critique. Voici les faits
tels que nous pouvons les coordonner d'a-
près ce que nous trouvons dans l'ouvrvige
que nous venons de citer. Saint Babylas suc-
ci'da à Zebin que l'on compte pour le on-
zième évoque d'An ioche. Ce fut en l'an 237
ffu'il monta sur le trônii épiscopal. 11 eut l'af-
fliction de voir la ville d'Antioche prise et
saccagée par les Perses en l'année 2il ou 21-2
de Jésus-Chiist. C'est Capitolinqui rapporte
cet événement. Nous ne savons pas si, à cette
occasion, des persécutions furent exercées
contre le saint évoque et contre son trou-
peau. Il est proliable que non ; saint Jean
Chrysostome ne l'aurait pas passé sous si-
lence.
L'un des faits les plus étonnants de l'his-
toire de saint Babylas est celui que nous
allons dire. Kn l'an 2ii, l'empereur Philippe
s'étant présenté avec sa femme pour entrer
dans l'église d'Antioche, saint Babylas alla
au-devant de lui sur le seuil du temple, et
lui mettant la UKiin sur la poitrine, il lui en
délénd t l'entrée à cause des crimes dont il
s'était rendu cou able, et surtout h cause de
l'assassina du tils d'un prince barbare qu'il
avait fait tuer, quoiqu'il eût étJ remis connue
otô^e. Il est très-probible que Phi.ippe était
chrétien. Il faut àcet égard, consulter sa Vie
par Tillemont. Ici nous nous contentons
d'indiquer. Notre rôle n'est pas de discuter.
Ainsi Babylas accomplit fermement son de-
vo r sans s'inquiétor des conséquences. Pour
lui, ministre du ciel, représentant de Dieu
SU!- la terre, dans le monarque il ne voit que
l'homme, que le simple pécheur. Il écarte,
pour ainsi dir--, de sa pensée et de son regard
tout ce prestige de la puissance et de la ma-
jesté impériale qui produisent ordinairement
tant d'impression. Il ne s'arrête point h. tout
cet entourage de grandeur. Il ne se laisse
point éblouir par la pompe du diadème, inti-
mider (lar la puissance de celui à qui il s'a-
dress.;.Non, pour lui l'empereur c'est un cou-
pable qui veut franchir le lieu saint; c'est un
nomme comme les autres devant le Dieu des
chr Hiens. C'est même un homme plus cou-
pîdjje, parce qu'd doit l'exemple. L'exemple
diiis l.i société doit descendre des hauteurs.
L'homme de Dieu, revêtu de ses habits éjtisco-
paux, entouré du clergé de son église, vient
arrêter le maître de l'empire. «Princ;', lui dit-
il, il n'y a que les innocents, que les pui-itiés
qui aient le droit d'entrer ici ; quant à vous,
qui (levant mon Dieu n'êtes qu'un siînpie
[«écheur, vous avez commis des crimes qui
me font un devoir de vous arrêter (^t de vous
inter lire l'entrée de mon église, ainsi aue Je
le ferais h l'égard du deriii(ir des fidèles de
mon troupeau. Sujet d ; votre empir(;, jt; res-
pecte en vous la majeslédu rang sufirême, et
je. suis prêt à m'incliner (hîvarit elle ; prêtre
de Dieu, je ne dois ici voir (pie le pécheur.
Si vous voulez entrer confesser vos fautes,
vous pi(îndicz rang dans l'I^glise au nombre
(\<:<i [»énii<!nts. » L'emjKH'eur, dominé par
rimiiiévii d'un t(!l langage;, |)ar la solennité
de eel év iKMricnt viannciit ;ili'in de sublime,
por Ja iluije.slé do co vieillard si graud (m
parlant au nom de Dieu, n'osa passer outre.
Ils'inclina sous lamain de Dieu, etdevanttous
il tit ïexomologrsc ou confession publique de
ses fautes. Ensuite il entra dans le temple et
prit rang parmi les pénitents. Voilà le fait
que saint Chrysostome raconte à la louange
de saint Babylas. Certains auteurs, qui cher-
chent plus à faire de l'érudition qu à bien
étudier et à bien interpréter l'histoire , ont
prétendu que cela eut lieu à l'égard de Dèce
et non pas à l'égard de l'empereur Phihppe.
Dèce, ce tyran cruel qui se fit le persécuteur
si violent et si acharné des chrétiens, n'eut
certainement pas souffert le langage du saint
évêque. Ces auteurs disent bien qu'en effet
i! le fit arrêter et mettre en prison. Us voient
dans cette circonstance la cause de son mar-
tyre. Mais alors, comment se fait-il que saint
Jean Chrysostome dise que l'empereur fit
l'exomologèse et se plaça au rang des pé-
nitents dans l'église? Que devient alors tout
ce discours à la louange du saint évoque?
Que signifie tout ce qu'a écrit saint Jean
Chrysostome? 11 devait savoir ce point d'his-
toire .ui moins aussi bien que les auteurs qui
interprètent et qui expliquent à leur aise
l'événement qu'il raconte.
Saint Babylas gouverna l'Eglise d'Antioche
avec infiniment de zèle et d'éclat. Il est et
fut toujours considéré comme l'une des
colonnes et des lumières de la foi. Il fit le
bonheur de l'Eglise d'Antioche, jusqu'à la
première année de Dèce. Ce tyran exécrable
ayant a luraé contre les chrétiens une des
plus cruelles persécutions dont l'histoire ait
gardé le souvenir, saint Babylas futarrôté par
les persécuteurs. Il fut mis en prison où il
mourut comme saint Alexandre de Jérusalem,
])robablement après avoir enduré de grands
tourments pour Jésus-Christ Ce qu'il y a de
certain, c'est que la prison fut pour lui fort
dure. Il y était couvert de chaînes, puisqu'il
demanda d'être enterré avec elles ; faveur
qui lui fut accordée. Il voulait Je saint homm.e
de Dieu, emporter enterre ses trophées,
comme les célèbres guerriers leurs décora-
tions ou leurs couronnes. Il fut enterré h
Antioche oCion bAfit une église h sa mémoire.
Trois enfants ou plutôt trois adolescei.ts qu'il
instruisait, furent martyrisés avec lui: ils se
nommaifnit Urbain, Prilidan et Epulone. Il
n'y a que l'Eglise qui sache garder ces tra-
ditions touchantes qui viennent chez nous
encore faire bénir et admirer les hommes de
Dieu. Jadis, comme aujourd'hui chez nous,
les évêques et les prêtres recueillaient de
petits .enfants, ceux des pauvres, ils les ins-
truisaient et les nourrissaient. De bonne heure
ils leur montraient h pratiquer les simples c[
sublimes vertus qui doivent orner les minis-
tres des autels. Les maisons des |irêtres,
c'étaient les premiers séminaires. Les trois
enfants (jue saint Babylas élevait et que Dieu
appela à lui , tendre moisson coupée en
herix!, furent enterrés dans la même tomb(^
• pie le saint évêque.
Plus lard (lallus, (|ue Constanci» avait fait
Cés:u- (Ml ;{;>!, lit tran-^porler .^ Dapliiié, bourg
h deux li«Miesd'Anlioche, les reliques de saint
i09
BAC
BAD
410
Babylas. Daphné était un lieu célèbre par
un temple d'Apollon. Gallus lit b;Uir auprès
une église sous l'invocation du saint. Son
corps reposait dans sa châsse, dans un tom-
beau élevé hors de terre, dans l'enceinte du
lieu saint. SairitChrysoslome dit que le saint
martyr conunertça h numifester sa présence
en rendant muet le démon qui résidait
dans le temple voisin. Les choses demeu-
rèrent ainsi jusqu'au règne de Julien l'Apos-
tat. Ce prince, étant venu à Antiocho en 302,
voulut consulter Af)olion. Il od'rit plusieurs
sacrifices h SfU idole, sans en pouvoir tii'er
aucune réponse. Entin le démon se décidant
à [)arler, déclara que le voisinage des corps
morts l'empochait de se faire entendre. Ju-
lien comprit ce que cachait cette parole, et
il ordonna aux chrétiens d'emporter lâchasse
de saint Babylas. Celte translation se ht avec
grande ()ompe. Tous les hdiles d'Antioche
vini-eut accompagner les saintes reliques.
Saint Babylas rentra triomphalement dans la
ville épiscopale où il avait brillé par ses
vertus, par son courage, et qu'il avait glori-
fiée par son martyre. 11 fut placé dans le lieu
où. il était avant que d'être transporté à Da-
phné. Quelque temps après, l'évèque Mélèce
lui ht bàtu" une église hors de la ville et y fit
déposer ses reliques. Quant au temple d'A-
pollon, une circonstance ra[>portée par saint
Jean Chrysostome doit trouver ici sa place.
Ce temple, le soir ou la nuit même du dé-
part des reliques de saint Babylas, tut frappé
de la foudre et presque entièrement consu-
mé; il ne resta que les quatre murailles. Ju-
lien n'osa pas le faire relever, craignant,
dit le saint narrateur, que cette fois le feu du
ciel ne frappât pas seulement le temple, mais
bien sa propre tête. Nous avons analysé le
plus succinctement possible ce que nous
avons trouvé dans saint Chrysostome relati-
vement à saint Babylas. Nous le répétons,
la critique aurait peut-être bien à dire ici,
mais il est des autorités devant lesquelles
la critique doit s'incliner. Celle de saint Jean
Chrysostome est de ce nombre. L'Eglise lait
la fête de saint Babylas et des trois jeunes
saints ses compagnons, le 2i janvier.
BACQUE (saint), avec saint Serge, servait
dans les armées im[)ériales, en qualité d'of-
ficier supérieur sous l'empire de Dioclétien,
durant la cruelle persécution que ce prince
suscita contre l'Eglise du Seigneur; ces deux
saints furent mis à mort, ils furent soumis
à beaucoup et de cruedes tortures avant d'ê-
tre mis à mort. Ce fut dans la Syrie, au dio-
cèse d'Hiéra[)le à Rasaphe, qu'ils versèrent
leur sang pour Jésus-Christ. Alexandre, évè-
que, fit bâtir, en i31, une magnifique égiise
suus leur invocation. Justinien nomma Ra-
saphe Sergiopolis et fit construire en l'hon-
neur des saints difl'i^rentes églises en Orient.
Prague, Paris, Angers, ()ossèdent des reliques
de ees bienheureux saints ; cette dernière
ville, notamment une égiise sous l'invocation
de saint S^rge et de saint Barque, laquelle
fcsi remarquable pur son architeciur'i et par
son antiquité. L'Eglise lai; la fèie de ces
saints le 'I octobre. S'il faut en croire le
Martyrologe romain, Bacque expira sous les
coups de nerf de bœuf; ei Serge, ayant aux
pieds des souliers garnis de clous en dedans,
resta longtemps en cet étal, et enfin eut la
tête tranchée.
BADflME (saint), martyr, versa son sang
pour Jésus-Christ en Peise, sous le roi Sa-
por, en l'an 375. Voici en entier ses actes.
(Sa fête a lieu le 10 avril.) « On arrêta, par
l'ordre de Sa[)or, le saint archimandrite
Badème avec sept de ses disciples. Il était
natif do la ville de Bethlapat, et d'une fa-
mille fort opulente. Mais dès le moment
qu'il eut pris la résolution d'embrasser la
vie solitaire, il se mit à distribuer tout sou
bien aux pauvres. Il bâtit un monastère
hors de la v,lle, o\X il se renferma, s'étu-
diant jour et nuit h plaire à Dieu et à prati-
quer toutes les vertus qu'il croyait lui être
le plus agréables. Cet homme rempli de la
grâce et de la vérité, ce vase d'élection, ce
saint abbé, conduit par la sagesse divine,
était arrivé au sommet de la montagne du
Seigneur ; il était parvenu jusqu'au lieu
saint, où il avait mérité de recevoir la béné-
diction de son Sauveur, et de contempler la
face adorable du Dieu de Jacob. Cet excel-
lent solitaire fut tiré de la masse sainte des
martyrs, pour être en nos jours comme un
levain précieux qui conservât leur esprit
dans l'Eglise, et ahn que sa foi généreuse,
qui lui fit donner sa vie pour Jésus-Christ,
raffermît la foi chancelante de notre siècle.
Il fut véritablement une pierre fidèle, cou-
pée de cette ancienne roche des premiers
fidèles, sur laquelle l'Eglise a été fondée.
Enfin il nous traça par son sang le chemin
du salut. Et en effet il ne montra pas une
moindre constance à la mort qu'il avait fait
paraître de sainteté durant sa vie. La pureté
de ses m turs ne fut jamais souillée d'au-
cune tache ; le nom même des crimes lui fut
inconnu ; il faisait fuir les vices par sa
seule présence. Toutes les vertus étaient
ses amies, l'accompagnaient partout, demeu-
raient avec lui, répandaient dans le monde
la bonne odeur de son âme, et le rendaient
agréable à tous ceux qui le connaissaient,
chacun s'empressant (si j'ose m'exprimer
de la sorte) à venir cueillir chez lui quelque
vertu.
Badème demeura quatre mois en prison
avec ses se|;t disciples, chargé de chaînes,
accablé de misères, recevant chaque jour
un grand nombre de coups de fouet, niais
endurant toutes ces peines avec une patience
et une joie inconcevables, parce qu'il les
endurait pour Jésus-Chiist en qui il mettait
toute son espérance. Il y avait alors à la
cour de Perse un seigneur nommé Nersan,
prince d'Aria, dans la province de Bed-
germe. Ce seigneur était chrétien, et le roi
le voulant obliger à adorer le soleil, sur le
refus que Nersan en faisait, l'avait fait arrê-
ter. Mais Nersan se relâcha peu à peu, et
perdit enfn cette fermeté qu'il avait d'abord
fait paraître. La vue des tourments dont on
le menaçait lui ht peur, le courage lui man-
qua, et l'attache aux biens fragiles et péris-
ni BAD
sables acheva ce que la crainte des suppli-
ces avait commencé. 11 succomba à celte
double atlaque, et voulant retenir en môme
temps les biens du ciel et ceux de la terre,
il fut mallieurousciiieiit privé des uns et des
autres ; car il laissa échapper les vrais [)[ai-
sirs d'une vie divine et éternelle qui lui
était assurée par le martyre, et il lîc put
môme jouir de ces pla sirs terrestres et pas-
sagers pour lesquels il avait fui le martyre.
Préférant donc l.i f;!veur d'un |irincc mortid
à celle d'un Dieu iimuortel, il déclara q.i'il
était prêt à faire tout ce qu'il plairait au
roi .le lui prescrire, etc|u'il renonçait dès ce
moment au culte de ce Dieu qu'il avait a loré
jusqu'aloi'S. Sapor app'.it avec joie le c'ian-
Kcment de Nersan ; mais i)our éprouver
5 il était sincère, il ordonna qu'on otàt les
fors à Baderne, et qu'on le conduisît par
une porte secrète dans un appartement du
palais qui servait de prison h Nersan.
E'isuite le loi dit à deux seigneurs qui
étaient |)roche de lui : Si Nersan veut obte-
nir sa liberté, il laut qu'il lue Bndème de
sa propre uiain. O i amène aussitôt ce saint
abbé au lii'u où était Nersan ; on dit à celui-
ci la condition (\ue Sapor mettait au recou-
vrement de sa liberté, et les récompenses
qu'il y joignait. Ce misérable consent à la
chose : ou lui donne uie épée, et il s'avance
vers le saint pour la lui plonger dans le
corps. Mais frappé tout à cou^) d'une terreur
extraordinaire et surnaturelle, il devii-nt
immobile, son bras se roidit et refuse de
s'allonger. Alors le serviteur de Jésus-
Christ arrêtant ses yeux sur cet apostat :
Infortuné Nersan, lui dit-il, jusqu'où pré-
tends-tu porter la noirceur de ton forfait ?
Il ne te suffit donc pas d'avoir renoncé ton
Di^u, il faut, pour te rendre encore plus
crimi ol, qae tu t'elforces d'ùter la vie k
ses serviteurs. Malheureux, que feras-tu en
ce jour terrible, où fuiras-tu pour éviter ce
tribunal redoutable? que répundras-tu à ce
grand Dieu, à ce Dieu éternel, quand tu
seras cité devant lui ? Pour moi, je cours
avec joie au martyi-e, et je donne de bon
C(eur ma vie pour mon Seigneur Jésus-
Christ. Cependant, je te l'avoue, j'aimerais
mieux recevoir la mort d'une autre main
que de la tienne ; [)ourqnoi faut-il que tu
sois mon bourreau ? Nersan n'avait ni assez
de force ni assez de courage |)our l'achcvei'.
Mais lâchant de se faire un front d'airain
jKjur ne point rougir des reproches di; Ba-
dème, et un cœur de pi(Mre pour ne point
res.sentir de remords, il continuait toujours,
d'une main faible et Iri^mblante, de porter
des coups de son épé(! dans les lianes du
saint, qui, ( nlin percé de toutes parts, ren-
dit son ame bi('nlieui(!US(î à -.on Créateur.
Au reste, le nombre des coups (ju'il avait
re(;us était si grand, (pj(î les païens i|ui as-
sislérenl ;i sa mort nt; pouvaient assez admi-
rer sa palienre invimible, qui !'• rendait
seuji)lable a un(; colombe, (pie mille ti'aits
décoc lés contre e le ru; sauraient ébrauler.
.Mais r;ii mèuie l-nips ils ehai ,^eaie'it diim^
iaiiuilé d'exùcralioiiii sua ïàdm iiouitcidu,
BAL il)
n'ayant pas moins d'horreur de sa cruauté
que de mépris pour sa timidité et sa fai-
blesse. Dieu en fit lui-même justice, et ce
misérable, après avoir été tourmenté de
toutes sortes de maux, périt enfin d'un coup
d'éuée.
Saint Badème endura le martyre le 8
a^ ril. Son corps fut jeté hors de la ville ;
mais quelques j^ersonnes de piété lenlevè-
rent secrètement , et l'ayant enseveli avec
soin, le déposèrent en un lieu sûr.
S s disciples demeurèrent quatre ans pri-
sonniers, et ne furent élargis qu'après la
mort de Sapor. Mais, par la grAce de Notre-
Seigneur Jésus-Christ (auquel soien' gloire et
hoinit'ur), ils persévérèrent constamment
dans la foi de saint Badème, leur maître.
BAEZA (l(î bienheureux Jean), Espagnol,
de la compagnie de Jésus, faisait partie des
courageux missionnaires que le P. Azevedo
était allé recruter à Rome peur le Brésil.
{Voi/. AzKVEDO.) Leur navire fut pris le 15
juill.'t 1571 |)ar des corsaires calvinistes qui
les massacrèrent ou les jetèrent dans les flots.
(Du Jarrie, Histoire des choses plus mémora-
bles, etc., t. II, p. 278. Tanner, Societas Jesii
nsque ad sanguinis et vitœ profusionem mi-
litans, p. IGGet 170.)
BAHUT.V (sainte), martyre, mourut pour
la foi en Tan 3V3 de Jésus-Christ, sous le rè-
gnedo Sapor dit Longue-Vie. Elle était dame
de Beth-Séleucie. Sa fête est inscrite au Mar-
tyrologe romain le 30 novembre.
BAJULE (saint), honoré comme martyr par
l'Eg ise romaine, le 20 décembre, mourut
à une époque et dans des circonstances que
l'histoire ne précise pas. 11 eut pour com-
pagîîon de son triomphe saint Libérât. Tous
deux soulfrirent à Rome.
BALDRATI (le bienheureux Alexandre),
naquit dans les environs de Ferrare à Lugo,
petit bourg peu important. De bonne heure,
il montra de grandes dispositions pour la
piété et annonça par sa précocité à quel de-
gré il arriverait dans l'élude des sciences sa-
crées et i)rof mes. Agé de 17 ans, il entra,
chez les dominicains: c'était le 15 janvier
1G12. Quel([ue lem|)s il étudia dans un de
leurs couvents à Naples, et bientôt fut en-
voyé dans celui de Bologne, pour y ensei-
gner la lli^ologie.Ses fonctions importantes
ne l'empêchèrent pas de se livrer au minis-
tère sacré de la parole : il devint un prédi-
cateur renonnné i)our son savoir et pour son
éloquence. Une maladie grave vint l'arrêter
au ujilieu de celte carrière. Le P. Alexandre,
dont la santé était encore chancelante, ne
voulut point pi'cnidre le re])0s et recevoir les
.soins (jui lui étaient nécessaires. Il se liAta
dii partir i)onr Venise où il s'eujbarcjua pour
Scio ; rarchevê(jue d'Edesse y étant arrivé
bietitôi apiès lui, l'associa h sa mission et
eut lieu de s'en apjilaudir. paj" les nonibreu-
ses conversions (pi'ojjérait notre bi<niheu-
reux. Sur ces enli'el'aites, un a|)osl(il nunnné
Aga Cusaini, (pii voyait avec [Kunii; tous ces
succès, s'imaguia de répandre un faux bruit
suc la pr(''iendu(> conversion du l*. Alexandre
à l'islauiismu, et cette ruse ébranhi la fui du
413
BAL
BAL
4U
plusieurs. Non content d'avoirrépandu cotte
rausso noiiv(!llo, A^a Cus.dm I'<ill.i doclaror
au gouveinciir de Vih\ alliiiuniil (in'il [)rou-
verail son dire. Le {^ouvt'rnour, (|ui savait h
quoi s'un tenir, feigJiit tu'^uunoins de ci'(»iro
h celle nouvelle, el ayant lait vcnii- le
P. Alexan ire, le combla de louaiii^es et de
caresses, lui pi'Oineltant de jj;i'audes récom-
j)enses s'il resîail déso mais bon musul-
man Notre saint accueillit les paroles du
gouverneur avec une sainte colère: « Sachez,
lui dil-il, (jue tout ce ([ue l'on v, usa dit est
un tissu d'imposluics; je ne su s nullement
niahométan, mais serviteur (idèle de Jésus-
Christ Bien plus, je suis prtMrts el, pré-
dicateur de l'Evangile, etje soullVirai plutôt
la mort (|ue de renoncer h ma foi » Il en
aurait dit davantage, mas le gouveineur l'in-
terrompant, lui dit ({u il ne lui était |)lus ])er-
mis de confesser l'Kvangile puisqu il était
disci[)le du pi-ophèto. Le P. Alexandre, en-
flammé de |)lusen [ilus d'une sainte indig!)a-
tion, témoigna sa [U'ofonde horreur p'Uir
l'Alcoran dans les termes les j»lus forts qu'il
Eut trouver, et un souverain mépris pour Ma-
omet. Aussitôt, toute l'assemblée s'écria
qu'il avait bL.S[)hémé et qu'd méritait la
mort , s'il ne rétractait ses propos outra-
geants contre le prophète. Le gouverneur re-
mit l'alfaire au lendemain, et le P. Alexandre
passa la nuit dans un cachot, se préparant
au martyre par les prières les plus lerventes.
Le lendemain, qui était un mercredi , les
Turcs le conduisirent au cadi, l'accusant d'a-
voir blasphémé contre le grand prophète et
contre sa loi. On mit tout en œuvre pour
ébranler sa constance; mais promesses, ex-
hortations , menaces , tout fut inutile. Le
cadi, désespérant de le vaincre, envoya cher-
cher le prieur des dominicains de Scio, et
lui demanda d'un ton farouche pourquoi il
avait empêché le P. Alexaiidrc d'embrasser
l'islamisme. Notre bienheureux, sans donner
au prieur le temps de répondre, s'écria que,
n'ayant jamais eu l'intention de se faire ma-
hométan , on n'avait pas le droit de de-
mander pour(juoi on l'avait enqjêchô de le
devenir; qu'il n'était venu à Scio que dans la
seule inteniion de i)rôcher l'Evangile et qu'il
aVait reçu sa mission de larchevèque de
Smyrne, son prélat.
Aussitôt, le cadi envoya des soldats au
couvent de Saint-Sébastien avec injonction
de le lui amener sur-le-champ... « De quel
pays es-tu? lui dit-il. — Je suis chrétien, ar-
chevêque et su{)érieur de tous les d.'raini-
cains qui résident à Scio. — Alors, répliqua
]e cadi, tu mérites la mort pour avoir l'ait
prêcher ta religion sur les terres de sa Hau-
tesse. — L'archevêque exhiba le (irman qui
lui conférait la permissioi) ainsi qu'aux
religieux du même ordre que lui de résider
et de prêcher dans l'empire de Turquie. Pres-
que tous les oflîciers qui étaicîjt présents
àvaientconnaissancedece tirman elrendirent
témoignage que le prélat disait vrai. Alors le
cadi ne demanda pas au prélat autre chose
que d'expliquer le motif qui l'avait porté à
empêcher le P. Alexandre de se faire maho-
niétan. Le saint confesseur, qui jusque-là
avait gardé le silence, le rompit [)onr répon-
dre h c(!tte question, ainsi (jn'il av.iil fait
déjà quand on l'avait posée à son prieur. Le
tribunal, jugfîant rarchcvêqne et le |)rieur
justiliés d'un(! façon sullisant*;, leur permit
de rentrrn- à leui- (-ouvent, mais avec défense
d'en sortir jusqu'à nouvel ordre. On lit pren-
dre les non)s de tous les religieux qui com-
posaient la communauté ; le P. Alexandre
demeura donc seul exposé à la colère et au
ressentiment des Turcs. Il semblait que
ces derniers missent leui- gloire et l'honneur
de leur religion à vaincre sa constance. Aussi
employèrent-ils lou^ les moyens possibles
j)Our l'esurpnîndro et [)0ur le faire tomber.
« Puisque j'ni fait auprès de toi tant de ten-
tatives inutiles, lui dit le cadi,j(! t'accorde
encore tro s jours; t/\che de te faire mieux
conseiller: au bout de ce temps, tu diras si
tu préfères mourir criminel et misérable, à
vivre heureux en suivant la religion de Ma-
homet.— Si se n'est qu'une réponse défini-
tive que vous attend(;z, lui dit le P. Alexan-
dre, je n'ai pas besoip de trois jours pour
la faire : je vous ai déjà dit et je vous
dis de nouveau que pour rien au monde je
ne renoncerai à la foi de Jésus-Christ. Jus-'
qu'à la mort, je lui serai fidèle, et c'est dans
cette fidélité que je le prie de daigner m'ac-
corder que je place toute mon espérance,
car elle doit être tout mon bonheur. — Tu
crois donc, lui dit le cadi, que nous ne pou-
vons nous sauver dans notre religion?— Je le
crois, dit le P. Alexandre : votre prophète
est un menteur, et votre religion l'œuvre du
père des mensonges» A ces paroles, tous
les Turcs qui étaient présents furent trans-
portés de rage et de fureur ; ce que voyant
le cadi : « Yengez donc, leur dit-il , notre
sainte religion qu'on outrage, et montrez à
ce chien ce que peuvent de fidèles crovants,
lorsque devant eux on blasphème la loi et le
prophète! » Cet ordre reçut une prompte
exécution. Immédiatement les assistants se
ruant sur le saint confesseur, l'accablèrent
de coups do bâtons, et si violemment, qu'il
en serait mort si le Seigneur ne l'avait pas
voulu réserver pour des épreuves nouvelles.
On le laissa sur la place : il était couvert
de sang, son corps n'était qu'une plaie. On
le jeta dans un cachot en ve poussant si bru-
talement, qu'il franchit douze marches qu'il
y avait à descendre. Au milieu de tous ces
tourments , son âme impassible , forte de
l'appui que Dieu lui donnait, ne se laissa
pas arracher une seule plainte. Dans l'obs-
curité de son cachot, la lumière de Dieu pé-
nétrait et le bienheureux confesseur ne sen-
tait pas ses blessures sur lesquelles descen-
dait le baume des consolation^ divines. Pen-
dant ce temps-là, laville de Scio tout entière
était émue du bruit qui s'était répandu que
le divan allait faire mourir tous les religieux
du couvent. Mais ceux-ci, loin de se laisser
abattre par ces menaces, ne pensaient qu'à
prier Dieu de leur donner l'esprit de force
dont le P. Alexandre était rempli. Unissant
leurs prières à celles des deux archevêques
<H5
BAL
BAL
416
i]e Smyrne et d'Edesse, qui étaient au mi-
lieu li'eux, ils se prépar.sient ainsi dans la
prévision des combats qu'ils rroyaienl avoir
à soutenir. L'arclievèque do Smyrne com-
ma-ida dos prières ])ubliqups, Ut exposer le
saint sacrement dans toutes les églises, et
engagea tous les chrétiens h demander au
ciel que le saint confesseur persévérât dans
sa courageuse résistance. La sévérité était
telle à son égard, qu'aucun religieux ne put
arriver jusqu'Ji son cachot. Vn menuisier ca-
tholique réussit à y pénétrer, et le trouva en
oraison, la face contre terre et baigné dans
son sang. Le geôlier lui-même, quoique ma-
hométan, rendit ce témoignage au P. Alexan-
dre, qu'il l'avait toujours vu priant et ne se
plaignant de personne, s'abstenant de toute
nourritui-e, pleurant et gémissant sans cesse.
Un pauvre juif, qui était prisonnier avec lui,
se trompant sur le motif de ses larmes, lui
parla ainsi : « Puisque vous pouvez, par une
seule parole, vous délivrer et ne })lus souf-
frir, vous êtes, en vérité , bien simple de
tant vous chagriner et de tant verser de lar-
mes. — Vous vous trompez , mon ami, lui
dit le P. Alexandre, ces pleurs que je verse
ne sont point un signe de douleur : les sup-
plices ne m'épouvantent pas et l'horreur
qu'ils inspirent n'arrive f)as jusqu'à mon
âme ; ce que je soulfre est pour moi plein
de douceur, et si je pleure, c'est sur mes fau-
tes ; si je suis affligé, c'est de l'aveuglement
des infidèles : c'est par-dessus tout, de celui
des juifs qui ont fermé les yeux à tant lie
grâces. V^oulez-vous aujourd'hui que je sois
bien consolé? Ouvrez votre cœur à Jésus-
Christ, reconnaissez, dans ce divin maître
des chrétiens, le messie qu'on avait annoncé
à vos pères, déterminez-vous à mourir pour
lui avec moi; mais si vos pensées ne vien-
nent pas de ce côté, laissez-moi, ne trou-
blez pas ma paix; vous perdriîîz votre temps
à me donner des consolations vaines et sté-
riles. »
Le terme qu'avait assigné le cadi arriva :
les 'lurcs employèrent encore vainement
tout ce qu'ils crurent capable d'amener le
saint à embr.isser leui- foi. Avant de le ra-
mener à leur tribunal, ils dépêchèrent vers
lui un de leurs docnmrs les plus renommés
et les |)lus éloquents. Kn arrivant près de
lui, cet lionnU'î lui témoigna beaucoup d'es-
time et d'humanité. ICtait-ce ipi'il fiU vrai-
ment humain, (^u'il eût au fond du cuiur les
sentiments qu'il faisait paraître? Non, c'é-
tait un teiilaleur habile, qui savait (pie pour
le connnun d(;s honunes ra|)f)arenc(î de; la
vertu captive l'estime et séduit le cœur. C/é-
tail un homme qui, supposant à notre s ont
de la vanité et de ]'orgU(;d , songe<iit <i ex-
nloiterces passions au profit de ses desseins.
Il sav.iit que l'orgucMlIrux est toujours porti;
(i avoir une certaine; recormaissance à celui
qui sembh; l'apjirécier h la valeur qii'd se
supposi'. Ihen souvent nous faisons <;omme
cet homiiio, comme ce tentateur. (Juand
nous montrons h qufhpi'un de l'eMlroi, nous
voulons que ce (pi. l.pi un nous prenne pour
bons aj)préeiat«iurs et nous estime en con-
séquence. C'est une lettre de change que
nous présentons à rescom[)te. Quand nous
afiichons de riiumanilé, c'est moins dans un
but vraiment humain que pour nous envi-
ronner d'un rellet de vertu (}ui nous fasse
bien recevoir, qui nous fasse esiimer. Ce
Turc était vraiment habile. Ce barbare était
assez civ lise pour meitre en jeu un des
ressorts les plus puissants d<> noti'e savoir-
faire politique et social , un des moyens de
séduction les plus fréquemment employés
dans nos relations.
Voyant qu'un serviteur de Dieu ne se lais-
sait pas prendre à ces vaines apparences, il
tenta de s'adresser à un autre ordre de pas-
sions. 11 voulut tenter sa cupidité et son am-
bition : ces deux passions étaient mortes
dans le cœur du saint homme. Il entreprit
alors de discuter avec lui sur les choses
religieuses ; il voulut lui [)rouver que la
croyance à un Dieu en trois personnes était
une folie. Voyant que ses raisonnements ne
produisaient rien , il parla des su|)plices
qu'on réservait à son obstination : tout fut
inutile. Le docteur du prophète trouva dans
le disciple de Jésus-Christ un homme chez
lequel l'amour divin avait étouifé les pas-
sions humaines ; un théologien capable de
prouver toutes les vérités de sa religion , un
héros prêt à souffrir sans se plaindre les
tortures et la mort qu'il plairait à ses bour-
reaux de lui choisii. Il se retira
Le P. Alexandre fut ramené au tribunal,
enchaîné et escorté ce soldais et de bour-
reaux. La sérénité de son front annonçait le
calme de son Ame. « Etes-vous toujours o\n-
niatre ? lui dit-on. — Je suis toujours chré-
tien, répondit-il. » Le cadi le condamna h
être brûlé vif et h supporter le supplice de
la bastonnade dans son cachot jusqu'à ce
qu'on eût élevé le bûcher où il devait être
brûlé. Après la lecture de son arrêt qu'il
avait écoutée avec fermeté, le P. Alexandre,
se tournant vers le juge, le remercia de la
grâce signalée cju'il lui procurait : « Vous
brûlerez mon corps, lui dit-il, mais mon
âme ira jouir au ciel de la gloire innnortelh;
(]UG nous a méril('e la mort de Jésus-Christ. »
On dressa le bûcher sur la plus grande i)lac(;
de Scio, et une grande foule de Turcs et de
chrétiens y accoururent de toutes |iarts, les
uns pleins d'une joie cruelle, les auli-es espé-
rant que le tiiomphedu maiiyre serait aussi
celui de la r(digion. Il y eut une chose re-
mai-quablc, ce fut que les Crées, malgré le
schisme où ils étaient, se trouvèrent en
c(;la d'accord avec les chrétiens. Quand le
P. Al(!\andr(! parut sur la place, un Crée,
fend.uit la [iresse, vint se jeter à ses pieds
et lui demander sa bénédiction. Le» saint
martyr la lui donna, en l'engageant à ne [tas
dillV-rerson ridour à la vraie foi. Au moment
où il allait être précipité dans les Uannnes ,
un iman lui dit (pi'il pouvait échapper au
supplice, s'il consentait à lever seunement
un doigt vers h; ciel, en signe de son adhé-
sion à la foi il(! Mahonnd : <( Je l'ai en hor-
reur, » s'écria-l-il aussitôt, el ayant levé trois
doigts, il dit d'mie voix forte et accentuée:
in
BAR
BAR
118
Sanctn Trinitas, nnas Dens. Il entra enfin
dans le bû.lier, mais ici Dieu renouvela , dil-
on, le mirack' onén'' jadis en faveur des Unis
Israélites dans la fournaise, et les llainnies
respeclèrenl le sainl martyr, nialgro lus nou-
veaux eonibuslililes (|ue les niusuliuans, dans
leur fureur, jetaient à chaque instant au mi-
lieu du ieu. Un Turc alors asséna un î:,raiid
cou[) de fourche sur la tôle du P. Alexandre ;
un secon.i lui enfonça sa lame dans le cceur,
et un troisième leta un [)aquet de poudre «^
canon dans les ilannnes. Nolie bienheui'eux
consomma ainsi son glorieux, martyre le
10' jour de février 16'i5, sous les yeux de
plus de quaiante milh; sf)ectuteurs, d'a[)rùs
le témoignage de l'archevêque d'Edesse. Au
dire de ce i)rélal, les chrétiens fui-ent rem-
plis de joie, el les Grecs unirent leurs voix
a celles des Latins pour s'écrier : « Vive la
foi romaine, jiour laquelle on peut mourir
avec tant do générosité I »
Les musulmans retiièrent le corps du bra-
sier et le cou|)èrent en morceaux ; les uns
pour assouvir leur cruauté, les autres afin
de les revendre aux chrétiens. Une [)artie do
ces reliques, en etfet, furent rachetées par
quelques chrétiens grecs et latins moyen-
nant des sommes considérables , et elles
opérèrent plusieurs miracles tant à Scio qu'en
Italie.
BANIEWICZ (Casimire), l'une des reli-
gieuses basili'^'nnes qui, dtns le courant de
l'année 1837, furent si violemment persécu-
tées par le czar Nicolas et Siemaszko, évoque
apostat. On les employa à la construction
d'un palais pour ce prêtre apostat. Un pan
de muraille étant venu à s'écrouler, Casimire
Baniewicz et huit de ses compagnes furent
écrasées. {Voy. Mieczyslawska.)
BARACHISE (saint), martyr, le même que
saint Brich-Jesus. {Voy. Jonas.)
BARAZE (le bienheureux Cyprien), eut la
gloire de conquérir les Moxes au royaume
de Jésus-Chrisi. (La province des Moxes re-
présente une surface oblongue, bornée h l'est
et au nord par les collines des Chiquilos et
les montagnes du Brésil, à l'ouest et au sud-
ouest par les derniers contre-forts des Cor-
dillères, communiquant au sud avec les plai-
nes de Sanla-Cruz, de la Sierra et de Mato-
Grosso, et au nord avec les plaines de l'Ama-
zone, fleuve au versant duquel cette province
appartient tout entière.) « Le frère del Cas-
tillo , ijui demeurait à Sainte-Croix de la
Sierra, s'étantjoint,en 1674-, à quelques Espa-
gnols qui commerçaient avec les Indiens ,
pénétra assez avant dans les terres. Sa dou-
ceur et ses manières prévenantes gagnèrent
les pr'ncipaux de la nation, qui lui promi-
rent de le recevoir chez eux. Transporté de
joie , il partit aussitôt pour Lima afin d'y
faire connaître lespérance qu'il y avait de
gagner ces barbares à Jésus-Christ. Il y avait
longtemps que le P. Baraze pressait ses su-
périeurs de le destiner aux missions les
plus pénibles; ses désirs s'enflammèrent en-
core quand il apprit la mort glorieuse des
PP. Jacques-Louis de Sanvitores et Nicolas
Mascardi, qui, après s'être consumés de tra-
vaux, l'un dans le Chili et l'autre dans les
îles Mariannes, avaient eu tous deux le bon-
heur de sceller de leur sang les vérités de la
foi qu'ils avaient prêchées h un grand nom-
bre d'infidèles. Le P. Baraze renouvf;Ia donc
ses instances, et la nouvelle mission des
Moxes lui échut en pnrt.ige. Ce fervent mis-
sionnaire se mit aussitôt en cluimin pour
Sainte-Croix do la Sierra avec le frère del
Castillo. A {)eine y furent-ils arrivés , (qu'ils
s'embcH-quèrent sur la rivière de Gua[)ay,
dans un petit canot f(ibii(jué par les gentils
du pays qui leur servaient de guides. Ce
ne fut (ju'après douze jours d'une naviga-
tion très-rude et pendant laquelle ils furent
plusieurs fois en danger de périr, qu'ils
abordèrent au pays des Moxes Pendant
les quatre premières années que le P. Baraze
demeura au milieu de cette nation , d eut
beaucoup à souffrir, toujours en danger
d'être sacrifié à la fureur des barbares qui
le recevaient , l'arc et les flèches en main, et
qui n'étaient retenus que par cet air de dou-
ceur qui éclatait sur son visage... Une fièvre
quarte lui fit prendre la résolution de re-
tourner à Sainte-Croix de la Sierra, où en
effet il ne fut pas longtemps sans rétablir
tout à fait sa santé. Mais éloigné de corps de
ses chers Indiens, il les avait sans cesse pré-
sents à l'esprit ; il pensait continuellement
aux moyens de les civiliser, car il fallait en
faire des hommes avant que d'en faire des
chrétiens. C'est dans cette vue que, dès les
premiers jours de sa convalescence, il se fit
apporter des outils de tisserand et apprit à
faire de la toile, afin de l'enseigner ensuite
à quelques Indiens et de les faire travailler
à des vêtements de coton pour couvrir ceux
qui recevaient le baptême ; car ces infidèles
ont coutume d'aller presque nus Le gou-
verneur de la ville s'étant persuadé que le
temps était venu d'entreprendre la conver-
sion des Chiriguanes, engagea les supérieurs
à y envoyer le P. Cyprien ; mais la manière
indigne dont ils reçurent les paroles de sa-
lut qu'il leur annonçait, le forcèrent d'aban-
donner une nation si corrompue. Il obtint
de ses supérieurs la permission qu'il leur
demanda de retourner chez les Moxes qui ,
en comparaison des Chiriguanes, lui parais-
saient bien moins éloignés du royaume de
Dieu. En effet, il les trouva plus dociles
qu'auparavant Ils s'assemblèrent au nom-
bre de six cents pour vivre sous la conduite
du missionnaire qui eut la consolation, après
huit ans et six mois de travaux (1684), de
voir une chrétienté fervente formée par ses
soins. Comme il leur coi. fera le baptême le
jour qu'on célèbre l'Annonciation de la sainte
Vierge , cette circonstance lui fit naître la
pensée de mettre sa nouvelle mission sous
la protection de la Mère de Dieu, ei on l'a
appelée depuis ce temps-là la mission de No-
tre-Dame de Lorette. Le P. Cyprien employa
cinq ans à cultiver et à augmenter cette chré-
tienté naissante. Elle était déjà composée de
plus de deux mille néophytes, lorsqu'il lui
arriva un secours de missionnaires.
Ce surcroît d'ouvriers évangéliques vint à
4i9
RAU
BAP
420
propos pour aider le saint homme à exécu-
ter le dessein qu'il avait formé de porter la
luibiùre de l'Evangile dans toute l'étendue
de ces terres idolâtres. 11 leur abandonna
aussitôt le soin de son Eglise pour aller à la
découverte d'autres nations 11 fixa d'a-
-bord sa demeure dans une contrée assez
éloignée, dont les habitants ne sont guère
capables de sentiments d'humanité et de re-
ligion. S'étant logé chez un de ces Indiens ,
.de là il parcourut toutes les cabanes d'alen-
•tour. Il s'insinua peu à peu dans l'esprit de
ces peuples. 11 s'assoyait à terre avec eux
pour les entretenir; il imitait jusiju'.uix
moindres mouvements et aux gestes les plus
ridicules dont ils se servent ])oui' exprimer
les atî'eciions .de leur cœur; il dormait au
milieu d'eux, ex|)0sé aux injures de l'air et
sans se précautionner contre les morsures
des moustii)ues. Qu>'lque dégoûtants que
fussent leurs mels, il ne prenait ses re[)as
qu'avec eux. Enfin il se lit barbare avec ces
barbires pour les faire entrer plus ais 'ment
dans les voies du salut. Le soin qu'eut le
missionnaire d'appr''ndre un peu de méde-
cine et de chirurgie fut un autre moyen qu'il
mit en usage pour s'attirer l'estime et l'atfec-
tion de ces peuples. Quand ils étaient mala-
des, c'éiait lui qui préparait leurs médecines,
qui lavait et pansait leurs plaies, qui net-
toyait leurs cabanes, et il faisait tout cela
avec un empressement et une affection qui
les charmaient. J.'estime et la reconnais-
sance les portèrent bientôt à entrer dans tou-
tes ses vues ; ils n'eurent plus de peine à
abandonner leurs premières habitations pour
"le suivre; en moins d'un an, s'étant ra^^sem-
blés jusqu'au nombre de plus do deux mille,
ils formôrcnî une grande bourgade à laquelle
on donn.i (ei 1087) 1' nom de la Sainte-
Trinité. Ces peu|)les étant ainsi réduits sous
l'obéissance d' Jésus-Cluist, le missionnaire
crût d 'Voir établir parmi eux linc forme de
gouvernement, sans quoi il y avait à crain-
dre qu ' 1 indéjendance dais Liqueile ils
étaient nés ne les i eplongeAt dans K s mêmes
désordres auxquels ils étaient sujets avant
leur conversion. Pour cela il choisit ceux
qui étaient le [)lus en ré[)ut.Ui(jn de sagesse
et de valeur, et il en lit des capitaines, des
chefs de famille, des consuls, et d'autres mi-
nistres de la justice |)Oui' gouverner le reste
du peu, le. Connue li-s ails pouvaient beau-
coup cont.ibuer au dessein qu'il avairde les
civiliser, il trouva le secret de; leur faire ap-
jprendie ceux ({ui sont les |)lu.s né.;essaires.
'On vit biei.tùl parmi eux des laboureurs,
• des cliar|ienli(!rs, des tisserands et d'aulios
ouvrieis. Mais, ce a quoi il p(;n.sa davantage,
ce fut à (ifocurer des aliments à ce gi.ui l
^peuple qui s'augmentait cliaqu»; jour, il .son-
.gea à peu[)ler le pays de ta iieaux et de va-
ches, qiii sont les seuls animaux (pji puissent
y vivre et s'y multiplier. Il fallait les aU(;r
• chercher bien loin et jiar d(!S clKMiiins dil'li-
• Ciles. Les diffi(;uliés ne l'arrêtèrent point. Il
part pour Saiulo-Croix de la Siena ; il ras-
semble jiiaqu'.i deux coiJlK do ces animaux ;
il prie quelques Indiens de l'aider à les con-
duire, il grimpe les montagnes , il traverse
les rivières, poursuivant toujours devant lui
ce nombreux troupeau qui s'obstinait à tour-
ner vers le lieu d'où il venait. 11 se vit bien-
tôt abandonné de la plupart de sa suite, à
qui les forces et le courage manquèrent ; mais
sans se rebuter, il continu i toujours de faire
avancer cette troupe d'animaux, étant quel-
quefois dans la bcue jusqu'aux genoux et
exposé sans cesse ou à perdre la vie par les
mains des barbares, ou à être dévoré par les
bètes féroces. Enfin, après cinnuantc-quatre
jours d'une marc!ie pénible , il arriva à sa
chère mission. 11 ne lui restait plus que
d'élever un temple à Jésu^-Christ, car il
souffrait avec peine que les saints nrystères
se célébrassent dans sa pauvre cabane. Celte
nouvelle église fut élevée, comme la pre-
m ère , sans aucun des instruments uéces-
saires pour la construction de semblables
édifices, et sans que d'autre architecte que
lui-même présidât à un si grand ouvrage.
Ces deux grandes peuplades étant formées ,
il découvrit la nation des Coscremoniens, et
il sut si bien les gagner en peu de temps,
que les missionnaires qui vinrent dans la
suite l(>s engagèrent sans peine à quitte-- le
lieu do leur demeure pour se transporter à
trente lieues de là, et y fonder (en 1690)
une grande peuplade qui s'appelle la peu-
plade de Suint-Xavier. Le saint homme, qui
avançait toujours dans les terres , se trouva
au milieu de la nation des Cironiens, et
ce fui en parcourant leurs diverses habita-
tions qu'il eut connaissance des Guarayens,
redoutables par la coutume barbare qu'ils
ont de se nourrir de chair humaine. Se tour-
nant du côté de ces barbares, il les combla
de cr.resses, et eux, par reconnaissance, le
conduisirent dans leurs peuplades. C'est là
qu'on lui fit connaître [ilusieurs nations du
voisinage, entre autres celles des Tapacures
et des Baures
Les missionnaires avaient souvent conféré
sur les moyens de faciliter la communica-
tion si nécessaire entre ces terres idolâtres
et les villes du Pérou. Ils déses()éi aient d'y
réussir, lorsque le P. Cypiien offrit d'" tenter
une entreprise qui paraissait imjiossiblo. 11
avait ouï dire qu'en trav rsaiit ceiti' longue
file de montagnes (jui est sur la droite; du
Pérou, il se trouvait un petit s'iiiier qu ab é-
goait exlraoïdinaireii'.enl le chemin. Il lu.» lui
en fallut pas davantage pour prendre sur lui
le îoin de découvrir cette roule iihoimue.
Dieu couronna sa consiance (en I(i88i par l'ac-
coinplisseinent de ses désirs. Il se prosterna
aussitôt c (litre teire pour en remercier la
bo.ilé divine, et il n'eut pis philôt achevé
sa prière, qu'il envoya annoncer une si agréa-
bl(; nouvelle au collège le plus proclie. On
peut jugn- avec quols applaudi->>emeii s elle
fut re(;ue , puisipie poir enlrer chez les
Aloxes, il ne fallait plus que {piin/.e jours
do chemin [lar la nouvelle roule que lo
P. Cypiieii venait de tracer. 11 se vo\ailprès
des maisons de sa < ompagnie ; il était nalu
rel (juil allât réjiarer, sous un ciel plus doux,
les forces que tant de travaux avaient cou
421 BAR
sumées ; son inclination m<^mc le portait A
aller rovoir s .s anciens aini:s après une al)-
sence do vingl-ciualre ans, surtout n'ayant
point d'ordre contraire de ses supéiicMirs ;
mais il crut ([u'il serait [)lus agréable à Dieu
de lui en faire un sacrilice, et sur-k'-chaini)
il retourna à sa mission
11 ne songea qu'.^ aller découvrir la nation
des Tapacures qui lui avait été indi((uée
par lesGuarayens. Maisia déeouvertela plus
importante, et qui lit le plus de plaisir au
P.Cyprien, fut celle des Baures. Celte natiou
est plus civilisée que celle des Moxes. Le l*.
Cypi'ien pénétra assez avant dans ce pays et
parcourut un assez grand nombre de bour-
gades. 11 s'était livré entreles mainsd'un peu-
ple ennemi de la loi sainte qu'il prôchail, et
ne doutant point qu'on n'en voulût <i sa vie,
il en fil le sacrilice au Seigneur pour le saint
de ces barbares. Il rencontra une com|)agnie
de Baures, armés de liTiches, d'arcs et de
flèches; ils le menacèrent de loin, se jetè-
rent sur lui avec fureur et le percèrent de
plusieurs coups tandis qu'il invoquait les
saints noms de Jésus et de Marie, et qu'il
olfrail son sang pour ceux qui le répan-
daient d'une manière si cruelle. Enfin ,
un de ces barbares, lui arrachant la croix,
qu'il tenait en main, lui déchargea sur la
tète un grand coup de hache dont 'il expira
sur l'heure. Ainsi mourut le P Cyprien Ba-
raze, le 16 septembre 1702, âgé de soixante-
un ans, après en avoir employé vingt-sept et
deux mois et demi à la conversion des Moxes
Il avait baptisé lui seul plus de quarante
mille idolâtres. » (Henrion, t. 11, p. 585.)
BARBARE, était président, à Torreen Sar-
daigne, pour l'empereur Dioclétien. 11 y lit
martyriser le prêtre Prote et le diacre Janvier.
BARBASCEviLN (saint), martyr, évèque de
Séleucie et deClésiphon, fut mis à mort pour
la foi chrétienne avec seize autres chrétiens,
prêtrrs ou clercs de différents degrés, ei l'an
3i6, durant la persécution de Sapor. L'Eglise
vénèi e la mémoire de ce saint et de ses seize
compagnons, le l'i janvier.
Nous donnons ici , traduits par nous, les
Actes du martyre de ce saint et de ses com-
pagnons.
La sixième année de la persécution était
comaiencée quand le nom de Barbtscemin,
évêque de Séleucie, et celui de Clésiphon
fu'^':'nt dénonc.'S au roi. L'accusation fut
ortée en ces termes : « Ces lieux sont sous
'erai»ire d'un homme féroce , eniicmi de
noire discipline, par qui plusieurs ont été
détachés, non-seulement de noire religicm,
mais même des fonctions publiques. Quoi!
il ne craint pas d'insulter le feu et de dire
du mal de l'eau I » Alors le roi : « Dites-moi
son nom et sa profession. Quel est-il celui
qui a osé commettre ces méfaits? »— « C'est
le neveu, dirent les délateurs de Siméon Bar-
Saboë, lils de sa sœur, clief des chrétiens; il
a pris la place de son oncle. »
Aces mots le roi frémit, s'enflamme de
colère, et ordonne qu'on amène immédiate-
ment le coupable. Aussitôt Barbascemin fut
amené avec seize autres. Plusieurs d'entre
6AR
in
!■
eux avaient la dignité de prôtro, les autres
étaient diacres ou clercs. Us étaient venus
de dilfércnls lieux, de plusieurs villes, au-
près de leur évèipje. Le roi, regardant Bar-
bascemin avec un visage terrible : « Scélérat,
lui dit-il, qui vas périr d'un su|)plice atroce,
ton audace est doni- allée à ce point, que,
faisant li de mes édits, tu t(! sois mis à la
tète de ce peuple que je déteste parce qu'il
méprise mes dieux; surtout quand tu n'i-
gnorais pas que Siméon, ({uoiqu'il me fût
bien cher, a subi le dernier supplice pour la
même cause. » Barbascemin lui répondit :
« Vous n'espérez pas que nous, chrétiens,
obéissions à vos édits . ils tendent entière-
ment h renverser notre sainte religion. Nous
estimons (|ue nous, qui devons défendre la
religion chrétienne, n'en pouvons sans crime
irrémissible abandonner une seule partie :
car elle est tellement bien construite que
tout entière elle repose sur chaque partie
comme sur un pivot. » Alors le roi : «Je vois
que ton grand âge l'a enlevé le jugement :
tu es tellement insensé que tu demandes la
mort. Quant à moi, bientôt je jugerai conve-
nable de faire souffrir au neveu le supplice
par lequel mourut l'oncle, entraînant dans
sa ruine plusieurs des siens. » Barbascemin
lui répondit : « Je ne hais point la vie, je ne
cherche point la mort, car vous pouvez très-
bien me permettre de suivre les dogmes de
la vraie rehgion et de conformer à ses pré-
ceptes ma vie tout entière. Mais quand,
abusant de votre puissance , vous vouiez
nous amener à embrasser vos erreurs , à
cette inique exigence je préfère la mort.
Elle ne sera point la fin de ma vie, mais le
commencement d'une meilleure et plus
haute, par conséquent elle ne m'aflligera
])oint, puisque d'une vie caduque e: passa-
gère l'Ile me fera une vie imnjortelli'. Que
Dieu détourne ne moi le crime de déserter ja-
mais la vraie foi, qui veit que nous croyions
en lui seul, et d'abjurer la religion que j'ai
a[)i)rise de Siméon, mon maître.»
Alors le roi, ne pouvant i ontenir l'efferves-
cencedeson cœurnicomprinjor sa colère, pre-
nantle soleil, son di- u, h témoin, éclata en ces
termes: « Eh bienl ehoien! mni, je détruirai
votre secte et vos mystères sacrés, je les
anacherai de la mémoire des hommes. »
Barbascemin, souriant, lui dit : « Vous in-
voquiez tout à l'heure le soleil, vous avez
donc jugé bon de passer sous ^i!ence le feu
et l'eau, qui pourtant sont dieux comme lui,
et que vous devez avoir en même honneur,
que vous devez invoquer comme lui pour
qu'ils vous aiiif-nt dans notre ruine, pour
qu'ils dirigent bien vos desseins et les con-
duisent à bonne tin. » Le roi s'enflamma de
colère à cette plaisanterie du saint homme
que ses menaces n'avaient pu faire trembler.
« El toi, lui dit-il, comme si tu voulais
mourir, tu veux m'irriter par tes plaisante-
ries pour que je te fasse mourir prompte-
menl : tu te trompes étrangement ; tu veux
la fin de ton supplice, j'en veux la durée; il
faut que tu saches que tu vas, avant de mou-
rir, avoir à supporter longtemps la fétidité
^25
BAR
BAR
m
d'un cachot, afin que les hommes de ta secte,
en voyant ton sort misT-rable et bientôt ta
mort cruelle, déposent leur audace et ap-
prennent à craindre la sévérité des lois. »
Aussitôt il ordonna qu'on les conduisit tous
en prison, qu'on les enchaînât lourdement et
qu'on les ti.t étroitement gardés. Ils furent
ainsi depuis le mois de février jusqu'au cinq
des ides de décembre, c'est-à-d^re à peu
près l'espace d'une année. Pendant tout ce
temps-là, ils furent horriblement tourmentés
par les mages, ajcabl 'S de coups de bâton,
en proie à la faim et à la soif, • es^échés par
une longue disette, le visage défait par l'hu-
midité de la prison, le front chargé d'une
poussière cadavéreuse, la peau noire de mal-
proiireté, et émaciés et desséchés de tout le
corps, déformés par les supplices répétés. Tel
était l'aspect misérable sous lequel ils s'of-
fraient.
A la fin de l'année, par l'ordre du roi, qui,
dans ce temps-là, était à Léd m, ville de la
province des Hussites, Barb.iscemin et ses
compagnons y furent amenés enchaînés et
mis de nouveau en jugement. Le roi siégeait
dans ce jugement; il s'fidressa ainsi aux ac-
cusés : « 0 race insensée, dépourvue de
toute raison, qui cours sciemment à la mort 1
tant de tourments déjà n'ont donc pas abattu
ton audace ? Regardez enlin, malheureux;
voyez quelle fin misérable ont eue les hom-
mes de votre secie, qui, les premiers, sont
morts entre les mains des bourreaux, tandis
qu'ils espéraient la vie immortelle et un
royaume éternel aussi, afin que vous rou-
gissiez enfin d'imiter leur folie et que vous
ne couriez pas au-devant d'une mort cer-
taine; ce qu'ils ont fait, conduits par une es-
pérance absurde d'un salut imaginaire et
d'une vie éternelle à retrouver; tandis que
rien n'est plus vain, plus inconsidéré, comme
vous devez le comprendre : cai- i s n'ont pas
revécu. Quand ils ont iait ainsi, qu'estimez-
vous de votre côté qu'il soit raisonnable de
faire? Car si vous prenez la résolution d'o-
béir h. mes édits ainsi qu'à moi, qui vous
veux du bien, vous agirez dans vos nitérôts,
et votre obéissance sera grandement récom-
pensée. Toi surtouî, Barbascemin, si tu em-
brasses le culte du soleil , sache aujour-
d'hui que les dignités les plus grandes et les
dignités les plus considérables seront ton
j)arlage. » En même temps, il présenta à
Rarjjascemin mille slnées (demi-drachmes)
d'or dans une coupe d'or. « Re(;f)is ceci, lui
dit-il, queje te donne en ce lieu pour le i-en-
dre un objet d'envie pour tous en attendant
les dignités [)ubliques et la |)réfecture queje
te garde. »
Le bi(mheureux évoque lui j-épondit : « M(î
prenez-Vous donc [)Our un homme (pi'on
puisse, avec des jouets d'enfant, avec cetl(!
vile poussière, avec di'S lli;urs é|)hémère.s,
amènera déserter le culte du vi-ai Dieu par-
la puissance diKjiicl tout ce que Jious voymis
a été créé, et renli'erait innnédialenient dans
le néant s'il en donnait l'oidre ? Je dois
pro.uver ii Itnit votre empire queje liens j)Our
rien ces bagatelles, et que je ne veux poiiit
renoncer à ce h quoi j'ai résolu de rester fi-
dèle. B Alors le roi : « S'il te reste quelque
amour de toi-mhne et des tiens, prends
garde de sembler mépriser et rejeter le ca-
deau dont je t'ai honoré. Car si tu continues
à agir avec moi insolemment tu feras qu'à
l'instant je satisferai tes vœux et les miens ;
après favoir arrarhé la vie, je détruirai,
j'exterminerai entièrement ta secte ennemie
et queje hais. » Le saint martyr lui répon-
dit : Cert"S, si j'agissais ainsi, le Dieu ven-
geur des crimes, au dernier jour du monde,
quand tous les mortels assemblés devant lui
seront saisis d'effroi, me reprocherait ma
conduite. C'est donc ainsi, insensé, me di-
rait-il, que tu as préféré à moi l'or que j'a-
vais moi-môme donné au roi Sopor, et que,
gagfjé par des choses fut. les, tu as adoré
des futilités semblables? A c.iuse de cela,
sachez, ô roi, que j'ai dans ma foi et dans ma
religion un port et un refuge assurés. Quant
à vous, tyran injuste et coupable, achevez
votre crime si bien commencé ; poursuivez,
votre cœur cruel, vous ne le pouvez rassasier
de carnage. Jusqu'ici vous avez menacé :
frappez maintenant. » Le roi lui dit : « Jus-
tju'à présent, pa.r tes paroles et partes actes,
je te considérais c mme un homme sage, et
j'avais })Our toi grande estime ; mais je m'a-
perçois, bien tard il est vrai, que tu es autre
queje n'avais cru; que tu es aussi dément
et aussi insensé qu'on peut lôtre dans la
secte à laquelle tu afipartiens : je m'aperçois
qu'on ne peut guérir par la douceur la pe.•^to
qui vous lient vous autres chrétiens. C'est
})Ourquoi à un mal aussi tenace il faut ap-
pliquer promptcment les remèdes violents,
et vous ramener par la cruauté des supplices
dans le devoir et dans la raison qui sont la
règle du commun des mortels. » Barbasce-
min répondit : « Jugez de la foi et de la sa-
gesse des chrétiens par ce fait, que nous
n'hésitons pas à mourir pour notre Dieu.
Votre férocité, nous la brisons par une au-
dace aussi grande ; car nous avons appris
l'audace et la douceur pour le besoin des
temps et des circonstances. Pendant que
nous enseignions aux autres hommes l'ina-
nité et la caducité des biens de la terre,
pendant que nous disions que vous deviez
mourir un jour comme le commun des mor-
tels; vous, au contraire, ré|)on liez à nos })a-
roles par de la ilatterie, olfrant des [Mésents,
pensant que, séduits par ces avances, nous
les préférerions à la vie éternelle que nous
tenons au-di-ssus de tout et que les richesses
véritables qui sont en notr-e \ ossession, nous
les jetterions là [lour courir à vos présents,
qui doivent bientôt péi'ir avec ce que vous
nommez vos dieux. » A ces |)aioles, le roi,
vivement ému : « E\\ bien ! moi j'ordonnerai,
au profit de n»es tioup s, de s'armi-r contre
les chrétiens et de se léunir tous pour la
ruine de volie nom. » Bnbasecmin lui ré-
])on(lit : ^( L'invincible courages (pie Notre-
Singneur Jésus-Clnist nous a donné jiour
c(; combat bi'isera faeiltMiienl lous vos ell'orts
cl (-(iux de vos soldats. Quani à croii'o que le
carnage ot les louruients détruiront noire
425
BAR
BAR
420
jxniple, vous vous trompez dlrangcnionl ;
jamais la lamillo choisie des ciiréticns no
sera plus belle et [)lus grande que quand
vous aurez commencé ù sévir contre elle par
le lei'. Ceux que vous voulez détruire, ex-
terminer radicalement, prendront do nou-
velles forces de leurs blessures et croîtront
connue une race immense ; et vous saurez
que vous n'avez ni force ni cœur suffisant
pour cette guerre que vous avez enlrej)rise
contre les hommes de notre religion. Mais
faites expulser de votre royaume les chré-
tiens avec votre cruauté habituelle ; notre
patrie a hâte de nous recevoir ; c'est celle
qui s'ouvre à ceux qui nous ressemblent,
aux hommes imbus de nos principes. Un
jour viendra où vous voudriez bien laver
vos mains tachées de notre sang, mais vai-
nement : les chrétiens que vous avez fait
mourir, nos compagnons, mènent au pa-
radis une vie heureuse; les enfants que vous
avez tués, les vierges que vous avez marty-
risées, régnent dans la félicité. Quant à vous,
un sort contraire vous attend: les larmes, les
grincementsde dents et les supplicesqui n'au-
ront point de lin.»
Alors ce roi impie, ennemi de la justice et
de l'équité, entra dans une colère atroce
qu'il satisfit immédiatement, en lançant
contre les chrétisns, un édit cruel et sangui-
naire. Comme un dragon ou un oiseau de
proie, iil se lança sur les chemins, il vola
vers sa proie, il se courba pour déchirer, et,
gonflé du fiel qui bouillonnait en lui, il en
vomit les torrents amers qui couvrirent
tout, renversèrent et brisèrent tout.
Voici le texte de cet édit : « Quiconque
m aime et veut le salut de mon royaume,
doit faire en sorte que personne portant le
nom de chrétien ne reste dans la Perse ou
autres lieux soumis à ma puissance, s'il ne
consent à adorer le soleil, le feu, l'eau, à se
nourrir du sang des animaux. Si quelqu'un
refuse de faire ces choses, j'ordonne qu'il
soit immédiatement livré aux préfets, et que
sur leur sentence il soit tourmenté et puni
du dernier supplice. »
Saint Barbascemin fut mis à mort avec ses
compagnons le neuvième jour de la lune de
janvier. Après sa mort, le siège de Séleucie
et de Gtésiphon vaqua envirun vingt ans,
tant cet édit cruel apporta de troubles pour
une nouvelle élection, tant les chrétiens fu-
rent dans la terreur de la persécution !
BARBATIEN (saint), prêtre et confesseur,
donna sa vie pour la foi à Ravenne. On
ignore dans quelles circonstances et à quelle
date. L'Eglise fait sa fête le 31 décembre.
BARBE (cainte), vierge et martyre, hono-
rée par l'Eglise le k décembre, passe pour
avoir été martyrisée sous le règne de Maxi-
min I". On n'a rien de certain sur sa vie, et
les ditférents actes qu'on a d'elle, loin d'ap-
porter quelque lumière dans ce qui la re-
garde, ne peuvent qu'y jeter de l'obscurité,
tant ils sont contradictoires ou remplis d'er-
reurs flagrantes.
Le 31artyrologe romain dit qu'elle mourut
à Nicomédie, sous Maximin, après avoir en-
CWTIONN. £>&3 PbRSÉGLTIONS. L
duré toutes les horreurs d'une longue cap-
tivité, (|u'elle fut bn'iléc! avec des lampes,
qu'elle eut les mamelles coupées, et qu'en-
fin elle accomplit son martyre ])ar le glaive.
Quehpies-uns de ses historiens la font
disciple d'Origène. Elle est l'objet d'une dé-
votion toute |)articulière chez les (irecs, les
Moscovites, les Latins et les Syriens. Suivant
le récit de Montbritius, sainte Barbe aurait
souflert il Heliopolis en Egypte, sous le règne
de l'empereur Galère, en l'année 306. Ce
dernier récit s'accorde avec le Ménologe de
l'empereur Basile et avec le Synaxaire des
Grecs. Près d'Edesse existait un monastère
qui portait le nom de Sainte-Barbe.
BARBÉE (sainte), martyrisée sous ïrajan,
par ordre de Lysias, son lieutenant, en» l'an
IIG, avec saint Barsimée , évoque d'Edesse,
et saint Sarbèle. Los Actes qu'on trouve
dans Bollandus ne présentent pas tous les
caractères d'authenticité désirables. Sainte
Barbée est honorée par l'Eglise le 29 jan-
vier.
BARCELONE, ville d'Espagne, eut, au
commencement du iv^ siècle, sous l'empire de
Dioclétien, l'honneur de voir le martyre de
sainte Eulalie, maintenant sa principale pa-
tronne. Cette ville possède encore actuelle-
ment les reliques de la sainte. En 303, le
gouverneur Dacien y fit décapiter saint Cu-
cufat, qui venait de Mauritanie, oii il s'é-
tait d'abord retiré, quittant l'Afrique procon-
sulaire pour éviter la persécution de Dioclé-
tien, qui commençait à sévir.
BARDOMIEN (saint), eut la gloire de
mourir pour la foi chrétienne en Asie avec
Eucarpe et vingt-six autres. L'Eglise honore
leur mémoire le 25 septembre.
BARHADBESCIABAS (saint), diacre et
martyr, que l'Eglise honore le 21 juillet, fut
mis à mort en Perse durant la grande persé-
cution de Sapor, par l'ordre de Sapor-Tam-
sapor. Ses Actes que nous avons traduits
méritent d'être cités.
Dans la quinzième année de notre persé-
cution, Barhadbesciabas, diacre, fut arrêté
dans la ville d'ArbelIes, par l'ordre de Sapor-
Tamsapor. Pendant qu'on le déchirait dans
les plus cruels supplices, le tyran lui parlait
ainsi : « Adore le feu et l'eau, mange du
sang , à l'instant tes souff"rances cesseront et
tu partiras libre de ces lieux. » Mais le bien-
heureux diacre, au milieu de ces cruels sup-
plices, gardait une physionomie tellement
sereine, que la joie paraissait surpasser la
douleur, que le sourire était sur son visage;
se raillant du tyran, il lui parlait en ces ter-
mes : « Homme impie et immonde , quel
es-tu donc pour vouloir me porter à abju-
rer ma religion, pour; me porter à abandon-
ner ces principes salutaires qui m'ont été
enseignés dès mon enfance 1 J'en jure par
Dieu que je sers du plus profond de mon
cieur, par son Christ en qui je mets toute
mon espérance, que jamais ni toi ni ton roi
que tu vantes tant, ni les supplices les plu-
cruels, que rien en un mot ne m'arrachera
Tamour de Jésus-Christ, que mon cœur a
4»
BâR
BAR
428
gardé depuis l'Age le plus tendre jusqu'à
l'âge avancé où je suis arrivé. »
Le tyran, outré de colère, porta aussitôt
la sentence qui condimnait le saint diacre à
la peine capitale. Dans les mômes jours on
gardait dans les prisons un certain Aghaé,
noble laïque de la ville de Tahal, qui dans
un premier interrogatoire avait montré qu'il
détestait le culte du soleil, et que le tyran
avait fait mettre en prison. Cet homme gar-
dait encore le nom de chrétien; plus tard il
devait ignoblement déserter la religion chré-
tienne. Le préfet lui ordonna, après lui avoir
fait enlever ses chaînes, de remplir à l'égard
du saint diacre le rôle de bourreau. Ce juge
inique voulait précipiter le malheureux
Aghaé dans un crime plus grand que celui
qu'il lui avait auparavant vainement com-
mandé ; car celui-ci n'avait pas rempli les
ordres qui lui étaient donnés.
Les satellites conduisirent donc Barhad-
besciabas enchaîné sur une colline hors les
murs du chAteau de Hazan, pour y recevoir
le coup mortel. Alors on ordonna à Aghaé
de tirer l'épée qu'on lui présente et de rem-
plir son mandat. Il obéit, quoique violem-
ment ému [tar la crainte : semblable à un
automate à qui man juent le coeur et le bras,
il frappe sept fois sans pouvoir trancher la
tête du bienheureux diacre. Les assistants,
saisis d'indignation, le forcèrent à termi-
ner ce meurtre d'une autre manière. C'est
pourquoi, reprenait le glaive qu'il avait
laissé tomber de sa main, en le voyant cou-
vert de sang, il le tourna vers le corps du
saint martyr, et lui perça les entrailles : le
saint moui ut à l'instant de cette blessure.
Je pense augmenter l'intérêt de cet écrit
en racontant sommairement le prodige qui
vint frapper le parricide Aghaé. A la môme
heure où l'innocent diacre avait été tué par
lui, il fut saisi providentiellement d'une ma-
ladie tellement gn-ave et cruelle, que sa main
droite se goniladunefaçon sihorrible, qu'elle
atteignait la grosseur d'une s livo. C'est
pourquoi ce malheureux bourreau était forcé
de rester pcr,iétuellcraent couché, la main
apituy^e sur un coussin, jusqu'à ce que ses
meiuorcs étant envahis par la gangrène, il
mourut quelques jours après, dans des
soullrances cruelles et délaissé de tout le
monde.
Doux militaires avaient reçu du tyran l'or-
dre de passer la nuit près du corps du mar-
tyr puur le g r.ier ; deux clercs résolurent
de passer la nuit dans un lieu voisin pour
enlever cl.mdestinement le corps du martyr.
Cl i)r()(itaiit du sommeil des gardiens. Ils
avaient d'abord tenté de gagner les satellites
par argent. Maisse voyant repousséset voyant
la chose impossible, ils |)rolitèrent du mo-
Ibn J somm<;il dans lequc;! ils étaient plon-
gés, et, h'S ayant surpris, les alt-iclièreiit à un
bA on, et pf;ndant (pi'ils n'osaient crier, ils
emportèrent le corps du martyr (pi'iis en-
tern-ifiit durant la luiil dans un lieu conve-
n<ii>ie. L<;s,rnl mai'tyi' IJarli.idbesciabas mou-
rut le 21) juillet. [Traduction (le l'aulear.)
BAUKKV, prince atménieu, de la famille
«i'Ardzourouiiik, fut l'un de ceux qui soui
frirent volontairement la captivité pour
Jésus-Christ, sous le règne d'Hazguerd ,
deuxième du nom, roi de Perse, et qui ne
furent remis en liberté et renvoyés en leur
pays que huit ans après la mort de ce prince,
sous le règne de son tils Bérose. (Pour plus
de détails, voy. Princes arméniens).
BARLAAM (saint), martyr, naquit près
d'Antioche, dans un village. Il prit l'état de
ses parents, et pendant une grande partie de
sa jeunesse s'adonna aux travaux des
champs. Au milieu de ces travaux qui lais-
sent à l'Ame toute sa liberté contemplative,
Barlaam s'occupait de se sanctifier par tou-
tes les pratiques de la piété la plus élevée.
L'ardeur avec laquelle il se proclamait dis-
ciple de Jésus-Christ, fut cause qu'on l'ar-
rêta. Enfermé dans la prison d'Antioche, il
y resta fort long-temps. Le juge devant le-
quel on le conduisit le railla sur la rusticité
de ses manières et sur son extérieur, mais
ne put s'empêcher d'admirer son courage et
sa grandeur d'âme. Le saint ne poussa pas
un cri, ne fit pas entendre une plainte, pen-
dant la cruelle flagellation qu'on lui fit su-
bir. On retendit sur le chevalet où tous ses
os furent disloqués. Au milieu de ces sup-
plices atroces il garda toujours la sérénité
et la gaieté de son âme. Pour l'eifrayer le juge
fit apporter devant lui des haches et des
glaives teints encore du sang des martyrs.
Barlaam les regarda sans montrer le moin-
dre etfroi. Vaincu par un simple paysan , le
juge fut exaspéré de sa défaite. 11 chercha "à
inventer quelque supplice nouveau pour
abattre la constance du martyr et venger
l'outrage fait à ses dieux. Il imagina de met-
tre Barlaam près de l'auîel, la main étendue
sur le fourneau embrasé et couverte de char-
bons ardents et d'encens : il pensait que la
do.ileur forcerait le saint à remuer, et que
l'encens tombant dans le feu on pourrait dire
qu il avait sacrifié ; mais Barlaam demeura
inébranlable : il se laissa brûler la main sans
faire le moindre mouvement. Peu de temps
après il mourut. Ses Actes semblent dire
que ce fut à la suite des soullrances oc-
casionnées par les tourments qu'il avait en-
duros. On ne sait pas précisément l'année de
son martyre ; on sait seulement qu'il eut
lieu après la mort de Galère. L'Eglise fait sa
fête le 19 novembre.
Homélie de saint Basile le Grand sur saint
Jiarlaam, martyr. (T. 1, homil. 18.)
« Dans les premiers temps, mes frères, les
larmes faisaient partie des honneurs funè-
bres qu'on rendait aux saints. Josc[)li airosa
des siennes le coi'ps do son père Jacob; les
Juifs pleurèrent plusieurs jours la mort do
Moïse, et tout Israël honora de ses regrets
le tomb(;au du t)rophète Samuel. Les choses
ont bi(Mi changé, et, depuis la mort de Jé-
sus-Christ, on ne voit plus réj)andr(uie {>leurs
aux obsèques des saints; la joie y éclate
parmi les chants d'allégresse , et his fidèles
qui y vii-'unent en foule fonuenl , autour do
leurs sacrés monuuieiils, divers dururs de
miisi(pie et de danse. En ell'et , la iikm-I n'est
qu'un sommed j)Our les justes, ou plutôt un
429
DAR
BAR
430
passage à uno mcillouro vie. Et comment té-
moigner de la tristesse h la mort dus mar-
tyrs? Los martyrs inAmes ne montrent ([iie
de la joie lorsc^u'on hîs fait mourir; l'attente
prochaine d'un bonheur inlini émousse tou-
tes les pointes de la douleur. Croit-on qu'un
martyr s'arrôle à considérer les tourments ?
Il ne" voit que les couronnes, 11 compte les
prix qu'il va recevoir, et non les plaies qu'il
reçoit. Il n'apturoit pas les bourreaux (pii
tirent du sang de toutes ses veines; il ne
pense qu'à une troupe d'anges qu'il croit
entendre autour de lui applaudir à sa vic-
toire. A peine sent-il les divers supplices
qu'on lui lait endurer; du moins il les mé-
prise» pour leur peu de durée; mais il est
tout occupé de la grandeur et de l'éternité
des récompenses qui lui sont promises. La
terre alors se joint au ciel, et les hommes se
mêlent aux esprits bieidieureux pour chan-
ter les louanges du martyr.
« C'est ce que nous voyons arriver aujour-
d'hui en la personne de l'illustre martyr
Barlaam. Au premier son de la trompette,
des troupes de fidèles accourent de toutes
parts pour s'enrôler au service de Dieu et
de son serviteur. On publie la valeur d'un
athlète de Jésus-Christ, et en un instant l'é-
glise devient un amphithéâtre qu'un nom-
bre incroyable de spectateurs remplit. Celui
qui croit en moi vivra, quoique mort , dit le
Seigneur {Jean, xi, 25). Barlaam est mort, et
il préside à nos assemblées. Son tombeau ne
retient plus de lui qu'un peu de cendres, et
ce peu de cendres devient l'objet d'une fête
publique. C'est aujourd'hui, mes frères, que
vous pouvez vous écrier : Que sont devenus
les sages ? que sont devenus les docteurs de la
loi? où sont ceux qui recherchent avec tant de
curiosité les sciences de ce siècle (/ Cor, i,
20)? Un homme grossier, un pauvre villa-
geois nous fait une leçon admirable de reli-
gion et de piété. Un tyran se saisit sans peine
de cette innocente proie; elle se laissa pren-
dre et ne se défendit point ; mais après que
le tyran en fut le maître, ii vit cette paisible
colombe se changer en un épervier plein de
valeur et de force. Il se moque du langage
rustique de cet homme champêtre , il en
plaisante, il en raille ; mais il le voit combat-
tre avec un courage de héros , et il en est
épouvanté. Son âme ne se sent point de la
bassesse de son origine ni de la barbarie de
ses expressions, et sa raison ferme et droite
ne bronche pas, comme son discours. Il peut
dire avec saint Paul : si je-parle mal, je pense
bien ; et si mon langage a peu de politesse,
ma science a beaucoup d'étendue. Déjà les
bourreaux sont rendus, à force de frapper, et
le martyr n'en est que plus frais. Les bras de
ceux qui déchirent tombent de faiblesse, et
celui qui est déchiré est beaucoup plus fort.
Le bruit des fouets ne s'entend presque plus;
les nerfs dont ils sont faits se sont relâchés,
et la foi du martyr est plus vigoureuse. Ses
flancs épuisés de sang paraissent tout dessé-
chés, et son âme est plus florissante que ja-
mais. Une partie de sa chair est déjà morte,
et il est plus vif qu'au commencement du
combat. C'est là reiïtîi (pie l'amour do Dieu
produit dans une âme , ([uand elle en est
toute préoccupée : alors les supplices les
plus alfreux ne lui semblejit inventés que
pour la divertir; et plus elle souffre pour
celui qu'elle aime , plus elle trouve de [)lai-
sir à souiïrir. Demandez-le aux apôtres : que
pensaient-ils des coups de fouets que les
Juifs leur firent donner {Act. v , kl)'{ Ne
leur furent-ils pas infiniment agréables ? Ils
sortirent du conseil, se réjouissant de ce
qu'ils avaient été jugés dignes de souffrir
des opprobres pour le nom de Jésus-Christ.
« C'était avec ces sentiments que notre
saint villageois recevait les coups de fouets
que la cruauté du tyran multipliait à l'infini.
Il s'imaginait que cette grêle de coups était
une pluie de roses qu'une main obligeante
faisait tomber sur lui : la fureur de ce juge
ne lui semblait tout au plus qu'une légère
fumée qui se dissipe aussitôt; les mines me-
naçantes des bourreaux le faisaient rire, et
tout cet appareil de supplices qui environne
toujours les tyrans, lui paraissait un parterre
de toute sorte de fleurs. Il regardait comme
des marques honorables les plaies dont il
était couvert ; il les recevait avec une joie
aussi empressée que si c'eût été des prix.
Les épées nues, les haches, les coutelas, tous
ces instruments qu'il voyait teints du sang
des martyrs, ne lui faisaient point de peur;
il se plaignait que les mains des bourreaux
n'avaient pas plus de force que si elles eus-
sent été de cire. 11 embrassa de tout son
cœur le chevalet. Quand on le conduisit en
prison, il crut qu'on l'avait fait entrer dans
une prairie délicieuse : enfin, sa main résista
à toute la violence du feu, et son invincible
patience rendit inutile la dernière machine
que ses ennemis avaient dressée contre lui.
Car, l'ayant mené devant un autel où on
avait allumé du feu pour un sacrifice, ils lui
prirent la main, la remplirent d'encens tout
brûlant , et , la tenant immédiatement au-
dessus du feu, ils espéraient que , n'en pou-
vant endurer l'ardeur, il retirerait sa main
avec précipitation et laisserait tomber l'en-
cens sur l'autel. Oh ! que les méchants ont
de sortes de ruses 1 combien de ressorts ne
font-ils point jouer pour venir à leurs fins ?
Puisque nous n'avons pu, disent-ils, réduire
cet homme à faire ce que nous voulions,
quoique tout son corps ne soit plus qu'une
plaie, essayons si le feu le rendra plus trai-
table : il a démonté toutes nos machines,
voyons si sa main sera à l'épreuve des flam-
mes. Misérables ! votre espérance sera vaine.
Il est vrai que le feu n'épargnera pas sa
main ; il agira sur elle avec sa violence ac-
coutumée; mais elle le supportera comme la
cendre le supporte ; elle le conservera comme
la cendre le conserve. Notre intrépide soldat
ne tourne point le dos à l'ennemi ; il lui tient
tête, il le combat de front, et il chante, pour
s'animer, ces paroles du i)rophète : Béni soit
le Seigneur qui dresse mon bras pour la
guerre , et forme ma main au combat {Psal.
cxLiii). La main de Barlaam et le feu étaient
donc les combattants; mais le feu avait tout
4Ô1
Mil
le d<5savantage : voici une nouvelle manière
de vaincre. Le feu peice la main du martyr
et la pénètre, et la main domeure étendue et
n'abandonne point le champ de bataille. 0
main plus opiniâtre (jue le l'eu 1 6 main que
le feu le plus âpre ne peut obliger à se ren-
dj'e ! O toi , qui de tous les éléments es le
moins emluranl : toiipiine trouves jamais de
résistance, conmient cèdes-tu à la main d"nn
houmie ? Tu fais perdre au fer sa dureté;
l'airain ne peut tcinr contre ton activité; les
pierres se calcinent, sont réduites en poudre
par (a chaleur, et la main d'un martyr au
milieu des tlaunnes te méprise , toi le vain-
queur du fer, de l'airain et du jnarbre ! Sans
doute il s'écria alors avi-c David ; Vous m'a-
rrz pris par la main, vous )n'avc'z conduit se-
lon votre volonté, et vous m'avez fait après
entrer dans la gloire {Psal. lxx.ii). A c|ui
vous comparerai-je , soldat de Jésus-Christ ?
vous nommerai-je une statue de bronze ?
Mais c'est vous louer faiblement ; le feu fait
fondre les statues de l)ron/e. Dirai-je que
votre main a l'inflexibilité du plus dur de
tous les métaux ? c'est trop peu dire encore;
le feu en vient h bout. Vous êtes le seul
dnns la nature qui ayez pu persuader au
feu de se laisser vaincre; vous êtes le seul
dont la main ait pu servir à conserver le feu.
Avec cette main embrasée vous donnâtes
raille soufdets au.v démons; leur tète se fon-
dit alors comme de la cire à l'aijproche de
cette main, et aujourd'hui qu'elle est réduite
en cendres , vous les leur jetez dans les
yeux et dissipez ainsi ces troupes infer-
nales.
« Mais comment osé-je entreprendre de
parler de ce héros avec une langue qui ne
sait que bégayer. Cédons cet lionneur à celles
qui j)euvent le louer dignement. Embou-
chez la trompette, illustres panégyristes ; ac-
courez ici et publiez les louanges de cet in-
vincible nuirtyr. Venez aussi, peintres élo-
quents, vous qui donnez l'immortalité à vos
figures; représentez-nous notre martyr; em-
ployez toute la finesse de votre art à bien
marquer surtout cette main brûlée; finissez
celte éljauche que je viens de donner, et re-
haussez, par l'éclat de vos couleurs , le som-
bre crayon que j'en ai tracé. Que le tableau
que vous ferez du combat et de la victoire
de notre illustre athlète eU'ace, j'y consens,
le peu que j'en ai peint; je ne serai point ja-
loux de votre gloire, et je vous céderai avec
joie celle de savoir uneux peindre que
moi. »
BAKNAHi':: (saint), selon la Vulgate latine
et qufilqucs manuscrits grecs, se; nommait
d'aJjord José ou Joseph. L<î nom d(î liarnabé,
qui signifie fils de consolation, lui fut donné
|)ar les a|»olres, à cause du don (|u'il avait di;
consoler les allligés, et à cause de sa grande
douceur. Originaire (h; (',hy|)re, il était (h; la
tribu, de Lévi. Il était l'un des soixanl(!-dix
disciples. Après l'ascension, il donna auv
apAtres, le prix d'une terre; qu'il avait dans
les environs de J(''iusalcni. (a\ fui lui (jui
)»résuula saint l*aul aux a|)ùli'es (piand ce
•aint vint à Jéiu-siiloui, trois ans «près sa
liAU iôi
conversion. Us avaient étudié ensemble
sous Gamaliel. Saint Barnabe accompagna
saint Paul dans beaucoup de ses voyages,
parcourant avec lui l'Asie Mineure, la Syrie,
la Grèce. A Icône les deux saints faillirent
être lapidés [Voy. Paul), ainsi qu'à Lystre
et à Derbe. On prit ;i Lystre saint Barnabe
pour Jupiter et saint Paul pour Mercure.
L'an 51, Barnabe fut envoyé d'Antioche à
Jérusalem avec saint Paul, et s'y trouva au
concile des apôtres, où il fut proclamé avec
et connue saint Paul, ai)ùtre des gentils. Plus
tard, ayant ijuitté saint Paul, il s'en alla prê-
cher en Chypre; c'est tout ce ciue nous sa-
vons de certain sur son compte : ni ce que
le moine Alexandre, de Chy[)re a écrit de
lui, ni ce c^u'on trouve dans le P. Sirmond,
ni ses actes qui portent le nom de Jean
Marc, ni ce qui est dit de lui dans les Bé-
cognitions, rien ne nous paraît de nature à
pouvoir servir de base à des affirmations
solides. Le moine Alexandre et les Grecs,
dans leurs menées {Mén., 11 juin, p. 82),
prétendent qu'il fut lapidé par les Juifs à
Salamine. Vers l'an W8, il aoparut à An-
thème évoque de Salamine, et lui indic^ua le
lieu où était son corps. Son sépulcre ayant
été ouvert, on y trouva son corps, ayant
sur la poitrine l'Evangile de saint Matthieu,
qu'il avait copié de sa main. L'Eglise célè-
bre sa fête le 11 juin.
BABSABAS. Voy. Jude.
BARSABIAS (saint), abbé et martyr en Perse,
mourut pour la religion sainte de Jésus-
Christ, en l'an 3V2 de l'ère chrétienne. Son
histoire est consignée avec celle de ses
compagnons dans des actes que nous don-
nons après les avoir traduits. Notre traduc-
tion, comparée parle lecteur à celles qui ont
été faites, fera voir quelles bévues certaines
fautes de traduction, jointes à une insuffisance
d'attention inimaginable, peuvent faire dire
à des historiens. Quand le texte dit positive-
ment qu'on meurtrit de coups les bras et
les jambes des saints martyrs, les traduc-
teurs que nous citons disent qu'on leur
coupa bras et jambes. Cela n'empêche pas
qu'ensuite, ils ne les fassent marcher gaie-
ment au supplice, et qu'ils ne racontent que
saint Barsabias, arrivé au lieu de l'exécution,
prit chacun de ses moines par la main [tour
k's présenter au bourreau. Le bon sens suf-
fisait ici j)our explifjuer le texte chaldaique
([ui pourtant est fort clair. C'est avec de
semblables récils, avec de pareilles erreurs,
(|u'(»u fausse les pièces les plus belles et les
plus aulhenlicjnes, et qu'on les lait rejeter
ainsi défigurées par les Instoriens conscien-
cieux. Un autre inconvénient c'est que sou-
vent ces récits ainsi habillés vont à une
certaine classe de lecteurs dont la foi robuste
n'iMilend reculer diîvant au(uni obstacle, et
veut admettre tous les miracles prétendus
(pii surchargent l'histoire déjà si grande des
miracles véiitables. Ces gens-h\, nous en
connaissons, font marcher les gens qui n'ont
plus de jambes, l'ont agir les mains de ceux
a (pii on a cou|)é les bras. Ces absurdités
Bonl i)Our eux tout ce qu'il y a de plus saonij
4S3 RAR
vis-à-vis d'elles la discussion est interdite,
et sacrilège celui qui se la permet. Ces gens-
là ont une religion à part. Ce sont les hal-
luciniVs du catliolicismi! ; leur su{)erstition
accepte tous les miracles d(i bonnes Icm-
nies et les amulettes des d(Wotes. Ils ont
plus de confiance dans une; reliipie douteuse
que dans le bo7i Dieu. Au lieu d'invO(pier
Jésus-Christ auprès d'un m;d;ul(! ils le bario-
leront d'objets prétendus bénits. Pour eux
le tableau de saint Saturnin-lès-A()t est
aussi peut-être [)lus puissant (pu^ le saint
sacrement. D'où vient cela? de la faute des
mauvais livres , laits dans une intention
dévote par l'ignorance ou la faiblesse d'es-
nrit. iMais nos premiers pasteurs, avertis par
les suporclieries de Kosette Tamisier, veil-
leront de plus en plus h ce que ces livres
légendaires ne s'impriment plus sans leur
approbation. Dés lors la vraie foi et la vraie
piété [)Ourront s'étlilicr en pleine sécurité.
Martyre des saints Barsahias, abbé, de dix
moines, ses compagnons, et d'un certain
mage.
A peu près dans le môme temps oi!i saint
Milles reçut la couronne du martyre, saint
Barsabias, qui était abbé d'un certain monas-
tère en Perse, et qui avait sous sa conduite
dix moines, ses disciples, fut accusé auprès
du préfet de la ville d'Astahara par des hom-
mes méchants et chargés de crimes. Les dé-
lateurs les accusaient de plusieurs choses :
« Cet homme , disaient-ils , corrompt les
mœurs , enseigne en outre une doctrine
pernicieuse, et veut peu à peu détruire la
religion des mages pour faire prévaloir la
sienne. » C'est pourquoi le préteur, ayant
envoyé des satellites, ordonne que Barsa-
bias et ses disciples soient saisis, chargés de
chaînes et conduits à son prétoire. Là, ils
furent tous soumis aux supplices les plus
cruels : d'abord on leur meurtrit les genoux
à coups de barres, les bras, les jambes et les
côtés à coups de bâtons ; on leur coupa les
oreilles et le nez, on leur meurtrit les yeux.
Ce juge inhumain, voyant que ces saints
martyrs avaient supporté les tourments les
plus cruels, l'application de lames ardentes
sur leurs membres sans succomber, sans
abjurer leur Dieu, sans renoncer à la vraie
religion, mais encore sans changer de vi-
sage, de physionomie, ordonna qu'ils fussent
conduits hors de la ville pour y être mis à
mort. Les martyrs marchèrent au lieu du
supplice, entourés d'une grande multitude
de peuple. Entre les mains des licteurs ils
chantaient des hymnes et des psaumes à la
louange du Seigneur. 11 arriva sur ces entre-
faites que le carnage des saints étant déjà
commencé, un certain mage à cheval et son
épouse, ses deux fils et plusieurs domesti-
ques qui venaient de partir de la ville pas-
sèrent dans ce lieu. Le mage, ayant vu l'im-
mense multitude de peuple assemblé, donna
l'ordre à son cortège d'aller un peu en avant,
pendant que lui-même irait voir ce que
signitiait tout ce concours. Il vint donc sur
son cheval, le domestique le précédant, et
KAK
454
ayant écarté la foule, il s'arrêta assez près
des martyrs. 11 vit l'illustre abbé, l'air joyeux
et chantant des psaumes, non content d'en-
courager ses disci[)l('s à sonllVir courageuse-
mtuit la mort, j)rendre chacun d'eux par la
main i)Our les conduire; au bonncau, alni
(|u'ils subissent les supplices ([ui leur étaient
(icstinés. A ce spectacle, le mage, IVappé de
stupeur, eut une admirable vision, (tétait
Dieu ({ui lui ouvrait his yeux. 11 lui sembla
voir un feu brillant d'une admirable lu-
mière et disposé en forme de croix, au-
dessus des corps des martyrs qu'on venait
d'égorger. Vivement frappé par cette vision,
presque épouvanté, il sauta prom|)tement de
cheval, et ayant cliangé de vêtements avec
son domesti((ue, il vint raconter à l'oreille à
l'abbé le miracle dont il venait d'êlre le té-
moin, et il ajouta : « Toutes ces choses, cette'
vision, me donnent à croire que j'ai été
choisi par votre Dieu pour que je meure-
avec vous martyr de la même foi. C'est
pourquoi je reconnais déjà un seul Dieu,,
qui est le vôtre, et je le' confesse du plus,
])rofond dç mon cœur. Et puisque personcae
ne sait que je ne suis pas un de vos comij-a-
gnons, un de vos disciples, ne vous montrez
pas sévère et cruel envers moi; prenez-moi
juar la main, comme les autres, et livrez-moi
aux licteurs pour être tué ; car c'est voloiai-
tairement que je veux subir la mort avec
vous, que je la désire absolument ; avec vous,
dis-je, qui êtes le peuple saint, vrai et (i-^
dèle. » Barsabias se rendit à ses vœux, vive-
ment touché par la relation de la vision qu'il
avait eue. Il prit le mage par la main, comme-
les autres, et le présenta pour être tué aus
bourreau, qui ignorait entièrement ce qui se
passait, après le neuvième de ses moines. M
fut mis à mort le onzième. (Il semblerait
qu'il y fait erreur ici, et que le mage eût dû.
mourir le dixième ; mais il est fort possible
que les bourreaux aient retardé sa mort pour
un motif que nous ignorons.) L'abbé pré-
senta sa tête au bourreau le dernier après la
mort de tous les autres. Ainsi ce fut le mage-
qui compléta et fm.it ce nombre de do.aze
martyrs. Leurs têtes furent apportées dans,
la ville et pendues, pour effrayer la multitude,
dans le temple de Nahitis (Vénus), déesse
des Perses.
Peu de temps après, l'admirable subter^
fuge du mage fut connu ; quand le bruit s'en
fut répandu par toute la province, il excita
l'admiration universelle, et plusieurs, à
cause de cela, se donnèrent au Christ et
embrassèrent la vraie religion ; de ce nom-
bre furent l'épouse du mage, ses Ois, sf^
domestiques, qui immédiatement se tiient
instruire des dogmes chrétiens , et qui ,
ayant été baptisés, passèrent tout le reste de
leur vie dans la crainte de Dieu et dans la
pratique de la religion.
Le martyre de ces saints arriva le dix-
septième jour de la lune du mois de juin.
L'Eglise célèbre leur fête le 20 octobre. {Tra-
duction de Vauteur.)
BAiibES (saint), évêque d'Edesse et con-
fesseur, fut banni pour rorihodoxie, en 37.%
135
BAS
BAS
436
par l'empereur arien Valens. Il fut envoyé
sur les confins de la Mésopotamie, et finit sa
vie dans son exil. L'Eglise fait sa fête le
30 jaijvier. (T ow. Valens, empereur.)
BARSIMÉE (saint) , évoque d'Edesse , a
soulfert sous Trajan, avec saint Sarbèle et
sainte Barbée. Leurs Actes, qu'on peut trou-
ver dans Bollandus ( 29 janvier, pag. 923),
portent qu'ils furent raartyiisés sousLysias,
lieutenant de Trajan; d'après cela, ces faits
n'ont i)u se passer ([u'en l'année 116, quand
Edesse fut prise et brûlée. Il faut bien se re-
porter au temps où. Ljsias s'est trouvé à
Edesse. Ces faits prouvent que la persécu-
tion continua jusqu'à la fin du règne de
Trajan. Nous ne donnons pas les Actes de
ce saint ; ils ne nous paraissent pas assez
authentiques. L'Eglise fait sa fête le 30 jan-
vier.
BARTHÉLÉMY (saint), apôtre et martyr.
On n'a pas de certitude sur le genre ni sur
le lieu de sa mort. Les uns disent, qu'ayant
porté la foi jusque dans les Indes, il y
trouva la palme du martyre, et qu'il fut dé-
capité. Les autres prétendent qu'il fut écor-
ché à Albane en Arménie. On fait aujour-
d'hui sa Me le 2iaoût.
BARTHÉLEMI-GENESTOR ( le bienheu-
reux), fut martyrisé dans l'île Minorque, par
Barberousse, qui y fit une descente en 1536.
il eut pour compagnon de son martyre
François Coll. Ces deux frères mineurs ,
voyant les ravages que Barberousse com-
mettait dans Mahon, consumèrent les hos-
ties qui se trouvaient dans le saint ciboire,
afin de les dérober à la profanation des
infidèles. Barberousse leur fit souflVir de
cruelles tortures. C'est ainsi qu'ils obtinrent
la couronna du martyre. (Wadding, an.l53G,
n' 7.)
BARUE (saint), martyr k Carthage, en 250,
sous le règne et durant la persécution de
l'empereur Dèce, fut enfermé dans un ca-
chot avec une foule d'autres chrétiens, où,
par ordre de l'empereur, on les laissa mourir
de faim. L'Eglise fait la fête de tous ces
saints martyrs le 17 avril, avec celle de
saint Mappalique. (Voy. Victoiun.)
BARULAS (saint), jeune enfant, eut la
gloire et le bonheur de mourir pour Jésus-
Christ, en l'année 303, sous le règne et du-
rant la grande persécution de l'empereur
Dioclétien. A l'instigation de saint Romain,
il avait confessé courageusement dans la
ville d'Antioche, où. il était n^, qu'il n'y
avait (ju'un seul Dieu, et que c'était une
souveraine impiété d'en adorer plusieurs.
Après avoir éU'i atrocement battu, il fut dé-
capité. Durant son supi^lice , la mère ne
cessa de lui prodiguer ses exhortations.
L'Eglise honore sa mémoire, avec celle do
«amt Romain, le 18 novembre. {Voy. Ceil-
lier, t. 111, p. W:i et Ul'S.)
BAS, ou Bassk (saini), évoque de Nice,
près la rivière du V<jr, fut arrêté sous Dèce,
\>ni ordre du président Pércnrne. Il lut hor-
rilileiuent touiinenté sin- le cluivahît ; ensuite
on h; iiiûla partout avec des l.iines ardentes;
il l'ut Iwltu <TU' lli-im-nl, (lérliin- avec des
scorpions, et enfin jeté dans le feu, d'où il
sortit sain et sauf. Ensuite il fut percé, de la
tête aux pieds, avec deux longues broches en
fer, que ses Actes nomment de grands clous.
C'est ainsi qu'il termina son martyre. L'E-
glise célèbre sa fête le 5 décembre. Depuis
quelque temps on a retrouvé son corps.
BASILE (saint), prêtre et martyr, était ap-
phqué sans rel;\che à enseigner aux hommes
les véi'ités chrétiennes, et à les détrom{)er de
l'erreur et du mensonge. 11 s'elforgait de les
conduire dans les voies de Jésus-Christ, et
de les détourner de celles du démon. Il ne
cessait de leur prêcher que des temps fî-
cheux s'approchaient ; que les principaux
chefs de la milice des enfers eu étaient sor-
tis, et semaient partout des juéges, des pé-
rils et des scandales ; que parmi les ministres
de Jésus-Christ il se trouvait des ministres
du démon revêtus de peaux de brebis, mais
qui n'étaient en effet que des loups cruels et
ravissants, qui ne cherchaient qu'à se rassa-
sier des âmes ; qu'il fallait marcher avec de
grandes précautions. Il criait de toute sa
force et avec toute rintréj)idite et toute l'as-
surance d'un prophète : Suivez-moi , vous
tous qui voulez arriver au bonheur éternel,
je vous montrerai la voie qui y conduit, et
je vous marquerai en même temps celle qui
mène à un malheur éternel. Je vous ferai
voir dans quel abîme se précipitent ceux qui
abandonnent le Dieu vivant pour courir
après des idoles sourdes, muettes et aveu-
gles. Quel avantage pensez-vous qu'ils tirent
d'un changement si peu sensé? De brûler
dans un feu qui ne s'éteindra jamais : c'est
pourquoi tous autant que nous sommes, qui
désirons conserver le trésor inestimable de
la foi, ne craignons point de fouler aux pieds
toute cette pompe vaine et ridicule avec la-
quelle le démon amuse, surprend et engage
les esprits qu'il a séduits : méprisons ces
niaiseries dont il occupe les yeux et le cœur
de ses misérables esclaves : que la difficulté
de l'entreprise ne nous rebute point, Jésus-
Christ sera avec nous ; il nous soutiendra, il
nous défendra, il nous récompensera.
C'était avec de semblables discours que
Basile parcourait chaque jour toute la ville
d'Ancyre; exhortant, pressant, menaçant un
chacun, encourageant les uns par l'espérance
des biens à venir, iiitiniidanl les autres par
la crainte des peines futures, insi)irant à tous
le mépris des tourments et de la mort. Ce-
pendant Eudoxe ( 1 ), Macaire, Eugène, et
quel(|ue.s autr(.'s évêqucs ariens, (jui étaient
assemblés à Constantinople, lui défendirent
d'aller ainsi [)rêchant au peui)le des vérités
qui ne leur plaisaient pas; mais en même
temj)sdeux cent trente évêcpuîs, (lui tenaient
un concile dans la Palestine, rexhorlaient à
continuer, à ne rien craindre, à agir tou-
jours avec confiance, et enfin à se ressou-
venir (lu'élant un des prineipauv officiers du
palais de remi)ereur, il devait ilonner l'exem-
ple d une jtlus parfaite fiaélilé envers Jésus-
(1) Kvcqiie arien de Guriiiuiiicio, puis d'Anliochc,
cl ciiliii do Constaiilinoplc, l'an 300.
437
BAS
BAS
138
Christ. Ainsi ce saint homme, marchant en
la présence de Dieu, aunon<;ait hardiment la
doctrine irn^prcMiensible de la foi; et la ré-
gularité de sa vie, jointe à la Ibrcc de ses
paroles, relirait chaque jour de l'erreur plu-
sieurs chrétiens qui s'y étaient malheureu-
sement laissés engager. L'Kglise était ()Our
lors dans une horrible agitation. On déféra
Basile à l'empereur Constanlius, counne un
homme inquiet, séditieux, et qui par ses
prédications emportées fomentait le trouble
et la division. Le prince voulut l'interroger
lui-mC'me ; mais il fut toujours invariable
dans ses réponses, toujours ferme et iné-
branlable dans la foi et dans la tradition des
Pères ; défendant avec beaucoup de capacité
et de zèle la croyance orthodoxe. Ce qui en-
leva bien des sujets ii l'hérésie.
Après la mort de Constantius, Julien étant
parvenu à l'empire, et ayant renoncé ouver-
tement au christianisme, il entreprit de ga-
gner à ses dieux tout autant d'âmes qu'il
pourrait. Il se fit le docteur de Fidolûtrie, il
publia ses dogmes impies touchant le culte
qu'il voulait qu'on rendit à ces divinités ina-
nimées et insensibles, et il l'établit dans la
Calatie, où l'on vit durant quinze mois fu-
mer les autels des dieux de Julien. Basile,
sensiblement affligé du malheur de l'Eglise,
et craignant pour Ancyre, sa patrie, fit publi-
quement cetie prière à Jésus-Christ : « Sau-
veur du monde, lumière qui ne peut être
obscurcie, soleil qui dissipe/, les ténèbres de
Terreur, trésor immense des richesses infi-
nies de la divinité : Seigneur tout-puissant,
jetez les yeux, je dis ces yeux qui sont quel-
quefois allumés d'une sainte et redoutable
colère, ces yeux qui lancent sur les pécheurs
la foudre et la mort, jetez-les sur ces céré-
monies abominables, et dissipez -les avec
ceux qui les pratiquent. Ne permettez pas
qu'elles prévalent sur la vérité que vous nous
avez enseignée : renversez ces autels et leurs
ministres. Rendez leurs projets inutiles ,
qu'ils ne puissent jamais séduire les âmes
de ceux qui croient en vous. » Cette prière
fut entendue de quelques adorateurs des
idoles. Ils en frémirent de rage contre celui
qui la faisait ; et l'un d'eux, nommé Macaire,
se jeta sur Basile et le maltraita. Méchant
homme, lui dit-il, tu mets toute la ville en
rumeur par tes discours séditieux ; as-tu bien
l'audace d'attaquer une religion que l'empe-
reur a si sagement rétablie ? Basile lui ré-
pondit : Que le Seigneur t'arrache cette lan-
gue, misérable esclave du démon. Ce n'est
pas moi qui détruis ta religion, mais ce sera
celui qui règne dans le ciel, celui-là même
qui l'a déjà renversée; celui-là, dis-je, saura
bien encore le moyen de l'exterminer une
seconde fois. Il saura bien faire évanouir
tous les desseins chimériques de ton empe-
reur, jusqu'à ce qu'il le réduise aux derniè-
res extrémités, où. il ne trouvera plus que la
mort seule, qui lui sera alors donnée comme
la juste punition de son insolente révolte
contre Dieu.
Celte réponse ne fit qu'irriter encore da-
vantage les esprits. On l'entraîne chez le pro-
consul (Saturnin). Cet homme, s'écrient lu-
mulluairement cent personnes à la fois, met
le trouble et la confusion dans toute la ville.
Nous l'avons trouvé enseignant au peuple
une doctrine dangereuse ; il dit qu'il faut
renverser les autels des dieux, et il parle
d'eux et de l'empereur en de forts mauvais
termes ; le peuple l'écoute, et il en a déjà
perverti [)lusieurs. Le proconsul lui demanda
qui il était, et comment il avait la hardiesse
de faire de semblables choses. Je suis chré-
tien, répondit Basile. Le proconsul : Puisque
vous êtes chrétien, que ne faites-vous donc
ce qu'un chrétien doit faire ? Basile : Je le
fais aussi; car enfin un chrétien doit faire
toutes ses actions à la vue de tout le monde.
Le proconsul : Pourquoi excitez- vous du tu-
multe dans la ville, en parlant de l'empereur
peu respectueusement, et en le faisant pas-
ser pour un prince qui viole impunément les
lois les plus saintes, en blasphémant contre
sa personne sacrée et contre sa religion?
liasik : Il n'est rien de tout cela. Je n'ai
blasphémé ni contre l'empereur ni contre sa
religion. Mais cet empereur dont je parle est
le Dieu du ciel et de la terre, qui règne sou-
verainement sur tous les hommes, que nos
pères ont adoré. C'est lui qui peut en un mo-
ment vous confondre, vous et vos dieux. Le
proconsul : A votre compte, elle ne serait
pas véritabb^ la religion que notre prince a
rétablie? Basile: Comment le serait-elle?
vous-même, seigneur gouverneur, la croyez-
vous telle? Une religion qui, plus vorace que
ne sont des chiens affamés, va dévorant des
chairs à demi-crues, pousse comme ces ani-
maux des hurlements devant les autels des
démons, et i'répand son sang autour de ces
mêmes autels. Est-ce là une religion poui
des hommes? La raison peut-elle recevoir un
pareil cuite? Le proconsul: Vous ne dites
que des sottises, Basile ; taisez-vous, et obéis-
sez à l'empereur. Basile : J'ai obéi jusqu'à
présent à l'empereur du ciel, je ne lui man-
querai jamais de fidéUté. Le proconsul : De
Cfuel empereur parlez-vous? Basile : De ce-
lui qui réside dans le ciel, et qui voit et
considère toutes choses. Pour cet autre dont
vous voulez m'obligér de recevoir les ordres,
il ne commande que dans un coin de la terre,
et bientôt n'y commandera plus; mais n'é-
tant qu'un homme , il tombera à son tour
comme les autres hommes au pouvoir du
grand roi, qui lui fera rendre compte de ses
actions. Le proconsul, peu satisfait de ses
réponses, fit mettre le saint sur le chevalet.
Pendant qu'on le tourmentait, il disait : Sei-
gneur, Dieu de tous les siècles, je vous rends
grâce de ce que vous m'avez jugé digne de
marcher dans le chemin des souiirances; en
le suivant, je suis sûr, Seigneur, d'arriver à
la vie, et de me trouver dans la compagnie
de ceux que vous avez faits héritiers de vos
promesses, et qui en jouissent déjà. Que
vous en semble, interrompit le proconsul ;
croyez-vous maintenant que l'empereur de
la terre peut, qn-ind il lui plaît, punir ceux
qui refusent d'tbéir à ses ordres? Si vous
l'ignorez, l'expérience est une grande mai-
439
BAS
tresse, elle pourra vous l'apprendre. Voulez-
vous iiiV'n croire, sacrifie/, Basile. Je ne vous
en croirai pas, réplicjua IJasile, je ne sacri-
fierai point. Le jn-oconsul l'envoya en pri-
son. Connue on l'y conduisait, il rencontra
un certain Félix, un dcbauché do profession,
(jui lui dit : Où vas-lu te perdre, mon pauvre
Jîasile; que ne le fais-tu plutôt ami des dieux,
tu le serais bientôt de C(^sar? Aulrement tu
peux l'attendre à soutfrir terriblement, et
l'on peut dire que ce sera avec justice. Ba-
sile, lui jetant une œillade foudroyante, lui
répondit: Ne m'approche pas, misérable,
homme pétri de vices, esprit impur; c'est
Lien à toi à pénétrer les motifs qui me font
agir 1 comn)enl, environné de ténèbres, pour-
rais-tu entrevoir le moindre rayon de vé-
rité? En disant cela il entra daris la prison.
Cependant le proconsul ayant informé Ju-
lien de tout ce c{ui s'était passé dans cette
alfaire, ce prince envoya sur les lieux Elpi-
duis (1 j et Pégaze, deux hommes qui sétaient
entièrement dévoués à lui, et qui lui ser-
vaient d'émissaires pour perdre les âmes : ils
prirent, en passant à Nicoraédle, un autre
scélérat nommé Asclépius, qui était prêtre
d'Esculape. Etant donc arrivés tous trois ci
Ancvre, ils se firent d'abord rendre compte
de l'état oii était l'affaire qui les y amenait.
Ils surent que Basile était en prison, où il ne
cessait de louer et de glorifier Dieu. Le len-
demain de leur arrivée, Pégaze y alla seul,
dans le dessein de conférer avec lui. Dès
qu'il l'aperçut il lui cria : Je suis très-hum-
ble serviteur à Basile. A quoi le saint répon-
dit : Et Basile n'est pas le tien, détestable
prévaricateur, infâme déserteur de la milice
de Jésus-Christ. Te souvient-il, traître, de tes
jiremières années, de ces heureux temps où
tu puisais dans les sources toujours jmres,
toujours claires de la parole divine? Et main-
tenant tu ne te remplis que d'eaux bourbeu-
ses. Alors tu participais aux mystères sacrés
de la table de Jésus-Christ, aujourd'hui tu
manges à celle des démons. Dans ces jours
fortunés, tu étais le docteur et le maître de
la vérité, et tu es devenu le chef des i)ersé-
culeurs de la vérité. Tu célébrais avec des
saints des fêles toutes saintes, et tu n'en
connais plus que de profanes que tu solen-
nises avec les ministres de Satan. Misérable,
comment t'es-tu laissé enlever do si grandes
richesses? Comment as-tu renoncé à do si
beaux droits? Que feras-tu, que répondras-
tu lorsr|uo tu paraîtras devant le tribunal de
Dieu? 11 se mit ensuite à prier tout haut :
" Seigneur, disait-il, soyez glorifié : vous (jui
aimez à vous découvrir à vos serviteurs, à
(;(iux qui désirent sincèrement vous connaî-
tre; vous (jui répandez une parli(! de votre
gloir<' sur ceux (lui e.s))èrent en vous, el cou-
vi(;z de confusion ceux (jui méprisent vos
saintes lois; vous enfin ({ui êtes glorifié dans
(I) C'est le comte Eliildiiis, grand iiiftUre de la
maison (!<; Vnupcrcuv, Icqiw;! (■ml)rassa le paganisme
|);ir |)iii(; ( (m)|)l;iis:iii((' pdiir .iiilii'ii. Apres la iiiorl de
(;<■ priiict; il Ii>imI);i dans l<; mépris sous ^es smxos-
seiirs; cl a la < our de Valeiis, on ne l'appelait (lUO
|(! lacrilicalfîiir KIpidiiis.
BAS 4M)
le ciel et adoré sur la terre , ne permettez
pas, ô Dieu tout bon, que votre serviteur
tombe dans les ])iéges du démon ; accordez-
lui toujours la grAce de haïr ceux qui haïs-
sent la sainteté de votre loi, de résister à
leurs attaques, de méj)riser leurs menaces,
de triompher de leurs forces. » ;;?*;-(
Pégaze, outré au dernier point d'un dis-
cours qui le ménageait si peu, sortit de la
prison, jurant {)ar tous ses dieux qu'il s'en
vengerait. 11 redit la chose <i ses deux com-
pagnons, et il n'eut pas de peine à les faire
entrer dans son ressentiment. Ils allèrent
tous trois trouver le proconsul, et lui por-
tèrent leur plainte contre Basile. Le ])rocon-
sul, voulant gratifier Pégaze qui faisait le plus
de bruit , commanda qu'on lui amenât le
saint. Lorsqu'il fut arrivé, il fit sur lui le
signe de la croix, et dit au proconsul sans
s'émouvoir : Vous pouvez maintenant faire
ce qu'il vous [daira. Elpidius, l'entendant
parler de la sorte, dit au proconsul : Cet
liomrae-là est un franc scélérat, ou un fou
achevé. Je suis d'avis qu'on lui donne forte-
ment la question; s'il se rend, à la bonne
heure; sinon il faut renvoyer son affaire à
l'empereur. Le proconsul le fit donc étendre
par les pieds el par les mains ; en sorte que
ses nerfs, ses muscles et ses tendons s'allon-
geaient ^ mesure que les roues de la ma-
chine tiraient les cordes avec lesquelles il
était attaché. Mais lui, adressant la parole
au proconsul, lui dit : Jfe te défie avec toute
ton impiété, et tes trois compagnons avec
toute leur puissance. Ni toi ni eux ne pour-
rez rien contre moi, parce que Jésus-Christ
est pour moi. Alors le proconsul dit : Qu'on
apporte les fers les plus pesants qu'on pourra
trouver, qu'on les lui mette au cou et aux
mains, afin que je l'envoie à l'empereur;
qu'on le renferme cependant jusqu'à ce que
je le fasse partir.
Sur ces entrefLÙtes Julien vint îi Ancyre.
Los prêtres d'Hécate allèrent au-devant de
lui, portant leur déesse sur un brancard : il
leur fit do grandes largesses. Le lendemain,
comme il assistait aux spectacles, Elf)idius
lui parla de Basile: l'enq^ereur le voulut voir
au sortir de l'amphithéAlre. Lo saint parut
devant lui avec un air tout h fait majestueux.
Qui êtes-vous, lui dit Julien, votre nom? Je
vais vous l'apprendre, lépondit Basile : Pre-
mièrement je m'appelle chrétien : ce nom
est grand, et il est glorieux de le porter. Car
celui do Jésus-Christ est un nom éternel, qui
ne |)érira jamais, ([ue la suite des siècles ne
pourra jamais elfacor; un nom qui surpasse
toute la grandeur, toute la gloire, toute l'in-
telligence humaine. Outre ce nom do chré-
tien, conliiuia-l-il , jt; porte encon^ celui do
Basile : el c'(;st sous celui-là (jue je suis
connu dans le monde. Mais si je conserve
sans tache lo priMuiei', je recevrai do Jésus-
Christ l'inmiortalilé bienheureuse pour ré-
compense. Vous êtes dans l'eireur, Basilp,
répli(pia Julien; vous n'ignorez |)as que j'ai
(pirhpie coimaissaiic<î de vos mystères ; je
vous a|i[jrenils (pu- celui en cpii vous mettez
votre espérance n'esl pas le! iiue vous peu-
441
BAS
BAS
442
soz; il est mort, croyez-moi, et bien mort,
IMIato étant pour lors gouverneur de la Ju-
dée. Je ne suis point dans Terreur, repaitit
Basile; c'est vous, ô eirip(U*eur ! qui y êtes;
vous qui avez renoncé Jésus-CIwist dans le
moment nu'^nio (pi'il vous donnait l'empire;
mais je vous avertis ({u'il vous Fùtera dans
peu avec la vie; et vous connaître/ alors,
mais trop tard, quel est celui que vous avez
abandonné. ïu en auras menti, faux [)ro-
phéle, dit Julien; la chose n'arrivera j)as
ainsi. Je dis la vérité, reprit Basile : sachez
que comme vous avez bien voulu perdre la
mémoire des bienfaits que vous aviez reçus
de lui, de même il oubliera sa bonté quand
il voudra vous punir. Vous n'avez eu au-
cun respect jwur ses autels, vous les avez
renversés, il vous renversera de votre trône;
vous avez pris plaisir à violer sa loi, cette
loi que vous avez tant de fois annoncée au
peujjle (1); vous l'avez foulée aux pieds, votre
cor()s restera sans sépulture, il sera foulé aux
pieds, après que votre âme en sera sortie
f)ar l'etfort des plus violentes douleurs. Mon
dessein était de te sauver, repartit Julien ;
mais puisque, sans aucun respect pour mon
rang, non-seulement tu rejettes les conseils
que je te donne, mais aussi que tune crains
point de me parler avec la dernière inso-
lence, je dois venger la majesté de l'empire
si horriblement outragée on ma personne. Je
veux donc que chaque jour on lève sur ton
corps sept aiguillettes de chair. Il commit à
cette exécution le comte Frumentin, chef
des écuyers du palais. Après que le saint
eut enduré avec une patience admirable ces
cruelles incisions : Je souhaiterais, dit-il,
parler à l'empereur. Frumentin, ravi de joie
et s'imaginant que Basile était enfin résolu
de sacrifier aux dieux, courut chez l'empe-
reur : Seigneur, lui dit-il tout hors d'ha-
leine, Basile se rend; il demande à avoir
l'honneur de parler à votre majesté. Julien
sortit aussitôt de son palais, et se rendit au
temple d'Esculape, où il fit venir le saint.
Dès qu'il fut devant l'empereur : Où sont,
lui dit-il, vos sacrificateurs et vos devins?
Vous ont-ils dit ce qui m'a fait vous deman-
der audience? J'ai cru, répondit Julien, que
c'était pour m'assurer que vous étiez tout
prêt à reconnaître les dieux, et à vous join-
dre à nous dans les sacrifices que nous leur
offrons. Bien n'est plus éloigné de ma pen-
sée, reprit Basile. Ceux que vous appelez
des dieux ne sont rien moins que des idoles
sourdes et aveugles. En disant cela, il prit
un des morceaux de chair qu'on lui avait
coupés ce jour-là, et le jetant au visage de
Julien : Tiens, Julien, lui dit-il, mange de
cela, puisque tu l'aimes si fort? Je te dé-
clare, au reste, que la mort est pour moi un
gain, que c'est pour Jésus-Christ que je
souffre, qu'il est mon refuge, mon appui,
ma vie.
Le comte Frumentin, craignant l'indigna-
tion de l'empereur, que cette action de Ba-
sile rendait furieux, se déroba prompte-
ment de devant lui. Cependant il songeait
deip.ielle mort il punirait un si sanglant ou-
trage fait h son maîlrc, qui s'en prenait à
lui, et semblait l'i^n vouloir rendre respon-
sable. Jl monta sur son tribunal (!t ordonna
qu'on redoublAt les tournu'nts du saint,
qu'on lui fil de plus profondes incisions,
jusc^u'à ce que les entrailles parussent. Pen-
dant (ju'on obéissait à Frumentin, Basile
priait: « Seigneur, disait-il, soyez béni,
vous ()ui êtes l'esjxîrance des chrétiens, (pii
relevez ceux qui tombent, et qui soutenez
ceux qui chancellent , qui [)réscrvez de
toute corruption ceux qui espèrent en vous,
et qui guérissez les blessures que nous nous
sommes faites par imprudence ou par ma-
lice : Dieu tout bon. Dieu tout miséricor-
dieux, qui soulfrez avec nous, qui soutirez
en nous, abaissez vos yeux du haut de votre
gloire sur votre serviteur. Accordez-moi la
grâce, ô mon Dieu, d'achever heureusement
ma course, de persévérer dans la foi de mes
pères, et de mériter par cette fidèle persé-
vérance d'être reçu dans votre royaume. »
Le soir étant venu , le comte renvoya le
saint en prison. Julien partit le lendemain
d'Antioche sans vouloir voir le comte. Cet
officier, craignant donc pour sa fortune et
pour sa propre personne , fit les derniers
efforts pour obliger Basile à se soumettre
à la volonté de l'empereur. Lequel aimes-
tu mieux enfin, lui dit-il, ou de sacrifier,
ou de mourir. ïu sais, répondit Basile,
combien tu fis lever hier de morceaux
de chair de dessus mon corps ; il n'y
avait pas un des assistants qui ne donnât des
larmes à mes souffrances. Begarde aujour
d'hui mes épaules, vois mes côtés, et dis-moi
s'il y paraît. Sache que Jésus-Christ m'a
guéri cette nuit ; tu peux le mander à ton Ju-
lien ; oui, tu peux lui faire savoir quel est le
pouvoir du Dieu qu'il a quitté pour se don-
ner au démon qui le séduit et le trompe.
L'ingrat qu'il est, il ne se souvient plus que
les prêtres de ce Dieu lui sauvèrent autre-
fois la vie (1), en le cachant sous l'autel, cet
autel qu'il a depuis renversé. Mais mon
Dieu me fait connaître qu'il sera dans peu
renversé à son tour, et sa tyrannie éteinte
dans son sang. Tu mens impudemment, re-
prit Frumentin; l'invincible Julien, le maî-
tre du monde, n'est pas un tyran. Méchant,
n'as-tu pas éprouvé toi-même sa douceur,
sa clémence, son humanité et son incroyable
patience? Lui, au contraire, n'a-t-il pas es-
suyé de ta part un affront sensible, et qu'on
ne peut assez punir. Ne m'as-tu pas aussi
voulu engager dans ton crime, ne me trouvé-
je pas à cause de toi dans la disgrâce du prince?
Tu peux donc t'altendre à recevoir le châ-
timent que tu mérites. Je vais, pour te gué-
rir de ta folie, te faire enfoncer par tout le
corps des pointes de fer rougies au feu. Ba-
sile lui répondit froidement : Ton empereur
ne m'a pas fait peur, et tu penses me faire
trembler !
Tandis qu'on perce le saint de toutes
(1) Julien avait été lecteur.
(l)Constantius, son cousin, voulait le faire n^ourir»
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parts, il prie à haute voix, et prononce dis-
tinctement ces paroles : « Jésus ma lumière,
Jésus mon espérance, je vous rends grAces,
Dieu de mes pères, de ce que vous retirez
enlin mou âme de ce séjour de mort. Ne
jiermeltez pas que je profane le sacré nom
que je porte; c'est le vôtre, Seigneur; con-
servez-le en moi pur et sans tache, atin que,
fournissant pleinement cette glorieuse car-
rière, j'entre en possession de ce repos éter-
nel que vous avez promis à mes pères. Re-
cevez l'esprit de votre serviteur, qui meurt
en confessant que vous êtes le seul et le vé-
ritable Dieu. » Il expira en finissant cette
prière, le 28 juin. (Ruinart.) Sa fête est célé-
brée le 22 mars.
BASILE (saint), martyr, était évêque dans
la Chersonèse. Il eut le bonheur de verser
son sang pour la foi avec les saints évoques
Eugène, Agathodore, Elpide, Ethère, Capi-
ton, Ephrem, Nestor et Arcade. On ignore
la date de leur martyre. L'Eglise honore leur
mémoire le 4- mars.
BASILE (saint), martyr, répandit son sang
à Constantinople pour la foi chrétienne sous
l'empereur Léon. Il eut pour compagnon de
son martyre saint Procope, qui, comme lui,
combaltiT avec courage pour le culte des
saintes images. On n'a aucun détail sur leur
martyre. L'Eglise célèbre leur mémoire le
27 février.
BASILE (saint), dont l'Eglise fait la fêle
au 27 novembre, fut martyrisé pour la foi
à Antioche avec les saints Auxile et Satur-
nin. L'histoire n'a pas de détails sur leur
martyre.
BASILIDE (saint), martyr, eut la gloire de
soulfrir la mort pour Jésus-Christ, en Crète,
dans la ville (le (îortyne, sous le règne de Dèce,
durant la persécution si terrible que ce prince
féroce alluma contre l'Eglise. Il fut décapité,
après avoir souffert d'horribles tourments.
Sa fête arrive le 23 décembre. Saint Basilide
est l'un des martyrs do Crète. [Voy. M^tvTvas
DE CrKTE.)
BASILIDE (saint), soldat, fut martyrisé à
Alexandrie , vers l'année 210, avec sainte
Potarnienne, suus l'empire de Sévère. A'oici
ce qu'Kusèbe en raconte dans le vi' livre de
son Histoire de V Eglise: « Coiume on me-
nait sainte Potatuienne au lieu où elle de-
vait être brûlée, un peuple insolent la sui-
vait, se jetait sur elle, et lui insultait, en lui
disant des paroles [)eu honnêtes, qui bles-
saient rnicom|)aiable puieté de cette vierge.
Basibde, qui était archer et tpii la condui-
sait, ref)0ussait cette populace effronté*;, et
téiuoignait à la sainte qu'il était sensible-
ment touché de l'état où il la voyait. Elle lui
marqua de la r<;conriaissan<(! de ces bons
sentiments, et l'exlioilait à bien espérer de
son Srilut, l'assurant qii'(;lle obliendtait grAce
pour lui auprès de Dieu, aussitôt (pTelb! s(î-
lait arrivée au ciel [voy. les lt(Muarqu(!s), (!t
qu'il recevrait bientôt la récompens*! des lua-
niènjs honnêtes et charitables qu'M avait
pour elle. A peine eul-elh; achevé de parler,
qu'on lui ver-sa de la poix fondue; sur tout le
corps, ol ello iiuil ainsi sa vio par une mort
lente et cruelle, mais avec une constance
digne d'une éternelle mémoire. Or, il arriva
quelques jours après que les compagnons
de Basilide ayant voulu l'obliger de faire un
serment, il leur dit qu'il ne lui était pas
permis, parce qu'il était chrétien, et qu'il en
faisait une déclaration publique. Ils crurent
d'abord qu'il se raillait ; mais lorsqu'ils lô
virent persister sérieusement dans sa con-*
fession de foi, ils le menèrent devant le
juge, qui, n'ayant pu lui faire changer de
sentiment, le lit conduire en prison. Les fi-
dèles le vinrent trouver aussitôt, et lui de-
mandèrent la cause d'un changement si
prompt et si extraordinaire. Sur quoi il leur
raconta que trois jours après que sainte Po-
tamienne eut souffert le martyre, elle lui
avait apparu durant la nuit, et que, lui met-
tant une couronne sur la tête, elle lui dit
qu'elle avait prié son Seigneur pour lui, et
obtenu la grAce qu'elle avait demandée, et
qu'il serait bientôt avec elle au nombre des
bienheureux. Il reçut ensuite par leur
moyen le sacré sceau du baptême, et il eut
dès le lendemain la tête cou[)ée, après avoir
glorieusement confessé Jésus-CItrist. Mais il
ne fut pas le seul qui fut converti d'une ma-
nière si surprenante, et Dieu fit la même
grâce à nombre de personnes de la ville d'A-
lexandrie, par l'entremise de sainte Pota-
rnienne, qui leur apparaissait en songe, et
les exhortait d'embrasser la foi. L'Eglise
fait sa fête le 28 juin.
BASILIDE, évoque de Léon en Espagne,
n'eut pas le courage d'envisager les tour-
ments et le trépas pour la foi dont il était le
ministre. Sous le règne ^e Dèce, il eut le
malheur de renoncer son Dieu, celui qui
l'avait élevé à la dignité de successeur des
apôtres, pour sacrifier aux idoles. Car c'é-
tait vraiment sacrifier aux idoles que de
commettre, comme il le fit, le crime des li-
bellatiques. A'oyant que Martial, évêque de
Léon et d'Astorga, qui s'était rendu coupa-
ble du même crime, venait d'être déposé par
un concile, Basilide se rendit h Rome, et
étant parvenu à tromper le pape Etienne, il
fut admis par lui à la communion comme
évêque, et obtint même de sa part des let-
tres de recommandation pour les évêques
d'Espagne. Ceux-ci écrivirent h saint Cy-
prien et au pape, protestant contre cette dé-
cision, et demandant quelle conduite ils de-
vaient tenir. Voici un passage de la réponse
de saint Cyprien ; « Basilide allant h Rome,
en a im()Osé à Etienne notre collègue, qui a
pu être livjmpé, {vàvw, qu'il n'était pas sur
les lieux et qu'il ne coimaissait pas le véri-
table étal des choses, qu'on avait d'ailleurs
eu soin de lui cacher. Tout cela, loin d'(>f-
facer le souvenir des crimes de Basilide, no
sert au contraire qu'h en augmenlei- le nom-
bre, puisiju'aux premiers il en ajoute un
nouveau, c(ïlui d'avoir voulu tromper les
pasieui'S de l'I-lglise. » Il fait tomber le blAme
non sur celui autpiel on a imposé, mais sur
celui (pii frauduleuscniunil s'était ouvert un
accès auj)i'ès do sa ptu-sonne. Ou<->'<l" <J"
n'ait rien do positif sur celle aU'airc, il et-t
44S
BAS
trôs-probable , sinon certain , qu'Etienne
mainliiit la déposition de Basilide et de
Martial.
IJASILIDK (saint), reçut la couronne du
marlyrt! à Jloine, sur la voie Aurélienne,
avec les saints Tripode, Mandale et vinj^t
cHitres, Ce l'ut sous rempii'cd'Aurélien (ju'eut
jieu leur glorieux sacrifice, en l'ainiée 273
ou 274. Les Actes de ces saints no sont [)as
de nature h inspirer une grande conlianco.
l*ierre de Natalibus et Moinhritius nous en
ont donné de fort ditrérents. Ceux de Pierre
de Nntalibus surtout sont pleins de ré(;ils
fabuleux, ce qui n'eni|)ôche pas liaronius
d'y renvoyer ses lecteurs. On y remarque,
et le Martyrologe romain les a suivis, qu'ils
soutfrirent sous un préfet de Home nommé
Platon. Ce Platon n'est pas dans la liste de
Uuccherius. L'Eglise fait la fête de ces saints
lo 10 juin.
BASILIDE (saint), soldat dans l'armée de
Maxence, fut martyrisé à Rome en l'an de
Jésus-Christ 307, sous le préfet Aurèle. Après
avoir subi diverses tortures, il fut décapité.
On l'enterra sur la voie Aurélienne. Sa fête
a lieu le 11 juin. {Voy. Paul Diacre, Raban-
Maur, Notker.)
BASILIDES ou FACILIDAS, Négous d'A-
byssiiiie, succéda à son père Mélec-Ségucd
le 26 septembre 1632. 11 fut un persécuteur
acharné de la foi catholique. L'Abyssinie
avait reçu la lumière évangéliquo du temps
de saint Athanase, patriarche d'Alexandrie,
qui avait envoyé saint Frumence y prêcher.
Dès ces premiers temps, l'hérésie, qui déso-
lait l'Orient, s'était aussi répandue chez les
Abyssiniens, et depuis lors ils étaient restés
dans l'erreur. Ils obéissaient au patriarche
hérétique d'Alexandrie. Mélec-Ségued, ayant
été converti à la foi catholique, avait prié le
pape de nommer un patriarche et de le lui
envoyer avec des missionnaires. Alfonse
Mendez avait été choisi par le souverain
pontife et sacré à Lisbonne primat d'Abys-
sinie. On peut voir, à l'article Abyssiisie,
comment cet empire avait reçu les saints
missionnaires. De nombreuses conversions
avaient répondu à leurs etforts ; mais Mélec-
Ségued avait eu le tort de porter des lois qui
violentaient la conscience de ses sujets. En
voulant les contraindre à embrasser la foi
romaine, au lieu d'attendre que leurs con-
victions les y amenassent, il avait fait au-
tour de lui une multitude d'hypocrites qui
n'attendaient qu'un prétexte pour secouer le
jOug de ce qui, au fait, était une véritable
tyrannie. Plusieurs révoltes avaient eu lieu ;
Tecla Georgis, vice-roi du Tigré et gendre
du Négous, avait le premier levé l'étendard
de la rébellion ; il avait été vaincu, pris et
pendu. Moins heureux contre les habitants
du Lasta, le souverain avait d'abord vu ses
armes humiliées par plusieurs défaites suc-
cessives. Le mécontentement était général.
Basilides, comme beaucoup d'autres, n'avait
embrassé la foi catholique que pour plaire
à son père. Il avait de sourdes intrigues avec
les mécontents. Les rebelles savaient qu'il
les appuyait secrètement. Il avait du reste
BAS 446
l'ambition de régner, et il ne voyait qu'avec
peine le règne de son père se prolonger. Il
(•oimnettait dans son ca;ur un parricide moral
en convoitant la couronne (|u'il ue devait
désirer prendre (pic; sur la tonilx; fermée par
Dieu du vieillard. Il trouvait mal tout c(! que
faisait Mélec-Ségued et le laissait voir. Sil y
avait moyen ([u'il donnât des ordres opj)o,sés
à ceux de son père, il n'avait garde d'y faire
faute. Ce fut dans ces dispositions d'esprit
qu'il fut abordé par Serca Christos, vice-roi
du Cojam, ennemi acharné du christianisme;
homme cruel et dissimulé, véritable artisan
de conqjlols. Cet homme lui fit accepter
d'être le chef de la vaste conspiration qu'on
ourdissait contre le vieux Négous, son père.
Mais ce fut aussi cet homme qui dévoila
l'existence de cette conspiration par la pré-
cipitation inconsidérée avec laquelle il agit.
Mélec-Ségued fit venir ce vice-roi conspira-
teur, etiui fitavouer et soncrime etles noms
des complices qui y étaient atfdiés. Il fut
désolé autant qu'un père peut l'être d'ap-
prendre que son fils était à la tête des com-
plots tramés contre lui. Il fit sous l'influence
de la peur ce qu'il aurait dû faire par simple
esprit de justice. Il publia un édit qui per-
mettait de suivre les rites anciens. Si nous
apprécions ainsi, c'est que nous croyons fer-
mement que la tolérance religieuse est l'auxi-
liaire le plus sûr de la vérité, tandis que la
tyrannie en est l'ami le plus dangereux, le
plus {)ernicieux. Basilides ne fut pas étranger
aux conseils de ceux qui, plus tard, portè-
rent le vieux et faible souverain à défendre
aux missionnaires de prêcher davantage
dans ses Etats, et à leur ordonner de partir
pour les Indes. Déjà il n'avait plus que le
semblant de la puissance, car nous trouvons
que, quelques mois avant qu'il mourût, Ba-
silides, le 14 juin 1632, publia un édit qui
ordonnait à tous de revenir à la foi d'A-
lexandrie. Enfin le vieux Négous mourut et
Basilides lui succéda, comme nous l'avons
dit, le 26 septembre 1632. Le premier acte
de son autorité fut un de ces crimes atroces
si fréquents chez les princes de ces contrées
et chez les mahométans. Il fit empoisonner
ou égorger vingt-cinq frères qu'il avait. Il
reconnut pour abonna ou primat d'Abys-
sinie, un aventurier égyptien qu'on préten-
dait môme n'être pas prêtre. Les jésuites,
malgré l'ordre donné par Mélec-Ségued,
étaient encore en Abyssinie. Le nouvel
abonna déclara qu'il serait obligé de quitter
le pays s'ils y restaient plus longtemps. Au
mois de mars 1633, Basilides leur intima
l'ordre positif de partir. 11 leur ordonna de
se rendre tous à Frémone, si ce n'est pour-
tant au P. Louis Azevedo, vieillard octog(i-
naire, que ses fatigues et la maladie ren-
daient absolument incapable de voyager.
Basilides voulait livrer les Jésuites aux
Turcs, leurs ennemis mortels, lis le surent
et se mirent sous la protection de Jean Akaz
qui depuis longtemps se maintenait indé-
pendant. Basilides envoya pour ce motif un
corps de troupes contre lui; mais il fut battu.
Alors il employa les promesses, puis encore
447 BAS
les menaces, et parvint enfin ^ intimider
Akaz, qui ne garda jirès de lui que deux
jésuites. Les autres se décident à partir, à
l'exception du P. Apollinaire Ahneida ,
évêque de Nicée, t[ui est désigné pour rester
avec six autres. Ou peut voira l'article A/>?/s-
sinie quel fut le sort des religieux ([ui par-
tirent. Quant à ceux qui restèrent, Basilides
les lit i)oursuivre avec un acharnement indi-
cible. Il fit charger de fei'S Tecla Emmanuel,
vice-roi du Tigré, qui les pi'Otégeait, et mit
h sa |>lace Melca Christos, ciniemi déclaré du
catholicisme. On sait comment ce barbare
fit percer de coujis d'épéc devant lui les
PP. Bruno de Sainte-Croix, Tiaspard Pai'z et
Jean Pereira. Le P. Bruno seul survécut i)0ur
recevoir plus tard la couronne d'un second
martyre. Basilides, qui savait qu'il y avait
encore d'autres jésuites en Abyssinie, fei-
gnit d'être touché de celte mort, et ordonna
que dorénavant on eût à respecter les mis-
sionnaires, à ne les inquiéter en rien et à né
les maltraiter dans aucune partie de ses
Etats. Il publia un édit qui leur permettait
de rentrer dans leurs maisons. Il exprima
môme le désir de les voir reparaître à la
cour. Les PP. Almeida, Hyacinthe Franceschi
et François Rodriguez vinrent avec con-
fiance à son camp; mais aussitôt ils y furent
chargés de chaînes et bientôt condamnés à
mort. Basilides, qui trouvait que faire mou-
rir les martyrs immédiatement ne satisfaisait
pas sa cruauté, les confia à un hérétique,
qui leur lit souffrir d'horribles cruautés, et
enfin les exila dans une île du lac de Dcm-
béa, où étaient des moines fanatiques qui
renchérirent encore sur les cruautés qu'on
avait jusqu'alors commises envers les servi-
teurs de Dieu. Enfin Basilides écrivit à ses
moines qu'il les leur abandonnait entière-
ment, pour en faire ce que bon leur semble-
rait. Ils les suspendirent à des branches d'ar-
bres et les lapidèrent avec la plus révoltante
cruauté. Le 12 avril 16W, le tyran fit mourir
de la môme façon les PP. Brunf) et Cardeira
qui furent pris par les soldats du vice-roi du
Tigré. En 1G38, il fit la|)ider les PP. capu-
cins Agathange, de Vendôme et Cassien, de
Nantes. Ayant apfjris (fue trois autres capu-
cins, les PP. deP(;tra Santa, Félix de Saint-
Séverin, et Tortulavi d'Allino, étaient h Mas-
saouah, il envoya f)ar un and)assadcur cent
cinquante onces d'or et cinquante esclaves
au tjMcha de Souakim, afin(pi'il lui livrAt les
sauits missiofniair(;s, ou (ju'il les fît mourir
lui-même. L(; bâcha [)iit ce dernier parti.
Justpi'à la fin (h; ses jours il montra h; môme
acharnement ,'i peisécuter le catholicisme.
Le P. Urbain Cerri rap|)Oi'le (ju'il fil encore
mourir plusieurs missionnaires.
BASILIFN l'saintj, répandit son sang pour
la foi à Laodicée, en Syii(!. Il eut jxnir com-
pagnon de son martyre saint Théolime. Nous
n'avons pas d'autres (h'îlails. Ils sont inscrits
an Martyrologe romain le 1S décend)re.
BASlLlSOi:!-: (sainlj , martyr, mourut ?i
Comane dans le l»o!il, poni' la'foi chrétienne
duianl l'alioci! jiersi'cution (\\\<' les enqie-
reurs Dioclélieii et Maxiujieu firent soulliir
BAS
44S
à l'Eglise du Seigneur. Le président Agrippa
lui fit mettre des chaussures garnies de
pointes embrasées. Il lui fit souffrir plusieurs
autres tourments fort cruels. Enfin, l'ayant
fait décapiter, il lit jeter ses restes à là ri-
vière. L'Kglise fait sa fête le 22 mai.
BASILISSE (sainte), fut martyrisée à Rome
sous Néron en G(), jiour avoir, avec sainte
Anastasie, pris soin des corps de saint Pierre
et de saint Paul. Elles furent décapitées
toutes deux, a|)iès avoir eu les mains et les
pieds coupés. Les (Irecs cl les Romains en
font la fôte le 15 avril.
BASILISSE (sainte), martyre, donna sa vie
l)our la foi à Nicomédie ; elle n'avait (jue
neuf ans. Ce fut durant la persécution do
Dioclétien , sous le président Alexandre ,
(ju'ayanl été exposée aux fouets, au feu et
aux bêles, elle rendit l'esprit en priant Dieu.
L'Eglise honore sa très-sainte mémoire le 3
septembre.
BASILISSE (sainte), martyre, eut le glo-
rieux privilège de donner sa vie pour la foi
avec sainte Callénique. Le Martyrologe ro-
main ne donne aucun détail sur le lieu, la
date et les circonstances de ieur martyre.
L'Eglise célèbre leur mémoire immortelle le
22 mars.
BASILISSE (sainte), femme de saint Julien
l'Hospitalier, fit vœu à Dieu, de concert avec
lui, le jour de son mariage, de garder complè-
tement la continence. Elle se consacra, ainsi
que lui, au service des pauvres et des mal-
heureux, })our lesquels sa maison devint une
sorte d'hôpital et au soulagement desquels
tous les revenus de ses biens furent consa-
crés. Sainte Basilisse est considérée comme
martyre, parce que, quoic^u'elle soit morte
en paix, elle souffrit ])lusieurs fois la persé-
cution pour Jésus-Christ. (Koy, Julien l'Hos-
PITALIKR.)
BASSF. (saint), martyr, mourut en Afrique
pour la foi, sous le règne de l'empereur Dèce,
en l'année 250, avec saint Paul et saint For-
tunion. On ne sait )ias exactement quel
genre de supplice mit fin à ses joui's. Sa lôte
arrive, avec celle de ses saints compagnons
et celle de saint Mappalicjue, le 17 avril,
BASSIN (sainte), martyre, eut la gloire de
cueillir la [)alme du martyre à Edesse en Sy-
rie : ce fut durant la pcM'sécution de Maxi-
mien, Peu de temps auparavant, ses exhor-
tations avaient soutenu ses trois enfants,
saint Théogone, saint Agape et saint Fidèle,
qui avaient souffert également un glorieux
martyre. L'Eglise honore la ménjoirc de ces
glorieux saints le, 21 août,
BASS1<] (saint ), martyr, mourut |)our la
foi h Carlhage ave(' les saintes Agalhonitpie
et Pauh;, On n'a aucun détail sur la date
cl les cil'conslances de leur combat, L'Kglise
célèbre le\w glorieuse mémoire le 10 août.
BASSI'] (sainle) , marlyr(> , donna sa vie
](Our la foi <^ Nicomédie avec saint Claudien,
son époux, et les saints >'iclorin et N'iclor,
Ils furent cruellement tourmentés |)endanl
Irois ans cl achevèrimt leur coni'ageux mar-
is re en prison. L'I'^glise célèbre leur sainlo
mémoire le 0 mars.
44U
DAS
BAT
ifiO
BASSIKN (saint), martyr, citait lecteur. Il
out la gloire de répandre son sang ponr la
foi avec les saints Cyrion, prôtre, Agat, son
exorciste, et Moïse. Ils périrent par le l'eu.
Nous n'avons point d'autres détails sur le
lieu, la date et les circonstances de leurcou-
rageuv nuirtyre. L'Eglise fait leur sainte
mémoire le IV février.
BASSIEN (saint), martyr, mourut pour la
foi en Afrique avec les saints Pierre, Succès,
Primitif et vingt autres dont ou ignore les
iion)s. On ignore également la date et les
circonstances de leur martyre. L'Eglise célè-
bre leur sainte mémoire le 9 décembre.
BASSIEN (saint), confesseur, était évèque
àLodi. Il combattit généreusement contre
les hérétiques avec saint Ambroise. On n'a
pas de détails authentiques. L'Eglise honore
sa glorieuse mémoire le 19 janvier.
BASSILLE (sainte), vierge et martyre à
Bonu% sous la Un du règne de Valérien, ou
sous le commencement de celui de Gallien,
était issue de race royale : étant liancée à
un des premiers seigneurs de la cour de
l'empereur, elle refusa de l'épouser. Lui,
pour se venger, la dénonça comme chré-
tienne. L'empereur donna l'ordre qu'elle
épousAt son iiancé ou qu'elle périt par le
glaive. La jeune vierge, appelée pour ouïr
cet arrêt, n'en manifesta aucune émotion, et
déclara être prête à mourir, disant qu'elle
avait résolu de prendre pour époux le roi
des cieux, et que nulle puissance au monde
ne la déciderait à en prendre un autre. A
l'heure même on lui passa l'épée au travers
du corps. L'Eglise latine honore sa mémoire
le 20 mai.
BASSUS (saint), mourut pour la foi chré-
tienne en l'an 290, sous le règne de Dioclé-
tien. Il était un des confesseurs prisonniers
qiîie Pinien, proconsul d'Asie, mit en liberté
après sa conversion. Il le suivit comme beau-
coup d'autres à son retour en Italie, et vint
loger à Rome chez lui. Mais obligé comme
ses compagnons de se retirer dans les terres
de ;Pinien, parce que son séjour chez lui
commençait à éveiller des soupçons, il reçut
la couronne du martyre. Le consulaire Pris-
que avait déjà fait mourir saint Anthime et
saint Maxime. {Voy. les articles de ces deux
saints.) Bassus encouragea ceux qui restaient,
et prit la place des deux serviteurs de Dieu
que nous venons de nommer. Il se trouvait
à Fornove, au pays des Sabins, comme le
peuple assemblé offrait un sacrifice à Bac-
chus ; on voulut le forcer à sacrifier aussi :
mais le saint s'y refusa avec énergie, et ses
Actes racontent que pour prouver l'inanité
des faux dieux et la puissance de Jésus-
Christ, il renversa d'un souftle les idoles qui
étaient devant lui. Les païens le battirent
tellement à coups de pieds, de poing et de
bâtons, qu'il en mourut. L'Église fait sa fête
le 11 mai. [Voy. Luciise, femme de Pinien,
Pinien.)
BASSUS, gouverneur de Thrace sous Dio-
clétien, en 30i, vintàHéraclée,où il fit arrê-
ter saint Philippe, évêque, saint Sévère, prê-
tre, et saint Hermès, diacre. Il leur fit subir
divers interrogatoires dans lesquels il mon-
tra une douceur et une jiisti(;e peu ordinaire
aux magistials (h; <;e temps-là. Durant c(!lle
alfaire il fut lévocfué et i('m[)la(;é par Justin,
(pii fut loin d(! faire voir la mcuK! modéra-
tion. La conduite de Bassus lui fut peut-être
ins[)irée par sa femme, (jui piali(piait secrè-
tement le christianisme. {Voy. les Actes de
saint Philippe.)
BASSUS (saint), martyr, mourut pour la
foi h Héraclée en Thrac(;. On ignore la date
de son martyre. Le Martyrologe romain se
contente de citer son nom ainsi que celui de
ses deux compagnons, Denis, Agapet. Ils en
curent quarante autres dont on ignore les
noms. L'Eglise honore leur mémoire le 20
novembre.
BASSUS (saint), martyr, mourut pour la
foi à Alexandrie. On le jeta à la mer avec les
saints Antoine et Protolyque. On ignore à
quelle époque eut lieu leur martyre. L'E-
glise honore leur mémoire le Ht- février.
BASTAME, l'un des trente-sept martyrs
égyptiens qui donnèrent leur sang pour la
foi en Egypte, et desquels Ruinart a laissé
les Actes authentiques. Voy. Martyrs (les
trente-sept) égyptiens.
BASTAMONÉ, l'un des trente-sept martyrs
égyptiens qui donnèrent leur sang pour la
foi en'Egypte, et desquels Ruinart a laissé
les Actes authentiques. Voy. Martyrs (les
trente-sept) égyptiens.
BATAVIA, capitale de l'île de Java, dans
les Indes orientales, vit, en 1616, le martyre
d'un jésuite portugais, nommé Egide d'Abreu,
lequel ayant été pris sur mer par les Hollan-
dais, fut si horriblement maltraité par eux,
qu'il mourut peu de temps après de ses bles-
sures dans les prisons de cette métropole des
colonies hollandaises dans l'Inde.
BATONS (fustes). Ce mot a peu besoin de
commentaires. Tout le monde sait ce que
c'est qu'un bâton. Cependant il y en a d'es-
pèces bien différentes, et capables de produire
des effets bien différents aussi. De sorte qu'il
est assez diilicile de s'entendre quand on voit
écrit que tel ou tel martyr reçut un certain
nombre de coups de bâtons. Nous réserverons
cette dénomination pour l'instrument consis-
tant en un seul morceau de bois, quelle que
soit sa grosseur, et servant à frapper les mar-
tyrs. Dans certaines relations, nous voyons
que les bourreaux employèrent des bâtons
courts, pleins de nœuds, et allant en augmen-
tant depuis la poignée jusqu'au bout. C'é-
taient de véritables casse -têtes. Avec ces
bâtons on devait produire de profondes con-
tusions et briser souvent les os. En frappant
sur certaines parties, telles que la tête, la
poitrine, on pouvait très-facilement et très-
promptement tuer les victimes ; mais on pou-
vait, en frappant sur le dos, sur les cuisses,
sur les parties fortement charnues, donner
encore un grand nombre de coups sans faire
mourir. La manière la plus ordinaire de don-
ner la bastonnade était la suivante : on cou-
chait le patient sur le ventre, et le bourreau,
se tenant près de lui, lui déchargeait sur le
corps le nombre de coups de bâton tixé ; d'au-
451
BAU
BAZ
452
bourreaux tenaient les pieds et la tête. En
Africjue, encore de nos jours, la justice mu-
sulaiane fait souvent appliquer ce supplice.
Ou se sert le plus ordinairement de bâtons
longs et llexibles, dont les vibrations causent
une horrible blessure. Souvent les condam-
nés reçoivent depuis dis.jus(jua cinquante,
cent, trois cents coups de bâton et au delà.
Quand le bourreau ne ménage pas, il est rare,
si le nombre de coups à recevoir est grand,
que le patient vive jusqu'à la lin du supplice.
Les premiers coups l'ont de longues meur-
trissures et quelquefois font iaillir le sang;
bientôt chaque coup, venant frapper sur les
parties blessées déjà, enlève la peau et les
chairs. A chaque fois que le bâton frappe et
se relève, on voit voler le sang et des lam-
beaux de chair meurtrie. Quehiuefois le su])-
plice se prolongeant, les os sont dénudés. 11
arrive que le patient meurt quelquefois au
milieu du supplice; le bourreau n'en con-
tinue pas moins. Quand la victime n'a pas
succombé, on la transporte dans une prison
ou à r-hopital. On donne aussi la bastonnade
sous la plante des pieds ; c'est un supplice
atroce. Quand il est appliqué avec rigueur,
ceux qui en sont victimes courent risque
d'être estropiés pour leur vie. Bien souvent
les persécuteurs des chrétiens ne prenaient
pas la peine de régulariser les supplices, et
souvent il arrivait que les bourreaux frap-
paient les saints à coups de bâton, les lais-
sant debout et ne choisissant pas les endroits
011 frapper.
11 ne faut pas croire du reste que l'homme
ne soit pas capable de supporter un grand
nombre de coups semJjlables appliqués avec
violence. Souvent, dans la vie commune, et
surtout eu égard à la profession que nous
exerçons, nous avons occasion de voir des
femmes, des enfants, qui reçoivent des coups
de bâion en grand nombre et avec tant de
violence, qu'on croirait qu'un seul devrait
être mortel. En ce moment, nous soignons
un enfant que sa mère a frappé si rudement
à coups de bâton, qu'il a à la tête deux énor-
mes abcès, et qu'il est couvert de contusions.
La vi(^ n'est pas menacée.
BAUDÈLK (saint) , martyr, le même que
saint lUi DiLE. {Votj. ce nom.)
liAUDlLIi (saini)', martyr, est célèbre dans
tous les martyrologes. On ne connaît pas le
lieu de sa naissance. On sait seulement ({ue
son martyre eut lieu dans le ni' ou dans le
IV' siècle. Il soulfrit le sui)|)lice du fouet et
plusieurs autres tortures avec un(ï constance
inébranl;ible. (^e fut àîSîmes que s'ac(:om|)lit
son sacrihce. Il y avait uni; |)artie de so!i
cliefa Paris, (iansl'église deSainle-(ienevièv<!.
Beaucoup d'églises, cii Es|)agne et en France,
sont placées sous rinvoculioiide ce saint. Sa
fête a lieu le 20 mai.
BAUDOL'l.N 11, comte de Flandr(;s, était
l'etuiemi de saint i'"oul(jues, arclievêque de
Ueims, qui fut lue par plusieurs vassaux d(ï
ce comte. Nous laisserons parler Fleury
{Liv. Livj, pour ex()Oser les raisons (pii déler-
ininèrenl cette haine iuiplacable de Baudouin
contie le snint arcbevêque.
Dans le concile de Reims, tenu en 891 et
présidé par Foulques, « on menaça d'excom-
munication Baudouin , comte de Flandre,
pour divers crimes. Il avait lait fouetter uD
prêtre. 11 avait ùté aux églises des prêtres qui
y étaient ordonnés, et y en avait rais d'au-
tres sans la participation de leur évêque. i\
s'était révolté contre le roi au mépris de sou
serment. Sur tout cela il avait été depuis
longtemps admonesté par les évèques sans
en avoir protité. Ceux du concile de Reims
jugèrent donc qu'il méritait d'être excom-
munié ; mais, attendu qu'il pouvait ser-
vir utilement l'Eglise et l'Etat, ils suspen-
dirent la censure, et lui donnèrent encore du
temps pour se corriger. Ils déclarèrent à
Baudouin ce jugement par leur lettre syno-
dale, et en écrivirent une autre à son évêque
diocésain, qui était Dodilon de Cambrai. 11
avait été appelé au concile, mais il s'en était
excusé sur les T^ormands qui étaient la sû-
reté des chemins, et les évèques le priaient
d'exhorter fortement le comte Baudouin à
se reconnaître ; de lui lire leur lettre, s'il était
présent, et, s'il était absent, de la lui envoyer
par son archidiacre qui la lui fit bien enten-
dre. Que, s'il ne pouvait approcher de Bau-
douin, il fit lire en sa ])résence la lettre
dans un lieu où il eût insulté à la religion ; et
qu'ensuite, s'il ne se corrigeait, personne, ni
moine, ni chanoine, ni aucun chrétien n'eût
plus de commerce avec lui, sous peine d'ana-
thème.
« A cette première raison, Baudouin eut à
en ajouter une seconde : « Ce prince, étant
maître d'Arras, s'était aussi mis en posses-
sion de l'abbaye de Saint-Vaast, que le roi
Charles lui ota pour son intidéliié et donna à
l'archevêque. Mais Foulques , trouvant plus
à sa bienséance l'abbaye de Saint-Médard,
que possédait un autre comte nomméAltmar,
échangea avec lui celle de Saint-Vaast, après
avoir assiégé et pris Arras sur le comte Bau-
douin. Le dépit qu'il en eut passa à toute sa
cour, et il résolut de se venger. Il feignit de
vouloir se réconcilier. Plusieurs de ses gens
ayant épié l'occasion , un jour qu'il allait
trouver le roi avec une très-petite escorte,
ils l'abordèrent dans le chemin, ayant à leur
tête un nommé V^ineniar. Ils lui parlèrent
d'abord de la rétonriliation avec le comte
Baudouin , puis, lorsqu'il s'y allei;dait le
moins, ils le chargèrent à coups de lances,
le tirent tomber et le tuèrent, etc. » On peut
voir à l'article Vinemak l'excommunication
qui fut lancée contre les meurtriers i)ar Hervé,
succe."scur de Fouh^ues, et la punition ex.e)n-
])lair(; (fue Dieu inlligea à ce même Viuemar
pour prix de son exécrable forfait.
BAlJCiY, bourg de l'Auxerrois , où snint
Péiégrin, premier évê(iue d'Auxerre, fut mar-
tyi'isé en l'an de Jésus-Chiist -U)k. 11 lut en-
terré dans ce lieu, témoin de son marlyro.
l)e|»uis,s(.'s relupuvs furent li'an-l'érées à Saint-
Denis, près Pans.
UAZAN, martyr, caléchisl.' du P. dt^ Sanvi-
ionis {roi/. s(jn a.litle, fut assassiné, le 31
man* 11)72, i»ar le chef Kipoha, à (pii il ro-
455
BEN
BEN
454
prochait la licence do ses mœurs, malgré son
titre do chrétien.
liAVAlAlE (saint), reçut la couronne du
martjro à Rome, sur la voie Latine, avec
saijit Jovin, sous le rf^^no (^t durant la por-
séculidu (leA'aléricn. On no nous a pas [^ardé
de documents autliontiques sur la façon dont
ils accomplirent leur sacritico. L'Jiylise fait
leur f(He le 2 mars.
BKATRIX (sainte), martyre, fut étranglée
à Uome, dans sa piison, en 303, du teni|)s
de la persécution de Dioclétien. Cotte sainte
avait été témoin de la mort de ses frères,
saint Sirapiice et saint Faustin, qui avaient
été décapités, et ensuite jetés dans le Tibre.
Après avoir fait retirer leurs corps, elle les
fit enterrer honorablement et se retira do
l'autre côté du tleuve, chez une chrétienne
nommée Lucine.Kllepassaitaveccottofemme
les jours et les nuits en ])rières. Un parent,
quivoulaits'appropriersa fortune, la dénonça.
Elle fut arrêtée, et après qu'elle eut souffert
divers supplices, elle fut, comme nous l'avons
dit, étranglée. Lucine la déposa près de ses
frères. Le pape Léon transporta les reliques
de ces saints dans une église bâtie h Rome
sous leur invocation. C'est aujourd'hui l'é-
glise de Sainte-Mari e-Majeure qui lespossèdc.
L'Eglise fait la fête de ces saints le 29 juillet.
BELLIN (saint), martyr, était évêqueàPa-
douc. On ne connaît aucune circonstance de
son martyre, la date même en est inconnue.
L'Eglise célèbre sa mémoire glorieuse le 26
novembre.
BENALT (FoRÈT de), située près de Ne-
mèse ou de Spire, est célèbre par le martyre
de saint Théodard , en 669. Ce saint était
évêque de Maëstricht, et se rendait en Aus-
trasie, près du roi Ghi.'déric II, pour obtenir
de lui la restitution des biens de son église,
dont des seigneurs })uissants du pays s'étaient
emparés. Ces seigneurs, ayant été informés
du but que se proposait l'évêque, placèrent
dans la forêt des hommes qui l'assassinèrent
à son passage.
BENGALE, ancienne province del'Indous-
tan, a pour capitale Calcutta. Longtemps le
Bengale forma un royaume indépendant. Il
fut conquis par les Afghans en 1203, devint
tributaire des Mongols quelque temps après,
jusqu'en 1340, époque à laquelle Faklier-
Aduin s'en empara et en fit de nouveau un
royaume indépendant. Cher-Schah en lit la
conquôie en 1538 et le réunit au Delhi. Akbar
en tit i)cu après une province du Grand-
Mogol ; entin, en 1757, il tomba sous la do-
mination des Anglais, qui le possèdent en-
core.
En 1602, la persécution visita les saints
missionnaires qui évangélisaient ce pays :
c'étaient des jésuites. Leur église et leur
maison furent saccagées. François Fernandez,
l'un d'entre eux, fut si cruellement maltraité,
qu'il mourut en prison des suites de ses bles-
sures. Le P. Bores l'assistait à ses derniers
moments. Cj généreux missionnaire avait
obtenu d'être conduit enchaîné auprès de
son compagnon. En 1699, le P. Martin eut à
y souffrir diverses persécutions. (Voy. son
arti(-le.)
BiiNlGNE (saint), disciple de saint Poly-
carpe, fut envoyé par lui dans les Gaules,
pour y prêcher TEvangib;, avec saint Ando-
che, saint Tliyrse et saint Félix. Saint Bé-
nigne était prêtre. Il arriva en Gaule sous
le règne d'Antonin ou de Marc-Aurèle. De
Marseille il passa à Lyon, puis à Autun, où
il fut reçu par Fauste, qui était i)remier ma-
gistrat do la ville et chrétien en secret, à
cause de la persécution qui sévissait alors. Ce
Fauste avait un lils Agé de trois ans et nommé
Sym|)horicn. Sachant qu'il avait chez lui des
prêtres, il les pria de donner le baptême à sa
famille et à {)lusieurs de ses amis. Saint Bé-
nigne et saint Andoche baptisèrent son fils
Ensuite Fauste parla à saint Bénigne d'une
sœur qu'il avait h Langres, nommée Léonille,
laquelle y avait trois petits-Iils qu'elle dési-
rait attirer à la religion chrétienne. Après
quelques années de séjour à Autun, saint
Bénigne se rendit ii Langres pour y travailler
au désir de sainte Léonille. Il convertit en
ellet les trois petits-tils de Léonille, nom-
més Speusippe, EleusippectMéleusippe.Tous
trois soufirirent bientôt le martyre. Saint Bé-
nigne se rendit ensuite à Dijon, oii il conver-
tit sainte Pascasie. Pou de temps après, un
gouverneur étant venu à Dijon, fit arrêter
saint Bénigne, qui finit ses jours par un
glorieux martyre. Il fut étendu avec dos pou-
lies, et déchiré à coups de nerfs de bœuf. On
lui enfonça des alênes sous les ongles ; en-
suite on lui scella les pieds dans une pierre
creuse, avec du plomb fondu, puis on l'en-
ferma, sans lui donner de nourriture, durant
six jours, avec des chiens furieux. Au bout
de ce temps, on le trouva plein de vigueur
et de santé. Dieu l'avait soutenu. On le battit
sur le cou avec une barre de fer, et enfin on
le tua d'un coup de lance. On fait sa fête le 1"
novembre.
Longtemps le corps de saint Bénigne ne
jouit pas des honneurs dus à un si grand
saint. La mémoire ^es événements que nous
venons de raconter s'était effacée, et le tom-
beau de saint Bénigne était bien l'objet des
dévotions traditionnelles des gens du pays,
mais le doute retenait à cet égard les bons
esprits. Le saint apparut lui-même à saint
Grégoire, évêque de Langres, et lui dit quel
trésor renfermait ce tombeau. Saint Grégoire
transporta les reliques précieuses dans l'an-
cienne chapelle dédiée au saint. Le temps
l'avait ruinée, il la fit rebâtir.
BÉNIGNE (saint) , martyr, était évêque à
Utrecht. Il y reçut la couronne du martyre à
une époque et dans des circonstances que
nous ignorons. L'Eglise célèbre sa glorieuse
mémoire le 28 juin.
BENIGNE (saint), martyr, reçut la couronne
du martyre à Todi. Le Martyrologe romain ne
donne aucun détail sur l'époque et les cir-
constances de son combat. L'Eglise célèbre
sa sainte mémoire le 13 février.
BENILDE (sainte), martyre, mourut pour la
foi à Cordoue en Espagne. On ignore l'épo-
que et les circonstances de son martyre. L'E
45o
BER
BER
456
glise, notre mère, révère sa sainte mémoire
le 15 juin.
BENJAMIN (saint), martyr, était diacre en
Perse sous Varanes on Vararanes, qui con-
tinua avec tant de fureur, contre les chrétiens,
la persécution commencée par son père,
Yesdedjerd. Il fut arrêté, rudement battu et
mis en prison. Il y resta un an. Au bout de
ce temps, l'ambassadeur romain qui vint en
Perse demanda son élargissement. On le lui
accorda, mais sur la prouiesso qu'il cesserait
de prêcher rEvangile. L'ambassadeur le pro-
mit, mais Benjamin, qui ne croyait pas pou-
voir tenir l'engagement pris en son nom,
continua de piècher et d'instruire les intî-
dèles. Le roi l'ayant su le fit de nouveau ar-
rêter. D'abord, il voulut l'elfrayer par des
menaces... Le saint diacre lui dit: « Quelle
idée auriez-vous d'un do vos sujets qui vous
trahirait pour ])asser à vos ennemis? » Le
roi, furieux, lui fil enfoncer des pointes de
roseaux sous les ongles des pieds et des mains
et dans i)lusieurs autres parties du corps. Ce
supplice fut répété un cei tain nombre de fois,
avec une cruauté inouïe. Enfin le bienheu-
reux diacre fut empalé. Sa mort eut lieu en
ï'2\. L'Eglise romaine fait sa fête le 31 mars.
BENOIT (saint), martyr, était ermite en
Pologne. Il y souffrit le martyre dans des cir-
constances et à une époque qui nous sont
inconnues , avec les saints Jean , Matthieu,
Isaac et Christin, également ermites. L'Eglise
célèbre leur mémoire le 12 novembre.
BENOITE (sainte), martyre, était originaire
du diocèse de Laon. Cette vierge reçut la
couroime du martyre dans des circonstances
et à une époque qui nous sont inconnues.
L'Eglise lionore sa mémoire le 8 octobre.
BEKAKD (saint), martyr, était religieux de
l'ordre de Saint-François. Il cueillit la palme
du martyre à Maroc, en Afi'ique. On ignore
en quelle année. Il eut pour compagnons de
ses combats glorieux, les saints Pierre, Ac-
curse, Ajut et Olhon. Leur mémoire est ho-
uorée dans l'Eglise le l(i janvier.
BÉRÉNICE, tille d'Agrippa l'Ancien, roi
des Juifs, née l'an 28 de Jésus-Christ, épousa
d'abord Hérode, loi de Chalcis, jaiis Pulémon,
roi de Cilicie. Elle({uittace second mari pour
venir deujeurer avec Agrippa II, son frèi-e.
Ce fut pendant ce séjour (juelle fut présente,
à Césarée, quand saint Paul se défendit, sur
l'invitation de Eestus, devant Agrippa. Tilus,
(jui l'avait vue ci la guerre qu'il lit en Judée,
en devint amoureux; il l'eunnena à Rome
et l'aurait épousée sans rop|)osili(jn des Ro-
mains. Cet événement a fourni à Coineille
et à Racine le sujet de tragédies célèbres.
RÉRÉNK^E (saintej, fille de sanilc Duminne
(;t soMjr (ir; sainte IM'osdoce, est honorée
connue martyre avec elles, par l'Eglise, le 4
octobre. (Poijr plus de détails, voy. les Actes
(ht siiinte l>()MMM:.j
, BI*>R(i;\MI'i, ville du roy.iuiiKî Lombard-
Vénitien, est (célèbre par h; martyre qu'y sout-
Irit s.iint l)<;innioii. ()i\ i}.Miore coMipléteiiiciil
(;ii i|uclles e.ii'constances et a (pielle é|toque.
l'.IJ'.KLLEY , naquit en lilande ej) lOH'i,
tiudiu MU tolléçie de la Trinité d« Dublin, tl
devint associé de ce collège. En 1708, il com-
posa et publia sa Théorie de la vision, puis,
un an a|)rès, ses Principes des connaissances
humaines. Dans cet ouvrage, il prétend éta-
blir que tout ce (pie nous nommons les corps
n'existe réellement pas. Tous ces êtres qui
afïectent nos sens n'ont, d'après lui, qu'une
réalité subjective, c'est-à-dire qu'ils consis-
tent simplement en des impressions produites
au dedans de nous-mêmes par la toute-puis-
sance divine. Le soleil, la terre, les astres,
tout ce que le monde enserre, nos corps eux-
mêmes sont de véritables fantômes qui n'exis-
tent que dans notre esprit. Ainsi, la vie n'est
qu'un cauchemar perpétuel ; cauchemar qui
ne cesse qu'à ce que nous nommons la mort ,
c'est-à-dire à ce moment où il plaît à Dieu
de prendre en pitié la pauvre âme dont il a
fait son jouet. Conséquemment la mort non
plus n'existe pas. Maintenant, si les corps
n'existent pas, qui prouvera à l'homme de
Berkeley que les existences individuelles
qu'il suppose en dehors de lui-môme, ne
sont pas aussi une vaine fantasmagorie, une
des mille aberrations que Dieu lui envoie
dans l'impitoyable cauchemarqu'il lui donne?
Berkeley ne s'arrête pas pour si peu, il sait
bien, dit-il, que son système fait naître des
objections irréfutables, mais ce n'est pas une
raison , dit-U, pour ne pas l'admettre. En
effet, il sulïit que l'idée d'un pareil système
lui soit venue, pour que le monde doive non-
seulement s'en préoccuper, mais encore le
recevoir. Une seule chose étonne en lisant
ces absurdités ; ce n'est pas qu'une cervelle
humaine ait pu les enfanter, à rencontre de
la raison et de la foi, c'est qu'il se trouve
des hommes assez idiots pour en être dupes.
Un sot trouve toujours un plus sot qui l'admire.
L'auteur de ce vers a écrit une des vé-
rités les plus grandes qu'il soit possible
de dire. Berkeley méritait une place parmi
les aliénés; les philoso{)hes le proclamèrent
un des leurs, et la Béotie d'Europe lui four-
nit des admirateurs.
Deux des amis de ce philosophe , Clarke
et Wiston, qui lui voulaient du bien, ne se
rangèrent pas du côté des admirateurs : ils
crurent que Berkeley devenait fou, et vou-
lurent le ramener à des idées plus saines;
mais lui soutint son système [)ar de nouveaux
arguments, (ju'il tit valoir dans ses Dialogues
enlre /lilus et Philonoxis. On avait beau lui
dire qu'il détruisait la })ossibilité des mira-
cles, la responsabilité des actes humains,
toutes hîs bases de la religion dont les preu-
ves ne re|)osent (jue sui' des faits; lui, avec
inie naïveté béate, disait (lu'il soutenait et
j)rouvail la religion, en détruisant |)ai- le pied
le mati'rialisme, puisqu'il niait l'i^xislence de
la matière, l'auvre Rerkeley I après avoir pu-
blié un éci'it intitulé le Pelit Philosophe,
o'uvrt.' faite, à son point de vue, pour com-
balln^ l'athéisme et le th-isnie, il ftit tour-
nicnlé de la façon la plus eiuelle par l'être
(jiii, d'aitrès lui, l'ail passer devant nos Ames
lonles les facéties de l'inistence. Un beau jour
il lui sembla, à ce pur esprit, qu'il avait uiio
4M
ÈEft
femme apparence , qu'il nommait madame
KiTkeloy par habitude, et pour faire comuie
tout le monde. Or, il lui sembla qu'il partait
avec elle [tour UM prétendu pay^ d*Aniéri([U(',
sur une a|)paronce de vaisseau, pour aller
convertir des apparences de sauvages. Au
loid, Berkeley avait l'Ame bonne, ou plutôt
Dieu ne le plaisanta'l (ju'en lui faisant jouer
des rôles honnêtes. Après un certain laps de
temps, il lui sembla qu'il revenait d'Amé-
rique avec ce (|u'il nonnnait madinie Berke-
ley ; il crut qu'il acceptait, en 1733, l'évéché
de Cloyne, et ses amis et connaissances cru-
rent un beau jour qu'une chose qui se nom-
mait Berkeley mourait en 1753. Erreur [iro-
fonilel c'était sin]{)lemenl une àme sur la-
(pi(>lle Dieu cessait de moitrer les ombres
chinoises. Puissent tous ceux qui laisonnenl
comme ce philo>op!ie être aussi sûrs que
lui de l'éternede béatitude, (le souhait, nous
le faisons de tout cœur; mais le Dieu qu; a
dit : heureux les pauvres d'esprit, n'a point dit
hemeux les niais, heureuses les dupes, heu-
reux surtout les sots acteurs de sols rôles
joués sous le masque de l'hypocrisie.
Qu'on amasse donc les fagots philosophi-
ques de cette espèce-là, et qu'on laisse au
bon sens vulgaire le soin d'en faire poussière
et cendre, car ce serait vraiment trop d'hon-
neur leur faire que de les réfuter sérieuse-
ment.
BERNA (le bienheureux Pierre), prêtre
de la Compagnie de Jésus, fut associé au
martyre du bienheureux Aquaviva, recteur
du collège que les Jésuites avaient dans l'ile
de Salcetle, avec les PP. Antoine François,
Alfonse Pacheco, prêtres, et le frère coadju-
teur François Aragna. Leur martyre eut lieu
le 15 juillet 1583. (Tanner, SocielasJcsu usque
ad sanguinis et vitœ profusionem militans,
p. 2i7 ; le P. d'Outreman, Recueil des hom-
mes illustres de la Compagnie de Jésus, p. 457 ;
Du Jarrie. Histoire des choses plus mémora-
bles, etc., t. 1", p. 352.)
BERNARD (saint) , éiait évêque à Capoue.
Il confessa sa foi à une époque et dans des
circonstances que le Martyrologe romain ne
nous donne pas. L'Eglise célèbre sa mémoire
le 12 mars.
BERNARD COSIN (le bienheureux), frère
mineur, fut martyrisé en 1555, pour la foi,
dans le val de Guadiana, par les Chichimè-
ques, avec Jean de Tapia, religieux du môme
ordre, et Jean Serrado, qu'ils firent périr à
coups de flèches. {Chronique des Frères Mi-
neurs, t. IV, p. 307 et suivantes.)
BERNARD (saint), confesseur, souffrit pour
la foi dans la Campagne de Rome. Le Marty-
rologe romain ne donne aucun détail sur l'é-
poque et les circonstances de ses combats.
L'Eglise célèbre sa mémoire le li octobre.
BERNARD (le bienheureux Jean), frère lai
dans l'ordre de Saint-François, fut envoyé
par ses supérieurs prêcher la foi dans le Pé-
rou. Il fut saisi par les indigènes du terri-
toire de los Charcas, qui ne voyaient en lui
qu'un complice des cruautés des Espagnols.
Ils le pendirent, et, pendant trois jours, du
haut du gibet, il les exliorta à embrasser la
DiCTioxN. DES Persécutions. I,
BEâ 45Ô
foi. Ce miracle, qui aurait dû leur ouvrir les
veux, ne fit que les exaspérer davantage Ils
lui arrachèrent le cœur et abandonnèrent son
corps, qui fut recueilli par les chrétiens, et
déposé dans la custodie de la Plata. (Férot,
Abrégé de la vie des saints des trois ordres de
Saint-François, t. IIL |). 331.)
BEUNÈDE IGNACE (le bienheureux), con-
fesseur, religieux de la Merci. Voy. Monnel
(Bernard).
BEROINE, qualifié [)résident par le Marty-
rologe romain, lit mettre h mort, sous Num'é-
rien, dans la ville d'Aquilée, saint Hilaire
évêque, saint Tatien diacre, et les saints Fé-
lix, Large et Denis. On ne dit pas comment
ils terminèrent leur sacrifice, mais il est
certain qu'il leur fit subir la peine du cheva-
let et plusieurs autres su[)plices.
BÉRONIQUE (saint), martyr, donna sa vie
pour Jésus-Chri t, à Antioche, avec la vierge
Pélagie et quarante-neuf autres saints mar-
tyrs, dont les noms sont inconnus. Le Mar-
tyrologe romain ne dit point à quelle époque
et dans quelles circonstances. L'Eglise ho-
nore leur sainte mémoire le 19 octobre.
BÉRYLLE, gouverneur de l'Ombrie, fit
mourir sous Adrien, au commencement de
la persécution et du règne de ce prince, sainte
Sérapie, jeune vierge qui demeurait chez
sainte Sabine, à Vindène. Il la fit décapiter,
après l'avoir fait battre-à coups de bâtons, et,
après avoir essayé delà faire violer par deux
Egyptiens. Dieu avant miraculeusement pro-
tégé sa servante dans cette circonstance, Bé-
rylle crut qu'elle avait agi par magie, pour
empêcher l'exécution de ses ordres. {Voy.
Sërapie, Sabine, Helpide.)
BÈS (Rosalie), religieuse du Saint-Sacre-
ment, de Bolène, périt sur l'échafaud le
8 juillet 1794, avec Elisabeth Peleysier, Ma-
rie Blanc, du même orire, et Marguerite Ba-
vasre, ursuline au Pont-Saint-Esprit. Au mo-
ment même où le jugement qui les condam-
nait à mort fut rendu, Rosalie Bès, dite sœur
Pélagie, tira de sa poche une boîte remplie
de dragées, qu'elle distribua à ses compa-
gnes. « Ce sont là, dit-elle, les dragées que
j'avais réservées pour le jour de mes noces. »
BESANÇON, chef-lieu du département du
Doubs, est célèbre dans les annales de nos
martyrs par les souffrances et la mort qu'y
endura l'évêque Germain.
BESCHI (Constant-Joseph), Italien de
naissance, fut élevé dans la ville de Rome.
Se sentant de la vocation pour l'apostolat, il
dirigea ses études dans cette voie, vers la-
quelle il se croyait appelé. Innocent XII
l'envoya comme missionnaire dans les In-
des ori<ntales. Il aborda à Seranadou ou
Maléalam, sur les côtes du Malabar, en 1700.
Il parlait l'italien, l'hébreu, le grec, le la-
tin, le portugais; bientôt il apprit le sanskrit
et le télenga, mai^ il s'appliqua par-dessus
tout à apprendre le tamoul , dont il connut
bientôt assez bien le mécanisme pour en
posséder parfaitement legéniepoétique. Aus-
sitôt qu'il fut dans ce pays, pour se conci-
lier l'affection de ce peuple qui a des usa-
ges fort extraordinaii^es, il s'y conforma au-
15
i59
BES
BES
4G0
tant que le lui permirent sa qualité de prêtre
et ses hab.tuJes d'Européeu. Il se priva en-
tièrement de viande et ue poisson ; le lai-
tage, les fruits et les légumes dt^vinrent sa
nourriture habituelle. Un seul repas lui était
nécessaire chaque jour. Deux habitants de
haute extraction, qu'il availconvertis, le sui-
vaient partout en qualité do cuisiniers. Il se
marqua le front d'un lai'ge potou, circonfé-
rence tracée av.'c le cobi-sandanara (cou-
leur faite avec de l'eau et de la [)Oudre de
bois de sandal). Sur la tète il portait un
coulla, bonnet en forme de cylindre, en soie
couleur de feu ; il avait un pagne rouge autour
des reins. Un autre pagne bordé de rose, dra-
pé comme un schall sur sa tête, par-dessus
son bonnet, lui tombait sur les éj)aules.
Pour chaussure, il avait des soques. Quand
il sortait, il était vùtu d'une robe persane de
mousseline rouge, portait un ceinturon de
même couleur : au lieu du bonnet il avait la
toque blanche, un voile et un mouchoir en
mousseline rouge tendre. Il avait comme
bijou une pairo de boucles d'oreilles en i)erles,
une bague en or et une longue caime de
jonc. Dans cette toilett ■ il quittait sa cliam-
bri' pour se mettre dans un palanquin oiî il
était assis sur un«3 peau de tigre qui recou-
vrait de soyeux coussins. Pendant qu'il mar-
chait, 011 agitait près de son i)alanquin des
liDUSsoirs à crinière blanche tlottante, et de
jeunes garçons le précédaient portant devant
lui des ornements en plumes de paon. A sa
suite marchait un homuae qui poi lait un
large parasol de soie, muge comme ses ha-
biis. Quand il di'scentlait de son palanquin,
on déjlo. ait à terre une peau de tigre atin
qu'il pût s'y asseoir. C'est ainsi qu'ayant
échangé les mœurs européennes coitr • les
habitudes orientales, il [)arvint à s'ouvrir
l'entrée de tou es les maisons. Sur son che-
min il faisait d'abon lantes aumônes ; il don-
nait aux [lauvres, pourvoyait à l'existence
de beaucoup d'entants qu'il instruisait. Vou-
lant: tout conformer à cette loi qu'il s'était
faite de prendre les usages du pays, il dessi-
na la Vierge en costume indou et l'envoya à
Manille, pour qu'on fit, d'a[)rès ce dessin,
une statue en bois de Notre-Dame avec l'en-
fant Jéaus dans ses bras. Il la plaça dans
l'église de Conacoupara. Il composa en l'iion-
neui-de la Vierge plusieurs liymnes,(.'t lit en
l'honneur de saint Joseph un poëme reli-
gieux nommé Tembavanie. Ce jiocme con-
tient trois mille six-cent quinze versetsdivi-
sés en lr(.'nte-six chants. Il composa un
grand nombre d'autres ouvrages ipii le ren-
dirent fort célèbre dans le |)ays. Les savants
hindous changèrent son nom en un autre de
leur langue, ipii signitiait homme (rès-sa-
v;\nl[vir doctissiinus). Ut nabib le (pialiliu
du titre d'ismat sa iiiiasi (pénitent sans ta-
che). Il lui ht cad -aud'uii p dan |ui i magui-
lituje et lu rfîvenudequ lire villages poiii' ses
dt;penses. Ces revenus monlaie.il à 28, .'{00
fiJincs de notre monnaie. Kniin il le nomma
premier ministre. Quan I il allait (pjchiue
part, des bér.iuls le précédaient : trente ca-
valiers faisaient escorte à son jialanquin
avec douze porte-drapeaux et quatre mas-
siers à butons d'argent. Quand il allait à
cheval, venaient derrière lui un trompette
monté de même, puis trois chameaux, le pre-
mier portant d'énormes timbales, le second
un gros tambour; ces instruments faisaient
vacarme; le troisième chameau portait les
ornements pour célébrer la messe.
Besctn ne cessa, ma gré les nouvelles fonc-
tions qu'il avait acceptées, de s'attacher au
principal but de sa mission, qui était la con-
version des idolAtres. En 17^0, le nabab, dont
il était ministr>', fut vaincu . et sa capitale
ayant été prise par l'ennemi, le missionnaire
fut obligé de se retirer à Cael-Patanam. Il
mourut tn 1742, regretté et honoré de tout
le monde.
En voyant ce récit, on pourrait se deman-
der comment il va à notre sujet : pour 1©
compléter, nous n'avons qu'à copier le récit
suivant des Lettres édifiantes : «En étendant
leurs conquêtes dans cette partie de l'Inde,
dit un jésuite , les Monghols avaient laissé
subsister les anciens royaumes de Tanjanur,
de Ma luré, de Maïssour et de Marawa. Ces
Etats continuaient d'être gouvernés par des
princes gintils, chargés seulement env;'rs le
Gran -Monghol d'un tribut annuel , qu'ils
n'étaie it pas toujours fort exarts à payer.
L'empereurétait souvent obligé de faire mar-
cher des armées contre eux pour les (;ontrain-
die d'y satisfair •. D-puis un c -rtain temps,
ces petits rois ou rajahs tributaires étaient
redevables de sommes considéraules. Daoust-
Ali-Kan, nabab (ou vice-ro.) d'Arcate, cajd-
tale de tout le Carnate, saisit cette occaMon
pour porter la guerre ch z ces princes gen-
tils. Cette invasion des Monghols répandit
l'alarme et l'effroi. Les princes gentils écri-
virent lettres sur lettres au roi des Marattes
jiour lui demantler du secours, lui repré-
sentant (]ue s'il n'arrêtait les progrès de leurs
ennemis, c'en était fait non-seu'ement dé
leurs Etats, mais encore de leur religion, qui
allait être entièrement détruite par les ef-
forts des mahométans. Ces Marattes habitent
à l'ouest des montagnes qui sont derrière
Goa, à la côte de xMalabar. Sutura, capitale de
leur pays, est une ville fort considérable. Le
roi i\es Marattes est très-puissant; on l'a vu
souvent mettre sur pied tout à la fois 150,000
hommes de cavalerie, qui allaient ravager les
Etats du Manghol et les mettaient h contri-
bution. Les sollicitations [tressantes des peu-
|)lcs de TritchirAjiali (a. ors capitale du Ma-
duré) et de Tanjaour, jointes à l'envie de
jiiller un pays enrichi depuis grand nombre
d'années par l'or et l'argent que toutes les
nations du monde ne cessent d'y apporter
en échange des marchandises précieuses
(ju'elles en tirent, détermitiènnil (O j)nnce
à aeconjer le secour» (pi'on lui demandait^
Ses |Miiicipaiix ministres , dont la plupart
étaient brahiiKîs, lui en tirent même un devoir
de consiiencc'. 11 leva une armée de soixante
mille chevaux et de cent cinquante mille
hommiis de pied. Ces troupes partirent au
mois d'octobre 17.'j0 , cl prirent la route du
Carnate. » Les Marattes sont diveisemculau-
i6i BES
préciés par les rnissionnairos. « Les arm(^cs
de Maïailos (|u; pai courent tous les ans celle
pari e de rinde pour lever le tribut , d:t b'
P. rahnellt', ont parmi elles une c ir(''tienl6
nombreuse et édilinnle , qui donn ■ li<'U ;\
beau ou;.) de conversions el de b iplùmes. Il
y a dans'cliaijue armée un nombre eo-isidé-
rable de familles c'u-éticMies. Ces néophytes
se sont choisi un chef qui leur lient lie.i do
calécliiste. Tous les dimanches , ils ornent
une vaste tente en forme d'église ; les (idoles
s'y rassemblent pour écouter les instructions
et faire leurs prières; el ils s'en acquittent
avec tant d'assiduité el de zèle, que le mis-
sionnaii-e a été obligé de modérer les péni-
tences qu'il imposait à ceux qui manquaient
une seule fois de s'y trouver. »
Le P. Saignes présente sons un autre jour
ces peu[)les, dont les entreprises poilèrent la
désolation dans toute la péninsule. Ce mis-
sionnaire écrivait le 18 janvier 1741 : « Ils
allèrent l'année dernière jusque sur les bords
du Gange. Ensuite , se tournant à l'ou 'st ,
ils s'emparèrent de tout le pays des Portugais,
et assiégèrent la ville de Coa, qu'ils auraient
prise sans les forts qii la défen lent. Ce serait
un mailieur irré. arable pouf la religion : la
perte de (ioa enliainerail infailliblement la
ruine des missions du Canara, de Maissour,
de Maduré, de Travancore, de l'île de Ceylan ;
parce que les missionnaires qui sont dans
ces différents royatnnos n'y subsistent que
par les revenus de Goa , sur lesquels le roi
d.> Portugal leur a assigné des pensions
Nos églises n'ont point été respectées. Ils
ont pris le peu qui y étiit resté; car les
missionnaires en prenant U tuile avaient em-
porté avec eux tout ce qu'ils pouvaient. Il
y a déjà quatorze de ces miss onnaires à
Pondichéry. On est en peine de quatre Pères
portugais dont on n'a éprend aucune nou-
velle. O i craint encore plus ;0ur deux autres
dont les églises sonl foi-i éloignées dans les
terres de Maissour Quelques-uns se sont
sauvés comme ils o it pu, dans les bois et sur
les montagnes. 11 n'y a que le P. Ma Jeira
qui n'a pu échapper à la fureur de ces bri-
gands. A l'instigatioii d'un l)ia!irae, qui leur
persuada que ce Père avait each-'ï de grands
trésors, ils le battirent cruellement; us le
tinrent pnidant plusieui-s jours lié à un po-
teau, la tète nue et to;il le corps presque
nu, exposé aux ardeurs d'un soleil brû-
lant, ne lu; donnant du riz qu'autant qu'il
en fallait pré;n~émeut pour ne pas le laisser
mouiir ue fdim. Cei)endant , le peu qu'ils
trouvèrent dans son église de Vergimpetli
fit soupçonner aux Marattes que le brahme
leur en avait imposé : « Il faut le presser ,
dit ce brahme; s'il n'a point d'argent, vous en
tirerez sûrement de ses disciples qui n'épar-
gneront rieïi pour le racheter des tour-
ments. » Les Marattes suivirent son conseil
et annoncèrent au missionnaire que la réso-
lution était prise de le faire mourir dans les
pi s cruels supplices s'il ne fais tit pas con-
tribuer ses disciples... Les chrétiens, infor-
més de la triste situation où était leur Père
en Jésus-Christ , s'offraient déjà à ramasser
bëu
4b^
parmi oux la somme qu'on demandait pour
sa délivrance. Le Père lit venir le eatécniste
(pii avait la liberté de lui parler, et lui or-
donna de défendre de sa part à ses disciples
(le donner la moindre chose pour le délivrer,
aimant mieux mourir que de les voir réduits,
à son occasion , à une extrême indigence.
Les Marattes furent étrangement surfiris
d'une résolution si généreuse. Cependant ,
ils préparèrent leur chaise et leur casque de
fer; ils tirent rougir au feu l'un et l'autre,
et ils se disposaient à faire asseoir le mis-
sionnaire sur cette chaise et à lui mettre le
casque en tète, lorsqu'un des chefs marattes,
témoin de la fermeté du Père et de la fer-
veur avec laîjuell • il offrait à Dieu ses tour-
ments, élevant la voix tout à coup : « Lais-
sez en r(!pos ce sanniâsi, s'écria-t-il ; j'ai ouï
parler du Dii'u qu'il invoque ; c'est un Dieu
r-'doutable, et nous pourrions bien nous at-
tirer son courroux en tourmentant son ser-
viteur. D'ailleurs, ajoula-t-il , c'est un étran-
ger qui fait du bi(!n à tout le monde par ses
prières et par ses utiles conseils. » On obéit :
le missionnaire fut détaché du poteau et
renvoyé libre. »
BÈSE (saint), Bésas, martyr, fut mis à mort
sous Dèce et sous le gouvernement de Sabi-
nus, î Alexandrie, en l'année 250. Voici
comment eut lieu son martyre. Il était sol-
dat, et il assistait en cette qualité au martyre
de saint Julien et de saint Chronion. Révolté
delà cruauté brutale avec laquelle on traitait
ces deux saints , il marqua combien cette
violence lui déplaisait. Conduit devant le
juge au imlieudes huées d'une populace in-
solente, ce courageux soldat de Jésus-Christ,
ne s'étant pas démenti dans ce combat en-
trepris pour sa gloire, eut la tête tranchée.
L'Eglise fait la fête de ce courageux martyr
le 27 février, avec celle de saint Chronion et
de saint Julien.
BESSAAiONE, l'un des trente-sept martyrs
égyptiens qui donnèrent leur sang pour la
foi en Egypte, et desquels Ruinart a laissé
les Actes authentiques. Yoy. Martyrs (les
trente-sept ) égyptiens.
BETH-ASA, ville de Perse. Sous le règne
de Sapor, en l'an de Jésus-Christ 327, saint
Jonas et saint Barachise, ainsi que les saints
Zébine , Lazare, Maruthas , Narsès, Elie,
Maharis, Habibe, Sabas et Scembaise, y fu-
rent mis à mort pour la foi. ( Voy. les Actes
de saint Jonas, à son article. )
BETH-NUHADRA, ville du royaume de
Perse, dans la Médie, où saint Àïthilahas,
diacre, fut lapidé sous le règne de Sapor, en
l'an de Jésus-Christ 380. (Voy., pour plus de
détails, l'article de saint Acepsimas. )
BEUïH, jésuite français, fut pris dans le
Fo-kien par un mandarin chinois, vers la fin
de 174-6. Ce fonctionnaire eut beaucoup d'é-
gards pour lui, et se contenta de le diriger
sur .Macao, en le confiant à un valet de tri-
bunal, qui devait le remettre au mandarin
le plus voisin de cette ville, et rapporter un
récépissé de sa part. Malheureusement ce
mndarin était celui de Hyang-chan, ennemi
déclaré du christianisme. Il fit comparaître
403
BIB
BIB
4Ci
le Pure à son tribunal, après l'avoir laissé
j)lusieurs heures durant exposé aux injures
(le la populace qui le chargeait d'impréca-
tions, en l'atcusanl de sortilège, d'arracher
les yeux aux mourants, de tuer les petits
enf;uiis pour employer leurs tôtcs h des ma-
létioes. (JuL'lques-ùns lui arrachèrent les
cheveux et la barbe, et lui firent soutïrir
toutes sortes d'indignité>. Le mandarin monta
su-r son tribunal, près duquel il avait fait
a])porier tous les instruments propres adon-
ner la question. « Est-ce que tu crois qu'on
ne te coiniait pas, dit-il au P. Beuth? Tu es
un Européen venu ici pour prêcher la reli-
gion chrétienne. Cela est vrai, dit le Père.
Qu'est-ce que ton Dieu que tu veux nous
faire adorer, ditlemandarin?— C'est celui qui
a créé le ciel et la terre. — On 1 le malheu-
reux ! reprit le mandarin; il dit que le ciel
et la terre ont été créés. Quon lui do: ne
pour cela dix soufilets. » Après qu'on eut
exécuté c'c't ordre inique et barbare, le man-
darin prit un pinceau et traça les deux ca-
ractères chinois qui veulent dire Jésus. 11
demanda au P. Beuth ce que c'était. « C'est
le nom de la seconde j)ersonne de la très-
sainte Trinité, qui s'est faite honnne pour no-
tre salut. » Dix autres soufilets, s'écria le
oaandarin. A la suite d'autres demanetes, le
mandarin lui fit donner encore dix soufilets.
La tète était horriblement enllée.En plusieurs
endroits, la peau fut enlevée. Le sang re-ta
plus de quinze jours coagulé et extravasé
dans les chairs. Après cela, lé mandarin
l'envoya à Macao, en lui disant qu'il lui fai-
sait grAce de la question et de la bastonnade.
Le P. Beuth était tellement malade, ([u'il eût
expiré sous les coups, si on avait continué à
le torturer ainsi. Quand il arriva à Macao,
la manière horrible dont on l'avait traité,
l'intensité qu'un voyage de deux cents cin-
quante lieues avait donnée «i une phthisie
pulmonaire dont il était atteint, l'avaient
réduit à l'état le plus déplorable. Les soins
qu'on lui prodigua le firent vivre encore deux
mois. 11 soutfrit sa maladie avec un courage
admirable. 11 vit venir ses derniers instants
avec un calme extraordinaire. 11 récita jus-
qu'au di-rnier moment les réponses aux
prières des agonisants qu'on disait près de
son lit. 11 s'endormit dans la paix du Sei-
gneur le 19 avril 17i7.
BIAUON (saint), martyr, reçut la palme en
Pisidie, avec saint Silvain. Après avoir souf-
fert de cruels supplices pour Jésus-Chnst,
ils furent enfin décapités. Le .Martyrologe
romain ne dit point à (pielle é,.()que. L E-
giisci célèbre leursainle mémoire h; 10 juillet.
BlIJAKS, était sultan de la dynastie Ma-
uieluks-B.iku-ites, en E,.;ypte, et fut pro-
clamé, suivant l'usage, par la milice, après
avoir assassiné son prédécesseur, l'an 1200.
1! se rendit maître de j)lusieurs villes de
Syri(j, repoussa les 'l'artares, et donna uih;
foriiK* slajjle h l'empire û(ts xMameluks. Aii-
liocfie fut du nombre des villes de Syrie (jui
eurent le mallicMir de tomber' sous sa tyran-
nie. Celle ville avilit .ilors deux couvents de
feuiiii'*^, l'un de Dominicaines, l'autre do
Franciscaines. Quand le patriarche sut que
les musulmans approchaient, il réunit toutes
ces filles du Seigneur dans le couvent des
Dominicaines, et \h il les prêcha avec force,
les invitant à soulfrir la mort plutôt qu'à con-
sentir aux outrages ilonl les vainqueurs ne
manqueraient pas de vouloir les rendre victi-
mes. Ces saintes femmes, qui savaient bien
que la meilleure volonté ne saurait pas les
soustraire aux exigences des musulmans, se
défigurèrent toutes, en se coupant mutuelle-
ment le nez. Ce moyen de sauvegarder leur
pudeur, d' la mettre à l'abri des insultes^
lul-il une inspiration du Saint-Esprit? Il faut
l'admettre pour le trouver excusable. Avec
une foi vive et une grande confiance en Dieu,
elles auraient pu ne pas se défigurer, en se
souvenant comment Dieu, dans les premiers
siècles de l'Eglise militante, savait protéger
les saintes que la brutalité des juges préten-
dait livrer à la lubricité des débauchés.
Les musulmans les voyant en cet état les
égorgèrent toutes. Le patriarch • fut égorgé
avec quatre f ères prêcheurs, au pied du
grand autel de son église, où, prosterné, il
priait Dieu pour son peuple. Tous les Fran-
cise lins que les vainqueurs trouvèrent dans
la ville et dans les couvents voisins furent
emmenés captifs. Cette année vit le martyre
de plus de cent Dominicains, de la province de
terre sainte, que le barbare sultan fit mourir
et envoya rejoindre au ciel leurs glorieux
compagnons d'Antioche. 11 eut encore la
cruauté de faire décapiter les six cents et
q lelques martyrs au chAteau de Safed, en
1265. Il mourut empoisonné en 1277
BiBE (saint), inscrit dans les menées des
Grecs comme martyr à Alexandrie, sous
l'empire deDèce et le gouvernement de Va-
lérius Sabinus, avec saint Fauste, prêtre, saint
Macaire et une grande quantité d'autres
chr» tiens. Nous ne trouvons pas ce saint
dont les menées font grand récit, au Marty-
rol ge romain. La ressemljlance des noms a
fait commettre une erreur à Tillemont : il
croit cjue le saint Bibe des menées, compa-
gnon de saint Fauste, est le môme que saint,
Abibe du Maityrologe romain, diacre et
martyr à Alexandrie. Or saint Abibe est fêlé
[)ar l'Eglise romaine le 15 novembre, et fut
martyrisé à Alexandrie, du tem,.s de l'em-
pereur Licinius, par ordre d'un juge nommé
Lysanius, qui le fit déchirer avec des ongles
de 1er, et ensuite jeter dans le feu.
BIBIANE (sainte), vierge et martyre à
Home, en l'an de Jésus-Christ 303, sous
l'empcieur Julien l'Apostat, fut une des vic-
times de la férocité et de la superstition
d'Apronien , préfet île Home, (pu, ayant
|ie,du un œil, attribuait cet accident ailx
chrétiens, et q .i n'en vengeait en les |)ersé-
cwtaril. Après (jue ce tyran eut fait mourir
Flavien son perc, et Dafioso sa mère {voy.
leuis litres], Bibiane donna tous ses biens
aux pauvres, et se relira dans la solitude.
Au bo.it de cinq mois, A|ironieii la fit com-
paraître (levant lui, avec sa s(eur Déni trie.
Après avoir contV'ssé généreusement la foi,
Démélrie tomba morte aux pieds du jui^e.
465
mE
BLA
4C6
Apronion chargea une femme nommée Ru-
line, et connue par sa méchanceté, do vain-
cre la constance de Bibiane. Huline em-
ploya sans succès les artifices, les caresses
et les mauvais traitements. Elle en lit son
rapi)ort an préfet, (pii, furieux de l'inutilité
de ses efforts, condamna Bibiane à être at-
tachée; h uti |)0teau et à être battue avec des
fouets garnis de i)loml), juscju'h ce ([u'elle
expirât. La sainte souil'rit w supplice hor-
rible avec un grand courage, et resta sans
vie sous les coups redoublés des bourre .ux.
Son corps fut laissé evposé pour (|u'il devint
la pAtare des bétes sauvages; mais au bout
de quarante-huit heures , un saint prêtre,
nonuué Jean, Teuiporla nuitamment, et l'en-
terra près du palais de Licinius. L s n li-
gues de sainte Dafiose et de ses deux lilles,
Bibiane et Démétrie, sont encore à Home,
dans l'église de Sainte-Marie .»lajeure. L'E-
glise fiiit la fête de sainte Bibi ne le 2 dé-
cembre.
BIBIEN, jugf^, qui à Pérynthe fit souffrir
de cruelles tortures h saint Achate, centu-
rion que h; tribun Firmus avait accusé, du-
rant la 1 erséculion de D oclélien, de faire
profession de christianisme.
BIBLIS (sainte), fut au nombre des glo-
rieux martyrs qu«.' la j)ersécution de Marc-Au-
rèle lit mourir dans la ville de Lyon. Elle
eut pour compagnons de ses combats et de
sa mort, saint Pothin, saint Sanctus, sainte
Blandine,et tous ces autres valeureux soldats
du Christ do-it il est pailé dans la lettre des
chrétiens de Lyon. Biblis était du nombre
de ceux qui avaient renoncé Jésus-Christ;
le démon la comptait parmi ses captifs, mais
il voulait encore l'obliger à joindie e blas-
phème à l'intidélité. 11 la conduisit donc au
lieu où l'on tourmentait les martyrs, et ayant
déjà éprouvé sa faiblesse, il espérait lui l'aire
dire tout ce qu'il voudrait au désavantage
des chrétiens. iMais elle revint à elle dès
qu'elle eut jeté les yeux sur les divers sup-
filices qui lui remirent dans la pensée ceux
de l'enfer; et, comme sortant d'un profond
assoupisstraent, elle s'écria : Méchants que
vous ètesl comment osez-vous accuser les
chiétirns de manger de la chair d'ei. faut,
eux à qui il n'est pas permis de toucher au
sang de^ bêles ? Cette coutume, autorisée par
une loi de» apôtres, a été, durant quelque
temps, en vigueur dans l'Eglise. Il est très-
probable que sainte Biblis fut du nombre de
ceu.v qui moururent dans les prisons, d'épui-
seiiient et de misère. La let.re des chrétiens
de Lyon, qui dit que beaucoup moururent
ain>i, ne dit plus lien de sainte Biblis.
BIENHEUBÉ (saint), confessa la foi de Jé-
suS-Christ à Vendôme. On n'a aucun détail
sur l'époque et les circonstances de son
martyre. L'Eglise célèbre sa sainte mémoire
le 9 mai.
BIÉiMECKA (Thérèse), l'une d^s religieu-
ses "16 tsaint-Ba.-ile établies à Minsk, en
Li huanie, et connues sous le nom de Filles
de la Sainte-Trinité, qui furent ex; ulsées de
leur couvent, et livrées aux persécutions les
plus violentes, dans le courant de l'an née
1837, par le czar Nicolas et Siemaszko, évê-
(\iUi schismatique et apostat. On les avait
renfermées dans un couvent enlevé à d'au-
tres religieuses, pour pass(;r entre les mains
d'une communauté de (IziMniee ou Filles-
Noires, recrutées jiarmi les v(uives de sol-
dats russes et les hlles de mœurs déréglées.
Ces lilles passaient leur temps à s'injurier,
il se battre et à s'iaiivrer avec de l'eau-dcj-vie.
Elles tenaient les Basiliennes sous uni; si
rude discipline une l'infortunée Thérèse
Biéniecka devint rolle. Elle vécut six mois
dans ce triste état. De tem[)S en temps, tom-
bant dans une es èce d'extase, elle tirait un
jielit crucilix <ie son sein, et chantait les
louanges du Seigneur. Les Filles-Noires, qui
n'osai nt l'approcher dans ses accès de
folie, profitaient de ces instants d'extase
pour la maltraiter. Un jour, ses compagnes,
rentrant après le travail de la journée, la
trouvèrent morte et baignée dans son sang.
Elle mourut probablement de la main de ces
infâmes persécutrices. {Voy. l'art. Mieczys-
LAWSKA.)
BITHYNIE, contrée de l'Asie Mineure,
qui, a['iès la mort de Nicomède III, devint
province romaine. Sous l'rajan, elle eut pour
proconsul Pline le Jeune, qui persécuta vi-
vement les chrétiens. On ignore les noms de
ceux qui jiérirent alors pour la foi; mais il
est certain qu'il y en eut un grand nombre. Les
progrès du christianisme avaent été grands
et rapides dans cette contrée; car Pline écri-
vait à Trajan : « Non-seulement les villes,
mais encore les bourgades et les campagnes
sont infectées de la contagion de cette su-
perstition. » {Voy. TuAJAN.) Cette province,
sous le règne de l'empereur Dèce, vit le
martyre des saints Lence, Thyrse et Calli-
nique, qui sont très-célèbres dans l'Eglise,
quoiqu'aucune histoire authcnùque ne soii
parvenue jusqu'à nous. Ces trois saints sont
honorés le 28 janvier.
BLAISE (saint), reçut la couronne du
martyre à Sébaste , en Arménie , en l'an
de Jésus-Christ 316. 11 était évêque de
cette ville. Agricolaûs présidait le tribu-
nal qui le condamna. D'abord, le saint mar-
tyr subit une cruelle flagellation, |)uis fut
attaché à un poteau oii on lui déchira la
chair avec des ongles de fer. Il fut enfermé
dans un cachot, puis jeté dans un lac d'où
il sortit sain et sauf. Eifin , sur l'ordre du
juge, il eut la tête tranchée avec deux en-
fants. Avant lui, sept femmes, qui rei.ueil-
laient le sang qui dégouttait de ses plaies,
furent prises comme chrétiennes, horri-
blement tourmentées , et enfin décapitées.
Ces détails sont pris dans le Martyrologe
romain; quant aux actes du saint, il nous
est impossible d'y ajouter foi. Bollandiis
lui-même, en les donnant, les critique:
c'est critique double. On sait avec quelle
facilité Bolhindus admet en général de pa-
reil^ documents. La fête de saint Biaise est
célébrée par l'Eglise le 3 février.
BLAISE (saintj, martyr, reçut la couronne
de combattant de la foi à Véroli, avec saint
Démètre. Le Martyrologe romain ne donne
^
BLA
BLA
468
aucun détail sur les circonstances et l'épo-
que de leur martyre. L'Iij^Iise célèbre leur
sainte mémoire le 29 novembre.
BLAITHMAC (saint), martyr, était fils d'un
roi d'Irlande, et devint abbé d'iui monastère
fondé dans l'île d'Hy, en Ecosse. 11 fut mar-
tyrisé en 793, par di-s pirates danois, pour
avoir refusé de leur livrer les trésors de
l'église. L'EJise célèbre sju illustie mé-
moire le 19 janvier
BLANC-MARIE, religieuse du Saint-Sa-
crement de Bolène, périt sur l'échafaud le
Sjuiilel 179i, avec Elisabeth Peleysier et Ro-
salie Bès, du môme ordre, et Marguerite Ba-
vasre, ursuline au Pont-Saint-Esprit.
BLANDE (sainte), Blanda, martyre, femme
de saint Félix, fut martyrisée avec lui h
Rome, sous l'empereur Maximin I". Ils
eurent pour compagnons de leur martyre
saint Simplice, sénateur, avec sa femme, ses
enfants, et soixante-huit personnes de sa
famille. {Voy. Simplice.) Les tèies de tous
ces saints martyrs furent exposées sur les
portos de la ville, pour servir h eifrayer les
autres chrétiens. L'Eglise C('lèbre la fêle de
tous ces saints martyrs le 10 mii. Ce>t au
Martyrologe romain que nous empruntons
cette narration.
BLANDINE (sainte) , simple esclave de
Lyon, eut le bonheur, durant la persécution
de rem[)ereur Marc-Aui-èle , de combattre
glorieusement et de donner enfin sa vie pour
la foi, en compagnie de sainte Bblis et des
saints Pothin , Sanctus , Mature, Attal.- et
autres, qui ouvrirent si glorieusement la voie
oii devaient entrer plus tard l.'S martyrs de
l'Eglise de France. « Jésus-Christ voulut fa re
voir en la personne de cette saint(! que ce
qui paraît vil aux yeux des hjmmes mérite
souvent que Dieu l'honore lui-même, parce
qu'il y voit une charité ardente et soiide ,
qui, se souciant peu d'éclater au dehors par
une vaine apparence, se réserve toute [lour
Quelque action héroïque. Nous étions saisis
'appréhension pour elle ; et surtout sa
maîtresse, qui combattait elle-même vail-
lamment parmi les autres martyrs, ne [)Ouvait
dissimuler la crainte où elle était, que la
complexion délicate et le corps faible de son
esclave venant à succomljer sous la viok'uce
des tourments, elle ne man|uAt de force
I)Our confesser Jésus-Christ; mais son grand
cœur soutint de telle sorte la faiblesse de
son corps, que les bourreaux, qui, depuis le
malin jusqu'au soir, s(( relayant sans cesse,
avaient épuisé sur elle tout ce que leur
cruauté leur avait suggéré de supi)lic(îs
différents, se virent contraints de s(î renilre,
et, se confessant vaincus jar une lllle, d'à vouer
qu'ils ne [)f)uvriient concevijir comment une
Ame pouvait restei- dans un corps si déchu'é
et percé de toutes [)arts, un seul dos tour-
ments él,int plus que sudisant [)Our la faire
sortir par tant d'ouvertures. .Mais cette; ad-
mirable c-clavc, ainsi qu'un invincible athlè-
te, l'Oprenait de nouvelles fo ces lorsiju'on
'^^'ang(^•lil de supfdiees; clh? trouviit dans la
confes>ion du nom >acré d'^ Jésus-(>hrisl une
vertu .-.(icrèle, qui la rendait pr.sque insen-
sible h la douleur; elle cessait de souflrir
tout'- les fois qu'elle prononçait ces paroles :
Je suis chrétienne ; non il ne se passe rien de
criminel ))arini nous. » (Kuinart )
Blandine fui jetée avec les autres martyrs
dans une prison obscure, oii elle fut mise
aux ceps, les j-mbes écart 'es jusqu'au cin-
q ième (rou, et là on lui lit endurer les plus
horiiblos s :p|ili.es. Quehjues jours après,
amenée ^ l'ampli itkéatre avec Mature , Sanc-
tus et Attale, elle y fut de nouveau en j'ruie
aux mêmes tourments : ayant et att'.ch'''e à
un poteau , elle f t exposée aux bJ'tes. Au
reste, tous ceux nui combattaient avec elle
reprirent de nouvelles forces, et se sentaient
remplis d'une oi:' siriinturelle en la voyant
à peu près de la même manière que J sus-
Christ le fut à la coix; ils .irèrent un heu-
reux présage pour la victoire de ce que, sons
la figu! e de leur sœur, il leur semblait aper-
cevoir celui (pii avait été crucifié poui' eux;
et ils marchèrent à la mort, persuadés que
quiconque mentt pour la gloire de Jésus-
Christ reçoit une nouvelle vie dans le sein
même du Dieu vi\anl. Cependant, les bô'es
n'ayant osé la tou> her, elle fut détachée et
reeon luite en [irison pour être ramenée au
Combat une seconde fois, et pour achever
d abattre ei.tièrement l'ennemi déjà vaincu
tant de fois. Eidin, le dernier jour des spec-
tacles, Blandine parut encore dans l'amphi-
th 'àtre, accompagnée d'un jeune enfant Agé
d'environ quinze ans, nommé Ponticus. On
les y avait fait entrer les jours |)iécédents ,
a!in que li vue des tourments que les autres
martyrs enduraient fil quelque impression
stir leur es|)iit, et qu'elle les disposAt à faire
ce qu'on voulait d'eux : c'était d ■ jurer par
les i iolcs. Mais comme on vil qu'ils persis-
taient toujours dans leur refus, et qu'ils ne
témoignaient que du mépris pour- ces vains
simulacres, le peuple entra contre eux en
une telle fureur, que, savs avoir é^'/U-d ni à
l'Agiï ni au sexe, on leur fil soulViir toutes
sortes de toiu'iiients , sans leur donner le
lem[)S de respirer; et lorsqu'on les lit passer
d'un supplice h un antre, on coniinuait tou-
jours à les vouloir contraindre île jur. r par
les dieux. Mais leur constance fut insuimon-
table; car Ponticus, souteim par les v,ves et
pressantes exhortations de la sa nie compa-
gne d • ses peines, l'endit son Am ' innocente
au milieu lï^'S tortures. Ainsi Blandine de-
imnira la (hn'nière sur l'are le, (\w paraissait
couverte des corps des autres martyrs et
teinte de leur gi nér(>ux sang. Elle })()uvait
alor^ se reg uder ( omme une nu'Te noble de
nlus.cirs enfants illustres, laquelle, après
l(îs avoir animés au eomlial p u- son exemple,
les envoie devant elle tout brillants de gloire
h la cour du grand lOi; puis se liAlant de
les rejoindre, suit le même chemin où
(ille les a vus marclKT. (U\ eiH dit, h vo r la
joie q d éclatad sur son visage, (pi'elle était
invitée X un baïujuet délicieux, et non qu'elle
allAt elle-même être celui des li^ns et des
ours. Aj)rès doiie, (jue !e> foU' l> eiutnt pies-
(jue acii' vé d'épui-ei' s. s veines du p. u de
sang que les tourments déjà soulfcrls y
J
M»
BOL
BON
170
av<iiont laissé; après (\\\c les botes l'eurent
l(Hi|^teni|)S tniinéc (\<u\s le .sal)h', qii'iilli's lui
«ureiil t'ait autant do- l)l('S^ur•('s qu'elles im-
jjiimèreiit de Inis leurs duTs iii.uririères
dans sa chair tendre et d.'iitate, (slle fui en-
ftTinée dans un rets , et abandomiée à la
merci d'un taureau luiieux. 11 s'en joua
d'abord, il l'eidova (ilusicurs fois en l'.iii';
mais son Ame unie h Jésus-(]lirisl, et toute
possédée de l'attente prooliaine d'iin(! tV;licilé
que sa f ti lui i-UKiitrait |)i'és('nte, rcMulail son
corps insensible. Kniin, connue une victime
pure et obe's^anto , elle tendit la gor,-;e au
couteau qui l'iunnola au Dieu qu'elle adorait.
Jamais femme, ue l'aveu même d -s païens ,
lie soutl'rit ni tai tde lourments ni de si cruels.
BLASTE (saiiit), et ses C(>m;)agnons fur-ent
martyrisés à Home sous Claude 11 dit le
Gothique, en 209. Ce saint était tribiin. Il
fut envoyé auxiiiines avec deux cent soixante
des soldats qu'il commandait. Or, le nouvel
empereur, voulant fêter dignement le dieu
Mars, choisit pour cela le [jremier jour du
mois qui lui était consacré , et fit venir à
-Rome saint Blaste et ses soldats. Ils travail-
laient aux mines sur la voie Salaria. Claude
les tu tuer à coups de flèches dans ramplii-
théAtre , [)Our l'amusement du peuple. On
brûla en grande partie leurs corps, dans une
forge. Les chrétiens recueillirent ce qu'ils
purent de ces restes précieux, et les ense-
velirent dans un tombeau commun sur cette
-même voie Salaria, premier lieu oii ils souf-
frirent pour la foi. Ce tombeau a gardé le
nom de saint Blaste. L'Eglse vénère la mé-
moire de tous ces saints le 1" mars.
BLEiVLVlIENS, pea|)le sauvage d'Ethiopie
qui, en l'an 373, massacra les solit.iires de
-Raïthe. {Voy. Martyrs de Kaïthe et de Sinaï.)
BLENDE (le bienheureux Barthélémy de),
missionnaire de la Compagnie de Jésus, s'em-
-barqua à l'Assomption le 2i juillet 1715, avec
le P. Arcé. ils remontèrent ensemble le Pa-
raguay jusqu'au lac Manioré et là se quittè-
rent. Pendant l'absence du P. Arcé, l'équi-
page de la barque , rebelle aux ordres du
P. de Blende , avait voulu reprendre le
chemin de l'Assomption, et les Paya^^uas les
ayant surpris, avaient massacré l'S matelots,
et après avoir fait subir le môme sort au
missionnaire, ils avaient précipité son cada-
vre dans le fleuve. On peut voir au titre du
P. Arcé comment lui-même, à son retour, fut
-massacré par les meurtriers de son compa-
gnon. Le martyre de ces deux saints mis-
sionnaires arriva l'an 1718.
BOLINGBROKE (Henri- Saint-Jean, vi-
comte de), naquit en 1672, d'une noble et riche
famille anglaise. Il tit d'excellentes études ,
, montra de bonne heure de très-grands ta-
lents, et eut une jeunesse fort débauchée.
Mieux eût valu pour lui que les f lutrs de sa
jeunesse eussent été plus grandes, et qu'il
n'eut pas laissé ces œuvres posthumes qui
ont légué le crime à sa mémoire, à son éter-
nité. Il devint d'abord membre do la chambre
des Communes, et fut bientôt après nommé
secrétaire d'Etat. Promu à la pairie, il fut,
-avec beaucoup d'éclai, ministre de la reine
Anne. Comme tous ceux dont la fortune
mon'c haut et vite, Holii^broke tomba (;n
disgiAce. Il a successivement publié un grand
nombre d'ouvrages pliilosophi(jU(i liislori-
(|U''S et poliiiqu s. L'iiiéli^ion se montre h
chaque page;. Ce qu'il a fait d(! |»lus impor-
tant coiuiiK! Qïuvrc ph;losopliiqu(! , a jiaru
sius le t ti'0 d'Essais. L'u » de ci;s Essais,
dit m')nsei,:;'^eiir Bouvier (/A/.sf de Inpinlos.,
vol. II, |). 210), roule sur la nature, reten-
due (îl 11 vériié de la connaissance humaine.
L'aut(Hir, a (uk ttant rcx|)érience ac(|uise par
les sens comme f)remièie base des sciences,
se moque des jihil isophes antérieurs , qui ,
depuis IMatonjustprà Malebraiiclie.ont voulu
faire des démonstrations a priori. Il déclare
que nous devons douter de tout, si nous
ne nous tenons pas aux démonstrations
a posteriori. Il démontre de la sorte l'exis-
tence (le Di 'U, ' t dit que nous connaissons
la nôtre par intuiiio'i. C'est ainsi qu'avait
raisonné Locke. Bolinghroke, au reste, le re-
connaissait poui' son modèle.
Le second l'ssai a f)Our(»bjet la folie et les
prétentions des philosophes dans les efforts
qu'ils ont faits ju-quici [)Our corriger les
a()us de la raison humaine. Bolingbroke les
tourne en ridicule et leur applique ces mots
de Buchsnnn, poète écossais du xvi' siècle :
Gens ratione furens. Le mo,en d'éviter cette
démence philosophique est de consulter
l'expérience, de ne rien affirmer au delà de
ce qu'elle constate, et de ne jamais se fier aux
subtiles spéculations de l'e-prit. Bolinghroke
comparait ces visionnaires métaphysiciens à
un fou de Bicêtie, qui, ne voulant croire qu'à
ses idées, s'imagina être le Père éternel.
Il mourut en 1751, âgé de quatre-vingts
ans. Ses œuvres complètes, q'ii parurent en
1753, ( n révélant les plus violentes a taques
contre le christianisme, contre la morale
et contre l'odre f)ublic , excitèrent une ru-
meur générale d'improbation.
Cet i.omme, fétiche de Voltaire, a été assez
loué par cet écrivain pour qu'on puisse se
dispenser de lui infliger une autre critique.
Quand on voit ce vieillard de quatre-vingts
ans chargeant son avenir d'œuvres posthu-
mes détestables, ne semble-t-il pas voir un
vieux criminel empoisonner, à l'instant de
mourir, les sources d'eau vive où les sur-
vivants viendront puiser? Il semble que Bo-
linghroke ait voulu forcer la justice de Dieu
à lui être sévère pav delà la tombe.
BOLOGNE, ville de l'Etat ecclésiastique,
chef-lieu de la légation ue Bologne, a été il-
lustrée par l'exil qu'y vint jiasser l'évoque
saint Eusèbe, par l'ordre de l'empereur
Constante.
BON (saint), prêtre et martyr, fut couron-
né à Rome, sur la voie Latine, avec les saints
Fauste et Maur, et neuf autres dont nous
ne connaissons point les noms. Leur martyre
est ra' porté dans les Actes du pape saint
Etienne. Ils sont honorés dans l'Egiise le 1"
août.
BONIFACE (saint), martyr, répandit son
sang pour la défense de la foi, à Rome, avec
ses compagnons saint Galliste et saint Félix.
471
BON
BON
47-2
Le Martvrologe romain ne donne aucun dé-
tail sur l'époque et les circonstances où eut
lieu leur martyre. L'Eglise célèbre leur
sainte mémoire )e 29 décembre.
BONIFACR (saii)t) , mourut pour la foi
avec sainte Thècle, sa femme, à Adrumète,
ville d'Afrique. Ces deux saints eurent douze
enfants qui furent martyrisés. Le Martyro-
loge romain ne donne aucun détail sur l'é-
poque et les circonstances de leur martyre.
L'Eglise les honore le 30 août.
BONIFACE (saint), martyr, mourut pour
la foi en l'an de Jésus-Christ 306. Ses Ac-
tes authentiques sont pris en entier dans
Fleury.
Il y avait à Rome une femme puissante
nommée Aglaé, fille d'Acace, qui avait été
pioconsul, de race de sénateurs ; elle avait
donné trois fois les jeux publics à ses dé-
pens, à Rome. Elle avait soixante-treize in-
tendants pour gouverner son bien, et un au-
dessus de tous, nommé Boniface, avec le-
quel elle entretenait un commerce criminel.
Il était adonné au vin et à toutes sortes de
déiiauches; mais il avait trois bonnes (]uali-
tés, rhos[)italité, la 1 béralité et la compas-
sion. S'il voyait un étranger ou un voya-
geur, il le servait avec toute sorte d'atfec-
tion. La nuit, il allait par les places et par
les rues, et donnait aux pauvres ce dont ils
avaient besoin. Après plusieurs an-iées ,
Aglaé, touchée de componction, l'appela et
lui dit : Mon frère Bi.niface, tu vois en quels
pécliés nous sommes engagés sans songer
qu'il faudra nous présenter devant Dieu et
lui rendre compte de ce ([ue nous avons fait
de mal on ce monde. J'ai ouï diie aux chié-
tiens que si qucltju'un sert les saints qui
combattent pour Jésus-'.hrist, il aura part
ave; eux au jour du terrible jugement de
D eu. Je viens aussi d'apprendre que les ser-
viteurs ue Jésus-Ciirist combattent contre le
d 'mon on Orient et livrent leur corps aux
toui-ments pour ne point nier Jésus-Clirist.
\'a donc et nous a ijorte des reliques des
>;iiijts m irtyrs , afin que nous les servions,
(pie nous leur b;1ti-sions des oratoires dignes
ij'eux, et que j)ar leui- moyen nous soyons
sauvé-, nous et plusieurs autres.
Bon face prit (luantité d'or pour ache-
ter dos reliques et pour donner aux pauvres,
avec douze clievaux, trois litières et divers
parfums pour honorer les martyrs. En par-
tant, il lit à sa maîtresse par plaisanterie :
Madune, si je Irouve des reliques des mar-
t rs, je I s ap) orlerai; mais si mes reliques
vienne.. t s .us 1 nom de martyr, recevez-les.
Aglaé lui dit : Quit'e tes folies, et .songe <pie
t , vas quérir de-^ relicpn'S des saints martyrs.
Pour moi, |)auvre pécheresse, je t'a' tends
dans peu, et je prie le Dieu tout-puissant, (pii
a pris pour nous la forme d'esclave et réj)andu
sou sang pour le salut du {^(mvit humain,
d'envoyer son ange devant toi, ûo, conduire
les pas [)ar sa miséricorde et d'acconmiir
mes désir,-» .sans considérer mes péclié.s. Bo-
iiil' ce partit, et par le cheniiin il disait en
lui-in(^me : il est juste (luo je ne mange
j^oinl de chair et que je ne boive point du
vin, puisque, tout indigne et tout pécheur
que je suis, je dois poiter les reliques des
saints martyrs; et levant les yeux au ciel ,
il dit : « Seigneur Dieu tout-puissant. Père
de votre Fils unique, venez à mon secours et
conduisez mon voyage, afin que votre nom
soit glorifié dans tous les siècles. » A])rès
Suelquesjours de chemin, il arriva à la ville
e Tarse, et, sachant qu'il y avait des mar-
tyrs qui combattaient, il dit à ceux qui l'ac-
compagnaient : Mes frères, allez chercher
une hôtellerie et faites reposer les chevaux ;
je m'en va's voir ceux que je désire le plus.
Etant arrivé au lieu du combat, il vit les
m.- rtyrs dans les tourments. L'un pendu la
tête en bas et du feu dessous ; un autre
étendu à quatre pieux ; un autre scié par
les bourreaux ; un autre avait les mains
coupées ; un autre, ayant un pieu fiché dans
la gorge, était ainsi cloué à terre ; un autre
avait les pieds et les mains renversés et at-
tachés par derrière, et les bourreaux le frap-
paient à coups de bAton. Ils étaient jusqu'au
nombre de vingt hommes, et leurs tour-
ments faisaient grande hori eur aux specta-
teurs. Boniface s'approcha des martyrs, et
les baisait en criant : Qu'il est grand le Dieu
des chrétiens, qu'il est grand le Dieu des
saints martyrs. Je vous prie, serviteurs de
Jésus-Christ, priez pour moi, afin que j'entre
en [tart avec vous au combat contre le dé-
mon. Il s'assit à leurs pieds, et embrassait
leurs liens, les baisant et disant : Combat-
tez, martyrs de Jésus- Christ ; foulez aux
pieds le démon ; un peu de patience, le tra-
vail est petit « t la récompense est grande.
Le gouverneur, jetant les .yeux sur le peu-
ple, l'aperçut et dit : Qui est celui-là qui se
m'Kjue ainsi de moi et des dieux? Qu'on
l'amène à mon Irbunal. Puis d dit : Dis-
moi, qui es-tu, toi tjui méprises la splendeur
de mon siège ? Boniface dit : Je suis chré-
tien, et ayant Jésus-Christ pour maître, je
vous méjinse, vous et votre tribunal. Le
gouverneur dit : Comment t'appelles - tu ?
Boniface dit : Je vous l'ai d'^jà dit, je suis
chrétien ; mais si vous voulez savoir mon
nom vulgaire, on m'appelle Boniface. Le
gouverneur dit : Avant que je te touche les
côtés, approche et sacrifie. Boniface dit : Je
vous ai déjà dit plusieurs fois que je suis
chrétien, d que je ne sacrifie point au dé-
mon. Si vous voulez faire (juelque chose ,
faites, voilà mon corps devant vous. Le gou-
verneur, en colère, fit aiguiser des roseaux et
les lui fit enfoncer sous Tes ongles des mains.
Boniface regardait le ciel et soulfiail patiem-
ment. Ce (jue voyant le gouverneur, il com-
manda (ju'on lui ouvrît la bouche et (pi'on
y versAt du plomb bouillant. Avant (pi'on le
fît, Boniface, regardant au c;el, lit celte
j)rière : Je vous rends grAces, Seigneur J6
sus-Cluist, Fils de Dieu ; venez au secours
de votre serviteur, soulagez-moi dans ces
peines , et ne [)ermetlez jias que je sois
vaincu par cet infrtmc gouverneur. Vous sa-
vez ;pie c'est pour votre nom que je souffre.
Ayant achevé sa prière, il cria aux autres
martyrs : Jo vous prie, serviteurs do Jésus-
473
BON
BON
474
Christ, priez pour moi. Los martyrs dirent
tous d'utio voix : Notre - Soii;;nuur Jésus-
Christ lui-môme enverra son ange [tour vous
délivrer de cet infAme ; il achèvera dans peu
votre course et placera votre nom entre les
premiers-nés. Après qu'ils eurent achevé
leur [)rière et dit atncn, le |)euple se mit à
p'eurer et cria h haute voix : 11 est grand
le Dieu des chrétiens, il est grand le Dieu
des martyrs; Jésus-Ciirist, Fils de Dieu, sau-
ve -nous. Nous croyons tous en vous , et
nous avons recours à vous ; anathème aux
idoles des gentils. Alors tout le {»euple cou-
rut renverser l'autel et jeter des pierres
au gouvirneur, qui s'enfuit effrayé de ce tu-
multe.
Le lendemain, il s'assit sur son tribunal,
fit amener Boniface et lui dit: Misérable,
d'où te vient cette fureur de mettre tes espé-
rances en un homme, et un homme quia
été crucifié comme malfaiteur ? Boniface
lui dit : Tais-toi , n'ouvre pas tes lèvres in-
fAmes pour nommer Notre-Seigneur Jésus-
Christ , serpent dont l'esprit est ténébreux ,
qui as vieilli en de mauvais jours. Malheur
à toi, car Jésus-Christ , mon maître, a souf-
fert pour sauver le genre humain. Le gou-
verneur irrité commanda que l'on emplît
une chaudière de poix, et que, quand elle se-
rait bouillante, on y jetât Boniface, la tête la
Ïiremière. Le martyr, ayant fait le signe de
a croix, y fut jeté. Maïs un ange descendit
du ciel , et toucha la chaudière qui fondit
aussitôt comme la cire devant le feu. Elle ne
fit point de mal à Boniface , mais elle brûla
plusieurs des ministres. Le gouverneur, épou-
vanté de la puissance de Jésus-Christ et de
la patience du martyr, commanda qu'on lui
coupAt la tête avec l'épée, disant : Nous or-
donnons que celui qui n'obéit pas aux lois
des empereurs souffre la peine capitale. Les
soldats le tirèrent prompteraent du tribunal.
Le martyr, ayant fait le signe de la croix ,
pria les bourr aux de lui donner un peu de
temps pour prier, et se tenant debout, tourné
vers l'orient , il dit : « Seigneur Dieu tout-
puissant , Père de Notre-Seigneur Jésus-
Christ, venez au secours de votre serviteur;
envoyez votre ange et recevez mon âme en
paix, afin que le dragon meurtrier ne lui
puisse nuire. Mettez-moi en repos avec le
chœur de vos saints martyrs et délivrez votre
peuple de cette oppression des impies. Car, à
vous appartiennent l'honneur et la puis-
sance avec votre Fils unique et le Saint-Es-
prit dans le siècle des siècles. Amen. » Ayant
achevé sa prière, il fut exécuté, et il se fit
un grand tremblement de terre, en sorte que
tous s'écrièrent : Il est grand le Dieu des
chrétiens , et plusieurs crurent en Jésus-
Christ.
Cependant les compagnons de Boniface le
cherchaient partout, et ne le trouvant point,
ils se disaient l'un à l'autre : 11 est à présent
dans un cabaret ou ailleurs à se réjouir, tan-
dis que nous nous tourmentons a le cher-
cher. En discourant ainsi, ils rencontrèrent
le frère du geôlier, et lui dirent : N'avez-vous
point vu ici un étranger venu de Rome? Il
leur répondit : Hier, il y eut un étranger qui
fut martyrisé pour Jésus-Christ, et il eut la
tête coupée. Et où est-il , dirent-ils ? Il ré-
pondit : Dans l'arène , et ajouta : Comment
est -il fait ? Ils dirent : c'est un homme
carré , épais , blond , qui porte un man-
teau d'écarlate. Il dit : Celui que vous
cherchez soullVit hier le martyre. Ils réjtoii-
dirent : Celui (|ue nous cherchons est un
ivrogne et un débauché qui n'a rien de com-
mun avec le martyre. 11 leur dit : Que vous
coûtera-t-il de venir jusqu'à l'arène et de le
voir ? Ils le suivire;it et il leur montra son
corps étendu. Ils le [trièrent de leur montrer
aussi sa tête: ill'allaquerir et la leur ap[)orta.
Le visage du martyr, étant présenté à ses
com[)agnons , se mit h rire par la vertu du
Saint-Esprit. Eux, l'ayant reconnu, pleu-
rèrent amèrement en disant : Ne vous sou-
venez pas de notre péché et du mal que nous
avons dit de vous, serviteur de Jésus-Christ.
Et ils dirent à l'officier: Voilà celui (}ue nous
cherchons, nous vous prions de nous le don-
ner. I) refusa de le leur donner gratuitement.
Ils lui en payèrent cinq cents sous d'or et
l'emiiortèrent. Ils l'embaumèrent, l'envelop-
pèrent de linges précieux, le mirent dans
une des litières et reprirent leur chemin avec
joie, louant Dieu de l'heureuse fin du saint
martyr- Cependant un ange apparut à Aglaé
et lui dit : Celui qui était votre esclave est
à présent notre Irère , recevez - le comme
Notre-Seigneur et le placez dignement, car
tous vos péchés vous seront remis par son
intercession. Elle se leva promptement et
prit avec elle des ecclésiastiques pieux. Ainsi,
faisant des prières avec des cierges et des
parfums , ils allèrent au-devant des sairites
reliques, qui furent mises à cinquante stades
de Rome, et elle y fit bâtir un oratoire digne
du martyr. Il s'y fit plusieurs miracles : les
démons y étaient chassés et les maladies
guéries. Saint Boniface souff it le martyre à
Tarse, métropole de Cilicie, le quatorzième
de mai , et fut enseveli à Rome le sixième
de juin. Aglaé renonça au monde, donna
tout son bien aux pauvres, etafl'rancnit tous
ses esclaves, retenant seulement quelque peu
de ses filles qui renoncèrent au monde avec
elle. Elle se consacra a nsi au service de
Jésus-Christ, et lui devint si agréable q.u'elle
chassait les démoiis etguérissait toutes sortes
de maladies par ses prières. Elle vécut en-
core, dans les exercices de [3iété, treize ans,
après lesquels elle s'endormit en paix, et
fut enterrée auprès de saint Boniface.
BONIFACE (saint) , [lape et confesseur,
succéda à Zozime sur la chaire de saint Pierre.
Il fut élevé à cette dignité le 29 décembre
418, malgré sa volonté, comme on le voit [:ar
la relation de son élection, que le clergé
de Rome envoya à l'empereur Honorii.s.
Soixante-dix prêtres et neuf évêques confir-
mèrent son élection. Cependant, plusieurs
évoques à qui son élévation avait déplu,
firent un pape de leur côté et donnèrent le
sceptre de saint Pierre à Eulalius : de là na-
quit un schisme dans l'Eglise. Symmaque,
préfet de Rome, protégeait l'intrus. 11 écrivit
47$
BON
BON
479
à l'empereur tout ce qui se passait, pr(''Son-
tanl les choses loul à ravintag" d"Eul tlius;
il ajouta à cela un acte cpii donnait à eiiten-
dr.' que gé léralenient tout le monde récu-
sait Boniface. Tromnc' par cette f lusse rela-
tion, Uonoriu'N ordoMna que Boniface fiU
chassé de la ville. Ceux de la coniuiunioiide
Boniface, voyant que reni])ei-eur av lit été
trompé, lui adressèrent une requête pour lui
ouvrir les yeu\, La re(}uéle des prêtres de
Rouie fit tout IV'tl'et qu'on en attendait. L'em-
pereur or loiHia (|ue B miface et Eulalius se
trouvasse il, le 8 février, ;\ Kavenne, où il ré-
sidait, av 'C ceux qui les avaient respective-
ment élus, déclarant que celui ipii man(}ue-
rait se déclarerait par là-niéme coupable.
A l'époque désignée, le coicile s'assembla;
mais connue les évèques q.ii le coiuposaie it
étaient partagés sur liirérentos difiiculiés, el
3uela fèiede Pâques réclamait chacun d'eux
ans son église, on résolut d'attendre qu'oi
pût assembler a{)rès P'.ques un plus gr.nd
concile où l'on mand rait même les évèques
des Gaules et d'Afrique. L'évèque de Ra-
veune d fendit (ju'aucun des deux [iréten-
dants n'entr.U dans Rome, de peur d'exciter
une sédition [lariui le peuple. L'empereur
confirma la d fense elles deux [tapi-s y con-
sentirent. De plus, comme on ne pouvait se
passer à Rome d'un évê |ue (jui y célébrât
la fête de Pâques, et que Boniface ni Eulalius
n^ pouvaient s'y rendre, on choisit pour
cela Aciillée de S.iolète. Jommjnous l'avons
vu tout à l'heure, le synode de Raven le avait
ordonné que Bonifa(;e et E ilalius s'abshen-
draienl d'entrer à Rome jusqu'au {irocliain
coiicih", qu'on devait assembler après les
fêles d ' P<iques, el dan-; lequel on déciderait
fie leuis droits à la pd[)aulé. Cependant Eu-
lalius, v.olantla paruk' domée, vint à Rome
le 18 mars, el y cnlraen plein midi. I; sotde-
va des esclaves, excila ses partisans, et quand
Aciiiliée ueS[)olète sepiésenta lans la vide en
veitu des {;ou\oirs (jui 1 i avaient dé citnf''-
rés parHonorius, la sédition éclata. Symma-
quequi, auforldu timulte avait été lui-même
exposé, éciivil l'aU'aiie ■ l'euipereur, qui or-
donna qu'Eulalius sortît à l'insi.uil de Home
s'il voulait conseiver quehjue chance de
réussiîe dans le concile (lui dev iit décider
bientôt entre lui et son anlagoni-te; qui' s'il
refusait d'obéir, il ])Ouirait bien être puni
du dernier supplie-. E lalius refusa d'obéir
et Se relira dans la bisili(|ue de »,atran;mais
il en fut chassé el contraint de sortir e la
ville. Aussilùl qu'Honorius fui instruit de
tous ces div rs in.idenls, il déclara qu'Eu-
lalius s'étant condamné lui-même en vio-
lant la scntcnice du concile el sa propre pa-
role, il était déchu des droits qu'il |)ouvait
avoir au saint-si('ge, et (jue Bonifaci! j>ril >a
place sairs aucune autre contestalii^u. Le,
|)(.'uple fut l'.nqiii di; joie et alla au-devanlde
Bonira{:(; (|;ii fut installé à Rome sans nulle!
ddiieiiilé. .Vinsi se leiMiina le i'uiK sle schisme
«jui men.içail do désoler l'Eglise. Ce saint
pape monna un grand /.èhi ccjutre l(!s péla-
gieiis el témoigna sa grande con>idérat:on
l»Our saiiii Au^usliii uui lui adressa (lUt.lre
livres contre Pelage. Il mourut vers Iflf fin de
l'année '*12 et fat enterré dans le cimetière
de Sainte-Félicité sur la voie Salaria. 11 est
iusciit au .M,u'tyro!oge romain le 25 octobre.
BONIFACE isaint), martyr, reçut illii la
palme du martyre vers l'année 4-83, dans la
perséculinn que Hunéric, roi des Vandales
en Afrique, suscita aux calholiipies dans la
septième ann-'C de son règne. Le lecteur ea
trouveia l 'S détails à l'article Lihéuat.
BONiFACE (saint I, archevêque d ■ Mayenc&
et mart , r, naipiit à Wessex ou h. Kiibjn, dans
le comté de Devonshire, vers l'an G80. il fut
b ptisé sous le nom de Winfrid, et dès sa
plus lendr»i enfance il embrassa la vie mo-
nisti |ue, ou du moins il manifesta dès lors
la vocation qu'il suivit toujours depuis. Ce
fut dans un mon;!Slère situé au lieu où est
aujouidliui la ville d'Exeler, qu'il entra en
relgion. Ensuite il (lassa dans le monastère
de Nuscelle, où les éludes étaient meilleures..
11 y apprit la grammaire, la joétique el les
interprétations de l'Ecriture sainte, tant dans
le sens historique el littéral, que dans les
sens spirituels, et fui ei'suite lui-môme ejj),-
ployé cl les enseignn'. Son abbé le (ii ordun-
ner prêtre à l'Age de trente an-, vers l'an sept
cent dix, après quoi il commença avec un
grand zèle à instruire les peu/ies et travail-
ler au salut des âmes. Une affaire pressée
ayant obl'gé les évoques de la province à te-
nir un concile, sans attendre les ordres de
Brituald, archevêque de Cantorbéry on lui
envoya, avec la [lermission du roi Ina, le
prêtre SVinfrid pour lui en rendre compte,
et depuis ce temps les évoques l'appelèrent
souvent aux conciles.
Loin de se plaire à l'estime qu'il avait ac-
quise, il résolut de quitter son pays pour
travailler h la conversion des infidèles; et
ayant obtenu avec peine le consentement de
son abbé el de la communauté, il partit ac-
compagné de deux autres moines et pas.sa
en Frise, vers l'année sept cent s. ize. Mais
il y irouvala guerre allumée entre Charles»
jirince des Français, el le roi Ratbod qui avait
rétabli l'idol.Urie dans la Frise, auparavant
sujette aux Français, et persécutait les chré-
tiens. Winfrid vint à Utrecht lui parler; mais
voyant qu'il n'y avait rien à faire pour la re-
ligion dans ce pays, il repassa en Angleterre
avec ses compagnons et retourna au monas-
tère de Nuscelle.
Le roi des Frisons avait écouté les instruc-
tions de saint Vulfran el était prêt à recevoir
le baptême. Il entrait déjà dans les fonts,
(piatid il conjura le saint évêque de lui dire
où était le |)lus graïul nombre des rois et des
j)rin(;c's delà nation des Fi'isons, s'ils étaient
au paradis (ju'il lui promettait ou dans l'en-
fer dont il le meiiaçail. « Ne vous y troui-
p(;z fias, seigneur, dit saint Vulfran, les
princes, vos prédécesseurs, qui sont morts
sans baptême, sont certainement damnés;
mais quicoïKjue cro radt'soriuais et sera bap-
tisé, sera dans la joie éternelle avec Jésis-
(^lirisl. Alors Katbod rinira It^ pied des fonts
ba,)ti-maiix (?l dit : Je ne puis me résoudre
à (luilicr la compagnie dus princes, musprô'
477 BON
déeo.ssours, i)Our ddiuourer avec un petit
nombre de i)auvro.s dans le ro.vauuiu célcslc.
Jo ne [)uis .;roiiT ces nouveautés, et j'ainio
mieux suivre les anciens usat:;i'S de ma na-
tion. Quoi que lui put dire sai-it N'iiHV.iii, il
demeura dans son opiniillrelé, tandis que
l)lusieurs Frisons se eonvertissaienl.
Il ne laissa pas ensuite de demander saint
Vdiebrod, qui prêchait dans le même pays,
pour ](> consulter avec saint Vullraii v.l Iron-
ver quehiue moyen de se l'aire chrétien sans
quitter sa reli|j;ion. Saint Villebrod ré|ion(lil
à ses i nv :.yés : Après (jue voire priiu;e a m(''-
prisé les avis de notre i'rèic, le saint évé-
que Vidfran, comment reeevra-t-il les miens?
Je l'ai vu attaché celte nuit d'une chaîne ar-
dente, c'est pourquoi je suis assuré (ju'il vA
déjù dans la dannialion éternelle. Saint Vil-
lebrod ayant ainsi pai'lé, ne laissa pas de se
mettre en devoir d'albr trouvr le roi Kat-
l)od ; mais 1 apprit en clu'min qnil était
mort san.> baptènn', et retourna sur ses pas.
C'était l'an sept cent dix-neuf. Quant à saint
VuH'ran , ayant prêché en Frise pendant
cinq ans, il ordonna Géric i)Our son succes-
seur dans l'église de Sens, et retourna dans
l'abbaye de Fontenelle, où il acheva sainte-
ment sa vie, l'an sept cent vingt, le vingtième
de mars, jour auquel l 'Eglise honore sa mé-
moire.
Peu de temps après le retour du prêtre
Winfrid dans son monastère de Nuscelle,
l'abbé mourut, et la communauté voulut le
mettre à sa [)lace ; mais il refusa et s'en
alla à Rome, avec des 1. ttres de recomman-
dation de son évoque. C'était Daniel, évoque
de Wincester, célèbre par sa vertu et sa doc-
trine. Winirid étant arrivé à Rome se pré-
senta au pape Grégoire II et lui expliqua le
désu' (|u'd avait de travailler à la conversion
des inlidèles. Le pape le regaida d'un air se-
rein, et lui demanda s"il avait des lettres de
son évoque. Winfiid tira de dessous son man-
teau une lett.e cachetée pour le pape, et une
autre ouverte, qui était une retîommandation
générale à tous les chrétiens, suivant la cou-
tume d'alors. Le pape lui fit signe de se reti-
rer, et ayant lu à loisir les lettres de l'évê-
que Daniel, il eut [plusieurs conférenc.s avec
W nfrid, en attendant le temps propre pour
5oa voyage, c'est-a-dire le commencement de
l'été. Alors il lui donna des reliques qu'il
demandait, avec une comm ssion de prêcher
j'iîvangile à toutes les nations infidèles où il
pourrait arriv r, les ba^ tiser suivant l'usage
cle 1 Eglise lomaine, et avertir le pape de ce
qui lui serait nécessaire pour l'exécution de
sa commission, i.a lett e est du quinzième
de mai, la troisième année du règne cie Léon II,
indiction seconde, c'est-à-dire l'an sept cent
dix-neuf.
Avec cette lettre , Winfrid passa d'abord
en Lorabardie, où. il fut reçu honorablement
du roi Luitprand. Ensuite il traversa la Ba-
vière et vint en Thurin^e, où il commença
à exercer sa cor mission. Il prêcha aux
grands et aux peuples pour les ramenor à
Jâ connaissance de la vraie religion, altérée
BON
478
et presque éteinte |)arde faux docteurs; car,
bien qu'il y trouvAt des év6(iues et des prê-
ti(!s zélés pour II! service de Dieu, il y en
avait (rauti'(\S(pfi s'étaient ;d)(Uidoiinés à l'in-
eonti'icme, et il lit son [>oss ble par ses ex-
lio' lations pour les ramener à une vie con-
foinu! aux ( anons.
Cependant, ayant appris la mort d(! Ral-
bod, roi des Frisons, il eut une grande joie
d(! voir la porte ouverte en ce pays-là pour
l'EviUigib! ; et il y passa aussitôt pour se-
condei les travaux de saint Videbrod, sous
la protf'ciion du prince Charles,, devenu
maître de la Frise. Il fit part de ces heunu-
ses nouvelles à Bugg, ou Edburge, abbesse
dans le pays de Keiit, la priant en même
temi)s de lui envoyer des actes des martyrs.
Dans sa réponse, l'abbesse le prie d'oU'rir
des m(!sses pour l'Ame dun de ses parents,
et lui envoie c nquaide sous d'or et un ta-
pis d'aulel. Winirid travailla trois ans en
Frise avec saint Villebrod, convertit beau-
coup de peuple, ruina des temples d'idoles
et kltit des églises.
Saint Villebrod, le voyant fort âgé, le choi-
sit pour S0:i successeur ; mais Winfrid s'en
excusa, et comme le saint évoque le {)ressait
fortement, il lui dit enfin que le pape l'avait
destiné aux nations de la Germanie orientale,
et le pria de permettre qu'il exécutât sa pro-
messe. Saint Villebrod y consentit et lui
donna sa bénédiction. Winfrid partit aussi-
tôt, et arriva dans la Hesse, en un lieu ap-
pelé Amanaburch, ou Omenbourg, apparte-
nant à deux frères, qui, portant le nom de
chrétiens, exerçaient l'idolâtrie. Il les con-
vertit et un grand nombre de peuple, et bâ-
tît un monastère dans ce lieu que lui don-
nèrent les deux seigneurs. Ensuite il s'a-
vança aux confins de la Hesse, vers la Saxe,
où il convertit et baptisa plusieurs milliers
d'infidèles.
Après avoir ainsi travaillé quelque temps,
Winfrid envoya à Rome un des siens avec
une lettre où il rendait compte au pape du
succès de sa mission, et le consultait sur
quelques difficultés. Le pape, par sa réponse,
l'invita à venir; il obéit, et arriva à Rome
pour la seconde fois, accompagné de plu-
sieurs de ses disciples. Le pape l'ayant ap-
pris, ordonna qu il fût bien reçu dans la
maison d hospitalité ; puis l'ayant fait venir
à Saint-Pierre, il l'interrogea sur la foi de
l'Eglise. Winfrid lui demanda du temps pour
éi^rire sa -c nfession de foi et la lui apporta.
Le pape la lui rendit quelques jours après,
et l'ayant fait asseoir, l'exhorta à conserver
cette doctrine et à l'enseigner aux autres. Il
passa presque tout le jour à conférer avec
lui, lui faisant plusieurs questions sur les ma-
tières de la religion, et sur la conversion des
infidèles. Enfin, il lui déclara qu'il voulait
le faire évêque pour ces peuples qui n'a-
vaient point de pasteur. Le saint prêtre se
soumit et le jour de l'ordination fut marqué
le 30 novembre 723, fêle de saint André. L'é-
vêquelui changea son nom eesuitc, lui don-
nani celui de Boniiàce. sous lequel il est
plus connu. 11 lui fit l'aire un sermeat, daté
479
BON
BON
480
de la septième année du règno de l'empereur
Léon, indiction sixième, qui est la même
année 723, par lequel il promet de garder la
pun-té de la foi et l'unité de l'Eglise ; de con-
courir toujours avL'C le |)ape, et procurer
ses avantages et ceux de l'Eglise romiine ;
de n'avoir point de communion avec les
évèques qui n'observeront pas les canons,
et les empêcher selon son pouvoir, ou d'en
avertir le pape. Ce serment était écrit de sa
main, et il le mit sur le corps de saint Pierre;
ce qui montre ({u'il fut ordonné dans l'église
du Vatican. Le pape, de son côté, lui don-ia
un livre de canons pour lui servir de règles
dans sa conduite, et le chargea de six lettres :
la première à Charles Martel, où il lui re-
commande l'évoque Boniface, envo^^é aux
infidèles qui habitent la partie orientale du
Rhin; caria domination clés Français s'éten-
dait au delà de ce tleuve bien avant dans la
Ge.rmanie. La seconde lettre est adressée à
tous les évèques, les prêtres, les diacres, les
ducs, les comtes et à tous les chrétiens cjue
le pape exhorte à bien recevoir Boniface et
ceux de sa suite, et lui donner des vivres et
tous les secours nécessaires ; mais il menace
d'anathème ceux qui s'opposeront à son mi-
nistère; elle est datée du 1" décembre 723,
le lendemain de l'ordination de Boniface, et
les cinq autres étaient apparemment de même
date. La troisième lettre est adressée au
clergé et au peuple que Boniface devait gou-
verner, et marque les règles qu'il devait ob-
server dans ses fonctions, nui sont les mê-
mes, mot |)our mot, que celles de l'institu-
tion envoyée en Bavière, l'an 716. La qua-
trième lettre est adressée aux chrétiens de
Tliuringe, et particulièrement à leurs cinq
princes, qui y sont nommés. Le pape les fé-
licite de ce qu'ils ont résisté aux païens qui
voulaient les ramener à l'idokltrie ; les ex-
horte <à la persévérance, à l'attachement pour
l'Eglise romaine, et l'obéissance à Boniface.
La cinquième lettre est à tout le peuple de
Thuringe, c'est-à-dire aux païens que le pape
exhorte à se convertir en recevant les ins-
tructions de Bondace, se faire baptiser, lui
biltir une maison et des églises pour eux. La
dernière est à tout le peui)le des anciens
Saxons ; on appelait ainsi ceux de (lerrnanie,
à la différence de ceux qui avaient passé dans
la Grande-Bretagne. Le [)apc les exhorte à
quitter l'idolAtrie, et leur rccon)mandc Boni-
face. 11 faut croire que ce saint évèque, qui
connaissait le génie de ces [X'uples, avait fait
dresser ces lettres, sachant l'effet (pu; l'on en
devait attendre. {Voij. Fleury, t. 111, p. 59,
60, 61.)
Saint Boniface étant venu en France trou-
ver Charles Martel, ce princ(! lui do'Uia une
lettre de recoMunanlation pour tous les évè-
ques, ducs, comtes, vicaires, doiiiesii(pies (;t
autres olliciers, afin cpi'il piit aller partout
en lil)erlé avec »ine telle sauvfigarde. Il re-
tourna dans la Hcsse, où il trouva encore
beaucouf) d'idolAlres; il y continua ses tra-
vaux avec, inlitiinient do succès. Quehjues-
uu's, qui élaii'iil convertis d(![>uis l'jiigtemps,
lo nriereul d'aballra un arbre de ^randeu^
énorme, qu'ils nommaient le chêne de Ju-
piter parce qu'il était consacré à ce faux
dieu. Un grand nombre de païens s'assem-
blèrent à ce spe:tacle, maudissant celui qui
attaquait ainsi leur culte. L'arbre, ébranlé
des les premiers coups de cognée, se fi-ndit
en quatre parties égales. Tous les assistants,
fra[)pés do ce fait merveilleux, se converti-
rent à l'instant même. Le saint prédicateur
fit construire avec cet arbre une chapelle
en 1 honneur de saint Pierre. Ensuite il
passa dans la ïhuringe, où il parla aux
princes et aux chefs du peuple, les excitant
à revenir à la religion chrétienne qu'ils
avaient abandonnée, car elle y avait été in-
troduite par Théodoric, fils de Clovis, quand
il conquit cette province ; mais l'autorité
des rois de France s'afîaiblissant, la Thu-
ringe avait été opprimée et ravagée par des
tyrans, et le peuple qui restait s'était sou-
mis à la domination des Saxons.
De plus, il y était entré de faux frères qui
introduisirent l'hérésie sous le nom de reli-
gion; on en marque quatre entre les autres,
qui menaient une vie scandaleuse et qui
excitèrent une grande guerre contre saint
Boniface, mais il les repoussa fortement
armé de la vérité. La foi se renouvela et la
moisson fut grande, quoiqu'il y eût peu d'ou-
vriers, encore souffraient-ils une grande
disette des choses nécessaires à la vie, ot ils
se trouvèrent réduits à de grandes extré-
mités ; mais, le nombre des fidèles venant à
croître, le nombre des missionnaires s'accrut
aussi.
On rétablit bientôt les églises, et on bâtit
un monastère à Ordof à cette occasion.
Saint Boniface, prêchant et baptisant dans
la Thuringe, avait fait dresser ses tentes sur
le bord de la rivière d'Or. Une nuit, le lieu
où il campait fut environné d'une grande
lumière, saint Michel lui apparut et l'en-
couragea dans son entreprise. Le matin, il
célébra la messe au même lieu, et, en ayant
demandé la propriété au seigneur à qui il
appartenait, il le défricha et y bâtit une
église en l'honneur de saint Michel, avec un
monastère où les moines subsistaient du
travail de leurs mains.
Sur ces entrefaites , Grégoire 111 étant
monté sur le trône papal, en 732, Boniface
envoya vers lui pour le consulter sur de
nouvelles diflicu tés qui lui étaient sur-
venues. Le pape reçut fort bien ses en-
voyés, et l'établit archevêque primat de l'Al-
lemagne tout (mtière, avec permission d'é-
tablir des évêchés partout où il le jugerait
convenable. En 738, saint Boniface fit son
troisième voyage à Borne. Le j)a|>e le reçut
avec toute la distincliou (]u'il iiu'rilail, et
lui donna le tiln; de légat du saint-siége en
Alleinagiie. 11 revint dans les contrées ilonl
il était lapôtre, établit |)lusieurs évêchés en
Bavière, (pii furent ceux de Frisingen, de
Uatisbonne, d'Erfort, d(! Barabourg depuis
transféré à Pa(leil)orn, à Wurt/bourg, nuis
(;nliu à Hi(hsl(!(lt pour le Palatinat. Après la
moit d.' (Grégoire III, qui eut lieu en nu-
veiubro 7^1, Zacharie monta sur la chaire do
m
BON
BON
m
saint Pierre. Ce dernier pape confirma, rela-
tivetnoiit à Boniface, tout ce qu'avait fait
sou prodécosseur. La révolution qui s'ac-
complit (Ml France h cette époque, après la
iiiuit de Charles Martel, vint luctlre la cou-
ronne sur la tùte d'une autre laniille. Carlo-
iiian, fils de Charles, entra, par héritage ou par
conquôte, en possession de tout le pays où
IJonifaco avait accompli de si grandes choses
pour la foi ; il mit toute sa puissance h le
seconder. 11 lit mettre en prison deux impos-
teurs, Adalberl ol Cément, qui unissaient à
l'hérésie rescroijuerie et le mensonge, et
que saint lioniface avait condamnés dans
un co'icile provincial. Peu après Carloman
ayant embrassé la vie monastique, Pépin le
Bref, son frère, régna d'abord sous le nom
de maire du palais, puis fui élu roi, du con-
sentement unanime de la nation. 11 choisit
Boniface pour le couronner : cette cérémo-
nie se fit à Soissons. Le roi, voyant que le
saint évéque n'avait pas de siège fixe, lui
donna l'évôché de Mayence, que le pape
érigea immédiatement en métropole. Cela
n'était pas nécessaire pour Boniface, puis-
qu'il avait déjà le litre qui était inhérent à sa
personne. Seulement le pape voulut le rendre
inhérent au siège, au |)rotit des successeurs
du saint archevêque ( cela arriva en 751 ).
Le saint archevêque, sachant que la force
de l'exemple devait être immense sur ces
f)euples barbares , fit venir d'Angleterre
des hommes et des femmes recommaii-
dables par leurs vertus, et leur donna la di-
rection des monastères qu'il avait fondés.
Parmi ces hommes furent les saints Wig-
bert, Burcliard, Lulle et Willibaud ; parmi
les femmes, les saintes Liobe, Thècle, "Wal-
burge, Bertigite, Contrade. Qu* Ique temps
après, ayant appris qu'Ethelbard , roi des
Merciens, ternissait son rang par le vice de
l'impureté, il lui écrivit de la manière la plus
forte et la plus pressante pour l'exhorter à
la pénitence.
Bientôt après, ayant appris l'élévation du
pape Etienne II, il lui écrivit pour lui de-
mander la communion du saint-siége , ses
avis et ses protections, à l'exemple de ses
trois prédécesseurs , les deux Grégoire et
Zacharie. Il dit qu'il y a trente-six ans qu'il
est légat du saint-siége, ce qui marque l'an
TSi, à compter depuis l'an 718. 11 ajoute :
Je vous prie de ne pas trouver mauvais que
j'aie envoyé si tard vers vous. J'ai été oc-
cupé à réparer plus de trente églises que les
païens nous ont brûlées. Quelque temps
après, saint Boniface écrivit encore au pape
Etienne en ces termes : « Du temps de Ser-
gius, un prêtre d'une grande vertu, nommé
Villebrod, autrement Clément, étant venu à
Rome, le pape l'ordonna évêque, et l'envoya
prêcher la nation païenne des Frisons. Il en
convertit la plus grande partie pendant cin-
quante ans qu'il y prêcha, ruina les temples
des idoles, bâtit des églises, une entre au-
tres en l'honneur du saint Sauveur, dont il
fVtson siège épiscopal dans la ville d'Utrecht.
11 y demeura jusqu'à une extrême vieillesse,
.substitua un évêque à sa place et finit
3
I
en paix. Carloman, prince des Français, me
recommanda l'église d'Utrecht pour y ordon-
ner un évoque, ce que je ils. Maintenant l'é-
voque de Cologne soutient que ce siège lui
appartient, à cause d'une ])etile église dans
Utrecht, que Villebrod trouva ruinée jus-
qu'aux fondements, et l'ayant fait rebAtir, la
édiaen l'honneurde saint Martin. 11 rapporte
que le roiDagobert avait donné la ville d'U-
trecht avec cette église ruinée à l'Eglise de
Cologne, à condition que l'évêque de Colo-
gne convertiraitles Frisons, ce qu'il n'a point
'ait. 11 ne les a pas môme prêches et ils sont
demeurés j)aïens jusqu'à la mission de Vil-
lebrod. Maintenant la ville de Cologne veut
s'attribuer Utrecht et en supprimer le siège
épiscopal. Je lui ai répondu que la commis-
sion du saint-siége, pour y établir un évoque
qui prêche à la nation des Frisons, était plus
considérable que la fondation d'une petite
église ruinée et abandonnée parla négligence
des évoques de Cologne; mais il n'en demeure
pas d'accord. Ayez donc la bonté de me
mander si vous approuvez ma réponse et de
faire copier dans les archives de cette église
tout ce que le pape Sergius a écrit à ce su-
jet à l'évoque Villebrod; ou si vous en jugez
autrement, me le faire savoir, afin que je
m'y conforma'. » L'évoque de Cologne était
alors Hildoberf, qui venait de succéder à
Hildégaire, tué par les Saxons, auxquels le
roi Pépin l'avait envoyé pour traiter de la
paix. .Ce fut peut-être celte entreprise de
l'évêque de Cologne qui obligea saint Boni-
face à retourner en Frise, bien que chargé
d'années et d'infirmités. Mais il n'entreprit
ce voyage que de concert avec le roi, et
après avoir converti et baptisé en Frise
grand nombre de paieiis, il revient au bout
d'un assez long temps à ses églises de Ger-
manie , la dixième année de :a fondation
de Fulde, c'est-à-dire l'an 754. L'année
suivante, il retourna en Frise, mais avant
que de partir il se pourvut d'un successeur
dans le siège de Mayence et ce fut le prêtre
Lulle, un de ses plus fidèles disciples. Il
était né en Angleterre et avait été moine
dans le monas ère de Maldube, ou Malmes-
bury. Il passa en Germanie, vers l'an 7.32,
avec quelques autres, à la prière de saint
Boniface, pour l'/iider en ses travaux apos-
toliques. Etant déjà prêtre, il fut envoyé à
Rome par saint Bonif ice, vers le pape Za-
charie, en 751, comme il a été dit, et, trois ans
après, ordonné évêque en 75V, suivant la
permission une le même pape avait donnée
à sanit Bonirace de se choisir un successeur.
Pour faire agréer ce choix au roi Pépin,
saint Boniface écrivit à l'abbé Fulrad en
ces termes : « Je ne puis assez vous rendre
grâces de l'amitié que vous m'avez souvent
témoignée dans mes besoins : mais je vous
prie d'achever ce que vous avez si bien com-
mencé, et de rapporter au roi que mes amis
et moi nous croyons que mes infirmités doi-
vent bientôt terminer ma vie. C'est pourquoi
je le conjure de me faire savoir dès à pré-
sent quelle grâce il veut faire à mes disci-
ples après ma mort; car ils sont presque tous
485
BON
BON
484
étrangers : quelques-uns prêtres, rdpandus
en divtTS lieux pour li" service de l'Eglise ;
d'autres sont moines établis dans de petits
monastèies ' ù ils pr ••nient soin d'instruire
les enfants. 11 y a des vieillards qui ont long-
temps vécu avec moi, me soulageant dans
mon travail. Je suis en peine tl'eux tous,
craignant (ju'ils ne se dissipent après ma
mort, et que les peuples qui sont pi-ès de la
frontière des |)aiens ne perdent la foi de Jé-
sus-Christ. (Vest pourquoi je vous demande
pour eux votre conseil et votre protection.
Je vous conjure aussi, au nom de Dieu, de
faire établir mon fils Lulle et mon confrère
en l'épiscopal, pour le service de ces églises,
afin qu'il soit le docteur des prêtres, des
moines et des peuples. J'espère qu'il en
remplira les devoirs. Ce qui me touche prin-
cipalement, c'est que mes prêtres qui sont
sur la frontière des païens mènent une vie
très-pauvre. Ils peuvent gagner du pain,
mais non des habits, si on ne les aide comme
j'ai fait. Faites-moi savoir votre réponse afin
que je vive ou que j*^; meure plus content. »
Saint Boniface ordonna do ic Lulle arciie-
vèque de Mayeiice, du consentement du roi
Pé[)in, des évêques, des abbés, du clergé et
de tous les seigneurs de son diocèse, puis
lui donna ses derniers ordres en ces termes,
étant prêt à partir pour la Frise: « Le temps
de ma mort approche ; achevez, mon (ils, le
bâtiment des églises que j'ai commencées en
Thuringe. Appliquez-vous fortement à la
conversion des peuples ; achevez i'ég ise de
Fulde et m'y faites entenei . Préparez tout
ce qui est nécessane pour notre voyage et
mettez avec mes livres un linceul pour
m'ensevelir. » A ces mots, Lulle fondait en
larmes. SaintBonifacc fit aussi venirl'abbesse
Liobe , et l'exhorta à ne pas quilt(!r le |)ays,
quoiqu'elle y lût étrangère, et ne f)oint so
relâcher dans l'observance de ses vœux, soit
jiar la faiblesse du corps, soit par la longueur
du temps, mais de considérer la récompense
étemelle. Il la recommanda à l'évêque Lulle
et aux anciens du monastère de Fidde (pii
étaieit présents; leur ordonna qu'elle lût
enterrée avec lui dans le même sépulcre, et
lui donna sa cucule.
Lnlin saint Boniface partit et par le Bhin
descendit en Frise, où il convertit et baptisa
j>lusieurs milli(;rs de païens, abattit des tem-
jiles et éleva des églises. Il était aidé par
Jioban, qu'il avait ordonné évêcpie d'Utrecht
après la mort de saint V'illebrod, et par dix
autres comiiagnons, trois prêtres, trois dia-
cres et quatre moines. 11 avait mar(jué un
jour pour la confirmation de ceux qu'il ve-
nait de baptiser, ap|>ar. •minent h PÂ(jues, et
qui s'étaient retirés cliai:uii chez eux. Ln les
attendant, il camj>ait avi-c sa suite sur la
B(>ijrde, livièie (pii séparait alor.>) la Frise
onentale de l'occ. dentale. Le jour venu, on
vit pa/aitre dès le malin non pas les néophy-
tes (jue \'()i\ allendait, mais une li^oupe do
pneus furieux, armés (l'é-ciLs et de lances,
qui foiidironi .sur les tentes du saint évê(juo.
Ses serviteurs soiliient pour les i^epousseï- ù
ujaiu ai'iJK'c ; mais saint Boniface, «yaut oui
le bruit, appela son clergé, et prenant les
reliipies (^u'il porta t to'.ijour.s ave ; lui, il sor-
tit de sa lente et dit à s<>s ,^eiis : Mes eiifanls,
cessez de combaltre; FFcrilure nous apfirend
de ne pas rendi-e le mal pour le mal. Le jour
que j'attends dei)iiis longtemps (Si arrivé;
espérez en Dieu el il sauvera vos âmes
Ensuite il exhorta les prêtres et ses autres
compagnons à se [)réparer coura.;eusement
au martyi'e. Aussitôt les païens les attaquè-
rent enfune, l'épée à la main, et les mir nt
tous h moit; puisj yeux d' l.-ur victoire,
ils co'.nmeiicèrent a piller le camp. Ils em-
portèrent les cotfres di s livres et les châsses
des reliques, croyant y trouver quantité d'.>r
et d'argent. Ensuite ils allèrent piller les ba-
teaux qui portaient les vivres, et en empor-^
tèrent le vin sans ouvrir les vaisseaux ; puis
ayant reco'inu ce que c'était, ils le burent
avidement. Quand ce vint au partage du bu-
tin et des tr sors qu'ils imaginaient dais ces
coUres , ils prirent querelle, en vinrent aux
mains, et p'usieurs fui eut tués ; ceux qui res-
tèrent coururent aV'C joie aux coifres, et les
ayant ronqms, ils furent bien surpris de n'y
trouver- ijue des livres. De dé|it, ils les disper-
sèrent dans les campagnes, lesjetereiu dans les
roseaux des marais et les cachèrent en divers
lieux ; mais longtemps après, ils furent trouvés
entiers, ce que l'on regarda comme un miracle.
Le martyre de saint Boniface arriva le 5
juin, l'an 755, indic.ion huitième, quarante
ans après qu'i. fut entré en Germaule, trente-
six ans apiès son épiscopat, et la soixante-
quinzième année de son âge. Les com[)a-
gnons de son martyre furent jus lu'au nom-
bre de c n([uante-deux. Peu ue temps a[)rès
sa mort, Cuthbert, archevêque de Canlor-
béry, orionna en un 'loncile de céléb er sa
fêle tous les ans, et il est encore honoré par
rE-,lise uni.erSvlle. Le bruit de sa mort
s'étant ré[)andu dans toute la province, les
chrétiens rassemblèient une grosse armée et
au oout de trois jours atlaquèi'ent les terres
des })aieiiS qui, ne pouvant leur résister,
s'enfuirent, et il y en eut un grand i. ombre
de lu .s. Les chrétiens pillèrent leur pays et
emmenèient leurs femmcfS. leurs enfanis et
leurs esclaves. Les i)aïciis qui restèrent,
abattus de tant de maux, rentrèrent en eux-
mêmes et se convertirent j)Our la plupart.
Ainsi la mort de saint Boniface a( heva I ou-
vrage qu'il avait commencé de son vivant.
Son cor|)S fut poi'lé d'abord à Utrecht ott
on l'enterra. Ensuite l'archevêque Lulle le
fit tiansléi'er h Mayence où K- |)eu|)l • voulut
le retenir; mais enfin la volonté du saint fut
exéculée et il fut enl'Tré lians l'église de
Fulde. On y rajiporta au^si les livres (jue les
|)aiens avaient dispersés après sa mort, il
on y eu voit encore trois. Le premier con-
tient liïs canons du Nouveau T. slameiit ,
c'esl-iVilire l'anciiMine Coucordancc ; le se-
cond, teint du sang du martyr, contient la
lettre de, saint Léon à Théodon' de Frejus, le
traité de saint Aiiibro se du Siiiiil-I'^spril et
nlusieursautres ouvrages; le troisième est un
livre dv's Fvaiigiles (pie foii dit être écrit de
Il main de saint Bo.uia. c. Les œuvres qui
485 BON
nous roFteril cK» lui, l<'s ulus cort.iines sont
seslotlres en j^ninU noinb.o, rccuci lios sans
ôr 're avec plusi\'in\s au'iws qui lui sont
a«l,oss(^;'sou écrites |)arses d'seiplcs. (Flcu-
rv rapporté les plus remarquables), (pu font
voir S'iu zùle, sa siiuérité, sou humilité. On
lui attribue aussi ({esStdtutu ou lustruciions
aux évi^ques et cu\ {trôtres, en trente-six
articles, où l'on pcuit observer ce qui suit :
« Un prêtre ne do t aller nulhi part sans por-
ter avec lui le saiut-chrème, l'h ilc bénite et
l'euch.iristie, alin d'ôlre toujours priH a exer-
cer toutes ses fonctions, il doit garder le
saint chrême sous le sceau, sans en donner
à personne, so -s prétexte de uiédii ament ou
autrement. Ceux que l'on baptise doivent
faire en leur langue les renonciations et la
profession de foi, alin qu ils sachent ce qu'ils
promettent. Ceux dont le ba|)témi' est dou-
teux doivent ôtre baptisi's sans scrupule avec
cette protestation : Je ne le rebaptise pas,
mais SI tu n'es pas encore baptisé, je te baj)-
tise. C'est le premier exem{)le que je trouve
de baptême sous condition. Connue divt^rs
accidents nous empêchent d'observer plelne-
ment les canons touchant la réconciliation
des pénitents, chaque prêtre, auss.tôt qu'il
aura reçu leur confession, aura soin de les
réconc lier par la prière, c'est-à-dire qu'il
n'attendra |)as que la i)énitence soit accom-
plie. Le malade qui, a[)rès avoir demandé la
pénitence, oura perdu la parole ou la con-
naissance, sera non-seulement réconcilié par
l'imposition des mains, mais recevra l'eucha-
ristie qu'on lui feia cou'er dans la bouche.
Ce qui seuble marquer la seule espèce du
vin. Le dernier article marque les i)Us de
toute l'année en cette sorte : Noël, avec les
trois jours suivants, l'Ascension, la Saint-
Jean, la Saint- Pierre, l'Assomption de la
sainte Vierg», sa Nativité, la Saint-André. Il
avait été parlé auparavant de la Pentecôte.
Saint Boniface doit être regardé comme
l'apôtre de l'Allemagne et le restaurateur ue
la discip ine en France; son monastère de
Fulde devint l'école la plus célèbre de toute
l'Eglise d'Occident, pendant ce siècle et le
suivant. Entre ses disciples les [dus fameux,
est saint Burcard, évêque de Virtzbourg,
mort quatre ans auparavant, l'an 751, le 2 fé-
vrier, quoique l'Eglise honore sa mémoire le
lioctoure. Ileutpour successeurdans cesiége
Mégingaud, autre disciple de saint Bcmiface.
On compte encore e.tre eux saint Lulle,
archevêque de Mayence ; saint Vil.balde,
évêque a'Eichester, qui a écrit la Vie de son
maître ; saint Grégoire, abbé, qui, sans être
évêque, gouverna le diocèse d'Utrecht après
la mort de saint Eoban ; saint Sturme, abbé
de Fulde ; saint VinibaM, abbj de Heiden-
heim, frère de saiiit Vilibalde et de sainte
Valpurge, abbesse. (Voy. F;eury, t. lil, p.
120 et suiv.)
BONIi^ACE (saint), religieux camaldule,
archevè (ue, apôtre de Russie et martyr, na-
quit d'une des plus illustres familles d la
Saxe. 11 fit de rapiiles progrès dans les scien-
ces, et le fameux Guy le Phdusophe fut un
de ses maîtres. il était jeune encore quand
BOPÎ
m
il entra dans l'état ecclésiastique, et fut fait
chap laiude l'empereur Otiion ill. C(; prince
aimait exliaordinaircnuml notre saint àcnusti
(h; ses vertus rt de la douceur de son carac-
lôie; il le chargea de tout ce (jui co..c(,'rnait
sa chapelle impériale, et l'on dit (ju'il l'appe-
lait communément son âme. Loin de s'enor-
gueillir d'une telle faveur, Boniface se livrait
à la I rati(iue de l'humilité et des plus gran-
des mortillcalions ; il jeûnait souvent et cor
sacrait une giande partie de son temps à la
prière. Cependant il ne resta pas longtemps
à la cour d'Olhon. Saint Uomuald étant ve-
nu visiter l'empereur, notre saint lut si édir
lié de sa sain. été que, voulant se consacrer
entièrement à Dieu, il suivit Romuald et en-
tra dans son oi dre. Dès lors il mena une vie
entièrement opposée à cel e que sa naissance
et sa dignité le forçaient à mener dans le
nioncJe. Couvert d'un vêtement pauvi e, mar-
chant pieds nus, se nourrissant d'herbes et
de racines, travaillant des mains, gagnant
son pain à la sueur de son front, consacrant
une o'atide partie des nuits à la prière, telle
était la vie q e mena t désormais notre .^aint.
11 se 1 vrait à de grandes macér tiens, et
l'on dit que souvent, dépouillé de ses vête-
ments, il se roulait dans les ronces et dans
les orties, afin de macérer sa chair. Ayant
ainsi passé p.usier.rs années Sous la direc-
tion de Koiiiuald, il désira prêcher la foi aux
infidèles. Le pipe Jean XVI. 1 lui en donna
la permission, en lui donnant toutefois un
bre; qui portail qu'on 1 ordonnerait archevê-
que sitôt qu'il aurait commencé sa piédica-
iiun. Il partit donc an milieu d'un rude hi-
ver, tantôt à pied, lantôl à cheval, mais tou-
jours pieds nus, et aj)rès avoir demandé la
protection de Henri II, empereur d'Allema-
gne, il fut sacré par Kaymond, archevêque
de Magdebourg.
Les habilanis de la Prusse lui semblant
»ps plus enfoncés dans les ténèbres de l'ido-
lâtrie, il voulut commencer sa mission par
eux. Tous ses soins, tous ses eliorts furent
Complètement inutiles. Le moment que Dieu
avait uiarqué pour les appeler dans les voies
du sa ut n'élait point encore venu, et il dut
quit er ces idolâtres qui ne voda.ent point
l'écouter. 11 vint prêcher sur les f, ontières
de la Russie. Les Ru.-ses étaient encore
païens et vivaient dans toute leur férocité
native ; ils oiuonnèreiit à notre saint de se
retirer. Celui-ci, loin d'( béir, ada trouver le
roi d'une petite province du pays, qui avait
man fesié le d.'sir de l'entendie!! Celui-ci, le
voyant mal vêtu et nu-,.ieds, ne voulut point
l'écouter. Bon face revint couvert de ses
habi s sacerdotaux, et le rui lui dit alors
qu'il se convertirait s'il passait à travers
un grand feu sans en ressentir aucun
mal... Notre saint, rempli dune inspiration
divine, opéra le miracle, et le roi, touché, se
convertit avec plus eurs de ses sujeis. Les
habitants, furieux de la léu^sitê de Boniface,
lui ordom.èrent de se retirer, s'il ne voulait
point être mis à mort. Leurs menaces ne
pouvant le vaincre, ils se saisirent de lui et
le décai-itè-ent en compagnie de dix-huit
m
BON
BON
48S
autres chrétiens, l'année 1009. L'Eglise ho-
nore la mémoire de cet iUustie martvr le 19
juin.
BONIFACE, duc d'Alsace, successeur du
duc Godon, exerçait d'atroces violences sur
les pauvres qui habitaient son duché. 11 pil-
lait et ravaj.;eait h-urs terres : en un mot,
il vivait de déprédation. Saint Gcrman, abbé
du monastère de (iranfel, souffrait paiiem-
nient toutes les vexations dont lui ou ses
moines étaient l'objet ; mais il ne pouvait
voir, sans en ôlre profondément atfecté, la
façon dont le duc traitait les pauvres paysans.
Un jour qu'il se livrait à ces actes de pillage
et de violence, le saint vint au-devant de lui
avec un de ses moines, nommé Raudant, pour
lui faire des remontrances, et le prier d'é-
pargner ses })auvres vassaux. Le duc eut l'air
de l'écouter avec faveur ; mais aussitôt qu'il
fut parti, il envoya après lui des soldats qui
tuèrent à coups de lance ces deux hommes
de Dieu.
BONNE, femme chrétienne, qui confessa
généreusement le nom de Jésus-Christ en
l'an 250 ou 251, sous l'empire de Dèce. en
Afrique. Quand les païens ne pouvaient
vaincre leurs ennemis par les tourments, ils
étaient obligés de se considérer eux-mêm-s
comme vaincus. Bien souvent il ariivait
qu'ils s'attribuassent de fausses victoires,
prétendant que certains chrétiens a aient sa-
crifié, lorsqu'ils ne l'avaient pas fiit. Ainsi
fut-il par rap[)ort à la généreuse femme de
laquelle nous parlons. Bonne ayant été con-
duite au temple par son mari, rc usa obsti-
nément d'offrir des sacrifices aux idoles. Les
païens lui prirent les mains et la contraigni-
rent violemment h déposer les choses offertes
sur l'autel. Cette sainte femme aurait pu se
contenter du témoignage de sa consc ence,
aui ne lui reprochait i)as ce qu'on se vantait
'avoir obtenu d'elle ; mais cela i:e lui suffi-
sait pas; elle ne voulut pas souffrir qu'on fit
d'elle-même mensongèrement une cause de
scandale pour les hdèle.-. Elle protesta pu-
bliquement contre la violence (pi'on lui avait
fait subir, et déclara qu'elle n'avait jamais
eu l'intention de sacrifier, que sa volonté
était toujours r<,'stée opposée à lacle (^u'on
avait forcé ses mains d'accomplir. Celte cou-
rageuse protestation fui cause qu'on l'envoya
en exil. Celle histoire se; trouve dans les
lettres de saint Cyj[)rien. {Lettre de Caldone,
ou 19«.)
BONNET (M augleiute), religieuse du Saint-
Sacrement, fui guillolinée à Orange le 2G
juillet 179V, avec Thérèse Consolon, supé-
rieure des Uisulines de Sisleron, Claire l)u-
bac, Anne Cartier, ursuline au Font-Saint-
Esprit, et Madeleine-Catherine de Juslamon,
(pjaliième martyie du même nom cl de la
même famille.
BONOSE (sainlj, martyr, donna sa vie pour
la religion clirélienne sous l'empereur Juli* ii
r.\l)Osial, en l'an de l'ère chrétienno 302.
L'einj)(Meur Julien ayant domié l'ordre (jiie
les éiendaids (taiens fussent sulislitués au
labaruiii , df)i)l Coust.iiilin avait f.iil l'en-
seigne des légions, li;.s coMuuaudanls des
corps d'armées, les gouverneurs de provin-
ces commencèrent à le faire exécuter. Le
comte Julien, oncle maternel de l'emjiereur,
apostat comme lui, et gouverneur de l'O-
rient, ayant voulu mettre cet ordre à exé-
cution, deux ofticiers du cor[)S dit les vieux
Hereulieiis, s'y refusèrent. Ces deux officiers
se nommaient Bonose et Maxiinilien. Voici
leurs actes sincères, tirés d'un manuscrii de
labbaye de la S lUve-.VIajour, au diocèse de
Bordeaux, lequel n'avait point encore paru.
Le comte Julien dit à Biinose et à Maxi-
milieu : « L'empereur, notre maitre et notre
souverain seigneur, a ordonné que les éten-
dards de ses troupes fussent changés. Bonose
et Maximilien : Nous ne pouvons en aucune
manière changer le nôtre. Le comte Julien :
L'empereur veut, outre cela, que vous a.lo-
riez les mêmes dieux que nous aîiorons lui
et moi. Bonose : Nous ne pouvons adorer des
dieux que des hommes ont faits. Le comte
Julien : Je vous ai exposé les ordres de l'em-
pereur ; songez à vous y soumettre, avant d'y
être forcés par les tourments. Bonose et Maxi-
milien : Nous sommes prêts à tout endurer
pour le nom de Jésus-Christ. Le comte Julien:
Qu'on fasse avancer Bonose. Répondez vous
seul. >e voulez-vous pas adorer les dieux
que l'empereur et moi i.ous adorons? Bo-
nose : Nous avons reçu de nos pères une
religion que nous professons, et à laquelle
nous sommes attachés. Pour vos dieux, nous
ne lesconnaissonspoint.Le comte Julicn.-yal
un ordre particulier de vous faire tourmenter
sur le moindre refus que vou> ferez d'obéir.
Bonose: Vous ne nous intimide ez pas faci-
lement. Le comte Julien: Qu'on le frappe à
coups de plombeaux. » On lui en donna plus
de trois cents. Cependant le comte lui disait :
« Epargn z-vous ces tourments ; faites ce
qu'on désire de vous. » Bonose ne lui ré-
pondit rien, il se mit seulement à sourire.
« Que dites -vous donc enfin? continua le
comte. Bonose : Je dis que nous n'adorons
qu'un seul Diey, qui est le véritable; et qu'à
1 égard de ces autres dieux, nous ne savons
d'où ils sont, ni qui ils sont. Le comte Julien :
Qu'on fasse approcher Maxinniien. Uépondez-
moi, vous : ne voulez -vous pas adorer les
dieux quf! nous adorons, et changer votre
étendard? Maximilien : Faites que ces dieux
vous entendent et vous parlent, et après cela
nous pourrons les adorer. M ds s'ils sont
sourds et muf ts, s'ds sont insensibles el ina-
nimés, (omment vous-n)ême pouvez -vous
vous résoudre h les adorer ? Il n'en est pas
de même de notre Dieu ; son [/ouvoir est
grand, et l'espérance (pie nous avons en lui
est fondée sur ce |)ouvoir. Du reste, vous
nous verrez voler au martyre. Mais (vous le
savez (Ij aussi bien que nous), ce Dieu
nous défend d'adorer des idolos umelles et
sourdes. »
L(! comte Julien dit : Qu'on les étende sur
le chevalet, (pi'un hnissuM- les appelle par
leiu' nom. » Après c(!ite f. irmalilé, le comie
leur dit : « Vous voila sur le chevalet, les
(1) Le coiiilc avait clc clirclica.
48y
BON
1
bourreaux n'attendent plus qu'un dernier
ordre pour vous tourincntftr. Obéissez, et
cessez (['entraîner par votre exemple vos
coiniagnons dans un niùuie crime. Faites ae
bonne grâce ce qui vous est ordoimô : ôtez
de volio étendar.i les figures qui y sont, et
mellez-y 1rs images des dieux immortels.
Bonose et Maximilien : Nous ne pouvons à ces
concilions obi'ir à Terapereur; et nous n'of-
IVnserons point la souveraine majesté du
Dieu vivant, invisible et imiportel que nous
adorons. )i Le comte Julien dit aux bour-
reaux : « Frappez harviiment et sans re-
lâche. » Mais Dieu rendait les saints insen-
sibles aux coups. Le comte ajouta : « Si ces
tourments ne peuvent (lécinr votre 0[)inici-
treté, j'en ai d'autres ()ui sauront m'en l'aire
ruisi^n. Qu'on m'apporte une chaudière pleine
de [)oix, et, après qu'elle sera Ibndue à grand
feu, qu'on les y plonge. Nous verrons si leur
Dieu, ce Dieu en qui ils mettent toute leur
espérance, les |)Ourra délivrer. » Les saints
entrent dans la chau lière avec un visage
riant, dans Tespérance qu'un glorieux mar-
tyre allait terminer leur course ; mais cette
poix ardeute se change pour eux en un bain
rafraîchissant, la flamme qui s'élève au-des-
sus de la chaudière retombe en rosée sur
eux; et alui qu'on ne crût pas que tout cet
appareil n'était qu'une vaine monire et qu'un
su{)plice feint, il resta sur leurs corps des
marques qui faisaient assez connaître que le
tourment avait été très-réel. D'ailleurs les
juifs et les gentils, qui voient les martyrs
prier tranquillement au milieu de cette chau-
dière où la poix s'élève à gros bouillons par
la violence du feu, s'écrient que ces hommes
sont des magicieis ; mais c'était Jésus-Christ
lui-même qui, par les charmes innocents de
sa divuie magie, opérait ces merveilles. Ce-
pendant la chose est rapportée au préfet Se-
cundus (1) ; la nouveauté de l'événement le
fait courir au palais, ses yeux sont témoins
du miracle, et son esprit étonné et confus
cherche à s'éclaircir de la vérité par un moyen
extraordinaire. « Qu'on m'amène, dit-il, des
prêtres de nos dieux, je les ferai jeter dans
celte chaudière, et l'on verra s'ils en sortiront
aussi sains et aussi entiers que ces deux
chrétiens (2). » Les prêtres sont amenés, ils
font leurs encensements, ils prononcent des
conjurations ; en un mot, ils n'oublient rien
de leurs cérémonies ordinaires ; on les fait
entrer dans la chaudière ; mais dans un ins-
tant toute leur chair fut séparée de leurs os.
Celte aventure déconcerta le comte Julien.
Il renvoya en prison Bonose et Maxim dien,
pour être interrogés de nouveau par le pré-
fet. Au bout de sept jours, la prison étant
soigneusement gardée, tous les prisonniers
qui croyaient en Jésus-Christ se trouvèrent
sans chaînes. Cependant le comte leur fai-
sait fournir du pain s ir lequel il avait aupa-
ravant inijjrimé son cachet, où était gr<\vée
la figure de quelque divinité païenne ; et il le
faisait pour les surprendre et les engager
(1) Saluste, qui était favorable aux chrétiens.
(2) L'exemple est. singulier.
DiCTIONN. DES PeKSÉCUTIONS. I,
BON 4'JO
à leur insu dans l'idolAtrie. Mais le jour
môme qu'ils devaient être ouïs, ils tirent
voir au (;omte tout le pain qu'il leur avait
envoyé, et aucpiel ils n'avaient point tou-
ché. « V^otre artilice, lui direnl-ils, n'a servi
de rien, nous n'avons point voulu manger
de votr-e [lain ; celui en qui nous croyons
nous en a fait donner- d'autre. Au reste,
nous vous avertissons que Jésus-Christ ruttre
Dieu vous fera rendre compte des tour-
ments que vous nous failes endurer. » Le
préfet Secundus, que la fermeté de celte r'é-
ponse avait ému, dit au comte Julien : « En-
tendons-les présentement. » L'un et l'autre
étant donc montés au tribunal employèrent
tous leurs efforts, mais en vain, pour les
engager à recevoir un nouvel étendard. Le
comte, que celte résistance mettait en fu-
leur, dit : « Qu'on mette de la chaux vive
dans une fosse, qu'on y jette ces deux
hommes, et qu'on amortisse la chaux sur
eux. Après cela, qu'ils invoquent le.jr Dieu,
nous verrons s'il les viendra secourir. » La
chaux est mise dans un grand bassin fait ex-
près pour en éteindre, les martyrs y sont
jetés, et l'on y verse ensuite d^- l'eau ; la
chaux s'allume, et l'on entend la voix des
saints qui chantent : « Soyez béni. Seigneur,
Dieu de nos pères. Dieu d'Abraham, Dieu
d'Isaac, Dieu de Jacob, qui avez daigné nous
délivrer de la puissance de nos ennemis ;
soyez loué, soyez glorifié dans tous le.-; siè-
cles. Amen. » Lorsque la chaux fut entière-
ment éteinte, et qu'on vint à découvrir les
corps des martyrs, on n'y trouva pas la
moindre brûlure. Le comté, plein de rage,
les fit pour la troisième fois enfermer, mais si
étroitement qu'il voulut qu'on lui apportât les
clefs de la prison. Il les y laissa uouze jou.s,
au bout desquels on l'ouvrit, et on la trouva
éclairée par des flambeaux qu'on ne put ja-
mais éteindre. Cependant, comme on crut
que les martyrs seraient extrêmement pres-
sés de la faim, on mit devant eux des pains
qu'on avait offerts aux idoles. Mais eux qui
étaient remplis de l'esprit de Jésus-Chnst,
qui en étaient nourris et fortifiés, ne daignè-
rent pas touchera ces pains. Ce lut pour lois
que le comte Hormisdas fut éclairé des lu-
mières de la foi. Car étant venu à la prison
pour en faire ouvrir les portes, il fut telle-
ment surpris de trouver les saints si foits, si
vigoureux, et dans un si grand embonpoint,
qui rendaient grâces à Dieu et à Jésus-Christ,
qu'il leur dit :« Priez pour moi, qui suis un
grand pécheur, afin que je sois sauvé 4). »
Toutes ces circonstances mirattuleuses ne
faisaient qu'augmenter la mauvaise humeur
et la rage du comte Julien. Il se voyait foixé
do reconnaître la souveraine puissance ue
Dieu qui triouiphait de sa faibless>', et de
souffrir le mépris ues servile^-s du même
D.eu, qui insultaient à son orgueil. Mais
tandis (juil fait ces réflexions humiliantes,
il en gémit, leur poids l'accable. «Qu'on
les conduise, dit-il enfin, aux anciens bains,
(1) Il était frère de Sapor, roi de Perse, et vécut
quarante ans à la cour du grand Conslaulin el de
Consiaatius son fils.
te
491
DON
TîRE
m
je veux encore les inten-oger. » Les deux
martyrs y sont donc transférés, et le comté
y étant ;irrivé, et s'adressant à Bonose :
0 Quelle marque me donneras-tu, lui dit-il,
du pouvoir de ton Dieu, qui puisse m'obli-
ger à te laisser échapper de mes mains, si
tu persistes toujours à vouloir ôtre chrétien?
Bonose : Quelle marque? Ecoutez, comte,
la voici. L" Dieu en qui nous croyons, en
nous accordant la grAce de consommer le
martyre au'pi^'l nous aspirons, nous tirera
de vos mains malgré vous, toujours fidèles,
touj urs chrétiens. Le comte Julien : Eh
bien ! allez donc au martyre, vous combat-
tre/ contre les bêtes de l'amphithéâtre. Bo-
nose : Ces bêtes dont vous nous menacez,
nous ne les crai.^jçnons pas. Nous irons les
comnattre, et triompiier d'elles au nom du
Père, du Fils, et du Saint-Esprit, le Dieu
que nous ..dorons. Le comte Julien : Ah I
c'en est trop ; je vais vous faire jeter une
seconde fois dans la fournaise, et nous ver-
rons si Vfius refus' rez encore de vous sou-
mettre à la volonté de l'empereur.» Le comte
fut alors interro:iiiiu par les cris de tous
ceux que la grâce avait choisis, qui, se ran-
geant du côté de Konose et de Maximilien,
dirent nettement au comte : « Nous n'ado-
rons aussi qu'un Dieu, et nous sommes prêts
à accompagner à la uiort nos frères que voi-
là. » Le préfet Secundus dit au comte : Pour
moi, je Vous déclare que je n'ap[)rouve nul-
lement cette procédure violente, et que je
ce prétends point employer les supplices
pour contraindre les gens à obéir. » Puis, sa
tournant vers Bonose : « Je vous conjure,
lui dit-il, saint hommes par le Dieu que vous
adorez, de vous souvenir de moi dans vos
prières. »
Cela n'empêcha pas le comte de s'adresser
encore à Jovien et à Herculien. « Changez,
leur dit-il, votre étendard, et recevez celui
où sont les images des dieux. Quelle attache
avez- vous à ce signe des chrétiens? » A cela
Jovien et Herculien répondirent : « Sei-
gneur, nous sommes chrétiens nous-mêmes ;
et nous reçûmes le baptême le propre jour
que Constantin, notre père et notre empe-
reur, le reçut à Aquilone (Acliiron), proche
Nicomédie. Lorsque ce grand prince appi-o-
chait de sa fin, il nous lit jurer d'être; tou-
jours fidèles aux empereurs ses fils et à l'E-
glise notre mère. » «le fut pour lors que le
comte Julien, s'abandonnant à toute sa co-
lère, envoya au supplice, avec Bonose et Ma-
ximilien, tous ceux (ju'il avait fait arrèttîr
prisonniers, et tous donnèrent leur t.He
avec joie pour Jésus-Christ. Mélèce, évêquo
d'Antioche, suivi de ses coévê(pies et do
qu Iques-uns d<'S frèr(.'S, les accompagna
jusqu'au lieu de l'exécution. Enlin toute la
ville lit des réjouissances extraordinaires
poiir célébrer la mort glf)rieuse de; tant do
martyr.!, (pi'elle regardait connue devant
être â l'avenir ses protecteurs. (Kuinart.)
HONOSK fsainlej, fut martyrisée avec sa
sdiur sainte Zo/.ime, sous le |)Ontilical du
pape saint Félix et sous le règne (h; i'(;njpe-
jeur /Vurélien, on l'amiée 273 ou ''21k. Sou
martyi*e eut lieu h Porto (d'Italie). Les deux
saintes Bonose et Zozime souffrirent en
môme temps que le saint martyr Eutrope.
Nous n'avons, sur leur glorieux sacrifice,
que des actes extrêmement récents, et qui
sont loin d'offrir les caractères d'authenticité
désirables. L'Eglise fait la fête des deux
saintes, en même temps que celle de leur
glorieux compagnon, le 15 juillet.
BORGTïÈSE, missionnaire de la coùifpfi-
gnie de Jésus, confessa la foi de Jc'sus-Christ
dans le royaume de Maduré. Nous voyons
dans une lettre que le P. Bouchet écrivait
de Maduré le 1" décembre 1700, qu'il était
à la cour du roi du pays afin de faire élargir
notre saint missionnaire. A cette époque, il
y avait déjà quarante jours que le P. Bor-
ghèse languissait dans les prisons de Trit-
chirâpalli avec quatre de ses catéchistes.
BOURGES, chef-lieu du département du
Cher, a été témoin des souffrances qu'y en-
dura saint Ursin en confessant Jésus-Christ.
Il avait été ordonné à Rome par les succes-
seurs des apôtres, et désigné par eux pre-
mier évoque de cette ville.
BRAGA (Jean-Fernandès de), de la com-
pagnie de Jésus, faisait partie des soixante-
neuf missionnaires que le B. Azevedo était
venu recruter à Rome pour le Brésil. {Voy.
Azevedo.) Leur navire fut pris le 15 juillet
1571, par des corsaires calvinistes qui les
massacrèrent ou les jetèrent dans les flots.
Tel fut le martyre de notre bienheureux
CD\i Jarrie, Hist. des choses plus mémora :
oies, etc., t. II, p. 278 ; Tanner, Societas Jesu
tisqae ad smujuinis et vitœ profusionem mi-
litans, p. 166 et 170.)
BRAGANÇA (Nicolas-Denys de), de la
compagnie de Jésus , faisait partie des
soixante-neuf missionnaires que le P. Aze-
vedo était venu recruter à Rome pour le
Brésil. {Voy. Azevedo.) Leur navire fut pris
le 15 juillet 1571, par des corsaires calvinis-
tes qui les massacrèrent ou les jetèrent h la
mer. (Du Jarrio, llistoire des choses plus mé-
morables, etc , t. II, j). 278 ; Tanner, Socie-
tas Jesu usque ad sanyuinis et vitœ profusio-
nem militans, p. 166 et 170.)
BRAGUE, Braga, ville de Portugal, a été
témoin du glorieux martyi'e de saint Pierre,
son premier évèque, et de celui de saint
Victor, qui y eut la tôle tranclnH;.
BRÉBEUK (\e bienheureux Jean de), mis-
sionnaire de la compagnie de Jésus, |)éril,
comme tant d'auhes, victime de son zèle,
dans la guerre que les An:j,lais et les Hollan-
das, jaloux de la prospérité des Français
dans le nouveau monde, avaient excitée
contre eux. Notre saint missionnaire eut
pour con)pagnon d(; son douloureux marlyro
le P. Gabriel Lallemant. Ici nous laisserons
[)ai'l(!r llenr on (t. H, p. 6()V), dont la narrai-
lion nous a paru trop intéress;Mi(e [tour no
la pas nietlri' i(;i dans son entier:
« Le 16 mars 16^*9, dit -il, les Iroquols
lombeiil sur les bourgades de Saint-IgnaCo
el de Saint-Louis, doul les Murons ont pour
pasteurs les l'P. Jean de Hréheul el (iabriel
LallcMianl. i^rebeuf, captif, contuiue d'ex-
493
I51U::
nRF,
AU
horter ses noupliytos : pour lui imposer si-
lence, on lui (;ou|io la l^v^o inférieure et
l'exlrénnlt' du ne/ ; on lui appliciue sur tout
le corps (les torches allumées, on lui hrrtlc
les gencives, on lui oufon(;o dans le gosier
un 1er rougi au Icu. Si sa voix est étiMUlo,
la llamme de son i-egard survit et impose
encore aux barbares. Lallemant, enviiloppé
depuis les pieds jusqu'h la tôle d'une écorce
do sa()in, tuuiquequi doit le dévoter, court
se jeter aux pieds de son com|)agiiou ni
J)aise respcM'tueusemenl ses plaies. Lus bour-
reaux mettent alors le l'eu à son vôtcuunit
d'écorce, se re; aissent des gémissements
que lui arrache la douleur, et, formant un
collier de hach 'S de 1er roiigies, ils le pla-
cent au cou de Brébeuf, sans ébranler sa
fermeté. Comme ils cherchent un nouveau
tourment pour vaincre un courage qui les
irrite, un Hurou ajiost.il leur crie de jeter
de l'eau bouillante >ui' la tôle des deux mis-
sionnaires, en ])unit:on de ce qu'ils en ont
versé ta-it de froide sur celle des ndigènes,
dont ils ont ainsi causé tous les malheurs.
L'avis est écouté : on fait bouillir de Teau,
et on la répand lentement sur la tête des
confesseurs. En môme temps les Iroquois,
se répétant les uns aux autres que la chair
des Français doit être bonne, en coupent
sur les maityrs de grands lambeaux qu'ils
mangent à leurs yeux. Ajoutant la raillerie
à la cruauté : « Tu nous assurais tout à
l'heure, disent-ils à B;ébeuf, que plus on
soutire sur la terre, |)lus on est heureux
dans le ciel. C'est par amiiié i our toi que
nous nous étudions à :iugmenter tes souf-
frances, et tu nous en auras obligation. »
Puis ils lui enlèvent la pe tu de la tête.
Comme il respire encore, un chef lui ouvre
le côté, d'où le sang sort en abondance, et
les barbares se pressent pour le boire. En-
fin , celui qui a lait la plaie découvre le
cœur, l'arrache et le dévore. Brébeuf n'avait
été que trois heures dans le feu : le supplice
de Lallemant dura dix-sept heures, llamené
dans une cabane , il reçut au-dessus de
l'oreille gauche un coup de hache qui lui
ouvrit le crâue et en tit sortir la cervelle.
On lui arracha ensuite un œ 1, à la place
duquel on mit un charbon ardent. De temps
en le.ups il jetait des cris ca|)ables de percer
les cœurs les plus durs, et paraissait hors
de lui-même ; mais, s'élevant bientôt au-
dessus de la douleur, il offrait à Dieu ses
soulirances avec une ferveur admirable. Il
mourut ainsi le 17 mars. »
BilEGANCE (le bienheureux Barthélémy
de), naquit à Vicence au commencement du
XIII' siècle, de la noble et ancienne famille
de Bregance. Il fit ses études à Padoue, et
les sanctifia par la pratique constante de la
piété chrétienne Saint Dominique venait
d'établir son ordre depuis peu. Etant venu
à Padoue, notre bienheureux eut occasion
d'entendre ses discours et de voir les grands
exemples de vertu qu'il donnait ; il en fut si
touché qu'il renonça au monde et prit l'ha-
bit dans le nouvel institut. Dès lors il
s'adonna aux pratiques de la perfection re-
ligieuse et fit de si grands progrès daus
rétud(!des sciences sacrées, (luaussitM pro-
mu au sacerdoce, il fut chargé pai- ses su[)é-
rieurs d'enseigner rE(;r'iliire sainte. 11 rem-
plit cet emploi aux grands applau(liss(nri(ints
de tous. Bientôt, [iressé du désir de prêcher
l'Evangile, il parcourut la Londjardie et la
Bomagne, infectées d'une foui ■ d'erreurs et
de vices, et dont les habitants, partagés en
diirérenl(!S factions, s'enlriidéchiraient mu
tuellcment dans de sanglantes ren(;ontres. 11
eut le bonheur de ramener plusieurs Ames
à la foi catholique. Le pape (irégoire IX,
ayant entendu parler de sa réputation, le fit
venir à Rome vers l'an 1-235 et l'inveslil de
la charge de maître du saci'é palais, établie
en faveur de saint Dominique par le pape
Honorius 111. Il remplit cet emploi avec
zèle, profitant de ses rares instants de liberté
pour composer des ouvrages de piété ou de
s(;ience ecclésiastique. Le i)ape Innocent IV
eut en lui la même confiance que ses prédé-
cesseurs, et l'amena avec lui à Lyon au mois
de décembre Plh't. Ce fut probablement à
cette époque, qu'étant venu à Paris par or-
dre du pape, il eut occasion de connaître
saint Louis qui le fit son confesseur. Quel-
ques années aj)rès. Innocent IV éleva notre
saint au siège épiscopal de Némésie, en Chy-
pre, dont les Turcs s'era[)arèrent plus tard.
Il y travailla avec succès jusqu'à l'époque
où Alexandre IV le nomma évêque de Vi-
cence. Il ne put néanmoins prendre posses-
sion de son nouveau siège, à cause des
cruautés qu'y exerçait le tyran Ezzelino. Cet
impie, einiemi acliarné de la religion, persé-
cuta notre bienheureux et chercha même
plusieurs fois à le faire mourir. Il fut donc
forcé de se retirer auprès du pape Alexan-
dre qui l'envoya, en qualité de légat, vers
les rois de France et d'Angleterre. Après
avoir terminé sa mission d'une manière sa-
tisfaisante, il assista à l'entrevue que les
deux monarques eurent à Paris. Saint Louis,
charmé de levoir son ancien confesseur dont
il avait déjà reçu la visite lorsqu'il était en
Syrie, lui fit présent d'un morceau de la
vraie croix et d'une épine de la couronne du
Sauveur des hoîumes.
Barthélémy de Bregance reprit alors le
chemin de Vicence, dont Ezzelino n'était
l'ius maitre. Les habitants furent si charmés
du zèle qu'il meltait à réparer leurs maux
qu'ils le prièrent de devenir leur seigneur, de
môme qu'il était déjà leur évoque. Il fit bâtir
une magnifique église dans sa ville épisco-
pale et lui donna le nom de la Couronne,
parce qu'il y déposa le riche présent que
saint Louis lui avait fait. 11 passa ainsi les
dix dernières années de sa vie à édifier son
peuple. En 1267, il eut le bonheur d'assister
à la translation des reliques de son maitre
sprituel, saint Dominique, qui se fit à Bo-
logne, et trois ans après, en 1*270, il mourut
dans les sentiments de la plus fervente piété.
Selon son désir, on l'inhuma dans un coin
obscur de l'église de la Couronne, mais
bientôt les habitants de Vicence l'honorèrent
d'un culte public. Il s'opéra un grand nom
495
BRI
BRI
496
bre de miracles à son intercession, et le pape
Pie VI lui doinia le titre de bienheureux, le
11 septembre 1793. L'Eglise foit sa glorieuse
mémoire le 23 octobre.
BKESSANl (le bienheureux François-Jo-
seph), confesseur, partit de Québec, en 16ii,
pour [lorter secours aux missionnaires des
Hurons. Ayant été pris par b'S lioquois, du-
rant son voyag ', il rt eut la basloiuiade ; on
lui fendit ensuite la main gauche d nt on
coupa le pouce, ainsi que deux doigts de la
main droite; les bourreaux lui brûlèrent
après cela les ongles, lui disloquèreiit les
pieds et lui remplirent la bouche d'excré-
ments humains. On donnait à manger sur
son vei.tre à des chiens voraces cjui le déciii-
raient. Bientôt, vaincus par l'odeur infecte
qui s'exhalait du corps de notre bienheu-
reux, les Iroquois le vendirent à une habi-
tation hollandaise, où il fut erabaïqué pour
l'Kurope. Mais ce sauit missionnaiie, plein
de zèle pour le salut de ses persécuteurs, se
lit descendre à terre et retourna dans la
mission.
BHKSSE, nom qu'on trouve dans le Mar-
tyrologe romain comme celui du lieu où fut
martyrisé saint Ciatée. 11 faut croire qu'il
s'agit de Brescia, ville du royaume Lombard-
"Vénitien.
BKESSE, ville d'Italie, aujourd'hui Brescia,
fut témoin, sous l'empire d'Adrien, du mar-
tyre des saints Faustin et Jovite.
BRETANNION (^aint), confesseur, vulgai-
rement saint Brdagnon, était évèque de
Tomes ou Tomi, capitale de la Scythie,
({uand l'empereur Valens, après sa première
gueire contre les Goths, y vint dans l'année
de Jésus-Christ 369. Ce prince, étant venu
dans l'église où était le saint évêque, lit tous
ses efforts pour le porter à communiquer
avec les ariens, mais ce fut inutilement.
L'homme de Dieu, à la tête de tout son cler-
gé, se retira dans une autre église. Valens,
irrité au dernier des points, le Ut prendre et
l'envoya en exil. Bientôt il l'en lit revenir,
craignant d'exciter la colère des Scythes,
peuple puissant et qu'il ne voulait pas avoir
pour ennemi. L'Eglise honore la mémoire
de ce saint confesseur le 25 janvier.
BlUCE (saint), évèque à Marlole, ayant
beaucoup souUert [)Oui' la foi sous le juge
Marcien, et converti à Jésus-Christ une mul-
titude inlinie de j)euple, mourut en paix
avec la qualité de confesseur. L'Eglise célè-
bre sa mémoire le 9 juillet.
BKICH-JÉSUS (>aint), martyr, le même
qu'- saint Rarachise. [Voy. l'art. Jonas.)
BRIOL'DL, ville située daiis le dépaile-
ment de la llaule-Loirc, est célèbre dans les
anna es des martyrs par les soiiilVances (jn'y
endura saint Julien vers l'année Wl, sous
Cri.^pin, gouverneur de la j)rovince Vien-
noise.
RKITO ou BiiiSTo (Jkan dk), était (ils d'un
ancien vi(c-rfn du l^resil. Etant encore; loi t
jeune il entra comme novice dans la maison
des Jésuites, et (juand h; T. Halthasar il'A-
cost;i vint en l'oriugal alin de recruter ^\^'s
misfcionnaires pour h- Malabar, il s'ollrit
pour cette mission. Les jésuites portugais
ne partaient jamais pour les Indes sa'is aIl(T
à la cour prendre congé du roi et lui baiser
la main, en si. ne de gratitude pour la pro-
tection constante que les souverains de ce
royaume avaient titujours accordée aux en-
fants de saint Ignace; puis, quelques jours
après, ils partaient de la maison collégiale
de Saint-Antoine, ayant pour cortège tous
les jésuites qu'elle renf-imait, iravirsaient
en rang Lisbonne et se rendaient jusqu'au
Tage, où ceux qui parlaient prenaient congé
des autres. Cette séparation avait lieu d'or-
dinaire au milieu des larmes, car tous ces
hommes ne formaient qu'une fimille. Les
missionnaires portaient sur la poitrine, dans
cette circonstance, un crucitix qui les dési-
gnait aux yeux de la multitude : c'était
comme l'emblème de la mission qu'ils al-
laient remplir. Le Dieu crucifié qu'ils allaient
prêcher au monde, ainsi placé sur leur poi-
trine, semblait annoncer que ceux qui le
portaient mettaient à son service leur être
tout entier, cœur, sang et courage : c'était
l'armure avec laquelle ils allaient combattre,
le labarum par leipiel ils allaient vaincie. Jn
hoc signo vincesl Le saint duquel nous es-
quissons la vie, ayai.t sa famil.e dans le
pays et craignant que le moment des adieuï
et les embrassemenls des siens vin.vSi nt di-
minuer son courage, jugea à propos de se
soustraire à cette cérémonie publiijue. Ayant
abordé à Goa, il y resta trois ans, puis il
partit pour les côtes du Malabar, fit ses
vœux entre les mains du provincial de la
compagnie, le P. Biaise d'A.;evedo , et se
consacra à la mission du Maduré : c'était la
plus pénible et la plus dangereuse. Nous
passerons rapidement sur les détails qui
vont suivre, puisque notre sujet nous oblige
à traiter spécialement ues persécutions. Il y
convertit plus de vingt mille idolâtres. Sa
charité, sa vertu, sa science, le don des mi-
racles que Dieu lui avait octroyé, lui don-
naient une puissance d'action à laquelle
rien ne résistait. Le Tanjaour, le Gint-i, le
Maïssour, Coleï, Couttouro, furent particu-
lièrement témoins des prodiges qu il opé-
rait.
11 fut nommé supérieur des missions du
Malabar. Le pays des Maravas fut la pre-
mière conquête qu'il y lit h Jésus-Christ. Il
y établit une clirélienlé florissante, puis
chargea du soin de la diriger Louis de Mello,
qui, comme on peut le voir à son titre, y
gagna la counjn e du martyre. Le gouver-
neur qui avait fait mourir ce missionnaire
était extrêmement hostile au christianisme;
l)our donner à l'orage le temps di; se dissi-
per, Jean de Brilo alla prêcher dans les con-
trées environnantes. Mais bientôt la fuixur
de la persécution augmentani, il crut de son
d(;voir de siq)éiieur de se rendre au milieu
(lu Irouiieau qu'«'lle- désolait. Rciilôt il fut
airêié avec six néojihytts et éprouvé par
les plus alVreuses lortuies; nous en citerons
uni! entre autres. On ( ondnisil un jour les
captifs au bord d'un élang profond, et leur
avant allaclié à chacun d'eux une corde sous
497
BRI
lilU
498
les bras, ou s'amusn h les plonger à diffé-
rentes reprises. Un seul des eonfesseurs re-
nia sa foi, au grand scandale des autr(!s. Ou
s'acharna avec plus do cruaulé encor(i sur
noire martyr : enfoncé à coups do |)iod dans
l'eau, on l'y retenait plus longtemps q le les
autres, au risque de rasjjliyxier si sa foi |)ro-
fonde ne l'eût protégé. Ouand on eut épuisé
tous les genres de supplices sur les [)iison-
niers, on les conduisit h Ramandabouran,
caintale du Marawa. Notre saint, au lieu
d'être mis ^ mort, reçut de grands honneurs
de la part du prince émerveillé de son cou-
rage, qui lui dit : « Allez, vous êtes vrai et
sincère dans l'enseignement de votre reli-
gion. »
Le P. Emmanuel Rodriguez, qui était alors
à la tôte de la province de Coehin, ayant ap-
pris le naufrage et la mort du P. François
Paës, tiéputé à Rome comme procureur do
la mission des Indes, il chargea notre saint
confesseur de la même mission. Jean de
Brit) arriva à Lisbonne en 1G88. Pendant
son séjour en Portugal, il mena une vie aus-
tè.e et pleine de mortifications. Ayant re-
cruté de jeunes missionnaires, il se prépara
à retourner aux Indes. Dans l'année l(i90,
le vaisseau qui devait le ramener à Goa l'at-
tendait pour lever l'ancie : mais avant été
retardé par les adieux du roi et de la reine,
et le V 'Ut s'étant élevé favor-able, le vaisseau
dut |)artir; et quand notre saint missionnaire
arriva au port, il apprit q'e ses compagnons
étaient déjà loin. Heureusement pour lui,
une fi'égate venue de Livourne consentit à
le pren re, et avant longtemps il put se réu-
nir aux autres missionnaires.
A son reiour, ayant été nommé visiteur
des mis>ions du Maduré, il s'y livra aux tra-
vaux apostoliques les |ilus pénibles et ne
tarda pas à y cueillir la palme du martyre
Nous laissei'ons parler ici le R. P. Lainez :
« Ce ne sont point vos larmes, mes révé-
rends Pères, que je sollicite sur la perte que
la mission de Maduré vient de faire da P. de
Brito, mais vos can.iques d'actions de grâces
pour les précieux avantages que cette Eglise
naissante doii retirer de la mort mémorable
d'un illustre confesseur de Jésus-Christ, q*i
a couronné ses travaux iniatigibles par la
gloire du martyre. Quel bonheur pour nous
si nous étions destinés à ime miTt aussi glo-
rieuse 1 Ettorçons-nous de nous en rendre
dignes, en travaillant avec courage au salut
de ces fidèles rachetés par le sang du Sau-
veur. Regardons le martyre de notre saint
compagnon comme une vive exhortation
que Dieu nous a faite , de nous préparer à
recevoir la même grâce.
« Dans l'espace de quinze mois il a demeu-
ré dans le Maravas ; depuis son retour d'Eu-
rope jusqu'à sa mort, il a eu la consolation
de baptiser huit mille catéchumènes et de
convertir un des principaux seigneurs du
pays ; c'est le prince Tériadeven, à qui ap-
partient de droit la principauté de Maravas,
mais dont les ancêtres ont été dépouillés
par la famille deRauganadadeven qui y règne
à présent. Comme la naissance et le mérite
do Tériadeven l«i font considérer cl aimer de
tous ceux de sa nation, sa conversion lit
beaucou[) de bruit et l'ut l'occasion de la mort
du P. de Brito. Ce [)ritice ét.-ut attaqué d'une
maladie que les médecins du pays jugeaient
mortelle ; réduit à la dernière extrémité, sans
es;)érance de recevoir aucun soulagement de
ses faux dieux, il résolut d'employer le se-
cours du Dieu des chrétiens : à ce dessein,
il lit plusieurs fois prier le Père do le venir
voir ou du moins de lui envoyer un caté-
chiste; pour lui enseigner la doctrine de
l'Evangile , en la vertu duquel il avait, di-
sait-il, [dacé toute sa confiance. Le Père ne
difiéra ])as à lui accorder ce qu'il demandait;
un catéchiste alla trouver le malade, récita
sur lui le saint Evangile, et au même instant
le malade se trouva })arfaitemenl guéri. Un
miracle si frappant augmenta le désir que
Tériadeven avait depuis longtemps de voir
le prédicateur d'une loi si sainte et si mer-
veilleuse. II eut bientôt celte satisfaction. Le
P. de Brito, ui doutant plus de la sincérilé
des intentions de ce prince, contre lequel il
avait été en garde jusqu'alors, se transporta
clans les terres de son gouvernement. Téria-
deven avait cinq femmes et un grand nom-
bre de concubines. Après avoir instruit le
prince des principaux dogmes du christia-
nisme, le P. de Brito fut (ibligé de traiter ce
point essentiel, auquel il fallait renoncer
pour être admis à la grâce du baptême. « Cet
obstacle sera bientôt levé, dit-il au Père, et
vous aurez sujet d'être content de moi. » Au
même instant il retourne à son palais, ap-
pelle toutes ses femmes, et, après leur avoir
parlé de la guérison mii'aculeuse qu'il avait
reçue du vrai Dieu par la vertu du saint
Evangile , il leur déclara qu'étant résolu
d'employer le reste de sa vie au service d'un
si puissant et d'un si bon maître, il ne re-
connaîtrait plus qu'une seule femme pour
sa légitime épouse. 11 ajouta, pour consoler
celles auxquelles il renonçait, qu'il aurait
soin d'elles et qu'il les considérerait toujours
comme ses propres sœurs.
« Un discours si peu attendu jeta ces fem-
mes dans une terrible consternation ; la plus
jeune n'épargna d'abord ni prières ni larmes
pour gagner le prince et pour lui faire chan-
ger de ré olution ; mais voyant que ses ef-
forts étaient inutiles, elle ne garda plus de
mesure et résolut de venger sur le P. de Brito
et sur les chrétiens l'injustice qu'elle se
persuada qu'on lui faisait. Elle était nièce de
Ranganadadeven, prince souverain de Ma-
ravas ; elle va le trouver, pleure, gémit , re-
présente le triste état où elle était réduite
et implore l'autorité et la justice de son
oncle. « Tériadeven, lui dit-elle, s'est aban-
donné à la conduite du plus détestable ma-
gicien qui soit dans l'Orient ; cet homme
l'ayant ensorcelé, lui a persuadé de répudier
honteusement toutes sesfemmes,à la réserve
d'une seule. » Elle parla d'une manière en-
core plus pressante aux prêtres des idoles,
qui cherchaient depuis longtemps une occa-
sion favorable pour éclater contre les minis-
tres de l'Evangile. Il y avait parmi eux un
499
BRI
mw
500
bijihrae iioninu' Ponipavanau, fameux par
ses impostures el par la haine irréconciliable
qu'il portait aux missionnaires et surtout
a'i P. de Brito. Ce mécliant homme, ravi de
trouver une si belle occasion de se venger de
celui qui, f-n lui enlevant ses disci[)]e>, le ré-
duisait avec toute sa famille à tne extrême
pauvreté,assenil)leles autres brahmes,et dé-
libère avec eux sur les moyens de perdre le
saint missionnaire ; ils furent Ions d"avis de
s'adresser au jirince.Le brahme Pompa vanan
se mit h leur tète et porta la parole. « Prince,
lui dit le brahme, nous sommes menacés des
plus grands malheurs; le manque de res-
pect pour les dit'ux reste impuni; plusieurs
idoles >ont renversées, la ph-part des t^'mples
abandonnés ; plus de sacrifie s ni de fêtes :
le peuple suit 1 infâme secte des Européens;
nous ne pouvons souffrir plus longtemps les
outrages qu'on fait à nos dieux ; bientôt nous
serons tous forcés de nous retirer dans les
royaumes voisins ])Our n'étro point specta-
teurs de la vengeance que ces dieux irrités
sont prêts à exercer contre 1 s d 'serteursde
leur culte et confie ceux qui, devant punir
ces crimes énormes, les tolèrent avec tant
de scandale. « Il n'en fallait pas tant pour
animer Ran.-,ana(ladeven, déjà prévenu con-
tre le P. de Brito. 11 ordonna sur-le-champ
qu'on allàtpiller toutes les maisons des chré-
tiens qui se trouvaient sur ses terres ; qu'on
fît |»ayer une grosse amende à ceux qui
demeureraient fermes dans leur croyance, et
surtout qu'on brûlât toutes les églises : cet
ordre s'exécuta avec la plus grande rigueur.
Ranganadadeven, qui regardait le P. de Brito
comme Tauteur de tout le mal, commanda
expressément qu'on s'en saisît, et qu'on le
lui amenU. Les satellites de ce prince, ayant
découvert la retraite du missionnaire, se
saisirent de lui : ils s'emparèrent en môme
temps d'un brahme chiélitm nommé Jean, qui
l'accompagna. t ; ils lièrent étroitement ces
deux confesseurs de Jésus-Christ, qui étaient
bien plus touchi-s des blasphèmes (lu'ils en-
ten'laienl prononcer cijulre Dieu que des
mauvais traitements qu'on lenr faisait souf-
frir. Deux jeunes miants chrétiens, dont le
f)lus âg('; n'avait [)(is encore quatorze ans, bien
oin d'être ébranlés par les cruautés qu'on
exer(;.)it sur le P. de Brito et [)ar les oppro-
bres dont on le chargeait, en furent sialfermis
dans leur f )i, qu'ils coururent avec une fer-
veur incroyable embrasser le saint homme
alors chargé de chaînes, et (|u'ils ne voulurent
jjIus h; quitter. Les scjldats, voyant (pie les
menaces <'l les coups ne servaient de riejj
pour les éloigner, garrottèrent aussi ces deux
innocenttjs victimes et les joignirent h leur
pè. e et à leur pasteur. On les fil marcher
lousfjuatreeu cet étal ; le P. de Brito, (|ui était
d'iiiK! complexion délicate, et dont les forces
ét'.ient épuisi':es, tant |)ar de longs et |)énibles
travaux que p;ir la vie pénitente cju'il avait
im-née dans le Maduré depuis plus de vingt
ans, se sentit alors extrêmement all'aibli. Les
Ijardesie (iressaient et,ii force de coups, hîfai-
sai<'nl iiiaieher, fjuoiqn'ih vi.ssfuit ses [)i(;ds
tout '^an 'lanls et horril>lom(înl enflés, lui cet
état, qui lui rappelait celui oii se trouva son
divin maître allant au Calvaire, on arriva à
un gros village nommé Anoumandancouri,
où les confesseurs de Jésus-Christ reçurent
de nouveaux outrages. Pour plaire au peuple
accouru cm foule de toutes parts à ce nou-
veau spectacle, on les plaça dans un char
élevé, sur lequel les brahmes ont coutume de
porter par les rues leurs idoles en triomphe,
et on les y laissa nn jour et demi , exposés
à la risée du public ; ils eurent là beaucoup
à soulfrir, soit de la faim et de la soif, soit
de la pesanteur des grosses chaînes de fer
dont on les av.iit garrottés.
« Ce|)endant les prêlies des idoles firent
de nouveaux efforts pour obliger le prince de
Maravas à faire mourir les confesseurs de
Jésus-Christ ; ils se présentèrent en fo'de au
palais, vomissant des blasphèmes exécrables
contre la religion chrétienne et chargeant le
Père de plusieurs crimes énormes. Us deman-
dèrent au prince, avec de grands empres-
sements, de le faire pendre sur la place pu-
blique, afin que personne n'eût la hardie^se
de suivre li loi qu'il enseignait. Le généreux
Tériadeven, qui s'était rendu auprès du prin-
ce de Maravas lorsqu'on lui présenta celte
injuste requête, en fut outré et s'emporta
vivement contre les prêtres des idoles, qui
sollicitaient l'exécution ; il s'adressa ensuite à
Ranganadadeven et le pria de faire venir en sa
présence les brahmes les plus habiles, afin de
les faire disputer avec le nouveau docteur de
la loi du vrai Dieu, ajoutant que ce serait
un moyen sûr et facile de découvrir la vérité.
« Le prince se choqua de la liberté de
Tériadeven ; il lui reprocha en colère qu'il
soutenait le parti infâme des docteurs d'une
loi étrangère, et lui commanda d'adorer sur-
le-champ quelques idoles qui étaient dans la
salle: « A Dieu ne plaise, répliqua le géné-
reux catéchumène, que je commette une te:le
impiété ; il n'y a pas longtemps que j"ai été
miraculeusement guéri d'une maladie mor-
telle par la vertu du saint Evangile ; counnent
a[)rès cela oserais-je y renoncer pour adorer
les idoles et j)erdre en même temps la vie do
l'àme et celle du corps? » Ces [taroles n-ri-
tèrenl la fureur du prince; mais, par des rai-
sons d'Etat, il ne jugea |)as h projios de la
faiie éclater; il s'adressa h un jeune seigneur
(ju'il aimait, nonnné Pouvaroudeven, el lui lit
le même coamiandement. Celui-ci, qui avait
été guéri aussi [)ar le baptême, quelque teuqjs
auparavant, d'une liès-fâcheuse Inconni.O-
dilé, dont il avait été allligé durant neuf ans,
balança d'abord ; mais la crainte de déplaire
au roi, (pi'il voyait furicniseiîienl irrilv', le
porta à lui obéir aveuglément. Il n'eut [las
p utùl oflert son sacrifice, cju'il se sentit atta-
(pié de son piunuier mal, mais avec tant de
vio!en(;e, cju'il se vit en peu de Itnups lé-
duità la (iermère extrémité. Un châliimnit si
prompt et si Icnniblo le lit rcmtrer en lui-
même: il (uil recours à Dieu ipi'il venait
d'abandonnei' avec t.uit de lâcheté; il pria
qu'on lui ap|t0itAt un crutilix ; il se jeta à
ses pieds, demanda lrè^-huml)l(nuenl pardon
du crime qu'il venaitdo ('onnuellre, elcoujur
m BRI
le Seigneur d'avoir pitié do son Auio et de
lui pardonner sa hontouso apostasie. A peine
eut-il achevé sa prière (lu'il se sentit exaucé;
son mal cessa tout de nouveau, et il ne douta
{)0int (pie celui qui lui accordait avec tant de
)onté la santé du corps ne lui fit aussi mi-
séricorde et ne lui [)ard()nni\t sa chute.
« Tandis que Pouravoudeven sacrifiait aux.
idoles, le prince do Maravas s'adressa une
seconde fois à Tériadeven et lui ordonna
avec menaces de suivre re\ein|)le de ce sei-
gneur. Tériadeven lui rt^partit généreuse-
ment qu'il aimerait mieux mourir que de
commettre une si lAche impiété. A |)cino eul-
il dit ces paroles, que le prince couimanda
qu'on lit le sacriticc qu'ils appellent palira-
gahpouci ; c'est une espèce de sortilège. Les
inlidèles assurent qu'on n'y peut résister et
qu'il faut absolument (pie celui contre qui
on le fait périsse ; de là vient qu'ils le nom-
ment aussi quelquefois sauLouroyesangaram,
c'est-h-dirft liestruction totale de l'ennemi.
Ce prince idolûti-e eujployati ois jours entiers
dans ces exercices diaboliques, faisai' plu-
sieurs sortes de sacrifices pour ne pas man-
quer son coup. Quelques gentils qui étaient
présents et qui avaient quelquefois enten-
du les exhortations du confesseur de Jiésus-
Christ , avaient beau lui représenter que
toutes ses peines seraient inutil^js, que tous
les maléfices n'auraient aucune vertu contre
un homme qui Si' moquait de leurs dieux,
ces discours ne tirent qu'irriter ce prince ; et
Gomme le premier sortilège n'avait eu aucun
effet , il crut avoir manqué à quelque cir-
constance ; ainsi il recommença par trois fois
le même sacriticc sans pouvoir réussir. Quel-
ques-uns des principaux ministres, des faux
dieux, voulant le tirer de l'embarras et de
l'extrême confusion où il était, lui deman-
dèrent permission de faire une autie sorte do
sacrifice, contre lequel, selon eux, il n'y avait
point de ressource. Ce sortilège est le salpe-
chiam qui a, disent-ils, une vertu si infailli-
ble, qu'il n'y a nulle puissance, soit divine,
soit humaine, qui en puisse éluder la force;
ils assuraient que le prédicateur mourrait
immanquablement le cinquième jour. Mais
ce fut pour le prince et pour les prêtres des
idoles une nouvelle confusion; les cinq jours
du salpechiam étant expirés, le saint homme,
qui devait périr, n'avait pas perdu un seul
de ses cheveux. Les brahines dirent au tyran
que ce docteur de la nouvelle loi était un des
plus grands magiciens qui fût au monde et
qu'il n'avait résisté à la vertu de tous leurs sa-
crifâces que par la force de ses enchante-
ments. Ranganadadeven prit aisément ces
impressions; il lit venir devant lui le P. de
Brito, et lui demanda, en lui montrant son
bréviaire qu'on lui avait ôté lorsqu'on le fit
prisonnier, si cen'étaitpointdecelivrequ'il ti-
rait cette vertu qui avait rendu jusqu'alors tous
leurs enchantements inutiles. Quand le saint
homme lui eut répondu qu'il ne fallait pas en
douter : « Eh bien ! dit le tyran, je veux voir
si ce livre te rendra impénétrable à nos
mousquets. » En même temps il ordonna
qu'on lui attachât le bréviaire au cou eî qu'on
BlU
m.
le fit passer par les armes. Déjà f s soldats,
étaient prêts à faire leurs décharges, lors(jue
Tériadeven, avec un courage héroïque, se
récria publiquement contre un prdre si ty-
rannique, et se jetant parmi les soldats, pro-
testa qu'il voulait lui-même mourir, si on
ôtait la vie à son maître. Ranj^anadadeven,
qui s'aperçut de quelque émotion parmi les
troupes, fit révoqu,er l'ordre qu'il avait don-
né, et coiiûman^a qu'on remît en prison le,
confesseur do Jésus-Christ.
« Cependant, dès ce jour-là même, il pro-
nonça la sentence <le mort contre lui, et afin
qu'elle fût eitécutée sans obstacle, il fit par-
tir le Père secrètement sous une bonne garde,
avec ordre de le mener à Ouriardeven, son
frère, chef d'une peuplade située à deux
journées de la cour, avec ordre de le faire
mourir sans délai. Ouriardeven mit le P. de
lirilo entre les mains de cinq bourreaux, pour
le couper en pièces et l'exposer à la vue du
peuple après qu'il serait mort. Arrivé au lieu
•du supplice, le conf-sseur de Jésus-Christ
pria les bourreauxde lui donner un moment
pour se recueillir, ce qu'ils lui accordèrent.
Alors s'étant mis à genoux en prése-ice de
tout ce gran 1 peujjle et s'étant tourné vers
le poteau, auquel son corps, séparé de sa tête,
devait être attaché, il parut entrer dans une.
profonde contemplation. 11 est aisé déjuger
quels pouvaient être les sentiments de ce
saint religieux dans une semblable conjonc-
ture. Les gentils furent si touchés de la
tendre dévotion qui paraissait peinte sur son
visage, qu'ils ne purent retenir leurs larmes;
plusieurs même d'entre eux condamnaient
hautement la cruauté dont on usait envers
ce saint homme. Après environ un quart
d'heure d'oraison, le P. de Brito se leva avec
un visage riant, s'ajjprocha des bourreaux
qui s'étaient un peu retirés et les embrassa
avec une affection et unejoie qui les surprit :
« Vous pouvez à présent, mes Irères , leur
dit-il, faire de moi ce qu'il vous plaira ; »
ajoutant beaucoup d'autres expressions
pleines de douceur et de charité qu'on n'a
pu encore recueillir. Les bourreaux à demi-
ivres se jetèrent sur lui et déchirèrent sa
robe, ne voulant pas se donner la peine ni
le temps de la lui détacher ; mais ayantaper-
çu le reliquaire qu'il avait coutume de porter
au cou, ils se retirèrent en arrière saisis de
frayeur et se disant les uns aux autres que
c'étaitassurément dans cette boîte qu'étaient
les charmes dont il enchantait ceux de leur
nation qui suivaient sa doctrine, et qu'il fal-
lait bien se donner de garde de le toucher
pour n'être pas séduits comme les autres.
Dans celle ridicule pensée, un d'eux prenant
un sabre pour couper le cordon qui tenait
le reliquaire, fit au Père une large plaie dont
il sortit beaucoup de sang; le fervent mis-
sionnaire l'offrit à Dieu comme les prémices
du sacrifice qu'il était sur le point d achever.
Enfin ces barbares, persuadés que les charmes
magiques des chrétiens étaient assez [unis-
sants pour résister au tranchant de leurs
épées, se firent apporter une grosse hache
dont on se servait dans leurs temples pour
301
BHL
BUC
égorger les victimes qu'on immolait aux
idoles ; après quoi ils lui attachèrent une
corde à la barbe et la lui passèrent autour
du corps pour teuT la tête penchée sur l'es-
tomac pendant qu'on lui déchargerait le coup.
L'homme de Dieu se mit aussitôt à genoux
devant les bourreaux, et levant les mains et
les yeux au ciel, il attendait en cette [)osture
la couronne du martyre, lorsque deux chré-
tiens de Maravas, ne pouvant plus retenir l'ar-
deur dont ils étaient embrasés, fendirent la
presse et allèrent sejeter aux pieds du saint
confesseur, protestant qu'ils voulaient mou-
rir avec leur charitable pasteur, puisqu'il
l'exposait avec tant de zèle à mourir pour
eux ; que la faute, s'il y en avait de son côté,
seur était commune et qu'il était juste qu'ils
en partageassent avec lui la peine. Le cou-
rage de ces deux chrétiens surprit étran-
gement toute l'assemblée et ne ht qu'irriter
les bourreaux ; cependant, n'osant pas les
faire mourir sans ordre, ils les mirent à l'é-
cart, et après s'en être assurés, ils retournè-
rent au P. de Brilo et lui coupèrent la tète.
Lecof'ps, qui devait naturellement tomber
sur le devant, étant penché de ce côté-là
avant de recevoir le coup, tomba néanmo ns
à la renverse avec la tète qui y tenait encore,
les yeux ouverts et tournés vers le ciel. Les
bourreaux se pressèrent de la détacher du
tronc, de peur, disaient-ils , que par ses
enchantements il ne trouvât le moyen de l'y
r. unir; ils lui coupèrent ensuite les mains et
attachèrent le corps avec la tête au poteau
qui était dressé, afin qu'il fût exposé à la vue
et aux insultes des passants.
« Après cette exéiîution, les bourreaux
menèrent au prince les deux chrétiens qui
s'étaient venus olfrir au martyre : ce barbare
leur fit couper le nez et les oreilles , et les
renvoya avec ignominie. Un d'eux, pleurant
amèrement de n'avoir pas eu le bonheur de
donner sa vie pour Jésus-Christ, revint au
lieu du supplice; il y considéra à loisir les
saintes reliques, et, après avoir ramassé dé-
votement les pieds et les mains qui étaient
dispersés de côté et d'autre, il les approcha du
poteauoùétaientla tôteetlecorps.etydemeu-
raquelquetempsenprièreavantdeseretirer.»
Telle fut la glorieuse Un du K. P. Jean de
Brito, qui depuis longtemps soupirait après
le bonheur du martyre.
BKIX (saint) , fut martyrisé sur le terri-
toire d'Auxerre , avec un grand nombre de
courageux chrétiens, dont malheureusement
le Martyrologe romain n'a pas conservé les
noms. On n'a pas de détails authentiques sur
leurs combats. L'Eglise célèbre la fête de ces
saints martyrs le 2(i mai.
BRUNO DE SAINTE-CHOIX (le bienheu-
reux], martyr, était l'un des six jésuites (jui
furent désignés pour rester en Abyssinie,
quand la |)ersécution (pi'y excita le Négous
Basilides força d'en sortir le patriarche Men-
d(,'Z et ses compagnons , que Mélec-Segued
y avait fait vetiir. Pris, en Ki.'iii, avec Caspard
Puez (il Je.iri IVireita , par .VIelca-(]hrist()S,
vjt-e-roi du ligié, il fut conduit avec eux au
camp d(; (Ai. barbare persécuteur des catho-
504
liques, qui fit percer les trois saints h coups
d'épée en sa présence. Gaspard Puez mourut
sur-le-champ. Quand les Portugais vinrent
pour enlever les martyrs, ils trouvèrent que
Bruno et Pereira vivaient encore; Pereira
mourut le 2 mai suivant. L-.- P. Bruno sur-
vécut à ce premier martyre, qui avait eu lieu
le 25 avril. Dieu le gardait pour un second
combat. Bruno se réfugia près de Za-Mariam,
vice-roi du Temben , lequ- 1 était entière-
ment favorable aux catholiques. En 16i0, le
vice-roi du Tigré attaqua celui du Temben,
qui le vainquit dans une bataille , mais qui,
quelques jours après, fut tué dans une em-
buscade. Restés sans protecteur, les jésuites
furent repris. Ils n'étaient plus que deux,
Bruno et Cardeira. Tous deux furent sus-
pendus à des branches d'arbres et tués à
coups de pierres. Il paraît que ce genre de
supplice était usité en Abyssinie , car nous
l'avons vu déjà appliqué à Alméida, évêque
de Nicée , et à ses compagnons. Bruno était
originaire de Civitella, près Ascoli.
BRUNON (saint) , évêque et confesseur,
souffrit de cruels tourments pour la foi de
Jésus-Christ, à Wurtzbourg. On n'a aucun
détail sur ses souffrances. On ignore même
à quelle époq_ue il confessa sa foi. L'Eglise le
fête le 17 mai.
BRUNON (saint), martyr, évêque des Rus-
ses , fut pris par des impies lorsqu'il prê-
chait l'Evangile dans ces contrées : il eut les
pieds et les mains coupés, puis on lui tran-
cha la tête. On ignore la date précise de son
glorieux martyre. L'Eglise fait sa mémoire
le 15 octobre.
BUCHARELLI (le bienheureux), mission-
naire jésuite dans le royaume du Tonouin,
tomba victime de la persécution qui s'éleva,
en 1721, dans ce pays. Une femme chré-
tienne, qui demeurait à Kesat , y causait
beaucoup de scandale par le libertinage au-
quel elle se livrait. Les chrétiens ne vou-
laient plus la voir ni communiquer avec
elle. Cette conduite de leur part fit naître en
elle une violente colère. Elle apostasia , et,
s'unissant à un autre apostat , ils présentè-
rent une requête au vice-roi contre le chris-
tianisme qu'ils avaient médité de détruire.
Dans cette requêt'j, comme dans une seconde
qu'ils présentèrent, ces scéh'rats eurent l'in-
famie de charger les missionnaires do toutes
sortes (le calomnies. Le P. Bucharelli rési-
dait à Kesat : ayant su que la cour avait fait
partir trois mandarins , et environ cent sol-
<lats |)Our s'emparer de cette bourgade, il en
avertit les chrétiens, et, suivi de ses caté-
chistes , s'enfuit au moment où les soldais
investissaient la bourgade. Ces derniers
s'('m|)arèrent de six néopliytes, accusés d'ê-
tre chrétiens par les deux a[)Ostats , et les
chargèrent de chaînes. Trois d'entre eux
a|K)stasièrent. Cependant les JU*. Bucharelli
et Messari furent arrêtés sur hïs contins du
royaume et jetés en prison , où ce dernier
mourut bientôt. Notre bienheureux lui-
niêni(! tomba si rudctncnt malade , que le
mandarin, (lui cr-aignait dv. le voii' échapper
au supplice pur la mort , lui envoya un mé-
K05
CAB
CiEC
K06
decin cliari^i^ do le soignor. Knfin, après une
aniiôo de la plus doulouroiise d('!t(MiIion , le
Père et lesehréliens qui avaient (Hé [»ris lu-
rent condaïuiiè'^ h mort. A eetle nouvollo, ils
s'habillèrent dans leurs plus beaux vête-
ments. Les chrétiens vinrent de tous côtés h
la prison pour féliciter les confesseurs du
bonheur (pii les attendait. Un prêtre foinpii-
nois,(]ui était en prison avec eux, leurdoiuia
la connuunion. Le 11 du mois d'octobre, on
vint les prendre dans leur })rison, et on les
conduisit sur la place, en face do la demeure
du vice-roi, pour y entendre lire leur sen-
tence. A celte lecture, Bucharelli dit en in-
clinant la tète : Dieu soit loué ! Le lieu de
roxécution était éloigné de la ville d'au
moins une grande lieue, on s'y rendit. Le
saint missionnaire précédait les néophytes.
La >ainto cohorte s'avançait en chant uU des
cantiques et des psaumes. Le P. Bucharelli,
qui était à peine convalescent, tomba en fai-
blesse. On fut obligé de le soutenir jusiiu'au
boiit du chemin. Quand il fut arrivé, il se
mit à genoux, et, se prosternant, il embrassa
plusieurs fois la terre. Dans son cœur, il
faisait hommage à Dieu de son existence, et
le remerciait de ce qu'il le jugeait digne de
moui'ir pour lui. On raconte qu'alors on vit
une assez, grande quantité d'o. seaux blancs,
complètement étrangers au pays , qui , vo-
lant au-dessus de la tète des martyrs, leur
faisa eut co.nme une couronne dans les airs.
Le P. Bucharelli fut décapité le premier. Il
n'était âgé que de trente-sept ans et en avait
païSé vingl-deux daus la compagnie de Jésus.
Bucharelli fut enterré sur le lieu même;
mais, quelque temps après, le fcère Thomas
Borgia le transféra dans l'église de Damgia.
BUCZYNSKl, religieux de l'ordre de Saint-
Basile , fut une des victimes de l'atroce per-
sécution que le czar Nicolas fit subir, en
1837, à tous les catholiques qui ne voulaient
point abandonner leur foi pour embrasser
la religion russe. Après avoir subi mille tor-
tures , ce saint martyr, qui était plus que
septuagénaire , fut placé sous une pompe
dont l'eau qu'on lâcha sur lui se congelant
aucontactde l'air, l'enveloppa bientôt comme
d'un manteau de glace, sous lequel il trouva
une mort alfreuse. Voy. l'article Mieczys-
LAWSKA.
BURGOS (Pierre de), frère mineur, fut tué
par les flèches des Chicliimèques en se ren-
dant h Saint-Michel. 11 eut i)0ur compagnon
d(î son mai'tyre le frèri; Krançois Douzeli do
(Irenade. {Chronique des Frères Mineurs, l. IV,
p. 768.)
BlHUiOS, ville d'Espagne, célèbre par le
martyre des saintes Centolle et Hélène, sur
lesquelles le Martyrologe romain ne donno
point de détails.
BUSIIUS (saint), confesseur sous Julien
l'Apostat , il Ancyre en dalatie , se distin-
gua par un courag*; extraordinaire. Le gou-
veineur l'ayant fait arrêter pour quel'pio
insulte qu'on prétendait (pi'il avait faite aux
païens, se | réparait à le faire étendre sur le
chevalet. « Ce n'est pas la peine, dit Busiris,
en levant les bras et en se posant comme
s'il eût été sur l'alfreuso machine , ép-irgnez
ce mal a vos officiers, je me tiendrai seul et
sans cela, de manière à endurer les tortures
qu'il vous plaira de mefaire souffrir. «Busiris
tint [)arole, et resta ainsi tant qu'il plut au
juge de lui faire déchirer les côtés avec des
ongles de fer. Ensuite il fut conduit en pri-
son. La mort de Julien , qui arriva peu de
temps après, l'en fit sortir. Il vécut jusqu'au
règne de Théodose, et ce fut h cette époque
que Dieu permit qu'il entrât dans le sein de
l'Eglise catholique , car, jusque-là , il avait
appartenu à l'hérésie des encratites. Les
nouveaux calendriers le mettent au nombre
des .saints confesseurs le 21 janvier. Le Mar-
tyrologe romain n'en fait pas mémoire.
BUSTAMENTE (Paul de) , dominicain ,
était supérieur d'un couvent de cet ordre,
situé h Villaricca, dans le Chili. Les hab tants
indigènes, excit''S par les prêtres des idoles,
l'immolèrent avec le P. Ferdinand Ovando,
un novice convers et quatre autres mission-
naires. (Monumenta Dominicana, an. 160G.)
BYZANCE, Byzantium, aujourd'hui Cons-
tantinople, la ville la plus importante de la
Thrace, devint sous Constantin, qui fut son
second fondateur, la capitale de l'empire
romain. Cette ville avait pour gouverneur ou
proconsul, sous le règne de Marc-Amèle, un
nommé Cœcilius Capella, qui, ayant fait ar-
rêter un grand nombre de chrétiens , les fit
mettre à la question, et ensuite les fit mou-
rir. Tous demeurèrent inébranlables dans
leur foi , à l'exception d'un nommé Théo-
dote , qui renia Jésus-Christ , et qui , plus
tard, entraîné par la honte qu'il éprouva de
ce crime tomba dans l'hérésie.
C
I
CABERO (le P. Jean), religieux de la
Merci , resta en otagi' , en 1632 , pour plu-
sieurs esclaves qui voulaient renier leur foi
à la vue de leurs compagnons rachetés qui
revenaient dans leur patrie. Voulant se ven-
ger des consolations qu'il prodiguait aux
chrétiens dans leurs prisons, les Turcs lui fi-
rent subir les plus gratides cruautés . et le
condamnèrent ensuite à être brûlé. Déjà il
était attaché au poteau, quand un Turc, tou-
ché de compassion , donna six cents écus
pour lui sauver la vie. Ce charitable infi-
dèle, craignant que le zèle qui animait Ca-
bero ne le jetât dans de nouveaux dangers,
le retint chez lui jusqu'à l'arrivée du P. Jean
Itaïcoz, qui vint et paya sa rançon.
C.ECILIUS CAPELLA, nom "d'un procon-
sul ou gouverneur de Byzance, qui , sous le
règne de l'empereur Marc-Aurèle, fil arrêter
un grand nombre de chrétiens. Il les fit d'à-
9m
CAl
CAl
508
bord mettre h- la (|uestion , et ensuite les lit
mourir. Un seul d'entre eu\, un uomiué
Théoilote , eut la faiblesse, la lAcheté de re-
nier Jésus-Christ. {Voy. Byzance.)
GAERLÉON, ville située sur TUsk, dans
le comté de Montinouili , est célèbre par le
martyre qu'. soullVirent saint Aaroa et sai-it
Jules , vers l'année 287 , sous le règne de
Dioclélien. Ces deux saints, (}iii étaient Bre-
tons d'origine, avaient étudié les Ecritures k
Rome , avant de passer dans le royaume
d'Angleterre.
CACiLIARI, capitale de l'île de Sardaigno,
a été illustrée par le martyre qu'y endura
saint E[)liise , dm'aut la persécution de Dio-
clélien. Le juge Flavieu élail l'ordonnateur
des tourments.
CAll'HE, tristement célèbre par la part
qu'il prit au jugement et à la mort de Jésus-
Clu'ist; grand prêtre après Eléasar , son
beau-frère, en l'an 27jus(|u'en 3li. 11 sié-
geait cOiume président du sanhédrin quand,
ai rès la guérison du boîl''UX , les apôtres
saint Pierre et saint Jean furent ameni's de-
vant ce tribunal. Plus tard, il le pn'sidait
encore, quand les apotn-s furent fouettés et
mis en liberté avec défense de prêcher da-
vantage les vérités chr.'tiennes. Dans toutes
ces circonstances, il se fit remarquer par sa
rage contre les disciplf^s du Sauveur, par sa
]iain(; contre leurs doctrines. Ce fut sous sa
présidence, et obéissant en grande partie h
son iniluence, que le sanhédrin i)rononça la
sentence de mort de saint Etienne.
CAIUS saint), mart.r, reçut la couronne
du martyre à Apamée, en même terai)S que
saint Alexandre. Tous deux étaient origi-
naires dEuménie, ville de la gr-.nde Phrygie.
Ayant été arrêtés, ils furent conduits dans la
première des villes que nous venons de nom-
mer el y moururent pour la défense du
ehristianisme, les uns (lisent sous Marc-Au-
rèle, les autres sous Sévèi'e. On ne sait d'eux
que ce qu'eu dit Eusèbe d'après Aslérius
Urbanus, auieur du tem[)S. On les arrêta avec
des montanistes dont la secte avait infecté
tout le pays (|u'ds hibitaient. Us déclarèi-ent
n'avoir rien de commua avec eux, et être
entier<'ment séparés de croyances. L'Eglise
les lio-iore le lu mars.
CAIUS (saint/. Voici ce qu'à son sujet nous
tiouvo'is dans le Alartyrolo:i;e romain : « A
Alexandrie , les saints prêtres et diaci'es,
Cams, Fausle, Eusèbe, Chérémon, Luciiis,
et leurs compagnons , dont les uns furent
martyrisés dînant la pei'séculion do Valé-
rien, el les autniS en servant les martyrs,
reçurent la récompense des martyrs. » L'E-
glise f.iil biur fêle le 'i- octobre
CAIUS (saints martyr, soulfrit avec les
saints D(;ms, Fausle, Pierre, Paul et quatre
autres sous l'c-mpcreur Dèce. De|)uis, sous
Valéiien, ayant (Midnré di; longs lourmiinis
J)ar ordre du piésidiiul F]inili<Mi, ils rempor-
tèrent la [)almedu ma [yvii. [Extrait da iSlar-
tyrolotji: roindin.) L'E.^lise fait la fête île
tous ers sauits l(; 3 octobre.
(^AIUS (.saint;, pape, nifjiita sur h; siège
aposluUque, tu 283, après la mort de saint
Eutychien. La paix de l'Eglise fut, à cette
épuiiue , troublée par une i)ersécution qui
dura deux ans. Le saint pape encouragea
constamment les martyrs et les confesseurs.
Pendant cette tempête, il resta caché, non
point par peur, mais dans l'intérêt de son
tr upeau. 11 mourut le 21 avril 2QG. Le Mar-
tyrologe romain lui domu,' le litre de martyr,
que ses soulfrances, dil-on, lui avaient mé-
rité. D'anciens pontilicaux disent <[u'il était
Dalmate d'origine et parent de l'empereur
Diorlétien. L'Eglise romaine célèbre sa fête
le 22 avril, comme celle de saint Soter.
CAiUS (saint), reçut la palme du mari vre à
Bologne, dura it la persécution de Maximiea.
H fut arrêté et mis à morl pour la défense
du christianisme , avec les saints Aggée
et Hermès, honorés avec lui par l'Eglise le \
janvier.
CAIUS (saint), martyr, fut décapité à Sa-
lerne avec un autre Caïus et Anthès sous
l'empereur Dioclélien elle proconsul Léonce.
L'Eglise honore leur mémoire le 28 août.
CAIUS (saint), martyr, donna sa vie pour
la foi à Saragosse en l'an de Jésus-Christ
30'»-, sous le gouverneur Dacien. !1 souffrit,
dans un premier combat , avec les dix-huit
martyrs, dits martyrs de Saragosse ; mais
ayant résislé a ix tourments, il ne mourut
que dans un second combat, quehiue temps
après. L'Eglise fait sa fêle le 16 avril , avec
celle (les martyrs que nous venons d'indi-
quer. (Vojf. Prudeiice, de Cor. hym. k, et les
articles Dacien, Saragosse.)
CAIUS (saint), martyr, l'un des quarante
martyrs de Sébaste , sous Licinius. [Voy.
ISIartyrs de Sébaste.)
CAIUS (saint), martyr, répandit son sang
pour la foi h Alexandrie, sous Numérien,
avec les saints Céréal, Pupule et Sérapion.
Le Martyrologe romain ne marque point
à quelle époque et dans quelles circonstan-
ces. L'Eglise célèbre leur sainte mémoire le
28 février.
CAIUS (saint), martyr, était officier du pa-
lais. 11 l'ut jeté dans la mer avec vingt-sept
autres dont le Martyrologe romain n'a [)as
conservé les glorieix noms, el ils remi)or-
tèient ainsi la palme du martyre. On n'a au-
cun détail sur leurs combats. L'Eglise célè-
bic leur uK'moirc le i mars.
CAIUS (saint), mourut pour la foi à Nico-
mi'die avec les saints Daser , Zotique et
douze autres soldais dont on ignore les
noms. On leur lit endurer île cruels suppli-
ces et ils furent ensuite jiïtés dans la mer où
ils fur .ni tous noyés. On ignore l'éjxxpie où
cul "lieu leur courageux martyre. L'Eglise
vénère la mémoire de ces saints le 21 oc-
tobre.
CAH^S (saint), martyr, mourut p(mr la loi
à (^orinthc avec Crispus. Saint Paul, dans
son Kj)itrr aux Corinthiens, leur pa.lede
(■(;sd(!ux illuslres martyrs. On n'a i)as dedé-
lails sur eux. L'éjKxiue même de leurs
combats n'est pas précise. L'Eglise l'ait leur
fêle l« k octobre.
CA!US (saint), martyr, eut le g-lorieuv pri-
vilège do verser son sang pour la défense de
509
CAL
CAL
510
la religion. On igiKM-o h quelle époque : le
Marlyrolo;j;e romain uiar(|uo seuUinKîiil {]U(3
(30 l'iit sous Dioolélien. L'IigJiso l'ail sa teto
le ±2 avril.
CAlllS (saint), martyr, cueillit la palsne du
martyre h Messine en Sicile, avec saint Aiii-
pi^le. Le Marlyroloh'»' rt>maui no donne au-
cun (Jélail cl lie dit |)oint à (luelle épo(|ue
eut lieu leur martyre. L'Eglise les honore
le "20 novembre.
C.\1US (saint), martyr, n^iandit son sang
pour la loi chrélieniie h Mélitine en Ai-mé-
nie , avec les saints HcMinogène , Expi^lii,
Aristonique, Kut'us et (lalatas. On ignore la
date et les eirconstances de leur nioii, L'E-
glise célèbre leur iunuortolle mémoire le 19
avril.
C.ALAHORA, ville d'Espagne, cé'èbre par
le martyre et les miracles des saints Einé-
tère et Chélidoine. On ignore à quelle
époque ils combattirent pour la foi de Jésus-
Christ.
CALANGSOll ( Pierre ), catéchiste du P.
Sauvitores, fut tué avec lui, le 2 avril 1672,
dans le village de Tumham, aux îles Marian-
nes. ( Pour plus de détails , voy. l'articlo
Sanvitores. )
CALANIQÙE (saint), martyr, souffrit pour
la religion à Eleulhéropolis en Palestine, avec
saint Florien et cinquante-huit de leurs com-
pagnons qui sont inconnus. Ils furent mas-
sacrés par les Sarrasins, en haine de la foi
de Jésus-Christ, du temps de l'empereur
Héraclius. L'Eglise célèbre leur mémoire le
19 décembre.
CALDEiRA (le bienheureux Marc), Portu-
gais, de la compagnie de Jésus, faisait partie
des soixante-neuf missionnaires que le P.
Azevedo était allé recruter à Rome pour le
Brésil. [Voy. Azevedo.) Leur navire l'ut pris
le 15 juillet 1571, par des corsaires calvinis-
tes, qui les massacrèrent ou les jetèrent dans
la mer. (Du Jarric, Histoire des choses plus
mémorables, etc., t. H, p. 278 ; Tanner, So-
cietas Jesu usque ad sanguinis et vitœ profu-
sionem militans, p. 166 et 170.)
CALÉPODE ^saint), martyr, fut mis à mort
à Rome, sous le pontificat de saint Calliste ;
on ne sait pas précisément sous quel règne,
cependant il est probable que ce fut du temps
de l'empereur Alexandre. Cet empereur,
ainsi qu'on peut le voir à l'article saint Cal-
liste, fut plutôt protecteur que persécuteur
de l'Eglise. Aussi, il est très-probable que
saint Calépode, comme plus tard saint Cal-
liste lui-même, périt dans une émeute j)0-
pulaire. Il était attaché au service de l'Eglise
de Rome. Il avait baptisé un certain nombre
de païens de distinction, et devint pour cela
l'objet de la haine des infidèles qui le tirent
mourir. Ce fut saint Calliste qui prit soin de
sa sépulture, et qui le fit enterrer dans un
cimetière situé sur la voie Aurélienne.
Bientôt après, le saint papeyfut enterré lui-
même. Sous Paul \" et ses successeurs, on
transféra beaucoup de saints dans les égli-
ses, parce que les cimetières, dépourvus de
murailles, étaient sujets à une foule de pro-
fanations. Saint Calépode et saint Callist^
furent transférés dans l'église Sainte-Marie-
Translevère. L'Eglise l'ait la fêt(' de saint Ca-
lépode! le 10 mai.
CALÈKE (Jean ), frère lai de l'ordre de
Saint-Ei-ançois, était au couvimiI (rEzetlan
dans la nouvelle Es()agne, cpiaud |)lusieurs
indigènes que les Es|)agnols avaient instruits
et baptisés, prirent la fuite et se sauvèrent
dans his montagnes, oii le culte des idohîs
était en honneur. Jean Calère, préoccu|)é
du salut de ces jeunes gens, courut apiès
eux avec trois jeunes Améi'icains qu'il avait
amenés à la connaissance du christianisme.
Il rejoignit les fugitifs dans un lieu voisin
des montagnes et ses exhortations allaient
les ramener, lorsqu'une femme qui se trou-
vait là insista vivement près d'eux pour
qu'ils ne laissassent pas ()artir le mission-
naire. A l'instigation de cette femme, ils se
jetèrent sur Jean Calère, et lui scièrent la
tête avec une épée de bois, leur arme accou-
tumée. Les trois jeunes Américains qui l'ac-
compagnaient fuient aussi mis à mort. Les
Espagnols trouvèrent, sept jours après, le
corps de Jean Calère, et lui donnèrent la sé-
pulture.
CALLINIQUE (saint), eut la gloire de don-
ner sa vie pour Jésus-Christ, en Bithynie,
sous l'empire deDèce, avec saint Thyrse et
saint Leuce. Nous ne savons rien de positif
sur ces trois saints ; ce qu'on en raconte
comme détails n'a aucun caractère d'authen-
ticité. Mais de tout temps ils ont été en très-
grande vénération dans l'Eglise, qui célèbre
leur fête le 28 janvier. Saint Thyrse et saint
Callinique eurent la tête tranchée ; quant à
saint Leuce, il expira comme on cessait de le
tourmenter.
CALLINIQUE (saint), fut martyrisé à Gan-
gres en Paphlagonie. On le fouetta avec des
verges de fer ; puis on lui fit souffrir d'au-
tres supplices aussi cruels, après quoi il
fut jeté dans une fournaise ardente, oii il
rendit son esprit h Dieu. L'Eglise fait la lète
de ce martyr le 29 juillet.
CALLINIQUE (sainte), martyre, eut le bon-
heur de répandre son sang pour la foi avec
sainte Basilisse. On n'a aucun détail sur le
lieu, la date et les circonstances de leur glo-
rieux martyr. L'Eglise honore leur mémoire
le 22 mars.
CALLIOPE (saint), martyr, donna sa vie
pour la foi en Cilicie. Après avoir souffert
diverses tortures sous le préfet Maxime, il
fut crucifié la tête en bas, et honoré du même
supplice que notre Sauveur. L'Eglise honore
la mémoire de cet illustre martyr le 7 avril.
CALLIOPE (sainte), martyre, répandit son
sang pour la foi chrétienne. On lui coupa les
mamelles et on lui brûla la chair, ensuite
elle fut roulée sur des têtes de pots cassés.
Enfin, ayant eu la tête tranchée, elle reçut
ainsi la palme du martyre. Le Martyrologe
romain ne dit point à quelle époque. L'E-
glise honore son immortelle mémoire le 8
juin.
CALLISTE (saint), pape et martyr, mou-
rut sous l'empereur Alexandre, dans une de
ces émeutes populaires si fréquentes alors
511
CAL
CAL
512
contre les chrétiens. Ses Actes disent qu'il
fut longtemps enfermé sans nourriture dans
une prison, battu h coups de bâtons, entin
jeté par une fenêtre du lieu où il était en-
fermé, et précipité dans un puits, tout cela
nar l'ordre d'Alexandre. Pour quiconq\ie sait
riiistoire, cette narration des Actes de saint
Calliste est inadmissible. Le tils de .Marnée,
l'excellent Alexandre, n'aurait jamais donné
un ordre seinblable ; il eilt répugné à la dou-
ceur, à la mod 'ration de son caractère. On
sait que sous son règne tout procès suivait
les phases d'une justice exacte, et que ja-
mais l'arbitraire ne se substituait à l'é-
quité.
Alexandre avait api)risde Marnée, sa mère,
à aimer les chrétiens; il les i)rotégeait tant
qu'il le pouvait. La statue de Jésus-Christ
était dans son oratoire, avec celles d'Abra-
ham, d'Orphée et d'Apollonius de Thyanes.
Un jour que des cabaretiers disputaient aux
chrétiens un lieu où ils se réunissaient,
Alexandre ordonna qu'on adjugeât ce lieu
aux chrétiens, disant qu'il valait mieux que
Dieu y fût honoré de n'importe quelle façon,
que de le voir occupé par des taverniers.
L'histoire rapporte même qu'il aimait et es-
timait singulièrement le pape Calliste, le
proposant souvent comme modèle à ses offi-
ciers à cause de sa vertu et de toutes les qua-
lités qu'il voyait briller en lui. Alexandre
laissa les chrétiens bâtir des églises, qui fu-
rent en partie détruites sous le règne de ses
successeurs. La paix dont ils jouirent sous
son règne ne nous empêchera pointd'admettre
qu'il n'y eût des cas isolés de persécution.
Nous savons très-bien que, sous les meilleurs
empereurs, la haine et l'inintelligence des
peuples se laissait parfois entraîner à des
actes de cruauté et de barbarie qui faisaient
des raai-tyrs. Sous Alexandre il en fut ainsi,
mais sans que reiuj)ereur y prît aucune
part.
Saint Calliste succéda au pape Zéphirin,
en la première année d'Héliogabale, dans les
premiers jours de l'an 219. La /)lupart des La-
tins le nomment Callixte. I^'histoiro bidonne
connue faisant d'incessants et de très-gi-ands
efforts pour accroître TK^Iise de Jésus-Christ.
On lui attribue l'institution du jeûne des
Quatre-Temps. {Voy. Moretli, de S. Caliislo,
disq. 1, p. 67, et Claude Sommier, t. I,
/list. dofjmaticœ sedis apostolicœ, 1. ii, p.
loi). )
Ainsi que nous l'avons dit en commen-
çant, saint Calliste péril dans une émeute
populaire. Qu'il ail souH'erl une parlie de ce
que racont(;nl ses Actes, nous ne le nions pas,
cela est même de nature h nous co ilirmer
dans nolr(; 0[)inion. La j) jpiilace était très-
capable de [)ro 'éder ainsi, Alexandre fk; l'é-
tait ()as. On montre (vicor(; ;i Kome h-, puits
où on prétend ijut; le saint pape fut jfli'', le
IV oclobriî 22'}, jOur auquel l'E-^Hsi; lionore
sa iri(''iiioire. Il fut enleiré d ins le cim(!tièr(i
de Calépole, qui; Tli^^listî lioiioie le 10 mai.
Ce ciiiKîtiere se trouvi^ sur la voie Aiiré-
lienne. Saint Cab'pode était atlaelié au ser-
vice do l'Kglise romaine ; sous le pontilicat
de Calliste, ayant baptisé un grand nombre
de païens illustres, il fut arrêté et martyrisé
avec plusieurs autres tidèles. Le pape Cal-
liste, qui prit soin de sa sépulture, fut enterré
près de lui (pieKpie temps après. Plus tard,
sous le j)ape Paul 1" et ses successeurs, on
lit transporter beaucoup des corps des saints
enterrés dans les cimetières, dans les égli-
ses. Les corps de saint Calliste et de saint
Calé[)ode furent transférés dans l'église de
Sainte-Marie au delà du Tibre. En l'an 85-'i-,
le comte Everard obtint du pape Léon IV
le corps de saint Calliste et le plaça dans l'ab-
baye qu'il avait fondée à Cisoing ou Chi-
soing, près Tournay. L'église de ce monas-
tère fut dédiée sous l'invocation de saint Cal-
liste. Par crainte des Normands, on a depuis
transporté à Reims les reliques de ce saint
martyr. L'église do Sainte-Marie-ïranstevère,
à Rome, prétend avoir encore une partie de
ces précieuses reliques.
CALLISTE (saint), martyr, donna sa vie
pour la foi de Jésus-Christ, à Rome, avec
les saints Félix et Boniface. On ignore à
quelle époque et dans quelles circonstances.
L'Eglise fait leur mémoire le 29 décembre.
CALLISTE (saint), martyr, répandit son
sang pour la défense de la foi de Jésus-Christ,
à Syracuse. Il eut pour com[)agnons de son
martyre les saints Hermogène et Evode.
L'Eglise célèbre leur fêle le 25 avril.
CALLISTE (saint), martyr, était évêque à
Todi. Il y soutfrit le martyre pour Jésus-
Christ. On ignore h (|uelle époque et dans
quelles circonstances. L'Eglise célèbre sa
sainte mémoire le H août.
CALLISTE (saint), martyr, fut noyé à Co-
rinthe avec saint Charise et sept autres dont
les noms sont ignorés. L'Eglise célèbre la
fête de ces martyrs le 16 avril. On ignore l'é-
])oque où ils furent martyrisés.
CALLISTE (saint), martyr, recueillit la
couronne du martyre ave;i ses deux frères,
Hermogène et Evode. Nous ne connaissons
rien d'aulhenticjue sur leur mort. L'Eglise
vénère leur mémoire le 2 septembre.
CALLISTRATE (saint), martyr, mourut à
Rome pour la foi avec quarante-neuf soldats,
sous l'empereurDioclétien. Ces soldats, ayant
vu Callislrale sortir sain et sauf du fond de
la mer où on l'avait jeté cousu dans un sac,
se convertirent ;\ Jésus-Christ et soullririnit
avec lui le martyre. L'Eglise honore leur
sainte mémoire le 2() septembre.
CALOCiEil (saint), martyr, reçut la |)alme
des combattants pour la foi de Jésus-ChrisI,
sur la voi(! Aj)p'«nne, à Rome, (^e saint était
chef des camériers de la femmi! de l'empo-
reur Dèce. H eut pour (•om[)agnoM de. son
marlyr(i saint PaiMliè u;, primicier dans une
autre charg(î. Ils fuient misii mort pour n'a-
voir pas voulu sacrilieraux idoles. L'Eglise
les vénère le 19 mai.
CALOCEIl ( saint), .soullVil le martyre à
Hresse, sous la persécul ion de l'i-mpere.ur
Adrien. Il avait et/' converli à la foi par les
saints Fausiiii et Jovet. Le Marlyrolo^rc ro-
main nedonne aucun détail sur sbnmaKym.
515 CAN
L'Eglise lionoro sa sainte mémoire le 18
avril.
CA (.OCKR ( saint ), était évoque h Raven-
nes. M y confessa Jésus-Christ au milieu des
tort'iies, tl()?u le Mart^ rolo^çe romain ne nous
a pas laissé les détails. L'Eglise honore sa
fé.te le 11 IV'vrier.
CALOCf^UE (saint), l'ut martyrisé sous le
régne de reui|)ereur Adrien, à Albenga,sur
la eùte dedénes, vers l'an l'io. L'histoire do
ce saint, donnée fort au long par Bollandus,
n'otl're pas les caractères d'authenticité dé-
sirables. On tait sa fête le 19 mars. Les Inbi-
tanls de Bresse prétendent avoir le cor[)s de
saint Calocère dans leur église de Sainte-
Afre.Ceux d'Albenga prétendent l'avoir aussi
dans l'église de Sainte-Claire.
CALPHUUNE, confesseur h Rome, en l'an
250, sous le règne de l'empereur Décc. Il fut
arrêté avec saint Moïse et ses compagnons.
Il soullVit connue eux courageusement la
prison et les tourments. 11 eut encore un
aulrebonheur, celui de ne pas tomber, comme
plusieurs de ces confesseurs, dans les ei-
reurs de Novatien. Nous ne savons pas ce
qu'il devint. ( Pour plus de détails, voy.
MOSE.)
CALVISIEN, gouverneur de Sicile sous
Dioclétien, lit mourir pour la foi chrétienne
saint Euplius, en 30fi-, dans la ville de Ca-
tane. (Pour plus de dé ails, voy. Eupuus.)
CAMÉUIN (saint), mariyr, était originaire
de Sardaigne. Il y soulfrit le martyre durant la
persécution de Dioctétien. Il eut pour compa-
gnons de ses combats les saints Euxore et
Cise. Ils périrent par le glaive sous le pré-
sident Delphius. L'Eglise honore la mémoire
de ces saints martyrs le 21 août.
CAMEKINO, ville des Etats ecclésiasti-
ques, Oli Ton prétend que saint Venant ou
Venance fut décapité, avec dix de ses compa-
gnons, sous le règne de l'emp reur Dèce, et
par ordre d'un juge nommé Antiochus. Quel-
ques auteurs, Tiliemont entre autres, ont
prétendu à tort que le martyre de saint Ve-
nant eut lieu en Sicile. Cette erreur est le
résultat d'une confusion. Ce fut dans cette
ville et aussi sous le même juge que, durant
cette persécution de Dèce, saint Anastase et
ses compagnons furent mis à mort pour la
foi.
CAN ( François-Xavier ), catéchiste ton-
quinois, fut étranglé en l'honneur de la re-
ligion chrétienne le 30 novembre.
CANADA et LOL'ISIANE. Ces deux con-
trées forment une pariie assez considérable
de l'Ainér que du Nord. Le Canada, qui ap-
partint longtemps à la France , est mainte-
nant une possession de l'Angleterre. La
Louisiane fait maintenant partie des Etats-
Unis a'Amérique. Anciennement ces deux
pays étaient connus sons la dénomination de
Nouvelle-France ; les pi-emiers missionnai-
res y vinrent en 1625. Jusqu'en 1032, l'é-
tude obligée de la lai-gue des haoïtants, de
leu'is mœurs, de leuis usages, de leurs
croyances, fit qu'on se borna en quelque
sorte à préparer la mission. A cette époque
elle commença k fructifier. Plus tard , la
CAN
Mi
compagnie formée pour coloniser la Nou-
velle-France, persuadée que les religieux
mendiants ne convenaient pas chez un peu-
I)le qui manquait sou\ent du nécessaire, at-
tribua enlièreinenl cette? mission aux Jésui-
tes. Elle devint extrêmement lloriss.intf, et de
très-nombreuses conversions s'opérèicnt.On
fixa le centre des travaux apostolupies chez
les llurons , h Joulmtiri , au | oste des trois
rivières au-dessus de Québec, et à 'J'adoussac.
On forma à Québec un collège destiné h ins-
truire les jeunes indigènes. Les mission
naires voyaient le succès bénir leurs tra-
vaux, en dé|)it des intrigues des Anglais et
des Hollandais, (jui, par haine des Français
et du christianisme , faisaient tous leurs ef-
forts pour ei traver les travaux des mission-
naires, et pour armer les unes contre les au-
tres les tribus au milieu desquelles ils al-
laient prêcher l'Evangile. Ce fut surtout aux
Jroquois qu'ils inspirèrent cette haine qui les
animait. Le p.uple devint l'instrument fé-
roce de leurs vengeances.
En lG'i-2 , les Iroquois surprirent les piro-
gues qui ramenaient de Québec le P. Joynes
et son escorte. Un Français, Guillaume Cou-
ture, fut mulilé; René Goupil, tué d'un coup
de hachd après d'horribles tortures; Joynes,
horriblement mutilé, ne dut son salut qu'à un
oificier hollandais qui le délivra. En 1044-, le
P. Bressani, étant tombé entre leurs mains ,
fut d'abord rudement bâtonné; puis ensuite
on lui fendit la main gauche dont on abattit
le pouce, avec deux doigts de la dioite. On
lui briila Is's ongles. On lui remplit la bou-
che d'excréments humains. Après beaucoup
d'autres tortures, on le vendit à des Hollan-
dais, qui le renvoyèrent en Europe, d'oii il
repartit bientôt après pour recommencer ses
travaux apostoliques au milieu de ceux qui
l'avaient martyrisé. Le 17 octobre 16i6, le P.
La Lande et le P. Joynes, qui était aussi re-
venu sur le théâtre de ses premiers combats,
furent tous deux martyrisés.
Le 4 juillet 1048, la peuplade des Agniés
envahit la bourgade de Saint-Joseph, elle
P. Antoine Daniel est criblé de flèches et
meuft victime du dévouement qui l'a porté à
se jeter au-devant des ennemis [)0ur les re-
tarder, et pour donner le temps à ses chers
néophytes de prendre la fuite. Le 16 mars
164-9, ce fut le tour des bourgades de Saint-
Ignace el de Saint-Louis. Jean de Brébeuf
et Gabriel Lallemand furent horriblement
martyrisés. En décembre suivant, la bour-
gade de Saint-Jean fut surprise par les Iro-
quois, et le P. Garnier cueillit la couronne
du martyre. Un Huron apostat tua dans cette
circonstance Noël Chabanel. En 1652 , le P.
Jacques Bateux tomba sous les balles des
Iroquois, le 10 mai. Le P. Poncet fut pris
l'année suivante et mutilé. Bientôt après, le
P. Carreau fut couronné pai' le martyre en
revenant de Québec avec une troupe de Mu-
rons.
Nous trouvons, le 24- août 1724, le martyre
du P. Rasles, tué par les Anglais, et traité
par eux d'une façon plus révoltante que ne
l'auraient pu faire les sauvages eux-mêmes.
È\^
CAN
CAN
51«
Le P. du Poisson , rencontré par un chef
natchez , le 28 novembre 1729, eut la tète
tranchée d'un coup de hache. Jean Souel ,
missionnaire chez les Yasous, fut tué à coups
de fusil en passant une rivière. Bientôt après,
ce fut le tour du P. Doutreloau, jésuite mis-
sionnaire chez les minois. S'il ne fut pas tué,
il ne le dut qu'à la protection divine : cou-
vert de blessures, il gai^na la Nouvelle-Or-
léans. Le P. Sénat fut pris et brûlé quelque
temps après (>ar les Natchez.
CANCER (le bienheureux Louis), de la
compagnie de Jésus , après avoir évangélisé
pendant près de trente ans les indigènes
de l'Amérique, se dirigea enfin vers la Flo-
ride. Les indigènes , furieux des horreurs
commises chez eux par les Euroi.écns ,
avaient résolu de ne souffrir la venue d'au-
cun Espagnol parmi eux. Trompés par le
langage de notre l)ienheureux et le prenant
pour un do leurs persécuteurs, ils regorgè-
rent; ensuite ils le mangèrent après l'avoir
fait rôtir et coupé par morceaux. (OEuvres
de don Barthélemi de Las Casos, t. I, p. 159.)
CANDALH, missionnaire en Cochinchine,
y mourut de misère et de privations , avec
M Vial'e.
CANDIDE (saint), martyr, fut un des com-
pagnons du glorieux martyre de saint Mau-
rice , qui fut immolé pour la foi près d'A-
gaune, avec la légion qu'il commandait, par
la cruauté de Maximien. Candide était un des
officiers de cette légion. Il est qualifié sé-
nateur des troupes ; nous Tie savons pas ce
que ce titre signifie. La légion Thébéenne, en-
tièrement composée de chrétiens, se rendait,
suivant l'ordre qu'elle avait reçu de Dioclé-
tien, d'Asie en (îaule, pour y faire la guerre
sous les ordresde Maximien, collègue que cet
empereur s'était donné. A quatorze milles
environ du lac Léman, l'cirmée se trouvant
réunie , Maximien ordonna qu'elle offrirait
un sacrifice aux dieux pour se les rendre
propices. Mais la légion Thébéenne, ne vou-
lant pas prendre part à cette cérémonie
païenne , se retira près d'Agaune , aujour-
d'hui Saint-Maurice, en Suisse, et de là écri-
vit à l'euipereur une lettre dans laquelle elle
prolestait contre la violence qu'on voulait lui
lajre. Maxiraien, au comble de la i'ineur, fit
d'abord décimer la h'-gion , et voyant que co
qui restait était inébranlable dans la foi , il
fît tout mettre <i mort, officiers et soldats.
Candide fui une de ces généreuses victimes
qui se sacrifièrent h Jésus-(Jhrist. Sa fè(e est
célébrée par l'Eglise, avec celle de saint Mau-
rice et de ses compagnons, lo 22 septembre.
{Voy. Maurice.)
CANDIDE (saint), martyr, mourut en con-
fos'-ant sa foi h Sebaste en Arménie, avec
saint Cyrion et un(; (juaranlaine d auties sol-
dats caf)pa:lociens dont hss noms sonl-incon-
nus. Ce fut sous r(,'m|)ereur Licinius que le
juge Agricolaijs Iciu- fit subir de cruels
loujiiienls. A(>i'Cs avoir enduré l(!s chaînes
et les [)risons pleines d'infecliou, après avoii-
eu le visag»; meurtri de nierr«îs, ils furent ,
d.iMs \i; teinps d(! l'hiver le plus rigoureux ,
(iî\pos6s nua ii l'air, durant une nuit entière,
sur un étang glacé, où le froid les pénétra de
telle sorte que leurs corps s'ouvraient de
toutes parts; enfin on leur brisa les jambes,
et ils achevèrent ainsi leur martyre. Saint
Basile et plusieurs autres Pères ont célébré
dans leurs écrits la gloire de ces saints mar-
tyrs. L'Eglise solennise leur fête le 9 mars.
CANDIDE (saint) , niartyr, souffrit le mar-
tyre en Afrique avec les saints Faustin, Lu-
cius, Célien, Marc, Janvier et Fortunat. (Voy.,
pour plus de renseignements , l'article Faus-
tin.)
CANDIDE (saint) , souffrit le martyTe à
Alexandrie avec saint Pipérion et vingt autres
dont on ignore les noms. L'Eglise fait leur
fôte le 11 mars.
CANDIDE (saint), martyr, fut martyrisé à
Rom , au quartier de Sainte-Bibiane. On
ignore la date et les circonstances de son
martyre. L'Eglise fait sa mémoire le 3 oc-
tobre.
CANDIDE (saint) , martyr, versa son sang
pour Jésus -Christ, à Rome, avec les saints
Lucius, Rogat et Cassien. On n'a aucun i en-
seignement sur eux. L'Eglise fait leur fôle le
1" décembre.
CANDIDE ( saint) , martyr, eut l'avantage
de donner son sang pour Jésus-Christ , à
Rome, avec les saints Fortunat, Firme et Fé-
licien. Ils cueillirent ensemble la palme du
martyre. L'Eglise les honore le 2 février.
CANDIDE , femme romaine , qui eut l'af-
freux malheur de sacrifier aux idoles sous
la persécution de Dèce, après avoir montré,
avec Numérie , aussi sa compagne d'aposta-
sie, un zèle ardent et une grande charité à
l'égard des confesseurs de Carthage venus à
Rome. L'une des deux était sœur de saint
Célerin, lequel écrivit au confesseur Lucien,
afin d'obtenir que ces deux femmes ren-
trassent dans la paix de l'Eglise. On sait que
Lucien lui écrivit que les martyrs leur avaient
accor.ié la paix , à la condition qu'après l'o-
rage de la persécution elles iraient exposer
leur cause à l'évèque, et feraient Vexomolo-
gcsc. {Voij. l'article Célekin.)
CANDiDE (sainte), martyre, était femme
de saint Artème de Rome. Ils furcMit conver-
tis à la foi, avec leur fille Pauline, par les mi-
racles et les discours de saint Pierre l'Exor-
ciste. S'étant tous liois fait bajjtiser pai- saint
Marcellin, prêtre, Arlème fut ciéchire à coups
de fouets garnis do |) omb, puis décapité par
l'ordre du juge Sérène. Candide et Pauline
ayant élé jelées dans une grolle, y furent ac-
cablées de pierres et de terre. L'Eglise fait
leur im-moirc! le 0 juin.
CANDIDE (sainte), martyre, eut l'avantage
do mourir pour la foi d(; Jisus-Chi ist à Car-
Ihage, sous l'empereur Maximien. Elle endura
des tournieiits si cruels, (jue tout sou co.ps
était couvert de plaies. C'est ainsi (pi'clle re-
cul la coui-oniie du martyre. On ignoi-e la
dali' précise de son martyre. L'Eglise l'ho-
nore le 20 sepl(Miibre.
(L\N<ll)li, espèce de carcan composé de
deux ais fort pesants et échancrés vers lo
milieu de leur union , oi^i esl inséré le cou
de celui qu'on u (•oiidanuié h cette peine.
517
CAN
CAP
51«
C'est un instryment de supplice employé
chez les Chinois.
CANOSA, dans la Fouille, est célèbre dans
les annales dos martyrs , par les souflVaneos-
qu'y endura l'évoque Sabin en confessant sa
foi. On ignore à quelle époque.
CANT (saint), martyr, soullVit la mort [)Our
Jésus-Christ au bourg San-Cantiano {Aqnœ
Gradalœ), en 30'i- , durant la persécution de
Dioclélien, avec son frère saint Caution, sa
sœur sainte Canlianillo, et saint Protus, son
précepteur, ( Pour plus de détails, t?o//. Can-
TiEN.) La fête de tous ces saints arrive le
31 mai.
CANTIANILLE (sainte), martyre, sœur des
saints Cant et Cantien, fut mise à mort avec
eux,en3()i,sous l'empire de Dioclélien. (Fo//.
Cantien.) La fête de tous ces saints a lieu le
31 mai.
CANTIDE (saint), martyr, était Egyptien.
11 mourut pour la foi clnétienne avec ses
deux compatriotes Cantidien et Sobel. On n'a
aucun détail sur eux. L'Eglise fait leur sainte
mémoire le 5 aoAt.
CANTIDiEN ( saint) , martyr, eut la gloire
de mourir pour Jésus-Christ avec les deux
Egyptiens, ses com[)atrioles,samt Cantide et
saint Sobel. Le Marlyrologe romain ne dit
rien sur eux, ne donne aucun détail. L'Eglise
honore leur glorieuse mémoire le 5 août.
CANTIEN (saint), martyr, donna sa vie pour
Jésus-Christ en 30'i- , avec saint Cant , son
frère , et sainte Cantianille , sa sœur. Ils
étaient de la famille des Anices , à Rome ,
l'une des plus célèbres de la ville , tant par
son ancienneté que par ses richesses. Ils
étaient parents de l'empereur Carin : Protus
les avait instruits dans la foi évangélique.
Quand la persécution de Dioclélien eutcom-
men^îé à ensanglanter l'Eglise, ils se retirè-
rent de Rome à Aquilée , pensant y trouver
la tranquillité ; mais ils avaient compté sans
la rage des tyrans : des ordres les y avaient
précédés. Quand ils y arrivèrent, Sisinnius, gé-
néral des troupes qui y tenaient garnison, et
Dulcidius , gouverneur de la province , n'é-
taient occupés jour et nuit qu'à poursuivre et à
arrêter les fidèles : les prisons en étaient rem-
plies. Dès qu'ils surent la venue de nos saints,
ils leur envoyèrent l'ordre de se présenter
pour sacrifier : en même temps ils députè-
rent vers l'empereur pour lui demander
quelle conduite tenir envers des personnes
de si haute qualité. Les empereurs donnè-
rent l'ordre de les décapiter immédiatement,
s'ils refusaient de sacrifier. Les saints avaient
profité de l'intervalle qui s'était écoulé ; ils
avaient quitté Aquilée, mais un accident ar-
rêta leur char dans un bourg nommé Aquœ
Gradatœ. Sisinnius y vint pour leur commu-
niquer l'ordre impérial : il mit tout en œu-
vre , mais inutilement , pour les engager à
l'obéissance. Les saints furent inébranlables,
et dirent que jamais ils ne quitleraient leur
sainte religion. Ils furent décapités avec Pro-
tus, leur maître spirituel, qui avait été chargé
de leur éducation. Un ecclésiastique du lieu,
nommé Zoélus, embauma leurs corps, et les
plaça tous dans le môme tombeau. Depuis ,
le bourg ({'Aquœ Gradatœ se nomme San-
Cantiano. L'Kglise fait la fêle de ces saints
martyrs le 31 mai.
CÀNTOVA (le bienheureux), missionnaire
do la com{)agnie de Jésus , partit do Coua-
ham ( îles iVlariannes) avec le 1\ Walter, le
2 février 1731 , et ils arrivèrent le 2 mars à
l'uiu; des Carolines qu'ils évangélisèrcsnl en-
semble durant trois mois. Sur ces entrefaites,
Walter étant retourné aux Maria'in(!salin de
s'y munir des choses nécessaires à la sub-
sistaïKMs dont on manquait com|)létement au
lieu où ils étaient, notre saint laissa ses com-
pagnons à Falalep, alla de garder la maison,
et suivi de deux soldats et d'un intcrptètc,
se rendit à l'île de Mogmog, où il diivail bap-
tiser un néo{)hyle. A peine y ful-il arrive^ ;
que les indigènes se jetèrent sur lui et le
percèrent de trois coups de lance. Ils dé-
j)Oiiillèrent ensuite le cadavre, retendirent
sur une natte et l'enterrèrent sous une [)c-
lite maison , sépulture honorable du reste,
qu'ils ne donnent qu'aux [)rincipai;X de leur
île. Les trois compagnons de Cantova ayant
étémassacrésde la mêmemanière, leurs corps
furent mis dans une barque et abandonnés
au gré (les flots.
CAPELLA. Voy. C/Ecilfus Capiîlla
CAPITON (saint), martyr, était évêque dans
la Chersonèse. Il eut la gloire de mourir pour
la défense de la religion avec les évêques
B isile, Eugène, Agalliodore, Elpide, Klhère,
Nestor et Arcade. L'époque où eut lieu leur
martyre est complètement inconnue. L'Eglise
fait leur fête le k mars.
CAPITON (saint), martyr, reçut la palme
de combattant pour la foi avec saint Menée.
On ignore le Heu, la date et les circons-
tances de leur martyre. L'Eglise célèbre leur
mémoire le 24 juillet.
CAPOUE, VuUiirnum, puis Capua, ville si-
tuée dans le royaume de Naples (Terre de
Lauour). Son premier martyr est saint Pris-
que, qui avait été disciple de Jésus-Christ ,
et qui fut mis à mort sous la persécution de
Néron.
CAPPADOCE, région considérable de l'A-
sie Mineure, correspond aujourd'hui à une
partie des pachalikcs de Siwas et de Cara-
manie. Elle fut le siège de diverses per-
sécutions endurées par les chrétiens. ( Voy.
Césarée.) Soiis l'empereur Septime Sévère,
Claudius Herminianus , gouverneur de ce
pays, en haine de ce que sa femme avait été
convertie, fit endurer une violente persécu-
tion aux disciples de Jésus-Christ. Il en força
malheureusement plusieurs par la violence
des tourments à renoncer à leur foi. Frappé
par Dieu d'une maladie terrible, il comprit
la [mnition qui lui était envoyée, et, suivant
Tertullien, mourut presque chrétien. Sous
Maximin P', le gouverneur de cette pro-
vince, nommé Sérennieu [Mlius Serennia-
nus ), y persécuta très-violemment les chré-
tiens. C'est saint Firmilien, évêque de Césa-
rée , qui nous l'apprend dans une lettre
adressée à saint Cyprien. ( Pour voir ce
fragment, voy. Maximin.) Les peuples de
cette contrée étaient à cette époque excessi--
519 CAR
vement irrités contre les chrétiens , aux
quels ils attribuaient les famines et les trem-
blements do terre qui avaient désolé leur
patrie et les contrées voisines. Nous croyons
que c'est sous ce rè^^ne qu'il faut mettre le
martyre de saint Thespèce, que nous trou-
vons au Martyrologe romain comme ayant
eu lieu en Cappadoce, sous celui de Tempe-
reur Alexandre.
CAPRAIS (saintj, martyr, eut le bonheur
de donner sa vie pour Jésus-Christ, sous le
règne des emjjereurs Dioclélien et Maxi-
mien, dans la ville d'Agen, sous le gouver-
neur Dacien. Voici ce que nous trouvons re-
lativement à lui au Martyrologe romain ,
sous la date du iîO octobre, jour auquel l'E-
glise célèbre sa fête. Ce saint s'était caché
dans une caverne, fiour éviter la fureur de
la persécution qui sévissait contre les chré-
tiens. Ce fut dans cette retraite qu'il apprit
que sainte Foi avait soulfert couragense-
nient à Ageu, et avait donné sa vie pour Jé-
sus-Christ. Animé d'une sainte ardeur, et
brûUni de cueillir la njème couronne, il pria
Jési s Christ de lui montrer, en faisant sor-
tir de l'eau claire des rochers de la caverne,
s'il le jugeait digne de mourir pour lui. Ce
miracle ayant eu lieu, saint Capi-ais se ren-
dit au lieu où étaient les persécuteurs, et
ayant soutenu avec un grand courage l'in-
terrogatoire qu'on lui tit subir, reçut la
palme glorieuse qu'il venait conquérir par
l'ordre formel de Dieu.
CAUACALLA, lils de Sévère, monta sur
le trône en 211, et fut tué par Macrin, qui
lui succéda en 217. Sous le règne de ce
j)rince, la [)ersécution allumée par Sévère
dura encore, du moins dans quelques pro-
vinces de l'empire, s'il est vrai q"e ï Avis de
Terlullien à Scapula ait été écrit après la
mort de cet empereur ; et, certes, il y parle
en des termes qui font i)résumer que, non-
seulement Sévère, mais aussi Caracalla son
lils, ne régnaient déjà plus. « Le père d'An-
tonin (Sévère), dit-il, a eu quel([ue considé-
ration pour les chrétiens » El plus bas :
« Sévère a[jprenant que quelques personnes
de qualité faisaient profession du christia-
nisme, il ne leur lit aucun mauvais traile-
ruent » Et auparavant il avait fait men-
tion du proconsul Asper, que Dodwel lui-
même avoue en avoir (exercé la charge en
Afrique, sous l'empire de Caracalla. Voici
donc comme 'l'erlidlien parle, dans cet ou-
vrage, de la persécution qui paraissait être
alois fort échaulfée : « On ne nous voit j)oint
trembler à la vu»; des tourments, parce que
nous n'.iv ns embiassé la religion que nous
professons qu'à condition que nous serions
toujours prêts à combattre contre vos injus-
tes "violences ; c'est uii engagement que nous
avons pris en nous laisant chrétiens En
effet, votre cruauté et notre |)al.ience se d s-
putent tour à tour la victoiie » On ap-
[ireiid du même auteur, ([ue la persécution
se fiiisiiit aussi s(;ntir dans les autres pr(j-
vinces, mais mo ns viv(;mei.t qu'en Alriijue,
car on se coi.leulail là d'êgoiger les chré-
tieas, et ici ou les brûlait tout vils. El qu'on
CAR
520
ne nous objecte pas que Caracalla, nourri
d'un lait chrétien, comme parle Tertullien,
n'avait garde de s'élever contre une religion
qu'il avait sucée avec cette première nourri-
ture ; car, outre que ce prince pouva't bien
n'avoir aucune part à toutes les violences
qu'on exerç ut alors, c'est (pi'on ne se per-
suadera jamais que le plus infAme de tous
les hommes, et dont 1 s mœurs étaient si
éloignées de la pureté de celles des chn--
liens, leur ait été favorable en considération
de leur religion. (Ruinr.rt, Disc, préliin.)
CARADOC ou CuADoc, hls d'Alain, prince
du pays d'Holy-Weell, étant devenu éper-
dument amoureux de sainte Wéréi'ride, qui
était abbesse du monastère de Gulh irin, et
n'ayant pu l'amener à lépondie à ses infA-
mes désus, lui coupa la tète comme elle
cherchait à se réfugier dans l'église que saint
Beuiion avait fondée à Holy-Weell.
CARALIPPE (saint), mait.,r, eut le glo-
rieux avantage de verser son sang pour la
foi chrétienne. On ignore le lieu et la date
de son martyre ; seulemeiit, le Martyrologe
romain nomme ses trois compagnons de
souffrances: saint Aphrodise, saint Agape et
saint Eusèbe. C'est le 28 avril que 1 Eguse
lionore leur sainte et gl rieuse mémoiie.
CARAVES, lieu voisin de Saragosse en
Espagne, où Ion prétend (jue saint Polycète
fut martyrisé, durant lapersécutioii de Néron.
CARliElRA, missionnaire jé>uile en Ab s-
sinie, naquit à Béjà en Portugal. Il viut en
Afrique sous la direction de Mendez, pa-
triarche d'Abyssiiiie, que Mélec-Segmd avait
demandé au pape en se rail ant à la foi ca-
tholique. 11 fut un des derniers jésuites qui
restassent dans ce pays, lo. sque la persécu-
tion eut chassé ou exl;'riniiié la plupait de
ceux qui y étaient venus prêcher i'orlho-
doxie. Avec le P. Bruno, il s'était mis sous
la protection de Za-Mariam , vice-roi de
Tomben, qui était entièrement favorable aux
catholiques. Za-Mariam ayant été atta-
(jué par le vice-roi du Tigré, le vainquit,
mais eut le malheur de tomber dans une em-
buscade où il fut tué. Lis deux jésuites, se
trouvant sans protecteur, furent pris et sus-
penuus à oes branches d'arbre, puis la|>icJés.
Il est probable que ce genre de supplice était
usité en Abyssinie ; nous le trouvons déjà
ap|>liqué, par les moines du la-, Dembéa. à
Alméida, évê(iue de Nie ée , et à ses compa-
gnons. La mort de Cardeiia arriva le 12
avril ICiO, sous Je règne du Négous Basili-
des, violent peiséculi'ur de la loi c dliolii|ue.
CARITINE ( sainte j, fut arrêtée à Rome
avec saint Justin, sous Marc-Aurèle, et con-
damnée, avec ce saint et sesauires compa-
gnons, à être fouettée, |)uis ensuite décajii-
tée. L'Eglise célèbre sa fêle le 13 d'avril.
{Voy. J; sTiN.)
CARITON (isaint), fui martyrisé eu l'iion-
neur ..e Jésus-Christ. On le jeta dans une
fournaise ardente pendant (pie son compa-
gnon de .soiilfrances, sa ni Zenon, était pré-
cipité dans une ch ludière pleine de plomb
loiidu. L'Eglise honore leur mémoire le •'{
sej)iembre.
hsl
CAR
CAR
b^l
CARITON ^saint), l'un dos compagnons du
martyre do ?airU Justin, fut mis à mort ^
Romo, sous le r^gno do Marc-Aurôlo. Le
préfet Riislicus lo lit fouetter, puis drctapi-
ter. L'Kyliso fait la fôto do saint Cariton lo
13 avril. ( Voy. JDsrm.)
CARNATIi; (Mrssiox dk), faisait ancionnc-
moiit partie de l'Hindouslan. Pour on avoir
une idée préc so, suivons co (pie disent les
Lettres (Wliliantcs, vol. IV, p. 9li.
« La mission do Carn;ito ne so borne |)oint
au royaume (jui porto ce nom, elle renlermo
encore beaucoLi[) de royaumes et de provin-
ces qui sont contenus dans une étendue de
pays fort vaste ; elle embrasse du sud au
nord plus de trois cents lieues dans sa lon-
gueur, el environ quarante lieues de Test à
l'ouest, daiis sa mo.ndre largeur. Les prin-
cipaux Etals sur loscpiels ol'e étend sa solli-
cituiie sont, outre \r. Caruate, lo Visapour,
Bijanacarou , Ikkéii , Golcondo; ajoutez-y
plusieurs Etats particuliers, dont la i)lupart
sont tributaires du Grand-Mogol. Carvé-
pondy est la j)remièro église que les fonda-
teurs de la mission de Carnate ont établie.
Comme elle est dans un territoire qui dé-
pend des brahmes, elle est, plus que toute
autre mission , exposée à leur persécution ;
ils n'ont cessé, depuis trente ans, d'inquié-
ter les missionnaires, et quoique ()unis
quelquefois par les Maures, qui sont sei-
gneurs de cette contrée, ils n'ont jamais
perdu le dessein de ruiner cette église et la
chrétienté qui en dépend. Les seigneurs de
la province de Counampaly se sont rendus
de tout temps redoutables aux princes des
pays voisins ; comme ils sont voleurs de
profession, iisfont des excursions nocturnes,
et tout devient la proie de leurs briganda-
ges. Malgré cette vie si criminelle, ils ne
laissent pas que d'avoir des dispositions fa-
vorables pour les missionnaires ; c'est d'eux
que la mission tient le terrain où cette
église a été bâtie; il faut traverser quatre ou
cinq lieues de bois pour y arriver. Les néo-
phytes qui s'y rendent, dès qu'ils déclarent
qu'ils sont chrétiens, qu'ils vont faire leurs
prières à l'église du vrai Dieu ou visiter les
souarnis (c'est de ce nom qu'ils appellent
leurs missionnaires), sont sûrs de n'être pas
inquiétés dans leur marche.
La partie de la mission de Carnate qui est
en deçà des montagnes, regarde ajuste titre
le P. d'Harnoncourt pour son fondateur; les
églises qu'il y a établies sont des monu-
ments durables du zèle dont il brûlait pour
la gloire de Dieu et le salut des âmes ; sa
douceur, son humilité, ses manières affa-
bles et prévenantes lui avaient gagné le cœur
des Français et des Malabares. 11 est diflicile
de montrer plus de courage, plus d'activité
et plus de tranquillité d'àme qu'il n'en a fait
paraître dans les diverses persécutions qu'il
a eu à soutenu'. Dans la persécution de
Ballabaram, sa douceur charma tellement les
sol .ats envoyés pour le prendre, que, chan-
gés tout à coup en d'autres hommes, et se
jetant à ses pieds, ils lui demandèrent par-
don des violences qu'ils avaient exercées à
DiCTiuNN. PES Persécutions. L
son égard. Dans un(! autre persécution où
l'on avait soulevé louti; la villo contre les
missionnaires et les cluM'ticns, un seul en-
tretien (pi'il ont avec lo cher do la troupe lui
ouvrit les yeux sur la divinité et l'oxcoll nce
delà religion. Sur le rapport que co cliof en
lit au prince, il y eut défense d'in(juié;er de
nouveau les (idoles. La célèbre fortercss.- ap-
pelée Cnrnuta a domié son noir, à tout le
pays ; elle est placée sur umo montagne fort
élevée. On a bAti une égl se au pied de cette
montagne, et une autre à Aréar, où l'on
com|ite plus de (juatre mille chi-étions ; c'est
une grande ville maure; on lui donne neuf
lieues de circuit, mais ode n'est pas peuplée
à jjroportion de sa grandeur. Le nabab y
fait son séjour ordinaire. On trouve une troi-
sième église à Volour, autre ville maure,
également considérable, et la demeure d'un
nabab différent do celui d'Aréar ; on y voit
une forte citadelle qui a double enceinte,
avec de largos fossés toujours pleins d'eau,
où l'on entretient dos crocodiles pour en
fermer le passage aux ennemis. Les crimi-
nels qu'on condamne aux crocodiles n'ont
pas été plutôt jetés dans ces fossés, (ju'à
l'instant même ils sont mis en pièces et dé-
vorés par ces cruels animaux. Ce sont les
anciens rois marattes qui ont construit cette
citadelle ; elle est encore recommandable
par une superbe pagode qui fait mainte-
nant partie du palais du nabab.
A une journée de Velour, tirant vers le
nord, on remarque une quatrième église,
bâtie dans une forêt dont les arbres sont
singuliers ; ils sont extrêmement i/auts, fort
droits et dénués de toute branche; leur cime
est chargée d'une grosse touffe de fouilles où
est le fruit. Ce fruit est doux, gros comme un
pavie de France, et couvert d'une espèce de
casque très-dur; on le cueille en son temps, et
on le met en terre ; au bout de deux mois, il
pousse en bas une racine et en haut un jet ;
l'un et l'autre se mangent ; six mois après,
on coupe certaines feuilles de l'arbre, gran-
des comme des éventails, et qui en ont la
forme, dont on couvre les maisons. La queue
de la feuille est large de quatre doigts et
longue d'une coudée ; quand, après l'avoir
fait sécher au soleil, on l'a bien battue, elle
ressemble à la fdasse de chanvre, et l'on en
fait des cordes. Au tronçon qui reste à l'en-
droit des feuilles qu'on a coupées récem-
ment, on attache des vases pour recevoir la
liqueur qui en découle ; celte liqueur est
belle, claire, douce et rafriîchissante. Je ne
le sais que sur le rapport d'autrui, car je
n'en ai jamais goûté ; ii n'est pas permis à
des sanias ou pénitents, tels que nous som-
mes dans l'idée de ces peu. les , et qui font
profession de renoncer à tous les plaisirs de
la vie, de boire de cette liqueur.
Plus on s'éloigne des côtes de la mer,
plus on trouve de chrétiens ré| andus sur la
surface de l'Inde. Dans la seule mission de
Carnate, fondée par les jésuites français, et
qu'ils cultivent seuls depuis trente ans, on a
déjà élevé onze temples à la gloire du vrai
Dieu. Dans la chrétienté de Pineipoude, des-
17
523
CAR
CAR
52|.
sorvif par (]uatre miss^omaires, on compte
iiuit à neuf mille chrétiens, partie choutres
et partie parias ; le supérieur de cette mis-
sion, le P. Le (iac, en parcourt continuelle-
ment toutes les chrétientés pour voir, ani-
mer, régler tout, ainsi qu'il le fait dans la
vaste partie de l'Inde coniiée à son gouver-
nement. Les brahmes sont, à propieraent
parler, les seuls ennemis dos missionnaires;
les prédicateurs de l'Evangile ne pourraient
résister à leur fureur et au dépit qu'ils con-
çoivent en voyant les progrès de la foi, si
les missionnaires n'étaient pas manifeste-
ment protégés |)ar le nabab, vice-roi de Car-
nat'.', et par le Grand-Mogol, qui a donné dos
ordres très-favorables à la religion.
Pondichéry, situé au milieu de la côte de
Coromandel,^ est conmie le centre de lumière
qui s.' rédéchit sur la grande péninsule de
l'Inde ; c'est dans cette ville que se sont d'a-
bord établis les missionnaires jésuites en-
voyés par Louis XiV. «Nous sommes ici cinq
prêtres et deux frères de notre compagnie,
écrivait un rrissionnaire, il y a plus d'un
siècle; tous y sont fort occupés : le P. Dolu
gouverne la paroisse des Malabares ; le P. de
la Breuille enseigne la philosophie ; le P.
Turpin, sans interrompre ses travaux pour
la conversion des idolâtres, apprend la lan-
gue latine aux jeunes Français et Poitugais
qui se destinent à l'état ecclésiastique ; le
frère M.iurice donne des leçons de lecture,
d'écriture, de calcul et de pilotage aux en-
fants qui se rendent en grand noud^re à son
école; le ciel bénit nos travaux. Il y a vingt-
cinq ans qu'on ne voyait à Pondichéry au-
cun chrétien rnalahare ; on y en compte au-
jourd'hui trois mille. Nous espérons, avec
la grâce de Dieu, de gagner bientôt à Jésus-
Christ plusieurs familles considérables par
leurs castes, et qu'en peu d'années la plus
grande partie de ces peuples embrasseront
notre sainte religion. C'est aussi à Pondi-
chéiy qui' les missionraires capucins et
MM. des Missions étrangères ont formé leur
premier établissement ; ils y ont chacun une
maison et une église. La vie pauvn;, péni-
tente, austère des missio- naiies, réduisait à
bien peu les dépenses nécessaires à leur en-
trelien ; mais il fallait des jnoyens de pour-
voir à leur subsistance et aux frais des
voyages longs et pénibles , [)resque conti-
nuels qu'ils étaient obligés de faire pour se
rendre .1 leur destiialion. L'honneur de leur
miinstère et la loi rigoureuse qu'ils sélaimit
iujposée, exigeaient ipi'ils ne reçussent rien
de leurs prosélytes, (^u'avaierit-ils d'ailleurs
à attendrie de la paît des inlidèles dont ils
venaient attaquer les passions et les préju-
gés? On ne les voit recueillir, h; |»lus sou-
vent, pour prix d(i leurs travaux el <le leurs
sacrifices, que le méj)ris, la haine (d les per-
sécutions. »
Le P. .Mauduit (t hi P. «ouchet lurent
viole(nment persécutés dans la nn^sinii do
Cirnate. (Ko//, leurs articles.) Le P. le <lac y
fut mis en |)rison par les Maures. (J'oy. son
arliije.)
CAIU»K (sainlj, évèque de 'Ihyatires, mar-
tyr sous Dèce en 251, fut arrêté pour la foi
e"t conduit devant le proconsul Valère, qui
avait celte aimée sucrédé à Opiiuie. Avec
lui fur. ni pris aussi Papyle diacre, et leur
domestique Agalhodore. Le proconsul ,
voyant qu'ils confessaient courageusement
le nom de Jésus-Christ, les fit conduire
chargés de c'iaines par toute la place pu-
blique de Thyalires. Mais les saints, loin
der('garder ce Irailemenl eomme une honte,
s'en fusaient gloire. Comme ils persistaient
à confesser Je nom de Jésus-Ch: ist, le pro-
consul fit don de tout ce qu'ils })Ouvaient
posséder à ceux qui les avaient dénoncés,
et commanda qu'on les attachât sur des che-
vaux Irès-rudes pour les conduire à Sardes
où il se rendait. Celte fatigue ne les empê-
cha pas de confesser leur loi, pour la troi-
sième fois, à Sardes. Alors Valère les fit
mettre en prison, el fit déchirer à coups de
nerf de bœuf Agathodore qui les servait, et
qui Ji'avait pas voulu les quitter. Cette fidé-
lité el ce dévouement lui méritèrent le bon-
heur d'être associé à leur triomphe. 11
mourut pendant (ju'on lui iniligeaii ce tour-
ment. Valère ordonna qu'on jelàt son cor[)S
aux chiens; mais des i)ersonnes pieuses l'en-
sevelirent la nuit et le déposèrent dans une
caverne. Le proconsul croyant que les deux
saints avaient été intimidés par le supplice
de leur domestique, 1 -s fit conduire à pied
jusqu'à Pergame, où il se rendait à cheval,
el au second jour du voyage, voulant aug-
menter leurs fatigues, il les fit charger de
chaînes. Arrivé dans cette ville, il (il battre
le saint évêque avec des bâtons garnis d'é-
pines, lui fit brûler les côtés avec des tor-
ches, et fil jeter du sel dans ses plaies. Il le
fit étendre sur le chevalet où, dans les plus
grandes violences de sa douleur, il so.. riait
en disant au | rocons il qui lui en demandait
le motif: c'est que vos tourments me d(ni-
neiit lî moyen de voir ia gloire d'en haut.
Saiit Papale lul traité de la même manièie que
sain! Carpe, ensuite on les reconduisit dans
la prison. Quelques jours après, on les cou-
cha tout nus sur des pomtesde fer, on leur
déchira de nouveau les côtés, et enfin ou
les jeta dans un b.icher où ils terminèrent
leur martyie. L'Eglise fait leur tête, avec
celle de sainte Agitlionique et de saint
Agathodore, le l'A avrd.
CAKPOCKATIENS, hérétiques qui furent
connus au ir siècle, du temps tl'Adrien. Us
avaient pour chef Carpocrate d'Alexandrie ;
leur secte était une dérivation de celle des
giiostiques : ils prêchaient la préexistonco
des âmes, prétendant qu'elles avident [)é-
ché dans un autre monde, et (ju'elles de-
vaient l'expier dans celui-ci, en obtempé-
rant à tous les désirs de la chair. Suivant
eux, si ellesiie lefaisaienlpas, elles passaient
d<ms d autres corps pour y satisfaire. On
conçoit à quels excès, â (pielles débauches
devaient airivcn' les carpoeraliens, en sui-
vant les consi'iiuenciis de leurs jjrincines.
La communauté des femmes, les impudici-
lés, les débauches de l(Miles sortes, étaient
choses habituelles |iarmi eux. Saint Irénéo
^2t
CAR
\
(lit quo les infamies qu'ils commeftaienf,
étaient telles, (|u"on se refuserait h y croire,
si elles n'étaient consignétis dans leurs pro-
j)res ouvrages, lis se livraient, dans leurs
réunions, h toutes les abominations (|u'ou
reprochait aux chrétiens dignes de ce iiom.
Ils s'adon-iaienl ;Ma magie. On les confondait
avec les chrétiens, et ceux-ci se ressentaient
de toute la haine qu'on leur por.ait ; les
carpocraticns n'avaie-it pourtant rien de
commun avec eux : car, comme les gnosti-
ques, ils niaient la divinité de Jésus-Christ.
Cette haine que suscita contre les vrais dis-
ciples du Christ la contusion qu'on faisait
d'eux et de ces int'Ames héiéii(iu(vs, fut une
des causes qui les lit persécuter sous Adrien
et sous plusieurs de ses successeurs. Peut-
être faut-d en part e attribuer 5 cette haine les
cris que jioussait [)arfois le peu|)le dans
les assemblées, dans les amphitliéàires, pour
demander qu'on fit mouiir les chrétiens,
qu'on les livrclt aux bôlfs.
CAHPON (saint), martyr, fut égorgé pour
l'amour de Jésus-Christ, avec ses deux
frères Evariste el Priscien. Leur sœur For-
tunale fut également martyrisée dur.mt la
môme persécution dj Dioolétien. L'Eglise
célèbre leur mém >ire le i't octobre.
CARPOPHOUE ( saint j, fut martyrisé k
Cai^oue, avec saint Huf, sous les emi)ereurs
Dioclétien et >;aximicn. Oi n'a aucun dé-
tail sur eux, et l'Eglise célèbre leur immor-
tel e mémoire le 27 août.
CARPOPHOUE (s.iinl), martyr, était prê-
tre. 11 versa son sang en l'honneur de Jésus-
Christ avec saint Abonde, diacre, et durant
la persécu.ion de Dioclétien. Il furent d'a-
bord meurtris cruellement de coups de bâ-
ton, puis mis en prison, avec ordre de ne
leur don er ni à manger id à boire, ensuite
tourmentés sur le chevalet et remis dans
leur premier cachot oii ils souffrirent long-
temps ; eifii, ils eurent la tèle tranchée.
L'Eglise honore leur immortelle et sainte
mémoif e le 10 décemore.
CAUPOPHORE (saint), martyr à Rome, en
30i, sous le règne et duiant la persécution
de Dioclétien. {Voy. Quatre Couronnés.)
CARPOPHORE (saint), mourut au mdieu
dessoulfrances àCôme, avec les saints Exan-
the, Cassius, Séverin, Second ei Licinius. ils
furent tous décapités en Thonneur de noire
Sauveur. On ignore à quelle époque. L'E-
glise célèbre leur sainte mémoire le 7 août.
CARRHES, aujourd'hui Harran, ville de
Mésopotamie, a été illustrée par le martyre
du saint patrice Eutyche et de ses compa-
gnons, massacrés pour la foi, par Evélid, roi
des Arabes.
CAR j ÈRE (saint), était habitant d'Edesse.
Il fut mis à mort pour la défense de la foi,
sous l'empereur Licinius, avec les saints
Styriaquo, Tobie, Eudoxe et Ag.Hpe. L'Eglise
honore leur mémoire le 2 novembre.
CARTHACiE, Carthago lat., Kupxr.^M-, grec,
la cité reine des rivages africains, la rivale
de Rome, la patrie d'Annibal et de tant d'au-
tres grands hommes qui disputèrent long-
temps l'emnire à la ville devenue la mai tresse
CAR KâÔ
dos nations, sembla vouloir, vaincue sur
le terrain des combats, se lelever pour dis-
puter encore à la ville él(;rnelle l'empire
spirituel du monde chrétien. Durant les pre-
miers siècles de l'Eglise, Carthage fut l'un
des points où h; christianisme jeta h; j>lijs
d'éitlal. D'admirables génies y surgirent. Ses
riiiiuis aujouid'luii sont aussi retentissantes
des souvenii'S chrétiens que des souvenirs
guerriers, et les échos endormis du passé,
s'éveillent au nom de Cyprien avec plus
d'orgueil encore qu'au nom d'Annibal. Les
premiers martyrs qui aient arrosé de leur
sang cette terre glorieuse, sont les martyrs
Scillitains, saint Si)érat, saint Narzal, saint
Ciltin, sainte Donate, sainte Vestine el saint(;
Seconde. Us furent mis à mort sous l'empire
de Sévère, par ordre du proconsul Saturnin
[Vigellius Salurninas), le [)remier, dit Ter-
tullien dans sa lettre à Sca[mla, qui ail tiré
Ic! glaive en Afrique contre les chrétiens.
Sous le règne du môme empereur, après la
mort du proconsul Minucius Félix, Hilarien,
gouverneur intérimaire, fit martyriser à Car-
thage les saintes Perpétue , Félicité, avec
les saints Sécondule (celui-ci mourut en pri-
son), llévocat, Saturnin et Sature. Révocat
et Félicité étaient tous deux de condition
servile. Vivia- Perpéiue était d'une haute
naissance. Elle tenait à une des familles les
plus impoi'tantes de la cité. {Voy. ses Actes,
à son article.) Quelque temps avant, mais
sans qu'on sache précisément la date, saint
Epictète, saint Second, saint Artaxe, saint
Vital, saint Félix, saint Saturnin, saint Ju-
cond, avaient été brûlés vifs. Saint Quinte
était mort en prison. Les anciens martyrolo-
ges et le Martyrologe romain mettent tous
ces saints au 9 janvier. Il est fait mention de
quelques-uns u'entre eux dans les Actes de
sainte Perpétue, au récit qu'on y trouve de
la vision de saint Sature.
Celte terre d'Afrique, cette terre aujour-
d'hui si désolée, et que Dieu semble pour-
tant vouloir relever de ses hontes et de ses
déchéances, pour lui rendre les croyances
qui jadis ffiisaient sa gloire, fut, à toutes les
époques de nos fastes chrétiens, arrosée par
le sang des martyrs. Sous la persécution de
l'empereur Dèce, Carthage était, grâce à la
présence de saint Cyprien sur son siège épis-
copal, comme la sœur de Rome. Ce saint
prélat, la plus ferme colonne de l'Eglise, don-
nait un lustre prodigieux au pays et à la
ville qui avaient le bonheur de l'avoir p mr
évoque et pour primat. L'Eghse d'Afrique
était l'horreur des païens, comme elle était
l'honneur et l'admiration des chrétiens. Aussi
la persécution se déchaina-t-elle contre cette
Eglise avec une violence sans égale. Rogatien,
Félicissime,une foule d'illustres confesseurs,
combattirent pour la foi dans les prisons et
dans les tourments. Il périt dans les cachots
une foule de saints martyrs, par ordre du
cruel tyran qui suscitait une si terrible tem-
pête contre l'Eglise du Seigneur. Le mons-
tre avait donné l'ordre de les y laisser mou-
rir de iaim : cet ordre barbare fut exécuté.
Les saints Victorin, Victor, Hérénée, Donat,
527
CAR
CAR
t'ai
Firme, Vcntus, Fracle, Martial, Ariston, Ba~
rue, OLiiiîto, Janvier, Macore, Gallus, et les
saintes Fortune, Crédule , Hérène, Julie,
ainsi qu'une foule d'autres que l'Eglise ne
nomme pas, périrent de cette mort atlVeuse.
Les saints Paul et Fortunion périrent dans
les tourments de la question, ou immédia-
tement après ; saint Basse expira sous la
main des bourreaux. La moisson de saints
et de saintes fut immense, mais hélas 1 les
bles>ures que reçut l'Kglise fuient nombreu-
ses : un graMd nombre de chrétiens renièrent
leur foi. (Pour plus di' d ■'lails,ro?/.CvrRiKN.)
Sous (ialhis, la iiersécution r<'CoaHneiça,
f^lle fut excessivement violente ; mais ce
fut surtout sous ^'alérien qu'elle le devint
plus qu'elle ne l'avait encore été. Saint Cy-
prien tomba pour la seconde fois entre les
m.fins -ies persécuteurs, extermina ses jours
si pleins de gloire, parla m;iin du bourreau.
Il fut décapité. {Voy. son article pour plus
amples détails, et pour ce qui a trait aux dif-
férentes phases de la persécution à Car-
thage.)
CARTIER (Anne), ursuline au Pont-Saint-
Esprit, périt sur l'é- hafaud, le 26 juillet
179i, à Orange, avec Thérèse Consolon, su-
périeure des Ursulines de Sisteron, Claire
Dubac , 'Marguerite Bonnet, religieuse du
Saint-Sacrement, et Madeleine-Catherine
de Justamon, quatrième martyre du môme
nom et de la môme f.unille.
CARVALHO (le bienheureux Jacques) ,
Portugais, de la compagnie de Jésus, faisait
partie de la troupe de missionna.res que le
P. Diaz et le P. François de Castro condui-
saient au Brésil, à la suite du B. Azevedo.
Un mois après le départ du Saint-Jacques, qui
portait ce dernier, Diaz et ses compagnons quit-
tèrent Ma:Ière,a(in de poursuivre la route vers
le Brésil, avec le reste de la Hotte. La tempête
ayant dispersé les navires de l'escadre, celui
que montait notre bienheureux et ses com-
pagnons dévia vers l'ile de Cuba, et à San-
Yago on dut l'abandonner, à cause de ses
nombreuses avaries. Les voyageurs tnjuvè-
rent une barque, qui les conduisit au {)ort
d'Abana, d'où un navire qu'ils y frétèrent
les transporta aux Açores, au mois d'août
1571. Ils y trouvèrent le commandant de la
Hutte, Louis do Vasconcellos avec le P. Diaz
et cinq autres jésuites, ({ui les y avaient de-
vancés. L'amiral voyant son monde si ré-
duit, ne conserva (ju'un navire, et ils se
rembarquèrent, le 0 septeml)re 1571. Hi(;n-
tùl ils rencontrèrent cinq vaisseaux dt; iiaut
bord conunandés [)arle Béarnais Cajuleville,
calviniste, (pji avait assisté à l'abordagi! du
Sainl-Jactjues. Le ccjinbat ne fut pas lo'ig,
et les calvinistes s'emparèrent du vaisseau
callioli(iU(;. Le B. Diaz fut massacré, puis
jeté à la mer (le 13 septembre]. François d(!
Castro lOrifessail le pilot(! au moment où hîs
calvinistes monlai(,'iit à l'abordage, il lut
inassacré. (iasj)ard (ioes subit le même sort.
Le P. Michel, qui avait (Hé renfermé avec;
d'autres durant la nuit, dans la cabine d(!
Louis de Vasconcellos, ayant ji-h'; un soupir
guo lui arrachait la ble-î^ure de son bras,
pendant qu'on les lui liait den-ière le dos,
les calvinistes se saisirent de lui, et le jetè-
rent à la mer avec le B. François Paul. Pierre
Fernand fut également précipité dans les
flots, et fut noyé presqu'aussitôt avec Jean
Alvare, ne sachant nager ni l'un ni l'autre.
Alfonse Fernandez, après s'être soutenu sur
les Ilots pendant plusieurs heures, s'enfonça
enfin vers minuit, en récitant le Miserere
mei, Deus. Alfonse André Pais se noya éga-
lement , en prononçant le saint nom de
Jésus. L'autre, Pierre Diaz, fut également
noyé avec notre bienheureux Jacques Car-
valho. Le dernier compagnon de leur mar-
tyre fut Fernand Alvare, Portugais. Voy. son
article. (Du Jarric, Histoire des choses plus
mémorables, etc., t. Il, p. 295. Tanner, Socie-
tas Jesu usque ad sanguinis et vitœ profusio-
nem militans, p. 174 et 177.)
CARVALHO (Simon), était chargé de la
chrétienté deTanjaour,àrorient du royaume
de Maduré. « Ce Père, dit le jésuite Martin,
était l'un des plus illustres et des plus zélés
ouvriers de la province de Goa, où il pas-
sait, sans contredit, pour le bel esprit qu'il
y eût, 11 y enseignait la théologie avec un
grand applaudissement, n'ayant encore que
trente ans ; et il était dès lors dans une si
haute réputation de vertu qu'on ne l'appe-
lait communément que le saint Père. Quoi-
qu'il s'occupût très-utilement au service du
prochain dans la ville et aux environs de
Goa et de Malabar, il se sentit vivement
pressé de se consacrer à la mission de Ma-
duré. Il communiqua son dessein aux pro-
vinciaux des provinces de Goa et de Mala-
bar, et prit des mesures si justes avec eux,
qu'il fut incorporé à la mission de Maduré
avant même qu'on soupçonnât qu'il eût
envie de s'y consacrer et que personne pût
s'y opposer. Il y est un grand exemple de
zèle, de mortification, de charité et de toutes
les autres vertus qui sont le propre de
l'homme apostoliciue. Pour moi, je regarde
comme un prodige que, étant presque tou-
jours malade, il i)uisse soutenir les travaux
immenses de sa mission. C'est une chose
extraordinaire de voir la douleur dont ce
saint homme parait saisi, quand il arrive des
disgrâces à quelqu'une de nos églises.: il en
a le cœur si serré, qu'il ne peut prendre de
nourriture ; il est deux ou trois jours sans
manger et il dépérit â vue d'œil. Ainsi, on
lui ( ache tout ce ({u'on peut des traverses
dont le démon ne manque pas de nous aflli-
ger. Mais Dieu i)araît prc.'iidre plaisir à l'é-
j)i'Ouver. Nul missionnaire ne soullre plus
de peiséculions ([..e lui dans le lieu où il
travaille. Imi 1G98, il eut la douleur de voir
riiiveis(;r uiu! belle église (pi'il venait de bâ-
tir entre la ville tle Taiijaour et un fameux
tcmph; d'idoles. Les prêtres de ce temple
l'avaient viu^ s'élever avec un eliagrin mor-
tel ; ils résolui-eiit de la détruire, et voici
l'aitilice dont ils siî servireul : ils répandi-
rent parmi le peiipl»; ipie les dieux de leur
leiii,(le voulauMit qu'on uélruisit l'église des
br.ihiiics (lu nord, autrement cpi'ils aban-
doniiaieiit leur demeure, « juirco que,
529 CAS
quand il fallait allor au travers do l'air, do
cetempln h la ville de Tanjaour, ils trou-
vaient en clieinin l'église de ers élran^^ers,
et que, leur étant impossible de passer |)ar
dessus, ils étaient contraints, par uik; force
invisinle, de prendre un fort lon^ détour,
ce qui leur était trés-ineonnnode et les fati-
guait beaucoup. « Quelque grossières que
fussent les plaintes de ces dieux imagi-
naires, les idolâtres y furent sensibles ; ils
s'assemblèrent et conclurent d'abattre l'é-
CA9,
>30
qui sont inconnus. L'Eglise lait leur mé-
moire le 20 juillet.
CASSIEN (saint), martyr, soulfrit le mar-
tyre à Rome, avec les saints Pierre, Marcien,
Jovin et plusieurs autres dont le Martyro-
loge romain ne donne pas les noms. L'Eglise
fait collectivement leur fête le 20 macs.
CASSIEN (saint), fut l'un des tpiarante-huit
martyrs mis à mort avec saint Saturnin, en
Afrique, sous le proconsul AnuUn, en l'an
^.^^^ _ de Jésus-Christ 305, sous le règne et durant
glise sous les auspices d'un ministre d'E- la persécution atroce que l'infAme Dioclétien
tat qu'ils avaient gagné, et qui était d'ail- suscita contre l'Eglise du Seigneur. (Fo?/. Sa-
leurs' grand ennemi de notre religion. »
Le P. Carvalho, auquel Mauiluit donne le
prénom de Joseph, h la dilférence de M.u'tin
et de Petit, qui le nomment Simon, fut ar-
rêté ainsi que le P. Michel liartholdo, dans
une persécution sanglatiie qui s'éleva contre
les chrétiens. 11 mourut le ik novembre
1701, de misère et d'épuisement, d.ms la pri-
son de Tanjaour. Le P. Barlholdo, après
avoir été tourmenté cruellement pendant
plusieursjours,futreh\clié.(Henrion,vol.lV,
p. 413.)
CAPxVETRO, ville en Toscane, a été il-
lustrée par le martyre du pape saint Félix II,
qui V périt par le glaive.
CÀSAL, ville des Etats Saries, oh reve-
nue saint Vas souffrit le martyre pour la dé-
fense de la religion chrétienne.
CASCAR, ville de Mésopotamie frontière
d'Arabie, eut pour évêque, sous Sai)or Lon-
gue-Vie, saint Abdas, qui fut martyrisé en
Tan 376 ou 377 à Lédan, ville du pays des
Huzites. Plus tard, sous Yesdedjerd, elle vit
le martyre de son évoque Abd ésus, avec ce-
lui de seize prêtres, neuf diacres, six moi-
nes et sept vierges.
CASDOÉ (sainte), martyr^, était femme
de Saint Dadas, proche parent de Sapor.
Elle souffrit le martyre avec lui et leur fils
Galidélas. Après avoir été défiouillés de
leurs honneurs, éprouvés par dive s tour-
ments, déchirés de coups et détenus dans une
longue et rigoureuse prison, ils eurent la
tête tranchée. L'Eglise célèbre leur mémoire
le 29 septendire.
CASIE (sainte), qualifiée martyre dans la
plupart des martyrologes et des actes, con-
fessa généreusement la foi chrétienne à Thes-
salonique, en l'année 30i, devant le juge
Dulcélius, avec les saintes Agape, Irène et
Quionie. On donne les détails de cette con-
fession dans les Actes de sainte Agape de
Thessylonique. Toutes ces saintes sont fê-
tées par l'Eglise le 3 avril.
GASSANDRE, qualifié pensionnaire, dans
les Actes de sainte Agape de Thessalonique,
déféra à Dulcitius , gouverneur de Macé-
doine, en l'an de Jésus-Christ 30i, les sain-
tes Agape, Quionie, Irène, Casie, Philippe
et Eutychie, ainsi que saint Agathon, qu'il
avait fait arrêter comme chrétiens, et comme
ayant refusé de manger des viandes consa-
crées. (Voy. Agape.)
CASSÉE (saint), martyr, souffrit la mort
pour Jésus-Christ à Damas, avec les saints
8a4>in, Julien, Macrobe, Paule et dix autres
TL'HMN.j L'Eglise célèbre la fête de tous ces
saints martyrs le H février.
CASSIEN (saint), martyr h Imola, mourut,
pour la foi chrétienne, en l'an de Jésus-
Christ 359. Il était maître d'école, et fut ar-
rêté comme chrétien, probablement dans une
de ces émotions populaires qui, à l'époque
impériale, firent tant de victimes parmi les
chrétiens. Ce[)endant on dit qu'il fut déféré
au gouverneur de la province, et que celui-
ci le condamna à être tué par ses écoliers,
qui durent le piquer de leurs stylets à
écrire, jusqu'à ce qu'il fût mort. C'était
doubler son supplice que de lui donner pour
bourreaux des enfants dont les coups, sans
force et sans vigueur, devaient être redou-
blés souvent pour produire l'effet qu'eussent
produit ceux d'individus plus forts. Il fut
mis nu au milieu d'une véritable armée d'en-
fants : Prudence dit deux cents. Pendant que
c{uelques-uns le frappaient avec leurs tablet-
tes, et les lui cassaient sur le visage et sur
la tête, les autres le torturaient de mille ma-
nières h coups de stylets. Les uns le pi-
quaient, les autres le déchiraient tellement,
qu'ils arrachaient des lambeaux de chair;
quelques-uns écrivaient sur sa peau. Après
sa mort, les chrétiens l'enterrèrent à Imola.
Depuis, ses reliques ont été mises dans un
superbe mausolée. L'Eglise fait la fête de
saint Cassien le 13 août. Les lecteurs nous
sauront gré de leur donner ici le martyre de
ce saint écrit par Prudence, au livre des
Couronnes.
« Imola est une ville d'Italie, fondée par
Cornélius Sylla. Il y établit un marché qui
donna à la ville le nom du marché de Cor-
nélius. Passant un jour par ce lieu, dans un
voyage que je faisais à Rome, il me vint en
pensée que si j'allais prier sur le tombeau
d'un saint martyr qui est révéré dans ce lieu,
son intercession pourrait me rendre Jésus-
Christ favorable. Je courus, et je me pros-
ternai devant les sacrées reliques qui y re-
posent. Mais comme -je mouillais la terre de
mes larmes dans la vue de mes misères, et
que je repassais en ma mémoire les péchés
de ma vie, mes peines et mes faiblesses , la
douleur que j'en ressentis me fit lever les
yeux au ciel, comme pour y chercher du se-
cours. Je les rabaissais vers la terre, lors-
qu'ils s'arrêtèrent sur un tableau qui était
vis-à-vis de moi, et qui représentait le saint.
Il y paraissait percé de mille coups. Une
troupe d'enfants l'environnait, tenant à la
main de petits poinçons qu'ils lui enfon-
Hôl
CAS
CAS
532
çait'iit dans le corps avec irio fureur qu ou
aurait ])eine à s'imaginer dans un Age si
tendre ; c'étaient les poinçons dont ils se
servaient pour écrire (1), et dont on avait
armé leurs maius pour ôter la vie à leur
maître. Le mouvement qui agitait ces })e-
tits assassins, et qui était peint sur leur vi-
sage et dans leur action, semblait faire en-
tendre ce bruit confus (jue fait d'ordinaire
une Iroufte d'écoliers mutinés, ou qui sont
hors de la présence de ceux qui les condui-
sent.
« Je m'adressai au sacristain, et je le priai
de m'apprendre ce que signitiait ce tableau.
II me répondit en ces termes : Cette pein-
ture, dévot étranger, n'est pas une ûcJon,
ni une pure idée du peintre ; c'est une his-
toire véritable. Celui qui e-i est le principal
personnage était un maître d'école ; il se
nommait Cassien. Son habileté, jointe à une
excellente méthode, lui avait acquis beau-
coup d'écoliers; car il savait parfaitement
cet art si utile et si commode d'écrire par
des notes abrégées, d'exprimer par un tiès-
petit nombre de marques un long discours,
et de rendre mot pour mot, avec des points,
les paroles dun orateur, avec quelque rapi-
dité qu'il les prononce. Son air austère, son
exactitude, et les diilicultés rebutantes qui
se trouvent dans les commencements de
quelque science ou de quelque art que ce
soit, avaient plus d'une fois jeté la terreur,
et ensuite le dépit et la colère, dans l'unie
de ces enfants. La figure d'un maître n'est
pas un objet qui soit" fort agréable à la jeu-
nesse, et la passion de devenir savante ne la
touche guère.
« Il s'éleva en ce temps-là une tempête fu-
rieuse qui ravagea tout le champ de l'Eglise,
et dissipa le sacré troupeau de Jésus-Christ.
Le maître d'école était chrétien, on se saisit
de lui, on lui propose de sacrilier, il le i\'-
fuse ; on ne délibère plus cfue du genre de
supplice qu'on lui doit faire soulfrir. Quel-
qu'un dit : Il faut faire venir ses écoliers, le
mettre entre leurs mains, et leur dire : Te-
nez, voilà votre maître (pi'on vous aban-
donne, cet homme qui avait toujours les
verges à la main; faites-en ce ({ue vous vou-
drez; jouez-vous de la peau de celui qui a
si jicu épargné la vôtre; percez, coupez, dé-
chirez ce censeur injpitoyable ; que vos
mains à leur tour se rougissi-nt de son sang.
Ce sera, ajouta cet homme, une scène (h\s
plus divertissantes qu'on puisse do;mer au
peuple, et nous aurons le plaisir de voir de
quelle manière ces enfants se piendront à
se venger de leur pédant.
« La {jruposilion plait à la com|)agni(;, (»n
dépouille ce pauvre maîtr(i, on lui lie les
mains derrière le dos, et en cet état on le
livre à la furein- de tout un bataillon d'éco-
liers ; on les arme de poinçons et de stylets,
en les anime, on les excite à bien faire, ils
(1) Soit que ce fussent des canifs dont ils t;iillai(Mit
leui> plumes, ou plulol de [xails p liuçons, (ju'oii
nuiiiMiail aussi hlyli;ls, avec |«;s(picis ils iiupriuiaii-iil
ICb caraclèrcs sur des tables euduiies de cire.
profitèrent très-bien des leçons de cruauté
au'on venait de leur doimer. Le ressouvenir
ues coups de fou -ts reçus réveillant dans ces
petites Ames le désir de la vengeance, et leur
ressentiment ayant toute liberté d'agir, on
ne peut s'imaginer en combien de manières
dilTérentes ils l'exprimèrent. Ils lui jettent
d'abord à la tète leurs po.lef.'uilles et les ta-
blettes sur lesquelles ils écrivaient. Les feuil-
lets, faits d'un bois (de buisi mince et cou-
verts de cire, sont lancés contre lo visage,
le coupent en plusieurs endroits, en revien-
nent tout sanglan s, tombent et s:' bris nt.
Mais ils laissen: bientôt ces premières armes,
qui ne font pas un etlet as^ez |'rouq)t ei (|ui
répo'iJe à la grandeur de leur haine. Us met-
tent donc l urs poinçons en us;)ge. Les uns
s'en servent comme de dards (]u'ils lui liient
dans les yeux, les autres lui enfoncent les
leurs bien ava:it dans le corps. Ici l'on ferce
le martyr de J sus-Chrisi, là on le décou[)e;
ceux-ci pénètrent jusiju'aux entrailles, ceux-
là se contentent (le faire (le longues incisions
sur la i)ean. Deux cents mains se portent
toutes à 1 1 fois sur ce corps, et il s'y fait au-
tant d'ouve.tures d'où le sang coule. Il n'y a
pas de place [)our tant de mains. Les blessu-
res les plus sensibles sont celles qui sont
les moins mortelles, et celui qui ne fait (pie
j)iquer avec son poinçon est bien plus cruel
que celui qui enfo'ice le sien bien avant.
Le premier, autant d(; fois qu'il en ap|)lique
la poinie, renouvelle la douleur, la multi-
plie, la rend en (|uelque sorte perpétuelle.
En un mot, il attaque (;ent fois la vie sans
l'ôter, il présente cent fois la mort sans la
donner; au lieu que le dernier, en j)Ous-ant
son stylet jusqu'aux |)arlies nobles est d'au-
tant moins inhumain qu'il |)araît l'être da-
vantage. Mes enfants, (jue vos mains, s'il se
peut, ne se ressentent point de la faiblesse
de votre âge; achevez piom|)tement votre
premier homicide; ({ue la cruauté vous four-
nisse [)Our cela des forces que la nature ne
vous a pas encore données. Mais tous vos
ell'orts ne servent qu'à faire languir le mar-
tyr et à vous rendre plus cruels en fai-ant
durer plus longtenifis votre crime. Les tour-
ments croissent à mesure que les bourreaux
se lassent. L'un des plus Agés se mit à le rail-
ler : De quoi vous plaignez-vous, mon cher
maître, n'est-ce pas vous (jui nous avez mis
ces poinçons à la main? Vous nous avez en-
seigné à former des lettres, (pielle peine n'a-
vons-nons pas eue à l'appiendre? Eh bien !
en vo.là di'-jà plus de mille ipie nous venons
d'i'erire sur votr(î corps. Un autre ajouta :
Comment èl(.'s-V(ms lAché de ce que nous
écrivons? eh 1 ne nous faisiiïz-vous pas écrire
t(uis les jours? Ne nous avez-vous pas re-
comuiandé cent fois de ne point demeurer
oisifs, mais d(î ne passer aucun joui- sans
foriiuM' ipicKpic! hiltre, ne fiU-ce ipi'un aljiha?
Un ti oi.suiiue venait lui din; : Nous ne de-
mandons pas que vous nous donniez aujoiir-
d'Iiui. congé, ce congi' (pu; vous nous avez
rid'iisé tant do fois, et dont vous étiez si bon
ménager; nous aimons mieux à présent
écrire que du nous aller diveitir. Mon mai-
553
CAS
CAS
57,4
trt', dirait un qiialri^ine, voilh uno grande
pa.j;o que Je vi-'iis dr rifc, il ii'v niaiu]iit' ni
})()in s ni vir;:,MLs;(;uirigt!/.-la, s'il vous plait,
€l s'il y a t|u< l(jiio laulc, si 1 ('!criliiii; n'est
■|)as bien formée, si les ea actèi'es ne sont pas
■assez niai(iiiés, que i(vs IV'rules, ((ne les l'ouels
ne me manquent pas. C'est ainsi (puî ces pc;-
lits impies, nuManl la raillerie h la eruanli'',
])roeuraienl à leur maître la coui'onne du
inart.^ re.
« Car enfui Jésus-Christ eut pitié de son
serviteur, et rompant les d(M'niers lions (pii
atlacliaient encore son Ame h son corps, il
lui permit de sortir de prison. Mille ouver-
tures s'empressent ;\ lui donner passade.
Voiià, dévot étranger, poursuivit le saei'is-
t^iin, la glorieuse histoire de Cassien; voilci
ce que vous admii-ez dans ce tableau. Si
maintenant vous avez quehiue chose à de-
maiuler au ciel, adi-essez-vous à noti'e saint,
remettez-lui vos intérôls entre les mains,
con(ie/-lui vos vœux, il les portera sûrement
au trône de Dieu, et il vous en rapportera,
n'en doutez pas, l'accomplissement. Je crus
ce bon sacristain, j'embrassai le tombeau, je
l'arrosai de mes larmes, l'ardeur de ma
prière échauffe le marbre ; rempli d'espé-
rance, j'expose mes craintes, je fais ma de-
mande. Je suis exaucé, j'arrive à Rome, tout
me succède selon mes souhaits, je retourne
en Espagne, je publie le pouvoir de saint
Cassien. »
CASSIEN (saint), martyr, cueillit la palme
du martyre à Rome. Il eut pour compagnons
de sa gloire les saints Lucius, Rogat et Can-
dide. L'Eglise honore leur immortelle mé-
moire le 1" décembre.
CASSIEN (saint), exerçait la charge de
greffier sous Aurèle Agricolan, lieulenant du
préfet du prétoire, en Afrique. C'était lui qui
tenait la plume et qui écrivait les réponses
de Marcel dans l'inlerrogatoire que ce géné-
reux solilat prêta devant ce magistrat, le 3
des calendes de novembre. Agricolan le pres-
sait vivement, et se servant, pour l'intimider,
de paroles menaçantes qu'il prononçait d'une
voix terrible, il semblait qu'il allait lui arra-
cher un lâche et honteux désaveu de sa foi.
Mais le saint martyr montra en cette rencon-
tre une fermeté inébranlable ; il protesta tou-
jours hautement qu'étant soldat de Jésus-
Christ, il ne pouvait plus porter les armes
pour un autre maître ; et il persista dans
cette déclaration avec une constance si hé-
roïque, qu'il parut en ce moment être lui-
même le juge de celui qui le jugeait. Agri-
colan commençait à entrer en fureur; et, dé-
chargeant sa colère sur le papier, il dictait
à son greffier tout ce qu'elle lui inspirait.
Cassien écrivit quelque temps ; mais enfin,
voyant que le gouverneur, quoique vaincu
par les réparties sages et sensées cie Marcel,
ne laissait pas de prononcer contre lui la
sentence de mort, la patience lui échappa. Il
ue put dissimuler davantage son indignation,
il se leva brusquement du i)ureau sur lequel
il écrivait ; et, se récriant de toute sa force
contre une si horrible injustice, il jeta au vi-
sage du tyran, plume, encre et papier. Une
action de cette forc<î mit le trouble et la con-
fusion dans toute rass(îmblé(>, et la partagea
(11 tlivers sentiments. Les uns étaient dans
j'admiratio i, les autres d.ins la ciainte, tous
dans la surprise et dans r.illent". Marcel
souriait, mais Agricolan frémissait de rage ;
il descendit tout furieux d(! son tribunal, et
ne se possédant [injsqiKî |)lus, il demanda à
Cass'e:i fxmrqnoi il avait ainsi jeté les r<;-
gistresàterre?Legre(lierlui répondit : Parce
que vous venez de rendre une sentence in-
iuste. Agiicolan, pour n(! se voir plus exposé
a de nouveaux reproches de son injuste
cruauté, l'envoya en [)rison.
Au reste, la joie que saint Marcel avait
témoignée par son sourire provenait d'un
secret pressentiment que le Saint-Es|)rit lui
avait donné que Cassien serait le compagnon
de son mart.vre. En effet, saint Marcel en
ayant ce jour-là même reçu la couronne pour
Iciquelle il formait d;'puis longtem[)S de con-
tinuels souhaits, peu de jours après, c'est-à-
dire le 3 des nones de décembre, le bien-
heureux Cassien la reçut aussi au môme lieu
et presque avec les mêmes circonstances.
CASSIEN DE NANTES (le bienheureux),
capucin, fut lapidé en 1G38, avec le bienheu-
reux Agathange, supérieur des capucins d'E-
gypte. {Voi/. Agathange.)
CASSÎUS (saint), martyr, répandit son sang
pour la foi, à Bonn en Allemagne. 11 eut,
pour compagnons de son martyre, saint Flo-
rent et [)lusieuis autres dont les noms sont
inconnus. On n'a pas de détails authentiques
sur euK. L'Eglise célèbre leur mémoire le
10 octobre.
CASSIUS (saint), martyr, cueillit la palme
du martyr à Côme, avec ses saints compa-
gnons Carpophore,Exanthe, Séverin, Second
et Licinius. Ils furent décapités. L'Eglise les
honore le 7 août.
CASSIUS ou Cassi (saint), prêtre et martyr
d'Auvergne, fut mis à mort très-pnjbable-
mc'nt à Clermont, en l'année 266, à peu près
quand Clirocus, roi des Allemands, vint ra-
vager les Caules, où il fit de nombreux mar-
tyrs. Il eut pour compagnons de ses com-
bats et de son triomphe saint Victorin, qu'il
avait converti à la religion chrétienne {Voy.
son article), et saint Maxime, dont la vie et
les actions sont inconnues. Il y avait autre-
fois à Clermont une église paroissiale qui
portait le nom de saint Cassi. Ces saints, qui
sont encore en Auvergne l'objet d'une gf aiide
vénération, sont fêtés par l'Eglise le 15 mai.
CASTANAREZ (le bienheureux), mission-
naire de la compagnie de Jésus, ayant été
averti ([u'un cacique des Mataguayos s'était
rendu à Salta pour y (lemandiT un mission
naire, partit évangéliser ces infidèles, avec
un espagnol nommé Azoca. La demande du
ca:jique était un piége tendu aux jésuites.
Cfîstanarez reçut la mort de la main de ce
prince même,' et son compagnon de voyage
fut massacré en même tem[)S. Leur martyre
arriva le 15 septembre ilkh,
CASTANEDA, dominicain espagnol, eut la
tète tranchée pour la religion chrétienne, le
7 novembre 1773, dans le Tonquin. 11 eut,
639
CAT
CAT
S40
CATHERINE (sainte), \ierge et martyre,
viva l ;i Aloxan Irie du temps i!o Vi'mn -ieur
Max niin 11. Ce fat sous lui (]n'el e loui'o^sa
e,éi!é 'Oiiseuient la foi, eu s n'irraul pour 36-
sus -Christ. St^s actes ont éli' folsiiit''S, un ne
peut DUC guère y faire foi. Malgr ■ tniit, ce
nom (le Cat hernie a H6 par les si clés en-
touré d'une telle vénéraiion, d un tel pr s-
tige de giandeur et de ()oésie, (ju'ou ne [):*ut
se nfuser h croire (|ue la s.fintt^ qui la il-
lustre- n'ait été grande parmi celles que Dieu
lit entrer pir la vertu, |)ar las 'Ulfrance, dans
la cohorte privilégiée (li» ses élus. Tous ceux
qui ont parlé de sainte Calherihe, méuip les
plus grands saints, ont aj.»uto (luehjue chose
à ce merveilleux qui i'entour . On dirait
qu'à l'envi ils ont voulu lui faire son au-
réole. S'd faut en croire saint Basile, Cathe-
rine était dnrace royale. Elleavait legrandes
connaissances. Elle confondit i)lusi(urs phi-
losophes avec ]es(|uels Maximin l'obligea de
discuter. Ces pliiloso[)hes furent convertis,
et, ayant i^ersisté dans la foi, ils furent brù-
Jés tous ensemble. Ce qu'il y a ih- certain,
c'est (Qu'étant jeune et be le, possédant cette
douljle couronne (jui fait la femme reine de
ce monde, elle la mit aux pieds du Seigneur.
Certes, elle aurait [)u, elle aussi, embellir
son avenir de beaux rêves, croire à toutes les
illusions que son cœur ne manquait pas de lui
montrer. Elle était riche : elle avait tout pour
jilaire aux yeux, tout pour exciter les ambi-
tions. La jeune vierge ne voulut être que
l'épouse du Seigneur. A cette époque san-
guinaire, les [)ersécuteurs, tigres altérés do
CtU'iiage, ne regardaient pas oiî allaient frap-
per leurs fureurs. INi les cheveux ijlancs du
vieillard, ni les grâces de la j unesse, rien
ne les arrêtait. Les bourreaux prirent Ca-
therine et la mirent toute nue sur des lout's
garnies de j)oint(!S. Mais ipiand on voulut
les Tiire tourner, les cordes se brisèi'ent mi-
raculeusement, et la jeune servante de Jé-
sus-Christ fut délivi'ée de ce supplice. Ses
Actes ajoutent (ju'elle fut condanuiée à être
déca[)itée.
Si l'on s'en rnjjporte à Joseph Assémani,
c'est à elle qu'il faet appliquer ce passage
d'Eusèbe : « Il y avait h Alexandrie une;
vierge chrétu'fuie, distinguée par ses ri-
chesses et |iar sa naissance' illustre. Elle eut
le cnurage de résist(;r h la b;utalité ou tyran
Maxiuiin, qui se faisait un jeu diï déshono-
rer les autres femmes de la ville. I'>lle joi-
gnait aux avantages dont elle jo. lissait dans
le iriondi', un savoir peu comuiun. Mais la
vertu, mais la chast«tté, lui i)arurent préi(''-
rables à tout. (Juoiriue le lyran n'eût pu
réussir U la séduire, il ne voulut point la
condamner h mort; ils se conttMila de la dé-
pouiller de ses biens et de l'envoyer en
exil. »
Ainsi, suivant e(! récit, siintcî Catherine
n au ait pas été mart .i'isé(;, elle aurait sim-
pleujer* houll'fîil l'o.\\\ cl peut-.'^tre (piel(|ues
louniKiiils avant d'y êlJc envoyé*;. Daus le
viii* siô(;le, les (;hréii(!n>«, (pii étaient (mi
Egypte souujis h la dominai on ci-uelle des
5aiT»sins, uécouvrir(;nt les r(;li(pies de sainte
Catherine. On les porta dans le monastère
que s.iirle Hélène avait fait construire sur
le Sinaï en Ai-ahie. Falronius, f)ailanl de
cette transi 't-o-1, s'exprime ainsi : « Il pst
dit q e le corps de la s;unte fut porté par
des ai'ges sur le mont Sinaï; ceci veut dre
que les mouiî'S de Si laï lt> poi'tèrent dans
leur moiiastèie pour l'enrichir de ce pré-
cieux In'sor... On sait qu'on a souvent dé-
signé l'habit mouasticpie par un habit angé-
lique, et qu'anciennement les moines étaient
appelés (uujcs, h cause de la sainteté de leurs
fonctions toutes célestes. » Quoi qu'il en
soit de l'expl cation du vénérable évêque,
la tradition populaire a pris le dessus, et,
dans beaucoup de contrées, ont croit h la
fr-anslation de sainte Catherioe par les
anges.
Je me souviens encore d'une maison oil
j'allais souvent, il y a quelques années. C'était
chez de pauvres ouvriers. 11 y avait là une
jeune tille, nommée Catherine, belle comme
sa patr'onne et bonne à son exemple. Sou-
vent je la trouvais au chevet des pauvres
malades. A défaut d'argent qr.'elle n'avait
pas, elle leur por-tait des consolations et du
courage. Je vois encore au-dessus d'un
meuble en noyer l'image de sainte Cathe-
rine. Une palme à la main, symbole du marr
tyre, la sainte était portée par des anges.
Le récit que me faisait la jeune tille touchant
sa patronne, était bien celui de la tradition.
Hélas ! me suis-je dit, dans les croyances
j)opulaires il y a quelquefois des erreurs.
C'est comme la poésie des pauvres gens ^
pour(pioi la leur ôter? Laissons ces opinions
(pii ne font |)as de mal, bien qu'elles puis-
sent être erronnées. Le pauvre peuple ne
saurait guère se priver de croyances ascéti-
ques, et même de faits merveilleux. Tant
de léalités dures le ramènent au positif tous
les iours !
Dans le xr siècle, un moine du Sinaï
nommé Sim''on, venant à Rouen pour y
recevoir l'ollr-ande que tous les ans Richard
de Nor'mandie faisait à son monastère, lui
apporta une partie des l'eliijues de sainte Ca-
therine. Le reste des r-eliipjes de la sainte,
est encore au mont Sinai. L Eglise fait la
fêt(.' de cette sai ilc; le 25 novembre.
CATHERINE 11, imiiér'alrice de Russie,
femme de Pier-re 111 , lit empoisonner son
mari pour pouvoir |)lus bbr-ement vivre avec
ses amarris. (>omm(! le poison n'agissait pas
assez vile elle cul r-ecours h la cor{le : le mal-
heureux Pierre IH lut étranglé. Loi's du
par'Iage de la l'ologne, 1 artichî 5 du tr-ailé
de partage portail : « Les catholiques \\>-
mains jouir-onl, dans les pi'ovinces cédées
j)Mr le |irvsenl traité, de lorries letrrs pi-o-
pr-iétés, quant nu civil; et par i-apporl à la
ridigion, ils ser*ont enlièremeul conservés
/// slata (juo, c'(!sl-à-dire dans le même libre
exercict! de leur culie et discipline, avec tou-
tes et telles églises et biens ecclésiastiqires
(pi'rls possé laienl au moment do leur pas-
siige sous la dominaliim de Sa Majesté Irïi-
jiériale, au mois de septembre 1774; et Sa
dite Majesté et ^es successeurs ne se servi-
511
CAl
ctj:
u^
ront point dos droits (Je soiivorain, nu pi('-
jiidico (lu stulit ({Uo (l(i la rcli^io-i (•atii()li(]iio
rotnnilic dans lo nays sus iiUMitionn 's. »
Kii ITS'i, 011 !7*.)8, (oiniiic ollc le lif [ijns
tnni on 1815, la Kiissio avait sojomicilcmoii/
rocoiiiui aux ])a])os jos droits de l'I-l-li-o
catholuiuo du r.to i^rcn; et du lilc laiii, (les
traitôs avaiont roçu la sanction do ro\(''(:u-
tion. Nolainniont, lo saint si6,j;o avait vaii lo
par son lionoe Arcluîtti la orôalion de l'ar-
cli0v(^t'Ii6 do Mohilow. (lo l'ut ;\ colto oi.-ca-
sion quo fut ouiiso la hidlo Onerosn pastorti-
lisofficii.^oua poui^rionscMicorociiord'antriis
oocasioMS dais ie-iiiuellos ces trailôs feront
evocutés. Catherine 11, (pii avait jiii-é d(! les
niaintoiiir, consacra sa vie; et tous losellurls
de sa politicpie h tlctrniie la roligioi calho-
liqno dans ses Ktats. Elle cuinnionga pars'ap-
pioprior tous les biens dos églises et des
couvonts catlioli([uos. O'i sait (piello toni-
pensalion fut donnôo on ocliange. I.oi-s de la
révolution française, on lit la niônie chose;
mais du moins on vota |)our les prêtres un
Iraitouiont qui piU leur permettre de vivre.
En Russie, la générosité impériale leur at-
tribue environ c[uaranieou cinquante francs.
Evidennnent on veut abrutir |iar la misère
le cloigé auquel on ne laisse aucune autre
ressource, puisque lo peuple est trop pauvre
pour le solder ou |)Our lui faire l'aumône.
Le pape avait oidonné aux catho iquos de
rester chacun dans leur rite, soit grec, soit
latin. Catherine avait promis de tout laisser
à cet égard dans le statu quo. Elle n'en tint
compte et commanda aux. catholiques du
rite grec de passer au lite latin ou bien
d'e^iibrasser le schisme. Beaucoup, habitués
au rite grec, n'en voulurent pas changer et
devinrent schismatiquos. Dans cette oeuvre
satanique, Catherine fut aidée par Stanislas
Boliusz Siestrzencowicz; évoque de Vilna ,
quelle fit, pour le payer do ses scrvicv-s,
passer à l'évèché de Mo'iilow, qu'on sa fa-
veur elle éleva au rang d'archevêché. 11 re-
çut en même temps le titre de métropoli-
tain sur toutes les églises de l'em, ire. Ce
malheureux, bien que Polonais, s'entendit
avec Podoski, pour [lerdre sa patrie, et i)our
la livrer aux Russes. 11 prenait impudem-
ment le titre de légat à latere dusaint-siége.
Il favorisa les projets de Catherine, en for-
çant son clergé à ado^jter le rite latin. Beau-
coup de populations à cause de cela, pour
conserver le rite grec, passèrent au schisme.
Catlierine pour augmenter les conversions,
fit, on 179i, partir des bandes de pop.-s et de
soldats , cpii parcouraient son em[nre en
donnant des coups de fouet et de knout
pour raisons a ceux qu'ils voulaient amener
au schisme. Les prêtres qui refusaient étaient
chassés de leurs paroisses, avec leurs fem-
mes et leurs enfants. Les peuples fidèles
étaient déchirés de coups. Souvent on leur
coupait le nez, les oreilles, on leur arrachait
les dents, ou les leur brisait à couj^s de cros-
se de fusil. L'évèque de Kaminiec, Pierre
Bielawski, fit de vives représentations au
gouvernement, il présenta des mémoires au
pape Pie VI, lequel fit de très-pressantes
doinarches pour obtenir quo Catherine chan-
goH de conduite. Elle i(''pondil en suppri-
m uit (lins ses Etats tous les évêcliés ru-
tîiénions unis, ainsi que tous les couvonts
bas lio'is. Celte pcrséculrio(! s'af)prêlait h
poursuivre ses desseins abominabhîs (piand
la uMrt vint la frapper, en novembre 171)0.
Non contente de |)orsé(ulor h s calholiqui's
dans ses Etats, Catherine s'était associée à
tout ce que le siècle avait produit d'écuino
philosophique en Europe Elle favorisait tous
les encyclopédistes. Vollaiie, Diderot, d'A-
lemiiert, étaient de ses amis. (Voyez leurs
articles.) Ces hommes étaient assuz biches et
ass(îz vds pour se faire les llaltours, les ad-
mirateurs de cette Messaline, assassin de son
mari et bourreau de la Polo.^ne. (Vuy. no-
tamment Voltairl:.) Quand on a l'amour do
la patrie ot l'amour de l'humanité, on est
vraiment honteux de remuer cette fange
qu'on nomme le philosophisme nKjderne.
CATULIN (saint), diacro et martyr, dont
saint Augiisliii prononça le panégyrique,
soulfrit le martyre à Carthage avec les saints
Janvier, Florence et les saintes Julie et
Juste. Ils furent inhumés dans la basilique
de Fauste. L'Eglise célèbre leur immortelle
mémoire le 15 juillet.
CAUBRi, bourg du diocèse de Cambrai,
où sainte Maxellende fut assassinée en 070,
par un soigneur nommé Harduin, auquel ses
parents l'avaient promise en mariage. Elle
avait voué, étant tout enfant, sa virginité à
Jésus-Christ, et rien ne put la détourner de
l'accomph'ssement de cette promesse. Har-
duin, qui l'avait enlevée, la tua lâchement,
voyant qu"il ne pouvait vaincre sa résolu-
tion. L'Eglise de Gaiibri possède encore une
partie de ses reliques.
CAUX (pays dej, Caleti, partie de la haute
Normandie, est indiqué dans les Actes de
sainte Honorine comme ayant été illustré
par son martyre, dans le m" ou le iv' siècle.
(1 0//. Honorine.)
CÉCILE (sainte), vierge et martyre, était
Bomanie et d'une famille patricienne. Elle
fut élevée dans le sein de la religion chré-
tienne. Etant toute jeune, elle avait fait vœu
de chasteté perpétuelle, mais ses parents
l'obligèrent à se marier. Elle épousa un
nommé Valérien, de même condition qu'elle.
Elle obtint qu'il renonçât à l'idolâtrie pour
adorer Jésus-Christ. Quelque temps après
elle convertit Tiburce, son beau-frère, et un
officier nommé Maxime. Valéiien, Tiburce
et Maxime ayant été arrêtés comme chré-
tiens , reçurent la couronne du martyn-e.
Sainle Cécde ne la remporta que quelques
jours après. Les Actes do ces saints sont sans
autorité. Ils les mettent du temps du pape
Urbain, ce qui serait vers l'an 230, sous
Alexandre Sévère ; d'autres, les mettent en
179 ou 180.
Les corps de ces saints martyrs furent en-
terrés dans une partie du cimetière de Cal-
liste, laquelle a pris depuis le nom de Sainte-
Cécile. Il y avait à Rome une église sous l'in-
vocation de la saint-'. En 821, le pape
Pascal, voyant qu'elle tombait en ruines, la
545
CEL
CEL
SU
fit rebâtir. Il n'espérait pas trouver les reli-
(luos de la sainte, parce qu'on croyait que
les Lombards les avaient enlevées comme
ci'lles de beaucoup d'autres saints, lors(|u'en
755 ils avaient assiégé Rome. Mais s'étant
un jour endormi daiis l'église do Saint-
Pierre, il eut un songe dans lequel sainte
Cécile lui révéla le lieu oiî rej.'osait son
corps. On le trouva enveloppé d'un tissu
d'or, auprès de celui de Valérien; aux pieds
étaient des linges teints de sang. Le pape
les transféra dans l'église de Sainte-Cécile,
avec ceux de saint Tii)urce et de saint
Maxime, dans l'année 821. Les Actes de
sainte Cécile nous disent qu'en chantant
les louanges de Dieu, elln unissait souvent
la musique des instruments à la musique
vocale. C'est i)0ur cela (jue les musiciens
l'ont choi-ie pour patronne.
CÉCILE (sainte), fut au nombre des qua-
rante-huit martyrs, mis à mort avec saint
Saturnin, sous le proconsul Anulin, en l'an
de Jésus-Christ 305, sous le règne et durant
la persécution atroce que l'infâme Dioclétien
suscita contre l'Eglise du Seigneur. {Voy.
Satlrmn.) L'Eglise célèbre la fôtc de tous
ces saints martyrs le 11 février.
CÉCILE (la princesse), femme de Jean,
troisième fds de Sounou-Peylé (régulo de
3' ordre), à la cour de l'empereur Young-
Tching, fut baptisée avec son mari en 1721.
Elle lut l'institutrice de presque toutes ses
belles-sœurs. Sa bellc-fdie Agnès, ses deux
petits-fils Thomas et Matthieu et deux petites-
filles furent baptisés avec elle. Tous souffri-
rent l'exil pour la foi et furent envoyés à
Yeon-Oué en Tartarie, au delà de la grande
muraille, ii 90 lieues de Pékin, en l'année
172i. (Voy. SouNOU, Chine.)
CÉCILIEN (saint), fut martyrisé à Sara-
gosse en Espagne, parles ordres de Dacien,
qui en était gouverneur en l'an de Jésus-
Clirist 30i, durant la persécution de Dioclé-
tien; dix-sept autres martyrs furent misa
mort avec lui; on trouvera leurs noms à l'ar-
ticle Dacien. Les dix-huit martyrs de Sara-
gosse sont très-honorés en Espagne ; c'est
Prudence qui rapporte ce qu'on sait d'eux ;
ils sont inscrits au Martyrologe romain, sous
la date du 10 avril. [Voy. Prudence, de Cor.,
hym. 4. Tillemont, vol. I, p. 229. Vasseus,
Bel (/a.)
(CÉCILIEN (saint), fut l'un des quarantu-
liuit martyrs mis à mort avec saint Saturnin
en Afrique, sous le proconsul Anulin, en
l'an de Jésus-Christ 305, sous le règne et
durant la p(;rs(''CUtion atroce (jue l'iufilmc
Dioclétien suscita contre l'Eglise du Sei-
gneur. {Voy. Sati;um\.) L'Eglise l'ait la fête
de tous ces saints le 11 février.
CEE (rivièri! de), (jui coule en «l.-dice, a été
illusli-ée, sous le piési(i(;nt Atti<pie, par le
martyre, des saints Eacoiid et Primitif. On
ignor(! la dati; iirécise.
<^ÉLÉIU.N (saint), confesseur (martyr
d'après Bède et Vaud(!ll)(;rt). S'il a été vrài-
Hieiii diacres il avait été ordonné par saint
Cyjtjieri, h (^artliiig(!, où très- probabhiment
il était né. Petil-Uls do sainte Célérine, ne-
veu de saint Laurentin et de saint Ignace, qui
avaient donné leur vie pour la foi chrétienne
sous l'empire de Sévère, il se montra digne
des saintes traditions de sa famille. Ce des-
cenlant des martyrs ne dégénéra point d'une
noblesse si glorieuse. Lui aussi , par son
courage et par ses nobles combats, attacha
une couronne de plus au faisceau triomphal
de sa sainte fcunille. Suivant saint Cyprien,
ce fut lui qui, sous l'empire de Dèce , entra
le premier dans cette arène des persécutions
où tant d'autres glorieux martyrs montrèrent
leur courage et versèrent leur sang. S'il faut
s'en rapporter à ce saint narrateur, ce fut en
présence même de l'empereur Dèce que
saint Célérin confessa sa foi. Il fut le com-
pagnon des saints martyrs et confesseurs
de Rome, et par conséquent il a sa part dans
les éloges que saint Cyprien leur donne dans
son épître 25. Malgré saint Cyprien , que
nous croyons tout simplement avoir parlé
au figuré, il fcuit croire que saint Célérin ne
soutînt pour Jésus-Christ qu'après la mort
de saint Fabien. Il est convenable de se
ranger à l'opinion de Bollandus, qui pré-
tend qu'il fut arrêté avec les saints Mo'ise et
Maxime, à la fin de janvier 250, et qu'il souf-
frit avec eux. Dix-neuf jours entiers, il fut
enfermé en prison, chargé de fers et les
jambes dans les ceps. On l'y fit horriblement
souffrir de faim et de" soif II est probable
que saint Célérin fut renvoyé de prison à
cause de son jeune âge. Saint Cyprien dit
que ce saint confesseur est illustre par le
témoignage et l'admiration de son persécu-
teur. 11 ajoute que Dieu lui avait conservé la
vie, afin qu'après avoir montré tout son cou-
rage dans la persécution, il devînt un des
ornements de l'état ecclésiastique. Il parle
beaucoup de ses vertus, témoignant, qu'il
avait beaucoup d'humilité et de modestie,
de modération, de prudence et de sagesse.
Dieu, qui avait légué au saint confesseur
un si bel héritage de martyrs morts pour la
foi dans sa famille , permit qu'il lui arrivât
une de ces douleurs navrantes, qui sont pour
ses fidèles serviteurs plus vives que la bles-
sure du glaive, plus ardentes que les flammes
dos bûchers. Sa sœur, oubliant le courage
héréditaire de sa race , eut le malheur de
tomber durant la persécution, et de sacrifier
aux idoles. Ni le souvenir de son aïeule et
de ses oncles, que vénérait l'Edise comme
(les saints, ni l'exemple de son frère suivant
lavoiegloi'ieuse (pi'ilslui avaient montrée, ne
purent la soulenir. Ainsi sur le même arbre,
a côté des bons fruits, honneur du verger,
qui mûiisscnt pour la récolte, il y en a par-
ois (pii sont piipiés au cœur, et qui flétris,
tombent j)rénialui'émenl pour devenir la pâ-
ture» des vils animaux. Saint Célérin se fit le
pénitent du ci'ime de sa sœur. Ce fut lui (pii
j)aya à Dieu la raneon de lai'ines, de jeilnes,
de macérations et de prières, (|ui devait effa-
cer la faut(!. Il j)assait les nuits à pleui-er, h
gémir. Dans l'ardeur de la foi, et doutant
de ses proj)res mérites aux yeux du souve-
rain juge, il s'adressa à Lucien et h d'autres
confesseurs de Carlh;n^(;,lo priant que lui ou
'i
645
CEI.
CEB
540
le premier d'entre les confesseurs qui serait
couronné du martyre, voulût bien, an mo-
ment do la mort , h l'Iiutn-o du sacrilic^o, in-
terc(Hl(M- pour sa sœnv, et demander à l)i('u
sa fA'rAce. U demandait aussi la môme laveur
pour une autre femme , (pii avait eonnnis le
mùuie (;rime, et (pii peut-être était sa parente,
car il la nommait également sa sœur. Ces deux
femmes s'appelaient Numérie et Candide. 11
in voqne pour elles l'indulgence des saints mar-
t^'rs Stalis et Sévéïien, et de lous les saints
confesseurs venus d'Afi i(pi(; à Rome, et dos-
quels ces femmes mallieureusos avaient pris
toutessortes do soins. Lucien lui écrivit ])()ur
lui dire que les martyrs avaient accordé la
paix cl Numérie et à Candide, pourvu qu'après
la persécution, elles exposassent leur cause
à l'évoque, et tissent l'exomologôsc.
Saint Célérin étant veiui depuis à Carthage,
allavoir saintCy|)rien et lui dit l'alfection et
l'estimetoute particulière que les confesseurs
de Rome avaient pour lui. Voici en quels ter-
mes remarquables saint Cyprien parle, et de
cette visiteetdesainlCélérin. « Célérin, dit-il,
qui est le compagnon de votre foi et do votre
courage, et qui s'est signalé entre les soldats
de Jésus -Christ pour ses glorieux combits ,
m'est venu trouver ; et sa présence vous a
tous rendus présents à mon esprit et à mon
cœur. En le voyant, je vous ai vus, et tous
ensemble, et chacun en particulier, et lors-
qu'il m'entretenait souvent de l'amitié que
vous avez pour moi, il me semblait, en l'en-
tendant avec tant de plaisir, vous entendre
parler vous-mêmes. Certes, j'ai bien de la
joie de recevoir de vos nouvelles, et de les
apprendre par des personnes d'un si grand
mérite. » Peu de temps après, saint Cyprien
le fit lecteur. Nous ne pouvons plus rien
écrire d'assuré touchant saint Célérin , si ce
n'est que par erreur de nom , on a pré-
tendu qu'il avait été plus tard engagé dans
l'erreur de Novatien. On croit qu'il soutfrit
encore pour la foi, sous l'empire de Gallus;
on le croit d'après la lettre de saint Cyprien
à saint Corneille , quand ce pape eut été
banni à Civita-Vecchia.
Les martyrologes le qualifient diacre; nous
ne voyons pas qu'il n'ait pas pu avoir été
élevé au diaconat par saint Cyprien, comme
nous l'avons dit ; mais rien n'établit non
plus cette particularité d'une manière pé-
remptoire. Aussi laissons-nous ce point
comme douteux , nous contentant de lui
donner le titre de lecteur, lequel lui appar-
tient positivement, étant établi par des titres
parfaitement authentiques.
Sa mort est restée ignorée. Ainsi 'que
nous l'avons dit en commençant , certams
martyrologes lui donnent le titre de martyr.
D'autres, simplement celui de confesseur.
L'Eglise fait sa fête le 3 février.
CÉLÉRIN, préfet de Rome sousNumérien,
fit soutfrir divers tuurments à saint Chry-
santhe et à sainte Darie, sa femme , et en-
suite, par ordre de l'empereur Numérien,
las ayant renfermés dans une sablonnière
de la voie Salaria, il les fit accabler sous une
énorme quantité de sable et de pierres qu'on
jeta sur eux. {Voy. saint Chuysanthk. j Ij
lit aussi arrêter saint Maur, (pii était verni
d'Afri(iuo pour visiterleslond)eauxdes saints
a|)ôtres. Il le fit mourir au milieu des lour-
inonls.
CÉLÉRINK (saint(!) , aïeule (hî saint Cé-
lérin, (pli soullVit pourla foi sous Dôco, reçut
elle-même la couionne du martyri! on A^ri-
ipie, sous le règni; d(! l'empereur Septimo
Sévère, avec saint Laur'-iitin, oncle paternel
de saint Célérin, et saint Ignace, oncle ma-
ternel du même saint. L'Kgliso honore la
mémoire de ces saints martyrs le 3 février.
CÉLKSTIN (saint), martyr, reci/eillit la
couronne du martyre h Rome, avec les saints
Saturnin, Néapole et Germain. Après avoir
été torturés, ils furent jetés dans une prison,
où ils moururent. L'Église honore la mé-
moire de ces saints le 2 mai.
CÉLIEN (saint), martyr, souffrit pour la
foi en Afrique, avec les saints Fausiin, Lu-
cius , Caiid.de , Marc, Janvier et Fortunat.
( Voij. l'art. Faustin, pour plus de renseigne-
ments. )
CELSE (saint), jeune enfîmt qui fut mar-
tyri-sé avec saint Nazaire à Milan, sous l'em-
pire de Néron. Saint Nazaire qui voulait
l'instruire et le préserver de la corruption
du monJe, l'avait pris avec lui et emmené des
environs de Nice en Provence. Il fut décapité;
et son corps, enterré dans un jardin hors de
Milan , fut trouvé, en l'année 395 ou 396,
par saint Ambroise. (Voy. Nazaire.) L'Eglise
fait sa fête le 28 juillet.
CELSE (saint), enfant, souffrit pour la foi
sous le règne de Galère et de Maximin, le
6 janvier 313, avec saint Julien l'Hospitalier
Sa fêle arrive le 9 janvier. (Voy. Chastelain,
p. lOG.)
CELSE(saint), martyr, mourut pour Jésus-
Christ à Rome avec saint Clément. On n'a pas
de détails authentiques et précis sur eux.
L'Eglise fait leur fête le 21 novembre.
CENSORINUS (saint), maître des offices de
l'empereur Claude II, fut certainement con-
fesseur, et sans doute martyr de Jésus-
Christ. (Pour voir les détails de son histoire,
recourez à l'article Martyrs d'OsTiE.)
CENTOLLE (sainte), martyre, versa son
sang pour Jésus-Christ à Burgbs en Espagne.
Elle eut pour compagne de son martyre sainte
Hélène. Le Martyrologe romain ne donne
point de détails sur elles. L'Eglise honore
leur mémoire le 13 août.
CERBONEl (saint), confesseur, était évo-
que à Piombino en Toscane. Saint Grégoire
rapporte qu'il brilla par ses miracles pendant
sa vie et à sa mort. L'Eglise fait sa mémoire
le 10 octobre.
CÉRÉAL (saint), qualifié vicaire dans les
Actes de saint Gétule, fut envoyé par Adrien
dans la terre Sabine à Tivoli, jiour y prendre
ce saint et saint Amance, son frère. Converti
par ceux qu'il allait faire prisonniers, il par-
tit pour Rome, où il fut baptisé par le pape
Sixte. Bientôt après, arrêté par Licinius avec
saint Gétule, saint Amance et saint Primi-
tif, il fut comme eux fouetté, torturé et en-
fin décapité sur les bords du Tibre, à 5 lieues
547
CES
CES
^3
de Tiome, après 27 jours de prison. On fait
sa fête le lU de ju m.
CÉKÉAL (sainij, martyr, mourut sous
l'empire et durant la persi^îution de Tialius,
avec sa femme Saluslie, et plusieurs soldats
d'entre ceux qui avaient étéchargésde rame-
ner saint Corneille de Civita-Vecchia à Ro-
me.Voici, d'après Adon,((^ cpii se |)as?a. Che-
min faisant, Céréal pi'ia saint Corneille de ve-
nir chez lui, où le saint guérit sa fenuiie Sa-
iustie qui était paralytique, et ensuite la bap-
tisa, ave.- tous les soldats qui le gardaient.
Dèce l'ayant appris (c'est Callus qu'il faut
lire au fieu de Dèce), fit prendre tous ces
nouveaux, baptisés et les lit mener avec saint
Corneille hors la porte d'Appius,OLi ils furent
tous décapités, après avoir refusé de sacri-
fier. Ces saints martyrs étaient au nombre
de 21. Le Martyrologe romain n'en parle
pas.
CÉRÉAL (saint), martyr, souffrit pour la
foi à Alexandrie, sous Numérien, avec les
saints Pupule, Caius elSérapion. On ignore
à quede époque et dans quelles circonstan-
ces. L'Eglise fait leur fête le 28 février.
CÉSAIRE (saint), diacre, fut mai'lyrisé à
Terracine , sous l'empire de Trajan< Les
Grecs ont de lui des actes dans leurs me-
nées, mais ces actes sont sans autorité. Seu-
lement un fait important ressort de cette
pièce, c'est qu'elle cite comme juges de saint
Césaire, Léonce, homme consulaire, et Luxu-
rius. Or, les Actes de saint Hyacinthe portent
aussi qu'il fut jugé par Léonce et Luxurius.
Ce fait tranche complètement une dilliculté
qui a arrêté les auteurs. Quelques-uns ont
dit que saint Hyacinthe avait éié martyrisé
à Porto, d'autres à Césarée de Cappadoce.
Evidemment c'est à Porto, ville voisine de
Terracine ; puisque les magistrats qui le
condamnèrent coiumandaicnt à Terracin(;,
ils ne pouvaient pas avoir de juridiction sur
Césarée de Cappadoce. Terracine et Porto fai-
saient partie du môme gouvernement, du
môme ressort judiciaii'e.
Saint Césaire est honoré par l'Eglise le 7
octobre. {Voy. Hyagiintue, Léonce, Luxu-
niLS.)
CÉSAIRE (saint), martyr, souffrit pour le
nom de Jésus-Christ à Césaréii en Cappa-
doce, sous le règne de l'empereur Dèce,
avec les saints (iernuàn, Théophile et Vital.
On n'a pas de détails authentiques sur eux.
L'Eglise honore leur mémoire le 3 novem-
bre.
CÉSAH{E (saint), martyr, mourut pour la
religion de Jésus-Christ sous la sanglante
pe;sécution (luc; l'impie; Dioclélien lit souf-
frir .^i l'Eglise. Il eut pour couipaguonsde son
martyre les saints Victor, Zoli(iue, Zenon,
Sévéi-ien, Chiyso[)hore, Théonas (il Anlonin.
Ils soulfriienl |)lusieurs tourments Irès-
( iiuds avant d(; i<;cev(n)' oulin leui' sainte
couronne, (^esl le 20 aviil (juc l'Eglise ho-
nore leiii- luémoire.
CÉSAIRE (saint), diacre;, fut martyrisé à
Terracine, dans la Campagne de Roun;, sous
l'eMipu'i; (l(;Dioi'lt'-li(;ti, eu Tau^OO. il exislail à
'i'orracnie uue coutume aussi hoi i ible (ju'ini-
pie. Dans certaines circonstances, un jeune
honnneoifrait à Apollon le sacrilice volontaire
desa vie.CeDicniétait le protec teurde laville.
Pendant quelque teuq)s, le jeune homme qui
se dévouait, était fêté, choyé par les habi-
tants, qui fi'nssaieul par l'habiller avec magni-
ficence. Dans cet état, il sacrifiait à Apollon.
Après celte cérémonie, il se jetait dans la
mei- et consommait dans les flots son absurde
sacrifice. Le diacre Césaire, réceunnenl arri-
vé d'Afrique, ayant été témoin de cet atfi-eux
spectacle, ne put contenir son indignation :
il condamna tout haut cettehorrible supersti-
tion. Arrêté par ordre du prêtre d'Apollon, il
fut conduit devant le gouverneur. Celui-ci
donna l'ordre que Césaire et le prêtre Lucien
fussent Ions deux liés ensemble dans un sac
et précipités dans la mer. Il fut fait suivant
cette sentence, en l'année 300, durant la per-
sécution de Dioclélien. Surius donne des
actes de saint Césaire. Ils méritent peu qu'on
s'y arrête. Ce saint est fêté par 1 Eglise le
1" novembre.
CÉSARÉE de Cappadoce, aujourd'hui Kni-
sarich, eut la gloire de voir dans ses murs,
sous rein,;ire d'Adrien, mourir pour la foi
sanit Enpsyqne. La date précis.' de cet évé-
nement et le genre de su|)plice qui couronna
ce saint ne sont pas indiqués dans l'histoire.
Nous retrouvons en 250, dans celte ville,
sous l'épiscojiat de saint Eirmilien, le martyre
(le saint Cyrille, jeune enfant, disent ses Ac-
tes, natif de Césarée. Sa famille était païenne.
Chassé de chez .^on père qui ne put dommer
sa fiueur en le sachant ciuétien, il fut man-
dé par le gouverneur, qui le voulut intimider
après l'avoir voulu séduire par la douceur,
et qui, n'ayant pu réu-sir ni h l'un ni à l'au-
tre, le fit eiilin inoui-ir. L'historien de ce
jeune soldat de .Jésus-Christ est saint Fir-
milieii. {Voy. saint Cyrille.) Des actes, qui
ne nous |)araissenl pas parfaitement authen-
tiques, racontent que l'empereur Dèce fit
décapiter dans celle ville saint Mercure, qui
apitarlenait à son armée. C'est celui dont
l'Eglise fait la fête le 25 novembre.
Sous remi)ire d'Aurélien, saint Marnas,
vulgairement nommé Mammès, berger, fut
mailyrisé pour la fa chrétienne. 11 y fut
enlerré, et, au rap|)orl de saint (Irégoire de
Nazianze et de saint Rasile, son intercession
y opérait de nombreux miracles cl môme des
résurrections.
Sous Dioclélien', au commencement du
iv° siècle, le gouverneur de Cajtpadoce, ré-
sidant à Césarée, qui se nomnuiil Eabritius,
fil soulfrir de cruels su|)pliccs à sainte Do-
rothée, pour la contraindre à se maiier ou
à saciiliei- aux idoles. Voyant ([u'il ne i)ou-
vail venir à bout d'ébranler la sainte, il la
condamna à être décapitée. En 303, sainte
Jnlitl(! souHiil le martyre dans celle ville.
(Ko//. raili<le de celle sainte.)
lai 320, c(!lle ville, patrie de saint Gorde,
ceiiiuiiou dans les ai'inées impéiialos, fur
témoin de son mai-lyre. Lors de la publira--
lioii d(!s édils de Dioclélien, Corde i^iiilla
r,iriiié(; p(Mir se r(>lirer dans le désràii. Au
boni de (quelques années, poussé j[»ar l'ouviQ
(le vorser son sang pour Jc^sus-Cliiisi. H ro-
viiU (huis s.i ville iiîilalc, au niouienl où lo
pcu|ilt', assemblé au ciniuo, (■élébrail lalôlo
.lu dieu Mars. Son extérieur sale el exlrior-
iliuaire lo lit reiuaniuei'. ('.ouduil devaul le
|u.|io, il dit (ju'il était rlu'éliun. Condunué ;\
être (léi'a[)ité, il (if le sij^nc do la croix et
rerul joyeusement la mort. (Voy. (ioiuuc.)
Julieii l'Apostat, étant |)ass('; datis eetto
ville sur la (in do sou ré^^no, entra dans une
grande fureur eu voyant (|ue tous ses ha-
bitants, à [leu pi'ès, étaient chrétiens. Us
venaient de démolir le lemplo de la Fortune;
cet événement mit sa colore au comble. Vou-
lant punir la ville entière, il lui ola tous ses
privilèges, la raya de la liste des cités; il lui
lit reprendre son ancien nom de Mazaca, à
la place do celui deCésarée (lu'elle tenait de
Tibère. Des taxes énormes lui furent impo-
sées. Toutes les églis(>s de son leiritoiro
furent démolies. Le clergé fut em-olé dans
la milice du gouverneur de la province, et
plusieurs chrétiens furent mis à mort. Au
nombre d'entre eux fut saint Eupsychius, qu'il
ne fiiut pas confondre avec saint Eupsyque,
mort dans cette ville pour la foi, sous Adrien,
comme nous le disons au commencement de
cet article. Julien ordonna aux. Iiabitants de
rebâtir les temples des faux dieux; mais
api'ès son départ , ils construisii-ent une
église qui fut placée sous l'uivocation de
saint Eupsychius.
CÉSARÉE de Palestine, Cœsarea P/iilippi,
d\\bovd Paneas, aujourd'hui Baiiias. ((^ésarée
de Palestine et Césaiée de Philijipe sont
une seule et môme ville ; Tilleuiont a fait
erieur en les distinguant.) Ce fut dr.ns celte
ville où siégeait le gouverneur Félix, que
saint Paul fut amené [)ar ordre de Claude
Lysias. il y resta 2 ans en prison, jusqu'à
l'arrivée de Festus, successe r de Fédx, qui,
sur sa dema ide, le renvoya devant le trinu-
iial de l'empereur.
Ce fut dans cette ville que, durant la pcr-
sécuton de Dèce, sainte Ké{/ai-aie, v.erge,
fut martyrisée. Ap. è->q l'on lui eut fait subir
diver-. tourments, elie eut la tète tranchée.
On ajoute qu'à l'instant où sa tôte fut sépa-
rée du corp-i, les assistants Virent l'âiiie s'en-
voler, et monter au ciel sous la forme d'une
colombe.
Sous l'empire de Valérien, les saints Pris-
que, Maleli et Alexandre, qui vivaient près
de la ville, à .a campagne, étant devenus
saintement envieux de la gloire des mart , rs,
allèrent d'eux-mêmes se jjré.Neoter au gou-
verneur , qui les fit d'abord crueHdiuent
tourmenter, et qui ensuite les Ut livrer aux
bètes pour être dévorés. Après la prise de
Valérien par les Perses, la ville de Césarée
se trouva, comme toute la Pale-tine, soumise
à la domination de Macrien, qui s'était fait
déclarer empereur et qui continua la persé-
cution contre les chrétiens. Saint Marin, sol-
dat, et saint Astère, sénateur roiuain, furent
martyrisés dans cette ville. En l'an de Jé^us-
Christ 303, sous le règne et dura it la per-
sécution do Dioclétien , Pauhn , qui était
gouverneur de Palestine, lit arrêter à lieth-
CHA
ym
san et amener à Césarée, saint Procopo, lec-
teur et exorciste dans la première de ces
deux villes. N'ayant pu réussir h lo faire
Siicritier ni aux idoles ni aux (Mn|)ereurs, il
le condamna à ôtre décapité. {Voi/. Puocoi'k,
Paulin )
En l'an de Jésus-Christ 30'i., le gouverneur
Urbain (it jeter aux bètes, dans ' l'iuiiphi-
IhrAtre do cette vi.le, sainte Thèclo el saint
Agi|)e. Thècle fut déchirée |)ar les bètes fé-
roces; mais Agape ne mourut |)as des bles-
sures ([u'il y reçut. Deux ans entiers, le
gouverneur le retint en prison, et, par l'ordre
do Maximin Daïa, lo lit de nouveau exposer.
Cette fois encore il survécut, quoifiu'un ours
l'eût cruellement blessé. Le lendemain on
le jeta dans la mer. En 306, le gouverneur
Urbain tit horriblement tourmenter saint
Appien, jeune homme do dix-neuf ans, et
ensuite le lit jeter à la mer. Les noyades
étaient du goût de ce gouverneur. {Voy. Ap-
pien, Urbain.)
En 308, ce môme gouverneur fit mourir,
pour la foi chrétienne , sainte Théodosie,
jeune vierge de Tyr qui, étant à Césarée,
avait exhorté les chrétiens qu'on menait
devant lui à confesser généreusement le
nom de Jésus-Christ. ( Voy. Théodosie .)
Eusèb i raconte ces faits. [Mart. de Palest.,
chap. 17.)
CÉSARÉE, capitale de la Mauritanie Césa-
rienne, vit en 303, sous l'empire et durant
la persécution de Dioolétien, le martyre de
sainte Marcienne. {Voy. les Actes dans Bol-
la nd us.)
CÉSIDE (saint), prêtre et martyr, mourut
pour la foi, sous le règne de l'empereur
i^laximin, au pays des Marses, à Tran aeio,
près du lac de Célano. 11 était fils de saint
Ruiin, évoque des Marscs. On ne sait rien
davantage de sa vie ni de son martyre, qui
niérue d'être rapporté. L'Eglise fait sa lêlo
li> 31 août.
CESSERON ou Cessauion, lieu situé dans
le territoire d'Agde, près Pezénas, à 12 ki-
lomètres de Béziers, fut la patrie de saint
Tibère ou Tibéry, que son pôie voulut con-
traindre à embrasser le culte des idoles, et
que dans ce but il dénonça, après lui avoir
fait endurer de cruels supVhces. Saint Mo-
deste qui fut arrôié avec lui, et sainte Flo-
rence, qui se convertit à la vue de la cons-
tance des saints martyrs, furent décapités
avec lui. Ces événements avaient lieu au
commencement duiv' siècle, durantralfreuse
persécution que la cruauté de Dioclétien dé-
chaùia contre l'itglise. Dans cet endroit, on
construisit depuis, à la fin du viir siècle, une
abbaye régulière de Bénédictins. {Voy. D.
Beaunier, Rec. des abbayes, t. II, p. 4-92.)
CHABAiNEL (le bienheureux Noël), mis-
sionnaire de la compagnie de Jésus, périt
de la main d'un Huron qui avait apostasie
la foi. Son martyre arriva vers l'année 1650.
CHAFFRE (saintj , abbé de Carinéri eu.
VéLii, martyr, est nommé aussi saint Théo-
froy ou Thielfrey, était natif d'Orange. Leu-
froi, son père, gouverneur de la province,
soigna d'une fa(jon toute pai'ticuUère son
ê)51 CIIA
éducation. Son onciC F.udes était ahuè de
Carniéri en VLMai. Quan 1 on parlait de lui
devant le jeune CliallVe, et on en parlait
souvent , il brûlait du désir d'imiter les
vertus de ce saint homme et de marclier sur
ses traces. Son père l'ayant mené à Saint-
Paul-T.ois-ChAteaux. pour y voir Eu les, il
fit ])art à son oncle des intentions dans les-
quelles il était de se consacrer à la vie reli-
gieuse. Leufroi eut beaucoup de peine à
donner son consentement; mais entin il le
donna. Cliafl're partit pour Carméri. 11 se
distingua extrêmement dans ce monastère
par ses vertus, et fut chargé dans la commu-
nauté du soin de toutes les alfaires exté-
rieures. Quand Eudes sentit ap})rocher sa
fin, il demanda que son neveu lui succédât.
Tous les moines applaudirent à ce choix.
On n'eut qu'à se féliciter de l'avoir élevé à
ce poste éminent. Il fut à la fois le père et
l'ami de ses religieux. La règle du monastère
s'opposait à ce que les femmes entrassent
dans le couvent ; il leur permettait de s'as-
sembler à la porte, et là elles recevaient les
instructions évangélit[ues. Pendant que le
saint dirigeait en paix, dans les voies du
Seigneur, la famille spirituelle qui lui avait
été confiée, les Sarrasins tombèrent sur le
Vêlai. 11 exigea que tous ses moines se ca-
chassent dans une forôt voisine; quant à
lui, il resta dans son église, prosterné et
priant. Les Sarrasins le trouvant seul, le
battirent avec une inouïe cruauté et le lais-
sèrent pour mort. Le lendemain, qui était un
des jours de fèie, ils se réuniient pour la
céléb.er. Saint Chalfre revenu à lui, tiouva
asse/c de force pour aller vers eux et les ré-
primander de leur impiété. Les bari)ares
surpris de le voir, lui firent souifrir un trai-
tement indigne , et ensuite le blessèrent
mortellement. Un orage les ayant obligés à
fuir, ils le laissèrent gisant sur le sol. Quel-
ques jours après il mourut. On pense que
sa mort arriva le 19 octobre 728.
CHALCÉDOINE, ville de «ithynie, sur le
Bosj)liore de Thrace, fut la patrie de sainte
Euphémie. Cette sainte y fut martyrisée,
en l'ail de Jésus-Christ 307, sous le règne
de Dioclélien.
CHALONS-SUR-MARNE, chef-lieu du dé-
partement de la Marne, à IW kilomètres E.
de Paris, est célèbre dans les annales des
martyrs par les soullrances (ju'y entlura l'é-
voque Domitien en coidéssant la foi.
CHALONS-SUR-SAONE, Cabillunum, ville
qui t;st maintenant un (.hef-lieu d'arrondisse-
ment du département de Saone-cl-L(jire, eut
jiour premier martyr saint Marcel, qui y souf-
frit dillV-renlev tcjrtures, (;t enfin y fut bii")lé vif
le k septeiidjrc;, sous l'empire de Marc-Aurèle.
CHAMUORAN (Madame de), religieuse
carmélite de Saint-Denis , consomma son
sacrifice sur l'échalaud, avec rhin-oisme (fis
premiers martyrs. Elle péril ainsi pendant
les horreurs de la révolution franeaise.
CHARISE (sainlj, martyr, soullïit la mort
îi Corifilhe, pour la défense de la religion. 11
fui noyé avec s.iint Callisle vX se()l auln;s,
dont le Mailyrfjl'tfTe r')main ne nous duinio
CH4
552
pas les glorieux noms. On ignore l'époque à
laquelle eut lieu leur mort. L'Eglise les ho-
nore le 1() avril.
CHAIU rÉ (sainte). Foi/. Agapée.
CHARTRES, Autriciim, Carnutcs , clief-
lieu (lu département d'Eure-et-Loir. Le
Martyrologe romain donne, comme ayant été
martyrisé dans cette ville, sous Domitien,
saint Cliércn, sur lequel il n'existe j^s de
documents • ertains.
CHATRES (aujo(U"d'hui Arpajon), ville du
département de Seine-et-Oise , est célèbre
dans les annales des martyrs par la mnrt
qu'y endura pour la foi saint Ion, par l'ordre
du piéfet Jul en.
XHAUMOND (saint), était d'une famille il-
lustre des Gaules. Etant venu à Paris, le roi
Clovis II, qui le respectait singulièrement
à cause de ses vertus, le choisit pour être
parrain de son fils aîné, qui fut depuis roi,
sous le nom de Clotaire 111. Lorsque son
zèle et sa piété l'eurent élevé sur le siège
de Lyon, il remplit avec exactitude tous les
devoirs d'un fidèle pasteur. 11 acheva les bâ-
timents de la maison de saint Pierre et y
établit mie communauté de vierges. Deux
de ses sœurs lui furent utiles dans cet éta-
blissement. Les vierges dont il s'agit, se
consacrèrent particulièrement aux œuvres
de charité. Le saint reçut avec de grandes
marques d'alfection et de respect saint Be-
noit Biscop et saint Wilfrid, qui passèrent
par Lyon en allant d'Angleterre à Rome.
Clovis il étant mort, Ebroin, maire du
palais, qui craignait (ju'il ne fit connaître
les vexations dont il accablait le peuple de
Lyon, résolut de lui ôter la vie. 11 eut re-
cours à la calomnie et l'accusa du crime de
lèse-majesté. 1! n'eut pas plutôt appris qu'il
s'était dérobé par la fuite à ses poursuites,
qu'il le fil massacrer par une troupe de sol-
dats , près de Chalons-sur-Saône. Sa mort
arriva le 28 septembre 657, Saint Wilfrid,
de[)uis évêque d'York, et les autres ecclé-
siastiques qui l'accompagnaient, rapportèrent
son corps à Lyon, cl l'enterrèrent dans lé-
glise de saint Pierre.
On garde la plus grande partie de ses re-
liques chez les religieuses de saint Pierre de
Lyon, (jui depuis embrassèrent la règle de
s;unt Benoît. On invcxpic ce saint contre
l'épilepsie. Il y a dans le Forez une ville qui
porte son nom.
Comme le saint évêque de Lyon est appelé
aussi Daulin, quehjues auteurs modernes
ont imaj^jiné d'en faire deux saints distin-
gués l'un de l'autre; mais leur .>entimenl est
abandonné par les |)lus habiles (l'itiques; il
est également conlraiie aux ancienms Vies
du saint. En 1083, les filles, dites à Paris
de rUinon clirélienne, ac(piirent dans cette
ville l'hôtel de saint Chaumond , où elles fi-
rent bAlir une église. C'est la principale com-
munaub' de leur congrégaliou. hllles étaient
( oiumes .>ous h; nom du sainl (pii était leur
patron, (dodescart, vol. XIH, j». H\).)
CHAVASL, pr in(-(! aiiiK'nien de la famille
d'ArdzourouniK, fut l'un de ceux qui souf-
frirent volontairement la captivité pour
B53
GHE
cm
,»)5i
Jésus-Christ , sous lo règne d'Hazguenl ,
deuxième du nom, roi do Perso, et ([ui ne
furent remis «mi liberté et renvoyés en leur
pays (]uo huit ans après la mort de ce
prince , sous le règne do son lils Bérose.
(Pour plus de détails, voy. Piunces aumé-
NIliMS.
CHftLlDOlNE (saint), servait avec distinc-
tion dans l'armée romaine. 11 avait pour
compagnon d'armes saint Emétère, vulgai-
rement appelé saint Madir. Tous deux furent
martyrisés à CaJahora, mais on ignore en
quel temps. Prudence dit ipe ces deux il-
lustres combattants de la foi (irent de nom-
breux uîiracles en Espagne. L'Eglise honore
leur mémoire le 3 mars.
CHEN, missionnaire en Chine, dans le Cou-
tching, fut livré par un chrétien, moyen-
nant vingt mille deniers. 11 fut conduit à
Cou-tching, reçut soixante soufllets et fut en-
suite transféré dans la capitale Ou-tchang-
fou. Il se trouva en prison avec M, Clet.
Tous les efforts qu'on fit pour le faire apos-
tasier furent inutiles. 11 fut condamné, ainsi
que M. Clet, et exécuté avec lui en avril
1820.
CHÉREMON (saint). Voici ce qu'à son sujet
nous trouvons dans le Martyrologe romain :
« A Alexandrie, les saints prêtres et diacres
Caius, Fauste, Eusèbe, Cliérémon, Lucius et
leurs compagnons, dont les uns furent mar-
tyrisés durant la persécution de Valérien, et
les autres, en servant les martyrs, reçurent
la môme récompense. L'Eglise fait leur fête
le k octobre.
CHÉREMON (saint) , évoque de Nilopolis
en Egypte, était arrivé à une extrême vieil-
lesse, quand la persécution de Dèce s'alluma
contre l'Eglise. Le saint vieillard s'enfuit avec
sa femme et un grand nombre d'autres chré-
tiens, pour éviter la rage des persécuteurs.
11 se retira dans les montagnes d'Arabie,
exposées aux incursions des Sarrasins. De-
puis on n'entendit jamais parler de lui ni de
ses compagnons d'exil ; furent-ils massacrés
par les barbares, pris par les persécuteurs
ou victimes de la faim et des intempéries
des saisons, ce sont points sur lesquels l'his-
toire est muette. L'Eglise fait la fête de saint
Chérémon, nommé aussi Quérémon, le 22
décembre.
CHÉRON (saint), fut martyrisé à Chartres,
sous l'empereur Domitien. On le fête le
28 mai. (Pas de documents.)
CHÉRUBIN (lebienheureux), capucin long-
temps employé aux missions de Bassorah,
s'embarqua à Mascate pour pénétrer en Abys-
sinie, et fut massacré à Magadoxa, avec le
P. François, religieux du même ordre, vers
l'année 16i0, sous le règne du Négous Bas-
silides, fils de Mélec-Ségued.
CHEVALET, equuleusy instrument de sup-
plice employé presque constamment à l'égard
de tous les martyrs de la primitive Eglise.
C'était une sorte de cheval de bois. 11 est fort
difficile de faire comprendre sans figure ce
que c'était que cet instrument si célèbre.
DiGTiOiNN. PES Persécutions, I.
La pièce principale était constituée par deux
fortes [)Oulrellcs, jouîtes ensemble et i)Ou-
vant se séparer i)ar h; milieu, dans le sens
de leur longueur : ligurez-voiis un grand tré-
teau, vous aurez idée du clievahil. Les deux
poutrelles formeront la partie supérieure du
tréteau. A chaque extrémité des |)0uttelles
était un anneau en fer dans lequel passaient
deux cordes, allant s'enrouler chacune à un
tour fixé à l'un des pieds du tréteau. Le pa-
tient, couché sur les poutrelles, le visage en
haut, était attaché i)ar les poignets et par
les pieds aux cordes nommées fidiculœ; on
serrait les tours, de manière à ce que la
traction de ces cordes lui disloquai les mem-
bres. C'est dans cette affreuse position qu'il
était torturé par les bourreaux qui venaient
lui déchirer les ilancs, la poitrine, le ventre,
avec les ongles de fer, avec les crocs, avec les
peignes de fer; on le brûlait avec des torches
allumées. Souvent la traction des cordes était
si considérable, que les pieds, les poignets
étaient disloqués. On arrachait aux martyrs
les ongles des orteils. Souvent les pauvres
suppliciés restaient plusieurs heures dans
cette horrible torture. Quand on jugeait que
le supplice avait duré assez longtemps, on
lâchait les tours ou moulinets, les cordes se
relâchaient, les deux poutrelles se séparant
laissaient passer le corps du martyr, lequel
demeurait suspendu au-dessous du chevalet.
C'était dans cette position qu'il subissait l'in-
terrogatoire. Comme nous l'avons dit au
commencement, cet instrument était em-
ployé dans les premiers siècles de l'Eglise
par tous les persécuteurs. Il était en quelque
sorte l'âme de tous les supplices. Souvent
les martyrs mouraient dans cette torture qui
était ajlroce. Beaucoup de saints martyrs su-
birent l'épreuve du chevalet un grand nom-
bre de fois.
CHIÉTI, ville du royaume de Naples, où
l'évêque saint Urbain confessa la foi de Jé-
sus-Christ. On ignore à quelle époque.
• CHLMAVON, prince Arménien de la fa-
mille Anzevadzik, fut l'un de ceux qui souf-
frirent volontairement la captivité pour Jé-
sus-Christ, sous le règne d'Hazguerd, deuxiè-
me du nom, roi de Perse, et qui ne furent
remis en liberté et renvoyés en leur pays
que huit ans après la mort de ce prince, sous
le règne de son fils Bérose. (Pour plus de
détails^, voy. Princes arméniens.
CHINE (la), est le plus grand empire de
l'Asie. Il est borné au nord par la grande
muraille, qui le sépare de la Tartarie occi-
dentale; à l'ouest, il touche au Thibet; au
sud, il est terminé parle Laos, le Tong-King,
et la mer de la Chine, ou l'Océan oriental,
et à l'est par le même Océan. Le Thibet le sé-
pare des pays de Ko-ko-nor et de Si-fan ; il
a au N.-O. le pays de Khami ou Khamull,
partie de la petite Bukkarie que l'on trouve
au delà d'un désert qui a, dans cet endroit,
neuf journées de largeur, suivant lo rapport
des plus célèbres missionnaires, a 750 lieues
de long sur 500 de large, et , selon leurs ob-
servations les mieux vérifiées , il est situé
entre 115 et 81" de loogitude orientale et en-
id
x:>K
cm
CHI
tm
tre 20° 14' de latitude septentrionale. La
Chine est divisée en 13 ])rovinces, dont la
lûoins étendue formerait un royaume consi-
dérable; il en est même plusieurs qui, pri-
mitivement, ont été parta:4ées en diÛ'érentes
j)étités mbnarcliies. Chensi, Chansi et Pecheli
sont situés au nord; Chdnsong, Hyangnan,
Chc-Kyang, Fo-Kien et Quang-ton sur les
bords de la mer ; Quand-d, Tim-nan et 5e-
ckuen qui joint Chen-si au sud-ouest et à
Touést, Ho-nan , Hu-Quang, Quey-Chen et
Eiang-Si sont placés au centre. Ces provin-
ces sont subdivisées en plusieurs cantons
qui tous ont une ville du premier rang pour
capitale; mais Chun-Tyen-Su, que nous nom-
mons Pékin, est la capitale de l'empire de-
puis que, vers l'an HOo, les empereurs aban-
donnèrent leur résidence de Nan-King, pour
veiller de plus près aux mouvements des
Tartares. Les auteurs varient beaucoup sur
le nombre des habitants de cet empire. Quoi-
qu'il en soit de leur calcul, trop enflé pour
y donner quelque crédit, il est vrai de dire
que dansles quatre parties du monde, nous ne
trouverons pointd'exemple d'une aussi grande
population. Celle de la Chine proprement
dite est de cent soixante-dix millions : Celle
de l'empire tout entier, Chine et pays sou-
mis, est de trois cent quarante millions: ce
qui fait croire que, quand même la Chine
n'aurait aucune liaison avec les autres peu-
ples , son commerce intérieur lui suffirait
pour soutenir l'activité <ia travail de ses
citoyens et fournir à leurs besoins par la
nécessité des échanges. Au milieu d'un
grand nombre de villes considérables , on
dislingue Pékin, capitale de l'empire et la
résidence du prince, beaucoup plus grande
et infiniment plus peuplée que Paris. Nan-
king tient le second rang , et a sis gran-
des lieues et demie de tour. Les Chinois,
en général, sont d'un caractère doux et trai-
table; ils ont beaucoup d'atl'abilité dans leur
air et dans leurs manières, mais ils sont vin-
dicatifs et toujours prêts à tromper dans le
commerce, surtout lorsqu'ils traitent avec
l'étranger. Us sont actifs, laborieux, endur-
cis au travail, et l'élégance de leurs ouvra-
ges est un témoignage honorable du bon
goût qui les guid*;. Us ont moins d'inven-
tion que nous, ûiais ils imitent facilement
tout ce qu'on leur présente. Plein de
bonne opinion pour lui-même, et de mé-
pris pour les autres nations, le plus vil Chi-
nois ne peut être en^ijagé, par aucune raison,
h croire qu'il se trouve quelque chose de
véritablement estimable hors de la Chine. 11
prétend qu'il ne peut, sans blesser la justice,
s'écarter des usages reçus dans l'empire,
uuand môme ils seraient reconnus mauvais.
Les ieinmes brillent par beaucoup de mo-
destie et, en général , ce peuple a quelques
bonnes qualités qui lui méritent l'esliiiuî
et l'adtniratifju de ceux qui lu pratiquent.
{Hisloiredes di/l'ércnls peuples du monde, 1. 1",
p. 1.)
Saint François Xavier, après avoir porté
la lumière du chrislianisuH) au Jaj)i)ii, vou-
lait ('Mireitiendr(; la nn'-iiK! chosf* en Chiin'.
Mourant surles confins de cet empire, comme
Moïse à l'entrée de la terre promise, il priait
Dieu de vouloir bien inspirer à quelques-
uns de ses apùties la sainte pensée de con-
tinuer son œuvre. Ce fut le P. Ricci , qui
le premier entra dans cette voie glo-
rieuse. 11 quitta Macao en 1583, et forma
un établissement à Choaquin. Pendant vingt
ans il eut à lutter contre dos obstacles de
toute nature , contre des persécutions de
toutes sortes ; mais enfin étant venu à Pé-
kin et ayant été reçu de l'empereur, auquel
il offrit des présents au nombre desquels
étaient un tableau de la Vierge, une montre
à sonnerie, une horloge et plusieurs autres
objets précieux, il eut la permission de rési-
der à Pékin. A partir de ce moment, ses ef-
forts furent couronnés de grands succès. 11
obtint de nombreuses conversions dans tous
les rangs de la société. Bientôt les nouveaux
convertis devinrent apôtres à leur tour.
Ricci était l'âme de la mission, et veillait à
tout avec une activité sans égale. Tant de
fatigues l'épuisèrent : il y succomba à l'âge
de 57 ans. La mission était encore d'ans la
désolation de la perte qu'elle venait de faire,
lorsque Dieu permit qu'elle fût éprouvée
par la persécution. Les missionnaires furent
tous forcés de sortir momentanément de
l'empire et de se retirer à MdCào.
L'année suivante, 1618, la Chine fut me-
nacée d'une invasion par les Tartares. Leur
armée était formidable, ils gagnèrent une
g;rande bataille et s'avancèrent jusqu'à sept
lieues de la capitale. On persuada à l'empe-
reur Ïien-Ki que le moyen le plus sûr de
gagner la supériorité sur les Tartares et
d'en délivrer l'empire était d-e faire usage
de l'arlilierie. Les Chinois avaient des 'ca-
nons, mais ilsignoraientl'art de s'en servir.On
se détermina à appeler les Portugais de Ma-
eao et à permettre aux missionnaires de les
accompagner. La tentative réussit : les Tar-
iares furent repoussés sur les tVonlières de
Jl'empire, et cette nation inquiète fut forcée
de se tenir quelque temps en repos. Les
•missionnaires profitèrent de Ces moments do
calme et avancèrent les ailaires de la religion.
Us gagnèrent l'estime et la faveur des graiids
et d'un grand nombre de mandarins. Ticn-Ki
était mort, Zon-Chin, son successeut-, prit
beaucoup de goût pour l'esprit et les ton-
paissances du P. Adam Schall, iKilif de Co-
logne, et missionnaire jésuite. Ce fut sous
ce malheureux {)rince que la Chine tomba
au pouvoir des Tartares. Zunté, leur roi, en
eotnuiença Iti conquête, et Cliuiig-Clii, son
fils, l'acheva en iGCï.Le P. Adam S( hall était
resté à Pékin; le vainqueur voulut le voir,
et il $0 prît pour lui de beaucoup d'estime
et d'alï'cCtion. Non-sculénieiil il lui donna
rbnlrée libre de son palais, mais il allait sou-
vent lu voir dans la maison qu'il occujiail,
et passait plusieurs heures aveclui. Le mis-
sionnaire par son caractère aimable et insi-
nuant disposait tellcnieiil les sujets de ces
entretiens, (ju'il passait des sciences nià-
tliéiiiati(ju('s ù des points do morale cl de
reli-io»i. Il 'l'énssith itispirci' du 'l'iïoins ft me
557
(JHI
cm
99w
prince uno toile ostiino pour la religion clné-
tienne, (lu'il «mi obtint pour les missionnai-
res la lilicrlô do la prôclior et do la propager
dans r(Mn[)iro. Aussi, la mission évanyéli-
quc a-l-ello été ahondanto sous co rèyuo. La
haute oonsidi'ration que procuraitau P. Schall
la diynilé de président du Iribuiial d(!s uui-
tliémati(iues, tourna au i)rorit de la religion.
Chiin-Chi mourut à quatre-vingts ans; il eut
pour succcssi ur le célèbre Canq-IIi, (\\x\ n'a-
vaii que 8 ans (puuul il monta sui- le trôrn?.
Les régents de renipire crurent qu'il devait
être de Icui' politicpie de servir la haine des
bonices contre le clirislianisme, et ils devin-
rent persécuteurs. Les missionnaires furent
•presque tous chargés de chaînes, hannis et
conduits h Canton. Adam Schall, déchu de sa
ïaveur, privé de ses dignités, accab'é d'op-
probres et de calomnies, fut jeté dans les pri-
sons et condamné h moit |)Our avoir prèehé
la foi do Jésus-Christ. Dieu lui avait inspiré
J'ardeur du martyre ; il s'estima plus lieu-
reux de confesser le nom de Dieu dans un
caehot, que de l'avoir annoncé avec honneur
dans le palais d'un grand monarque. La
sentence ne fut pas exécutée, mais il survé-
cut peu de temps à ses longues souffrances,
et Dieu rompit ses liens terrestres pour le
faire jouir de la liberté des enfants de Dieu.
La persécution fut vive pendant la mino-
rité de l'empereur , mais elle cessa lors-
qu'il gouveroa par lui-même. Aucun empe-
reur ne fut plus ouvertement favorable à la
religion. Il commença son administration-
.par rendre la liberté aux missionnaires et
aux églises chrétiennes. La nécessité de ré-
former le calendrier chinois fit appeler les
missionnaires à la cour: l'ignorance des ma-
hométans, alors en possession du tribunal
de l'astronomie, fut pleinement confondue
en présence de l'empereur; ils furent ren-
voyés. Le P. Verbien, pour prix d'une vic-
toi;e qu'il lui fut facile de remporter, fut
proclamé, devant toute la cour, président du
tribunal des mathématiques, et, ce qui éiait
plus intéressant encore pour la religion, il
obtint dès lors, et conserva sans interrup-
tion, la fciveur et la protection déclarée de
Chang-HL Le tribunal, qui porle pour titre
celui du Tribunal des Etats de V Empire, dé-
clara, pour réponse à une requête qui lui
avait été renvoyée par ordre de l'empereur,
qu'après séiieux exaiïiencie la religion chré-
tienne, il estimait qu'elhî avait été mal à |)ro-
pos condamnée, qu'elle était bonne et ne con-
tenait rien (|ui fût contraire au bien de l'Etat;
qu'en conséquence il était juste que la mé-
moire du P. Adam Schall, qui avait éîé flétrie
pour l'avoir prèchée,fûtréhal)ilitée,etqueles
grands, dépouillés de leurs charges pour l'a-
voir embrassée, fussent rétablis, et les prê-
tres européens rappelés, avec la permission
de retourner à leurs maisons et à leurs égli-
ses, pour y pratiquer les exercices de leur
religion; mais, que cette religion étant étran-
gère à l'empire , il paraissait à propos de
leur défendre de la prêcher aux Chinois, et à
ceux-ci de l'embrasser. Cette décision du
tribunal fut contiimée par la cour, et ce ju-
gement fut d'un grand poids pour assurer
la faveur du jeune prince contre les remon-
trances im[)ortunes des ennc^mis do la reli-
gion. La parole sainte fructifia de plus on
plus; l'année suivante, 1072, un oncle ma-
ternel de l'empereur et un des huit géné-
raux qui commandaient la milice tartare, re-
çurent le baptême. Le P. Verbien , digiiie
successeur des PP. Ricci et Adam Schall,
était, avec l'assistance du ci(;l, l'ànie de ces
succ(V et la colonne de cette Lglise naissanie
Ses fréquents entretiens avec l'empereur lui
inspirèrent du respect et une grande estime
pour la foi chrétienne : m<^is, adorons en
tremblant les jugements de Dieu; il manqua
au bonheur et h la consolation du vertueux
missionnaire de ])Ouvoir persuader à ce
prince de se déclarer pour elle en l'embras-
sant. La sévérité de sa morale et une politi-
que humaine et troj) timide l'arrêtèrent. La
foi est un don de Dieu ; il y a encore loin de
la conviction de l'esprit à la persuasion du
cœur. Le prince vit la vérité, et il se contenta
de lui rendre un hommage qui fut stérile
pour lui-même. Malgré la restriction insérée
dans le jugement du tribunal, la lumière s'é-
tendit bientôt de la capitale dans toutes les
provinces de l'empire. On s'aperçut alors de
la nécessité d'augmenter le nombre des ou-
vriers évangéliques. Le P. Verbien en de-
manda au souverain pontife. Pour enflammer
le zèle et exciter l'émulation dans les corps
religieux de l'Europe, il y fit connaître les dons
de la grâce et les bénédictions du ciel sur la
Chine. C'est à ce motif, si digne de la religion,
que l'on doit l'origine et la publication suc-
cessive des lettres édifiantes.
L'espérance de Verbien ne fut pas trompée ;
Dieu exauça les vœux des missionnaires et
de leurs fervents néophytes. Des religieux de
l'ordre de Saitit-Domi nique et de celui de
Saint-Fiançois et des Augustins, suivis bien-
tôt par des prêtres de l'institut des Missions-
Etrangères (le Paris, volèrent au secours dî^s
Eglises de la Chine. N'oublions pas que c'est
au P'. Ferdinand Verbien que les Français
sont redevables d'avoir été appelés à parta-
ger ses travaux apostoliques; c'est lui qui
les fit venir à Pékin, et qui disposa l'empe-
reur îi les recevoir et à les traiter avec dis-
tinction. Il mourut au moment qu'ils arrivè-
rent et fut privé de la consolation de les pré-
senter lui-même h la cour. Les décrets dé
Dieu sont impénétrables : pourquoi faut-il
qu'une époque si glorieuse et si liciie en bé-
nédictions ait touché de si près aux temps
de trounles et de dissensions qui ont agité
cett« Eglise, naissante et qui ont servi de ()ré-
texte et ouvert la porte kla plupart des per-
sécutions qui, pendant le cours de plus d'un
siècle, déchirèrent son sein, et se succédè-
rent presque sans intervalle? On voit assez
que nous allons être forcé de parler des
disputes sur les cérémonies chinoises , dis-
putes qui n'ont pas moins scandalisé l'Eu-
rope qu'affhgé l'Eglise de la Chine. Pour ju-
ger du fond de ces disputes, il faut se former
une idée exacte du sujet qui en fut l'occa-
sion et le prétexte.
ohd
r,in
CHi
560
Le P. Ricci, arrivé à laCliino eu 1580, s'i-
magina que le moyeu le plus sûr d'attaquer
les pn'jugés et d'amener les Chinois à la vé-
rité était de se joindre en partie aux éloges
Sue la nation et le gouvernement ne cessent
e donner à Confucius , qu'ils regardent
comme le sage par excellence,ie maître de la
grande science et le législateur de l'empire.
Il crut avoir découvert que la doctrine de ce
philosophe sur la nature de Dieu se rappro-
<;hait beaucoup et ne ditl'érait pas essentiel-
lement de celle du christianisme; que ce n'é-
tait point le ciel matériel et visible , mais le
vrai Dieu, le Seigneur du ciel, l'Etre su-
prême , invisible et spirituel dans son es-
sence, inlini dans ses perfections, créateur et
conservateur de toutes choses, le seul Dieu
enfin dont Confucius prescrivait l'adoration
et Je culte à ses disciples. Quant aux hon-
neurs rendus aux ancêtres, les prosterna-
tions, les sacrifices mêmes qu'on offrait pour
honorer leur mémoire, le P. Ricci se per-
suada et s'efforça de persuader aux autres
que, dans la doctrine de Confucius bien en-
(endue, ces hommages étaient des cérémo-
nies purement civiles , où ce philosophe
enseignait qu'on ne devait voir rien de reli-
gieux et de sacré; que ce motif en était uni-
quement fondé sur les sentiments de véné-
ration, de piété filiale, de reconnaissance et
d'amour que les Chinois ont eus dans tous
^es siècles, à remonter jusqu'au berceau de
leur empire, pour les auteurs de leurs jours
et pour les sages qui les ont éclairés des
rayons de la vraie science ; qu'ainsi, ces fê-
tes nationales et ces cérémonies, ramenées
à leur source et aux vrais principes du phi-
losophe chinois, n'étaient pas un culte de
superstition et d'idolâtrie, mais un culte ci-
vil et politique qui pouvait être permis, à
i'égard de Confucius et des ancêtres, à des
Chinois convertis au christianisme. Telle a
■été jusquà sa mort, arrivée en 1610, l'opinion
du P. Ricci et du plus grand nombre des
missionnaires.
Le P. Longobardi, qui lui succéda, vit ces
usages sous un aspect bien différent. L'es-
time qu'il portait aux talents et aux vertus
du P. Ricci avait suspendu son jugement et
'ses scrupules sur le système et la pratique
de cet homme aposfoli(iue; mais se voyant à
la tête de la mission, et responsable de tous
les abus qui pourraient s'y commettre, il
crut de son devoir d'examiner de plus près
ces questions importantes. 11 y fut encore
excité par l'avis que lui donna le P. Pascio,
visiteur général, que les missionnaires du
Japon n'approuvaient pas le système de son
f)rédécess(!ur. il se mit à lire les ouvrages
de Confucius et de ses plus célèbres com-
(uentaleurs, et il consulta les lettrés (jui pou-
vaient lui fournir des lumières fît lui ins[)i-
rer h; jjIus de confiance. Plusieurs autres
rnissifjrinaires jésuites agitèrent entre eux ce
sujet do controverse; l(!s sentiments furent
jtai' âgés. Le P. Lorig(>l)ai"di r;omposa à (;ctt(;
<ii;casioii ut ouvra e où li matière fut traii^'-e
<i f(jnd, et les conclusions en étaient qu(î la
doctrine do Confucius et celle de ses disci-
ples étaient plus que suspectes de matéria-
lisme et d'athéisme; que les Chinois ne re-
connaissaient, à le bien considérer, d'autre
divinité que le ciel, et sa vertu matérielle
répandue dans tous les êtres de l'univers ;
que l'âme n'était, dans leur système, qu'une
substance subtile et aérienne ; et qu'enfin
leur opinion sur l'immortaliié de l'âme res-
semblait beaucoup au système absurde de la
métempsycose, qui leur était venu des phi-
losophes indiens. Considérés sous ce point de
vue, les usages de la Chine parurent à Lon-
gobardi, et à ceux qui se déclarèrent pour
lui, une idolâtrie des plus caractérisées et,
par conséquent, une superstition abomina-
ble, qui ne pouvait s'allier avec la sainteté
du christianisme ; une pratique criminelle ,
dont il fallait faire sentir l'impiété aux Chi-
nois que la grâce de Dieu appelait à la lu-
mière de l'Evangile, et qu'il fallait interdire
rigoureusement à tous les chrétiens, quelles
que fussent leur condition et les places qu'ils
occupaient dans l'empire. Les partisans de
cette opinion n'en restaient pas là : ils défen-
daient aux nouveaux chrétiens de se servir
des termes King-Tien, prétendant qu'ils ne
signifiaient pas le Seigneur du ciel, dans l'es-
prit des Chinois qui prononçaient ces paro-
les, mais seulement le ciel empereur, enten-
dant par là le ciel matériel, la seule divinité
que reconnaissent les lettrés eux-mêmes , et
l'unique objet de leur culte. A la lecture de
cet ouvrage , les Jésuites qui demeuraient à
Macao se déclarèrent ouvertement pour l'opi-
nion de Longobardi. Le P. Palineiro, nouveau
visiteur , adressa aux missionnaires la dé-
fense formelle d'employer à l'avenir le nom
de King-Tien ou de Xam-Ti , pour signifier
le vrai Dieu, et de tolérer l'usage des céré-
monies chinoises pour les chrétiens. Cet or-
dre ne put commander à la conscience des
missionnaires attachés au système du P.
Ricci. Ils protestèrent de leur disposition
sincère à se soumettre aux décisions qui
émaneraient du saint-siége ; mais, d'après la
connaissance qu'ils avaient des mouvements
qui résulteraient, pour les progrès de l'Evan-
gile, de cette révolution qu'on leur proposait
de faire dans les ojtinions chinoises , sur
ces usages qui remontaient si haut dans
l'histoire de l'empire, et que jusqu'à présent
les chrétiens avaient pratiqués sans scrupule,
en les restreignant à un culte purement civil,
ils refusèrent de rien changer à leur ensei-
gement et à leur conduite.
La dispute qui s'agitait avec beaucoup de
vivacité au fond de l'Asie fut portée à Rome,
oiî les sentinuMits n'étaient pas moins parta-
gés (ju'à la Chine. On pense bien que la
question y était i)résentée sous un jour tout
à fait dilléronl par les deux [)artis. Sur l'ex-
posé des Dominicains et de leurs adhérents,
il émana d(! la Propagande, en 1GV5, avec
l'ap|)robation du papi; Itniocenl \, un décret
provisoiie (pii défendit les cérémonies chi-
noises juscpj'à ce (pie le saint-siége vùl [)ro-
noncé di'li'iilivemenl. Les Jésuites se plai-
gnirent de n'avoir j)oint été entendus. Ils
furent admis à justifier leur opinion; ett
:6i
CHl
cm
S6i
d*fiprès leur exposé, parut un nouveau dé-
cret, en 1G56, portant permission aux Chi-
nois et aux lettrés convertis de persister
dans leurs anciens usages , en déclarant ,
pour sauver tout scandale, que par les hon-
neurs cpi'ils rendaient, soit aux ancêtres, soit
à Confucius, ils n'entendaient pas un culte
religieux, mais seulement un culte civil et
purement politique. Les Jésuites, s'appuyant
sur le second décret approuvé par Alexan-
dre Vil, prétendirent qu'il était censé anéan-
tir les dispositions du premier. Les Domini-
cains en portèrent leurs plaintes à Rome et
en obtinrent un troisième décret, par lequel
les deux précédents portés dans la même
cause étaient maintenus ; c'est-à-dire que les
cérémonies chinoises étaient défendues pour
ceux qui les croiraient idolâtricfues, et per-
mises à ceux qui ne les regarderaient que
comme des actes d'une vénération purement
civile. Le saint-siége se réservait toujours
de prononcer définitivement sur le fond de
la dispute, lorsque les raisons produites de
part et d'autre paraîtraient suffisamment
discutées.
. Ce n'était pas là le moyen de rétablir la
paix. La liberté accordée à chacun de pro-
duire ses mémoires ne fit qu'allumer de plus
en plus l'esprit de dispute et de contention;
on devait s'y attendre. Innocent XI, qui s'en
aperçut, tenta de remédier à un mal qui de-
venait de plus en plus funeste aux succès
des missions. Il fallait prendre sur les lieux
des informations assez sûres et assez éten-
dues pour mettre Rome en état de rendre un
décret définitif et absolu. Le pape s'arrêta à
l'exécution de ce projet, que lui dictait sa
sagesse et que nécessitaient les circonstan-
ces. 11 s'était formé à Paris une société
d'ecclésiastiques dont la destination et l'ob-
jet étaient de porter la connaissance de
Jésus-Christ aux nations infidèles de l'Afri-
que et de l'Asie. Louis XIV, dont la magni-
ficence ne laissait aucune occasion d'éclater,
avait concouru à cet établissement. Cette
société , dont le séminaire est situé rue du
Bac, sous le nom de Missions-Etrangères ,
procura à la religion, dès les premiers temps
de son institution, des hommes d'un mérite
rare, d'une vertu subhme et d'un zèle vrai-
ment apostolique. Les sujets de cette compa-
gnie, après s'être préparés à la sainteté de
leur vocation pendant quelque temps, dans
la maison de Paris, sont envoyés à Ispahan,
capitale de la Perse, pour s'y perfectionner
dans l'étude des langues orientales. L'esprit
Ërimitif se soutient dans toute sa ferveur,
rûlants du feu de l'amour des souffrances
et de l'esprit de martyre; sacrifiant tous les
avantages que la naissance, la fortune et des
talents distingués pouvaient promettre à plu-
sieurs de ces pieux ecclésiastiques ; se dé-
vouant sans réserve et sans partage au grand
œuvre des missions, on les a vus, dans tous
les temps, porter avec un courage héroïque
la lumière de l'Evangile aux nations idolâ- ■
très ; et ceux qui survivent aux malheurs
que notre révolution a fait éprouver à leur
compagnie cultivent, avec des fatigues in-
croyables, les portions éloignées du champ
de l'Eglise , que leurs prédécesseurs avaient
défrichées. Le royaume do Siam, le Tong-
King, la Cochinchine et his autres pays voi-
sins continuent d'être le lli(''Atre de leur
zèle. Uni(iuement occupés d'avancer l'œuvre
de Dieu dans les pays qui leur sont échus eu
partage, ils ne pensent pas même h publier
en Europe les bénédictions al)on(lniil(;s (jue
Dieu verse sur leurs travaux. Ou oserait
presque S(i |)laindre de leur modestie;. En
nous dérobant la connaissance de hmrs suc-
cès, elle semble enlever à la religion même
un des moyens les plus propres à exciter
dans les Ames généreuses la gloire de venir
au secours de leur établissement, et dans
plusieurs, la noble émulation de les imiter.
Combien peu de i)ersonnes savent que leur
mission était, en 1787, dans l'état le plus flo-
rissant à la Cochinchine ; que cette année, le
nombre des communiants, dans la quinzaine-
de Pâques, s'est élevé à près de deux cent
mille, et que chaque jour la religion chré-
tienne y fait de nouveaux progrès?
Vers l'époque oiî la dispute sur les céré-
monies chinoises était dans sa plus grande
chaleur , quelques-uns de ces respectables
missionnaires avaient pénétré dans la Chine,
et s'étaient joints aux ouvriers évangéliques
de ce grand empire. Ils se rangèrent du côté
de ceux qui jugeaient le culte chinois in-
compatible avec les principes du christia-
nisme. La réputation de sagesse et de capa-
cité dont ils jouissaient à Rome et en France
donnait un grand poids à leur sentiment.
M. Maigrot, l'un d'eux, docteur de, la mai-
son de Sorbonne, honoré du titre de visiteur
apostolique, et nommé ensuite è^ l'évêché de
Conon, s'était rendu à la Chine. Les papes
Innocent XI et Innocent XII le chargèrent
d'examiner sur les lieux le véritable état de
la controverse, et d'en informer le saint-
siége. Après avoir employé un temps qu'il
crut suffisant à cet important examen, il
condamna ces cérémonies et les défendit
sous les peines canoniques, comme opposées
à la sainteté du christianisme. Cette ordon-
nance ne servit qu'à alimenter et attiser da-
vantage le feu de la dispute. Les missionnai-
res dissidents opposèrent le décret d'Alexan-
dre VII et celui même d'Innocent XI à la
décision du visiteur; ils prétendirent que ce
mandement avait été témérairement rendu
sur un faux exposé, et ils s'en plaignirent
dans les mémoires qu'ils firent passer à.
Rome. De son côté, le prélat y fit présenter
au pape, en 1696, une requête par laquelle
il suppliait le saint-siége d'ordonner ce qu'il
jugerait convenable sur les dispositions que-
contenait son mandement. Les directeurs du:
séminaire des Missions-Etrangères de Paris,
se firent un devoir de défendre :eurs confrè-
res; pour attaquer la question au fond, ik
dénoncèrent à la Sorbonne les mémoires du
P. Lecomte. Les docteurs de la faculté s'as-
semblent, examinent et portent leur censura
sur cinq propositions extraites de ces mé-
moires. Dans le même temps, MM. des Mis-
sions-Etrgngères écrivent au pa])e, et ren-
563
cm
cm
S44
dent leur lettre publique. Le ton d'aigreur
et de vivacité qui s'y lait sentir donna lieu
de soupçonner qu'ils agissaient de concert
avec les solitaires de Port-Royal. On sait que
depuis longtemps ces messieurs étaient en
guerre ouverte contre les Jésuites; tout leur
était bon pour la soutenir avec avantage, et
ils saisirent avec vivacité l'occasion de sou-r
lever do plus en plus les préventions qu'ils
excitaient contre colle compagnie.
Pascal s'ét.ut montré à front découvert.
Peut-on n'avoir pas raison quand on écrit si
bien? Les grâces de son style changèrent en
démonstrations ce qui jusque-là n'avait en-
core été que problème. Sans autre examen,
OH se persuaiia qu'un écrivain qui savait si
bien sa langue n'ignorait pas l'histoire, et la
cause fut jugée; l'opinion seule l'emporta, et
en France on est demeuré convaincu que les
Jésuites étaient les corrupteurs de la morale,
parce que M. Pascal l'avait dit. 11 ne s'agis-
sait plus que de les montrer, à la Chine, les
apôtres ou tout au moins les fauteurs de
l'idolâtrie, et c'est l'objet de l'ouvrage volu-
min£ux des solitaires de Port-Royal sur la
morale pratique des Jésuites.
Cependant l'affaire des cérémonies chinoi-
ses était instruite à Rome avec plus d'activité
que jamais. La congrégation nommée à cet
effet expose les questions qui étaient à juger.
Les docteurs de Paris sont consultés; cent
quarante donnent leur avis et condamnent le
lulte chinois. Les consulteurs de Rome se
trouvent d'accord avec la faculté de théologie
de Paris, et Clément XI porte un décret con-
foi;me- Des raisons de prudence empêchent
le papp de le rendre public. M. de Tournon,
,pa,tri^rche de Constanlinople, et revêtu quel-
que «j^emps après de la pourpre romaine, ar-
rive k la Chine avec la qualité de légat près
de -l'empereur; les missionnaires favorables
,'aux cérémonies des Chinois lui demandent
la publication des décrets du pape. Fidèle à
ses instructions, le fégat se refuse à leurs
instances, et se contente de publier un man-
dement qui bientôt eut le môme sort que ce-
lui dë'M. Maigrot. Les missionnaires dissi-
dents, qui avaient à leur tôle trois évoques
et vingt-quatre Jésuites, appellent du man-
dement. Leurs moyens de défense £ont tou-
jours les mômes :1a nullité du niandement,
résultant ()'un faux exposé des faits et de
l'opposition marquée qui se trouvait entre le
décret provisoire d'Alexandre VII ; décret
qui, h'étaat pas révoqué, leur semblait de-
voir subsister dans toute sa force, et j)réva-
loir sur Tautorité d'une simple ordonnanco
dii légat.
Rome s'aperçut enfin que toutes ces réso-
lutions conditionnelles et provisoii'cs n'au-
raient jan)ais une autorité, sutlisanle pour
captiver les esprits et commandf;j' (;(liciice-
ment h la conscience; qu'en laissant toujours
le'fond de la question indécis, plus (il(;s se
iriultiplieraicnt, j)lus elles fournnai( ni (j'ali-
tnenls îi la dispute, et de prétextes pQur se
souslrnire h l'ohéissance.
Pendant celle Irjugue discussion qui avait
duré plus d'un siècle, on avait pu se procu-
rer assez de mémoires et d'éclaircissements,
pour êtr(! en état de rendre un jugement
absolu et drlinitif. C"est ce que fit Clément XI
en 1710; la nullité de l'aijpel des mission-
naires dissidents fut prononcée, l'ordonnance
de M. de Tournon, pleinement conlirmée; et
pour qu'il ne restât aucun doute sur les,in-r
tentions du saint-siége, le pape fit écrire par
l'assesseur de la congrégation, aux généraux
des Jésuites, des Dominicains, des Augus-
tins et des Franciscains, que son décret n'é-^
tail point conditionnel, mais absolu ; et qu'é-!
tant dans l'incbranlable résolution de n'y
rien changer, il leur en adressait une expé-
dition, afin quils donnassent à leurs mission-
naires l'ordre de le faire exécuter de point
en point sur les lieux.
Qu'il est difficile d'éteindre l'esprit de dis-t
pute et de contention, surtout lorsqu'il es|
porté au point d'aigrir et de diviser les
cœurs 1 Tant de précautions de la part du
pape n'empochèrent pas qu'on ne trouvât
des moyens d'éluder les dispositions du dé-
cret, par dos interprétations qui tendaient à
l'assimiler aux décrets précédents, et à ne le
faire envisager que sous le point de vue
d'une ordonnance provisoire et condition-
nelle. Clément XI ne se rebuta pas, et il
réussit enfin à terminer cette grande affaire,
par une bulle solennelle, revêtue de toutes
les formes les plus importantes. Les usages
chinois y sont proscrits, comme présentant
tous les caractères d'un culte religieux, et
par conséquent idolâtrique. Cette constitu-
tion apostolique renferme un formulaire de
serment que doivent prêter tous les mission-
naires présents et à venir, de se soumettre à
ces dispositions. Clément XI, sur les ins-
tances que leur en firent le visiteur général,
les évoques et les vicaires apostoliques de
la Chine, se résolut à envoyer un nouveau
légat, avec des instructions particulières
pour faire recevoir et exécuter sa constitu-
tion ; le pape fit choix de M. Amhroise .Mazza
Barba, qu il créa patriarche d'Alexandrie.
Viani, confesseur clu légat, a écrit l'histoire
de sa légation, et on en trouve un extrait
très-circonstancié dans le XX' volume de
VJIisloire générale des voyages, publiée en
1749. Mazza Rarba déveloj)pa un grand ca-
ractère, et sa conduite, au jugement môme
du P. du Halde, fut en tout [xudente et mo-
dérée. Cependant les suites malheureuses
que produisit sa légation n'ont que trop vé-
rifié le fiuieste pressentiment des jésuites
missionnaires, contre tout changement c|ue
l'on tenterait d'appoi-ter aux anciens usages
qui sont, pour les Chinois, plus sacrés et plus
resp(!ctés (pie leur religion même.
Depuis longtemps l'empercui' était instruit
des dissensions qui régnai(Mit |iarini les mis-
sioiuiairos. Toute la question se réduisait à
se foi-mer uik; idée exacte (hi la nature des
cérémonies ciiinoises. Los niis.sioniiairos (pii
étaitnil à sa coui-, crurent que le seul moyen
de rélal)lir la paix avec- l'unilormité de sen-
timent, était (le faire dérid<n' cpi'elles étaient
|)ur('ment civiles. Ils s'en (.nivrirent .^ reni-
pcreur, et ils en obtinrent une déciuralion
565
cm
cm
566
authentique et si précise, qu'elle leur parut
un nrguuieul irrésistible, en faveur do leur
opinion. L'empereur asseuihla les grands ilo
la nation, les premiers mandarins, les prin-
cipaux lettrés et le président d»; rAcadémio
impériale ; tous parurent surpris qu'il y eiU
des savants en Kurope, qui semblaif^nl croire
que les lettrés de la Chine honoraient un
être inanimé et sans vie, tel que le ciel vi-
sible et matériel, et tous déclaièrenl solen-
nellement tpi'en invocpiant le Tien « ils in-
voquaient l'Ktre suprême, le Seigneur du
ciel, le dispensateur de tous les biens, qui
Voit tout, qui connaît tout, et dont la provi-
dence gouverne cet univers. » Le prince
conlirma cette déclaration, et pour y donner
encore plus de force, y joignit son opinion
particulière : « C/est par respect, y est-il dit,
que les Chinois n'osent pas a|)peier Dieu de
son propre nom, et qu'on a coutume de l'in-
vixpjer sous le nom de Cirl suprême, de
Ciel bienfaisant, de Ciel universel, do la
même manière qu'en parlant de l'empereur,
on ne rapi)ello pas de son nom, mais que
l'on dit, les Degrés de son trône, la Cour su-
prême de son palais. Ces noms, quoique dif-
férents quant aux sons, ont le même sens.
Entin, ajouta l'empereur, le principe de
toutes choses s'appelle Tien, ciel, en terme
noble et figuré, de môme que l'empereur est
appelé Chaoling, du nom de son palais, où
brille davantage sa majesté impériale »
Kang-hi ne s'explique pas moins nette-
ment sur les honneurs et le culte rendus aux
ancêtres; selon lui, la doctrine des Tablettes
n'est conforme ni à celle de Confucius, ni
aux lois de l'empire. Ces Tablettes ont été,
dans la suite des temps, substituées aux por-
traits imaginés depuis cent ans au plus, pour
conserver le souvenir des ancêtres, et dont
on s'était dégoûté à cause do leur peu de
ressemblance. 11 ajouta que malgré l'inscrip-
tion, siège de Vesprit, qu'elles portaient,
aucun Chinois n'était assez crédule pour
s'imaginer que l'âme de leurs ancêtres vînt
s'y rendre; qulls les regardaient comme
des représentations purement symboliques
auxquelles on ne demandait rien, et dont
on n'espérait rien.
Cette déclaration, sur laquelle tes mission-
naires jésuites avaient fondé les plus grandes
espérances, ne servit qu'à augmenter le feu
de la discorde ; bientôt elle devint le signal
de la ruine des missions, dans les provinces
de l'empire, et de la persécution contre le
Chris ;ianisme. L'empereur s'en prévalut pour
vouloir se rendre juge du fond de la contes-
tation. Kang-hi^ passionné pour les scien-
ces, protégeait avec éclat tous les Européens
qu'il croyait propres à les étendre et à les
perfectionner dans son empire. Ses entre-
tiens avec les missionnaires lui avaient ins-
. pire une profonde estime pour une religion
qui n'est pas moins admirable par les vertus
I qu elle produit que par la moi aie qu'elle en-
seigne; il voyait avec satisfacLion les heu-
reux progrès de la mission. Les mœurs des
bonzes, leur charlalanisme et leur ignorance
lui éfaie.Ut parfaitement connus, ainsi que
toutes les absurdités do la doctrine des sectes
chiiKiises. Tout le i)ortait à désirer que les
missionnaires vinssent à bout, par l'ascen-
dant de leur mérite et d(î leurs vertus, d'é-
tendre à la religion et à la morale les mêmes
lumières qu'ils avaient i)ortées dans le.s
sciences et les arts; mais il envisageait les
choses plus en politique qu'en ami sincère
de la v(îrité.
Les Chinois sont de toutes les nations dq
l'univers le peu[)le le plus su!>ersliliou\ et
le i)lus porté à la révolte, quand on entre-
prend de toucher h ses usages et à ses |)ra-
liques générales. Us sont aussi anciens (jue
l'enipire, et ils les croient autant de lois des-
cendues du ciel. Chaque |)ailicnlier est élevé
dans l'opinion que sa destinée en bien ou en
mal est attachée à sa fidélité ou à sa négli-
gence h les défondre et à les observer. La
])iété liliale est la vertu des Chinois, et dans
tous les siècles, les honneurs rendus aux
ancêtres ont été regardés comme le premier
devoir. Aussi voit-on dans toutes les re-
quêtes présentées aux empereurs contre la
religion chrétienne, que le premier crime
dont on l'accuse, est de pervertir le peuple
en lui inspirant du mépris ou de l'indiffé-
rence pour un culte national, consacré par
les lois fondamentales de l'empire. Il fallait
donc commencer par détruire ces |)réjugés
que fomentaient l'intérêt personnel des bon-
zes contre le christianisme, et la jalousie des
mandarins et des lettrés contre les mission-
naires de la cour. Il ne s'agissait, pour en
bannir les idées de superstition et d'idolâ-
trie, que d'éclairer la raison du ])euple; c'é-
tait sans doute un grand pas de fait pour
arriver à cet important résultat, qu'une dé-
claration si importante par la qualité des
personnes qui l'ont souscrite, et qui, publiée
par le chef même de l'empire, réduisait les
cérémonies chinoises à un culte de vénéra-
tion purement civile. Cet acte authentique
fut regardé par les évêques de la Chine et
par la plus grande partie des missionnaires,
comme un bienfait marqué de la Providence.
On s'empressa de le faire passer h Rome, et
en attendant ses réponses, on crut que pour
mettre en sûreté la conscience des nouveaux
chrétiens, il suffisait de leur expliquer dans
quel esprit ils pouvaient se permettre d'as-
sister aux cérémonies des ancêtres et de
Confucius. Le calme dont jouit l'Eglise de
la Chine fut de courte durée^ Un mandement
de M. Mai^rot ralluma la dispute et changea
les dispositions favorables de l'empereur
pour la religion chrétienne. Son ressenti-
ment tomba d'abord sur MM. Maigrot, Mezza-
Falcé, vicaire apostolique de Tçhé-Kiang, et
Guéli, missionnaire apostolique qu'il fit ban-
nir à perpétuité de ses Etats, et reléguer en
Tartarie, comme chef de discorde entre les
missionnaires, et violateur des lois sacrées
de l'empire. [Lettres édifiantes, t. II, p. 28.)
Le pape, pour juger laffaire des cérémo-
nies chinoises, avait nommé, comme nous
l'avons dit plus haut, M. de Tournon, pa-
triarche d'AnlioL;he, son légat eu Chine. Nous
empruntoiis le récit de ce qu'ij y lit, au mé-
567
cm
cm
S68
moire que le P. Thomas, vice-provincial des
Jésuites, publia sur ce sujet. Nous avons
parlé de sa mission, sans entrer dans les dé-
tails, il est utile de les dire, pour que le lec-
teur soit bien au courant des faits.
Quand M. le légat fut arrivé à Canton,
le 8 avril 1703, il prit conseil des plus
anciens missionnaires du pays, et il résolut
de cacher sa dignité jusqu'au temps où il
serait à propos de la découvrir ; il fit cepen-
dani écrire aux missionnaires de Pékin qu'il
allait se mettre en route ; il leur écrivit en-
suite, contre Tavis commun, d'annoncer à
l'empereur son arrivée et son dessein de vi-
siter toutes les missions avec un plein
pouvoir de Sa Sainteté. Depuis ce temps ,
M. de Tournon n'a demandé conseil à au-
cun missionnaire de Pékin. Pour obéir à
l'ordre de M. le patriarche, nous écrivî-
mes quatre fois en Tartarie où l'empereur
était alors, pour qu'il permît à M. de Tour-
non d'user de ses pouvoirs. A la troisième
lettre, on nous refusa son entrée à la cour,
on la permit à la quatrième. L'empereur or-
donna de faire prendre au légat un vêtement
tartare et le ht défrayer jusqu'à Pékin. Paria,
on ferma la bouche à ceux qui répandaient
le bruit, dans Rome et ailleurs, que les mis-
sionnaires établis à la cour de Pékin empê-
cheraient le légat deparvenir jusqu'au prince.
M. de Tournon partit de Canton le 9 sep-
tembre et fut reçu partout avec de grands
honneurs. Nous avions donné à l'empereur
une très-haute idée de la dignité de légat ;
aussi ht-il i>artir un de ses fils pour aller au-
devant de lui. Il arriva à Pékin le '* décem-
bre et il fut logé dans la maison des mission-
naires, dans l'enceinte du palais. On lui as-
signa des provisions de bouche aux frais de
l'empereur pour tout le temps de son sé-
jour à Pékin. Un de ses domestiques étant
mort. Sa Majesté lui donna un champ pour
sa sépulture. De là, la grande espérance que
conçut le prélat d'établir une maison de mis-
sionnaires italiens dans cette capitale. Il ne
voulut point d'un terrain destiné aux an-
ciens Européens, et montra par là une es-
pèce de séparation de nous à un prince très-
pénétrant. M. de Tournon fut admis le 31 en
la présence de l'empereur, il était suivi de
toute sa maison. Les cohortes au milieu des-
quelles il lui fallut passer avaient ordre de
le dispenser des cérémonies chinoises. Il sa-
lua Sa Majesté par ces sortes de génuflexions
que l'on traite en Europe d'adoration. L'em-
jjereur lit asseoir le légat sur un monceau
de coussins ; il lui demanda des nouvelles de
Ja santé du pape avec un air de bonté et de
cordialité. Une réception de la sorte est re-
gardée en Chine comme une f.neur extraor-
dinaire. L'empereur lui lit ensuite présenter
du thé par les plus grands seigneurs, et lui-
même lui mit en main une coune pleine de
vin. Enliri, on lui servit une tiible couverte
de 36 piafs d'or, l'i nipereur n'y avait pres-
que p;is touché : cett<; labli^ fut envoyée au
lê^al d.ins son logis. On s'entn tint de choses
n/i .'aljles après le dîner; ensuite rem|)ercur
invita !«* patriarche à s'j'Xjiliqmr sur )«• su-
jet de sa légation. On peut assurer que ja-
mais, à la Chine, il n'y a eu un seul exemple
d'une réception d'ambassadeur qui égale
celle de M. de Tournon. Les bontés de l'em-
pereur se soutinrent toujours : il fit délivrer
des présents pour le pape et se réserva d'en
envoyer de plus précieux par le retour de
M. de Tournon. Entin Sa Majesté ordonna,
le premier jour de l'année chinoise il est
d'usage qu'au renouvellement de l'année
l'empereur fasse des présents', qu'on portât
au légat un esturgeon d'une grandeur prodi-
gieuse et d'autres poissons, des sangliers,
des faisans et une table plus riche encore
par une belle garniture d'argent que par les
mets dont on la couvrit. Rien de plus ma-
gnifique que l'appareil avec leauel on con-
duisit au prélat les présents de la cour.
Le 26 février, l'empereur invita M. le pa-
triarche à un beau feu d'artifice qui devait
être tiré dans une de ses maisons de cam-
pagne. Comme M. de Tournon était indis-
posé, on le porta à travers les jardins de
l'empereur. On lui fit entendre un concert
d'eunuques qui ne chantent que dans l'ap-
partement des femmes ; enfin on le fit cou-
cher la nuit dans la maison impériale, et
deux mandarins furent toute la nuit de garde
à sa porte. Au commencement du printemps,
l'empereur partit pour la chasse de certains
oiseaux aquatiques, dans la province de Pé-
Tché-li : c'est un amusement qu'il prend
avant d'aller en Tartarie passer les grandes
chaleurs. Le légat reçut du prince héritier,
pendant l'absence de son père, les mêmes
distinctions. Vers la mi-juin, l'empereur étant
de retour, fit inviter M. de Tournon à venir
prendre son audience de congé ; mais sa ma-
ladie étant augmentée, il ne put s'y rendre.
Deux mandarins inférieurs eurent' ordre de
ne point le quitter, afin de donner de ses
nouvelles à la cour. Aussitôt que l'empe-
reur eut appris sa convalescence, il lui en-
voya quinze pièces de brocard et une livre
de la précieuse racine de Ginsem, cai' c'est la
coutume de la Chine de faire des présents
aux convalescents.
Sur la nouvelle qu'eut M. de Tournon du
prochain départ de Sa Majesté pour la Tar-
tarie, il voulut encore avoir une audience.
On l'admit dans une maison impériale hors
de la ville; il fut invité à voir le lendemain
la maison de campagne de l'empereur et les
jardins du prince héritier. Ce fut le prince
lui-même qui la lui fit parcourir; il avait fait
préparer deux barques sur le canal, il le ré-
gala de liqueurs délicieuses. La cour fut sur-
])rise de la réception que les missionnaires
du palais avaient procurée à un étranger; plu-
sieurs même murmuraient de la familiarité
à laiiuelle, disaient-ils, l'héritier d'un grand
empire s'était abaissé. On peut dire (pie les
Pères de Pékin n'ont pas peu contribué h lui
attirer tant de marques de dixiimlioii. Plût
à Dieu (jue l'empereur eût continue ii traiter
le It'gat avec le iiiêiiie honneur! Mais malgré
lis sujets (le plaintes (pi'il crut avoir contre
lui pendant deux ukus, on lui a toujours
fourni gratuitement de-^ piovjsions, et c'est
5t^
cm
(Hl
570
au\ frais de co prince qu'il a t^tt^ conduit h
Caiilon. Lorsque M. do louriion arrivvi ;\ Pé-
kin et quil lit entendre au\ missionnaires
que Konie avait pmnoncé sur les contesta-
tions l';\(.lieuses qui les divisaient, loncer-
nant les cérémonies chinoises, ils le suj)-
plièrent de leur laire connaître le décret, en
protestant qu'alors ils sacritieraientM'obéis-
sance due à TEdise l'intérêt de la mission,
et qu'ils abandonneraient même la Clnne. si
le souverain pontife l'oniomiait. Le -25 dé-
cembre de l'atinée ITOo, l'empereur tit de-
mander au patriarche la cause de sa légation.
Ce prince u'ignorait pas le sujet de nos di-
visions : ainsi, quana il vit arriver un com-
missaire apostolique, il coui^ut qu'il ne venait
que pour rétablir la paix entre les mission-
naires ; il tit donc dire au légat qu'une na-
vigation de 6000 lieues n'avait certainement
été entreprise que pour un grand dessein, et
qu'il lui nnporlait d'en être informé. Le pa-
triarche répondit qu'il n'était venu que pour
rendre grâce à Sa Majesté de la protection
qu'elle accordait à la religion chrétienne ;
mais bientôt après il résolut de faire savoir
à l'empereur les véritables motifs, en em-
ployant nour cela l'entremise des manda-
rins ; il aéclara qu'il était venu pour sou-
mettre les Pères de Pékin à la visite pasto-
rale. Nous silmes que ce prince avait ré-
pondu à Son Excellence de la bonne conduite
et de la régularité des Pères de sa cour : tout
cela se lit avant ipi'on eût traduit en cliinois
le mémoire du légU. Par ce mémoire, l'on
disait à l'empereur que Sa Sainteté désirerait
de nommer quelqu'un de sage et prudent en
qualité de supérieur général de tous les Eu-
ropéens, et qui serait charge d'établir une
correspondance entre les deux cours. Lors-
que Sa Majesté en eut fait la lecture : « Ce
ne sont là que des demandes frivoles, dit-
elle ; le patriarche n'a-t-il point d'autre affaire
à négocier ici? » Les mandarins rapportèrent
au légat que l'empereur jugeait à propos que
ce supérieur général filt un homme connu à
sa cour; qui y eût demeuré au moins dix
ans. et qui fût instruit de ses maximes. Cette
réponse fut un coup de foudre pour le pa-
triarche ; il s'écria avec émotion qu'il lal-
laiî que l'empereur eût été prévenu par
des inspirations particulières et fort sus-
pectes.
Le prince, qu'on instruisit de ces ]~»ropos,
dit le lendemani à ses courtisans : u Noire
nouveau venu d'Europe s'est imaginé que
les anciens Européens ont brigue la nou-
velle dignité dont il parle dans son mémoire:
il se trompe certainement, car. outre qu'une
commission lie la sorte n'a parmi nous ni
rang, ni prérogative, ce ne pourrait être
qu'une charge bien pesante pour eux : la
cour de Rome voudrait les rendre respon-
sables des mauvais succès de leur négocia-
lion; ainsi, je suis sûr qu'aucun d'eux ne
voudrait s'en charger. » En conséquence,
l'empereur nous ordop.aa de présenter au
patriarche une protestation où nous dîmes
que nous n'avions nullement empêché ce
mince d'accorder au légat ce qu'il souhaitait,
et que certainement nous refuserions cette
place si rt>n nous la proposait. Le patriareho
n'en crut pas moins que c'était nous qui
avions détruit sa négociation; il se borna
alors à proposer un simple agoni pour être
l'entremetteur entre les deux^ tours. L'em-
pereur i"é[)ondit qu'on pouvait donner cette
commission k (pielqu'ancien Européen de son
palais. Le légat répliqua qu'il était plus à pro-
pos que ce fût un nomme de contiaiice connu
en cour de Rome, et qui en sût le style et les
manières... .. (^ue voulez-vous dire jxir cet
homme de conliance? Nous ne parlons point
ainsi îi la Chine : tout sujet est pour moi un
homme de conliance, et je compte sur la tidé-
lité d'eux tous; qui d'entre eux oserait y
manquer? Si je vous aecordais l'agent que
vous souhaitez, ce nouveau venu nourrait-il
m'entendre et se faire entendre? 11 faudrait
un interprète, et de là des souptjons et des
détîanccs. comme on en a aujounlhui ; ainsi
qu'il n'en soit plus qu \stion. »
Le troisième projet du légat n'eut j>as un plus
heureux succès. 11 voulaitobtenir de l'empe-
reur la permission d'acheter à ses frais une
maison à Pékin: il en parla à un mandarin
qui lui conseilla d'agir de concert avec nous
pour cette atl'aire : ils sont les seuls, lui dit-
il. qui disent du bien (ie vous; sans eux,
nul ne vous-reconnaîtrait ici pour un homme
considérable en Europe : laites paraître un
esprit de paix et d'union. Le légat suivit ce
conseil, il envoya prendre les Pères du pa-
lais: mais sur la demande qu'ils tirent à Sa
Majesté de cette maison, elle leur défendit
d'insister jamais là-dessus. Le patriarche en
eut du chagrin et couijut de violents soup-
çons contre les Jésuites. La quatrième en-
treprise du patriarche fut au sujet des pré-
sents que l'empereur envovait au pape. Sa
Majesté lui avait permis de clioisir quelqu'un
pour les conduire et pour les présenter à Sa
Sainteté. M. de Tournon jeta les yeux sur
M. Sabini, son auditeur. L'empereur rélléchit
ensuite qu'il était plus décent de joindre à
ses présents un envoyé de sa part ; il nomma
le P. Bouvet. Les présents ayant donc été
portés au légat, on en recommanda le soin
à ce Père. Dans l'audience du monarque
qu'eurent M. Sabini et le P. Bouvet. Sa Ma-
jesté ne recommanda qu'à ce dernier seul de
saluer le pape de sa part : et les présents ayant
été emballés, on ne remit les clefs qu'à' lui
seul. Le légat les lui demanda : il obéit, et à
son départ le patriarche les remit à M. Sa-
bini. avec défense de les donner au P. Bou-
vet. Avant ce départ. M. de Tournon de-
manda une audience particulière de l'empe-
reur; ce prince la lixa au 1" juin; mais les
grandes incommodités du patriarche l'em-
pêchèrent d'y aller; il refusa jusqu'à deux
fois de conlier à un mandarin que l'empe-
reur lui envoyait, ce qu'il avait à dire, pro-
testant qu'il s'agissait de l'intérêt de ce prince
et même de la famille impériale. Ces refus
réitérés choquèrent le monarque: il fut éton-
né qu'un homme vînt de si loin lui commu-
niqi'.er des atïaires qui regardaient sa fa-
mille et lui personnellement. Un peu ému,
y?»
cm
cm
S7Î
il prit le pinceau et lui écrivit de s'expliquer
sans détour. Le patriarche se trouvant ivres-
se par cet ordre, déclara que les affaires
qui touchaient personnellement l'empereur
étaient (.{ne le P. JJouvi't se donnait pour sou
députn ^ Uome, et que les Portugais tMiipô ■
chaicnt lesautres nations de venir h la Chine.
On envoya cette déclaration à l'empereur qui
était à la campagne, son tils aîné la reçut et
s'écria dès qu'il l'eut lue : « De quoi se môle
cet étranger? Le P. Bouvet est réellement
noire env(\vé; le domcslitiuo du légat peut-il
lui en disputer la (|ualité? L'aurions-nous
choisi pour en faire notre ambassadeur ?» Ce
prince porta ensuite la déclaration à son père,
qui en parut très-peu satisfait. 11 demanda
aui missionnaires si en Europe le lég:\t et
son auditeur ne seraient pas punis ; il écri-
vit de sa main à M. de Tournon, justifia le
P. Bouvet et lui diJ, qu'ei qualité de légat il
ne devait se mêler que des affaires de reli-
gion; qu'il ne semait que des racines de dis-
cordes, que les Européens s't talent jusque-
là bien conduits dans ses Etats, et qu'ils
n'étaient brouillés que depuis son arrivée.
Il le menaça de ne plus recevoir démission-
naires dans son empire sans les avoir fait
examiner dans ses ports. Le légat eut peur
et témoigna qu'il acquiesçait aux volontés do
l'empereur; mais il eut encore une sixième
affaire à l'occasion d'un mécontentement
qu'il avait do'iné à ce prince, et pour lequel
on exigea qu'il fit quelques excuses, ce qu'il
ne voulut point. Par là, AL de Tournon s'at-
tira la colère de Sa Majesté; il reçut coup
sur coup des ordres très-durs et bien peu
convenables à sa dignité; aussi se plaignit-il
qu'un violait son caractère de légat apostoli-
que. On lui ht déf use de prolonger le temps
lixé pour son déijart, et l'on ht revenir les
présents que l'on envoyait au pape. M. de
Tournon fut cependant reconduit avec les
mômes honneurs qu'on lui avait rendus en
venant. {Lettres édifiantes, t. II, i>. 119.)
Après sondéparl, les affaires do la mission
allèrent rapidement eu déclinant. Le P. Tho-
mas continue : « L'empereur icgretle d'avoir
prodigué ses faveurs au patriarche, et. repro-
che tous les jours aux missionnaires les ins-
tances qu'ils ont faites pour oblenir l'entrée
de ce prélat à la Chine. On s'est imaginé à
la cûui' que les dissensions des ujissionnaires
ne pouvaient naître que de quelques desseins
ambitieux. Dans cette idée, le prince héri-
tier a fait prendre des informations secrètes
dans les provinces. Il a njèuie engagé un de
ses domestiques à se faire chiélien, afin d'ê-
tre informé par son moyen du mystère de
nos ussemijlées. On commeneu à invectiver
conli-e lo christianisme en j)résence de l'em-
pereur, ce que ])eisonne n'avait osé faire
jus(ju'alors; lu prince héritier (;st un des
|dus animés. Les bon/.<'S triompluinl, et an-
noncent certains oracles de leuis dieux sur
nob-e ruin(; [)rochuni(!. Notre religion com-
mence à devenir suspecte; rautorilé du sou-
verain |)f)niir(. (jiii; „o,,vj avions si fort exal-
l[:e, n'a plus le même poids dans les églises
du la Chino. Bientôt en olfet, en 170li, un
édit impérial, publié dans les provinces et
enregistré dans tous les tribunaux, défend
aux missionnaires Européens de rester à la
Chine sans une permission expresse et par
écrit de la cour, qui ne devait leur accorder
des lettres patentes qu'autant qu'ils se mon-
treraient disposés à ne rien enseigner qui
fût contraire aux usages de l'empire et au
culte rendu à Confucius et aux ancêtres, et
qu'ils promettraient avec serment de ne
retourner jamais en Europe. Les mission-
naires qui refusèrent de prendre cette patente
do l'empereur, furent en butte aux plus mau-
vais traitements. Ceux qui ne purent se dé-
rober à l'orage, furent saisis et traînés char-
gés do chaînes à Canton et à Macao. » ( Let-
tres édifiantes, t. Il, p. 128. )
M. de Tournon avait reçu l'ordre de se
retirer à Macao, On lui avait donné une garde,
sous prétexte de lui faire honneur, mais qui,
au fait, le retenait prisonnier dans une mai-
son qu'il avait louée sur le bord de la mer.
Sa [iromotion au cardinalat, qui fut annoncée
à .Macao le 17 août 17U9, acheva de le perdre.
Six missionnaires, chargés de lui annoncer
celte promotion de la part du pape, furent
enfermés dans la forteresse, et lui-même, ré-
duit à n'avoir pas d'autre nourriture que ce
qu'une vieille femme du voisinage pouvait
lui donner secrètement, mourut de chagrin
et de souffrance en 1710, Ce fut alors que
ceux des grands qui avaient vu avec peina
la religion chrétienne s'établir en Chine,
profitèrent des dispositions de l'empereur
})0ur susciter de toutes parts des persécu-
tions. Daiis beaucou|) de i)rOYinces, les man-
darins tirent des ordoiniances particulières
pour proscrire le christianisme, le traitant
de religion fausse, séditieuse, inspirant la
révolte et contraire aux lois de l'empire. Le
P, d'Entrecolles, dans sa lettre au P. de
Brossia, parle ainsi de l'un de ces persécu-
teurs : « Il y a près de quatre ans que nolrQ
mission touche à sa ruine ; le 23 décembre
1711, Fan-Tchao-Tso, mandarin et l'un des
censeurs de l'empire, attaqua ouvcrtcmeut
le christianisme et forma le projet de le faire
proscrire dans tout l'empire. Le devoir des
censeurs publics est d'avertir des désordres
qui se glissent dans l'Etat, de relever les
fautes des magistrats, et d'user de leur droit
de représentation, même à l'égaidde la per-
soime du souverain, lorsqu'ils croient q^u'il
a enfr(unl (luelque loi de l'empire. Us se tout
extrêmement leilouler i)ar leur hardiesse et
lem' fermeté; on en a vu attatpu'r des vice-
rois lartares, <juoi(pi'ils fussent sous la pro-
tection de l'empereur; ils mettent leur gloire
à bi'av(!r sa disgrAce, la moi'l même, quand
ils pens(;nt (|ue h^Urs poursuites sont coidor-
mes à ré(|uité. Le censeur l''an-Tcliao-Tsu
avait de l'avei-sion j»our le christianisme, et
l'évéuttincMil que voici fut la cause des vio-
huices au\(iuelles il S(î porta. Les Jésuites
bançais ont une chrétie ité nouvelle dans
Ouengnan, vilh; qui esta vingl-ipiatre litnies
de i'ékin; c'est la pallie du censeur. Il avait
un petil-lils assez atlectio-mé à notre foi, (]ui
épousa une jeune neop'i^tc. Ou iMait coij-
»73
Cill
cm
m
venu qu'elle ^aurait la liberté de pratiquer
les exercices de sa religion; cependant, le
jour HuMue que se Ut le mariage, on la cun-
daisil, selon la coutume chinoise, dans une
chambre où il y avait des idoles. KIU; rciusa
conslammont de les honorer; sa belle-mèro
et d'antres [larentes voulurent la i'orcur do
baisser la tùte pour les adoi'er; aprôs des et-
furls inutiles, voyant qu'elles ue gagnaicuit
rien, ni par caresses, ni par menaces, elles
la maltraitèrent pendant quelques jours ;
mais la néophyte demeura terme, et c'est ce
qui olleiisa le censeur, aïeul du nouveau ma-
rié. 11 adressa sur-le-champ que requôto
contre la i-eligion ( hrélionno, et il la [)ré-
senta à l'empereuv, Ce i)rince la reçut et mit
au b;\s, selon la coutume, qu(i le tribunal des
rile3 délibérerait sur cette allairo : le raitport
fut tel que nous pouvions le désirer. On
avait de la peine à concevoir que ce tribunal,
qui nous avait toujours été si opposé, nous
lïU si favorable en cette occasion ; l'on s'at-
tendait bien que l'édit accordé par l'enqje-
reur, la trente-unième année de son règne,
empocherait ce tribunal de proscrire la reli-
gion, mais on ne croyait pas que les manda-
rins qui le composent, portassent d'eux-mê-
mes un jugement conforme aux inclinations
du prince. Je crois qu'ils ont regardé ce ju-
gement comme une espèce de récompense
des services que l'empereur tire journelle-
ment des missionnaires, dont plusieurs sont
occupés, depuis quelques années, à tracer la
carte géographique de son vaste empire. Les
PP. Jartoux y travaillent encore avec des fa-
tigues incroyables; cela aplanit do plus en
plus le chemin à la prédication de l'Evangile ;
aussi la chrétienté de la Chine est-elle très-
nombreuse, et tout porte à espérer que le
christianisme se répandra de plus en plus
dans ce vaste empire. {Lettres édif., tome II,
page 165.)
Telle est l'appréciation que le P. d'Entre-
coUes faisait de sa situation cjui, pourtant
était menaçante, comme nous le voyous par
les événements qui font suite.
Kang-hi faisait toujours des vœux secrets
pour le christianisme. 11 protégeait les mis-
sionnaires qui étaient à sa cour, réprimait,
autant qu'il Je pouvait, sans compromettre
les principes de sa politique, les actes de vio-
lence exercés par les mandarins. Les exer-
cices de la religion continuaient de se faire
avec une entière liberté dans les Eglises de
Pékin, et l'empereur ne cessait de presser
-es missionnaires jésuites de redoubler leurs
sollicitations à Rome pouren obtenir des dé-
cisions propres à établir l'uniformité des
senlimens parmi les missionnaires, et à con-
, ciller les principes du christianisme avec les
usages chinois et les lois de l'empire. Ce fut
dans ces circonstances que les missionnaires
jésuites furent chargés d^annoncerk Kang-hi
l'arrivée d'un nouveau légat, dans la per-
sonne de Mazza-Barha. Les permissions né-
cessaires pour se rendre à Pék-in ayant été
envoyées à Canton, les mandarins des pro-
vinces reçurentl'ordrede lui rendre sur toute
sa route Tes plus grands honneurs. Arrivé près
do l'ompcreur, il en obtint quatre audiences
soletuielles. Tout l'art de la |jolilique fui mis
en (euvre()Our le faii'o entrer dans les vues
d(! l'empereur. On essaya tour ii tour de le
séduire par les promess(îsetde l'itUimider par
les nnmacos. L'em|)ereurétailsavanl en tout
giiure de connaissances, et U avait la l'aibhîsse
d'aimci- h. en faire [>arade. Il n'oublia rien
pour embarrasser le légat [)ar des qu(!stions
et (les réponses captieuses, et trop souvent
même il abaissa la dignité inq)ériale jusqu'à
prendre le ton de la plaisanterie. Mazza-Uar-
Ija se montra on tout le digne reijrésentant
du chef su[)rûme de la religion; par sa pru-
dence il sut se dérober aux pièges qu'on lui
tendait de toutes parts, et son courage rele-
va toujours au-dessus des désagréments et
des outrages mêmes qu'on lui lit plus d'une
fois endurer. 11 finit par forcer rem|)ereur à
l'estimer, mais il ne gagna rien |»our les in-
térêts de la religion. Le légat, prévoyant (pio
dans des circonstances aussi critiijues, sa pré-
sence ne pouvait plus que nuire aux atfai^
res de la religion, obtint son audience de
congé, et peu de jours après, s'éloigna de Pé-
kin pour repasser en Europe. L'expulsion
des missionnaires suivit do près le départ de
Mazza-Barba, et bientôt il ne fut plus i)0ssi-
ble d'être chrétien sans se voir exposé cha-
que jour à souifrirla perte de sa liberté, de
ses biens , de sa vie même , pour sa re-
ligion.
Les deux légats du saint-siége étaient char-
gés d'une commission infiniment délicate :
il fallait un miracle du ciel pour la faire réus-
sir. Suivant les règles de l,i prudence humai-
ne le succès en était impossible. L'Europe et
surtout la France ont été inondées d'écrits
jiour et contre sur les cérémonies chinoises.
La liste qu'on en trouve dans Fabricius, qui
n'en a cité qu'une partie, est déjà effrayante
pour ceux qui voudraient approfondir ce
point de controverse. Ces ouvrages, enfan-
tés la plupart dans des intentions hostiles
contrôles Jésuites, ne doivent être lus qu'avec
l'impartialité d'une critique attentive et sé-
vère. A en croire les écrivains de ce temps,
qui se piquent de se montrer les plus modé-
rés dans leur opinion, si l'Evangile, qui
avait fait d'abord des progrès assez rapides
à la Chine, n'y a pas fructifié davantage, il
ne faut s'en prendre qu'à la rivalité des mis-
sionnaires et à l'esprit de contention et de
dispute, maladie de l'Europe, qu'ds ont por-
tée avec eux dans ces climats éloignés oiî
ils ne devaient aller que pour éclairer les
hommes et les rendre plus vertueux. Ce ju-
gement est-il bien réfléchi? Il ne faut con-
naître ni le cœur de l'homme ni l'histoire,
et surtout, il faut ignorer le caractère na-
tional des Chinois et leur gouvernement po-
litique, pour rejeter sur une cause pure-
ment secondaire, les persécutions auxquel-
les l'Eglise de la Chine a été exposée pen-
dant le cours de plus d'un siècle. S'il se pré-
sentait, dans quelque empire de l'Europe que
ce soit, un légat du pape pour y faire abro-
ger une loi constitutionnelle, imaginerait-
on sérieusement que les intrigues ou le cré-
37S
cm
CHI
5T6
dit d'un certain nombre de religieux sufTi-
raient pour faire réussir ou échouer une
négociation de ce genre. L'application est
aisée à faire. A la Chine, leshonneurs décer-
nés à Confucius aux ses ancêtres sont re-
gardés comme loi constitutionnelle de l'em-
pire; et les Chinois tiennent à leurs usages
plus encore qu'aucune nation de rKuro[)e à
sa constitution })olitique. Ce que les souve-
rains politiques refuseraient?! la tiare, qu'ils
respectent et qu'ils honorent, laut-il s'éton-
ner uu'un empereur intidèle ne l'ait ])as ac-
cordé à des légats du saint-siége ? Avant les
décrets de Clément XI, les missionnaires jé-
suites permettaient, il est vrai, et ils se
croyaient fondés à permettre les cérémonies
chinoises, telles que Alexandre Vil les
avait permises, parce qu'ils les regardaient
comme un culte civil et politique. Peut-on
douter que les Jésuites, unis dans cette doc-
trine et cette pratique, avec un grand nom-
brede missionnaires des différents ordres de
religieux, aient trahi leur conscience et se
soient montrés rebelles à des décisions po-
sitives du saint-siége? Clément X[ lui-même,
dans le décret de 170i, rend justice à la droi-
ture de leurs intentions. Il redresse leurer-
reur, mais il défend de les nommer coupa-
bles. Voici comme s'en expliquait le pape
avec la congrégation de la Propagande : « Il ne
faut pas blâmer les missionnaires qui ont
cru devoir suivre jusque-là une autre prati-
que. 11 ne doit pas paraître étonnant que
dans une matière disputée durant tant d'an-
nées, 011 le saint-siége a donné ci-devant
différentes réponses, selon les différents ex-
posés qu'on lui avait faits des circonstances
des choses, tous les esprits ne se soient pas
trouvés réunis dans le môme sentiment.
C'est pourquoi, nous chargeons M. le pa-
triarche d'A mioche et tous les autres, qui au-
ront le soin de faire exécuter nos répon-
ses, de mettre à couvert l'honneur et la
réputation des ouvriers évangéliques,
et d'empêcher qu'on ne les fasse passer
pour des fauteurs de la superstition et de
l'idolâtrie, étant hors de doute qu'après que
la cause est finie, ilssesouniellrcmtavecrim-
rnilité et l'obéissance convenables aux déci-
sions du saint-siége. » Ajoutons ici les pro-
testations envoyées à Rome par lesmission-
naiies jésuites « Nous déclarons à la face
de toute l'Kglise, comme nous l'avons -déjà
fait plusieurs fois, que quehjue chose ou il
jjlaiseau saint-siége de déterminer sur l'af-
fair<; de la Chine, nous obéirons. Il nous
<:ondanui(Mait mille fois que nous n'oublie-
rons jamais ce rpi'il est et (•<; que nous som-
mes Si le pape condamne la |)rati(pierpie
nousavons suivie, (|uoi(pie ap[)nyé(! de l'au-
torité d'un autre pape, (pichpn; chose (ju'il
nous en doive coAtci', l'honneur, la liberté et
la vie même, nous nous soumettrons sans
restriction et sans délai. » {Lelt. édif., t. III,
p. 51.j
Les Jésuites se soumirent, av(!c une doci-
lité (pi'on ik; sauiait tiop admirer à la dé-
v.\<u>u su[)rême émanée du siège de saint
J'ieire. C(;pendanl il nous semble , malgré
tout ce qu'on a publié contre eux , qu'ils
étaient dans le vrai, et qu'après l'explication
donnée par les lettrés chinois et par l'em-
])ereur lui-même , il n'y avait plus aucun
doute sur la question. Quand tous les hom-
mes d'une nation déclarent, aussi positive-
ment que le firent les Chinois , que le sens
d'un mot de leur langue est tel ou tel , que
les honneurs qu'ils rendent à leurs ancêtres
sont un culte purement civil et non pas ido-
lAtrique, on doit les croire, parce qu'ils sont
les meilleurs juges. Que dirions-nous si des
hommes, étrangers à nos mœurs, à notre lan-
gage, à nos croyances, soutenaient mordicus,
malgré nos dénégations , que nous sommes
idolâtres parce que nous avons nos jours de
semaine consacrés aux faux dieux : lundi, à
la Lune; mardi , à Mars; mercredi , à Mer-
cure; jeudi, à Jupiter; vendredi, à Vénus, et
parce que nous donnons ces mêmes noms
aux planètes , aux astres que nous décou-
vrons ? Les premiers apôtres faisaient comme
les Jésuites ; ils savaient, et notamment saint
Paul, qu'il ne faut pas traiter avec trop d'in-
flexible rigueur ceux que l'on veut conver-
tir, et que la tolérance est souvent la plus
fructueuse des vertus. Ce que Dieu donna
aux hommes de lumières révélées s'est affai-
bli, divisé en passant par les révolutions des
temps et des empires. Quand un rayon de
cette lumière primitive luit encore chez un
peuple, quelque affaibli qu'il soit, il faut se
garder de l'éteindre. C'est à lui que s'allu-
ment l'esprit et le cœur de ce peuple. Il
faut , au contraire , en faire le centre des
rayons nouveaux qu'on veut lui adjoindre.
C'est le feu sacré dont l'étincelle est sous
la cendre. Il vient de Dieu, il faut le rallu-
mer (1).
Quand l'empereur de la Chine sut l'obéis-
sance des missionnaires aux ordres du souve-
rain pontife, il cessa de les protéger. La persé-
cution se ralluma dans toutes les provinces de
l'empire. Les missionnaires n'eurent plus
d'autre ressource que de se cacher dans les
forêts, où. ils manquaient de tout, ou bien de
courir au martyre. L'empereur ne vécut que
quelques années après la célèbre ambassade
de Mazza-Barba. En 1718 , il tomba malade,
et ayant été guéri par les missionnaires , il
leur témoigna sa reconnaissance par un acte
authenti(iue : « Vous, Européens, dit-il, que
j'emploie dans l'intérieur de mon palais,
vous m'avez toujours servi avec zèle et at-
tention, sans qu'on ait le moindre reproche
à vous faire. Bien des Chinois se défient
de vous, mais moi, qui ai fait observer
soigneusement toutes vos démarches, et
(1) Ici nous supprimons un par.igraphc <'n oorri-
gcanl réprouve de ce volume, pour dire à nos lec-
Iciirs (|uc nous venons de lire, nialhcnrcusement
après l'inipression de notre arliclc (lliiiic, une publi-
cation rait(î dans la Uvvue des ili'ux tnondt'A par M.
Lavolh'C. Col arliclc présente le resiune des évé-
iienients qui se sont accomplis dans l'empire chi-
nois, nolatinnent (l<-pnis plusieurs années. Nous en
re|)ri>duirnns un passade ilesliiie à compléter l'arli-
cl<* Chine de ce Dictionnaire. 1! viendra à la lin du
deuxième voliune.
877
cm
cm
cr»
qui n'y ai jamais rien trouvé qui no liU dans
1 ordro , je suis si ronvaincu di^ volrc droi-
ture et do votre bonne foi, (luejedis iiauteinent
qu'il tant se lier Ji vous et vous croire. » Cet
empereur mourut en 1722 , le 20 décembre,
après un règne do soixante ans. On suppose
que ce prince, à sa mort, fil appeler les mis-
sionnaires pour recevoir le baptême; mais
le premier acte d'autorité de son (ils, Joung-
Tching, fut de les empêcher d'entrer dans le
palais. Ce fut dans le Fou-Kien, qu'en 1723
se montrèrent les pi-emières étincelles de la
persécution générale. Nous allons laisser
parler le P. Mailla, écrivant de Pékin le 16
octoi)re 1724-.
« Comment vous écrire , dans l'accable-
ment de douleur où nous sommes ? et le
moyen de vous faire le détail des tristes scè-
nes qui se sont passées sous nos yeux I Ce
que nous appréhendions depuis plusieurs
années, ce que nous avions tant de fois pré-
dit vient enfin d'arriver. Notre sainte reli-
gion est entièrement proscrite à la Chine;
tous les missionnaires, à la réserve de ceux
qui étaient au palais , sont chassés de l'em-
pire; les églises sont démolies ou destinées
a des usages profanes ; les édits se publient
et, sous des peines rigoureuses , on ordonne
aux chrétiens de renoncer k la foi, et on dé-
fend aux autres de l'embrasser. Tel est le
déplorable état où se trouve réduite une mis-
sion qui , depuis près de deux cents ans,
nous a coûté tant de sueurs et de travaux.
Les premières étincelles qui ont allumé le
feu d'une persécution si générale s'élevè-
rent, au mois de juillet de l'année dernière,
dans la province de Fou-Kien ; ce fut à Soun-
Gan-Hien. Cette chrétienté était gouvernée
par les PP. Blas de la Sierra et Casébio Ostot,
dominicains espagnols , venus depuis peu
des Philippines. Un bachelier chrétien , mé-
content de l'un de ces missionnaires , re-
nonça à la foi , et s'étant associé plusieurs
autres bacheliers , ils présentèrent au man-
darin du lieu une requête qui contenait plu-
sieurs accusations , dont les plus fortes
étaient que les personnes des deux sexes se
rassemblaient dans nos églises , et qu'on
destinait, dès leur bas-âge, de jeunes filles à
garder la virginité. La chose était vraie; mais
c'était avoir peu d'égard aux usages et cou-
tumes de la Chine , car les autres mission-
naires, jésuites ou autres, ainsi que MM. des
Missions - Etrangères , qui connaissent la
délicatesse des Chinois sur la séparation
des personnes de différent sexe , ont évité
avec grand soin de leur donner le moindre
ombrage , rien n'étant plus capable de dé-
crier la religion et de la rendre odieuse et
méprisable. Le gouverneur de la ville de
Foun-Gan, à qui la requête avait été présen-
tée , l'avait renvoyée aux mandarins supé-
rieurs; il reçoit du Tson-Tou l'ordre qui
suit : « J'ai appris que dans votre gouver-
nement il y a des gens qui professent la re-
ligion du Seigneur du ciel ; que les riches et
les pauvres l'embrassent; qu'ils ont des
temples à la ville et à la campagne , et , ce
qiii est plus répréhensible, qu'il y a des
jeunes filles h qui on interdit le mariage, et
(ju'on leur donne le nom de vierges; que
lorsipi'on prêche cette r(;ligion , on no dis-
tinguo ni lionuncs ni femmes; que dans le
territoire cpii dé()end de Fou-Gan, on compte
seize tem[)les de cette secte. Cett(! religion
étrangère séduit le peuple et corrompt nos
bonnes coutumes; il est donc d'une sage
politique de proscrire cette religion et d'en
arrêter les progrès. Je vous en transmets
l'ordre : ayez soin de le publier, d'interdire
cette secte, de fermer ses temples. Si, dans
lasuite, il se trouve quelqu'un qui ait la
témérité de violer ces ordres , punissez-le
selon les lois. Il faut se saisir sans délai de
ceux qui se rassemblent pour suivre cette
religion étrangère, et, selon les règlements!
leur infliger le châtiment de leur crime. Or
ne leur pardonnera point. Exécutez ce
ordre... »
« Le mandarin de Fou-Gan fit la réponse
suivante: — Moi, mandarin de Fou-Gan-
Hien, sur les ordres que j'ai reçus de votre
part , je me suis transporté en personne à
l'église qu'on bâtit ; quoique cet ouvrage no
soit que commencé, j'ai -jugé que la dépense
ne saurait aller à moins de deux ou trois
mille taels. Cet argent serait bien mieux
employé à secourir le pauvre peuple : quel
dommage qu'on l'emploie en faveur d'une
fausse religion , qui détruit les cinq sortes
de devoirs et la vraie vertu , qui renverse
l'union des familles et anéantit les bonnes
coutumes 1 J'ai fait connaître au capitaine et
aux chefs du quartier les soins que vous
vous donnez pour le bon gouvernement de
cette province , afin de maintenir nos usa-
ges et de perfectionner le cœur des peuples.
Alors l'écrivain Kouo-Siun et le gradué Ou-
Ou-Entcho , et autres qui ont soin de la fa-
brique de cette église , m'ont répondu à
haute voix : — Le Seigneur du ciel est le
maître de toutes choses ; qui oserait ne pas
le respecter et l'honorer?— Je leur adressai
aussitôt la parole, et je leur demandai pour-
quoi ils n'honoraient pas leurs ancêtres ?
pourquoi , à la mort de leurs pères et de
leurs mères, ils ne faisaient pas les cérémo-
nies ordonnées par les lois ? pourquoi ils
avaient parmi eux des garçons et des filles
qui ne se mariaient pas? pourquoi ils re-
gardaient comme de mauvais génies nos
anciens sages, que nous révérons?... A tout
cela, ils me répondirent : —Qu'il y avait un
Européen maître de la loi, qui la publiait et
leur enseignait le chemin du ciel ; qu'à l'é-
gard des cérémonies après la mort , elles
n'étaient d'aucune utilité, à quoi bon les
faire? — Je leur demandai comment s'appe-
lait cet Européen? s'il avait la patente im-
périale ? quel était le lieu de sa demeure, et
si je ne pourrais pas le voir? — Ce maître de
la loi, me dirent-ils, se nomme Ouang; il ne
se montre que très-difficilement; il ne dit
point s'il a la patente impériale-ou non. — De
semblables réponses me firent juger que
c'étaient des ignorants qui avaient embrassé
cette religion par simplicité et sans examen.
Par reflet du boa cœur de l'enipereur dé-
579
cm
CHI
580
Cédé à rég;ard des étrangers qui viennent à
la Chine, il fut oitlonné qu'on laisserait de-
Hicurer dans leurs églises ceux qui avaient
la patente iuiiȎri;ile, et (ju'ou chasserait les
*Utres. Cet ordre se borne à permettre aux
Européens de vivre dans leur loi. Les Chi-
nois ne peuvent ni la suivre ni se soumetli-e
aux étrartgers. Ceux qui ont la patente im-
périale ont chacun leur éghse; il ne doit y
en avoii- qu'une seule en chaque province ;
et comment soull'rir que dans un petit hien
(ville du troisième ordre) tel que Fou-Gan,
il y ait dix de ces églises, où les hommes et
les femmes s'assemblent pêle-mêle, sans
distinction de sexe ? Les choses en sont ve-
nues à un point de mépris des mandarins et
de leur autorité, que si vous n'employez au
plus tôt ce que vous avez de pouvoir, tout le
peuple embrassera celle loi et s'écartera ab-
solument de ses coutumes pour en suivre
d'étrangères. Je ne suis qu'un petit manda-
rin, et je n'ai pas le pouvoir de réformer de
tels abus. Du reste, je vous conjure de faire
attention à l'audace et à l'arrogance de ceux
qui embrassent cette loi. Tous les manda-
rins d'armes et de lettres doivent se réunir
pour y apporter un remède si ellicace, qu'a-
près la défense qui en sera faite , personne
n'ose plus se soustraire aux sages lois du
gouvernement. »
On répondit, en envoyant l'ordre au man-
darin de Fou-Gan de faire arrêter un bache-
lier qui avait embrassé celte religion, de dé-
couvrir l'auteur de l'écrit affiché, de prendre
le nom et le surnom de l'Européen, maître
de celte secte, tt de s'informer d'abord s'il
avait la patente. Le Tson-Iou envoya secrè-
tement un billet au mandarin pour lui re-
commander (!c faire rentrer dans la bonne
voie ceux qui se sont égarés. Pour empêcher
tout attroupement du peuple, il avertit qu'il
enverra des soldats pour le tenir eu resi)ect.
Le mandrin de Fou-Gan lit la réponse sui-
vante au billet du Tson-Tou : « J'ai lâché
d'exécuter vos ordres, j'ai parlé aux chrétiens
à plusieurs reprises ; mais hélas I on dirait
que ce sont des gens ivres : ils ne paraissent
pas vouloir sortir du leur assou[)iss( ment.
Loin de penser à se corriger, ils ont allaché
au bas de mon écrit un écrit injurieux. J'ap-
prerrdss parle rapport fait sur le nombre des
temples, qu'il s'en trouve dix-huit ; il a fallu
de grandes sommes pour construire ces édi-
fices, et cet flrgejit a été tiré des entrailles
du pen[)le. Ces pauvres gens, qui sont ava-
res quand il s'agit de toute autre dépense,
ne refrènent point largenl ipi'ils (lonncnt
pour un usage aussi pernicieux ; ils enga-
gent leurs maisons et vendent leurs hérita-
ges. L«s jeunes femmes et h.'S jeunes lilles
entrent aussi dans celle religion ; elles vont
dans un lieu retiré dire à l'oreide de l'Furo-
f)éen des parol(;s seerèles, (;'esl ce qu'ils ap-
pi'llcnl se i<mfi-s»er. Ils n'ont pas de lumlede
s'assembler pêle-mêle, hommes cl lemuifs;
les enfants de famille, les bacheliers et au-
tres lettrés ne iwjiigissenl pas de faire des
actioiit>indignes)delcur rang. Dans cet te secte,
on ne ponbt) i^ius à son père ni à sa mère
quand ils sont morts ; on oublie jusqu'à l'o-
.ngine de sa f;unille : on est comme une eau
sans source et un arbre sans racines; on ne
ren l aucun honneur aux sages dont nous
avons reçu la doctrine ; ainsi le Chinois est
métamorphosé en Européen. Les filles qui
gardent la continence ne se marient jamais ;
ceux dont la fL<mme est décédée ne se re-
inarient pas non plus, et ils consentent à
passer leur vie snwi enfants. N'est-ce pas là
une secte qui séduit le peuple, qui désunit
les f-midles et qui en corrompt les bonnes
mœurs ? L'Atfaire est de consétpience ; en-
'voycz au plus tôt des ordres rigoureux pour
ïétablir les coutumes ciui ont été perverties;
à l'égard des temples des chrétiens, il me
paraît qu'il faudrait les détruire. »
Le vice-roi se joignit au Tson-ïou, et tous
deux agir/nt contre les chrétiens; ils don-
nèrent l'édit que voici : « La doctrine que
les anciens sages ont enseignée aux hommes,
les instructions des empereurs pour le gou-
vernement des peuples, les bonnes règles de
conduite de notre empire, sont toutes ren-
fermées dans les cinq sortes de devoirs et
dans le code de nos lois. ï*ar exemple, l'o-
béissance filiale ne consiste pas précisément
à nourrir délicatement son père et sa mère;
on peut, avec des vivres ordinaires et gros-
siers, leur procurer une vie douce ; mais, à
la mort des auteurs de ses jours, un fds doit
pleurer, gémir, se lamenter, préparer avec
soin l'appareil de leuis funérailles, et être
attentif à faire les cérémonies du Tsi : ce
sont là des devoirs indispensables. Nous li-
sons dans nos livres que les cérémonies du
Tsi doivent se faire avec autant ae respect
que si leurs esprits étaient présents ; 'et si je
ne le fais pas moi-môme, et que je m'en
repose sur les autres, c'est comme si j'omet-
tais de les faire. Nos anciens sages ont établi
ces cérémonies comme un des principaux
fondements du gouvernement de l'Etat. Des
trois péchés contre l'obéissance filiale, celui
dene pas laisser de postérité est le plus grand.
C'est pour celîl que, si un homme perd sa
femme sans en avoir eu d'enfants, il doit se
remarier. Quand les filles sont en Age de pu-
berté, ou doit leur chercher des époux ; les
hommes et les femmes, les garçons et les
filles ne doivent rien recevoir les uns
des autres : ce èoti'X là defe points extrême-
ment rei oirtinandes i)anni nous. Nolie em-
pereur Yoiig-Tcliing nouis dit, sur toutes
choses, que l'obéi.ssance liliah! soil exacte-
ment obserVée. Dans notre gouvernement du
l''ou-Kien,lous s'ax)pliquenl à l'élude du Chil-
kin^, (le nos cérémonies et do nos lois; celle
élude n'e-t négligée (pie d.ms le jiays da
l'onn-Gan-llicn, où eSl venu tout récemment
un Européen, qui prend le tilrc 'de Maître
de la lui, et qui s'y tient caché. La religion
qu'il j)rêcbe sénie le trouble l'arnn le peujile,
cl le fait douter de la bonté d>' nos lois;
non -seulement les lalioureurs et les mar-
chands l'écoutcnl et le suivent, des lettrés
mêmes s'en sont tellement laissés infaluer,
rpi'ils ne peuv(;nl plus démêler le Vrai d'avec
le faux. Cet L\irop^''*i» admet dans sa loi
681
(m
cni
582
hofiimosol fonimcs qui no rougissent pas do
g'asscîinbior s;)n.s ♦lisliiiclion do sexe; ces
pauvnvs avtni^les (épuisent leurs Imur.'e.spour
élevvr (les (eiiiples. 0"i pourrait, dans un
.tGm[»s si serein, e( au plus beau soleil (jui
luit à nos yeux, voir avec ti-anijuillilé le génie
ky-mal (démon de l'illusion et de rcneui)
courir rh et ItV.' Ceux (pii i)rofcsseiU celle loi
regardent nos anciens sages, les ancêtres des
familles, comme autant de mauvais génies; ils
ne leur poilenl aucun res|)ect et leur refusent
les cérémoines accoutuinées. Ils se l'ont un
plaisirde n'avoir point de postérité, ils exhor-
tent les tilles ci ne se |)oint mai'ier, et celles
qui suivent leurs conseils, ils les api>ellent
petites vierges. De plus, ils ont une espèce
de chambre obscure, où l'on voit entrer les
hommes et les femmes, qui y pailenl à voix
basse, et c'est ce qu'ils appellent se confesser.
De toutes les sectes, il n'y en. a pas de plus
pernicieuse. 11 est écrit dans le Code de nos
lois que le chef d'une secte, qui, sous pré-
texlede religion et de bonnes œuvres, trompe
le peuple, doit être étranglé ; et que ceux
3ui travaillent sous lui au môme dessein,
oivent être pUnis de cent coups de bâton
€t bannis h trois cents lieues. De plus, il est
sévèrement défendu d'ériger de nouveaux
temples, de quelque secle que ce soit, et que,
si quelqu'un contievient à cet oidre, il doit
être banni de l'enipire avec défense d'y re-
venir jamais; les temples doivent être dé-
truits, le terrain et les matériaux conlisqués.
Sur quoi, nous Tson-Tou et vice-roi, oixlon-
pons qu'on saisisse sans bruit ce maître de
Ja.ioi, et qu'on le conduise sous bomie garde
ll.Macao, avec défense de rentrer dans la
Ghuie. Ordonnons pareillement aux per-
sonnes de tout état de s'éloigner d'une si
jnauvaise loi, et aux coupables de se corriger.
Il faut qu'ils s'occu[)ent à lire les livres de nos
■anciens sages, afin qu'il n'y ail aucune di-
versité dans les coutumes, et que les peu-
ples maintiennent leurs cœurs dans l'inté-
gdté ; qu'ils ne se laissent pas séduire jus-
qu'au point de suivre de fausses sectes.
Pour ce qui regarde les lettrés qui ont suivi
cette fausse loi, s'ils y renoncent, il faut
nous envoyer leurs noms, non-seulement pour
leur pardonner leur crime, mais pour les
louer de leur zèle ; et nous priverons de leur
degré ceux qui ne voudront pas se soumet-
tre ; nous les punirons selon les lois, car
c'est un crime qu'on ne saurait pardonner.
.Que si les mandarins les favorisent, lious
les ferons déposer de leur mandarinat. Fait la
première année de Yong-Tching, le deux de
i]a huiiième lune, c'est-à-dire le 1 septem-
bre 1723. »...
« Lorsque nous apprîmes à Pékin ce qui se
passait dans la province d« Fou-Kien, nous
en fûmes alarmés, et nous craignîmes que la
tempête ne s'étendît plus loin. Le Tson-Tou
ge Fou-îîien gouverne aussi la province de
Tche-Kiang: il est docteur du premier ordre
et de la famille des Ceintures rouges, c'est-
à-dire de la première famille des Tartares,
après celle qui occupe le trône impérial ;
•iJ jouit par conséquent d'une grande autorité.
D'ailleurs les temps sont bien changés ; l'em-
pereur régnant ne se sert presque plus des
Knroj.éens, cl il paiail peu touché des scien-
ces et autres curiosités des pays étrangers.
Celle dis|)osition a éhjigné do nous les amis
que nous avions ; les uns n(! sont plus en
étal de nous rendre service , cl les autres
n'osent avoir des liaisons avec les Euro-
péens.
« (](;pendanl, nous eûmes une forte recom-
mandation au[)rès du Tson-Tou, qui répondit
qu'il n'était jtlijs maître de cette all'aire j au'il
en avait informé l'empereur, qu'il fallait
attendre sa décision. 11 avait envoyé un placet
à ce prince, où il lui disait qu on pouvait
laisser les missionnaires à la cour, où ils
rendaient quelques services, soil en travail-
lant au calendrier, soit en s'appliquant à
d'autres ouvrages; mais que, dans les pro-
vinces, ils faisaient beaucoup de mal sans
être d'aucune utilité. L'empereur envoya ce
placet au tribunal des rites, afin qu'il donnât
son avis. Quoicjue ce tribunal ail toujours
été fort contraire à la religion, nous eûmes
quelque espérance qu'en gagnant les officiers
qui ont soin des registres, nous pourrions
les obliger à en tirer les ordres de l'empe-
reur Kang-Gi, qui nous sont favorables, et
à dresser sur ces ordres la minute de la dé-
termination que prendrait le tribunal. Nous
nous flattions que par ce moyen on conser-
verait, du moins dans les provinces, les
missionnaires qui ont la patente impériale.
Nous eûmes ce que nous souhai lions ; sur
i;esordres,on dressa deux minutes, dontl'une
nous donnait gain de cause sur le Tson-Tou
de Fou-Kien, et l'autre permettait aux mis-
sionnaires qui avaient la patente impériale
de demeurer dans les provinces. Ce qui nous
rassurait encore, c'est que le prince, dou-
zième fils du feu empereur, qui est à la tête
du tribunal des rites, et deux de ses asses-
seurs, nous avaient promis leur protection.
Le tribunal s'étant assemblé le 3 janvier, et
l'un des mandarins subalternes ayant pré-
senté une minute qui raiifiait tout ce qu'a-
vait fait le Tson-Tou de Fou-Kien, le prince
président la lut, et il demanda si dans les
registres il n'y avait pas des ordres du feu
em{)ereur, son père, touchant la religion chré-
tienne, et pourquoi on ne les produisait pas ;
et il donna ordre de les citer dans la minute.
Mais, le jour suivant, le tribunal assemblé
à l'ordinaire, le prince président ayant de-
mandé si la minute de la délermihatfon qu'on
deVait prendre sur la religion chrétienne était
prêtrf, le mandarin eut la hardiesse de lui
présenter la môme minute du jour précédent.
Le prince lui en témoigna sa surprise : il ré-
pondit avec fierté qu'il n'avait point u'autre
minuie à présenter; que le prince était te
maître, mais qu'il perdrait plutôt son man-
darinat que d'en changer. Alors le prince,
se doutant peut-être qu'un ordre secret de
l'empereur autorisait la témérité du manda-
rin, prit le pinceau, corrigea quelque chose
de jieu de conséquence dans la minute, et la
signa; les autres mandarins suivirent son
exemple, hors deux, qui prirent la minute
583
cm
et la rendirent sans la signer ; mais, deux
jours après, craignant de s'attirer quelque
fâcheuse alFaire, ils signèrent.
« Dans cette détermination du tribunal, on
conserve les Européens à la cour, on inter-
dit rigoureusement leur religion, et on ex-
pulse les autres de tout l'Empire. Ceux des
provinces qui ont reçu ci-devant la patente
impériale, doivent la remettre pour être
brûlée; enfin, il y a ordre à tous les manda-
rins et vice-rois d'observer le contenu de la
déclaration sous peine d'être cassés. Cette
déclaration fut présentée à l'empereur le 10
janvier; le lendemain, il écrivit avec son pin-
ceau rouge la sentence qui suit : « Qu'il soit
ainsi fait qu'il a été déterminé par le tribu-
nal des rites. Les Européens, depuis bien des
années, demeurent dans les provinces de
l'Empire; maintenant, il faut s'en tenir à ce
que propose le Tson-Tou de Fou-Kien. Mais
comme il est à craindre que le peuple ne
leur fasse quelque insulte , j'ordonne aux
Tsons-Tou et vice-rois de province de leur
accorder cinq ou six mois pour les conduire,
ou à la cour, ou à Macao ; de leur donner un
mandarin qui les accompagne dans le voyage,
qui prenne soin d'eux et les garantisse de
toute insulte; qu'on observe cet ordre avec
respect. » Nous avions appris le résultat de
la délibération du tribunal des rites, et
n'ayant plus d'espérance de ce côté-là, nous
prîmes le parti de recourir à l'empereur lui-
même; la difficulté était de lui faire passer
nos remontrances. Le treizième fils du feu
empereur, le seul pour ainsi dire qui soit en
faveur au|»rès du monarque régnant, nous
parut le plus propre à nous accorder ce ser-
vice; ainsi, il fut conclu que le P. Frédelli,
moi et le frère Castillon, que son talent dans
la pointure a rendu si agréable à ce prince,
irions le lendemain à son hôtel lui demander
audience, et le prier de nous accorder sa pro-
tection. Le lendemain, nous nous y trouvâ-
mes tous les trois, son cortège se disposait
déjà à le conduire au palais. L'eunuque fit
d'abord difficulté de nous introduire, parce
que le prince était sur le point de sortir;
mais s'étant rendu à nos instances, il rentra
dans l'appartement, rcivint nous prendre et
nous introduisit vers le prince. Dès qu'il
nous a[)er(;ut : « Vf)us venez, nous dit-il, me
parler de l'accusation que le Tson-Tou de
Fou-Kien a portée contre vous ?... Nous lui
répondîmes que oui et le priâmes de nous
honorer de sa protection. — Hier, ré[)liqua-
t-il, l'empereur remit votre allaire au sei-
ziènie de mes fières et à moi, mais je n'en
suis pas assez instruit. D(;puis h; temps (pie
dur(!iit vos disputes, vous voyez le train (|ue
pnîii'jent vosallaires : (puîlles peines, (pielles
fatigues n'ont-elles point données au feu
empereur mon [)ère! Que dii'ie/.-vous si nos
gens allaient en Kuiope (;t y voulaient chan-
ger les lois et les coutumes établies par vos
anciens sa;^(!S ? L'empereiw, mon lièic, veut
absolument mettre lin ;i tout cela d'iUM! ma-
nière ellicace. ■■ — Il n'y a plus de; dispute,
répondiuHts-nous : tout est fini.— D'où viiMil
donc quo co!) cleiii Laroi)6cni) do Fou-liicu
CHI S84
se tenaient cachés, si tout est fini? — Nous
ne les connaissons point; ceux que nous
connaissons ont des patentes du feu empe-
reur ; ils sont répandus dans les différentes
provinces, par ordre du tril)unal des rites,
donné la cinquantième année du règne de
Kan-fii. — Nous lui mîmes en même temps
cet ordre entre les mains, il le lut avec at-
tention ; puis en nous le rendant, il nous dit
que cette patente avait été mal donnée;
qu'elle pouvait être de quelque utilité au pa-
lais, mais qu'elle n'avait nulle autorité au
dehors. A quoi nous répondîmes que nous
étions des étrangers peu instruits de la ma-
nière dont se gouvernent les tribunaux ;
mais qu'ayant reçu la patente des mains de
l'empereur, nous étions persuadés que nous
n'avions rien à craindre. « Oh ! je sais, nous
dit-il, qu'il y a plusieurs sortes d'Européens
à la Chine ; il y en a qui viennent pour le
service de l'empereur, d'autres pour le com-
merce, et d'autres pour prêcher votre loi.
Je n'ai pas le temps maintenant d'examiner
vos affaires; mais avertissez tous les Euro-
péens de se rendre demain au palais, je vous
y entretiendrai à loisir. » Nous le priâmes
alors de nous servir d'appui et de père.
« Soyez en repos, répondit-il, l'empereur
m'a remis votre affaire, j'en prendrai soin, »
Cette promesse nous consola et nous sortîmes
fort satisfaits.
« Le lendemain 6 janvier, nous nous ren-
dîmes tous au palais, mais nous attendîmes
toute la journée inutilement. Le seizième
prince qui devait s'y trouver avec le trei-
zième n'y parut point ; ce dernier nous fit
dire de revenir le lendemain soir à son hô-
tel, mais qu'il n'était pas nécessaire que
tous les Européens y vinssent. Nous allâmes
donc au nombre de six à son hôtel, et nous
fûmes introduits dans son appartement.
Nous ayant fait asseoir : « Je sais, nous dit-
il, que vos affaires sont fort embarrassées ;
j'ai vu l'accusation du Tson-Tou de Fou-
Kien, elle est grave; vos disputes sur nos
coutumes vous ont nui infiniment. Que di-
riez-vous si nous transportant dans l'Europe,
nous y tenions la même conduite que vous
tenez ici? Le soulfririez-vous? Je m'instrui-
rai de cette affaire ; mais je vous déclare
qu'il ne manquera rien à la Chine lorsque
vous n'y serez plus, et votre absence n'y cau-
sera aucune perte. On n'y retient personne
par force, et l'on ne soullVu-a (|ui que ce soit
qui en viole les lois et (jui travaille à anéan-
tir les coutumes. » Le prince dit cela d'un
ton (pii nous persuada qu'il ne faisait que
répéter les paroles de l'empereur. Nous lui
présentâmes alors un mémoire (pii justifiait
la religion chrétienne sur les chefs (l'accusa-
lion du Tson-Tou de Fou-Kien; nous lui
(limes (pie nous ne nrêchions pas notre foi
en cachette; (pie les livres (pii l'eus(Mgnaient
étaient entre les mains do tout le monde, et
(pie nous nous faisions un plaisir de les dis-
tribuer ; (pie nous avions iu("^nie des feuilles
iiiipi iiui'cs (pie nous exjiosioiis en public, ut
nous lui |)résenlâmes ces feuilles (jui sont un
calécliiiiuio traduit en chinois par un do nos
585
CHI
CHI
886
Pères. Le prince parut un peu se radoucir;
alors nous lui fîmes observer que notre con-
duite avait toujours été irrt^préhensi[)lc,
qu'on ne nous avait jamais accusés d'avoir
vioU^es ois de l'empire; (pie nous vivions
en bonne inlellii^^ence avec les mandarins.
Le prince nous demanda <i voir la patente,
nous la lui donnAmes. Il fut surpris d'y lu'o
que les luissionnaires qui avaient cette pa-
tente no retourneraient pas en Europe ; il
demanda si toutes les patentes renfermaient
la môme clause. Lui ayant r('![)on(lu (jue oui :
« Elle n'a, nous dit-il, nulle autorité au de-
hors; il faut la changer et en donner une
meilleure, en cas que votre affaire s'accom-
mode. Soyez tran(]uilles sur l'accusation du
Tson-Tou de Fou-Kien ; je ne suis pas le
maître , mais je tAclierai de vous rendre ser-
vice. » Et avec ces paroles il nous congédia.
Ce fut deux jours après cette conversation
que la décision du tribunal des rites fut pré-
sentée c> l'empereur, qui la conlirina, comme
je l'ai déjà rapporté. Nous espérions que le
troisième prince agirait en notre faveur,
mais nous n'osions pas le presser, de crainte
de perdre par nos importunités le seul appui
qui nous restait; cependant nous résolûmes
d'avoir recours à l'empereur et de lui faire
présenter un placet par ce même prince, sur
la protection duquel nous comptions ; nous
nous rendîmes à so i hôtel pour le supplier
de s'en charger et l'appuyer de son crédit. Il
nous fit di.e qu'il n'.ivait pas le loisir de
nous parler, mais qu'il pensait à notre af-
faire f"t que nous fussions tranquilles. Nous
donnâmes alors notre placet à l'eunuque, le
priant de le présenter au prince; il le fit sur-
le-champ et nous le rapporta quelque temps
après, en nous disant que le prince ne pou-
vait garder ce placet chez lui, mais que le
jour suivant nous allassions le lui présenter
à une des portes intérieures du palais qu'il
nous indiqua. Le lendemain, à ce lieu dési-
gné, le même eunuque vint de la part du
prince nous demander notre placet. Ayant
rencontré l'eunuque une heure après, je lui
demandai si ce placet était parvenu jusqu'à
l'empereur. Il me répondit que le prince se
trouvant avec les trois gouverneurs de l'em-
pire et son seizième frère, ils en avaient fait
ensemble la lecture; mais qu'ayant été ap-
pelés par l'empereur pour une affaire impor-
tante, le treizième prince n'avait pas porté
le placet. Nous ne fûmes pas fiichés qu'il eût
été communiqué à ces seigneurs, nous per-
suadant que s'il avait eu leur approbation,
nous avions tout lieu d'espérer. Dans ce
placet, nous répondions aux accusations du
Tson-Tou de Fou-Kien ; nous disions que
notre religion ne pouvait être suspecte, puis-
qu'elle était depuis tant d'années approuvée
dans l'Empire; qu'on y souffrait bien d'au-
tres religions sans obliger ceux qui les sui-
vaient d"y renoncer; que nous suppliions Sa
Majesté ue laisser à la Chine les Européens
qui ont la patente et qui y demeurent depuis
tant d'années, d'avoir compassion de leur
vieillesse, et de leur permettre de garder la
sépulture de leurs prédécesseurs le peu d'an-
DicTioNN. DES Persécutions. I.
nées qui leur restent à vivre, et de ne pas
forcer les chrétiens d'abandonner la religion
qu'ils ont embrassée.
« Etant retournés le lendemain au palais,
le prince parut vers le lieu où nous étions.
« Il semble par votre [ilacct, nous dit-il, quo
vous vouliez entrer en dispute avec l'empe-
reur ; je crains que si je le présente toi qu'il
est, il ne soit pas bien regu. Il f;iut vous
contenter de lui adresser des remerciements ;
vous pouvez en courir les risques, mais je
ne réponds pas de l'événement. » Nous l'as-
surâmes que nous retrancherions tout ce
qu'il jugerait à propos, et que nous nous
bornerions à remercier Sa Majesté et à la sup-
plier de nous honorer de sa protection. En
effet, nous remîmes le lendemain au prince
le placet corrigé selon ses vues : il le riiit, le
lut et remi)orta sans nous rien dire. De plu-
sieurs jours nous n'eûmes aucune nouvelle
de notre placet. Enfin, nous trouvant au pa-
lais, les PP. liouvet, Régis, Parennin et moi,
le prince sortit d'une des portes intéiieures
avec son seizième frère etnousfit approcher :
« J'ai donné votre placet, nous dit-il, mais il
est venu trop tard; le tribunal des rites a
donné son avis, l'empereur a souscrit à sa
délibération, il n'est plus possible de reve-
nir sur cette atlaire. — Rien n'est plus facile,
répondîmes-nous, à un si grand prince qu'est
l'ecnpereur: il peut faire cette grâce, et cette
grâce n'arrivera point trop tard, si elle est
envoyée par le tribunal des rites; les man-
darins ne se presseront point d'exécuter les
ordres qu'ils ont reçus à cause du délai de
six mois. — L'empereur m"a dit, répondit le
prince, que pour le présent, il ne pouvait
rien changer à ce qu'il avait f lit ; mais que si
dans la suite on voulait vous inquiéter il
prendrait votre défense. — Quand tous les
Européens seront chassés des provinces, il
est bien clair qu'on ne les inquiétera plus.
— N'êtes-vous pas encore ici ? — Oui , nous
y sommes, sous les yeux et sous la pro-
tection de Sa Majesté; mais nous y som-
mes sans honneur dès que nos compagnons
sont exilés. — Ce n'est [)rs l'empereur qui
les chasse, c'est le Tson-Tou de Fou-Kien,
pour remédier aux troubles que deux Euro-
péens ont excités dans la province. — Nous
ne connaissons pas ces Européens ; parce
qu'on les a accusés, faut-il envelopper dans
leur malheur ceux dont on n'a aucun sujet
de se plaindre et dont les mandarins sont
contents ? » Alors le prince, se tournant du
côté de son frère, dit : « Certainement, le
tribunal des rites atout confondu : sa délibé-
ration ne vaut rien, je le remarquai dès que
je la vis. » Pendant ce temps, nous étions
prosternés jusqu'à terre , implorant notre
grâce et priant le prince d'intercéder pour
nous auprès de l'empereur. « Que voulez-
vous que je fasse? Voulez-vous que je me
perde pour vous sauver? D'ailleurs, l'empe-
reur a dit qu'il vous laisse ici et à Canton. Je
lui ai objecté qu'on vous enverrait pareille-
ment de Canton à Macao oii vous seriez très-
mal ; il m'a répondu que le vice-roi de Can-
ton l'en avertirait. — Il n'en aura pas l'idée,
19
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CHI
CRI
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lui répliquâmes-nous : ainsi, il serait h pro-
pos que vous eussiez la bonté de lui faire sa-
voir les intentions de Sa Majesté. — Il n'est
pas nécessaire ; écrivez-lui vous-mômes. —
Il ne nous croira pas; mais si dans deux
mois nous présentions un nouveau plaoet h
l'empereur ? » Le prince nous lit signe que
cela ne se pouvait pas, et il se retira à
l'instant, nous laissant dans un accablement
qui ne peut se déciire
« Tel est le triste état où cette mission est
réduite : on s'est saisi partout des églises;
les unes ont été détruites, les autres ont été
changées en salles pour honorer les ancêtres,
et quelques-unes en temples d'idoles. Quoi-
que l'ordre de Tempereur recommande aux
mandarins d'empêcher que les missionnaires
ne soient maltraités, ils n'ont pas été à l'abri
des insultes. L'évoque de Lorime a été saisi
dans une de ses missions avec un Français qui
l'accompagnait; ils furent très-mal traités par
leurs conducteurs. Les lettres de Canton nous
apprennent que les missionnaires ne peuvent
plus regarder cette ville comme un asile sûr.
A peine le vice-roi eut-il reçu la sentence ,
qu'il fit publier à son de trompe , dans tout
son district, (jue les missionnaires se dispo-
sassent à partir bientôt pour Macao, que dans
peu il n'en soulfrirait plus dans son dépar-
tement. Cela ne s'accordait pas avec ce que
nous avait dit le prince, qiie Sa Majesté nous
laisserait ici et à Canton. Quelque persuadés
que nous fussions que nos lettres seraient
inutiles, nous écrivîmes à ce vicc-roi ce qui
nous avait et.' dit par le treizième prince.
Nous résolûmes aussi d'adresser un nouveau
mémoire à ce prince; nous lui représentions
que la plupart des missionnaires, chassés des
provinces , étaient originaires de royaumes
différents de celui d'où dépend Macao; que les
vaisseaux d'Europe, qui viennent commercer
à la Chine, abordent à Canton ; que de ren-
voyer à Macao ceux qui voudraient retour-
ner dans leur pays, ce serait les mettre dans
l'impossibihté de le faire; que d'ailleurs nous
ne pourrions pas subsister ici, s'il n'y avait
personne à Canton qui entretînt noln; cor-
respondance avec renij)ire ; qu'ainsi nous le
priions instamment d'obtenir de l'empereur
qu'OL laissùt à Canton ceux (}ui, à cause de
leur âge et de leurs inlirmiti-s, ne pourraient
pas retourner en Europe. La raison secrète
qui nous faisait délirer de rester à Canton ,
c'est que cette ville est comme la j)orte de la
mission, et que les missionnaires y trouvent
des moyens de |iénélrer dans la Cliine. Lo
prince iious lit corriger ce méuioire, et vou-
lut qu'il lùi égabîmtjnt adressé à son seizième
frère , [iuice qu'il avait été , conjointement
avec lui , (iliai^é de celte aifaire : n(jus sui-
vîmes cet avis. Ce dernier prince nous lit
v(;nir et nous parla en ces termes : « Je vais
vous dire ma pensée sur ce que vous dciuaii-
dez dans votre mémoire ; jirenez garde que
e'f'sl moi seul qui vous parle , ne vous y
trompez pas. Vous savez (lue l'empereur ,
lorsqu'il n'était que quatrieun- [trince, était
foii peu attaché aux bonzes liochaug et LaO-
Xsée; mais, alors, il n'était pas sur le trône.
Le feu empereur mon père vous a beaucoup
aimés et comblés d'honneurs et de' grâces ;
vous n'ignorez pas qu'il a souvent par là
excité les murmures des lettrés chinois. Cela
ne signilie pas que l'empereur, mon frère, ait
quelque chose contre vous et qu'il ne vous
considère ; vous n'avez pas oublié avec quelle
bonté il vous traitait avant qu'il fût maître
de l'empire; mais maintenant qu'il gouverne,
il ne saurait se dispenser de se conduire
comme il fait à votre égard. Depuis l'atraire
de Fou-Kien , il a reçu contre vous plus de
vingt placets des lettrés chinois (il les a sup-
primés ) ; ils ne veulent pas qu'on change
rien à la doctrine de nos anciens sages, et un
bon gouvernement demande qu'ils soient
écoutés. Ma pensée est donc qu'au lieu du
mémoire que vous m'adressez, vous dres-
siez un placet pour être présenté à l'empe-
reur. Bornez-vous à lui représenter que de-
puis le P. Ricci , qui est venu le premier à
la Chine, vous n'avez rien fait co!itre les cou-
tumes de l'empire ; que vous êtes des reli-
gieux qui ne pensez qu'à vous perfectionner;
que la loi que vous enseignez n'est pas
fausse; que vos compagnois qui sont dans
les iirovinces sont sur le point d'être chas-
sés : faites sentir les embarras et les incon-
vénients où ils se trouveront si on ne leur
permet pas de demeurer à Canton ; que telle
est la triste situation où vous êtes , puisque
le vice-roi de cette province a déclaré qu'il
n'y laisserait aucun missionnaire; après ({uoi,
priez et priez avez instance. Voilà à peu près
quelle doit être la forme de votre placet; au
reste, je veox en voir la minute et la corri-
ger : ensuite vous piésenterez ce placet par
la voie des grands maîtres de la maison de
l'empereur, dont mon frère le seizième est
le chef. Ils ne voudront pas le recevoir; alors
vous vous adresserez à moi, et je le ferai
passer à Sa Majesté par le canal de ceux qui
reçoivent les mémoriaux de l'empire. «
Charmés des bontés de ce prince, nous nous
prosternâmes justju'à terre pour le remer-
cier. Nous dressâmes le placet et fûmes le
lui porter le lendemain au palais ; il était
alors si occupé, qu il nous fut impossible de
lui parler.
Ce prince, qui partit pour la campagne, ne
nous oublia point; il nous recommanda à
son seizième Irère et nous lit dire de lui i)or-
ter notre jilacet. Le môme jour il fut [)ré-
senté, et l'empereur écrivit lui-même la ré-
ponse suivante : « Vous, gouverneurs de
rem|)ire, priiKîes et grands, prenez le placet
de Tai-Tsin-hien (c'est le nom chinois du
V. Kcblor), ciivoyez-le au l\son-Tou et au
vicc-roi de la province de Canton ; qu'ils sus-
pendent les oi'iioimances pour un temps, et
(lu'ils ne pressent j>as les Eur(»pccns d'aller
demeurer à Macao. Que le 'l'son-Tou, le vice-
roi, le général des soldats larlares, le géné-
ral des soldais chinois, délibèrent sérieuse-
ment sur cela et me fassent leur rapj)ort ;
s'ils jugent qu'il n'y a pas un grand mal à
craindre |)our h; gouvernement du peuple ,
on |)(nit [)ormetlre aux lùiropéens de (lemcu-
rer à Canton. Cousulloz entre vous ot mê
589
Clit
faites votre ra|)|)ort. » Cette réponse fut com-
niuiiiqu(^(> aux l'ùios (jui (^taietit présents par
un m.iiidaiiM. Ln F. l'aiiiuiin remercia Sa
Majcsu^ ol (il lui compliment si à propos,
que le mandarin fui sur-le-champ le rappor-
ter i^ l'empereur. Celui-ci en fut si satisfait,
qu'il envoya pretuire les trois Pères, laveur
à laquelle aucun dc^ nous ne s'attendait :
voici ce que leur dit l'empereur : « Le feu
empereur mon père , après m'avoir instruit
pendant «juarante ans, m'a choisi préft'rabh^-
nient à mes frères |)Our lui succéder. Je me
fais un point capital de ne m'èloijJi;ner en rien
de sa manière de gouverner. Des Européens,
dans la [)rovince de Fou-Kien , voul.dent
anéanlir nos lois et troublaient les peu«)les;
les grands de cette province me les ont dé-
férés : j'ai dû pourvoir au désordre , c'est
une atfaire di> l'em.ire ; je ne imis ni ne dois
agir maintenant connue je faisais lorsque je
n'étais cpie pi-mce p.irticùlier. Vous dite-; que
votre loi n'est [)()int fausse, je le crois; si je
pensais (|u"elle le fiU, qui m'em[)êcherait de
détruire vos églises et de vous en chasser ?
Les fausses lois sont celles qui, sous prétexte
de porler à la vertu, soufileni l'esprit de ré-
volte Mais que dirioz-vous , si j'envoyais
une bande de Donzes et de lamas dans votre
pays pour y prêcher leur loi? Comment les
recevriez-vGus ? Ly-Ma-Teou (le P. Uicci )
vint à la Chine la première année du règne
de Ouan-Li. Je ne loucherai poini à ce que
hrenl alors les Chinois , je n'en suis pas
chargé ; mais en ce temps-là vous étiez en
petit nombre, ce n'était presque rien ; mais
vous n'aviez pas de vos gens et des églises
'ians toutes les provinces ; ce n'est que sous
le règne de mon [)ère que vous en avez élevé
partout et que votre loi s'est répandue avec
rapidité ; nous le voyions et nous n'osions
rien dire ; mais si vous avez su tromper mon
père, n'espérez pas qu'il en soit ainsi de moi.
Vous voulez que tous les Chinois se fassent
chrétiens; votre loi le demande , je le sais ;
mais dins ce cas , que deviendrions-nous?
Les prosélytes que vous f lites ne reconnais-
sent {(ue vous ; dans un temps de trouble ,
ils n'écouteraient d'aulre voix que la votre.
Je sais bien qu'actuellement il n'y a rien à
craindre; mais (juand les vaisseaux viendront
par mille et dix mille, alors il pourait y
avoir du désor ire. La Chine a au nord la
Russie qui n'est pas méprisable ; elle a au
sud les Ëurojiéens et leurs royaumes qui
sont encore plus considérables, "et à l'ouest
Sse-0uan-Ra{3tan (jnincede Tartarie qui da-
pL.is huit ans fait la guerre aux Chinois). Je
veux le retenir cliez lui et l'empêcher d'en-
trer dans la Chine, de peur qu'il n'y excite
du trouble. Lange, compaguon d'Ismalioff,
ambassadeur du czar, priait qu'on accordât
aux Moscovites la permission d'établir dans
les provinces des factoreries pour le com-
merce ; il fut refusé , et on ne lui permit de
trafiquer qu'à Pékin et dans le pays des Kal-
kas qui est sur les limites. Je vous permets
de même de demeurer ici et k Canton autant
de temps que vous ne donnerez aucun sujet
vie plainte ; car s'il y en a dans la suite , je
CAU j(f»d
ne vous laisserai ni ici ni h Canton; je ne
veux point de vous dans les provinces. L'em-
IxMeur, mon père, a i)erdu bcai'.coup de sa
réputation dans l'esprit des lettrés , par la
condescendance avec laquelle il vous a lais-
sés établir : il ne s(! peut faire aucun chan-
gement aux lois de nos sages, (ït je ne souf-
frirai point que de mon règne on ait rien à
m(i l'cprocher sur cet article. Quand mes (ils
et mes petits-fils seront sur le trône, ils fe-
ront comme bon leur semblera ; je ne m'en
embarrasse pas plus que de ce qu'on fait à
Ou-a/,-li. Du reste, ne vous imaginez pas que
j'aie rien contre vous ou que je veuille vous
opprimer; vous savez la manière dont j'en
usai av(^c vous quand je n'étais que régiilo;
la famille d'un de vos chrétiens se souleva
contre son chef paice qu'il n'Iionorait passes
ancêtres. Dans l'embarras où vous étiez, vous
eûtes recours à moi, et j'accommodai cette
all'airo. Ce que je fais maintenant , c'est en
qualité d'empereur; mon unique soin est de
bien régler remi)irc; je m'y ap|)li(}ue du ma-
tin au soir; je ne vois pas même mes en-
i'.nts ni l'impératrice, je ne vois que ceux
qui sont chargés du soin des alfaires publi-
ques, ( t cela durera autant que le deuil, qui
est de trois ans; a|)iès quoi, je pourrai [)' ut-
être vous voir comme à l'ordinaire. » L'em-
pereur parla avec une rapidité qui faisait as-
sez connaître qu'il ne voulait pas qu'on ré-
})ondît. Il chai'gea les tr-ois missionnaires de
faire part à leui"s compagnons de ce qu'il
venait de leur dire. La suite des événements
n'a que trop prouvé que l'empereur avait
conçu le projet d'éteindre le christianisme
dans ses Etats. Les missionnaires forcés de se
retirer à Canton, laissèrent plus de trois cent
mille chrétiens sans pasteurs, e,t plus de trois
cents églises entre les mains des infidèles. »
[Lelt. édif., v. Il,p. 234.)
La résolution qu'avait prise le nouvel
empereur, de détruire le christianisme dans
ses Etats, parut assez par la manière dont il
traita toute une famille de Pékin, plus illus-
tre encore par la profession qu'elle lit de la
foi chrétienne que par le sang impérial dos
Tartares - Mantchoux , duquel elle sortait.
Le prince Sounou, chef de la famille, nommé
par quelques auteurs Sourniama, était, en
Vrlk, Agé de soixante-dix-sept ans. Il avait
onze tils vivants, et avait eu seize filles,
presque toutrs mariées à des princes mon-
gols, (luà des mandarins de Pékin. Le (loi-
sième des fils de ce régulo avait été élevé
parl'emjjereur, en raison de sa sagesse et de
ses talents, à la dignité de régulo. l\ s'occu-
pait beaucoup de lecture, et ce fut par ce
moyen que Dieu l'amena à la connaissance
du chiistianisme. Lui et plusieurs de ses
frères inclinaient très-fortement à se con-
vertir; mais leur père, qui était idolâtre, le
leur défendait absol <ment.
En 1719, l'empereur Khang-Hi étanc en
guerre avec le r i des Eleuilis, envoya con-
tre lui l'un de SOS fils. Le dixième des fils de
Sounou vint s'offrir pour accompagner le fils
de l'empei-eur dans cette expédition, il était
âgé de vingt-sept ans. Quoiqu'il ne fût pas
591
CHI
CHI
59Î
baptisé, il observaitexacteraent les comman-
dements de Dieu et ceux de l'Eglise. Avant
son dépari, le P. Suarès lui confina le bafi-
tême et lui donna le nom de Paul. A l'armée,
il convertit la jjlupart des seigneurs qui
étaient avec lui. Le Gong ( régulo du 5' or-
dre), son frère, troisième prince de lalamille,
ayant appris la conduite de son'frère, et pris
connaissance des lettres qu'il écrivait, réso-
lut de ne pas ditférer davantage à se l'aire
chrétien. Il lit baptiser un fils naturel qu'il
avait, et qui était à l'article de la mort, et
lui-môme reçut le baptême le jour de l'As-
somption 1721. On le nomma Jean. Son (ils
unique, baptisé quelque temps après, fut
nommé Ignace. Toute la famille imita bien-
tôt ce saint exemple. La princesse Cécile, sa
femme, Agnès sa belle-tille, ses deux petits-
fds Thomas et Matthieu, embrassèrent le
christianisme : leurs domestiques les imitè-
rent.
« A cette nouvelle, le vieux régulo entra
dans une telle colère, qu'il inter.iit l'entrée
de sa maison au prince Jean. Il alla jusqu'à
le menacer lui et les siens, de les déférer à
l'empereur. Le onzième de ses fds se lit
malgré cela baptiser, et prit le nom de Fran-
çois ; sa famille aussi suivit son exemple.
Le père craignait surtout la colère de l'em-
pereur. Peu après, Khang-Hi mourut. Le qua-
trième tils du vieil empereur monta sur le
trône. Le vieux régulo fut avancé d'un de-
gré. Le prince Lessihin, son sixième tils, et
le douzième, ayant été disgraciés par le nou-
vel empereur et envoyés à l'armée, tous
deux se tirent ba|itiser, le prince Lessihin
sous le nom de Louis, l'autre sous celui de
Joseph. Leurs épouses se tirent î.aptiser
aussi. L'ainé de tous les frères s'ap[)rètait
aussi à faiie comme les autres, quand on
reçut la nouvelle que la pcrsécutioa avait
écfaté dans leFou-Kien, et que l'accusation
portée par les mandarins allait être remise
à l'empereur. Bientôt, comme on l'a vu plus
haut, la sentence fut prononcé î contre les
chrétiens. Nous laisserons, pour la suite, par-
ler le P. Parennin.
« Sur la lin de juin de cette année, on
nous manda de toutes les provincs que les
mandarins, en exécution des ordres de l'em-
pereur, avaient signitié aux missionnaires
de se tenir prêts à partir pour Macao, vers
le commencement de septembre ; les manda-
rins de Canton pressaient encore plus que
les autres ceux de leur ville de se pourvoir
de bonne heure de maisons h Macao, pour
y transporter leur bagage et s'y rendre au
I)lus lard avant la mi-s(!pti'mbre. Sur ces con-
naissances, nous son j,eàmt;s à fain; ufi der-
nier effort pour oble lii' de Sa Maj(;.sté (pnj
du moins elle nous fil la gr.lci! de liissiM- les
missionnaires;! Cant(jn, sans l.;s obli.^ci- d'al-
ler à Macao. Nos raisons sont déduites dans
un Mémorial qu(! ih)us lui finies renu!ttr(;
le [jr^iuiiT jour de juillet, avec bien di; la
peine, par le moyen de ses d(!ux lièi-es, le
treizième (;t le seizième régulo. Si Majesté
ré[)ondit [tnr un ordr(! (ju'elle donna aux
mandarin.s do (îanlon, de ne pns presser le
départ des Européens et de l'informer au
plutôt s'il y aurait de l'inconvénient à les
laisser à Canton. L'empereur fit passer cet
ordre par les quatre gouverneurs de l'empire,
après quoi il nous a})pela pour la première
fois en sa présence, le P. liouvet, le P. Ré-
gler et moi. Il nous lit un discours qu'il avait
jiréparé, comme s'il eût voulu s 'justifier et
réfuter les princi[)aux points des écrits que
nous lui avions présentés pour notre défense.
Un peu avant d'être a;lmis en la })résencc de
l'empereur, son oncle maternel, un des qua-
tre gouverneurs de rEmi)ire, qui se trouvait
là, me tira à quartier, pour me donner un
avis. Ce seigneur, de même que son père et
son aïeul, ont toujours eu beaucoup de liai-
son avec les missionnaires, et ils les ont
même logés chez eux plusieurs années ; il
crut donc que l'ancienne amitié l'obligeait à
nous donner des conseils qu'il croyait né-
cessaires dans les conjonctures présentes.
« Prenez garde à vous, me dit-il, et au temps
où nous sommes ; prêchez un peu moins
votre religion; vous renversez les coutumes
de l'Empire, vous troub'ez la paix des famil-
les, vous brouillez les fils avec le i ère. » Je
fus d'abord surpi'is d'entendre parler ainsi
un homme qui, d'ailleurs, était instruit des
vériiés chrétiennes et de la morale que n us
enseignons aux peuples. Cournie je voulais
lui répondre, il m'interromi'it brusquement
et me dit : « Ne sais-je p;is ce qui se passe
dans la famille du vieux Sounou-Peyiée, dont
les fils ont embrassé votre loi ? L'empe-
reur l'ignore-l-il ? Je vous le répète, faites
attention à l'avis que je vous donne.» Il n'en
dit pas davantage, parce qu'un des autres
gouverneurs vint se joindre à nous.
'/ Le même jour, premier de juillet, arriva,
comme nous lavons su depuis, un Mémorial
secret adressé à l'empereur, par le fameux
Nien-Kem-Yao, Tsong-Tou des deux pro-
vinces de Cliansi et de Ch:msi, grand géné-
ral de toutes les troupes envoyées contre
Tse-\'am-Ua()ta'i, et frère de Nien-Si-Yao,
vice-roi de Canton. Dans ce Mémorial, il ac-
cusait les princes Louis et Josepli de .s'être
faits chrétiens, d'avoir contribué de leur ar-
gent à la construction d'une église et de par-
ler souvent en secret au P. Mouram. Le fils
de l'accusateur qui est aujourd'hui censeur
public à Pékin, ayant reçu le Mémorial de
son père pour le donner aux quatre gou-
verneurs (le l'eiii 'ire, en donna avis secrè-
tement à un des lils du vieux régulo Sounou
qui était son allié et son ami. Celui-ci en
avertit ses autres frères, mais il est vraisem-
blable qu'ils n'e'i dirent rien à leur père, de
neur de l'allliger. Il est prob.ib^e que quand
l'em|)ereur nous recul, il avait déjà ce mé-
moire en main. Invité à alh r voir les prin-
ces, dit l(! P. Parennin, j'y fus. Je trouvai
l'ainé à qui je voulais cacJier Vf. ipie nous
ava;t dit l'empereur, el (|ui de son côlé, ne
voulait pas me dii-e ce (ju'il savait du mé-
iuoii(ï. Je crai,-,iiais de l'allrisler, mais je le
connaissais mal. Ce grand homme, (lui |>rô-
voyail h; reiiveis(>menl (\r toute .sa JHmille,
le legardail non pas (omiiie un état do mal-
99!
cm
cm
i9i
heur et de disgrâce, mais comme une source
de paix, d(> l)onlieiir et do tranquillité qui
no pourrait plus lui ôtro ravie. Il voyait ve-
nir la tempôte, et loin d'appréhender d'en
ôtre submergé, il s'assurait qu'elle allait le
jeter dans le port du salut; ces pensées le
remplissaient di' la plus douce consolation.
J'allai entin visiter le prince Jean, et quoi-
que je ne doutasse pas que son aîné ne lui
eût ap[)ris ce qui; j'avais h lui dire, je crus
néanmoins devoir lui donner cette marque
d'intérêt et d'amitié. Le prince Jean me de-
manda s'il était vrai que deux jésuites et
neuf chrétiens eussent souffert tout récem-
ment le martyre dans le Tong-King. Je ré-
pondis que nous en avions reçu avis de Can-
ton, et que nous en attendions le détail. Il
prit de là occasion de |)a 1er du bonheur des
marîyrs, et de la grâce singulière que Dieu
leui' fait de les conduire au ciel par une voie
si courte : « Mais qui oserait espérer une
telle grdce? » ajonta-t-il. Puis, se tournant
vers ses frères, il leur dit d'un air riant :
« Oh 1 que nous sommes entrés bien à pro-
pos dans le b;'rcail de Jésus-Christ I un peu
plus tard, la porte en était fermée. » Il fai-
sait allusion au Mémorial qui avait été pré-
senté à l'erapei-eur contre lui et contre ses
frères ; comme on avait eu soin de me le ca-
cher, je ne pouvais pas tout à fait compren-
dre ce qu'il voulait dire ; mais ayant remar-
qué quelques mouvements parmi les domes-
tiques, et qu'ils venaient souvent parler à
l'oreille de leurs maîtres, je crus que quel-
que affaire les occupait et qu'il était temps
de me retirer. Je me levai donc, comme
pour prendre congé d'eux ; mais le prince
Jean, qui vit mon embarras, me dit aussitôt
que le régulo leur père était parti le matin
pour aller à la sépulture de ses ancêtres, et
que, peu après son départ, l'eujpereur avait
ordonné qu'on le fit venir au [lalais; qu'à
l'instant on avait couru après lui pour le
faire retourner ; qu'il serait sans doute déjà
arrivé au palais; que, selon les apparences,
l'empereur n'était f)as content, et qu'ils s'é-
taient tous rassemblés pour en savoir des
nouvelles à son retour. Il me pria ensuite de
le confesser dans sa chapelle. Le lendemain,
nous apprîmes ce qui s'était passé au palais.
Dès que le régulo parut à la porte où est la
garde intérieure, et où sont assis les grands,
un des quatre gouverneurs, régulo de pre-
mier ordre, fils unique du frère aîné de
l'empereur Kang-Hi,et président du tribunal
des princes, ût mettre à genoux ce vieillard
de soixante-dix-sept ans, et, par ordre de Sa
Majesté, il lui lut uuj longue liste des |)ré-
tendues fautes commises ()ar ses ancêtres et
des siennes propres. Pour toutes ces fautes,
on le destituait de sa dignité, on le privait
de ses appointements et on lui ordonnait do
partir dans dix jours avec toute sa famille,
ses femmes, ses enfants et ses petits-fils,
pour aller demeurer à Yeou-Oué, petit heu
où il y a une garnison de soldats tarlares,
à quatre-vingt-dix lieues à l'ouest de Pékin,
un peu au delà de la grande muraille. Tou-
tes ces fautes qu'on faisait revivre depuis
tant d'années, n'étaient qu'un prétexte pour
couvrir le véritable motif d'un traitement si
dur; car, nonoostant toutes ces prétendues
fautes qu'on n'ignorait pas, il y a deux ans,
on n'avait pas laissé de l'élever h un nou-
veau degré d'honneur. Le régulo fut trùs-
peiné de cette injustice. Presque tous ses fils
le reçurent à sa porte, et, d'un air gai cl con-
tent, ils le prièrent de ne point s'aflligfr inu-
tilement et de conserver sa santé, l'assurant
qu'ils lesuivraient partout avec joie et qu'ils
feraie.t en sorte qu'il no manquât jamais de
rien. Le lendenmin, sur les huit neures du
matin, le régulo retourna au p ilais, et porta
un mémoire apologétique qu'il avait fait faire
pendant la nuit ; je n'en sais pas le contenu,
mais à peine fut-il parti, que son fils aine,
qui poitait déjà le nom de François-Xavier,
vint à l'église ilemauder avec emi)ressement
le b iptôme : « Il est à craindre, dit-il, que
l'empereur, touché des longs services et du
grand Age de mon père, lui remette la
peine de l'exil ; si cela était, je désespérerais
presque de ma conversion : il reviendrait du
palais chargé de tant d'ordres pour arrêter
le progrès de la religion dans notre famille,
que mes autres frères et moi serions liés
par de nouvelles chaînes bien plus difficiles
à rompre. Il n'y a plus à délibérer, je veux
désormais vivre et mourir chrétien, et ne
pas abuser davantage de la bonté et de la pa-
tience de Dieu qui m'atlv.nd depuis si long-
temps. » 11 reçut donc cette grâce, de même
que son neveu, fils du huitième frère et
chef de sa famille, depuis la mort de son
père, et qui n'a pas eu le même bonheur.
Après ces deux princes, trois domestiques
du second fils, qui devaient accompagner
leur maître dans son exil, furent aussi ré-
générés dans les eaux du baptême.
« Pendant ce temps-là, le régulo présen-
tait son mémoire au président du tribunal
des princes; mais il fut fort surpris d'enten-
dre les nouveaux reproches que ce prési-
dent lui fit de la part de .'empereur : « Le
sixième et le douzième de vos enfants, lui dit-
il (ce sont les princes Louis et Joseph), ont
embrassé la loi chrétienne et ont fourni de
l'argent pour bâtir une église ; vous en avez
encore d'autres qui ont imité leur exemple :
que n'employez-vous votre autorité pour
les détourner, ou que ne les défériez-vous à
l'empereur? On saura les ranger à leur de-
voir puisque vous ne savez pas les gouver-
ner. » Le régulo répondit qu'à la vérité le
troisième, le dixième et le onzième de ses
enfants s'étaient faits chrétiens, mais qu'il
avait ignoré leur dessein, et qu'aussitôt qu'il
en avait été informé il les avait chassés de
sa présence, et que pendant trois ans entiers
il avait refusé de les voir; que s'il ne s'était
pas fait leur délateur, c'est qu'il n'avait ni
assez d'esprit, ni assez de capacité pour dis-
cerner si cette loi est vraie ou fausse. Ses
excuses furent inutiles, on lui tourna le dos
et on le laissa là jusqu'au soir. Le septième
jour, il retourna encore au palais, et il y de-
meura presque tout le jour aussi inutile-
ment que la dernière fois. « Allez, partez,
595
CHI
:m
m
lui disait-on. corrigez-vous t-t l'empereur
YOns fera i;r;1ce ; » mais on ne lui disait pas
de quoi il devait se corriger. Le même jour
j'allai dès le matin à l'église des Pères por-
tugais, me doutant bien que j'y trouverais
quelques-uns de ces princes chrétiens qui
m'instruiraient de l'état des choses. Efl'ective-
ment, j'y trouvai les princes Jean, François,
Paul et Jean -Baptiste, avec le fils unique du
prince Paul. A;4é de 17 ans, qui attendait
qu'on lui conférât le saint l)aj)tôrae. Quoi-
qu'il l'eût demandé plusieurs inis et avec de
grandes instances, on le lui avait toujours
diU'éré, soit à cause de son Age et du danger
qu'il y avait qu'il se laissAt pervertir [)ar les
autres princes du môme sang encore infi-
dèles, soit parce qu'il demeurait encore chez
le régulo son grand-père, qui l'avait élevé dès
Je berceau, qui l'aimait tendrement et qui
eût porlé les choses à quelque éclat, s'il eût
su qu'il était chrétien. D'ailleurs, il n'était
pas inutile chez le régulo; il parlait à ce
■vieillard avec une liberté que tout autre que
lui n'eût osé prendre, et il l'entretenait sans
cesse des vérités de la religion : un jour, il
l'avertit que le médecin qu'il entretenait
dans sa maison venait de mourir (c'était un
vieuK chrétien de la province de Houquain);
le régulo lui répondit, en se servant de l'ex-
pression ordinaire des chrétiens, savoir
« que Dieu l'avait recueilli. — Oui, reprit le
jeune homme, Dieu l'a recueilli, mais il faut
savoir que nous mourrons tous comme lui:
grands et petits, jeunes et vieux, personne
ne peut éviter la mort; mais tous iront-ils
dans le même endroit? L'enfer est la de-
meure éternelle des infidèles, qui ont refusé
le baptême et rejeté la loi de Dieu; les chré-
tiens iront au ciel où ils jouiront d'éternelles
délices. Oh ! si vous saviez ce que c'est que
l'enfer; nulle ex|)ression n'en peut égaler
l'horreur. » Le régulo, qui ne voulait i)as
essuyer le reste du sermon de ce jeune
prince, lui imposa silence; mais il n'en
était pas plus timide, et il saisissait toutes
les occasions de lui rinnetire devant les yeux
les grandes vérités du christianisme. Ce
jeune homme fut baptisé et nonmic Michel.
Le régulo, qui s'ait"!idait toujours à quel-
que f ivorable retour du côté de l'empereur,
alla au tribunal des princes pour s'inform^T
si Sa Majesté n(,' sT-tait point radoucie. Il eut
pour toute réponse ((ue i'empenmr avait vu
son mé noire, et qu'il n'avait (pi'à partir, et
sans délai. Sur cela le régulo, no firenant
plus conseil qu(i de lui-mèun;, crut (pie pour
apaiser l'eriiriereur, il devait lui livrer c(;u\
qui étaient (J(;verius l'objet de sa colèr(; et de
son indignation, afin qu'il en fit telle justice
qu'il lui plairait.
« (^'esl une t;outume établie chez les Mant-
choux de livrer leurs (infants à l'em[)('r(!ni',
(piand il se jdaint de leur conduite. Aussi-
tôt qu'il fut de retour à son luMel, il ('nvoya
clierctu-r ses (ils et ses odiciers ; il fit ap-
porter dej, (diairies et d'un >ig'ie de main il
'»nl(jnna (ju'on les mît au prince Jiîan, (pii
les i(!(;ut sans dire un seul mot; il indifpia
de iiieino iepriiie»! l'aul : l'oMicier s'approcha
pour le lier ; mais ce prince, repoussant de la
main les chaînes, dit d'un ton ferme qu'il n'a-
vait offensé ni le ciel ni la terrani l'empereur,
ni son père, et qu'il priait du moins qu'on lui
dît pour quelle raison on voulait l'enchaîner.
Son père, ne répondit rien et se contentant de
baisser les yeux, son silence faisait assez C(m-
naitre l'embarras où il se trouvait : sur quoi
le prince Jean prenant la [)arole : « Ne voyez-
vous pas, lui dit-il, que tout notre crime est
d'avoir embrassé la religion clirélieine? —
C'est cela miîme, reprit le [irince Paul, qui^ je
voulais qu'on me (lit clairement :je i-ecevrai
volontiers ces chaînes pour une si bonne
cause, et de la même aiain qu'il les avait
rejetées, il les reprit, et aida à se les mettre.
Le prince Fran(jois qui, dès sa jeunesse,
avait un commencement de surdité, n'en-
tendit pas bien ce qui se disait, mais jugeant
du traitement qu'on lui préparait par ce qu'il
voyait, il n'attendit pas qu'on vînt ji lui; il
sortit (le sa place et alla se présenter aux ofii- '
ciers qui, sans antre ordre, le lièrent comme
ses deux frères. A la fin de cette scène, le
régulo se leva et retourna au palais de l'em-
pereur pour y rendre compie de ce qu'il ve-
nait de faire. Avant que de partir, il ordonna
à un de ses officiers, infidèle, d'aller dans
tous les hôtels de ses enfants et d'enjoimlre
à leurs domestiques ciu'ils eussent à détruire
promj)tement les chapelles et les oratoires, et
à ramasser les images, les croix, les chapelets,
pour les rejiorter à l'église. Pendant que le ré-
gulo était au palais, les trois princes chrétiens
qui restèrent avec leurs gardes ne doutaient
pas qu'on ne les conduisît bientôt au tribu-
nal des princes pour y snbir l'intorrogaloire ;
ils en ressentaient upe sainte joie. Ils avaient
rédigé une apologie de la religion chrétienne
pour la remettre à ce tribunal, mais les, mis-
sionnaires craignant l'éclat, les en avaient
dissuadés.
'( Les princes étaient entrés pour lors dans
ces raisons de prudence, mais ils cnu-ent
qu'elles cessaient dans les circonstances pré-
sentes et que le temps était venu de rendre
un témoignage public aux vérités de la reli-
gion. Le prince Jean et le prince Paul s'en-
tretenaient de la sorte, tandis ([uc le prince
Fran(;ois, cpii se promenait dans la salle ,
montrant ses phaînes à ses d()mesli(iues et à
ceux de son père : <( Vous voyez ees fers, leur
disait-il, je les estime plus ciue toutes les ri
chessps de l'univers; gardez-vous bien de
me plaindr(; ou d'apjjréhender pour vous le
iiiêun! soit; le plus grand bonheur (jui puisse
vous arriver, c'est d'être e iciiaînés et d»; souf-
frii' (•omm(Mious pour la cause de Jésus-
Christ. On nous a condamnés à l'exil : ah!
p'ûl il Dieu (jue ce fût à la mortl Quel bon-
liein- serait-ce j)our nous do voirabiéger le
(lieuun du ciel, d'êlre tout d'un coui» déli-
vres des misères de cettt; vie et transportés
da is c(! litni de délices où Di(ni même em-
ploie loule sa puissance h récompenser ses
saints I » Il [tarlait encore lors(|u'un de ses
(loniesli(iues, envoyé p ir la priniuïsse son
('•ii'Mise , vint l'avcirtir de rordr(> du'avail
(bniiié le régulo d'enlever les imajies, Ion
9»1
CIB
cm
>98
croix et les autres symboles de la piétô cliiYi-
tienno. Il ue répondit qu'en récitant d'un
ton ftînuo le premier précepte du Décalo^ue:
Yous adorerez If Sri(jneur voire Dieu, et ne
servirez qm lui seul. « Ou'cci ne louche à
rien, ajouta-t-il, avant que ces chaînes tom-
bent par ma mort ou (juc j'en sois délivré
d'une autre manière ; moi-même, je mettrai
ordre h tout. » Le prince Jean-Baptiste, qui
était présent, Ht une réponse un peu plus
dure; il en fut repris doucement par le
prince Jean son oncle : « faites attention, lui
dit-il, que nous devons plus que jamais
ménager la faiblesse de bos domestiques
chrétiens; il faut si peu de chose pour aflfai-
blirleur courage, surtout lorsqu'ils voient
leurs maîtres couverts de chaînes ; ce no sont
encore que déjeunes arbres ([u'on vient de
transplanter : le moindre vent peut les abat-
tre. »
Cependant le régulo , qui était allé au
palais adn de demander <i qui l'empereur
souhaitait qu'il remit ses enfants ponr en
faire justice, ne fut pas reçu comme il l'es-
pérait; le président l'ayant enicndu, ne parut
pas content de sa démarche. Soit que, con-
naissant la fermeté de ces trois illustres
néophytes, il vît lùen qu'ils ne reculeraient
pas et qu'on s'engagerait avec eux dans une
dispute de laquelle il serait diiïicilo de sortir
avec avantage; soit gu'il craignît que l'em-
pereur ne poussAt l'alfaire trop loin, et qu'en-
suite venant à s'en repentir, il ne le rendît
responsable de sa trop grande sévérité; soit
par quelque autre motif que j'ignore, il ne
voulut jamais se charger d'en faire le rapport
à Sa Majesté : « Tout est fini, lui dit-il, vous
êtes instriiit de la sentence qui a été portée,
il ne vous reste plus d'autre parti à prendre
que celui d'obéir et de vous corriger, vous
et vos enfants. » Comme on lui ajouta qu'en
cas d'amendement ils seraient tous avancés,
mais qu'autrement ils seraient punis sévè-
rement, il ne s'agissait plus que de savoir de
quoi il fallait se corriger, et c'est ce qu'on
ne voulut jamais lui dire. Le régulo ne se
voyant pas plus avancé par une démarche qui
avait tant coûté à sa tendresse, retourna à
son hôtel et fit ôter les chaînes à ses enfants
sans leur dire un seul mot. Le prince Xavier,
son aîné , prit cette occasion de lui repré-
senter de nouveau ce qu'il lui avait déjà dit
tant de fois, que de toutes les familles de
Pékin, il n'y en avait aucune qui eût reçu de
Dieu des faveurs plus singulières; que le
traitement qu'on lui faisait éprouver ne
devait pas lui paraître une disgrâce , mais
qu'il devait le regarder comme un effet de
la miséricorde infinie de Dieu qui cherchait
à le sauver par la voie des souffrances. Animé
qu'il était de ce feu divin, qu'il venait de re-
cevoir auba])tême, il continua de dire à son
père les choses les plus louchantes. Le prince
Jean, les larmes aux yeux, regrettait la perte
de ses chaînes et l'occasion qu'il avait man-
qué? de souffrir le martyre. Il voulut parler,
mais sa faiblesse et les sanglots lui coupè-
rent la parole; le prince Paul, son cadet, y
suppléa : « A ce trait, dit-il, ne reconnais
se;«-vous pas le monde qui a été jus(pric'
votre idole? Quoi de plus ingrat? il oïdjlie
les plus longs et les plus impoitanls services.
Quoi de plus injuste? ce n'est nullement la
raison qui le conduit. Quoi, enlin, de plus
trompeur? il n'a que des ap[)ai('ncos qui
éblouissent. Mais nous donnAl-il des bi(ms
réels, quelle en est la solidité? Tout ce qu'il
a et ce qu'il peut donn-^T n'est qu'une vapeur
qui se dissipe à l'insliint et dont à la lin il
ne reste qu'un souvenir inutile. Dieu, au
contraire, est grand, libéral dans ses dons,
magnili pie dans s(.'s proun^sses et îidôle aies
exécuter. Voulez-vous tout à coup goûtei
une paix que rien ne puisse altérer et vous
remplir d'une force supérieure à tous les
événements? attachez-vous uniquement à
Dieu; adorez-le, servez-le de la manière
dont il veut être adoré et servi; en un mot,
faites-vous chrétien. Vous avez avoué tant
de fois (pie celle icligion est bonne; dites-
moi , y en a-t-il quelque autre qui soit ca-
pable de donner ce zèle et celte ardeur que
vous nous voyez, qui nous fait pleurer et
gémir depuis si longtemps, sur le danger où.
vous êtes de vous perdre éternellement? Ehl
que vous servira-t-il d'avoir eu ce grand
nombre d'enfants que vous aimez avec tant
de tendresse , s'il arrive que vous soyez
éternellement séparé d'eux pour n'avoir pas
voulu reconnaître et servir le même maître? »
Le régulo, se voyant ainsi assailli de tous
côtés, porta ses deux mains à la tète, et s'ap-
puyant contre la muraille, il y demura
attaché sans répondre un seul mot. Cette
posture fit connaître à ses enfants qu il ne les
écoutait pas volontiers, et que le temps de
sa conversion n'était pas encore venu, ce qui
les obligea de se retirer. Malgré le danger
auquel exposait une persécution qui ne pou-
vait plus être ignorée de personne , neuf
femmes de la même maison , toutes bien
instruites et sur le point de suivre leurs
maîtresses en exil , vinrent à l'église de la
Sainte-Vierge demander et recevoir le saint
baptême. Cependant presque tous les parents
du vieux régulo lui conseillèrent de ne plus
avoir recours aux mémoriaux ni aux apolo-
gies; qu'il lui fallait tenter une autre voie
plus capable de iléchir la colère de l'empe-
reur; c'était d'aller encore au palais, d'im-
plorer sa clémence et d'y rester dans une
posture humiliée jusqu'à ce qu'il eût reçu
quelque réf)onse; qu'on ne manquerait pas
d'avertir secrètement Sa Majesté de l'état
d'humiliation où il se tiendrait; et que sans
doute , touchée de son grand âge, de ses
longs services et des marques de son repen-
tir, elle prendrait des sentiments de bonté
et de douceur à son égard, et que le pardon
ne tarderait pas à venir
« Le régulo n'était pas élo'gné de prendre
ce parti; ses enfants chrétiens l'appréhen-
daient fort, sans oser néanmoins ouvrir la
bouche pour l'en détourner : ils se conten-
taient de conjurer la femnôte par leurs con-
tinuelles prières , car ils désespéraient de sa
conversio 1, s'il obttnait quelque adoucisse-
ment qui lui rendît îa liberté de demeurer à
509
cm
CHI
«00
la cour. Dieu permit qu'un ami du réguïo,
en qui il avait une entière confiance, désafv-
|)rouvàt fort ce dessein, comme indigne do
son âge, de son rang, de sa réputation et de
ses services; ainsi il ne fut plus question de
retourner au palais. Comme il n'y avait [loint
eu de défense de visiter cette famille avant
son départ, pre«quo tous leurs proches, leurs
alliés et leurs amis s'acquittèrent de ce de-
voir; c'était un flux et reflux continuel de
seigneurs qui inondaient le quartier; nous
n'( sAmes pas aller les voir, parce que nous
étions instruits qu'il y avait des gens postés
pour é[)ier tous ceux qui entreraie:it dans
leur maison. Le parti que je pris, fut de leur
é.M'ire une lettre en langue tartare sans la
signer, où je tAcliais de les fort fier en leur
insjiii-ant les sentiments qu'il fallait prendre
dans d s conjonctures si tristes : je l'adres-
sais au ))rince Jean, et je la lui envoyai par un
catéchiste qui lui portait de ma part quel-
ques présents de dévotion. Ce catéctiiste
avait un talent rare de bien parler de Dieu,
et il était accoutumé à voir de grands sei-
gneurs. 11 sav;dt que ces princes étaient
chrétiens, mais il ne les avait jamais vus; il
les visita l'un après l'autre. Quanti il vint me
rendre compie de la commission dont je
l'avais chargé, je trouvai un honnne trans-
porté hors de lui-môme : « Ahl mon Père,
s"écria-t-il dans une espèce d'enthousiasme,
chez quelles personnes m'avez-vous envoyé?
Eh ! quelles paroi fS de consolation pouvais-je
porter à des gens qui ne respirent que les
croix et les soutlrances? J'ai vu des saints
qui parlent de Dieu avec une éloquence toute
divine; je n'ai eu autre chose à faire qu'à les
écouter et à admirer la vivacité de leur foi ;
ils ne tiennent à aucune des choses de la
terre; ce qui les touche uniquement, c'est
que, dans le lieu de leur exil , ils n'auront
point de missionnaires pour leur administrer
les sacrements. Vous ne sauriez croire avec
quel sang froid ils m'ont entretenu de leur
départ; non, si je n'avais pas vu moi-même
ces seigneurs, je n'aurais jamais ajouté foi à
tout ce ou'on aurait pu me dire de leur cou-
rage et cie leur vertu. »
« Ce môme jour, le prince François dé-
j)ôclia un (le ses eunu ^ues aux missionnaires
pour leur den;an ier la permission de caté-
ciiiser et de hapti-er dans le lieu de son exil ,
où il ne prétendait pas, disait-il , aller inu-
tilement; et il les priait de lui envoyer, de
toutes les églises, le |)lus qu'on |)0u; rait trou-
ver de [letiles images, de croix et de chape-
lets. Que ne doit-on pas attendre du zèle de
ce fervent néophyte, qui |)art pour une terre
étrangère, animé de la plus ardente charité
ftour le salul de ceux (ju'il y trouvera? Un
de nos Pères lui ayant témoigné condjien il
él.iil touché de ce (pi'il était devenu un peu
.sourd, il lui l'épondil, (ju'au c<jntraire , il
remerciait le Seigneur d<; lui avoii' envoyé
une infirmité, parce que;, comme elle le ren-
d.iit jtnili!e poiii- le monde, elle lui laissait
une hhcrté filière de penser h Dieu et de ne
^ervil• (pi(î lui. Le leii.iemain, le régulo en-
voya cherrherlaprinccîsse Françoise, épouse
du prince Joseph; pendant son absence , il
dépêcha un de ses officiers infidèles avec
ordre de visiter sa maison et do pénétrer
mêmejusquedans la chambre de la princesse,
de ramasser tout ce qu'il trouverait de croix,
de chapelets et d'images, et de les brûler au
milieu de la cour. Cet ordre sacrilège fut
exécuté ponctuellement : tout était déjà con-
sumé lorsque la jH-incesse reto-irna à son
hôtel. A la vue de ce monceau de cendres,
elle pensa tomber en défaillance, et elle ex-
prima sa d )uleur par les cris les plus lamen-
tables, ce qui fit croire aux voisins qu'une
douleur si excessive ne pouvait être que
l'effet du dé,'laisir que lui causait l'exil;
elle ne se consola que quand ses oeaux-
frères chrétiens lui euren' promis <le la dé-
dommager de sa perte en partageant avec
elle ce (ju'ils avaient. Ils firent en mMie
temps réflexion que le régulo pourrait or-
donner une semblable visite dans leurs mai-
sons; et pour ne point exposer les croix et
les images tjui leur restaient à être profanées
par des mains idolâtres, ils renvoyèrent les
plus grandes à l'église et ne gardèrent que
les plus petites, ou celles qui pouvaient ai-
sément se cacher ; après quoi ils allèrent
tous ensemble exhorter de nouveau leur
père à embrasser le christianisme ; mais ils
ne purent rien gagner sur son esprit. Cette
journée finit par le baptême de trois domes-
tiques, dun de ses enfants catéchumènes.
Le jour suivant il y en eut encore quelques-
uns de baptisés et d'autres qui se purifièrent
dans le sacrement de la pénitence.
« Le 13, le régulo et tous ses enfants de-
vant aller à la sépulture de leuis ancêtres ,
et étant obligés de passer près de l'église des
Pères portugais, qui é'ait sur leur chemin,
le prince Pa il, le prince Jean et le prince
Michel partirent de grand matin, vinrent à
l'église, y entendirent la messe et reçurent
Notre-Seigneur; le deuxième fils du second
fils du régulo y reçut le baptême et fut
nommé Jean-Baptiste, comme son cousin ;
son père était toujours catéchumène : il
souhaitait fort d'être baptisé avant que de
partir; mais le soin de ses affaires domesti-
ques, que les autres négligeaient, l'engagea
(ians tant de délais qu'il en [lerdii l'occasion.
Ce môme jour, vingt dames, suivantes des
maisons de ces princes, vinrent se confes-
ser; enfiti tous ceux qui avaient la liberté de
sortir, (lue'hjue embarras qu'ils eussent d'ail-
leurs, trouvaient le temps de venir à l'église.
11 y eut même uni) princesse qui , dans la
crainte qu'aucun des missionnaires ne [)ùt
aller chez elh;, se rendit à l'église des fem-
mes avec ses suivantes, aimant mieux s'ex-
l)oser à la censure et h la malignité des dis-
cours pid)licsquede p rlir sans le secours des
sacrements. Un Père portugais dit la messe,
l(! IV, chez le |)rince Xavier, et lui donna la
comniunion, ainsi (pi'à la princesse» Thérèse,
à Pi(Mr(! leur second lils, à Agnès leur belle-
lille, et à plusieurs autres. Le 1*. Suarèsollicia
le mêiiKî jour dans la chapelle du prince
Paul.
« L«^ L*), le régulo partit pour se rendre
I
601 eut
flu lieu do son exil avec ses enfants , ses
petits-fils, SOS arrières-[)etits-tils, au nombre
de tronte-sopt, sans coniptor les princossos,
femmes ou tilles (pii éj:;,alaiont presipic co
nombre, et environ trois cents (Join('sii(|ues
de l'un ot do l'autre soxe, dont la [)lus jurande
partio avait roçu lo ba|)lôme; plusiours autres
étaient encore catéchumènes ; fuuto do temps,
ils ont été obligés d'attendre qu'ils ftisscMit
arrivés au termo de leur voyage |)Our se faire
bap.'isor. Deux jours avant leur départ, le
bruit se réfiandil qu'il y avait ordre (le visi-
ter exactenu3nt tous les équipages au passage
'delà grande muraille. Sur cet avis, les dames
cachèrent tout ce qu'elles pouvaient de leurs
meubles de dévotion dans les doublures de
leurs habits, dans les chevets de lit, et dans
les autres choses qu'elles croyaient n'être
point sujettes à la visite. Deux d'entre elh'S,
oui ne pouvaient cacher aisément les cilices
dont elles usaient, paraissaient fort allligées
de ne pouvoir les emporter. Leur confesseur
les (ionsola en leur faisant dire que les fati-
gues du voyage qu'elles entreprenaient pen-
dant les ardeurs de la canicule, et les mon-
tagnes affreuses qu'elles auraient à traverser
leur tiendraient lieu de cilice, et qu'il leur
sullisait d'endurer toutes ces peines avec
patience et résignation à la volonté de Dieu.
« Le jour même que ces illustres exilés
arrivèrent au terme qui leur était marqué ,
le prince François-Xavier passa à une meil-
leure vie, à l'âge de cinquante-neuf ans.
Quand il partit , il se sentit fort oppressé
d'un asthme qu'il avait depuis quelques
années; nous apprîmes la nouvelle de sa
mort au retour des porteurs de chaises dont
il s'était servi. Quoique ce fussent des infi-
dèles, ils ne cessaient de louer sa patience
et la douceur avec laquelle il les avait traités.
Le prince Paul écrivit au P. Suarès la lettre
suivante : «Je suis en peine de la santé des
PP. Suarès, Fridelli, Kegler, Parennin , Sla-
vick. Bouvet et de tous vos autres Pères. 11
n'y a qu'un peu plus d'un mois que je vous
ai quittés et ce temps m'a déjà paru une an-
née. Par la grâce de Dieu, il ne nous est
arrivé aucun accident durant notre voyage.
Le seizième de la sixième lune, à deux heures
après midi, Dieu appela à lui notre frère Fran-
çois-Xavier ; un vomissement de sang lui
ayant ôté l'usage de la parole, il ne lui était
pas [ossible de réciter les prières ordinaires;
mais nous voyant à ses côtés, il nous faisait
signe de la tôte qu'il entendait celles que
nous récitions pour lui; c'étaient les prières
des agonisants : cinqjours auparavant, il lui
avait pris un vomissement semblatde , et
f»our lors il nous pria instamment de dire
es priè.es que les chrétiens ont accoutumé
de réciter pour ceux qui sont à l'article de
la mort; il fit son acte de contrition et nous
témoigna par ses larmes , la douleur qu'il
ressentait de ses péchés. Selon que je puis
juger, je crois que Dieu lui a fait miséricorde;
je prie cependant tous vos Pères de dire ia
messe à 1 autel priviL'gié, et de réciter les
autres prières de l'Eglise pour notre frère
François-Xavier; ce sera un double bienfait^
cm
C02
s'ils veulent bien lui accorder leurs suffrages,
aussitôt i(ue vous les aurez informés de sa
mort. Quoique j'aie pc^u soulfe-t dans ce
voyage, cependant, connue il s'est fait avec
beaucoup de précipitation , je crains bien
d'avoir commis i)lusieurs fautes; je su|)plie
tous les Pères de prier Dieu qu'il mes les
pai'ilonne , qu'il me fasse la grâce de bien
garder ses commandements et qu'il me dorme
la force de vaincre les ennemis de mon salut.
J'aurais bien autre chose à dire que le pin-
ceau ne peut achev.'^r; vous en pourrez juger
par celles que j'ai dites. — Paul, dixième
de la famille , a écrit ; cacheté le 23 de la
sixième lune. Michel vous sa'ue. »
« La nouvelle de cette mort nous causa
plus de joie que de douleur, parce qu'il nous
parut qu'elle d(!vait être très-précieuse aux
yeux de Dieu. Quel bonheur, disions-nous,
pour ce prince! A|)rès trois ans de prépara-
tion, il est baptisé le 6 de juillet; le ik il
reçoit le corps de Notre-Seigneur; il part le
15 pour le lieu de son exil, il en bénit Dieu,
il souffre avec une patience héroïque les
fatigues d'un voyage pénible, dans une sai-
son affreuse, et attaqué d'une maladie mor-
telle, il ne cesse de pleurer ses péchés; enfin
le k du mois d'août, jour de son arrivée au
terme de son exil, il sort de cette vie mor-
telle pour aller recevoir dans le ciel, ainsi
qu'il y a lieu de l'espérer, la récompense de
ses soutrrances et de ses vertus. » {Lettres
cdif., vol. Il, pag. 337.)
Le 2 janvier 1723, le vieux régulo mourut.
L'empereur envoya au lieu de leur exil
deux mandarins, pour dégrader les princes
de la qualité de princes du sang. Peu après,
le P. Fan, jésuite chinois, vint leur admi-
nistrer les sacrements, et les trouva toujours
résignés et fervents. En 1726, l'empereur les
fit incorporer comme simples cavaliers dans
ses troupes, et les fit loger, eux et leurs fa-
milles, dans des casernes. Bientôt un juge-
ment intervint contre le vieux régulo qui,
quoique mort, fut condamné. On déterra ses
os pour les brûler et les jeter au vent. Plu-
sieurs de ses fils et petit-fils au-dessus de
quinze ans furent condamnés à être mis à
mort, les autres à être dispersés dans les
provinces.
Ce qu'il y a de surprenant, c'est que l'em-
pereur, en fra(>pant le troupeau, n'inquiéta
pas les pasteurs, les laissant dans sa capitale,
et leur donnant môme parfois audience. Du
moins cela dura jusqu'en 1732. A cette épo-
que, tous les missionnaires de Canton, ecclé-
siastiques, dominicains, franciscains et jésui-
tes, fure.it renvoyés de cette capitale et ré-
légués à Macao, ville qui appartenait au roi
de Portugal. « Nous eûmes recours, dit le
P. Mailla, à l'empereur, pour le supplier de
permettre, du moins à trois ou quatie mis-
sionnaires, de demeurer dans la ville de Can-
ton, afin d'y recevoir les lettres et autres
choses qu'on nous envoie d'Europe pour
nous les faire tenir sûrement à Pékin. L'em-
pereur ayant a.imis en sa présence cinq mis-
sionnaires de Pékin, commença d'abord par
justifier la conduite que ses mandarins
«es
GBI
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«84
avaient tenue à Canton; il dit ensuite qu'il
ii'avait consenti à l'expulsion des mission-
naires qu'après de vives instances, réitérées
jusqu'à tro:s fois parées mandarins; que les
accusations étaient si gi-aves cpi'il n'avait pu
s'empêcher d",-ic(i!ii(.'scer àleurjuj;ement; que
du reste cela ne nous iini)ortait guère, à
nous qui restions à Pékin, parce que les
vaisseaux européens devant faire désormais
leur conimerce à Mac.io, il nous serait plus
avanta.;eu\, (|ue ceux cjui ])r(Mrient s(un de
nos alfaires demeurassent là qu'à Canton,
oi!l ces vaisseaux ne devaient plus revenir.
Sur la répons- que les gros vaisseaux euro-
péens ne pouvaient pas aborder à Marao, et
que d'ailleurs cetl(î ville ne pouvait pas leur
fournir des vivres, lemperourdit : « Si cela
est vrai, on pout permettre à trois ou quatre
de vos gens de revenir à Canton , pour y en-
tretenir une correspondance. »
« Il ordonna ensuite aux ministres d'Etat
de nous inl.rroger encore sur le même fait,
pour plus grand éclaircissement, et d'envo} er
des ordres au Tsong-Tou et au Fou-yven,
c'est-à-'lire au goiive. iieur général et au vice-
roi d ' la i)rovince de Quang-Tong. Les man-
darins do (Janton, a va il reçu les ordres do
l'empereur, tirent de nouvelles représenia-
tions par un placot encore [)lus violent que
les autres, où ils se déchaînaient avec fureur
contre les missionnaires d»; Pékin, et surtout
contre ceux qu'ils avaient exilés à Macao.
Ils yjoignirent une carte du port df Macao,
qu'ils avaient fait dresser selon leurs vues,
afin de détruire ce que nous avions avancé
à l'empereur. Lorsque l'empereur eut reçu ce
placet , il le remit à ses ministres pour nous
le communiquer et nous demander ce que
nous avions à y répondre. A la lecture qu'on
en fit, nous fûmes saisis d'horreur, tant il
était rempli de fausses accusations et de
calomnies grossières. Nous demandâmes
qu'il nous fût permis d'en tirer une copie,
alin tl'y pouvoir répondre d'une manière
dont Sa Majesté pût être satisfait(;. Quelques-
uns d'eux s'y opposèrent sur ce que l'ordre
du prin.e portail simplement qu'on nous en
fit la lecture, et non pas qu'on nous en don-
nât copie. (Cependant llorlai, ministre d'Etat
tartare, trouva (pi'il n'y avait nul inconvé-
nient à nous le laisser transcrire, et il nous
le mil entre les mains.
0 Nous nousempiessAmesde composer un
mémoire où nous n'oubliâmes rien de ce qui
était nécessaire [)0ur détruire; les imputations
faites contre les missionnaires, et l(;s pi-éjiigés
contre noire sainte religion. L(; |)r(!mierjour
do l'an, qui était le IV f vrier, nous nous
rendîmes au palais pour nous ac(piitler des
cérémonies ((rdinaires en ce jour-là. L'(nn-
ner.-ur, par uni; distinction singiilicro, vou-
lut (|ue nous hîs lissions en sa pi-ésence;
apiès quoi, il lit donmir à chacun de nous
deux tle ces bourses (ju'on port*; aux deux
colés de la ceinture, dans chaciiu d s(|n('lles
il y avait une demi-once d'argent. 11 nous lit
.servii' Oii.suite une tab t; garni(i de viande, de
poissons et de laitag(;. [Jn accueil si giac,i(mx
de la purl de ce jniuco lit juger (juil avait lu
notre réponse et qu'il vouiait, par ces mar-
ques d'honneur, acloucir le chagrin que nous
avaient causé les fausses et injustes accu-
sations des mandarins de Canton. Sans que
nous ayons pu avoir de nouvelle audience,
le prince partit pour aller faire les cérémo-
nies du printemps à la sépulture de l'empe-
reur Kang-hi son père, laquelle est à trois
jonrnées de Pékin. 11 partit sans qu'il nous
lût permis de le voir. Au retour de Sa Ma-
jesté, quelques-uns des missionnaires allè-
rent au ))alais pour s'informer de l'état de
sa sanlé. L'empe.eur leur fit dire qu'il se
portait bien, et qu'il ordonnait à ceux des
Européens qui entendent le mieux la langue
chinoise, et qui sont le pus instruits des cou-
tumes de l'empire, de se rendre au palais le
lendemain ou le jour suivant. On ajouta (jue
Sa Majesté voulait qu(^ Se-Li-Ke, c'est-à-dire
M. Pedrini, inissioninire de la Propagande,
fût du nombre. Nous y allAmes le lendemain
18 mars. Nous y trouvâmes l'empereur avec
deux ministres d'Etal. 11 parla de nous ren-
^oyer de laChine, parce que nous défendions
d'honorer les ancêtres après leur mort. Tout
le temps qu'il pa la, il eut constamment les
yeux altacnés sur M. Pedrini, et l'on oût dit
que c'était principalement à lui qu'il adressait
la parole. C'est ce que nous lui fîmes remarquer
au sortir de l'audience, et il nous répondit
qu'en i^lfet, du vivant de l'empereur Kang-hi
et avant qa'Yong-tching son (ils montât sur
le trône, il avait souvent disputé avec lui
sur cette matière. Nous dressâmes un acte
de celte audience pour l'envoyer à Home,
aûn qu'on jugeât si dans ce danger extrême
où était la mission, il n'était pas à propos
d'ordonner aux missionnaires de se confor-
mer aux permissions accordées par le sainl-
siége,et que son légat apostolique M. Mezza-
Barba, patriarche d'Alexandrie, leur avait
laissées avant son départ de la Chine pour
l'Europe. C'est ce que le prélat jugea abso-
lument nécessaire, en publiant une lettre
pastorale, par laquelle il enjoignait à tous les
missionnaires de se conduire selon ces per-
missions , sous peine de suspense , ipso
facto, de tout exercice de leurs fonctions.
« Tel (îsl l'acie que nous dressAines : « Le
18 de mars de l'année 1733, tioisième jour
de la sp-co ide lune, nous fûmes apfielés au
palais. Comme il ne nous était point encore
venu de réponse à la requ;He (pie nous avions
[irésentée au sujet des missionnaires exilés
de (Canton à Macao, nous augurâmes favora-
blement de celt'^ audience qui nous était ac-
cordée; mais l'espérance (pii nous llattait
ne dura guère, puiscjue bien loin de per-
niettu! le retour d(!s missionnaires à Canton,
il s'agissait de nous chasser nous-mêmes de
Pékin et de Ifiul l'empirc!. ('e fui vers midi
(} i(! nous parûmes dcwant reinperenr, on pré-
senc(î diîdeux principaux minisiKvs pcjur être
t •moins de ce (ju'il avait à nous dire et pour
exécuter ses ordres. A|irès nous avoir parlé
d(; la loi clu('tieiine, (pi'il dis.iit n'avoir en-
core ni défi'iidiK; ni pcrmisis il en vint à un
aulr(î article, surleipud il insista princi[>ale-
meiil : u Vous uu rendez aucun hoiuieur à
605
CHl
CHI
«0$
vos parents et à vos ancêtres défunts, nous
(jit-il ; vous n'allf^z jamais à leur sé|)iilluio,
co qui esl un»; iin|ti<Uô très-grande; vous no
faites pas plus do cas do vos parents (jue
d'une tuile qui se tnuivo <\ vos pi(!ds; té-
moin cet Ourhiiett, qui est de lu l'ainillc im-
[)ériale (le prince Joseph, conf(îsse;r de Jésus-
Christ). 11 n'eut pas jilutàl end)r.iss ': vulro
foi, (ju'il perdit tout r(>s[)L'cl pour ses aneé-
ti-es, sans qu'on ait jamais pu vaincre son
opiniâtreté; c'est re (pii ne peut se soullrir.
Ainsi, je suis obliji;é de |)roscrire votre loi
et de la défendie dans tout mon empire.
Après cette dclense, y aura-t-il quchiu'un
qui ose l'embrasser? Vous serez donc ici
sans occupation , et par conséquent sans
honneur. C'est [)Ourquoi il faut vous retirer.»
« L'empereur ajouta plusieurs auti'es ciio-
ses peu imf^ortanlt's, mais il revenait tou-
jours à dire que nous étions îles im[)ies, (jui
refusio'"!? d'ho'ior; r luis [larenls, et qui ins-
pirions le môme méj)ris à nosdiscipIes.il par-
lad fort rapidement et d'un ton d'assurance,
qui ne prouvait que trop (juïl était convain-
cu de la vérité des reproches qu'il nous fai-
sait, et que nous n'aurions rien à répli(iuer.
Lorsque ce prince nous eut laissé la liberté
de parler, nous lui répondîmes d'un air mo-
deste, mais avec toute la force que l'iniïo-
cence et la vérité inspirent, qu'en l'avait mal
informé; que tout ce qu'on lui avait rap-
porté était de pures calomnies et de ma-
lignes inventions d'ennemis secrets , qui
clierchaient à nous rendre odieux et à nous
perdr • dans l'esprit de Sa Majesté; que lo-
bli;^ation d'honorer ses parents nous est pres-
crite par la loi chrétienne, et qu'elle en est
le quatrième commandement ; que nous ne
pouvons pas prêcher une loi si sainte, sans
apprendre h nos disciples à s'acquitter de ce
devoir indispensable de piété. « Quoi! nous
dit rera[)ereur, vous visitez la sépulture de
vos ancêtres ? — Oui, sans doute, répondîmes-
nous, mais îîous ne leur demandons rien et
nous n'attendons rien d'eux. — Vous avez
donc des tablettes, dit le prince? — Non-
seulement des tal)lettes, dîmes-nous, mais
encore leurs portraits, qui nous rappellent
bien mieux leur souv;'nir. » L'empereur pa-
rut fort étonné de ce que nous lui disions;
après nous avoir fait deux ou tro s fois les
mêmes questions, qui furent suivies des
mêmes réponses, il nous dit : « Je ne con-
nais pas votre loi, je n'ai jamais lu vos livres;
s'il est vrai, comme vous le dites, que vous
n'êtes point contraires aux honneurs que la
pieté filiale prescrit à l'égard des parents,
vous pouvez demeurer ici. » Puis, se tour-
nant vers ses ministres : « ^'oilà des faits
que je croyais constants, leur dit-il, et ce[)en-
dant ils les nient fortement. Examinez avec
soin cette affaire, informez-vous exactement
de la vérité, vous en ferez ensuite votre
rapport, et je donnerai mes ordres. »
Après cela, les ministres examinèrent les
livies que leur donnèrent les missionnaires
contenant la doctrine, et un placet rédigé
par eux. Un des docteurs chargés de l'exa-
meu. (iit : « Si l'on n'est pas saint, diiiieile-
ment peut-on observer cettoloi. » l^'empereur
im s'est |>as contenté de fuire examiner nos
livrcîsdans le tribunal de ses nnnistres; nous
avons su qu'il les avait fait leiuellre entre
les mains d(, qu(^l(|ues Tio-diang et de quel-
(|ues Tao-Ssée (ce soûl les ministres de deux
sectes idolAtres), du premier président du
tribunal des rites, et du prenner président
du tribunal des censeurs de l'euqtii-e, alin
de pouvoir y trouver (jueh^ue prétexte plau-
sibl t de condamner noire sainte rcdi^ion, et
de nous chasser tous de son empire. C'est
apparemment dans la même vue qu'il adon-
né ordre à (piatre cnseurs de l'empire d'être
attentifs à la conduite des chrétiens, de les
interroger sur les pratiques de leur religion,
et en particulier sur les céiémonies établies
h la Chine, à l'égard des [)arents défunts.
C'est ce (pie nous avons appris do (|ueli[ues-
ui;s de nos chrétiens qui ont subi ces inter-
rogatoires, et qui, se r;q)pelanl les jiermis-
sions accordées par le saint-siége, ont ré-
pondu d'une manière dont les censeurs ont
paru satisfaits. Entin, après plus de cinq
mois, les ministres auxquels nous avions
remis quelques-uns des livres qui traitent
de la religion, nous les renvoyèrent sans
nous faire dire un seul mol de ce qu'ils
en pensaient, ni des dispositions où était
l'empereur k notre égard. Ainsi , nous
sommes toujours dans le même état d'in-
certitude sur le sort d'une mission au-
trefois si florissante, qui se trouve mainte-
nant sur le penchant de sa ruine et prête à
périr; notre unique ressource est dans la
miséricorde du g^ and maître que nous ser-
vons. » {Lett. édif.,l. Il, p. 368.)
Youfig-Thing mourut le 17 octobre 1735
sous le règne de son fils Khian-Loung. Le
premier ministre Ma-tsi, lié depuis trente-
six ans avec le P. Parennin, lui envoya dire
de dresser proraptement une requête, pour
demander le rétablissement de la religion et
des missionnaires , rien n'étant plus raison-
nable, et l'empire ne possédant pas de plus
honnêtes gens que les Européens. On ne
changea dans celte requête que deux où.
trois caractères qui paraissaient trop f irts
contre Mouan-pao , ancien Ïson-Tou du
Fo-Kien, dont les démarches , concertées
du reste avec Young-Tching, avaient fait
chasser les missionnaires des provinces.
Mais le seizième régulo s'opposa à ce que le
mémoire fiit remis à l'empereur. Les Jésui-
tes, en attendant une occasion favorable,
ajoutèrent de nouvelles prières et d'autres
bonnes œuvres aux messes votives qu'on
disait tous les jours dans leurs trois églises,
depuis le 18 mars 1733, que Young-ïching
avait été sur le point de les ^envoyer en
Europe.
Sur ces entrefaites, le mandarin Tcha-
sse - hai renouvela , dans une accusation
formelle contre le christianisme, toutes les
accusations que d'autres avaient avancées
avant lui, insistant pour que les ^îantchoux
et les Chinois qui étaient sous les bannie! es
n'eussent pas la liberté de se faire chrétiens.
Le seizième régula, si défavorable § la re-
«07
cm
CHI
608
quête des Jésuites, présenta l'accusation du
iiiandarin à l'empereur : en conséquence, il
fut arrêté au mois d'avril 173G, que les chefs
des bannières exhorteraient les nouveaux
chiétiens à abjurer la foi, et les puniraient
en cas de refus; qu'àl'é^^ard des Européens,
que l'on cons-rvait à Pékin, à cause de leur
habileté dans les science»;, le triuunal des
rites leur défendrait d'attirer les soldats des
ba-uiières et le peuple à leur religion. Les
fidèles remplirent aussitôt les églises pour
se disposer, par la réception des sacrements,
à soutenir la persécution qui commença le
jour même. A la réserve d'un très-petit nom-
bre, que rap[)areil des supplices intimida,
ils donnèrent les marques d'uie intrépidité
et d'une constance héroïque au milieu des
plus cruels tourmen's. Dans c'tte extré-
mité, les jésuites prirent le parti de faire
remettre leur requête à Kian-loung, par le
frère Castigiione. Né Tan 1G98, en Italie,
des talents qu'il perfectionna sous des maî-
tres habiles auraient pu lui faire tenir un rang
distingué parmi les peintres de sa patrie;
mais une piété tendre et son goût pour l'é-
tat religieux lui firent préférer l'humole
état de frère coadjuteur, dans la famille de
saint Ignace. Envoyé à Pékin, il y passa la
plus grande partie de sa vie, occupé des
travaux que lui imposait son service à la
cour. Young-Tchinget Khian-loung employè-
rent assidûment son pinceau, et lui prodi-
guèrent les marques les plus flatteuses d'es-
time et de bienveillance. Khian-loung ve-
vait presque tous les jours voir travailler le
frère qu'il se plaisait à entretenir.
Le 3 mai 1736, il alla comme h l'ordinaire
s'asseoir auprès de lui. « Le frère quitta son
pinceau, ditParennin, et prenant tout à coup
un air triste et interdit, il se mit à genoux,
où après avoir dit quelques paroles entre-
coupées de soupirs, sur la condamnation de
notre sainte loi, il tira de son sein notre mé-
morial enveloppé de soie jaune. Les eunu-
ques de la ijrésence tremblaient de la har-
diesse de ce frère, car il leur avait caché
son dessein. L'empereur l'écouta [)Ourtant
tranquillement, et lui dit avec bonté: « Je
n'ai pas condamné votre religion ; j'ai dé-
fendu simplement aux gens des bannières de
l'embrasser. » En même temps il ht signe aux
eunuques de recevoir le mémorial , et se
tournant du côté du frère C;istiglione , il
ajouta : « Je le lii-ai, soyez irancpiille, et con-
tinuez de peindre. » Quand nous apprîmes
le succès d" notre mémorial, nous fûmes
ijien consolés, jugeant (pie par la lecture
qu'en ferait l'en'iiiereur il se mettrait au fait
(le ce qui regarde notre sainte religion.....
Cependant nous voyions bien (|ue, soit
qu'il eût été surfiris, soit qu'il n'eût pas fait
les réllexions nécessaires sur l'accusation de
Tcha-sse-hai..., il ne reviendrait (pu; très-
diflicilemerit de la résolution (}u'il avait
|irise... IJien qu'on ne sût pas (iu(,'l or-
dre il nous avait donné, (|U(!l(pies-uns des
mandarins usèienl de modér;ilion env(!rs
l(;s chrétiens ; d'autres continuèrent encore
quelque temps leurs veiations ; mais en-
fin la persécution fut assoupie, après avoir
duré environ deux mois, k L'éclat que l'on
faisait alors, pour obligf^r les chrétiens des
bannières de renoncer à la loi de Dieu, ne
mit po'nt obstacle à la réhabilitation des
exilés, fils et pe'its-(ils,de Sour-Miana, aux-
quels on accorda la ceinture rouge, comme
transition à la ceinture jaune,
A peine respirait-on à Pékin de la persé-
cution qu'on suscita en l'année 1735, contre
la religion chrélienne, qu'il s'en éleva une
nouvel e en l'armée 1737, dont les suites fu-
rent plus fâcheuses et p'us capables d'arrê-
ter le progrès de la foi. Voici ce (jui y donna
lieu : On n'ignore pas qu'à Pékin on expose
un grand nombre de petits enfants qui
meurent la plupart faute des secours né-
ces^^aires. Il est vrai qu'il y a des char-
rettes établies par autorité publique pour
ramasser ces enfants et les transporter dans
des espèces d'hôpitaux où l'on enterre
ceux qui sont morts et où 1 on doit prendre
soin des vivants ; mais presque tous meurent
de misère. Un des plus grands biens et le
plus solide que fassent les missionnaires
est de procurer le baptême à ces pauvres
enfants. Les jésuites qui sont attachés aux
trois églises chrétiennes de Pékin ont depuis
longtemps partagé entre eux les div-rs lieux
où on les transporte ; ils ont chacun des caté-
chistes entretenus pour aller leur conférer le
baptême. Il n'y a point d'année qu'on ne bap-
tise environ deux mille de ces enf;mts.
Lieou-Eul , catéchiste des Pères portugais,
s'occupant à ce saint exercice, fut arrêté
dans l'hôpital et conduit au tribunal lu gou-
verneur de Pékin. On linterrogea dans plu-
sieurs séances sans lui trouver d'autre crime
que celui d'être chrétien ; c'en était un
dans l'idée d 3 ce gouverneur, à cause des dé-
fenses qui avaient été faites, soit la première
année (lu règne d'Youg-Tching en 17-23, soit
la première année du présent règne, en 1736,
d'embrasser la religion chrélienne. Il ren-
voya donc cette alfaire au tribunal des cri-
mes et il y lit conduire le catéchiste Lieou-
Eul avec Ï(;hin-Si, qui était gardien de
l'hôpital, et Ly-Si-Eou qui s'était l'ait le dé-
nonciateur de l'un et de l'autre. Lorsqu'ils
arrivèrent , Ou-che-san , mandirin Mcint-
cheou, ne peut retenir sa joie ; il y avait
longtemps (pi'il souliaitait que qucl'|ue af-
faire concernant la religion chrétienne lom-
bAt entre ses mains. Il lit comparaître L'eoa-
Eul et lui ht (piantité de questions ca^utieu-
ses aux(piel es le chrétien répondit avec
beaucoup de sagesse. Mais comme l'inten-
tion de ce juge était de le condanin r à la
mtjrt, il le lit appli(iuer ;» la (jueslion, dans
l(! dessein de lui faire avouer cjue les Euro-
péens attiraient, ?1 force d'argei.l, les(Miinois
à leur religion ; les lourmenU ne purent ar-
raclnn- h Lieou-Eul l'aveu d une si grossière
calomnie. Le président Manlcheou de co
tribunal, égdenunit ennemi du c listianisme,
le !ii m(,'ttr(ï d<! nouveau h la toi lure, (lue ce
généreux ( hrélien soullVil avec beaucoup do
fermeté et (h; courage. Naschtou, c'est le nom
do ce président, aurait poussé les choses plus
009
CHI
CHI
CIO
loin, s'il n'ei^t 6t(^ nommé doux jouis <^p^^s
Tsong-tou ()ug<)uvei'iieui'g!^ii(''ral do Nankin.
Ou-clic-san no poursuivit pas ootto allau'o
avoc moins do vivacité; il voulait absolu-
ment l'aire mourir le chrétien, et il y aurait
réussi si so'i collùguo ne s'y lût o()posé.
Celte diversité dest'Ulimeut obligea de por-
ter l'atlairo h Suukia, président chinois de
ce tribunal, qui bl;\ma la sévérité outrée
d'Ou-che-s;m. L i sentenco fut «uodérée ; le
chrétien fut condamné h l'ocevoir cent coups
de pan-tsee (c'est le bâton dont on frap[)C
les coupables), h [jorter la cangue pondant
un mois, et ensuite à recevoir oMCOro '[ua-
rante coups de |)an-tsee. La sentence de ce
tribunal, envoyée au tribunal du gouver-
neur de Pékin, était conçue en ces termes :
« Le tribunal de lling-pou, c'est-à-dire des
crimes, sur l'airaire de Lieou-Eul, que le
gouverneur de Pékin a fait |)rendre à rhô[)i-
tal des Enfants-Trouvés, où il vers.ût de l'eau
sur la tète de ces enfants, en prononçant des
paroles magiques. Dans l'interrogatoire qu'à
subi Lieou-Eul, il dit r « Je suis un homme
du peuple, âgé de quarante ans , et du ué-
partement de Ta-hing-kien. Je suis chrétien
dès mon enfance ; ayant su que hors la porte
de la ville noumiée Tsong-ouen-men , au
nord, à la tète du pont, à coté de la barrière,
il y avait une chambre pour recueillir les
enfants abaudoîuiés, auprès de l'hôpital où
on les transporte, et uniquement dans le
dessein de faire de bonnes œuvres, j'y allais
pour les guérir, en récitant quelques priè-
res ; c'est ce que je fais depuis un an. Le
moyen que j'emploie c'est de prendre de
l'eau, u'en verser cjuel pies gouttes sur la
tête de enfants, de réciter en même temps
quelques [)rières, et aussitôt les enfants sont
guéris ; s'ils viennent à mourir, i!s vont
dans un lieu de délices ; c'est une coutume
établie dans la religion chrétienne. Lorsque
je m'occupais à celte bonne œuvre, ds of-
ticiers de justice m'ont arrêté. Ce Tchin-Tsi
qu'ils ont pris avec moi est le gardien de
cet hôpital. Le seul motif de faire des bon-
nes œuvres me portait à lui donner, à cha-
que lune, deux cents petits deniers pour
acheter des petits ()ains et soulager ces pau-
vres enfants ; c'est ce que j'ai fait pendant
treize lunes. Si l'on trouve que j'ai agi par
d'autres vues, je m'offre à soutl'rir les plus
rigoureux chAtnuents de la justice. Oserais-
je mentir en votre présence? 11 est vrai que
]e fais profession de la religion chrétienne,
mais je n'ai pas su qu'elle fût défendue et
je n'ai jamais reçu aucun argent des chré-
tiens. » On rapporte ensuite les réponses du
gardien de l'hôpital et celles du délateur
qui disent la même chose, après quoi on
continue de la sorte : « En examinant sur
cela nos registres , nous trouvons que la
première année de Youg-Tch:ng (c'est-à-
dre en 1723), sur un placet présenté se-
crètement par Mouan-Pao, Tson-Tou de la
province de Fou-Kien, le tribunal des cé-
rémo.iies défendit, sous des peiness évères,
d'entrer dans la religion chrétienne, et or-
donna à ceux qui l'avaient embrassée de la
quitter; maintenant, il paraît par les répon-
ses do Lieou-Eul, dans l'intorrogatoiro qu'il
a subi, que n'obéissant pas h celle loi, et
persévérant dans la religion chrétienne, il
est allé à l'hôpital des enfants, qu'il y a
prononcé des paroles magi(pies en l(!ur ver-
sant de l'eau sur la tête pour les guérir.
Nous le con amnons à recevoir cent coups
do pan-tsee, h porter la cangue un mois en-
tier, et à recevoir ensuite quarante autres
coups de pan-tsee. Pour ce qui est de Tching-
ïsi, gardien de la chambre de cet iiô[)ilal,
il ne pouvait ignorer que Lieou-Eul employait
la magie |)0urles guérir. Son devoir était de
l'empêcher, et il l'a souffert. Suivant la ri-
gueur des lois, il devrait recevoir quatre-
vingts coups de pan-tsee ; on ne lui en don-
nera que trente. A l'égard des deux cents
deniers qu'il recevait à chaque lune [)Our lo
secours de ces enfants, il n'est pas nécessaire
d'en |)arler. Enfin, le petit vase de cuivre où
Lieou-Eul portait de l'eau, sera mis en piè-
ces. Que celte (Jétermination présente que
nous avons prise soit envoyée au gouver-
neur de Pékin et au tribunal de ïou-cha-
yuen, ahn qu'ils la fa^sent connaître aux
cinq déi arteinents de la ville et aux deux
Hienqu'ils gouvernent, et que, parce moyen,
les uns et les autres défendent, sous de griè-
ves peines, à qui que ce soit, non-seuleinent
de fréquenter cet hôpit-d, sous prétexte d'y
guérir les malades, mais encore d'embrasser
la loi chrétienne, avec ordre à ceux qui l'au-
raient embrassée, de l'abandonner ; et que
ces défenses soient afiichées dans tous les
carrefours de leurs districts. Que tout ceci
leur soit donc envoyé et qu'ils l'exécutent
promplement. » Ce fut le vingt-troisième de
la neuvième lune intercalaire, c'est-à-dire
le 15 novembre, que celte sentence fut en-
voyée à ces différents tribunaux. 11 y avait
déjà deux jours qu'elle avait été exécutée à
l'égard de Lieou-Eul qui, dès le 13 no'^ embre,
était à la cangue sur laquelle on avait écrit
ces mots en gros caractères : Criminel pour
être de la religion chrétienne.
Les Pères portugais, voyant que tous les
mouvements qu'ils s'étaient donnés pour
ca'mer cette affaire avaient été inutiles, pri-
rent la résolution de recourir à l'empereur.
Ils dressèrent un placet, et, le 20 novembre,
le P. Kegler, président du tribunal des ma-
thématiques, le P. Parennin, supérieur de
la maison française, et le P. Pinheiro, supé-
rieur de l'Eglise orientale des Pères portugais,
auxquels se joignirent le P. Chaiier et le
frère Castiglione, qui étaient au palais, allè-
rent trouver un des grands maîtres de la
maison impériale, nommé Hay-Ouang, qui
est spécialement chargé des afl'aires des Eu-
ropéens, et ils lui montièrent le mémorial
ou |;lacet qu'ils avaient dressé. Ce seigneur,
que le P. Kegler avait déjà mis au fait de
cet^e affaire, parut fort piqué de ce que le
tribunal des crimes n'avail eu nul égard à
son intercession : il leur dit qu'il avail fait
venir le mandarin Ou-che-san, auteur de tout
le mal, et qu'il lui avait parlé en ces termes :
« Si lu as le pouvoir absolu de chasser tous
m
cm
cm
612
les Européens de la Clihie, tu poux conti-
nuer; sinon tu t'engagod sans une entreprise
qui ost au-dessus de tes Ibices. Qui a or-
dinné a votre tribunal de publier des afll-
clies ? Pourijuoi, ne trouvant point de crime
dans Lieou-Eul, rallaiiuez-vous sur la loi
chrétienne? Révoquez au jihis tôt l'ordre
que vous avez icnvbyé aux ditt'rents tribu-
naux de cette ville, \'t n'y manquez pas ; je
reijois le mémorial des Eur i{)éens cpii se sont
mis h genoux devant moi. » Il dit ensuite
aux missionnaires de lui laisser leur mémo-
rial , qu'il l'examineiait ; (]uils n'avaient
(ju'à revenir dans deux jours, et (ju'd leur
dii-ait s'il y avait quelqu' chose qui dût être
réformé, il u'atteiidit pas jusqu'à ce temps-
là, il le lut le môme jour, et sur le soir il le
rendit au fi'ère Casliglioie, en lui marquant
ce qu'il fallait y corriger. Le lendemain (jui
était le 23 novembre, on le lui porta corrigé
selon ses ordres ; il le reçut avec promesse
de le montrer le jour suivant au président
du tribunal des ciimes ; et qu'au cas qu'ils
refusassent de retirer l'ordre qu'ils avaient
donné, il le ferait passer à l'empereur. Sur le
soir du môme jour, il dit au P.Chalier, qu'il
n'avait pas encore eu le temps de le montrer
aux grands mandarins du grand tribunal des
crimes; on nous insinua ([u'il l'avait faitdans
la suite. Quoi qu'il ert soit, ce tribunal agit
comme s'il n'en avait eu nulle connaissance.
Le 25 novembre, l'empereur partit pour
se rendre à la sépulture de l'empereurCang-
Hi; le grand maître Hay-Ouang le suivit:
ainsi la p, oteclion que nous espérions de ce
seigneur nous manquant pour lors, les man-
darins exécutèrent l'ordre que le tribunal
des crimes leur avait donné. Deux jours après
le départ de l'empereur, on vit à toutes les
portes et à tous les carrefouiS de la ville, de
grands cao-chi ou plai ards contre la religion
chrétienne. Dans chacun de ces cao-chi était
écrite tout au long la sentence du tribunal
des crimes, et on concluait ainsi : En consé-
quence de quoi, si quelqaun s\ivise, sous pré-
texte de maladie, de fréquenlei- riiôpital des
enfants abandonnés, il sera an-été et livré au
tribunal des crimes. Cest pour vous te faire sa-
voir,(lens de bannières et peuples, que nous fai-
sons afficher cet ordre. Que cliacun ait soin de
garderies lois de C empire ;que ceux qui ont erré
reviennent à résipiscenccct reprennent laloidc
i empire qui leur est naturelle; qw s'il s' en trouve
qui suivent en secret cette loi étrangère ou qui
refusent d' g renoncer, ils seront Irès-sévèrement
punis. Le G de la G' lune di; la secumje année
de Kien-long (c'est le 27 novembre IIIH).
Le 2 décembre, l'emp reur étant revenu
de la séi)ulluiede Cang-hi, leslN-res allèrent
au palais pour s^iijformer de >«a santé; ils
(•royaienl y trouver le grand-maitre llay-
ouang, mais il était r(!lourné chez lui sans
venir au palais. Ils y allei cnl le lendemain
vers midi, et lui porièicnl d(-'ux placirdsalii-
chés contre la loi chréiici.n»!. Il leur dit do
venir dans deux jours, (;l (pi'il- pnsenterait
leur mémorial à l'cmi^enjur. On le lit, et co
stMgiieur le remit l\ un de ses écrivains en
lui disant de le porter do sa porta l'eunuque
Ouang, avec ordre de le faire présenter le
jour suivant h l'empereur. Voici la teneur de
ce mémorial : Les Européens Tay-Tsi-hien
(le P. Régler, etc.), oilVent avec un profond
lespect ce mémoiial à Votre Majesté, contre
la calomnie la plus atroce. Nous trouvant
dénués de tout ap|)ui et de toute protection,
à qui aurions-nous recours qu'à Votre Ma-
jesté ? Le 6 de cette dixième lune (27 novem-
bre), lorsque nous nous y attendions le moins,
on vint nous dire que dans toutes les rues,
grandes et petit(^s, de celte ville de Pékin, on
voyait des alliches du gouverneur, des man-
darins des cinq départements, des deux Tchi-
hien et autres juridictions-, en conséquence
d'un ordre du tribunal des crimes, qui pros-
crit la religion chrétienne, ordonne de se sai-
sir de ceux qui la professent, et de les livrer
à leur tribunal pour y être sévèrement punis.
Ce qui a donné lieu à l'arrêt de ce tribunal,
c'est que Lieou-Eul, homme du peuple, sui-
vant la pratique de sa religion, avait versé de
l'eau sur la tôte de quelques petits enfants et
avait récité des prières. Cette pratique est la
porte par où l'on entie dans la leligion chré-
tienne fondée sur la plus droite raison. Nous
n'avions pas encore entendu dire que ce fût
un crime de verser de l'eau et de réciter des
prières, ni que l'un ou l'autie méritât des
châtiments. C'est cependant uniquement pour
cela, et non pour aucune autie raison, que
l'on a donné deux fois la question à Lieou-
Eul; c'est uniquement pour la religion sainte
qu'il a été battu et mis à la cangue sur la-
quelle on a écrit ces mots en gros caractères :
Criminel pour être entré dans lu religion chré-
tienne. Comme nous n'oserions parlera Votre
Majesté du motif qui fait agir de la sorte,
nous le passerons sous silence. Nous, vos lidè-
les sujets, charmés de la réputation de votre
gouvernement, nous sommes venus icipoury
passer le reste de nos jours; ce n'est nue dans
le dessein de jiorter les peuples à lumorer
et à aimer ce qu'ils doivent honorer et aimer,
-et de leur faire connaître ce qu'ils doivent
savoir et pratiquer. Les empereurs de votre
auguste dynastie se sont servis de gens ve-
nus de loin, sans la moindre ditliculté. L'cm-
))eur Chun-chi honora feu ïang-io-ouang (le
P. Adam Schal) du glorieux liti-e de l'ong-
ouei-Kiao-se, ou de maître qui approfondit
les choses les plus subtiles, et le graiilia de
l'iioiiorable inscriptio i (lui sub^i^te entOro
en son entier. L'eini)eieui- Kan^-hi employa
avec un égal avantage Nan-ho li-iiiu (le P.
Vetbii st), le lit assesseur du tribunal des ou-
vrages publics, et le chargea dc> allaires du
tribunal des mathéinaliques. 11 donna à
T(:lnng-Tcinng{le P.Cerbillon) et à l'c-'I'jin
(le P. ïtouvel), une maison en dedans de la
jiorte Si-ng.n-nu'n , et leur y lli bAtir une
église. La Irenlc-uniôme année de Kang-Ui,
le vice-roi de la province de Tche-Kiang
ayant fait défense de suivre, la leligion chré-
tienne, Suge-Sin (le P. Thomas Pereyra) ot
Ngan-To (le P. Antoine Thomas), ( urenl re-
cours à rem))ereur, <pii ordoiuia au tribunal
d(!s iiiinisires de se joindre, à (;elui des céi6-
nioniiset dejugenonjoinlemeul celte all'aii'e.
é)é cm
La sontonce qu'ils pr(»non(•^l•ont fut, qu'il no
fallait pas coiulaïuuur la rt'liyiou (thn'lit'tiiio
ni driVndro à persoiuiedo la pratiquer. Cette
sentence fut enregistrée dans les tribu-
natix, c'est ce (|u'on peut exanuiu3r.Le uuMuo
empereur, la (piarante-ci'Kjuiènie année do
son rèj,ne, doiuia aux missionnaires d.vs pa-
tentes avec le sceau du grand maitre de sa
maison. La cinquantième année, il donna à
l'église qui est au-dcdans de la porte Suen-
ou-men.cetteiiiscription : « Ouan yeou Tcliiiig
yucn, c'est-à-dire le vrai principe de toutes
choses. 11 raccompagna de deux auti'os ins-
criptions pour Ctre |)lacées h côté selon la
coutume; l'une est: Vauchivou tcliong sien
tso hingchhig tchin ff/tufA(/?/,c'est-h-dire sans
commencement, sans tin, et véritable maître;
il a donné commencement îi tout ce (pii a ti-
gurc, et sa providence les gouverne. Et l'autre
est : Suen gen suen y yuc tchao cliing Isi ta
kûien heng, c'est-à-dire souverainement bon,
souverainement juste, il a fait éclater sa sou-
veraine j)uissance en sauvant lis malheureux.
L'empereur, votre auguste père, a fait Taj-
ïsin-hien (le P. Kegler) président du tribui.al
des mathématiques, et assesseur honoraire
du tribunal des cérémonies. Il a fait de môme
Su-meou-Te (le P. André Pereyra) assesseur
du tribunal des mathématiques. Il a donné
ordre à San-to-Min (le P. Parennin) et autres
d'enseigner le latin à plusieurs jeunes gens,
fils de mandarins : ce sont toutes faveurs si
éclatantes et si singulières, qu'elles sont
comme le soleil et les étoiles au ciel, et qu'il
est difficile de les mettre par écrit. Ce qui
nous a remplis d'une nouvelle joie, sire, c'est
queVotreMajesté, montant sur le trône, nous
a honorés d'une protection particulière. Nous
avons appris que cette année, à la troisième
lune, elle a donné un ordre qu'elle a fait
publier dans toute la Chine, oii elle dit clai-
rement que les lois de cet empire n'ont jamais
condamné la religion chrétienne; et ayant
été informée de l'arrivée toute récente de
quelques missionnaires, elle a ordonné de
les faire venir à la cour.
« Lorsque l'on considère tant de bienfaits
que nous avons reçus de Votre Majesté, est-il
Kicile de les exprimer? Elle ne nous regarde
point comme des étrangers, elle nous traite
avec la même bonté que ses propres sujets ;
c'est ce que personne n'ignore. On cite ce-
pendant contre nous Mouan-Pao ; dans quel
dessein? A lahuitièine année d'Yong-Tching,
ce grand prince, à la huitième lune, nous
graliùa de mille taelspourréparer nos églises;
s'il eût été vrai qu'il eût proscrit notre reli-
gion, nous aurait-il fait une si insigne fa-
veur qui tendait directement à la perpétuer?
Dans l'affaire que suscita Mouan-Pao, il n'est
fait nulle mention ni d'afticher des placards
dans les rues, ni de saisir les chrétiens, ni
de les renfermer dans des prisons, encore
moins de leur donner la question, de les
battre et de les mettre à la cangue. Plus nous
pensons à ce qui se passe aujourd'hui à notre
égard, plus nous sommes persuadés qu'on
n'a agi que par des vues particulières et par
une disposition de cœur à nous calomnier et
en
ea
à nous perdre, jusqu'à nous porter con)me
reixilles sous le char de Voti'e Majesté, aliu
de nous déiruire; c'est ca> cpn; nous ne sau-
rions ex[)li<pjer. Suivant les iiiaxirjies de no-
tre sainte religion, nous soulfions tranquille-
ment les injures et les tortsqu'on nous fait,
sans nous plaindre et sans avoir même la
pensée d'en tirer vengeance ; mais il s'agit
ici de l'honneur de la religion que nous pro-
fessons; nous trouvant sans ressource et sans
honneur devant les hommes, et rap[)elant
dans notre souvenir les bienfaits de tous les
empereurs de votre auguste dynastie et ceux,
que nous avons reçus de Votre Majesté, nous
nesaurions lelenimos larmes, etne les [)asrap-
l)eler dans la mémoire de Votre Majesté, en la
conjurant de nous en accorder un qui sera
semblable à ceux d'un père et d'une mère
pleins de tendresse et de bontél Malheureux or-
phelins que noussommes,et destitués de tout
ap[)ui, nous osons lui demander une grâce
singulière, qui est de terminer elle-même
celte affaire, afin que nous ne succombions
])as sous la calomnie de ceux qui ne cher-
chent que notre perte. Dès lors toutes les
calomnies cesseiont; nous regarderons ce
jour comme celui de notre naissance , et
cette lavear comme une année de nouvelle
vie. C'est dans cette espérance que, pénétrés
de crainte et de respect, nous osons offrir
ce mémorial à Votre Majesté , le seizième
jour de la seconde année de Kien-Long, c'est-
à-dire le 7 décembre. »
A une heure après-midi, le grand maître
Hay-Ouang joignit les missionnaires, et leur
dit en langue lartare : « Votre affaire est re-
mise par l'empereur au tribunal des crimes,
afm qu'il l'examine et en fasse son rapport
à Sa Majesté. » A ce discours, les mission-
naires demeurèrent interdits. « Notre affaire,
dit sur cela le P. Parennin, est remise au tri-
bunal des crimes! Eh! c'est ce tribunal qui
nous l'a suscitée. Il est vrai, répondit ce sei
gneur, mais Yn-Ki-Chan, qui était Tson-
tou de la province de Koei-Tcheou, vient
d'être fait président de ce trilmnal à la place
de Naschtou qui est allé à Nankin ; il n'a nulle
part à ce qui s'y est passé. Allez, aile ■jajnula-
t-il, quand cette affaire sera terminée, vous
viendrez remercier Sa Majesté. » Cette ré-
ponse ne tranquillisa pas ces Pères, car enfin,
ils se voyaient en compromis avec un des
plus grands tribunaux de Tempire, qui ne
pouvait manquer d'être piqué de ce qu'on
avait eu recours a l'empereui' contre sa déci-
sion ; ainsi, lolud'espi-rer rien d'avantageux,
ils avaient tout lieu de craindre que si le
rapport de ce nouveau président n'était pas
favorable, il fût plus dfticile que jamais d'en
revenir, à moins d'une protection spéciale
de la divine Providence.
L'événement fit voir qu'ils ne craignaient
pas vainement, car voici quelle fut sa ré-
ponse, présentée à l'empereur le 22 de la
dixième lune, c'est-à-dire le 13 décembre:
« Yn-Ki-Chan, président du tribunal des cri-
mes, et président honoraire du Iribunal de
la guerre, présente avec respect à Votre Ma-
jesté ce mémorial, pour obéira l'ordre qu'elle
61S CHI
m'a donné d'examiner le mémorial des Euro-
pé.vis, et de lui en faire mon iap;)ort. «Après
avoir fait le précis du mémorial présenté
par les missionnaires, et de la sentence
du tribunal des crimes , où il rapporte
les réponses faites par le chrétien et par
le gardien de l'hùpital, il poursuit ainsi:
« Examinant les registres, j'ai trouvé que
dans la douzième lune de la [)remière
année d'Young - Ching , le * tribunal des
rites délibéra sur un mémorial de Mouan-
Pao, ceinture rouge, Tson-tou ou gouver-
neur général des nrovinces de Tche-Kiang
ou Fou-Kien, qui clemandait que la religion
chrétienne fût proscrite, quoiqu'on pût laisser
les Européens à Pékin pour y travailler à
quelques ouvrages, et s'en servir dans des
affaires de peu de conséquence; mais que
pour ceux qui étaient dans les provinces, on
n'en retirait nul avantage ; que le peuple
stupide el ignorant écoutait leur doctrine et
suivait leur religion, se remplissant ainsi
l'esprit et le cœur d'inquiétudes, sans la
moindre utilité : sur quoi il demandaitqu'on
condamnât cette religion, qu'on obligeât ceux
qui l'avaient embrasséed'y renoncer; et que
s'il s'en trouvait dans la suite qui s'assem-
blassent pour en faire les exercices, on les
punît rigoureusement, sentence qui fut ap-
prouvée par l'empereur. De plus, à la troi-
sième lune de la première année de Rien-
Long (1736], les régents de l'empire, les
princes elles grands délibérèrent sur le mé-
morial de Tcha-se-Hay, mandarin de Tong-
Tching-Se, qui demandait qu'il fût fait de
rigoureuses défenses aux soldats et aux peu-
ples d'embrasser la religion clirétienne; i|u'il
s'en t-rouvait dans les huit bannières qui
l'avaient embrassée; qu'on ordonnât h leurs
ofùciers de les punir sévèrement, s'ils y per-
sévéraient, et que le tribunal des rites pu-
bliât, par des placards afiichés dans toutes
les rues, la défense qu'il ferait aux Euro-
péens, d'inviter en quelque manière que ce
lût, les soldats ou le peu()le à suivre leur re-
ligion; sentence que Votre Majesté a a|)prou-
vée, qu'on res[)e.;te et qu'on garde dans les
registres; ainsi la défense faite aux soldats
et au peuf)le d'embi-assrr cette religion est
évidemment une loi de l'empii-e qu'on doit
respecter au dedans et au delior-s.
A l'égard de l'atraire |)résente, un homme
du peu|)le, nommé Licou-Eal, est entré dans
la religion chrétienne, est allé à 1 hôpital des
jielits enl'aits abandonnés, et il a fait usage
d'une eau magi([ue; il a violé en cela la loi,
sa déposition en fait foi; el la loi porte (ju(i
pour un i)areil crime il soit coudaiimé h la
carigue. Les sohJats et le peu[)le ne sont pas
inslruitsdes rigueurs des lois, c'est poui^pioi
il y en a ipji embrassent cctli; rciligion ; il a
donc fillu les leurfairi; conn.iitre (;t «Mivoycr
la sentfMice au gouverneur de l*ékin et aux
mandarins d(;s cinq dép.n-temenls delà ville,
alin (jue h;s tribunaux en aveilisscnt bî pu-
blic |Mi' l(;urs afiiclies ; ([u'on maintiimnc! les
lois dans leur vigueur, el ((u'on réveille les
sliipides. C'est ainsi certainement qu'on doit
faire respecter les lois et traiter les allairos.
CHJ
616
Pour ce qui est de la question à laquelle
Lieou-Eul a été appliqué, on a eu raison de
l'y condamner, parce que l'eau qu'il versait
sur la tète des petits enfants a du rapport à
la magie et en a toute l'ajjparence.Le crimi-
nel ne l'avouant pas, on a dû le mettre à la
question; c'est la coutume du tribunal, fon-
dée sur la raison, alin de dé.nôler le vrai d'a-
vec le faux ; il faut arracher jusqu'à la racine
de toute mauvaise doctrine qui lend à trom-
per les peu|)les. Ce ifest (pie parce que les
Européens ont (quelques c uinaissances de la
science des nombres, que les prédécesseurs
de Votre Majesté, pleins de bonté pour les
étrangers, ne les ont i)as obligés de s'en re-
tourner. Est-ce qu'il leur est [)ermis de ré-
pandre lenr religion dans l'empire, de ras-
sembler de côté et d'autre nos peuples, et de
les jeter dans le trouble par leur doctrine
erronée? Lieon-Eul, qu'on a pris et qu'on a
mis à la cangue, est entré à l'étourdie dans
la religion chrétienne; il n'est point chrétien
européen. Appartient-il aux Européens de
gouverner ceux qui ont embrassé leur reli-
gion? S'il est vrai, comme ils l'ont rapporté
à Votre Majesté, (jue Lieou-Eul, suivant les
maximes de leur religion, ne puisse pas être
examiné par la justice, il ne sera donc plus
permis aux mandarins d'interroger nos Chi-
nois qu'ils auront trompés ? Les mandarins
du tribunal, suivant les lois établies, gou-
vernent les Chinois. Qu'y a-t-il en cela qui
ne soit conforme à la droite raison? Et voilà
cependant ce qu'ils appellent sentiment par-
ticulier et disposition de cœur à les calom-
nier et à les perdre. Y a-t-il rien de plus ab-
surde? Les étrangers des autres royaumes
sont naturellement fort ignorants, c'est ce
qu'il n'est pas besoin d'examiner ici ; mais
pour ce qui regarde le gouvernement dupeu-
j)le, on ne saurait être trop exact et trop sé-
vère pour inspirer du resjject et de la crainte
pour les lois. La religion des Européens ins-
pire beaucoup d'adresse à tromper les gens;
il y aurait de grands inconvénients à lui ac-
corder la moindre libeité : les suites en se-
raient fâcheuses ; on ne peut s'em()ôther de
s'en tenir à nos lois. Voilà, sire, ce que moi,
iidèle sujet de Votre Majesté, après un exa-
men exact, lui ])résente avec i-espect sur la
punition d(; /-tfou-A'<f/, et l'ordre de déAnidre
au peuple, par des alliclies publi(pics, d'en-
trer dans la religion chrétienne, et de jires-
crire à ceux (|ui y sont entrés d'y renoncer :
pi'osterné jus(]u'à terre, je prie Votre Majesté
de ra[)prouver. »
L'empereui- approuva ce mémorial, et, le
méni(!J(>ur, les missionnaires turent appelés
au palais par le gi'aiid madré Hay-Ouang,
pour entendre l'ordre de Sa Majesté, ipii por-
tad (pu! I(! lril)unal des crimes s'était con-
loi'iné aux lois liiées de ses registres ; qu'on
leur laissait la lii)(;rté de faire dans Imirs
églis(!s les (ixercices de Imir religimi; (pi'on
ne voulait pas (pie les Chinois, et surtout les
Tarlar(!s, gens de baninères, en lissent pro-
lessio i; (jne du reste, ils n'avaient (pi'à rem-
pbr hmr^ emplois à l'ordinaii-e. Les mission-
naires écoutèrenlcet ordre à genoux. « Nous
ne sommes pas venus do plus de six mille
lieues, n^pondit le P. Parennin, pour deman-
der la permission d'ôtre cluéliens, d'en faire
les fonctions, de prier Dieu en secret ; la cour,
la ville, les provinces, savent que nous ve-
nons ici pour prôclier la religion chrétienne
et en môme temps rendre à l'empereur les
services dont nous sounnes capables. Les
empereurs, prédécesseurs de Sa Majesté, et
surtout son auguste aujul, ont fait examiner
notre docirine, non par quelques particuliers
ignorants, tels que sont ceuv qui nous ont
accusés sous ce règne et le précédent, mais par
tous les tribunaux souverains, par les grands
du dedans et du dehors, qui tous, après une
exacte discussion et un mûr examen, ont dé-
claré que la religion chrétienne était bonne,
véritable et entièrement e\em[)te du moindre
mauvais exemple ; qu'il fallait bien se don-
ner de garde de la proscrire ou d'empêcher
les Chinois de la suivre et d'aller dans les
églises ; cette déclaration fut confirmée par
l'empereur et publiée dans tout l'empire.
Depuis ce temps-là notre sainte religion n'a
point changé, elle est toujours la môme, nos
livres en font foi ; pourquoi donc le tribu-
nal des crimes fait-il emprisonner les chré-
tiens ? Pourquoi les punit-il ? Pourquoi fait-il
aflicher des placards par toute la ville, pour
obliger ceux qui en font profession d'y re-
noncer? Pourquoi ordonne-t-il la même
chose dans les provinces ? Si c'est être cri-
minel que d'être chrétien, nous le sommes
bien davantage, nous autres, qui exhortons
ies peuples à embrasser le christianisme ;
cependant, on nous dit de continuer nos em-
plois ; mais avec quel front pourrons-nous
désormais paraître? Comment pourrons-nous,
couverts de honte et de confusion, avec le
nom odieux de sectaires et de séducteurs du
peuple, servir tranquillement Sa Majesté? Si
l'on nous disait maintenant: Retournez dans
votre pays, notre condition serait-elle meil-
leure ? On nous dirait en Europe : N'avez-vous
pas comblé d'éloges le nouvel empereur?
dans combien de lettres ne nous avez-vous
pas mandé que ce grand prince récompen-
sait les gens de bien, qu'il pardonnait aux
coupables, qu'il vous traitait aussi bien et
encore mieux que ses prédécesseurs ? Toute
l'Kurope s'en réjouissait, et lui donnait mille
bénédictions : aujourd'hui, vous voilà hors
de la Chine; vous l'avez donc obligé, ou par
votre mauvaise conluite, ou par quelque
faute éclatante, de vous chasser de son em-
pire ? Que répondrions-nous, seigneur? Nous
croirait-on sur notre parole? Daignerait-on
écouter ce que nous aurions à dire pour no-
tre justificatioa? Nous voilà donc dans le dé-
plorable état de ceux qui ne peuvent avancer
ni reculer: que nous reste-il autre chose que
d'implorer la clémence de Sa Majesté? c'est
notre empereur, c'est notre père, nous n'a-
vons point d'autre appui ; pourrait-il nous
abandonner? serions-nous les seuls qui gé-
mirions dans l'oppression sous son glorieux
règne. Et vous, seigneur, qui nous voyez à
vos pieds, daignez lui représenter notre afflic-
tion et nos gémissements, ou permettez-nous
DiGTIONN. DES PERSÉCUTIONS, L
cHl
618
do les offrir par écrit. — Par écrit, non, dit
ce seigneur, c'est une affaire conclue : un
grand tribunal a pailé, on ne peut en reve-
nir.—Mais, répliqua le Père, plusieursgrands
tribunaux avaient parlé, comment en revient-
on aujourd'hui?» Ce seigneur élail réellement
affligé d'avoir agi en faveur des missioruiaires
avi.'c si peu de succès, mais il n'osait rece-
voir aucun écrit : « Si l'on m'interroge, dit-il,
je })arlei'ai etje vous ren Irai service. »
C'est avec cette réponse, dont il fallut bien
se contenter, que les Pères se retirèrent. Le
lendemain, vingt-troisième de la lune, c'est-
à-dire le li décembre, l'empereur se rendit,
sur les dix heures du matin, dans lapparte-
ment où le frère Castiglione était occupé à
peindre; il lui fit plusieurs questions sur la
peinture. Le frère, accablé de tristesse et de
douleur, de l'ordre donné le jour précédent,
baissa les yeux et n'eut pas la force de ré-
pondre. L'empereur lui demanda s'il était
malade. «Non, sire, lui répondit-il, mais je
suis dans le plus grand abattement. » Puis,
se jetant à genoux :« Votre Majesté, sire,
condamne notre sainte religion ; les rues
sont remplies de placards qui la proscrivent;
comment pourrons -nous après cela servir
tranquillement Votre Majesté? Lorsqu'on
saura en Europe l'ordre qui a été donné, y
aura-t-il quelqu'un qui veuille venir à votre
service.— Je n'ai point défendu votre reli-
gion, dit l'empereur, par rapport à vous au-
tres : il vous est libre de l'exercer; mais nos
gens de doivent pas l'embrasser. —Nous ne
sommes venus depuis si longtemps à la Chine,
répondit le frère, que pour la leur prêcher,
et l'empereur Kang-Hi, votre auguste aïeul,
en a fait publier la permission par tout l'em-
pire. » Gomme le frère dit tout cela les larmes
aux yeux, l'empereur en fut attendri ; il le
fit lever et lui dit qu'il exauinerait encore
cette affaire.
Le vingt-quatrième de la lune, c'est-à-diro
le 15 décembre, le grand maitre, Hay-Ouang^,
se trouvant malade, l'empereur fit appeler le
seizième prince, son oncle, pour lui donner
ses ordres ; c'est celui-là môme qui était à
la tète des princes et des grands, lorsque, la
première année du règne de cet empereur, il
fut fait défense aux soldats des huit ban-
nières d'embrasser la religion chrétienne.
Ce prince fit avertir les Pères de se trouver
le lendemain matin au palais. Ils furent fort
alarmés de ce nouvel ordre, parce qu'ils con-
naissaient la mauvaise disposition de ce sei-
zième prince à leur é^ard ; \\s redoublèrent
donc leurs prières pour l'heureux succès
d'une affaire si importante ; et, suivant l'or-
dre qui leur avait été intimé, ils se rendirent
de grand matin au palais; ils y attendirent
jusqu'à une heure après-midi, que le seizième
prince sortît de l'intérieur du palais et vînt
dans les appartements extérieurs oii étaient
les missionnaires. 11 les fit entrer dans une
chambre écartée, et leur renouvela l'ordre
de l'empereur, mais bien plus radouci. « L'em-
pereur, leur dit-il, n'a point défendu votre
religion; Lieou-Eul n'a point été puni parce
qu'il était chrétien, il l'a été selon les lois de
20
619
cm
cm
620
la Chino pour d'autres fautes. » Comme le
fait qu'il niait était (évident, ce prince, pour
donner t^ ce qu'il avançait un air de vérité,
aiouta:« On punit à KtChineles Lamas, les Ho-
chang, les Tsao-Ssé (ce sont trois ditTérentes
sortes de bonzes) qui guérissent les malades
en les touchant h la tôle et récitant des priè-
res. » On conçoit assez ce que l 'S mission-
naires répondirent aune semblable compa-
r.iison; mais sur quoi ils insistèrent le plus,
ce fut sur ce qui' l'ordre qu'ils recevaient do
l'empereur n'était connu que d'eux seuls, et
que n'étant pas signifié au tribunal, il conti-
nuerait à faire mettre des affiches injurieuses
à la religion chrétienne, non-seulement à
Pékin, mais encore dans toutes les provinces
de l'empire, ce (pii autoriserait les mandarins
à tourmenter les chrétiens. « Je vous réponds
du contraire, leur dit-il, soyez en repos ; et
si vous avez sur cela quehiue peine, fiites
un mémorial par lequel vous remercierez
l'empereur, en lui demandant qu'il ne soit
|)lus permis de mettre aucune afiiche con-
traire à la religion chrétienne ; je le ferai
passer à l'empereur, et s'il m'appelle en sa
présence, je lui exposerai toutes vos raisons.»
Les missionnaires, selon le conseil du
prince , dressèrent un nouveau mémorial
qu'ils portèrent le lendemain de grand ma-
tin au palais ; mais ils ne purent voir le prince
qu'à deux heures après midi. Il reçut le mé-
morial, le lut, mais le trouva trop fort: « Il
semble, leur dit-il, que vous vouliez dictera
rem[)ereur ce qu'il doit faire. »
Alors il résolut de h'ur dnnner par écrit
l'ordre de l'empereur, qu'il ne leur avait dé-
claré que de vive voix ; il le dicta à un écri-
ra Il du ttalais et le fit communiquer au
grand miîlre Hay-Ouang qui ra|)prouva.
Les missionnaires le remercièrent et firent
le mémorial suivant pour marquer leur re-
coniiaiss ince îi remp(!reur : « Les Euro-
péens, Tay-S.n-Hien {le P. Kngleri et autres
olfrent avec re3[)ect ce mémorial à A'otre
Majesté , [)0ur la remercier d'un bienfait
inii.j,nft. Le '25 de cette lune, le prince
Tchouang-Tsin-Ouang (nom du seizième
prince;, et le gran i maître Hay-Ouang, nous
oui pui)lié l'or ire de \'olre Aiajeslé qui dit :
<i Le tribunal des crimr's a pris et puni
Likou-Ll'l, pour avoir trunsyressé les lois de
la Chine ; certainement il devait être ainsi
puni ; cela n'a nul rapport à la religion chré-
tienne, ni aux J'Àiropéens. Qu'on respecte cet
ordre. » Nous, vos fidèles sujets, recevons
ce bienfait; pleins de reconnaissance et
jjroslernés jusqu'à terre, nous lui en ren-
dons de très-humbhis actions de gi'ûces, et
nous osons lui liemandei- (jue pai- un elfet
d(; sonc(i3ur bienfaisant, elle ne j)erin(;lle pas
({u'on allichc des cao-chi ou nlacai'ds contre
la religion chrétienne, ut (pi(! le nom de cliré-
liou un .soit pas un litre [)Our pi-endro ou
j»unir peisonm;, alin ([iie nous jouissions du
boidietir de la paix de son glorieux lègne.
0"i ind même nous éjiuiserions t(jut. s nos
forc(!S |.our leconiiattre un tel l)i iifail, nous
n'en pourriotis rec(Minailre jamais la dix-
Uiilbuuiu punie. C'est j.our lui on rondro
grAces que nous lui offrons ce placet, le 27
de la dixième lune de la seconde année de
Kien-Long (iS décembre). »
Le môme .jour, le seizième prince vit ce
mémorial, le lut, en fut content et le fit
passer à l'empereur par la voie ordinaire
des mémoriaux. L'empereur l'approuva dans
les mômes termes et avec les mômes carac-
tères dont il s'était servi pour approuver le
mémorial d'Yn-Ki-Chan, que j'ai ra[>porté ci-
dessus. Sa réponse fut renvoyée au prince
en ces termes : « Ordre de l'empereur : à
Vaveni}., on ne mettra plus d'affiches contre
la religion chrétienne. » Le piince leur in-
tima cette réponse d'un air gai, et comme
ils s'étaient mis à genoux pour le recevoir,
il les tit relever, s'assit et les fit asseoir; il
h ur dit ensuite beaucoup de choses obli-
geantes qu'ils écoutèrent, comme s'ils eus-
sent été persuadés qu'elles partaient d'un
cœur sincère ; il les exhorta jusqu'à deux
fois à continuer chacun leurs occupations,
c'était un ordre de l'empereur; il leur fit
aussi entendre qu'il signifierait aux giands
mandarins du tribunal des crimes la ré[)onse
de l'empereur à leur mémorial, quoiqu'il ne
le leur [)roinît pas en termes exprès. 11 le fit en
elfet, mais sim|)lemenl de vive voix. Quand
les mis^ionnaires furent de retour dans
leur maison, ils jugèrent tous que celle ré-"
ponse, signifiée de l,i sorte, ne suffirait pas,
et qu'il tailait prii^r le prince de la f iire pas-
ser au tribunal dans les formes ordinaires ;
c'est ce qui n'était i^as facile, parce qu'il n'a-
vait pas sur cela un ordre [irécis de r^m[)e-
reur, et que d'ailleurs c'était faire honte h
un des plus grands tribiinaux de l'empire,
de l'obliger à mettre dans ses registres le
contraire de ce qu'd avait demandé à l'em-
pereur, et qu'il avait obtenu. Nonobstant
cette difficulté, qu'ils ne sentaient que trop,
ils ne laissèrent pas de dresser un écrit où,
sous prétexte de remercier ce prince des
peines qu'il avait prises, ils lui demandèrent
cette giAci". Quatre d'entre eux allèrent à
son hôtel pour lui jirésenter cet écrit ; m lis
il s'excusa de les voir sur ce (ju'ils ne fai-
sait que de rentrer chez lui, et il leur fit dira
d'être tranquilles et qu'il avait averti les
grands mandarins des intentions de l'fnupe-
reur. On fut jusqu'au commencemeni de
ranu'o 17;J8sans entendre dire (|uo le tribu-
nal eût faitaucune démarclie sur cette affaire.
VjO no fut que vers le l't janvier qu'on ap-
prit par une voie silre que, dès le 27 décem-
bre, le tribunal des crimes avait envoyé le
mémoiial d'Vu-Ki-(^lian, appiouvé par î'cm-
p('i-eur,au tribunal duTou-tclia-yueiuel dans
toutes les provinces de l'empire, pour y ôtn>
inséré dans tous les registres. Les mission-
naires en furent consternés, car il y avait
tout lieu de craindre une perséculion géné-
ral(! d iiis tout l'empiri^
Le P. Andn'î Pereyra, vice-|M'ovinciHl des
jésuiii's poitugais, (pii (connaissait le tsong-
t(»u ou gouvoiiieur général de la province de
Pi',lc.lie-ly, lui envoya un «alécliislo à son
liôl(!l d(! Pt'kin, où il était alors, pour lui
communi(iucr lu dernier mémorial offert h
m
cm
l'empereur, avec la réponse do. Sa Majesté, et
le prier de ne [tas permelire (pi'oii nialtrailAt
\es clirélit'Ms de son ^onverncnienl. (le nian-
ilarin demanda ponninoi l(vs missionnaires
n'avaient pas lait me' Ire ce mémorial el la
réponse dans les gazelles pid)li(pnvs, où il
avait vu celui dVn-Ki-Clian ; ipi'il n'en fallait
pas davantage pour contenir les mandarins
des provinces. Le catéchiste répondit ([u'ou
avait bien voulu l'y faiie mrllre, mais (jue
le gazelier l'avait refusé, parce qu(i ce mé-
morial n'avait pas été envoyé par l'empereur
au tribunal des ministres d'Etat pour y être
enregistré ! Sur ([uoi Ly-Ouei, c'est le nom
de ce tsong-lou, lit venir un de ses secré-
taires et lui ordonna de prendre le mémorial
et la réponse de l'empereur, et de les faire
mettre dès ce soir-là même dans les gazettes
publi(iues, atin de les faire passer incessam-
ment dans toutes les [)rovinces de rem[)irc.
Eu renvoyant le catéchiste, d lui recom-
manda de\jre au P. Percyra qu'il deva t se
tranquilliser sur ce qui regaidait les chré-
tiens de son gouvernement et qu'on ne les
inquiéterait {)oint sur leur religion. D'un au-
tre coté, le P. Parennin lit imprimer, avec
tous les ornements dont on décoie les ordres
de l'empereur, les trois mémoriaux qui lui
aval nt été olForls ei ses réponses, lis for-
maient un petit livre dont on lit tirer un
grand nombre dexem|)laires, pour les ré-
pandre partout autant qu'il serait possible.
Outre que ce remède vint trop tard pour
])révenir le mal, comme il était dénué des
formaliiés de la justice qu'où n'avait pu ob-
tenir, il s'en fallut bien qu'il pût faire une
impression semblable à celle tpie faisaient
des ordres du triimnal des crimes, appuyés
auparavant de l'au orité de l'empereur. On
ne fut pas, en eifet , longtemps sans en
éprouver les suites (|u'on a[)préliendait. Les
Pèies portugais reçurent une lettre que le P.
Gabriel de Turin, franciscain, missionnaire de
la SacréeCongrégation, leur avait envoyée par
un exprès, où il exposait le tr.S;e état où il
se tri.uvait dans la province ue Chan-si, en
conséquence des cao-chi ou placards ailichés
contre ia loi chrétienne, condamnée par le
tribunal des crimes. 11 mandait qu'il s'était
retiré sur une montagne, dans un antre,
avec ses plus lidèles domestiques, et que,
malgré les précautions qu'd avait prises pour
cacher le lieu de sa retraite, il s'attendait
d'y être arrêté au premier jour, chargé de
chaînes, conduit au tribunal des mandarins,
et peut-être à Pékin, dans les prisons du tri-
bunal dus crimes.
Peu de jours après, le R. P. Antoine de la
Mère de Dieu, franciscain et zélé mission-
naire, arriva au collège des Portugais, dé-
guisé en pauvre, pour n'être pas reconnu ;
il y demeura caché tout le temps qu'il y
resta, disant la messe de grand matin et ne
sortant point de sa chambre le reste de la
>ournée. Il était venu de la province de
Ghan-tong à Pékin, parce qu'en suite des
ordres du tribunal des crimes, tous les lieux
de sa mission étaient remplis d'affiches con-
fere la loi chrétienne j ses néophytes ea
cm 629
avaient été si fort effrayés, que nul d'entre
eux n'osait le rec(ivoir dans sa maison.
Ouinzejours étaient à pcùne écoulés que le
Ù. P. Keri-ayo , franciscain et missiomiairo
de la Sacrée Congrégation, vint pare llement
h Pékin de la |)rovince de Ghan-tong, où il
était, pour y chercher quelque |)rotection
auprès du mandarin qui touinientait les
chrétiens de son déi)artemcnt. Le P. Pein-
heiro, su|)érieur de 1 Eglise ori(!nlale des
Pères portugais, auquel il s'adressa particuliè-
rement, se doima beaucoup de mouvement
pour lui procurer de fortes recommandations
auj)rès des mandarins de sa province, avec
lesquelles il retourna dans sa mission ; et
l'on n'a pas su que le feu de la ijersécution
y ait été tout à fait éteint.
Le 10 août de la même année 1738, la fa-
mille d'un mandarin d'armes^ toute chré-
tienne, arriva do la province de Ghan-si h
Pékin. La pe.sécution, ex(-itée i)ar I ordie
qu'on y avait regu du tribunal, avait con-
traint celte famille de se retirer à Si-ngan-
fou, qui en est la capi aie. Le poste de ce
mandarin n'était point dans cette capitale, il
en était éloigné de huit grandes journé s ;
mais il y avait loué une maison pour loger
sa famille, afin (|u'elle prît soin de son pè e
qui était tiès-àgé et malade, et quelle lui
procurât la consolation de recevoir les sacre-
ments pour le disposer à la mort, qui n'était
])as éloignée. Loisque l'ordre du tribunal
des crimes arriva, on fit la recherche des
maisons où il y avait des chrétiens. Le Tchi-
hien dans le département duquel était !a
maison du mandarin chrétien, eut quelque
soupçon qu'un Euro,)éen s'y était cac é ; il
fit semblant d'ignorer qu'elle a[)pattînt au
mandarin, et il y envoya des officiers de
justice pour la visiter et enlever l'Européen.
M. Goncas , évoque de Lorime et vicaire
apnsloli.jue de cette province, s'y était en
effet relire. Aussitôt qu'on sut, dans la fa-
milL', que les officiers venaient visiter leur
maison, ils firent cacher le prélat dans la
chambre de deux sœurs du mand-irin chré-
tien. Lorsqu'après avoir bien cherché dans
tous les ap.artements, ils s'approchèrent de
cette chambre, les deux sœurs en sortirent
comme pour leur laisser la liberté d'y entrer;
mais n'osant le faire, ils se contentèrent d'y
jeter un coup d'œil du seuil de la porte et
se retirèrent.
Le Tchi-hien, non content d'avoir ordonné
cette visite, quoique depuis la mort du père
du mandarin chrétien il n'y eût plus dans la
maison que des femmes, leur fit dire qu'elles
eussent à renoncer à la religion chrétienne
ou à se retirer d'un lieu qui était de sa ju-
ridiction. Elles firent réponse que leur parti
était pris de retourner dans la province de
Petche-ly, qui était leur terre natale, et elles
se retirèrent en effet à Pékin. G'est d'elles
qu'on tient ces particularités, auxquelles
elles ajoutèrent que les chrétiens de la pro-
vince de Ghen-si étaient dans le trouble et
la confusion.
Au mois d'octobre, Ly-ouei, tsong-tou de
U province de Petche-ly, vint à Pékin à
m
CMi
cm
624
l'occasion du jour où l'on cëlèbre la nais-
sance (le l'empereur, car ce n'est pas à Pékin
qu'il fait sa résidence ordinaire, 11 fit dire
au P. Pereyra de bien recommander aux
chrétiens de la [irovince de tenir une con-
duite si mesurée, qu'il n'eût aucun re|iroche
à leur faire ; et que dix-sept ditféreuts man-
darins lui avaient présenté contre eux des
accusations qu'il avnit supprimées. Dans la
province de Hou-quang, quoique le tsong-
tou, qui est de la famille impériale, soit
chrétien, quelques mandarins ne laissèrent
pas d'afilclier l'ordre du tribunal des crimes
dans les dilïérents départements,
A Siang-yang-fou, qui est une des chré-
tientés, le tchi-hien apprit qu'à la montagne
Moupan-clian il y avait un grand nombre de
chrétiens qui en défrichaient les terres ; il
fit prendre quelques-uns des chefs, se les fit
amener, en lit souffleter un ou deux, et, les
effrayant par les plus terribles menaces, il
leur présenta à signer une déclaration par
laquelle ils promettaient de ne plus entrer
dans la religion chrétienne. Un d'entre eux,
qui se croyait habile, dit que par ces paroles
on pouvait entendre qu'ils ne se feraient pas
rebaptiser, et qu'en ce sens ils pouvaient si-
gner la déclaration : ce qu'ils firent, et ils
revinrent bien contents de s'être tirés si
adroitement des mains du mandarin, A leur
retour, le missionnaire les traita cooime des
apostats; et après leur avoir fait comprendre
qu'il n'était jamais permis de dissimuler ni
d'user de termes équivoques, et bien moins
quand il s'agit de la foi et dans un tribunal
de justice, il leur refusa l'entrée de l'église
et les sacrements. Les chrétiens reconnurent
leur faute et la pleurèrent amèrement ; ils
demandèrent publiquement pardon à tous
les chrétiens du scandale qu'ils avaient
donné, et s'offrirent d'aller au tribunal ré-
tracter leur signature et faire une profession
ouverte du christianisme. Au même temps
Norbert ïchao, mandarin de guerre et fer-
vent chrétien , vint trouver le tchi-hien, et,
après lui avoir fait les plus grands reproches
de sa conduite, il lui demanda l'écrit signé
des néophytes en lui disant : « Ne savez-
vous pas que je suis chrétien? mais ce que
vous ignorez peut-être, c'est que le tsong-
tou de cette province et tous ses officiers
sont chrétiens comme moi. » Le tchi-hien
fui eifrayé à son tour, et , s'excusant sur
l'ordre émané du tribunal des crimes, il |)ro-
mit bien de no plus in(}uiéter les chrétiens.
{LcAi. édif., t. II, p. :n9.)
L'empereur Kliian-long, comme son grand-
père et son père, était enchanié d'avoir- les
missionnaires dans ses Etats. Il |)rolilait de
leurs services et de leurs connaissances dans
toutes les s(;i(;nces, dans tous les arts, L(;
P. (îaubil, jésuite, était devenu l'homme do
]'cm[)irele plus savant, même dans l'histoire,
dans les scienccts chinoises. Le P, H(!noi.st,
homme universi 1, savait tout, ou inv(;ntail
tout pour satisfaire les désirs, les caprices
de ce soiiVi'iain. Il lui construisail des palais
à rt!uro|>é(;tui(î, lui faisait d(;s jardins av(!C
des j(,'ls d'<;au, et des machines hydrauli<j[ues
qui rappelaient A'ersaîlles et Marly; il ensei-
gnait aux Chinois, avec une rare perfection,
la gravure sur cuivre, qu'il n'avait jamais
apprise. Le frère Castiglione et le frère Atli-
ret faisaient d'admirables peintures pour
l'ornement des palais impériaux. Cependant
l'empereur avait le mauvais vouloir ou la
faiblesse de tolérer des persécutions et quel-
quefois d'en faire. Ainsi, en 174-6, il s'en al-
luma une que nous allons raconter.
C'est dans la province de Fou-kien que
cette persécution a pris naissance ; celui
qu'on en dr)it i-egarder comme le principal
aute ir est le fou-yven ou vice-roi de cette
province. Les accusations formées contre le
christianisme se réduisent à sept chefs :
1" que la religion du Seigneur du ciel était
prêchée par des Européens qui ne pouvaient
se trouver et demeurer dans l'empire que
contre. l'S ordres de l'empereur; 2° qu'on
engageait le peuple à entrer dans cette reli-
gion par l'espérance d'un paradis et la crainte
d'un enfer; 3° qu'on choisissait, parmi les
chrétiens les plus attachés à leur religion et
à toutes ses pratiques, un certain nombre de
chinois pour les mettre, en qualiié de caté-
chistes, à la tête de cinquante chrétiens ;
4° que les chrétiens n'honoraient ni leurs
ancêtres, ni même Confucius, mais qu'ils
rendaient toutes sortes d'honneurs à un
étranger nommé Jésus ; 5° que les mission-
naires avaient établi, i)armi les chrétiens, la
coutume de venir leur déclarer secrètement
toutes leurs fautes et tous leurs péchés, deux
fois l'année ; 6° que les filles et les femmes
chrétiennes affectaient de ne point porter
des habits de soie et de ne point orner leurs
têtes de fleurs el de pierreries, et que parmi
les filles il y en avait qui renonçaient pour
toujours au mariage ; 7° que dans quelques
maisons des chrétiens, il y avait des murs
do blés et autres retraites pr-opres h tenir
cachés les Européens, et que ceux-ci assenn-
blaient, dans de grandes salles bâties exprès,
les chrétiens et les chrétiennes, leur don-
naient un certain pain à manger, un certain
vin à boire, et les oignaient d'huile Ce
sont, en substance, les accusations envoyées
au vice-roi ; elles ont servi de matière aux
interrogatoires qu'on verra se n'itérer si
souvent pour trouver des motifs à une sen-
tence de 3ondamnation. On a aussi employé
l'accusation de; magie, tant de fois mise en
œuvre, dans la Chine et ailleurs, contre les
prédicateur-s de la re.igion chrétienne.
{Lett. édif., t. 111, p. 2.)
Le viee-r-oi envoya ce procès-verbal h l'of-
ficier Fan, h Fnu-ng^n. Celui-ci lit partir si-s
troupes en. trois bandes pour tra(]uer et
j)i cndr-e les Européens, Les deux premières
jtiirenl dairs la ville onz(î chr-iUiermes, une
rrrariée, deux veuves et huit vierges vouées
à Dieu, |)lus cinri (;hréliens parmi lesquels
un a|)oslal eonculirn.iu-e. L,i tr-oi.sième bande,
.illant au village de Mo-yang, prit deux chré-
tiens (pri allaient aver-tir' cirKi ririssionnaires
c/iehés dans ce village, Pieiie-Martyr Sanz,
évê(jire de Mauricastre, les PP. Uoyo, Alco-
ber, iîcrrauo ut Diuz, tous dominicains. Au
625
cm
cm
626
jour, on conduisit h Fou-ngan les prison-
niers et ce (iiii appartenait aux raissio-inai-
res. Le P. Alcober, tpio la torture empochait
de marcher, fut pris et porK^. On mit en pri-
son six chrét eus. Huit femmes chrétiennes
furent placées dans une chambre ;» |)art. Le
P. Alcober fut lo^^é chez le gouverneur. Le
lendemain, le gouverneur fil comparaître les
chrétiens et les chrétiennes. Tous r. 'fusèrent
de dire où était lévéque. Mais l'apostat
concubinaire dit qu'il demeurait avec les
missionnaires chez la veuve Miao, l'une des
prisonnières. Cette femme et neuf autres
prisonnières furent cruellement tourmen-
tées. Kien ne put les faire parler. Une on-
zième, épouvantée de l'appareil des tortures,
dit ce qu'elle savait, et qu'on l'avait faite
chrétieime par importnnité et malgré elle.
On la fit reporter en chaise chez elle, avec
plusieurs pièces d'étoffe de soie pour récom-
pense. Cet interrogatoire dura jusqu'à la
nuit. L'officier Fan tourmenta si cruollument
les chrétiens, que le gouverneur lui en fît
des reproches. Mais lui, fier de ra|)pui du
vice-roi, lui dit qu'il mollissait dans les de-
voirs de sa charge. La nuit, six chrétiennes
torturées refusèrent de parler ; une ser-
vante, cédant à la douleur, mena les soldats
au lieu où étaient les PP. Serrano et Diaz.
L'officier leur demanda vainement où était
l'évéque. 11 fit donner des soufflets au P. Ser-
rano et la torture au P. Diaz. Deux infidèles
qu'on voulait forcer à dénoncer les Euro-
péens, furent rudement frappés et empri-
sonnés plusieurs jours. Le chrétien qui lo-
geait l'évéque lui dit : « Vous me compro-
mettez; mon voisin Ambroise Ko a été tor-
turé quatre fois, ses biens sont confisqués,
il est en prison ainsi que les siens. — Mon
ami, dit l'évéque, sommes-nous venus ici,
tout ce que nous sommes de missionnaires,
pour nO(S intérêts ou pour les vôtres ? Si
nous sonnues une occasion innocente des
maux qu'on vous fait souffrir, ne sommes-
nous pas prêts à les partager avec vous, ou
même à les prendre tous sur nous? Mais
vous allez être satisfait. » Il sortit et passa
la nuit dans un jardin, où les soldats passè-
rent deux fois sans le voir. Son hôte ayant
refusé, quoi qu'on fit, de le recevoir, il vint
ostensiblement dans le village et fut empri-
sonné le 30 juin. Le P. Royo suivit son
exemple.
Tous les prisonniers comparurent. On dit
à Thérèse : « Qui vous a conseillé la virgi-
nité? — Moi-même, dit-elle. — Combien êtes-
vous de femmes servant aux plaisirs des
Européens? — Cette odieuse question, dit
Thérèse, prouve que vous ne les connaissez
pas. Nous détestons ces horreurs. » Fan fit
torturer Thérèse. Les autres dirent : « Nous
restons vierges par choix volontaire, à l'exem-
ple de Thérèse qui nous y a exhortées. —
C'est vrai, dit cette dernière ; moi seule dois
donc être punie, elles toutes renvoyées. »
Le gouverneur se tournant alors vers les
missionnaires, demanda au P. Alcober pour-
quoi il était venu à la Chine. « C'est, répon-
dit le Père, pour prêcher la religion chré-
tienne. » Et Ih-dessus il expliqua les com-
mandements de Dieu. L'ofïicier Fan lui fit,
au sujet des prisonnièrcîs, des (piestions que
la pudeur ne permet pas do rapporter. Le
Père lui dit eue des questions si dignes d'un
ministre de èatan ne méritaient pas de ré-
nonse. L'ofiicier adressa ensuite la parole à
l'évéque et lui demanda depuis (jucl temps
il était dans l'emnire. Le prélat lui répondit
qu'il y était entré sous le règne de l'empereur
Kang-Hi, pour faire connaître la sainte loi et la
seule vérilablereligion. lien expliqua ensuite
les principaux points avec tant d'éloquence
et d'onction qu'il toucha et attendrit les
assistants, et avec tant de zèle et de véhé-
mence qu'à la fhi la voix lui manqua. Le
P. Koyo, interrogé à son tour, dit qu'il était
dans l'empire de|)uis trente ans pour prêcher
la même religion. On ne demanda rien aux.
PP. Serrano et Diaz. Le 10 juillet, tous les
missionnaires, cinq chrétiens et la généreuse
Thérèse partirent de Fou-ngan pour être
conduits à Fou-tcheou-Fou , capitale de la
province, distante de cette première ville de
vingt-sept lieues. Ils étaient chargés de
chaînes qui leur tenaient les mains et les
pieds étroitement serrés, et dans cet état ils
furent portés sur des charrettes, suivis d'un
grand norrdjre de chrétiens qui enviaient
leur sort et qui les exhortaient à soutenir la
gloire de la sainte religion. D'autres chré-
tiens accoururent aussi de divers endroits
pour leur offrir, à leur passage, des rafraî-
chissements. Les infidèles venaient en foule
de toutes parts, attirés par la nouveauté du
spectacle. Les uns chargeaient d'injures les
saints confesseurs de Jésus-Christ, les appe-
lant magiciens, impudiques, scélérats, fils
du diable, et leur donnaient tous les autres
noms que leur malice leur suggérait. Quel-
ques autres se montraient compatissants et
reprenaient les premiers. « 11 suffit de les
voir, disaient-ils, pour reconnaître leur in-
nocence ; des hommes coupables des crimes
qu'on impute à ceux-ci ne sauraient avoir
cet air respectable que nous leur voyons. »
A leur arrivée dans la capitale, le vice-roi,
impatient de les examiner, les fit sur-le-
champ comparaître devant son tribunal en-
tre six et sept heures du soir et les y retint
jusqu'à minuit, renouvelant à peu près les
mêmes questions qu'on leur avait faites à
Fou-ngan.
Entre autres interrogatoires qu'il leur fit
à tous, il demanda à l'évéque par l'ordre
de qui il était venu dans la Chine et s'il en-
gageait les Chinois par argent à se faire
chrétiens. Le prélat répondit que le souve-
rain pontife l'avait envoyé pour prêcher la
religion chrétienne. « Pour ce qui est, ajou-
ta-t-il, d'engager les Chinois à l'embrasser
par argent, je suis bien éloigné de le faire.
On m'envoie tous les ans d'Europe ce qui
est nécessaire pour mon entretien et rien de
plus. Ma. manière d'engager ceux qui veulent
m'écouter à se faire chrétiens, est de leur
montrer l'excellence de la religion que je
leur prêche. Je le fais simplement et sans
art; je ne trompe personne, je ne baptise
6-27
cm
que ceux qui le veulent bien ; il faut même
qu'ils le demandent instaminent, et c'est ce
que ne peuvent manq'ier de l'aire ceux qui
con'iaissent notre religion. La Chine ne
so;)stine à la rejeter que p;u'ce qu'elle ne la
connaît pas ; mais elle résiste en vai-i, il
faudra bien qu'elle l'accepte un jour. Ceux
qui vivent conformément aux lois de cette
religion sainte jouiront, après leur mori,
d'une félicité éternelle; et ceux qui auront
refusé opiniAtrément de s'y so uneltre, ne
I)euvent >'viter de tomber dans un abimc de
feux et de su )plices qui n'auront pas plus
de lin que les récompenses des justes ; au
reste, les rangs honorables et les plus hautes
dignités du monde ne [)'nivent mettre [)er-
sonna à c )uvert de cet enfer; vous-même,
m inseigneur, avec toute votre autorité et
l'éclat de la place qni vous élève si fort au-
dessus de la |)lupart des autres hommes,
vous avez à ap|)réhender l'extrèrao malheur
d >nt tous sont menacés, et vous ne pouvez
l'éviter qu'en reconnaissant la vérité et en
suivant la sainte religion. »
Ce discours, si di-ne du zèle d'un apôtre,
ne tarda pas h être payé de vingt-cinq souf-
lleîs que le vice-roi tii donner inlnunaine-
nicnt au saint prélat ; après quoi il ordonna
qu'où distribuAt les trois l)andcs des confes-
seurs de Jésus-Christ dans les prisons de la
ville, ce qu'on n'exécuta qu'avec peine dans
le reste de la nuit. Deux: jours après arrivè-
rent à Fou-ngan neuf autres chrétiens et
cinq chrétiennes, et, le 30 juill t, tous ceux
qui étaient dans les fers comparurent en-
semble devant un tribunal composé de plu-
sieurs mandarins dont chacun était gouver-
neur d'un bien, c'est-à-dire d'une ville de
troisième ordre ou d'une portion d'une plus
grande ville équivalente à une ville du troi-
sième ordre. On demanda aux prisonniers
pourquoi ils s'étaient attachés à la religion
cbrétierme; ils dirent unanimement (}u'ils
l'avaient embrassée et qu'ils voulaient con-
tinuer à la suivre, parce qu'ils la reconnais-
saient pour véritable. Un seul déclara qu'il
y renonçait et protesta qu'il n'avait été jus-
que là chrétien que [tour obéir à ses [jarents,
(jui, étant eux-mêmes de cette religion, l'y
avaient fait entrer et l'y avaient élevé. Ce
discours déplut à l'un des juges : il reprit
aigrement cet apostat et lui dit qu'il mon-
trait un bien mauvais ca'ur ûo vouloir aban-
donner les exemples et les enseignements
de ses jj.irents. Les juges mar(pièrent en-
suite à plus d'une re|)ns(î leur compassion
1)0ur les chrétic'nnes, (!n voyant leurs malus
lorribleuHuit meurtries par les tortures. Ils
adressèrent surlout la parole à la plus jeuiu',
qui y avait été ap|iliquée deux fois. « Oui
vous a si cruelliMuent maltraitée? lui de-
niandèrcnt-ils. — (^est f)ar ordre (h; l'ollicier
Fan, répondit-elle, (jue nous avons toutes
.S(»uirert la (|Uf;slion. — Pour(pioi, lui dirent
les juges, n(! port(!Z-vous sur la tète aucune;
jianire, cOMuru! Ilciws, pi(!rreries et perles?
— l'ont cela ri'(;st qur; vanité, répli(|ua-t-(!lle;
notre sainte rcdigioti nous apprend à uK'pri-
ser la gloiro pa.ssagère et les faux (tlaisiis de
cm 638
cette vie ; tout cela n'est rien encomparai-
son du paradis que nous voulons mériter. »
L'ollicier, dans les instructions qu'il ava't
données, avait accusé les missio n.aires d'im-
pudicité et d'^ magie. L'unique fondement
d'une calomnie si atroce étaient quehjues
remèdes trouvés parmi leurs elfets, et, en
particulier, une caisse d'ossements que le
P. Alcober avait mise en dé|)ôtchez un chré-
tien. L'oilii'ier prétendait, en premier lieu,
f|ue les missionnaires tuaient de [)etits en-
fants et liraient de leurs tôles des filtres 'Pro-
pres h faire consentir le sexcî aux plus iiifà-
mes passions; en second lieu, que l'usage
des remè les européens était d'en em ôc ler
les suites. Les missionnairi'S, interrogés sur
ces deux accusalimis, répondirent qu'elles
étaient toutes deux fausses et que, de plus,
la pre.uière était absurde. « Mais, dirent les
juges, qu'est-ce donc que cette caisse d'osse-
nitmts? qu'en faites-vous, si vous ne vous
en servez pas pour exercer quehiue art ma-
gique?— Ce sont, répondirent les mission-
naires, les précieux restes d'un de nos pré-
décesseurs, 'l'une vertu extraordinaire, le-
quel , sous la dynastie précédente, fut tué
par une ban le de voleurs. Nous aurions
souhaité pouvoir les envoyer en Europe,
dans lo royaume qui est sa patrie et la no-
tre; mais nous n'en avons pas encore trouvé
l'occasion favorable depuis qu'ils nous ont
été remis entre les mains par les chrétiens
3 ni les avaient recueillis. » Kn conséquence
e cette déposition, les juges voulur -ni faire
la visite de la caisse. Ils se transportèrent
hors de la ville, où elle était gardée par des
soldats; et ayant pris avec eux des expei'ls
dont la profession est, à la Chine, d'exami--
ner les cadavres, on trouva les ossements
presque en poussière. L'ollicifT Fan, (pii
était présent, s'en prévalait, comme si c'eût
été un Indice que c'étaient des ossements
de petits eiil'anls. L(îs experts, au coulraire,
disaient (|u'a les voir ou ne fiouvait juger
autre chose, sinon qu'ils étaient d'une per-
sonne morte au moins depuis un siècle. Los
juges ne savaient que décider, lorscju'ti force
d'examiner on trouva un article de vei'lèbre
assez entier pour être mesuré. Sa hauteur
était de ciiKf lignes et demie du pied chinois,
d'où il résultait que les cs^cmeiits étaient
d'une grande peisonne. (Le pied chinois se
divise en 10 pouces Si'uhnnent, et lo pouce
en M) ligues.) Le fm était évidiuit : lit comme
l'ollicier Fan s'ol)sti lait encoi-e à sont, iiir
que c'c'laient des ossements d'enfauls, los
juges lui (Ui tirent des reproches amers et
l'acciisèriMit de mauvai>^e f )l et d'ignoranco.
« 'renons-nous-en, ajoulèrcMil-ils, aux livres
d(!s tribunaux (pii maiipieiit la mesure des
osseiiuuits du coriis humain (;t (pii prescri-
vent la manière dont nous diivous procéihu*
dans CVS sortes de vérilicali(Uis , autrenniiil
nous allons coiiln; les lois, el nous nous ren-
dons coupables d'un crune tpie le ciel pu-
nira dans nos descondants; faites votre rap-
port à votre gré, c'est votre all'aire ; pour
nous, dussifuis-nous iKM'dnt notre cliarge,
nous voulons jugi'r selon ré(iuilé. w Ils clé-
m cm
claiôrent ensuite qu'il était temps do drps«;cr
1 acte do véiilicatioii et de relVriner la caisse,
mais (|ue cIluiim devait y a|»|)osc'r son sceau,
aliu de prtWeiiii' luulo laiisso itiiputalion.
I/odifier protesta (ju'il n'eu ierail ricii et
(ju'il 110 situerait pas le procès-verhd. Ce-
peiuiuMt les ju^^es le foicèienl eiidii à l'aire
l'un et l'autre, et ils appoi lèreul l'acte au
juge criminel de la province, (jui anprouva
et leur [>roc('dé et la sente-u o dans la-
quelle ils déclaraient les missio-uiaires in
ijucents.
De son côté, l'olTicior Fan alla accuser les
juj;es, au()rès du vic(>-roi, de s'être l.iissés
corrompre par argent. 11 lui dit que des chi é-
ticns étaient venus de Fou-nyan avec des
sonnnes considérables, qu'ils avaient lépan-
dues abond nnnent dans les tribunaux, et
que les soldats, les grediers, et géuéra-
lenient tous les ot'lieiers étaient gagnés. Sur
celte accusation, quoiijue de>tituéi! de preu-
ves, le vieo-roi cassa tontes les procédures;
il appela d'autres gouverneurs h la place des
premiers, et il tit venir des villes voisines
d'autres chrétiens, et enparlicul er, la chré-
tieiHie que l'ofticier Fan avait récompensée
pour avoir apostasie, et pour avoir indu}ué
les tiemeures des missionnaires. Cette chré-
tienne se re[)entait déjà de son apostasie;
elle la rétracta alors, et elle accusa l'ofiicier
de la lui avoir conseillée auparavant, en se-
cret, et de l'y avoir déterminée par ses arti-
fices. Le vice-roi ht encore emprisonner des
gentils, arrivés depuis peu de Fou-ngan, et
l'aubergiste qui les logeait. 11 fit en même
temps arrêter des marchands qui portaient
tous les ans, de Canton dans le Fou-Kien, la
'pension pour les missionnaires; et des chré-
tiens qui étaient venus de Fou-ngan, pour
secoui ir les prisonniers, et qui furent con-
vaincus d'avoir donné de l'argent aux soldats,
pour procurer quelques soulagements aux
confesseurs do la foi. Les soldats môme
furent cassés de leurs charges et condamnés
à porter deux mois la cangue; enfin, tout
alla au gré de l'officier Fan. Les chi étiens et
même les gentils furent maltraités selon son
caprice. H mit les uns à la cangue, et con-
damna les autres à la bastonnade ou à être
reconduits chez eux chargés de chaînes. 11
ordonna à six chrétiens d'adorer une idole,
et cinq d'entre eux, ayant refusé constam-
ment de le faire, reçurent, par son ordre, cha-
cun qu.-^rante coups de b;Uon; le sixième eut
la lâcheté impie de lui obéir.
Aussitôt que les nouveaux juges furent
arrivés, ils commencèrent de nouveaux in-
terrogatoires, et ils les réitérèrent à l'infitii,
dans l'espérance de trouver q lelque preuve
de rébefion, dimpudicité ou de mage. On
appliqua le P. Diaz, et ensuite Thérèse à la
torture, sans en pouvoir tirer aucun aveu
qui donnât lieu à une sentence de condam-
nation. On voyait tous les jours les m ssion-
naires revenir de l'audience à la prison, le
visage entlé et meurtri de soufflets. Le
P. Serrano en eut la peau des joues enlevée,
çt le visage tout ensanglanté. M. L'évêque
en a reçu en tout quatre-vingt-quinze, sans
riii
630
qu'on ait ou le moindre ménagf>mont ]ionr
son grand âge. Outre les soufilets, les P. Al-
cobcit et I\oyo ont soulfeit une fois la bas-
ton ade; II! •*. Dia/. l'a so:,ll"orte deux fois, et
deux fois la torture aux pieds.
Cependant le vice- roi pn.'ssriii les jnges
de porter un ari'êt de con<laiunUio i, et il
comimnieait h appeler leurs dél.iis des Icn-
teuis allV'Clées; h^s juges étaient au déses-
poir de ne pas Irvjuver matièr-e à une sen-
tence (pii prtt être de son goilt; enfin ils se
délcnruuièrinit h recommencer les procédu-
res, (pii, poui' cette fois, aboutirent ii ron-
danni'n- les missionn tires (!t (juehpies clné-
ti(ms h l'fîxil, et les autres clirétitMis et chié-
liennes à de moindres peines. L'' mhanas
decesj'iges n'était pas d'a.corder la droi-
ture naturelle avec la condanination qu'on
exigeait d'eux : ils étaient tous résolu- de sa-
crifier la justice h la faveur du vice-roi ou
du moins h la crainte de son ressenliinent ;
mais il fallait garder une forme dans le ju-
gement, et faire parler les lois dans une sen-
tence où ils [)ortaient la sévérité juscju'au
dernier supplice; c'est le parti qu'ils prirent.
La sentence fut dressée et envoyée au vice-
roi qui 11 fit passer à l'empereui'.
Dans le temps que l'on |)Ortait dans le
Fou-Kien cette sentence conîre ces généreux
confesseursde la foi, l'empereur envoyait des
ordres secrets à tous les tsong-tou ou gou-
verneurs do deux provinces, et au fou-yven
ou vice-roi d'une province, de faire toutes
tes diligences nécessaires pour découvrir
s'ils avaient dans leurs districts des Euro-
péens ou autres personnes qui euseignas-
sent une religion appelée Tien-Tchu-Kiao,
c'est-à-dire religion du Seigneur du ciel ; et
de dégrader tous les mandarins subalternes
qui se montreraient négligents à faire par
eux-mêmes les visites convenables, pour
parvenir à abolir une religion traitée de
secte perverse. En conséquence, tout a été
mis en mouvement dans les quinze provin-
ces. Les ordres de l'empereur ont été plus ou
moins fidèlement exécutés , selon que les
tsong-tou et fou-yven les ont dilféremraent
interprétés à leurs inférieurs. Dans plusieurs
endroits, on a emprisonné et condamné à la
torture et à la bastonnade; dans d'autres, on
a pillé les maisons des cljrétiens, et ruiné
leurs familles; la fureur des idolâtres a
éclaté sur tout ce qui a iparteu.dt à la reli-
gion ; saintes imagos, croix, chapelets, orne-
ments d'église, reliquaires, mé lailles, tout
a été la proie des flammes, rien n'a échappé
à leur vigilance sacrilège. L-es livres chm )is
qui traite m de not;e s inte religion, et qui
jusqu'à pi'ésent avaient été éiir.rgiiés ort été
pareiileiuenl condaoïnés au feu. La plupart
des égiises ont été détruites de fond en
comble. Combien en a-t-il coûté aux zélés
adorateurs du vi-ri Dieu, de se voir arracher
par vio ence les marques de leur tendre
piété! Us les ont cachées ou défendues, au-
tant qu'd leur a été possible; mais la persé-
cution les a a-ussi presque partout attaqués
dans leurs personnes. Parmi ceux qui ont
été traînés devant les tribunaux , il s'ea
C31
cm
CiU
152
est trouvé dans toutes les cnrétientés qui se
sont montrés fermes et inébranlables dans
leur foi; souvent même, ceux qui l'avaient
embrassée récemment, l'ont bonorée par leur
constance à la professer au milieu des tour-
ments. La ferveur en a porté quelques-uns
à se présenter d'eux-mêmes aux mandarins,
pour avoir occasion de souffrir pour la foi.
C'est ce que lirent en particulier deux
chrétiens de la province de Chan-Tong qu'on
n'avait point recherchés. Ils allèrent trouver
leurs mandarins, l'un tenant un crucifix, et
l'autre une image à la main : « A ces mar-
ques, lui dirent-ils, reconnaissez que nous
sommes de la même religion que ceux à qui
vous faites souffrir les questions, les basr
tonnades et les prisons; autant coupables
qu'eux, nous méritons comme eux tous ces
châtiments. » II faut savoir jusqu'où va le
respect du peuple pour ses mandarins, ou
})Iutùt la crainte qu'il en a, pour comprendre
tout l'héroïsme de ct^^'tte démarche. Le man-
darin se porta à un tel excès de colère qu'il
arracha lui-même le crucifix des mains du
chrétien qui le portait, et lui en donna des
souftlels. Il faut néanmoins convenir que
tous les chrétiens de la Chine n'ont pas, à
beaucoup près, montré le même attache-
ment et le même zèle pour la religion sainte
qu'ils professaient. C'est avec une extrême
douleur que nous avons apj)ris que plu-
sieurs, dans divers endroits, l'avaient hon-
teusement désavouée et hlcheraent ab'tn-
Jonnée; il y a même des chrétientés oiî le
plus g; and nombre a signé des actes d'aposta-
sie, dressés par les mandarins des lieux. Les
missionnaires nous éciivent, l'amertume
dans l'àme et les larmes aux yeux, la défec-
tion d'une grande partie de leur troupeau, et
celle même de plusieurs chrétiens distingués,
sur la piété et la ferveur desquels ils avaient
le plus compté. La plupart d'entre eux ont
eu peine à trouver un asile pour se dérober
aux recherches ; plusieurs missionnaires ,
rebutés partout, ont pris le parti de se ca-
cher dans des barques, et de courir les lacs
et les rivières; d'autres se sont exposés à
faire le voyage de Macao. Du nombre de
ceux qui ont osé tenter cette dernière voie,
jxjur se soustraire aux plus vives recherches,
a été le 1*. Baborier, jésuite français. J'ai vu
arriver ici ce vieillard septuagénaire. La
Providence avait favorisé son voyage qui fut
de près de 300 lieues: mais elle i)ermit qu'en
arrivant à Macao la nuit, afin d'échapper aux
corps-de-garde chinois, il brisAt contre un
roctier la |)elite barcjue qui le portait; il
grimpa ciuiime il put, dans les ténèbres, sur
une pet te montagne escarpée, et nous en-
voya au point du jour t.on batelicT. en grand
.secret, pour d(;mander des habits européens.
C(! vénérable missionnaire, (pii pendant une
longue suite d'années, s'est é[)uisé de fati-
gues, ne pense et ne demande (\nh rentrer
dans la Chine afin d'aller mourir, suivant
son expression, les arrnrs à la main. Peu de
joiiis après son arrivée est aussi venu
AL de Marlillat, évêque d'Kcrinée et vicaire
apostolique, Français de nation. Quand la
persécution ne l'aurait pas obligé de sortir
de sa mission, sa santé dangereusement al-
térée ne lui aurait pas permis d'y demeurer.
Ce digne prélat, peu avant le commencement
de la |)erséciition générale, avait été décou-
vert, cité devant un tribunal, et rudement
frappé pour avoir confessé Jésus-Christ. Sa
retraite fut bientôt suivie de colle de M. de
Vertharaon, qui s'étanl vu abandonné de tous
ses chrétiens qu'il cultivait depuis un an seu-
lement, fut sur le point d'être surpris par
les soldats chinois. Il n'échappa que par des
traits visibles de la Providence qui lui four-
nit des guides dans des lieux et dans des
temps où il n'avait nulle espérance d'en
trouver. Après lui sont arrivés presque en
môme temps deux révérends jtères don.ini-
cains, tous deux Italiens, l'un appelé Tchi-
foni et l'autre Matsioni. Ce dernier s'était ré-
fugié dans la maison qui servait d'asile au
P. Beuth, jésuite français; mais un accident
imprévu l'obligea bientôt d'en sortir, et en-
suite de venir à Macao.
Ces deux missionnaires s'entretenaient un
soir sur l'état de la mission, lorsqu'ils en-
tendirent dans la rue des cris horribles à
l'occasion du feu qui avait pris à une mai-
son voisine. En pareil cas, la maison où ils
étaient ne pouvait manquer d'être bientôt
visitée. Ils sentirent le danger, et se retirè-
rent au plus tôt dans la maison d'un chrétien
plus éloignée de l'incendie. Ils prirent aussi
le parti d'emporter avec eux les vases sacrés
et ce fju'ils purent des ornements de leurs
chapelles. A la faveur des ténèbres, ils y ar-
rivèrent heureusement sans être vus de per-
sonne; mais quand ils voulurent retourner,
après que l'incendie fut éteint, ils renco-i-
trèrent un mandarin qui, à la lueur d'un
flambeau, les reconnut pour étrangers. Il ne
lui fut pas difficile de faire arrêter le P. Beuth,
affaibli qu'il était par une maladie de plu-
sieurs mois ; mais le P. dominicain |)rit la
fuite, de sorte que les soldats ne purent ja-
mais l'atteindre. Après avoir couru plusieurs
rues, comme il n'entendit plus personne
qui le poursuivît, il s'arrêta, et ne sachant
où se retirer, ni comment sortir de la ville
avant le jour, il se mit dans un coin pour y
prendre quelque repos. Ce repos fut bientôt
troublé : une bande de soldats aperçut le
Père, et vint le considérer de près. Un des
soldats s'imagina que le chapelet était une
mar(|ue qu'il était d'une secte appelée Pe-
lien-kino (secte la j)lus séditieuse qu'il y ait
à la Chine). « Non, répondit un autre, il doit
être chrétien. J'ai vu à des chrétiens (|uel-
que chose de semblable. — 11 faut, dit un
tiuisième, (ju'il so.it touinienté d'une vio-
lente (•oli(jue, nous devrions le mettre chez
un chrétien (jui deiiunire tout jjrès dici. »
Cet avis fut suivi. Les soldats n'ayant rien
su sans doute de l'cinpi isonnement du
P. Beuth, eurent la charité de porter le I*. do-
minicain chez le chrétien, en lui disant:
« TicîMs, voilà un homme do ta religion (pii
sonllViî, j)rends soin do le soulagerl » Le
mandarin (pii avait arrêté le P. Beuth eut
aussi beaucoup d'égards pour lui. Commo
67.3
cm
CHI
634
i
s'il eiU ignoré que c'était un missionnaire,
et qu'il l'ciU pris pour un niarcliand étran-
ger, il se contenta de le faire conduirez à IMa-
cao par un tchaigin ou valet du tribunal,
(|ui, pour certifier que le Père s'y était rendu,
devait ra|)porter à son retour une réponse
du mandarin le plus voisin de Macao. Par
niallit'urce mandarin estceluideHyang-Clian
([ui n'est rien moins que favorable au cliris-
ti^rnisnic. Il (it comparaître le Père devant
son tribunal, après l'avoir laissé plusieurs
heures exposé aux insultes de la popu ace
qui le chargeait d'mjures, et lui reprochait do
ne [)as honorer ses parents, d'arracher les
^eux aux mourants, de; tuer les petits en-
ants piiur en faire servir la tète à des sorti-
lèges, quelques-uns lui arrachaient les che-
veux et la barbe, et lui faisaient soutfrir
toutes sortes d'indignités.
Enlin le mandarin vient s'asseoir sur son
tribunal, ordonna de tenir prêts les instru-
ments de la question, le-; lit étaler avec les
fouets destinés aux châtiments i)ubhcs; après
quoi il employa un temps considérable à
vomir toutes sortes d'injures et de blasphè-
mes. C'est la coutume à la Chine, que les
mandarins tâchent d'étourdir les accusés par
des lailleries et des reproches, ordonnant
même aux soldats de faire des huées, ou
pour mieux dire, de hurler à leurs oreiiles.
Ils veulent se concilier, par ce moyen, de
l'autorité et faire craindre leurs jugements.
«Est-il bien vrai, dit le mandarin, que tu te
persuades de n'être pas connu ? Tu es un
Européen venu ici pour prêcher la religion
chrétieime. — Cela est vrai, répondit le
P. Beuth. — Or, dis-moi, poursuivit le man-
darin, qu'est-ce que le Dieu que tu veux
faire adorer? — C'est, répondit le Père, celui
qui a créé le ciel et la terre. — Oh I le mal-
heureux, re;)rit le mandarin, est-ce que le
ciel et la terre ont été créés? Qu'on lui donne
dix soulilets. » Après qu'on eut exécuté cet
ordre injuste et cruel, le mandarin prit un
pinceau et en forma les deux caractères chi-
nois qui expriment le saint nom de Jésus ;
puis il les lit présenter au P. Beutli en lui
demandant ce que c'était. Le Père répondit
que c'était le nom de la seconde personne
de la sainte Trinité qui s'est faite homme
pour notre salut. « Autres dix souftlets, s'é-
cria le mandarin, » et il procura ainsi à ce
digne missionnaire la gloire de soulfrir di-
rectement et d'une manière toute spéciale
pour le saint nom de Jésus. Après d'autres
demandes et d'autres réponses, le mandarin
lui fit encore décharger dix soufflets sur le
visage qui en fut horriblement entlé. La peau
fut enlevée en plusieurs endroits et le sang
resta plus de quinze jours extravasé et coa-
gulé, ainsi que j'en ai été témoin.
Le mandarin prit ensuite le parti de l'en-
voyer sans dilférer à Macao, en lui disant
qu'il lui faisait grâce de la question et de la
bastonnade. Il comprit sans doute que ce
missionnaire étant très-malade, il ne pouvait
manquer d'expirer dans les tortures ou sous
les coups. Et en etïet, la manière barbare
dont il futfrappé,joinle à uuephthisie consi-
dérablement augmentée par les fatigues d'un
voyage de deux cent cinquante lieues, avait
réduit le P. Ueuth aux derniers abois, quand
nous le vîmes arriver ici au commencement
du carême. Cependant, h lorce de soins,
nous avons conservé encorci piès de deux
iH(jis ce respectable confesseur de la foi; il
exciterait nos regrets |)ar ses vertus, par
son zèle et par la supériorité de son génie,
si nous no le regardions comme un des
protecteurs de notre maison dans le séjour
des bienheureux. Avec quelle patience ne
soufl'rit-il pas sa maladie, sans vouloirjamais
entendre {)arler de faire aucun vœu pour sa
guérison ! Avec quel goût ne faisait-t-il pas
lire, plusieurs fois par jour, le livre des souf-
frances de Jésus-Christ, et ceux qui traitent
de la préparation à la mort ! Avec quelle foi
vive reçut-d les derniers sacrements après
avoir renouvelé ses vœux, sa consécration
au service de la sainte Vierge et sa soumis-
sion de cœur et d'esprit aux derniers décrets
sur les rites et cérémonies chinoises 1 Avec
quelle tranquillité et quelle joie vit-il venir
son dernier moment, répondant avec une
pleine connaissance à toutes les prières de
la recommandation de l'âme 1... La seule
peine qu'il éprouva fut de réfléchir qu'il
n'en ressentait aucune. «N'y-a-t-il pas de
l'illusion ? me disait-il : je suis si près de la
mort et je ne sens aucune frayeur. » Il s'ef-
forçait de remplir chaque moment par les
actes des vertus les plus parfaites et surtout
du plus pur amour. Enfin, un peu avant cin(|
heures du matin, il rendit doucement son
âme à Dieu, le 19 avril 17i7.
Un autre missionnaire que nous avons vu
arriver dans cette ville est le R. P. Abormio,
de l'ordre de Saint-François et Italien de
nation. Après avoir été traîné de prison en
prison, pendant l'espace de onze mois, il a
été conduit ici et remis entre les mains du
procureur de la ville, avec charge d'en ré-
pondre. Ce zélé missionnaire avait été ar-
rêté le dimanche de Pâques de 1746, dans la
province de Chan-si. Les soldats le maltrai-
tèrent de soufflets , pillèrent ses meubles et
frappèrent si rudement son domestique ,
qu'il en mourut en peu de jours. Cependant
les tribunaux voulurent prendre une con-
naissance plus ample du procès, et ils ordon-
nèrent de faire comparaître le prisonnier. Le
mandarin, obligé alors de le leur envoyer, le
suivit même de près pour lui demander en
grâce avant l'audience, de ne lui susciter au-
cune mauvaise affaire, avec promesse que
tous ses etl'ets lui seraient rendus ; que de
plus il lui serait favorable et qu'il solliciterait
fortement sa délivrance. Le P. Abormio,
sans compter beaucoup sur ces promesses
intéressées, se laissa gagner et ne voulut pas
tirer du mandarin une vengeance qu'il ne
jugeait pas devoir être utile h la religion.
Mais le mandarin était bien éloigné de tenir
paYole. Résolu de se mettre, à quelque prix
que ce fût, à couvert des accusations qu'il
craignait, il formate cruel dessein défaire
mourir secrètement le Père dans la prison.
Se§ ordres auraient été exécutés, sansun sei-
635
■CHT
cm
63^
gneur condamné à une prison perpétuelle,
et qui avait trouva auprès du digne mission-
naire r.nanta:J,e incomparable de connaître
la véritable religion. Instruit de l'ordre se-
cret du mandarin, il lui lit déclarer que si le
Père mouiait dans la prison, il en écrirait
â un de ses parents, puissant en cour. Le
mandarin, outré de se voir découvert, no
trouva plus d'autres moyens de cacher aux
tdbunaux tout ce qu'il avait fait et ce qu'il
venait d'entreprendre, que de resserrer si
fort les prisonniers qu'ils ne pussent avoir
au deîiors amnine communication. Il lit donc
bàlir un nouveau mur devant la porte de la
prison, et lit attacher les prisonniers par des
chaînes aux deux murailles opposées d'un
cachot assez étroit, en sorte qu'ils ne pou-
vaient ni se tenir debout, ni s'asseoir, ni
môme se remuer. L'unii^ue adoucissement
qu'on leur accorda fut de les détacher quel-
ques heures chaque jour. Une si grande ri-
gueur dura un mois et demi ; et pendant ce
temps, les prisonniers, que le P. Abormio
av.iit convertis et baptisés au nombre do
cinq, ne cessèrent de bénir Dieu et de chan-
ter ses louanges. Ils souhaitaient lous de
mourii- au milieu des soutfrances, dont ils
avaient appris à profiter, pour mériter des
récompenses éternelles.
Malgré toutes les précautions qu'on avait
prises pour empêcher les approches de la
prison, quelques chrétiens sautèrent les mu-
railles des cours, et jetèrent par une f)etite
fenêtre du pain au missionnaire. Us furent
pris et sévèrement chAtiés par ordre du man-
darin, qui ne pouvait assez s'étonner d une
alï'ection si extraordinaire pour un étranger.
Eniin, il fut décidé par les mandarins supé.-
rieui'S, que le missioniiaii-e serait renvoyé à
Macao s(»us la garde de deux soldats. Dans
le chemin , il n>' manqua aucun jour de
prêcher; et comme il parlait bien le chinois,
plusieurs man iarins voulurent l'entendre et
l'invitèrent à leur table. Il passa plus d'une
fois la plus grande j)artie de la nuit à dis-
puter contre des lettrés gentils ou à parler
au peuple. Quelques-uns lui promirent
d'examiner la religion chrétienne. Le seul
mandarin dont il fut maltraité sur sa route
fut celui de Hyang-Ghan. Cet ennemi de
notre sainte religion, pour signaler sa haine
contre elle dans la personne de ce Père,
comme il l'avait fait peu au|)aravant dans
celle du P. Beulh, lui ht donner trente-deux
soufll ;ts et le fit appliquer doux fois à la
torture.
Voici une partie de l'entretien qu'ils eu-
rent pendant l'audience. Le mandarin lui
dit : « Ks-tu (Chinois ou Kuro[)éen ? Le Père
répondit : Je suis Europé(!n. — Cela est
faux, dit le mandarin, lu es Chinois comme
moi ; j'ai connu la mère; dans le Hou-Kouang,
je l'ai déshonorée; (pi'on donn(î dix soul-
lleis à ce menteur, pour avoir méconnu sa
patrie?» Après les soid'Ilets, le mandarin
reprit la parole: « Dis-moi : quelhï est ta re-
lig.oM ? » Le Père répondit : «J'adore h;
Seigneur du ciel. » Le mandarin lui dit :
« E->l-co qu'il y a un seigneur du ciel "/ i^ n'y
en a point. Tu ne sais ce que tu dis avec ton
seigneur du ciel. » Le Père répliqua : « Dans
une maison, n'y a-t-il pas un chef de fa-
mille ; dans un empir-^, un empereur ; dans
un tribunal un mandaiin qui préside? Do
même le ciel a son seigneur, qui est en
même temps le maître de toutes choses. »
Sur ces réponses, le mandar n lit frapper et
mettre deux fois à la question ce généreux
confesseur de la foi, qui en fut malade plu-
sieurs semaines.
Le P. de Nenvialle, jésuite français, vint
aussi à Macao. 11 est vrai que la persécution
ne fut pas la [principale cause de sa retraite ;
ce zélé missionnaire, après avoir contracté
des maladies habituelles et ruiné sa santé à
former la chrétienté du Hou-Kouang, qui
est aujourd'hui une des plus ferventes et des
plus nombreuses, se trouva hors d'état de
continuer ses travaux apostoliques; et d'ail-
leurs, il se vit obligé de venir prendre soin
des affaires de notre mission, en qualité de
supérieur général, dans ces temps fâcheux
où elle était tout ensemble affligée et des
ravages do la persécution et de la perte
qu'elle venait de faire, dans la même année,
de plusieurs de ses meilleurs sujets ; car
dans un si court espace de temps, la mort
lui enleva le P. Hervien, supérieur géné-
ral ; le P. Chalier son successeur, qui ne lui
survécut que peu de mois; le P. lîeuth, dont
nous avons déjà parlé, et le jeune Père de
Saint-André, qui se disposait par les études
de théologie, h travailler bientôt au salut des
âmes. Nous ne savons pas si bien ce qui
regarde les missionn.tires qui jusqu'ici
demeurèrent cachés dans les provinces, à
peu près au môme nombre que ceux qui en
sortirent; c'est que, n'ayant pas la com-
modité des courriers, ils ne pouvaient écrire
qne par des exprès qu'ils envoyaient à
gcands frais dans les cas importants. Le P.
Lefèvre, jésuite français, nous envoya le
P. Chin, jésuite chinois et compagnon de
ses travaux, pour nous apprendre sa situa-
lion présente. On remua ciel et terre pour le
découvrir. Les mandarins avaient appris
qu'il était dans une maison, oii il faisait sa
plus ordinaire résidence. Trois mandarins,
avec plus de soixante de leurs gardes et sol-
dais, allèrent à cette maison, l'investirent et
y pénétrèrent; le Père n'y était plus de()uis
trois jours. Sans avoir encore aucune nou-
velle de la pcrséculion, il était parti pour
passer delà |)rovince de Keang-Si à celle de
Kiang-Nan. On saisit, on |)illa tout ce qui s'y
trouvait ; on conlis((ua la maison, qui ensuite
fut détruite; on arrêta un grand nombre de
chrétiens, voisins de cette maison; on les
mena en prison chai'gés de chaînes; ils fu-
rent fra|)])és h coups de b.Hon par la main
des boui'reaux ; on leur donna la (pu'stion
et on les chargea de toules sortes d'oppro-
bres. Alors un des chrétiens de ce district
courut ai)rès le P. Lef'evre, l'alteignii au
bout d(; trois journées de chemin, et lui ap-
prit l'édit de rempereur, (pu ordonnait de
recherclHM' les prédicateurs de la religion
clnélie.nne et i&s cruautés (pi'on venait
6S7 cm
(roxorcer. «Changez do route, lui dit-il, mon
Père, retournez sur vos pas, vous n'avez
rien de mieux h faire que d(; veuir pre-i/lre
une reiraile dans ma maison. On y viendra
faire des reelierclies, mais où est-ce ([u'on
n'en fera pas? Je ne crains que pour voui;
et je m'expose volontiers à tous les dan.j;er-;
j'espère môme, qu'ayant un em[)loi dans le
tribunal, je |)0urrai modérer ces visites jus-
((u'au point de vous conserver pour le bien
de la cmélienté. » Ce généreux chrétien no
trouva pas peu d'obstacles dans ses parents
qui refusaient de lecevoir le missionnaire ;
mais i' vainquit leurs lésistances et |)laça le
1*. Lefèvre dans un petit réduit, où peu de
personnes do la maison le savaient. Pour lui
donner un peu de jour, il lallut faire une
ouveiture au toit, en tirant qu Iques tuiles
qui se remettaient dans les temps de pluie.
On ne le visitait et on ne lui portait à man-
ger que vers les neuf heures du soir. Il écrit
lui-iiiôme qu'il entendit plus d'une fois des
chrétiens conseiller h cette famille de ne le
point recevoir, su[)posé qu'il vînt demander
un asile. On vint visiter la maison par or-
dre du mandarin du lieu; mais comme le
chrétien qui le tenait caché avait une espèce
d'autorité sur les gens du tiibunal, et qu'il
tenait un dos premiers rangs parmi eux, la
visite se fit légèrement. Cependant le P. Le-
fèvre passa sept ou huit mois dans cette es-
pèce de prison. Il écrit que cela ne l'inquié-
tait nullement et que c'était l'affaire de la
Providence.
Nous reçûmes par la province de Hou-
Kouang des nouvelles de la montagne de
Mou-Pouanchan. Cette montagne était cé-
lèbre par une chrétienté des plus florissantes
que nous y avions formée depuis plusieurs
années, et où les fidèles, dans l'éloignement
du commerce des gentils, étaient une véri-
table image de la primitive église. Le P. de
Neuvialle a eu soin de ces montagnes pen-
dant six ans, et y a baptisé plus de 6,000
personnes. Hélas ! ces montagnes, précieuses
à noire zèle , nous venons de les perdre.
L'enfer a exercé toutes ses cruautés |)Our
dissiper les chrétiens; tortures, bastonnades,
prisons, tous les mauvais traitements ont
été employés à cet effet. Le P. de la Roche,
jésuite français, qui cultivait cette chré-
tienté, s'est 'retiré précipitamment dans un
petit hameau au milieu des bois, et s'est vu
obligé ensuite d'aller plus loin chercher une
retraite. 11 est vrai que les chrétiens de la
montagne le firent depuis avertir qu'on ne
les inquiétait plus; qu'il ne paraissait aucun
soldat dans toute l'étendue de la chrétienté,
et qu'ils s'assemblaient comme auparavant
pour faire les piières;mais ils ajoutaient
que celte paix leur était d'autant plus sus-
pecte, qu'ils savaient qu'un païen du voisi-
nage avait été chargé par son mandarin de
s'informer secrètement quand un mission-
naire serait retourné dans la chrétienté, et
de l'en avertir. Il s'en fallut peu que le
P. Dugad, autre jésuite français, ne tombât
entre les mains des soldats. Averti qu'on le
cherchait et qu'on s'avançait pour visiter la
nii
CTA
maison où il était coché, il s'enfuit prompte-
ment, et, avant que diî trouver où si; réfu-
gier, il couriil assez Ion-temps sur les lacs
et sur les rivières. l'^nfin, arrivé dans la re-
traitt; que 11 P. de Neuvialh; occupait alors,
et où il était la ressource et h; conseil de
tous 1(!S missionnaires des environs, il la
|)aitagoa avec lui ; c'(;st \h qu'il reçut les let-
tnss d'un chrétien qui hï i)ressait vivement
de retourner dans sa mission. Ce chrétien,
après avoir longtemps cnlrelfuiu chez lui
deux concubines, avait tout récemment pro-
mis au P. Dugad un entier amendement. Il
tint si bien parole, qu'ayant été lui-même
accusé, il confessa la foi de Jésus-Cluisl au
milieu des tortures et des bastonnades ; en-
suite il mit hors de sa maison une de ses
concubines, et se disposa h marier l'autre.
11 juia ce missionnaire de venir reci'voir sa
confession générale et prendre possession
d'une grande maison, cju'il lui céd-dl pour
en faire une église. Monseigneur l'évèque
du Chan-Si et Chen-Si, écrivit qu'il ne sa-
vait ni comment se tenir caché ni comment
s'exposer à faire le voyage de Macao. Les
mandarins de la province de Kouang-Tong
se donnèrent aussi toutes sortes de mouve-
ments pour découvrir un prô.re chinois,
nommé Sou, mais ils ne purent y réussir.
Tandis qu'on était en garde contre les infi-
dèles, on ne laissait pas d'avoir à se défier
des mauvais chrétiens. Il y en avait un dans
la môme province de Kouang-Tong, qui était
employé dans le tribunal et qui voulut ga-
gner de l'argent par unmoyenbienindigne.il
composa une fausse procédure, et fit avertir
le P. Miralta qu'on était sur le point de
présenter contre lui une accusation aux man-
darins de Canton, portant qu'il avait intro-
duit plusieurs missionnaires dans l'empire.
Cette prétendue accusation n'était autre
chose que la procédure qu'il avait fabriquée
de sa main, et où il nommait plusieurs
olficiers de justice qu'il fallait, disait-il, ga-
gner par argent, afin d'assoupir cette mau-
vaise all'aire. Du reste, il promettait de tra-
vailler de tout son pouvoir et de tout son crédit
pour une si bonne cause. Il ne lesl-dt plus
qu'à lui confier une somme, lorsque la Pro-
vidence divine 'e punit de son impie strata-
gème. Les mandarins découvrirent c{u'il
avait fait une fausse procédure ; ils l'appli-
quèrent plusieurs l'ois à la question pour lui
JÉiire avou'T son attentat, et le condamnè-
rent ensu.te à quarante coups de bâton et
à l'exil, en lui disant qu'il avait mérité de
perdre la vie.
Les belles chrétientés du Kiang-nan se
ressentirent moins (jue les autres des trou-
bles et des vexations, parce qu'elles étaient
si nombreuses, qu'il y avait des chrétiens
dans tous les tribunaux qui supprimaient
par eux-mêmes les ordres de faire des re-
cherches, ou qui en donnaient avis avant
qu'ils fussent expédiés, afin que les autres
chrétiens les fissent supprimer par argent.
La ville de Macao, quoique soumise à la do-
mination portugaise, ne lut pas entièrement
garantie de l'orage. On y vint publier des
659
CHI
CHl
(UO
défenses auï Chinois qui l'habitaient, de
servir les Européens et d'aller aux é^^lises.
On fut môme sur le point de signifier un or-
dre des mandarins de Canton, de r<^nvoyer
dans l'intérieur de l'empire, non-seulement
tous les Chinois qui en portaient encore
l'habit, mais même tous les originaires de la
Chine qui avaient pris l'habit européen. Si
tous ces ordres avaie-it eu leur effet, il ne
resterait à Macao qu'une très-petite partie
de ses habitan's; mais on n'y eut point
égard, et les mandarins, après les avoir mi-
nutés, n'en voulurent pas tenter l'exécution,
dans la crainte d'entreprendre une guerre.
Il vint ensuite un ordre qu'on devait encore
moins observer, parce qu'il était directement
contraire à l'honneur de la religion ; il por-
tait qu'on eût à fermer une petite église oii
l'on baptisait les catéchuniènes chinois. Les
mandarins prétendaient que c'étaient les
Chinois qui avaient bâti cette église. On
leur répondit qu'elle avait été bâtie aux dé-
pens des Portugais, et on leur montra l'acte
do sa fondation. Malgré cela, le mandarin
de Hvang-Chan se transporta ici la veille de
Pâques 174-7 , faisant entendre que c'était
de la part des mandarins supérieurs de la
province. En entrant dans la ville avec un
cortège de trente ou quarante hommes, il
fut salué par la forteresse, de cinq pièces de
canon ; et quand il se fut arrêté dans une
maison près de la petite église, le sénat,
composé de trois présidents et de douze
conseillers, alla l'y visiter; mais sur la de-
mande que fit ce mandarin qu'on fermât l'é-
glise en sa présence, le sénat répondit que
noire religion ne nous permettait pas d'exé-
cuter un pareil ordre; que l'église n'appar-
tenait pas aux Chinois, mais aux Portugais,
ainsi qu'on l'avait démontré. Cependant le
mandarin persista dans ses prétentions et de-
manda qu'on lui donnât la clef de l'église
pour la fermer lui-même. Cette clef était dans
le collège de Saint-Paul, entre les mains du
P. Loppez, provincial des jésuites, qui com-
posaient la province appelée du Japon. Ce
Père, agissant de concert avec Mgr l'évêque
de Macao, et conséquenmient à la décision
de ceux qui avaient examiné le cas, refusa
de donner la clef(ju'on demandait, et pro-
testa qu'il aimerait mieux donner sa tète.
Une réponse si ferme étonna le mandarin ;
il se contenta d'allichcr un écrit où il était
déi'endu de se servir de l'église en fjuestion,
et il se retira aussitôt, craignant sans doute
une émeute de la |)0pulace.
Aussitôt a|)rès l'édit de proscription, on
commença à inrjuiéter les ehréticnlés des
(;iivirons'd(; P(''kin, formées vA (Miltivi'c.s par
les missionnaires (\u\ faisaient leur .séjoiu'
dans cette grande ville. Ouoi(iuc les clué-
tiens qui les composaient passassent pour
ferm(!S dans la foi , plusiiMirs cependant
a[)Ostasièrent à la vm; des maux dont on les
menaçait. D'autres soulinrenl courageuse-
ment les tortures, la perle do leurs biens,
d(! leurs (MUfjlois ou la ruine d(! leurs tâ-
milhî.s. L<;s images, chapehîts, reliipiaires,
croix et autres marques de leui' piété, furent
profanés et brûlés. Quelques-uns ayant dé-
claré qu'ils les avaient reçus du P. Da Ro-
cha, jésuile portugais, qui visitait souvent
ces chréiientés, ce missionnaire fut cité de-
vant le gouverneur de Pékin, et confessa
que ces signes de la piété chrétienne ve-
naient en effet de lui. Sur son aveu, le gou-
verneur dressa une accusation contre lui et
la présenta à Sa Majesté, en demandant à
quelle peine il devait être condamné ; mais
l'empereur répondit qu'il lui faisait g âce.
Ce prince nomma, en môme temps, deux
grands de sa cour pour protéger les Euro-
jiéens qui étaient dans sa capitale : pro-
tection fort équivoque et sur laquelle il
n'était pas naturel que l'on comptât beau-
coup.
Cependant, pour ne rien omettre de ce
qui pouvait servir à la défense de la religion,
les Européens adressèrent un mémoire où
ils représentèrent que la rehgion chrétienne
ne méritait rien moins que le nom de fausse
secte, qu'on venait de lui donner; qu'elle
avait été permise par A'empereur Kang-Hi
et par le tribunal des rites, et qu'eux-mômes
avaient toujours éprouvé les bontés des em-
pereurs, et en particulier celles de Sa Ma-
jesté régnante ; mais qu'ils ne pouvaient
plus paraître avec honneur, tandis qu'on les
regardait comme attachés à une fausse secte.
Ils mirent ensuite ce mémoire entre les
mains des prote(;teurs pour le faire passer
à l'empereur; mais ces patrons, peu affec-
tionnés, différèrent tant, qu'ils donnèrent le
temps à ce prince de partir pour un voyage
d'environ deux mois. Enfin, un peu avant
son retour, ils indiquèrent une assemblée
dans la maison des jésuites français, où ils
appelèrent tous les missionnaires de Pékin.
Le plus distingué de ces deux seigneurs,
nonuné Ne-kong , premier ministre et fa-
vori de l'empereur, ouvrit la séance par des
discours vagues , qui regardaient pour la
plupart l'Europe et ses divisions en divers
Etats. Le P. Gaubil, supérieur de la maison,
les lui montra dans un atlas. Le Ne-kong se
mit ensuite à exagérer les attentions et les
bontés de Sa Majesté pour les Européens ;
après quoi, il montra assez clairement com-
bien il y avait peu de fond à faire sur sa
protection, en demandant comment on ose-
rait i)rés(.'nter à l'empereur un écrit où il
s'agissait de proposer que la religion chré-
tienne fût approuvée. On le laissa haran-
guer longtemps, afin de mieux connaître ses
sentimenls. Ensuite le P. Caubil i)rit la pa-
role (ît [)aila dignement pendant un tem|)s
considérable. La religion c ii-élienne, disail-
il, est une loi pur>' et sainte ; elle a été exa-
niiné(> par le tribunal des rites, (jui l'a ap-
j)rouvée sous le règne de Kang-lli, 1 1 son
ap|)robalion a été agréée et confirmée par
c(î môm-.; empereur. Celt(> religion n'a point
changé depuis, et elle est prôchée par les
mômes prédicateurs; ponrcpioi était -elle
alors (!!i honneur, ou poui(iuoi ne continut»-
t-elh; [)as d'y être aujourd liui? tandis sur-
tout (pi(! nous voyons (ju'on souffre dans
l'empire la religion des mahométans, cello
6it
cm
cm
6i'2
des laraàs et plusieurs autres. Si la religion
chrétienne passe dans l'empire pour Cire la
ndigion d'une secte [)crverse , comment
jHJurrons-nous y demeurer, nous (pii ne
sommes venus rendre nos services à Tem-
poreur que pour mériter sa protection en
faveur de notre sainte 1 )i, et à qui il ne se-
rait pas môme permis d'y rester sans l'espé-
rance de pouvoir la prêcher ?
Le Nc-kong ne vouhit pas répondre au
discours du P. (Jaubil et recommença à par-
ler de la honte de l'emjjcreur pour les eu-
ropéens, ajoutant, que s'il les comhlait de
hientaits, ce n'était pas qu'il eût besoin de
leurs mathématiques, peintures et horloges;
mais que cela venait uniquement de la ma-
gnilicence de son cœur qui embrassait toute
la terre. Plusieurs missionnaires retouchè-
rent quelques-unes des raisons apportées i)ar
le P. daubil. Enhn le second protecteur vou-
lut ramener le Ne-kong à la question prin-
cipale : mais cekii-ci lui imposa silence d'un
geste, et conclut la conférence en otl'rantaux
Européens toutes sortes de bons offices. 11
leur recommanda aussi d'aller tous au-de-
vant de l'empereur à son retour; ce qu'ils
ne manquèrent jioint de faire , lorsque ce
prince rentra dans la capitale sur la tin de
novembre 1746, après avoir fait un pèlerinage
à la fameuse montagne Vou-tao-chan, révé-
rée.et appelée sainte par les Chinois. Avant
ce voyage nos Pères de Pékin chargèrent le
frère Castiglione, peintre italien, particuliè-
rement estimé de l'empereur, de profiter de
la première occasion qui se présenterait pour
parlera ce prince. Ce [larti ne laissait point
d'avoir ses risques ; car quoique ce frère avec
deux autres peintres, jésuites comme lui,
vissent souvent l'empereur, il ne leur était
cependant pas permis de lui parler d'aucune
atlaire, à moins qu'ils ne fussent interrogés ;
d'ailleurs user de cette voie, c'était choquer les
grands qui nous avaient toujours témoigné
leur ressentiment, toutes les fois que nous
avions voulu nous en servir. On ne voulut
donc pas que le frère Castiglione présentât à
l'empereur aucun écrit ; on lui recommanda
seulement d'implorer en deux mots la clé-
mence de ce prince en faveur de la religion
chrétienne, trop opprimée pour pouvoir nous
taire.
L'occasion de parler au monarque ne tarda
pas à se présenter. Le frère ayant reçu deux
pièces de soie de la libéralité du prnice, il
était obligé d'en faire, selon la coutume, son
remerciement la première fois qu'il serait en
6a présence. Ce fut pi us tôt qu'il ne pensait, car
des le lendemain il fut mandé par l'empereur
même, qui voulait lui donner le dessin d'une
nouvede peinture. Dès que le frère parut, il
se mit à genoux, et après avoir fait son ro-
merciement, il dit à l'empereur: «Je supplie
A'otre Majesté d'avoir compassion ue la reli-
gion désolée. » A cette demande, l'empereur
ciiangea de couleur et ne répondit rien. Le
Ireri- s'imaginant qu'il n'avait pas été enten-
du, répéta de nouveau ce qu'd venait de dire,
et alors le prince, prenant la parole, lui dit :
« Vous autres, vous êtes des étrangers; vous
ne savez pas nos manières et nos coutumes ;
j'ai nommé deux gnuids de ma cour pour
avoir soin do vous dans ces circonstances. »
Ce même frère eut, depuis le retour de l'em-
nereur, un second entretien avec lui, pins
long que le premier; ce fut l'empereur (jui
le commença à l'occasion de la maladie du
P. Ciialier dont j'ai déjà annoncé la mort.
Ce prince vint h son ordinaire dans Tappar-
tement où le frère Castiglione travaillait à la
tête de plusieurs Chinois et Tartares; et lui
adressant la parole, il demanda si l'on espé-
rait de conserver le P. Chalier. Le frère lui
répondit qu'il ne restait que bien peu d'es-
pérance. « N'avez-voiis pas ici, ajouta l'em-
pereur, quelques médecins européens? —
Nous n'en avons pas, répondit le frère. —
Pourquoi cela, reprit l'empereur? — C'est,
dit le" frère Castiglione, qu'il est trop dillicile
d'en faire venir de si loin ; mais nous avons
deux chirurgiens, entendus dans leur art. —
11 est plus aisé, dit l'empereur, do devenir
habile dans la chirurgie, iiarce que les mala-
dies qu'elle traite sont extérieures. Mais,
dis-moi : Vous autres chrétiens, priez-vous
votre Dieu pour le malade ? Lui demandez-
vous qu'il le guérisse ? — Oui, seigneur, ré-
pondit le Irère, nous l'en prions tous les
jours. —D'où vient donc, dit l'empereur,
que vous ne l'obtenez pas ? — Notre Dieu,
reprit le frère, est tout-puissant, il peut nuos
l'accorder ; mais il vaut peut-être mieux qu'il
ne nous l'accorde pas, et nous demeurons
toujours résignés à sa volonté.— Dis-moi une
autre chose, ajouta l'empereur : les chrétiens
craignent-ils la mort? —Le frère répliqua :
Ceux qui ont bien vécu ne la craignent pas ;
ceux qui ont mal vécu la craignent beaucoup.
— Mais, dit l'empereur, comment savoir si
on a bien ou mal vécu ? — On le sait , dit le
frère, parle témoignage de sa conscience »...
La sentence de mort portée dans le Fou-Kien,
contre cinq missionnaires et un de leurs ca-
téchistes, était examinée à Pékin. Le vice-roi
de Fou-Kien, qui s'en glorifiait comme de
son ouvrage , se rendit dans la cajdtale de
l'empire pour plaider sa cause. La nouvelle
dignité de tsong-ho ou intendant des fleuves,
dont il venait d'être pourvu, lui en fournis-
sait naturellement l'occasion et pouvait bien
être le saiaire de ses manœuvres ou même
un dernier moyen pour les conduire au point
que s'étaient proposé les ennemis de la re-
ligion. Si le premier ministre, déjà désigné
par le nom de Ne-kong et sous la qualité de
protecteur des Européens, ne fut pas le prin-
cipal moteur de tous ces stratagèmes, il pa-
rut bien qu'il ne fil rien pour les détruire et
ne tenta rien en faveur de la religion. L'em-
pereur, qui ne voyait et qui n'agissait que par
lui, renvoya la sentence au tribunal des
crimes quoiqu'il pût facilement répondre
qu'on s'en tînt aux ordonnances générales
pour renvoyer dans leurs pays les étrangers
qu'on surprendrait dans l'empire. On avait
j.squ'alors attendu quelque chose de sem-
blable de la modération dont les empereurs
avaient coutume d user, à l'égard même de
leurs sujets,et des ménagements qu'ilsavaieut
643
CHI
tous affecté d'avoir pour les Européens. De
plu?, les entretiens que je viens do i apporter
et l'honneur que l'empereur venait de faire
au P. Chalierde lui envoyer son premier mé-
decin, faisaient penser qu'il ne vuudnit pas
porter les choses à la dei-uière extrémité. Il
traita cependant l'atfaire avec la plus grande
rigueur. Le tribunal ne ditféra pas la sen-
tence dans tous les points. 11 la |)résenta en-
suite de nouveau à l'empereur pour être
Signée ou supprimée h son gré, et l'empereur
la signa le 21 avril 17W. La voici traduite
littéralement :
-.< Volonté de l'empereur, manifestée le
treizième de la troisième lune.
« Le tribunal des crimes prononce, après
avoir pris les ordres de Sa Majesté , en ré-
pondant à Tclieou, vice-roi de Fou-Kien, sur
le [)rocès de Pcto-lo et autres qui séduisaient
par une fausse doctrine. Ordonnons que Peto-
lo ait la tête tranchée sans délai ; approuvons
la sentence rendue contre Hoa-Kin-chi ,
Hoang-Tching-te , Hoang-Tching-Houé et
Fei-jo-Yong, qu'ils soient décapités ; ap-
Srouvons la sentence rendue contre Ho-
oeitgin, (|u'il so,t étranglé. Voulons que
ceux-ci attendent en prison la tin de l'au-
tomne et qu'ensuite ils soient exécutés. Nous
contirmons la sentence des mandarins pour
tout le reste. »
Lors |ue cette sentence arriva dans le Fou-
Kien, un déjuges qui avaientfait les premies
interrogaloii-es fut nommé pour présider à
l'exécution ; mais il s'en défendit et ne vou-
lut avoir aucune part à un arrêt qu'il appe-
lait une grande injustice ; ce refus donna le
temps à un prêtre chinois d'aller annoncer
la confirmation de la sentence à M. l'évêque
et aux autres prisonniers. Quelques chré-
tiens firent tenir au vénérable prélat des ha-
bits [)lus dignes de son triomphe que ceux
qu'il portaitdans la prison. S'en étant revêtu,
il rappela en peu de mots aux soldats (|ui le
gard.iient les exhortations qu'il leur avait
souvent faites ; il embrassa les chers com-
pagnons de sa prison, parmi lesquels étaient
d ux missionnaires ; il goûta avec eux quel-
ques rafraîchissements, et il ne tarda pas à
être appelé devant le mandarin qui devait lui
annoncer l'arrêt de son su[)f)lice et présider
à l'exécution. Arrivé dans la salle de l'au-
dience, il répéta qu'il mourait pour la dé-
fense de la sainte et véritable religion et avec
la ferme confiance que, ce jour même, son
ù\n(i serait placée dans le séjour des bien-
heureux. 11 ajouta qu'il prierait Dieu d'avoir
crripassion de la (^hine et de l'éclaii'er des
liniiières do l'Kvangilc'. « Je vais, dit-il, de-
venir danslo ci(!l le ])rotectein'de cet empire.))
(lepondaiil on (il l.i lecture do l'arrêtdo mort
dans la sallo do l'audience ; on attacha au
jdélat les mairisdorrièro h; dos et on lui mit
sur les épaules un écrit où on lisait (pj'il
él;iil condamné à êiro décapité pour avoir
travaillé a porvoi'tir hîfXMipIc par ufio mau-
vaise doctrine. Dans cet étal, il hil conduit à
pied «Il lieu du siif)f)lico, récitant des prières
d'tiis II, ut h; cheiinn avc'C un vi-ngo gai et
^allammé Uo l'amour do son créatour. Les
cm m
infidèles n'en étaient pas peu surpris, et ils ne
pouvaient se lasser de le contempler. Les
femmes chrétiennes avaient formé plusieurs
assemblées oij l'on réci'ait le rosaire entre-
mêlé de méditations sur la passion de Notre-
Seigneur Jésus-Ciirist. On se laissait aller à
de saints transports de dévotion aux appro-
ches de cet heureux moment où la Chine
allait avoir un martyr dans la personne d'un
évêijue condamné "par l'arrêt le plus solen-
nel. Plusieurs chrétiens de Fou-Tcheou et
d'autres de Fou-Ngan suivaient dans la fouie.
On arriva à la porte du midi; on passa un
pont de bois sur lequel les exécutions ont
coutume de se faire, et à quelques pas au
delà , l'évêque fut averti par le bourreau
de s'arrêter et de se mettre à genoux, ce
qu'il lit aussitôt, en demandant à l'exécuteur
un moment pour achever sa prière. Après
quelques instants, il se tourna vers lui avec
un visage riant et lui adressa ces paroles
qui lurent les dernières : « Mon ami; je vais
au ciel : Oh! que je voudrais que tu y v nsses
avec moi ! » Le bourreau lui répondit : « Je
désire de tout mon cœur d'y aller, » el lui
tirant avec la main droite un petit bonnet
qu'il avait sur la tête, de la main gauche il
le décapita d'un seul coup , sur les cinq
heures du soir, le 26 mai 174-7.
Une des superstitions des Chinois est de
croire que l'âme d'un supi licié, en sortant du
corps, va se jeter sur h s prcmieis qu'elle
rencontie ; qu'elle exerce sur eux sa rage et
qu'elle les chaige de malédictions, surtout
s'ils ont contribué au supplice, et c'est [)Our
cela que lorsqu'ils voient donner le coup de
la mort, ils s'enfuient de toutes leurs forces.
Ici, personne no jugea l'àme du vénérable
prélat malfaisante ; tous couraient après sa
morl l'examiner de plus près. Un gentil,
nommé Cing-Eul-Yven , gagé par les chré-
tiens pour ramasser son sang avec des vises,
des cendres et des linges, écaita le ])euple,
et s'étant acquitté le mieux qu'il put de sa
commission, il ne voulut pointlaver ses mains
couvertes de terre el de cendres ensang an-
tées ; il les porta élevées, par respect, jus(|u'à
sa maison, baisant les traces de sang qu il y
remarquait, et en frotta enfin la tête de ses en-
fants, en disant: « Que le sang du saint vous
bénisse!» Les chrétiens lavèrent le corps,
l'ensevelirent honorablement dans plusieurs
enveloppes d'étoiles de soie, elle mirent dans
un cercueil (ju'ils enterrèrent ensuite. Mais
les mandarins, ayant su que, pondant la nuit
comme |)endant le jour, il était gardé par
une do.izaino do personnes, firent briser la
croix de pierre dressée sur le tombeau ; ils
ordonnèrent (|u'on tiansporlAl le cercueil
dans l'endroit oiJ l'on a coutume d'ex])Oser les
cadavres des sup|)li(nés, el ils mircnl aux fers
deux chrélieiis. Ils lireiil aussi chercher le
prètro chinois (jui a écrit ce détail le jour
même où le corps du vénérable prélat fut
déterré.
De()(iis le 21 septembre jus([u'au dépari
des va.sseaiix pour l'Iùirope, c'e.st-à-dire
jusqu'à la lin de déiMMiibre, nous apprîmo.s
que la maison de AI. do Porlimense, éVêqhe
GiÈ
cm
eut
filO
do Chan-si ol Chen-si, avait (Hé visitée et
qu'on y avait pris |)lusioiirs porsonnos ;
mais que M. l'6v(>quo avait ôchapix' et qu'il
était resté errant plusieurs jours sans avoir
avec lui aucun donieslique. On espéra qu'il
passerait de la province de Chan-si h celle
de Chen-si. Le P.Urbano, Allenuuid, do l'or-
dre de Sanit-François, re(;ut des soulUets
devant les tribunaux, et on le retint prison-
nier en attendant que la cour détenniuAt son
sort. Plusieurs missionnaires dans diverses
provinces recommencèrent à visiter leur
chrétienté et .1 y administrer les sacrements.
Les vénérables Pères condamnés à être dé-
capités attendaient encore au commencement
de novembre le jour do leur martyre. Leur
arrêt, selon l'usage, devait paraître de nou-
veau devant l'empereur, avec tous If^s arrêts
de mort portés pour être exécutés avant le
solstice d'hiver. M. Sou-Matliias, prêtre chi-
nois du séminaire des missions étrangères,
les visita et leur administra les sacrements
de même qu'au vénérable raléchiste Ara-
broisoKo, et en cela conune dans toutes les
occasions où il put assister les confesseurs
de la foi, il montra coiubien il ambitionnait
leur bonheur. Lidolâtre dont j'ai parlé et
qui avait i ecueilli le sang du resMCCtable pré-
lat, était un insigne brigand, redouté du
peui)le dans toute la contrée ; ce fut même
la raison pour laquelle on l'employa à cette
fonction. Après s'en être acquitté, il n'adora
plus ses ido'es ; au conti-aiie, il les brisa, et
dans sa famUle on n'adressa p us de prières
qu'au vrai Dieu et au vénérable évoque Sanz.
Il porta dans sa maison la pierre sur laquelle
la sentence avait été exécutée, et il y grava
ces paroles : « Pe- lao - sec - ten - thien-che :
pierre sur laquelle le respectable maître,
n(jmmé ?*</, est monté au ciel. » Depuis, ayant
oui dire que tous ceux qui suivraient sa
doctrine seraient condamnés au même sup-
plice : « Tant mieux ( répliqua-t-il en se
coniptant déjà au nombre des chrétiens )
tant mieux, nous irons tous au ciel 1 » Sou-
Mathias se transporta avec plusieurs chré-
tiens dans le lieu destiné à recevoir les
cadavres des suppliciés. Ils trouvèrent le
saint corps dans son cercueil, tout frais et
sans que le visage eût presque rien perdu
de ses couleurs. Bien plus, ayant remarqué
sur un poignet un peu de san^' extravasé ,
à cause du frottement des cordes, et ayant
voulu en tirer quelques parcelles , ils
virent couler goutte à goutte un s.nng liquide
et vermeil. Peu de temps après le martyre
de M. l'evêque Sanz, on grava sur le visage
des Pères et du catéchiste Ambroise Ko
deux caractères chinois qui marquaient le
genre de supplice auquel ils étaient condam-
nés. {Lettres édifiantes, vol. III, p. 8. )
Peu de temps après le martyre de l'evêque
de Mauricastre, on fit tracer au fer rouge,
sur le visage des quatre autres dominicains
et du catéchiste Fo, en caractères chinois,
l'indication du genre de supplice auquel ils
avaient été condamnés. L'evêque de ïipasa
était dans une prison, le P. Royo dans l'au-
tre, les PP. Alcober et Diaz dans une troi-
sième. Ils furent étranglés dans Wur prison
le 28 oitobie 17 VH.
La famille de saint Ignace (;ut ses martyrs
connue celle de saint Dominique. Sous les
auspices du fran<;iscain François D(!staroza
de Vit(!rbe, évêque de Nankin, huit Jésuites
cultivaient, dans la (trovince de c(! nom, en-
vir'on soixante mille chrétiens. Antoine-Jo-
seph Hcnriquoz, leur su[)érieur, né à Lis-
bonne, le L'J juin 1707, était passé à la Chine
avec un andjassadeur, que le roi de Portugal
envoya à Young-Tching. Arrivé à Macao, la
vue et la conversation des missionnaires,
qui de 15 se répandaient dans le céleste era-
])ire et dans l'empire Annamite, allumèrent
en son c(jeur les premières étincelles du zèle
a[)Ostolique. Docile aux im{)ressiois de la
grAce, il fut reçu, le 25 décen)bre 1727,
dans la compagnie de Jésus, entra en nns-
sion dix ans après, et fit profession en 17'i-5.
Tristan de Alhémis, né à Friouli, le 28 juil-
let 1707, entré dans la compagnie le même
jour, en 1725, avait fait profession le 2 fé-
vrier 17W, et enseigné la philosophie avec
a[)plaudissement. Le zèle de la conversion
des âmes le poitant à consacrer ses talents
aux missions, il arriva à Macao le 15 septem-
bre 17H, et partit Tannée suivante pour la
province de Nankin. Hcin-iquez et Aihémis
furent découverts et enchaînés aussitôt. On
les amena [)risonniers à Sou-tcheou, le 21
décembre 1747. La sentence qui les con-
damna à être étranglés ayant reçu la sanction
impériale, le geôlier, accompagné d'un bimr-
reau, entra, le 12 septembre 17i8, dans la
prison. On commença [)ar tirer les lits et par
répandre la paille à te. re; dispositions qui
firent juger aux confesseurs que l'heure du
sacrilice n'était pas éloignée. Un autre bour-
reau parut ensuite, des cordes à la main,
pour les lier. « Nous allons, leur dit-il d'un
ton moqueur, vous envoyer dans votre para-
dis joun- de la félicité éternelle que vous
vous promettez. » Suivant la coutume de la
Chine, on servit à manger aux patients avant
l'exécution. Comme les missionnaires ne tou-
chaient à aucun mets, les bourreaux leur
lièrent les mains et leur mirent la corde au
cou. Avant d'être séparés, ils obtinrent par
faveur de pouvoir se parler un instant pour
se réconcilier. Ils tirent ensuite, chacun de
leur côté, une courte prière, au milieu de
laquelle les bourreaux impatientés les étran-
glèrent. Leurs précieuses reliques, renfer-
mées dans des cercueils, furent inhumées
le h ndemain dans le cimetière des pauvres,
d'ûij on les tira, un an après, sans aucune
marque de corruption. L'evêque de Nankin,
tendrement attaché à son cher troupeau ,
dont il partagea tous les risques et toutes les
épreuves, termina sa vie le 2 mars 1750, par
une mort sainte, fruit d'une longue suite de
misères supportées avec constance.
Nous ne pouvons nous étendre sur les ra-
vages que la persécution causa dans diver-
ses chrétientés, mais nous ne saurions laire
que le ciel fit sur-le-champ éclater sa colère
sur les principaux persécuteurs, par des châ-
timents qui ne permirent pas de méconnaître
647
cm
cm
64S
la main vengeresse qui les écrasait : 1" Une
famine cruelle qui désola plusieurs i)rovin-
ces de l'empire, et y rendit communs d'hor-
ribles excès de barbarie ; une gue.re san-
glante accompagnée de funestes revers; la
mort du prince héritier, fils unique de Tim-
pératrice, et celle de l'unpératrice môme,
voilà les punitions générales. 2° Voici les
châtiments parlicul'ers : Le premier minis-
tre, conseil et favori do Khian-loung, auteur
de l'édit de proscription, fut précipité tout
à coup du plus haut point de la faveur au
rang île simple soldat, puis condamné à per-
dre la tête et exécuté. Le vice-roi ilu Fou-
Kien, persécuteur du vénérable évêque de
Mauricastre et de ses compagnons, élevé à
la charge de suprême mandarin des fleuves,
dans la province de Nankin, jouissait paisi-
blement de la bienveillance impériale. L'im-
pératrice m('urt. 11 a l'imprudence de se faire
rase;- la tête dans le temps du deuil général.
A l'occasion de cette faute légère, il si>ra
puni de tous ses attentats contre la religion
et ses ministres On le dégrade, on l'exile,
on l'oblige de relever à ses frais les murs
d'une forteresse ruinée; on le condamne en-
tin à perdre la tète, et, par grâce, à s'étran-
gler de ses propres mains. Le vice-roi de la
province de Nankin, à la suite d'une sédition
que provoqua la cherté des vivres, est saisi,
enchaîné, dépouillé, ainsi que sa famille, de
ses biens comme de ses honneurs; on l'exile
en Tartarie, et on le condamne à balayer les
cours du palais de l'empereur. Tandis que
le ciel venge ainsi l'innocence opprimée par
l'anéantissement des persécuteurs, la reli-
gion applaudit au triomphe de ses martyrs
par toutes les marques de joie et toulc la
pompe qui accompagne les fêtes les plus so-
lennelles. (Hennon, vol. IV, page 526.)
Jusqu'en 1708, la chrétienté de la Chine
jouit d'une assez grande tranquillité ; mais
cette année-là, le bruit se répandit qu'on al-
lait rechercher les chrétiens dans tout l'em-
pire. La peur saisit la ville et les environs;
tranquilles sur notre sort, nous ne l'étions
pas sur celui de tant d'Ames qui nous sont si
clières et qui allaient être exposées à des
tentations [)lus délicates qu'on ne pense,
quand on est loin du danger. L'alarme aug-
menta quand on apprit (|ue le chef commis-
saire du tribunal des mathématiques était
allé au palais présenter à l'empereur une
accusation pleine d'invectives contie notre
sainte rijligion. On craignit, avec (juclque
fondement, qu'il n'y eûl dans toute cette af-
faire (juehiue mjinœuvie s(!crète de la cour,
qui, par u i reste de ménagemeiil pour les
missionnaires de Tékin, ne voulait pas se
montre, à découvert, taidis que peut-être elle
donnait le branle à tout. Luti i parut un li-
belle d accusation dont voici l'abrégé : Tsi-
Tctung-Oo (c'est le rKMU de l'accusateur) of-
fre avec respect à Votre Majesté ce placel,
pour lui demander ses oi-dres touclianl l'af-
laiie suivaile : J'ai (îxamiié les diller'e:it(!s
religions (|ui soit défendues dans l'empire,
J>''irco qu'elles f)erverlisse:il les peuples, et je
me suis convaincu (pi'a ce litn.' la religion
chrétienne, plus qu'aucune autre , méritait
d'être entièrement et à jamais proscrite. Elle
ne reconnnît ni divinité, ni esprits, ni ancê-
tres; elle n'est que tromperie, sujierstiiion
et mensonge. J'ai souvent ouï parler des re-
cherches qu'on en a faites dans les provinces,
et des sentences qu'on a portées contre elle,
mais je ne vois pas que la capitale ail encore
rien fait pour l'éteuidre dans son sein. Ce-
pendant celte religion perverse s'étend :
le peuple ignorant et grossier l'embrj^se, et
y tient avec une constance qm ne sait passe
démentir. Dans la crainte que le< Européens,
qui depuis longtemps sont dans le tribunal
des mathématiques, n'eussent sédu t quel-
ques membres de ce tribunal, j'ai fait faire
sous main, et sans éclat, des recherches
exactes, et il s'est trouvé vingt-deux manda-
rins qui, au lieu d'être sensibles à l'honneur
qu'ils ont de porter le bonnet, la robe et les
autres ornements qui décorent leur dignité,
se sont oubliés au |)oint qu'ils ne ro igissent
pas de professer cette religion superstitieuse.
Lorsque le cœur de l'homme n'a aucun frein
qui lé contienne, bieniùt ii devient le jouet
de l'erreur; les vices y prennent racine et
portent partout la désolation. Les autres tri-
bunaux sont sans doute infectés comme le
mien; le reste de la capitale et les provinces
se pervertissent. Il est temps, il est de la
dernière importance d'y mettre ordre, il faut
séparer le bon du mauvais. C'est dans cette
vue que moi, votre sujet, je prie Votre Ma-
jesté qu'elle donne ordre que les vingt-deux
mandarins de mon tribunal soient traduits
aux tribunaux compétents, pour y être jugés
selon les lois; qu'en outre, on délibère sur
les moyens, les recherches, les défenses et
les punitions qui doivent couper court au
mal. J'attends respectueusement les ordres
de Votre Majesté. Le 4 de la dixième lune,
c'est-à-dire le 12 novembre; de Kien-long33,
c'est-à-dire lan 1768. » La réponse de l'em-
pereur fut : Kai pou y treon : que les tribu-
naux compétents délibèrent et me fassent
leur rapport.
Ce placet ne nous parvint que le 15 no-
vembre. Sa lecture nous pénétra de la plus
vive douleur; il y avait longtemps qu'un
particulier n'avait osé traiter notre sainte re-
ligion avec tant d'indignité. 11 fut conclu
sui-le-champ qu'on vengerait son honneur
dans une requête qu'on ferait passer à l'em-
pereur par 1j ministre, qui est nommément
chargé de nos alfaires clans cette cour. La
reiiuête fut bientôt faite. Le P. Harestain,
j)rési(lent du tribunal des mathématiques, et
ses deux collègues, furent chargés de la pré-
senter. Ils se rendirent jiour cela au [)al.ds;
mais le ministre ne leurdonr)a (pie de belles
[)aroles. U leur dit ({uc nous nous inquiétions
pour rien; (jue celte all'aire n'aurait pas do
mauvaises suit(!s; qu'il se chargeait de par-
ler lui-même à rciupereur; (pie nous devionis
savoir qu'il était noire ami, et (pie le meil-
leu- avis ([u'il avait à nous (kuiiier en cette
ipi ililé, c'était de bien pren(lr(! garde de re-
muer. Le minisire nous lroin|)ail peut-être ;
mais (pie faii«? On achevait (io tout perdre.
()49
GHI
cm
C50
si, contre ie '^v6 d'un homme aussi puissant
que lui, on s(î ïùt adressé dii-ectoment h l'em-
pereur. D'ailleurs c'était une chose morakï-
mcnt impossible; on ne voit pas ici rem|)e-
reur quand on veut. Il fallut donc att(Mi(lre
les événements. Nous ei'imes tous recours h
la ressource ordinaire des |)ersonnes alllifz;ées.
On redoubla la prière dans nos maisons, et
tous les jours on y offrit le saint sacrifice de
la messe pcmr conjurer l'orage. Cependant,
la nuit du 18 au 19 novend)re 17G8, les vingt-
deux mandarins accusés furent cités au tri-
bunal des crimes, qui, ne voulant pas juger
cette affaire tout seul, avait appelé des mem-
bres (lu tribunal des rites et du tribunal des
mandarins, pour juger conjointement avec
lui. L'interrogatoire fut long, et ce ne fut
que bien avant dans la nuit que les accusés
furent renvoyés jusqu'à un plus ample in-
formé. On présenta au ministre les (ié|)osi-
tions; il dit: «Pourquoi, dans une atl'aire
qui n'est pas de conséquence, envelopper
tant de personnes. » Ce mot lit son eifet. Le
tribunal des crimes rappela les accusés, et,
les divisant en sept familles, il ne fit subir
un nouvel interrogatoire qu'aux chefs de cha-
cune de ces familles; les autres accusés ne
comparurent plus. Ignace Pao, chef de la fa-
mille des Pao, qui la première se fit chré-
tienne à Pékin il y a près do deux siècles,
et qui, dans des temps très-difTiciles, avait
logé le fameux P. Ricci, fondateur de cette
D)ission, Ignace Pao répondit comme un
ange. Ses juges, étonnés de la beauté de la
morale chrétienne, convinrent de bonne foi
que, même sur le sixième commandement
que les païens gardent si mal, c'était la bonne
et la véritable doctrine. Survint l'arrêt du
sin-pou; il est assez modéré. Il ne dit rien
contre notre sainte religion ; on y lit môme
qu'elle n'a rien de mauvais. Cependant ,
comme elle est défendue par les lois, il la
défend de nouveau, et il oblige les chrétiens
à aller se déclarer, s'ils veulent obtenir le par-
don du passé.
Voici les termes de l'arrêt : « Les manda-
rins accusés nous ont répondu d'une ma-
nière suftisante. Toute leur faute se réduit
à avoir embrassé une religion défendue dans
l'empire. Nous avons consulté les lois : il y
en a une qui porte que ceux qui auront violé
une loi seront condamnés à cent coups de
pantze (c'est un grand bâton de cinq pieds,
plat par le bout). Selon le dispositif d'une
autre loi : Si toute une famille se trouve cou-
pable, le chef seul sera puni. Un troisième
dit • Si quelqu'un du tribunal des mathémati-
ques est coupable, on le privera de ses titres
et il sera réduit au rangdupeuplc. Pour se con-
former à ces lois, dans le cas présent, il faut
casser de leurs mandarinats les sept chefs de
famille qui, contre les lois, ont professé la
religion chrétienne. Quant aux quinze autres
accusés, comme, suivant les lois, on a jugé
responsables de leur faute leurs pères ou
leurs frères aînés, ils doivent, selon les
lois, être mis hors de cause et de procès.
11 faudra défendre aux uns et aux autres de
[•rofesser la religion chrétienne et les punir
DiGïioNN. DES Persécutions. I.
sévèrement s'ils no se corrigent pas. Outre
cela, dans les deux villes qui comnosent Pé-
kin, et dans tout le disirict, il faunra afficher
(U'S placards pour avertir (jue désormais on
usera des voies de rigueur contre tous les
chrétiens qui n'iront i)as se dénoncer eux-
mêmes. Ces placards s(!r()iit affichés [)artout
où il est de coutume. Telle est la sentence
que nous avons porté(> ; nous la proposons
respectueusement à Votre Majesté. — Aujour-
d'hui le 5 de la onzième lune, de Kienlong
33, le 1.3 décembre 17G8. »
L'empereur répondit par ces deux mots .
« 1', F, j'appi'ouve cette sentence, respectez
cet ordre. » Le ministre, par égard pour les
missionnaires de Pékin, et le président tar-
tarc qu'on avait su gagner, avaient fait adou-
cir cet arrêt tant qu'ils avaient pu ; cepen-
dant, en le lisant, nous eûmes le cœur percé
de la douleur la plus araère. Nous vîmes f|ue
des sept chefs de famille interrogés, tous
n'avaient pas répondu également bien; plu-
sieurs avaient cherché des détours pour se
tirer d'affaire, et sans renoncer à leur foi,
ils ne l'avaient pas honorée comme ils de-
vaient; d'ailleurs notre sainte religion se
trouvait défendue de nouveau, et il était en-
joint aux particuliers d'aller se dénoncer
eux-mêmes, s'ils voulaient obtenir le pardon
du passé. Cette clause était bien dangereuse;
elle causa effectivement de grands maux
comme nous ne l'avions que trop prévu.
Les mandarins des provinces , attentifs
aiix démarches de la capitale, se tenaient
prêts à agir ; un rien pouvait allumer le feu
de la persécution dans tout l'empire. Le P.
Lamalthe, missionnaire français de la pro-
vince de Houquan, ne fut manqué que d'un
quart d'heure; les archers étaient presque à
sa porte qu'il n'en savait encore rien. Il se
sauva précipitamment dans les montagnes
où il resta trois jours et trois nuits, caché
dans un fossé et pouvant être à tout moment
dévoré par les tigres, qui sont en grand
nombre dans toute la Chine. La chrétienté
qui est auprès de la grande muraille nous
envoya un exprès, disant que le bruit se ré-
pandait que nous étions tous arrêtés et
qu'on nous avait conduits au tribunal des
crimes, chargés de neuf chaînes comme le
sont les criminels de lèse-majesté. Nous ne
méritions pas une si grande grâce, la Provi-
dence nous réservait à un autre genre de
])eine. Les placards s'afTichèrent le saint jour
de Noël. Cela ne nous empêcha pas de célé-
brer cette fête avec un certain éclat. Comme
il ne faut pas braver l'autorité, il ne faut pas
non plus que les ministres du Seigneur crai-
gnent trop. Le soir, avant que les barrières
des rues fussent fermées, une foule de chré-
tiens se rendit à petit bruit dans notre
maison; il y en avait déjà d'autres venus de
la campagne. Je vis parmi eux un bon vieil-
lard de soixante-douze ans, qui, pour avoir
la consolation d'assister à la fête , n'avait
pas craint un voyage de quatre-vingts lieues
dans une saison très-rigoureuse. A minuit,
notre église était plus éclairée qu'en plein
jour. La messe commença aux sons des ius-
21
651
cm
GHl
652
truments et d'une musique vocale qui est
fort au goût des Chinois, et qui a quelquefois
de quoi plaire aux Européens. Il n'y eut que
vingt musiciens: on retrancha le gros tam-
bour et les instruments qui font trop de
bruit et qui, dmslos circonstances, auraient
paru réveiller la haine des idolâtres. Les
soldais dos rues battaient les veilles de tous
côtés , et ils entendaient à peu près comme
s'ils eussent été dans l'église. Cependant il
n'y eut rien. Quand le jour fut venu, les
chrétiens sortirent de notre maison peu à
peu, et s'en retournèrent bien contents chez
eux. ,
Pékin a deux villf^s, la ville tartare et la
ville chinoise. La première a quatre lieues
de tour et contient un million d'hnbitants;
la seconde, quoique moins grande, n'en
compte pas moins. Elle a deux lieutenants
de police, qui," pour l'ordinaire, sont man-
darins d'un ordre supérieur et membres
d'un des six grands tribunaux de l'empire.
Le mandarin Ma occupait un de ces postes
et s'y distinguait par sa probité, son désin-
téressement et son exactitude à maintenir
l'ordre. Tout le monde savait qu'il était chré-
tien et personne ne pensait à l'inquiéter. Son
collègue nommé Lij, ne pouvant lui res-
sembler, chercha à le perdre. Il lui signi-
fia qu'il eût à obéir à l'arrôt du sin^pou et
à se dénoncer lui-même comme chrétien, ou
bien qu'il lui en épargnerait la peine; qu'il
ne lui donnait que trois jours pour délibé-
rer. Ma fut fort embarrassé : il consulta;
enfin, tout bien considéré, il prit son parti.
Le .31 d 'cembre, il présenta au tribunal du
gouverneur, dont il était membre, un écrit
conçu eu ces termes : « Pour obéir à l'arrêt
du iribunal des crimes, je déclare que ina
famille et moi nous sommes chrétiens depuis
trois générations. Nos ancêtres embrassèrent
la religion dans leLeao-Tong, leur pays. Nous
connaissons comme eux que c'est la vraie
religion qu'il faut suivre, nous y sommes
tous fermes et constants. » Les mandarins
du tribunal du gouverneur aimaient iMa.
Ayant lu sa déclaration , ils lui dirent : « A
quoi pensez-vous? Vous courez vous-même
à votre perte; attende/ qu'on vous recher-
che, il sera alors temps de vous déclarer. —
C'est malgré moi, dit Ma, que je fais culte
démarche, on m'y a forcé. » Là dessus on
le conduisit au ministre, comme au chef du
tribunal. Le jninislre connaissait Ma, il le
recul avec beaucouj) d'amitié ; mais le voyant
ferme, il donna commission aux mandarins
do son tribunal de iCvàmi-ier. Pour le sau-
ver, on ne voulait lirei- de lui qu'une parole
un tant .soit [)eu équivocpie : on eut beau
faire, A/a fut inébranlab'.t!. Sa ft.'rmeté irrita
insensiblement ses juges qui ne concevaient
pas coinmetil on [)eul être ainsi attaché à
une religion. Le lils du ministre, qui était
gouverneur de Pékin et eneor.; jeune, s'é-
chauil'a [)lus que les autres eldemanda brus-
ijuement à Ma : « Si l'em[)ereur vous ordonne
(le changer, que fer(;z-vous? » Ma ré|)ondit :
« .l'obéirai à Dieu. » Le jeune gouverneur, oui
tie voyait rien au-d(jssus de l'empereui', fut
frappé de cette réponse; il pâlit et ne dit plus
mot. Il alla sur-le-champ faire son rapport au
ministre, son père, qui présenta un placet à
l'empereur en son nom et au nom de son
fils. 11 y raconta tout ce qui s'était passé la
veille, et il finit eu [)riant l'empereur de li-
vrer il/a au Iribunal des crimes pour y être
jugé selon la rigueur des lois.
L'empereur aima mieux qu'il fût conduit
au tribunal des ministres et des grands de
l'empire pour y être examiné et interrogé
de nouveau. L"em[)ereur comptait que la ma-
jesté de ce tribunal en imposerait à l'accusé
et que difficilement il pourrait résister aux
instances de ce que l'empire a déplus grand.
Mais Ma se soutint avec un courage qui
étonna ses juges et qui leur ôta l'espérance
de le vaincre. Dès le lendemain ils présen-
tèrent à l'empereur le placet suivant : « Vos
sujets, nous, premier ministre et autres,
présentons respectueusement ce placet à
Volrt Majesté. Pour obéir aux ordres qu'elle
nous a donnés, nous avons fait venir en no-
tre présence Sching-le (nom taitare de Ma)
et nous lui avons dit : « Si vous consentez à
sortir de votre religion, l'empereur vous ac-
corde le grand bienfait de vous exempter de
toute poursuite et de vous maintenir dans
vos emplois. » Ma a répondu : « Je n'avais
que dix-neuf ans lorsque, étant encore dans
mon pays au delà de la grande muraille, un
nommé Na-Lung-go persuada à mon aieul
d'embrasser la religion chrétienne. Mon
père suivit son exemple et moi celui de
mon père. En recevant le saint baptême, je
fis vœu de mourir plutôt que de renoncer
au Dieu du ciel, à l'empereur et à mes père
et mère. Depuis dix-huit ans que je suis
dans Pékin, occupé dans difiérents manda-
rinats, j'ai été de temps en temps aux églises
du Dieu du ciel. J'ai lu dans ces églises trois
inscriptions exposées à la vue du public, et
toutes trois écrites du propre pinceau de
l'empereur Kang-hi. L'inscription du mi-
lieu contient ces quatre lettres: Au vérita-
ble principe de tous les êtres. Les inscrip-
tions latérales sont : Après avoir tiré au
néant tout ce qui tombe sous nos sens, il le
conserve et il ij préside souverainement ; il est
la source de toute justice et de toutes les au-
tres vertus ; il a la souveraine puissance de
nous éclairer et de nous secourir, ^i^c. Tel est
le Dieu des chrétiens ; tels sont nos engage-
ments, je ne puis y renoncer.... Nous, vos
sujets, nous nous y sommes pris de toutes les
manières pour convertir et gagner ce manda-
rin, mais il |)ersiste aveuglément dans son
opiniAlreté ; il ne veut [)as ouvrir les yeux :
c est quehpie chose d'incompréhensible. Vo-
tre Majesté s'en convaincra par le détail de
nos interrogations et de ses réponses, dont
nous ofiVons lespeclueusemenl le manus-
crit à Votre Majesté, avec ce placet. — Le
27 de la onzième lune, de Kian-long 33,
lo 11 janvier 1709. » L'(!mpeieur répondit :
Que Ma soit cassé et traduit nu sin-pou.
En conséquence de cet ordre, on arracha
à Ma les luanjues do sa dinnilé; on le char-
geade chaînes et, dans cul étal, on le condui-
655
flH!
cm
cr)4
sit du palais an tribunal des crimos, sur une
charroMo ([(^couverte. Ainsi Itla, lieutenant
de i,>olic(> (le la capitale, membre d'un des
six grands liibunanx de l'empire, ayant
grade de colonel dans une des huit banniè-
res, l'ut (lonn(^ en spectacle d(i terrenr, uni-
quement [loiu'la religion. Menaces, sollicita-
tions, insultes, promesses, tout fnt (Miiployé
successivement pour l'ébranler, mais ce f'iit
eu vain; Ma ni; se dénuMilit pas un moment.
Sa conslahce comnien(;a à intrij^uer les mi-
nistres ; il y allait au moins de leur foi-
tune s'ils ne venaient pas <^ bout de l'aire
respecter l'ordre de l'emperenr, cjui ja-
mais ne doit être sans ed'et. Ils se rendaiint
de temps en temps au sin-pou. Un jour,
le ministre chinois menaça Ma de le faire
mettre h une question cruelle : « Nous ver-
rons, dit-il, si les tourments ne seront pas
plus eilicaees que nos paroles. — Vous n'y
entendez rien, reprit le comte; il est inu-
tile le le presser de renoncer à sa reli-
gion ; il n'y renoncera pas ; laissez-moi
faire. » Puis, s'adressant à Mo, il lui dit :
« Vous avez otfensé l'empereur, ne vous en
repent z-vous pas ? Et n'ètcs-vous pas dans
la résolution de vous corriger de vos fautes
passées? — Oui, répondit Ma, mais je ne
puis sortir do la religion chrétienne ni renon-
cer à Dieu. » Ce m it tira d'affaire le minis-
tre, ma s il ternit du moins devant les hom-
mes la gloire que Ma s'était si justomeii ac-
quise jusqu'alors. Le ministre, s'attachant à
la première paitie de la réponse, dit d'un
ton ba.iin qui lui était familier : « Je sais
mieux ce que pense Ma que lui-même : il
respecte L'S ordres de l'empereur; il veut
se corriger; tout est dit. Que faut-il de
plus? Ma eut beau [)rotester qu'il était tou-
jours ciirétien, et qu'il le serait jusqu'à la
mort, le ministre fit la sourde oreille ; et,
sans tarder davantage, il alla faire son rap-
port à l'empereur qui, qu Iquesjours après,
fit publier dans les bannières l'ordre sui-
vant :
« La résistance que Ma a faite à ma vo-
lonté méritait une punition exemplaire; il
convenait de le traiter en criminel ; mais
comme la crainte lui a enfin ouvert les yeux,
et l'a fait sortir de la religion chrétienne, je
lui fais grAce ; je veux même qu'il soit man-
darin du titre de Cheon-pei. Qu'on respecte
cet ordre. »
Il y a dans l'empire huit bannières : c'est
toute la force de l'Etat. Chaque b uinièrepout
avoir trente à quarante mille hommes exer-
cés dans le métier de la guerre, et toujours
prêts à partir au moindre signal. Quoique les
Tar'ares fassent le fond de ces troupes, on y
compte cependant beaucoup de Chinois dont
les lamilles s'attachèrent à la dynastie pré-
sente, lorsqu'elle conqidl la Chine. L'<dfaire
de Ma excita, dans quelques-unes de ces
bannières, une vive persécution contre no-
tre sainte religion: les premiers coups tom-
bèrent sur la famille des Tcheon. Son chef,
nommé Laurent, est un homme de soixante-
deux ans, qui s'était signalé dans une pa-
reille occasion, trente ans auparavant : il
comptait bien qu'il en serait de môme cette
fois-ci, mais il m; savait pas à quelle épieuvi!
on devait mettre sa constance. 11 avait un
(ils noumié Jean : c'était un jeune homme
extrêmement aimable, et peut-être trop ai-
mé du vi(!ux Laurent. Ce fui par cet endroit
qu'on l'attaqua.
Jean fut mandé le 7 janvier 17G9, avec
son père (;t quelques-uns de ses parents.
Les mandarins, en voyant Laurent, dirent :
« Nous connaissons cet homrne-là, il ne de-
manderait pas mieux que de mourir. » Puis
ils vinrent au fils et ils lui dirent : « Il y a
ordre de l'empereur (lue vous renonciez à
votre religion. Y renoncez-vous, ou bien
n'y renoncez-vous j»as? — Je n'y renonce
pas, répondit Jean.» A l'instant on se jeta sur
lui, et on rétendit \)QV terre; un hoûjme
se mit sur sesé()aides, un autre sur ses jam-
bes, et un troisième, armé d'un fouet tar-
tare long de cinq pieds et gros com:ne le
petit doigt par l'une de ses extrémités, lui
donna vingl-sej)! cou[)S. Les trois premiers
lui firent une douleur si vive, qu'il craignit
de ne pouvoir pas soutenir longtemps un
combat si rude; mais ayant prié Dieu dans
le fond de son cœur, il sentit croître ses
forces et son courage. Le lendemain, il vint
nous voir; il avait un air content. Nous nous
jetûmesàson cou pour l'embrasser; ils'atjjen-
drit et pleura. « Ah ! que je crains, nous dit-
il, de n'avoir pas la force de soutenir les tour-
ments!» Nous le rassurâmes de notre mitux,
et nous lui promimes tou's le secours de nos
prières. Le 9, il communia à notre église,
et après avoir demandé instamment notre
béné iction, il se rendit pour la seconde
fois au lieu du combat. Le vieux Laurent
reçut d'abord cinquante-quatre coups en
deux temps. On n'en donna que trois à Jean,
puis on s'arrêta. Jean, qui auparavant crai-
gnait de n'avoir pas le courage de souflrir,
craignit, dans ce moment, de ne soufi'rir pas
assez. Il reçut encore vingt-se[)t coups.
Le 11 janvier, il fut rappelé pour la troi-
sième fois. Ce fut le jour de ses grandes
souffrances et de son tiiomphe. Voici com-
ment il raconte la chose dans une lettre qu'il
nous écrivit le lendemain. « Hier, dès que je
fus ariivé, le mandarin me demanda si je re-
nonçais, ou non. Je répondis à l'ordinaire :
je ne renonce point. Aussitôt on m'ôta mes
habits, et on me donna vingt-sept coups de
fouet ; après quoi, on me demanda une se-
conde fois : Renoncez-vous, ou non? Je ré-
pondis une seconde fois : Je ne renonce pas ;
on me donna encore vingt-se[)t coups. On
me fit quatre fois !a même demande, je fis
quatre fois la môme réponse, qui fut tou-
jours suivie de vingt-sept cou^s. A toutes
les reprises, ou changeait de bourreaux. »
Jean, dans sa lettre, ne parle j)as de son
père. Nous sûmes qu'il avait été battu plur
sieurs fois, saiiS avoir donné la moindre
marque de faiblesse; mais il ne tint pas aux
traitements cruels que l'on faisait à son
fils ; chaque coup qui le frappait perçait son
cœur. Vaincu enfin par une fausse tendresse,
il succomba malheureusement, ne pienaut
«55
CHl
€HI
656
pas garde que sa chute allait être le plus
cruel supplice de son fils. Jean continue
ainsi : « Voyant que les coups de fouet n'é-
branlaient pas la constance ciue le Seigneur
rD'inspirait,mon mandarin me mit à genoux,
une- demi-heure, sur des fragments de por-
celaine cassée, et il me dit : « Si tu remues,
« ou si tu laisses échapper quelque plainte,
« tu seras censé avoir apostasie. » Je le
laissais dire, et je m'unissais à Dieu; les
mains jointes j'invoquais tout bas les saints
noms de Jésus et de Marie. On voulait en-
core m'(Mer cette consolation. On séparait
mes mains, et on parlait de me cadenas-
ser la bouche ; mais on eut beau faire, ce
supplice n"eut pas l'eiret qu'on s'en était pro-
mis; on en revint aux coups. On me frappa
encore à quatre reprises dilférentes ; alors
mes forces s'épuisèrent, une sueur froide me
prit, et je tombai en faiblesse. Ceux qui
étaient autour de moi profitèrent de ce mo-
ment; ils saisirent ma main, et formèrent
mon nom sur un billet apostatique. Je m'a-
perçus bien de la violence qu'on me faisait ;
mais alors j'étais môme hors d'état de pou-
voir m'en plaindre. Dès que j'eus assez de
force pour pouvoir j)arler, je protestai que
je n'avais aucune part h cette signature; que
je la détestais ; que j'étais chrétien et que je
le serais iusqu'à ma mort. On me remit une
seconde fois sur les fragments de porcelaine
cassée, mais je n'y restai pas longtemps.
Mon olficier s'aperçut que je m'affaiblissais
sérieusement ; il donna ordre de me traîner
hors de la cour. Je crus devoir renouveler
en ce moment ma profession de foi. Je dis
hautement que j'étais chrétien, et que je le
serais toujours. Mon père et mon oncle
m'emportèrent dans une maison voisine
pour y passer le reste de la nuit. »
Nous avons su d'ailleurs que Jean était
dans un état si pitoyable que les païens
eux-mêmes ne purent s'empêcher de verser
des larmes en le voyant, et le fils do son
mandarin alla lui-même lui chercher un re-
màdequi lui lit du bien. On ne pouvait plus
revenir à 1-a charge sans le tuer. Le froid lui
avait causé une si violente contraction de
nerfs, que ses genoux touchaient sa poi-
trine ; ses reins étaient courbés et ses chairs
monstrueusement entlées. Il ne voulait pas
({ue ses parents et ses amis le plaignissent; il
était tranquille, gai, content. Les chirurgiens
«;omptaient que, s'il en réchapi)ait, il en
avait au moins pour tiois mois ; mais, grAce
à Dieu, en moins d'un mois il guérit assez
bien pour venir h notre église, à l'aide de
deux personnes qui le soutenaient : il lit
.ses dévotions. A|)rès son action do grAces,
il vint nous voir. Je lui demandai si, dans
les tourments, la jjensée ne lui était pas vo-
nue (ju'il pourrait bien y rester; il nu; ré-
ijondil (pi'il cioyjiil bien être h sa deniièn!
heure, quand il' sentit la sueur froide si- ré-
pandre sur tout son corps; cependant, a.jou-
t.-i-t-il avec beaucoup d(! simplicité: si j'étais
iQort, je n'aurais plus eu le i)onlieur de
communier; oA en disant ••••s paroles les
Jaim»s lui vinrent aux yeux. On n'cnlondil
pius parler que de chrétiens battus et mal-
traités de tôitesles façons pour la religion.
Un jeune soldat, noxmuéOuang Michel, d'une
autre bannière que Jean, eut à soufirir les
mêmes combats que lui. Tchon Joseph fut
attaché à une colonne la tête en bas et la moi-
tié du corps sur la glace. Ly Matthias fut
battu sans interruption jusqu'à ce qu'il per-
dît connaissance, etc.... (Lett. édif., vol.lll,
p. 78.J
Ce fut à cette époque à peu près, que fut
arrêté dans le Sse-tchouan, le .30 mai 17G9,
le P. Gleyo, prêtre des missions étrangè-
res. Ses souffrances durèrent jusqu'en 1777,
comme on peut le voir à son titre. En 1772,
il y eut quelque apparence de persécution. Un
édit fut rendu qui déclarait la religion chré-
tienne contraire aux lois de l'empire, mais
qui, en même temps, disait qu'elle ne ren-
fermait rien de faux ni de mauvais. On vou-
lait surtout intimider les chrétiens. Personne
ne fut condamné à mort.
En 1774, on eut connaissance à Pékin du
bref qui supprimait la compagnie de Jésus.
Le supérieur des Jésuites écrivait : « Sou-
mettons-nous et adorons : Donunus est. Je
vous avoue que, malgré la résignation la plus
entière, mon cœur est blessé à ne guérir ja-
mais ; sa plaie durera autant que moi
Mais je l'ai dit : Je ne veux ni me olaindre,
ni être plaint; il faut boire le calice jusqu'à
la lie. Heureux si en nous élevant jusqu'aux
sentiments généreux de l'apôtre des Indes
et du Japon, notre grand saint Xavier, nous
disons avec lui : « AmpUiis, Domine, am-
plius l » Cependant, pour dire le vrai, il se-
rait difficile d'ajouter à nos malheurs. Au
mois de février de cette année 1775, il nous
en est arrivé un qui nous a percés jusqu'au
vif. il y avait au collège une magnifique
église, bAtie à l'européenne. Ce monument
auguste de la piété et du zèle des princes
chrétiens, dominait cette superbe ville et an
no;içait à sa façon la gloire du vrai Dieu.
L'Orient n'avait rien de si beau ni de si tou-
chant. Le jour de la fête de sainte Catherine
de Ricci, grand'tante du respectable et saint
vieillard du même nom, qu'on dit être au
chAteau Saint-Ange, le P. Puno , Chinois,
alla célébrer la dernière messe qui se dit à
sept heures, parce que l'usage des Chinois
est de dîner à huit. Pend;! ut la messe, il se
trouva mal. Il sortait de dessous l'autel une
odeur forte (jui rincommoda au point (pi'il
eut bien de la peine à finir- le saint sacri-
fice A peine était-il rentré dans sa cliam-
bic, qu'on ci'ia dans la cour : « Le feu est à
l'église!...» Le feu était si violent, et il avait
pris en tant d'endroits à la fois, qu'en une
heure de t(Mn[)S, ce vaste édifice fut con-
sumé!... Celui (pii tient entre ses mains le
(•(i;ur des mis toucha celui de l'empereur...
Dès le lendemain, il donna ordre au tribunal
(les ministres do s'informcM- de ce (pie son
aïeul, l'empereur Khang-lii, avait fait pour
l(! (lollége, lors(pr(m doiuia à son église
la l'orme (pi'ell(! avait ci-devant. Il se trouva
(jue Kliaiig-hi avait nrêlé à nos Pères un ouan,
c'est-à-ilire dix mille onc<«s d'argent, ce qui
6S7 CHI
revient ici à s(>i\aiito-(|uiiizo mille livres de
iiotic moniiait'. Kii Chine, les anciens usa-
ges l'ont loi : Kliian;^-loun|^ en donna autant.
Cetti; Ki-Ace n'était (jue le nréhide d'une au-
tre bien [)lus eonsidérable. 11 y avait dans
l'église trois grandes et magnilicmes ins-
eri[)lions. L'empereur Khang-lii lui-mômo
les avait écrites de son pinceau rougcî. C'est
un de ces présents rares dont on no connaît
bien le prix (pi'en voyant de ses yeux quel
cas en font les Cliinois. Nous avons une de
ces inscriptions impériales en trois caractè-
res seulement : c'est un mot gracieux de
Kliiang-lii au P. Parennin ; elle est expo-
sée tlans l'endroit le plus honorable de la
salle où. nous recevons les grands. J'ai vu
un prince du sang n'oser s'asseoir au-des-
sous; il se retira par respect dans un coin.
Selon les mœurs du pays, perdre un tel pré-
sent, c'est toujours une faute ; il faut s'en
accuser auprès de l'empereur. Nos Pères du
collège le firent dans un écrit qu'ils présen-
tèrent à Sa Majesté. L'empereur les reçut
avec cet air de bonté qu'il sait si bien pren-
dre quand il veut ; il leur pardonna comme
on pardonne une faute qu'on sait bien être
involontaire. Ensuite , pour réparer leur
perte, il donna ordre à son ancien maître,
qu'il avait fait ministre do l'empire, do pré-
parer de belles inscriptions pour ia nouvelle
église : « Je veux les écrire moi-même ,
ajouta l'empereur; je les écrirai de mon pin-
ceau rouge. »
Cette nouvelle se répandit aussitôt partout.
On vint de tous côtés au collège féliciter nos
Pères... Il y eut môme de nos chrétiens en
place, qui ne pouvaient presque s'empêcher
de regarder comme une espèce de bonheur
l'accident qui était arrivé. Depuis ce temps-
là nous sommes tranquilles ; on rebâtit
l'église, elle sera magnifique. Nos Pères du
collège, ne voyant plus de successeurs après
eux, ne craignent pas de se mettre à l'étroit;
ils veulent olFrir à Dieu , en finissant , ce
qu'ils ne gardaient que pour le faire connaî-
tre et aimer. Quoique nous tachions de ne
rien laisser échapper au dehors de nos dé-
sastres , cependant nos néophytes savent
tout. Ils sont désolés. Ils font quelque chose
de plus : par attention pour nous et pour
l'honneur de la religion, ils évitent de par-
ler de nos malheurs et des leurs. Les choses
vont leur train. Il nous est venu des pro-
vinces près de deux cents chrétiens pour les
fêtes de Pâques. Ils ont montré une fer-
veur qui nous a d'autant plus touchés que
nous ne pouvions nous empêcher de penser
que, dans la suite, il n'en sera peut-être pas
ainsi Vaine espérance , si l'on ne se
presse de nous remplacer 1 Quels hommes
que les Loppin, les Roy, les Beutfi, les For-
geât et tant d'autres que notre province
seule a fournis à la Chine ! Nous les vîmes
partir il y a longues années ; nous ne pou-
vions assez admirer leur piété, leur zèle,
leur détachement , leur recueillement, cet
esprit intérieur, cet esprit d'oraison qui les
tenaient sans cesse dans la présence de Dieu,
et qui les rendaient si souples dans sa main.
cm
058
J'ai ou le uonheur de les suivre sans avoir
leur vertu. J'ai vu, de|)uis que je suis ici,
que bien loin de se déuientir, ils sont allés
en croissant. Aj)rès avoir fourni une car-
rière méritoir(ï et bien gloricîuse h la reli-
gion, ils sont morts saints. Il y n sans doute
de saintes gens et de bons missionnaires
parmi les religieux et les prêtres rpii ont
voulu j)artagerles travaux de laComj)agnie;
qu'on no tarde donc pas d'en envoyer 1 O
Dieu I combien d'âmes vont se re[)longer
dans les ténèbres de l'idolâtrie 1... Combien
n'en sortiront pas!... Ici, Dieu aidant, les
choses pourront encore se soutenir quel-
ques années, parce que, vu les circonstan-
ces et le local, on ne voudra pas nous inter-
dire, parce qu'il est plus difficile qu'on ne
pense de nous remplacer; parce qu'il est
moralement impossible de toucher à notre
état, c'est-à-dire à notre façon de vivre et
d'être au palais. Mais nous ne sommes pas
immortels : Pékin tombera enfin et suivra le
malheureux sort des autres missions. »
(Henrion, vol. IV, p. 534.)
En 1776, le tribunal des crimes poursuivit
d'office les missionnaires; mais un mot do
l'empereur fit cesser cette poursuite. En
1777, la persécution recommença. Le man-
darin d'un village nommé Ye-kia-tchouang,
frappé du progrès de la religion, voulut l'ar-
rêter. Pour avoir occasion de faire une mau-
vaise affaire aux chrétiens , il leur donna
ordre de contribuer à la rebâtisse d'un miao
(temple d'idoles). Les chrétiens répondirent
qu'ils ne le pouvaient pas, mais qu'ils s'of-
fraient volontiers à contribuer à d'autres
charges publiques , comme à rebâtir des
ponts et à raccommoder des chemins. Le
mandarin s'attendait bien à cotte réponse ;
au lieu de s'en contenter, comme tant d'au-
tres mandarins, idolâtres comme lui, il les
chargea de chaînes et les traîna en prison.
Ils étaient on tout une vingtaine. Trois jours
après, c'est-à-dire le 5 mars 1778, il les cita
a son tribunal. Là il fit tout au monde pour
les séduire : il revenait sans cesse aux lois de
l'empire et à la honte dont il prétendait que
des Chinois se couvraient en suivant une re-
ligion étrangère, telle que celle des Si-Yang-
Gin (Européens). Il y avait parmi les pri-
sonniers un nommé Sou-Mathias , baptisé
seulement depuis un mois. Il prit la parole
et répondit si à propos et si raisonnablement
que le mandarin n'eut rien à répliquer. II
s'en Irrita, et, pour s'en venger, il lui fit don-
ner sur-le-champ la question qu'on appelle
en chinois kia-koan ; c'est un supplice vio-
lent. On met les pieds du patient entre des
planches qui sont étroitement liées ensemble
à une de leurs extrémités ; à l'autre il y a
deux hommes puissants qui, avec des cor-
des, serrent ces planches et les rapprochent
par secousses ; à la première secousse les
plus robustes tombent en défaillance. Sou-
Mathias soutint généreusement cette ques-
tion, à plusieurs reprises; le mandarin, re-
buté et humilié de sa constance , le fit relâ-
cher. Il s'attaqua ensuite à un catéchumène.
Il s'imagina que celui-ci, n'étant point encore
659
cm
cm
(i h)
chrétien, il en viendrait plus aisément à
bout ; il lui fit donner dis soulllcts sans nom-
hre. Le catéchumène répondit constamment
qu'ayant le bonheur de connaître !e vrai
Dieu", sa conscience ne lui permettait pas de
s'en écarter et (jue très-silrement il embras-
serait la religion chrétienne, la seule où
l'homme puisse rendre à Dieu ce qu'il lui
doit et sauver son âme. Le raandaiin en fit
battre un troisième et les renvoya tous en
prison.
LaChineaurait ses martyrs commeailleurs,
si le |iremier interrogatoire décidait du sort
des chrétiens ; mais il n'est pas croyable
combien on fait jouer de machines pour les
tromper et les ébranler. Les Chinois sont
en cela d'une in<lustrie qui passe tout ce
qu'on peut dire. Il faut que le mandarin l'em-
porte à quelque i)rix que ce soit; il y met
son honneur, jam.iis il ne se rend. Quand
celui de Pa-tcheou sut que ses gens étaient
ve lus à bout, à force de ruses, de tromi)er
quelques-uns des néophytes, il les lit tous
comparaître devant lui pour la seconde fois.
Sou-.Mathiasfut encore souflleté et battu avec
le pan-tsée (bûton long de quatre à cinq
pieds dont on se sert pour puiiir les cûuj)a-
hitis). Tous les autres chrétiens furent battus
de même. Alors le mandarin dit : « qu'on
les reconduise en prison et qu'ils signent
l'écrit qu'on demande d'eux. » Les uns di-
rent : « Nous obéirons;» d'autres se turent,
et afin (|u'on n'entendît pas ceux qui j)Our-
raient réclamer, les gens du tribunal firent
beaucoup de bruit et les p >ussèrenl hors de
la salle. La même chose ai'riva peu après à
Sin-tcliang-hien, |)etit endjoit qui n'est pas
loin de Pa - tcheou , mais d'un autre dis-
trict. Onze chr tiens y montrèrent beau-
coup de constance dans les tourments ; et
après ils cédèrent presque tous à de mau-
vaises laisons et à une compassion dépla-
cée. Je ne suis point pour le merveilleux, il
faut cependant dire le vrai. 11 est arrivé à
Pa-tcheou deux faits singuliers.
Sou-ilathias, après avoir re(;u la question
kia-koan, fit un mouvement |)our se lever.
Les gefis du tiibunal se mirent à lire ; deux
s'apjjrochèrent d;- lui pour l'eujporler. « At-
tends, lui dirent-ils, tu n'y penses pas ; tu en
as f>our cent jours; sans jKjuvoir te remuer. »
Sou-Ma'hias se sentait, il les laissa dire,, se
leva seul et, sans douleur et sans aide, il s'en
retouiiia f;n prison où tout de suite il pré-
para à manger aux autres prisonniers. Dï\
jours ap/ès il vint de son pi(Ml ii lN';kin. Les
chrétiens nous r<JContèrent ce (jui était ar-
rivé et ce qu'ils avaient vu euv-inèiues d(;
leurs yeux. Je cherchais à expliquer cç fait
singulier. Il nie vint en pensée tpie peut-
être le mandiirin n"<iv;jit voulu (pie l'eiliMyei',
et que les coiiji'.squi unissaient los pl.jnchcs
il une extrémité se prét-iient n inesuie «piii
l'autre exicémité on i'apj)roi:liait les jilanches
nour érraser le jiiiid el le ba-i de la jambe.
L'i P. Dollicirs voulut en avoir le eunir net.
lilanl seul dans la cliambre avec Sou-.Ma-
tliias, il lui dii d'ùter ses bas; .dois il vit de
s«s yeux , au-dcssuj» el au-dessous de la
cheville du pied , de grosses taches noires,
formées par un sangextravasé;Sou-Mathias
y passa la main et les frotta sans sentir au-
cune douleur. La cheville du |)ied n'était
luiint entamée, j)arce que dans les planches
on fait un trou dans l'endroit qui y corres-
pond; sans quoi celui qui aurait reçu celte
question serait hors d'état de niaVcher le
reste de ses jours Sou-Mathias ne se dé-
mentit point, on n'osa pas môme lui présen-
ter le billet apostatique à signer.
Theou-Neat Mathieu ne fut pas si heu-
reux ni si fiilèle, quoique, de son propre
aveu, Dieu l'eût favorisé d'une grûce qu'il
ne connut pas assez. Voici comment je lui
ai oui ia(;onter la chose lui-méine,le P. Dol-
liers était présent : « Le mandarin, dit-il, me
demanda si j'étais chrétien ; je lui ré;;on-
dis : Je suis chrétien. Il me demanda mon
saint nom ; je répondis : Je m'appelle Ma-
teou (Mathieu). Il m'ordonna de changer.
Je répondis : Cela ne se peut. Aussitôt, il
fit étendre devant moi des chaînes sur le
pavé de la salle; on abaissa mes bas et on
me mit à genoux. Dans le premier' moment,
je sentis une douleur excessive ; je fis cette
courte jirière : Mon Dieu ! ayez pitié de moi^
soutenez-moi. A l'instant la douleur cessa
On me tint sur ces chaînes [lendant près
d'une heure. Je répondis à tout sans embar-
ras et sans trouble. Le mandarin fit passer
une planche sur mes jambes, et ordonna à
deux hommes de monter dessus, afin de les
presser davantage sur les chaînes ; cela ne
fit rien. On me fit ensuite étendre les bras
en croix, et on les lia dans cet état à un gros
bâton long de cinq à six pieds, qui me pas-
sait derrièi'e le dos. Deux hommes eurent
ordre (Je me presser en bas, moyennant ce
bâton ; on le fit avec violence. Tout fut inu-
tile, je ne sentis rien ; et après une heure
passée dans cet état, je me relevai sans dou-
leur ; j'étais content d'avoir sauvé ma foi;
mais en prison ils m'ont tour.ié la tôle, j'ai
eu le malheur de la renoncer, je viens me
mettre en pénitence. » Je ne pus in'em-
pèchi r de lui dire : « Malheureux ! votre
narré vous condamne. Quoi ! celui qui vous
avait soutenu si puissamment dans votre pre-
mier combat ne pouvait-il pas encore vous
soutenir uaus les autres ? Après avoir leçii
de sa bonté une si grande grûce, deviez-
vous l'oublier sitôt et le renoncer? >> Il me
répondit : « Je ne l'ai [)as reiioncé dans le
cu3ur; j'ai pej'du la tôle en prison. » Tcheou
Mtilhiru (îsl un bon honnne, je le connais
dcjjuis longtemps ; il a eu le malheur de
toiuber, mais je ne crois pas (ju'il ait voulu
nous tromper sur le fait cm (pieslion. D'ail-
leurs, en laconlant ce qui lui était arrivé, il
iH! paraissait jtas s'apercevoir de la grâce
spéciale (jue le Seigncui' lui avait faite. Il
avait la (-o nfusion peinte sur le visag(! et
l'air (|u'on donne aux apostats dans les Actes
lies mait.\is, si dillVnenl de (cliii (pravaieiil
les g('iiérinix conlcssiurs de Jésus-Christ.
Nous l'avons admis à la pénitence. [IaII.
é<lif., vol. lii, I). ll'i. j
iùj 17b'i, plusieurs missionnuires de la
m
cin
Propagande ayant été pris en Chine, Ja per-
S(^cution rocoininença contre les ministres de
l'Ev;uvj,ilo, (pioique dans la capitale ils con-
tinuassent h ôlro toujours bien nîçus. M.
Potlier, évôipie d'Agallio|)olis, ayant (Habli,
en 1780, un séruinairo chinois dans son
vicariat, avait obtenu pour coadjuleur M.
de Saint-Martin qu'il avait sacré, lo l;i juin
ITHV, sous le nom d'év(^(iuc do Caradre. Peu
apiùs, un édit de l'empereur parut, ordon-
nant de chercher s'il n'y avait [)as de pré-
dicateurs de la religion, tout en disant de
ne pas la confondre pourtant avec les mau-
vaises. La maison de Tcliintou, où étaient
habituellement l'évoque de Caradre cl plu-
sieurs autres missionnaires, fut investie ;
mais après avoir mis en sûreté les ellets de
religion, les missionnaires l'avaient quittée
à l'annonce de la persécution. 11 n'y restait
qu'un catéchiste jmur la garder. 11 fut pris
avec plusieurs clu-étiens. Le gouverneur,
qui était {)lein de bon vouloir, après deux
mois ti'examen, condamna les prisonniers
aux peines les plus légères qu'il lui fut pos-
sible d'appliquer, et ensuite les en exempta.
11 publia même une ordonnance, pour qu'on
n'eût plus à tourmenter les chrétiens. Mais
les recherches qu'on faisait dans les autres
provinces devinrent funestes aux mission-
naires de ïchintou. Ils furent dénoncés par
(les chrétiens du Chensi, qui atlirmèrent
que M. Pie Lieou, prêtre chinois, et deux
missionnaires se trouvaient au Sutchuen. Le
gouverneur du Chensi écrivit à celui du
Sutchuen pour réclamer fortement le prêtre
chinois qui, par sa famille, appartenait à son
gouvernement. Ce prêtre prit la fuite.
Arriva un nouvel édit impérial, i)rescrivant
de rechercher encore les missionnaires et
de les diriger sur Pékin. Un mandarin fut
envoyé du Chensi pour faire les recherches.
L'évèque de Caradre, qui s'était retiré à
quatre journées de Tchintou, à Tientsuen
dans les grandes montagnes, fut dénoncé
par des chrétiens qu'on avait rais à la tor-
ture. S'étant retiré dans une forêt voisine
pour éviter les soldats mis à sa recherche,
il fut arrêté par eux au bout de quelques
jours. Cela arriva le 8 février 1785. Il fut
pris avec sa boite aux saintes huiles, son
livre de l'Imitation et un chapelet. Quoiqu'il
fût malade, on lui mit la chaîne au cou. En
l'emmenant ils s'égarèrent et se saisirent du
domestique de l'évèque d'Agathopolis. Ils
le mirent à la même chaîne que l'évèque.
A la longue barbe qu'il porîait, au vieux
bonnet de laine qui lui couvrait la tête, ils
prirent l'évèque pour un coquin. Arrivés
dans une auberge, ijs voulaient le mettre à
la torture; des sergents s'y opposèrent et lui
donnèrent un verre de vin dont il avait un
besoin extrême. Les mandarins ayant été
prévenus de la prise de l'évèque, arrivèrent
avec de nouveaux soldats. On le fit compa-
raître. Celui qui présidait le traita honora-
blement et voulut lui faire ôter sa chaîne.
L'évèque ayant dit qu'il se faisait honneur
de la porter pour la religion, le mandarin la
lui laissa, en lui disant : « Comme vous vou-
GHl 8(^1
drez.» Après l'avoir interrogé, on le fit trans-
porter en chaise h. Yatcheou, pour y être
jugé en première instance. Durant le che-
min il mangeait à la table des mandarins.
C'était en carême; ils le firent s(Tvir en mai-
gre sur sa demande. Au tribunal, interrogé
I)ar le président, il lui dit (ju'il était en
Chine pour y prêcher la rtdigion chrétienne
(nous laissons })arler l'évêfiuc!) :*< religion
seule véi'i table, religion absolununit néces-
saire pour obtenir le bonheur et éviter des
maux éternels, Ayant parcouru cette [)ro-
vince, dit-il, j'y avais formé environ deux
ou trois mille prosélytes; tous, ainsi que
moi, suivant les maximes de notre religion,
nous étions très - fidèles à l'empereur et
obéissants aux lois. — Tu mens, me dit un
Tnandarin;tu mens: l'empereur défend de prê-
cher ta religion ; tu la prêches ici contre ses
oi'dres : comment oses-tu dire qw\ tu es obéis-
sant aux lois de l'empire ? » Je sentis la ré-
ponse que je devais faire, mais j'éprouvai un
mouvement de crainte et de terreur que Dieu
me fit la grâce de surmonter. Je répondis :
« Dieu est plus grand que l'empereur; c'est lui
qui est le roi des rois ; l'empereur n'est qu'un
homme : ainsi, quand jedis que nous sommes
très-obéissants à l'empereur, c'est par rap-
port aux lois qui ne sont pas contraires à cel-
les de Dieu ; s'il y a opposition, pour lors c'est
à Dieu que j'obéis et non pas à l'empereur. »
Us insistèrent : « Est-ce Dieu qui t'a dit de
venir en Chine ? L'as-tu vu ? As-tu entendu
ses paroles ?— Dieu, répondis-je, me l'a dit
par sa loi, qui commande de l'aimer ])ar-
dessus toute chose et d'aimer les hommes
comme nous-mêmes; or, c'est ce que j'ai fait
en venant publier ici ses grandeurs et ses
miséricordes, et vous ouvrir le vrai chemin
du bonheur que je connais et que vous ne
connaissez pas. —Mais, n'est-ce pas plutôt
le roi de ton pays qui t'envoie ici? — Non,
assurément non ; le roi de mon pays gou-
verne ses Etats sans prétendre vouloir gou-
verner ceux des autres souverains. — Ne
sait-d pas du moins que tu es ici? —Il ne
me connaît point.— Tu es donc sorti sans sa
permission : tu es coupable. —Ce n'est pas
une conséquence ; j'ai obtenu du mandarin
chargé de ces sortes d'atfaires la permission
de sortir du royaume; ce mandarin savait
bien que mon intention était de prêcher la
religion ; mais il ignorait, ainsi que moi, le
pays où Je devais la prêcher. — Mais pour-
quoi venir en Chine plutôt qu'ailleurs ? —
Par toute la terre il y a des missionnaires
qui prêchent la religion ; ayant vu la langue
chinoise, je sentis [lus de goût et de facilité
pour l'apprendre que d'autres langues : en
co.iséquence je me déterminai à entrer en
Chine.— Eh 1 pourquoi plutôt au Sutchuen
que dans les autres provinces? —Pour deux
raisons : les vivres y sont moins chers, et
les histoires m'ayant appris que cette pro-
vince, il y a plus de cent ans, fut dévastée
par les Pa-tay-ouan^, et le peuple renouvelé
depuis, je jugeai qu'il y avait moins d'abus
et de malice, et par conséquent moins d'obs-
tacles à la vérité. — Qui t'y a amené ?— Des
mz
CHl
CHI
664
païens que je ne connais pas. J'entendais
quelque chose de la langue, et, moyennant
cent cinquante taëls. ils ont consenti à tout.
— Comment as-tu pu ap|irendre la langue?
— Nous avons dans notre pays des livres
qui l'enseignent, et j'en ai vu un, fait par un
nommé Fromon, (jiii a bien cinquante ans
de date. — Mais les livres n'apprennent pas
les tons ; il faut une voix pour hs faire
sonner. » Je lis quelques observations sur
les notes de musique, qu'on écrit sur le pa-
pier sans qu'il soit besoin de les articuler
ou sonner. Je dis que la seule pensée suffi-
sait pour les écrire et autres choses sembla-
bles, où ils n'entendaient rien ni moi non
plus. Un d'eux, ennuyé de ma dissertation,
m'interrompit en disant : « La réponse est
toute simple : vous avez dans votre pays des
Chinois qui y sont allés pour y apprendre
vos livres, et qui rentrent ensuite en Chine
pour y prêcher votre religion ; ce sont pré-
cisément ceux-là qui vous ont appris les
sons. — Il n'en est rien, répondis-je ; les
Chinois ne peuvent sortir de l'empire, et les
vaisseaux européens qui vont h Canton crain-
draient de les recevoir; mais il est vrai
qu'il y a dans mon pays des commerçants
européens qui viennent à Canton faire le
commerce ; ils savent le chinois et j'en ai
vu plusieurs avec qui je me suis entre-
tenu. — Comment vis-tu ici ? — A mes frais :
j'ai apporté environ cinq cents taëls ; je n'en
ai plus que dix, et ils sont entre vos mains.
—Mais, si tu n'avais pas été pris, n'ayant
plus d'argent, comment aurais-tu vécu ? —
Les chrétiens ne s'embarrassent pas du len-
demain ; au reste, il était naturel de sup|)0-
ser que des gens, pour le salut desquels
j'ai tout sacrifié, ne me laisseraient pas mou-
rir de faim. » On voulut savoir ensuite les
lieux que j'avais parcourus, les chrétiens
que j'avais proches, les maisons où j'avais
demeuré, et s'il y avait des Européens dans
la province. Je répondis à cette dernière
(|uestion que je n'en connaissais point. Par
rapport aux autres questions, je vous dé-
clare, leur dis-je, ([ue, suivant ma religion,
je suis veiui ici, non pas pour me sauver
en nuisant aux autres, mais bien pour sau-
ver les autres, même à mon préjudice. Le
président me dit en propres termes : « Tu
es un sot, qui ne sais pas j)enser. En quoi
nuiras-tu à ces chrétifjns que tu nommeras ?
La religion chrétienne est bonne; quel mal y
a-t-il d(^ suivre une boinic religion ? » Je ne
répon'lis rien. Un autre me demanda : « As-
tu d(;meuré chez tel et tel (cpi'il ukî nomma)?»
Je dis : « Je ne coimais pas (;ela. — Mais tu
n'es pas descendu du ciel en volant ; certai-
nenn^nt il y a des (indroits où tu as demeuré ?
— Oui, il y (;n a et beaucoup, mais ma reli-
gion me défend d'eu noruMHM' aucun. — Les
chrétiens l'ont déclare'; eux-mi'^mes, tel et Itd
r<int avoué.— S'ils h; dé(l,ir(!nt,ce sont leurs
allaires ; ce n'est pas moi ^\\ï\ leur juiis; au
reste, je demande contioiil.itiou ; s'ils l'a-
vouerii devant n»oi, je le i(;connaitrai.)' Je; lus
renvoyé il une ;iutr(î audieiic(! et rappelé peu
de temps après. On avait mis dcviinl l'en-
droit où je devais me mettre h genoux, une
férule dont ils se servent j)Our donner des
soulllets. On me demanda combien de temps
j'avais demeuré dans l'endroit où j'avais été
j)ris? d'où j'étais parti pour y venir ?qui est-
ce qui m'y avait conduit ? par où j'avais
passé ? Je fixai un tem]is : je dis que j'a-
vais loué sur la route des gens que je ne
connaissais pas, pour porter mes effets, et
qu'ils s'en étaient retournés. J'assignai
aussi plusieurs endroits de marché par où
j'avais passé, où il n'y avait pas de chrétiens.
Je fus interrompu sur l'époque du temps
qui ne s'accordait pas avec ce que les chré-
tiens avaient déclaré. Je dis : « Qu'on les
fasse venir. » En effet, ils furent appelés et
le mandarin leur dit : « N'est-il pas vrai
que vous avez déclaré avoir été chercher
votre maître dans tel endroit, que vous l'a-
vez conduit vous-mêmes chez vous et qu'il
y était depuis tel temps? » Les chrétiens le
reconnurent. Je dis : « Passe, ce sont leurs
affaires. »
On fit ensuite mettre l'évêque en prison ,
avec les fers et les menottes. On le fit cou-
cher avec une troupe de bandits. 11 avait un
soldat chargé de prendre soin de lui. Le len-
demain , le soldat lui ôta les menottes et le
mandarin lui envoya à souper et h dîner. Le
surlendemain , il fut ramené en chaise à
Tchintou. Il fut mis dans la prison qui ser-
vait aux mandarins , et parut le lendemain
devant le lieutenant criminel. Après plu-
sieurs interrogatoires dans lesc[uels l'évoque
fut très-bien traité, on lui demanda si Li-to-
lin n'était pas dans le Sutchuen ( Li-to-lin
était le nom de M. Dufresse). Mis dans une
salle, l'évêque entendit dire qu'il y avait des
ordres très-pressants pour se saisir de M. Du-
fresse , et que celui-là pris , les poursuites
finiraient. Craignant que dans les recherches
([u'on faisait pour le i)rendre , on arrêtât
beaucoup d'autres missionnaires, il lui écri-
vit pour l'engager à venir de lui - même.
Douze jours après, M. Dufresse arriva. Sur
ces entrefaites , il vint un ordre d'arrêter
M. Delpont, dénoncé parles domestiques du
procureur de la Propagande, ainsi que tous
les autres missionnaires de celte congréga-
tion. On avait dit que M. Delpont était au
Sutchuen. Des chrétiens, interrogés par le
lieutenant criminel, avouèrent la vérité des
révélations faites. Plusieurs chrétiens de la
chrélienlé de Ng.ni-yo où on avait dit qu'il
était, furent mis à la torture, reçurent cousi-
déi-aldement de soulllets. Croyant bien faire,
révê((ue , i)Our é|)argner aux chrétiens de
j)areilles tortures, écrivit aussi à M. I)el|)ont
(hs se pi'ésrmler, et affirma (pi'il n'y avait |)lus
de missionnaires dans la partie orientale,
cr'oyant (pie M. Devant était dans la [U'o-
vince do Kouei-tcheou. On mit les chrétiens
h la ([uestiou , et M. Devant fut dénoncé
coiuiiK! étant dans la f.inulle Ly , à Tchong-
Un-l'ou. Un mandarin, détaché avec des sol-
dats, alla pou rl(!chei'cher dans cette famille, et
ne l'v ayant pas trouvé, alla du C(Médu Soiu-
l'ou où ()n disait (pi'il s'était nUiré , et pni^
loul fit ses recherches avec infiniment cio
cos
CHl
CHl
666
sévérité contro les chrétiens. André Yang, ■»
pr(Mre cliiiiois, fut pris. M. (llogo et M. De-
vant furent sur le point de ['(Hro. Beaucoup
de elirélieiis, pris dans les districts de ces
deux Miissionnaires, furent conduits h T(;hin-
lou. Plusieurs membres de la famille Ly fu-
rent mis il la question. On dit à celte fa-
mille que, si dans un mois rEuro|)éen ne s'é-
tait pas présenté , tout entière elle irait en
prison. M. André Yang, la familhî Ly, M. J)el-
pont ayant supplié l'évéque , M. de Saiid-
iMartin , d'écrire à M. Devant de venir, il le
lit. Le môme jour il partit pour Pékin avec
M. Dufresse. On les y conduisit en chaise.
Ils y arrivèrent le 28 avril. Ils parurent le
lendemain au tribunal des crimes, dit Hing-
pou, enchaînés et les fers aux pieds. On les
mit dans la i)rison des mandarins. Dans co
lieu, ils furent nourris avec de mauvais riz et
unecertaine espèce defromagefaitavecdulait
deféves, qu'ils achetaient. Quatre ou cinqjours
après, les satellites leur ôtaient leurs fers, et
ne les leur remettaient que quand ils de-
vaient aller à l'audience. Dans cette prison
ils étaient en fort mauvaise compagnie et ron-
gés de vermine. Après plusieurs jugements
rendus, le tribunal supérieur porta le sien ,
(pie l'empereur ratifia. Les courriers qui
avaient introduit les missionnaires furent
condamnés à un exil perpétuel en un lieu
nommé Yli, et à être marqués au visage.
Les prêtres chinois^ au uamlire de six, parmi
lesquels était M. Adrien Tchou, furent con-
damnés à la môme peine. Quant à MM. Saint-
Martin et Dufresse, le jugement les condam-
nait à une prison perpétuelle.
Plusieurs des missionnaires emprisonnés
ne vivaient que du riz que faisait distribuer
l'empereur ; sept moururent dans la prison
d'inanition et de misère. Parmi les sept, il y
avait deux évêques, celui de Milétopolis et ce-
lui de Domitiopolis, tous deux vicaires apos-
toliques du Chensi.MM. Devant et Delpont
moururent aussi. Cetti; nouvelle étant arrivée
à Pékin, l'évêque de Caradre en eut une ex-
trême douleur, en songeant que c'éîait lui qui
les avait engagés à se présenter. Après trois
mois , il était dans un état de consomption
tel , que de jour en jour il s'attendait à mou-
rir. M. Dufresse gardait une bonne santé.
Les missionnaires de Pékin leur firent pas-
ser des secours. Malgré tout ce qu'ils avaient
fait d'etïorts pour adoucir de toute façon le
sort des prisonniers, jusque-là ils n'avaient
pu réussir à rien. A leurs prières , l'empe-
reur répondait qu'ils méritaient la mort ,
et que c'était encore leur faire grâce que de
les condamner à une prison perpétuelle. Le
ministre défendit qu'on présentât aucune pé-
tition concernant les missionnaires. Enfin
on parvint , moyennant d'énormes sacrifices
d'argent, à gagner les geôliers et à les déci-
der à leur faire , comme nous le disons plus
haut, passer des vivres. D'abord, on avait
enterré les corps de MM. Devant et Delpont
avec les criminels ; l'empereur permit enfin
qu'on les enterrât oij le jugeraient à propos
les missionnaires de Pékin. Enfin, le 10 no-
vembre 1783 , l'empereur donna un édit qui
ordonnait de mettre les Européens en liberté,
en leur laissant le choix de retourner à Ma-
cao ou de rester dans les églises de Pékin.
Recueillis h l'église des missionnair-cs fran-
çais, jusqu'à ce qu'ils pussent relourntr à
Macao , hîs missionnaires conhisseurs d(i la
foi y furent traités avec toutes sortes de dis-
tinctions et de prévenances.
Les mandarins supérieurs de Tchintou
avaient eu beaucoup de bonté pour l'évoque et
ses compagnons ; ils leur avaient affirmé en
partant que leur maison ne serait pas con-
fisquée. Ils avaient aussi eu égard aux priè-
res que l'évêque leur avait faites de ne pas
forcer les chrétiens h apostasier.
Cette persécution enleva à la Chine dix-
huit missionnaires européens , huit [)rêlres
chinois, plus M. Matthieu Kou et plusieurs
du Sutchuen et du Foukien, Six des huit
premiei'S sont morts en prison, les six autres
conduits en exil à Yli , à huit ou neuf cents
lieues de Pékin , et marqués sur l»joue de
deux lettres qui signifient hors les limites;
condamnés en outre à servir d'esclaves aux
grands mandarins qui gouvernent dans ces
lieux lointains pour l'empereur. Beaucoup
de chrétiens , qui avaient servi de conduc-
teurs aux missionnaires , furent pareille-
ment envoyés en exil. Ceux qui les avaient
reçus dans leurs maisons furent condamnés
à un exil de trois ans dans les diflérenies
provinces de l'empire. Il faut aussi com[)ter
M. de la Roche, ex-jésuite, mort dans les fers
hors de Pékin. L'évêque de Caradre, M. Du-
fresse, et huit ou neuf missionnaires sortis
de prison, se rendirent à Macao. Les PP. Ma-
riano et Crescentiano, franciscains italiens ,
restèrent à Pékin, ainsi que M. Ferreti, prê-
tre de la congrégation des Baptistains. Voici
maintenant, pour compléter ce récit, l'extrait
d'une lettre écrite de Macao le 12 novembre
1806 : « On ne trouve plus à Pékin ni les
missionnaires, ni les chrétiens ; on continue
à y être observé de plus près et à y avoir
bien moins de liberté qu'auparavant. Il faut
espérer que la constance montrée par les fi-
dèles de cette capitale l'année dernière ; que
leur patience à tout souffrir plutôt que de
trahir leur conscience ; que les tortures que
quelques-uns ont endurées, les cachots,
l'exil, l'esclavage que plusieurs endurent en-
core en témoignage de la foi ; que la fidélité
de ces généreux confesseurs attireront sur
cette église des grâces spéciales dont on ne
tardera pas à sentir les heureux effets. Le
missionnaire de Pékin , qui a été exilé en
Tartarie, est plus libre et mieux traité qu'il
n'était dans le principe. On espère que l'em-
pereur ne tardera pas à lui donner la liberté
de retourner avec ses confrères. La persé-
cution que celle de Pékin faisait craindre
dans \cs provinces n'a heureusement pas
eu lieu. Tout s'est borné à quelques édits
que l'on a publiés , mais qui n'ont pas été
exécutés, excepté peut-être celui qui enjoint
de veiller plus strictement pour empêcher
l'entrée de nouveaux missionnaires.
«Le missionnaire italien qui fut arrêté dans
l'été de 1803 et conduit dans les prisons de
667
CHI
cm
66»
Canton, y est encore. La sentence de l'em-
jiereur le' condamne h y rester trois ans. Pen-
dant quelque temps il a «été fort maltraité.
Le geôlier, dans la vue d'extorquer de l'ar:-
gent, suivant l'usage , no se contentait pas
de lui mettre de trùs-gros fers aux pieds et
fréquenunent aux. mains, il lui faisait mettre,
]>our la nuit, une barre do fer dont une ex-
trémité attachée aux jambes et l'autre lui
passa-it sous le menton , tenaient son corps
étendu, tixe et immobile, d'u-ie manière très-
génante. On est venu à bout de trouver un
intermédiaire qui a réussi à traiter avec ce
geôliL'i' ; et moyennant une somme qu'on lui
donne tous les mois, et une plus forte qu'on
lui a dojui e d'abord , le prisonnier n'a plus
à soulIVirqueles incommodités inséparables
de la prison. On peut lui faire passer quel-
ques adoucissements, de Targent, môme
quelques lettres, et en recevoir de sa part.
Nous avons appris dernièrement qu'il avait
pour compagnons d'infortune trois manda-
rins, de l.i société et de la conversation des-
quels il éîait assez content ; mais que deux
d'cnti'e eux venaient d'être mis à mort, et que
l'autre avait iirévenu son supplice en se pen-
dant lui-môi'ne. J'ai dit qu'on avait trouvé
\\n intermédiaire pour traiter avec le geôlier;
c'est que les prisons étant dans la ville , les
Européens n'y ont pas d'accès. D'ailleurs, il
estimportantquo les Européens ne paraissent
pas s'intéresser beaucoup pour ces prison-
niers , sans quoi le geôlier mettrait ses fa-
veurs ou omissions cV inJiumanitc h des prixex-
horbitants ; et môme à force de vouloir ex-
torquer de l'argent , il ferait mourir de faim
et de miser-' notre pauvre prisonnier. Pour
cette raison, il est important d'avoir un inter-
médiaire discret, et il convient de n'envoyer
que peu de chose au prisonnier. Les Chinois,
qui conduisaient ce missioiman-e loniu'il fut
arrêté, ont et'; condamnés à un exil perpé-
tuel , et cet exil est en môme temps un es-
clavage : ils ont porté la cangue et ont souffert
plusieurs autres tourments avant de partir
pour leur exil. Le chef des conducteurs du
missionnaire s'est comporté avec beaucoup
de pruiience et une fiM-mcté héroïque;... 11 a
pris tout le délit sur lui-njôme ; les tortures
n'ont pu lui ari-acher le nom d'aucun mis-
sioimaire , d'aucun chrétien. Ce grand cou-
fag(; et l'attention qu'd eiit, lors([u'il vit
(pi'il allait être ariôté, de détruire les lettres
dont il était chargé et ([ni enssent dorme
des renseignements aux mandarins, ont mis
il l'abri des l'ccherches plusieurs mission-
naires et chrétiens qui eussent écha[)pé dil-
fii.ileirKMjt. Le coadjuteiu' de Pékin est tou-
jours ici, en att'-ndant que les voi(;s d(;vien-
nent praticables, l/incej'litude dn ti'mjfs où
il pourra se rcjiidi-e 'i son poste, et la crainte
qiie l'évô'iue de Pékin vieinie h manquer et
(jue ce quarti(!r se ti'ouve sans prélat , ont
uétfMininé celui de rios coidVères portugais
de Pékin, «pii a été /lonniié à l'évôché de
N.i'ikin, à acceplej- cette dignité, qnoicpi'il n'y
';ôl pas de probabilité qu'il |)flt visiter son
propre troupeau. Il a été consacré dans lo
courant du mois d'août.» (Lett. édif., vol. III,
p. 29G.)
La révolution française, qui éclata peu de
temps a|)rès , porta un coup funeste à toutes
les institutions religieuses. Celles qui dans
ce noble pays se consacraient aux missions,
furent jnomentanément sujiprimées. Plu-
sieurs des directeurs de ces établissements
que le fanatisme inintelligent de la révolu-
lion ferma, se retirèrent à Rome , d'autres à
Londres. Plusieurs nouveaux apôtres parti-
rent cependant : six de Londr. s, de 17% à
1799, et quatre de Rome, de 1800 à 1807.
M. Souviron, l'un de cenx qui étaient partis
de Londres, ayant été découvert peu de temps
après son entrée en Chine, fut mis en prison
oh il mourut le 13 mai 1797.
M. Dufresse , sacré évoque de Taoraca le
2ojuillet 1800, par l'évoque de Caradre mou-
rant, devint vicaire apostolique du Sset-
chouan, etsacraM. Tranchant évêque de Ca-
radre. En 1803, il réunit un synode , le pre-
mier qui se fut tenu en Chine. Peu après,
l'arrestation d'un courrier pris avec ses dé-
pêches donna lieu à de nouveaux édits;
mais ils ne firent pas beaucoup de mal. L.a
religion continua à être florissante , malgré
les petiti^s vexations dont de temps en temps
les missionnaires furent l'objet. Cet état
dura jusqu'en 1812. A cette époque, un prê-
tre chinois ayant été arrêté dans le Chensi ,
le nouvel empereur, Kia-k ng, rendit un nou-
vel édit portant peine de mort contre tous les
prêtres qui seraient découverts dans l'em-
pire. On voulut expulser de Pékin tous les
ministres de l'Evangile , hormis trois qu'où
gardait pour le tribunal des mathématiques.
On accepta dans Tint rôt de la religion. Cette
situation valait encore mieux qu'une expul-
sion complète. Bientôt après , le collège de
Lo-lang-keou, dirigé [)ar les ])rêtres des mis-"
sions étrangères, fut surpris et brûlé. L'évo-
que do Tabraca fut pris le 18 mai 1815. Vai-
nement M. Escodecade de la Boissonnade
offrit pour lui une rançon , elle ne fut pas
acce|)tée. Le vice-roi, comme on peut le voir
à l'article Tonquin, le fit décapiter.
Le 28 octobre 1819, M. Clet écrivait des pri-
sons de Ou-tchang-fou à M. Richenet: « Mon-
sieur et très-cher confrère , l'endro.t d'où je
vous écris vous indi(|ue au premier abord
que c'est avec raison (jue j'emnloie ces pa-
roles du pro])hète : Dcus uajiitor in tri-
buldlionihiis (juœ invcnerunt nos nimis, Dieu
est !)olre a|)pui au milieu des gi-andes tribu-
lations dont nous sonnnes abreuvés. Au mois
de diM-embre 1818, une maladie d(! sept à
huit jours nous a ravi M. Dumazcl. La Pro-
vidcnee a voulu , je crois , épargner à sou
Ame très-s(Misible le regret de vide la déso-
lation des clnétiens des montagnes du Cou-
trliing. Dans le mois de février 1819, notre
confrère , M. Chen , a été vendu aux préto-
ji(;iis par un nouv(>au Judas , moyennant
vingt mille denicîrsdont il a (ié di'pouillé par
un aussi mauvais garninnent (jui! lui. M.Chcu
a été conduit à (^ou-lching, d'où, api'ès avoir
été liouoié d'une soixantaine do soufllels.
669 cm
il a été traduit h la capitale Ou-tchang-fou.
Pour moi , j'ai élé |)ii.> au voisinage (\c. Non-
gang-fou, dans le lIo-!jaiJ, où, après avoir 6lé
liORoré à diverses repi'ises d'une trentaine
de soul'tlelseld'nna^^enouilleinent?! nu, pen-
dant trois ou quatre luMires, sur des ehaiîies
(le i'or, jai été conduit h Ou-tcliaig-lbu , par
une roule di; viîigt jours, les fers aux pieds ,
aux niainsetau cou, n'ayant poin-anberge que
les prisons ([ue 'l'on r(niconirail dans le che-
min... J'ai eu la consolation de trouver no-
tre cher confrère avec dix bons chrétiens ;
réunis seuls dans une c]iainbr(> où nous fai-
sions sans gène en connnun les prières du
matin et du soir sans être inquiétés.... Je
l'avoue, je ne puis m'enipècher de verser des
larmes ch; consolation et de joie en voyant lo
soin pat(n'nel du bon Dieu à l'égard do son
indigne serviteur et à l'égard de ses enfants
fidèles qui ne pouvaient être confessés que
par moi Notre confrère, M. Je-hing, qui
visite en secret les chrétiens dans les li(m\
circonvoisins de cette ville , a célébré la
sainte messe dans une maison peu éloignée
et nous a apj)orté la sainte communion
M. Lamiol a élé aussi compromis à mon oc-
casion ; il est arrivé ici; il par.iît que son af-
faire s'accommodera. Pour la mienne , la
voilii à peu (irès Unie. » Il ajoutait en post-
scriptum : « M. Laniiot. M, Clien et moi , et
un grand nombre de chrétiens, avons été ju-
gés délinitivement par le grand mandarin le
1" janvier 1820, qui tombait un samedi. D'a-
bord on a présenté aux a;)OSt:its de la viande
de porc, ce qui est, dans ces circonslances, un
signe d'apostasie. Les malheureux en ont tous
mangé, et en conséquence ont tous été ren-
voyés chez eux. Ensuite on a fait compa-
raître vicgt- trois chrétiens fidèles, qui ont
persévéré avec générosité dans la profession
de notre foi : ils ont été renvoyés en prison
pour y attendre la décision de lem; ereur.
Ealin ont comparu MM. Lamiot, Chen et moi.
Après deux ou trois interrogations, le Ta-gen
a déclaré M. Lamiot déchargé de toute accu-
sation, et lui a ordonné de se lever. Il ex-
horta ensuite M. Chen à apostasier : sur son
refus, il a été déclaré coupable. Enfm le Ta-
gen dit quelques mots [)Our moi et pour ex-
cuser mon séjour en Chine , tout en me dé-
clarant coupable. M. Lamiot retourna en
chaise à porteurs à son logis. M. Chen et moi,
avec nos chaînes aux pieds, aux mains et au
cou, retournâmes en prison où nous déposâ-
mes aussitôt ces ornements dont nous ne
sommes décorés c|ue lorsqu'il faut paraître
devant le mandarin. Nous attendons à pré-
sent la décision de l'empereur... Quoique le
Ta-gen ait écrit quelques mots à ma dé-
charge , on doute fort qu'il consente à me
laisser en vie. Je me i-réj)are donc à la mort,
disant souvent avec sair't Paul : Mihi vivere
Ciiristus est , el mori lucruin. Si je vis , c'est
pour Jésus-Christ, et la mort serait pour moi
un gain. » (Henrion, vol. IV, p. 651. j
Ce que M. Clet avait prévu arriva. L'em-
pereur ratitia la sentence. « L'empereur
veut la mon, lui dit le mandarin qui lui lut
la sentence.— Bien volontiers dit M. Clet. »
CHI
670
il l'ut étranglé le 18 avril 1820. On conserve
à Paris avec respect l'habit «pi'il jmrtaità ce
moment, et la corde qui astnvi à son supplice.
M. Lamiot, bamii de. l'cnnpire, se retira à
Macao où il fonda el diiigea juscpi'à sa mort
un séminaire pour les (Chinois. Dans UiSse-
Tcliouan, le |)iètre chinois Lieon, [)ris en
1821, fut slrangulé en 182:}. Nous ne; retrou-
vons plus de |)ersécutions ^ustpi'en 1839.
M. Jean-Cabriel Perboyre lut arrêté dans
la provin(;e de Kouang-in-Tan,dans leHou[)é,
le 15 se[)tembre. Il était à célébrer la fête de
Sainte-Marie, avec M. Uameanx, évêque de
Myre, M\L lUildus et Clauzetto, quand on
vint les prévenir qu'ils élaient trahis. Le
troisième jour de la fête, :\i. Perboyre fut
rencontré par les soldats. Il était avec an
catéchiste. « Vous cherchez un Kurofiéen?
dit celui-ci. — Oui, c'est un chef de la religion
du maître du ciel. — Et combien a-t-on pro-
mis à celui qui le livrera? — Tiente taëls. —
Ehbi(ni 1 dit le caléchi>te en montrant M. Per-
boyre, cet homme est l'Européen que vous
cherchez. » Mené à Syang-yan-fou , M. Per-
boyre dut subir l'interrogatoire à genoux de-
vant le juge. Il dut s'agenouiller sur des
chaînes qu'on étendit au milieu de la salle.
Pour qu'il pût rester dans cette atroce posi-
tion, des cordes attachées au plafond le te-
naient par les pouces et par la tresse des
cheveux qu'on a l'habitude de porter en
Chine. On mit un madrier sur ses mollets,
et des soldats se balançaient aux deux ex-
trémités. Durant ce sup[)lice, qui dura la
moitié d'un jour, vainement le mandarin vou-
lut le faire apostasier. Ce ne fut là que le
commencement de son cruel martyre. Au
même tribunal on voulut lui faire fouler aux
pieds un christ; il refusa, et, prenant le
crucifix, il le colla avec respect sur ses lè-
vres. A un autre tribunal rien ne put non
plus l'oijliger à marcher sur des croix qu'on
avait fait peindre à terre. Il refusa avec une
généreuse indignation d'adorer une idole
qu'on avait fait apporter. Alors le mandarin
furieux commanda aux chiétiens alors pré-
sents, de lui arracher la barbe et les che-
veux. Sur leur hésitation, le juge les con-
damna à être violemment tlagellés. « Faites,
dit le P. Perboyre ; je soutlVirai ceia avec
plaisir. » Il y en eut alors qui eurent la lâ-
cheté d'obéir. Le juge lui fit ensuite donner
cent coups de bambou, puis lui ordonna de
se revêtir de ses habits sacerdotaux. Un ins-
tant le saint martyr garda le silence; mais ré-
fléchissant sans doute à la couronne d'épines
du Sauveur et à la robe de pourpre que, [)ar
dérision, on lui avait mise, il dit qu'il allait
le faire. A peine cela fut-il fait, qu'il s'éleva
dans le tribunal une grande rumeur. Le vice-
roi lui fit imprimer sur le visage, avec un fer
rouge, les quatre caractères suivants : sie
kiao ho chnng, c'est-à-dire bonze d'une re-
ligion mauvaise. Après cela on le mit dans
une prison sale et fétide avec des scélérats.
Mais ses juges le croyaient magicien, et pour
neutraliser ses malétices, ils le forçaient à
avaler de fortes rasades de sang de chien toui
fumant.
G71
cm
CHI
67:i
Le 11 septembre 18V0, la sentence du tri-
bunal de Pékin, qui condamnait le saint à
être étranglé, arriva avec la signature de
l'empereur. Il marcha au sujiplice, vêtu d'un
caleçon et de la robe rouge des condamnés.
11 avait les mains attachées derrière le dos.
Elles tenaient une longue perche au bout
de laquelle était un drapeausurlequel était im-
primée lasentence. On lui adjoignitcinqmal-
faiteurs qui durent être exécutés avec lui. On
attachasuccessivement et or) décapitales cinq
malfaiteurs. Le bourreau prit M. Perboyre,
lui lia les talons au dos et le fixa au ])oteau
dans la posture d'un homme agenouillé,
mais à quelque distance du sol. Alors, sai-
sissant une corde, il la lui tordit autour du
cou avec vigueur. Quand il vit le martyr
prêt à rendre l'àme, il lâcha la corde. Ce ne
fut qu'à la troisième fois qu'il l'étrangla.
Comme il rendait le dernier soupir, un sol-
dat s'approchant lui donna un violent coup
de pied dans le ventre. On a à Paris les pré-
cieuses reliques de ce saint martyr, hormis
ses ongles. Beaucoup d'effets à son usage,
entre autres le matelas et la couverture
qui lui servaient d'habitude, y arrivèrent
aussi àla fin de juillet ISil. M.deLagrenée,
ambassadeur envoyé par Louis-Philippe en
Chine, en 1843, stipula avec le mandarin Ki-
hing des garanties de tolérance très-grandes
en faveur des chrétiens indis;ènes et des mis-
sionnaires.
Voici la teneur de ce qu'écrivit le manda-
rin à l'empereur, et de la réponse qu'il en
reçut. « Après un (îxamen a[)profondi, écri-
vit le mandarin Ki-iny h l'empereur Tao-
Kouang, j'ai reconnu que la religion du maî-
tre du ciel (le christianisme) est celle que
vénèrent et professent toutes les nations de
l'Occident : son but principal est d'exhorter
les hommes au bien et de réprimer le mal.
Anciennement elle a pénétré, sous la dy-
nastie de^Ming, dans le royaume du milieu
(Chine); et à cette époque, elle n'a piiint été
prohibée. Dans la suite, comme il se trouva
souvent, parmi les Chinois qui suivaient
cette religion, des hommes qui en abusèrent
pour faire le mal , (!t qui allèrent même jus-
qu'à séduire les femmes et les filles et à ar-
racher les yeux des malades, les magistrats
cherchèrent et punirent les coupables. Leurs
jugements sont consignés dans les actes ju-
diciaires. Sous le règ'ie de Kia-kinq on com-
iriença à établir un artich; spécial du code
|)énal pour punir ces crimes. Au fond (;'(■-
tait j)Oiir em[)ôcher h.vs (chinois chrétiens de
faire le mal, mais nullement poui- prohiber
la religion (pje vénèrent et ])rofessenl les
nations élrangèies dn rOccid(;nt. Aujour-
d'hui, conum; l'ambassadeur français J.a-
grenée de-mand*; (ju'on exempt»; (1(5 cli.lli-
ments les chréti(;ns chinois qui prali(pient
Je bi(;n, cela me paiait juste et conv(!nable.
J'ose, en conséipience, suppli(.'r Voti(! Ma-
jesté d(! daigne-r e\eiiq)ter ;i l'avetiir (Uj tout
châliiiient J(;s Chinois c(jmm(; h-s élrang(Ms
qui pr(jfess<;nt la r(;ligion clirélieinie, et (]ui
en nièiiK* IcLnps no se rendent coupables
d'aucun désordre ni délit. S'il s'en trouvait
encore qui osassent séduire les femmes et
les filles, arracher les yeux des malades ou
commettre tout autre crime, on les punirait
d'après les anciennes lois. Quant aux Fran-
(•ais et autres étrangers ([ui professent la
religion chrétienne, on leur a {)ermis seule-
ment d'élever des églises et des chapelles
tlans le territoire des cinq ports ouverts au
commerce ; ils ne pourront prendre la li-
berté, dans l'intérieur de rem[)ire, de prê-
cher leur religion. Si quelqu'un, au mépris
de celte défense, dépasse les limites fixées et
fait des excursions téméraires, les autorités
locales aussit(jt après le livreront au consul
de sa nation, afin qu'il puisse le contenir
dans le devoir et le punir. On ne devra pas,
comme auparavant, le châtier précipitamment
ou le mettre à mort. Par là Votre Majesté
montrera sa bienveillance et son affeclion
I)our les nommes vertueux ; l'ivraie ne sera
point confondue avec le bon grain; et ses
sentiments et la justice des lois éclateront
au grand jour. Suppliant donc Votre Majesté
d'exempter de tout châtiment les chrétiens
qui tiennent une conduite honnête et ver-
tueuse, j'ose lui présenter humblement cette
requête, pour que sa bonté auguste daigne
approuver ma demande et en ordonner l'exé-
cution. » Requête respectueuse. — Approba-
tion. — « Le (Jix-neuvième de la onzième
lune de la vingt-quatrième année de Tad-
Kouang, j'ai reçu ces mots (de réponse) écrits
au vermillon : « J'acquiesce à la requête.
Respectez ceci. » (Henrion, vol. IV, p.G57.)
CHIO (André de), malade d'une grosse
fièvre en 1465, promit à la sainte Vierge, s'il
guérissait, de garder la chasteté perpétuelle.
Il guérit, et, fidèle à son vœu, il s'habille de
blanc et se rend à Constantinople. Aussitôt
des marchands égyptiens le traduisent de-
vant le juge, comme ayant renié la croix en
Egypte et l'ré([uentant de nouveau les églises
des chrétiens. André prouve par des témoins
(ju'il n'a jamais été en Egypte, et n'a quitté
son île que pour venir dans la capitale de
r(!mpire.De plus, on le visite, et on ne trouve
sur lui aucune trace de circoncision. Le juge
porte l'atlaire au sultan, qui, informé que
c'est un grand et beau jeune lionnne , com-
mande de lui olfrir le grade de capitaine s'il
veut se faire musulman, sinon de lui couper
la tète. A toutes les olfres les plus brillantes,
André se coident(! de répondre que la mort
pour Jésus-Christ lui est {)lus chèr(> que tou-
tes choses. Le lendemain, lié à un poteau, il
est battu do verges et de lanières; il ne dit
qmj ces mois : «Vierge Marie, secourez-moi I»
Cependant, au soir, les bourreaux pansent
ses plaies et lui donnent à manger, coanno
touchés de compassion, mais en etlVl pour
prolonger sa vie et ses tourments. Le second
jour, (»n lui déchire le dos avec des ongles
d(; fer; on le panse et le restaure de nouveau
le soir, de peur qu'on n'allribuàl sa guérison
à Dieu. 11 se trouva elVei liveuient guéri celto
nuit-là même. Le troisiènu; jour, on lui tor-
liira les mains et les pieds (U; telle sorte,
(puî tous l(>s doigts, les coudes et les genoux
étaient disloqués, avec une douleur excès-
673
cm
GHR
674
sive. Le quatrième jour, on lui détache la
cliair dos épaules avec des épées ; le cin-
quième, la chair des fesses avec des rasoirs;
le sixième, les mollets; le septième, les cuis-
ses. Le huitième, on lui déchire ?i coups do
fouets tout le corps, de la tète aux ])ieds ; un
coup emporte la cliair de la mAchoirc. (le
lambeau, conservé ))ar les chrétiens dans la
monastère de Saint-François, répand une
odeur nierv(Mllcnse. Le neuvième jour,
amené au lieu du sup|)lice, on le voit f^uéri,
très-vigoureux, et d'un visage rayonnant do
joie : les mahométans de vanter la vertu de
leurs remèdes, et de [)romellr(' la faveur du
prince s'il veut renier la croix. Le martyr
attribue sa guérison <i Jésus-Christ et à la
sainte Vierge, et, désirant mourir pour Jésus-
Christ, il présente sa tète au bourreau. La
tète et le corps, par ordre du sultan, sont
portés <i Calata, et ensevelis honorablement
dans l'église de la Sainte-^"ierge. Dix mois
après, l'illustre Grégoire de TrcMjisonde, qui
a célébré ce martyre dans un élégant dis-
cours, vit le corps tout entier et de couleur
vermeille, comme d'un honuiie qui dormait,
quoique le lieu fût si humide, que toutes les
étoffes dont on avait enveloppé le corps se
trouvaient déjà pourries. (Uohrbacher, Hist.
nniv. de VEgl. cath., t. XXV, p. 575; Alla-
tius , De Eccl. occident, et orient, perpétua
consensione, 1. m, c. 7, n. 2.)
CHIO, aujourd'hui Scio, Jle de la Grèce,
près la côte occidentale de l'Asie Mineure,
dont un canal étroit la sépare. Ce fut dans
cette île que, sous le règne de l'empereur
Dèce, saint Isidore fut jeté dans un puits,
pour la foi chrétienne, vers l'an 250. On pré-
tend que bien longtemps l'eau de ce puits
eut la propriété miraculeuse de guérir les
malades. Un prêtre du pays avait dit à saint
Grégoire de Tours, qui le rapporte, que sou-
vent une flamme très-vive en sortait.
Dans cette même persécution, sainte My-
rope fut aussi mise à mort pour la foi dans
cette île. Le Martyrologe romain dit qu'elle
fut condamnée par un juge nommé Numé-
rien , qui la fit assommer à coups de levier.
CHIONIE (sainte], martyre, était vierge.
Elle cueillit la palme du martyre avec sainte
Agape, sous l'empereur Dioclétien. N'ayant
pas voulu renoncer à Jésus-Christ, elles souf-
frirent d'abord une longue et dure captivité,
puis furent jetées dans le feu; mais les flam-
mes ne leur ayant fait aucun mal, elles ren-
dirent leurs âmes à Dieu. L'Eglise fait leur
mémoire le 3 avril.
CHIOUSI ou Chiusi, Clusium, ancienne-
ment ville de Toscane, aujourd'hui bourg de
l'Etrurie, vit sous Aurélien plusieurs de ses
habitants arrêtés par Turcius , envoyé de ce
çrince, pour cause de christianisme. Tous
lurent mis à mort le même jour que sainte
Mustiole, cousine de l'empereur Claude, et
saint Irénée, diacre, qui sont les plus célè-
bres parmi les saints que Turcius envoya au
ciel. [Yoy. Turcius, Mustiole, et Irénée,
diacre.)
CHIRIBICHI (les naturels de), excités par
ceux de Maracaoana, dont plusieurs avaient
été enlevés et vendus par Alphonse de Ojeda,
pillard espagnol, se détirent dc-s religieux
(pii hal)ilaient, au milieu d'eux, \a couvent
(le Saifit(!-F()i. (^'étaient des J)(»minicains. Les
deux religieux de Sainto-Foi ignoraient les
événements (pii étaient arrivés à Mar.icapana,
bien qu'ils se fussent passés à quoUpios licmes
seulement de chez eux. (hélait le saint jour
de diman(;he. L'un d'eux n'était f)as prêtre;
il venait de recevoir l'absolution [)Our com-
miniier; l'aulro était sur le point d'offrir le
saint sacrilice.Les naturels arrivèrent comme
des forcenés, égorgèrent les deux religieux,
miiont le f(m au couvent, brisèrent les clo-
ches, les images, les croix, un christ, et je-
tèrent les débris de ces clioses saintes sur
les chen\ins des environs. Ils coii[)èrent les
arbres plantés par les Européens, voulant
ainsi effacer jusqu'à la dernière trace de leur
séjour au milieu d'eux. Bien des fois, dans
l'histoij'o américaine, on trouve de tels évé-
nements. La cupidité, la cruauté des vain-
queurs, éloignaient les indigènes de la reli-
gion qu'on leur prêchait, et les poussaient à
de terribles représailles,
CHIUKIN, prince arménien de la famille
d'Ardzourounik, fut l'un de ceux qui souffri-
rent volontairement la captivité pour Jésus-
Christ, sous le règne d'Hazguerd, deuxième
du nom, roi de Perse, et qui ne furent remis
en liberté et renvoyés en leur pays que huit
ans après la mort de ce prince, sous le règne
de son fils Bérose. (Pour plus de détails, voy.
Princes arméniens.)
CHRISTÈLE ( sainte ) , martyre , souffrit
pour la foi, à Avila en Espagne, avec saint
Vincent et sainte Sabine. (Ko?/. Vincent, pour
plus de détails.)
CHRISTIN (saint), reçut la couronne du
martyre en Pologne, oii il était ermite. Jl eut
pour compagnons de ses glorieux combats
les saints Benoît, Jean, Mathieu et Isaac,
tous quatre ermites comme lui. On ignore
l'époque et les circonstances de leur martyre.
L'Eglise fait leur fête le 12 novembre.
CHRISTINE (sainte), martyre, après avoir
subi divers supplices pour là foi clirétienne,
durant la perséeution de Dioclétien, au com-
mencement du IV' siècle, fut condamnée à une
mort cruelle. Elle fut exécutée à Tyro, ville
qui se trouvait dans une île engloutie main-
tenant dans le lac de Bolsène en Toscane.
Aujourd'hui les reliques de cette sainte sont
gardées à Palerme en Sicile. L'Eglise fait sa
fête le 2V du mois de juillet. {Voy. Ughelli ,
Ital. sacr., t. V, et Pinius, Acta sanctorum,
t. V Juin, p. 495.)
■ CHRISTINE (sainte), martyre, habitait la
Perse. Cette vierge y souffrit le martyre dans
des circonstances qui ne sont point parve-
nues jusqu'à nous. Le Martyrologe romain
ne donne aucun détail. L'Eglise fait sa fête le
13 mars,
CHRISTOPHE (saint), ou Chhistophore,
avait un autre nom que celui-ci : nous igno-
rons lequel. Il avait pris celui de Christophe,
pour indiquer davantage son amour pou*
Jésus-Christ. C'est ainsi que saint Ignaco
d'Antioche avait pris le nom de Théonhoro.
675
CHR
CHR
676
Le nom de Christophe signifie Porte-(^hrist :
c'est à cause de cela que la tradition popu-
laire, matérialisant l'idée qu'ex; rime ce
nom, a ûiit de saint Christophe un géant, un
colosse portant le Christ sur ses épaules, et
traversant la mer avec lui. Peut-être ne faut-
il voir en cela qu'une allégorie. L'art, encore
à son enfance , exprimait ainsi , traduisait
d'une façon palpable, les idées et les senti-
ments. Quoi qu'il en soit, saint Christophe
fut martyrisé en Lvcie. Ses reliques , (jui
avaient é*lé transportées à Tolède, le furent
depuis h l'abbaye de Saint-Denis. L'Eglise
célèbre sa fête le 25 juillet.
CHRISTOPHE (saint), martyr, reçut la cou-
ronne des combattants de la foi à Cor>loue,
sous la persécution des Arabes. Il eut pour
compagnon de son martyre saint Léovigilde.
Tous deux ayant été emprisonnés pour la
défense de la foi chrétienne, furent décapités
et brûlés ensuite. L'Eglise honore leur sainte
mémoire le 20 août.
CHRISTOPHE (le bienheureux), natif
d'Atlyhuetza, près de Tl iscala, dans le Mexi-
que, était lils d'un puissant Indien nounné
Acxotechall. Cet homuie avait soixante fem-
mes : il en avait eu quatre entants. Cortès
exigea qu'il les <;nvoyât au séminaire que les
religieux avaient fondé. Les faits que nous
racontons se passaient en 1528. Christophe
était l'aîné; ce nom lui fut donné à son bap-
tême. 11 fit de grands et rapides progrès dans
les sciences, et uiontra un zèle ardent })Our
la propagation de la foi. Navré de voir son
|)ère idolAtre, il voulut le convertir; mais ses
instances ne parvinri^nt qu'à le faire détester
de lui. Voyant que les paroles de douceur
n'avaient pas réussi, il jugea convenable de
le reprendre avec fermeté, et de faire enten-
dre à son père les menaces (|ue fait la reli-
gion à ceux qui ne suivent pas ses saints
comm.indements. Acxotechalt fit endurer à
son fils de rudes chûtimenls, pour la liberté
de son langage. La mère de sou fils puîné,
voulant que son fils à elle devint, au détri-
ment de l'aîné, l'héritier des biens paternels,
excita la colère d'Acxotcchalt, en accusant
près de lui Christophe de cerl.iins crimes.
Le père alors résolut la mort de son fils. Il
l'enferma dans un lieu écarté, et le tua en
l'accablant de coups de bâton. Après cet
odieux forfait, Acxotechall c.icha dans le sa-
ble le corps de son fils, et défendit à ses ser-
viteurs d'en parler. Quelque temps apiès ,
Acxotechalt, ayant été enipiisonné pour in-
jures envers un Espagnol, vil son eriuu^ (lé-
couvert et fut pendu. Le < orjis de Christophe
fut transporté dans une chapelh' qu'(j.i bâtit
à All.;huel/a; depuis, il l'ut mis dans une
église qu'on él(;va ii Tlascala , et (jui est
nommée édiscdi! l'Assouiption.
CllitlSlOl'HK HOTl.NDO , le bifndicu-
reux), de la compagnie df .lésus, fut marty-
risé à Axaca, le 8 levriei- 1571, avec, les bien-
iieureu.v Jcau-Rapiisle Ségura , Saiichc/ Sa-
velli, Pierre de Linarez , CaLricl (ionu'Z. Ils
avaient pi'nélré dans la J'ioridc, conduits par
un naturel du pays, iiouniié Louis, ijui avait
éli' baptisé en Espagne. Nous venons, ii l'ar-
ticle Louis de Quiros, que ce naturel re-
négat le massacra avec deux de ses com()a-
gnons. Trois jours après, les meurtriers se
présentèrent devant les autres missionnaires
qui restaient, ceux nommés plus haut, pré-
textant avoir besoin de haches pour abattre
des arbres. A peine curent-ils désarmé les
missionnaires, qu'ils les massacrèrent (8 fé-
vrier 1571). Ils s'emparèrent des vases sacrés
et commirctil un grand nombre de profana-
tions. (Societns Jcsu usgue ad sanguinis et
vitœ profusioncm militans, p. 4'i-9.)
CHRISTOPHE (le bienheureux), prêtre
portugais, fut un des derniers [irètres catho-
li(jues qui restèrent en Abyssiiiie ap-rès le
déj)art ou la mort des missionnaires, lors de
la cruelle persécution que Basilides, Négous
du pays, suscita contre les catholiques. {Voy.
Melca Chkistos.)
CHHOCUS, célèbre roi des Allemands, qui
fit en Gaule , sous le règne des empereurs
Valérien et Gallieii , plusieurs incursions
dans lesquelles il ravagea le pays et fit mou-
rir un grand nombre de chrétiens. Ayant
trouvé, près de Mende, saint Privât retiré
dans une grotte, sur le haut d'une montagne
qui dominait le château de Gièze, qui était
au bas, et dans lequel les habitants s'étaient
retirés, il voulut le forcer à les trahir; et
n'ayant pu y réussir, il voulut l'obliger à sa-
crifier à ses dieux. Voyant que le samt refu-
sait avec horreur, il le lit ti llement battre,
qu'il en mourut quelques jours après. On
trouve encore qu'il lit mourir saint Amarand
ou Amaranthe, au village de Vians ou Vieux,
près u'Albi.
CHRO.MACE, préfet de Rome sous l'empe-
reur Carin, et dans les premiers temps de
l'empereur Dioclétien , sévit avec rigueur
contre les chrétiens. Parmi ceux (jui furent
amenés devant lui, saint Tranquillin, que le
prêtre saint Polyc.irpe venait de convertir,
lui raconta que sa conversion tenait à ce quo
ce prôti-e l'avait guéri de la goutte. Chromace^
qui était attaqué de la même maladie, fil ve-
nir Polycarpe, et ayant été guéri lui-même,
il se convertit avec Tiburce, son fils. Il quitta
sa place, qu'on donna à un nommé Fabiim.
11 alîrancliit et fit baptiser tous les esclaves
de son domaine, au nombre de L'i-00. il se
retira ensuite en Camoanie, où il avait des
terres considérables. 11 y accueillit une foule
de chrétiens, pour les niillre à labii de la
j)ersécution ; et, enfin, il y mourut dans la
j)rati(pie des plus saintes vertus du chi'islia-
iiisme. L'Eglise fait sa fête, avec celle de son
fils saint Tiburce, le 11 juillet. Il est de toute
néc(îssité de recourir ii l'article saint SÉiivs-
TlKN.
CHROMACE (saint), évêque et coid'csseur,
fut tourmenté pour la délciise de la religion
à A(|uilé(!, dont il était (Wéipie. Le .Martyro-
loge romain ne nous a lais>é aucun détail
sur son combat. L'Eglise célèbre sa mé-
moire le 2 décembre.
CHRONION (sa'inl), martyr, suru(Mmné
lùim;, était douu-slicpie de saint Julien, mar-
tyr è Alexandrie, en 2.")i», sous le règne do
Dèce et sous le gouvernement de Sabinus.
677
cnn
CIM
678
Arrêté avec .son maître et un autre domcsli-
quc, son coUèsno près do lui, il eut le bon-
heur do ne pas l'imiter dans so'i a|)o4asio, ot
de donner so vie pour Jésns-Chrisl ou mémo
temps (fue son vieux maîtns ancpiol il élait
fort attaché : ce (pii lui avait valu le surnom
d'iMURis , c'esl-h-dire attache , afl'ectionné.
Avant donc conl'ossé Jésus-Christ avec le
saint vieillard Julien, il fut avec lui all.iché
sur un chameau, promené par la ville, et
comme lui horriblement battu à coups de
verges en l'orme de tléaux. Knlin on les jeta
dans un grand l'eu, en présence d'une niull-
tude intinie de peuple, qui prit plaisir à les
voir réduire en cendres. L'Eglise f.iit sa iète
le "27 lévrier, avec; celle de saint Julien. Les
auteurs du Martyrologe, trompés par le sur-
nom, ont mieux partagé ce saint (jue la plus
grande partie des autres; car ils inscrivent
encore sa fôto au 30 octobre, sous le nom do
saint h!un(!. (Voy. Jui.ikn.)
CHKYSANTHL (>aintj, « martyr à Rome,
après avoir enduré, sous le préfet Célerin,
avec s linte Darie, sa fenniie, de rigoureuses
tortures pour Jésus, fut, par l'ordre de l'em-
pereur Numérien, descendu avec el'e dans
une sablonnière de la voie Salaria, et ense-
veli tout vivant sous la terre et les pierres
dont on les accabla. » (Maityiologe romain.)
Saint Cirégoire de Tours raconte que beau-
coup de chrétiens s'étant assemblés à leur
tombeau quelque temps après leur mort ,
pour y célébrer leur fête et le divin sacritice,
Numérien lit fermer sur eux l'entrée de la
grotte avec une grande quantité de sable et
de pierres, et que tous ces chrétiens y mou-
rurent. Ce récit prouve que saint Chrysanthe
et sainle Darie furent enterrés au lieu même
où ils avaient été martyrisés, ou dans une
grotte voisine. Plus tard, Dieu ayant révélé
le lieu oii étaient les corps de tous ces saints,
quand Uome entière eut quitté le culte des
idoles, on lit une ouverture pour y aller. Ou
construisit dans cette grotte une voûte, pour
en faire un lieu oii les fidèles pussent
s'assembler. On sépara la grotte en deux par
une muraille : de sorte que les corps de saint
Cnrysanlhe et de sainte Darie furent placés
d'un côté , et ceux des autres martyrs de
l'antre. 11 se faisait en ce lieu beaucoup de
miracles. Saint Grégoire de Tours obtint
pour son Eglise, du pape Pélagie 11, des reli-
ques de sauit Chrysanthe et ue sainte Darie.
L'Eglise fait la fêlé de saint Chrysanthe et de
sainte DariC le i25 octobre.
CHllYSE (sainte), martyre, eut la gloire de
donner sa vie pour la foi chrétienne, sous le
règne et durant la persécution de Caude II
le Got ique. (Pour voir son histoire, recourez
à l'article Martyhs d'OsTiE.) L'Eglise romaine
ne fait pas la fête de celte sainte. On n'a la
certitude de son martyre que depuis peu de
temps. C'est à la tin du siècle dernier que ses
Actes ont été retrouvés ; ils sont compris
dans ceux que nous indiquons.
CHRYSECIL (saint), martyr, fut apôtre et
est patron de Commines. Ses Actes ne sont
pas très-certains. « Le point sur lequel on
s'accorde est quiil prêcha l'Evangile dans le
territoire de Tournay, on même temps (|uo
saint Piat et saint Eubert, c'est-h-dire sur !a
lin (le m' siècle. La })elile ville de Commi-
nes fut le principal théAtie de; ses travaux
apostoli(juos. Il fut martyrisé dans le lieu
appcs'é aujourd'hui Vertcm/hcm, et enterré à
Conunines, qui n'en est pas éloigné. La tra-
dition du pays porte que saint Eloi renferma
S(!s roli(iuos dans une chAssc préci(!use (]ue
relovait encore la beauté du travail. Les mal-
heurs occasionnés par la guerre privèrent la
vilhide Commines de ce pieux trésor. On le
garde aujourd'hui |)artie h Saint-Donatien
de lirugos, partie à Notre-Dame de Lens.
En IGll, les chanoines de Bruges envoyè-
rent à ceux de Tournay une côte qu'ils
avaient tirée de la châsse du saint martyr.
On honore saint Chryseuil le 7 février. »
Godescard, II" vol., j). 370.)
CUUYSOGONE (saint), martyr, souffrit la
mort pour la foi au commencement de la
persécution de Dioclétien et du iv" siècle.
Il fut arrêté à Rome et décapité à Aquilée.
Son chef est gardé à Rome dans une église
bâtie sous son invocation. Son corps est à
Venise. L'Eglise célèbre sa fête lé 24 no-
vembre. Voy. les Lettres de saint Grégoire
le Grand.
CHRYSOPHORE (saint), martyr, recueil-
lit la glorieuse [)alme du martyre sous l'im-
pie persécution que Dioclétien fit souffrir
aux chrétiens. Il eut pour compagnon de
son martyre les saints Victor, Zosique, Ze-
non, Césaire, Sévérien, Théonas et 4nto-
nin. L'Eglise honore leur mémoire le 20
avril.
CHRYSOTÈLE (saint), eut la gloire de
verser son sang en Perse, pour la défense de
la religion. Il eut pour compagnons de son
martyre deux autres prêtres, nommés Par-
mène et Héliménas, et les deux diacr. s Luc
et Mucius, dont le martyre est décrit dans
les Actes des saints Abdon et Sennen. L'E-
glise fait leur mémoire le 22 avril.
CHUDION (saint), martyr, l'un des qua-
rante martyrs de Sébaste sous Licinius.
{Voy. Martyrs de Sébaste.)
CHYPRE, île de la Turquie d'Europe, dans
la Aiéditerranée, a été témoin du martyre
des saints Pothame et Némèse. On ignore
coinp'étement à quelle époque.
CIA'J'ÉE (saint), martyrisé h. Bresse, sous
la pevséculion de Néron. (Pas de docu-
mcnis.) L'Eglise fait sa fêiele 4 juin.
CIBALES, ville de Paniionie, eut, en 304-
de l'ère chrétienne, l'honneur de voir le chef
des lecteurs de son église, saint Pollion, mis
à mort pour la foi, par ordre du gouverneur
Probus. {Voy. Probus et Pollion.)
CiLîCIENS. il est question dans les Actes
(chap. VI, V. 9j, que des Juifs ciliciens, parmi
lesquels était très-prob;;blement saint Paul,
s'élevèrent contre le diacre Etienne, dispu-
tèrent contre lui, et s'érigèrent en faux té-
moins pour le faire condamner à mort.
CIMÈLE, ancienne ville d'Italie, dans les
Alpes. Sous l'empereur Valérien , environ.
l'an 258, saint Pons ou Ponce y subit un glo-
rieux martyre. Les Lombards ont dépuis dé-
679
CIS
CLA
680
truil cette ville. Aujourd'hui, sur remplace-
ment qu'elle occupait, il ne reste jilus que
la c'i'lèlire abbaye de Saint-Pons des Cimiés.
C'est à côté de rancienne Cimèle que la
ville de Nice a été bAtie. Sur les ruines d'une
ville 1^1 us rien qu'une abbaye. C'est une
croix sur une tombe. C'est ainsi que la reli-
gion chrétienne consacre le souvenir des
choses qui passent ici-bas. Le paganisme qui
ne voyait que la vie terrestre, mettait sur les
tombeaux des emblèmes éphémères comme
elle : le myrte ou le laurier, amour etgloire,
ces deux rêves de l'homme morts avant lui,
comme les feuilles avant l'arbre. Encore un
peu de temps, l'herbe de l'oubli pousse vite
sur les tombes, myrte et laurier seront pous-
sière ; amour et gloire , échos d'une voix
éteinte, et qui vont chaque jour s'alFaiblis-
sant, seront muets dans la tombe. Le chris-
tianisme, au contraire, qui voit avec l'œil
de la foi, découvre des horizons d'outre-
tombe qu'on nomme l'éternité. Il enterre
le corps ; il met sur la tombe une croix,
une simple croix de bois cachée dans l'herbe,
mais cette croix, elle, n'est point comme un
triste écho du passé ; elle est un symbole
d'avenir et d'immortalité. Les pieds en terre,
la tète vers les cieuxet les bras étendus, elle
figure l'humanité qui meurt, mais qui res-
suscite pour la vie éternelle. Chose remar-
quable ! sur la tombe des chrétiens on voit
une croix, à côté est un presbytère où de-
meure un prêtre comme le gardien des tom-
beaux. Et quand lui-même a pris sa place
dans le champ des morts, un autre vient
dans sa demeure attendre aussi sa tombe.
Ainsi d'âge en Age, de siècle en siècle, de-
puis Jésus-Christ jusqu'au jugement, il y a,
près de chaque champ qui s'appelle cime-
tière, un pasteur qui conduit à Dieu le silen-
cieux troupeau ; un cultivateur qui entasse
les gerbes pour la moisson de l'éternité,
baptisant l'enfant, enterrant le vieillard, et
priant sur tous. Et quand la trom|)ette son-
nera, le dernier gardien du cimetière pren-
dra, pour la vallée de Josaphat, la tête du
troupeau des générations confiées h sa garde.
CIKIAQUE, l'un des trente-sept maityrs
égyptiens qui donnèrent leur sang pour la
foi en Egypte, et desquels Ruinart a laissé
l(;s Actes aullientiques Voy. Maktyus (les
trente-septj égyptiens.
ClUION (saiiilj, martyr, l'un des quarante
martyrs de Sébasle, sousLicinius. {Voy. Mau-
TYusde Sébaste.)
CISEL (saintj, mar'lyi-, répandit son sang
pour la foi en Sardaigne, sous la persécution
d(; Diocléti(;n. Les (;ompagru)ns di; s(jn mar-
tyre furent l(;s saints Luxoie et Camérin. Ils
j)érirent \mr le glaive, sous le pn-sidcMit Del-
nliius. L'Eg'ise célèbre leui- illustre mémoiic
le 21 août.'
CISNEKOï (Bi;uN,\Hi) i>i;j, de l.i (^)mpagiii;)
dr; Jésus, narpiit (;i) l''sj)agti(;. Loisqu'il eut
terminé sa idiilosophie, (j:i l'envoya ('U mis-
•sion cIkîz les 'l'épéguaiis avec, son compa-
gnon d'étud(;s, Didace de Orosco. Dans c(!lto
piOMiière mission, notic bienheiu-eux r(!(;ul
Il oiscoups do poignard d'un i<lol;Uro du j)ays,
dont il avait renversé deux fois le temple
qu'il bâtissait pour ses idoles. Les naturels
du pays, comme nous l'avons dit à l'article
Ferdinand de Culiacan, avaient résolu de
massacrer les missionnaires le 21 novembre
1616. Bernard et Didace ayant remarqué une
surexcitation extraordinaire chez les indi-
gènes, tirent entrer dans l'église les fidèles
et les Espagnols qu'ils trouvèrent sur leur
chemin. Après avoir donné trois assauts au
bâtiment où étaient renfermés les chrétiens,
les naturels feignirent de déposer les armes
et vinrent au-devant de nos bienheureux
saints qui portaient le saint sacrement. Tout
à couj) ils se précipitent sur eux, foulent
aux pieds le saint ciboire, et le P. Didace qui
le portait reçoit un violent coup de javelot
en pleine poitrine. Un des bourreaux, armé
d'une hache, le sépare ensuite en deux de-
puis la tète jusqu'aux pieds. Bernard fut
massacré en même temps que son compagnon
avec tous ceux qui s'étaient réfugiés dans
l'église, le 18 novembre 1616. ( Tanner, So-
cietas Jesu usque ad satiyuinis et vitœ profu-
sioncm militans, p. WO.)
CITTIN (saint), l'un des martyrs Scillitains,
fut mis à mort à Carthage avec ses compa-
gnons, en 200, sous le règne de l'empereur
Sévère. Sa lète arrive le 17 juillet. ( Pour les
détails de son martyre, voy. Spéraï.)
CLAIR (saint), martyr, était prêtre dans le
Vexin. Il y soullrit le martyre dans des cir-
constances et à une époque que le Martyro-
loge romain ne nous dit point. L'Eglise cé-
lèbre sa sainte mémoire le 4 novembre.
CLARISSES (les bienheureuses), mai-tyres
h Saint-Jean-d'Acre, en 1291, le k mai. Ce
fulcejour-lâ que le sultan des mameluks d'E-
gypte, nommé Mélik-Aschruf, emporta la
forteresse de Sainl-Jean-d'Acre, boulevard de
la puissance chrétienne en Palestine. Plu-
sieuis Dominicains et Franciscains y furent
immolés dans l'exercice des fonctions deleur
muiislère ; mais ce qui illustra surtout cette
ville, ce fut le martyre des religieuses Cla-
risses dont (die possédait un couvent. Leur
supérieure ayant ai)pris que les ennemis ve-
naient d'entrer dans la place, assembla ses
l'eligieuses et leur dit : « Nous sommes, mes
lilles, sur le point de pai-aître devant notre
divin é])0ux. Le sacrifice qui; nous alhuis
accomplir lui sera d'autant plus agiéable,
(pie nous serons i)urcs de corps aussi bien
([ue de cd'ur ; laites donc ce que vous allez
me voir faire, y Aussitôt elle se coupa le nez,
et son visage fut inmiédialemenl couvert de
sang. Les religieuses se mutilèrent ii l'ins-
tant même;, en se tailladant le visage de dif-
férentes sortes. Quand les musulmans eii-
trèrefU, transportés de fui'eur, ils les ég(jr-
gèicid. Ce fut ainsi que ces saint(\s femmes
sauvèrent leur chasteté. Liî P. Toiuon^ re-
garde l(!ur conduite conuiic \{' ré.sullal d'imo
inspiration du Saint - Es|)rit. Pour (pi'on
puisse; l'approuver, il faut en eUet admellr(5
celle explication, l-es religieuses d(! Saint-
Ji an-d'Acre iuiilèrenl, dans cette circons-
l.iiice, l'exemple (|ue, (pielipies années aupa-
ja\anl, celles d'Anliocho leur avaient donné.
681
CLA
C\A
682
fjouron, Histoire des hommes illustres des
Dominicnins, 1. 1, p. 5V0.)
CLASSIOUK (saint), martyr, souffrit pour
la confession dr In ioi en Afrique avec les
saints Lucius , Silvain, Rnlule , Seeondin,
Fruclulo el Maxime. L'Eglise fait leur mé-
moire le 18 février.
CLAUDE APOIXINAIRE (saint), évéquc
d'Hiéraple en Phrygi(% était sous Marc-Au-
rèle un (les plus saints et des plus savants
prélats qui gouvernassent l'Eglise. A la con-
naissance profonde des é(;rilures il joignait
celle des belles-lettres. Il adressa ii Marc-Au-
rèlc, en faveur des chrétiens, une apologie
que saint Jérôme nomme un ouvrage insi-
gne. Midheureusemenl il ne nous en reste
rien. 11 est très-i)robable qu'elle fut présen-
tée à l'empereur en môme temjts (pie celle de
saint Méliton. Et comme il y est (luestion de
la victoire rcra|)ortée miraculeusement sur
les Quades, il est convenable de mettre sa
présentation à l'empereur en l'an 170. (C'est
Eusèbe (jui nous apprend c^ue saint Claude
Apollinaire parle dans son apologie do la
victoire sur les Quades.) Saint Claude Apol-
linaire écrivit })lusieurs autres ouvrages,
notamment cinq livres contre les païens, et
deux sur la vérité. Il combattit avec un grand
succès les Montanistes. — Ce saint mourut
probablement avant Marc-Aurèle, avant l'an
180. Baronius a mis sa fête dans le Martyro-
loge romain le 8 janvier.
CLAUDE II [Marcus Aurelius Claudius),
surnommé le Gothique, a cause de ses vic-
toires sur les Goths, fut le successeur immé-
diat de Gallien. Il naquit le 10 de mai 214,
ou 215 s'il est mort à 50 ans, comme le dit
la Chronique d'Eusèbe. Sa naissance était
obscure, PoUion l'avoue; et ce qyi le prouve,
c'est qu'on a voulu lui trouver à toute force
de nobles ancêtres. Quand les flatteurs font
une généalogie, on peut être sûr qu'ils n'é-
pargneront pas l'illustration. Ceux qui vou-
lurent faire de Claude un homme illustre par
sa naissance le firent descendre de Darda-
nus et des Troyens. D'autres, plus modestes,
le dirent lils de Gordien, ce qui est insoute-
nable. Claude n'avait pas besoin qu'on lui
cherchât d'illustres ancêtres ; car il était de
ces hommes qui sont assez grands par eux-
mêmes pour se passer de titres, et qui sa-
vent s'en créer de personnels, La noblesse,
quoi qu'en disent les nullités intéressées à
prétendre le contraire, est plus belle et i)lus
grande à sa source que })]us bas. Elle a le
cours qu'ont les fleuves; elle descend, mais
le plus souvent elle ne s'élargit pas comme
eux. Claude fut un grand homme, heureux
s'il n'eût pas été persécuteur des chrétiens,
et si une cruauté quelquefois atroce ne fût
pas venue déshonorer les brillantes facultés
qui lui avaient été départies. Claude mourut
sans postérité ; mais il laissa deux frères,
Quintille, duquel nous parlerons plus tard,
et Crispe, père de Claudia, laquelle, mariée à
Eutrope,fut mère de Constance, père de Cons-
tantin le Grand. On le trouve pour ' la pre-
mière fois du temps de Dèce, qui lui donna
la garde du passage des Thermopylcs et lo
DiCTIONN. DES PeRSÉCUTIO?JS, I,
commandement du Pélojmnèse. 11 était alors
tribun. C((|)Oste était, ?i cause; (h; son exlrênie
iniiiorlance, un véritable poste de con(ianc«!.
N'alérien lui donna bï comiuandciiient (J'unc
légion en Syrie, ave(- les appoinhMiienls do
général, bien (ju'il ne fût (pie tribun. Tout
le monde, peuple et sénat, trouvait étiango
qu'on ne le fit pas avancer en grade (!t (ui'oii
ne lui donnât pas bi connnandemenl (l'une
armée. Valérien obéit enfin à cette désigna-
lion si glorieuse pour Claude; il lui dorma
le grade dont il était si digne, avec le com-
maudement des troupes de toute l'Illyrie,
c'est-h-dirc de la Thrace, de la Mésie , de la
Dalmatie, de la Pannonie et de la Dacc.
Plus tard on le retrouve dans la guerre cen-
tre les Goths en 207, é[)Oque h la(pjello il les
chassa de l'empire; ce qui fit que lo sénat
lui décerna une statue. Il était à Pavio pour
la garder, quand Gallien, qui assiégeait Au-
réole dans Milan, fut tué par ses propres sol-
dats. On a prétendu qu'il eut part à cette
mort; c'est une chose presque assurée. Après
la mort de Gallien, les soldats proclamèrent
Claude empereur. Quand la nouvelle en ar-
riva à Rome, lo 24 mars 208, la joie y fut ex-
trême. Claude eut de la peine à modérer ks
témoignages de joie qu'on lui montrait et
ceux de la haine qu'on faisait paraître pour
son prédécesseur. La tache que Claude ac-
ceptait était excessivement lourde, l'empire
était dans un état déplorable. Les provinces
avaient été partout ravagées par les barba-
res. Les guerres civiles avaient tout consu-
mé. On avait peine h trouver des armes
pour combattre l'ennemi. Tétricus était maî-
tre de la Gaule et de l'Espagne ; Zénobie oc-
cupait l'Orient, et Auréole résistait encore
dans la ville de Milan. Les barbares étaient
aux portes de l'Italie. Quand Auréole sut
que Claude était proclamé empereur, il de-
manda à faire sa soumission. On le lui per-
mit, suivant les uns ; suivant d'autres, et c'est
le plus probable, on refusa de négocier avec
lui. Il fut obligé de combattre, vaincu dans
une grande bataille, et enfin tué par les sol-
dats de Claude. On dit que ce fut Aurélien
qui lui porta le premier coup. Il était temps
que cette guerre fût achevée ; les Allemands,
profitant des divisions des Romains, se pré-
cipitaient pour les attaquer. Claude les ren-
contra sur les bords du lac de Garde, et par
lui ou par ses généraux, les battit tellement,
que la moitié do leur armée y resta.
Claude vint ensuite à Rome, et y resta
toute la fin de cetteannée,s'occupant d'amé-
liorer l'état des finances, de remettre de l'or-
dre dans les diverses administrations. Il
montra, dit Zonare, une grande sagesse et une
grande fermeté, jointes à une profonde con-
naissance dos atï'airos. Ce fut durant son sé-
jour à Rome que Claude persécuta violem-
ment les chrétiens, comme on le peut voir à
notre article Persécutions, et dans notre
deuxième volume de l'Histoire générale des
persécutions de l'Eglise. Ce fut dans l'année
suivante que Claude remporta sur les Goths
sa célèbre victoire qui lui valut le surnom de
Gothique. On sail qu'à la lin de l'anucc £C7
2a
685 CLA
il les avait, de concert avec Marcien, chassés
de l'empire. Ceux que Marcien avait laissé
échapper contre l'avis de Claude, de retour
chez eux, excitèrent tous leurs compatriotes
à venir venger leur honte. L'occasion leur
paraissait favorable. Les divisions intestines
déchiraient l'empire, les finances étaient
épuisées, et ils pensaient que la main qui te-
n.iil le glaive des cés;trs était aussi molle
(îuc celle des deux derniers empereurs ; ou
du moins, les deux rt\;inesde Valéricn et de
Gallien avaient tellement abaissé chez ces
barbares le prestige de la puissance romaine,
qu'ils s'imaginaient que ce vaste empire
était pour eux une proie à partager, vérité
qui ne devait s'accomplir que plus tard.
Après avoir fait, pendant toute l'année 268,
d'immenses préparatifs, les Gotlis, les Os-
tro^otlis, les Gépides, les Hérules et plu-
sieurs autres peuples, descendirent le Nies-
ter sur 2000 vaisseaux quils avaient cons-
truits, e! vinrent, au nombre de trois cent
vingt mille combattants, atta(pier la ville de
Tomes, dans la petite Scythie, et Marciano-
ple dans la Mésie. Ils furent repousses de
l'une et de l'autre après plusieurs combats
qui furent livrés près de Marcianopolis. Ils
franchirent ensuite le Bosphore, où la rapi-
dité du courant, faisant heurter leurs vais-
seaux les uns contre les antres, leur fit péiir
beaucoup de monde. Ils assiégère-it inutile-
ment plusieurs villes et furent défaits près
de Naisse, i)ar Claude, qui leur tua cliquante
raille honnnes. Une partie se réfugia et se
tbriitia sur le raonl Hémus, oij, l'année sui-
vante, les Romains achevèrent de les dé-
truire. ,
Voil?i, commefaitsd'armcs, cequ on trouve
dans le règne de Claude, qui fut court, puis-
quaprès la défaile des (loths il fui pris de
la peste qui le fit mourir h Sirmich. Il est
juste de dire cjue les victoires de Claude
dans celle guerre sont des plus belles et des
plu.^ impoi tailles dont l'histoire ait fait men-
tion. Claude était un grand général. Ses ta-
lents militaires, ses vertus civiles, font do
lui un des plus grands empereurs tpi'aient
eus les Komains. S'il eût vécu, nul doute
qu'il n'eût ramené l'empire h l'unilé, en
abattant ses rivaux. îsul doute qu'il n'eût
lait respecter partout autour de lui le nom
romain^ (jue ses indignes prédécesseurs
avaient abaissé. Il avait tout ce qu'il fallait
i)Our arriver à de tels résultats. Il était aimé,
ailiuiré et craint. Sous ce dernier rap[)Orl, il
nous reste une ailégali'.n à justifier. Nous
avons dit en coinmencanl que (ùlaude était
cruel : en elfcl, entre autres preuves nous
citerons celle-ci. Des soldais s'élaiit nio-i-
trés avides de pillage, il b'S fil pnmdre au
n«)iiiljre de |)lusieurs ctnilaines et b's envoya
h h(jme jiour y servir aux jeux alroc(;s du
p(Mij)le romain. Il les fil luer à coups de fiè-
ches dans i'ainpliiUié.llie. l-.videirimeiilon ne
peul appeler cela de la sévérité. Il faut un
nom h de If Iles atrocités, <;l ce noui est un
sli-Miinte pour Claude. De semblables a.:les
soiiilleiit la gloire la plus belle. D'un aube
oAté, il lil perséeulei' les rhréiiens avec un
CLA.
684
acharnement incroyable. La punition de ses
crimes lui fut envoyée, et la vengeance cé-
leste tomba sur sa tète au moment où la vic-
toire y déposait ses couronnes, où les succès
cl les"^ prospérités semblaient lui en assurer
l'avenir et la durée. .Mais Dieu ne permettait
pas aux empereurs romains de trouver la
stabilité sur le Irone. Ou'on lise attentive-
ment leur histoire : chaque règne commence
par un crime et finit par une catastrophe.
Celui qui monte lesdegrés qui vont au trùne
les arrose du sang de son prédécesseur, et
le sien à lui-même est le plus souvent versé
sur les degrés qui en descendent. S'il n'en
est pas ainsi, c'est cjuclque fiéau de Dieu,
quehjue malheur imprévu, qui remplace la
main des assassins. Jamais, à aucune épo-
que de riiisloire, on ne voit la main d'une
providence vengeresse comme dans cette pé-
riode de l'idstoire. Souvent Dieu donne au
génie môme de ceux qui ne le servent pas,
les récompenses terrestres qui sont le fruit
dus vertus humaines. Des rois vieillissent
sur le trône qu'ils ont illustré, et lèguent en
mourant en paix l'empire qu'ils ont conquis,
fondé ou soutenu, h leurs enfants. Kien de
jiareil chez les empereurs romains ; hors
deux ou trois qui font exception, nul ne peut
jouir de ses succès, nul ne peut léguer l'era-
piie à s?s tlescendanls. Tous sont frajipésau
faite de la puissance, inopinément et sans
pouvoir jouir du fruit de leurs vertus ou de
leurs talents. Il semble que ce sol de l'em-
pire romain, que les empereurs ont inondé
du sang des martyrs, soit fait pour les (dévo-
rer tous. Ainsi en fut-il de Claude. 11 est à la
têle d'armées aguerries, couvert de lauriers
récemment cueillis ; il est aimé, vénéré. Il
sort de rendre h l'empire qu'il sauve de l'in-
vasion, de mémorables services. La peste le
faitmourir. Pauvres grandeurs humaines, que
vous êtes faibles, quand Dieu laisse tomber
le fil de vos destinées 1 Quand Claude fut
mort on lui éleva des statues d'or, on lui bâ-
tit des temples, on lui rendit des honneurs
divins. Pitoyable dérision! C'est quand la
mort vient montrer l'inanité de la puissance,
qu'on prétend diviniser cette [iuissam e. On
prend cet homme que la morl a couché près
des plus petits. Terrible égalité, celle de la
tombe, des vers et de la pourriture 1 et cet
homme on en fait un dieu I II y a de ces
aberrations, do ces audaces, (jui dénassent
tout. Trois choses ici sonl grandes à rinfiîii:
la folio des hommes, la vanilé du tombeau,
la justice de Dieu. Que cette anliquité csl pi-
toyable! Comparez ces sénateurs romains,
décrélanl la divinité de leurs empereurs
morls, el Massillon s'écrianl en ])réseiice des
restes de Louis XIV: « Dieu seul esl grand,
mes frères! » Claude morl, son frère Quiii-
lille prit la pourpre; mais p<'u après, pour
écliai)])er à Aurélieii, il se fil ouvrir les vei-
nes.
CLAUDF. ( saint ), fui martyrisé à Troycs
e'1 même lem|>s que saint .lusli;, saint Ju-
coiidin, et ciiK] autres (pie le Martyrologe
romain ne nomme [las. Leur sacrifice s'ac-
complit sous le rôgnode l'empereur Aurélien,
C85
CLA.
CLA
68G
et s'il faut en croire les Actes do saiiilo Ju-
lie, eu sa piTseiico. Leur f(He a lieu le 21
juillet, roinnie celle (le sainte Julie. Probnble-
uuMil (jiie leur martyre eut lieu le nuMiiejour.
('LAl'DK (saint), geôlier de la prison dans
laquelle ou avait mis les chrétiens à Uome,
en "28'i., sous le rè;^ue d(! Cari;), fut converti
par le récit que lui fit le greffier en clief do
la préfecture, nommé Nicostrale, des mira-
cles opérés par saint Sébastioi dans sa mai-
son, et sur la persoinie de sainte Zoé, sa
femme, ainsi que par l'expérience qu'il fit
lui-même de la })uissancc du saint, en lui
présentant ses deux fils qui étaient liydro|)i-
ques et qui furent guéris. Ces deux fils, qui
étaient ainsi gravement malades, se nom-
maient Félicissime et Félix. L'un des deux
se nonuuait aussi Sympliorien. Celui-là fut
martyrisé avec sou père dans les circonstan-
ces suivantes. Lorsque saint Zoé et saint
Tranquillin eurent été martyrisés, Claude et
Synq)liorien son fils furent jiris comme ils
ciuM'chaient les corps de ces saints martyrs,
avec Nicostrate, CastoreetVictorin. Conduits
devant Fabien, nouveau préfet de Rome,
ils furent, pendant dix jours, de la part de ce
magistrat, l'objet d'obsessions de toutes sor-
tes, de menaces, de caresses, ayant pour but
de les faire renoncer à la foi. Tout ayant été
vainement emj)loyé, Fabien, sur l'ordre de
Dioclétieu et de i^Taximien, les fit mettre
trois fois à la torture, et ensuite les fit jeter
dans la mer. Ce fut un 17 juillet que la mort
de ces saints eut lieu, ce qui n'empôche pas
le Martyrologe romain de mettre leur fête au
7 juillet. (Pour plus de détails, voy. les Actes
de saint Sébastien à son article.)
CLAUDE (saint), habitait Egée en Cilicie.
Sur la dénonciation de sa belle-mère, il fut
arrêté avec ses frères, saint Astère et saint
Néon, et tous trois souffrirent d'horribles
tourments, avant de consommer leur sacri-
fice. Leur martyre eut lieu en même temps
que celui des saintes Domnine et ïhéonille,
sous le proconsul Lysias et sous le règne de
l'empereur Dioclétien, en l'aimée 285. Les
Actes de tous ces saints ne peuvent être scin-
dés, nous les don-ierons ici en entier. Seu-
lement, au titre de chacun d'eux en particu-
lier nous y renverrons le lecteur.
Actes de saint Claude, de saint Astérius, de
saint Néon, et des saintes Domnine et ïhéo-
nille.
Le dixième des calendes de septembre (1),
sous le consulat de Dioclétien et d'Aristo-
bole (2), à Egée (3) en Lycie, le proconsul
Lysias, tenant l'audience, dit : Qu'on fasse
entrer les chrétiens qui ont été arrêtés par
les ofiiciers de la ville, en exécution de nos
ordres. Euthalius, garde général des pri-
sons (i), dit au proconsul : Seigneur, quel-
que recherche qu'aient pu faire ces olïïciers,
ils n'ont pu découvrir que trois jeunes gar-
(1) Le 23 août.
(2) Ou Aris lobule.
i'ô) Ou plutôt en Cilicie, où est ^gée, ville épi-
scopale, relevant d'Anazarbe, métropole.
(4) Commentariensis, Clavicularius, Cornkularius,
çons qui sont frères (1), deux femmes et un
petit enfant. Voici un de ces trois frères ;
(jue votre grandeur (2) veut-elli! qu'on en
lasse? Le i)roconsul Lysias, l'ayant fait ap-
p(;ler, lui dit : Mon fils, connu'ent vous ap-
pelez-vous? Le jeune lioniMU! répondit:
Seigneur, je m'appelle Claude. Le j)roconsul
Lysias dit : Ne vous amusez point h toutes
ces folies, mon (ils; croyez-moi, sacrifiez
aux dieux ; c'est l'unique moyen d'évii^r- les
tournuînts qui sont préparés [)Ourtous ceux
qui refuseront de le faire. Claude répondit:
Le Dieu que je sers ne demande point do
pareils sacrifices. Ce qu'on lui peut offrir do
plus agréable , ce sont de bonnes œuvres ;
voilà les sacrifices qu'il aime. Pour vos dieux,
ce ne sont que des esprits immondes, qui
pe se plaisent qu'à perdre les Ames de ceux
qui les adorent ; c'est pouniuoi vous ne rae
persuaderez jamais de les adorer. Alors le
proconsul Lysias lui fit donner cent coups
de fouet, disant qu'il n'y avait que ce moyen-
là de le rendre sage. Claude dit : Quand vous
me feriez souffrir des tourments mille fois
plus cruels, vous ne viendriez pas pour cela
à bout de votre dessein ; sachez que vous
vous faites plus de mal qu'à moi. Le pro-
consul Lysias dit : Je veux bien encore vous
le redire, l'ordre précis de notre invincible
empereur enjoint à tous les chrétiens de sa-
crifier aux dieux, et veut que, s'ils s'en défen-
dent, ils soient punis sur-le-champ ; mais
aussi que s'ils obéissent, ils soient comblés
d'honneurs , et inscrits sur une liste pour
avoir part aux gratifications du prince. Claude
dit : Ces honneurs et ces gratifications que
vous faites sonner si haut ne seront que
pour un temps , au lieu que la récompense
que je recevrai pour avoir confessé Jésus-
Christ sera éternelle. Le proconsul Lysias le
fit mettre sur le chevalet, et fit allumer du feu
sous ses pieds. H s'avisa même d'une extrême
cruauté ; ce fut de lui faire couper de la chair
aux talons, et de la lui faire mettre dans les
mains , afin que les secouant par l'horreur
que lui donneraient ces morceaux de chair
sanglante, ils tombassent dans le brasier
qu'on avait allumé sous lui, et qu'il parût
ainsi les avoir offerts en sacrifice. Claude
dit : Le feu et les tourments les plus
âpres ne peuvent rien sur ceux qui craignent
Dieu. Le proconsul Lysias commanda qu'on
lui appliquât les ongles de fer. Claude dit :
Je veux que vous connaissiez, par le peu
d'effet que vos tourments font sur moi, que
vos dieux ne sont rien, ou ne sont tout au
plus que de mauvais démons, de misérables
créatures impuissantes. Pour vous, craignez
le feu qui ne s'éteint jamais. Le proconsul
Lysias dit aux bourreaux : Prenez des mor-
ceaux de pots cassés, choisissez-en des plus
aigus et des plus tranchants, déchirez-lui
les côtés avec cela, et ensuite mettez-y des
flambeaux allumés. Pendant qu'on exécutait
cet ordre, Claude dit : Vos feux et vos sup-
plices me font plus de bien que vous ne
(1) Livrés par la méchanceté de leur belle-mère.-
(2) C tarifas tua, nobilitas l2<a.
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pensez ; ils mettent mon salut en pleine as-
surance. Ce que Ton souffre pour le nom et
la gloire du Seigneur ne cause aucune tris-
tesse ni aucune douleur : mourir pour Jésus-
Christ vaut mieux que toutes les richesses
du monde. Le proconsul Lysias dit : Qu'on
l'ôte de là, qu'on le remène en prison et
qu'on en iasse entrer un autre.
Euthalius, garde général des prisons, dit :
Seigneur, en exécution des ordres de votre
grandeur (1), j'ai amené devant elle Astérius,
le second des trois frères. Le proconsul Ly-
sias dit : Et vous, mon {ils, m'en croirez-
vous? Sacrifiez aux dieux ; car, pour peu que
vous on fassiez difficulté , vous voyez que
tout est prêt pour vous y contraindre à force
de tourments : je n'ai qu'à dire un mot. As-
lérius dit : Il n'y a qu'un Dieu qui habite
dans le ciel, qui viendra un jour sur la terre
qu'il gouverne par sa providence; ceux de
qui je tiens la naissance m'ont appris àl'aimer
et à l'adorer. Du reste, je ne connais point
ce que vous appelez des dieux ; croyez-moi
à votre tour, tout cela n'est qu'une pure in-
vention des hommes, il n'y a pas la moindre
vérité. Alors le proconsul Lysias le fit sus-
pendrt^ sur le chevalet , et pendant qu'on lui
déchirait les côtés, il lui faisait dire : Sacri-
fiez, sacriliez, croyez aux dieux, croyez aux
dieux. Astérius dit : Je suis le frère de celui
que vous venez d'interroger, et qui vous a
con'ondu [)ar ses réponses. Sachez que lui
et moi n'agissons q .e par un môme esprit,
que nous n'avo is qu'un môme sentiment,
une môme foi, un même Dieu. Faites-moi
tout le mal que vous pourrez, mon corps est
en voire puissance; mais, grâce à Dieu, mon
âme n'y est pas. Le proconsul Lysias dit :
Qu'on lui serre les pieds avec des tenailles,
pour voir si son âme ne souffrira rien : il ne
doit rien craindre [)Our elle, puisqu'elle n'est
pas sous ma i)uissance. Astérius dit : Quelle
fureur te possède, pourquoi me fais-tu tour-
menter ainsi ? Qu'ai-je fait pour mériter un
traitement si cruel? Ne vois-tu pas, misé-
rable, ce que Dieu prépare pour te punir de
ta cruauté ? Le proconsul Lysias dit : Gela
ii'emijèchera pas que je ne te fasse brûler les
pieds ; et pendant qu'on les lui brûlera, vous
autres, frapi)ez-le de toute votre force à
grands coups de nerf de boiuf sur l'estomac et
sur lesreins. Astéi'iusdil: Jene vous demande
qu'une grâce, c'est que vous ne laissiez au-
cun endroit sur mon corps dont vous ne
fassiez une plaie. Lysias dit : Qu'on le re-
mette avec les autres.
Kutlialius, premier geôlier, dit : Seigneur,
voici Néon, le troisième des frères. Lysias
dit : Approchez, mon fils, et venez sacrifier
a nos dieux. Néon dit : Si vos dieux ont
quelque jjouvoir , qu'ils se vengent eux-
mêmes de ceux ([ui les méprisent comme
nous faisons, sans vous laisser le soin de
cette vengeance. S'ils sont (pu-hpie chose,
qu'ils rious le fassent sentir ; jusipie-là nous
n'en citjirons ruj'i. .Mais s'dsne sont tout au
jjlus que dt; mauvais oéiiii's, el qui; vuus ne
^i ; Potrulnlit tu<v^ ' ' '
soyez que le complice et l'exécuteur de leur
noire malice, apprenez que je vaux mieux
qu'eux et vous, jtuisque j'adore le vrai Dieu
qui a fait le ciel et la terre. Le proconsul
Lysias dit : Donnez-lui cent coups sur la
tète, et dites-lui à chaque coup : C'est ainsi
qu'on traite ceux qui blasphèment contre les
dieux immortels. Néon disait : Je ne blas-
phème point, je dis la vérité. Le proconsul
Lysias dit : Qu'on lui brûle la plante des
pieds, et qu'on lui décharge sur le dos et sur
le ventre force coups de bâton. Après qu'on
eut exécuté cet ordre. Néon dit : Tous ces
tourments ne me feront pas changer de ré-
solution : je sais ce qui m'est utile, et je fe-
rai toujours ce que je croirai être avantageux
pour mon âme. Lysias s'étant un peu éloi-
gné, on tira un rideau sur lui : et ayant re-
paru après quelques moments, il lut dans
ses tablettes cette sentence : « Claude, Asté-
rius et Néon, tous trois frères, tous trois
chrétiens, et tous trois convaincus d'avoir
blasphémé contre les dieux immortels, ayant
outre cela refusé de leur sacrifier, seront
chacun attachés à une croix dans la grande
place du palais, et leurs corps jetés aux bêtes
et abandonnés aux oiseaux. Il ajouta : Nous
commettons à l'exécution de la présente sen-
tence Euthalius, le premier geôlier, et Ar-
chelaûs, exécuteur de haute justice. »
Euthalius, garde général des prisons, dit :
Seigneur, suivant les ordres de votre gran-
deur ( 1 ), Domnine com])araît devant elle.
Lysias dit : Vous voyez, ma chère anjie, ce
feu et ces autres tourments ; tout cela est
préparé pour vous. Voulez-vous vous en
garantir? venez, et sacrifiez aux dieux. Do-
mnine dit : Je ne crains que les tourments
éternels et le feu qui ne s'éteindra jamais ;
et c'est pour n'y pas tomber que j'adore Dieu
et son Christ qui a créé le ciel et la terre :
car pour vos dieux, ce ne sont que des dieux
de l)ois et de pierre. Lysias dit : Qu'on la
dépouille de ses vêtements et qu'on la frappe
fort longtemps avec des verges. Un des
bourreaux vint dire : Seigneur, par la vie de
votre grandeur (2), cette femme est expirée.
Le jtroconsul Lysias dit : Qu'on jette son
corps dans le fleuve.
Euthalius, garde général des prisons, dit:
Voici Théonille. Lysias dit : Je vous conseille
en ami de sacrilieraux dieux, si vous voulez
éviter ce feu et ces tourments. Théonille dit:
Ce feu-là ne me fait point de peur : celui que
je crains, c'est le feu éternel, (|ui peut brû-
ler l'âme aussi bien que le corps, et qui est
préparé pour ceux (jui renoncent au culte du
vrai Dieu j)our adorer les idoles. Lysias dit :
Qu'on lui donne plusieiu's coups sur le vi-
sage, (pi'on lui ôte ses habits, et qu'on la
foule aux ])ieds. Théonille dit: Vous est-il
permis de traiter si indignement une femme
de condition libre, une étrangère? Vous ne
l'ignorez |)as; mais Dieu le voit. Lysias dit :
Qu'on la pende maintenant par les cheveux,
el <pu' l'on n(; lui épargne pas les soufllels.
Théonille dit : Il ne V(uis sullit donc pas île
(1) Cluritulis liur.
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m'avoir l'ait ck'pouillor de mes véleiirientssans
ménager ma |iii(lcur; cet outrai^,!', au reste,
vous lie le laites pas à moi seule, vous le
faites h votre mère, ^ votre lennne : tout
mou sexe a part à cotte injure. Lysias dit :
Etes-vous mariée ou veuve? Th('M)nillo dit :
11 y a vingt-trois ans que j'ai perdu mon
mari ; et depuis ce jour, m'étaut consacrée
tout h mon Dieu, je passe ma vie dans le
jeûne, les veilles et l'oraison : car ce fut on
ce temps-là (pio mon Dieu me fit la grAce do
me retirer des ténèbres de l'idolAtrie. Lysias
dit : Qu'on lui rase la tôte : cette confusion
t'est bien due, misérable. Qu'on l'attache
ensuite i)ar les pieds et parles mains à qua-
tre picpu'ts ; et après qu'on l'aura ainsi sus-
pendue (>n l'air, (ju'on allume du feu sous
elle, vl eni'm qu'on lui donne tant de coups
qu'elle en meure, lùithalius et un des bour-
reaux vinrentdire h Lysias: Seigneur, elle est
morte. Lysias dit : Qu'en la jette à l'eau. Eu-
thalius et un des bourreaux dirent : Seigneur,
nous avons exécuté les ordres de votre gran-
deur (1).
L'Eglise fôte tous ces saints le 23 août.
CLAUDE (saint), tribun, fut martyrisé à
Rome, du temps de l'empereur Numérien,
avec sainte Hilarie, sa femme, et leurs deux
enfants, Maur et Jason, et soixante-dix sol-
dats. Saint Claude fut attaché à une grosse
pierre et précipité dans la rivière; les deux
enfants et les soixante-dix soldats eurent la
tête tranchée. Sainte Hilarie donna la sépul-
ture à ses deux fils. Quelque temps après, les
païens l'ayant trouvée priant sur leur tom-
beau , se saisirent d'elle. Ils la mirent en pri-
son , où elle s'endormit dans le Soigneur.
Ainsi que nous l'avons dit plusieurs fois,
l'Eglise honore avec raison comme martyrs
ceux qui, sans avoir souffert aucun supplice,
sont morts étant en prison pour la foi. Nous
faisons ici cette réflexion, parce que les ex-
pressions qu'emploient les martyrologes re-
lativement à sainte Hilarie donnent à suppo-
ser qu'elle ne fut pas soumise à do grandes
rigueurs durant son emprisonnement. Peut-
être était-elle d'un âge avancé et déjà sur le
bord du tombeau. QuQi qu'il en soit , elle
mourut en prison victime de son amour ma-
ternel et martyre des croyances qui avaient
fait monter au ciel les deux enfants avant la
mère. L'Eglise honore la mémoire de cette
sainte famille de martyrs et des soixante-dix
soldats, le 3 décembre. Los martyrologes de
saint Jérôme les marquaient le 10 août avec
saint Chrysanthe. L'Eglise romaine a suivi
Usuard et Adon.
CLAUDE (saint), frère de saint Maxime et
mari de sainte Prépédigne, fut arrêté avec
eux et ses deux enfants, Alexandre et Cutias.
Ils appartenaient à une très-illustre famille.
D'abord Dioclétien, qui avait donné l'ordre
de leur arrestation, prononça contre eux la
peine du bannissement. Mais bientôt après,
reg.roltant d'avoir montré une douceur qui
11 était pas dans ses habitudes, il les con-
damna tous au feu. Ils subirent cet affreux
(!) Pra'cepttm emineniiœ Uiœ,
supplice avec courage, et après leur mort
les païens jetèrent leurs restes dans la ri-
vière. Ces saintes relicpies lïn-ent recueil-
lies par les chrétiens qui les eulerrèrenl près
de la ville. L'Kglisii fait leur fêle le 18 lévrier.
CLAUDR (saint) , martyr, était seulpleur à
Rome, en 30V, sous l'empor-eur Dioclétien ; il
refusa do faire des idoles et fut mis ii mort b
cause do (îela. D'abord, il fut mis en])riso!i,(ui-
suite tiéchiré avec des fouets garnis ,1c poin-
tes do lei', puis précipité dans la rivière. Sa
fête a lieu le 8 novembre.
CLAUDE (saint), martyr, fut martyrisé à
Léon en Kspagno. 11 eut pour (,omf)agnoris do
son martyre, les saints Luperque et Viclorius^
ses doux frères. Ils étaient fils du centurion
saint Michel. Ce fut (jurant la [)ersécution de
Dioclétien et de Maximien qu'ils eurent la
tête tranchée par rordr(î du président Diogé-
nien. L'Eglise fait leur fôte le 30 octobre.
CLAUDE (saint), martyr, souffrit à Cons-
tantinople avec Lucillien , ancien prêtre
d'idoles, et trois autres enfants de son âge,
Hypace, Paul et Denis. {Voy. LucitLiEN pour
plus de détails.)
CLAUDE (saint), martyr, reçut la glo-
rieuse palme du martyre, en Afrique, avec
les saints Crispin, Magine, Jean et Etienne.
L'Eglise les honore le 3 décembre.
CLAUDE (sainte), martyre, versa san sang
pour confesser la foi. On ignore l'époque où
eut lieu son martyre ; on sait seulement
qu'il eut lieu à Amide en Paphlagonie, et
qu'elle souffrit avec les saintes Alexandra,.
Euphrasie, Matrone, Justine, Euphémie»
Théodose, Derphrite et sa sœur. L'Eglise
honore leur mémoire le 20 mars.
CLAUDE (saint), martyr, l'un des quarante
martyrs de Sébaste, sousLicinius. Voy. MàR>
TYRS de Sébaste.
CLAUDIEN (saint), fut martyrisé pour la
foi chrétienne en l'année 250, sous le règne
et durant la persécution de l'empereur Dèce.
Ce fut dans la Pamphylie qu'il eut la gloire
de donner sa vie pour Jésus-Christ, durant
cette terrible tempête que la rage du tyran
souleva contre l'Eglise du Seigneur et qui fit
périr tant de chrétiens dans toutes les con-
trées de l'empire. Ce fut le proconsul Pol-
fion, l'un des plus ardents persécuteurs de
cette époque sanguinaire, qui fit mourir le
saint, avec saint Diodore et saint Gonon. On
n'a plus dans l'histoire aucun document d'a-
près lequel on puisse donner des détails sur
la manière dont saint Claudien mourut, car
malheureusement ses Actes ont été perdus.
L'Eglise honore la mémoire de ce saint
martyr, avec celle de saint Diodore et de
saint Papias, le 2G février.
CLAUDIEN (saint), martyr, eut la gloire
de confesser courageusement de nom de
Jésus-Christ, à Corinthe, sous le règne de
Dèce, en 2i9, avec les saints Victorin, Victor,
Nicéphore, Dioscore , Sérapion et Papias.
Exilés en Egypte, tous ces saints y vécu-
rent jusqu'en l'année 28!^, époque à laquelle,
sous le règne de l'empereur Numérien, tous
donnèrent leur vie pour Ja foi. Le juge Sa-
bius venait de faire broyer dans un mortier
691
CLE
CLE
^n
les saints Victorin, Victor et Nicéphore. Il
fit cou[)c'r Claudien i)ar morceaux, et fit jeter
ses membres tout sanglants aux pieds de ses
compagnons qui vivaient encore, pour les
épouvanter. L'Eglise fait la fête de ce saint
et de tous ses compagnons, le 25 février.
CLAUDIEN (saint), martyr, cueillit la
palme du martyre h Nicoméilie, avec saint
Victor, saint Victorien et sainte Basse, sa
femme. Pendait trois années on les tour-
menta cruellement et ils achevèrent leur
martyre en prison. L'Eglise célèbre leur
saintr* mémoire le 6 mars.
CLÉMENT (saint), pape et martyr, est le
troisième qui fut élevé au pontificat après
l'apôtre saint Pierre. Ce saint avant été
banni dans la Chersonèse, durant' la per-
sécution de Trajan , fut ensuite précipité
dans la mer avec une ancre attachée au cou.
Son corps, transporté à Rome sous le ponti-
ficat de Nicolas 1", fut placé avec honneur
dans l'église quon avait, avant ce temps,
bâtie sons son nom.
CLÉMENT (saint), Flavius, cousin germain
de l'empereur Domiri"n, était fils de Flavius
Sabinus, frère de Vespasien. Il avait pour
femme Domitille, fille do Domitille, sœur de
Domitien. Il fut co-isul la quator7ièmc année
du règne de Dnmitien, la 95' de Jésus-Christ.
Il avait deux fils encore jeunes que Domitien
avait désignés pour lui succéder. Il avait
môme changé leurs noms en ceux de Ves-
pasien et Domitien. fSuét., Domitien, n. 15.
Bion, Epist., p. 236.) Le consul Clément
était chrétien. Les païens, à cause de la vie
calme et retirée qu'il menait, l'accusaient de
paresse et d'inca;jacité. Il fut accusé d'im-
piété et de judaïsme (Eus., Chr., an. 97,
et Hist. III, c. 17, 18. Dion. Cassii Histo-
riarum 1. lxvii, p. 7G6, typis Wecclielianis,
an. 106). C'était le nom qu'on donnait en-
core à la doctrine des chrétiens, (fu'on ne
connais'iait pas assez pour les ditférencier
des Juifs. Clément fut mis à mort par Do-
mitien , étant à peine sorti du consulat,
c'est-à-dire en 93 de Jésus-Christ. Les Mar-
tyrologes ne font pas mention de ce saint.
(Voi/. DoMiriKx et Domitim.e.)
CLÉMENT (saiiilj, d'Ancyre, évèquo et
martyr, appartie it aux premiers temps delà
persécution de Dioclutien, et du iv' siècle.
S'il fallait en croire ses Actes, nous dirions
q'i'on prolongea son martyre en lui faisant
endurer, pi'uda'U 28 ans, les su|);ilices et les
tourments ; mais il nous faudrait, pour ad-
mettre un fait pareil, d(!S |)i'euves (juc» civs
Actes sont loin (le nous fournil-. S(!S relicjues
furent d'abord portées h CoristanlitKjpIc. nù
deux églises, iiotarnimint (îclh; du palais,
furent [ilaeées sous son invocation. Ia'. (•rA^l(^
de saint Clément est au Val-de-(irAce de;
Pai'is, Anne d'Autriche en lit cade.ui ;i cette
église fpiand elle f>n(la l'abbaye. Saint Aga-
thangtî fut martyrisé avec saint Clément.
L'i-lgljse honoi»! la mémoire de ces (hnix
saints le 2.'{ janvier. (Voy. (ihaslclain, p.3.>.».)
C.LÉMENT (saint), martyr, recueillit la
COuruMiio (les gl<)ri(;ux comballanls de la loi
à Uoiiie, avec son compagnon saint Celse.
L'Eglise honore leur mémoire le 21 novem-
bre.
CLÉMENT (saint), martyr, cueillit la palme
glorieuse du martyre avec les saints Apelle
et un autre. On ignore à quelle date et dans
quelles circonstances. L'Eglise célèbre leur
mémoire le 10 septembre.
CF.ÉMENTIN (saint), martyr, fut martyrisé
à Héraclée en Thrace, avec "les saints Théo-
dote et Philomène. L'Eglise célèbre leur
mémoire le l'i. novembre.
CLÉOMÈNE (saint), martyr, eut la gloire
de souffrir la mort pour Jésus-Christ , en
Crète, dans la ville de Gortyne, sous le règne
de Dèce, durant la persécution si terrible
que ce prince féroce alluma contre les
chrétiens. Il fut décapité, après avoir souf-
fert d'horribles tourments. Sa fête arrive le
23 décembre. Saint Cléomène est l'un des
dix martyrs de Crète. iVoy. Martyrs de
Crète).
CLÉOPHAS (saint), disciple de Jésus-
Christ, l'ayant confessé, fut, selon la tradi-
tion, massacré par les Juifs à Emmaiis, dans
la maison même où il l'avait invité à souper,
et où on l'enterra honorablement. L'Eglise
fait sa mémoire le 25 septembre.
CLER (saint), martyr, était diacre à An-
tioche. Il fut appliqué sept fois à la torture,
et tenu fort longtemps dans une étroite
prison, pour la défense de la vérité. Enfin,
ayant eu la tète tranchée, il accomplit ainsi
son martyre. L'Eglise honore sa mémoire le
7 janvier.
CLERMONT-FERRAND, avant l'invasion
romaine, se nommait Ncmosiis. Sous la do-
mination romaine, cette ville avait pris le
nom de Nemetum. Auguste et ses succes-
seurs l'avaient considérablenient augmentée
et embellie. Elle fut plusieurs fois prise,
saccagée, prcs(pie détruite j)ar les barbares,
qui firent si souvent des invasions dans les
Gaules, Sous nos premiers rois, les guerres
civiles lui firent souvent le môme sort. Plus
tard, elle fut occupée par les Anglais. Plu-
sieurs fois elle fut fortifiée et démantt lée.
Peu de nos villes de Franco ont passé j)ar tant
de vicissitudes. Clermont est actuellement le
chef-lieu du (h'partement du Puy-de-Di'ime.
Dans cette ville il se tint sept conciles. Le
plus célèbre est celui de 1095, où fut décidée
la jireniière croisade. L'un des princes bar-
bares qui vinrent ravager les Gaules, et do
qui notre sujet nous oblige de i)arler, est
Chrocus, roi des Allemands. Il passa dans
ce malheunnix pays comme un torrent dé-
vastateur. Clermont fut, comme beaucoup
d'auli-es villes, ravagée par ce féroce coïKjué-
ranl. L'épécuies Césars s'était raccourcie aux
mains du faible Valérien; elle ne savait plus
protéger les provinces de ]'(nMpire. Le pres-
tige du nom romain n'était plus uiu^ bar-
rière, aux entreprises (bs barbares. Cliroeus
passa donc comme un Iléau de Dieu. On eût
dit (ju'il était chargé de semer sur sa route
toutes les sortes do calamités. Il apjtortait
la guerre (U ses horribles consé(pi(Mu;es ,
la dévastation, le pillage et mille horreurs ;
mais ce n'éluil i»as assez, il ])crsocutail vio-
693
COC
CGC
un
lemmenl les chrétiens, vou.ant les contraindre
d'adorer ses dieux. A Clermont, il lit maily-
risor les sainis Cassius ou Cassi, Vicloiiii,
Ma\im(;, AiUolien ou Auiitolioii, et Litiguio
Ou l.iiuinius. Ces saints sont l'ohjta d'une
grande véuérafiou on Auvergne. Ancienne-
ment on avait l)i\li à Clerniont-Ftïrrand inio
église sous rinvocalion de saint Cassius ou
Cassi : elle possédait ses reli(iues. Le temps
en a fait des ruines.
CLET (saint), pape et martyr. C'est le se-
cond qui gouverna l'Eglise^ après ra|)ôtro
saint Pierre. Il re(;ut la couronne du martyre
durant la persécution de Domitien. L'Eglise
fait sa mémoire le 2G avril.
CLET (le bienheureux), missionnaire en
Chine, y fut étranglé pour la foi le 18 avril
1820. (Pour plus de détails, voij. Pehsécu-
TiONS EN Chine).
CLKiNE (saint), confesseur, souffrit pour
la religion à Aqum. On ignore la date et les
circo'istances de sa confession. L'Eglise fait
sa mémoire le 30 mars.
CLOMAN, (saint), martyr, fut martyrisé à
Wurtzbourg en Allemagne , avec l'évoque
Killien et le diacre saint Tatnan. On ignore
les circonstances du martyre de ces saints
combattants de la foi. L'Eglise célèbre leur
mémoire immortelle le 8 juillet.
CLOMAN (saint), martyr, était originaire
du royaume d'Autriche. Il y soutfrit pour
Jésus-Christ. On ignore la date, le lieu et
les circonsîances de son martyre. L'Eglise
célèbre sa sainte mémoire le 13 octobre.
COCHIN, ancien royaume de l'Hindoustan,
sur les côtes du Malabar, fut un des pre-
miers pays de ces vastes contrées évangé-
lisées par les missionnaires. En l'an 1600, il y
avait déjà quelque temps que le royaume
de Cochin était érigé en évêché, quand le roi
se mit à persécuter avec acharnement ceux
de ses sujets, qui se convertissaient à Jésus-
Christ. Tout le long de la côte, depuis sa
capitale jusqu'à Colam, et depuis cette ville
jusqu'au cap Coraorin, il existait un assez
grand nombre d'églises. Les missionnaires
qui les desservaient étaient des membres de
la compagnie de Jésus ou de celle do saint
François. Cette persécution devint extrême-
ment pénible pour eux tous, en entravant
leurs saints travaux et en mettant obstacle
aux progrès qu'ils accomplissaient dans
cette vigne que leurs sueurs avaient ferti-
lisée.
COCHINCHINE, contrée de l'Asie orien-
tale, dans l'empire d'Annam. La religion qui
y domine est le bouddhisme. Presque tout ce
que nous avons dit du Tonquin peut s'ap-
pUquer à la Cochinchine. Aussi allons-nous
arriver immédiatement à ce qui concerne
les persécutions endurées dans ce pays. En
1690, le roi excita une persécution qui fut
de courte durée. Il mourut à l'époque où il
se préparait à persécuter beaucoup plus vio-
lemment les chrétiens. François Perez, Sia-
mois, était alors vicaire apostolique de ce
royaume. Laissons parler les Lettres édi-
fiantes :
« Le roi, encore jeune, est extrêmement
superstitieux et entièrement dévoué aux
bonzes chinois qu'il a appelés dans son
royaume; il a un oncle auprès de lui «pji
est le plus cruel ennenii du <;hristianisme.
On a abattu plusieurs églisc^.s ; la persécu-
tion serait i)eut-ètre allée plus loin ; mais
une cahnnité publique, causée [tar des ora-
ges, tourna de ce côté l'attention de la cour.
D'ailleurs la prédiction que je lis d'une
éclipse, le porta à me traiter plus favorable-
ment. L'année royale, qui revie.it de douze
en douze ans, suivit bientôt après. Comme
on doinie au peuple durant cette année une
grande liberté , les clirétiens en jouirent
comme les autres, de sorte que nous faisions
les exercices de la religion aussi publique-
ment qu'avant la persécution. Au commen-
cement de cette année 1700, quelques en-
nemis des chrétiens abattirent et mirent en
pièces les idoles de la campagne : le roi ne
doutant pas que nous n'en fussions les
auteurs , donna ordre qu'à notre première
assemblée on lit main basse sur tous les
chrétiens ; j'en fus averti, et je les empêchai
de se réunir. Nous étions alors 5 mission-
naires d'Europe. Le 12 mars, on vint à main
armée dans nos églises, on arrêta nos do-
mestiques, on pilla nos maisons, et l'on mit
en arrestation chaque missionnaire dans son
église, et trois jours après ils furent menés
dans les prisons publiques ; on leur mit la
cangue. Quant à moi, on m'arrêta, mais, dès le
lendemain, on me rendit ma liberté à cause
de ma qualité de mathématicien. Le 17, on
publia un édit du roi, qui ordonnait qu'on
abattit dans tout le royaume les églises des
chrétiens, qu'on brûlât les livres de leur re-
ligion, qu'on arrêtât tous les missionnaires;
que tous ceux qui avaient embrassé le chris-
tianisme reprissent la religion du pays et
que, pour marque d'obéissance , hommes,
femmes, enfants ou vieillards, vinssent fouler
aux pieds l'image du Sauveur, qui est tou-
jours la principale que nous exposons sur
l'autel. Cet ordre s'exécuta d'abord dans le
palais, dans les maisons des mandarins ,
dans les rues et dans les places publiques de
cette ville. Plusieurs chrétiens obéirent,
d'autres se cachèrent ; il y en eut qui eurent
assez de courage pour mériter la palme du
martyre. Le môme jour, on brûla presque
tous les livres saints ; on me rendit ceux
qui étaient à mon usage, sous prétexte que
ces livres pouvaient servir aux mathémati-
ques. On saisit un missionnaire qui s'était
sauvé à la campagne, on lui pressa forte-
ment les doigts pour l'obhger à dire les
noms des mandarins chrétiens; il soufifrit
courageusement ce supplice, ce qui le fit
estimer des païens mêmes. Un vieillard fut
assommé pour n'avoir pas voulu donner les
livres ni fouler la sainte image. Le roi avait
ordonné de laisser piller aux soldats tout ce
qui appartenait aux chrétiens, à la réserve
des choses que nous regardons comme sa-
crées, qu'il voulait qu'on lui apportât. On
lui montra entre autres choses plusieurs
reliques , dont quelques-unes étaient des
os entiers ; les ayant prises et les faisant
695
coc
coc
606
voir aux gens do sa cour : « Voici, dit-il,
jusqu'où les chrétioiis portent riinpiutô : ils
tirent des tombeaux des ossements, ce qui
doit nous faire horreur; ils l'ont plus, ajouta-
t-il, ils en réduisent plusieurs en poudre,
et la mêlant dans des breuvages, ils ensor-
cellent par là si fort le peuple, (^ue tous em-
brassent aveuglément leur doctiine.» Le roi,
voyant que ce discours animait toute sa cour
contre nous , ordonna qu'on exposât ces
ossements dans la place publique et qu'on
fît entendre au peuple l'usage que nous en
faisions.
« Cependant on tourmentait furieusement
les chrétiens; un mandarin considérable,
vers le pays du nord, refusa courageuse-
ment de fouler aux pieds h; crucifix ; on le
conduisit à la cour. Présenté au roi : « 11
faut tout à l'heure, lui dit ce prince, fouler
aux pieds cette image ou perdre la vie. »
« Perdre la vie mille fois, répondit-il ; prêt à
obéir dans tout le reste, je ne puis le faire
en ce qui regarde ma religion. » Les manda-
rins qui étaient présents, indignés do cette
réponse, prièrent le roi de leur permettre de
le mettre en pièces. Le prince, plus modéré,
ordonna qu'il fût envoyé dans son pays pour
être décapité. A son arrivée, plusieurs de
ses parents vinrent se jeter à ses pieds, le
conjurant d'obéir au roi, ou du moins d'en
faire semblant, en approchant tant soit peu
le pied de la sainte image, ce qui suffirait
au général des trounes qui voulait le sauver.
Ils lui mirent sous les yeux les malheurs où
son obstination entraînait sa famille ; ils le
conjurèrent d'être sensible à leurs pleurs, à
leurs gémissements, puisqu'ils allaient tous
être enveloppés dans sa ruine. Chose étrange î
Celui qui avait montré tant de courage de-
vant le roi n'eut pas la force de résister aux
larmes et aux prières de ses parents; il
feignit de fouler l'image, en protestant ce-
pendant que c'était pour céder à leurs im-
porlunités et non pour renoncer à la religion
chrétienne. Le général écrivit au roi, qu'en-
fin le mandarin avait exécuté ses ordres; le
roi, irrité de ce qu'un autre avait su se faire
mieux obéir rpie lui, commanda ((u'on ne
laissât pas de lui trancher la tête, ce qui fut
exécuté. Il mourut avec le re[)entir de sa
laibiesse. Le i'i avril, on présenta au roi les
<iuatre missioiinair(;s ; il ordonna qu'on les
menât dans une prison [)lus rude, où il j)a-
raît vouloir les laissei-inourirde misèi-(i. Trois
dames furent conduites en même temps en
la présence du roi, qui les condamna à la
bastonnade, h être rasées, et à avoir les
bouts des or(.'illes et d(;s doigts coupés. Pour
les hommes, ceux qui ne voulurent ])as obéir
lurent condamnés h mort. Je ne |)Ourrais
nombrer toutes les personnes (pii soulfri-
rent et jiérirent pour la cause (h; la religion;
il y eut des martyrs d<; tout agi;, de tout
.sexe, de tout état, lin des missionnaircss est
mort d(! misère dans la prison, les antres
y Iraîiicnt encopi! une vi(! languissante,
l'our moi , yt loge dans un petit jardin
(ju'on m'a doinié près du palais ; le. lilre
ûo matlnMualicicti me p(.'ini<'l (J'allfr librc;-
ment partout, de visiter mes pauvres pri-
sonniers et de les consoler. » {Lett. édif.,
vol. II, p. 7-2.)
A l'époque où le P. Arnedo termine son
récit, il n'y avait, comme on vient de le voir,
qu'un seul missionnaire moit en prison. Il
en mourut bientôt trois autres. Ces qua-
tre martyrs ee nommaient Candone, Bel-
monte, Langlois et Feret, tous quatre jé-
suites. Les autres prisonniers furent rendus
à la liberté en l'O'i-. La paix dura jus-
qu'en 1750. A cette époque un édit pro-
scrivit la religion chrétienne et frappa
d'exil tous ses ministres. Vingt-neuf fu-
rent bannis. L'évêque de Néoléna, M. Le-
febvre, M. Bemutat, son coadjuteur, évêque
d'Eucarpie , tous deux du séminaire des
Missions Etrangères; sept autres mission-
naires de la même maison ; deux de la sacrée
congrégation de la propagation de la foi;
neuf d'entre les Frères Mineurs, et neuf jé-
suites. Voici comment on arrêtait les mis-
sionnaires. Un soldat les saisissait par les
cheveux noués sur le sommet de la tête, les
terrassait et les traînait par torre; on leur
liait les bras en croix devant la poitrine ou
derrière; on leur garrottait les jambes, puis
on leur passait le cou dans la cangue qui
leur était destinée. On démolit les églises.
A la cour, le frère du roi fit épargner l'église
de l'évêque de Neoléna. Les deux jésuites,
Monlezzo etKofler, firent aussi épargner les
leurs. Beaucoup de chrétiens venus des pro-
vinces dans la capitale, tentèrent inutile-
ment, à prix d'argent, de faire cesser la per-
sécution. On obligeait les chrétiens prison-
niers h payer le loyer de leurs prisons. Frère
Michel de Salamanque, franciscain, natif
d'Espagne, mourut en prison des misères
qu'il y endurait. En 176i, la persécution s'a-
doucit un peu; et bientôt le jeune prince, qui
cette année-là monta sur le trône, donna
l'ordre de mettre en liberté tous les prison-
niers.
On sait les événements politiques qui s'ac-
complirent dans le ïonquin et dans la Co-
chinchine en 1788. A cette époque ce der-
nier royaume conquit le Tonquin avec le-
quel il avait été si longtemps en lutte achar-
née, et dei)uis lors ces deux puissantes con-
trées ne forment i)lus qu'un seul empire.
Malgré ces agitations politiques, les mission-
naires et les chrétiens jouirent d'une assez
piofond(i |)aix juscju'cn 1795. Une persécu-
tion |)ariielle, (jui s'alluma dans le Tonquin,
gagna la haute Cochincliine. Elle fut assez
pi'omplement apaisée; mais, en 175)8, elle
s(.' i)i'opagea avec une intensité nouvelle.
Emmanuel Triêu, prêtre cochinchinois, fut
décapité à Huê.
« (irand nombre do fidèles, dit un témoin
oculain; {Lctt. cdif., vol. III, ]>. 'M2), ont
soullerl (\i'.s questions horribles, pane ipron
voidait les fonder à aposlasitîr et à dé-
iion( rr les inêlros et h s objets df religion.
A (pichpies-utis on cnfonçail des stylets do
1er .sous les ongles jus(iu'au second ailicle
(lu doigl, <|u'on retirai! el (pi'on enl'oneait.
dt' nouveau. On (.■|(;nail à des planches les
697 COI
mains do quelques autres ; on enveloppait h
d'autres les mains avec des nion-eauv de
linge (|u'oii trempait dans l'huile et aux-
quels on nu>(lait ensuite leieu, etc;. Les prê-
tres, pour (éviter d'cMrc pris, ont été obligés
de se tenir cachés dans les antres, dans les
foi'ùts <'l dans les l'oclu'is. 11 n'y avait pros-
(pie plus aucune maison de sûre, tant les re-
cherches étaient rigoureuses nuit et jour,
tant on (Hait exposé aux dénonciations. »
Jean Dat, prètr-e lon(|uinois, l'ut martyrisé
le 28 octobre ; l'évèquc de (lortyne fut mis
en [)rison ; mais ce n'étaient là (pie tics i)er-
sécutions isolées. Le souverain régnant, in-
time ami do Tévèque d'Adran, était bien
disposé pour le christianisme. Sa njort de-
vint un malhevu" ellVoyable pour toute celte
elu-éticiUé. Au lieu de laisser son trcuie à Ung-
lioa, lils du |)rinceCauh, il y appela par son
testament Minlnnaug, son lils naturel. Il lit
venir tous les nnssionnaii'es à la cour,
sous prét(!xte de les consulter sur des cartes
géographiques. 11 avait eu soin de se faire
présenter par ()lusieurs mandarins une re-
quête conti'e la religion chrétienne, alin
d'avoir un motif plausilde aux mesures vio-
lentes qu'il était dans l'intention de prendre.
En 1832, le roi condanma M. Jaccard à ser-
vir, comme simple soldat, dans les armées;
puis, le 6 janvier 1833, il rendit un éditqui
commandait à tous les chrétiens d'aposta-
sier en mai'chantsurla croix, et qui ordonnait
la destruction des églises et des maisons re-
ligieuses. Il portait en outre qu'on devait
faire recherche des prêtres et des catéchistes.
Furent successivement martyrisés : Pierre
ïuy, prêtre, du Tonquin, le 11 octobre; Ga-
gelin, le 17 octobre; Paul Doi Buong, capi-
taine des gardes, le 23 du môme mois. Jac-
card et Odérico furent condamnés à être dé-
tenus dans le Laos. Le 13 janvier 1834, parut
un nouvel édit plus violent que les pre-
miers. Le 30 novembre 1835, M. Marcliand
souffre un martyre des plus glorieux en même
temps que des plus cruels. Le 20 septembre
1837 voit celuideM.Cornay. Le30novembre
même année, François Xavier Cân est étran-
glé. Ignace Delyado meurt dans les prisons
du ïonquin, le 12 juin 1838. Dominique
Henarez est décapité le 25. Pierre Dumou-
lin Borie est mis en pièces le 2i novembre.
Le 5 décembre 1838, le 18 janvier, le 3 oc-
tobre 1839, des édits terribles sont publiés.
Il est ordonné à tous les habitants de con-
tribuer à l'érection de temples en l'honneur
des ancêtres. Il faut donc que les chrétiens
secrets se dévoilent. M. Delamotte, prêtre
français, meurt à la suite d'affreuses tortu-
res, le 3 octobre 1840.
Ici se bornent les documents qu'il nous a
été donné de recueillir sur les persécutions
dans ces contrées.
CODRAT (saint), fut martyrisé à Corinthe
durant la persécution de Dèce, sous le prési-
dent Jason, avec les saints Denys, Cyprien,
Anect, Paul et Crescent. L'Eglise fait leur
fête le 10 mars.
COINTE (sainte), fut martyrisée à Alexan-
drie, sous l'empereur Dèce. Les païens,
COM 098
l'ayant arrêtée, la menèrent devant les ido-
les pour la contraindnï de les adorer; mais
cette généreuso iènuiie refusant de le faire,
en les détestant, ils lui lièrent les pieds, la
traînèrent par les rues de la ville, et la mi-
rent en |)ièces par C(!l horrible supplice. L'E-
glis(ï vénère sa mémoire le 8 février.
COLIOUUK, ville de Catalogne, où fut
martyrisé un saint Vincent.
COLLUTUS, l'un des trente-sept martyrs
égyptiens, t|ui donnèrent leur sang pour la
foi en Egypte, et desquels Uuinart a laissé
les actes authentiques. Voy. Martyrs (les
trente-sept ) égyptiens.
COLOGNE, ville des Etats prussiens, est
célèbre par le martyre de sainte Cordule.
COLOMBE (sainte), vierge et martyre,
souffrit pour la foi à Cordoue en Espagne.
On ignore la date et les circonstances de ses
courageux combats. L'Eglise fait sa mémoire
le 17 septembre.
COLOMBE ( sainte ), vierge et martyre,
souffrit en 258 ou en 273: si on admet la pre-
mière de ces deux dates, il faut la mettre
sous Valérien ; si on admet la seconde, il
faut au contraire aller jusqu'au second
voyage qu'Aurélien fit clans les Gaules,
quand il remporta à Châlons une célèbre
victoire. Elle donna sa vie à Sens pour
la religion chrétienne . Son cultt y est
en grande vénération. Anciennement il y
avait dans cette ville une chapelle qui lui
était dédiée. On y gardait ses reliques
chez les bénédictins. Les huguenots les dis-
persèrent avec celles de plusieurs saints, qui
y étaient renfermées. L'Eglise honore sa
mémoire le 31 décembre.
COLOSSES, Colossœ, ville de Phrygie,
l'une des premières converties à l'Evangile.
Saint Paul a écrit une Epitre aux Colossiens.
Cette ville fut fortement éprouvée durant la
persécution de Néron. Saint Epaphras, dis-
ciple de saint Paul, y fut d'abord martyrisé,
et quelques mois après, saint Philémon et
sainte Âppia, aussi disciples de saint Paul.
COMANE, ville du Pont, fut témoin du
martyre de saint Hermias, soldat, sous le
règne de l'empereur Marc-Aurèle. Ce fut un
juge nommé Sébastien, cjui condamna le
saint à la mort. Sous Sévère (Septime), elle
vit le martyre de saint Zotique, évêqne.
Nous manquons de documents sur ce der-
nier saint, seulement indiqué dans le Mar-
tyrologe romain à la date du 21 juillet. Sous
le règne de Dioclétien et de Maximien, saint
Basilisque, honoré par l'Eglise le 22 mai,
souffrit dans cette ville un cruel martyre.
Le président Agrippa lui fit mettre des
chaussures garnies de pointes embrasées ;
puis enfin, l'ayant fait décapiter, il ordonna
qu'on jetât ses restes à la rivière.
COME, ville du royaume Lombard-Véni-
tien, à 40 kil. N.-O, de Milan, a été témoin
du martyre des saints Carpophore, Exanthe,
Cassius, Séverin, Second et Licinius, qui fu-
rent décapités pour avoir confessé Jésus-
Christ.
COMMINE (saint), l'un des quarante-huit
martyrs de Lyon, sous le règne de l'empe-
699
COM
COÎ^
700
reur Marc-Aurèle, en l'an 177, dut à sa
qualité de citojen romain (TcMpo décapité
plutôt que d'être exposé aux bétes, comme
le furent |ilusieurs de ses compagnons. L'E-
glise célèbre sa fête avec celle de tous ces
saints martyrs le 2 jiiin.
COMMODE [Lucius Commoâus Mlîus Au-
relius Antoninus), fds de Maic-Aurèle, suc-
céda à son père en 180. Loin d'imiter les
rertus paternelles, il fut sur le trône un des
plus exécrables princes qu'aient eus les
Romains. Il fut cruel, avare, lâche Xït igno-
ble dans ses goûts. Il s'abandonna aux con-
seils des eunuques et des valets. Il décima
le sénat, fil mourir Lucille, sa sœur, el Cris-
pine, sa femme. Il eut comme Néron l'a-
mour des jeux du cirque. Doué d'une force
herculéenne, il descendit, disent les auteurs
du temps, plus de sent cenis fois au rôle
déshonorant de gladiateur. Il fui soupçonné
d'avoir empoisonné son père, pour arriver
plus tôt au t'-ône. Marcia, sa mr.itresse, sa-
chant qu'il avait mis son nom sur une liste
de proscription, le fit mourir en 192, en lui
administrant du poison. Quoi(jue cruel et
sanguinaire, ce prince ne persécuta pas les
chrétiens, et défendit môme qu'on les pour-
suivît dans l'empire. Ils furent redevables
de celte paix, qui dura douze années, à la fa-
veur toute particulière, avec laquelle Marcia,
maîtresse du prince, les traitait. Pendant tout
ce laps de temps, elle ne cessa de prendre
leurs intérêts.
Sous l'empereur Commode, nos affaires, dit
Eusèbe, demeurèrent dans un état assez tran-
quille,et, par la miséricorde de Dieu, l'Eglise
jouit d'une profonde paix par toute la terre.
Après sa mort, Pertinax qui lui succéda, ayant
aussi été tué, Didius Julianus fut élevé par
des soldats à l'empire. Mais comme il se
trouva alors partagé entre trois concurrents,
Sévère qui s'empara de la Pannonie, Niger
qui se rendit maître de l'Orient, et Albin
qui se saisit des Gaules, pendant que tout
était en confusion dans l'Etat, et que trois
grandes armées portaient la guerre et le
trouble dans toutes les i)arties du monde, le
calme et la paix régnaient dans l'Eglise.
Cette paix ne fut interrompue que vers la
dixième année de Sévère et la deux cent
deuxième de Jésus-Christ, quoique durant
ce temps elle fût un peu altérée par le mar-
tyre de quehjues chrétiens. Car l'on ne peut
diilérer plus tard rpie jusqu'en 200 la mort
des martyrs Scillitains (pii soulfrirent en
Afrique sous le proconsul Saturnin. Le con-
sulat de Claudius, marqué dans leurs Actes,
en est une preuve convaincanle.
COMMODE (saint), l'un des gardes de la
prison de saint (^eiisorin ou Ccmsorinus,
sousClaudf! II le Cothiciue, fut converti à la
foi chrétienne, par le prêtre saint Maxime,
avec les autres gardes de la prison, lesipiels
étai(;nl Félix, Maxime, Eaustin, Hercnlan,
Numère, Sloiaciruis, Mènes, Nerne, M.nn-,
Eusèbr;, J{ijsti(pj(!, Aniaîidinns, JNIonacre,
Olympe, (^yprien, 'J'héodote. (Pourvoir Iciu-
hi.slone, recourez U l'arliclo M4iaïus u'Os-
TiE.) Ces saints ne sont pas nommés au Mar-
tyrologe romain.
COMPLETE, Complutum, ville d'Espagne,
aujourd'hui nommée Alcala de Hénarès ,
s'enorgu(îi]lit d'avoir donné le jour à Cer-
vantes, h Solis. Au cardinal Ximénès elle
doit sa célèbre université, la première d'Es-
pagne, après celle d(> Salam.mque. Mais à
côlé de ces célébrités mondaines elle a des
fastes religieux, que le chrétien met bien au-
trement au-dessus. Elle a vu naître dans ses
murs les deux jeunes frères, saint Just et
saint Pasteur, tous deux martyrs glorieux
de la religion évangélique. Ils élaient en-
fants encore quand le glaive de la ])ersécu-
tion de D-oclétien vint les frapper. Ils mou-
rurent avec un courage que les tourments
ne purent ébranler, et qu'on ne s'attendait
pas à trouver dans des enfants si jeunes et
si faibles. Mais le Dieu qui appelle à lui Ips
petits enf ints, était en eux et leur avait
donné sa force et sa grAce. Le féroce Dacien
fut vaincu par eux et les fit décapiter. La
ville d'Alcala possède la plus grande partie
de leurs reliques dans l'église qui est sous
leur invocation. Qnund Ducien les mit à
mort dans cette ville, il y avait déjà exercé
de grandes cruautés. Après avoir publié les
édits sanglants lancés contre les chrétiens,
il avait fait mourir tous ceux qu'on lui avait
dénoncés. Saint Just et saint Pasteur sont
les seuls dont l'histoire ait gardé les noms,
parmi ceux des saints martyrs qui cueillirent
à Complute la couronne éternelle à cette
sanglante époque.
CONCESSE (saint), martyr, souffrit pour
la foi de Jésus-Christ à Rome, avec les saints
Démètre, Hilaire et leurs compagnons, dont
le Martyrologe romain ne nous a point trans-
mis les noms. L'Eglise fait leur mémoire le
9 avril.
CONCESSE (sainte), fut martyrisée à Car-
thage. On ignore à quelle époque et dans
quelles circonstances. L'Eglise honore sa
mémoire le 8 avril.
CONCORDE (saint), sous-diacre et martyr.
Ce saint fut arrêté dans un désert, sous le
règne de Marc-Antonin, et conduit, vers l'an
178, devant Torquatus, gouverneur d'Om-
brie, qui faisait alors sa résidence à Spo-
lette. Les prumesses et les menaces ayant
été inidiles, on le battit à cou|)s de bâton
dans l(! premier interrogatoire et on reten-
dit sur le chevalet dans le second. Il souf-
frait avec une patience héi'oïque, et disait
avec joie, dans le fort de ses tourments :
Soyez glorifié, Seigneur Jésus. Trois jours
a()rès, Tor([ualus envoya deux soldats [)Our
1(! décapiter en prison, s'il refusait de sacii-
lier à une idole (pie portait un i)rètre qui les
accompagnait. Concorde, ayant craché sur
l'idole, pour marquer l'hori-eur (juil avait
d'un [x'.\ sacrifice, un des soldats lin trancha
aussitôt la lêtii. Son nom se trouve au 1"
janvier dans le Mai-lyrolog(! romain ; nmis
dans (piel(|ues autres il est au 2 du mémo
mois, ((iodescart, t. I"% p. 5V.)
CONt^OUDE ( saint) , avait pour pèro un
nommé Gordicu , ou Concordien, prêtre dd
701
CON
CON
m
l'église du Pasteur à Rome. Le père et le fils,
qui était sous-tliaore, no cessaient clo prier
Dieu, pour (|ue la persécution les trouvAt
fidèles et valeureux, si elle venait à s'e\ercer
contre eux. C'était sous le règne de l'empe-
reur Marc-Auréle, et la |)ersé(;ution était vio-
leiile contre les chrétiens. Concorde [tria
son |)ère do lui i)eruiettre d'aller [lasser
quelque temps chez un ami nonnné Eiily-
chiiis, ({u'il avait il la campagne auprès de
Tribale. Gordien engagea son (ils h rester
à Home, lui disant (ju'il fallait qu'ils restas-
sent enseuible pour recevoir ensemble la
couronne du martyre, si l'occasion s'en pré-
sentait. Concorde lui dit ({uo si Dieu avait
l'intention de lui accorder celtes faveur, il
saurait aussi bien le trouver ailleurs qu'à
Rome. Gordien se rendit au désir de son
fils, lequel s'(ni alla trouver Eutycliius (|ui
le reçut avec beaucoup do joie. Tous deux
s'exercèrent continuellement aux jednes et
à la [)rière, guéi'issant beaucoup de malades
qui venaient im|)lorer leur assistance.
Torijuatus , gouverneur de Ja province,
actuellement à Spolètc, en ayant entendu
parler, envoya quérir Concorde et lui de-
manda comment il se nommait , ce qui était
d'usage au commencement de tous les inter-
rogatoires. Celui-ci ne lui répondit pas autre
chose que ces mots : « Je suis chrétien. »
Le juge n'en ayant pas pu tirer autre chose,
le fit hattre h coups de bâton , et ensuite
mettre en piison. La nuit suivante, Euti-
chius le vint trouver avec l'éveque Anthime,
qui gouvernait alors l'église de Spolète.
Comme cet évoque était ami de Torquatus,
il obtint d'avoir chez lui Concorde pendant
quelques jours. Durant ce temps, il l'ordonna
prêtre. Après qu'ils eurent passé assez long-
temps ensemble , Torquatus envoya cher-
chei' Concorde; il tenta de nouveau sa fer-
meté , et lui demanda s'il avait songé, aux
moyens de sauver sa vie. Le saint, lui ayant
répondu qu il n'avait trouvé de salut qu'en
Jésus-Christ, à qui il otîrait tous les jours
un sacrifice de louanges et d'actions de grâ-
ces, Torquatus le fit étendre sur le chevalet,
et ensuite le fit mettre en prison, le cou et
les mains chargés de chaînes de fer, voulant
le laisser mourir de faim dans cet état. Mais
il ne put empêcher qu'un ange (disent les
Actes) n'y entrât durant la nuit pour encou-
rager le' saint martyr. Deux soldats, trois
jours après, vinrent par son ordre lui tran-
cher la tète. Avant de mourir, le saint cra-
cha sur une statue de Jupiter, cju'on lui
présentait pour qu'il l'adoiât. Deux clercs
vinrent enlever son corps pour l'ensevelir.
Le monastère de Sainl-Pierie au diocèse de
, Girone en Catalogne prétend avoir son corps.
Oïl prétend que saint Concorde eut pour
compagnon de captivité à Spolète, saint Pon-
tien, martyr. L'Eglise fait la fête de saint
Concorde le 1" janvier.
CONCORDE ( saint ) , souffrit le martyre à
Nicomédie, avec les saints Zenon, Théodore
et ses enfants. On n'a aucun détail authen-
tique. L'Eglise célèbre leur sainte mémoire
le 2 septembre.
CONCORDE (saint) , martyr, était fils de
saint Valentin, maître de la milice h Ravenne,
(\u temps de l'empereur Maximien. Son pèro
ayant été arrêté poui- la fui chrétienne, Cou-
c()C(lc eut le même sort et [)arlagea le triom-
phe de son père. Us curent pour compa.^nons
de leur martyre les saints Navale et Agricole,
(l()!it l'Eglise fait la fête avec la leur lo"
IG déeeujbre.
CONCORDE (sainte), martyre, nourrice de
saint llippolytc , ]>rêlre do Rome, qui fut
martyrisé soiis Gallus, fut iinse à mort le
nuMue joTu'que lui. Elle fut déchirée avec des
foutits garnis de ploiidj, jusqu'à ce (pi'elle
rendît l'esprit. Elle était trè.s-àgée, puisque
saint Hippolyte est nommé vieillard dans ses
Actes. Dix-neuf personnes de la maison du
saiîit furent décapitées ce jour-là hors de la
])Orte Til)urtine, et enterrées avec lui au
champ Vérun. L'Eglise fait la fôle de sainte
Concorde le 13 août, avec celle de saint Hip-
polyte et de ses dix-neuf comi)agnons.
CONCORDIA , bourg du royaume Lom-
bard-Vénitien, célèbre dans les annales du
Martyrologe romain, par le martyre des
saints Douât, Secondien, Romule et quaire-
vingt-six autres, dont les noms ne nous
sont point parvenus.
CONDORCET (Marie-Jean-Antoine-Nico-
LAs, marquis de), naquit en Picardie, près de
Saint-Quentin. Son oncle Condorcet, évêque
de Lisieux, lui fit faire ses études au collège
de Navarre. Il devint extrêmement fort en
mathématiques , et les cultiva avec grand
succès à Paris, oii il se fixa. Il publia diffé-
rents ouvrages sur cette partie importante
des connaissances humaines. L'académie
des sciences l'admit parmi ses membres, et
bientôt le nomma son secrétaire perpétuel.
Il travailla activement à V Encyclopédie, à la-
quelle il fournit de nombreux articles. Son
admiration pour Voltaire était grande, et les
idées, les tendances de ce philosophe trou-
vèrent en lui un disciple fervent, un imita-
teur persévérant. Condorcet avait l'air fort
doux, presquebénin; ce qui, dans ses écrits, ne
l'empêchait pas de se montrer excessivement
fougueux, ennemi acharné du christianisme,
qu'il attaquait avec encore plus de fureur
que ne l'avait fait Voltaire. Grimm nommait
Condorcet un mouton enragé. Il accueillit la
révolution française avec enthousiasme, et
collabora activement aux travaux de l'Assem-
blée législative et de la Convention. Condor-
cet ne vota pas la mort de Louis XVI; mais
il avait voté sa déchéance, l'avait déclaré
coupable, et avait rejeté l'appel au peuple
et demandé qu'on lui appliquât la peine
la plus grave qui no fût |)as la peine de
mort. En 1793, Condorcet fut proscrit avec
les fédéralistes, se cacha quelque temps dans
Paris, puis s'étant déguisé, sortit de la ville.
A Bourg-la-Reine , il fut arrêté et mis en
prison. Perdant alors tout courage, il s'em-
poisonna et mourut le 28 mars 1794. Dans
sa retraite qui dura huit mois , Condorcet fit
un travail intitulé : Esquisse d'un tableau
liistorique des progrès de V esprit humain.
Dans ce livre il montre que le malheur no
703 CON
l'avait pas corrigé de son impiété. Il y pro-
clame que c'est un j^Tand bonheur pour
riiomme de n'avoir ni rois, ni prêtres, ni
religion. Il y a quelque chose de vraiment
révoltant dans ces maximes etl'rontées , que
ces philosophes émettaient ainsi pour la per-
dition de cette humanité (ju'ils prétendaient
régénérer. Quel exemple! Condorcet proscrit,
placé entre l'échafaud et le poison, profite
du peu de temps qu'il peut dérober au trépas
qui le menace, pour outrager celui qui l'at-
tend avec sa justice dans cette éternité dont
il va franchir le seuil I
CONGO, région de l'Afrique occidentale,
est formé par l'assemblage d'une multitude
de petits Etats indépendants, dont les prin-
cipaux sont : celui de Congo proprement dit,
ceux de Bamba, Sandi, Pango, Batta, Pemba,
Sogno, Giagas (ce dernier nom appartient
plutôt aux habitants qu'au pays). Ce pays
fut visité plusieurs fois par lès navigateurs
avant qu'on y fondât des établissements.
Les premiers' furent ceux des compagnies
de commerce françaises, en 1626. Cinq ans
plus tard, le capitaine Emmery de Caen y
emmena les premiers missionnaires; c'é-
taient les Pères capucins Alexis de Saint-Lô
et Bernardin Renouard. Plus tard, en 16i8, des
capucins italiens partirent pour aller évan-
géliser le royaume de Bénin et celui d'Overry.
Le chef ou roi de ce pays chassa do son pa-
lais toutes les femmes qu'il y entretenait, et
épousa chrétiennement une femme de l'ile
Saint-Thomas, qui avait été élevée à sa cour.
En 1666, M. Du Case se fit accompagner dans
le pays par deux capucins, qui disposèrent
le roï à être baptisé. Evidemment, la plus
grande partie des sujets de ce monarque
eussent suivi son exemple. Les protestants,
qui depuis peu s'étaient établis sur les côtes,
craignirent que leurcommerce n'eût à souffrir
de ce changement, et firent tant par leurs ca-
bales, par leurs intrigues, par l'argent qu'ils
ré[)andirent, qu'ils indisposèrent violemment
les prêtres des nègres contre les deux mis-
sionnaires. La veille du jour où le roi devait
recevoir le baptême éclata une sédition. La
chaf)elle catholique fut brôlée. Le palais fut
investi, et il fallut toute l'autorité du prince
pour mettre en sûreté les deux missionnai-
res. Voyant cette disjjosition de ses sujets,
le roi promit qu'il n'embrasserait pas le clu-is-
tianisuK;. L'un des deux capucins fut empoi-
sonné, l'autre fut forcé de s'embartiuei-.
En 1670, d(njx dominicains, partis de
France pour reprendre; cette œuvre; aposto-
lique, n(! [)urent réussir l\ ricui , par la mau-
vaise volonté des mêmes pr'otestanis, et mou-
rurent tous deux peu de teiufts après Ictu'
arrivée, empoisonnés, connue l'avait été le
capucin.
En M'tll, la princesse Zinglia, serMU' du roi
de Matamb'i, étant venue (lans les posses-
sions portugais(;s d'Angola, cornuK; ambas-
sadrice, fui convertie à la foi chréliennf! et
b.iplisée, dans la calliédiale de Saint-Paul de
Loaiid.i; mais, en l(i27, elle s'eiiipaia d»; la
conr'oruie, abjura le chiistianisnie (.4 le p(!r-
bécuta violemment. Elle se convertit de nou-
CON
704
veau, en 16^8, et écrivit au pape des lettres
qui lui lurent ai)portées par le P. Antoine-
Marie de Monte Piadone. A sa demande le
pape envoya une mission de douze prêtres
pour le Congo, i)Our le royaume d'Angola et
de Matamba. Après sa mort, qui eut lieu en
1663, sa soMir Barbara renonça au christia-
nisme et, durant trois ans de règne, persé-
cuta ouvertement les chrétiens. Elle fit in-
cendier l'église de Sainte-Marie de Matamba.
Le Congo vit quelque temps après les tra-
vaux et le maityre de Jean-Antoine Cavazzi,
celui du P. Phili|tpe de Calefia, les souffrances
du P. Thomas de Sistola et de ses compa-
gnons.
CONON (saint), martyr, était originaire de
Nazareth en Galilée; mais il habitait la Pain-
phylie. Il demeurait près de la ville de Ma-
gyde, y cultivant un jardin et y vivant de
son produit dans une grande pauvreté, ce qui
ne rempèchait pas d'exercer la charité autant
qu'il le pouvait. DurantlapersécutiondeTem-
pereur Dèce, Pollion, gouverneur qui demeu-
rait à Perge ou à Magyde, l'envoya prendre,
et après l'avoir vainement sommé de renier
sa foi, il lui fit enfoncer des clous dans les
pieds. Cet homme féroce obligea le saint de
courir, en cet état, devant son char, jusqu'à
ce que la douleur le fit tomber d'épuisement
et mourir sur le chemin. L'Eglise fait la fête
de saint Conon le 6 mars.
CONON (saint), et son fils, martyrs, sont
honorés par l'Eglise le 29 mai. Saint Conon
demeurait à Icône; il avait épousé une fem-
me chrétienne comme lui, de laquelle il avait
eu un fils. Quand sa femme fut morte, saint
Conon se retira avec son fils , pour vivre
dans les exercices de la piété. On rapporte
que la foi le rendit maître d'opérer des pro-
diges dans le cours des choses naturelles.
Ainsi on affirme qu'une rivière qui passait
près de chez lui, ayant débordé, et arrêtant
beaucoup de personnes qui avaient à passer,
saint Conon, sur leurs prières, se rendit au
bord et ordonna aux eaux de s'arrêter et
d'ouvrir un passage aux personnes qui se
trouvaient \h. Les eaux obéirent et après
reprirent leur cours. Elles inondèrent même
j)lusieurs villages; mais le saint leur ayant
commandé de rentrer dans leur lit, elles le
firent à sa voix , comme la premièie fois
elles avaient suspemlu leur cours. L'espace
nous fait défaut |>our discuter ce fait. Bor-
nons-nous h (lire (pie Bollaiulus l'abandonne,
ne le trouvant \)\s suliisamment appuyé (29
mai, [). 7 c), et (jue Tillemont (vol. IV,
p. 68'i-) regarde les Actes entiers du saint
comme faits après coup, j)aitie sur pièces
oiiginales, partie sur traditions, où le faux,
dit-il, a bien pu se mêler-.
S/iint Conon vécut ainsi, se livrant aux
]ii'ali(pios de la piété la plus grande, il nar-
vinl jusepi'à un <'^ge très-avanci', ne voulant
pas (Hi'c autre chosmjue lanpie. Son humilité
était si grande, (pi'il m) se (•^o^•ail pas digne
d'entrer- dans les oi'dres saci-eVs, Il se consi-
(It'rait comme un pécheur et ne voulait être
regardé (pie connue tel. Il ollVit son fils à
l'i'lglise dans laquelle il n'osait pas lui-niêina
70λ
cors
COiN
706
entrer. A l'Ago do douze ans, le (ils do saint
Conon fut élevé à la dignité do lecteur. Plus
tard il fui élevé au diaconat.
Les anciens monuments qui parlent de
saint Conon et do son iils ne nonnnent |»as
ce dernier; or nous no saurions prendre au
sérieux le nom do Conelle, cpie (lucl.pics
modernes lui ont donné. Ce noui est un di-
minutif qui équivaut à dire : petit Conon. 11
n'était pas dans le génie des langues ancien-
nos de créer ainsi des diniiiuitifs,conun(! fait
la langue italienne ([ui a de si charmants noms
pro[)res pour les enfants : Carolinetta, Caro-
lina. No dirait-on pas le bouton de rose et la
rose épanouie? Notre remarque a d'autant plus
de force qu'anciennement les Iils ne portaient
pas le nom de leurs pères. Les noms de fa-
mille, surtout on Orient, étaient excessive-
ment.rares. Encore ne les em[)loyait-on pas
comme chez nous. Le iils de IMiilijipe se
nommait Alexandre , le Iils de Miltiado se
nonnnait Cinion, etc.
Enlin le saint, qui n'avait pas voulu entrer
dans l'Eglise et prendre rang, se jugeant in-
digne, parmi les prêtres du Seigneur, fut ap-
pelé par lui à entrer dans ces saintes légions
te saints qui montent au ciel couronnés du
martyre et ])ortant à Dieu l'otîrande de leur
vie et do leur sang. Un officier d'Aurélien,
nommé Domitien , chargé do persécuter les
chrétiens, vint à Icone. On lui amena saint
Conon. 11 témoigna d'abord au saint vieil-
lard la compassion bien naturelle que lui
inspirait son grand âge. Il lui demanda entre
autres choses pourquoi il menait une vie
si dure et si triste, tandis que tout le
monde était en festins et en fêtes. Le saint
lui répondit : « Ceux qui vivent selon l'hom-
me sont ici dans la joie, dans les festins,
dans l'éclat et dans la pompe ; mais ceux
qui vivent selon Dieu no peuvent vivre de
la même sorte, parce qu'il laut qu'ils entrent
dans le royaume de Dieu par beaucoup de
tribulations; c'est pourquoi j'aime mieux
avoir part aux peines et à la croix de Jésus-
Christ que de jouir pour un peu de temps
des joies du péché : et la grâce que je vous
demande, c'est de ne pas m'ôter la vie par
un supplice de peu de durée, mais par divers
tourments qui se succèdent les uns aux au-
tres, afin que j'en sente le plaisir. » (lille-
mont, vol. IV, p. 356.)
Cette demande faite par saint Conon lui
était sans doute suggérée par l'esprit de
Dieu. Autrement nous aurions peine à l'ex-
pliquer, et l'excuserions difticilement. Les
chrétiens doivent attendre le martyre, mais
ils ne doivent pas, en général, le chercher,
coui'ir au-devant. Domitien , ayant fait au
saint ditTérentes questions sur son état, lui
demanda s'il avait des enfants. « Oui, dit le
saint, j'ai un fils, que je serais ravi de vous
présenter, pour qu il confesse avec moi le
nom de Jésus-Christ. » Domitien le lit aussi-
tôt amener. La compassion que Domitien
avait témoignée au saint vieillard était une
tentation ou une hypocrisie; car il lui fil en-
durer, ainsi qu'à son fils, les tourments les
plus etlroyables. Certes, si la compassion
d'il parlé h son cœur, il ortt pu faire mou-
rir- les deux saints d'une faeor» moins cruelle.
On les coucha sur 'le lit de foi- iMidjrasé , on
alluma des charl)ons arrosés d'huile, et on
les coucha d(!ssus swv le dos, ensuite sur le
ventre; enlin, on lesplon^jca dans nue cliau-
dièrti pleine d'huile bouillante. Durant ces
su|)plices horibles, saint Conon se mo(piait
de hîiu" insuffisance; il disait aux bourreaux
qiH' leurs feux n'avaient aucun(! force, (pi'ils
ne les avaient pas bien allumés, et (pi'ils
n'avaient qu'à chercher des su|)|)lices plus
cruels, pour faire éclater davantage la puis-
sance de Jésus-Christ. Enfin Domitien ayant
donné l'ordre qu'on les suspendit par les
pieds stw une fuméo i)i(iuante, et cai)able
de les élouifer, saint Conon lui dit qu'après
avoir triomphé de ses feux, il ne se mettait
guère en peine do sa fumée. Parvenu au
comble de la fureur, Domitien fit couper les
mains au saint vieillard et ;i son fils, avec
une scie do bois. Conon lui dit : «N'avez-vous
pas honte que des imposteurs mettent toute
votre i)uissance en déroute, et brisent tout
le faste de votre superbe grandeur? Les
souffrances, la perte de sang, avaient épuisé
les deux saints. Agenouillés et les yeux au
ciel, ils commencèrent une prière que leurs
âmes en s'envolant allèrent achever au sein
do Dieu. Une voix se fit entendre dans les
cieux à l'instant o\x les deux saints rendirent
leur âme. Domitien en fut tellement efîrayé,
qu'il se retira aussitôt. Los chrétiens (jui
étaient présents purent recueillir leurs res-
tes et les enterrer honorablement. Aujour-
d'hui leurs reliques sont vénérées dans la
ville d'Acerre, près de Naples. On les y ap-
porta dans le ix" siècle. L'Eglise honore la
mémoire de saint Conon et de son fils le
29 lïiai.
CONON (saint), fut martyrisé à Perge, en
Pamphilie, avec les saints Papias, Diodore,
Claudien. Us furent martyrisés avaut saint
Nestor. L'Eglise célèbre leur sainte mémoire
le 26 février.
CONRAD (saint) , de l'ordre des Frères
Mineurs, fut martyrisé pour la foi avec un
autre frère appelé Voisel , du même ordre.
Les mahométans les lièrent à des poteaux,
et leur dépouillèrent le crâne. Comme ils
continuaient malgré ce supplice à chanter à
pleine voix le Salve, Regina, les bourreaux
les noyèrent. ( Voy. Wadding , an. 1284 ,
n° 11.)
CONRAD (saint), Saxon, frère mineur, fut
tué avec Etienne, Hongrois, appartenant au
môme ordre, dans l'année 1287, près des por-
tes Caspiennes. Etant sortis comme d'habi-
tude pour se iivreraux ti^avaux de leur apos-
tolat, les schismatiques, qui voyaient avec
grand dépit leurs succès, les maltraitèrent
avec une cruauté inouïe. Les deux martyrs
succombèrent au milieu des souffrances, eu
prononçant le nom de Notre-Seigneur Jésus-
Christ. (Fo//. Chronique des Frères Mineurs,
t. il, p. 148 bis.)
CONSOLON (Thérèse), supérieure desUr-
sulines de Sisteron, i'iil guillotinée le 26juil-
let 1784, à Orange, avec les sœurs Claii e Du'
767 CON
bac, Anne Cartier, ursulinc au Pont-Saint-
Esjiril, Marguerite Bonnet , religieuse du
Siuul -Sacreuie'it , et Madeleine - Cathe-
rine de Justaniu'i , quatiièiue luarlyre du
uuôuie nom et de la nicMne famille.
« Qui es-tu, demanda le président du tribu-
Bal, à Thérèse Consohm?— Je suis, répon-
dit-elle, tille de lEglisc catholi(|ue. » Peu
d'instants après, les tètes de ces saintes vic-
times roulaient surféchafaud. (Tiré de 1 abbd
Carron, Confesseurs de la foi, t. 11.)
CONSTANCE (saintj, martyr, fut martj'iisé
sous Néion, avec saint Félix, dans la ville
de Nocéi-a. Le Martyrologe romain ne donne
point les circonstances ni la date précise de
leur martyre. L'Eglise bonore leur mémoire
le 19 septembre.
CONSTANCE (saint), évoque de Pérouse,
fut martyrisé pour la foi cbrétienne sous
l'empire "de Marc-Aurèle. L'Eglise Tbonoro
le 29 janvier, comme évoque et martyr. Bol-
laudus donne trois Vies de saint Constance.
Laquelle faudrait - il accepter comme la
bonne ? Nous sommes heureux de cette cir-
constance assez singulière, parce qu'elle i)eut
nous servir d'argument contre ceux qui pré-
tendent que nous devons accepter sans exa-
men comme vraies toutes les Vies de saints,
toutes les légendes que l'antiquité nous a
transmises. Aucune des trois Vies de saint
Constince ne peut être acceptée par un
homme sérieux.
CONSTANCE (saint), eut la gloire de rem-
porter la palme du martyre au pays des
Marses, avec son père saint Simplicc et son
frère saint Victorien, sous le règne de l'em-
pereur Marc-Aurèle. Tous trois eurent la tête
tranchée. L'Eglise célèbre leur fôtc le 2G
aoLit.
CONSTANCE (saint), martyr, souffrit pour
la foi a Trêves. (Pour plus de détails, voy.
CONSTANCE (saint), prôtre d'Antioche et
confesseur, est peu connu dansl'Eglise, quoi-
qu'il mérite beaucoup de l'être. On ne sait
rien de son père ; sa mère, femme pleine
d'honneur el de générosité, vivait en Wi.
Elle éleva notre .^aint avec tous les soins
d'une ujère chrétienne, et son éducation fut
très-s'oi;^née. Dès sa première jeunesse, il
fut employé au service de l'Eglise d'Antio-
che, pour écrire des lettres en qualité de no-
taire et de secrétaire. 11 fut fait ensuite lec-
teur et diacre, après avoir renoncé au ma-
riage. Ayant |)assé un certain lemp^ dans le
diaco lal, il fut promu au saccndoce. 11 vivait
dans la |)ratique des plus grandes austérités,
et s(! faisait chérir par sa douceur et son
aménité. Il ne se cont(;nta pas de travailhT
pour l'Eglise d'Anliochfï ; il donna encore
ses soins à celles de Phénicie, d'Aïahie et
d'autres provinces d'Ori(;nt. Il travailla, de
concert avfîc saint Chrysoslome, pour étouf-
fer l'idolAtrie, surtout en Phénicie, et nous
voyons (jue ce grand homme tenait noln;
s.'iînt en grande estime. Saint l-'lavicm, i''vè-
que dAnlioclie, étant niorl, on jeta les yeux
sur Constance pour le renij)lacer; ses talents
tl sa vertu l'en rendaient digne et capable :
COiN
708
Dieu ne le permit pas, et ce fut Porphyre
qui s'empara de ce siège par ses intrigues.
Depuis longtemps ce dernier exerça t à An-
tioche les fonctions de diacj'c et de prêtre.
Ennemi de la chasteté, [)rolecteur lies comé-
diens et des magiciens, il sut néanmoins
sur[)rendre la faveur des magisti'ats d'Antio-
che. Il persécuta notre saint et le força à
s'enfuir. Constance se retira à Cucuse, au-
près de saint Chrysostome. Le peuple, fu-
rieux de voir Por[)hyre élevé à ré[)iscopat
par ses intrigues ténébreuses, voulait le brû-
ler dans sa maison, le lentlemain de son or-
dination ; mais cet ambitieux, qui connais-
sait la haine du peuple contre lui, avait ob-
tenu du général une partie des troupes avec
lesquelles il résista aux chrétiens. Cet intrus
fit souifrir beaucoup ceux qui restèrent fi-
dèles à la communion de saint Chrysostome;
en un mot, il régna par la force. Saint Cons-
tance revint à Antioche, où on lui voulait
faire subir un procès pour son attachement
à Chrysostome. Loin de paraître timide de-
vant l'évoque persécuteur, il rendit à l'Kglise,
à ses frères et à la vérité, tous les services
qui furent en son pouvoir. Poiphyre le chassa
de la ville. De plus, il obtint un ordre de la
cour par le moyen des évoques qui y domi-
naient, pour le faire bannir en Libye, dans
les déserts de l'oasis, comme un perturbateur
du repos des peuples. Constance, en ayant
été averti, se sauva en Chypre par le secours
de ses amis. On présume que plus tard il
retourna auprès de saint Chrysostome, car
on lit à la tète des homélies de ce Père, sur
VEpître aux Hébreux, qu'elles ont été don-
nées au public, après sa mort, par Constance,
prêtre d'Antioche, qui les trouva écrites seu-
lement en notes. Notre saint vécut jusqu'à
la fin de l'an hOT.
CONSTANCE (sainte), fut martyrisée h No-
céra, avec saint Félix, sous l'empire et du-
rant la })erséc'ution de Néron. Sa fête tombe
le 19 septembre. On n'a, fiar rapport à cette
sainte, aucun document authentique.
CONSTANCE, lils de Constantin, partagea
l'empire avec ses fi'ères Constantin et Cons-
tant, à la mort de son père, en 337. 11 eut
en partage l'Orient. Son règne commença
])ar le massacre des frères, des neveux et
des ministres de (Constantin le (Irand. En
3'i0, la mort de Constr.ntin le Jeune laissa
l'empiie tout entier à deux maîtres. Constant
et Constance. Le père de ces deux empereurs
s'était beaucoup trop mêlé des alfaires de
l'Fglise. Ses deux enfants tirent comme lui.
Cela est vrai, surtout de Constance, (]ui était
un [)rince extraordinairemcnl faible, et qui,
(■(unme tous hvs gens atteints de <;e malheu-
r(Mix défaut, était extrêmement vaniteux et
])()rlé à se mêler de tout. Constance fut très-
favorable aux Ariens, et h \rur instigation,
il [lerséiula violemimnit les catholi(jues. Ce
fut surtout dans la personne de saint Atlia-
nas(! (pi'il l(\s attaqua. O. saint docteur était
la plus puissantecolomiedel E.:,lisc d'Orient.
Sans lui, sans son grand ( onrage, sans sa
haute science, il est très-probable cpie tou-
tes les contrées soumises à Constance se-
709
CON
CpN
710
raient entièrement tombées sous !a doiiiiiia-
tion dos Aiieiis. Celui de Ions ((ni rx(M'rail
le plus triullticMce sue l'cspr t de vv [H'inee
était lùisc'lx' de Nicomédie. C'était lliomme
le plus dangereux qui pût so trouver à eùté
d'un monanpie de ce caractère. {Voij. l'arti-
cle de saint Atiivnase.) A])rès la moi-l de son
frère Constant, il niarclia contre Maj^nence
et Vitranion, qui avaient pris la pourpre.
Vainqueur, et seul maître de l'empire, il
coimnit d'atroces vengeances. 11 se rendit
tellement exécrable, que les troupes se ré-
vollèrent et mirent Julien à sa place. Il
marcjiait contre lui, quand la maladie l'ar-
rêta à Mopsocrènc ou Aïopsuesle , oiî il
monrui, au pied du mont Tanrus, l'an .']61.
CONSTANCE, ville de Suisse, lut témoin
des soulTrances qu'y endura saint Pclay,
sous rem|)er('ur Domitien, et le juge Evila-
sie.On ignore la date pi'écise de son martyre.
CONSTANTIN (saint), martyr à Eplicse,
est leté par l'Eglise le '21 juillet. Il est l'un
dos sept Dormants doit saint Crégoii'e do
Tours nous a donné une histoire. Voy. Dor-
mants (les sept).
CONSTANTIN, patriarche de Constantino-
ple, sous l'enqiereur Constantin Copronyme,
était un homme au fond sincèrement catho-
li(}ue, désireux de bien faire, mais faible et
timide. Ces malheureux défauts furent cause
de sa perte. A plusieurs re{)rises, il résista
aux exigences de l'empereur touchant l'hé-
résie des iconoclastes, en faveur de laquelle
il i)ersécutait les chrétiens ; mais il ne le lit
(}ue quand il rcmai-qua de l'hésitation chez
l'empei'eur, et avec une certaine faiblesse.
Quand l'empereur exigea, quand il employa
la menace, le patriarche céda. Ainsi une fois
il lui fit jurer qu'il ne condamnait pas le
concile des iconoclastes qui avait proscrit le
culte des images. Plus tard il le bannit dans
l'île du Prince.
En l'année 767, le G octobre, au commen-
cement de l'indiction sixième, l'empereur fit
amener à Constantinople le patriarche Cons-
tantin, de l'île du Piince, oij il était en exil.
Après l'avoir décinré de coups, en sorte
qu'il ne pouvait marcher , on l'apporta dans
l'église de Sainte-Sophie, et on le fil asseoir
devant le sanctuaire, à l'endroit nommé So-
lea.
Un secrétaire de l'empereur était près de
lui, tenant ui volume en papier, où étaient
écrits ses crimes ; il en fit la lecture en pré-
sence de tout le peuple et du patriarche Ni-
cétas, assis sur son trône. A chaque chef
d'accusation, le secrétaire frappait Constan-
tin au visage avec le livre ; ensuite on le fit
monter sur l'ambon, et le patriarche Nicétas
envoya des évoques pour lui ôtei' le pallium,
et l'analhématisa ; puis on le fit sortir de
l'église à reculons. On voit ici un exemple
de la dégradation cjui devait précéder la
peine de mort.
Te lendemain, jour de spectacle dans l'hip-
podrome, on lui rasa la tète entièrement, les
cheveLix,labarbe,lessourcils,ell'ayautrovètu
d'un habit de laine sans manches, on le mit
à rebours sur un âne, dont il tenait la queue
entre ses mains. On lui fit aijjsi passer toute
la carrièr(ï au milieu du iieuplc, (jui crachait
sur lui et le chargeait (riijuies. L'Ane était
mené par son neveu, à (jui on avait coupé
le m'Z. Ouand ils furent arrivés à l'endroit
où les chevaux s'airètaient, on le jria à bas
de i'ilne, et on lui mit le pied sui' la grji-^c ;
puis, l'ayant fait asseoir, le peuple cmuinna à
se mo({uer di; lui iuscpi'à la [\\\ du speclacfi;.
Le (piinzième du même mois, l'empi'ieur
lui envoyadirepar des patrices : Que dites-
vous de noti'e foi et du con( ile que nous
avons assemblé ? Le malheureux Constantin,
croyant apaiser l'emiieieur, répouil : A'otre
foi est bonne, et vous avez bien fait de tenir
ce concile. C'est, dirent les j)alrices, ce
que nous voulions entendre de la bouche ira-
l)ure : va mainten.nt aux ténèbres cl à l'ana-
llième. 11 fut condamné à mort, et eut la tète
coupée h l'ancien amphithéâtre nonnné Cy-
négium, lieu ordinaire des exécutions. On
j)endit sa tète par les oreilles dans la place
du Mille, où elle diuneura trois jouis expo-
sée à la vue du peui)Ie. Le corps fut traîné
jiar un pied et jeté avec les suppliciés ; on
y jeta aussi la tète au bout de trois jours.
C'est ainsi que le patriarche Constantin fut
traité par l'empereur dont il avait baptisé
les deux enfants nés de sa troisième femme,
ce qui était alors regu'dé comme une alliance
spirituelle. (Eleurv,vol. III, p. 139.)
CONSTANTIN COPRONYME IV^ ou VP
(suivant qu'on com[)te ou qu'on ne compte
pas Héraclius et Héracléonas parmi les Cons-
tantins) était fils de Léon d'Isaurie ; il succéda
à son père et monta sur le trône impérial en
l'an 7'i.l. Ce prince méritait le surnom sous
lequel l'histoire le connaît encore plus par ses
habitudes ordurières que par l'accident arrivé
à son baptême. Il était grossier, brutal, san-
guinaire et im|)udique. il fut, comme son
père, ennemi acharné des images. En 752,
il tint plusieurs conseils contre la vénéra-
tion des images , excitant tous les jours le
peuple à les abolir. En 7oi , il assembla le
fameux concile des iconoclastes , qui con-
damna le culte des images et anathématisa
un grand nombre d'évêcjues c[ui suivaient
l'ancienne tradition. A la suite de ce con-
cile, il persécuta violemment les catholiques,
fit mourir à coups de fouet saint André le
Calybite, persécuta Etienne d'Auxence, Anne
la religieuse, et finit par envoyer Etienne en
exil à Proconèse. En 7G6 , il le fit revenir et
eut avec lui une longue discussion qui fut
tout à son désavantage. Cette môme année ,
il lit punir rigoureusement plusieurs de ses
officiers accusés de vénérer les images, et fit
prêter serment à tous ses sujets de ne les
plus adorer. 11 obligea le patriarche Constan-
tin à faire la même chose. Il persécuta vio-
lemment les moines et les traita ignominieu-
sement [Voy. Iconoclastes). Il poursuivait
partout les catholiques, faisait déterrer et-je-
ter les reliques des saints. En 765, il fit, par
ses gouverneurs et autres officiers , mourir
un grand nombre de catiioliques de tout rang
et de toute condition. Il finit, en cette année,
par faire martyriser saint Etienne d'Auxence,
7H
coo
COR
712
Il fit dégrader et tuer Constantin, patriarche
de Constantinople , après l'avoir rendu en
quelque sorte apostat. Il continua la persé-
cution avec acharnement jusqu'à sa mort qui
arriva en 775. Il mourut de la peste dans
une expédition contre les Bulgares.
CONSTANTIN (saint) , avait sur terre une
couronne royale au front. Sa naissance l'a-
vait mis sur un trône. Sa foi lui donna une
autre couronne, celle du martyre, couronne
qui n'est pas périssable et qui Veste pour l'é-
ternité. Il régnait en Bretagne : frappé des pa-
roles du roi-proi)hè te, Fa/jj7as vanitatum, etc.,
il abdiqua son sceptre et se retira dans le
couvent de Saint-David. Il fut reçu au nom-
bre des religieux. Plus tard, s'associant aux
travaux évangéiiques de saint Colomb, il alla
avec lui prêcher la foi aux Pietés , peuples
qui ne reçurent que très-tard la lumière de
la loi. Sur les bords de la Clynd, en Ecosse,
il fonda un monastère en un lieu nommé
Govane. Bientôt les prédications du saint eu-
rent entièrement converti le pays deCantire;
mais les infidèles, qui voyaient avec déplai-
sir le succès de son zèle , le massacrèrent
vers la tin du vi' siècle. Ses restes furent in-
humés à Govane. Plusieurs églises d'Ecosse
ont été fondées sous son invocation. Il y eut
dans ce pays un autre Constantin, martyr,
avec lequel il est bon de ne pas le confondre.
Ce dernier était un religieux d'Irlande qui
avait longtemps séjourné dans le couvent de
Saint-Carthag à Rathane. L'Eglise célèbre la
fôte de saint Constantin le 11 mars.
CONSTANTIN (saint) , confesseur, souffrit
pour la foi de Jésus-Christ, à Cartilage, dans
des circonstances et h une époque qui nous
sont inconnues. L'Eglise célèbre sa mémoii e
le 11 mars.
CONSTANTIN (saint), évêque et confes-
seur, souffrit de grands tourments à Gap, en
l'honneur de Jésus-Christ. On n'a pas de dé-
tails sur lui. L'Eglise célèbre sa bienheu-
reuse mémoire le 12 avril.
CONSTANZO, jésuite, fut brôlé à Firando,
dans l'empire du Japon, en 1022, pour la foi
chrétienne.
COOQUER ( A^TOI^E Asthlez), comte de
Schaftesbury , né à Londres en 1671 , était
pelit-lils d'un ami intime de Locke, et reçut
môme quelques leçons de vv philosoi)he. Il
voyagea, vit en Hollande Bayle et plusieius li-
bres penseurs comme lui. De retour en An-
gleterre , il publia plusieurs ouvrages dans
lesquels il montrait plus (jue de la hardiesse
contre la religion. Il mourut à Na])lesen 1713.
Dans ses Hccfierchcs sur le mérite et la
vertu, il établit un système de moralité f(»ndé
uniquenn.'nt sur les aHections. Les actions
qui |)rocèdentdes affections naturelles et ont
pour but 1(! bien public ou le bonheur indi-
viduel , sont vertueuses ; celles (pii procèdent
d'atfections contraires sont vicieusc.'S ; celui
(pii sait faire céder les intérêts privés au
bien puljlic , est vertueux au plus haut de-
gré : celui, au contraire, (]ui t'ait plier le
bien [lublic; à ses intérêts |)iivés, est malheu-
reux et niéchaiit ; s'il lerid h anéantir le bien
put>li(;, il est malheureux au supiême degré»
Ainsi , vertu et bonheur, vice et malheur,
sont synonymes.
Shaftosbury lit plusieurs autres ouvrages,
tous écrits avec pompe et élégance , de ma-
nière à ce qu'il est regardé comme un des
meilleurs, ou au moins comme un des plus
aimables écrivains anglais ; mais, dans les
matières religieuses , il n'a été ni exact , ni
mesuré ; il admettait Dieu et la providence,
tout en se moquant de la révélation , et en
parlant du christianisme avec mépris. (Bou-
vier, Ilist. de la Philos., t. II, p. 206.)
COPRÈS (saint), martyr, habitait Alexan-
drie. Il fut martyrisé sous Julien l'Apostat
avec Patermuthe et Alexandre. On ignore
en quelle année. L'Eglise honore la mémoire
de ces bienheureux martyrs le 9 juillet.
CORBINIEN (saint), confesseur, évêque de
Frisingen en Bavière, naquit à Châtres, dans
le diocèse de Paris. Pendant quatorze ans, il
vécut en reclus dans une cellule qu'il avait
fait construire près d'une chapelle. Sa répu-
tation de sainteté s'étant répandue au loin ,
il fut bientôt en état de former une commu-
nauté religieuse , vu le nombre des fidèles
qui voulaient vivre sous sa direction. Trou-
blé bientôt dans la vie intérieure qu'il avait
menée jusque-là par les distractions sans
cesse renaissantes que lui occasionnaient
ceux qui venaient le consulter, il se rendit à
Rome et s'enferma dans une cellule située au-
près de l'église de Saint-Pierre. Le pape, ayant
reconnu bientôt sa grande vertu et ses' ta-
lents, le sacra évêque , et le cliargea d'aller
prêcher l'Evangile, lui disant qu'il ne devait
pas vivre ainsi pour lui seul, quand tant de
peuples manquaient de missionnaires. Cor-
binien revint donc dans sa i)atrie où il obtint
de grands succès. Ayant fait ensuite un se-
cond voyage à Rome , il passa jiar la Ba-
vière où il convertit beaucoup d'idolâtres. Le
pape Grégoire II lui ayant ordonné de conti-
nuer ses travaux apostoliques dans ce pays,
il y revint bientôt et établit son siège épis-
copal à Frisingen, quand il vit l'heureux ré-
sultat de ses prédications.
Grimoald, duc de Bavière, qui était chré-
tien pourtant , ne suivait ])oint res[)rit du
christianisme ; il venait même d'épouser
Biltrude, veuve de son frère. Notre saint lui
reprocha, mais en vain , son mariage inces-
tueux. Les deux coupables , i)our se venger
de son zèle généreux , lui suscitèrent mille
persécutions, et Biltrude suborna môme des
assassins pour le tuer. Mais Dieu sut défen-
dre et protéger son serviteur, et les deux
coupables périrent ndsérablement peu apiès.
Après leur mort, l'exil volontaire de Corhi-
nien cessa, et il revint contiiuier ses travaux
a|)ostr)liquesà Frisingen juscpi'à sa mort (\n\
eut lieu en 7;{0. Son nonresl inscrit au Mar-
tyrologe romain le 8 seplend)r(\
COliDOUE, Cordova, ville d'Kspagnc, fut
le théâtre du martyre de saint Jan\ier et do
ses couq)agnons, saint Fansleel saint Martial,
en 'Wt^, sous l'tMnjiire de Dioclélien. iMigène
comniand.iit alors nn(! partie de l'Espagne
pour lesRomaiiis. Ce l'ut lui (piilit mourir les
saiuls avec une cruauté sans égale ( Yoy,
713
C6r
COR
7!4
saint Janvier). Saint Aciscle et sa sœur Vic-
toire furent aussi martyrisés sous le môme
prince, à Cordoue. Leur culte y devint très-
célèbre, et une église ainsi qu'un moiiaslèro
furent bAtis sous le nom de saint Aciscle.
Sous Abdérame II , qui commen^-a h régner
en 821 , les chrétiens soull'rirent une assez
vive persécution de la part des Aral)es. Ces
derniers laissaient dans leurs Etats une cer-
taine liberté aux chrétiens , liberté qui au-
rait dû leur sudire si une restriction n'y eût
été apportée. Les Arabos permettaient que les
chrétiens pratiquassent leur religion; mais
ils ne voulaient pas qu'ils admissent des gens
de leur naiion. Ils s'opposaient au prosély-
tisme. Plusieurs personnes furent martyri-
sées pour cette cause ; mais il y en eut un
graîicl nombre qu'on ht mourir, parce qu'ils
viin-ent d'eux-mêmes et sans y être le moins
du monde poussés, se présenter aux magis-
trats en insultant le culte des vainqueurs.
On désapprouva généralement leur conduite,
et elle devait l'être. Le concile de Cordoue,
qui s'assembla sur les instances d'Abdérame
lui-même, qui désirait mettre un terme à cette
ardeur qu'avaient les chrétiens pour le mar-
tyre , et les engager à rester paisibles dans
leur croyance , blâma ceux qui à l'avenir
iraient ainsi se présenter d'eux-mêmes. Ce-
pendant il le fit d'une manière ambiguë , ne
voulant pas avoir l'air de condamner ceux
qui ayant déjà fait cela étaient regardés
comme martyrs. Voy. Musulmans {Perséc,
des). A cet article, on verra en détail l'his-
toire des saints qui souffrirent pour leur foi
à Courdoue. Ce fut un prêtre de cette ville ,
martyr lui-même , saint Euloge , qui écrivit
l'histoire de ceux qui moururent dans cette
persécution.
CORDULE ( sainte ) , souffrit le martyre à
Cologne. Elle était une des compagnes de
sainte Ursule. Cette sainte , effrayée par les
supplices et la mort des autres, s'alla cacher;
mais s'en étant repentie le lendemain , elle
se tit connaître , et reçut la dernière de tou-
tes la couronne du martyre. L'Eglise célèbre
sa mémoire le 22 octobre.
CORÈBE (saint), martyr, était préfet à
Messine. Ayant été converti par saint Eleu-
Ihère , il périt par le glaive. L'Eglise fait sa
mémoire le 18 avril.
CORINÏHE, Corinthus , primitivement
Ephyre, Kordos des Turcs, ville de la Gi èce,
dans la Morée (Péloponèse), sur l'isthme de
Corinthe , dans la province actuelle d'Argo-
lide. Anciennement l'une des plus impor-
tantes cités de la Grèce, elle était le rendez-
vous des sciences , des arts, des lettres , et
l'un des berceaux de la civilisation. Il est
juste dédire que la dissolution, que la cor-
ruption des mœurs y étaient au comble.
Saint Paul y porta de bonne heure la pa-
role évangélique. Il y vint en 53 avec Silas,
et y fut l'objet de la haine acharnée des
Juifs, qui le traînèrent devant le proconsul
Gallion;mais celui-ci leur ayant répondu qu'il
n'avait point à se mêler de leur religion , ni
de leur doctrine qu'ils prétendaient attaquées
par saint Paul , ils furent obligés de rendre
DicTionN. DES Persécutions. I.
le saint h la liberté. Mais devant le tribunal
même du proconsul, ils battirent Sosthène,
chef de la synagogue, parce qu'il avait em-
brassé le christianisme.
Sous l'empereur Dèce, la ville do Corintho
fut honorée du martyre dos saints Codrat ,
Cyprien, Denys , Crescent , Anect et Paul ,
condamnés par un juge qualilié |)résident par
le Martyrologe romain, et nommé Jason.
CORNAY, missionnaire en Cochinchine ,
se disposait à regagner la France où sa santé
détruite le força t de se rendre, quand il fut
saisi le 20 juin 1837, et mis h mort le 20 sep-
tembre. La sentence portait qu'il serait coupé
par morceaux, mais on ne l'exécuta pas dans
toute sa sévérité. Arrivé au lieu du su[iplice,
on lui ouvrit la cage qui le renfermait, on le
débarrassa de ses chaînes , et on le fit age-
nouiller sur un vieux tapis d'autel : on lui
trancha d'abord la tête, puis les membres,
après quoi son corps fut coupé en quatre
morceaux.
CORNEILLE (saint), martyr, l'un des qua-
rante-huit glorieux soldats de Jésus-Christ
qui donnèrent leur vie pour la foi, dans la
ville de Lyon, en l'année 177, sous le règne
de l'empereur Antonin Marc-Aurèle. Saint
Corneille fut du nombre des martyrs qui
n'eurent pas la force de supporter jusqu'au
bout la violence des tourments que les per-
sécuteurs leur faisaient souffrir. 11 mourut
en prison. L'Eglise honore sa mémoire, avec
celle de tous ses compagnons de gloire , le
2 juin.
CORNEILLE (saint), pape et martyr, mou-
rut victime de la persécution de Gallus. 11
était monté sur le trône pontifical seize mois
après la mort de saint Fabien, arrivée le
20 janvier 250. La violence de la persécution
n'avait pas permis qu'on pourvût à la va-
cance du siège de saint Pierre. Dèce , ce
persécuteur acharné des chrétiens, disait
qu'il aimait mieux voir un compétiteur à
1 empire se lever contre lui, que de voir nom-
mer un évoque à Rome. Ce fut duiant que
ce prince était occupé à réprimer la révolte
de Julius Valens, ou à s'opposer aux invasions
des Goths qui venaient de battre son fils aîné
et de ravager la Thrace , qu'on nomma un
successeur à saint Fabien. Le choix du peu-
ple et du clergé tomba sur saii.t Corneille ,
prêtre de l'Eglise de Rome. C'était, dit saint
Cyprien, un homme d'une conduite irrépro-
chable, et doué de toutes les vertus qui font
aimer l'homme et vénérer le minisire de Jé-
sus-Christ ; il avait franchi peu à peu tous
les degrés de la hiérarchie cléricale , faisant
dans les fonctions moins élevées l'apprentis
sage des vertus et des devoirs qu'exigeaient
les fonctions supérieures. A la mort de saint
Fabien , il avait été chargé de l'administra-
tion provisoire des affaires. Il n'ambition-
nait pas le suprême pontificat ; on fut même
obligé d'employerune sorte de violence pour
le contraindre à en accepter la responsabi
lité. L'ambition court après les honneurs ei
les places ; le vrai mérite les redoute et le?
refuse. La modestie est la pierre de louche
du génie, du mérite et de la vertu.
23
715
COR
COR
lis
Dès que sa promotion fut connue, les évo-
ques des auti-es Eglises lui écrivirent pour
le féliciter et entrer en communion aveclui.
L'Eglise jouissait d'un peu de paix sous la
houlette du nouveau pasteur, quand l'héré-
tique Novatien vint la contrister par sa ré-
volteetparsesdésorJres. Célèbre p.irson élo-
quence , Novatien était attaclié h la pliiloso-
phie stoïcienne; instruit des vérités chré-
tiennes, il resta caté.:humène jusqu'à une
;ualadie qui mit ses jours en danger. Ce fut
alors qu'il reçut le baptême. Plus tard on l'a-
vait ordonné !)rêtre. Durant la persécution
de Déce, il s'était tenu caché d uis sa mai-
son, f't comme on l'invitait h aller au secours
des frères, il (h^venait firieux et disait qu'il
ne servirait plus l'Eglise, mais s'adonnerait
à une au're doctri ie. Quand la paix eut été
rendue à l'Eglise , il se montra aussi rigo-
riste qu'il avait été lâche : il prélendit que
les évoques recevaient trop facilement ceux
qui étaient tombés durai. t la persécution.
Un prêlre indigne de son sacerdoce, nommé
Noval, vint laider à grossir son parti. A
Carthage, il s'était attaché à l'erreur de Féli-
cîssime, qui trouvait saintCyprientroi) rigou-
reux pour les tombés ; à Home , il s'attacha
à Novatien qui prétendait qu'on ne pouvait
jamais l'être assez , car il en vint à prêcher
que les tombés ne devaient jamais être récon-
ciliés, même à l'article de la mort. Bientôt il
pi étendit que l'Eglise n'avait pas le pouvfur
d'absoudre du crime d'apostasie. Bientôt ses
sectateurs mirent le meurtre et laf irnication
au même rang que l'apostasie. Novatien s'é-
tant attiré un certain nombre di3 partisans, en-
gagea quatre évêques d'Italie à ven r h Home,
où ils le sacrèrent évoque de cette ville.
Saint Corneille assembla un concile où se
trouvèrent soixante évêques. L 'S anciens ca-
nons qui ordcmnaient d'admettre les tombés
à' la pénitence publique furent conlirmés.
Novatien fut excouifimnié. Les confesseurs
Maximin, Url)ain, Sidoine, Célérin et Moïse,
un instant séduits, renoncèrent h l'erreur.
Saint Corneille les reçut à la communion ,
ce dont le peuple fut très-joyeux.
Saint Cyprien, parlant de saint Corneille ,
s'exprime en ces termes : « Ne doit-on pas
compter parmi les confesseurs et les martyrs
les plus illustres, celui qui se vit exposé si
longtemps à la fureurdes ministres d'un tyran
barbare, qui courait continuellement les ris-
ques de penirela tête, d'être brûlé, d'être cru-
cifié, d'être mis en pièees par des tortures éga-
lem' nt cru' lies et inouïes ; qui s'opposait h
des édils redoutables, et 'jui, par le pouvoir
puis'^anl de la foi , méprisait les supplices
dont on !e menaçait 'MJuoiquci la bonté do
Dieu l'eût sauvé jusquolà , il d(jnna cepen-
dant des preuv(!S suilisantes de son amour
et de sa lidélilé, étant dans la disposition do
soulfrir tous les tourments imaginables, et
de Irion.'jther du tyran par son zèle. »
Bienlùl saint Corn -ille reçnt la glorieuse
couronne du mai'tyre (Jont il s'était rendu si
di^ne. (jallus ayant succ-'-d'') .^i Uèco , (ju'il
avait pour ain^i dire assassiné, se inoiUra ,
dans Itis prumieis louips du sou rè^ue, iiiul-
tentif aux affaires religieuses ; ràaîs plus tard,
juge in^ que la peste dont son empire était
désolé provenait de la colère qu'avaient ses
dieux contre les chrétiens, il ht exécuter ri-
goureusement les édits portés par son pré-
décesseur contre les chrétiens. Saint Cor-
neille fut le premier qu'on arrêta dans la ville
de Rome. Une foule considérable de chrétiens
se porta au tribunal où il comparut pour y
confesser la foi avec lui. Ce fut peut-être à
cause de cette démonstration imposante
qu'on se contenta d'aburd de le bannir à Ci-
vita-Vecchia. Saint Cyprien, ayant appris sa
glorieuse confession , lui écrivit une lettre
pour le féliciter (la 57' dans ses Œuvres). Il
y prédit clairement les combats que tous
deux devaient avoir à soutenir, disant que
Dieu les lui a annoncés par une révélation
S[>é(:iale.
La mort de saint Corneille eut lieu le
li septemb e 252. Six ans après, jour pour
jour, saint Cypr en fut décaiité. Tous (U'ux
sont nomm'S le même jour, le 16 septembre,
au Martyrologe romain. S'il faut en croire le
calendrier de Libère, le saint pape, ayant été
banni à CentumccUœ , s'endormit le li sep-
tembre. Saint Jérôm • , dans sa Vie de saint
Cyprien, dit t^ue ramené à Rome il y souf-
frit la mort. So.n corps fut dabord déposé
dans le cimetière de Callixte ; Adrieii I" le
fit placer dans une église bAtie sous son in-
vocation. Transportées à Corapiègne, par
Charles, fils de Louis le Débonnaire , ses re-
liques étaient en grande vénération à l'é-
poque oij les révolutionna'res les dispersè-
rent après avoir envahi l'abbaye des Béné-
dictins. Une partie est actuellement à Reims»
l'auti' ■ à la collégiale de Rosuay en Flandre.
CORNRILLE (-aint), martyr, est inscrit au
Martyrologe romain le 31 décembre et ho-
noré comme martyr par l'Eglise, avec les
saints Etienne Pontien , Atlale , Fabien ,
Sexte, Flori.s, Quin'ien, Minervien et Sim-
plicion, qui furent les compagnons de son
triomphe. Les circonstances, le lieu et la
date de leur martyre sont complètement
inconnus. Le Martyrologe romain n'en dit
rien.
CORNÉLIE (sainte), martvre, versa son
sang pour la défense de la r(;Iigion, en Afri-
que, avec les saints Théodule, Anèse, Félix,
et leurs compagnons qui sont inconnus. Le
Martyrologe romain ne précise pas l'épo-
que où eut lieu leur martyre. L'Eglise les
honore au .'M mars.
CORNfiLIli (sainte), eut le bonheur do
coni'esser le nom de Jésus-Clu-i.st sous l'em-
pire d(! Dèce en l'an 250, avec Einérite, sa
sœur, et Macaire, son frère. Pendant dix-
huit mois de prison, elhï soutl'rit conrai^cu-
sement [)Our la foi. Il est fait ment;on d ello
dans la lettre (pie Lucien écrivit aux con-
fesseurs
C0RU^:A (le bienheiireu\ Pi kuuk) , do la
compagnie de Jésns, reçut la palme (lu mar-
tyie av(;c Jean Soiiza, du même ordre?, chez
lès Carijos. Noire s.iint avait apjiris ^ con-
nailri; 1(îs bonies (pialiles de ce peuple dans
uno mission ipii lui avaii ét(' orécédcmuient
1\1
eôs
rot
i\{}
Citnfii^c, cl qui consistait ^ liror do IcMirs
mains clf.s |)rison'iicrs (|ii'ils dcv.iic^nt innii-
g' r cl doux Ks|)ag'i()is dcstiiK's au riK^no
sort. Dans la sccondi' excuision qu'il faisait
choz CCS pou|)los, il ne devait rcslor avec
sou compagnon (lue jusqu'aux l'ùtos de PA-
ques 155'i-. L'tVoque (ixéo j)onr leur retour
par leurs supérieurs étant arrivée, ils quit-
tèrent le pa.vs, guidés p<u- un des Espagnols
que notre bienheureux avait délivrés de la
mon. Ceniallicureux, oubliant la reconnais-
sance uu'il devait à son saint bienfaiteur,
peisnada aux Carijos que nos deux saints
s'entendaient avec une tribu voisine pour
les égorger. Ce [)euple crédule, irrité do
cette trahison pré enduo, se mil en embus-
cade sur le cnemin que devaient suivre
nos missionnaires et les tua à coups
de flèches. (Tanner, Societas Jesu usqtic
ad sanguinis et vitœ pi'ofusionem militans ,
}). W8.)
COURE A (le bienheureux Louis), Portu-
gais, de la compagnie de Jésus, faisait par-
tie des saints missionnaires recrutés à Rome
pour le Brésil par le P. Azev(;do. ( Voij.
s< n titre.) Leur navire fut pris le 15 juill t
1571 p;!r des corsaires calvinistes qui les
massacrèrent ou les jetèrent dans les flots.
(Du Jarric, Histoire des choses plus mémo-
rables, etc., t. 11, p. 278; Tonner, Societas
Jesu usquc ad sanyuinis et vitœ profusionem
milltaiis, p. 1G6 et 170.)
CORREA (le bienheureux Antoine), Por-
tugais de Porto, de la compagnie de Jésus,
faisait partie des soixante-neuf missionnai-
res que le P. Azevedo était allé recruter
à Rome pour leBiésil. iVot/. l'art. Azevedo.)
Leur navire fut pris le 15 juillet 1571 f ar des
corsaires calvin stcs qui les massacrèrent ou
ics jetèrent dans les flots. (Du Jarric, His-
toire des choses plus mémorables, etc., t. II,
p. '118; Tanner, Societas Jesu iisque ad san-
guinis et vitœ profusionem militans, p. 1G6
et 170.)
CORTIL (le bienheureux), missionnaire
de la compagnie de Jésus, partit le 14 no-
vembre 1710, de l'archijjel des Philippines,
accompagné du Père Duberron et du frère
Jitienne Bauuin, atin d'aller prêcher l'évan-
gile dans les Carolines occidentales. Api es
quinze jours de navigation, le 30 novembre
1710, on aperçut la terre. Des indigènes
étant venus à bord, dirent que ces îles s'ap-
pelaient Sonsorol ou Sorol, et qu'elles fai-
saient partie des îles Palaos. Malgré les re-
présentations des officiers du navire, les
deux Pères voulurent descendre à terre et
y planter une croix pendant que le vaisseau
continuerait sa marche pour découvrir l'île
f an4og, éloignée d'environ 50 lieues de celle
où les missionnaires allaient descendre.
Quelque temps après le vaisseau étant re-
venu aux îles Sonsorol pour avoir des nou-
velles des deux Pères, un vent violent le
força de prendre le large, et ce ne fut qu'un
an après que l'on apprit le sort des Pères
Duberron et Cortil : ils avaient été tués et
mangés.
ÇOSAQUI (saint Pierre), martyr, était un
Japonais, qui en 1507 suivait, avec Franrois
Danto , le^ saints martyrs de Nangazaqui,
pour leur douiuîr des ralVaîchissemeiUs.
Les gardes le prirent et le mirent avec eux.
Il eut la gloire et le bonheur de partager
leurs soulfrancMjs et hiur mat tyi-e. [Vorj. Ja-
pon.) L'Kglist! f lit sa fêle h; 5 février.
COSME (saint), martyr, frère de saint Da-
mien, fut martyrisé avec lui en 30.'{, h Kges
en Cilicie, durant la persécution de pioclé-
tien. Tous deux étaient médecins, et foi-l ha-
biles. Ils étaient Arab(3S do naissance. I.y-
sias, gouverneur de Cilicie, les ayant fiit
arrêter, leur lit soulTrir divers tourments,
sans pouvoir les contraindre à abjurer leur
foi. Enfin il les fit décapiter tous les deux.
Leurs corps furent transportés en Syrie, et
inhumés à Cyr. Une partie de leurs leiiriues
a été transportée ji Rome Jans l'église qui
porte leurs noms. L'Eglise fiiit leur fête lo
27 septembre.
COSME (le bienheureux), naquit à Malaga
en Espagne. Ayant pri's l'habit ce saint
François, il se livra aux [)lus grandes maco-
ralons. Il partit prêcher la foi à Jérusalem,
et y séjourna quelque temps sans avor rien
souffert pour Jésus-Christ. Il revint en Es-
pagne, mais en repartit quatre mois a près pour
retourner en Orient, sur une révélation qu'il
eut de son prochain martyre. Un jour, ù
l'heure de la prière, il entra dans une mos-
quée et s'écria que Mahomet était un ^l
im()OSleur. On s'empara de lui et il eut à
endurer mille outrages. Après avoir été
cruellement fouetté, on lui trancha la tête le
15 août 1597. Son corps fut traîné par la
ville à la qu. ue d'un cheval et fixé ensuite
à un poteau en face du Saint-Sépulcre. (Fé-
rot, Abrégé historique de la Vie des saints
des trois ordres de Saint -François, t. 111,
p. 318.
COT (saint), Cottus, fîit martyrisé à Toussi-
sur-Yonne dans l'Auxerrois, sous l'empire
et durant la persécution d'Aurélien. II as-
sistait au supplice de saint Prisque, < t par-
vint à s'emj)arer de sa tête aussitôt après
qu'il eut été décapité. Il s'eiifuit dans les
bois avec cette .'•a nie relique ; mais les
païens, qui ne voulaient pas souffrir que
les chrétiens conservassent le» rest- s ues
martyrs, coururent après lui, et, étant par-
venus à Tatteindro, lui donnèrent aussi à
lui la glorieuse couronne du martyre. Son
corps était conservé dans l'église de Saint-
Prisque. J'vm Baillet, évêque d'Auxerre,
en 1480, i'ùta du tombeau de gianit où on
l'avait déjiosé, et L fil mettre dans une
châsse. Le couvent de Picpus, à Paris, a
possédé longtemps des reliques du saint.
L'Eglise romaine fait sa fête le 26 mai.
COTTIDE (saint), martyr, eut l'honneur
de mou ir poui' Jésus-Christ, en Capjiadoce,
avec saint Eugène et leurs lompagnous. dont
les noms sont inconnus. L'Eglise fait leur
fête le G septembre.
COTYÉE, ville de Phrvgie, oij saint Menne
était en g.unison en 304, sous le règne et
durant l'horrible persécution de Dioclétiem,
m
CRA
CRE
720
quand il fut mis h mort pour la foi chré-
tienne.
COURONNE (sainte), fut martyrisée à Da-
mas de Syrie, avec saint Victor, soldat sous le
règne dcrempereurMarc-AurôIe. Leurs Ac-
tes, dont Bède donne un abrégé dans son
Martyrologe, sont loin de présenter les
caractères d'autiienticité désirables. Les
Latins font la fête de sainte Couronne le li
mai. Les Grecs l'honorent sous le nom de
sainte Stéphanie.
COURROIES {lora) ou fouets de cuir. C'é-
taient deux lanières attachées à un manche
qu'on tenait à la main, et chacune terminée
par une balle en plomb. Le manche de cet
instrument était court. 11 ne faut pas con-
fondre ces courroies avec les fouets garnis
de plomb ou plumbatœ, qui avaient non pas
une seule balle, mais musieurs. Les mar-
tyrs étaient très-souvent condamnés à rece-
voir un certain nombre de coups de ces la-
nières comme moyen de préluder au sup-
plice; car généralement les persécuteurs
regardaient ces fustigations comme de sim-
ples questions qu'ils faisaient subir pour
éprouver la constance de leurs victimes.
COVILLO (le bienheureux François-Al-
VARo), Portugais, de la compagnie de Jésus,
faisait partie des missionnaires que le P.
Azevedo était venu recruter à Rome pour le
Brésil. [Voy. Azevedo.) Leur navire lut pris
le 15 juillet 1571, par des corsaires calvi-
nistes, qui les massacrèrent ou les jetèrent
au milieu des flots. Notre bienheureux subit
le même sort. (Du Jarric , Histoire des cho-
ses plus mémorables , etc. , t. II , p. 278 ;
Tanner, Societas Jesu usque ad sangiiinis et
vitœ profusionem militans, p. 166 et 170.)
CRATON (saint), martyr, s'étant fait bap-
tiser par le bienheureux évêque saint Va-
lentin, avec sa femme et toute si famille, fut
bientôt après martyrisé avec eux. L'Eglise
célèbre leur mémoire collectivement le 15
février.
CRATZ (Jean-Gaspard) , naquit au sein
d'une famille catholique dans la ville do
Duren duché de Juliers, à distance é,j,ale de
Cologne et d'Aix-la-Chapelle. Sorti des uni-
versités, il parcourut dillérents Etals d'Lu-
rojje, finit p.ir entrer au service de la Hol-
lanile, qui l'employa à Batavia. Le séjour
qu'il fit, dans un pays hérétique, n'attaqua
en rien les sentiments qu'il avait pour sa
sainte mère l'Eglisecatholique. Au bout d'un
certain temps, quittant le service des Hollan-
dais, il se retira à Macao, et, après de lon-
gues instances, fut admis. Agé de lil ans, air
noviciat des Jésuites le 27 (u.tobre 1730. il
témoigna le. plus grand désir d'élie envoyé
dans le 'i'onquin; sus sui)éii(;urs lui accor-
dèrent la f;iv(;ur qu'il réclamait. Il i)artil di;
Macao h; 10 mars 17;J6, pour- alh'r- cvangt li-
Si(;r- le 'l'onquin, avec les PP. Jean-(îaspar'd
Ciatz, Allerirand; Hartliiîlcrny Alvarez, Vin-
cent da Curilia, (Christophe de S.unpayo (;t
Lriimanucl (Carvalho, P rlugais. Le 12 avril
17.'{(>, (plaire d'enlr-e eux furirrl pris, à Halxa,
flvcjc les catéchistes 'l'o-Kpiinois Marc et
Vincent : c'éluieul les PP. Cratz, Barthélémy
Alvarez, Emmanuel d'Abreu et Vincent da
Cunha. Le P. Sam[)ayo avait été arrêté par a
maladie àLo-feou, elle P. Carviilho était resté
pour l'y soigner ; de sorte aue ces deux Pè-
res ne pénétrèrent que jiius tard dans le
royaume. Ou peut voir h l'aiticle Alvarez
le détail des soullVances et du martyre de nos
quatre saints missionnaires. Us furent déca-
pité> le 12 juin 1737. Le P. Cratz eut la tête
abattue d'un seul coup. Le catéchiste Vin-
cent, qui avait été pris avec eux, était mort
en prison le 30 juin 1736; l'autre catéchiste,
nommé Mai^c, fut exilé.
CRÉDULE (sainte), martyre à Carthage en
l'année de Jésus-Christ 250, durant la terri-
ble persécution que l'empereur Dèce alluma
contre l'Eglise. Elle fut, avec d'autres cliré-
tiens, placée dans un cachot étroit et infect,
où, par l'or'dre de l'empereur, on les laissa
mourir de faim et de soif. La puanteur et la
chaleur de ce cachot furent un supplice af-
freux ajouté à celui que la privation d'ali-
ments til souffrir aux saints martyrs. {Voy.
saint VicTORiN.) L'Eglise fait la fête de tous
ces saints mart , rs le 17 avril.
CREMENCE (saint), martyr, donna sa vie
pour la foi à Saragosse, en l'an de Jésus-
Christ 304, sous le gouverneur Dacien. Il
souffrit, dans un premier combat, avec les
dix-huit martyrs dits martyrs de Saragosse;
mais ayant résisté aux tourments, il ne
mourut que dans un second combat, quel-
que temps api'ès. L'Eglise fait sa fête le 16
avr'il, avec celle des martyrs que nous venons
d'indiquer. [Voy. Pru<lence, de Cor., hym.
k, et les articles Dacien, Saragosse.)
CRÉPIN (saint), martyr, était noble ro-
main. Après de très-cruels tourments endurés
avec saint Crépinien, autre noble, sous le
président Rictiovare, dur-ant la persécution
de Dioclétien, ils furent passés au fil de l'é-
pée, et obtinrent la couronne du martyre.
Leurs corps furent ensuite transportés de
Soissons, oii ils avaient souffert, à Rome, et
reçurent une sépulture honorable dans l'é-
gl se de Sainl-Lauient m Paneperna. L'E-
glise fait leur fêle collectivement le 25 oc-
tobr-e.
CRÉPINIEN (saint) , martyr , versa son
sang pour la foi, à Soissons, avec saint Cré-
pin, comme lui noble romain. Ils soutfrirent
durant la persécution de Dioclétien, sous le
pr-ésideiit Rictiovare. Us furent [lassés au fil
de l'épée. On Ir-ansporta leurs deux corps à
Rome, et ils furent ensevelis dans l'église
de Sainl-Laureiil m Paneperna. L'Eglise cé-
lèbre leur immortelle et sainte mémoire le
25 octobre
CRESCENCE (saint), martyr, reçut la cou-
ronrre du martyre h Trêves, dur-airt la per-sé-
culion de Dioclétien, sous le présideirt Ric-
tiovare. Il eu: |)our compagnons de son mar-
tyre les saints Maxence, Corrslanee, Justin et
d'airlres saints dont les noms sont inconnus.
L'Ivglisf fait leur fêle le 12 décembre.
CRESilENCE (saiirli;), martyre, nourrice de
sair-t Vil ou Guy, l'éleva, ;\ linsu de sori
j)ere, Hylas, dans les principes de la foi
chiéiieniie. L'éducation qu'elle lui donna lit
721
CRE
CRE
m
de lui un disciple de Ji^sQS-Christ digne de
mourir pour la gloire de son divin maître.
La semence qu'on jette de bonne lieure dans
rAraodesenlants.yjelle des racines qui, plus
tard, nes'arraclieronl pas, et qui |)roduiront
dos fruits de bénédiction et de salut. Quand
la cruauté de reni[)ereur Diodétien, au coni-
niencement du i\' siècle, alluma contre l'E-
glise une des [)lus violentes persécutions qui
Jaient éprouvée, Hylas, père de saint Vit,
apprit par hasard que son tils, avec le lait de
sa nourrice , avait sucé les principes de la
religion de Jésus-Christ. Il entreprit aussitôt
de renverser ce que cette éducat on reli-
gieuse avait fait, et de forcer son lils h sacri-
fier aux idoles. 11 employa, dans ce but, les
supplices et la prison, les prières et les me-
naces ; tout fut mutile. Alors il en vint à ce
point de fureur, qu'il dénonça son tils h Va-
léri(in, gouverneur de Sicile, province qu'il
habitait. Celui-ci fit inutilement souffrir au
jeune martyr les plus cruelles tortures. TdUt
vint se briser devant sa constance. La mort
de saint Vit aurait probabh'ment couronné
son glorieux combat; mais Crescence, et son
mari Modeste , réussirent à l'enlever des
mains des persécuteurs, et se sauvèrent avec
lui en Italie. Ils espéraient trouver sur cette
terre le re^os que leur patrie leur refusait.
Ils venaient chercher l'hospitalité dans l'an-
tre de labôteféioce, près du lieu où régi ait
ce tyran qui dévastait l'empire par ses édits
de sang et de carnage. En Lucanie ils furont
arrêtés, et près de la rivière de Silaro ils fu-
rent mis à mort. D'abord on les plongea
dans une cuve remplie de plomb en fusion ;
on les exposa aux bêtes étendus sur le che-
valet; et enfin, on termina leurs conibats,
en leur donnant la mort. L'Eglise fait la fête
de ces trois saints le 15 juin. [Voy. le P. Pa-
pebroch, t. Il Junii, p. 1013.)
CRESCENT (saint), l'un des sept fds de
sainie Symphorose et de saint Gétule, mou-
rut pour la foi sous l'empire d'Adrien. 11 eut
la gorge perc-e d'un coup d'épée. [Voij. Sym-
phorose.) L'Eglise fait sa fête le 17 juilL't.
CUESCENT (saint), fut martyr. se en Gala-
tie. 11 fut disciple de l'apôtre sa ni Paul. Ce
saint martyr, en passant parles Gaules, con-
vertit un grand nombre de tidèles h la foi de
Jésus-Christ, par la force de ses prédications.
Etant lelourné ensuite vers le peuple auquel
il avait été donné spécialement pour évoque,
il ailermit les (ialates dans l'œuvre du Sei-
gneur, jusqu'à la (in de sa vie, qu'il termina
par le martyre sous ïiajan. L'Eglise honore
et vénère sa sainie mémoire le 27 juin.
CRESCENT (saint), fut martyrisé à Corin-
the, duj-ant la persécution de Dèce, sous le
président Jason, avec les saints Codrat, De-
nys, Cyprien, Anect et Paul. L'Eglise fait
leur fête le 10 mars.
CRESCENT (saint), martyr, mourut en
Afrique pour la foi de Jésus-Christ avec les
saints Dominique, Victor, Primien, Lybose,
Second et Honorât. On ignor la date et les
circonstances de leur martyre. L'Eglise fait
leur mémoire le 29 décembre.
CRESCENT (saint), martyr , mourut par
amour pour sa foi, avec les saints Diosco-
ride, Paul et Hellade. On ignore les circons-
tances de leur courageux martyre. Le Marty-
rologe romain n'en dit rien. L'Eglise fait
leur fête le 28 mai
CRESCENT (saint), martyr, accomplit son
martyre par le feu h Myre, en Lycie. Le Mar-
tyrologe romain n'en "dit pas davantage sur
lui. L'Eglise l'honore le 15 avril.
CRESCENT (saint), confesseur, était disci-
ple de saint Zénobe, évoque. 11 souffrit la
mort pour Jésus-Christ à Florence. Le Mar-
tyrologe romain n'en dit pas davantage sur
eux. L'Eglise fait sa mémoire le 19 avril.
CRESCENT (saint), martyr. Voy., pour plus
de détails, saint Valéuien.
CRESCENT (saint), martyr, mourut pour la
foi à Tomes, dans la province du Pont. Il eut
pour compagnons de son martyre les saints
Prisque et Evagre. L'Eglise fait leur sainte
fête le 1" octobre.
CRESCENT, philosophe cynique, vivait du
temps d'Anlonin et de Marc-Aurèle. Ce fut
lui qui excita ce dernier empereur à persé-
cuter les chrétiens. 11 se rendit fameux par
ses débauches et par sa haine calomniatrice
contre les disciples du vrai Dieu. Saint Jus-
tin ayant élevé une chaire publique de chris-
tianisme dans Rome, battit complètement ce
philosophe dans la discussion. Ce fut contre
Crescent que saint Justin écrivit sa dernière
apologie. Crescent pour s'en venger, et inca-
pab e de répondre, dénonça le saint et fut
cause de sa mort. {Voy. Justin.)
CRESCENTIEN (saint), l'un des compa-
gnons du saint martyr Cyriaque, diacie de
l'Eglise romaine, mourut en 303, à Rome,
sur la voie Salaria, où il fut enterré. Ils fu-
rent vingt-six dans le même jour mis à
mort au même endroit. L'Eglise célèbre leur
fête collective le jour de leur translation, qui
eut lieu le 8 août. {Voy. Cyriaque. Voy. aussi
l'abbé Grandidier, Hist. de VEglise de Stras-
bourg.)
CRESCENTIEN (saint), martyr, était un
soldat lomain. Il souffrit le martyre à Citta
di Castello, en Ombrie, durant la persécu-
tion de l'empereur Dioclétien. On manque
de détails sur les circonstances de son mar-
tyre. L'Eglise fait sa mémoire le l'^' juin.
CRESCENTIEN (saint), martyr, s'était con-
verti à la foi chrétienne, au même temps
que les saints Ariston, Eustychien, Urbain,
Vital et Juste. Ils y avaientété déterminés par
saint Tranquillin, leur ami commun. Ce fut
à saint Sébastien qu'ils durent surtout leur
conversion, puisque ce saint officier du pa-
lais de l'empereur Dioclétien fut l'instru-
ment principal de la conversion de Tran-
quillin. Ils furent baptisés par le prêtre
saint Polycarpe. S'étant retirés en Campanie
dans les terres de saint Chromace, qui pour
s'adonner à la pratique des vertus chrétien-
nes avait quitté sa charge de préfet de Rome,
ils furent martyrisés avec saint Félix, saint
Félicissime, sainte Marcie, mère de ces deux
saints et sainte Symphorose. L'Eglise fait la
fête de saint Crescentien, avec celle dQ
m
CRI
CRI
724
tousses compagnons le â juillet. [Vorj. Sié-
BASTIÉN.)
CRESCENTIEN (saintj. reçut la palmp du
niartyri^ à Augsbouri^, avec les saint- Oui-
ria([ue, Lnrgion, Nin^^e, Julienne el vingt au-
tres que nous ne connaissons |.as. Le mCMue
jour et dans la même ville, sainte Hilario,
mère de sainte Afre, martyre, qui veillait au
tombeau de sa fille, fut pour la foi de Jésus-
Christ brûlée au même lien par les persécu-
teurs avec Digne, Eu Tépie et Eunomie ses
servantes. L'Eglise honore collectivement
leur sainte et immortelle mémoire le 12
août.
CRESCENTtEN («aint), mourut en Afrique
en l'honneur de sa foi, et pour la défense de
la religion chrétienne. Il eut pour compa-
gnons de son raiart} i'e les saints \ ictor, Ro-
sule el Général. Du reste, nous manquons
de détails sur l'époque précise et les ditfé-
rontes circonstances de leur martyre. L'Eglise
fait collectivement leur fête le H sep-
tembre.
CRESCENTIEN (saint), reçut la couronne
du martyre à Rome avec saint Narcisse. On
ignore la date et les circonstances de leur
martyre. L'Eglise fait leur fête le 17 sep-
tembre.
CRESCENTIEN (saint), martyr, reçut la
couronne du martyre à Torre ei Sardaigne.
Les détails manquent sur lui. On ignore la
date et les circonstances do son martyre.
L'Eglise célèbre son immortelle mémoire le
31 mai.
CRESCENTIEN (saint), martyr, cuoillit la
couronne du martyre à Rome. On ignore la
date et les circonstances de son martyre. Il
est parlé de lui dans les Actes du marty-re
du j>ape sainlMarcel. L'Eglise fait samé ..oirc
le 2-'i- novembre.
CRESCENTEN (saint),- martyr, mourut en
confessant sa foi. (PoUrplus de détails, Vuy.
l'article Valérien.)
CRKSCENTIENNË (sainte), martyre, rem-
porta la couronne du m .rtyre à Rome. La
date et les circonstances de ses combats sont
inconnues. L'Eglise fait sa fête le 5 mai.
CRESCONE (saintj, martyr, donna sa vie
pour la défense de la religion. (Pour plus de
détails, Voy Valérien.)
CRETEIL, est un [letit village situé dans
le dé|)artement de la Seine, h 11 kilomètres
de Paris. Il est célèbre par le martyre de saint
Agoa.d et de saint Agiiliert, (jui ari'i-a vers
l'an /*00 de J.-C. Ces deux saints, originai-
res d(;s l)ords du Rhin, étaient venus prêcher
dans les (ïaules. Un joui' que, rem;ilis d'un
saint zèle, ils renversèrent un teiiiph; d'id<j-
les, ils furtiiil égorgés ainsi qu'une Irnujxule
chrétiens [)ar les ordres d'un barbare gouvei-
neurqui ét.iil i)aien. Leurs reliques sont con-
servées dans deux châsses pré.:ieuses placées
dans une église qui a été bûlie sur leur
toiiiljeau.
CRIMINAL (le bierdieureui Antoine),
soudril U< juori pour son troupeau et mourut
Ticluijo de la diarilé chrétienne en 15V!),
Rreiijjer martyr de la compagnie de Jé.sus.
''lif (le ijisi, prèi l'arwe, il fut reçu h Rome
par saint Ignace au nombre de ses disciples*
De Rome, il passa en Portugal, et de Ih aux
In les. Il y fut nommé par saint François
Xavier suniTieur de la mission de la Pêche-
rie, fl visitait chaque mos et jjresijue tou-
jours |»ie(ls nus toute l'étendue de la côte. Au
nor i-est du pays des Paravas, les Portugais
avaie .t un fort gardé par ipiaranle soldats.
Ce fort se nommait Punical. A deux lieues
de Ih, se trcHivait une pagode fameuse, dont
les brames avaient été souvent l'objet des
moqueries et quelquefois des violences des
Portugais. Ceux-ci pour se venger armèrent
contre les Portugais les Badages, peuple qui
obéissait au roi de Narsinga. Ils s'assern-
blèrenl six mille hommes déerminés, et
marchèrent contre le fort de Punical, qui
était démantelé et presiiue dépourvu de dé-
fenseurs. Les Portugais qui savaient bien que
les Paravas, peui-le faible et timide, ne leur
seraient d'aucun secours, prire t le parti ce
quitter la ville et de se retirer sur les vais-
seaux qui étaient à l'ancre pies de la côte.
Les Badages, l'ayant appris, forcèrent la
marche pour leur couper la retraite. Les Pa-
ravas, délaissés ainsi, fuyaient de toutes
parts. Beaucoup se jetèrent à la mer, pour
gagner h la nage les vaisseaux portugais. Le
spectacle de ceux qui restaient sur le rivage,
était déchirant à voir. Les mères, avec leurs
enfants sur les bras, poussa ent des cris la-
mentables. Le P. Criminal faisait en ce lieu
sa visite mensuere ; il fit tout son possible
pour engager l'oiïicier [)ortugais h faire
quelque concession aux Badages; mais ce-
lui-ci ne le voulut pas. Alors le Saint re-
ligieux re int à terre (Il était allé aux vais-
seaux trouver loilicier) , pour s'interposer
entre son t oupeau et lennemi. Il se rend à
l'éolise où il ava t oillcié le matin, et offre à
Dieu sa vie. Aussitôt (pj'il a |)rié il retourne
au rivage fait entrer le [)lus de Paravas qu"il
le peut dans les barques et refuse d'y entrer
lui-mèm , il met à sa i)lace un de ses chers
indigènes. L'ennemi, furieux, arrivait comme
les derniers Portuga s se retiraient et lit
pleuvoa- sur eux une grêle de projectiles ;
six sont tués. Criminal va d'roit aux Badages,
pour s'offrir conime une victime qui apaise
leur fureur; son interprète est tué à côté de
lui. Il se met à genoux les mains et les yeux
aux ciel. D(mix troupes de Badages j)assent
el ne lui font aucu.i mal. La troisième, près--
que toute (:oin|)osé(! de mahométans, ai'iive,
qt hii h (iiinie lui enfonce une javeline dans
le liane gaui;he. Les intestins sont })eifurés.
D'auties, le croyant mort, arrivent pour lui
enlever sa soutane; il s'empresse de la leur
donner ainsi que sa chemise qui était teinte
de sang. Il se lève el va vers l'église ,
désirant mourir au pied du saint autel. Les
Badiges, croyant qu'il y va cliercluT un
abri, se mettent à sa poursuiti;. Alors il
s'arrête, et tournant vers eux un vi.sage i)leiii
d'allégress(!, il reçoit un second coup. Il se
met à genoux et une troisième blessure lo
fut tomber sur le côté. Les l)arl)ares se jet-
tent sur lui et lui linnchent la tôle en jiro-
féranl d'horribles cris de joie, el s'eu iout.
Ï23
cHd
CRI
726
ainsi que do la chomisn ensanglantée, un
tropliéc, qu'ils siispondircnl dans la pagode
<le Triciiaiidur. Après leur départ les Païa-
vas couvrirent le corps du Uiarlyr avec du
sable. Depuis, les Portugais iVîiiterrèrent
eonvenahletnent, mais en le meilanl si j)ro-
fondément eu terre, que depuis on n'a pu le
ret.y)uver.
<"!IUSP1N (saint), mart.yr, répatulitson sang
pour la foi à Thagore, en Afiique, avec Ks
saints Jules, Potamie, Félix, (irat et sept
autres que nous ne connaissons pas. Nous
Ignorons également les circonstances de
leurs combats. L'Eglise faii leur fête le 5
décembre.
CRISPIN (saint) , martyr, était évoque à
Ecija. 11 fut décapité à cause de son attache-
ment à la foi du Christ. L'Eglise fait sa mé-
moire le 19 novembre.
CUISPIN (saint), martyr, mourut nour la
foi en Afrique, avec les saints Clauue, Ma-
ginc, Jean et Etienne. On ignore les circons-
tances de leur martyre. L'Eglise fait leur
fête le 3 décembre.
CRISPIN (saint), évêque et confesseur,
soulfrit des toi-tures enl'hoineur delà foi de
3 .'sus-Christ, dans la vdl' de Pavie. Les dé-
tails nous manquent. L'Eglise célèbre sa
sainte mémoire le 7 janvier.
CRISPIN, était gouverneur de la province
Viennoise. Il fit mourir saint Julien, vers
l'aiinée 431.
CRISPINE (saintej, fut, martyrisée pour la
foi évangélique en l'an de Jésus-Christ 304,
sous le règne et durant la persécution de
Bioclétien, à Thébaste, v.ile d'Afrique. L'E-
glise fait sa fête le 5 décembre. Nous citons
èniièrement ses Actes authenticiues, d'après
Ruinart.
Le proconsul Anulin étant assis sur son
tribunal, dans la chambre de l'interrogatoire,
le grelFier lui dit : Seigneur, on entendra
maintenant, si vous voulez, Crispine, qui a
méprisé les ordonnances des empereurs nos
seigneurs. Le proconsul dit : Qu'on l'cunène.
Crispine étant entrée, le proconsul lui dit :
Vous savez quel est le nouvel édit. Crispine
répondit : Je ne sais quel est cet édit. Le pro-
consul Anulin reprit : Il porte que vous sa-
crifiiez à tous les dieux pour le salut des
empereurs nos maîtres, les pieux Dioclétien,
Maximien et Constantius César. Crispine ré-
pondit : Je n'ai jamais sacrifié , et je ne sa-
crifie qu,'à lin, seul Dieu et à son fils Jésus-
Christ notre Seigneur, qui est né et qui a
^ouffert pour nous. Le proconsul dit : Défai-
tes-vous de, votre superstition et soumettez-
vous au culte de nos dieux. Crispine répon-
dit : j'adore tous les jours mon Dieu , qui
est le seul que je connaisse. Le proconsul
dit : Vous êtes opiniâtre et méprisante et
vous subirez , malgré vous , du moins une
partie de l'édit. Crispine répliipia : Je sou-
tiendrai volontiers , pour l'honneur de ma
foi, tout ce que vous ordonnerez de me faire
souffrir. An\iiin dit : Etes-vous encore si in-
sev^sée que vous ne vouliez pas abandonner
cette illusion pour adorer nos dieux? Cris-
pine redit encore ; J'adore tous les jours un
seul Dieu et je n'en connais point d'autre,
Anulin dit : Je vous présente l'édit sacré,
c'est h vous à l'observer. (>risnine répondit :
J'observe la loi de Jésus-Clirist mon Sei-
gneur et mon Dieu. Le proconsul dit : Si
vous ne vous rendez de bonni; grAci; h l'or-
dre de nos empereurs, on vous le fera faire
de force et vous en pourriez perdre la vie :
vous savez bien comme on en a usé dans
toute l'Afrique. Crispine répondit : Que les
empereurs meurent plutôt que de me faire
sacrifier aux démons ; mais je sacrifie au Dieu
qui a fait le ciel et la terre et tout ce qui y
est contenu. Vous n'acceptez donc pas ces
dieux, dit lepr(»consul, pour lesijuelsil vous
faut contraindre d'avoir la dévolitm que vous
leur deve'. Crispine répondit : OiJ ii y a de
la contrainte il n'y a [wint de dévotion.
Anulin lit : Eh bien I ayez-la volontaire-
ment, et venez oifrir librement d- l'encens
dans nos temples. Crispine répondit : Je ne
l'ai point fait depuis que je suis au mo-^de,
et je ne le ferai de ma vie. Le proco-^sul dit :
Faiies le si vous voulez éviter la rigueu;' dos
lois. Cris^ ine répondit : Cela n'est rien, je ne
vous crains pas ; mais si je méprisais le Dieu
du ciel, je serais alors vraiment sacrilé^i;»", et
il me perdrait au grand jour d::; son juge-
ment. Le proconsul d;t : Vous no sauriez
être sacrilège en obéissant à nos lois sacrées.
CriSpine répondit : Voulez-vous que je sois
sacrilège envers mon Dieu, de peur de l'étrb
envei's vos empereurs? A Dieu ne plaise :
mon Dieu est seul grand et tout-jmissant;
c'est lui qui a fait la terre et tout ce qu'elle
produit; mais les hommes qu'il a créés lui-
même, que peuvent-ils faire? Le [)rocon>ul
dit: Suivez la religion romaine comme nous
et comme nos invincibles empereurs mômes.
Crispine répondit : Je ne co;mais qu'un
Dieu, qui est le seul véritable; car, poui- ces
dieux que vous voulez me fare adorer, ce
ne sont que des pierres taillées de la main
des hommes. Anulin : Ces blasphèmes que
vous (.roférez avec si peu de retenue ne ren-
dront pas voire cause meilleure. Puis, se
retournant \ers son greffier : Qu'on la rase,
ajouta-t-il, qu'on lui arrache ensuite la peau
de la tète, et qu'en cet état elle soit produite
devant le peuple comme un objet d'horreur.
Crispine répondit : Que vos dieux me disent
seulement une parole , et je suis prête à
croire tout ce que vous voudrez : sachez, au
reste, que si je ne cherchais le salut éternel,
je ne me serais pas laissé conduire ainsi à
votre tribunal pour y être int'^rrogée. Anu-
lin dit : Je vous donne encore le choix, ou
de vivre heureuse, ou de mourir dans les
tourments comme vos compagnes , Maxime,
Donatile et Seconde. Crispine répondit : Ce
serait pour lurs que je choisirais la mort et
que je me précipiterais volontairement dans
un feu éternel si j'adorais vos démons. Anu-
lin dit : Tu les adoreras ou je te ferai ti-an-
cher la tête. Crispine répondit : Que d'ac-
tions de grâces je rendrais à mon Dieu si
j'obtenais de vous cette faveur! Je ne sau-
rais perdre la tête qu'une fois; mais si j'of-
frais de i 'encens aux idoles... Anulin l'inlei^
727
CRO
eue
72?
rompit : Eh bien ! tu persistes toujours dans
ton fol entêtement. Crispine répondit : Le
Dieu que j'adore est véritablement Dieu et il
l'a toujours été. C'est lui qui, après m'avoir
fait n litre , m'a encore régénérée dans les
eaux du saint baptême. Il est avec moi et il
empêche que mon âme fasse ce que vous
voulez, qu'elle commette un sacrilège.
Anulin dit : C'est trop longtemps souffrir
cette impie. Qu'on fasse la lecture de son
nterrogatoire. Ce qui ayant été exécuté, il
prononça cette sentence : «Crispine, persé-
vérant dans sa superstition, et refusant de
sacritier aux dieux , sera mise à mort , con-
formément àl'édit des empereurs. » Crispine
rendit grâces à Jésus-Christ de ce qu'il la
délivrait ainsi des mains et de la puissance
du [)roconsul. Elle souffrit à Thébaste {ville
de Numidie) le jour des nones de décembre.
CRISPULE (saint), martyr, mourut pour la
foi en Espagne. On n'a pas de détails sur son
martyre. Il eut pour compagnon de ses souf-
frances saint Restitut. L'Eglise fait leur mé-
moire le lOjuin.
CKISPUS (saint), martyr, souffrit pour la
foi à Corinthe avec saint Caïus. Saint Paul
parle de ces saints dans son Epitre aux Co-
rinthiens. On n'a pas de détails authentiques
sur eux. On ignore même la date de leur
martyre. L'Eglise célèbre leur mémoire le 4
octobre.
CRISTOPHLE (saint), martyr, eut le bon-
heur de donner sa vie pour la foi sous l'em-
pire de Dèce, mais on ne sait rien d'absolu-
ment certain sur son compte. Les Grecs, qui
l'ont en grande vénération, disent qu'il était
disciple de saint Babylas d'Antioche, et qu'il
avait été baptisé par lui. Ils font sa fête le 9
mai.
CROC , uncus (crochet) , était un instru-
ment de sup[)lice fréquemment employé par
les bourreaux de la primitive Eglise , pour
déchirer le corps des martyrs. Il avait une
seule pointe fort aiguë et récourbée, comme
son nom l'indique. On s'en servait pour la-
bourer les chairs et faire de profondes dé-
chirures. Les bourreaux l'employaient dans
les mêmes cas que le peigne de fer et que
les on.^les de fer. Le plus ordinairement on
s'en servait pour déchirer les flancs, les pa-
rois de la poitrine, du ventre, les seins chez
les fi'mioes. Les blessures que faisait cet
instrument étaient terribles. Le bourreau
seul, par sa force et sa volonté, en détermi-
nait l'étendue. Très-souvent il arrivait que
le croc s'engfigeail sous des parties nerveu-
ses , lei:din.-uses ou aponévroti(iues. Alors
la douleur devait être immense, la r.'sistaace
des parties néc^'ssitant de la [«art du bom--
rcan une Iraclioi vraiment énorme! j)Our(pie
la déchirure eût lieu. Onand un martyr avait
été d'chiré [)ar les bourreaux h l'aidt; du
croc, on le renvoyait en jjrison pour recom-
mencer (piel<jues jours après. Alors l'Iioni-
ble instrument rouvrait les plaies à (hsmi
fermées. Pour bien se faire uik; idée de la
sowUnuicefpje devaient endurer 1(!S martyrs,
il faut song'T h l'i^xlrême sensibilité de la
peau que cet instrument déchirait, et à co
qu'on éprouve quand on s'y fait la moindre
déchirure. Souvent il arrive qu'on n'ose pas
retirer soi-même un faible instrument en-
foncé dans les chairs. Souvent des hommes
forts , courageux , vont trouver le médecin
pour faire extraire un simple hameçon. Les
femmes qui font des broderies au" crochet
s'enfoncent-elles cet instrument dans le doiu,t,
dans la main, elles ont recours à l'homme de
l'art, et trouvent atroce la douleur occasion-
née par l'extraction qu'il faut ()ratiquer.
CROIX (Supplice de la). Tout le monde
sait ce qu'est cet instrument de supplice,
élevé à un si haut point de gloire pour avoir
été l'instrument de la mort du Dieu fait
homme. Les Juifs clouaient le patient sur la
croix; les Romains l'y attachaient, et, en
cela, étaient imités par la plupart des autres
peuples. Au Japon, on liait les martyrs à terre
sur leurs croix , puis on les élevait en l'air.
A un signal donné , les bourreaux leur don-
naient le coup mortel avec des lances dont
ils étaient armés. On prétend que, dans cer-
tains pays, les croix avaient des formes par-
ticulières, comme, par exemple , la croix de
Saint-André , que tout le monde connaît.
Quand un martyr était cloué sur la croix, il
y pouvait vivre très-longtemps. C'était alors
un horrible supplice. Parfois le patient était
cloué ou attaché sur la croix la tête en bas.
On sait que , chez presque tous les peuples
de l'antiquité , le supplice de la croix était
réputé infamant. Infamant ! que l'homme est
pitoyable avec ses dispositions légales 1 L'in-
famie s'attache au crime et non à la peine.
Aujourd'hui la croix est le phare de la civi-
lisation, le signe du salut, l'élendard de la
foi chrétienne. Placée entre la terre et le
ciel , elle est comme le trait d'union entre
l'homme et son Dieu.
CRONIDAS (saint) , martyr, était grefûer.
Ayant confessé Jésus-Christ, il fut mis à mort
avec saint Philet , sénateur, sainte Lydie, sa
femme, et leurs enfants Macédo et Théopré-
pide, saint Amphiloque, chef de milice. L'E-
glise honore la mémoire de ces illustres mar-
tyrs le 27 mars.
" CROTATE (saint) , martyr, répandit son
sang pour la foi sous l'empereur Diocléfien,
avec les saints Apollon et Isace. Le Marty-
rologe romain ne dit point en quel lieu ni
dans quelles circonstances. L'Eglise honore
leur mémoire le 21 avril.
CUCUFAT (saint), martyr, habitiit à Scil-
lite , ville d'Afrique , avec ses parents, qui
étaient des plus riches du pays. Il quitta
cette ville pour se soustraire aux elfels de la
persécution de Diocléfien. D'abord il se ren-
dit en Mauritanie , puis en Espagne avec
saint Félix. On l'arrêta dès son arrivée à
Rar(;(!lone, et le gouverneur DacicMi , devant
lequel on le conduisit, lui ayant fait uiulile-
mont endurer plusieurs supplices , le con-
damna h avoir la lêle tranchéo , ce qui fut
exécuté en l'année Mi.
Les moines de Samt-Deins , près Pans,
prétendent avoir les reli(iues de saint Cucu-
fat ; les Espagnols prétendent les avoir aussi.
Sai'nl Cucufat est api)elé Congal à Barcelou©»
729
CUT
C\P
73d
Quienqucnfat h Ruoil , près Paris , Guinefort
dans certains antres lieux en France. La fôtu
(le ce saint est marquée au 25 juillet dans lo
Martyrologe romain
CUCUSE , ville d'Afrique, est célèbre par
le marlyn; d'un grand nombre de chrétiens
sous le règne de Hunéric , vers l'année VSV,
et entre autres par celui de saint(^ Victoire.
On la suspendit en l'air el on alluma un feu
ardent au-dessous de son corps. Les bour-
reaux lui dislo(iuèrenl les os , lui brisèrent
les éj)aules et la laissèrent pour uiorte. Elle
revint h elle-même et assura qu'une sainte
lui étant apparue, elle l'avait guérie en tou-
chant les différentes parties de son corps.
CUNHA (d.v), naquit à la cour de Portugal
et entra au noviciat de Lisbonne chez les *
Jésuites , le 25 mars 172G. Depuis long-
temps, il sollicitait la faveur d'aller porter la
lumu^M-e de l'Evangile en Orient. Le 10 mars
1736, il partit de Macao pour le Tonquin,
avec les PP. Jean Gaspard Cratz, allemand,
Barthi'Iemy Alvare^ Chrisiophe deSampayo
et Emmanuel Carvalho, Portugais. Lu 12
avril 1736, quatre d'entre eux turent pris à
Batxa avec les catéchistes tonquinois, Marc
et Vincent : c'étaient les PP. Cratz, Barthé-
lémy Alvarez, Emmanuel d'Abreu et Vincent
da Cunha. Le P. Sampayo avait été arrêté
parla maladie à Lo-Feou et le P. Carvalho
était resté pour l'y soigner, de sorte que
tous deux ne pénétrèrent que plus tard dans
le royaume où les autres saints allaient con-
quérir la palme du martyre. On peut voir, à
l'article Alvarez, le détail d^^s souffrances et
de la mort de nos quatre saints missionnai-
res, cpii furent décapités le 12 juin 1737. Le
P. da Cunha no fut décapité (ju'au troisième
coup. Le catéchiste Vincent, pris avec eux,
était mort saintement en prison le 30 juin
1736 ; l'autre catéchiste, nommé Marc, fut
exilé.
CUïHBERT-MaINE (le bienheureux;,
prêtre de Cornouailles,fut le premier parmi
les missionnaires martyrs , sous la reine
Elisabeth d'Angleterre, fille de Henri VIIL
{Voy. l'article de cette reine.) Elle avait,
comme on le sait, porté des lois qui dé-
fendaient à un prêtre catholique de dire la
messe dans son royaume, qui ordonnaient à
tous ses sujets de reconnaître sa suprématie
et son infaillibilité tn matière religieuse, et
d'avoir aucun rapport avec le souverain pon-
tife. Nous bornons là nôtre énumération,
parce que le saint duquel nous racontons le
martyre, ne fut accusé d'avoir contrevenu
qu'à ces trois dispositions légales. On le
déféra aux tribunaux institués par la reine,
sous la triple accusation d'avoir : 1° obtenu
une bulle du pape ; 2° refusé de reconnaître
la suprématie de la reine en matière ecclé-
siastique ; 3° d'avoir dit la messe chez un
seigneur nommé Triguian. Le saint prêtre
fut condamné à mort et reçut le 29 novem-
bre 1577, la couronne du martyre, en subis-
sant le supplice des traîtres. Tréguian fut
mis en prison et y mourut après avoir vu
confisquer tous ses biens.
CUTÏAS (saint), fds de saint Claude et de
sainte Prépédigne, eut la gloire do verser
son sang pour la cause de Jésus-Christ, du-
rant l'horrible persécution (pie la rage de
l'empereur Dio(;létien avait déchaînée con-
tre rEglis(! du Seigneur. 11 fut arrêté par or-
dre ex|)rèsdu tyran avec son père, sa mère,
son frère Alexandre et son oncle Maxime.
Comme ils appartenaient à une famille extrê-
mement illustre par sa richesse et par l'é-
clat d(ï sa naissance, Dioclétien ne montra
pas d'abord contre eux une excessive ri-
gueur. 11 se borna à les condamner à l'exil.
Ma s bientôt son caractère féroce prenant le
dessus, il commanda qu'on les fit périr
au milieu des flammes. Ce fut à Oslie que
cette sentence fut exécutée. La famille en-
tière périt sur le bûcher, ofl'ranl à Dieu le
sacrifice de sa vie avec un courage que la
foi seule peut donner. Les païens, qui n&
voulaient pas permettre que les chrétiens
rendissent les derniers devoirs aux reliqueS'
des saints, jetèrent dans le Tibre tout ce que
les flammes avait épargné des corps de nos
saints. Cependant les chrétiens purent en
retrouver la majeure partie, qu'ils enterrè-
rent auprès de la ville d'Ostie, avec les hon-
neurs et la vénération dont étaient dignes
ces glorieux défenseurs de la foi. Le Marty-
rologe romain inscrit leur fête le 28 fé-
vrier.
CYPRIEN (saint), évêque do Carthage et
martyr, naquit à Carthage. Prudence dit
qu'il mourut dans le lieu de sa naissance ;
Suidas félicite Carthage d'avoir été son ber-
ceau. Il se nommait aussi Tascius. Il ajouta
à ces dnux noms celui de Cécile, en mémoire
du prêtre Cécile qui l'avait converti. Saint
Grégoire de Nazianze dit que sa famille
était une des plus illustres de Carthage, et
que lui-même était sénateur. Baronius pré-
tend, mais sans pr<^uves suffisantes, qu'il fut
marié et qu'il eut des enfants. Saint Cyprien
avait une profonde érudition, jointe à une
grande intelligence, nette et précise. Il devint
tellement éminent comme orateur, qu'il fut
choisi pour professer la rhétorique à Car-
thage. Il le fit avec infiniment d'éclat et ac-
quit une très-grande réputation. Avant sa con-
version, il avait acquis une science profonde
des choses profanes. Au point de vue humain
seulement, il était un des hommes les plus
éminents de son époque. Il fut parmi les
chrétiens ce qu'il était avant d'avoir le bon-
heur de l'être lui-même, un des hommes les
plus remarquables de son siècle. Quand la
grande lumière de l'Eglise, Origène, s'étei-
gnait en Asie, dans les splendeurs de sa
gloire, une autre se montrait au rivage afri-
cain, capable, sinon de la faire oubli'T, du
moins de la remplacer parmi les chrétiens.
Avant sa conversion, sa vie fut ce qu'était la
vie des païens de cette époque et ae ce pays
surtout, où. la richesse, la naissance et le sa-
voir ne convergeaient que vers un seul but, la
jouissance et la volupté. Saint Augustin dit
que la vie de sain-t Cyprien était criminelle,
impie et détestable. L'instrument de sa con-
version fut un saint orêtre, un vieillard
731 CYP
nommé Cécile, dont l'Eglise fait la fête le 3
jui'i.
S;iint Cypi'ion reçut le bnnfôme dans un
Age où les mauvaises habitudes sont enra-
ciné(^s dans lûrne. où elles ont vieilli avec
elle. li est probable (|ue ce fut en *2iG. Bien
peu de temps s'écoula avant que son mérite
l'eût fait distinguer. 11 fut fait évêque en
2'i.8. Il se voua là la chasteté ; il voidut ôtre
pauvre, car il vendit tous ses b'ens pour en
donner le pi ix aux pauvres. II avait aujtrcs
de Carllnge des j.irdi'is, ({u'il vendit comme
tout le reste; mais Dieu les lui rendit plus
tard et il les gaixla. On ne comprend pas, dit
Ti leiiiont, comment cela se tit. Ilien pour-
tant de plus simple. Cyprieu avait vendu ses
jardins, il était devenu pauvre : dos admi-
rateurs de sa vertu, des Ames pieuses, les
racheté eut et les lui rendirent, ce qui le
mit dans l'obligation de les garder. Voilà
une supposition qu'il est (out simple de
faire. II devint très-savant dans les Écritu-
res. Il garda dans sa mnison le prêtre Cécile
qui rivait c.mverti, jusqu'il ce ([ue la mort
vint fiapper le saint vieillard. A ce dernier
moment, le père S|urituel de Gyprien fit son
testament et il n'oublia pas ce (ils que Dieu
lui avait donné. Il le nomma son légdaire.
Tout son bien se composait de sa femme et
de ses enfants qu'il chargeait Cyprien de
garder, d'honorer, d'aimer, de nourrir et
d'ébver. Le legs fut accepté.
il prit TertuUien pour modèle, lisant sans
cesse ses ('-crits. Quand il le demandait, il
avait coutume de dire : « Donnez-moi le
Maître. » Il choisit les diamants semés dans
ses œuvres, il rejeta les impuretés qui les
dé[)araient. Gomme celui qui vanne, il sé-
paia le gi-ain de l'ivraie. Dans Terlullicn la
récolte éiait un trésor iuunense, il se ïa[)-
propria.
Quand il fut promu h l'épisropat. le peu-
phj, qui le voulait pour évéque, allait procé-
der aux élections. Il se caclia dans sa mai-
son, de laquelle on fut i)resque obligé di3 le
tirer par fon-e pour le conduire à l'assem-
blée, que présidaient les évoques de la pro-
vince. Son arrivée fut accuriilie avec des
transports de joie. 11 y eut prescjue unmi-
mité dans les suifrages. Gin*} prêtres seule-
ment s'opposèrent avec acharnement h son
élection. Il les tint dcîpuis au noml)re de ses
familiers; l.i est la générosité, la grandeur
d'Ame. Mais qu md 'l'illemont le lou(; de ne
les avoir pas [)unis connue ils le méritaient,
dit-il, il se fourvoie; car, après tout, ils
étaierit dans le droit strict , mèmc! en no
choisissant pas celui que sa vei-tii et (|ue la
v(nx du p(;uple désigii;ii(Mit comriKî hî |)I<rs
digne. Ces prêtres répondirent mal h la gé-
nérosité de Gy[)rien; plus lar-d, t'élicis-
sime en tête, ils d(!vinr(!nt schismati(|ues.
La dignité d'évêque de Garlhagc; faisait saint
Gy[)rieii primat de la petit(; AIritpm ou pro-
consulaiio dr; la |{y/a(;ene, d;; la Tripolitairic,
de la iNuruidie, des derr^ Mauiilanies, la Cé-
saricMine cl la 'lingitane. IMiis tar'd une par-
tie (h; 1,1 Mauritani(! fut jointe; h rivsfiagne.
îj'iinl Cypriijii montra, dans l'exercice de
CYP
-32
ses fonctions épiscopales, la douceur et la
fermeté utiles [lour se faire à la fois aimer
et obéir. Son extérieur res()irait les qualités
de s m Ame et irrq)osait h la fois l'amour, la
vérrération et la crainte Hientôt la persécu-
tiorr vint mettre ses vertus à l'épreuve. Dèce
l)rit la pourpre en Pannonie; Philippe et son
iils fur'ent tués |)ar lui. 11 commença son rè-
gne en pei-sécutant violemment es chrétiens.
L'édit qu'il lança arriva à Carthage dès le
commencement de 250. Aussitôt les idolAtres
de celte ville se po.tèr-enl en foule sur la
place publique en criant : « Cyprien aux
bêtes ! Cyprien aux lions ! » On le bannit,
sous le nom de Cécilius Cyprianus, en lui
intimant l'oi'dre de ne rien cacher ni empor-
ter de ce qui lui appartenait. Les païens le
nommaient Coprien au lieu de Cyprien; par
haine pour lui, ils avaient ainsi travesti son
nom (celui qu'ils lui donnaient signifie, en
grec, ordur-e, excréments, fumier). Dans une
vision qu'il eu', la fuite lui fut ord nnée. Il
est certain que s'il fût resté, et que si, à
cette époque, les per'sécuteurs l'eussent fait
mourir, le sort de l'Eglise d'Afrique eût été
bien compromis. Peut-être en eût-ce été fait
du chr stianisme dans cette contrée. Le pro-
jet de Dèce, d'abattre l'Eglise en jetant à
ter're ses principales colonnes, eût là, du
moins, reçu son exécution. Qui eût relevé
les tombés ? Qui eût soutenu, maintenu la
discipline? Qui eût fait justice des héréti-
3ues cjui se moidrèrenl avec tant d'audace
ans ces temps malheureux? L'état de l'E-
glise d'Afrique absout compléiementCyprneii
du reproche qu'on lui a fait d'avoir fui du-
rant la persécution. Du reste, son courage
eut l'occasion de [)rouver qu'il ne r.^culait pas
devant le danger. Son sang vd se plus lard fut
sa réponse. Absent du milieu de son trou-
prîau, il ne l'abandorma pas d'esprit : il écri-
vait sans cesse aux tidèles, les exhortant, les
invitant A demeurer' fer-mes, à se retremper
dans la pricr-e. 11 écrivait aux confesseur'S qui
étaiinit en i)rison, il les faisait visiter par ses
jii'êtres, qui allaient célébr-er le saint sacri-
fice au mdieu d'eux, et leur donnaient cha-
que jour le pain ûqs forts.
Bientôt des malheur-s plus grands que la
persécution vinr^'Ut aftliger le cœur du saint
évoque. On sait que malheureusement, dans
cette ))ersé(ution, beaucoup di^ chr'éliens eu-
rent la fiililesse de r-eiioneer leur foi. La plu-
part du tirups, ces inalh nneux, A (pii le cou-
rage avait maïKpié, éiaient, aussitôt le crime
comrrris, pr-is de repentir-. Ils dé.^iraient ren-
trer- dans le sein d(* l'Eglise. Si ce désir était
naturel et louable, il ne l'était ()as moins que
l'Kglise maintînt A leur égard rure juste sé-
vérité, dans le double inlé et de la disci-
pline et de l'avantage spirituel des coupables
eux-mêmes. Tout cr ime veut irne pérùtinice.
Or il ar-r iva, dans l'Eglise d'AIViipie, (pie les
confesseurs, ou ilu moins (pielipies-uns, fi-
HMii un dé[)lor-al)le abus de la latitude (pie
ri\-,lise bnir avait laissée d'inlercéder près
d'elle en faveur- des tombés, A rpii ilsremel-
tai(!nl des billets d'indul^eiK-e. Munis do cc^
billets, les lomnés devaient se présenter A
rôz
CYP
t\P
'734
ri^V(\(iio en prosoMce des fitlMos, faire l'oxn-
moIOj^èso, et ôtre admis à la coinniuiiio-i.
C'élait Q'io sorte de compe-isalion qui s'rta-
l)li.s.sail. La |)ri(>i'e d'un cunl'esseur, dont lo
coinbal était un trésor ih\ grAee, couvrait la
iaule du uiaHu'ureux qui avait alijuré. On
conçoit (jue les choses pussent se passer
ainsi par exception. L'Eglise l'avait admis
par sa pratique, (kda se faisait du tetnjis do
Tertullien, en Egypte, sous saint Denis d'A-
lexandrie, îi Sniyrne en Asie. On sait qiu.' les
tombés vinrent imploi-er le secours de s dut
Pione dans sa prison. Saint Cyprici se |)lai-
^nit, non pas de ce que les conlesscurs se
lissent les intercesseurs de ceux cpii étaient
ioml)és, mais de ci; qu'ils donnassent de ces
billets d'indulgence h profusion, et sans au-
cune espèce de discernement. Le principal
auteur de ce désordre était un confesseur
nommé Lucien, honnne d'une grande foi,
U)ais peu instuit; d'un courage invincible,
mais d'une faiblesse ou d'une présom;it on
tout aussi grande. 11 donnait de ces billets à
tout le monde indistincteajent, il en donnait
en son nom, au nom du saint martyr Paul,
de qui il disait en avoir reçu l'ordre ; il e;i
écrivait au nom du jeune Àurèic, sous pré-
texte que ce jeune homme ne savait pas
écrire. 11 était loin, sous ce rapport, de la
sage rés/rve de Saturnin et de AJappalique.
Quant aux tombés eux-mêmes , ils deve-
naient d'une indiscrétion extrême, ils for-
çaient, pour ainsi dire, les bonnes disposi-
tions des martyrs et des confesseurs, par
leurs importuintés, et souvent par leurs su-
percheries. Certains prêtres exagéraient en-
core le scandale, en dépassant la recomman-
dation des confesseurs , qui prescrivaient
l'exomologèse. Ils admetaient, sans cette
formalité, .-ans en référer à l'évêque, les
tombés à l'église ; ils les recevaient à la
communion, et leur donnaient l'eucharistie.
Toute celte enduite était en oppositioti for-
melle avec les prescriptions de saint Cy-
prien, qui avait déclaré que ceux du clergé
qui agiraient ainsi seraient eux-mêmes frap-
jiés d'excommunication. Il est très-probable
que ces prêtres, dont saint Cyprien se plaint
en plusieurs endroits de ses écrits, étaient
les cinq qui s'étaient opposés à son élection,
comme cela semble indiqué du reste assez
clairement dans sa quarantième lettre. Ce
fui ent eux qui, comme nous le verrons lûien-
tôt, âe joignirent au schisme de Novat et de
Félicissime
Saint Cyprien supporta longtemps sans
sévir tous ces désordres ; il espérait que la
Yérité luirait d'elle-même à l'esprit des cou-
pables. 11 craignait le scandale et le trouble.
11 ne voulait pas surtout diviser son Eglise
au moment du combat. Mais sa tolérance
dut céder enfin devant des abus si flagrants,
des désordres et des scandales si monstrueu-
sement coupables. Dieu, du reste, l'aveiiit,
dans plusieurs visions, de la colère qu'il
éprouvait de voir le mal qui régnait dans son
Eghse. Saint Cyprien écrivit sur ce sujet
trois lettres, l'une aux martyrs et aux con-
fesseurs, la seconde au clergé, et la troisième
au peup'o. Ce sont les 10% 11' et i2'. H
exhorte fortement les martyrs à être très-
réservés dans la délivrance de ces bill(!ts. Il
leur dit d'examiner avec soin la qualité de
la personne, du crime, de la [)ér)ilence. 11
leur- recommand(î de n'en accorder qu'à ceux
dont la pénitence ap[)roclie d'une entière sa-
tisfaction. Sa lettre au clergé est extrême-
ment s. vère; il menace ceux qui sont tom-
bés dans les fautes que nous venons de si-
gnahn-, da les interdire, s'ils persistent dans
leur crime, leur déclarant que, du reste, ils
auront, à son lelour, à lui rendre compte do
leur conduite. Dms sa lettre au peuf)le, il
dit que l(!s tombés ne songeraient qu'à faire
pénitencii et ù s'humilier, s'ils n'étaient trom-
pés par la fausse douceur de quehpuîs prô-
t/-es. Il dit (|u'à son retour il examinera les
lettres des toadjés, d-ans une assemblée do
plusieurs évoques. Ce fut à celte époque que
la nouvelle de la retraite do saint Cy.irien
étant venui' à Rome, le clergé de celte ville
en fut scandalisé. Saint Cyiirien l'ayant su,
lui éciivil une lettre pour expliquer ses mo-
tifs, déclanml que, du reste, il n'avait pas
abrndonné le s )in de son diocèse. Cela n'em-
pêcha pas que le clergé de Rome n'écrivît à
celui de C;irthage une lettre qui fut appor-
tée par le diacre Clément, dans laquelle ceux
do liomeparlaienl à ceux de Carthage, comme
s'ils n'eussent plus eu d'évêque, les exhor-
tant à faire comme eux et à prendre eux-
mêmes soin de leur Eglise. Saint Cyprien en
fut p*'niblement aflecté; mais il attendit pa-
tiemment le temps de la ustice. Cette lettre
des Romains parle des tombés. Les règles
qu'elle pose sont très-sages. Ils disent que,
quoiqu'ils soient séparés de l'Eglise, ils ne
doivent point pour cela être aoandonnés,
mais exhortés à la pénitence, afin que Dieu,
leur faisant miséricorde, ils puissent, sils
sont pris de nouveau, avoir le courage du
martyre; que, s ils sont à l'article de la mort,
il faut les recevoir à la communion. Saint
Cyprien s'élève très-fort, dans sa lettre aux
confesseurs, contre la prétention de Lucien,
qui disait avoir reçu de saint Paul la per-
mission que nous avons dite. Il prétend, et
avec raison , qu'il exagère singulièrement
l'ordre du saint martyr. Les tombés n'en de-
vinrent pas plus modérés; ils semblaient
ignorer qu'ils fussent criminels; ils exi-
geaient, avec une violence étrange, la |)aix
que les martyrs leur avaient promise. Saint
Cyprien, pour modérer cette violence, et
pour se conformer aussi aux préceptes sages
contenus dans la lettre des Romains, écrivit
à son clergé qu'on eût à donner la paix aux
tombés qui tomberaient malades, après, tou-
tefois, qu'ils auraient fait Vexomologàe, et
qu'ils auraient reçu l'imposition des mains
pour la pénitence. Son clergé l'ayant consulté
plus tard, relativement à la conduite 5 tenir
en présence de l'iinportunité de certains tom
bés, il répondit que c'était une question qui
regardait toute l'Eglise, et qu'il fallait atten-
dre que la paix fût rétablie, pour qu'un con-
cile en décidât. Quelques temjts après, l'é-
vêque Caidoae lui ayant écrit, pour le con-
735
CYP
sulter, relativemen' à certains tombes, qui,
avant été repris, avaient courageusement
combattu pour la loi , saint Cyprien lui ré-
pondit qu'il partageait entièrement son opi-
nion , laquelle était qu'on ne pouvait s'em-
pêcher de les recevoir à la communion. La
lettre de Caldone et la réponse de saint Cy-
prien sont la 19' et la 20' parmi les lettres
du saint.
Après les lettres que saint Cyprien avait
écrites, les confesseurs auraient dû se mon-
trer modestes et soumis : il n'en fut rien ;
Lucien écrivit à saint Cyprien une lettre ex-
cessivement arrogante , dans laquelle il lui
disait : « Vous saurez que nous avons donné
la paix à tous ceux dont la conduite posté-
rieure aura été soumise à votre examen.
Nous voulons que vous en informiez vous-
même les autres évêques. Nous désirons que
vous soyez en bonne intelligence avec les
saints martyrs. » Cette lettre ne pouvait que
contribuer à rendre le saint évêque odieux,
sous prétexte de sévérité outrée. C'est ce qui
arriva; cette lettre, qui brisait la discipline,
qui foulait aux pieds la hiérarchie , donna
une ardeur toute nouvelle aux plaintes et
aux prétentions des tombés. Ils s'élevèrent
avec fureur contre saint Cyprien. Dans ce
moment même, il lui arriva un secours ines-
péré. Les confesseurs de Rome écrivirent à
ceux de Carthage une lettre exactement sem-
blable à celles que le saint évêque leur avait
lui-même écrites : mêmes conseils , mêmes
principes. Il écrivit aux confesseurs de Rome
et au clergé de cette ville pour les remercier
et les féliciter. Ce sont ses lettres 23' et 25°.
Ce fut peu de temps après que les prêtres de
Rome , qui avaient cessé de lui écrire , vi-
rent bien , après avoir reçu ses lettres , sur-
tout la 13' , qu'on ne leur avait pas dit la
vérité par rapport au plus grand évoque qui
fût dans la chrétienté. Ils lui écrivirent une
lettre, classée la 31' parmi celles du saint ,
lettre la plus humble , la plus sage , la plus
apostolique qui ait peut-être jamais été écrite
de Rome. Dans cette lettre, on convient de
tenir en suspens l'affaire des tombés, jusqu'à
ce qu'il y ait un pape élu , et qu'on puisse
assembler un concile. Ce fut la règle que,
conformément à l'avis de saint Cy|)rien, tous
les évêques d'Afrique adoptèrent. Après bien
d'autres circonstances que nous omettons,
saint Cyprien reçut la visite de saint Céle-
rin , confesseur de Rome , qui vint le voir
dans sa retraite de la part des confesseurs
de celle ville, lesquels, depuis près d'un an ,
se trouvai(;nt dans les iers. Le .saint évê(}ue
leur écrivit sa lettre 10'. Ce fut à cette épo-
qu(; (pi'ii ordonna Célerin lecteur, ainsi (jue
le jeune Aurèle , et qu'il éleva Numidique
au sacerdoce.
Au ijfjut d'! qu(ilquo tein(is, la paix ayant
commencé à être lauduc h l'Kglisc, beaucoup
des confesseurs qm étai(;iit (!ii [)iison furent
nlAcliés. Saint Cyprien l(!S lit s(!courir pour
qu'ils no rnancpiasscnl d(; rien ; il (vivoya, 'i
cet olfel, h Cartliagcî, les évê(jues Caldone cl
H<t(;ulan, qui leur distribuaient de sa part,
ainsi qu'aux [jauvres, toutes les choses qui
CYP 736
leur étaient nécessaires. A l'instant où le
saint évô(}uese pré|)arait h rentrer au milieu
de son trou|ieau, Félicissime, autre que le
saint confesseur du môme nom, homme con-
vaincu de fraude et de vol, et d'une conduite
fort mauvaise, au point de vue des mœurs,
se déclara ouvertement schismatique, en se
séparant de la communion de Cyprien. Il
commença à s'opposer à lui en empêchant,
autant qu'il fut en lui, l'accomplissement des
œuvres de charité, pour lesquelles Cyprien
avait envoyé à Carthage les évêques Caldone
et Herculan. Un nommé Augende se joignit
à lui. Saint Cyprien, instruit de ce qui se
passait, le sépara de sa communion par pro-
curation qu'il envoya à ses vicaires. Fort
peu de temps après, Novat, prêtre de Car-
thage, et quatre autres, probablement les
cinq qui s'étaient opposés à son élection, se
joignirent à Félicissime. Fortunat , qui fut
depuis évêque schismatique deCarthags, était
parmi eux. Ces prêtres schismatiques, pour
se faire un parti, appelèrent à eux les tom-
bés, disant qu'ils les recevraient à la com-
munion, que leur refusait i'évêque. Saint
Cyprien en écrivit à son peuple et aux tom-
bés eux-mêmes, les exhortant à repousser
cette douceur dangereuse, à rester du côté
où avec la pén tence et la sévérité se trou-
vaient aussi pour eux le salut et la volonté de
Dieu. Il annonçait dans cette lettre que cette
crise serait la hn de la persécution. Sa pré-
diction s'accomplit. Novat fit ordonner ou
ordonna Félicissime diacre. Il étnit digne
d'un homme comme Novat, voleur des biens
des pauvres, assassin de son père vieux et
inlirme, qu'il avait laissé mourir de faim
dans son village, de vouloir pour acolyte un
voleur scandaleux comme Félicissime. Peu
après, saint Cyprien revint à Carthage. H as-
sembla imméaialement un concile, pour ré-
gler l'affaire des tombés. Il y fui décidé que
les libellatiques qui avaient embrassé la pé-
nitence aussitôt après leur faute, seraient
admis à la communion; que les tombés vé-
ritables seraient traités plus sévèrement,
qu'on les tiendrait longtem[)s en pénitence ,
bien qu'on dût la proportionner ce|)en-
dant à la gravité de la faute de chacun ,
aux intentions et à toutes les circonstaices
qui peuvent aggraver ou atténuer; que l'on
aurait plus d'indulgence pour ce\ix qui n'é-
taient tombés qu'après avoir résiste long-
temf)s aux touriuents, et qui n'avaient pas
eu la forc(ï do soull'rir- sans mourir. Le con-
cile fulmina des nuMiaccs graves contre ceux
qui accorderaient tr'op facilement la paix aux
tombés. Une sentence particulière portait
(pie les évè(|ues et les prêtres tombés [)0ur-
raienl, comme les autres, être admis à la
|)éniteii(c, mais jamais réintégrés dans les
fonctions sacei'dotales. C'est ainsi (pie le con-
cile adopta une sévérité (pii piiMi>sait, jointe
h une indulgence (pii éloignait le désespoir
et le dé(;ouragem«Mit. Les décisions de ce
(•ori(i!(! furent adoptées par toute rFglisc. La
décision prise di-jh par neuf évétiues, contio
les évê(jues tombés Jovin et Maxime, fut
maintenue. On excommunia aussi Félicis-
75?
C\P
C^P
l%f
sime et les cinq prêtres déserteurs de l'E-
glise qui s'élaieul joints à lui. Saint Cor-
neille ayant été élu pape h la place de saint
Fabien,' saint Cyprien le lit recev()ir, en cette
qualité, par tous les évéc^ues d'Afrique, h
qui le taux [)ape Novatieu s était déjà adressé
pour être reconnu.
A partir de sa rentrée à Carthage, jusqu'à
&a seconde arrestation, le saint s'occ'.])a avec
aideur à reconstruire les broches ipie la [)er-
sécution avait*fc\ites dans son Eglise. Il af-
fermit la foi autour de lui dans toute sa pro-
vince ; il écrivit à une multitude d'évéques,
aux confesseurs de Rome, pour les féliciter
d'avoir abondonné les erreurs de Novatien.
Il écrivit aussi son traité de l'Unité de l'E-
glise, son Explication de l'oraison domini-
cale. Le 15 mai "io-i, il tint à Carthage un
second concile, où plusieurs questions de
discipline et de dogme furent réglées. Il
était formé de soixante-six évoques. Ce fut
à l'issue de ce concile que Fortuiiat fut fait
évoque de Carthage par Félicissime. Déjà
les Novatiens avaient nommé de leur côté
Maxime évéque de cette ville : la faction de
Félicissime ne voulut pas être en retard, et
nomma, elle aussi, son faux évéque. Aussi-
tôt nommé, Fortunat députa Félicissime à
Rome ; mais saint Corneille le chassa et le
rejeta avec une énergie et une vigueur vrai-
ment apostoliques. Le saint pape fit immé-
diatement savoir à saint Cyprien la conduite
qu'il avait tenue dans cette circonstance;
mais bientôt, ne recevant pas de nouvelles
de saint Cyprien, qui avait jugé que ce n'é-
tait pas la peine d'écrire à Rome pour se
mettre en garde contre des gens tels que
Fortunat et Félicissime, et, d'un autre côté,
harcelé sans cesse par Félicissime, il montra
un peu de refroidissement à l'égard du saint
évoque de Carthage, et lui écrivit une se-
conde lettre qui était loin de ressembler à la
première. Alors saint Cyprien écrivii, et
bientôt Corneille revint à ses premiers sen-
timents. L'élection de Fortunat, comme évé-
que de Carthage, loin de servir le schisme,
contribua à l'abattre. Ceux qu'on avait rete-
nus ju>que-là dans le schisme, en leur fai-
sant espérer que, par suite d'un accord qui
interviendrait, ils rentreraient tous à la fois
dans le sein de l'Eglise, virent bien, par cette
élection, que cet espoir était [)erdu pour eux
désormais. Alors ils vinrent en foule frapper
à la porte de l'Eglise qu'ils avaient aban-
donnée, de sorte que bientôt Cyprien ne fut
presque plus occupé qu'à examiner la con-
duite de ceux qui venaient se présenter
à lui pour être admis à sa communion.
Ce fut alors, quand ce schisme fut presque
éteint, que la persécution s'étant renouve-
lée sous Gallus, Cyprien, en toute hâte, as-
sembla un concile composé de quarante et
un évêques. 11 était important de rallier l'ar-
mée de Jésus-Christ, de ne pas laisser en ar-
rière les soldats blessés, c'est-à-dire tous
ces tombés qui faisaient pénitence publique.
Le concile décida qu'immédiatement ils se-
raient admis à la communion. Saint Cyprien
en écrivit à saint Corneille pour lui deman-
der son avis, en lui soumettant h décision
du concile; mais le saint pape n'eut pas le
tem|)s de répondre, car la persécution s'é-
tant allumée à Rome, il fut des premiers ar-
rôié, et confessa généreusement la foi dont
il était le |)remier pasieur. Sdnt Cyprien
l'ayant appris, lui envoya une lettre de féli-
citations, lui témoignant toute la joie qu'il
éprouvait de son glorieux triomj)he. C'est
sa 57' lettre. Il exhorte le saint pape, à qui
il prédit sa mort prochaine, à s'y préparer
par le jeûne, la prière, les veilles et les gé-
missements. Il lui demande qu'ils aient à se
soulager l'un l'autre par leur charité et leurs
prières mutuelles. Ces deux saints étaient
unis par une très-grande allection.
Nous possédons encore aujourd'hui huit
lettres de saint Cynrien à saint Corneille, en
outre de celle de laquelle nous parlons i(;i,
et qui est une lettre synodale. Il est certain
qu'il lui en écrivit bien davantage, qui, mal-
heureusement, auront été perdues.
Peu de temps après, le saint pape Cor-
neille fut rais à mort par les persécuteurs.
Saint Cyprien ne perdit point en lui un ami,
car les saints, quand un ami meurt, au lieu
de l'avoir ici-bas, l'ont au ciel. Après saint
Corneille, ce fut saint Luce qui monta sur le
trône pontifical. Aussitôt après son élection,
il fut banni pour la foi, semblable au soldat
qui marche au combat aussitôt qu'il revêt
l'armure. Saint Cyprien fit comme il faisait
toujours. 11 lui écrivit une lettre, dans la-
quelle il le congratulait et lui donnait des
exhortations. Bientôt ce saint pape fut em-
porté par la persécution. A cette époque,
l'épiscopat était comme un brevet de mar-
tyre.
Saint Etienne fut nommé à la place de
Luce. Nous aurons souvent à parler de ce
pape, car ce qui s'est nasse entre lui et saint
Cyprien est une des plus grandes et des plus
importantes parties de leur vie à tous deux.
Mais avant d'en venir là, nous devons rap-
porler ce qui se passa de calamiteux dans
l'empire. Une peste terrible le ravagea dans
toutes ses parties. Vengeance de Dieu con-
tre les persécuteurs, celte peste fut une
épreuve nouvelle qu'il envoya à ses servi-
teurs. Après les horreurs de la persécution,
les terreurs de la mort au sein de la famille
et dans le silence du foyer domestique.
Cette peste dura douze années entières. Elle
fut des plus terribles dont l'humanité se sou-
vienne. Commencée sous Gallus, elle rava-
geait encore l'empire après la prise de Va-
lérien. Elle emporta à Rome jusqu'à cinq
mille personnes dans un seul jour. Cette
peste prit naissance dans l'Ethiopie , d'oii
elle se répandit par toute la terre. Ce qu'en
dit saint Grégoire de Nysse est fait pour ins-
pirer une grande crainte des fléaux de Dieu.
Quand elle commença dans le Pont, elle était
précédée d'un horrible miracle. Un spectre
apparaissa.t dans chaque maison qui devait
en être frappée; et quand cet affreux pré-
sage avait passé, rien ne pouvait en arrêter
les suites , si ce n'est les prières de saint
Grégoire Thaumaturge. N'était-ce point cet
759 CYP
angp extermin.''tonr ministre de? col^ros di-
vines (ini venait ;unsi frapper de dv-solation
les maisons maudites I Dans le Pont, on le
voyait ainsi, ailleurs on ne le voyait pas.
Elail-il n.');ns présent ? Qui sait? Qui pour-
rait dire si dans ees jouis de deuil tpd ter-
rilient I s v.li s et les nations, si dans ceux
qui durent eneore en ce moment où j'écris,
et où le choléra nous décime, un spectie ne
vient pas aussi invisible mais réel, marguer
ses victimes? Que de niystères, grand dieu !
dans ce monde inconnu des esprits, oii nos
sens ne peuvent pénétrer, où nos yeux ne
peuvent [)as voir 1 Quels sont les ôires qui
peuplent autour de nous les solitudes de
l'espaee? Alil si Dieu nous donnait cette vue
qui découvrirait les esj.rils, que de choses
ne verrions-nous pas 1 Au chevet de tel ou
tel mourant, nous apercevrions soit une li-
gure désolée dan3e gardien, priant et mon-
trant le ciel, ou bien quelque tigure hideuse
desjirit infernal grimaçant une horrible
jo e et montrant au mourant la route de
Taiiîme.
LKgypte fut désolée par le fléau, l'Afri-
que moins fra[)pée fut loin d'en èlie exempte.
Sain! Cyprien exhorta son troupeau h se
résigner sous la main qui le fia 'pait, mais
a'issi à montrer le courage qui convient à
des chréiens, c'est-à-dire le courage delà
charité, qui ne craint plus rien quand il s'a-
git de secourir si'S f, ères, môme ses frères
ennemis, et de le .r porter avec les secours
corporels, les consolations de re>prit et les
trésors spirituels de l'ilme. Lui-même paya
d'exemple. Ou le voyait auprès des |)estifé-
rés, accomphr les devoirs qu'il pre>crivait
aux autres. Noble exemple, qiie plus tard,
de l'autre côté de ce rivage, à l'autre bord ,
Belzunce imili ra. L'esprit de Dieu ne change
pas avec les siècles : la charité n'a qu'une
Voix, « lie se fait entendre sous saint Cyprien
quan I la pesle désole Cart'iage; (juaUvi elle
viendra tiésoler Marseille, les échos français
lui réjiondront.
Tous ces iléaux, au lieu de faire rentrer
les païens en eux-mêmes, de les porier àré-
iléchir, ne faisaient que les irriter davantage
et les exaspéra r contre les chrétiens qu'ils
considéraient comme les auteurs de ces dé-
solations, dues, disaient-ils à la co ère que
leurs dieux avaient contre ces sectateurs
d'une religion qui détruisait la leur. Quant
aux pestiférés, les païens craignaient telle-
ment de les approcher qu'ils les abandon-
naient sans secours aux angoisses de leur
mal. Ils n'avaient qu'un souci, celui de s'em-
parer de leurs biens (piarui la mort les avait
glaces. Dans le désordre général ipii fut causé
par cette pesle les païens volai(!nt, pillaient,
se livraient à tous les excès imaginables.
Persoime ne réprimait ces désordres, tant la
terreur élait grande. Tout lestait an j)illage,
chacun se sauvant pour évite, le lléau. i es
villages, les villes étaient désertes; (p.iand une
maison était frappée, de deux choses l'une,
ou bien les habitants jettaienl his malades
delior.s, ou bien ils prenaient la tuile et les
iLbuiido^iiiuical. Alors les bngajids qui res-
CYP
710
taient apparaissaient dans la ma'son déso-
lée, pires que ces bêtes féroces ei lAidiesqui
guettent la mort ; ils dépouillaien; le iii' u-
rant, ils pillaient sous ses yeux sa maison,
ils prenaient j,,squ'aux vêtements et aux
couvertures de son lit. Avec ces atrocités, il
s'en commettait tl'aut'es. Les païens blas-
phémaient le ciel, et, comme nous l'avons
dit, accusaient les chrétiens de tous leurs
maux.
Démétrien, gouverneur d'Afrique , élait
celui de tous qui répandait le plus ces ca-
lomnies contre les chréti<ms. Son auiorité
lesaccréditait.Dureste, persécuteur acharné,
il montrait contre les disciples de Jésus-
Christ une cruauté sans égale, 1 'S ciiassait
de leurs maisons, confisquait leurs biens,
les j 'tait dans les cachots, et enlin les fai-
sait mourir au milieu des [ilus horribles
supplices. Nous l'avons nommé gouverneur
d'Afrique, parce qu'il est très-probable qu'il
l'était, ou du moins un des principaux ma-
gistrats. Peut-être é!ait-il simplement asses-
seur du proconsul. Ce Démétrien venait
très-souvent voir saint Cyprien, mais c'était
])lutôt pour disputer contre lui que pour
s'instruire en l'écoutant ; aussi le saint ne
voulut jamais consentir à entrer en confé-
rence avec lui. Mais voyant cômbiei ses
propos calomnieux réussissaient à tromper
le public, qui sur la foi de ses assertions
croyait les chrétie :s coupables de tous les
malheurs publics, il craignit ({u'un plus long
silence de sa part ne fût attribué à de la
faiblesse ou à de la crainte. Il écrivit à ce
méchant homme avec une force, une véhé-
meu! e extraordinaire, il le traite comme le
dernier des houimes, il l'accable sous sa pa-
role, comme un homme d'honneur fait à l'é-
gard d'un misérable qu'il méprise, et qu'il
veut Uétrir, punir, [dutôt que convaincre. A
entendre ce langage, on dirait, en vérité, que
saint Cyprien, du haut de sa chaire épisco-
pale, était souverain dans Carthage, et qu'au
liim d'avoir tout à redouter de celui à qui il
parlait ainsi, il était maître de le traiter
comme bon lui semblait. On dirait, à l'en-
tendre, que Démétrien n'avait aucune auto-
rité pour se venger. Et quand on son^e que
cet homme pouvait d'un mot faire arrêter le
saint évêcjue et l'envoyer au martyre, on se
sent pris d'admiration pour l'éiuM-gie chré-
tienne de ce dernier. On sent là l'évêque, le
chef des lidèles, ijui ne veut pas qu'o i in-
sulte son troupeau, et qui le défend avec le
courage d'une lionne qui défeiul ses lioU'
ceaux. Pour lui, qu'iiUiiorleul les outrages,
qu'importent les calomnies? n'a-l-il j)as à
suivre, pour les su|)porter, Jésus-Christ son
divin modèle? Ahl s'il ne s'agis.sait ijuc de
lui, il se réfugierait dans l'Iiumihté, dans la
patience. Mais on calomnie ses eiifants, on
les insulte, on les persécute, on les condii t
aux supplices, on les fait mourir : l'homme
n'est plus la, c'est le iirêlre, c'est l'évêque,
c'est le dépositaire des Ames (pie Jésus-
Christ lui a conliées. Nous citerons ici deux
fiagmenls de ce remaripiable écrit.
« Jusqu'ici, Déméliicn, j'avais dédaii^Jié
7 il
CYP
CYP
m
(]o r(''MOii(lrp aux .sarn.(';^(vs hlasph^mos que
tu vomis avco tant (rcinporUMioiil coiitiM^ It;
Dion unique cl vér^abN; : il m'avail [)aru il
la l'ois plus sajïo et plus utile d'oi'P'^»'^'''' '"^
ton ip;noranre le sihînce du nu'^pri.s, (pu> de
provoquer par une rélutaliou iiiteuipcslive
la fougue insolente d(! to) caractère. L'auto-
rité divine (die-mêrue a[)puyait uia rés()!u-
tio'i. Nt' parle point dans r oreille de Un-
sensé, uotis dit-elle, oar il méprisera la sa-
gesse de tes discours. Ri ailleurs : Ne réponds
pas au fou selon sa folie, de peur que tu ne
lui deviennes semblrble. t'Apôtre aussi nous
recommande de regarder le saint du Sei-
gneur dans le sanctiiaire de notre conscience,
alin de ne i)as l'exposer aux [)rofanations : Ne
livrez pas les choses saintes aux chiens, s'é-
crie-l-il, ne jetfz pas vos perles devant les
pourceaux, car ils les fouleraient aux pieds;
et ensuite ils reviendraient sur vous pour
vous déchirer. Comme tes fréquentes visites
avaient pour motif bien moins te désir de
t'éclairer q :e le beso n de disputer; comme
tu aimais mieux lancer à grand bruit l'im-
précaiion et l'injure que d'écouter patiem-
ment mes observations , il y aurait eu i.e la
déûience d'essayer de lutter contre toi.
D'ailleurs, il serait plus facile h la voix hu-
maine d'apMser une mer qui gronde que
d'enchaîner ta rage par des laisonnements.
A quoi bon présenter la lumière à des yeux
éteints, le son h des oreilles frappées de
surdité, la sagesse à la brute? Ces considé-
rations m'avaient déterminé à garder le
silence, dans l'espoir de vaincre !'< mporte-
Dient par la patience, puisque mes repré-
sentations échouaient contre ton indocilité,
le langage de la religion contre ton ibcrédu-
lité, la modération contre le déchaîiîement
de ta fureur. Mais aujourd'hui je t'ai en-
tendu )ire qu'un concert universel de plain-
tes s'élève contre nous ; que ces guerres
cruelles, toujours renaissantes, ces pestes,
ces famines qui dé^oleni le monde, ces pluies
que tous refuse un ciel d'airain, l'opinion
publique se plaît à nous les imputer. L'heure
du silence est donc passée : on mettrait sur
le compte de l'impuissance notre résignation,
et, dans mon dédain pour les calomnies, on
verrait peut-être un aveu. Ainsi, Démétrien,
je vais te répoudre, à toi, et à tous c ux que
tu as soulevés contre nous; car la contagion,
partie d'un foyer impur, s'est étendue de
proche en proche. Tes complices se rendront
à l'évidence : du moins je l'espère. N'est-il
pas juste que les préventions erronées dis-
paraissent devant les rayoïs de la vérité,
aussitôt qu'elle allume son flambeau?
« Mais que dire du point principal sur le-
uol roule notre diti"érend? Vous nous cou-
amnez malgré notre innocence, et vous
vous déchaînez contre les serviteurs du
Christ, pour outrager dans nos perso mes le
Dieu que nous adorons. Peu contents de
s uill^r votre vie p^r de honteux dérégle-
raeits, par des scélératesses sans noud)re et
par des rapines sanglantes, de renverser la
religion véritable par de ridicules supersti-
tions, entia de ne chercher ni de redouter
3
le Seigneur, il faut encore que vous vous
einportie/, à d'i-^jusles i ersé. utiois contre
ceux (pii, le coruiaissant, vouent à sa ma-
jesté divine, un culte digne de lui. Il ne te
suflil pas, Démétrien, de ne point honorer
notie Dieu, lu ne veux pas même ({u'on
l'honore. L'homme qui se courbe devant de
mueltes idoles, devant des siinoUn res taillés
de ses mains, que dis-je! quiconque se pros-
terne (levant des monstres impurs, tu l'as
nour ami, ta haine ne s'appesantit que sur
le serviteur du vrai Dieu : des bûchers,
chargés de victimes, fument partout dans
vos temples, et le vrai Dieu n'a pas d'autels,
ou bien il n'en a qu'en secret ! le crocodile,
le cynocéphale, le serpent, la pierre elle-
même, tout est dieu; le Dieu véritable, seul,
ne le sera j)as, ou ne pourra ô|re adoré im-
punément. A l'innocence, li la justice, à
l'objet des divines aifections, les ciraînes, les
S()oiiations, les cachots, le fer homicide, les
bêtes sauvages, les flammes dévorantes! Des
douleurs isolées, une mort simple et rapide,
ne sauraient rassasier ta haine : il te faut de
longues tortures, pour déchirer nos corps,
des supplices variés pour nous mettre en
lambeaux, et, \ our mieux te repaitre de nos
soullVances, ta cruauté ingénieuse invente
des châtiments inconnus. Quelle est donc
cette fantaisie de bourreau, cette soif inex-
tinguible de noire sang? Choisis une fois
pour toutes dans cette alternative : ou la
pro ession du christianisme est un crime,
ou elle ne l'est pas : si elle est un crime,
frappe sur-le-champ le coupable qui se dé-
clare ; si elle ne 1 est pas, pourquoi con-
damner l'innocent ? A quoi bon la question,
quand j'avoue le fait? Si la pusillanimité
m'avait décidé à cacher par un mensonge
mon attachement à ma religion et mon mé-
pris pour vos dieux, à la bonne heure! Je
concevrais les tortures pour me contraindre
h des aveux. Ainsi, dans l'uiformation judi-
ciaire , la douleur accusatrice arrache au
coupable des révélations que la bouche eût
toujours refusées sans l'aiguillon de la souf-
france; mais moi, quand je crie le premier,
et à haute voix : Je suis chrétien! encore un
coup à quoi bon la torture? Ne suis-je plus
le même homme qui a renversé tes idoles,
non fas timidement, avec mystère, loin de
tout témoin, mais au grand jour, mais sur
la place publique, mais en présence des
chefs et des magistrats? A tes premiers mo-
tifs de ressentiments, n'ai-jepas voulu ajou-
ter un crime plus impanionnable encore,
le crime d avoir confondu le paganisine et
ses dieux par une éclatante prédication, en
me déclarant chrétien dans la partie de la
ville la plus fréquentée, au milieu d'un im-
mense concours de peuple.' pourquoi s'atta-
quer à un co. f)s débile? Pourquoi lutter con-
tre une chaire périssable ? Viens engager le
combat contre la vigueur de mon âme : brise
l'énergie de mon courage, bats en ruine ma
foi, et renverse-la, si tu le peux , par le rai-
sonnement et la discussion; ou, si tes dieux
ont quelque puissance, qu'ils se lèvent et so
vengent? Que leurmajesté les défende. Rîait
745
CYP
que pourraient-ils pour leurs adorateurs ,
quand ils sont impuissants contre leurs
contempteurs? Si le protecteur est plus fort
que son protégé, tu es par cela môme supé-
rieur h tes dieux. Alors cliangez de rôle : à
eux de t'adorer, h eux de trembler devant
leur maître? Misérables captifs, qu'il faut in-
cessamment défendre si l'on ne veut pas
qu'ils périssent ; ils ont besoin de ton bras
pour venger leurs atfronls. Rougis donc
d'adorer des idoles, qui ne sont rien que
par toi ; rougis d'attendre quelque protec-
tion de tes stupides protégés. » fBelouino,
Histoire des persécutions de l'Eglise catholi-
que, tom. II, p. 201.)
Saint Cyprien composa son livre intitulé :
De In Mortalité, pour engager les chrétiens à
supporter avec courage, les pertes doulou-
reuses qu'ils faisaient par les ravages de la
peste. Peu de temps après, les barbares ayant
profité de l'état de désolation dans lequel se
trouvait l'empire, firent une incursion dans
la province d'Afrique, et emmenèrent pri-
sonniers beaucoup de chrétiens. Les évo-
ques l'écrivirent à saint Cyprien, qui en-
gagea les fidèles de Carthage à venir au se-
cours de leurs frères captifs. Il envoya pour
la rançon des prisonniers une somme qu'on
peut évaluer à 25,000 francs de notre mon-
naie.
Ce fut à cette époque, en 253, que Valé-
rien monta sur le trône à la place de Gallus.
On sait que d'abord ce nouvel empereur se
montra extrêmement favorable aux chré-
tiens. Aucun de ses prédécesseurs ne l'avait
été davantage ( ici nous ne comptons pas
Emilien ). Mais bientôt, un grand change-
ment s'opéra dans les dispositions de son
cœur, et il devint un des |)lus cruels persé-
cuteurs de l'Eglise. (Voy. son article.) C'est
ici qu'il faut placer I ail'aire de Marcien. 11
était évoque des Gaules, et occupait le siège
d'Arles. Partisan de l'hérésie de Novatien, il
avait eu la cruauté de refuser à plusieurs
tombés la communion à l'article de la mort.
Il se vantait môme de cette indigne con-
duite. Quelques évoques en écrivirent au
pape Etienne; mais ce pape ne se hâtant
pas de donner une solution à celte affaire,
ils écrivirent h saint Cy()rieii, pour que son
zèle stimulât celui d'Etienne. Le saint évo-
que de Cartha.^e ne faillit pas h ce devoir.
11 écrivit à Elienne pour (ju'il déposAt M.ir-
cien, le piiant de lui faire savoir qui serait
nommé évoque d'Arles à sa place, a(in qu'il
sût <t qui recommander les lidèles qui se ren-
draient dans celle ville. Après celte adaii-f!,
vint celle de Jiasilide et de Maiti.il, évôipies
d'Ivsfiagne, le ()i'emier de Mérida, h^ second
de Léon et d'Aslorga. Tous deux s'étaient
rendus coupables du crime des libellaliques ;
c'esl-à-iiire qu'ils avaiinit donné ou reeu un
bill't alleslanl qu'ils av.iienl sacrifie, inen
qu'ils ne l'eussfMil pas fait. Ç'.ivail été un
grand scandah.'daris rJiglised'Lspagne. Après
l'-s orages de la persécution, les évô(pies
av.ii(;-il évoqué cette scandaleu.>(! allaire.
M'iitial avait étédéposé dans nn cnncihî.
liabilide, uni craignait le même sort, se réduit
CTP 7^4
à Rome, oii, à force d'obsessions, de men-
songes et d'astuce, il parvint à surnrendre
la bonne foi du pape Etienne, qui le reçut
comme évoque h sa communion, et qui lui
donna des lettres de recommandation pour
les évoques d'Lspagne. Martial, se larguant
de cela, voulait aussi reprendre son rang.
Les églises de Mérida et de Léon, les évo-
ques de l'Espagne en écrivirent à saint
Etienne et à saint Cyprien, réclamant contre
la décision du pape qui avait été surpris.
Un comité tenu h Carthage maintint la dé-
chéance des deux évoques, prono: çant avec
raison, que quant à Basilide, le fait davoir
trompé le pape ajoutait à ses autres crimes,
et le rendait encore moins digne d'indul-
gence. Saint Cypiien composa h. |)eu près à
cette époque son écrit conire Novatien. 11
est plein de doctrine, d'éloquence, en un mot
parfiîitemeiit digne de saint Cyprien.
Maintenant il ne nous reste plus à parler,
avant d'arriver au martyre du saint évoque,
que de la fameuse dispute qui surgit dans
l'Eglise à propos du baptême administré par
les hérétiques. Cette dispute ne commença
tout au plus qu'à la fin de l'année 253. Saint
Cyprien soutenait avec Firmilien et beaucoup
d'autres évoques, que tout baptême donné
hors de l'Eglise catholique était nul, et que,
par conséquent, tout individu qui, baptisé
par les hérétiques, se convertissait à la foi
catholique, était obligé de recevoir un second
baptême. Toute son erreur venait donc de
ce qu'il confondait l'effet et la grâce du sa-
crement, avec le sacrement lui-même. Saint
Etienne, son principal adversaire, prétendait
avec la tradition de l'Eglise que quand le
baptême était administré par des hérétiques
observant pour son administration la même
forme que l'Eglise catholique et baptisant au
nom des trois personnes de la très-sainte
Trinité, il était valable- Agrippin, évoque de
Carthage et l'un des prédécesseurs de saint
Cyprien, suivait l'opinion des rebaptisants :
on prétend même, avec assez de fondement,
que ce fut lui qui commença à pratiquer la
rebaptisation ; un concile qu'il avait assem-
blé et qui était composé d'un assez grand
nombre d'évôques, avait décidé dans le môme
sens. En Cappad'occ on avait fait la môme
chose. En Gallicie, en Cilicie, on suivait
aussi la même chose. Des évoques de Nu-
midie ayant consulté saint Cy|)rien sur lo
baptême des hérétiques, il assembla deux
conciles pour juger cette question. Ces d(iux
conciles résolurent la question dans le sens
des opinions de saint Cyprien. Il en écrivit
au pape saint Eticiiîie pour lui communi-
quer les dt'cisions, et ensuite envoya sa let
tre h Jubaien. Saint Etienne répondit en
maintenant la traditidU de l'Eglise, en éta-
blissant la suprématie de son sié.,e, el l'au
torité (pi'il avait en (|ualilé de succes>eur
de saint Pierre. Il usa de conuiiaiuloment el
de menaces envers saint «'.yprien, i)Oiir le
forcer i^ cpiilterson sentiment, déclarant que
reux qui rebaptiseiviienl seiaicnil chassés de
ri';.:,lise. Saint l'itieniie avait rais(Ui, mais il
élail dans cotte uU'airo trou raido cl Iror
745
CYP
CYP
ne
prompt; car enfui, la vérité qu'il défondait
n'était jws encore établie avec ce caraclôre
d'incontestabilité qui fait que personne n'a
le droit de la discuter. Puis il était permis
de contester son opinion personnelle, puis-
que aucune décision de concile n'était venue
sur ce point établir la règle. Saint Cyprien
en fut trés-clioqué, il eût voulu que, dans
une question si délicate, tout le monde eût
agi avec modération et avec charité. Le pape
l'avait traité de faux Christ, faux apôtre,
d'ouvrier trompeur et inlidôle. La dispute
alla excessivement loin. Le pape Etienne
montra cependant assez de douceur pour no
pas mettre à exécution les menaces qu'il avait
laites, et l'unité de l'Eglise ne fut pas partagée.
Saint Cyprien, qui ne se rendait |)as aux
raisons et aux injonctions du pape Etienne,
assembla à Carthage un concile pour élucider
la question. Ce concile fut nonnné, compara-
tivement aux autres assemblés par saint
Cyprien, le grand concile de Carthage. Il dé-
cida la question dans le sens des opinions que
soutenait saint Cyprien, mais il décida aussi
qu'il n'entendait encore forcer personne à
adopter telle ou telle opinion. Après ce con-
cile, des députés furent envoyés par les évo-
ques d'Afrique à saint Etienne, qui, non-
seulement refusa de les recevoir , mais
ordonna aux fidèles de leur refuser l'hospi-
talité et le couvert. Quelques-uns ont pensé
qu'après cela saint Etienne excommunia
saint Cyprien et saint Firmilien; mais c'est
sans preuves suffisantes. Saint Etienne infor-
mait les évèques de la chrétienté de la con-
duite qu'il tenait dans cette affaire ; saint
Cyprien en faisait autant.
r Nous passons ici une partie des détails de
cette grave affaire, faits plutôt pour être
rapportés dans une histoire de l'Eglise que
dans un Dictionnaire des persécutions. La
dispute durait encore après la mort d'E-
tienne sous le pape saint Sixte; et saint
Denis d'Alexandrie, qui s'était posé comme
médiateur auprès du premier, fit la même
chose près du second. Saint Cyprien se ré-
tracta-l-il? Saint Augustin laisse cette ques-
tion dans le doute. Mais il semble avéré,
d'après l'histoire, que peu à peu fous les
évoques d'Afrique, qui avaient été d'avis de
rebaptiser, changèrent peu à peu de senti-
ment, se rétractèrent et rendirent même une
décision contraire à celle qui était émanée
d'eux d'abord. Saint Augustin dit que cette
querelle touchant le baptême fut enfin ter-
minée par un concile général tenu avant sa
naissance à lui, où la difficulté fut discutée
et examinée avec soin. Il est certain que ce
concile eut lieu, puisque saint Augustin l'af-
firme, mais il ne nous en reste rien. Celui
de Nicée est venu décider dans le même
sens que lui, et décréter que non-seulement
le baptême, mais encore l'ordination donnés
par les novatiens étaient valables.
Quand la persécution de Valérien vint af-
fliger l'Eglise, saint Cyprien composa un
discours en grande partie tiré de l'Ecriture,
pour animer et encourager les soldats de
Jésus-Christ à ce nouveau combat. Il fit
DicTioNN. oiis Persécutions. I.
aussi de fréquentes (exhortations dans le
même but. Mais le temps arrivait où lui-
même devait payer de sa personne, où, après
avoir encouragé les autres par ses écrits et
par ses discours, il devait encore les édifier
par son exemple. Ce fut le 30 août de l'an
257 qu'il fut conduit devant le proconsul
d'Afrique , nommé Aspasius Paternus. Ici
nous citerons ce que nous avons des Actes
de saint Cyprien; jiour les faire conconler
avec l'époque à laquelle nous sommes arri-
vés, il faudrait ne transcrire que la seconde
confession de saint Cyprien ; mais nous te-
nons à donner entièrement ce document
précieux, d'autant mieux qu'il est fort court.
Ce sera à l'intelligence du lecteur h suppri-
mer mentalement la première partie de ces
Actes, s'il veut les faire servir à compléter
avec tout ce que nous venons d'écrire une
histoire suivie.
Actes proconsulaires de saint Cyprien, évéque
de Carthage et martyr.
Sous le quatrième consulat de l'empereur
Valérien, et sous le troisième de Gallien son
collègue à l'empire, le 3 des calendes de
septembre (1), à Carthage, dans la chambre
d'audience du proconsul, Paternus, procon-
sul d'Afrique, dit à l'évêque Cyprien : Nos
très-religieux empereurs Valérien et Gallien
m'ont fait l'honneur de m'écrire que leur in-
tention est que tous ceux qui ne font pas
profession de la religion des Romains aient
à l'embrasser sans délai, avec tous ses usages
et toutes ses cérémonies. Je vous ai donc fait
venir pour vous faire rendre raison de votre
créance, et pour savoir de vous ce que vous
avez à dire touchant ces ordres de nos prin-
ces. L'évêque Cyprien répondit : Je suis
chrétien et évêque , je ne connais point
d'autre dieu qu'un Dieu seul, qui a fait le
ciel et la terre ; c'est ce Dieu que nous autres
chrétiens adorons; c'est à lui que nous adres-
sons nos prières, pour nous et pour tous les
peuples, mais particulièrement pour la con-
servation des empereurs. Le proconsul Pa-
ternus dit : Persistez-vous dans cette décla-
ration? L'évêque Cypiien répondit : Quand
la volonté est droite, et que Dieu la conduit,
elle ne peut changer. Le proconsul Paternus
dit : Vous pouvez donc vous disposer à par-
tir incessamment pour Curube, c'est le lieu
que les empereurs nous ont marqué pour
votre exil. L'évêque Cyprien répondit : Je
suis tout prêt à partir. Le proconsul Pater-
nus dit : Les ordres que j'ai reçus ne con-
cernent pas seulement les évêques, mais aussi
les prêtres de la province : donnez- m'en
donc la liste. L'évêque Cyprien répondit :
Vos lois punissent les délateurs, et avec jus-
tice, et vous voulez que je le devienne en
vous donnant les noms et la demeure des
prêtres ; Vous pouvez en faire la recherche,
il y en a dans toutes les villes circonvoisines.
Le proconsul Paternus dit : Je commencerai
à la faire dès aujoutd'hui dans cette ville.
L'évêque Cyprien répondit : Vous savez que
le droit naturel et le droit écrit défendent de
(l) Le 50 août.
24
747
CYP
CYP
748
s'accuser soi-même, et vous ne pourriez vous
empêcher de l'impiouver ; vous ne devez
donc pas exiger d'eux qu'ils viennent se li-
vrer entre vos mains. Mais, comme je vous
l'ai déjà dit, si vous en faites quelque per-
quisition, il ne sera pas dillicile de les décou-
vrir. Le proconsul Paternus dit : Oui , je
donnerai ordre qu'on la fasse, et fort exacte.
£t il ajouta : Les très-rdigieux empereurs
ont aussi défendu toutes assemblées clan-
destines, soit dans des maisons particulières,
soit dans les cimetières et les catacoml)es. Il
y a des peines rigoureuses pour ceux qui
contreviendront à ce règlement. L'évèque
Cyprien répondit : Vous avez vos ordres,
c'est à vous de les suivre.
Ainsi le bienheureux Cyprien fut envoyé
en exil. Il y demeura jusqu'à ce que Galère-
Maxime ayant succédé à Paternus dans la
charge de proconsul, ce nouveau magistrat
rappela le saint évoque. Il se retira dans un
jardin qu'il avait à un faubourg de Carthage.
Ce fut dans celte paisible retraite que, sous
le consulat de Fuscus et de Bassus, il vit
arriver un jour (1) deux officiers du procon-
sul (2), qui le firent monter dans un chariot,
et le conduisirent à une maison de campagne
peu éloignée de la ville, où le proconsul
était venu passer quelque temps pour y réta-
blir sa santé, l'air y étant fort sain. Il remit
à quelques jours de là l'interrogatoire de Cy-
prien, qui cependant alla attendre les ordres
du proconsul chez son premier écuyer, qui
lui donna un appartement. Cet officier était
logé dans le bourg de Saturne, entre Véné-
ria et Salutaria. Tous les frères y accouraient
chaque jour en grand nom!)re, pour voir
leur évoque; plusieurs jeunes filles y étant
aussi venues de Carthage et des environs,
comme elles étaient obligées de passer la
nuit à la porte de son logis, il donna ordre
qu'on eût soin qu'il ne s'y passût rien d'in-
aéeeut
Le 18 des calendes d'octobre , le pro-
consul Galère, séant sur son tribunal (3),
se fit amener Cyprien. Le proconsul Galère
lui dit : N'ôtes-vous pas Thascius Cyprien?
L'évoque Cyprien répondit : Oui, je le suis.
Le proconsul Galère dit • N'est-ce pas vous
qui êtes l'évoque des chiéliens, de ces hom-
mes impies et sacrilèges ? L'évèque Cyprien
ré[)ondit : Oui, c'est moi. Le proconsul Ga-
lère dit : Les très-religieux emueroursveulent
et entendent que vous sacriliiez aux dieux.
L'évèque Cyprien répondit : Je ne lo puis.
Le proconsul Galère dit : Prenez conseil.
L'évèque Cyprien répondit : Faites ce qui
vûu> est ordonné : dans une chose juste lo
conseil est bientôt [)ris.
L(i proconsul (ialère, ayant été aux avis,
paria ainsi h Cyprien : Il y a longtemps
qu'on vous accuse do vivre sans religion et
sans piété, et d'avoir séduit f)lusieurs per-
sonnes, à qui vous avez insjiiré les maximes
iuipies do votre superstition. On suit (juc
\'4
1) Aux ides de SepUMiil»re.
2) Slralor cl Equislrutor
<5) Nointnc Sanciolnm.
VOUS faites vanité d'insulier aux dieux et de
mépriser les lois de l'empire; et quelques
soins obligeants qu'aient daigné ijreiidre lés
illustres princes Valérien et Gallien, et lo
très-illustre César Valérien, pour vous en-
gager par douceur à ne reconnaître point
d'autres dieux que ceux qu'ils adorent, ils
n'ont jamais pu obtenir cela de vous. Ainsi,
étant convaincu comme vous l'êtes des cri-
mes les plus noirs, que vous ne vous êtes
pas contenté de commettre seul, mais que
vous avez encore enseignés à une inlinité
d'autres, il faut que votre mort serve ou à
rappeler à leur devoir ceux que vous avez
rendus les complices de tant de forfaits, ou
du moins à les intimider; et il est juste que
votre sang rétablisse Je bon ordre que vous
avez troublé par vos discours, et l'obéissance
aux lois que vous avez détruite par vos
exemples. Prenant ensuite des tablettes, il
écrivit cette sentence, qu'il lut à haute voix :
« Nous condamnons le nommé Thascius Cy-
« prien à perdre la têlC; » L'évèque Cyprien
répondit': Dieu soit béni !
Dès que les fidèles eurent entendu pro-
noncer ce jugement contre leur saint évêque,
ils se disaient les uns aux autres : Allons,
et qu'on nous fasse mourir avec lui. Il y en
eut môme un très-grand nombre qui le sui-
vit au lieu où il devait être exécuté. Cyprien
y étant arrivé, il ôta son manteau (1), mit les
genoux en terre, et pria quelque temps. Il se
dépouilla ensuite de sa dalmatique , qu'il
donna à quelques diacres qui l'avaient ac-
compagné, et il ne garda qu'une simple tu-
nique de lin. L'exécuteur étant arrivé, il lui
fit donner vingt-cinq pièces d'or. Cependant
les frères jetaient d.s linges autour du saint
martyr (2). Pour lui, après que Julien prêtre
et Julien sous-diacre lui eurent lié les mains
par son ordre, il les porte sur ses yeux, et
reçut en cet état le coup qui mit fin à sa vie.
Son cor[)s, que les frères accompagnèrent
portant des flambeaux de cire et chantant
des hymnes, fut enterré dans un champ ap-
partenant à Macrobe Candide, intendant de la
province, le long du chemin de Maj)palle.
Galère Maxime ne lui survécut que quelques
jours.
Saint Cyprien souffrit le dix-huit des ca-
lendes d'octobre. L'Eglise fait sa fête le
IG septembre.
CYPUIFN (saint) , l'un des gardes de la
prison do saint Censorin ou Censorinus,
sous Claude II le Gothique , fut converti
à la loi chi'étienne par lo ])rêtre saint
Maxime , avec les autr(>s gardes de la pri-
son, lesquels étaient Félix, Maxime, Faus-
tin , Hercîulaii , Nurnôre, Slniacinns, Mène,
C(nnmode, Herne, Maur, Fusèbe, Rustique,
Ainandinus, Monaere, Olynijie, Cy|iricn et
'i'héodoie. l*onf voir leur histoire, recourez
à l'aiticle ]\lAnTïus d'Ostiic. Ces saints no
sont |)as nommés dans le Martyrologe ro-
romain.
CYPUIEN (saint), fut martyrisé à Corinthe
(Ij De coiiloiir hruiio.
(%) l*our r*>(.u illii .^uii sang.
m
CYP
CYR
Î80
durant la persécution de Dôce sous le prési-
dent J.ison, avec les saints Codrat, D(ïnys,
Ariect, Paul et Crescent. L'Eyliso lait leur
fôlo le 10 mars.
CYPRIKN (saint), dit le Magicien, habitait
une petite ville nommée Anlioche, entre la
Syri(> el l'Arabie, et dépendant du j^ouverne-
ment de Pliénieie. Ses parents, païens et trôs-
su|)erstilieux,l'avaientlail élever dans la pi'a-
que dos mystères du paganisme, ainsi cpie
dans la science de la magie. La magie est
considérée comme une science chez tous les
peujjles ignorants et barbares. Sa puiss;incc
n'est })as en elle-même , miis dans la stupi-
dité, dans la niaiserie du public. Pour acqué-
rir plus de connaissance dans celte préten-
due science, il parcourut successivement la
Grèce, l'Egypte, la Chaldée et les Indes. Il
était devenu 1 un des ennemis les plus achar-
nés de la religion chrétienne, blasphémant
sans cesse le nom de Jésus-Chiist. On pré-
tend qu'il égorgea plusieurs enianls, pour
chercher dans leurs entrailles j)al[)itantes
les secrets de son art. Dans cotte ville d'An-
tioche qu'il habitait , une jeune fille de
haute naissance, nommée Justine, était
d'une bcauîé remarquable. Depuis peu elle
s'était convertie au christianisme, et sa con-
version avait amené celle de ses parents.
Un jeune homaie, qui avait le malheur d'ê-
tre encore païen, brûlait jiour elle d'un vio-
lent amour ; mais c'était en vain qu'il avait
voulu toucher le cœur ae la jeune vierge.
Désespérant de réussir, il pria Cyprien de
venir à son secours à l'aide de son art. Cy[)rien
consentit; mais bientôt il devint lui-même
éperdûment amoureux de cette jeune tUle.
Il mil tout en œuvre pour réussir lui-même
aupiès d'elle. Cyprien, qui avait foi dans son
art, se voyant, disent ses actes, vaincu par
un pouvoir supérieur à celui qu'il invo-
quait, résolut d'abandonner le culte de ses
dieux el d'adorer celui des chrétiens. Il vint
trouver un prêtre nommé Eusèbe, que de-
puis longtemps il connaissait. Eusèbe le con-
duisit le dimanche suivant à l'assemblée des
fidèles. Cyprien fut vivement frap[)é de l'air
de recueillement et de respect qui pai aissait
dans les adorateurs du vrai Dieu. De leur
côté les chrétiens furent très-surpris devoir
qu'Eusèbe leur amenait Cyprien générale-
ment connu et presque redouté. L'évoque
lui-même avait peine à retenir sa surprise.
Il ne croyait pas que la conversion de Cv-
prien dût être sincère. Ce dernier dissi|>ases
doutes en brûlant devant lui tous ses Hvres
de magie, en donnant tous ses biens aux
pauvres et en se mettant au nombre des ca-
téchumènes. Quand il eut été conven.Hble-
menl iistruit, il fut baptisé par l'évoque
lui-même. Le jeune homme qui avait voulu
Temployï r pour toucher le cœur de Justine
se convertit aussi. Justine, heureuse d'avoir
été vis-à-vis de ces deux hommes l'inslru-
ment des miséricordes divines, se coupa les
; cheveux en signe du sacrifice qu'elle faisait
à Dieu de sa virginité, et distribua aux pau-
vres tout ce qu'elle possédait. Cyprien de-
idûanda un des emplois les plus minimes de
l'église. On lo nomma |)ortier. Quelque
temps après il fut ordonné ))iêtre, et bientôt
j)iomn à l'épiscopal, l'évêipu; Anihime étant
mort. La ])erséculion de Dioclélien s'étant
allumée, Cyprien fut arrêté et conduit de-
vant le gouverneur de Phénicie, à Tyr, ainsi
(jue sainte Justine. La sainte fut cruellement
llagellée. Cyprien fut déchiré avec les ongles
de fer. Tous deux furent ensuite menés à
Nicomédie, où se trouvait Dioclélien. Dès
que ce prince eut pris connaissance de la
lettre du gouverneur de Phénicie, il con-
damna les deux saints à être décapités. La
sentence fut exécutée sur les bords d'un
lleuvcï nommé Gallus, en l'an de Jésus-Christ
SOV. Un chrétien nommé Théocliste fut déca-
pité aussi i)Our avoir parlé h Cyprien pen-
dant qu'on le menait au su[)plice. Des cnré-
tiens de Rome em()Oi tèrenl les relicjues des
deuv saints dans cette ville. Elles sont
maiiitenant dans la basilique de Latran.
L'Eglise fait la fête de ces saints le 2G sep-
tendjre.
CYPRIEN (saint), martyr, répandit son
sang jjour la généreuse défense de sa loi,
à Bresse, avec son compagnon saint Savin.
L'Eglise honore leur mémoire le H juillet.
CYR (saint), jeune enfant de trois ans, qui
mourut en l'an de Jésus-Christ 30i à Séleu-
cie, avec sainte Julitte, sa mère, par l'ordre
du gouverneur Alexandre, durant la persé-
cution de Dioctétien. (Pour plus de détails
lisez les Actes qui sont communs à sa mère
et à lui, à l'article Julitte.) Il est inscrit au
Martyrologe romain sous le nom de saint
Quiric. Sa fête arrive le 16 juin.
CYR (saint), martyr, fut décapité à Rome
avec saint Jean, après avoir enduré divers
supplices. L'Eglise honore leur mémoire le
31 janvier.
CYRE (sainte), martyre, cueillit la palme
des glorieux combattants de la foi à Césa
rée en Palestine avec les saintes Zénaïdes,
Valère et Marcie. Avant d'exeirer, elles
souffrirent plusieurs tourments. L'Eglise
honore leur mémoire le 5 juin.
CYRIAC ou Cyriaque (saint), évêque, eut
la tele tranchée pour la foi chrétienne sous
l'empire de Claude II le (.othique, avec saint
Archelaas, diacre, « t saint Maxime, prêtre.
(Poiirplusde détails l'oy. Martyrs d'Ostie.)
CYRIACIDE (sainte;, reçut à Rome la cou-
ronne du martyre en 303, sous l'empire et
durant la persécution de Dioclélien. Elle
fut mise à mort sur la voie Salaria, où elle
demeura enterrée jusqu'au jour de sa trans-
lation, qui eut lieu le 8 août de nous ne
savons quelle année. Yingl-six chrétiens fu-
rent exécutés le même jour dans le même
endroit. L'Eglise honore leur mémoire le 8
août. ( Voy. Cyriaque. Voy. aussi l'abbé
Grandidier, Histoire de VLglise de Stras-
bourg.)
. YRIAQUE (saint), fils de saint Hespère
et de sainte Zoé, était frère de saint ïhéo-
dule. Tous quatre étaient esclaves chez un
nommé Catale, païen, demeurant à Attalie
en Pamphilie. Ce jeune saint et son frère, ne
pouvant voir sans colère les honneurs qu'on
m
C\R
C\B
76â
rendait aux faux dieux dans la maison do
leur maître, se déclarèrent chrétiens. Catale
leur ayant fait endurer divers supplices, les
fit mettre avec leur père et leur mère dans
un four où ils moururent. Ces faits eurent
lieu sous l'empire d'Adrien. L'Eglise fait la
fête de ces saints le 2 mai.
CYRIAQUE (saint), fut décapité à Pérousc
pendant la persécution de Dèce, probable-
ment en 251, avec les saints Florence, Ju-
lien, Marcellin, Fauste. L'Eglise honore la
mémoire de tous ces saints le 5 juin : c'est
à tott que le Martyrologe imprimé à Lille
(Catalogne) pour l'usage des baptêmes dit le
k de ce mois.
CYRIAQUE (saint), diacre et martyr, ap-
partenait à l'Eglise romaine. En 303 , il
fut arrêté et mis à mort comme chrétien. La
persécution de Dioclétien sévissait alors
dans toute sa violence : les saints Large,
Smaragde et vingt autres chrétiens, parmi
lesquels sont nommés Crescentien , Serge,
Second, Alban, Victorin , Fauslin , Félix ,
Svlvain, et quatre femmes, Memmie, Ju-
lienne, Cyriacide et Donate, partagèrent son
triomphe et reçurent avec lui la couronne
du martyre. Tous ces saints martyrs fu-
rent enterrés sur la voie Salaria , lieu de
leur exécution. Depuis ils furent transférés
dans un lieu appartenant h une dame chré-
tienne qui s'appelait Lucine. Cette propriété
se trouvait sur la voie d'Ostie. Ce fut le 8
août qu'eut lieu cette translation, s'il faut
en croire quelques vieux calendriers. {Voy.
l'abbé Grandidier , Histoire de VEglise de
Strasbourg.) C'est le môme jour que l'Eglise
célèbre la fêle collective de tous ces saints.
CYRIAQUE (saint), martyr, reçut la cou-
ronne du martyre en Afrique avec saint
Apollinaire. Le Martyrologe romain ne donne
aucun détail sur leurs combats, et ne dit
point à quelle époque ils eurent lieu. L'E-
glise honore leur mémoire le 21 juin.
CYRIAQUE (saint), martyr, mourut à Ni-
comédie pour la foi chrétienne. Il eut pour
compagnons de son martyre saint Anaslase,
saint Syndime , saint Paulille et saint Se-
cond. L'Eglise, notre mère, célèbre la mé-
moire de ces saints le 19 décembre.
CYRIAQUE (saint), martyr, souffrit le mar-
tyre à Satales, en Arménie, sous le règne de
Maximien. Il eut pour compagnons de sou
rûarlyre ses six frères Orence, Héros, Phar-
nace, Firmin, Firme et Longin. L'Eglise lait
leur mémoire glorieuse le 24- juin.
CYRIAQUE (saint), martyr, soullVit le 'mar-
tyre h Malaga, en Espsagne, avec la vierge
Paulo. Ils moururent sous les pierres dont
on les accabla. L'Eglise fait leur mémoire le
18 juin.
CYRIAQUE (saint), martyr, cueillit la
palme du martyre à Tomes, dans la |)ro-
vince du Pont. Il eut noui- compagnon de ses
soullVances saint l'aui. On n'a pas d<', détails
précis sur eux. L'Eglise fait leur fêle le 20
juin, jour où elle les honorti collectivement.
CYIUAQUK (saintj, martyr, reçut la |)alme
du iii.irlyre à Rome avec les saints Paul et
Lucius. On ne conijnti pas 1<.'> circons-
tances de leurs combats. L'Eglise fait leur
mémoire le 8 février.
CYRIAQUE (saint), est inscrit au Marty-
rologe romain le 31 janvier. Il souffrit lo
martyre avec les saints Tharsice et Zotique.
On ignore le lieu, la date et les circonstances
de leurs combats. L'Eglise fait leur fête le
31 janvier.
CYRIAQUE (saint), martyr, versa son
sang pour la défense de sa foi à Nicomédie.
Il eut pour partager sa gloire dix autres com-
pagnons dont les noms ne nous sont pas par-
venus. L'Eglise honore leur mémoire le
7 avril.
CYRIAQUE (sainte), martyre, répandit son
sang à Rome en l'honneur de Jésus-Christ.
Durant la persécution de l'empereur Valé-
rien, cette sainte veuve employait son
temps et tout ce qu'elle possédait au service
des saints. Elle donna sa vie elle-même bien-
tôt pour le service de Jésus-Christ. L'Eglise
honore sa mémoire le 21 août.
CYRIAQUE (sainte), vierge et martyre, re-
çut la couronne du martyre à Nicomédie,
avec cinq autres do ses compagnes dont les
noms ne nous sont point parvenus. Notre
sainte ayant repris l'imj-iété de l'empereur
Maximien avec beaucoup de liberté, fut ' A
fouettée cruellement, déchirée par tout le ■
corps et enfin brûlée. L'Eglise célèbre la mé-
moire de ces vierges le 19 mai.
CYRIAQUE (sainte), martyre, répandit son
sang pour la religion chrétienne, Elle souffrit
avec sainte Photine et ses deux fils saint Vic-
tor et saint Joseph, les saints Sébastien, offi-
cier de l'armée, Anatole, Pholius, Photide
et sainte Parascève, sa sœur. Le Martyrologe
romain ne parle point de l'époque où ce
martyre eut lieu, et ne donne aucun détail.
L'Eglise honore ces martyrs le 20 mars.
CYRILA, était patriarche des Vandales; il
succéda dans cette dignité à Joconde qu'Hu-
neric avait fait brûler au milieu de Carthage,
parce qu'il paraissait soutenir la maison de
Théodoric. Cyrila, portant envie à saint Eu-
gène dont la réputation se répandait de toutes
parts, inventait chaque jour quelque nou-
velle calomnie contre lui. Aidé des autres
sectaires d'Arius, il porta enfin Hunéric à
défendre à ce saint de s'asseoir sur son siège
épiscopal, de prêcher la parole de Dieu au
jieuple, et de souffrir dans son église ni
hommes ni femmes qui fussent vêtus à la
vandale. Car il y avait un fort grand nombre!
de catholicpiesqui, étant officiels chez le loi,
avaient pris l'habit des Vandales. Il persuada
encore à Hunéric que s'i'l voulait jouir long-
temps et paisiblement de sa couronne, il
fallait qu'il exterminAt en Afriiiue juscpi'au
nom des catlioli(pies. Ce prince était persuadé
([u'une conférence dont il serait le maître
])Ourrait donner (pielque ouverture ;\ son
dess(!in. Cette conlércnct! comiiiença (juand
il plut aux ariuns, et dans un lieu cpi'ils
avaient choisi. Les catholiqui^s avaient
imé dix d'entre eux pour parler au nom
autres, tant afin d'éviter la confusion et
ruit qu(î |)our Ator aux aricîus le prétexte
lire qu'ils avaient été accablés par la mul-
763
CYR
C\R
7n4
titiule de lours adversairos. Cyrila vint avec
ses satollilos ((lui pouvaient être les autres
évoques ariens, ou môme les soldats de Hu-
neric), et il se plaça sur un très-riche tiùne,
dans un lieu 6\ové, tandis que les catholiques
demeuraienlpeut-ôtre debout. Ces derniers,
apiès s'cHre plaints de ce faste si })eu conve-
nable c^ l'égalité (jue doivent f;,arder des pcr-
sonii(>s qui contèrent ensend)le, demandèrent
qui serait le juge pour examiner c(^ (pii se
dirait de part et d'autre, et pour prononcer
ensuite conformément aux règles de la vé-
rité. Durant qu'on disputait sur cela, un se-
crétaire d'Hunéric prit la parole. Mais ayant
connnencé par ces mots, le patriai'chc Cyrila
dit, les catholiques indignés de la vanité
avec laquelle CyrUa prenait un titre qui lui
appartenait si peu, demandèrent cju'on leur
montrât qui lui avait permis de le prendre.
Sur cela les ariens firent grand bruit et
commencèrent à traiter injurieuseraent les
callioliques. Et connue ceux-ci avaient de-
mandé que si on ne voulait prendre le peu-
ple jiour juge, on lui permît au moins d'être
témoin de ce qui se ferait, il y eut ordre de
donner cent coups de bâtons à tous les laï-
ques catholiques qui étaient présents ; sur
quoi, saint Eugène s'écria : Voyez , mon
]Jieu, de quelle sorte on nous opprime, et
soyez le juge des violences que nos persécu-
teurs nous font souffrir.
Les catholiques dirent ensuite à Cyrila
qu'il n'avait qu'à proposer ce qu'il voudrait.
Cyrila répondit par un interprète qu'il ne
savait pas le latin. Les catholiques lui sou-
tinrent qu'ils étaient bien assurés qu'il avait
toujours parlé latin, et qu'il ne devait pas
demeurer dans le silence, puisque c'était lui
qui avait excité tout cet orage. On ne laissa
pas de parler du mot de consubstantiel que
les ariens voulait qu'on leur montrât expres-
sément dans l'Ecriture ou qu'on le condam-
nât sur l'autorité des conciles de Rimini et
de Séleucie, composés, disaient-ils, de plus
de mille évoques. Les catholiques n'eurent
garde de condamner ce terme, ni ce jour-là,
ni le lendemain auquel il semble qu'on en
parla encore. Cyrila, voyant qu'ils étaient
mieux préparés qu'il n'avait cru, évita par
toutes .'vortes d'artifices de leur laisser le
temps de parler. Cela n'empêcha pas que les
ariL'ns ne publiassent que les catholiques
avaient tout brouillé par les clameurs et les
séditions du peuple qu'ils avaient soulevé.
Hunéric, trompé par eux, ordonna dès lors
que les églises des catholiques fussent fer-
mées à Cartilage le 7 février. Il voulut faire
croire, dans son édit de persécution, qu'il les
avait fait fermer pour obliger les catholiques
de venir à la dispute, sans qu'un moyen si
violent les y eût pu faire résoudre. Ce fut
pour ruiner cette calomnie que les catholi-
ques firent touies choses, même après la
conférence , pour empêcher qu'on ne les
soupçonnât de fuir le combat.
Cyrila commettait beaucoup de violences
pour établir sa religion impie. Victor de
Vite le vit de ses propres yeux exercer une
violence inouïe dans Carthage. Il fit arracher
un enfant de sept ans d'entre les bras de sa
mère qui était une dame de condition. Elle
courut après ces ravisseurs au milieu de
toulf! la ville, les cheveux épats et l'enfant
criait d(! toute sa force : Je suis chrétien ! ie
suis chrétien ! ces impies lui fiM'uièrcint la
bouche et plongèrent cette innocente créa-
ture dans l'eau de leur faux baptême. Plus
tard, nous le voyons soutenant une dispute
avec saint Eugèn(î, en présence du roi Tnra-
samond. Dans cette dispute, saint Eugène
eut l'avantage qu'on pouvait attendre d'un
saint par qui l'esprit du Père parlait. Ce qui
confondait et irritait encore davantage Cyrila,
c'est que saint Eugène soutenait par des
mirachis la vérité de la foi, et rendait la vue
aux yeux du corps aussi bien qu'à ceux de
l'âme. Ce saint avait encore avec lui deux
hommes j)leiiis de sainteté et de sagesse,
Vindémial et Longin. Cyrila voyait avec un
esprit d'envie et de fureur la réputation que
ces miracles donnaient aux saints et le mé-
l)ris où lui-même était tombé. 11 voulut donc
soutenir la vanité par la vanité, et l'erreur
par la fourberie, pour vérifier ce qu'avait dit
un auteur africain quarante ou cinquante ans
auparavant, que les hérétiques et principa-
lement les ariens trompaient les peuples par
des miracles apparents. 11 persuada à un
homme de sa secte en lui donnant 50 pièces
d'or, de faire semblant d'être aveugle, afin
qu'il pût aussi faire semblant de le guérir.
L'homme y consentit. La farce se joua pu-
bliquement et en la présence des trois saints;
mais elle devint bientôt une vérité terrible.
Celui qui faisait l'aveugle se trouva effecti-
vement aveugle dès que Cyrila lui eut im-
posé les mains, et avec une si grande dou-
leur qu'il semblait que les yeux lui allassent
sortir de la tête. L'erreur et l'argent cédèrent
alors à la vérité ; il confessa son crime et ce-
lui de Cyrila ; et ayant reconnu que l'on ne
se moque point de Dieu, il eut recours à ses
fidèles serviteurs, devant qui, pour mériter
que Dieu eût pitié de lui, il confessa haute-
ment la foi catholique. Il se forma alors une
contestation, non d'orgueil, mais d'humilité
entre les trois saints, et enfin pour s'accor-
der, Longin et Vindémial imposèrent leurs
mains sur la tête de cet homme, durant que
saint Eugène faisait sur les yeux le signe
sacré de la croix. Toute la douleur de cet
homme cessa, et il recouvra aussitôt la vue.
CYRILLE (saint), assistait au martyre de
sainte Anastasie l'Ancienne, sous l'empe-
reur Valérien et sous le préfet Probus.
Ayant donné à la sainte de l'eau qu'elle lui
avait demandée, il fut pris par les persécu-
teurs, et eut la gloire et le bonheur d'être
associé à son martyre. l'Eglise le fête le 28
octobre.
CYRILLE (saint), fut martyrisé sous le
règne de l'empereur Dèce. Il est ainsi mar-
qué dans les martyrologes : Saint Cyrille
enfant. On verra, par l'histoire que nous
allons en donner, qu'il ne faut pas prendre
cette expression à la lettre. Saint Cyrille
devait au moins entrer dans l'adolescence:
l'énergie de ses réponses, la manière même
7KI
CYR
CYR
7.^
r,
dont le juge lui tit valoii- les motifs d'intérêt
qui devaient le dét'.Mniiner suivant lui à re-
chercher les bonnes grAces de son père,
nrouvent qu'il était un peu plus âgé que
rexpression d'enfant ne sig-iitie ordinaire-
ment. Les Ados que nous allons copier sont
pleins d'intérêt et paifaitenienl écrits. Tontes
.es probaliilités sont poui- qu'on les attribue
à saint Firmilieii. Aussi doit-on admettre
que c'est bien sous Dèce, et non pas sous
Valérien, que le saint martyr dont nous
écrivons la vie adonné son sang pour la foi.
Nous copions texluelleuient.
«La relation (pie je vous envoie, mes chers
frères, du martyre d'un jeune enfant nommé
Cyrille, ne vous causera pas moins d'admi-
ration sans doute que de consol.Uions et de
joie. Ce jeune soldat de Jésus-Christ a com-
b;ittu généreusement contre l'impiété et la
cruauté des juges, mais il n'a pas com-
battu seul; la foi, que dis-je? Dieu lui-
mèaie, ont combattu avec lui. Césai-ée a été
le lieu da combat. L'Age tendie de Cyrille
remplissait les spectateurs d'étomeraent, et
Ja fermeté de sa foi attirait à Jésus-Christ
des louanges et des bénédictions ; car ce
saint enfant avait sans cesse à la bouciie le
nom sacré de JJ'Sus-Christ, et il disait qu'il
trouvait d^ms ce nom adorable une vertu se-
crète qui le fortiliait et le rendait insensible
aux touiments qu'on lui faisait endurer.
Son père, ne pouvant souffrir qu'il fut chré-
tien, le mit hors de chez lui, et le laissa
manquer de toutes choses. Parmi les paiens,
les uns louaient en cela la conduite du
père, les autres admiraient son détache-
ment ; mais il y en avait aussi qui n'approu-
vaient en aucune manière cette dureté.
Pour Cyrille, se voyant chassé de la maison
paternelle, et privé de tout secours, il bé-
nissait Dieu de ce que, par la perte de quel-
ques avantages lemporels, vils et mépri-
sables, il acquérait des biens infinis et
d'une éternelle durée. Cependant ces choses
étaient venues aux oreilles du juge de Cé-
saiée; il envoya prendre le petit Cyrille par
des soldats. Lorsqu'il l'eut fait amener en sa
présence, il lui parla d'un ton jxopre à je-
ter la fraeur dans cette jeune Ame ; il le
menaga des siq)plices ; il lui en lit une pein-
ture atfreuse ; mais tout Cila fut inutile :
l'enfant n'en fut |)as seulement ébranlé, et,
coirmarant eu lui-même les biens que la foi
lui faisait csj)érei' avec les maux qu'on lui
voulait faire craindre, il se moipia des me-
naces du juge, et la vue des tourments n'eut
)a.- seulement le pouvoir de le laire chance-
er un morm;nt. «Mon enfant, lui dit ce ma-
gistrat, je veux bien vous |)ardonuer votr'e
jaule en cons déraliori (h; votre Age; votre
père même consent à l'oublier, il est prêt à
vous l'ecevoir, et il ne lierrdra (\\ih. vous do
•"entier dans ses bonnes grAcrs et dans la
jouissance de tout son bien, mais à con-
dition que vous s(!i-ez sage à l'averrir, et que
vou^ renoncerez h votre su|ieislitrorr. —
Qiie, j'aimo, répondit (Cyrille, vos répiimarr-
des t,'t vos merrace.^, et qu'il rrre sera d(jux
<^e soudi il- iKiiji' irrio si bourre cause ! Si mon
père me refuse l'entrée de sa maison, mcii
Dieu m'ouvrir-a la sienne ; pour une de-
meure de terre et de boue que je perdrai,
j'erj recouvrerai une toute d'or et de pierre-
ries. Je devie^rdrai volontiers pauvre ici-
bas pour être riche là- haut. Je ne crains
point la mort, parce qu'elle sera suivie d'une
vie heureuse et (jui ne finira jamais. » 11
prononça ces {)aroles avec une foi'ce toute
divine, et on s'aper-ccvait aisément qu'elles
paitaient d'une intelligence irdirjiment éle-
vée au-dessus de son Age. Le juge, pour l'in-
timider, le fit lier, comure s'il l'eût voulu
envoyer au su[)plice. En elfet, on lui fit voir
un bùeher qu'on lui dit ôtie préparé pour
lui. Mais, bien loin de marquer quelque fai-
blesse, cet aduiirable enfant n'en [jarut (jue
plus ferme et plus assuré. Lor-s donc qu'on
eut rapporté au juge C[ue la vue du feu n avait
fait aucune impression sur lui, qu'elle ne
lui avait arraché aucune larme, ni fait pous-
ser le moindi'e gémissement, il le fit l'appe-
ler, et voulut encor-e cnrployer la persuasion
pour tâcher de vaincre ce coui'age que les
menaces n'avaient pu surmonter. « Eh bien 1
lui dit-il, vous avez vu le feu que j'ai fait
allumer pour vous brûler tout vif. Seiez-
vous sage à l'avenir, et par une entière sou-
mission à ma volonté et à celle de votre
pèie, vous eilorcerez-vous de mériter qu'il
vous rende son atfeclion et qu'il vous re-
çoive chez lui?» Le jeune Cyrille répon-
dit : Oue tu m'as fait tort, tyran, de mavoir
rappelé ! Quoi ! je ne serai donc pas brûlé ?
Auras-tu en vain fait allumer ce feu? lleii-
voie-moi, tyran, i envoie-moi. Je meurs
d'impatience de me voir au milieu des fiain-
mes pour aller à mon Dieu ! Tous les assis-
tants qui l'entendaieut parler de la sorte fon-
daient en pleurs ; mais l'enfant, leur repro-
chant leur faiblesse : « Vous pleurez, leur
disait-il, et vous vous aflligez |)our l'amour
de moi? rie/, plutôt et réjouiss.z-vous de
mon bonheur. Venez chanter un cantique
de joie autour de mon bûcher. Ah ! vous ne
savez pas quelle gloire m'attend, ou plutôt
vous ignorez ([uelie est la graiuleur de ma
foi. Laissez- moi donc finir piouiptement ma
vie, et n'en déshoiioi-ez pas la fin par vos
larmes. » Kn disant cela, il courut au bûcher,
où il trouva bientôt une mort précieuse de-
vant Dieu, (,'t glorieuse dans la mémoire des
hommes. LKglise lait sa fêle le 29 mai.
CYlllLLL (saint j, évoque (le Corlyne et
martyr, eut le bonheur de donner' sa vie
pour- la foi sous l'(nu|)ii'e de Dèce, clans l'ilo
de Crète, sous le pré>i(ient Lucius. Les mar-
!yr'olog(is de saint Jér-tuire portinil que ce
juge le fit jeter dans le feu sans rien ajouter
davanlage, ce (pii semble irr(li(iu(!r que son
sacrifice fut coiisouuué |»ai' ce sirpidice. SiS
Actes au c onlr-aiic, suivis en cela j»ar le M<u-
tyrcdoge romain, ra( (-tnteiit que le feu ne lit
(jue brûler les cordes (pu atlachaunil lu
Siint évê(iue, et (pi'il sortit du bûdier sain
et sauf. Le juge, ajoutenl-ris, fut tellement
émci veillé de ce miiaele, qu'il laissa partir
l(! saint sans le louriiientcn' davanlage. Au
bout de (|uel(iue temps, voyant (pu! C_}rille
797
CYR
CTR
768
continuait à prêcher la parole de Dieu et a
faire do nombreuses conversions, il le lit
décapiter. L'Eglise fait la fôte de ce saint
évôqiie lo 0 juillet.
CYIULLE (saint), martyr, reçut la cou-
ronne (lu martyre h Phila(lel|)liie en Arabie,
avec les saints A(piilas, Picrie, Domilien,
l\uf et Mt'nandre. L'Eglise célèbre leur mé-
moire le 1" août.
CYUILLE (saint), archevêque de Jérusa-
lem, docteur de l'Église et confesseur, était
originaire de Jérusalem ou des environs. 11
naquit vers l'an 315. 11 s'a|)i)liqua avec tant
de succt^s h Vétuile des saintes Ecritures,
que quand il prôchail, ses discours n'étaient
que des citalio'is presque textuelles dans
tous les cas parfaitement appropriés des au-
teurs sacrés. Il ne négligea pas l'étude des
écrivains profones, persuadé qu(i la science
est utile à uii ministre des autels, aj)|)elé à
enseigner et h tenir, s'il comprend sa mis-
sion, la tête de son siècle. Ce fut le grand
Maxime, évoque de Jérusalen), qui lui con-
féra les ordres sacrés. 11 fut promu au sacer-
doce à l'Age de 30 ans, c'est-à-dire en 34.5.
Il fut chargé par lui de prêcher la parole de
Dieu, ce qu'il faisait chaque dimanche, ainsi
qu'il nous l'apprend lui-même. Il fut aussi
chargé de l'école des catéchumènes. Cinq ans
après sa promotion au sacerdoce, il succéda
à Maxime sur le siège épiscopal. Acace était
alors évêque de Césarée. Il s'attribuait ju-
ridiction sur le siège de Jérusalem. Saint
Cyrille repoussait cette prétention. De là
guerre ouverte entre les deux évèques. De
plus Acace, partisan des ariens, attaquait la
consubstantiaiilé du Verbe que Cyrille dé-
fendait avec persévérance comme le crité-
rium de la foi catholique. L'évoque de Cé-
sarée assembla un concile devant lequel
il cita Cyrille. Deux ans durant, celui-ci
refusa de se présenter devant une juridic-
tion qu'il ne reconna"issait pas, et au bout
de ce , temps le concile le déposa. Entre
autres crimes qu'on lui reprochait, on avan-
çait qu'il avait volé, pillé les biens elles or-
nements des églises. Le fait est que Cyrille,
dans une famine, avait vendu des ornements
pour donner du pain à une multitude de
pauvres. Malgré l'appel de Cyrille à l'empe-
reur et aux autorités supérieures ecclésiasti-
ques, il fut obligé de céder à la violence. Il
se retira à Antioche, puis après cela à Tarse
en Cilicie. 11 y fut très-honorablement reçu
par Sylvain, évêque de cette ville, quiil'auto-
risa à exercer toutes les fonctions de son
ministère. Dans le concile deSéleucie, il fut
rétabli en 359; mais le fameux concile de
Constantinople, tenu un an après par les
ariens, le déposa de nouveau. Quoiqu'il eût
été lié avec plusieurs des évêques qui de-
puis se mirent dans les rangs et à la tête des
semi-ariens, jamais il n'adopta leur foi. Il
avait adopté toutes les décisions du concile
de Sardique et par conséquent la foi de Nicée
dans toute son intégrité. Dans un concile
tenu à Constantinople en 382, on rendit en-
tièrement justice à sa foi. Les évêques pré-
sents, dans une lettre adressée au pape Damase
et aux évêques d'Occident, dirent que letrès-
révériMid Cyrille, évêque de Jérusalcuj, avait
été élu canoniquemenl |)ar les évêques de
la province, et avait soull'ert jjlusieurs i)er-
sécutions pour la foi. Julien, (;n remontant
sur le trên(!, rappela tous les évêques exilés.
Son but était fie maintenir la balance éc^uili-
brée eritre les catholiques et les ariens, espé-
rant les détruin; tous les uns par les autres,
en discréditant le christianisme, par les divi-
sions intestines qu'il montrait. Saint Cyrille
fut ainsi rendu h son Eglise. Julien n'ap-
prouvait pas la marche suivie par les persè-
cuteuis [)0ur détruire la religion chrétienne.
11 savait que le sang des martyrs était une
semence féconde, à l'aide de laquelle sans
cesse le christianisme étendait ses progrès
et ses conquêtes. H voulut, lui, prendre le
côté opposé, montrer une grande douceur
en apparence, pour cacher, sous ce manteau
hypocrite et trompeur, ses attaques les
mieux combinées et les plus dangereuses.
Sachant ce que les pro[)hètes avaient dit du
temple de Jérusalem, il entreprit de le rele-
ver pour mettre en défaut les saintes Ecri-
tures. Si cette entreprise eût pu réussir, cer-
tes il était démontré péremptoirement que
Jésus-Christ n'était pas Dieu, et que par
conséquent tout ce qu'on lui appliquait de
l'Ecriture sainte était faussement appliqué.
Ce fut sous l'épiscopat de saint Cyrille
qu'eut lieu cette entreprise insensée, et que
Dieu accomplit, pour ^a faire avorter, une
suite de miracles dont on peut voir le détail
à l'article Julien. Saint Cyrille fut extrême-
ment heureux du résultat que du reste il
avait prévu et annoncé, en disant qu'il était
bien tranquille, et que jamais puissance
humaine ne pourrait rien contre la parole
de Dieu. Julien, qui en fut averti, avait l'in-
tention de le punira son retour de la guerre
contre les Perses; mais Dieu le prévint en le
fcusant mourir au milieu du pays ennemi.
Saint Cyrille vécut en paix jusqu'à l'avé-
nement de Valens, empereur arien, qui
l'exila de nouveau II assista, comme nous
le disons plus haut, au concile de Constanti-
nople, en 381, et mourut en 386, à l'âge de 70
ans. L'Eglise honore sa mémoire le 18 mars.
(Tiré de ses ouvrages.)
CYRILLE (saint), martyr, était diacre à
Héliopolis au mont Liban. Ce fut sous Ju-
lien l'Apostat que ce saint souffrit le mar-
tyre. Les païens lui ayant ouvert le ventre,
lui arrachèrent le foie qu'ils mangèrent
comme des animaux féroces. L'Eglise fait sa
mémoire le 29 mars.
CYRILLE (saint), martyr, l'un des qua-
rante martyrs de Sébnste, sous Licinius.
[Voy. Martyrs de Sébaste.)
CYRILLE, fut établi évêque sur le siège
de Typase par les sectaires d'Arius. Ce Cy-
rille avait été secrétaire du roi, ou plutôt,
selon une autre version, du patriarche arien
Cyrila. Je ne sais si ce serait ce Bulimande,
évêque arien, que les Grecs disent avoir al-
lumé avec Cyrille la persécution d'Hunéric,
Dès qu'on sut à Typase l'ordination de ce
769
C\R
CYR
760
faux ëvôque, toute la \ille se mit en mer et
se retira en Espagne, à la réserve de fort peu
do personnes qui ne purent trouver moyen
de s'embarquer. L'évoque arien employa au
commencement les caresses et puis les mena-
ces pour faire changer de religion à ceux
qui étaient restés; mais Dieu les fortifia de
telle sorte qu'ils se moquèrent de sa folie.
Ils s'assemblèrent mèiuetous dans une mai-
son où ils célébrèrent les divins mystères
sans se cacher. La générosité de cette E^:ilise
est d'autant plus remarquable que Réparât,
son évêque, s'était perdu par sa lâcheté. L'é-
vèque arien, voyant cette fermeté inébran-
lable des catholiques, en donna secrètement
avis à Carthage, et Hunéric, tout en colère,
envoya un comte avec ordre de faire venir
dans la ville toute la province, et de faire
confier ensuite au milieu de la place, à ces
généreux catholiques, la main droite et la
langue jusqu'à la racine. Cela fut exécuté.
Mais, par un etîet de la grAce toute-puis-
sante du Saint-Esprit, « ils parlèrent et
parlent encore, dit 'Victor, comme ils fai-
saient auparavant. Que si quelqu'un trouve
ce miracle incroyable, qu'il aille à Constan-
tinojile, continue le môme auteur, et il y
verra l'un d'eux, nommé Réparât, qui est
sous-diacre et qui parle parfaitement bien :
il est respecié de tout le monde dans le pa-
lais de l'empereur Zenon, et l'impératrice
même a une vénération toute particulière
pour lui. ))
CYRILLE (saint), patriarche d'Alexandrie,
docteur de l'Eglise et confesseur, était neveu
de Théophile, patriarche d'Alexandrie. 11 fut
nourri dès l'enfance dans l'étude des lettres
sacrées, instruit dans les dogmes purs et
apostoliques de l'Eglise, sans avoir ja-
mais été engagé dans aucune hérésie. Théo-
phile, son oncle, étant mort en l'année 412,
il y eut de grandes disputes pour l'élection
de son successeur : les uns demandaient
Timothée qui étaient archidiacre, les autres
saint Cyrille, et la dispute alla jusqu'à for-
mer une sédition parmi le peuple. Abon-
dance, comte ou général des troupes d'E-
gypte, y prit part en faveur de Timothée.
Ce[)endànl tiois jours après lamort de Théo-
phile, saint Cyrille fut intronisé.
Il commença l'exercice de son pouvoir
par une grande mesure de rigueur contre
les novaliens. Il ferma les églises qu'ils
avaient à Alexandrie, s'empara de tous les
vases et de tous les meubles qui y servaient,
et dépoudla leur évè(jue, nommé Théo-
peinpte, de tout ce', qu'il possédait. Quelque
temps après il chassa les Juifs coupables de
plusieuis violences contre les chrétiens. Le
préfet Oreste fut très-sensiblement louché,
dit Socrate, de l'expulsion des Juifs, et il lit
de grandes plaintes de ce qu'un avait dépeu-
plé la ville d'un si grand nombre d'habitants.
11 en écrivit à remj)erein-. Saint Cyrille lit
la même chosi- dc^son cAté, et rejirésenla les
violenci.'S t\u(t les Juifs avaient laites contre
les clirétiens. Il narail (jue remjiereur con-
IJrma leur expulsion, cor ils ne revinrent
p<is& Alexariririo. Il faut remarquer que c'é-
tait Pulchérie qui gouvernait alors les affai-
res sous le nom du jeune Théodose son frère,
et elle a toujours été très-favorable à l'E-
glise. L'inimitié d'Oreste pour saint Cyrille
devint pubique par les plaintes que ce pré-
fet faisait de l'expulsion des Juifs. Saint Cy-
rille, à la prière du peuple, envoya témoi-
gner à Oreste qu'il ne souhaitait que de vi-
vre avec lui en ami. Mais Oreste rejeta ces
offres, et le respect des sacrés Evangiles, par
lesquels saint Cyrille le conjura d'apaiser sa
colère, ne |)ut' vaincre son obstination.
Ainsi leur division continua toujours, et
voici l'effet funeste qu'elle produisit.
Quelques moines des montagnes de Nitrie,
d'un naturel fort bouillant, et les mêmes
dont Théophile s'était autrefois servi pour sa-
tisfaire sa passion injuste contre Dioscore
et ses trois frères, étant encore alors trans-
portés par un zèle trop ardent, prirent les ar-
mes pour la défense de saint Cyrille. Etant
donc sortis de leur monastère au nombre
d'environ cinq cents, ils vinrent à Alexandrie,
où, ayant rencontré le préfet porté sur son
char, ils s'approchèrent de lui et l'appelè-
rent païen et idolâtre. Le préfet jugeant que
c'était im piège qui lui avait été diessé par
saint Cyrille, s'écria qu'il était chrétien et
qu'il avait été baptisé à Conslantinople par
l'évoque Atticus. Les moines, faisant peu
d'attention à ses paroles , un d'entre eux,
nommé Ammone, lui jeta une pierre à la tête,
et le blessa de telle sorte qu'il le mit tout
en sang. Ses gardes, craignant d'être lapidés,
s'enfuirent presque tous de côté et d'autre,
et s'allèrent cacher parmi la foule. Cepen-
dant le peuple accourut au secours du préfet,
écarta les moines, se saisit d'Ammone et
le mit entre les mains du gouverneur, qui
le mit publiquement à la question et le fit
tourmenter selon toute la rigueur des lois,
et avec tant de violence qu'il en mourut.
Il écrivit en môme temps en cour tout ce
qui s'était passé. Saint Cyrille y écrivit
aussi de son côté, mandant tout le contraire
du préfet. Il redemanda le corps d'Ammone,
le fit enterrer dans une église, changea son
nom et lui donna celui de Thaumase. Il le
faisait môme honorer du litre de martyr,
fit son éloge publiquement dans l'église, et
loua son courage, comme s'il avait perdu la
vie pour la défense de la religion. Mais les
plus modérés d'entre les chrétiens mômes
ne purent approuver ces louanges d'Am-
mone, parce qu'ils savaient bien que ce moine,
bien loin d'être mort pour avoir confessé Jé-
sus-Christ, n'avait souUVrl que le juste châ-
timent de son insolence. Aussi sanit Cyrille
eut soin dans la suite d'étouffer cette atlaire
j)ar le silence.
La même division produisit encore depuis
un autre malheur plus célèbre que les pré-
cédents, qui arriva l'année suivante ('*15).
]| y avait à Al(;vandri(! une fille païenne
nonunéi; Ilypacie, (pii enseignait la philuso-
plii(! platonicienne, et que son talent distin-
gué avait mise on grande ré|)utalion. Celte
l'cnnne élait fortliécavecOrcstc ; aussi Je peu-
ple,persuadé 'pje c'étaient les cons<'i]s d'JHy-
7«!
CYR
CTR
762
pacie qui empochaient le gouverneur do se
réconcilier avec Cyrille, la mirent à mort un
jour qu'elle sortait de sa maison, et traînè-
rent ses membres dans les dillercnts quar-
tiers de la ville.
Ce fut en l'année 419 que saint Cyrille,
qui s'était laissé prévenir contre saint Cliry-
sostome, et qui, jusqu'alors, avait refusé de
rétablir sa mémoire, mit enliii le nom du
saint archev6(|ue do Constantinople dans
les diptjqui's. Informé de co qu'il avait lait,
le pape Zozime lui envoya aussitôt des let-
ti-es de communion. Voilà ce que nous trou-
vons de la vie de saint Cyrille jusqu'à l'au
428, auquel il faut commencer l'histoire
de l'hérésie nestorienne, qui en doit faire
la plus grande et la plus importante par-
tie.
A la mort de Sisinne, évoque de Cons-
tantinople (427), la cour, voulant arrêter tou-
tes les brigues que plusieurs mettaient en
œuvre pour lui succéder sur ce siège im-
portant , résolut de prendre quelqu'un
qui ne fût point du clergé de Constantino-
ple, et jeta les yeux sur Nestorius, alors prê-
tre d'Antioche, qui avait une très-grande ré-
putation. Ce Nestorius était de (îermanicie,
ville de la Syrie Euphratésienne. Il paraît
qu'il était d'une extraction fort médiocre ,
puisque saint Cyrille dit que Dieu l'avait
élevé de la bassesse aux dignités les plus
grandes. Il donne même lieu de croire que
sa naissance était honteuse. Théodoret dit
au'il ne sait pas de quelle manière il avait
été élevé ni quelles sciences il avait apprises
d'abord. Quoi qu'il en soit, après avoir par-
couru différents pays, il s'arrêta à Antioche
et y acquit une science médiocre dans les
belles-lettres. Il avait naturellement une
• grande facilité à parler sur-le-champ; il avait
même la voix fort belle et extrêmement
forte ; sa vie était très-exemplaire, et sa pu-
reté le faisait estimer d'un grand nombre ;
son habit était fort brun , son air modeste
et recueilli. Il évitait les lieux de trouble
et d'assemblées ; la pâleur de son visage et
de son corps était une marque de sa sobriété.
Il était presque toujours chez lui appliqué à
la lecture et renfermé en lui-même dans le
repos et dans le silence. Théodore de Mop-
sueste ayant avancé, eu prêchant à Antio-
che, une proposition qui n'était pas exacte,
Nestorius fut le premier à la désapprouver
et à témoigner avec liberté son zèle pour la
véritable doctrine. Il acquit par ce moyeti
une fort grande réputation qui le fit envier
h Antioche par les autres villes. On le re-
gardait comme une personne dont la foi
était pure et sans tache, capable d'exciter
les autres h. la piété, et très-propre pour
instruire les peuples. On ne doutait point
qu'il n'eût toutes les qualités d'un bon pas-
teur et d'un excellent évoque. Néanmoins,
Théodoret dit que toute la vertu extérieure
qu'il faisait paraître n'était qu'une vaine
apparence pour s'acquérir l'estime des hom-
mes , et qu'il préférait sa gloire à celle de
Jésus-Christ même; que dans ses discours,
son langage n'avait rien de mâle , rien de
naturel , rien de touchant , rien qui pût
échauffer le cœur de ses auditeurs , et qu'il
ne s'appliquait qu'à leur plaire et à flatter
leurs oreilles afin de s'attirer leurs louanges
et leurs ap[)laudissements , de gagner leur
estime et de se faire suivre par la foule du
peuple. Socrate dit aussi (pi'il n'était pas si
savant qu'on le croyait : qu'étant cnllé de
son élocpieuce, et croyant qu'elle le niiîtlait
au-dessus de tout le monde, il ne s'était pas
mis en peine de lire les interprètes ni d'étu-
dier solidement les anciens Pères ; qu'il était
tout ensemble vain, violent et peu judicieux.
C'était un esprit bouillant, qui se portait
avec feu à tout ce qu'il entreprenait. Mar-
cellin dit qu'il avait assez d'éloquence, mais
peu de sagesse. Saint Cyrille l'accuse d'a-
voir eu plus d'attache à l'or et à l'argent
qu'aux vérités de l'Ecriture.
Notre saint écrivit sans différer à Nesto-
rius pour lui témoigner sa joie , pour le
louer et pour lui souhaiter de la bonté de
Dieu les biens les plus excellents. Neslorius
inaugura sa nouvelle dignité en persécutant
avec vigueur les Ariens, les Macédoniens,
les Manichéens, et finit enfin par les chasser
de son diocèse. Il poussa le zèle jusqu'à faire
abattre l'église oi!i les sectaires d'Arius te-
naient leurs assemblées. Bientôt, cependant,
il nia avec les Pélagiens !a nécessité de la
grâce, quoiqu'il reconnût l'existence du pé-
ché originel. Il osa prêcher et faire prêcher
publiquement qu'il y a deux personnes en
Jésus-Christ , celle de Dieu et celle de
l'homme ; que le Verbe ne s'est point uni
hypostatiquement à la nature humaine ;
qu'il ne l'a prise que comme un temple oii
il habite, et que par conséquent la sainte
Vierge n'est point mère de Dieu, mais seu-
lement mère de l'homme ou du Christ. Tou-
tes ces nouveautés -impies excitèrent une
indignation générale parmi les fidèles.
Saint Cyrille eut la gloire de s'opposer le
premier avec une vigueur digne de son zèle
aux homélies de Nestorius que cet héré-
siarque faisait colporter dans les provinces,
et qui commençaient à semer la division
dans l'Eglise. Le mal avait pénétré jusque
dans les saints déserts où l'on trouvait clés
gens qui allaient de tous côtés pour corrom-
pre la simplicité de la foi des solitaires, qui
voulaient qu'on doutât si la Vierge devait
être appelée mère .de Dieu, et qui trou-
blaient le repos des monastères d'Alexan-
drie et de l'Egypte par la lecture des homé-
lies de Nestorius. Saint Cyrille apprit cela de
(juelques solitaires qui étaient venus à
Alexandrie, selon la coutume, pour les fêtes
de Pâques. Ce furent une grande surprise
et une grande alfliction tant à ce saint
qu'aux autres qui venaient de témoigner
tant de joie de l'élection de Nestorius, de
voir un succès si opposé aux grandes espé-
rances qu'ils avaient conçues de lui. Notre
saint ayant donc appris le trouble où étaient
les monastères de l'Egypte, fit une lettre cir-
culaire contre l'hérésie de Nestorius, qu'il
leur fit distribuer.
Cyrille écrivit deux fois à Nestorius, afin
7^ DA£L
de l'exhorter h rentrer dans le sein de l'E-
glise; mais celui-ci se refusa à tout ce qu'on
put lui dire , et n'en devint que plus opi-
niâtre. On assembla doncle concile d'Ejihèse
(431) composé de 2r0 évoques, et notre saint
le présida au nom du pape Célestin. Nesto-
rius fut cité trois fois <^ comparaître , mais
quoiqu'il fût dans la ville , il ri^fusa cons-
tamment. Alors on prononça contre lui une
sentence de déposition dont on informa
aussitôt l'empereur.
Quelques jours après , Jean d'Antioche
arriva enfin à E])hèse avec les orientaux qui
l'accompagnaient. Ils favorisaient en sous-
main la personne de Neslorius, crovant qu'on
lui imputait des torts qu'il n'avait pas. ils
déclarèrent nul le concile, et déposèrent
Cyrille. Mais bientôt les légats du pape Cé-
lestin arrivèrent, et ])l(Mneruent instruits de
ce qui .s'était passé, ils confirmèreni la sen-
tence prononcée contre Nestorius. Les évo-
ques schi^matiques reconnurent enfin la vé-
rité, se réconcilièrent avec saint Cyrille en
433, et Nestorius fut relégué à Oasis, dans
les déserts de la haute Egypte, où. il mourut
sans s'être repenti de son erreur. Evagre
dit qu'il avait vu dans un écrit oiî l'on rap-
portait la fin de sa vie , qu'il était mort la
langue mangée de vers. Telle fut la fin do
ce malheureux qui n'avait employé qu'à
troubler l'Eglise les qualités qui le ren-
daient capable de lui rendre de très-grands
services.
Notre saint, voyant que sa présence n'é-
tait plus nécessaire à Ephèse , revint à
Alexandrie. Il s'appliqua, comme par le
passé, à remplir tous les devoirs que sa
charge lui imposait, et cimenta la paix que
l'hérésie avait enlevée à l'Eglise pendant
plusieurs années. 11 mourut enfin en 444,
dan.s la trente-deuxième année de son épis-
copat. Ses vertus et ses talents lui méritè-
rent de la part du pape Célestin, qui l'esti-
mait foit, les titres de généreux défenseur de
VEfjlise et de la foi, de docteur catholique et
d'homme vraiment apostolique. Il est inscrit
au Martyrologe romain le 28 janvier.
CYRILLE (saint) eut le glorieux privilège
de verser son sang j)our la religion chré-
tienne à Anlioche, avec les saints Secon-
daire H Prime. L'Eglise fait collectivement
leur mémoire le 2 octobre.
DAC
7W.
CYRILLE (saint), martyr, mourut en Sy-
rie, en confessant sa foi avec les saints Paul,
Eugène et quatre autres dont nous ignorons
les noms. L'Eglise fait leur fête le 20 mars.
CYRILLE (saint', martyr, reçut la palmo
du. martyre avec les saints Archelaiis et
Pholius. On ignore le lieu, la date et les cir-
constances de leur mart\ re. Le Martyrologe
romain n'en dit rien. L'Eglise honore leur
mémoire le 4 mars.
CYRILLE (sainte), vierge, fille de sainte
Tryphonie, fut égorgée pour la foi chré-
tienne sous le règne et durant la persécu-
tion de l'empereur Claude II, dit le Gothi-
que, dans la ville de Rome. Sa fête tombe le
28 octobre.
CYRILLE (sainte), martyre, souffrit à Cy-
rène, durant la persécution de Dioclétien.
Elle tint longtemps en main des charbons
ardents, avec de l'encens sans le remuer,
de crainte que quelqu'un de ces charbons
venant à tomber, elle ne parût avoir sacrifié
aux idoles. Enfin, ayant eu le corps cruelle-
ment déchiré, elle alla présenter ses mérites
à celui en l'honneur duquel elle avait ré-
pandu son sang. L'Eglise fait sa glorieuse et
sainte mémoire le 5 juillet.
CYRIN (saint) soulfrit le martyre dans
l'Hellespont avec les saints Prime et Théo-
gènes. L'Eglise célèbre collectivement, leu^
mémoire le 3 janvier. . '
CYRION (saint), martyr, souffrit le mar-
tyre à Sébasle en Arnaénie. {Voij., pour plus
de détails, l'article Candide.)
CYRION (saint), prêtre et martyr, versa
son sang pour la foi de Jésus-Christ, avec
les saints Bassien, lecteur, Àgathon, exor-
ciste, et Moïse. Ils soutl'rirent tous le sup-
plice du feu , et l'Eglise vénère leur sainte
mémoire le 14 février. •
CYRTHE, ville de Numidie en Afrique,
célèbr*! par le martyre de saint Agape et de
saint Secondin, sous l'empire de Valérien,
avec celui de saint Emilien, soldat, et des
saintes TertuUe et Antoinette. "*
CYZIQUE, ville située dans l'Hellespont,
est célèbre dans les annales des martyrs,
])ar les souffrances qu'y endura l'évèque
Emilien pour la défense de la religion. Ce
fut l'empereur Léon qui le fit tourmenter à
cause du culte des saintes images
D
DACE (saint), martyr, mourut en Africpie
pour l'honneur de la religion duianl la |)er-
sécution des Vandales. Il eut poui'com[>a-
gnons de son martyre saint Réatc; et d'autnis
encore, dont les noms ne nous sont point
parverms. On n'a pas de détails sur li;ur
martyre. L'Eglise fait leur fêle le 27 jan-
vier.
DACE (saint), évèque et confesseur, souf-
frit pour riKjiineur d(; sa foi dans la ville de
Milan. Le paue saint Grégoire en a fuit
mention. Nous n'avons aucun détail sur lui.
Sa fèt(! est inscrite au Martyrologe romain
le 15 janvier.
DACIEN (saint), fut l'un des (juarante-
huit martyrs mis a mort avec saint Salm-nin
en Alriipie, sous le |)roconsul Anuliu, en
l'an d(i Jésus-Christ .{(Ki, sous le règne et
durant la persécution si terrible (\\u) l'in-
fàm(! Dioclétien suscita conti(î l'Eglise du
S('ign(!ur. (Voij. Satium-n.) L'Eglise célèbre
la fêle de tous ces suints lu II février.
765
DAC
DAC
766
DACIEN (saint), martyr, mourut pour la
toi à Homo avec saint Arôce. On Ignore la
date ot les circonstances de; leur martyre.
L'K/lise honore leur immortelle mémoire le
'i' juin.
DAlllKN (irès-probablement le môme ([uo
le suivant), gouverneur en Esjjagne sous
l'empire et durant la persécution de Dioelé-
tien, lit arrêter à Tolède sainte Lt'ocadie.
A|)rès l'avoir tait horriblement tourmentiM",
il la lit mettre (mi prison, où elle mourut dus
suites des supplices qu'elle avait (Midurés.
En 303, saint (iUcutat c[ui avait quitté S^-il-
lile, ville de l'Afrique [)roconsulaire oii il
habitait, pour éviter la persécution de Dio-
clétien, étant arrivé à Barcelone, Dacicn lui
fit endurer divers tourments, puis enfm le
fil d'capiter.
C'est ce même Dacien qui fit mourir à
Complute, aujourd'hui Alcala, saint Just et
sai it Pasteur. 11 les condamna à être déca-
pités : la sentence reçut son exécution dans
un champ près de la ville. Dans la môme
année, ce féroce persécuteur des chrétiens
inonda de sang la ville de Saragossc. Il y
fit mourir h la fois les martyrs dont les
noms suivent : Optât, Luperque, Martial,
Successe, Urbain, Quinlilien, Jule, Publias,
FrontO'i, Félix, Cécilien, Evotius, Primiiif,
Apodème, plus quatre du nom de Saturnin.
Ces martyrs sont connus sous le nom des
dix-huit martyrs de Saragosse. Caius et Cré-
mence, qui combattirent avec eux, ne mou-
rurent pas le môme jour; ils endurèrent un
Second combat dans lequel ils cueillirent la
palme du martyre. Sainte Eiicratide ou En-
gratie fut aussi victime de la barbarie de
ce monstre de cruauté. Elle mourut en pri-
son des suites des blessures affreuses que
lui avaient faites les bo'urreaux. Dacien
l'avait envoyée, avant de la livrer aux bour-
reaux , dans une maison de prostitution ;
mais Dieu avait v nllé sur elle, et pas un des
débauchés qui fréquentaient ce lieu infâme
n'avait osé s'adresser à elle : la vierge
garda son innocence, et le juge son op-
probre.
DACIEN , gouverneur des Gaules sous
Dioclétien et Maximien, ayant, en vertu des
ordres de ces empereurs, excité une vio-
lente persécution contre les chrétiens, vint
dans la ville d'Agen, oià il fit comparaître
devant son tribunal sainte Foi, jeuiie chré-
tienne qui appartenait à une famille illustre.
Il e^saya d'abord de la gagner par la dou-
ceur de son langage et par ses pernicieux
conseils. N'ayant pu y réussir, il la fit atta-
cher sur un lit d'airain, sous lequel on al-
luma un grand brasier. Les spectateurs de
ce supplice ayant témoigné l'indignalion et
l'horreur qu'ils en éprouvaient, il en fit ar-
rêter un certain nombre, et les fit décapiter
avec sainte Foi , parce que, conduits au
temple, ils refusaient obstinément de sacri-
fier. {Voy. Foij. Quelque temi)S après ce
juge fit mourir aussi saint Caprais, qui s'était
caché dans une caverne pour éviter la per-
sécution, mais qui, ayant appris avec quel
courage sainte Foi avait souffert, vint de lui-
même se présenter aui bourreaux. {Voy.
Capkais).
DACLNHA, fut envoyé par Manoel Sarcy,
provincial de Coa, et son supérieur, dans le
Maissour. Il y endura plusiiiurs persécutions
pendant trois ans, et, avec un zèle que lien
ne pouvait lasser il ti-availia au bien de
cette chrélitmté. Il avait sur les terres du
roi de Cagonti une église que les Mahomé-
tans bi'iilèrent. Durant qu'on en éditiait une
autre plus vaste, plusieurs disciples du
Gourou, chef de la religion à Cagonti, vin-
rent di.s|)u(er avec lui à propos de l'unité
de Dieu. Ils furent confondus. Le généial
des troupes, ([ui protégeait le missionnaire,
le rassura contre les menar;es que ces gens
lui tirent entendre en se retirant. Le jour de
l'Ascension 1711, comme il disait la messe
dans cette église pour la première fois, des
Dasséi'is l'disciples du Gourou), au nombre de
pi us de soixante,avec beaucoup de Brahmanes,
vinrent l'assaillir'. L'un de ces derniers lui as-
séna un cou|) de bAton sur les reins; de |)lus,
le missionnaire reçut plusieur-s coups d'épée
et de lance sur les bras et sur la tôte. Ceux qui
ne le frappèrent pas l'accablèrent d'injures.
Un brahmane qui l'avait admiré dans la dispute
qu'il avait soutenue concernant l'unité de
Dieu, prit son parti et em[)êcha qu'il fû'
massacré au pied de l'autel. Dacunha, cou-
vert du sang des blessures qu'il avait à la
tète et à la main droite, fut mené devant
le Gourou.
Celui-ci, assis sur un tafus, faisait paraître
autant d'orgueil et de colère que l'apùtre
montrait de constance et d'humilité. «Le
Gourou , écrit le jésuite de San-Iago, parla
d'aboi d au Père en des termes d(^ mépris ,
puis il lui demanda qui il était, a'où il
était, quelle langue il parlait, et dans quelle
caste il était né. Le Pèi'e ne lui fit aucune
réponse, et le Gourou attribuant ce silence
à sa faiblesse, interrogea le catéchiste qui
était à côté. Celui-ci répondit que le Père
était Kchatria (c'est la deuxième caste des
Indiens). De là le Gourou passa à des ques-
tions sur la religion. « Qu'est-ce que Dieu,
demanda-t-il au catéchiste? — C'est un
souverain d'une puissance infinie, répon-
pondit-il. — Qu'entendez-vous par ces mots?
reprit le Gourou. — Le Père prit alors la
parole et dit : « C'est un être par lui-même,
indéj)endant, pur esprit et très-parfait. » A
ces mots le Goui'ou fit de grands éclats de
rire, puis il ajouta : «Oui, oui, je l'enverrai
bientôt savoir si ton Dieu n'est qu'un pur
esprit. » Le Père répondit que s il voulait
l'apprendre, il serait aisé de le lui démon-
trer. Le Gourou n'ignorait pas le succès des
disputes j)assées, et il craignit de s'engager
dans une dispute nouvelle qui aurait tourné
infaillibluinent à sa confusion. Aussi il se
contenta de demander si Brahma de Tripurdi,
idole fort révérée dans le pays, était dieu.
« Non, » répondit le Père. A ces mots, le
Gourou se livra à toute sa colère et prit à
témoin le magistrat de la bourgade. 11 eût
sans doute fait mourir le Père sur le-champ,
mais quelques gentils, touchés de compas^
767
DAF
DAG
768
sion, le conjurèrent avec larmes de ne point
souiller ses mains du peu de sang qui lui
restait dans les veines. Le Père seul dans
l'assemblée paraissait intrépide. Il se conso-
lait intérieurement de voir que ses travaux
n'étaient pas vains, puisqu'ils aboutissaient
à confesser et è glorifier le nom du vrai
Dieu. Sa consolation fat encore augmentée
par la générosité de ses néophytes. Deux
anciens chrétiens, tandis qu'il était en pré-
sence du Gourou, vinrent se jeter au cou de
leur pasteur, et s'offrirent à défendre les
intérêts de la religion. On ne les tira de ces
tendres embrassements qu'avec violence et .
à grands coups. Le catéchiste (jui ne le
quitta point reçut un coup de sabre sur les
côtes; il avait une ardeur inexprimable de
mourir avec son pasteur. Cependant le chef
des Dasséris, voyant que le peuple et ceux
des Brahmanes qui n'étaient pas de sa secte, ■
porlaient compassion au missionnaire, lui
ordonna tout à coup de sortir du pays. Le
catéchiste lit son possible pour obtenir que
le Père demeurât encore cette nuit-là, afin
qu'on pût le panser : ce fut en vain. LoPère,
de son côté, fit instance et demanda qu'il
lui fût permis de guérir les plaies des chré-
tiens , dont il était plus touché que des
siennes. Le Gourou rejeta avec fierté sa
demande, et le fit partir dès ce soir-là môme.
Pour s'assurer mieux de sa sortie, il lui
donna des gardes, avec ordre de ne le point
quitter qu'ils ne l'eussent mis hors du
royaume. Le Père, voyant qu'il ne pouvait
plus différer, regarda tendrement son église,
dit adieu à ses clu'étiens qui fondaient en
larmes, et partit à pied. Eniin, il se trouva
dans un état où il ne pouvait plus se soute-
nir , et ce ne fut qu avec bien de la peine
qu'on le transporta à Capinagati, le princi-
pal lieu de sa résidence. Les chrétiens de
cet endroit m'envoyèrent un exprès [)0ur
in'avertir du danger où était leur pasteur.
Se sentant beaucoup plus mal, il me pria de
lui administrer les sacrements, li connut
lui-même l'heure de sa mort ; il prononça
le saint nom de Jésus, et m'ayant embrassé
avec une parfaite connaissance, il s'endor-
mit dans le Seigneur, dix-huit jours après
les mauvais traitements qu'il avait reçus
des Brahmanes et des Dasséris de Cagonti.
(Henrion, vyl. IV, p. 45.3).
DADAS (saintj, ujai'tyr, reçut la couronne
du martyre avec les saints Maxime et Qnin-
tilien, sous la persécution do Dioclétien. On
n'a jias de détails sur leurs souffrances.
L'Eglise fait leur fêle le 13 avril.
DADAS fsainl), martyr, était proche pa-
rent du roi Sa|)or. Il souffrit le martyre avec
Casdoé, sa feunne , et (iai)delas, leur fils.
Après avoir été dépouillés de hmrs honneurs,
éprouvés par div«;rs tourments, déchii'és de
couf)S et déteiHis dans une longue et ligou-
reijse prison, ils eurent la tête tranchée.
L'Kglise honore leur mémoire le 2!> sep-
teinbrc.
DAFUOSE (sainte), mère de sainte Bibian(î
ol épouse de saint Flavien, fut mise à mort
pour la foi chrétienne, sous Julien l'Apostat,
par ordre du préfet Apronien. {Voy. son ar-
ticle). Son mari avait déjà versé son sang
pour Dieu (Voy. Flavien, Apronien), quand
elle fut emprisonnée dans sa propre maison,
d'où bientôt ou la tira ]iour la conduire hors
de la ville, où elle fut décapitée par ordre du
préfet. L'Eglise honore sa mémoire le k du
mois de janvier. {Voy. Anastase, in Sim-
j)licio). ^
DAGAD, prince arménien, de la famille
d'Ardzourounik, fut l'un de ceux qui souf-
frirent volontairement la captivité pour
Jésus-Christ , sous le rogne d'Hazguerd ,
deuxième du nom, roi de Perse, et qui ne
furent remis en liberté et renvoyés en leur
pays , que huit ans après la mort de ce
prince sous le règne de son fils Bérose.
(Pour plus de détails, voy. Princes akmé-
MENS).
DAGILA (sainte), était mariée à un maître
d'hôtel du roi Genséric. Elle confessa plu-
sieurs fois le nom de Jésus-Christ, et acquit
encore depuis la même couronne sous Gen-
séric, comme nous le lisons dans Victor
de Vite. Sa qualité et la faiblesse de sa com-
])lexion n'empêchèrent point, dit-il, qu'on ne
lui donnât tant de coups de fouet et de bâ-
ton, qu'il ne lui resta plus aucune force.
Puis on la relégua dans un lieu sauvage et
stérile, où elle ne pouvait recevoir aucune
consolation de personne. Elle quitta cepen-
dant avec joie pour y aller, sa maison, son
mari, ses enfants. Et, comme depuis on lui
permit de passer dans un autre désert moins
affreux, où elle pouvait avoir la satisfaction
de voir ceux qui souffraient comme elle
pour la foi, elle se tenait si heureuse d'être
privée de toute consolation humaine, qu'elle
pria qu'on la laissât où elle était.
DAGOBERT II (saint), martyr, était fils de
saint Sigebert, roi d'Austrasie, et de la reine
Himnehilde. Etant encore enfant, il perdit son
père, et Grimoald, maiie du palais, en profila
pour dépouiller Dagobert de la puissance
souveraine ai)rès quelques mois de règne, et
])Our l'envoyer en Irlande, où il vécut long-
temps ignoré. Grimoald mit sur le trône son
fils Sigebert. Mais les seigneurs austrasiens
le détrônèrent bientôt. Plus tard cependant,
ayant appris que Dagobert vivait encore, ils
écrivirent à saint Wilfrid , évêque d'York,
qui l'avait assisté dans sa disgrâce, de le
leur renvoyer. A son retour , on ne le re-
connut pas de suite pour roi. Mais Childéric,
à qui l'Auslrasie avait été donnée, ayant été
assassiné à cause de sa cruauté, vers l'an
073, la mère de noire saint en profila pour le
faire monter sur le trône. Dagoljerl fit cons-
truire des monastères, des abbayes, et réta-
blir les églises. Bientôt la gucri-e s'alluma
entre lui et Thierri IIL Les deux rois élaient
déjà prescpi'en présence, (piand Ehroin ,
maire du |)alais sous Thierri, fit massacrer
notre saint dans la forêt de NOivi-e, le !23 dé-
cembre ()71). On pourrait peut-être s'étonner
de voir \\ DagoIxM't le nom de martyr, mais
anciennement, connue on sait, on donnait le
litre de martyrs à ceux (pii, après avoir vécu
saintement, périssaient <l'une mort injuste
769
DAL
DAM
770
et violente. On transporta son corps à Stenay,
où il est lionon^ le 2 septembre. L'Eglise
fait sa ini^moire illiistio le 23 décembre.
D'ALEMIÎKKT (Jean le Uond), naquit à
Paris en 1717. Il l'ut exposé sur les marches
de Saint-Jean-le-Kond, église qu'on voyait
anciennement près iU\ Notre-Dame. Il fut re-
cueilli par un commissaire de police, ([ui le
contia provisoirement <^ la femme d'un vi-
trier. Il était trop faible et trop chétif pour
g^n'on osât le transporter îi l'hospice des en-
Lints trouvés. Ses père et mère avaient des
niolifs sérieux pourne pas avouer cet enfant.
Le père était Destouches, commissaire d'ar-
tillerie; la mère était madame du ïencin,
femme célèbre de cette époque. Destouches,
néanmoins, prit soin de l'enfant, et lui as-
sura une pension de douze cents francs de
rente. D'Alembert, Apre au travail, doué
d'une grande facilité, lit d'excellentes études
et de très-grands progrès, en géométrie prin-
cipalement. Il tit en mathématiques des dé-
couvertes fort importantes.
Lié avec Voltaire, Diderot et les autres
philosophes anti-chrétiens de l'époque, il
n'avait point de religion, dit Laharpe, qui le
connaissait bien ; mais il la respectait quand
il avait occasion d'en parler dans ses écrits ;
car, outre ses ouvrages de mathématiques,
nous avons de lui son Discours préliminaire
de l'Encyclopéilie, des Eloges lus dans les
séances de V Académie Française, 6 vol. in-12 ;
Mélanges de littérature et de philosophie ,
5 vol. in-12; OEuvres posthumes, '2\o\. in-12,
et plusieurs autres écrits auxquels on ne
fiourrait pas faire de grands reproches sous
e rapport religieux. Mais, dans sa corres-
pondance avec Voltaire et le roi de Prusse,
il se montre à découvert et se prononce for-
tement contre le christianisme ; s'il garde
plus de mesure encore que le patriarche de
Ferney, il ne lui cède pas en haine contre ce
qu'il nomme la superstition ; il se vante
même de lui donner des soufflets, en faisant
semblant de faire des révérences. Cette corres-
pondance ne fut imprimée qu'après sa mort.
Toutefois on ne peut l'excuser sur la publi-
cité qu'ont eue ses lettres; car il en avait
fait faire deux copies, les avait confiées à
Condorcet et à Watelet, deux de ses amis:
ce n'était sûrement pas pour qu'elles restas-
sent ignorées après lui, qu'il les communi-
quait ainsi.
Frédéric l'engagea plusieurs fois à aller se
fixer k Berlin; Catherine le pressa d'accepter
la place de gouverneur de son fils, héritier
du trône des czars, et lui offrit 100,000 liv.
d'appointements. D'Alembert refusa ces
avantages, préférant conserver sa liberté et
jouir de l'agrément d'être au milieu de ses
amis: il resta donc à Paris, oii il jouissait de
14,000 liv. de pension. Il y mourut, sans re-
cevoir les secours de la religion, le 29 octo-
bre 1783. Son testament commence néan-
moins par ces paroles toutes chrétiennes :
Au notn du Père, et du Fils, et du Saint-Es-
prit. (Bouvier, Hist. de la philos., vol. II,
pag. 249.)
Voici le jugement que Laharpe porte sur
d'Alembert : « On me demandera peut-être
comment d'Alembert, qui fut un des premiers
fondateurs de ce monument encyclopédique,
que je viens de décrire (îommé un arsenal
d'irréligion, se trouve placé par moi dans
cette classe de philosophes queje sépare des
sophistes. Je dois en dire les raisons : c'est
qu'il ne m'est permis, en rigueur, de juger
un écrivain que par ses écrits, puisque ce
n'est que par ses écrits qu'il est homme
public, et ressort du tribunal de la posté-
rité
« D'Alembert haïssait .es prêtres beaucoup
plus que la religion, et c'est pour cela que,
dans ses lettres, il poussa contre eux la
main de Voltaire, tandis qu'il retenait la
sienne avec soin, mais sans peine. On s'a-
perçoit, dans ses écrits, qu il n'avait pas
même été insensible au charme des livres
saints, encore moins au mérite de nos poètes
et de nos orateurs chrétiens; et je ne crois
pas qu'il ait jamais imprimé une phrase qui
marque du mépris ou de la haine pour la
religion; au lieu qu'on pourrait citer beau-
coup de morceaux de ses Eloges, où, entraîné
apparemment par ces héros du christianisme,
il en parle lui-même avec dignité et, ce qui
est encore plus pour lui, avec sentiment.
« J'ai assez connu d'Alembert pour affirmer
qu'il était sceptique en tout, les mathéma-
tiques exceptées. 11 i/aurait pas plus pro-
noncé qu'il n'y avait point de religion, qu'il
n'aurait prononcé qu'il y a un Dieu; seule-
ment il trouvait plus de probabihté au
théisme et moins à la révélation. De là son
indifférence pour les divers partis qui divi-
sèrent sur ces objets la littérature et la so-
ciété. Il tolérait en ce genre toutes les opi-
nions, et c'est ce qui lui rendait insupporta-
ble l'arrogance intolérante des athées. Il
haïssait, bien moins, à sa manière, l'abbé
Batteux, et aimait assez Foncemagne, tous
deux très-bons chrétiens; ce qui prouve que
ce n'était pas la croyance qui l'attirait ou le
repoussait : il a loué avec épanchement Mas-
sillon, Fénelon, Bossuet, Fléchier, Fleury,
non pas seulement comme écrivains, mais
comme hommes religieux. Il était assez équi-
table pour être frappé du rapport constant et
admirable entre leur foi et leur conduite, en-
tre leur sacerdoce et leurs vertus. Il a laissé
aux philosophes de la révolution la plate et
ignoble insolence d'appeler fanatiques et dé-
clamateurs ces grands génies, dont le nom
n'eût jamais été outragé parmi les hommes,
s'il n'y avait pas eu une révolution française. »
(Raison du Christian., t. IV, p. 619.)
DALMACE (saint), martyr, reçut la cou-
ronne du martyre à Pavie dont il était évê-
que. Ce fut durant la persécution de Maxi-
mien qu'il versa son sang pour la foi. On n'a
aucun détail sur lui. L'Eglise célèbre sa mé-
moire le 5 décembre.
DAMAS, Damascus des anciens, Demecho
des Turcs, El-Cham des Arabes, ville de Sy-
rie, chef-lieu du pachalich de ce nom, sur le
Barady, est une ville fort ancienne. Elle est
mentionnée dans la Genèse. Souvent elle fut
soumise aux Juifs ; d'autrefois, elle forma un
771
DAM
DAN
77-2
royaume indépendant. C'est en allant à cette
ville pour y persécuter les chrétiens, que
saint Paul fut converti, sur la routo, par le
Seigneur lui-même, qui lui apparut et lui
parla. Il résida plusieurs années dans celte
ville, qui comptait un assez grand nombre
de Juifs parmi s<s habitants. (Encore aujour-
d'hui, sur 150,000 hab., il y a 5000 Juifs.)
Ceux-ci avant formé le projet de tuer saint
Paul, le saint apôtre céda aux conseils des
disciples, qui le descendirent par-dessus les
remparts, dans une corbeille. Les portes
étaient gardées, pour l'empêcher de sortir,
par les Juifs et par les soldats de la garni-
son.
Ce fut dans cette ville, sous le règne de
l'empereur Marc-Aurèle, que saint Victor et
sainte Couronne furmt martyrisés. Cette
dernière sainte est honorée par les Grecs
sous le nom de sainte Stéphanie.
DAMIEiN (saint), martyr, fière de saint
Cosuîe, fut martyrisé avec lui, en 303 , à
Eges en Cilicie, durant la persécution de
Dioctétien. Tous deux étaient médecins et
fort habiles. Us étaient Arabes de naissance.
Lynas, gouverneur de Cilicie, les ayant fait
arrêter, leur Ut soulfrir divers tourments,
sans pouvoir les contraindre à abjurer leur
foi. Enfin, il les fit décapiter tous les deux.
Leurs corps furent transportés en Syrie, et
inhumés à Cyr. Une partie de leurs reliques
a été transportée à Rome, dans l'église qui
porte leur nom. L'Eglise fait leur fête le 27
septembre.
DAMIEN (saint), martyr, était soldat. 11
soullrit le martyre en Afrique, à une époque
et dans des circonstances qui nous sont in-
connues. L'Eglise fait sa mémoire le 12 fé-
vrier.
DAMiEN (saint), martyr, était évoque à
Pavie. 11 y souffrit le martyre à une époque
et dans des circonstances qui nous sont
inconnues. L'Eglise fait sa mémoire le 12
avril.
DAMIEN (le bienheureux), remporta la
palme du martyre en Afrique, il était né à
Valence en Es|)agne, et avait pris l'habit des
Franciscains. Après avoir été ordonné prê-
tre, il partit pour i)rôcher l'Evangile aux rau-
suhuans. A peine arr.vé au mdieu d'(îux, il
commença à anathématiser le prophète, et
ne tarda pas à être arrêté. 11 fut jeté sur un
bûcher, dont les flammes le respectèrent.
Alors il fut lapidé, après quoi il fut percé de
nombreux coups d'é{)ées. Son martyre ar-
riva l'an lo.'J3. (Férot, Abrégé historique de la
vie des saints des trois ordres de Saint-Fran-
çois, lom. III, pag. 122; Wadding, an. 1533,
n 1;> ; Chroniques des Frères Mineurs, t. IV,
p. 3V1.)
DAMIEN ni'KNAL, calécf)iste du P. San-
vitores, l'apotre (hs il(;s Marianrics, fut tué
par los indigènes di! Couaham, avec, un autre
catéchiste, nommé Nicolas deFigucroa.Leur
inarlyre arriva vers l'an 1G72.
1>À.M1ETTE, dans la basse Egypte, sur la
branche orientale du Nil, fut témoin, 1201,
du iiiariyrij d»!s Frèies Prêcheurs qui por-
taient la lumière évan^^élique dans celle ville
ettiansses environs. Ils furent massacrés
par les musulmans, au nombre d'environ
deux cents. (Fonlana, Monumenta domini-
cana.)
Vers l'année 1288, le bienheureux Fran-
çois, de Spolète, prêchait l'Evangile aux ha-
bitants de Damiette. Leur esprit commen-
çait à s'ouvrir aux splendeurs des clartés du
christianisme , mais leur cœur restait atta-
ché à la loi de Mahomet. Us demandèrent,
unjour, au saint missionnaire ce qu'il pen-
sait de leur prophète. Celui-ci ne crut pas
pouvoir leur cacher sa manière de penser h
cet égard. U leur dit que le mahométisme
était une religion qui devait entraîner la per-
dition éternelle de ses sectateurs. Dénoncé
pour cette réponse, il fut cmpi i>onné et con-
damné à la peine de mort. Les musulmans
vinrent le trouver dans la prison : « Réfléchis
bien, lui dirent-ils; il te laut opter entre
l'abjuration de ta foi, l'aiihésion à l'islamisme
ou la mort! — Je choisis la mon, dit Fran-
çois, qui doit me délivrea* des misères de
cette vie, pour me faire monter au ciel, où
l'on vit toujours heureux. Je n'ai qu'un re-
gret, c'est de vous laisser dans l'ignorance
où vous êtes, dans les turpitudes qu'auto-
rise votre loi, toutes choses qui vous préci-
piteront dans les feux éternels où déjà brtile
votre prophète Mahomet. » Les musulmans,
à ce langage, poussèrent des cris de fureur,
et se précipitèrent sur le saint. L'un d'entre
eux lui asséna, dit la Chronique des Frères
Mineurs [L II, p. Ii8), un tel coup de cime-
terre, qu'il le fendit en deux. Quoi qu il en
soit d'un fait si impossible, le martyre du
saint est constant. U monta au ciel recevoir
la palme éternelle que Jésus-Christ accorde
aux saints qui meurent pour lui. Son mar-
tyre arriva en 1288.
DANACHA (sainte), vierge, mourut en
l'honneur- de la foi chr^étienne, en l'an 34-3 de
Jésus-Christ, sous le règne de Sapor-, dit
Longue-Vie. Elle habitart Heth-Séleucie. Sa
fête est inscrite au Martyrologe romain, le 30
novembre.
DANIEL (saint), martyr, fut martyrisé
pour la foi à Nicopolis en Arménie. Il eut
pour com|)agnons de ses courageuses souf-
IVances les saints Léonce, Maurice et d'au-
tres encore dont les noms ne sont pas parve-
nus jus(iu'à nous. Ils lurent d'abord todurés
de plusieurs manièi-es sous rem|)ereur Li-
cinius et le président Lysias, puis achevèrent
leur- martvre dans le feu où ils lui eut jetés.
L'Eglise célèbre leur mémoire immoitcile le
lOjuillet.
DANIEL (saint), martyr, souffrit pour la
foi dans la ville de Padoue. U ne nous est
parvenu aucun détail louchant ce saint com-
battant. L'Eglise fait sa mémoire le 3 jan-
vier'.
DANIEL (saint), martyr, eut l'avantage de
mourir en coiilessant sa foi, à Césaréc de Pa-
lestine, en l'an de Jésus-C.hiist 309, sous le
gouverneur Firmilien, avec saint Elle, saini
Samuel vX saint Isaïe. Us i(îV(iiai(;nt de Cili-
cie, où ils él«i«Mit nll(''> rendre visite à des
confesseurs condaumés aux mines. A leur
773
DAM
DAR
774
retour, passant {)ar Césaréo, ils furent arrê-
tés et conduits au gouvorneur qui les lit
cruelleuiont soullrir, et onsuito on leur tran-
cha la ttit'î. L'Eglise honore la niénioh-e de
ces illustres u)arlyrs le IG février.
DANIEL (saint), martyr. Nous donnons ici
les Actes du martyre de ce saint et de sainte
Varda, vierge, avec laquelle il eut le bonheur
de mourir pour la foi évangélique.
Deux ans après le martyre de saint Milles,
Daniel, prôtre, et A^iarda, vierge consacrée à
Dieu, de la province des llazichites, arrêtés
par l'urdre du préfet et mis en jugement, fu-
rent vainement soumis aux supplices les plus
cruels, dont le but était de les forcer à abju-
rer le vrai Dieu, tant il était dans leur vo-
lonté et dans leur résolution de supjiorter
tous les supplices, de se laisser déchirer,
n'importe par quelles douleurs, plutôt que
de trahir leur foi et de renoncer' à leur espé-
rance. Leur jugement dui-a trois mois. Pen-
dant cet espace de temps, ce juge inhumain
et injuste les tourmenta trôs-cruellement, à
ce point qu'il leur fit perci r les pieds avec
des tarrières, et les lit tenir, dans cet état,
plongés pendant cinq jours entiers dans de
re>iu glacée. Voyant que les bienheureux
martyrs supportrtienl avec une consiance sans
égale tous les tourments, au point qu'ils eus-
sent mieux aimé perdre tous les membres
que de rejeter de leur cœur la religion et la
foi, les condamna à la peine cai)itale. C'est de
cette manière que ces illustres athlètes cueil-
lirent la palme du martyre le vingt-cinquième
jour de la lune de février. (Traduction de
Vauteur). Ces deux saints sont inscrits au
Martyrologe romain le 21 février.
•. DANIEL (le bienheureux Antoine), mis-
sionnaire de la compagnie de Jésus, périt
victime de son zèle dans la guerre que les
Anglais et les Hollandais, jaloux de la pros-
périté des Français dans le nouveau monde,
avaii nt excitée contre eux. Le k juillet 1648,
les Agniès(Iroquois inférieurs), ennemis des
Hurons, qui, fidèles à la voix des mission-
naires, s'étaient faits chrétiens, vinrent atta-
quer la bourgade de Saint-Joseph, la pre-
mière où les disciples de Loyola ont planté
l'étendard de la croix. Le P. Antoine Daniel,
voulant favoriser la fuite de ses néophytes
dans les bois environnants, sortit de la cha-
pelle et vint au-devant de l'ennemi qui re-
cula d'abord, frappé de cet excès d'audace.
Revenus bientôt de leur stupeur, les Agniès
entourèrent notre saint et le percèrent de
flèches, dont tout son corps était hérissé. Un
des plus furieux s'étant rapproché de lui,
lui plongea son glaive dans le cœur, et le
renversa mort à ses pieds.
DANTE (saint), fut l'un des quarante-huit
"martyrs mis à mort avec saint Saturnin en
Afrique, sous le proconsul Anulin, en l'an
de Jésus-Christ 305, sous le règne et durant
la persécution atroce que l'infâme Dioclé-
tien suscita contre l'Eglise du Seigneur. [Voy.
Saturnin.) L'Eglise célèbre la fête de tous
ces saints martyrs le 11 février.
DANTO (saint François), fut l'un des vingt-
six martyrs que la cruauté de l'empereur
Taicosama fit mourir à Nangazaqui, en l'an
1597. Ce saint, avec Pierre Cosaqui, chrétien
japonais comme lui, suivait les saints mar-
tyrs et leur donnait des rafraîchissements.
Les gardes l'arrêtèrent, le mirent avec eux,
et il eut le bonheurdepartager leur triomphe!
[Voij. Japon.) L'Eglise fait sa fôlo le 5 fé-
vrier.
DAO (Ambuoise) , néophyte tonquinois,
fut mis h mort pour la foi, en l'an 1722, au
Ton(iuin, avec le P. Bucharelli, jésuite, Pier-
re Frieu, Emmanuel Dien, Philippe Mi, Luc
Thu, Luc Mai, Thadée, ïho, Paul Noi et
François Kam, néophytes, qui mêlèrent leur
sang à celui du saint missionnaire.
D'AUGENS (Jean-Baptiste de Boyer, mar-
quis), né à Aix, en Provence, en 1704, prit
d'abord du service dans un régiment et le
quitta par amour pour une comédienne. En-
voyé par sa famille à Const.inlinopie avec
l'ambassadeur français, il lit, pendant son
voyage, des folies de différentes sortes. Re-
venu en France , il essaya la carrière du
barreau et n'y réussit pas; il reprit du ser-
vice et le quitta pour cause de blessures.
Déshérité par son père, il passa en Hollande,
se fit écrivain, composa ses Lettres juives,
8 vol. in-i2; Lettres chinoises, 6 vol. ; Lettres
cabalistiques, 7 vol. ; Philosophie du bon
sens, 3 vol., et grand nombre d'autres ou-
vrages écrits sans bonne foi, sans goût, sans
critique, tous marqués au coin de l'indépen-
dance et de l'impiété la plus audacieuse. Fré-
déric l'appela à sa cour, le nomma son cham-
bellan et l'admit dans son intimité ; bientôt,
il en fit l'objet de ses plaisanteries et lui
rendit le séjour de Berlin désagréable. D'Ar-
gens, après raille déboires, se retira en Pro-
vence et y mourut en 1771, dans des senti-
ments de religion, auxauels son libertinage
constant et ses impiétés ne l'avaient pas pré-
paré. (Bouvier, Mist. de la philos., tome II,
p. 281.)
DARIE (sainte), femme de saint Chrysanthe,
eut la gloire de mourir avec lui, sous l'em-
pire de Numérien, pour le nom de Jésus-
Christ. Heureux les époux qui s'associent
ainsi dans l'amour de Dieu, et qui persévé-
rant à garder jusqu'à la fin ses saints com-
mandements, se marient dans la gloire du
martyre comme ils l'ont été dans la sainteté
du sacrement. Après avoir souffert avec son
épouxplusieurs tourments, ellefut, par l'ordre
de l'empereur, renfermée avec lui dans une
sablonnière de la voie Salaria, et y fut étouf-
fée sous le sable et les pierres dont on les
accabla. Saint Grégoire de Tours obtint du
pape Pelage II des reliques de la sainte, ainsi
que de celles de saint Chrysanthe, pour son
église. La fête de sainte Darie, avec celle de
saint Chrysanthe, est marquée auMartyrologe
romain le 25 octobre.
DARIUS (saint), martyr, reçut la palme à
Nicée avec les saints Zozime, Paul et Second.
On n'a pas de détails précis sur eux. L'E-
glise fait leur mémoire le 19 décembre.
DASE (saint), martyr, endura divers tour-
ments à Nicomédie avec les saints Zotique,
Caïus et douze autres soldats dont les noms
775
DA13
DAV
776
sont inconnus. Us furent ensuite précipités
dans les tlots où ils trouvèrent la couronne
des combattants de la foi. L'Eglise fait leur
mémoire le 21 octobre.
DASE (saint), martyr, était évoque à Do-
rostore en Mysie. Ce saint évêque, ne vou-
lant pas consentir aux impudicités qui se com-
mettaient à la fête de Saturne, fut massacré
par l'ordre du président Bassus. Nous n'en
savons pas davantage sur lui. L'Eglise ho-
nore sa mémoire le 20 novembre.
DATHE (saint), évêque et confesseur,
souilrit à Ravenne pour la défense de la re-
ligion. On n'en sait pas davantage sur lui.
L'Eglise vénère sa mémoire le 3 juillet.
DATIF (saint), évêque et qualitié martyi
au Martyrologe romain, à la date du 10 sep
tembre, jour auquel l'Eglise célèbre sa fête,
était l'un des neuf évêques enfermés dans
les mines, et à qui saint Cyprien écrivit sa
76^ lettre. Il avait été déporté immédiatement
après sa première confession, aussitôt après
avoir été cruellement frappé h coups de bâ-
ton. Cet évêque avait assisté au grand con-
cile de Carthage. (Voy. Némésieis.j
DATIF (saint), martyr, répandit son sang
pour la défense de la religion avec les saints
Julien, Vincent et vingt-sept autres dont les
noms ne sont point parvenus jusqu'à nous.
L'Eglise honore leur mémoire le 27 jan-
vier.
DATIF (saint), sénateur, fut l'un des qua-
rante-liuit martyrs mis à mort avec saint Sa-
turnin, en Afrique, sous le proconsul Anulin,
en l'an de Jésus-Christ 305, sous le règne et
durant la persécution atroce que Tinfiime
Dioclétien suscita contre l'Eglise du Seigneur.
(Voy. Saturnin.) L'Eglise célèbre leur fête
le 11 février.
DATIVE, nom d'une femme qui, à Rome,
sous l'empire de Dèce, en l'an 250, fut ar-
rêtée pour cause de christianisme, avec saint
Moyse et une foule d'autres chrétiens. Pen-
dant dix-huit mois, elle souffrit en prison
les tourments les plus grands sans que son
courage en fût ébranlé. 11 est fait mention
d'elle dans la lettre que Lucien, confesseur
de Carthage, écrivit à ceux de Rome, et qui
est dans les œuvres de saint Cyprien. {Voy.,
pour plus de détails, saint Moyse.)
DATIVE (sainte), martyre, soutfrit d'hor-
ribles douleurs sous Hunéric, roi des Van-
dales, pour confesser sa foi. Elle mourut
couiageuscment après avoir lassé ses bour-
reaux. Elle était sœur de sainte Dcnyse, qui
fut Uagellée dans la même persécution.
D.\USAS (saint], évêque et martyr, faisait
partie des prisonniers qui furent massacrés
en Perse, en 3G2, pour cause de christia-
nisme. Les Perses faisaient de fréquentes
irrupti(jns sur le territoire des Rcjniains, av(;e
des alternatives de i-evers et de succès. Dans
l'une ils prirent d'assaut le ch;lteau de Beth-
Z'irde, où un grand nonjbre d'habitants
s'étaient réfugiés h leur ajjproche. Après
avoii- inassaoré la garnison, \\s se. Irouvèienl
maîtres d(; n(.'uf rnill»; prisonniers iju'ils em-
m(;nèrent. L'évèque Iléliodore était du nom-
bre, avec (leux.anciens.prôtres Mariabe et
Dausas, et plusieurs autres ecclésiastiques.
Héliodore étant mort sur la route, nomma
Dausas pour le remplacer. Tous les jours
les prisonniers chrétiens se réunissaient et
Dausas célébrait pour eux les saints mystères.
Connue on arrivait surleîfrontières del'Assy-
rie, les vainqueurs ordonnèrent à trois cents
d'entre les prisonniers d'adorer le soleil, ou
de se résoudre à mourir; vingt-cinq obéirent
et reçurent des terres en récompense. Les
deux cent soixante-quinze autres, ayant re-
fusé, furent massacrés avec l'évoque Dausas.
L'Eglise fait leur fête le 9 avril. {Voy. Assé-
mani, t. I, p. 134..)
DAVID COMNÈNE , dernier fils d'Alexis
Comnène, empereur grec de Trébizonde, se
révolta avec ses frères contre son père. On
sait que le vieil empereur périt dans ces
guerres civiles, et qu'après cela ces frères
parricides se firent entre eux une guerre
acharnée. Enfin, Jean demeura seul maître,
et fut reconnu comme empereur. Bientôt la
mort, terme fatal de toute ambition humaine,
lui enleva la couronne. David, le seul qui
restait d'enlreles frères del'empereurdéfunt,
fut nommé régent et tuteur d'un jeune prince
âgé de quatre ans, que l'ordre de la succes-
sion appelait au trône, après la mort de Jean,
son père. David montra qu'il était en perfi-
die et en ambition criminelle l'égal de ses
frères. 11 fit mourir son neveu, et prit, sur
un berceau, qu'il transformait en cercueil,
une couronne à laquelle il ne devait préten-
dre que si Dieu lui-même en eût fait mou-
rir le maître. Il prit pour femme la princesse
Hélène, une fille de la grande maison des
Cantacuzènes. De cette union naquirent huit
fils et deux filles, comme si Dieu eût voulu,
en faisant sortir de si nombreuses tiges de la
souche usurpatrice, lui faire l'avenir d'une
dynastie. Tous les usurpateurs font ce rêve :
comme les souverains de vieille race, ils
voient les générations sorties d'eux se suc-
céder sur le trône. Us ne songent pas que la
porte par laquelle ils sont entrés, l'usurpa-
tion, est ouverte aussi pour d'autres, et que
le ciel bénit rarement ceux qui devancent,
en montant sur les trônes, l'appel de la pro-
vidence. Dieu les donne : malheur à qui les
prend.
David Comnène, orgueilleux de sa nom-
•^'reuse famille, croyait donc sa domination
assise non-seulement pour le présent, mais
encore pour rav(Miir , (|uand Dieu suscita
Mahomet. Les voies de sa justice sont ca-
chées et incompréhensibles. Les Grecs
comme les Juifs devaient être frappés d'une
déchéance absolue comme nation. Ils avaient
dit : Mieux le turban que le pape. Il fut fait
suivant leurs désirs, et, de|)uis ce temps, la
puissance mahométano , campée sur eux,
accomplit les vengeances do Dieu. Mahomet
vint avec deux armées puissantes assiéger
Trébizonde. Après trente jours de siège, la
j)lac(! allait succomber. David Comnène n'é-
tait pas de ces j)rinces ([ui grandissent la
pourpre en la teignant dv. h;ur sang, ou qui
du moiiis desceiulent d(! la j)uissauce sans
I leu deiQuiidor au monde, et (lui fout dire
in DEC
d'eux que l'exil est encore un trône. ï)avid
proposa à Mahomet la cession de ses Etats,
a condition (ju'on lui donnerait une province,
et que sa tille aînée, Anne Couniône, devien-
drait sultane. En elfct, Mahouiet épousa la
jirincesse, qui abjura le chrislianisnu!. Cette
famille souveraine était assez abaissée.
Elle avait reçu sa punition temporelle. La
justice de Dieu était apaisée. Il prit en pitié
le |)ère et les enfants. Il leur avait ôté la
royauté usurpée d'ici-bas, il leur donna une
auti-e couroime, celle des martyrs, que ni
les temps ni les révolutions ne lont i)erdre.
Mahomet les accusa de conspiration avec les
princes chrétiens. Il ne leur laissa que le
choix entre la mort ou l'apostasie : ils choi-
sirent la mort. Mahomet lit décapiter le père
et Iv's enfants, en présence de l'impératrice
Hélène. Un seul des lils se sauva et fut la
souche de la famille des Comnène, réfugiée
en France, plus glorieuse par les souvenirs
du martyre que par ceux de la pourpre im-
périale.
DAVID (saint), autrement dit Aliba, était
frère de Boris, connu sous le nom de saint Ro-
main. Us étaient tils d'Uladomir, roi de Mos-
covie. Ces deux saints moururent pour la foi
en 1010, ou en 1015, selon le P. Stilting, de
la main de l'usurpateur Suatopelet. L'Eglise
honore leur mémoire le 2i .juillet.
DAVILA (le bienheureux Jean), de l'ordre
de Saint-Dominique, fut martyrisé en 1725,
dans la mission du Cochabamba, avec ses
deux compagnons Nicolas Gonzalès et Michel
Panligoso.
DAVIN (saint), confesseur, souffrit pour
la foi à Lucques en Toscane. On n'a pas de
détails sur son martyre. L'Eglise fait sa mé-
moire le 3 juin.
DÈCE {Caius Messius Quintus Trajanus),
monta sur le trône impénal à la fin de 24-9.
Il est surtout célèbre par la persécution
atroce qu'il lit subir aux chréùens. Il était
natif de Bubalie ou Budalie, bourg du terri-
toire de Sirmich, dans la Pannonie. 11 dut
naître en l'an 191, s'il est vrai qu'il mourut à
l'âge de soixante ans, comme le porte la
chronique d'Alexandrie. Il eut quatre fils,
Dèce, l'aîné de tous ; Hostilien, qui fut pro-
clamé Auguste après la mort de son père ;
puis Etruscus et Trajan. Tous portaient le
nom de Messius, ce qui indique que ce nom
était très-probablement celui de la famille de
Dèce. S'il faut en croire Zozime, Dèce était
très-illus re par sa dignité , par sa nais-
sance, orné de toutes les vertus qui font
l'homme privé, de toutes les qualités qui
constituent le grand prince. Il le donne
comme un excellent homme de guerre, par-
faitement capable de conduire une armée.
Le jeune Victor renchérit, en disant qu'il
unissait à toutes ces qualités personnelles
une science profonde eu toutes sortes de ma-
tières. Vopisque dit que sa vie et sa mort
furent dignes des temps antiques. A part les
criliqUvS qu'on peut adresser à de telles as-
sertions, nous avons, nous, à faire une ap-
préciation toute spéciale de Dèce. il fut un
deâ plus atroces persécuteurs de l'Eglise, et
DiCTioNiN. DES Persécutions. I,
DEC 11Q
certes l'un des plus habiles. Si c'est un mé-
rite (pie l'habileté quand elle vise au bien,
c'est une grande calamité cpiand elle cherche
le mal et tourne vers lui les facultés qu'elle
a reçues. Ainsi, que Dèce ait été V( rliu-ux
conim(3 homme privé, (pi'il ait été grand ad-
ministrateur, guerrier éininent, ce n'est pas
notre all'aire ; nous ne l'admettons pas, nous
ne l(i nions pas davantage. Il a tuurné con-
tre Dieu les facultés qu'il avait reçues, il a
dirigé contre les disciples de Jésus-Christ
une des persécutions les [>lus violentes qu'ils
aient eu h soutfrir; à nos yeux, Dèce est un
grand criminel. Du reste, que mettre en op-
position avec ses cruautés contre l(;s chré-
tiens? A-t-il, durant son règne, accompli de
grandes choses, attaché son nom à (juehiue
jirogrès, à quelque grande victoire, à (juoiijue
ce soit qui confère aux princes l'illustration ?
Rien de semblable ne nous est raconté par
l'histoiie. Dèce s'est fait une célébrité de
cruauté en persécutant les chrétiens; sans ses
persécutions, il passerait à peu près inaperçu
dans la liste des souverains qui tour à toui»
se sont assis sur le trône des Césars. Son
premier soin, en montant sur le trône, fut de
persécuter les chrétiens. Jusqu'à la fin de
son règne il montra contre eux un acharne-
ment sans égal. {Voy. l'article Persécutions,
persécution de Dèce.)
Dans l'année 251, Dèce fut obligé de mar^
cher contre les Golhs, qui, sous la conduite
de leur roi Cniva, avaient battu son fils Dèce,
taillé en pièces une armée romaine, et ravagé
presque entièrement la Thrace et les conirées
voisines. Zozime dit qu'il les battit dans
toutes les rencontres, et leur enleva tout le
butin qu'ils avaient fait. Pendant ce temps-
là, L. Priscus, puis ensuite Julius Valens, se
firent déclarer empereurs. Tous deux fini-
rent mal : ils furent lues très-peu de jours
après leur révolte. Les Colhséta.ent vaincus,
l'honneur des armes romaines était vengé,
ils ne demandaient plus qu'à se retirer en
paix ; mais Dèce, voulant les punir encore
davantag •, les poursuivit à outrance. C'était
là que l'attendait la vengeance céleste. Gal-
lus, qui s'entendait avec les ennemis, leur
ayant conseillé de camper derrière un vaste
marais, engagea Dèce à les attaquer proba-
blement la nuit. Le vieil empereur marcha
contre eux avec son fils. Il s'y porta avec une
telle impétuosité qu'il s'enfonça avec tous
ceux qui l'environnaient dans la fai ge du
marais, oij il lui fut impossible de manœuvrer
et ue se défendre. Enveloppé par les Goths,
il fut massacré avec tous les siens.
Dèce a gardé dans l'histoire une réputa-
tion que certains écrivains , et notamment
Dodwel, ont prétendu lui enlever. Dom Rui-
nart a l'ait justice de cette prêt ntion dans
les passages suivant de son Discours préli-
minaire des Actes sincères des martyrs :
« Personne, jusqu'ici, ne s'était avisé en-
core de douter que la persécution excitée
contre l'Eglise par l'empereur Dèce n'eût été
très-sanglante et très-cruelle, et les auteurs
modernes étaient en cela d'accord avec les an-
ciens historiens. Dodwel est le premier qui a
25
m
DEC
DEC
780
d'couvert que les uns et les aiifros sont, ou
d'i lAmes calointiialeurs ou des inii)0>teuis
ridicules, et qui ont eu si peu d'égards pour
la véiitée{ pourli vertu, qu'ils n'ont pascraiiit
de donner, dan-^ leurs écrits, une idée faus-e
et i.Jurieuse d'un prince que le sénat n'a
pas lait diditullé d'égaler à Trajan, d'un em-
pereur que sa [)iété a mis au nombe des
dieux, lequel, quoiqu'il crût être obligé de
répandre le sang des" chrétiens pour le bien
<ie la rénubhque et pour donner quelque
.chose à la religion du peuple, n'en avait
toutefois usé ainsi qu'en se faisant une ex-
trême violence; mais qu'il avait bientôt lai>sé
agir sa douceur naturelle, et cette noble am-
bition qui 1." [)Ossédait de faire la félicité de
son siècle, connue il faisait déjà le bon'neur
de son empire.» C'est avec de tels ou sembla-
bles traits, que DoJwcl fait l'éloge de Dèce :
que C' l emi)creur soit mis , si l'on veut, au
rang des bons ])rinces, en ce qui ne regarde
point la cause des chrétiens, je ne m'y op-
pose pas; mais je ne jmis uj' maginer qu'il
■se trouve quelqu'un, hors Dodwel, qui nie
que la persécution dont il a été l'auteur
n'ait été très-violente, et n'ait coûté la vie à
un très-grand nombre de fidèles dans toute
l'é endue de l'Empire romain. « Une bête fé-
roce, dii Lactance, un monstre exécrable,
Dèue enlin, est venu, après plusieurs années,
prmr ravager.l'Eglise Et comme s'd n'a-
vait été élevé que pour cela seul à ce haut
degré de puissance, à peine sf>n impiété a-
t-elle commencé h attaquer Dieu, que Dieu
l'en a précipité. » Lact;ince, comme l'on voit,
prétend que la mo' t honteuse ne Dèce est
une juste punition de sa fureur contre le
christianisme. Saint Denys d'Alexandrie, le
grand C)'\stantin et plusieurs autres auteurs
ec':lésiasliques disent la même chose ; mais
surlo.it saint Cyprien, qui commence ainsi
un de ses livres : « La paix vient enlin d'être
rendue à l'Eglise ; Dieu s'est déclaré ])our
elle; il l'a vengée de ses ennemis et nous
jouissons, sous son auguste [)roteclion, d'une
'tranquillité dont les incrédules croyaient le
retour dillicile, et les impies \e jugeaient
tout à fait impossible » Ces paroles de
saint Cy[)rien marquent assez que la persé-
cution avait élé violente. Le même saint,
dans une de ses lettres, iél ici le l'Eglise sur
sa constance et sur sa foi. Car, af)rès avoir
exalté la victoire d^-s martyrs qui avaient
déjà reçu la couronne, et encouiagé ceux
qui combaltaient encore pour l'obtenir, il
parle du la grandeur d(! leurs su,>plices en
ces termes : « Toute leur rigu(nn- n'a | u
ébranler la foi de ces saints, quoiqu'on leui
fil de nouve.les plaies d.ius celh;s (jui n'é-
taiiMit pas encore fermées, (pioique ce no
fùl i)lus sur leurs membres, mais sur h;urs
itlcssures que les bourreaux (!xen;ai(;iit leur
c, 'laulé Les entrailles étaient dél'ichéi s
du corps, le sang coulait de tous cotés »
Cependant, m.ilgré tant d'anlorités et si
pressâmes, Dodwtjl souvent toujours qin;
C4Hle per.séciition a él('' fort mrxléréc e't qu'elle
n'a jamais élé poussée jusqu'à rép.'.nlre le
bang des clirétieus; cl cela usl si viui, dil-il,
que lorsqu'elle fut apaisée, îa plupart de
ceux qui avaient élé arrêtés durant la plus
grande violen.o, fui-ent trouvés sains et
saufs. Et c'est cela même que les chrétiens
de ce temps-là trouvaient de pins cruel dans
cette persécution; ils i-eprochaieni aux gen-
tils, que leur intention, en tourmentant les
fidèles qui étaient déférés à leur tribunal,
était de tirer de leur bouche, non la vérité,
mais le mensonge, et de jierdre l'Ame en
même temps (]u'ils faisaient périr le corps»
C'est pourquoi la plupart des martyrs ii é-
taient livrés à la mort qu'après l'avoir élé à
toutes sortes do tou.ments. Souvent même
on prenait soin de leurs plaies, par l'oidre
exprès des juges, afin qu'étant l'efermées, on
pût les ro ivrir par de nouvelles tortures, et
faire de nouvelles plaies sur les anciennes
cicalr-ices, ce qui est le comble de la cruauté,
et c'est celle qu'on exerça sur Origène, au
rapport d'Eusèbe. Ajoutez k tant de diffé-
rents supjHices, la prison, avec tou es ses
ho leurs, ses chaînes, son obscurité, sa
puanteur, ses horribles machines où l'on en-
fermait les pieds, l'exil el les incommodités
qui l'accomjjagnent, les mines, ces tombeaux
souterrains où des hommes sont enterrés
tout vivants. En un mot, la rage, la fureur et
l'inhumanité d(S juges et des bourretiux
étaient montées è un tel excès, durant cette
persécution, que saii l Cy rien, qu'on n'ac-
cusera jamais de relâchement en matière de
discipline, ne peut s'empê. lier d'avouer que
1 i chute des chrétiens trouvait en quelque
sorte sa justification dans la cruauté des per-
sécuteurs. Et certes Optât n'était pas d'en
autre sent mont que nous, lui qui compare à
un lion rugi sant la persécution qui s'éleva
en Afri(]ue par les oi'dres de Dèce et de Va-
lérien. Ce n'est donc pas une marque cer-
taiPrC qu'une {)ersécut.on a été modérée, si
quelques martyrs réservés à de plus g^nds
supplices, viennent tout d'un coun à recou-
vier leur liberté, soit parla mort des tyrans,
soit par une dis[)Osilion secrète de la misé-
ricorde de Dieu qui veut bien donner la
paix à son Eglise. Au reste, il est cerlain (jne
cette persécniion de Dèce em{^)orla un tiès-
giand nombre de lidèles en Ati-icpie, comme
on le fait voir dans les remarques sur les
Actes de saint Cypr en. Outre ceux-là, saint
Fabien souffrit à Rome, sainte Agathe eu
Sicile et saint Saturnin dans les Gaules.
Elle ne lit ()as moins de progrès en Espa-
gne, comme on le [)eut sûrement conjecturer
d'une lettre écrite au nom de saint Cyprien
et des autres évêques d'Africpie, par laipiello
ces |)rélals disent que leur sentiment est
qu'on dépose Martial el Uasilide, évêques
espagnols, convaincus d'a\()ir pris des bil-
lets d'idolAtrie. L'Eglise grecqiu' se ress(Milit
aussi h. en (pie la latii e de ce trnul)le excité
par I)èc(; d.ins tout le monde chréticm. Eu-
.sel)(! déc, il \os lourme (s que souirnt Ori-
gène à C(''.s,ué(! ; mais il ne dit point qu'il eiU
dm-iiié des marques de fail)lesse , comme
(jnel pies-uMS le pi- tendent, l'jifin cette tem-
pête fut si fiirieu>e h Né .césarée, que sninl
Grégoire *le Nysse,dans la Vie de saint Gré-
m
mt
bvM
m
goire Thaumaturge, nous (iép'^iiit cette ville
coiuiiic uiKî plicc |)risc d'assaut, où un
vaiiiijuoui harbari' et iusoloi.l l'ail tout jiasscr
au liltle rô|)6o. Lcs.'uvirons ri' n rlaiout pas
plus paisibi s , puis(|u'ou (lit (praprès que
c(.'t oiajiic fut |uissé, eu sùiit évi^jur lil lu
tour de sou dioc;è-:c pour y iuslilucr dos ïè-
tcs (laMS lous les lieux où il avait éto niarly-
lisé (luclque chrolicMi. Co lui alors quosouf-
iiirc'it s.jui Troade cl saiul Alexaudre, qui,
de philosophe s'étanlfaii charbounier, fut de
chaiboiuiicr fait évoque et placé sur le
siéf^e de Couiane [)ai' saint Grégoire Thau-
maturgie. A l'égard de ce qi.i se pas a à
Alexandrie et dans toute l'Egypte, nous eu
avons un témoin oculaire et irréprocha-
ble dans saint Dciys, évè(iue de la ville pa-
liiarchale. C'est dans une lettre qu'il écrit à
Fabius, évoque crAntioche, où, ai)rès avoir
rapporté les noms de cpielques martyrs, il
ajoute qu'il y en a eu un tiès-grand nombie
qui ont été uéeh rés et mis en pièces i)ar les
gentils, dans les autres villes et dans les
bourgades, sans compter une multitude in-
finie qui périt dans les déserts, [)ar la faim
et la soif, le IVoid et la nudité, le fer dos vo-
1' urs et les dents des bèlos carna^siô^es. Et
dans une autre lettre à Domitius et àDidyme :
« Il fair, leur dil-ii, que vous sachiez que
les honnnos et les feujmes , les jeu-ies gens
et les vieillai'ds, les soldais et les villageois,
de tout âge et do toute condition, ont tous
remporté dos couro mes » En un mot, la
pers ''cution fut si violente, qu'au rapport du
mémo saint Donys, les fidèles s'imaginaient
êtr,' enfin arrivés à ces jourf-s malheureux
prédits par le Seigneur dans son Evangile.
Ce fut pour s'en mettre à couvert, que saiut
Paul, preiuior eriniie, s'enfuii dans le déseif,
suivant lo témoignage de saint Jérôme, qui
prend de ià ocasioi de raconter de que Je
sole on éprouva la constance de deux mar-
tyrs, l'un desquels fut frotté de miel de.'uis
les pieds jusqu'à la tète et en cet éiaf exposé
en plein midi aux aiguillons dun essaim (ie
mouches, et l'autre couché mollement sur un
lit de roses, fut livié aux caresses impudi-
ques d'une courlisaune aussi belle qu'ef-
irontée. »
DÉCOKOSE (saint), évoque et confesseur,
soutfrit [)0ur la foi à Capoue. Les déiaiis
Dianquont entièrement. L'Eglise fait sa fête
le i5 février.
JDECOUl (Marie), religieuse du Sainl-Sa-
croment à Bolènii , périt sur l'échafaud à
Orange, le ICjuillet 179i avec la sœ u- Jus-
tamon, ursuline converse à Perne ; Cardon,
religieuse du Saint-Sacrement à Bolène;
Alarie Lage, ursuline à Bolène, Je .nne Kous-
sillon et Madeleine-Dorothée de Justamon,
du même ordre.
DELA MOTTE, prêtre français , périt le 3
octobre IS'+O. dans l'empire d'Annam, épuisé
par les toitures.
DELGADO (Ignace), dominicain, qui de-
puis quarante ans était vicaire apostolique
dans le Tonquin oriental, mourut o.n prison,
le 12 juin 1838, par suite des soullraaces
yu'il avait eu à y endurer
DELGADO (le bienheureux Alexis), l»or-
tugais, de la compagnie de Jésus, fai.sait
j)arlie des soixante-neuf missionnaires que
le P. Azevcdo était venu recruter h Rome
pour h; Brésil. (Voy. Azirvtoo.) Leur navire
fut pris, le ISjuiib't 1571, |)ar des corsaires
calvinistes qui 1rs m;>ssacrèi(;nl ou les j- lè-
ront <i la mer. Tel fut le niart\r.' de notée
bienheureux. (Du Jarric, Histoire des choses
plus méincrahlrs, t. il, p, 273. Tanner, So-
cietas Jesu us(/ue ad sanquinis et vilœ profu-
sioncm mililans, p, IGG et 170.)
DELPON (le bienheureux), missionnaire,
mourut dans les prisons do Pékin, en 17r5,
où on l'avait transféré après que lui-même
était venu se livrer, comme nousTavons vu
aux articles Chine et iMAnxiN (saint). Il mou-
rut eu |)rison ainsi que M. Devau!, par suite
de la mauvaise nounituro et des misères de
toutes so les qu'il eut à endurer.
DE.VIBÉA (Lac ije), en Abyssinie. conte-
nait une île dans lacjuelle étaient des moi-
nes fanatiques dépendant du patriarche l,é-
réti(^ue d'Alexandrie. Basilides, Négous de
ce pays, exila au milieu d'eux les saints
missionnaires Apollinaire Alméida, Hyacin-
the FrancGschi et François Rodriguez, que
le grand tribunal du royaume av-nt condam-
nés à la peine de mort. Ces moine s prodi-
guèrent à leurs prisonniois toutes sortes
d'insultes, de mauvais traitements. Furieux
de voir que de toutes parts les catholiques
venaient donner des consolations aux saints
confesseurs, ils écrivirent au Négous pour
lui d re qu'il était scandaleux de laisser vi-
vre ces ennemis de la religion, des hommes
que le tribunal des grands avaitjugés d gnes
do mort. Basilides leur ré[)on lit qu'il les
leur abandonnait, qu'ils pouvaient faire d'eux
ce que bon leur semblerait. Ces moines bar-
bares , totah-ment oublieux des etiseigue-
ments évangéliques , el de ce titre d ' chré-
tiens qu'ils portaient , dépouillèrent en par-
tie les sai Ils de leurs vêlements, les suspen-
dirent à des branches d'aibre et les lapidè-
rent. Ces faits eurent lieu en j. in 1638.
DEMETBE (saint), martyr, était proconsul
à Thessalotiique. Co saint, avant attiré beau-
coup d'iutidèles à Jésus-Christ , fut percé à
cou.^s de lance par l'ordre de l'empereur
Maximion, et reçut a nsi l'honneur du mar-
tyre. L'Eglise fait sa sainte mémoire le 8 oc-
toi're.
DÉMÈTKE (saint), martyr, répandit son
sang j)Our la foi en Afrique. On ignore à
qu lie éooqae et dan- quelles circonstances.
L'Eglise fait sa biinheureuse mémoire le 14
août.
DÉMÈTRE (sanit), martyr, versa son sang
pour la foi à Ostie, avec les saints Ho!:orat
et Florus. Les d taiis nous manquei^t sur
leur ma! lyre. L'Eghse fait leur mémoire le
22 décembre.
DÉMÈTRE (saint), martyr, était évoque à
An'iocne. 11 y soulnit un n.artyre sur lequel
on n'a aucun d tail. Un sait seulement qu'il
eut pour comjjagnons de tortures saint
Aguan, diacre à la môme église, saint Eus-
Use £t vingt autres saints martyrs. L'E-
78S
DÈN
t)EN
784
glise lionore leur mémoire le 10 novembre.
DÉMÈÏRE (saint), marlyr. moural pour la
ffii (le Jésus-Christ à Vrroli , avec saint
Biaise. On n'a pas de di-tails cert îins et au-
thentiques sur leur martyre ; l'épo |ue même
en est .nconnue. K'E,lise célèbre leur mé-
moiie le 19 novembre.
DÉMÈTRE (saint), soulfrit le martyre à
Rome, avec saint Concess", Hilairo et leurs
compagnons, dont on ignore les noms. L'E-
glise fait leur mémoire le 9 avril.
DÉMÈTKE (saint), reçut la palme du mar-
tyie à Ostie, avec saint Hcnorius. Nous n'a-
vons aucun détail sur les circonstances de
leur martyre. L'Eglise fait leur fête le 21 no-
vembre.
DÉMÉTRIUS, orfèvre d'Ephèse, faisait un
gr.md commerce de statuettes de Diane, en
plâtre, en métal, en ivoire, etc. Les conver-
sions qu'opéraient les prédications de saint
Paul lui firent beaucoup de tort ; dans l'irri-
tation qu'il en éprouva, il souleva contre le
saint, d'abord les ouvriers de la ville, et en-
suite les habitants. Ces furieux, n'ayant pu
trouver saint Paul, s'emiarèrent de Gains et
d'Aristarque, ses disciples. Ils les auraient
infailliblement fait mourir, si un greflier d'E-
phèse n'eût calmé leur fureur par la sagesse
de ses discours et ne les eût fait renoncer à
leurs mauvais desseins. « Ceux que vous
avez arrêtés , leur dit-il , ne sont cou-
pables ni de blasphème ni de sacrilège
contre Diane. Avez-vous d'autres griefs ?
nos tribunaux en jugeront. Mais ne crai-
gnez-vous pas qu'on nous accuse de sé-
dition pour avoir fait ainsi un rassemble-
ment sans motifs? » Sur ce, ils se disper-
sèrent.
DÉ.MÉTRIUS DE TIFLIS (le bienheureux),
frère lai chez les Franciscains, était Georgiwn
de nation et très-versé dans les langues
orientales. Il partit avec trois autres moin s
de son ordre, nommés Pierre de Sienn's Tho-
mas de Tulentino et Jacques de Padoue,
pour aller iirôcher l'Evangile dans le Katzai,
dirigés par un zélé dominicain français,
nommé Jourdain Catalini. Forcés par diver-
ses circonstances d'aborder à Tann, capitale
de l'jle Salsette, ils y soulfrirent le martyre
pour la défense de l'Evangile et de la loi.
(Koi/., pour plus de détails, l'article Martyus
DK Tan A.)
DÉMOCRITE (saint), martyr, mourut pour
la foi à Synnade, dans la Pin-ygie Pacatii^iuie,
aveu les saints Second et Denis. L'histoire
n(; nous a conservé aucun détail. L'Eglise
lait leur fête le 31 juillet.
DENIS (saintj, martyr, souffrit de cruels
tourments à Rome en l'hoiniiiur de Jésiis-
(^hrist. Il eut pour compagnons de sers souf-
frances les saints Faustf.', (^aius, Pierrf;, Piul
et quatre autres dont hîs noms nous sont in-
connus. C(!lte |)r('mièr(! ccjnfcssion de leur
foi eut lieu sous l'enipcrciur Dè'-e. Mais do
puis, sous Valéricn, ayant enduré de lon^'s
lourmeils |»ar l'ordri; du présidtrit Ernil.ei,
ils ieiriporlèr(;nt la |ialmr du martyi'e. L'K-
glise f.'iil leur siiiiite mémoire le .'1 octobre.
DEMS Nainlj, soullVit le martyre à Aqui-
lée avec saint Hilaire, évêque, et les saints
Tatien, diacre, Félix et Large; leur sacrifice
eut lieii sous l'enipire de Numérien, et sous
le président Béroine. On ne dit pas quel fut
au juste leur genre de mort : il est certain
qu ils subirent la peine du chevalet, et di-
vers autres tourments. L'Eglise fait leur
fête le 16 mars.
DENIS (saint) , martyr, mourut pour la
confession de sa foi à Héraclée en Thrace.
L;i date de son martyre est inconnue. Il eut
deux compagnons de soullVances appelés
Bassus et Agapet, et quarante autres dont le
Martyrologe romain ne donne pas les noms.
L'Eglise honore ces saints martyrs le 20 no-
vembre.
DENIS (saint), martyr, souffrit le martyre
avec saint Socrate ; on ignore en quel lieu, à
quelle époque et dans quelles circonstances.
Tous deux furent percés inhumainement
à coups de lances. L'Eglise honore leur
sainte mémoire le 19 avril.
DENIS (saint), martyr, reçut la mort pour
son attachement à la foi du Christ. 11 eut
pour compagnon de s.i décapitation saint Am-
mône. On n'a pas d autres détails sur eux.
L'Eglise les honore le 14 février.
DENIS (saint), martyr, répandit son sang
pour la défense de la religion. Ce fut dans
la Basse-Arménie que son martyre eut lieu,
avec les saints Emilien et Sébastien. Les dé-
tails manquent comph tement sur eux. L'E-
glise célèbre leur sainte mémoire le 8 fé-
vrier.
DENIS (saint), martyr, reçut la palme des
glorieux combattants de lafo'i de Jésus-Christ
à Syimade dans la Phrygie Pacatienne. Les
détails nous font entièrement défaut sur
eux. L'Eglise célèbre leur sainte mémoire
le 31 juillet.
DENIS (saint), évêque et confesseur, eut
l'immortel honneur de confesser Ji'sus-Christ
au milieu des soutfrances. Nous n'avons au-
cun détail a .thentique sur ses tourments.
L'Eglise rhonore comme confesseur le 8
mai. Ce fut à Vienne qu'il endura ses souf-
frances.
DENIS (saint), martyr, souffrit pour la foi
à Consta Ttinople vecLucillien, -incien prê-
tre d'idoles, et trois autres enfants de son
tige, Paul, Hypace et Claude. [Voy. l'arlicle
LurjLMKN [)Our plus de détails.)
DENIS (le bienheureux), de l'ordre des
Franciscains, fut mis h mort en 1520 par le
cacique de .>Jaia.a;tana. Voici dans quelles
circonstances: Alfonse deOjeda s'élanl rendu
àCnmaua pour la pêche des perles, lit venir
à son borti i»lusieurs des habit.uils du pays
qu'il emmena dans un antre, pour les y ven-
dre comme esclaves. Plus tard , étant des-
cendu à terre, il y fut tué par le caciipu! do
Marac.ipana. Tous les Européens de la con-
trée, soupçonni'S d'avo r trempé dans la Ira-
h son de cet oflicier, furent obligés de se re-
tirer à Haïti. Il ne resta (pu^ Denis (pii, pen-
dant six jours, fui (Nuihé, mais (jui au boni
(le ce lenqis, poussé par la faim , fut obligé
(lèse livrer aux nalin-els. Ceux-ci le frappè-
rent si rudement, qu'ils lui firent sauter la
783
DEN
DEN
786
cervelle. Non content do cotte vongoanco,
le oaci(nio excita ceux do Cliiriliclii h so dé-
faire de leur côté dos religieux (|ui lial)i-
taient au milieu d'eux le couvent de Sainte-
Foi. C'étaient des dominicains. Les doux re-
ligieux (le Sainte-Foi ignmaicnt l'événement
qu'o nous venons do dire, birn (ju'il se lïlt
passé h quelques lieues seulement <lo chez
eux. C'était le saint joui- do dunanche. L'un
d'eux n'était pas prêtre, il venait de rece-
vou' l'absolution pour communioi", l'ai^ti-o
était sur le point d'oll'rir le saint sacrilice.
Les naturels arrivèrent connue dos force-
nés, égorgèrent les doux religieux, mirent le
feu au couvent et brisèrent les cloclies, les
images, les croix, un christ, et jetèrent les
débris de ces choses saintes sur les chemins
dos environs. Us coui)ôrent les arbres plan-
tés par les Européens, voulant ainsi ell'acer
jusqu'à la dei'uière trace de leur séjour au
niilieu d'eux. Bien dos fois , dans l'histoire
amé.icaine, on trouve de tels événements.
La cupidité, la cruauté des vainqueurs, éloi-
gnaient 1> s indigènes de la religion qu'on
leur prêchait et les poussaient à de terribles
représailles.
DENISE (sainte), martyre h Lampsaque en
l'an de Jésus-Chi-ist 25 ), sous l'empire de
Dèce. Etant témoin de ra[)Ostasieque venait
de commettie Nicomaque, chrétien qui com-
parai^sait devant le proconsul avec les saints
Paul et André, elle en exprima tout haut
son horreur, ce qui fut cause qu'elle fut elle-
môme anêtée et martyrisée. Voici comment
est r.iconté ce qui la concerne dans les Actes
de saint Pierre de Lampsaque :
« Il y avait parmi ceux qui étaient présents
à cet alfreux spectacle une jeune fille nom-
mée Denise, âgée de quinze à seize an^',
qui ne put s'empocher de s'écrier: Ah! mi-
sérable, faut-il que, pour n'avoir pu souffrir
encore un moment, tu te sois pré[)aré une
éternité de peines ! Cela fut entendu du pro-
consul , (jui la fit approcher, et lui ayant
demandé si elle était du élienne, elle répon-
dit : Oui, je le suis. C'est pour cola que je
plains ce malheureux, qui, pour quelques
moments de douleur, s'est privé lui-même
d'un repos qui ne finira jamais. Le procon-
sul lui répliqua : Vous vous trompez, ma
fille; car en sacrifiant aux dieux e; aux em-
pereurs, il a satisfait à son devoir, et a trouvé
le repos dont vous parlez. Aiais aîin qa'il ne
demeurât pas exposé aux reproches que vos
chrétiens auraient pu lui faire, à ca; se de
son heureux changement, Vénus et la grande
Diane ont bien voulu le retirer prompte-
ment du monde. Pour vous, disposez-vous
à sacrifier, ou à être brûlée toute vive. De-
nise répondit : Je ne vous crains pas ; le Dieu
que je sers est plus puissant que vous ; il me
donnera la force de souffrir.
« Le lendemain, saint Paul et saint André
furent lapidés par le peuple sur l'ordre des
magistrats. Le bruit en vint bientôt aux
oreilles de Denise. Alors cette vierge s'étant
dérobée à ses gardes, poussant dos cris et
répandant force larmes, court au lieu où se
faisait l'exécution. Lorsqu'elle y fut arrivée,
elle se jeta sur les corps des saints martyrs
qui rospiraicMit encore, et leur adressant la
parole, elUî leur dit : Pourquoi voulez-vous
aller au ciel sans moi? je veux mourir avec
vous pour vivre éternellement avec vous. Le
proconsul fut aussitôt informé que cette
jeune fille qu'il avait abandonnée aux era-
portouionts de deux jeunes débmchés, en
avait été miraculeusement préservée ; et
que, s'étant sauvée du lieu où. on la gardait,
elle voulait mourir avec les deux chrétiens
qu'on lapidait ; il ordonna qu'on la retirât do
lA, et (|u'on la conduisît dans un autre en-
droit pour y avoir la tête coupée. Ce qui fut
exécuté sur rheiire, 5 Lampsaque, le jour des
ides de mai, sous l'empire do Décius et sous
le proconsul Optimus. »
L'Eglise fait la fête do sainte Denise et de
ses compagnons, le 15 mai.
DENISE (sainte), martyre, mère de plu-
sieurs enfants, fut arrêtée sous l'empire de
Dèce, et sous le gouverneur Sabinus, à
Alexandrie, en l'année 250. Elle eut le bon-
heur d'y donner sa vie pour la foi. Elle fut
décapitée par ordre du juge, qui ne lui fit pas
endurer d'autres supplices préalables, comme,
cela se pratiquait le plus ordinairement.
Elle mourut avec ses compagnes, sainte
Mercurie et les deux saintes Ammonaire.
L'Eglise célèbre la fêle de ces quatre saintes
le 12 décembre.
DENYS, l'un des trente-sept martyrs égyp-
tiens qui moururent pour le christianisme,
en Egypte, et desquels Ruinart a donné les
Actes authentiques. Voy. Martyrs (les trente-
sept) égyptiens.
DENYS, l'un des trente-sept martyrs égy-
ptiens qui donnèrent leur sang pour la foi,
en Egypte, et desquels Ruinart a laissé les
Actes authentiques. Voy. Martyrs (les trente-
sept) égyptiens. Ce saint est différent du
précédent, (juoiqu'il porte le même nom et
qu'il ait souffert dans les mêmes circonstan-
ces.
DENYS (saint), fut martyrisé à Corinthe
durant la persécution de Dèce, sous le pré-
sident Jason, avec les saints Cadrât, Cyprien,
Ane^t, Paul et Crescent. L'Eglise fait leur
fête le 10 mars.
DENYS (saint), martyr à Ephèse, est fêté
par l'Eglise le 27 juillet. Il est l'un des sept
dormanis dont saint Grégoire de Tours
nous a donné l'histoire. Voy. Dormants (les
sept).
DlîNYS ou Denis (saint), évoque de Paris,
martyr, est, malgré les obscurités de son
histoire, un des saints les plus célèbres de
la France. Justement à cause de ces obscu-
rités, à cause d'une foule de croyances peu
solides accréditées par la crédulité publique,
il sera bon qu(! nous disions en peu de mots
quel était, à l'époque oiî vivait saint Denys,
l'état de l'Eglise des Gaules, et quel il avait
été auparavant.
Saint Sulpice-Sévère et l'auteur des Actes
de saint Saturnin disent que la lumière de
la foi ne pénétra que lentement, et assez
tard dans les Gaules. D'un autre côté, d'il-
lustres évêques, que cite Grégoire de Tours,
787
DEN
DEN
t8J
disent que la religion chrétienne se répan-
dit dès le commL'ncemjnt dans ces bcilles
contrées. Qij('l(]iios-uns ont dit que saint
Paul et s.-'int Philippe apôtres y avaient pio-
ché la foi. Saint Kpiphane l'affirme de saint
Luc, il dit la môme chose de sa nt Crosceiit,
disciple de saint Paid. L'une et l'autre Of)i-
uion peuvent êtreé^a'ement soutenues. Au-
cune ne peut être prouvée péremjitoirement,
Une seule ch(jso, o Ton peut dii'e avec assu-
rance, c'est que si la parole divine fut semée
dès le commencement dans les Gaules, el'e
V g.'rmabien peu et donna bien p'U de fruits.
t- n'est que dans le ir siècle qu'on voit l'E-
van^^ile faire des conquêtes rée les dans les
Gaules. Beaucoup d'églises ont des traditions
contraires h ce que nous diso is ici, mais
ces traditions iTontassurémenl riende f.ndé.
C'est dans l'é.^lise de Lyon que nous trou-
vons les premières et les plus fortes : reuves
d'aitiquité. Saint Pot lin son premi^^r évo-
que, et son successeur saint L'énée, étaient
uiseiples de saint Polycarpe. Ce fut le |)ape
Fa.)i^n qui, dui'ait la paix que donniit à
l'ijlglise ie rè,.^ne de l'emiieroui' Philippe, en-
voya en G'iuies les s>[!t évèques dont les
noms suivent : s;iint <ialien de 'l'ours, saint
Trôphime d'Arles, saint Paul de Narbo me,
saint S.iturnin de Toulouse, saint De lys de
Paiis, saint Austremoine de Cle-mont, et
sai it M.'.rtial de Limogos. C -s sept évèques
fuient envoyés comme des apôtres et co .irae
des évangélisles, sans désignation de siège.
Ils devaient aller où l'esprit de Dieu et le
coui'S desé énemenls les conduiraient. Nous
lie voulons [)oint dire qu'ils aiiml été h^s
premiers évèques ni les |)r(ïmiers [irédica-
tuurs des lieux où ils fixèrent leur résidence,
ou qu'ils honorèrent de leur m irtyre. Peut-
être y avait-il des chr tiens dans ces villes ;
peut-être même y avait-il eu dos évè mes
mais ^-.ji avaient étj obligés de partir, ou
étaient vnorts sans laisser de successeurs. Ce
que nous disons la est [)Ossii)le ; mais les
tiadiUo is (jui l'aflirment n'ont eu, jusqu'ici,
do leur cùlé, ni les monuments, ni les pro-
babilités. Il est certain que ces sept ('vèques
étaient accompagnés de be.aujou;» d'autres
missionnaires bien moins élevés ipi'eux
en dignité. Les saints Fuscien, Viclor;n,
Créi)in, Crépinien, Rutin, Valèrc, Lucen rie
Beauvais, K 'gule ou Uicule, Quentin, Piaton,
Marcel, étaient venus de Uoine avec saint
Deuys.
Ce (pli donnerait lieu de croire que saint
Denys était le chef de t(ms ces saints mis-
sioiinaiies, les sept évèques compris, c'est
qu(i nous trouvons dans Collandus r'iO marsj,
que tou.s ces saints, étant arrivés à Ailes, y
iiommèifnl saint Troplumti évêipie. Cette
histoire rapporte que saint Denys y prêcha
av(ic ua giaiid succê.s. D'un autre côté, his
traditions de Tégliso d'Arles mettent un
saint Donys, évêque, avant saint Tiophime.
C(; qui e.'^t eertam, c'est ipie de tous ces
t^ai'its prédicateurs do l'Kvangile, ce fut
faijit Denys qui porta le plus avant la lu-
lu.Ciw de la foi, pui.squ'd vint jusqu'à P.tri».
Parlons de lui maintenant en particulier.
Dans le iv' sièfle, Hilduin, abbé de Saint-
Denys, entreprit de [.rouver qne l'évéquc de
Paris était le mêuie que saint Denys l'Aréo-
pagite, piemier évèqut^ u'Athènes et disci-
ple de saint Paul. Ce fut lui a^ssi qui pré-
tendit (pie le saint, après avoir été déca[)ité,
avait porté sa tète dans ses mains. Ces as-
sei'tions erronées passèrent de Paris à Pvome,
de Rome chez les Grecs. [)ar Méthodius ,
qui s ' fit la trompette d Hilduin. Athanase
en Grèce, ayant traduit la Vie de saint De-
nys, comi)Osée i>ar Méthodius, sa traduelion
fut re(;ue en France, et y do ma un nouveau
poids aux faiis avancrs j)ar Hilduin. L'erreur
revenait à son point de départ, plus forte
et plus accréditée après .ses pérégr nations:
on croit facilement qui revient de loin.
Pour le premier pouit, saint Denys l'Aréo-
pagite n'était certes i)as un enfant du temps
de saint Paul. Donnons-lui quarante-cinq
ans. Comme, de cette ép.oque à celle où
saint Denys, évô jue de Paris, vint en Gaules,
c'est-à-dire environ l'an 2io, sons Phili[)pe,
deux cents ans s'étaient écoulés, il s'ensuit
que le saint Aréopagite aurait eu, lors de son
martyre, ([uelque chose comme 270 ans, ou
mieux. Quant à ce fait, que saint Donys
poi-ta sa tète dans ses mains après sa déca-
pitation, nou-i ne l'attaquerons pas: no is
abandonnons cette croyance aux légendaires
qui veulent du merveilleux h tout [)rix, et
qui sont [)Ortés h attacher d'autant plus de
mérite aux Actes des saints , qu'ils renfer-
ment j)lus de choses extraordinaires. Un de
ces hommes h croyances acquises a toutes
les légendes nous (iisait que nos discussions
étaient presque des sacrilèges, et que. quand
la sanction dos années avait passé sur les
histoires des saints, nul n'avait le 'iroit d'y
porter le tlambeau de la discussion. A ce
compte, bien des choses seraient restées di;-
bout, e 1 vertu de cette autoiité des années,
qui feraient h; désespoir de ce légen aire I
Ce fat saint Donys, qui, par lui ou par
ses disfiples, fonda les églises de Chartres,
de Senlis, de Meaux, et peu après celle de
Cologne. A Paris, il avait converti un grand
nombre de personnes par ses prédications
et ()ar ses miracles. Il y avait établi un cler-
gé, et y avait bâti une église ; jusi|ue-là il
n'y en avait pas eu. No is ne savons pas où
était cette église, qui fut probablement rui-
née avec les autres, en l'an 303. Ce|)endant
la Vie de saint Marcel nous dit qu'elle n'était
pas éloignée de la .'^eine. Rien à cela d'éton-
nant, puis()ue l'ancien Pains était entière-
ment grou{)1!} autour de ce Ueuve.
Les Actes de saint Denys nous apprennent
qu'une persécution violente s'élant élevée
tout <i cou|), les pers('cutcurs, chinciiant
partout l(îs chrétiens dans l'Occident , ils
lirireiit saint D(niys à Paris, ave(; saint Rus-
ii(pie, prètrf!, et saint Fleuthèic, archidiacre.
Dans la conf-ssioii (pi'ils firent do la foi,
tous trois dinneurèrent victorieux. Après
ovou' subi plusieurs sup[)lices, (nitre autres
celui des fou(ïl5, ils eurent la lêtit irancliéo.
D'après Aiion, le jug()(iui les condamna se
nommait Fesccnninus. L'auteur des Actes
78!)
DEN
DEN
7«a
du saint (^v^quo dit qne les corps dfs trois
saints fiiront portés ])(nir ôtrc jctrs dans la
Soiiio, et (lue c(î fui une fcinrntî ctiriHiiMiiic,
iioiniiu'^o Caluila, qui, ayant troav6 luovcn
<roiiip(\'ti(>r qu'ils lo fussent, les enterra
«u lieu nu'^nie oCi ils avaient ('l(^ décapités.
L'Kj^lise do Paiis i)rét(Mui qu'avanl leur
glorieux uJarlyre, les saints avaient été em-
prisonnés au lien nommé Saiiit-Denys do
la CliAtre. Les fidèles y élevère-it une cha-
pelle. Sainte (jeucviùve obtint [)ar ses exhor-
tations, qu'o'i y construisit un(! église, (jui
fut élevée sur les ruines de la cha[)elle. Kli(!
<Uait desservie par une commuiiautô (^ui
obéissait à un al)bé.
Dagobert, qui mourut en G38, fit bAtir
l'abbaye de Saint-Denys, où nos rois eurent
si longtemps une sépuitin'o protégée par le
respect religieux de tous. Les r(;li(iues de
saint Denys, de saint Uuslicpie cl de saint
lileuthère y étaient gardées avec gcande vé-
néi'alioti. Quand arriva celle éj oijue de l<'r-
reur où tout ce qui était saint et respect.bl ?
était profané, quand on vola le trésor de
l'abbaye, les relicpies furent sauvées pardoin
Warentlot, religieux de Sainl-Denys, et ca-
ché s précieuseuient. Depuis, en n;)5, elles
furent déposées dans l'église p u-oissiale do
Saint-Denys. Le 2G mai 1819, elles furent en
grande pompe tr;insft''rées dans l'église de
l'ancienne abbaye, où elles sont encore dans
des châsses de bronze doré.
L'Eglise fait la fête de saint Denys le 9
octobre. En q el temps a-t-il soutfert? 11 est
iuipossible de le préciser. Cependant il est
très-probable cjue sa mort fut une consé-
quence de la persécution d'Aurélien. Elle
dut avoir lieu de 273 è 275. On lait h cette
date une objection : on dit que saint D nys,
dans ce cas, devait être fort âgé. S'il avait
40 ans quand il arriva en Gaules, en 245,
sous Philippe, cela ne ferait encore que 70
ans environ. Il y a nombre d'hornmes qui
vivent audclà.Dans le Martyrologe, les noms
de saints morts à cet âge, ou môme à un âge
plus avancé, ne sont pas rares.
Maintenant, en quel lieu les saints furent-
ils martyrisés? Leurs Actes portent que les
persécuteurs, ayant ordonné de jeter Irs
corps des saints dans la Seine, de peur que
les chrétiens ne leur rendissent les honneurs
qu'ils avaient coutume de rendre aux mar-
tyrs, Catulla, femme chrétienne, fit faire
bonne chère aux soldats chargés d'exécuier
l'ordre, tandis que ses gens enlevaient de
dessus les bateaux les corps des saints. Ils
ajoutent qu'elle les fit enterrer dans une
pièce de terre prête à semer, et sur laquelle
on sema aussitôt, pour qu'on ne pût pas
connaître le lieu où ou les avait mis. Ces
Actes disent que les saints furent enterrés
près du lieu où ils avaient été martyrisés.
D'après cela, s'ils sont exacts, il est certain
que ce ne fut pas, que ce ne put pas être à
Paris. Pour nous, il est probable que ce fut
au lieu où §e trouve l'abbaye de Saiat-De-
nvs : ceiiendant nous i)e le voudrions pas
aftii'mer. Quelques-uns ont prétendu que
c'était h Montmartre. {Voy. Tartiole Mont-
MARTRK.)
DENYS (saint), martyr, eut la gloire de
verser son sang [)our la confession de la
foi. Son martyre eut lieu h Césarée, eu Pa-
lestine, sous le présidiMil Ucbain, dans la
persécution de Diodélien. Il eut pr)ur com-
pagnons de son martyre, saint Timolaus,
saint Pauside, saint liomule, s dut Ah'xan-
dre, saint Agape et un autre saint Den.s.
L'Eglise honore la mémoire de ces maints
martyr, le ^2'*- mars.
DÈNYS (saint), martyr, fut martyrisé au
même lieu et dans les mêmes circonstances
que l(! saint précédent. {Voy. ci dv'ssus.)
DENYS D ALEXANDRIE (saini), est l'un
des hommes les plus émini nls (lui aient
paru dans l'Eglise. Saint liasilo et les Crées
lui don eut le liti e de (Irand ; saiU Alh \nase
l'apnelle le do .teur de l'Eglise caihol'.que. Il
na ]uit a AKixandrie, d'une famille consiié-
rabie p.ir sa f'.lune et par sa noijiesso; du
mo ns cette opinion est la plus prob.bla.
Quelques-uns uni préiendu qu'il éiail du
p;!ys de Saba. O \ est fondé à croire (ju'il lut
marié, et qu'il avait clés enfants. L'un d eux
se noiumait Timo.h '-e. Saint Denys était ex-
trê riement éruait, très-ver é dans les scien-
ces proianes. L;s écrils qui nous re-teut de
lui purtruit rempreinte d un génie vaste et
profond, en môme temps quils montrent
be.uiîoup d érudition. Il y a Hl'u de croire
qu'i. fut élevé en dignité dans sa ville natale,
probablement dai;S les finances ou da. s la
magistrature. Sa famil e était païenne; lui-
même fut païen pendant longtemps. Il dut
de np pas l'être toujours à une heureuse
qualité d'esprit dont Dieu l'avait doué : dési-
reux de s'instruire, il fais dt ce qu'on nomme
aujourd'hui de l'eccleciisme. il .i>ait sans
prévention tous les 1 vres qui lui tombaient
entr. les mains, quels que .ussent leurs au-
teurs , de quelque école qu'ils vinssent. 11
trouva, en lisant les Epîtres de saint Paul,
une satis.action qu'aucune autre lecture ne
lui avait donnée; il fut profondément touché
des vérités ijuc traite le grand apôtre, el de-
manda à devenir chrétien. L'évèque Démètre
le baptisa, après qu'il se fut fait instruire. Dès
queDenyseulgoùié les douceurs de la religioa
chrétienne, il ne songea plus à autre chose
en ce monde. Il voulul,pour entrer tout entier
dans la voie de Dieu, renoncer aux dignités,
aux honneurs, aux avantages de sa naissance
et de sa fortune : il échangea, en un mo, les
avantages qu'on envie tant ici-bas contre les
trésors que la foi donne à ceux qui suivent
Jésus-Christ. Origène était à la tête de 1 école
des catéchèses d'Alexandrie, où sa science et
sou génie jetaient le plus vif éclat. Denys
devint son disciple. Bientôt le disciple devint
une des gloir. s de cette école si féconde eu
grands hommes. Quand Héracle, à qui, en
231, Origène avait laissé le soin de son école,
fut promu l'année môme à la dignité d'évê-
que d'Alexandrie , ce fut saint Denys qui fut
chargé des catécièses à sa place. 11 demeura
dans cet emploi durant seize ou dix-sept ans-
Suivant la chronique orientale, Héracle, qui
791
DEN
DEN
792
faisait le plus grand cas de ses talents et de
sa vertu, le lit son vicaire, et le chargea de
juger les fidèles qui s'adresseraient à lui.
Denys avait été promu à la prêtrise. Le 4 ou
5 df^^cenibre de l'an 2i7, Héracle étant mort,
il y eut une va^nce d'un an, après laquelle
Denys fut élu pour lui succéder. Ainsi, c'est
à la lin de 2i8 qu'il dut être élu. Dans une
aufie partie du monde chrétien, la même
année voyait aussi la promotion à l'épiscopat
d'une des illustrations de l'Eglise : saint
Cyprien était nommé évèque de Carthage.
Le siège d'Alexandrie étendait sa juridiction
sur toute la Libye : c'était donc un' des plus
importants de la chrétienté. Avant saint
Denys, il y avait eu douze évêques sur ce
siège.
Au moment oij il fut mis dans ces samtes
et importantes fonctions, l'Eglise, sous le
règne de Philippe, jouissait d'une paix pro-
fonde. Ce prince favorisait extrêmement les
chrétiens, et il semblait que rien ne dût ve-
iiii' troubler la quiétude dans laquelle ils se
reposaient enfin, après tant de combats sou-
tenus, de persécutions endurées. Mais tandis
que le reste de l'Eglise était en paix, et que
la persécution ne commença pour elle qu'a-
vec les édils de l'empereur Dèce, Alexandrie
fut tout h coup atteinte par une violente
persécution. Le point de départ en fut une
émotion populaire. Le peuiîle se souleva
contre li}s chrétiens, et, la faiblesse des ma-
g strats y prêtant, les chrétiens furent vio-
Jeunnent persécutés. Ce fut au commence-
ment de 2i9, ou au moins à la fin de 2i8,
que ces événements se passèrent. Le saint
évoque d'Alexan Jrie eut du moins la conso-
lation (Je voir ceux qui furent l'objet direct
de celte persécution, sainte Apolline et beau-
coup d'autres, deuieurer inébranlables dans
la loi, et donner généreusement leur vie pour
Jésus-Christ.
Aires cette violente bourrasque, l'Eglise
d'Alexandrie eut quelques moments de cal-
me ; les persécuteurs en étaient aux mains
les uns avec les autres. L'empire changeait
d(,' maître : Dèce montait sur le trône à la
place de Philippe. On sait que le premier
soin de ce cruel empereur fut de Inuccr
des édits de persécution. Aussi le calme de
TEglise d'Alexandrie dura peu, dit saint De-
nys : « La crainte de toutes sortes d(> ri-
gueurs, dont on menaçait ITiglise, succéda h
la douceur dont elle jouissait sous h; rèj^ne
[)ré(éd('nt, qui lui avat été ti'ès-favorable. »
Aussitôt arrivèrent les édits impériaux. Voici
comme'it saint Denys raconte ce qui lui est
per-onn(jI dans celle persécution. Nous co-
pions Icxtuellement :
« Dieu connaît le fond de mon cœur, .le
|)ar]e en sa présence, et il sait si j'avance
quclipie cho^e centre la vérité; mais il (;st
certani rpir; ce ihî lut |)as d(! mon [Mopre
ui luveme it rpje je me réscjlus d(! [tiemliiî la
fuit»; et de me cach-r, mais par un si^nliment
iiil''rieur, (pii me lit connaili-e que c'était la
V(jli)nié d(; Dieu. C'est donc l.i vérité pure,
qui; IVîdii (Je l'empereur Décius venait à
peine d'être publié, que le préfet Fabien en-
voya un soldat à mon logis, avec ordre de
m'arrêter. Je l'y attendis quatre jours en-
tiers; cependant il parcourait les chemins,
les champs, les rivières : en un mot, il n'y
eut aucun endroit qu'il ne visitAt, dans la
pensée que j'aurais pu m'y être mis à cou-
vert de la recherche qu'on faisait de moi.
Mais Dieu l'avait frappé d'aveuglement , afin
qu'il ne pût jamais lui venir dans l'esprit
que j'eusse voulu y rester dans un temps de
persécution. Enfin, le quatrième jour étant
passé. Dieu m'ordonnant de me retirer ail-
leurs, et m'en ayant, contre toute espérance,
ouvert la voie d'une manière toute miracu-
leuse, je sortis de chez moi, suivi de mes
domestiques et accompagné de plusieurs des
frères. L'événement fil assez voir que c'avait
été là un coup de la Providence; car dans la
suite nous ne fûmes pas tout h fait inutiles à
quelques personnes Nous n'étions pas fort
éloignés, et le soleil se couchait, lorsque
nous tombâmes entre les mains des persécu-
teurs , qui nous conduisirent à Taposire ;
mais Dieu permit que Timothée, qui ne s'é-
tait pas rencontré avec les autres, ne fût pas
arrêté. Etant donc allé quelque temps après
à mon logis, il trouva qu'il était abandonné,
qu'il y avait garnison, et que nous étions
pris Alors, tout troublé, il se mit à fuir en
diligence. Un paysan le rencontra, et lui de-
manda ce qu'il y avait et ce qui causait
l'épouvante qui paraissait sur son visage.
Timothée le lui conta. Le paysan entra dans
une maison où se faisait une noce dont il
était prié (ces sortes de réjouissances durent
d'ordinaire toute la nuit), et il raconta aux:
convives ce qu'il venait d'apprendre. Ceux-ci
sortirent de table tous ensemble, coururent
au lieu où j'étais avec ma suite, y entrèrent
en criant, et nous pressèrent de sortir. Les
soldats qui nous gardaient s'enfuirent aussi-
tôt, et ces bonnes gens nous trouvèrent cou-
chés sur des lits sans garniture. Je les pris
d'abord pour des voleurs, et, demeurant sur
mon lit, nu, en chemise comme j'étais, je
leur présentais le reste de mes habits, qui
étaient auprès de moi. Ils me dirent de mo
lever et de sortir au plus vite. Alors, com-
prenant pourquoi ils étaient venus, je com-
mençai à crier et h leur dire : Retirez-vous,
je vous su])plie, et nous laissez; ou, si vous
v(julez me faire plaisir, prévenez ceux qui
m'emmènent, et coupez-moi la tête. Tandis
qu(! je criais ainsi, ils inc firent lever do
force; je me jetai par terre, h la renverse;
mais ils me prirent par les [tieds et par les
miins , et me traînèrent dehors. Caius ,
Fausle, lM(>rre et Vnn\ me suivaient; ils mo
j)orlèrent hors de la ville, me firent monter à
poil sur un Ane, et m'emmenèrent. » (Kui-
nart, l"vol., |)age 303.)
Klant donc ainsi échapppé malgré lui des
mains des persécuteurs, saint Denys se re-
tira, avec Caius el Pierre, dans un lieu désert
de la Libycî, <i trois jours de mari lie de Parc-
toim;, ville de la Libye marmariipie. Il resta
dans cette retraite; jusipi'à la mort (\o Dèce,
ou au moins jusqu'à la fin do la persécution.
793
DKN
i)EN
794
Co fut (lo Ih qu'il (Vrivit à Domicc ot îi Di-
dymo. Nous en copions un fragment :
« Au reste, il est inutile de vous marquer
ici les noms de nos martyrs; ils sont en trop
grand noml>re, et aucun d'eux no vous est
coiuui. Il suiïit seulement que vous sachiez,
en j^(^néial, (juo, sans (ju'on ev1t le moindre
égard ni h l'ilge, ni au sexe, ni a>i l'ang, ou
tournuMita indilféremment les lioinm(\s et les
fenmics, les jeunes gens et les vieillarils, lo
soldat et le bourg-ois ; (|ue tout éprouva la
rage des [)erséeulours, et que les fouets, lo
fer et le feu furent mis en usage contre les
fidèles. 11 s'en est même trouvé quehjues-
uns de c(ui Dieu n'a voulu recevoir le sacri-
fice qii'après les avoir longtem[)S exercés. Je
suis do ce nombre , et il dilfére Jusqu'ici
d'hcceptcr le mien : co sera lorsque sa provi-
dence, qui seule dis[)0sc des temps, en aura
marqué le moment; mais je suis si"ir qu'elle
choisira ceiui qui est lo plus avantageux
pour moi, suivant cette parole du Seigneur :
Je vous ai exaucé dans le moment favorable,
et je suis venu h votre secours au jour de
grâce et de miséricorde.
« Mais puisque vous souhaitez particuliè-
rement savoir ce qui nous regarde et l'état
présent do nos affaires, je vous l'apprendrai
volontiers. Il n'est pas que vous n'ayez su
de quelle manière des paysans de la Marî'ote
nous arrachèrent, uialgré nous, d'entre les
mains de quelques oilicieis de justice qui
nous conduisaient en prison. Nous étions
cinq : Pierre, Caius, Paid, Fauste et moi.
Les deux premiers ne m'ont point quitté, et
nous nous sommes tous trois retirés dans le
fond d'un désert affreux, à trois journées de
Pareloine.
« Cependant Maxime, Dioscore, Démétrius
et Luc us, tous quatre prêtres, se tie nent
cachés dans la ville, pour assister les frères
dans cette conjoncture. Faustin et Aquila
n'ont pas cru devoir s'y renfermer; mais,
sans craindre de s'exposer au grand jour, ils
parcourent toute l'Egypte. A l'égaid des dia-
cres, ils no sont plus que trois que la conta-
gion a éi>argnés, savoir : Fauste, Chérémon
et Eusèbe; Eusèbe, dis-je, que Dieu a telle-
ment fortifié dès le commencement de la
persécution, que, méprisant les péiils où son
zèle l'expose, il ne cesse de l'exercer tant
envers les confesseurs prisonniers, auxquels
il rend des services assidus, qu'envers les
saints martyrs, dont il prend soin d'enseve-
lir les corps. Car le préfet ne fait grâce à
aucun de ceux qui tombent entre ses mains,
ôtant cruellement la vie aux uns, faisant
éprouver aux autres les rigueurs des tortures
les plus horribles, et exposant les autres à
toutes les horreurs des cachots les plus noirs
et les plus infects; il en a fait môme soigneu-
sement garder l'entrée par des soldats ; mais
Dieu se rit de la cruauté du tyran, et, pre-
nant plaisir à tromper sa vigilance, il donne
le moyen à la charité des tidèles de s'insi-
nuer (ians ces lieux affreux, et il y fait en-
trer avec elle la consolation, et divers soula-
gements aux peines qu'on y endure. » (Kui-
nart, ibid., page 306.)
De retour à Alexandrie, il fut instruit du
schisme que No' atien avait fait contre le
pape Corneille. Cet hérésiarq\]e, qui s'était
fait nommer pape, écrivit l\ siùnl Dcnys, pour
lui (lir(! (pie sa promotion avait été fiiiti! sui-
vant h's règles. « Vous devriez, lui ré|)ondit
saint Denys, tout soulfrir plutôt (jue d'(;xci-
ter un schisme dans l'Eglise. Mourir pour la
défense de l'unité de rEglis(; est aussi glo-
rieux, et même selon moi [)lus glorieux, (pie
de l'efusor, aux déj)ens de sa vie, de sacrili(!r
aux idoles, parce qu'il s'agit alors du bien
généial de rEf)ouse do Jésus-Christ. Si vous
ramenez vos frères à l'unité, vous répanerez
votre faute, vous la ferez oublier, et vous
mériterez de justes éloges. Si vous ne pouvez
gagner les autres, vous sauverez du moins
votre âme. » Plusieurs fois le saint évôtiue
écrivit aux membres du clergé de Rome, aux
confesseurs qui avaient eu lo malheur de
suivre Novatien, les exhortant à rentrer dans
le sein de l'Eglise. Ses efforts furent couron-
nés de succès : avant que l'année s'écoulât ,
les confesseurs renoncèrent au schisme. No-
vatien , non-seulement schismatique , mais
encore auteur de plusieurs hérésies, préten-
dait qu'il était certaines fautes que l'Eglise
n'avait pas le droit de remettre. Saint Denys,
pour protester contre cette doctrine déso-
lante et cruelle , donna l'ordre, dans tous les
lieux soumis h sa juridiction, d'admettre
tous les mourants à la pénitence. Saint De-
nys prémunit contre le schisme de Novatien
Fabien d'Antioche, qui paraissait incliner à
le suivre.
La persécution no fut pas le seul fléau qui
vint éprouver le cœur du saint évêque : il
eut la douleur de voir périr une grande par-
tie de son troupeau par une peste, qui com-
mença en 250 et qui dura douze années en-
tières. Ailleurs, nous avons eu sujet de dire
qu'à Rome, en un seul jour, elle enleva cinq
mille personnes. A Alexandrie, elle fut ex-
cessivement cruelle. Dire les miracles qu'ac-
complit la charité du saint évoque serait
chose impossible. Il se mul ipl;ait pour por-
ter des secours de toutes sortes aux malheu-
reuses victimes de cette dé>ol;tion. Il sut
inspirer à son clergé et à un grand nombre
de chrétiens les sentiments dont il était
animé lui-même. La charité fit de nombreux
martyrs en cette occasion : beaucoup de
ceux qui se dévouaient au soulagement des
malades périrent victimes de leur dévoue-
ment, et les couronnes qu'ils reçurent sont
certes aussi glorieuses que celles des mar-
tyrs qui donnaient leur sang pour la foi au
milieu des supplices. Ce fut environ vers ce
temps-là que parut l'hérésie des millénaires.
D'après un passage de l'Apocalypse, qu'ils
interprétaient mal, ils prétendaient que Jésus-
Christ devait régner en ce monde pendant
mille ans avec les siens. Parmi ceux qui par-
tageaient cette singulière idée, il y avait des
gens de deux sortes : les uns prétendaient
que, durant ce règne de mille ans, ceux qui
seraient avec Jésus-Christ se livreraient .à
tous les plaisirs sensuels; d'autres, au con-
traire, prétendaient qu'ils devraient se con-
7f»
vm
DEN
7W
tenter fies plaisirs spirituels. Saint Deiiys ré-
futa les uns et les au!rcs. 11 se roiidit à Arsi-
noL^où il eut des contéronocs publiques avec
Giiracion, le chef des miliéiiairts. L'argu-
i« ntntion du saint fat si puissai.te, et lelle-
menl empreinte de douceur et do charité,
que Coraciou et les s ens reconnurent qu'ils
avaient mal interprété l'Ecriture, et ils re-
noncèrent à lei.r erreur. Après cela, saint
Denys rcfuta les écriis de l'évèque Népos,qui
av.iit le ])remier donné naissance à l'hérésio
des millénaires.
Si l'amour du saint pour les saines doctri-
nes et .it grand, son amour pour la paix de
l'Eglise l'était autant. 0 i sait la grande dis-
pute qui s'était élevée touchant le ba;>tomo
d^'S héréticjues. Saint Cyprieu, et av c lui
les évèques d'Afrique et bumcoup d'évèques
d'Orient, [)ensaient qu'il fallait rebaptiser
ceux qu l'avaient é é i;ar d^s hérétiques. Le
pa,ie s lint Etienne, avec le roste de l'Eglise,
soute laitlopinion contraire. I.aluitedpveiiait
vive, animée : elle prenait niè.ne un caiactère
d'aigreur déplorable : saint Firmilien avait,
da'is une lettre, parié d i pape saint Etienne
d une façon que la char. té et les bienséani'cs
auraient di^'i proscrire. Saint Donys voulut
mettre sa charité cl ses consnls entre les
combattants. C'est à son intervention qu'on
dut i e ne pis voir l'Eglise divisée par l'ex-
communication que le pa[)e Eiienne voulait
lancer contre ses adversaires. Saint Denys
lui écrivit, lui donnant à entendre que dans
la question ])endante il était du même avis
que lui, mais qu'elle était grave, litigieuse,
et que l'an orité de l'Eglise n'ayant pas pro-
noncé , il serait inijjrudent de condamner
trop vile ceux qui no se rangeaient pas à sa
manière di; voir. C'étaU un hommage à la li-
berté de discussion > l une pmtestation con-
tre l'absolut. sino de l'autorité, en môme
temps qu un appel fait à la charité et à la
conciliation.il s'ag'ss;iit, du reste, d'inler-
di.e ou du moins d'excommunier h la fois
saint Cyprien et toute l'Afrique, les provin-
ces de Cilicie, de Ca[)padoce, de Galatie, et
plusieurs autres. Saint Etienne eut égard
auv représentations do saint Denys : la paix
de l'Eglise fut maintenue. Plus laid l'Eglise,
dans un concile général, décida la question
beaucoup mi ux que ne l'eût pu faire un
coup d'autori'ié, qui, a|)rès tout, eût été,
avant la décision de l'Eglise, un acte d'arbi-
traire et de tyrannie morale. De pan et d'au-
tre, l'iiritation avait un peu banni !a cha:il'''.
Honneur et gloire au saint évoque d'AloAan-
drie, qui rendit h la ch.élieiité un si é(unieiit
service. Il continua son rùle de c.onc iliateur
auprès de saint Six:e, .-q) es la mor. de saint
Etienne. (Juand il écriv.t sa dernière lettre
au i^ajte Sixte, louchant la question du b.ip-
. tome, il était en r'xil.
Dans les premières années do son règne,
l'empereur Valériciii s'était montré très-l'a-
voraljh's aux chrélieus ; mais, en 257, ses dis-
no^iiions ayant changé, on lit par .ses ordres
Ixîaucoup de martyrs dans l'enqjire. Sanil
Denys confe.ssa gl(jrieus(!m(n.t la f)i chré'
lie»in<;.Nouslclaiss<;i'ons raconlcrlui-mèmc:
« La nécessité où je me trouve de rappor-
ter ici de quelle manière la divine Provi-
dence s'est déclarée en notre faveur pour-
rait me faire craindre de passer pour un
homme peu sensé, si l'Ecriture sainte ne
me rassurait elle-même, en ra'ap[)renant
qu'il ne "uns est pas moins glorieux de pu-
blier les bienfaiis que nous avons reçus de
Dieu, qu'il est louable de couvrir d un in-
violable silence le secret (pie le prince nous a
contié.Je n'aj)|)réhenderai donc point de ren-
dre publi(jues les bontés que Dieu a eues
poui' nous, et de me servir de c-t aveu |)0ur
1110 défendre c(uilre la calomnie de Germain.
Je me présentai devant le préfet Emilien, ac-
compagné du prêtre Maxime, et îles diacres
Fauste, Eusèbeet Chérémond. 11 y eut aussi
un de nos frères de l'Eglise de Rome, qui,
se Irouv .nt pour lors en Egypte, entra avec
nous dans la ch.imbre de l'audience. Au
reste, le préfet ne me <dt pas d abord : On
vous défend de tenir des assemblées ; cette
défense eût été [)rémati!rée, et il s'agissdt
au[)aravant d'un [)oint plus important. Car
enlin il lui était assez indifféient que j'as-
semblasse les fidèles chez moi, ou d;ins 1 é-
glise ; le })oinl essentiel consistait à nous
einj)ôcher d'être chréiiens. C'est ce qui obli-
geait Emdien h m'ordoniier de me dé>isler
entièrement de la pro ession que je faisais
du christianisme, dans l'espérance de voir
les autres y renoncer, dès (ju'ils me le ver-
raient abandonner. Je ne fus pas longtemps
à chercher une réponse, et je dis netteineiit
au gouverneur : Il vaut mieux obéir à Dieu
qu'aux hommes. Mais j'ajoutai, en prenant
un ton encore plus haut et plus ferme, que
j'adorais celui (jui seul était Dieu ; que rien
ne serait capable de me faire changer de
sentiments, et qu'on ne me verrait point re-
noncer à l'honneur que j'avais d'être chié-
tien. Sur cette réjjonse, le gouverneur com-
manda qu'on nous conduisit à un bourg
noinniiî C phro, qui est à l'entrée du désert;
mais voici une copie de ce qui fut dit de
nart et d'autre. Je vous l'envoie telle qu'on
l'a extraite des registres du grelfe.
« Denys, Fauste, Maxime, Marcel et Ché-
rémondayant été introduits à l'audience, le
préfet Emilien a dit: Vous avez [)u reconnaî-
tre parles entietiens(iuej'ai eus avec vous, et
par tout (-e que je vous en ai écrit, combien
nos f)rinces ont té.noigné de bonlé à votre
égard ; je veux bien encore vous le redire: ils
font dej)endre voli'c conservation il votre
salut d(i vous-mêmes ; et vutie de.-linée est
entre vos m dus. Ils ne demandent de vous
qu'une seule chose, ipie la raison (>xige do
toute personne raisonnable, c'est que vous
adoriez les dieux protecteurs de leur ein-
jiire, (ït ip e vous abandonniez cet autre
culte si conlraire h la nature et au bon sims :
parlez, (pie dites-vous à cela? Je vous crois
l'es r l troj) b en fait pour vouhdr n
par une ingratitude iiijuriinise c
.saison aux témoignages ipie nos i)i'iiices
veulent bien vous (Joinier de leur clémence,
et aux eiJorls obligeante (piils font pour
vous raïuciKr au bon parti. Deflys a ré-
_ imdro
cl hors do
^01
i)EN
t)FN
/98
pondu : Tout lo monde n'a pas 1ns m^mos
dieux, (>l cliacu-i adori' ceux qu'il croit l'^^tre
V{^ntnl)lom('nt. Pour nous, nous n'en ado-
rons qu'un soûl, lo créateur de toutes cho-
ses ; et c'est celui-là in^^mo, ([ui a doii'K^
l'empire aux IrcVs-augustes Valéri.ri et (lal-
licn. Nous lui odVons sans cesse des vonix
pour leurs personnes sacrées, afin ([u'il af-
fermisse leur trône et qu'il rende liouicux
leur r^gne. Emilien a ro[)li(jué : Qui vous
empoche d'adorer tout ensemble et nos diiMix
et le vôtre? Vous voyez ce que l'ortlonnanix»
porte. 11 est dit que vous adorerez les
dieux, c'est-à-d rc tous ceux qui sont iccon-
nus pour tels. Denys a répondu : Nous n'en
adorons jamais qu'un seul. Le pi'ét\'t Kmi-
lien a repris : Je vois bien que vous ôtes
ûcs ingrats, qui abusez des bontés que les
empereurs ont pour vous; un entêtement ri-
dicule ne vous i)ermot pas de sentir comme
vous devriez l'Iionneur qu'ils vous font. Eh
bien ! vous ne demeurerez pas davantage en
cette ville, et je vais vous envoyer à Cé[)hro,
dans le fond de la Libye. Ce sera là le lieu
de votre bannissement, selon l'ordre q<ie
j'en ai reçu de nos empereurs. Au reste,
ne pensez pas y tenir vos assemblées, ni
aller faire vos prières dans ces lieux que
TOUS nommez des cimetières ; cela vous e^t
absolument défendu et Je ne le permettrai à
personne. Que si quelqu'un a la téméi'ité de
contrevenir à cette défim.se, et qu'il ne se
rende pas incessamment au lieu que je viens
de marquer, qu'il sache qu'il s'attirera une
méchante affaire, et il peut s'attendre h une
sévère punition. Retirez-vous et obéissez sans
différer à ce qui vous est ordonné.
« Je fus donc contraint, quoique malade,
de partir sur l'heure, et je ne pus obtenir
un seul jour de délai. Mais, malgré les dé-
fenses du préfet, les assemblées des fidol s
furent aussi fréquentes à Alexandrie que si
j'y eusse été présent. 11 est vrai que j'y étais
présent en esprii ; et, quoique absent d^
corps, je ne laissais pas de les exciter avec
quelque sorte de succès à s'assembler. Le
lieu môme de notre exil devint en tiès-
peu de temps une Eglise nombreuse, formée
en partie des chrétiens qui nous avaient
suivis, et en partie de ceux qui y accouraient
de divers endroits de l'Egypte. Dieu voulut
bien aussi nous ouvrir une porte à la prédi-
cation de son Evangile, car encore que les
habitants de ces lieux sauvages nous j tas-
sent d'abord des pierres, ils s'adoucirent
toutefois dans la suite, et plusieurs d'enlre
eux renoncèrent au culte des idoles pour
embrasser celui du vrai Dieu. Nous eûmes
donc la consolation de l'avoir fait connaître
à un peuple qui ne l'avait jamais connu, et d'a-
voir les premiers semé la parole divine dans
une terre qui jusqu'alors était demeurée en
friche. Mais, comme si Dieu ne nous eût en-
voyés là que pour y porter la lumière de
la foi, dès que nous nous fûmes acquittés
de notre ministère, il nous fit transporter
ailleurs. Emilien résolut de nous mettre
dans les lieu^ les plus rudes et les plus voi-
sins de la Libye; et, pour cet effet, il nous
fit tous venir dans la Maréofe , marquant à
chacun son bourç, et me logeant avec ma
siii!(î sur 1(! chenun, afin ch; nous avoir des
premiers; car son intenlion était de nous
tenir C(.mme dans sa main, f)0;ir pouvoir
s'assurer de nous charpie fois (ju'il lui en
jiroudrait envie. Lorsque j'a[)pris (ju'on de-
v.'.it nous transférer de Céphro h CoIUju-
thion j'en eus du chagiin ; car quoique lo
lieu uu' fût plus connu, je m'imaginais n'y
devoir tiouver ni chrétiens, ni gens socia-
bles ; et je savais, outi-e cela, qu'il étiit ex-
posé aux visites importunes des voyageurs
et aux courses contirmolles des voleurs.
Mais les frères dissi-ièrent bientôt ces pei-
nes, en me faisant considérer que cet en-
droit était beaucoup plus proche d'Alexan-
dr'ie. Il est vrai, disaient-ils, qu'à Céphro il
se rasseuible un ^rand nombre de chrétiens
d'Egypte ; mais ici le voisinage d'Alexandrie
vous doimcra le plaisir de voir vos amis et
les personnes qui vous sont les {)lus chères.
Ils viendront l'un après l'autre aux assem-
blées, comme dans un faubourg éloigné, et
la chose arriva ainsi. » (Ruinart, Loc. cit.,
p. 309.)
Que devint saint Denys, depuis lo moment
de son exil dans la Maréote jusqu'à la fin
du règne de Valérien ? Nous ne le savons
pas. Nous devons nous contenter de ce qu'il
dit do lui-môme et de ce qu'il souffrit, quand
il répond à Germain, évoque d'Egypte, qui
le calomniait, l'accusant d'avoir pris soin
de sa personne davantage que de son peu-
ple , et d'avoir fui durant la persécution.
Saint Denys parle ironiquement dans ce
passage, que nous transcrivons dans Eu-
sèbe:
« Assurément Germain peut se vanter
d'avoir souvent confessé Jésus-Christ. Il
peut faire, sans doute, une longue énumé-
ration de ses "Ipoulfrances, et dire de lui ce
qu'il peut dire d(; moi, qu'il a été condamné
Ear diverses sentences des paie is, que ses
iens ont été vendus publiquement, qu'il a
élé proscrit, qu'on lui a ravi tout ce qu'il
avait, qu'il a quitté toutes les dignités du
siècle, qu'il^ a méprisé toute la gloire du
monde, qu'au lieu des applaudissements
qi'-'il eût pu recevoir, s'il l'eût voulu, des
gouverneurs, et des premières personnes de
la ville, il s'est vu menacé des dernières ex-
trémités ; qu'il a vu le peuple demander
pub iquement son supplice, qu'il a couru
les plus grands hasards, qu'il a été persé-
cuté de tout le monde, qu'il a été réduit à
errer de tous côtés, qu'il a enduré toutes les
nécessités et toutes les fatigues imaginables;
en un mot, qu'il a éprouvé tout ce que j'ai
souffert du temps de Dèce et de Sabin, et de
tout ce que je souffre encore sous Emilien.
Et où a été Germain durant tout cela ? Qu'a-
t-on dit de lui ? Mais il faut enfin revenir de
cet excès de folie où Germain m'a fait tom-
ber, et laisser raconter le particulier de tout
ce qui m'est arrivé, à mes frères qui en ont
connaissance. » (ïillemont, tome IV, page
272.)
Los souffrances qu'avait endurées saint De-
7D9
DEN
nv>, durant la persécution, l'avaient rendu
vénéi'able aux yeux de tout le monde. L'hé-
rétiiiue Paul de Samosato lui-mùmelui écri-
vait qu'il le respectait, à cause qu'il portait
sur son corps les- stigmates de Josus-Christ.
Le saint évoque ne revint à Alexandrie que
quand la persécution de Valéri n fut h peu
près entièrement éteinte, lors de la prise de
Valérien par les Perses, eu 2G0. Mais il n'y
vint pas pour y trouver le repos. Il fallait
que.jusijù'a la On son Ame fût éprouvée j)ar
la douleur, il fallait que son cœur saignAt
pour Jésus-Christ. La guerre, la sé-iition, la
lamine, vinrent désoler le troupeau du saint
évoque déjà si rudement éprouvé parla per-
sécution. En 261 et 262, les habitants, divi-
sés en deux partis, à Alexandrie, se livrèrent
des luttes acharné;'S. Pendant longtemps la
ville fut occupée militairement ]iar ces partis
opposés, qui tenaient l'un certains quartiers
et s'y retranchaient, tandis que l'autre fai-
sait la même chose dans les quartiers des-
quels il restait maître. Cet état de choses
déplorables ne cessa entièrement que par la
mort de Macrien, quand Callien devint maî-
tre de toute l'Egypte, qui, sous l'usurpateur,
s'était soustraite à la domination de Home.
Depuis lors jusqu'à la mort du saint évo-
que, la peste désola Alexandrie. En 263, elle
y sévit avec une elfrayaiite intensité.
Au milieu des malheurs politiques qui
vim^ent frapper Alexanliie, nous avons omis
de signaler un événement qui, né de causes
minimes et ridicules en apparence, acquit
des proportions désastreuses. Un domesti-
que d'un magistrat eut une querelle avec
un soldat pour une chose fiitile ; mais on
l'arrêta et on le battit cruellement, sous pré-
texte d'injure faite au s(jldat. De là une émo-
tion populair.' qui tlt couler des tlots de
sang, et de laquelle on profita pour immoler
un grand nombre de chrétiens.
Ce fut à p(Mi près à cette môme époque,
que dans un concile qu'assembla saint De-
nys, Sabellius de Ptolémaïde, qui avait dé-
daigné d'écouter les r.' montrances du saint
évoque, fut condamné pour avoir renouvelé
les blasphèmes de Pcaxéas, en niant la dis-
tinction des personnes divines. Ce fut de
cette affaire (pie certaines personnes pri-
rent occasion pour accuser saint Denys de
nier la divinité de Jésus-Christ, auprès du
pajjc Denys, successeur de saint Sixte. Ce
nape en écrivit à l'évèque d'Alexandrie, qui
lui répondit pour se justiliei-, en établissant
(\u(i (jiiand il avait dit (pae Jésus-(^hrisl était
un(; cr-éature, il ne p.iilait (jue de sa nalure
humaine. MalheureusemiMit il nous reste
peu de chose des nombreux ouvrages de
saint Denys. Nous n'en avons [)lus (|ue des
fragments, avec son épîlre canonicpie à Ila-
silide.
Peu de temps avant de mourir, saint De-
nys qu'on avait calomnieusement accusé
de nier la divinité d(! Jésiis-(^liiisl, la défen-
dit contre Paul de S/nnosale, évèfpn,' d'An-
tioclu;, rjiii joignait au cririw! d'hérésie une
foiilo de vices tous indignes d(; la sainteté
(les fonctions dont il était chargé. Invité au
DEO 80O
concile qui se tint à ce sujet à Antioche, en
26i, il ne put pas s'y rendre. Son grand Age
et ses infirmités l'en empêchèrent. Mais il
réfuta les erreurs de Paul de Samosate, par
plusieurs lettres qu'il écrivit à l'Eglise d'An-
tioche. Il finit sa glorieuse carrière à Alexan-
drie, en 265, après avoir été dix-sept ans à
la tète de l'Eglise d'Egypte. Sa mémoiie vé-
cut longtemps parmi les hahitants d'Alexan-
drie. Elle y fut conservée par une église
qu'on bâtit sous son invocation, mais plus
encore par Je souvenir de ses vertus et par
ses admirables écrits. L'Eglise fait sa fête le
17 novembre.
DENYS (saint), martyr avec saint Privât
en Phrygie, on ne sait à quelle date ni sous
quelle règne. Ils sont inscrits tous deux au
Martyrologe sous la date du 20 septembre,
jour auquel l'Eglise fait leur fête.
DENYSE (sainte), confessa la foi sous le
règne de Hunéric, roi des Vandales. Elle
souffrit une cruelle flagellation, qui fil de
son corps une seule plaie. Au milieu de ses
horribles souffrances, s'aperce vaut que son
fils Majoric tremblait à la vue de ses tour-
ments, elle l'encouragea, releva son courage
et l'aida à mourir avec constance. Elle l'en-
terra, afin d'aller plus tard prier sur son
tombeau, et remercia Dieu de la grAce qu'il
avait faite à son fils de mourir pour son saint
nom.
DÉOGRATIAS (saint), fut fait évoque de
Cartilage en 454, après que cette ville eut
demeuré longtemps abandonnée. Ce fut à
la prière de V.ilentinien que Genséric per-
mit qu'on ordonnAt un évêque pour l'église
de cette ville. Notre saint était extrêmement
Agé quand il fut [iromu à ce siège. Néan-
moins, il est difficile de croire qu'il le fût
assez pour être ce Déogratias, diacre de Car-
thage ei depuis prêtre, à qui saint Augus-
tin a adre>sé des écrits en 4(16 et même dès
avant l'an 400 ; car il aurait dû avoir plus de
quritre-vingts ans à son élection, qui ne se fit
qu'en l'an 454, le dimanche 24 octobre,
comme on le lit dans un manuscrit.
Genséric étant abordé en Afrique après la
prise de Rome, les Vandales et les Maures
partagèrent un grand nombre de captifs
qu'il en avaitramenés. Il arriva, selonli cou-
tume des barbares, que les maris furent sépa-
rés de leurs femmes, et les enfants de leurs
pèr(!S. Déogratias, qui semblait n'avoir été
tait évêque de Carthage que pour honorer
en cette occasion l'Eglise catholique par sa
charité, témoigne aussitôt combien il était
aimé de Dieu et plein de son esprit et de son
amour divin. Il vendit tous les vases d'oi- et
d'argent (jui servaient au ministère des au-
tels, et (pie les catholiipies avaient pu don-
n(!r a|)rès (pie les Vandales avaient pillé les
richesses de l'Eglise, et il einfiloya le prix à
racheter ces ca])lil's, afin d(,' remettre les fem-
mes avec leurs maris, et rendre les enfants
aux pères. CoM)me il n'y avait point de mai-
S(jn assez grande pour conttMiir lout(^ celto
multitude, il les retira dans deux b.isili(pies
célèbres et fort grandes, celle d(^ Fauste et
celle d(^s Neuves. Le saint y ajantdonc fait
801
DEV
DÎA
802
mettre ces personnes, leur y fit fournir des
lits et (les paillasses, et rc^'gla co que chacun
devait recevoir par jour. Il prenait un soin
particulier des malades qui (liaient en grand
nombre, à cause des inconnnodités de la na-
vigation et des suuirian( es d'une si ciuello
servitude. Ce bienheureux prélat, comme
une mère tendre et charitable, les visitait à
toute heure avec des médecins, et faisait don-
ner à chacun en sa présence la nourriture
que le médecin leur ordonnait, après leur
avoir touché le pouls. 11 ne se dispensait pas
même durant la nuit de cette œuvre de misé-
ricorde, et il se levait pour les aller visiter
l'un après l'autre dans leurs lits, et savoir en
quel état ils étaient. 11 s'était consacré si ab-
solument à ce travail qu'il n'épargnait ni
son coi'ps accablé de lassitude, ni sa vieil-
lesse déj^ languissante.
Sa charité excita l'envie des ariens, qui,
bien éloignés d'en avoir une pareille, eu-
rent plusieurs fois la pensée de le tuer.
Dieu se hAta de délivrer cette colombe des
ongles de l'oiseau de proie. 11 appela à lui
ce saint évoque après un épiscopat de trois
ans, et a()rès qu'en ce peu de temps il eut
fait par son ministère de si grandes choses,
que, si on voulait, dit Victor, les rapporter
en détail, on ne trouverait pas assez de pa-
roles pour en décrire seulement une partie.
Les captifs de Rome pleiu'èrent sa mort avec
tant de larmes, qu'ils crurent n'avoir ja-
mais été plus abandonnés aux mains des
barbares que lorsqu'il s'envola dans le ciel.
Le peuple avait un si grand amour pour lui,
et un tel regret de sa mort, qu'il eût ravi
tous les membres d'un si digne corps, pour en
faire des reliques, si, par un sage conseil on
ne l'eût enterré secrètement. On trouve son
nom au Martj^rologe romain le 22 mars.
Il mourut le 5 janvier 458.
DERPHUTE (sainte), martyre, habitait
Amide en Paphlagonie. Elle y souffrit le
martyre avec sa sœur dont on ignore le nom,
sainte Alexandre, Claude, Euphrasie, Ma-
trone, Justine, Euphémie et Théodose. On
ignore l'époque où eut lieu leur mar-
tyre. L'Eglise honore leur mémoire le 20
mars.
DESAGE, religieuse Bernardine, fut guil-
lotinée le4- ju;lletl79i-dans laville d'Orange.
DEUIL en Parisis, nom d'une petite loca-
lité où, à la fin du m' siècle, saint Eugène,
disciple de saint Denys, évoque de Paris,
reçut la couronne du martyre. {Voy. Eu-
DEVANT (le bienheureux), missionnaire,
mourut dans les piisons de Pékin pour la
foi, en 1785. 11 s'était livré lui-môme [Voy. à
l'article Chine et à l'article Martiv (saint). La
mauvaise nourriture, les misères de toutes
sottes qu'il eut à endurer dans les prisons
de Pékin, où on le transféra, le firent mou-
rir h l'époque que nous venons de dire,
ainsi que M. Delpon.
DEYENTER, ville des Pays-Bas, fut té-
moin des souifrances qu'y endura le prêtre
Marcellin, en confessant Jésus-Christ et sa
fui.
D'HOLBACH (PAui.-TniKRni, baron), natif
de Heidelshem, dans lo haut Palatinat, en
1723 , vint très-jeune à Paris, se livra h l'é-
tmle et fut successivement reçu membie des
académies de Saint-Pétersbourg, de Man-
heim, de Berlin. Riche et prodigue, mettant
son or à la disposition de ceux qui comme
lui s'étaient voués à la destruction de la re-
ligion catholique, d'Holbach les reçut chez
lui durant quarante années. Trente ans du-
rant, il publiait régulièrement, chaque an-
née, un ou plusieurs écrits irréligieux. On
peut juger de ce qu'ils étaient en voyant
quelques-uns des titres : L'Antiquité dévoi-
lée; l'Esprit du clergé; DeVimposlurc sacer-
dotale ; La contagion sacrée ; Lettres philoso-
phiques sur i origine des préjugés ; Les prê-
tres démasqués; La théologie portative; La
cruauté religieuse ; L'enfer détruit ; l'His-
toire critique de Jésus-Christ ; Le système de
la nature. Tous ces ouvrages révoltants
sont dépassés par le dernier que nous ve-
nons de citer. L'auteur y expose l'athéisme
le plus effronté. Ce misérable mourut après
avoir épousé successivement les deux sœurs
avec dispense du saint-siége. 11 laissait qua-
tre enfants mariés. Il finit en 1789, juste à
l'époque où la France moissonnait les fruits
de la semence philosophique déposée dans
son sol par d'Holbach et ses semblables. 11
est impossible à un homme de dire contre
les prêtres, contre la re'igion, contre Dieu
lui-même, plus d'abominations, plus d'hor-
reurs que ne l'a fait ce frénétique insensé.
DIAZ (le bienheureux Pierre), Portugais,
de la compagnie de Jésus, faisait partie de
la troupe de missionnaires que l'autre P.
Diaz et le B. François de Castro condui-
saient au Bj'ésil, à la suite du P. Azavedo.
Un mois après le départ du Saint- Jacques,
qui portait ce dernier. Diaz et ses compa-
gnons quittèrent Madère, afin de poursuivre
la route vers le Brésil avec le reste de la
flotte. La tempête ayant dispersé les navires
de l'escadre, celui que montait notre bien-
heureux et ses compagnons dévia vers
l'île de Cuba, et à San-lago on dut l'aban-
donner, à cause de ses nombreuses avaries.
Les voyageurs trouvèrent une barque qui les
conduisit au port d'Abana, d'où un navire,
qu'ils y frétèrent, les transporta aux Açores
le mois d août 1571. Ils y trouvèrent le com-
mandant de la flotte, Louis de Vasconcellos,
avec le P. Diaz et cinq autres jésuites qui
les y avaient précédés. L'amiral, voyant son
monde si réduit, ne conserva qu'un navire,
et ils se rembarquèrent le 6 septembre 1571.
Bientôt ils rencontrèrent cinq vaisseaux de
haut bord commandés par le Béarnais Cap-
deville, calviniste, qui avait assisté à l'abor-
dage du Saint-Jacques. Le combat ne lut pas
long, et les calvinistes s'emparèrent du vais-
seau catholique. Le bienheureux Diaz fut mas-
sacré, puis jeté à la mer (le 13 septembre).
François de Castro confessait le pilote au
moment où les calvinistes montaient à l'a-
bordage ; il fut massacré. Gaspard Goes su-
bit le même sort. Le P. Michel, qui avait été
lenfermé avec d'autres durant la nuit dans
SOS PJt)
la cabine do Louis de Vasconcellos, ayant
jeté u-i .-oupir que lui arrachait la blessure
de son bras pendant qu'on les lui liait der-
rière le dos, les calvinistes se saisu^'ut de
lui et le jetèrent à la mer, avec le B. Fran-
çois Paul. Pierre Furnand fut précipité éga-
lement dans les flots el fut noyé prescjue aus-
sitôt, avec Jean Alvarc, ne sachant nag.'r ni
Tun ni Taiitre. Ali)honse Fernandez, après
s'être soutenu sui- les flots pendant plusieurs
heures, s'enfonça enfui vers minuit, en réci-
tant le Miserere inei, Deus. Alphonse André
Pais se noya é-;alement, en prononçant le
"saint nom de Jésus. Pierre Diaz fut é^^ale-
ment noyé. Les autres compagnons de leur
martyre firent Jacques Carvalho, Portugais,
et Fernand Alvare, né aussi en Portugal.
(Du Jarrie, Histoire des choses plus mémo-
rables, etc., t. 15, p. 235. Tanner, Soiielas
Jesu usque ad sanguinis et vitœ profusionem
militans, p. 17+ et 177.)
DIAZ, né à Ecija, dans l'Adalousie, en
1712, était à ManUle en 173G. L'évêque de
Mauricaste l'emmena avec lui au Fo-Kien
en 1738. Quand éclata la persécution, en
17i6, il était avec cet évèque dans les envi-
rons de Fou-nyan. Le vice-j'oi ayant commis
l'officier Fan à la recherche des mis>ionnai-
res, c<'lui-ci s'y livra avec une activité que
redoublait sa haine contre les chrétiens. Ayant
fait donner la torture à une servan:e, celle-
ci, vaincue par la douleur, le coi;duisit au
lieu 011 étaient cachés entie deux jjlanches
hs PP. Serrano et Diaz. Il fut dans une joie
extrême de cette capture. 11 demanua à ces
deux missionnaires où était révoque. Tous
deux gardèrent le silence. Le P. Diaz l'ut mis à
la torture. Le 10 juillet après plusieurs inter-
rogatoires, il fut conduit enchaîné du Fou-
ngan à Fou-Tclieou-lbu, cajiitale de Fo-Kien,
à 27 lieues de distance de Fou-ngan. La
po[)ulace, qui suiva.tles charreltes sur les-
quelles on transportait les missionnaiiCS,
faisait entendre ues malédictions et des in-
jures. De nouveaux juges ayant été nom-
més, le P. Diaz l'ut mis à la torture duux
fois. Cette torture était le Kia-k(meii. Deux
fois il reçut la bastonnade. Quand la sentence
qui le condamnait à être étranglé eut été
ralitiée par le tribunal des crimes et sigiée
de remi)ereur, on le sépaia de ses conl'ières
pour le mettie dans une prison isolée. On
lui marqua sur le visage, avec un fer rouge,
deux caractères chiiiois qnï exprimaient le
genre de .supplice qu'il devait subir. Puis on
fétrangla dans sa prison le 28 octobre 1748.
DIDACL (iAUZlA (le bienheureux), mis-
sionnaire zélé, lit un grand jKjjiibrc de con-
versions à Lima. Son giand zèle lut cause de
sa mort. Ayajit lepiis l'ortement plusieurs
indigènes des scanJales qu ils donnaient
publi(^ueuient , ses ennemis l'empoison-
nèrent.
DjDACK BOTKLLK), frère de l'ordre de
Saint-François, fut ujis à mo.l en 151G (,'t
dévfjré [lar les (Caraïbes de l'Amérique du
Nord, ainsi que Salzedo Ferdinand et un
«luîn- i./iii^K'Ui du même oiMie, dont nous
i^uojoij6 lo nom. (Funlaua, Monummln Du-
DID
§04
minicana, an. 1516, et Wadding, an. 1516,
n° ko }
DIDRUOT (Dems), fils d'un coutelier de
Langres, naquit en cette ville ( n 1712. Ses
parents l'avai nt destiné à l'état ecclésiasti-
que. Ils l'envoyèrent à Paris pour y étu-
dier la théologie', mais, ne se sentant pas
de goût pour ce genre d'éti-des, il enti-a chez
un jirocureur. Cette |)artie ne lui ayant
pas convenu davantage, il lésolutde se vouer
entièrement au culte des sciences et des let-
tres. Il s'adonna à la fois h la littérature, k
la méta])tiysique, à la physique, à la morale
et aux mathématiques, puis il donna des
leçons pour vivre et tit aes livres. 11 publia
d'jibord des traductions d'ouvrages anglais,
puis, en 1746, ses Pensées philosopfnques, où il
attaquait avec violence la religion chr.'tienne.
Il lut, avec d'Alembert, le fondateur, le créa-
teur de V Encyclopédie ; il y eut dès le com-
mencement une très-grande part. Ln der-
nier lieu, il en fut le seul rédacteur en
chef 11 y travailla considérablement ; mais,
ne pouvant sufire à l'immensité de l'œuvre,
il y ht travailler beaucoup par d'autres. 11
s'inquiétait peu du mérite réel de ses col-
laboialenrs. 11 lui suffisait qu'ils fussent
mus par les mêmes sentime. ts d'impiété
que lui : il prenait de toutes mains. Malgré
cela, Diderot n'enrichissait pas .11 fut obligé
de m. ttre en vente sa bibliothèque. Cathe-
rine, impéiatrice de Russie, l'acheta, à con-
dition qu'il continuerait à en jouir, et lui
constitua une pension. Ayant appris qu'un
des arrérages de cette pension ne lui avait
pas été payé régulièrement, elle lui en ht
compter cinquante années d'un coup. Dide-
rot alla en Russie pour remercier sa bienfai-
trice, et en fut parfaitement accueilli. 11 n'eut
pas à se louer de môme de Frédéric, roi de
Prusse, qui le recul assez mal. Diderot mou-
rut acta.dé d'inlirmités, en 1784.
Partout dans ses œuvres on trouve une
impiété éhontée , une licence , une audace,
incroyables. Crimm dit de lui:«Que'que vo-
lonticis que je pardonne à tous les hommes
de ne rien cro re, je pense qu'il eût été fort
à désirer pour la réputation de Diderot,
peut-être même [)Our l'honneur de son siè-
cle, qu'il n'eût point été athée. La guerre
0|iiniâtre qu'il se crut obligé de faire à Dieu
lui ht perdre les momcnits les plus précieux
de sa vie. » Tous les philosophes de son
époque l'abandonnèrent. Le roi de Prusse
écrivait à d'Alembert en l'^74. « Il rabAche
sans cesse les mêmes choses... Je ne sau-
rais soutenir la lecture de ses livres, tout
intrépide lei;teur que je sois. 11 y règne un
Ion suffisant et une arrogance qui révoltent
ma liberté. » Marmontel dit en parlant de
lui dans ses Mémoires, « (pi'il a écrit de belles
nages, mais qu'il n'a jamais su faire un
livVe. » Aujourd'hui on ne lit prescjue plus
Di.ierot. Les esprits séiieux h; leganlent
commis un mauvais philosophe, el le juj^e-
ment [lorté sur lui comme écrivain, par (jil-
bert, a leçu la sanclio i de la postérité :
Va ce lourd Di^'crol, »I(kIciii' on slyle dur,
yui pabbc pour buljliiiic à force U'clic obscur. •♦
SOS
^ID
DID
Hdd
Puisque nous citons doux vers faits con-
tre lui par le grand criliiiuo qui fustigea si
cruelleiuenl les philosophes du temps, nous
cilei'ons aussi deux des vers de Diderot
lui-iii(^iue, dans sa pièce intitulée Les fu-
ricNX de liberté:
El SOS mains oiirdiraioni les enliaillos du pivlre,
A (JolaDl d'un cordon, pour cliangier les rois.
On voit par cette citation h quel point de
dévergoidage furieux descendaient ces écri-
vains abiiniiiia iles. Diderot est, coinm ; on
peut le voir, un des plus méritants parmi
tîette affreuse bande d'ennemis acharnés du
tîn'ist anisme.
DIplii'; (^saint), martyr, reçut la couronne
du martyre h Alexandrie, sous la persécution
de Galère Maximien. 11 eut pour com])a-
grionsdeson mai tyre les saints Fausle, [)rètre,
Aminoito, l'iiiléas, Hésyque, Paeùme, Théo-
dore, évèquc égyptien, et six cent soixante
autres, dont malheureusement nous ignorons
les glorieux noms. L'Eglise fait collective-
menl leur fôte le 2G n(<vembre.
DIDIEII (saint), lecleui- et martyr, était
attaJié il l'église de Bénévcnt. Ayani appris
l'emprisonnemenl de son évoque saint .lan-
vier, il vint à Noie pour le voir. îl fut ar-
rêté et présenté au gouverneur Timothée.
Saint Janvier Tayaiit reconnu jiour apparte-
nir à son Eglise, il fut conduit à Po» zzoles
et jeté aux bètes dans rami)hithéàlre, avec
son évoque et ses compagnons de captivité.
Les animaux féroces n'ayant pas voulu faire
de mal à ceux qu'on leur donnait pour vic-
times, Timothée lit décapiterions les saints.
Le corjis de saint Didier fut porté à Béné-
vent. {Voy. Janvier.) L'Eglise fait la fêle de
saint Didier, avec celle de saint Janvier, le
19 septembre.
DIDIER (saint), évêque de Vienne et mar-
tyr, mourut : our la confession de sa foi. On
ignoi e cl quelle époque et dans quelles cir-
constances. L'Eglise honore sa mémoire le
11 février.
DIDIER (saint), évêque de Langres et mar-
tyr, fut mis à mort par les barbares en I an
de Jésus-Chiist 411. Sous le règne de Théo-
dose 11, ayant fait une invasion dans les
Gaules, ils s'emparèrent de la ville de l.an-
gres. Comme ils marchaient sur celte ville,
le saint évêque Didier vint au-devant d'eux
avec son clergé. Il espérait les (léchir et ob-
tenir qu'ils prissent en pitié son iroupeau ;
mais il fut massacré avec tous ceux qui 1 ac-
compagnaient. Saint Didier est l'objet d'un
culte très-fervent en France, en Italie et eu
Allemagne.
DlDYiVIE (saint), martyr à Alexandrie, en
l'an de l'ère chrétienne 30i, sous l'empire
de Doclétien. Didyme était un jeune homme
plein d'une foi ardente el courageuse : sa
conduite le fit voir. Quand, en aciouiplisse-
ment des édiis cruels lancés par le tyran,
l'Egl se entière fut livrée aux persécuteurs et
à leurs bourreaux, Alexandrie comme tou-
jours, lugiiste privilège ! eut sa part de ca-
lamités. Eustratius ProcuJus, gouverneur,
»(ti montra le di^jne exécuteur des ordres
i)arbares de ses maîtres. Il lit arrf^er une
jinnie vierge nomme 'I lié(jd(j(e. C'était une
jeune fille remarquable par sa beauté, el aj)-
jjaitenant à l'uiu! des familles les plus dis-
tinguées de la ville par leur foiiu-ie el leur
noblesse. Coiiiine elle ré>istail courageuse-
ment aux or ires que lui donnait ee suppôt
de la tjrannie, et qu'elle restait (idèle à sa
foi, il la condamna <\ subir les ouliages des
libertins et des débauchés, dans une des
maisons de jiroslitution de la ville. Dieu
pourvut ati salut d<; la sainte jeune lille en
suscitant Didyme. Ce jeune homme ne vou-
lut pas que la virginité (J(! la servante du
Seigneur fût plus longtemj)S en danger. 11
s'habilla en soldat, pi'it une allure elliontée
et libertine, et entra résolumei.t dans la
maison où ell ■ avait été conduite. Apiès le
])remier mouvement de fra> eur (pi'eut Théo-
dore , Did.>me se lit connaitre à elle, et lui
donna ses habits en échange des siens : à la
faveur do ce dégiiisemenl elle put s'évader.
Ceux qui la vi.eiit sortir la i)rirent pour le
soldat cpii venait d'entrer: alors les débau-
chés qui attendai" nt au dehors enlièient et
furent extrêniement surpris (Je rturontrer
un homme ti la place de celle qu'ils cher-
chaient. Déjà ils criaient au prodige, quand
Didyme, avec un. courage qu'on ne saurait
trop louer, leur dit sa généreuse superche-
rie. Noble et sainte victime de son dé\oue-
ment admirable, il fut pus par les persécu-
teurs cl condamné h la peine capitale. Il
allait subir son supjjlice, déjà la couronne
du martyre était apprêtée pour lui; l'ange
qui porte les présents du Seigneur la tenait
suspendue sur sa tête. Dieu voulut qu'il etit
une autre recompense et le monde un nou-
V( au sujet d'aduii ation. Théodore quitta la
retraite oii elle était en sûreté contre les
recherches des persécuteurs, et v.nt s'of-
frir aux bourreaux à l'endioii oii son libéra-
teur allait verser son sang. Avec une géné-
rosité puisée dans la foi et dans la recon-
naissance , elle demande à mourir pour le
sauver , et otfre sa tête en échange de la
sienne. Didyme, heureux de donner sa vie
dans une si grande cause et pour un si saint
motif, veut que la jeune fille se retire : en
mourant pour elle, il meurt pour Dieu ;
n'est-il pas trop payé du bienfait? Le ciel
ne se chaige-t-il pas de la dette de la jeune
vierge ? Qu'elle vive et qu'elle demeure
près de ses parents, dont elle est l'orgueil
et la joie; qu'elle ne ravisse pas à son libé-
rateur sa couronne toute préparée. Bientôt,
inteicesseur pour elle dans le sein de Dieu,
il suivra avec amour ses pas sur cette terre,
et, de concert avec l'ange gardien qui la
protège, il veillera sur elle du haut des
cieux. ïl.éodore, de son côté, insisie : elle
veut sauver Didyme. Allez, nobles enfants,
Dieu vous regarde : vous êtes dignes l'un de
l'autre. La vierge sera l'épouse de celui qui
l'a ];rolégée. Tous deux v. us allez être
unis dans la plus sainte alliance. Donnez-
vous la main, inclinez vos têtes. Dieu vous
attend dans son ciel. Le festin nuptial est
préparé. Le bourreau les décapita toug
807
t)IE
DIJ
m
deux. Leur fête arrive le 28 avril. ( Voy.
sainte Théodore.)
DIDYME, l'un des Irente-sept martyrs
égyptiens qui donnèrent leur sang |)Our la
foi en Egyjite, et desquels Kuinart a laissé
les actes aulhentiquis. Voy. Martyus i^les
trente-'^epl) égyptiens.
DIDY.MK (saint), martyr, mourut pour la
foi à L.-iodicée en Syrie. Les compagnons de
son martyre sont' les saints D.omède et
Diodore. L'Eglise fait leur fête le 11 sep-
tembre.
DIKN (Emmanuel), néophyte tonqninois,
fut mis à mort pour la foi en l'an 1722, au
Tonquin , avec le P. Bucbarelli, jésuite;
Pierre Frieu, Dao Ambroise, Philippe Mi,
Luc Thu, Luc Mai, Thadée Tho, Paul Noi
et François Kam, néophytes, qui mêlèrent
leur sa;;g à celui du saint missionnnre.
DIEGO DE MONTALVAN (le bienheu-
reux), de la compagnie de Jésus, coadju-
teur, naquit au Mexique. Il fut envoyé par
le P. Louis Valdivia pour évangéliser la
tribu des Elicuriens avec les bienheureux
Martin d'Aranda, Valdivia et Horace de Vec-
chi. Peu de temps auparavant, le P. Louis
Valdivia avait baptisé trois des femmes d'An-
ganomon, cacique des Araucanos. Ces fem-
mes s'étaient évadées avec leurs enfants,
tout jeunes encore, et réfugiées auprès des
Espagnols. Anganomon les ayant réclamées
en vain, résolut de s'en venger. Ayant appris
le dé|)arl de nos trois missionnaires, il les
suivit avec deux cents cavaliers et fondit sur
eux au moment où ils faisaient leur pre-
mière exhortation aux Elicuriens. Us furent
assommés à couf)S de massue, parcés de ilè-
ches et eurent ensuite la tête tranchée, le 14
décembre 1612. D'autres auteurs prétendent
qu'ayant été liés à un arbre pour être écor-
chés vifs, on leur arracha le cœur, et qu'ils
furent achevés à coups de massue. (Tan-
ner, Spcietas Jesu usque ad sanyuinis et vitœ
profusionon mililans, p. iO'i-.)
DIEGO OKTIZ (le bienheureux), profès
du couvent de Saint-Augustin, à Séville,
naquit ïur le territoire de Mddrid. Ses su-
périeurs lui ayant reconnu un grand talent
j)ùur la prédication, le joignirent à plusieurs
autres religieux qu'ils envoyaient au Pérou.
Notre bienheureux fut chargé de la direction
du dioi-èse de Cuzco. A| rès y avoii' travaillé
quelque trmps, on l'envoya dans l'île de la
Puna, dtjnt [ilusieurs de ses féroces habi-
tants se conv(MtireiJt. De là Diego vint dans
la mission de Vileabamb.i, où il devait su-
bir le martyre. Us eoivei tirent le prince du
pays. J)eux d'entre les |)ri'icipaux indigènes
(pii venaient de r(M:evoii' !<" l)ai)tême, liniit
ent(;ndi(' .i l'inca que de[)uis (|u il était chré-
tien l'amour de ses .sujets se reboiilissait.
Le piince i-esla indécis ei ne se iiéclaia pour
peisonne. Fort^ d(; ce sihîuce, les idolAties
[iOursuivirtiiit les misisionnai. es. Le P. Or-
tiz se cacha. Llnca ay.ml découvert sa r.-
Irait.'!, I(! lit v(;nir et l'eiilrelint longtemps,
S''Mis riéanriifjins rin>truii(! de son .iposlasie,
que iioiie bienheureuv connaissait. Sur ces
culrcluilcbi le prince vint <i mourir. Peut-
être fut-il empoisonné. Quoi qu'il en soit,
le P. Ortiz fut acrusé par ses ennemis de
l'avoir empoisonné. Il soulfril les plus grands
tourments et fut soumis aux outrages les
plus sanglants. Les idolâtres exigèrent de
lui qu'il célébrât la messe pour obtenir la
rés'irrection de l'Inca ; il le fit, non dans le
but cherché par ces hommes cruels, mais
afin do prier pour eux et pour obtenir lui-
même le [)ardon de ses |)échés. La messe
ét.int achevée sans (^ue le miracle exigé fût
obtenu, il fut accablé de cou[)S. Ensuite on
lui perça les joues et on y passa une corJe
en forme de bride pour le promener par la
ville peniant trois jours de suite. Il fut
exécuté sur la fin de 1569 ou au commen-
cement de 1570.
DIGNE (saint), reçut à Rome la couronne
du martyre avec sainte Emérite, sous l'em-
pire de Valérien et de Gallien. On manque
de détails authentiques et circonstanciés sur
leur sacrifice. Leurs reliques sont actuelle-
ment dans l'église de saint Marcel. Elles
sont inscrites dans le Martyrologe romain,
à la date du 22 septembre.
DIGNE (sainte), martyre à Augsbourg en
304-, sous l'empire de Dioclétien, était l'une
des trois servantes qui étaient attachées à
la maison de sainte AlVe, fille publique dans
cette ville, et qui mourut j^our la foi au com-
mencement de la persécution. Ces trois ser-
vantes faisaient le mên)e métier que leur
maîtresse. Elles la suivirent dans son triom-
phe. Comme on peut le voir en lisant les
actes de la sainte, elles furent brûlées vives
sur son tombeau avec sainte Hilaria , sa
mère. L'Eglise célèbre leur fête le 5 août.
{Voy. Afre.)
DIGNE (sainte), fut martyrisée àCordoue,
sous la persécution d'Abdérame II. Cette
religieuse, du monastère de Tabane que
gouvernait Elisabeth, se présenta elle-même
au martyre. Peu de temps au|)aravant, elle
crut voir en songe sainte Agathe qui, tenant
des lis et des ro-es, lui en donnait une et
l'engageait à la suivre. Depuis ce jour, elle
désirait ardemment le martyre; si bien
({n'ayant appris celui du prêlio Anastase et
du moine Félix, elle ne put attendre davan-
tage. Ayant ouvert secrètement sa clôture,
elle se rendit en toute hâte à Cordoue et
demanda hardiment au cadi i)Ourqiioi il
avait fait mourir ses lrèi\'S, ({ui ne sou-
tenaient (lue la vérité. Elle ajouta sa pro-
fession dt; foi et des malédictions contre la
fausse religion, et le cadi lui fit aussit(>i cou-
])er la tète et pendre le corps par les pieds
avec les deux autres. Ces trois martNrs souf-
frirent donc le même jour, le IV juin, ère
81)1, (pjiest l'an SlV'i. Le lendemain, Hénihle,
femme avancée en âge et (finie grande |)iélé,
scnillVit le même martyre, » t IT'^gli.se Inj-iore
ces qi.ati».' saints le jour de leui- mort. Leurs
cor|)S fm-ent h, ûlés ([uelques jours .^près et
leurs cendresjeléesilans I ■ Meuve. (rcjJ/.PicR-
sÉci Tm\s (les Musulmans.)
DiJON, Dicio ou h.bio, ariuellement ( hef-
lieu du (lépartemriil de la Ciile-d'Or. Ce l'ut
dans cette ville iiue saint Uéuigne, disciple
i
809
DIO
DIÛ
i:o
fie snint Polycarpo, cl l'un des apôtres des
<jaules, fut martyrisé sous le règne de l'em-
pereur Marc-AuVèle. Ce saint n'y était que
d-epuis peu de leni|)s. [Yoy. son article.)
DiOCLÈS (saint), martyr, versa son sang
en l'honneur de Jésus-Christ avec les saints
Zoël, Servile, Félix et Sylvain. C'est en Is-
trie que ce martyre eut lieu. Nous ne sa-
vons pas d'autres détails sur ces saints. L'E-
glise célèbre leur mémoire le llk mai.
DIOCLÊTIKN (saint) , était dans les jiri-
sons d'Asie pour la foi chrétienne , quand
Pinion, proeousid, fut miraculeusement con-
verti par les saints Anlhimc et Sisinne. 11
vint avec lui h Rome et logea dans sa mai-
son , connue tous les confesseurs qu'il avait
fait sortir de prison. Obligé de se retirer
dans une des terres de Pinien , à Osme ,
dans la Marche d'Ancône , [)our éviter la
i)orséculion , il y fut martyrisé en 290, sous
)ioclétien , euq)ereur, avec les saints Si-
sinne et Florent. Tous les trois ans les
gens du pays ollraieut à un démon célèbre
un sacrifice. Ce démon ayant déclaré qu'il ne
rendrait plus d'oracles à moins que Sisinne,
Dioclétien et Florent ne sacrifiassent, les trois
saints furent pris et , sur leur refus d'offrir
des sacriiîces aux faux dieux , lapidés par le
peuple. Les chrétiens retirèrent leurs corps
de dessous les pierres et les enterrèrent près
du lieu où ils avaient été martyrisés. L'Eglise
honore leur mémoire le 11 mai. (Voy. Lucine,
Anthime , prêtre.)
DIOCLÉTIEN ( Valerius Jovius Aurelius
Diocletianua) , empereur romain , naquit à
I>toclée , ville de Dalmatie , en l'an 2i5. Sa
mère se nommait aussi Dioclée; probable-
ment à cause de cette double circonstance,
on lui donna le nom de Dioclès, qu'il chan-
gea , devenu empereur, en celui de Dioclé-
tien, Son père était greffier, suivant les uns;
suivant les autres , sa famille n'avait pas
même cette illustration , car il naquit dans
Fesclavage. De bonne heure il entra dans le
métier des armes ; c'était alors le métier par
excellence; tout était à la discrétion des mi-
litaires : le dernier des barbares pouvait, en
franchissant les grades (et les événements
Tont bien prouvé) , escalader le trône des
empereurs. A une époque où la légitimité
du pouvoir résidait dans le fait, et non dans
le droit , n'importe quel soldat pouvait se
poser en prétendant. Le crime faisait monter
au trône ; on en descendait par le crime , et
la pourpre romaine était plus rouge du sang
qui la couvrait que de sa couleur première.
Dioclès eut de bonne heure l'ambition des
grandes choses ; il montra des talents mili-
taires qui, peu à peu, le firent passer parles
différents degrés de la milice jusqu'aux em-
plois les plus élevés. Ce fut surtout dans la
guerre contre les Perses , où il suivit Carus,
qu'il acquit sa célébrité. Numérien y ayant
été tué , assassiné , comme on le pense , par
Aper , Dioclès fut proclamé auguste par
l'armée. On élevait un tribunal aux lieux où
les soldats faisaient l'élection : après la
sienne , Dioclétien y monta pour y jurer
qu'il n'était ni auteur ni instigateur de la
Diction?!, des P£BSllcuxIo^s. L
mort de Numérien, puis, descendant, il alla
di'oit à ,A|)('r et hs perçant de son épée :
« Sois coulent , lui dit-il , lu meurs d'une
main illustre. » En mellaut de côté ce qui
tient du barbare dans cet acte d'un prince
(lui se fait juge et bourreau, et (jui inaugura
dans le sang sa puissance, on doii se deman-
der si Dioclétien entfmdail vraiment accom-
plir un acte de justice : l'histoire est là i)our
dire que non. Dans son pays , pendant (|ue
Dioclès était encore dans les rangs les plus
inférieurs de la milice , un oracle lui avait
prédit qu'il serait empereur quand il aurait
tué un sanglier. Depuis ce temps il avait tué
h la chasse, autant cpi'il avait pu, de ces ani-
maux, et il disait avei; assez d'esprit, voyant
que ces exploits ne le faisaient ])oint monter
au trône : «J'ai beau tuer des sangliers, c'est
toujours un autre (jui les mange. » Dans
l'occasion que nous venons de dire , il crut
que le moment d'accomplir l'oracle était
venu , car le nom (ÏAper, en langue latine,
signifie sanglier. Dans un ouvrage où nous
n'avons pas à raconter les faits qui sont en
dehors de notre sujet, nous n'aurions point
rapporté celte anecdote si elle ne peignait
d'un seul coup et la barbarie et la stupide
superstition de Dioclétien. Les chrétiens fu-
rent depuis traités par lui comme le pouvait
faire le prince à la fois le nlus barbare et
l'e plus superstitieux.
Comme nous l'avons dit en commençant,
Dioclès prit le nom de Dioclétien. Les his-
toriens ne sont point d'accord dans les juge-
ments qu'ils portent de lui. Exalté à outrance
par les païens, trop abaissé par les chrétiens,
Dioclétien n'a point été jugé par eux à sa
mesure. Aucun des empereurs romains n'a
montré une aussi grande habileté en politi-
que que lui. Ce qui, par-dessus tout, prouve
celle habileté , c'est que Dioclétien a fourni
un des règnes les plus longs, à une époque
où les conspirations , l'assassinat, les catas-
trophes de toutes sortes précipitaient si vite
du trône ceux qui y étaient assis. Il n'avait
pas une bien grande instruction; mais il était
doué d'un esprit naturel, il avait une habi
lude des affaires, une connaissance des hom-
mes qui suppléaient chez lui à ce que l'édu-
cation ne lui avait pas donné. 11 était fin, sou-
ple , pénétrant, excessivement dissimulé. Il
savait à merveille pénétrer dans les secrets
et les desseins d'autrui , et fermer les siens
à tous les regards. Quand il y avait à pren-
dre une mesure ou cruelle ou vexatoire à
n'importe quel titre , Dioclétien savait tou-
iours en laisser l'exécution à ses collègues;
mais il se hâtait de faire par lui-même tout
ce qui pouvait lui mériter une réputation de
justice, de clémence ou de grandeur. Le plus
grand acte de la politique de Dioclétien fut
de se donner un collègue, et de nommer des
césars comme successeurs à l'empire : dès
lors l'assassinat de l'empereur n'avait plus
de but. On le concevait quand il n'y avait
qu'une tète à abattre; mais , avec les mesu-
res pris'^s par Dioclétien, à quoi eût servi
aux ambitieux de tuer un empereur, quand
cet empcrtur avait uu collègue qu des suc-
811
DIO
DIO
m
cesseurs désignés? Pendant tonte la durée
de l'empire , sa plus grande plaie avait été
cette instabilité du pouvoir (jui , à chaque
instant, faisait des révolutions nouvelles, re-
mettait tout en question et tuait la prospé-
rité publique par les guerres , les séditions
et l'absence de sécurité dans toutes les rela-
tions. En partageant sa puissance entre sou
collègue et les césars , Dioctétien les faisait
tous intéressés à la défense mutuelle. Cette
solidarité d'intérêts offrit un faisceau telle-
ment puissant , qu'aucun compétiteur n'osa
lever la tète durant ce règne si long , tandis
que sous celui de Gallien , qui avait été si
court , trente-lieux généraux ou administra-
teurs avaient successivement pris la pourpre.
Un autre fait capital de la politique de
Dio'.létien gît dans les changements qu'il
0[)éra dans l'administration. Rien n'est dan-
gereux pour les gouvernants comme de voir
une trop grande puissance aux mains de
leurs subordonnés. Anciennement , chaque
gouverneur ou proconsul réunissait dans sa
main une foule d'attributions ; un seul homme
gouvernait les Gaules, un autre l'Afrique
proconsulaire. Que pouvaient faire les em-
pereurs contre un proconsul des Gaules ré-
volté ou contre un proconsul d'Espagne , à
une époque surtout où la force de l'empire
était dans la population des provinces adon-
née tout entière aux travaux de l'agriculture
e,t faite au métier des armes ? c'étaient les
provinces qui fournissaient des troupes à
l'empire. Quant à l'italie elle-même, autre-
fois si pleine de sève , d'énergie et de cou-
rage , elle était tombée au dernier rang des
nations : sa civilisation l'avait tuée. La race
italienne s'était amoitidrie, annihilée, pour
ainsi dire, aux excès de la liberté : l'avocas-
serie avait envahi le sénat; plus de vérita-
bles vertus civiques. Le luxe, la fainéantise,
la haine de toute autorité, l'orgueil poussé à
ses dernières limites , un amour incroyable
de la licence, avaient fait des Italiens la der-
nière nation du monde. L'Italie est encore
sous le coup de cette déchéance. Les Italiens
sont eslimables (*omme hommes , il est im-
possible d'en faire un peuple. Pour ne
pas rester à la discrétion des émeuliers
de Uome et des gouverneurs , Dioctétien
créa la science administrative : il morcela
les adrainistralions, réduisit, en les mul-
ti[)liant , les gouverneurs , les magistrats
et autres , à une puissance très-minime. 11
fonda des administrations centrales où tout
devait venir aboutir. Ce fut sous son règne
que la paperasserie envahit le gouvernement.
1! y eut une mullitude d"em[)loyés, de com-
mis , toiis émargeurs au iMidget. En un mot,
]'emj)ire fut gouvei'ué : jus(iu'alois il ne l'a-
vait pas été. Chose terrd)le h dire ! si un(!
belle administration fait la force d'un gou-
veinement , elle fait en général le maliienr
d'nn pays. Un peuple bien goiivcM-né doit
être ciiblé d'impôts. Comment i)eut-il en
ôlre, autr(;in(!nt, qiiand il f;iul payer Ions hîs
Hdhuriistrat'Mjrs,Lous!esc(Hiinns ni'(;essaires?
Au.-si iut-ce sous Dioclélien (pi'on lui. obligé,
pour snljveuii- aux déjienses administratives,
de créer l'abominable impôt sur les denrées
alimentaires et sur les boissons. Les gou-
vernants et les gouvernés sont malheureu-
sement toujours à l'état d'antagonisme : si
l'on pouvait les accorder, on aurait rendu le
plus grand service aux administrés, car alors
on pourrait supprimer la plupart des admi-
nistr;itions qui dévorent les sueurs du peu-
ple. Toujours est-il que ce fut Dioctétien
qui établit la stabilité du gouvernement en
imaginant cette science administrative, si
utile à ceux qui gouvernent et si nuisible à
quelques-uns des intérêts des gouvernés.
Ici nous devons borner ces considérations
trop générales. Nous ne devons voir dans
Dioctétien que le persécuteur de l'Eglise :
c'est fâcheux , car nous aimerions à étudier
en lui l'honnne politique sous tous ses as-
pects. A cet égard , le règne de ce prince est
un des plus curieux qu'on puisse examiner.
L'histoire de Dioctétien n'a jamais été faite :
les écrivains qui s'en sont occupés ont ra-
conté les faits, mais ont complètement laissé
de côté la philosophie morale et politique
de ces faits.
A peine arrivé h. l'empire, Dioctétien eut à
combatlre Carin, qui régnait dans l'Occident
et était maître de Rome. Ce prince était venu
en lllyrie pour y joindre Dioctétien et lui
livnr bataille. Chemin faisant , Carin vain-
quit et tua Julien , c^ui s'était fait déclarer
empereur. La bataille eut lieu dans les plai-
nes de Vérone. Ayant joint Dioctétien, il lui
livra plusieurs combats. Dans la hante
Mœsie, h Margue sur le Danube, il avait été
vainqueur et poursuivait son adversaire,
quand il fut tué par ses propres soldats , ce
qui laissa Dioctétien seul maître de l'em-
pire. Immédiatement celui-ci vint îi Rome :
il s'y trouvait lors du martyre de saint Gê-
nés. Rien que ce prince n'ait lancé d'édits
contre les chrétiens que dans l'année 303,
ceux-ci n'en furent ])as moins persécutés
sous les commencements de son règne , en
vertu des lois jinciennes et suivant le ca-
price des gouverneurs et ûas magistrats : té-
moin saint Néon , saint Claude, saint Astère
et leurs compagnes les saintes Domnine et
Théonille, qui soulfrirent h Eges, en Cilicc,
le 23 août 285. [Voy. les articles de ces
saints.)
En l'an 286, Dioclétien s'associa à l'empire
Maximien Hercule , qui fut, comme lui , un
des i)lus violcMits i)ersécuteurs de l'Eglise :
on |)eut le voir en lisant les Actes de saint
Ma .rice et le martyre de toute la légion
Thébéonne. Ce prince eut en partage l'Occi-
dent; Dioclétien se réserva 1 Oiienl et lixa
son séjour h Nicoi:;édi(! , ville qu'il voulait
rendre la premièi'cde 1 empire, et qu'il com-
bla (ie faveui'S et de nia,-;nilicences. A|)iès
avoir vaincu les PcM-ses, aux(iuels il reprit la
M('S()potami(î , après avoir combattu avec
succès les Germains , Diocléliini , pour con-
solider son ti'ôn(! , s'associa , en 2!)2,deux
nouveaux collègues, au\(piels ((.'pendant il
ne donna (\u(\ le tilr(! de césars [at titre les
rendait héritiers j)résoinplils de l'empire).
Les deux nouveaux césars furent Conslance
815 DIO
Chlore et Galère; chacun d'oux eut des pro-
vinces h gouverner. Duces deux nouveaux:
maîtres dos peuples soumis à la puissauco
romai'ie, un seul no fut pas perséciileur, co
fut Constance; cpiant h Clalère , ainsi (ju'ou
peut le voir h son article, il fut un des plus
violents persécuteurs de rJi;ij;Hse. Co l'ut lui
qui fut l'instigateur de la persécution do
Dioclélien; ce fut lui qui força la main h ce
prince pour le contraindre h lancer ses édits.
Dioclétien refusait loujoui's, et depuis long-
temps, de porlei" ces édits terribles qui de-
vaient couvrir de sang tout l'empire, (lalère
eni[)l 'ja tous les moyens,, même les plus
odieux , pour l'y contraindre. Il accusa les
chrétiens de conspirer conti-e le re[)Os de
l'em[)ire, de vouloir renvei'ser la puissance
impériale. 11 mit le feu au i)alais du Nicomé-
die et les chargea , devant l'empereur, do l,i
responsabilité de co crime airoce. Lu vieil
em|iereur céda et rendit les édits qu'on hii
deuiandait. Ces édils furent le signal do la
Plus violente persécution (lu'ait endurée
Eglise ; persécution qui dura dix ans en-
tiers, et qui no s'arrêta que quand Conslan-
tin fut devenu maître de l'empire. (Voy. l'ar-
ticle PF.nsiîcuTiON.) Jusqu'à celte époque fa-
tale, le lèg 10 de Dioclétien avait élé heureux;
quoique gloire môme l'avait illustré. A partir
de ce moment il changea do face : la malé-
diction de Dieu frappa la main signataire dos
édits qui versèrent le sang des tidèles. Dès
Tannée suivante, Dioclétien éprouva une ma-
ladie excessivement grave , qui afï'aiblit sa
raison et lui enleva une partie de ses bril-
lantes facultés. Punition teirible 1 son intelli-
gence se sentait décroître et tomber. Elle as-
sistait pour ainsi dire à son [)ropre abaisse-
ment et à sa décrépitude. Bien {)lus , le»vieil
empereur but jusqu'à la lie la coupe amère
que Dieu réserve aux grandeurs qu'il frappe
de déchéance pour les punir. Son autorité,
si grande, si pleine, si entière jusqu'alors, il
la vit méprisée et foulée aux pieds. Sa tête
n'avait plus la force d'imposer le respect par
le prestige de la capacité. Dioclétien fut avili
par ceux qu'il avait associés à sa puissance,
et en qui il avait espéré trouver des soutiens
de son pouvoir. Il avait , en les nonunant,
déjoué les conspirations des particuliers ,
mais il s'était donné dos miîtres. Galère,
surtout , le traitait avec une hauteur et un
mépris extraordinaires. L'histoiie de l'abdi-
catioi de Dioclétien est si curieuse, que
nous allons la rapporter ici. Je citerai ce que
j'ai écrit dans mon Histoire des Persécutions,
vol. m, p. 387 :
L'événement politique le plus grave de
l'époque à laquelle nous sommes arrivés,
est l'abdication de Dioclétien et do Maxi-
mien. Cet événement eut une immense in^
fluence sur les alfaires de l'Eglise. Pour le
raconter, nous allons être forcés de nous re-
porter un peu en arrière.
A la fin de l'année 303, Dioclét'en se trou-
vaitàRome,oii le faste tout oriental qu'itatieo-
tait de montrer depuis ses victoires sur les
Perses le fit généralement délester et mé-
priser. On opposait , pour se moquer de lui, -
DIO
814»
à ce faste d'imitation, les mesquineries dont
le rendait coupab'e sou avarice; naturelle, et
il était l'objet dos plaisanteries des Romains.
Il fut si n-rilé de cela , cpi'à l'upprocho du
1" janvier, il quilla brusepioment Home, où
il devait inaugurer son nouvième coiisulut,
cl s'en vint faire cette cérémonie à Uaveniie.
A NicoméJie, sa résidence habituelle, l'es-
clave devenu monarque pouvait afiicher son
faste et ses airs de grandeur sans blesser
aulant qu'à Rome, oij , (juolque déchu ({u'on
fiU do l'ancienne simp'licité , on savait en-
core garder du mépris ])Our la mollesse et le
luxe ellréné de l'Orient. Quittant Rome au
m lieu de l'hiver, le vieil om{)ei'eur fut for-
tement incommodé par le froid et par les
pluies qui tombaient avec abondance; il
contracta une maladie grave qui ne le quitta
jamais entièrement. Do> retour à Nicomédie,
au milieu de l'été, il voulut néanmoins inau-
gurer le cirque qu'il y avait fdt construire;
mais bientôt son mal augmenta au point de
donner les j)lus sérieuses inquiétudes. Par-
tout on invoquait les dieux pour sa santé;
des prières publiques furent ordonnées. Le
13 décembre , l'état de l'empereur étant de-
venu plus alarmant, les habitants de Nico-
médie remarquèient dans le palais des si-
gnes de deuil , la tristesse, les larmes, ainsi
que les craintes et le silence des juges. Dans
toute la ville on disait que non-seulement
l'empereur était mort, mais qu'il était ense-
veli. Ce ne fut que le lendemain que la nou-
velle du contraire se répandit , et que l'on
put remarquer la joie et la sécurité reparaî-
tre sur le visage des juges et des domesti-
ques du palais. Pourtant, quelques personnes
croyaient qu'on cachait la mort de l'empe-
reur jusqu'à l'arrivée de César Galère , dans
la crainte qu'il ne survînt quelques trou-
bles. Peu à peu ces soupçons augmentèrent
au point que , pour les faire cesser, Dioclé-
tien jugea à propos de se montrer au peuple;
c'était le 1" mars. 11 était si défait qu à peine
on pouvait le reconnaître. Depuis le 13 dé-
cembre, la raison lui était revenue; mais il
la perdait encore par intervalles et avait des
attaques périodiques de démence.
Quelques jours après. Galère, son fds adop-
tif el son gendre, arriva; ce n'était point le
désir de féliciter son père sur son retour à
la santé cjui le ramenait, mais bien le des-
sein de l'engager ou de le forcer à quitter la
pourpre. Il avait déjà eu des discussions à
co sujet avec le vieux Maximien , et l'avait
effrayé en le menaçant d'une guerre civile.
Il commença à attaquer Dioclétien par la
douceur, lui représentant qu'il était avancé
en âge , que ses forces , qui déclinaient, se^
raient désormais insuffisantes pour supporter
le fardeau des soins qui constituent le gou-
vernement d'un empire. Il lui faisait entre-
voir les douceurs du repos comme un port
oii devait tendre sa vieillesse après tant de
fatigues , après tant d'années passées au ti-
mon des affaires. 11 lui citait l'exemple de
Nerva , qui s'était démis volontairement eu
faveur de Trajau. A ces raisons, Dioclétien
répondit qu'il serait honteux pour lui de fi-
sts
DIO
DIO
816
nir dans l'oliscurite de la condition privée,
une vie tout entière et si glorieusement
passée sur le troue; que dans le cours d'un
rè,4ne aussi long que le sien , il n'avait pu
manquer de se faire considérablement d'en-
nemis , et que le parti qu'on lui jiroposait
pouvait être fort dangereux à accepter; que
Nerva, qui n'avait régné qu'un an, avait fort
bien fait de reprendre uue vie et des habi-
tudes qu'il n'avait changées qu'à regret,
quand surtout son grand Age et sa profonde
inexpérience des atfaires lui commandaient
d€ les confier à des mains plus fortes et plus
expérimentées. Ensuite, le vieil empereur
dit à son gendre que s'il voulait absolument
le titre d'auguste, il était prêta le lui donner
ainsi qu'à Constance , afin qu'il n'y eût plus
aucune distinction entre eux tous. Galère
n'eut gard:3 d'accepter; son rêve, c'était la
domination universelle; il savait bien que
Dioclétien restant empereur, le titre d'au-
guste ne serait pour lui qu'une vaine qualité.
Il lui réj)liqua donc que, d'après les formes
tie gouvernement sagement introduites et
ordonnées par lui-même, il fallait qu'il y eût,
comme par le passé, deux augustes et deux
césars. Il est [)ossible , disait Galère , que
deux empereurs restent en bonne intelli-
gence, mais quatre, c'est impossible, les di-
visions intestines, les guerres' civiles , ne
tarderaient pas à déchirer l'empire tout en-
tier; que, du reste , si Dioclétien hésitait à
quitter le pouvoir, il songerait à ses propres
atfaîres , qu'il était las d'être depuis quinze
sus subalterne et relégué eu lllyrie, sur les
bords du Danube , où il avait à combattre
nvec des barbares, tandis que les autres ré-
gnaient agréal)leraent sur des provinces vas-
tes et tranquilles.
Dioclétien comprit, à ce discours, et sur-
tout en voyant les lettres dans lesquelles le
vieux Maximit-n l'instruisait des intentions
de Galère, qu'il n'avait plus qu'à se soumet-
tre. Il répondit donc les larmes aux yeux : —
Qu'il en soit donc ainsi; mais il est conve-
nable que les césars soient élus d'un com-
rnan ticcoid. — Pourquoi ? ne faudra-t-il pas
que les autres en passent par ce (jue nous
aurons décidé? — A la bonne heure : du
reste il convient de nommer leurs fds césars.
0\ui ferons-nous donc ? — Maxence n'est pas
(iigne de cet honneur : lui qui m'a méprisé
n'é'tant que particulier, que ne ferait-t-il pas
quand il sera parvenu à l'empire? — Cons-
tantin est univfîrsclhîment aimé , et on est
persuadé qu'un jour il surpassera son père
l'.n bonté et en clémence. — Il adviendra de
là que je ne |)0urrai faire ce (pie j(i voudrai,
.le v(,'ux choisir des césars dont je puisse
dis|)0ser, qui me craignent, qui ne fassent
rien sans mon ordre;. — Quel |)arti donc nnMi-
drons-nous ? — Choisissfjns Sévère. — Quoi !
<;e danseur, ce débauclié, C(!t ivrogne cpiifait
<\(: 1,1 nuit le jour et du jour la nuit? — Il a l/i
Cftrili.'iiice des soldats , et je l'ai envoyé à
M xiiiiicn p(jur({u'il re(;oivede lui ]'honn(!Ur
«le la pojrpio. — Je crjusens à ce (juo vous
pi(j;M)S('/. , mais (pji choiMrn/.-vou» j)0ur sj-
ooud césar? — Je tho.sis colui-oi... /et U
montre un jeune homme demi-barbare appelé
Daia, auquel il avait donné le nom de Maxi-
min). — Mais (]uel est celui que vous me
proposez ? — C'est mon parent. — Mais vous
m'indiquez là des hommes incapables de gou-
verner l'empire. — Je me suis assuré de leur
capacité. — Ceci vous regarde : durant mon
règne, je me suis occupé de tout ce qui pou-
vait contribuer à la félicité des Romains;
s'il arrive (juclque malheur à cet empire , ce
sera votre faute...
Nous avons jugé bon de reproduire ce
dialogue , presque entièrement pris dans
Lactance , auteur contemporain et parfaite-
ment à môme de savoir comment les choses
se passèrent.
Tout étant donc ainsi décidé, on en vint à
l'exécution. Le 1" mai, on se rendit à envi-
ron trois milles de Nicomédie, sur une émi-
nence, celle où Galère avait reçu le titre de
césar. On y avait élevé une colonne sur-
montée de la statue de Jupiter. Ce fut là
que, devant l'armée, les grands de l'empire
et une immense multitude de peuple, s'ac-
complit le grand événement qui donnait à
l'empire de nouveaux maîtres. De tous côtés
on jetait les yeux sur Constantin; tous les dé-
sirs, tous les vœux étaient pour lui. Personne
ne doutait de son élévation à la dignité de cé-
sar. Dioclétien, le visage mouillé de larmes,
dit aux soldats qu'il était vieux et infirme,
qu'a])rès tant de fatigues endurées il aspi-
rait au repos et qu'il remettait l'empire eu
des mains plus robustes et plus fortes que
les siennes. Il dit qu'il avait choisi d'autres
césars. On attendait avec impatience, quand
tout à coup on entend les noms de Sévère et
de Maximin. La stupéfaction est au comble.
Conséantin était debout près du trône. Ga-
lère l'écarté et fait avancer Daia. Tout le
monde se demande ce que c'est que ce nou-
veau césar; cependant personne n'ose ré-
clamer. Dioclétien revêt Daia de la pour|)re
dont il se dépouille. Ensuite la foule s'écoule
silencieuse , tandis que le vieil empereur,
redevenu Diodes, monte dans son cliar, ne
fait que traverser Nicomédie, et retourne
dans sa |)alrie, la Dalmatie, où il choisit la
ville de Salone pour sa résidence.
Dioclétien vécut relire à Salone jusqu'en
l'an 313. Les derniers tenq)s de sa vie fu-
rent extrêmement malheureux. En 311, il
avait vu, sans pouvoir l'empêcher, le traite-
ment affreux qu'on avait fait subir à sa
femme et à sa lille. Plus tard, Constantin el
Licinius, en se déclarant pour les chrétiens,
condanniai(!nt ouvertement la conduite (ju'ij
avait tenue. Partout ils faisaient abattre les
images do Maximien. Dioclétien |)ai!ageait
la iKJiite de cette proscription, car partout
son efhgie était jointe sur les monuments à
celle de son vieux collègue. Dioch'lien,
voyant (pie les nouveaux maîtres de l'em-
pire n'avai(nit plus pour lui les égards et la
considéralion (pj'il se croyait dus, en prit un
profond chagrin. Il ne se trouvait bien nulle
j»ai t, dit Lactance, le chagrin el luKpiiélude
lui ôlai(Mil l'apitélil et le rejtos. il soupirait,
il gémissait, il se roulait coiUiuucUouicnl,
817
DIO
DIO
^ifi
tantôt dans son »it, tantôt à terro. Ainsi Dio-
cléUen, si favorisé do la fortune pendant
vingt ans, puis réduit à une (.'undiliou pri-
vée, aa'al)lé d'oi>probres, ennuyé dv. la via
par désesooir, mourut de faim et de tris-
tesse.
DIODOUE (saint), fut martyrisé en Pam-
phylie, sous la persécution de Dèee et sous
le gouvernement de Poilion, en l'année 250.
Nous crovons ses Actes perdus. L'Eglise
fait sa fête le 26 février.
DIODOKK fsaint), prôlre, martyr, était au
nombre des cnréliens qui, après la mort de
saint Chrysanlhe et de sainte Darie, s'étaient
rendus dans la sablonnière qui leur servait
de tombeau , ])Our y célébrer leur fête et
pour y assister au saint sac^riticc. [/empe-
reur Numérien lit fermer l'entrée avec une
énorme quantité de sable et de pierres, de
sorte (|ue tous les chrétiens qui y étaient
assemblés, moururent dans ce lieu. L'Eglise
honore la mémoire de tous ces saints mar-
tyrs le 1" déceuibre. (Koy. Chrysanthe).
DIODORE (saint), évôciue de Tarse et
confesseur, naquit lrès-prol)ablement à An-
tioche, où il fut prêtre longtemps, On dit
qu'il appartenait h une famille illustre. Jus-
qu'à ce qu'il fût ordonné évêque, il vécut
toujours dans sa ville natale. 11 aimait beau-
coup l'étude et le travail. Ce fut à Athènes
qu'il étudia les belles-lettres. Bientôt, com-
prenant l'inanité des choses d'ici-bas, les
vanités de la science et de la noblesse, il re-
nonça au monde et à tout ce qu'il lui pro-
mettait d'avantages, pour vivre dans l'état
ascétique et pour ne plus se livrer qu'aux
travaux de piété. Dès lors, il passa ses jours
dans la pénitence, sans cesse occupé à prier
ou à défendre la foi. Vers l'an 370, il gou-
vernait, au rapport de Socrale, un monastère
qui était ou dans Antioche, ou tout auprès. 11
fut, dit saint Basile, élevé et formé par les
leçons de saint Silvain ( celui de Tarse, si
célèbre sous Constance et sous Valens ).
Après la déposition du saint évêque Eusta-
the, un grand nombre des orthodoxes d'An-
tioche crurent devoir se soumettre aux évo-
ques que les ariens lui donnèrent pour suc-
cesseurs. Diodore fut de ce nombre. Saint
Diodore fut un des premiers à demander
saint Mélèce pour évêque. Après l'avoir ob-
tenu, il fut aussi des premiers à s'unir com-
plètement à lui et à se séparer des ariens,
lorsqu'on l'eut déposé pour mettre Euzoius
à sa place. Diodore, qui avait été un glo-
rieux défenseur de la catholicité contre l'a-
rianisrae, fut aussi un défenseur éloquent de
la religion chrétienne contre le paganisme.
Ce fut au point qu'il mérita recevoir les in-
jures de Julien l'Apostat. Ce prince, dans
une lettre à Photin l'hérésiarque, nomme
Diodore un magicien de Nazareth, un so-
phiste raffiné de la religion champêtre des
chrétiens, qui avait armé sa misérable lan-
gue contre les dieux du paganisme, qui avait
employé contre eux les sciences qu'Athènes
lui avait apprises, et qui s'était malheureu-
sement remph de toute la théologie des pê-
cheurs.
En 1 an 370 ou 371, sous la persécution
de Valens, quand saint Mélèce eut été ban-
ni pour la troisième fois, Diodore et Fla-
vien continuèrent h faire ce (ju'ils avaient
conuiiencé du temps de Cotist.iiice, c'est-à-
dire à soutenir h; peuple; d'Anlioche dans la
foi, à l'allermir durant la persécution; avec
cette diirérence, que la première fois ils
étaient laïciues , et que celte dernière ils
étaient prêtres et délégués par saint Mélèce
pour tenir sa place. C'était Flavien (jui amas-
sait dans les Ecrituros les passages et les ci-
tations dont saint Diodore nourrissait les
di>cours qu'il faisait au jjeuple. Les assem-
blées se tenaient hors de la ville, nu delà de
la rivière d'Oronle. Valens n(ï soudrait pas
que les catholiques s'assemblassent dans la
ville. Non-seulement il s'occupait du peu-
ple sous le raf)port de la prédication, mais
encore il donnait ses soins aux difl'éren'.es
écoles que la piété des catholi(iues avait
fondées pour l'instruction du jeune t.^e. Il
V avait alors dansées écoles des hommes cé-
lèbres destinés à être plus tard l'ornement de
l'Église, saint Jean Chrysostome, Théodore de
Mopsueste, Maxime de Séleucie. Saint Chry-
sostome, en parlant de saint Diodore , "ift
nomme son père, et se fait gloire do l'ami-
t-ié toute paternelle que ce saint homme lui
témoigne. Bientôt les hérétiques ne purent
contenir leur haine, en présence de la force
avec laquelle le saint défendait la vérité à
Antioche. lis le chassèrent ; mais il reve^-
nait : car saint Chrysostome dit qu'ils le
chassèrent plusieurs fois. Ils cherchèrent
bien des fois à le tuer ; mais Dieu semblait
le conduire comme par la main, et quels que
fussent les pièges qu'on lui tend t, il échap-
pait toujours. Aussi saint Chrysostome le
nomme un martyr vivant. On ne peut du
moins lui refuser le titre de confesseur.
Quand il était forcé de partir d'Antioche, il
allait dans la basse Arménie trouver saint
Mélèce qui y était banni. 11 y était quand
sanit Basile vint voir le saint évêque, en
372. Basile avait toujours aimé Diodore
comme disciple de Silvain. Quand il le con-
nut mieux encore, il l'aima et le chérit da-
vantage, à cause de cette éloquence si re-
marquable dont Dieu lui avait fait l'inesti-
mable cadeau. Ses calomniateurs voulurent
lui faire un crime de cette amitié si vive..
Tillemont , dans sa naïve simplicité , dit
qu'on ne voit pas pourquoi, ni ce qu'où vou-
lait dire. Ame simple et pure, il ne savait
pas de quelles infâmes suppositions la ca-
lomnie peut percer ses victimes. Du reste,
saint Basile ne se vengea de cette odieuse
imputation qu'en avouant l'amitié sainte
qui l'unissait à Diodore. « Oui, j'aime Dio-
dore, disait-il, parce qu'il mérite être aimé. »
Diodore ne fut fait évoque qu'après la mort
de Valens, en 378 ou 379. Ce fut saint Mélèce
qui le sacra évêque de Tarse, et qui l'éta-
blit chef et métropolitain de toute la Cdi-
cie.
Saint Jérôme remarque que Diodore se mon-
tra beaucoup plus grand étant prêtre qu'é-
tant devenu évêque.ll semble même s'en étou-
8f9
DIO
DIO
820
ner ; cela nous surprend, car il faut remar-
quer que le temps de la prêtrise de saint
Diodore s'était passé durant la persécution,
dans des circonstances tout exceptionnelles,
de nature à mettre en relief toutes les ver-
tus que, dans les temps de paix, Thomme
de Dieu tient en réserve et renfermées dans
son cœur. Prêtre, il avait été obligé de com-
battre sans cesse contre les ennemis de la
foi, contre les ennemis de la religion. Il
avait constamment lutié. A l'instant où il
fut promu à Tépiscopat, 1 » grand Théodose
régnait, et l'Eglise de Dieu se reposait dans
■une paix profonde, a[)rès les horribles tem-
pêtes qui l'avaient éprouvé. Tous les soldats
de Jésus-Christ avaient déposé les armes du
combat. Les confesseurs, rentrés dans les
fonctions calmes du ministère , n'avaient
plus qu'à conduire doucement dans les voies
que le Seigneur avait adoucies le troupeau
qui leur était contié. Que pouvait faire de
saillant un évêque qui le mît en relief. Il
n'avait plus qu'à pratiquer ces humbles ver-
tus de l'épiscopat, si précieuses aux yeux
de Dieu, mais qui no font pas de bruit dans
le monde, et qui ne dépassent guère la con-
trée où elles se répandent en tiésors de bé-
nédictions sur les âmes des fidèles. Dans les
temps de persécution, l'évèque, à la tète de
son clergé, soutient la foi publique, prépare
les chrétiens au combat, admoneste les ty-
rans, résiste à leurs injonctions, à leurs sé-
ductions, à leurs manaces, il meurt s'il le
faut. En temps de paix, il prêche, il instruit,
il veille à l'administration des sacrements, à
la conduite du clergé ; il regarde avec l'œil
du pasteur et du j)ère si tout est bien d.uis
le troupeau conlié à sa garde. Il montre
l'exemple des vertus (ju'il recommande. Il
acquiert peu de cetle gloire qui frappe les
yeux ; mais à chaque instant une bonne
œuvre, une ame gagnée, un pauvre secouru,
une chute empêchée, viennent réjouir les
cieux. Saint Diodore remplit en saint sa |)lace
d'évêque. Si Dieu, dans cette haute position,
l'eût appelé aux combats du confesseur ou
du martyr, les gages qu'il avait donnés étant
prêtre |)ermettent de dire qu'il n'était pas
déchu de son passé. Eu 37'J, il assista au
grand concile d'Antiorhe, et au second con-
cile œcuméni({ue en ;J81, où il eut rhonneur,
avec saint Pelage de Eaodi; ée, d'être établi
comme le centre de la communion catlioii-
que dans tout l'Orient. Il prit part à l'éléva-
tion de N(;claire au siège de(^onstantino|)le.
Il fut aussi un des auteurs d(; l'élection de
Flavien d'Antioche : on le voit venir à An-
tioche lorsque saint Chrysostome était déjà
prêtre. Quoique malad(!, il monta en chaire
pour instruire le [x'Uph;. Il comuM^nca par
un grand élog(; de saint (Chrysostome. Quel-
ques jours apiès, saint (ùlu'ysostoin(î répon-
dit avec une extrême modestie aux louanges
que lui avait décernées h; saint évê(|ne, et
pronon(;a de lui un inagniliipif éloge.
On ne sait plus ri(Mi du saint évèijue, seu-
lenieiil on peut allirmer (pi'il mnurut vers
3i*iî ou 393, puisque Plmlèrtî l'ut nommé
comme évoque do Turso dans un concile de
Constantinople. Les plus grands saints ne
parlent de lui qu'avec de grandes louanges.
Domnus, qui gouvernait l'Eglise d'Antioche
quelque temps après, le nomme le grand
Diodore, le fort athlète de la piété, la co-
lonne et le défenseur de la vérité, pour la-
quelle il avait combattu dans Antioche con-
tre toutes les hérésies. Jean, qui fut le pré-
décesseur de Domnus, et tout le concile d'O-
rient, le mettent entre les [lus éclatantes lu-
mières de l'Eglise. Ce grand homme a eu
dans l'Eglise le sort d'Origène : s'il y eut
beaucoup de voix imposantes à chanter ses
louanges, beaucoup l'ont attaqué et ont pré-
tendu que sa foi n'était pas à l'abri de tout
soupçon. 11 ne nous appartient pas d'entrer
ici dans le détail des reproches qui lui ont
été faits ; il doit nous suîlire dédire qu'ils ne
nous paraissent pas fondés. Nous avons es-
quissé sa vie, nous avons montré en lui le
défenseur, le confesseur de la foi ; nous
avons rempli notre rôle en ce qui le con-
cerne.
DIODORE (saint), martyr, mourut pour la
foi à Aphrodisiade en Carie. Il eut [)Our com-
pagnons d;' son martyre les saints Diodore et
Rodopien. Ce fut durant la persécution de
Dioclétion qu'ils furent lapidés par leurs
concitoyens. L'Eglise fait leur mémoire le 3
mai.
DIODORE ( saint ), martyr, mourut pour
la foi à Laodicée en Syrie, avec les saints
Diomède et Didyme. Nous manquons de dé-
tails sur ces saints. L'Eglise fait leur mé-
moire le 11 septembre.
DIOC.ÈNE (saint), martyr, reçut la cou-
ronne des glorieux couib:itlants de la foi -en
Macédoine. Il y souifit le martyre avec
saint Timothée. L'Eglise fait leur fête le 6
avril.
DIOMÈDE (saint), martyr, était médecin
à Nicée en Rithyiiie. Ce f^ut durant la per-
sécution de l'impie Dioclétien qu'il périt par
le ghiive, en l'honneur de Notre-Seigneur
Jésus-Christ. Nous ne possédons aucun do-
cument relatif à ce saint. L'Eglise fait sa fête
lelGaont.
DIOMÈDE (saint), martyr, fut martyrisé
en rhonneur de Jésus-Christ, à Laodicée
en Syrie, il eut pour comj)agnons de son
martyre, dont les ciiconstaiiccs sont incon-
nues, les saints Diodore et Didyme. L'E-
glise fait la fête de ces glorieux combattants
le 11 septembre.
DIOMÈDE (saint), martyr, reçut la cou-
ronne du martyre avec les saints Julien, Phi-
lip|)e, Kutychien, Hésiciue, Léoniciue, Phi-
ladelphe, Ménalippe et Pantagape. Ils ac-
complirent leur martyre, les uns par le feu,
les autres par le glaive; ou sur la croix. L'E-
glise célèbre leur mémoire le '2 septembre.
DION (saint), martyr, piètre de l'I-lglise d'A-
lex uidiie, l'ut mis à mort poui la foi, en l'an
31 l,av(>(; saint Pierre, évê(piede ce! le ville, par
ordu; {|(! Maximieu Daia, avec les sainlsAni-
nioiiius et Fausle. L'Eglise célèbre leur fêle
à tous le 20 novcnnbre.
DION, proconsul (r.Vfri(jue en 21)0, du
temps de VemiJereur Dioclclien, coudamua
821
DIO
DOM
fM
à mort et fit exécuter saint Maximilion de
Tliébosto, (lui refusait de s'enrôler pour le
service de 1 empereur, l'étant déjà, disail-il,
au service de Jésus -Christ. {Voy. les Actes
de M AMMiLiKN, il l'arlii'le de ce saint.)
DlOSr.OKE, jeune chrétien, Ai^é seulement
de ([uiii/.e ans, résista avec un Ici courage
aux tourments, aux menaces, (pie le juge
devant qui et par l'ordre ducjuel ccîs choses
avaient lieu, en fut ravi d'admiration et
le renvoya à cause de son jeune Age, alin de
lui laisser tout le loisir nécessaire pour qu'il
j)ùt devenir sage. Cette histoire se trouve
dans Eusôbe (1. vi, ch. 41) citant saint Denys.
Dioscore reçut plus tard la couronne du
martyre dont il s'était rendu si digne par
cetto'^ admirable confession. Nous ignorons
son genri! de mort; nous ne savons pas à
quelle date elle eut lieu, mais ce dut être
peu a[)rès, car saint Denys, dans le passage
cité par Eusèbe, s'ex[)rime ainsi : « Cet ad-
mirable jeune homme est maintenant avec
nous, Dieu le réservant pour un combat plus
long et plus glorieux. » L'Eglise fait sa léte
le 14 décembre.
DIOSCOKE (saint), martyr, habitait Corin-
Ihe en 249, sous l'empire de Dèce; il con-
fessa avec un grand courage le nom de Jésus-
Christ, avec ses compagnons Victorin, Vic-
tor, Nicéphore, Claudien, Sérapion et Papias.
Avec eux il fut exilé en Egypte. Quelques-
uns disent qu'ils s'y rendirent volontaire-
ment : nous les y retrouverons en 284, sous
l'eminre de Numcrien, donnant généreuse-
ment leur vie pour la foi, sous le gouver-
neur Sabin. Déjà A'ictorin, Victor et Nicé-
phore, par ordre de ce gauvern^eur, avaient
été brisés l'un après l'autre dans un grand
mortier, sans que le courage de ceux qui
restaient en fut ébranlé. Il fit prendre Clau-
dien et le fit couper par morceaux. Les mem-
bres palpitants du généreux martyr furent
jetés devant les trois saints qui restaient,
afin qu'épouvantés par ce spectacle, ils re-
nonçassent à Jésus-Christ. Le juge leur dit,
en leur montrant les membres épars de Clau-
dien : «Il ne tient qu'à vous d'éviter un pa-
reil traitement. Je ne vous contrains aucune-
ment à mourir. » — Si vous nous connais-
siez mieux, lui dirent les martyrs, vous ac-
céderiez à la prière que nous vous faisons
de nous infliger un plus cruel supplice, si
vous en connaissez. Jamais nous ne viole-
rons la fidélité que nous devons à notre Dieu
et ne renierons jamais Jésus-Christ notre
sauveur. » Transporté de rage, le tyran con-
damna Dioscore à élre brûlé vif. Ce sup-
plice fut mis à exécution le 23 de février, jour
auquel l'Eglise célèbre la fête de tous ces
saints. [Voy. A'ictokin.)
DlOSCOllE, l'un des trente-sept martyrs
égyptiens qui donnèrent leur sang pour la
foi en Egypte, et desquels Ruinart a laissé les
Actes authentiques. Foy. Martyrs (les trente-
sept) égyptiens.
DIOSCORE (saint), martyr, était lecteur
dans une église d'Egypte. Le gouverneur de
cette province exerça à son égard toutes
sortes de cruautés, jusqu'à lui arracher les
ongles et à lui brûler les côtés avec dos flam
beaux Mais les exécuteurs, effrayés d'une lu-
mière céleste qui parut tr)ut à coup, tombè-
rent par terre. Ayant enfin été brûlés avec
d(!S lames ardentes, il accomj)lit son martyre.
L'Eglise honore sa mémoire le 18 mai.
DIOSCOIUDE (saint), martyr, rép.uulit son
sang pour la foi avec les saints Crescent,
Paul et Hellade. Le Martyrologe romain ne
dit point en (|uelles circonstances. L'Eglise
célèbre leur sainte mémoire le 28 mai.
DOl-BUONO (Paul), était capitaine des
gardes du roi à la cour de Cochinchine. Le
roi ayant pul)lié un édit contre les chrétiens,
le G janvier 1833, ce saint guerrier fut déca-
pité le 23 octobre de la môme année, sur
l'emplacement même de l'Eglise qui avait été
détruite.
DOMICE (saint), martyr, souffrit en Syrie.
Les miracles qu'il fit procurèrent une infi-
nité de bienfaits aux habitants de ce pays.
On n'a pas de détails plus étendus sur lui.
L'Eglise fait sa sainte et immortelle mémoire
le 5 juillet.
DOMICE (saint) , martyr, donna sa vie
pour Jésus-Christ à une époque qui nous
est inconnue. Il eut pour compagnons de son
martyre saint Aquilas, saint Eparque, les
saintes Pélagie et Théodosie. L'Eglise honore
leur mémoire le 23 mars.
DOMINICAINS (les cent vingt-six martyrs
en 12G1), furent mis à mort pour la foi chré-
tienne, parles Hongrois, les Bosniens et les
Dalmates, chez lesquels ils ré|)andaient la lu-
mière de l'Evangile. Ces peuples leur firent
souffrir différents genres de mort. Voy. Fon-
tana, Monumenta Dominicana, ann. 1261.
DOMINIQUE (saint), martyr, mourut en
Afrique pour la foi de Jésus-Christ avec les
saints Victor, Primien, Lybose, Crescent,
Second et Honorât. On ignore la date et les
circonstances de leur martyre. Le Martyro-
loge romain ne dit rien de plus sur eux.
L'Eglise honore la sainte mémoire de ces
glorieux martyrs le 29 décembre
DOMINIQUE (saint), évoque et confesseur,
souffrit dans la ville de Bresse pour la foi
chrétienne. Nous n'avons aucun détail sur lui.
L'Eglise l'honore comme confesseur le 20 dé-
cembre.
DOMINIQUE DE VIC (le bienheureux), de
l'ordre des Frères Prêcheurs, reçut la palme
du martyre en 1535, avec André de Lopez,
religieux du môme ordre. Les habitants du
pays de Puchutla, irrités de voir les progrès
de l'Evangile chez leurs voisins de l'ancienne
Terre de guerre, réunirent une nombreuse
armée et envahirent la nouvelle Terre de
paix afin de venger leurs dieux délaissés.
Nos deux saints religieux périrent dans cette
invasion. Fontana [Monumenta Dominicana)
marque leur martyre en 1552.
DOMINIQUE ( îe bienheureux ) , mourut
pour la foi de Jésus-Christ, à Cumana, côte
de l'Amérique du Sud (province qui fait
maintenant partie de la république de Ve-
nezuela). Les Espagnols y avaient jeté les
fondements d'une ville qu'ils nommaientNou-
velle-ïolède. Les Franciscains , qui avaient
825
DOM
DOM
pris la fuite après l'affaire occasionnée par
l'affreuse conduite d'Alfonse de Ojéda (Toî/.
Maracapa>«a) y revinrent. Las Casas y vint
pour promettre aux indigènes que les "^injus-
tices dont ils avaient été l'objet ne se renou-
velleraient pas. L'ne femme de leur nation,
nommée Marie, lui servit d'intermédiaire vis-
à-vis de ses compatriotes. Las Casas jugea à
propos de faire cesser le commerce qui exis-
tait entre les colons espagnols de Cuhagua et
les naturels de Cumana, parce que ce com-
merce entretenait le goût dépravé queles indi-
gènes avaient pour le vin d'Espagne. Voyant
qu'il ne pouvait venir à bout de son dessein, il
partit pour aller demander justice à Haïti. Il
commit un nommé François de Soto pour
gouvernerla colonie en son absence. Ce nou-
veau chef eut l'imprudence de dimiiuier les
moyens de défense de la colonie. Or les in-
digènes protitèrent de cette circonstance
pour la détruire. Ils étaient irrités des obs-
tacles qu'on mettait au commerce qu'ils fai-
saient avec les Espagnols, leur vendant leurs
enfants pour être eselaves, contre du vin d'Es-
pagne. Ils formèrent le dessein de renverser le
fort et de massacrer tous les Franciscains.
Herrera, cité par Henrion, en parle en ces
termes : « Les religieux en ayant été ins-
truits trois jours avant l'événement, firent
interroger l'Indienne Marie, pour s'assurer
si la conspiration était véritable. A l'enten-
dre, rien n'était plus faux ; mais ses yeux et
ses traits annonçaient qu'elle y croyait. Il
arriva le même jour sur la côte une barque
qui venait échanger des marchandises : les
Espagnols et les religieux demandèrent d'y
être reçus pour échapper au danger, mais leurs
prières furent inutiles. Les Franciscains qui
étaient avec Solo passèrent ce temps-là dans les
plus vives inquiétudes ; ils s'adressaient aux
Indiens et leurdemandaientqueljouron avait
choisi pour les égorger. La veille de l'exé-
cution, on plaça le peu de monde qu'on avait
et quatorze petites pièces d'artillerie autour
du magasin des Espagnols, voisin du cou-
vent; mais lorsqu'on voulut se servir de
la poudre, on la trouva très-hunjide. Le len-
demain, à l'heure où on l'exposait au soleil
pour la faire sécher, des Indiens arrivèrent
en poussant de grands cris; ils mirent le feu
au magasin et tuèrent deux ou trois hommes,
pendant (jue d'autres, après avoir fait une
brèche dans un côté du bAtiment et au mur
du jardin des religieux, qui était entouré
de carmes, les aidaient à y pénétrer. Dans ce
moment, Fiançois du Soto revcuiait du vil-
lage d(is Indiens, rjui n'était éloigné ({ue de
la portée du trait du magasin et du monas-
tère; il reçut une llèche empoisonnéi; dans
le bras, ce qui ne l'empôcha pas néanmoins
de pénétrer dans le jardin. Les Pères avaient
un étang formé (h's eaux du fleuve et qui
fournissait de l'eau au couvent; là se trou-
vait un canot en état de recevoir cinquante
personnes. Tout le monde y entra, excepté
le liere Domitii(pie, «pii, aux premiers cris
des In(li(;Ms, étaii allé se cacher, sans être vu,
au iiuiifMi (l(!s roseaux. Le canot, portant une
vingtaine d'Espagnols, s'avança vers le lleuve
SU
pour gagner la mer, et se dirigea vers la
pointe d'Araya, où se trouvaient les salines
avec des navires en chargement, mais sépa-
rée du point où l'on était par plus de deux
lieues de mer. Le frère Dominique, ayant
aperçu le bateau, sortit de sa retraite et vint
jusqu'à la rùvièr-e. Quoiq\ie ses compagnons
fussent déjà au-dessous du point où il avait
paru, ils tirent tous leui's efforts pour arriver
jusqu'à lui et pour le prendre ; mais il leur
fut iinj)ossible de surmonter le coui\int qui
les emportait avec rapidité. Dominique s'en
apercevant, leur lit signe, avec les deux mains,
de s'éloigner. Les Indiens, occupésde l'incen-
die du magasin, ne savaient pas qu'il ne s'y
trouvait plus personne; mais voyant bientôt
apr'ès le canot, ils sejetèrent dans une pirogue
pour pour-suivrelesEspagnolsqui étaient déjà
une lieue en avant , accablés de fatigue , et
n'ayant pas cessé un seul instant de fuir
à Ibrce de rames. Les deux embarcations
échouèrent en même temps et on se trouva
très-près les uns des autres sur une i»lage
hérissée de chardons à longues épines et tel-
leriient ser-rés, qu'un homme armé n'aurait
osé s'y engager sans le plus grand embar-
ras. Comme les Indiens étaient nus, ils
n'avançaient qu'avec une extrême lenteur
sijr ce terrain au milieu duquel ils s'étaient
réfugiés. Le frère Jean Garces raconte que
se voyant presque atteint par ces Indiens
armés de sabres, de pierres, et se croyant à
sa dernière heure, il se mit à genoux, fei^ma
les yeux et recommandant son ûmeauciel, at-
tendit, la tête baissée, le coup qui devait l'ôter
de ce monde. Quelques moments s'étant
écoulés sans que les Indiens exécutassent
leur résolution. Garces releva la tête, l'egarda
autour de lui et ne vit personne. 11 supposa
que les Indiens n'avaient osé s'avancer jus-
qu'à lui, de crainte de se blesser, et cette
circonstance sauva la vie à tous les Espagnols.
Ils attendirent dans cette espèce de forteresse
et en sortirent quand leui's ennemis se furent
éloignés. Il n'y en avait pas un seul qui
n'eût le corps per-cé de mille épines et en
fort mauvais état. Ils arrivèr-ent au lieu où
étaient mouillés les deux navires qui char--
geaient du sel, et furent r-eçus avec tout l'in-
térêt qu'inspirait le malheur. 11 leur man-
quait un homme : c'était François de Soto,
(pii avait été blessé d'un coup de llèche.
Quel(/u'un dit l'avoir vu sous un roi^her, au
milieu des chardons; on se hAta d'aller lo
chereher dans une barque à une lieue et
demie; il fut trouvé encore en vie, après
trois jour-s de soullVances, de soif et d'ina-
nition. On h; tr-anspor-ta dans le bateau, et
comme les llèches empoisonnées excitent uno
soil' ai'denle, il demanda de l'eau. Au mo-
mcnt|où on lui en présentait, il fut saisi d'un
accès de rage et succomba au bout de (pu'l-
(pies jouis à cette cruelle maladie. Les In-
diens prescrivent en par^'il cas un régime
j)articuli(M'; mais l'expérience leur a ]trouvô
([u'cn faisant boire et manger les blessés,
I ellct (lu jtoison (Mi devient plus actif et les
enlève en peu de temps. Après avoir- incen-
dié le magasin, les Indiens pillèi'enl lo coU"
82S
DOM
DOM
82C
v(Mit et commirent plusieurs sacrilégos= Ils
tueront un cniantciui tnun.iit la niachiiie lij-
(lrauli(iuo dont los espagnols so scM'vaicul, ot
laissèrent partout des traces de la fureur dont
ils étaient animés contre de bons religieux:
qui ne leur avaient jamais fait ([ue du bien.
Dans le jardin, tout fut cou{)é ou détrutt par
le feu. Le frère Dominique, qui était depuis
trois jours caelié dans les roseaux, en sor-
tit enlin après avoir recommandé son Ame à
Dieu, es|)érant n'avoir rien h ciaindrc d'un
grand nombre d'Indiens qu'il voyait dans le
voisinage et dont il avait toujours été l'ami.
11 fut traité en prisonnier, et, pendant trois
jours, on délibéra sur ce qu'on en ferait. Los
uns voulaient le sauver parce qu'on i)0urrait
s'en servir pour faire la paix avec les chré-
tiens, les autres demandaient sa mort. L'ar-
rêt en fut prononcé par l'iniluence d'un In-
dien nommé Ortéguilla, qui avait été domes-
tique dans le couvent. La victime venait
d'être trois jours en prières. Ils lui passèrent
une corde autour du cou et après avoir as-
sommé ce religieux d'un coup de hache, ils
le traînèrent dans tout l'endroit, exerçant
mille outrages sur ses restes inanimés! Le
cruel Ortéguilla dépouilla le martyr et porta
sa robe pendant plusieurs jours. » (OJ]uvres
de don Barthélémy de Las Casas, tome II,
p. 490.)
DOMINIQUE (sainte), vierge et martyre en
Campanio. Cette sainte ayant brisé quelques
idoles sous l'empereur Dioclétien, fut ex-
posée aux bètes ; mais n'en ayant reçu aucun
mal, elle eut la tète tranchée, et son âme
glorieuse s'envola au ciel. Son corps est
conservé avec une grande vénération en Ca-
labre, dans la ville de Tropée. L'Eglise fait
sa fête le 6 juillet.
DOMITIEN {Titus Flavius Domitianus) ,
fils de Vespasien et de FlavieDomitille, frère
de Titus, naquit le 24 octobre de l'an 51 de
J.-C, et monta sur le trône en 81, à la mort
de son frère Titus. Les commencements de
son règne donnèrent à espérer aux Romains
qu'il marcherait sur les traces de Vespasien et
de Titus ; mais bientôt son naturel féroce prit le
dessus. Néron, Tibère, devinrent et restèrent
ses modèles : il eut le triste honneur de les éga-
ler. Ses débauches, son orgueil, sa cruauté
froide et calculée , sa haine des arts , des
sciences et des lettres, le rangent parmi les
plus mauvais de ces empereurs qui ont
souillé le trône des césars.
Domitien a persécuté les chrétiens, quoi
qu'en ait dit Dodwel , auteur qui ment plus
qu'il ne se trompe, dans le but d'amoindrir
les triomphes de l'Eglise catholique. On ne
dit pas qu'il ait porté des lois et des édits
nouveaux contre eux , mais il fit appliquer
avec une grande cruauté ceux que Néron
avait promulgués. Il fit mourir son cousin
saint Clément , consul , bannit Domitille ,
femme de saint Clément , dans l'ile Pan-
datarie , puis une autre Domitille encore
(Flavie), nièce de Clément, dans l'île Ponce.
Saint Antipas fut martyrisé à Pergame; saint
Jean l'Evangéliste fut, par l'ordre du tyran ,
plongé dans une chaudière pleine d'huile
bouillante, près de la porte Latine à Rome.
On avait fait venir (l'Ephèsf! le saint vieil-
lard , disci|)le chéri du Sauveur. Saint Jean
sortit miraculeusement sain et sauf de la
chaudièreqni aurait dô le consumer. Ce mira-
cle ne toucha pas Domitien, (jui exila le saint
apôtre àPathmos. Les personnages que nous
venons de citer sont les plus remarquables
que la persécution de Domitien ait atteints;
mais il existe une multitude d'autres saints
qui souffrirent sous le règne de ce prince.
L'Italie, les Gaules, l'Asie-Mineure , furent
arrosées du sang des martyrs. Domitien ne
pouvait pas échapper h la punition qui at-
tend les tyrans. La main de Dieu commence
souvent le chAtiment ici-bas : celui de Do-
mitien fut terrible. Il faut lire les écrivains
du temps pour se rendre compte des angois-
ses, des terreurs qui, incessamment et par-
tout, assiégeaient le cœur de ce tigre cou-
ronné. Enfermé dans son palais comme une
bête féroce dans son re[)aire, il tremblait à
chaque bruit, à chaque mouvement : il voyait
des assassins partout ; ses gardes, ses do-
mestiques, ses proches étaient pour lui des
ennemis qu'il croyait toujours disposés à
l'égorger. On raconte qu'il lui arriva, comme
à Néron, d'accrocher son habit à un clou : il
se crut saisi par des assassins , il se mit à
pousser des cris et devint livide de frayeur.
11 avait fait construire une galerie dans son
palais pour se promener; toutes les murail-
les étaient revêtues de pierres et de lames
polies , miroirs de ces temps oii les glaces
n'existaient pas : le tyran voulait qu'en se
promenant son regard pîit veiller sans cesse
autour de lui, pour voir si personne ne le
suivait. Du reste, tout le monde tremblait à
son aspect. Ce palais, cet antre oii il s'était
renfermé, on craignait autant, dit un histo-
rien, d'y entrer que d'en être exclu. Figu-
rez-vous, si vous le pouvez, ce prince pro-
menant dans la terreur incessante de son
âme, sous les voûtes solitaires, le souvenir
et le remords de ses crimes. Chaque pan de
muraille lui retrace quelque scène sanglante;
chaque ombre qui se projette lui semble un
mort qui passe ; chaque bruit qui se fait lui
apporte comme un cri de ses victimes. Ah !
c'est que le tyran qui veut fuir le remords
et le châtiment, qui s'enferme dans un pa-
lais environné de gardes et hérissé de pré-
cautions, enferme avec lui un Dieu vengeur
qui le suit, qui le tient, et qui, à point nom-
mé et l'heure venue , le frappe et l'écrase.
La mort de Clément , son cousin , fut ce
qui hâta le plus la sienne. Etienne, affranchi
et intendant des biens de sainte Domitille,
femme de Clément , aj-ant été inquiété par
Domitien, qui voulait qu'il rendît compte de
sa gestion , se joignit aux ennemis de ce
prince, qui conspiraient pour le tuer. Il s'of-
frit même à être l'exécuteur de la sentence.
Parthène, chambellan de Domitien, était dans
la conjuration. Le 18 septembre, Domitien
rentrait, après avoir vidé différents procès;
il était onze heures du matin. Comme il vou-
lait aller au bain pour dîner , Parlhène l'a-
vertit que quelqu'un l'attendait pour lui dire
tn DOM
quelque cnose d'important et de pressé. Sur
cela, il lit retirer tout le monde. Eiienne fut
introduit avec le bras gaurhc en écharpe ,
comme s'il eût é[é i)lessé. 11 pr(5senta à L'o-
mitien un mémoire sur une prc^tcntlue con-
juration ourdie \m\v Clément, son cousin, qui,
disait Etienne, n'avait pas été tué. Connue Do-
milien lisait, Etienne, qui avait un poignard
caché dans son és-harpe, le lui plo igea dans
le ventre. Domitiemriaau sccoiu's, deman-
dant son épée, un paj:»' accourut, et voulant
la [)rendrc au clievct du lit, où elle était or-
dinairement, il ne trouva plus (jue le four-
reau : toutes les précaulions avaient été
prises. Alors Doinitien, faisant un suorèmc
effort, terrassa Etienne, cherchant à lui arra-
cher les yeux, quoique dans la lutte il se
fût alfreusement blessé les mains. Parthène,
voyant la lutte se prolonger, entra et acheva
ou ht achever Domitien. Quelques soldats
étant arrivés sur ces entrefaites , tuèrent
Etienne.
Ainsi périt ce tyran, que l'histoire a placé
près des Néron et Vies Tibère. Après sa mort,
le sénat le déclara ennemi public;, décréta
qu'il serait enterré comme un gladiateur, lit
renverser ses statues et effacer des monu-
ments publics les inscriptions qui pouvaient
conserver sa mémoire. H existe encore plu-
sieurs marbres où son nom a été etfacé. Do-
mitien mourut âgé de près de quarante-cinq
ans (4i ans 10 mois et 2G jours). Il avait ré-
gné quinze ans et cinqjours.
Do iwel ayant prétendu que sous les em-
pereurs romains il y avait eu très-peu de
martyrs, Dom Uuinart fait les réflexions sui-
vantes à propos de Donritien :
« Après la mort Je N'ron, l'Eglise respira
un peu , et demeura tranqudle durant les
trouhiesqui agitèrent remuire; mais Domi-
tien étant monté sur le trône, la persécution
reprit de nouvelles fjrces. « Car cet empe-
« reur, dit Eiisèbi,', ht gloire d'être le succes-
« seur de Néron , dans son imj)iélé et dans la
« guerre sacrilège que co. détestable jjrince
« avait faite à Dieu. » Dodwel ne peut se dé-
fendre d'admettre cette persécution , mais il
l'abrège le plusfiu'il |)eut. Selon lui, à [)eine
a-t-elle duré un an; il veut, de plus, qu'elle
ait été fort modérée , qu'on n'y ait point ré-
pandu d(! sang, (ju'on n'y ait vu ni suj)plices,
ni tortures. Il prétend prouver son peu de
durée par un argument invincible , tiré do
Brulius, rappo/'té par Eusèb(! , (pii raconte
que Doinitille, nièce du consul Flavius Clé-
ment , fut envoyée en exil avec d'autres
chrétiens, l'année du consulat de son oncle,
et la fpiin/ième du règne de Domitien, Or,
ce prince eriti-a au mois de septinubre d uis
la quinzième anné(! de son enq)ir(! et de sa
chargi! d(; tribun, et au même mois d(î l'an-
née suivante il fut tué , après avoir fait ces-
ser la persécution, ainsi rpn; l'assun; Ter-
tullien : donc, selon Dodwel, on ne peiil
étendre la f)ei'sé(Mli()n au del.i d'une année.
Voici |(;s paroles di' ce l'ère;, dans son .l/^o-
lo(/(Ulmu'. : « Doinilien, quiavail une portion
«de i'Aine do Néron, avait voulu d'.iooid
« faire «piohiueb essais de cruauté, mais il
DOM
9»
« ne continua pas; et ayant rappelé ceux qu'il
« avait exilés » Dodwel conclut de ce
passage que Domitien eut à la vérité quelque
dessein de former une persécution , mais
qu'il ne ht cpie l'ibaucher; qu'il voulut être
cruel , mais {]\i'\\ ne le fut pas en eltet; qu'il
se cotitenta de relégiu'r ceux qui confessèrent
Jésus-Christ, sans répandre leur sang ni leur
ôterla vie ; et, si l'on en veut croire cet ajiolo-
gisledestyrans,lesmonuments de l'Eglise les
plus certains ne peuvent nous foui nir durant
ce petit intervalle que des noms de chrétiens
exilés.
« Mais toute l'induction q\i"on peut tirer
de cet endroit de Hrutius , dont Dodwel se
sert pour prouver le peu de durée de cette
persécution , ne conclut autre chose, sinon
que la ti'm[)ête excitée par Domitien contre
l'Eglise rébranla avec plus de violence, la
quinzième année de cet empereur, mais
qu'elle avait déjà commencé à l'agiter plu-
sieurs années auparavant. Et Eusèbe lui-
même, qui sans doute avait lu Brulius (car
nous devons à Eusèbe tout ce qui nous reste
de cet auteur) , Eusèbe , dis-je, en met le
commencement deux ans avant l'exil de Do-
niitille, et il est suivi en cela par l'auteur de
la Chronique pascale. Le savant P. Pagi ,
marchant sur les traces de ces deux anciens
historiens, le Oxe en l'année 93 , quoique le
cardinal Baronius le fasse remonter deux
ans plus haut. Saint Jérôme n'est pas moins
contraire à l'opinion de Dodwel , puisqu'il
attache le martyre de saint Jean h la quator-
zième année de Domitien. Et, certes , il y
avait déjà longtem[)s que ce prince impie
voulait [)asser pour dieu, et se faisait rendre
les honneurs divins , ainsi que nous l'ap-
j)renons, non-seulement d'Eusèbe et des au-
tres auteurs chrétiens, mais des païens mê-
mes. Eniin, les actes de saint Ignace , mar-
tyr, écrits par un auteur contem[)orain, et
reconnus par Dodwel, prouvent invincible-
ment que cette persécution a été beaucoup
plus longue (pi'on ne prétend. Ces actes por-
tent qu'Ignace soutint plusieurs tempêtes (pie
la fureur de Domitien avait excitées con-
tre l'Eglise. 11 importe donc peu que les
chrétiens exilés par Domitien aient été rap-
pelés du vivant de cet empeieur, comme Ter-
tullieii semble l'insinuer, ou du règne de
son successeur Nerva. Eusèbe atlrd)ue ce ré-
tab'issfuncnit h ce dernier, sans s'arrêter au
passage de Tertullien, (pi'il ne laisse nas de
citiM", et il a|)puie so!i sentiment sur le té-
moignage de c(nix qui ont écrit riiisloircde
ce t(nii|)S-là. Cléiu(nit d'Alexandrie dit la mê-
me chose, et Dion de \i[tlulin fait rappeler
par Nerva ceux (pii avaient élé convaiiu us
d'impiété sous son prédécesseur : c'est ainsi
quil nomme les chrétimis. lùilln, saint Jean
jKi retourna de son exil à Ephèse (pra|)rès
que Doinitien eut été tué, el (pn; le sénat (nit
cassé tout ce qui avait été fait par cet (un-
|)(n-eiii\
'< Au reste, le seul excnnple de saint Jean
montre assez (jue cette persécutiori ne de-
lueiiia pas dans les bornes qu'il plail à Dod-
wel de lui i)rescrire, et ipi'ellc lut, au con-
•29
DOM
DOM
830
traire, poussée jusqu'à rt^pantlre le sang des
fidèles; car quoique la vi(^ de cet apAtre cflt
été coMsei'X'e par un nuracle, il n'en avait
pas moins Hô condauiiu^ h la perdre. L'Apo-
calypse a eonsacr(^ la iiicnioire du uiarlyro
de saint Anlipas, qui soullVit à IVr^anuMlans
le mÙMU' tetui'S. Uodwel veut que ce fol |>ar
une t^niol on populaire; mais d'où l'a-t-il
appris? Du moins, les Aet(-s de ce martyre
portent (pi'il l'iit il la vérité arrêté par un
peuple furieux et animé contre les chrétiens;
mais ils ajoutent qu'il i'ul conduit devant le
juge. Ce magistrat le menaça de lui l'aire en-
duier les supplices pi-escrils ])ar les lois ro-
nia nés s'il ?i'ol)éissail aux édils des em[)e-
reurs, et s'il continuait à nK-pi-iser le culte
des dieux. Kl, sur le refus qu'il en tit, il fut
traîni' devant le teuq)le de Diane, et enfermé
dans lui taureau d'aii-ain , cpi'on avait fait
rougii' au feu , où il linit sa vie. Tout cela ,
ce me semble, a fort l'air d'une pi'rséculion
ouverte. Mais rien n'est plus à notre avan-
tage ipie ce (pie Brutius dit dans la chroid-
que et dans l'histoire d'Eusèhe. 11 y dit for-
mellement que , sous Donùtien , plusieurs
chrétiens entlurèrent le martyre....; que de
ce nombre fut Domitille qui, avec beaucoup
d'autres, fut envoyée en exil. Et, sans doute,
la considération du sexe et les égards qu'on
eut pour la naissance dect's personnes, adou-
cit leur peine; mais pour ceux que rien ne
distinguait dans le monde, on doit dire, ou
qu'ils périrent par divers sui)plices, ouqu'ds
furent dépouillés de tous leurs biens, ou
qu'un bannissement honteux fut leur par-
tage. Et ce n'est nullement là une simple
conjecture, puisque Dion le rapporte ainsi ,
en lernii's exprès : « La même année , dit
« cet auteur , Doaiilien fil mourir plusieurs
« chrétiens , et entre autres le consul Fla-
« vius Clément, quoiqu'il fût oncle de l'ein-
« pereur, et qu'il eût épouse Flavie Domi-
« fille, ^a parente très-[)roche , l'un et l'au-
« ti e ayant été accusés du crime d'impiété.
« Ce crime lit périr un très-grand nombre de
•x. ceux qui, abandonnant l'ancienne r(>ligion
« des Romains , avaient embrassé celle des
« Juifs (caries païens appelaient les chrétiens
« des gens convaincus de juilaisme, d'athéis-
« me et d'impiété). L'empereur eut quelque
« égard pour Doraitil.e : il se contenta de
« l'exiler dans l'de Pandatarie ; mais pour
« (ilabrion, prévenu du même crime , il fut
« tué par l'ordre de Domitien, quoiqu'il eût
« été le collègue de Trajan dans une des
« plus considérables magistratures de l'em-
« pire. «Ainsi on peut dire, avec Tertiillien,
ciue cet emi)ereur éjjrouva la constance des
cHirétiens par le fer et pat l'exil ; ainsi l'on
peut recevoir sans scrupule les monuments
qui nous dépeignent le combat et la mort de
quelques martyrs, qui furent couronnés du-
rant la persécution de Domitien. »
DOMITIEN (saint), martyr, versa son sang
pour la foi, à Philadelphie, en Arabie, avec
les saints Cyrille, Aquilas, Pierre, Kuf et
Ménandre. Ou ignore la date de leur mar-
tyre. L'Eglise célèbre leur mémoire le 1"
août.
DOMITIEN (saint), évô(|ue et confesseur,
sonllrit pour la foi à CliAlons-sur-Marne.
On n'a pas de détails sur les circonstances
de ses combats. L'Eglise fait sa mémoire lo
9 août.
DOMITIEN (saint), martyr, l'un des qua-
rante martyrs de Sébaste, sous LiciniuS.
{Vol/. Maktvus de Sébaste.)
DOMITIEN (saint), reçut la couronne du
martyre à Ancyre en (iaialie, avec le prêtre
saint l-:ulyche. L'Eglise fait leur mémoire le
28 déc(nnbre.
DOMITIEN, oflTicier d'Aurélien, envoyé
])ar ce pr:nce à Icône pour y uersécuter les
(•(uéliens, est probidjiement le môme que
le Donnlien, général suus (iallien, qui vain-
quit Macrien et son lils. Cet honuue, (pii des-
cendait de l'empereur Domitien {)ar Flavie
Domitille, ne faillit point à hon sang. Il per-
sécuta avec fureur les chrétiens. Saint Co-
non et son lils furent, par ses ordres, sou-
mis à d'atroces supidices. On les étendit sur
le lit de fer embrasé, sur des charbons ar-
rosés d'huile ; on les mit dans une chau-
dière pleine d'huile bouillante, on leur cou-
pa les mains. Quoique les dates contrarient
un ))eu cette opinion, nous inclinons forte-
mont à croire que ce Domitien est celui
qu'Aurélien fit mettre à mort parce qu'il le
soupçonnait d'avoir voulu usurper l'empire.
DOMITILLE (sainte), fille de Domitille,
sœur de Domitien, était femme de saint
Clément, qui fut consul en 95 sous Domi-
tien, et que ce prince fit mourir comme
chrétien. Elle fut exilée daiiS l'de Pandata-
rie, comme coupable du même crime que
son mari.
DOMITILLE (sainte), Flavia Domitilla,
nièce de saint Clément, martyr et cousin de
Domitien. Suivant Eusèbe (1. m, ch. 18),
elle était fille d'une sœur du consul Clé-
ment (1). Deux de ses serviteurs, saint Né-
réc et saint Achilléc, furent décapités à
Terracine par ordre de Domitien. Pour elle,
s'il faut en croire les Actes donnés par Bol-
landus (12 mai, p. 13 A), elle fut enfermée,
sous Trajan, dans une chambre à Terracine,
puis on y mit le feu. Ces Actes sont loin
d'être authentiques : toiit ce que nous sa-
vons de positif, c'est qu'elle fut exilée par
Domitien dans une île voisine de Pandatarie
et nommée lie Pontia ou Ponce. Trois cents
ans après on voyait encore les cellules dans
lesquelles elle avait demeuré. Sainte Paule
les vit eu allant à Jérusalem, vers la fin du
(l) Beaucoup d'auteurs, même recoramandahies,
confoiideiit saiiUe Flavie Domilille, avec Douiilille,
femme du consul Clémenl. A celte erreur nous
n'opposerons qu'un fait. L'Eglise, qui ne se trompe
pas, îionore sainte Flavie Domilille comme martyre
et comme vierge. Or, Domilille, femme de Clément,
eut une fille nommée comme elle Domitille, laquelle
épousa Flavius Onésymus. TréboUius PoUion, pour
Tannée 205 {Sub Gullictio tyrannorum liistoria, c.
11, de 3/fffr»«no), parle d'un Domitien, honniie de
guerre remarquaiile, lequel descendait de Domilille
n) riéo à Chinent. D'ailleurs on sait que Clément
avait deux lils que Doruiiien avait adoptés, Vespa-
sien el Domitien.
8M DOM
IV' siècle. Sainte Domitille mourut-elle dans
l'île Ponce ? Mourut-ello martyre? ce sont
(les questions sur lesquelles plane le doute.
Il est certain qu'elle soull'rit poui- la foi, et
l'Eglise rhonore comme une sainte, le 12
mai, le 7, suivant le Martyrologe romain.
DOM JEAN, Abyssinien, fut emprisonné
le 30 septembre 16'i.8, en Abyssinie, sous le
rè,4;ne et duiaut la persécution de Basilides,
Négous de ce i»ays, en haine de la religion
catholique. Il eiît pour compagnons de sa
captivité Ihum Laça Mariam, Dom Théodore
et Dom Melca Christos.
DOMMUS (saint), martyr, l'un des qua-
rante martyrs de Sébaste, sous Licinius.
{Voj/. jMartirs de Sébaste.)
DOMNE (sainte), martyre, eut l'avantage
de mourir pour sa foi à Nicomédie, durant
la persécution que Dioclétien Ht souffrir aux
chrétiens. Elle eut pour compagnons de son
glorieux martyre saint Idnès, un des offi-
ciers du palais, et les saintes Agape, Théo-
phile et leurs courageux compagnons, que le
Martyrologe romain ne nomme pas. L'E-
glise honore leur mémoire le 28 décembre.
DOMNIN (saint), martyr, était un des
chambellans de l'empereur Maximien Her-
cule, le(iuel avait établi sa cour à Milan, en
l'an de Jésus-Christ 304, Comme la persécu-
tion sévissait avec rage contre les chrétiens,
il prit secrètement la fuite pour se rendre
à Rome ; mais des soldats, détachés à sa
poursuite, l'arrêtèrent sur la voie Clau-
ciiennc, entre Parme et Plaisance, et lui tran-
chèrent la tète. Le lieu où il fut mis à mort
et ensuite enterré a pris son nom. Aujour-
d'hui on l'appelle Burgos-San-Domnino. La
fôte de ce saint est inscrite au Martyrologe
romain sous la date du 9 octobre.
DOMNIN (saint), reçut la palme du mar-
tyre le même jour({ue saint Philémon. Nous
n'avons aucun détail conceinant ces deux
saints. L'Eglise fait leur fête le 29 mars.
DOMNIN fsaint), martyr, reçut la palme
du martyre à Thessalonique avec saint Vic-
tor et d'autres encore dont les noms ne nous
sont point parvenus. L'Eglise; célèbre la mé-
moire inmiortelle de ces saints le 30 mars.
DOMNIN fsaint), souffrit le martyre sous
l'empereur xMaximin avec les saints Théo-
time , Philatée , Sylvain et leurs compa-
gnons, dont les noms ne nous sont point
[)arvenus. L'Eglise fait la mémoire de ces
courageux combattants le 5 novembre.
DOMNIN (saint), martyr, fut martyrisé
sous rem])er(!ur Maximien h Tli(ïssaloni(]ue.
Les Actes des martyrs ne nous doiuKMil pas
de détails sur lui. L'Kglise célèbre; la mé-
moire do ce saint (lombattant le L' oclobre;.
DOMNIN K (sainte), martyre;, apparleiiail il
l'uni; (les familles les |)lus élt;vées d'Anlio-
cIk;; mais sa ve.-itu, sa beauté, son esprit,
faisai(Mit oublier cet avantage. Elle était au-
dessus de la plus haute naissance. Elle avait
d<;u\ lilles, liéréniee; et Pr()S(loce , (pi'elle
cvail fait élever sous s(;s yeux. Toute; mère
eJ(!Viail , epaanel sa neisitieni le; pe'i'ine't , eri
faire autant. L'aile; eMine- tnère; e'st le; me'il-
leur ani i (^u'un»; lille puisse avoir. Ou ne
DOM
8Si
trouve point ailleurs ce que Dieu a mis là.
Nulle part la vertu, l'innocence ne sont
aussi en sûreté, nulle part le cœur ne se
dévelop|)e aussi bien. Les deux jeunes filles,
dignes de leur mère par leur piété, avaient
reçu d'elle, avec les avantages de l'Ame, la
beauté la plus éclatante. Quand Dioclétien
publia ses derniers édits, la mère et les
deux filles s'enfuirent à Edesse. Les dan-
gers, les fatigues du voyage ne furent point,
disent les Actes de sainte Domnine, capa-
bles de la rebuter. Naïveté de légende
comme on en trouve souvent, même dans
les meilleures. Il est évident que quand on
prend la fuite pour éviter un péril, on a pré-
féré les fatigues et les dangers de la fuite au
péril auquel on cherche à se soustraire. Les
édits ordonnaient aux chrétiens de livrer
leurs propres parents. Le mari de Domnine
eut l'atroce lâcheté d'obéir aux édits ; il dé-
nonça sa femme et ses filles. On promettait
la vie à ces traditeurs du sang de leurs pro-
ches, c\ ces assassins. Comment faut-il, mon
Dieu, que certains hommes aient le cœur
fait, si une vie ainsi sauvée, ainsi achetée,
n'est pas pour eux cent fois pire que les
plus grands supplices? Sur cette dénoncia-
tion, la sainte et ses filles furent arrêtées.
On les conduisit à H-iéraple en Syrie. Du-
rant la route, elles trouvèrent moyen d'é-
chapper à la surveillance de leurs gardes, et,
ayant pris la fuite, allèrent se je-ter dans une
rivière oii elles furent noyées. En s'y jetant,
elles prirent soin de bien se couvrir de leurs
vêtements, de peur que, même mortes, elles
fussent exposées à être vues découvertes.
L'Eglise a mis ces trois femmes au nom-
bre des saintes. Dieu, sans doute, lui a ins-
piré cette décision, car leur conduite est
tout à fait en dehors des règles ordinaires.
On peut dire et on a dit qu'elles se donnè-
rent la mort poni- éviter d'être victimes ele
la lubricité de ceux qui les conduisaient ; on
ne détruit jjoint cette vérité, que nul n'a le
droit de disposer, môme en face d'un danger
quelconque, ele la vie qu'il a reçue de Dieu.
Leurs Actes disent qu'une inspiration parti-
culière de Dieu les a autorisées à suivre
cette conduite exceptionnelle : bien d'autres
fois, dans le cours de ce travail , nous avons
vu que , dans le cas où ses saintes étaient
exposées aux brutalités de'S peM'sécutions, il
trouvait moyen de les |)rotéger. On admet-
tra difficilement cjuc dans celte circonstance
Dieu n'eût pas e'm|)loyé un moyen quel-
conejue pour soustraire; la sainte et ses deux
lilh's aux attentats de leurs gardiens. Mais
nous aime)ns mieux excuser les saintes, en
alléguant la pureté de leur cœur «'t la bonté
de; le.!urs inte'ntions. Ce;s elisposilions purifient
te)us les ae:te's, epie;ls epi'ils se)ie'iU, e'I Iranslbr-
nH'ut se)uve'nt en nu'iile's aux ye'ux élu Sei-
gne'ur ce; epii paraît blâmable- e)u même' cri-
minel aux yeux devs Iionnne's. L'Eglise cé-
lèbre; la fêle (le; sainte De)nuiiue; et do ses
de;nx lill(;s le 4 ocleibre.
Ne)us faisons suivre, el'après Uuinart, les
Aeles autlie'uliipn's ele cette sainte' martyre
et de; ses deux lilles.
833
DOM
DOM
834
Il n'y a que trois semai nos que nous coio-
brions la ioto de la croix, et nous soleuni-
sons (léjh celle des martyrs. O aduiirable IV-
coudilé du sang de Jésus-Christ ! ,h f)eine
a-t-il louché la terre (lu'elle produit. II n'y a
encore cjue vingt jours que cet arbre a été
planté, et il nous donne déjh des fruits ;
car eului la mort de ces trois admirables
personnes dont nous faisons aujourd'hui la
nunuoire, (lu'est-ce autre chose ([u'un ex-
cellent fruit de la mort de Jésus-Christ ? Ces
victimes ont été immolées pour ce divin
Agneau; ces génisses choisies dans le trou-
peau ont été. égorgées pour cette innocente
brebis ; et ces oblations ne sont agréables à
celui a ([ui elles sont faites (ju'en vue de ce
premier sacrilice. Vous pouvez voir aujour-
d'hui une démonstration évidente de ce que
j'avance dans le discours que je vous (is le
jour de la solennité de la croix. Je vous dis,
en parlant du Fils de Dieu, (ju'il avait brisé
les portes d'airain et les verrous de fer
{IsaiCy XLV,2). S'il n'avait en ell'ot enfoncé
ces portes, des femmes auraient-elles eu as-
sez de force pour les rompre? S'il n'avait
mis en pièces ces verrous, de jeunes vierges
auraient-elles pu facilement les arracher?
Et s'il n'avait entin^rendu la prison un lieu
agréable, nos saintes martyres y seraient-
elles enti'ées avec tant de joie? Que le Sei-
gneur soit béni : le sexe le plus timide ose
atfronter maintenant la mort ; ce sexe, qui
autrefois l'introduisit dans le monde, la foule
aujourd'hui aux pieds ; ce sexe, qui avait
servi de dard au démon pour frapper mor-
tellement le premier homme, se tourne à
présent contre le démon môme, et le perce
de mille coups ; ce sexe qui n'était aupara-
vant qu'un faible roseau, devient entre les
mains de Dieu une flèche dont il se sert
pour terrasser ses ennemis. Des femmes at-
taquent la mort, elle qui fait trembler les
plus hardis ; elles lui insultent. Qui n'admi-
rera une hardiesse si peu commune ? Que
les gentils rougissent de honte; que les
Juifs meurent de confusion de ne pas croire
la résurrection de Jésus-Christ. Quel argu-
ment plus fort veulent-ils de cette résurrec-
tion , que ce prodigieux changement qui
s'est fait dans la nature? Des hommes ont
craint la mort ; je dis les plus saints, les plus
braves, des héros de l'ancienne loi, des pa-
triarches, des rois; ils ont fait ce qu'ils ont
pu pour éviter ses traits ; et de simples fem-
mes de la loi nouvelle vont au-devant , elles
se les portent elles-mêmes dans le sein.
Ecoutez-douc, mes frères, l'élogeque j'entre-
prends de faire de nos illustres martyres, si
toutefois votre attention ne se sent point fa-
tiguée des discours précédents. Mais il nous
faut reprendre la chose de plus haut.
Jamais l'Eglise n'avait été agitée d'une
plus violente tempête qu'elle le fut au com-
mencement du siècle passé. Trois empe-
reurs (Dioclétien, Maximien et Galère) ayant
réuni toute leur puissance contre elle, lui
déclarèrent la guerre dans toutes les parties
du monde; l'attaquèrent au dedans et au de-
hors, et elle se vil tout à la fois deux guerres
sui' l(!S bras, une guerre civile et une guerre
étrangère; elle avait h sa défcndrti d'enne-
mis déclai'és et d'ermemis '(^ouverts. Une
S(!ule d(! ces guerres eût été déjà pour elle un
très-grand mal ; qu(!l devail être l'état dé-
plorable où elle se trouvait, se voyant d'un
coté exposée aux embûches secrètes des î
siens , et d'un autre aux incursions des
étrangers? Mais, ajjrès tout, la violence de
ceux-ci était [)our elle moins à craindre (jue
la trahison de ceux-là. Il est bien plus facile
de se garantir d'un ennemi reconnu pour
tel et qui condjat à force ouverte, que d'é
viter les surprises d'un traître qui, sous une
fausse apparence d'amitié, cache le cœur et
les desseins d'un ennemi. L'Eglise avait
donc, comme nous venons de dire, deux
guerres à soutenir, l'une civile et l'autre
étrangère ; ou, pour parler plus véritable-
ment, l'une et l'autre civile. Car ceux qui
l'attaquaient au dehors étaient les juges, les
magistrats; des troupes de soldats, non des
juges étrangers, ni des magistrats d'un au-
tre empire, ni des soldats tirés de quelque
nation barbare, mais tous Romains, tous vi-
vant sous les mêmes princes, gouvernés par
les mêmes lois, tous membres d'une même
république. Mais celle dont elle avait à se
défendre au dedans de la part de ses pro-
ches pouvait passer pour une guerre plus
que civile. Car on voyait le frère livrer le
frère, le père ses enfants, le mari sa femme.
Nulle sûreté, nulle fidélité du côté des pa-
rents ; le sang avait perdu ses privilèges;
les droits les plus sacrés de la nature, les
liens les plus serrés de l'amitié, l'alliance la
plus étroite, tout cela n'était plus que des
liaisons imaginaires, ou tout au |)lus exté-
rieures, et purement politiques. Ces unions,
si saintes et si vénérables aux peuples même
les moins civilisés, n'étaient plus connues
des Romains ; on les violait, on les rompait,
on les foulait aux pieds impunément. Ce fut
durant ces troubles domestiques de l'em-
pire et de l'Eglise que trois illustres fem-
mes donnèrent cet exem[)le inouï d'une
grandeur d'âme plus qu'héroïque ; si toute-
fois on doit donner le nom de femmes à ces
admirables créatures qui, dans un corps et
sous la tigure de femmes , non-seulement
renfermaient un courage viril, mais qui, s'é-
levant au-dessus des forces ordinaires de la
nature, tirent })araître une vertu dont les
intelligences célestes sont seules capables.
Elles abandonnèrent leur patrie (1), leur fa-
mille, leur propre maison, pour aller cher-
cher dans un pays éloigné la liberté, qu'on
leur refusait dans le leur, d'adorer et de ser-
vir Jésus-Christ.
Ce fut par un motif si noble et si relevé,
que la fidèle et généreuse Domnine avec ses
deux filles, Bérénice et Prosdoce, quitta le
lieu de sa naissance. Arrêtons-nous d'abord
et considérons des femmes de qualité, éle-
vées délicatement et parmi toutes les com-
modités de la vie, qui vont s'exposer à ton
les les suites fâcheuses d'un long et pénible
(1) Saint Chrysostorae ce la nomme point.
^ DOM
Toyage. Si des hommes robustes, acroutu-
inés à voyager, ne laissent [)as d'é[)rouver
dans le cours de leurs voyages d'assez, iïran-
dcs fiUi;5ues, quoi(iu'ils" aient des voitures
çoiumoJt's, qu'ils aient à K'ur suite plusieurs
valets, que la route soit bonne, sûre, aisée
à tenir, que la traite ne soit pas lonf;ue,
qu'ils aient cniin toute liberté de retourner
chez eux; quelle doit Otre la foi de Doni-
nine, sa résolution, son amour pour Jésus-
Christ, lorsque nous la voyons marcher h
pied, sans suite, embarrassée de la jeunesse
et de la beauté de ses lilles, abandonn'-e de
ses amis, trahie par ses proches, environnée
d'ennemis, se sauver par des sentiers dé-
tournés, à travers mille dangers, craignant
pour ses filles, pour elle, pour leur hon-
neur, pour sa vie; dans de continuelles
alarmes, dans l'appréhension d'cMre suivie,
découverte, reconnue, reprise? Elle sort de
son pays natal, de sa ville, de sa maison, et
elle mène avec elle deux filles dune excel-
lente beauté; comment et où les cacher? Qui
sera le gardien de la virginité de ses tilles?
Ce sera le Ciel ! Ce sera Jésus-Christ lui-
môme! Car de môme que Loth au milieu de
Sodome, quoique son logis fût assiégé de
tous côtés par les habitants de cette ville
infûme, n'avait rien à redouter de leur in-
solence, parce ciue Dieu lui a envoyé deux
anges pour le garder : ainsi nos saintes fu-
gitives, quoiqu'au milieu de leurs ennemis,
furent préservées de tant de funestes acci-
dents qui devaient naturellement leur arri-
ver, parce qu'elles avaient au dedatis d'elles
le Seigneur des anges (lui les conduisait.
Les tlots mugissaient autour d'elles, les nua-
ges g'-os de fjudres et de tempêtes roulaient
sur \t\iv tôte, tout était en mouvement pour
its perdre, et cepen'lant elles marchaient
d'un pas tranquille, et dans une entière sé-
curité. Trois brebis entrei)rennent de tra-
verser des pays couverts de loups , des dé-
serts habités par des lions , sans que ni les
lions ni les loups osent seulement leur dis-
puter le passage. Tous les honnnes ont |.>our
elles les yeux chastes, ou plutôt Dieu sus-
pend en leur faveur, durant tout le chemin
qu'elles ont à faiie, les elfets naturels de la
beauté.
Ce chcnuin se termina cniin à Edesse (1).
Cette ville est h la vérité bien moins polie
que plusieurs autres; mais on peut du-e
aussi, à son avantage , que la |)iéte y est
beaucoup plus esliiuée qu'ailhnars. Aussi
nos illustres voyageuses y trouvèrent-elles
U'i asile contre les poursuites de l'impiété,
et un |)ort oiî elles crurent |)ouvoir attendre
en sûreté h- retour d'iuje saison plus cainu!.
CelLg ville toute sainte re^ul donc la mère
et les lilles , non couuiie des étrangères,
mais comme des ciloyetuies du ciel, et elle
se charg(;a d'elles connue dun dépôt sacré
que Dieu lui conliait. Que personne, au
reste, n'accuse ci!S saintes femmes de p(m
de courage, pour avoir piis ainsi la fuite
M) MrHrf»()ole (\<'. Mt-sopolaiiiic, aiijourd'lini du
L»iarl><;tk, soub la domination des Turcb.
DOM «^
devant leurs persécuteurs ; elles ne firent
en cette rencontre qu'oliéir au précep-te du
Sei;^neur, ipii veut ([uo lorsqu'on est jiersé-
cuté tla s une ville, l'on fuie dans une au-
tre. Bien loin que cette fuite leur fût hon-
teuse , elle leur j^rocura au contraire une
coui'omie. Et quelle couronne? Celle qui est
promise à ceux q\ii méprisent tous les avan-
tages du siècle. Car (juicourjuc, dit Notre-
Seigneur (Matth. xi\, 2n\ abandoniifm pour
moi sa maison ou sca frères, ou ses sœurs, ou
SCS amis, ou ses parents, en recevra le cen-
tuple, et aura pour héritaije la vie éternelle.
Elles avaient encore l'honneur d'avoir Jé-
sus-Christ avec elles [Ibid. xvui, ^0), puis-
qu'il assure (jue lorsque deux ou trois per-
sonnes sont assemblées en son nom dans (quel-
que lieu, il s'y trouve au milieu d'elles : à
plus forte raison, si elles se sont bannies vo-
lontairement pour l'amour de lui. Mais tan-
dis que Domnnie goûtait quoique repos
dans cette retraite, les empereurs faisaient
publier par tout l'empire des édits dictés
parla tyrannie et la cruauté. Car voici leurs
propres termes : « Que les proches, disent-
ils, aient à dénoncer leurs proches, que les
maris livrent leurs femmes, les pères leurs
enfants, et les enfants leurs pères. Que les
frères accusent leurs frères, et que les amis
se rendent les délateurs de leurs amis. »
Ressouvenons-nous en cet endroit de la pré-'
diction de Jésus-Christ {Matth. x, 21) : Ls
frère livrera le frère à la mort, et le père le
fils; les enfants se soulèveront contre leurs
pères et leurs mères.
En un instant toutes les villes se reniplû
rent de traîtres, de meurtriers, de parricides.
Les pères olbaient leurs mains aux juges
pour égorger leurs enfants ; les enfants
traînaient leurs pères au pied des tribu-
naux; les frères vendaient le sang de leurs
frères, tout était plein de tumulte et de con-
fusion. Edesse ne fut pas exempte de cet
orage, pendant lequel nos saintes feuunes
jouissaient d'une profonde tranquillité. El-
les ne se regardaient pas comme fugitives et
exilées de leur pays; elles ne s'apercevaient
pas qu'elles étaient dans la disette de la plu-
part des choses (pii rendent la vie agréalde;
i'espéraiice des biens futurs leur fournissait
abondamment tout ce qui hnir était néces-
saire; la foi était leur patrie, et la charité
leur servait de forteresse pour les mettre h
couvert des insultes de l'ennemi comnuin
des honnnes. Allermies dans ces ti-ois ver-
tus , elles virent sans émolion ariiver à
Edes.se, l'une son mari, les autres hnir père,
accuiupagné do soldais pour les enlever de
leur retraite ; si du moins nous tlevons don-
ner th'S noms si doux et si lumorables à un
iiomme qui s'était chargé d'uiu) si cruelle et
si honteuse commission. Epargnon.s-le toute-
fois en faveur d'une épousi' et de dcnix lilles
martyres, et n'augunnitons point par nos re-
j)ro((ies la peine (lu'il ress'Mil j)eut-ôtre de
se voir obligé , malgré lui, de livrcn' ce qu'il
a (K- plus cher au monde. Considérons nlti-
lôl la sage conduite de Domnine. Lorsqu il a
fallu éviter la persécution, elle s'est prur
837
DOM
DOM
S58
demmeut retirée; maintenant qu'il faut coni-
b.ittiv, clh! no sonj^r plus h l'iiir. l.a voilà
jxtHfà suivre ceux (|ui i'eninir'ieut; elle, les
suit sans cunlrainle, (]U()i(iu'elle sache bien
(|u'ils lacomiuiseiit h la inmt. A|)i)r('noiis de
là, nous autres , ce ^jue nous devons iain!
dans les ditlérenles conjonctures où nous
nous trouvons ; car coinnie nous ne devons
point téuiérairenient aller au-devant du né-
ril, aus.si ne devons-nous pas reculer hlclie-
nient lois(|u'iI se présente. Mais suivons nos
saiiUcs niarlvrcs.
On lein- lii prendre le chemin de Hiérapo-
lis (1), c'est-à-dire ville sacrée, (le lut enlin
(tun etidroil proche de cette ville (ju'elies
pailirent pour ariiver à la ville qui doit seule
i)oiter lenoiudesacrée; e'est-à-direàla céleste
érusaleni, et (pfclh s terminèrent glorJeu-
senuMit toutes leurs couises de la manière
çueje vais riconter en peu denn.ts.
Une rivièi'e côtoie le grantl chenun d'E-
dessc à Hiéra|)olis. Les soldais (pii les con-
duisaient s'airètèi'cnt pour manger sous
quelijues arbres (jui se trouvaient là par ha-
sard. Pendant qu'ils dînent et qu'ils ne
songent qu'à boire, nos saintes l'erames son-
gent à se mettre en liberté. On dit que le
mari de Diinmine y donna les mains, et
qu'il les aida à trom})er leurs gardes ; je
snis assez de ce sentiment, et il y a bien de
rap()arence (ju'il en usa ainsi, afin de pou-
voir se mettre en quelque sorte à couvert de
la colère du souverain juge, et d'avoir quel-
que chose à alléguer au jour du jugement,
qui pût le décharger en partie du crime de
trahison qu'il avait commis en livrant sa
femme et ses tilles aux tyrans. Il est certain
qu'il amusait les soldats pendant que les
saintes, s'éloignant insensiblement d'eux,
enlièrent dans le ileuve jjour s'y noyer. Que
les mères prêtent l'oreille , que les filles
soient attentives , que les unes et les autres
apj.rennent ici leurs devoirs. Que celles-ci
com[)rennent jusqu'où doit aller leur obéis-
sance, et que celles-là considèrent quelle
force ont leurs exem[)les. Domnine entre
donc dans le tleuve, t nant ses deux filles
par la main ; elles se laissent toutes trois
aller au courant de l'eau (|ui les emporte, les
sull'oque et les ba[)tise d'un baptême nouveau
et peu usité, de ce ba|)tèine dont jiarlaitJésus-
Chr.st aux deux fils d' 7X'bédée {JlJafih. xx,
23], lorsqu'il disait : Vous boirez le même ca-
lice que. je boirai, et vous serez baplisé du
même baptême dont je serai baptise'.
Ainsi cette admirable femme fut trois fois
maiiyre ; une fois par elle-même, et deux
fois dans ses filles. De quel courage n'eut-
elle pas besoin pour exécuter la résolution
qu'elle avait prise de sejeter dans ce fleuve?
Mais qu'il dut être héroïque, quand elle pro-
posa à ses filles d'en faire autant! Naturel-
lement une mère craint moins la mort pour
elle que pour ses enfants, le coup qui les
frappe lui est infiniment plus sensible que
celui qui la frappe elle-même ; qu'on s'ima-
gine donc, si on le peut, la violence que se
(i) Quelques-uns croient que c'est Alep.
lit Domnine en voulant réprimer les mouve-
ments de la nature ; cpu-l elfoit pour étein-
dre les llaimnes de l'amour maternel, pour
en étouller tous les mouvemetils, pour aj>ai-
serles murnnires de sou cieur, nour calmer
les soulèveuKMits de ses entrailles ! Si une
mère se croit malheureuse lorscpie la mort
lui vient enlever une filU; qui lui est chère,
si elle trouve a|)rès cela la vie ennuyeuse,
([uel supplice pour l'Ame de Domnine, qui
ne perd pas une fille seulement, mais deux
tout à la fois ; (jui n'est pas sim[)lement
spectalri(;e de leur mort, mais qui en est
elle-même la cause! c'est elle qui les pousse
à leur perte , qui les y entraîne , qui les y
précipite.
Cependant les soldats, qui ignorent ce qui
s'est passé , les attendent toujours ; mais
elles sont déjà dans le ciel avec les anges;
ce que ces hommes privés des lumières de
la foi n'ont garde de s'imaginer. Saint Paul
dit, en ])arlant d'une mère, qu'elle sera sau-
vée par le moyen de ses enfants, c'est ici le
contraire; ce sont les enfants (jui doivent
leur salut à leur mère. Cherchons mainte-
nant les raisons qui firent entreprendre à
celle-ci une chose aussi extraordinaire. D'où
vient qu'elle n'attendit pas la sentence du
gauverneur, qui lui aurait sans doute fait
obtenir l'honneur du mai lyre ; pourquoi
prévenir son jugement en se condamnant
elle-même à la mort ? D'où vient qu'elle ne
voulut pas même com[)araîlre devant son
tribunal ? Ce n'est pas qu'elle craignît les
tourments, mais elle craignait de voir ses
filles exposées à des regards lascifs ; la vue
des bourreaux n'avait rien qui l'effrayât ,
mais celle d'un corrupteur. Ainsi, sans vou-
loir hasarder la victoire dans un combat,
elle commença par ériger un trophée; en un
mot, elle aima mieux arracher la couronne
c[ue la disputer.
Mèvc-s qui ra'écoutez, rendez témoignage
à la vérité. Vous avez éprouvé les douleurs
de l'enfaiitement; mais concevez-vous celles
qui déchirent le cœur de Domnine, lors-
qu'entrant dans le fleuve elle prit les mains
de ses filles? Comment les siennes ne devin-
rent-elles pas immobiles? comment les nerfs
ne se retirèrent-ils point, ou plu'ôt com-
ment purent-ils prêter leur ministère pour
eni rainer à la mort ces innocentes viclimes ?
Comment cette mère, je dirais dans une au-
tre rencontre, la plus infortunée de toutes
les mères, comment, dis-je, put-elle obliger
sa raison à consentir à ce qu elle allait faire?
Mais c'est en vain que nous cherchons ce
que personne ne pourra jamais trouver, ce
que l'esprit ne peut concevoir , ni la parole
exprimer. 11 n y a que celle-là seule qui
éprouva alors ces horribles douleurs qui ea
puisse parler. Mais ne donnons pas toutes
nos louanges à la mère, réservons-en pour
les filles, elles ne méritent pas moins nos
éloges et notre admiration. Avouons que
l'obéissance n'était pas en cette occasion une
vertu trop aisée à mettre en pratique. Cepen
dant Domnine n'a que faire de cordes ni de
chaînes pour attacher les victimes, elles
S39 DOM
suivent de leur bon gré, elles ne s'enfuient
point de l'autel. Elles entrèrent dans l'eau
avec une tranquillité et une joie surpre-
nante. Elles eurent môme la présence d'es-
prit et la charitable prévoyance de laisser
leurs souliers sur le rivage, afin que leurs
gardes ne fussent point en peine à leur
considération, et que ces souliers, trouvés
sur le bord du fleuve, leur pussent servir de
décharge auprès du gouverneur, qui aurait
pu les accuser, non sans quelque couleur,
de s'être laissés corrompre par l'argent ou
parles charmes de leurs prisonnières, et d'a-
voir facilité leur évasion.
Ne vous sentez-vous pas maintenant tout
remplis de vénération, d'amour et de res-
pect pour la mère et pour les tilles? Profi-
tons de ces moments de ferveur, et allons
nous prosterner devant leurs reliques. 11 est
certain que les châsses des martyrs et leurs
os sacrés ont la vertu d'attirer les grâces et
les bénédictions du ciel sur ceux qui les
révèrent.
DOMNINE (sainte), martyre, habitait Egée
en Cilicie. Au commencement du règne de
Dioclétien, elle y fut arrêtée pour la foi, avec
sainte Théonille,et les saints Claude, Astère
et Néon, en l'année 285. Le proconsul de la
province, nommé Lysias , leur fit souffrir à
tous de cruels supplices avant de les faire
mourir. ( Voy. les Actes de cette sainte à
l'article Claude. ) La fête de tous ces saints
martyrs est inscrite au Martyrologe le 23
août.
DOMNINE (sainte 1, souffrit le martyre en
Lycie, sous le règne de l'empereur Dioclé-
tien. Nous n'avons aucun détail au sujet de
ces saints combattants de la foi. L'Eglise fait
leur fêle le il octobre.
DOMNINE (sainte), vierge et martyre, souf-
frit la mort pour la défense de la religion,
avec plusieurs autres vierges, ses compagnes,
dont nous ignorons com[)létement les noms.
L'Eglise fait leur mémoire le li avril.
DOMNION ( saint ), soullrit le martyre à
Bergame. On ignore complètement la date
et les diverses circonstances de son combat.
L'Eglise fait sa mémoire le IG juillet.
DOM THÉODORE, Al)yssinien, fut empri-
sonné le 30 sej)lembre lii'fS, en Abyssinie,
sous le règne (;t durant la persécution de Ba-
silides, Négous de ce pays, en haine de la re-
ligion catholiipie. Il eut ])our compagnons de
sa captivité Ilium Laça Marian, Don Jean,
Don Melca Christos.
DOMACEOS ((iAiJuiEL), capitaine en Abys-
sini(,', fut exilé durant le règm; du i)ersécu-
teur Basilidcs, Négous de ce i)ays, {)our n'a-
voir pas voulu livier le P. Noguerra, vicaire
apostolique de Meiidez.
DONAT ( saint ), martyr, fut mis à mort h
Borne pfjur la loi chrétienne, av(M; saint AI)on-
dance, saint Léon cX saint Nicéijhore. L'E-
glise célèbre lafètede ces saints le 1" mars.
(P;is d'Actes.)
DONAT (saint;, mnrtyr .'i Carthago en 250,
sous le règne et durant la persécution do
l'empcrcMw Dèce, mourut de l'iiim diuis un Cii-
chot où il fut renfermé aveu une foule de
DON
840
chrétiens qui tous reçurent la glorieuse cou-
ronne du martyre. (Voy. Victgrin.) L'Eglise
fait la fêle de tous ces martyrs le 17 avril.
DONAT ( saint ), évêque d'Arezzo en Tos-
cane, fut arrêté pour la foi au commence-
ment du règne de Julien l'Apostat, et con-
damné h être décapité. Quadratien, préfet
impérial de Toscane, qui l'avait fait arrêter,
lui fit souffrir divers supplices qu'il endura
avec beaucoup de courage, avant de pronon-
cer contre lui la peine capitale. Ses reliques
sont dans une châsse à Arezzo, dans l'église
cathédrale. La fête de ce saint est inscrite au
Martyrologe le 7 août.
DONAT ( saint |, martyr, versa son sang
pour la religion chrétienne, durant la persé-
cution des empereurs romains, avec les
saints Sabin et Agabe. L'Eglise les honore
tous les trois le 25janvier.
DONAT ( saint ), martyr, versa son sang
pour la foi, àCapoue, avec les saints Quince
et Arconce. On ignore la date et les circons-
tances de leur martyre. Le Martyrologe ro-
main n'en dit absolument rien. L'Eglise ho-
nore la sainte mémoire de ces martyrs au 5
sej)tembre.
DONAT (saint), martyr, cueillit la palme
du martyre à Fossombrone. On ignore à
quelle époque et dans quelles circonstances.
Le Martyrologe romain dit seulement qu'il
eut pour compagnons de son martyre les
saints Aquilin, Géminé, Gélase et Magne.
L'Eglise honore leur sainte mémoire le 4 fé-
vrier.
DONAT (saint), reçut la palme du martyre
à Concordia, avec les saints Secondien, Bo-
mule et quatre-vingt-six autres, dont les
noms nous sont inconnus. Nous n'avons au-
cun détail sur eux. L'Eglise fait leur fête le
17 février
DONAT ( saint ), martyr, versa son sang
pour la confession de la foi, à Alexandrie.
La date de son martyre est inconnue. 11 eut
pour compagnons de ses combats les saints
Mansuet, Sévère, Appien, Honorius et d'au-
tres encore dont les noms ne sont ]>oint par-
venus à la postérité. L'Eglise vénère leur
mémoire le 30 décembre.
DONAT (saint), reçut la palme du martyre
à Antioche. 11 eut pour compagnons de son
glorieux combat les saints Restilut, >'alé-
rien, Fructuose et douze autres dont nous
ne savons pas les noms. L'Eglise fait leur
fête le 23 août.
DONAT (saint), martyr, reçut la })alme des
courageux combattants de la foi, dans la ville
de t^ésarée en Cappadoce. Les compagnons
de son martyre furent les saints \'iclorius et
Polyeucle. L'Eglise fait leur sainte mémoire
le 21 mai.
DONAT (saint), fut prêtre et confesseur, et
habitait le diocèse de Sister(»n. Dès ses plus
tendres aimées, favorisé de plusit'urs grâces
paiticulières, il sc' retira dans la soliluiie où
j| demeura longlenms, et après s'être rendu
célèbre par l'éclat tie ses miracles, il passa
de la teri'e au ciel. L'Eglise fail sa fête le 19
aoùl.
DONA'r ' aiaiiil ), suullnt lu martyre eu
841
DON
DON
Wii
rhonnour do la foi avec saint Hcrmogèiu; ot
vingt-deuK autros dont les noms no sont
pas connus. Nous n'avons aucun détail sur
les circonstances de leur martyre. L'iiylise
fait leur sainte mémoire le 12 décendjre.
DONAT (saint), martyr, donna sa vie en
l'honneur de la toi, en Afric|ue. Nous ne pos-
sédons aucun détail sur lui et sur les com-
pagnons de ses soull'rances, l'évoque saint
Kpiphane,Rnlinet seize autres dontles noms
sont ignorés. L'Eglise lait leur fêle le 7
avril.
DONAÏ (saint), fut martyrisé en Afrique
avec les saints Juste, Hévénas et leurs com-
pagnons que nous ne connaissons pas. Nous
n'avons point de détails sur eux. L'Eglise
fait leur fête le 25 février.
DONAT (le bienheureux), naquit près de
Perpignan, dans la province d'Aquitaine. Il
partit avec trois autres Franciscains, nom-
més Nicolas de Taulicis, Pierre deNarhonne
et Etienne de Laniet, pour évangéliser les
inlidèles. Arrivés ^^ Jérusalem, ils résolun^it
de se rendre, un jour de solennité, dans la
mosquée du Temple, alin d'y prêcher Jésus-
Christ. Les mnhométans. furieux de cette
hardiesse, les battirent cruellement et lesje-
tèrent ii demi morts dans un noir cachot oii
ils restèrent troisjours sans manger. Au bout
de ce temps, ayant courageusement refusé de
rétracter publiquement leurs paroles insul-
tantes contre le prophète, ils furent massa-
crés à coups de hache et d'épée, le 11 novem-
bre 1391. Deux fois les infidèles voulurent
brûler les reliques de nos bienheureux,
deux fois ils furent obligés d'y renoncer. Ils
les enterrèrent secrètement, atin que leschré-
tiens ne pussent les enlever. {Chronique des
Frères Mineurs, {. lU, p. 16. Wadding, an.
1391, n" 1.)
DONATE (sainte), cueillit la palme du mar-
tyre à Carthage, en 200, sous le règne de
1 empereur Sévère. Elle faisait partie des
martyrs Scillitains. Sa fête a lieu le 17 juil-
let. {Voy. , pour les détails, saint Sperat. )
DONATE, nom d'une femme qui fut prise
à Rome avec saint Moyse et beaucoup d'au-
tres chrétiens, sous l'empire de Dèce, en
l'an 250, pour cause de christianisme. Elle
fut, comme les autres confesseurs, pendant
dix-huit mois en prison, où les souffrances
et les tourments ne purent ébranler son cou-
rage et sa constance. La lettre de Lucien,
confesseur de Carthage, aux confesseurs de
Rome, lettre qu'on trouve parmi celles de
saint Cyprien, fait mention de cette femme
courageuse. (Pour plus de détails, voy. saint
MOYSE.)
DONATE ( sainte), reçut à Rome la cou-
ronne du martyre, en 303, sous l'empire et
durant la persécution de Dioclétien. Elle fut
mise à mort sur la voie Salaria oij. elle de-
meura enterrée jusqu'au jour de sa transla-
tion qui eut lieu le 8 août de je ne sais quelle
année. Vingt-six chrétiens furent exécutés
le même jour dans le même endroit. L'E-
glise honore leur mémoire le 8 août. ( Voy.
Cyriaque. Voy. aussi l'abbé Grandidier,
Uisloirc de i Eglise de Strasbourg.)
DicnoNN. DES Persécutions. I
DONATE (sainte), reçut la palme du mar-
tyre à Rome, avec les saintes Pauline, Rus-
li(|ue, Nominande, Sérotine, Hilarie, et d'au-
tres encore dont les noms nous sont incon-
nus. L'Eglise célèbre leur mémoire le 31
décembre.
DONATIEN (saint),fatmartyrisé à Cartha-
ge, avec les saints Montan, Leuce, Flavien,
Julien, Victoric, Primole, Renus, Donation.
Ce fut en 259, sous l'empire de Valérien et
sous le gouvernement intérimaire de Soion.
(Pour plus de détails, il faut lire les Actes de
saint Montan. ) L'Eglise fait la fête de tous
ces saints martyrs le 2^i- février.
DONATIEN (saint), eut la gloire de donner
sa vie pour la religion chrétienne dans la
ville de Nantes, sous l'empire de Dioclétien
et de Maximien. Ses Actes, que nous don-
nons m extenso, ne nomment pas le préfet
qualifié président, par l'ordre duquel il fut
mis à mort. Ce fut très-probablement Ric-
tius Varus, qui était préfet de la Gaule Bel-
gique, et très-probablement aussi de la Celti-
que. Les Actes de saint Donatien, que nous
empruntons à Bollandus, sont communs à ce
saint martyr et à saint Rogatien son frère.
Il est très-utile de présenter aux chrétiens
les glorieux combats des martyrs, et d'apai-
ser pour ainsi dire avec ce sang précieux la
pieuse soif de leur âme. Les pasteurs se ser-
vent de ces grands exemples dans les ins-
tructions qu'ils font à leurs peuples au mi-
lieu des saints martyrs , et les fidèles, com-
prenant l'avantage et le gain solide qui se
trouve à mourir pour Jésus -Christ, vont
jusqu'à souhaiter le même sort.
Les empereurs Dioclétien et Maximien ,
continuant dans Rome leur bruiah; persécu-
tion contre les chrétiens , et voulant abattre
la vraie religion sous leur idolâtrie, envoyè-
rent au préfet des Gaules un ordre précis de
faire adorer dans toute l'étendue de son dé-
partement les statues de Jupiter et d'Apol-
lon, donnant leur parole que ceux qui con-
sentiraient au culte profane de ces faux
dieux, ou plutôt de ces véritables démons,
seraient couchés sur l'Etat, tâchant ainsi
d'exciter la cupidité si naturelle au cœur hu-
main, et croyant séduire par les bienfaits
ceux que les discours trouvaient invincibles.
Le même édit portait sentence contre ceux
qui persisteraient dans la confession du nom
de Jésus-Christ.
Il y avait alors à Nantes un jeune homme
appelé Donatien, illustre par sa naissance,
et plus illustre par sa foi, qui avait domptô
les passions de sa jeunesse par la maturité
de son esprit, et qui, soutenu et guidé par
la crainte du Seigneur, repoussait avec un
courage et une fidélité merveilleuse les tenta-
tions du malin esprit. Il était passé de l'ido-
lâtrie à la religion chrétienne; ainsi purifié
par l'eau du baptême, pénétré des saints
mystères , armé de la science de Dieu , il
faisait retentir hautement partout le triom-
phe de Jésus-Christ en sa personne ; et de
peur d'enfouir le talent que Dieu lui avait
confié, il jetait sans cesse dans le cœur des
gentils d'heureuses semences de notre foi.
27
S45
DON
DON
814
L'odeur de sa sainteté et les grâces de son
éloquence attirèrent bientôt Régalien son
frère, qui, quoique l'aîné selon l'ordre de la
nature, honora toujours en son cadet l'an-
cienneté de la foi et de la religion. Il {tressa
même ce cher frère de lui faire recevoir le
bapt-ème avant que la persécution éclatât,
de peur que cette tempête ne le surprît en-
core païen ou catéchumène , souhaitant ,
■disait-il, de combattre et d'être couronné
comme lui. Toutefois l'absence et la fuite
des prêtres fut un obstacle à ce désir ; mais
son sang suppléa glorieusement à l'eau qui
lui manqua.
Cependant le persécuteur, entrant dans la
ville de Nantes avec tout l'appareil de son
ministère, fut d'abord excité au carnage par
les habitants qui l'environnaient. Juge équi-
table, lui dirent-ils, vous arrivez heureuse-
ment pour ramener au culte des dieux cette
secte qui s'est détachée des Juifs mêmes
pour suivre le cruciûé. Nous vous donnons
avis que Donatien est ici le premier sur qui
vous devez exercer la rigueur de votre juge-
ment; car, non content de s'être soustrait à
notre religion , ses entretiens ont encore
perverti son frère , et l'un et l'autre , mé-
prisant impunément les dieux Jupiter et
Apollon, que nos invincibles empereurs
adorent, font presque céder la croyance an-
cienne et publique à leurs erreurs nouvelles
et singulières. Vous serez convaincu de la
vî'rité de ce rapport quand vous les inter-
rogerez vous-même. Le préfet, outré de co-
lère, cita incessamment 1 accusé à son tribu-
nal, et lui parla d'abord ainsi : Donatien,
on nous a dit de vous que non-seulement
vous ne reconnaissiez pas Jupiter et Apol-
lon, ces dieux qui vous ont donné la vie et
qui vous la conservent, mais môme que vous
alloz contre eux jusqu'à l'insulte et au blas-
phème, et que, prêchant au peuple je ne sais
quelle autre vie, vous en entraînez plusieurs
dans la secte du crucitié. Donatien lui ré-
pondit : Vous dites plus vrai que vous ne
pensez, en me reprochant de vouloir retirer
plasieurs de leur aveuglement, pour les faire
passer à la connaissance du Dieu seul qui
mérite nos adorations. Le préfet dit : Mets
lin à tes remontrances, ou l'on t'aura bien-
tôt ôté la vie. Donatien répondit : Vous
tomberez vous-même dans le malheur dont
vous me menacez, vous qui, enseveli dans
la superstition, préférez les ténèbres de vos
opinions h la lumière de Jé->us-Christ, que
vous ne VI. yez seulement pas. Là-dessus le
préfet en fureur le (il jeter, les fers aux pieds,
dans un cachot, afin (jue ia sévérité du ce
traitement ébranlât sa loi, ou du moins fOt
un exemple qui détournât les spectateurs de
l'imiter.
Alors son frèiv ayant été amené, le préfet
commenga à employer à son égard une dou-
ceur et des caresses emj)oisonnées , sachant
bien que les inaiiières (laiteuses et insi-
nuantes amolIiss(5nt souvent ceux (luc la
viohirice fait loidir. Kogalien, lui dit -il,
j'a|)prends que vous vous retii'(;z inconsidé-
j'étricnt du service dt.'S dieux, cpii vous ont
fait naître avec tant d'esprit et de sagesse ;
et j'ai un regret sensible qu'après tant de
preuves que vous avez données autrefois de
votre jugement, vous vous soyez laissé sur-
])rendre aux imaginations de quelques fré-
nétiques. Ne voyez-vous pas que pour ce
Dieu seul que vous confessez, vous encourez
l'indignation de tous les autres ? Mais enfin,
puisque vous n'êtes pas encore souillé du
baptême des chrétiens, si vous ne vous obs-
tinez pas dans votre première démarche ,
vous pourrez encore espérer de votre for-
tune ae passer dans le palais des empereurs
et dans les temples des dieux une vie heu-
reuse, et même plus honorable que celle que
vous avez menée jusqu'à présent. Rogalifin
ré[)liqua : Vous réussissez paifaitement à
faire de mauvaises promesses, mauvais juge
que vous êtes, qui nommez vos empereurs
avant vos dieux. Mais quel rang tiennent
dans vos temples mêmes ces divinités, qui
sont en effet inférieures aux hommes, quoi-
([u'au fond vous participiez fort à leur mi-
sère ; puisque, si elles sont sourdes par la
matière qui les compose, vous l'êtes aussi
à l'égard de la vérité ; si elles n'ont point
d'âme, vous n'avez poict de discernement ?
N'est-il pas juste, après tout, que tous ceux
qui adorent des pierres deviennent sembla-
bles à elles ?
Le juge aussitôt dit à ses satellites : Menez
ce disciple insensé dans la môme prison que
son maître, afin. que dès demain le glaive de
la justice venge publiquement l'injure faite
à nos princes. C'est ainsi que ces deux flam-
beaux de la foi, i)lacés dans un lieu obscur
et ténébreux, l'éclairèrent plus par leur pré-
sence qu'ils ne souffrirent de son incom-
modité. Le bienheureux Rogatien s'attristait
seulement de se tiouver encore sans bap-
tême ; il lui semblait toutefois que les em-
brassements de son frère lui tenaient lieu de
ce bain salutaire. Donatien , de son côté ,
touché de son aflUction, se répandait en
prières pour son frère, et disait : Seigneur
Jésus-Christ, qui, dans l'ordre de votre jus-
tice, égalez les désirs sincères aux effets,
puisqu'enfin, ne nous laissant que les vœux,
vous vous êtes réservé l'exécution , que la
foi pure de Rogatien lui serve de baptême ;
et s'il arrive que le préf(?t nous fasse mourir
dès demain, comme il a résolu, (jue le sang
de votre serviteur soit pour lui une ablution
et une onction sacramenlale. Ayant achevé
celte prière , qui partait du plus ])rofond de
son cœur, ils veillèrent toute la nuit, et lo
jour étant venu , ils attendaient l'heure de
leur mort et de leur récompense.
Le préfet s'étant assis sur son tribunal,
comme le j(-)ur précédent, il voulut juger' ces
saints confesseurs en i)résence de tout le
j)euple. L'on vil sortir d'une prison lugubre
ces objets d(! la joie des anges ; la Uwvg sèche
et aride d"nn c.ieliot avait produit ces fiuits
he;neux de l'Eglise. L(!S épines de la trihula-
lion environnaient ces i-oses sacrées. Kniin,
dans un corps chargé (h; cliaines , leur âmo
était (l(!vemi(! i>lus libre et plus forte pour
résister au tyran. Ne vous attendez pas, leur
84S
DOR
DOR
m
dit-il, que ju commence oncore avec vous
par la douceur ; le devoir do ma charge y
serait cuitiu intéressé ; et d'ailleurs vous vous
en tMes rendus indi^^jnes eu refusant de re-
comiaitre la majesté des dieux; on, ce qui
est eueon> i)lus criminel , en la foulant aux
pieds, après l'avoir reconnue. Les deux mar-
tyrs lui répondirent : Votre sagesse, qui est
au-dessous de toute ignorance et de toute
stupidité, égale celle de ces figures insensi-
bles de pierre et de métal que vous adorez.
Pour la nôtre, elle consiste .^ nous résoudre
à tous les tourments (qu'inventera la rage de
vos bourreaux : nous ne perdons rien en
rendant notre vie à celui de (jui nous la te-
nons , et recevant en éc^hange le trésor et le
poids immense de la gloire qui nous attend.
Le préfet, frémissant de courroux, les lit
étendre sur le chevalet , voulant au moins
briser leurs corps , s'il ne pouvait rien sur
leurs âmes ; et satisfaisant d'autant plus sa
fureur, (jue le bourreau serait longtemps à
les tourmenter sans leur ôter la vie. 11 or-
donna néanmoins qu'après ces longues et
cruelles épreuves on leur tranchât la tête.
L'exécuteur . par une indigne complaisance
pour le préfet , laquelle augmenta le mérite
de ces saints martyrs, leur enfonça une lance
dans la gorge, avant que de les achever avec
l'épée.
C'est ainsi qu'ils montèrent tous deux au
ciel : Donatien , glorieux d'avoir gagné son
frère; etRogatien, heureux d'être parvenu
comme lui à la couronne du martyre ; l'un
ayant été la cause du salut de l'autre, et la
conversion de celui-ci faisant la récompense
du premier. Soutenus par une abondante
grâce, fortifiés par l'espoir du prix qui s'ap-
proche , ils consommèrent heureusement
leur vie par une mort salutaire, qui les fait
régner éternellement avec celui auquel soit
honneur et gloire dans tous les siècles des
siècles. Ainsi soit-il.
DONATILLE (sainte) , vierge et martyre.
Voici ce qu'à propos d'elle nous trouvons
dans le Martyrologe romain « A Tabarbe en
Afrique , les saintes vierges et martyres
Maxime, Donalille et Seconde. Les deux
premières, durant la persécution de Valérien
et dallien, furent abreuvées de vinaigre et
de fiel, puis déchirées à coups de fouet,
étendues sur le chevalet, rôties sur un gril,
frottées avec de la chaux, entîn exposées aux
botes, avec Seconde, jeune vierge, âgée seu-
lement de douze ans; mais, n'en ayant leçu
aucun mal , elles furent égorgées. » L'Eglise
fait la fête de ces trois saintes le 30 juillet.
DONAÏCS (JuTsiusi, préfet de Rome sous
Valérien, fit mourir, ei\ 257, dans cette ville,
les saintes Seconde et Rufine, filles d'Asté-
rius, homme de famille sénatoriale. Il les fit
tourmenter, puis décapiter.
DORMANTS (Les sept) d'Ephèse, sont fê-
tés par l'Eglise le 27 juillet. Nous reprodui-
sons ici ce que nous en avons dit dans notre
Histoire des persécutions, vol. II, p. 166.
Nous ne ferons que passer sur l'histoire des
sept Dormants d'Ephèse, que nous trouvons
dans saint (Grégoire de Tours. Ce saint prélat
n'a certes pas voulu tromper; mais il a pu
l'être. Voici ce qu'il raconte dans la traduc- ^
tion qu'il a faite d(; celte histoire, dans
Photius et dans les menées des (îrecs : Sept
chrétiens que les Latins nommrmt Maximien,
Malc, Martinien, Denis, Jean, Séra[)ion, Cons-
tantin , ai)rès avoir confessé Jésus-Christ
sous l'empire de Dèce, furent enf(^rmés dans
une caverne dont on mura l'entrée. Ils s'y
endormirent, selon Manassé, historien grec;
y moururent selon d'autres, et environ deux
cents ans après, sous le règne de Théodose
le Jeune, se réveillèrent ou ressuscitèrent,
parlèrent â plusieurs, notamment à l'évèque
et à l'empereur, qui vint de Constantinople
pour les voir; puis, s'étant prosternés en
terre, ils rendirent l'esprit tous ensemble.
Voilii qui sent trop le merveilleux pour
être admis sans preuves irréfragables ; Ba-
ronius, Tillemont, n'hésitent pas à rejeter
cette histoire de réveil ou de résurrection.
La vérité est probablement, que ces saints
furent en effet renfermés dans une caverne,
oi\. on les retrouva deux cents ans après.
L'Eglise appelle ordinairement sommeil la
mort de ceux qui donnent leur vie pour
Dieu, ou qui finissent saintement. I) est à
croire que des historiens peu attentifs ont
pris à la lettre ces expressions figurées, et
se sont basés sur cette interprétation erronée,
pour écrire le récit des faits qui nous occu-
pent; peut-être avait-on dit figurément aussi
que la découverte des reliques des saints
dans cette caverne était un réveil ou une
résurrection.
Nous trouvons dans Godescard un pas-
sage qui doit trouver ici sa place : La vérité
est que leurs reliques furent découvertes en
cette année 479. On les porta à Marseille, et
l'on montre encore dans l'église Saint-Victor
un grand coffre de pierre qu'on prétend
avoir servi au transport. La mémoire de ces
saints martyrs est en grande vénér-ation chez
les Grecs, les Syriens, et tous les peuples
de l'Orient.
On voit à Rome dans le muséum Victo-
rium, une pierre factice qui ressemble assez
à une pierre précieuse ; on a gravé dessus
un groupe de figures qui représentent les
sefit Dormants, chacun avec son nom. Jean
et Constantin ont deux massues près d'eux;
il y en a une pleine de nœuds, près de
MaximiHen; Malchus et Martinien ont deux
haches à leurs côtés ; Sérapion, une torche
enflammée, et Danésius ou Denis, un grand
clou. On a peut-être voulu représenter les
différents genres de supplices qu'on leur fit
souffrir. Les sept martyrs paraissent fort
jeunes, ce qui s'accorde avec plusieurs an-
ciens monuments, où ils sont appelés en-
fants.
La caverne où leurs corps furent trouvés
devint célèbre par la dévotion des fidèles.
On la montre encore aux voyageurs qui vont
dans le Levant.
DOROTHÉE (saint), évêque de Tyr et mar-
tyr , succéda à saint Métnode, évêque de
cette ville. Si l'on en croit saint Jérôme, il
reçut la couronne du martyre. Théophane
847
DOR
DOU
848
raconte qu après avoir souffert de granas
tourments sous Dioclétien et sous Liciuius,
il fut mis à mort par les olliciers de Julien
l'Apostat, dans la cent septième année de sa
vie. L'Eglise honore sa mémoire le 9 oc-
tobre.
DOROTHÉE DE TYR (saint), était prêtre se-
lon quelques-uns, et, selon d'autres, évèque.
On ne sait presque rien sur lui. Les anciens
martyrologes assurent qu'il subit de cruelles
tortures pour la défense de la foi, sous le
• règne de l'empereur Dioclétien. On croit du
' reste qu'il ne succomba pas à ses souffrances
et qu'il vécut jusqu'au commencement du
rè^ae de l'empereur Julien l'Apostat. Les
Grecs modernes et d'autres prétendent qu'il
reçut la palme d'un glorieux martyre, dans
la 'ville d'Odyssopolis en Thrace. L'Eglise
célèbre sa fètè le 5 juin.
DOROTHÉE (saint) , martyr , premier
chambellan de l'empereur Dioclétien, avait
sous ses ordres Gorgone et Pierre comme
sous-chambellans. Tous trois étaient eunu-
ques des plus considérables du palais. Très-
zélés pour les intérêts du prince, ils occu-
paient les premières charges de l'Etat.
Quand l'infâme Galère accusa les chrétiens
de l'incendie de Nicomédie, que lui-même
avait allumé, Dorothée et Gorgone furent
arrêtés. On les soumit à de cruelles tortures,
et enfin on les condamna à périr par stran-
gulation. Quant t\ Pierre, sa mort fut terrible
et affreuse par les supplices qui la précédè-
rent. 11 fut élevé tout nu en l'air et déchiré
à coups de fouet, jusqu'à qu'on lui vit les os.
On versa dans ses plaies du sel et du vinaigre,
puis enfin on l'élendit sur un gril où on le
lit brûler à petit feu. Rien de ces atroces sup-
plices ne put ébranler le courage du martyr.
Il mourut en rendant gloire à Jésus-Christ.
L'Eglise fait la fête de ces saints le 9 sep-
tembre.
DOROTHÉE- (saint), martyr, cueillit la
palme du martyre à Tarse en Cilicie avec
saint Castor. Le Martyrologe romain ne nous
donne aucun détail sur ces deux saints.
L'Eglise fait leur mémoire le 28 mars.
DOROTHÉE (sainte), mourut martyre à
Aquilée, sous la persécution de Néron, avec
les saintes Eu[)hémie et Thècle, et saint
Erasme. (Pas de documents certains.) Ce fut
le prêtre Hermagore qui les enterra. On
fait la fête de sainte Dorothée le 3 septembre.
DOROTHÉE (sainte; , vierge et martyre,
est honorée yiar l'Eglise le G février. Elle
souffrit la mort pour la foi chrétienne dans
le commencement du iv' siècle, durant la
persécution de l'empereur Dioclétien. Ce
que nous savons d'elle nous vient de saint
Adhelme. IL. de Laud. virgin., c. 25). Pour
la (;onlraindi(ï à se mai-ier ou à adorer les
idoles, Kabricius, gouverneur- de Ca[)pado(e,
lui lit endurer les tourments l(;s plus cruels.
La saifite, au lieu (h; succomber, résista cou-
rageus(Mrient, et eut mênu! l(i bonheur de
convertir deux lemmes <jni avaient aposta-
sie et qu'on avait ehargéis de la séduire.
Voyant que rien ne [)Ouriait l'arnoner à lui
ob'-ii', F<il)rif;iiis In condaiima à être •J'icapi-
tée. On raconte que, comme elle marchait
au supplice, un jeune honmic, nommé Théo-
phile, qui lui avait entendu dire qu'elle
allait trouver son divin époux, lui demanda
en se moquant d'elle, de lui envoyer des
fruits et des ffcurs du jardin de cet époux.
Dorothée, par un elh't miraculeux de la puis-
sance de Jésus-Christ, lui envoya immédia-
tement des fruits et des iïeurs. Frappé de ce
prodige, Théophile se convertit immédiate-
ment. Le corps de sainte Dorothée est ac-
tuellement dans l'église ({ui est à Rome au
delà du Tibre, sous son invocation.
DOROTHÉE (sainte), était d'une des fa-
milles les plus nobles et les plus riches
d'Alexandrie. N'ayant pas voulu condescen-
dre à satisfaire la passion brutale qu'avait
conçue pour elle l'empereur Maximien, elle
fut dépouillée de tous ses biens et condamnée
à l'exil, en 308. (Rutin, 1. vni, c. 17.)
DORYMÉDON (saint), martyr, était séna-
teur de la ville de Synnade, oii se trouvait
Dionisius Perennius, gouverneur de Phry-
gie, quand le vicaire de la province lui en-
voya saint Trophime, qu'il avait déjà fait
mettre à la question. Le gouverneur, ayant
fait souffrir divers supplices au saint, le fit
jeter en prison. Dorymédon, qui déjà était
chrétien, ou qui, comme beaucoup le pré-
tendent, fut converti par saint Trophime,
l'allait voir dans sa prison. Ce devoir de
charité qu'il accomplissait en allant visiter
le saint martyr fut cause qu'on l'arrêta lui-
même. H fut exposé aux bêtes avec Tio-
phime, à qui l'affreuse cruauté du gouver-
neur fit d'abord crever les yeux. Les bêtes
n'ayant pas voulu leur faire de mal, le
gouverneur les fit décapiter tous deux, le
19 septembre, jour auquel l'Eglise latine et
l'Eglise grecque, dans lesquelles ils sont
fort célèbres, font leur fête. Le saint souffrit
sous l'empire de Probus.
DOUNOUAS ou DuNAAN (Joseph), roi juif,
gouvernait l'Hemiar, grand pays de l'Arabie
Heureuse, dont les Grecs appelaient les habi-
tants Homérites. Ce prince, grand ennemi des
chrétiens, et qui était très-cruel, fut sur-
nommé ïauteur des fosses, parce qu'il faisait
précipiter les chrétiens- de sa province dans
des fosses pleines de feu, et les y faisait
cruellement brûler, quand ils refusaient
d'embrasser la religion juive. Dunaan vint
mettre le siège devant la ville de Négra ou
Nagéran , dont tous les habitants vivaient
sous la loi de l'Evangile, la cin(juième
année de Justin , ((ui est l'an 522. Ce
nrince, ne pouvant s'emparer de la ville par
la force, ne craignit jtoint de pai jurer ses
serments et y entra par une conqx'silion
(pi'il com|)tait bien violer; une fois maître
de la ville, il essaya, par toutes sortes do
moyens, d'amener les habilanls à renier
leur foi et à embrasser le ju liiisiiie. Il osa
violer le lomlxïau de révê(pu.> Paul, mort
deux annéi'S auparavant, et lit brûler ses os;
les prêtres, b'S moines et les religieuses
iiircnl jetés dans un bûcher ardent, où ils
p(''rirenl en riionin'ur du nom de Jésus-
(^hrisl. I^.i vilk- avait pour gouverneur un
849
DR A
J)K()
850
vénérable vieillard noiiiiné Aréthas : oubliant
tout respect pidir le courage iiiallieuroux et
pour le grand A'^o de ce vieux capitaine, il
fui fit trancher la tôte ainsi qnh un j^raiid
nombre d'Iiahitants. Beaucoup de feuiuies
subirent aussi le UK^me sort; il emmena
enfin toute la jeunesse de la ville en ca(,)li-
vité. L'Eglise célèbre coUectivenuMit la itUo
de tous les saints martyrs, (jui furent brûlés
par ce prince impie, le vingt-septième de
juillet; saint Aréthas est insci'it en parli(;u-
lier au Martyrologe romain, le vingt-qua-
trième d'octobre, avec trois cent quarante
autres de Négran et une sainte femme dont
le fils, âgé seulement de cin([ ans, se jeta
dans le feu où était déjà sa mère, en confes-
sant Jésus-Christ.
Bientôt Dieu infligea à Dunaan le cliûti-
ment que méritait ,sa barbarie sacrilège.
En effet , l'année suivante, Elesbaan, roi
d'Auxume, ville située en Ethiopie, qui
était chrétien et ennemi du roi de la pro-^
vince d'Hémiar, se résolut à punir ses for-
faits. Soutenu par l'empereur Justin et par
toutes les forces d'Egypte et d'Orient, il at-
taqua Dunaan par terre et par mer, le prit
avec les principaux de sa fciraille, le fit
mourir et soumit l'Hémiar à sa puissance.
Après avoir été ainsi l'instrument de la
vengeance divine, il prit l'habit monastique
et consacra le reste de ses jours au service
du Seigneur Des Arabes prétendent que
ce Dunaan ne fut pas pris par Elesbaan, mais
que, pressé par les Ethiopiens, il s'élança
dans la mer avec son coursier et y trouva la
mort. Quoi qu'il en soit, le ciel sut venger
la mort des saints martyrs qu'il avait tour-
mentés avec tant de barbarie.
DOUZELI (François), de Grenade, frère
mineur, fut tué par les tlèches des Chichimè-
ques en se rendant à Saint-Michel. Il eut
pour compagnon de son martyre le frère
Pierre de Burgos. {Chronique des Frères Mi-
neurs, t. IV, p. 7G8.)
DOWNAR (Baptiste), l'une des religieuses
de Saint-Basile, établies à Minsk enLiihuanie,
et connues sous le nom de filles de la Sainte-
Trinité, qui furent expulsées de leur cou-
vent et livrées aux persécutions les plus vio-
lentes dans le courant de l'année 1837, par
le czar Nicolas et Siemaszko, évêqne apos-
tat. On les avait renfermées dans un cou-
vent, enlevé à d'autres religieuses pour pas-
ser entre les mains d'une communauté de
Czernice ou Filles-Noires , recrutées parmi
les veuves de soldats russes et les filles de
mœurs déréglées. Ces filles passaient leur
temps à se dire des injures, à se battre et à
s'enivreravec de l'eau-de-vie.Unjour qu'elles
avaient peut-être bu plus qu'à l'ordinaire ,
elles se saisirent de Baptiste Downar, et l'en-
fermèrent dans un grand poêle o\i elle fut
brûlée vive. {Vot/. l'art. Miecztslawska.)
DRACONCE , gouverneur de Campanie
sous rem[)ire de Dioclétien, en l'année 305,
fit arrêter, fouetter cruellement et emprison-
ner saint Sosie, diacre de Misène. Plus tard,
ayant su que le diacre Procule et deux bour-
geois de Pouzzoles, Acuce et Eutice, venaient
visiter le saint dans sa prison, il li'S iil em-
prisoiuiei- aussi, api'ès leur avoir fait subir
le même traitement. Dio(déti(;n luidoruia pour
successeur un nonnné 'rnioTufei;. ( Voy. cet
article.)
DUISIPAUE, ville de la Pannonie, où. saint
Alexandre et saint Caius furent martyrisés
pour la foi. {Voy. les articles de ces deux
saints.)
DROSIS (sainte), vierge et martyre, mou-
rut |)our la foi chrétienne à une époque qu'il
nous (;st impossible de préciser. Elle n'est
pas au catalogue des saints : c'est par erreur.
Voici ce que nous trouvons relativement à
son martyre dans saint Jean Chrysostome.
« J'avoue que je me sens pour les mar-
tyrs une dévotion tendre et aftectueuse ;
j'aime à célébrer leurs fêtes, j'aime à publier
leurs louanges, à décrire leurs combats, sur-
tout lorsque des femmes en sont les hé-
roïnes. Car plus le vase qui reçoit la grAce est
fragile, plus cette grâce est précieuse, qui
le conserve, qui le fortifie, qui fait qu'il ré-
siste. Plus celui qui combat est faible , plus
les trophées qu'il s'élève après sa victoire
sont glorieux. Que pourront dire à l'avenir
les hommes, qu'allégueront-ils pour excuser
leur lâcheté , lorsque des femmes montrent
un courage viril', lorsqu'on les voit se pré-
parer à combattre pour la piété et la religion
avec une ardeur et une assurance peu com-
munes? Il n'y a donc plus d'âge, il n'y a
plus de sexe, il n'y a plus de condition qui
puisse servir d'excuse à une vie molle, à un
chrétien lâche. On peut espérer de vaincre ,
on le doit, dès qu'on se sent un cœur animé
d'un vrai zèle, d'une foi ardente. La grâce ,
et par conséquent l'assurance de la victoire,
ne saurait manquer à quiconque ressent en
lui-même ces dispositions, comme elle ne
manqua pas à la bienheureuse Drosis, qui
en était toute remplie.
« Cette illustre vierge avait un corps faible,
elle était d'un sexe qu'on croit pouvoir atta-
quer impunément ; son âge enfin tendre et
peu avancé ne lui donnait ni autorité ni
force ; cependant la grâce entrant dans son
âme, en chasse la timidité et la faiblesse, lui
donne comme une teinture de valeur et de
fermeté, et la dispose à se jeter dans les pé-
rils sans les craindre. Certes, il n'est point
d'homme sur la terre moins capable d'être
ébranlé par la crainte que celui qui craint
Dieu ; que ses ennemis emploient pour le
combattre et le fer, et le feu, et les bêtes fa-
rouches ; percé, brûlé, déchiré, il se rira de
ses ennemis, il les regardera avec une fierté
méprisante. Telle fut notre jeune martyre.
Car, après que le tyran eut fait allumer en sa
présence un grand feu, il ne voulut pas d'a-
bord l'y faire jeter, ni même lui faire couper
la tête, de peur qu'une mort trop prompte
ne finît trop tôt le combat; mais voulant l'in-
timider pour la vaincre après avec plus de
facilité, il lui met devant les yeux un bûcher
ardent préparé pour elle. La flamme s'élève
avec impétuosité ; mais loinde jeter la frayeur
dans l'âme de Drosis, elle ne fait que l'en-
flammer du désir d'en être consumée, et
9SI
DKO
DIB
8S2
qu'augmenter l'ardeur de ce feu sacré que
son chaste cœur a conçu pour Jésus-Chrisl.
ElJe se ressouvint des trois enfants de la four-
naise, elle s'imagina être avec eux au rai-
lieu des flammes, les combattre, les fouler
aux pieds, et recevoir avec ces trois jeunes
combattants une quatrième couronne. Ainsi
que les objets paraissent à un fr(^néti(jue tout
autres qu'ils no sont en olïet, qu'il se jette
sans rien craindre sur la pointe des épées ,
au'il se lance hardiment au milieu d'un feu,
ans un précipice, et que son es})rit offusqué
des noires va|)eurs de sa maladie ne voit pas
des périls (|ui font frémr les autres; de môme
notre héroïne, possédée d'une divine fureur,
et poussée, si j'ose m'ex|)rimer ainsi, d'une
sainte frénésie que lui cause l'ardent amour
qu'elle a pour Dieu , n'aperçoit rien de tout
ce qui est devant ses yeux ; mais comme ra-
vie en extase, et tout occupée de la gloire et
des plaisirs qui l'attendent dans le ciel, elle
ne voit rien sur la terre qui lui paraisse di-
gne de son attention ou de sa crainte. Elle
croit que la flamme qui s'élève au-dessus du
bûcher (où entin elle vient de monter) n'est
tout au plus qu'une exh.daison qui va se ré-
soudre en une pluie doi/ce et agréable. Je
regarde donc ce brasier comme une eau
claire, où un excellent ouvrier vient tremper
un acier fin dont il veut faire un ouvrage
curieux ; ou, plus naturellement, comme un'
fourneau où la belle Ame de Drosis est mise,
ainsi qu'un or très-pur, pour en sortir en-
core [)lus épurée. Sa chair se fondait, ses
nerfs se réduisaient en cendres, ses os se
calcinaient, son sang et sa graisse coulaient
de toutes parts, et son âme en devenait plus
éclatante. Quelques-uns de ceux qui étaient
témoins de son supplice, voyant qu'elle se
consumait , s'imaginaient que dans peu elle
ne serait plus, et elle ne faisait au contraire
que s'embellir. Qu'un homme peu expéri-
menté dans la fonte des métaux voie de l'or
dans un fourneau se fondre, couler et se mê-
ler parmi des cendres, il pense en lui-même
?[ue cet or est entièrement perdu ; mais l'or-
èvre a bien une autre pensée : il sait que ce
précieux métal n'en sera que plus beau, plus
pur, plus fin ; il s'en sert pour encliAsser des
diamants et des perles. C'est ainsi cpie les
païens, apercevant que le feu faisait insensi-
blement perdre au corps de notre martyre
sa figure, que ce corps ne se distinguait plus
d'un monceau de cendres, croyaient (pi'ello
n'était ()lus elle-même qu'un |)eu de pous-
sière; mais les fidèles (;n jugeaient bien au-
trement , ils n'ignoraient pas ([u'elle sub-
sistait plus (pie jamais, el ils regardai(;nl avec,
plaisirsf)!! Ame s'élever au ciel toiii(!l)iill.uite.
« Disijns |)lus : h; bûcher sur le(piel elle
monta devint |)Our elle un tbéAtre (riioiineui-,
où, avant même la résurr(iclio i , elle parut
vi(;lori(iuse de ses ennemis; car à mesure que
le feu agissait sur sa chair, il la faisait pi'-
liller, et ce bruit mettait on fuite les puis-
sances de l'enfer. Voy(!Z ce soldat couvert
de ses armes; écoulez le cliquetis (ju'elles
font lorsqu'il iruir'(;hi! au cmiibal ; ce son
i'jierrier qu'elles produisent a je ne sais quoi
qui inspire de la frayeur, du moins aux âmes
timides. Il en est de môme de la peau de Dro-
sis, elle fait fuir les démons par le bruit
qu'elle rend dans le feu. Mais ce n'est pas le
seul moyen dont elle se sert pour les chasser ;
car après ([iie la llamme a eu pénétré ses
membres, la fumée cpii s'élève de tout son
corps embrasé, rencontrant en l'air ces mal-
heureux esprits , leur donne la chasse , ils
n'en peuvent soullrir l'odeur ; et si la fumée
im[)ure des sacritices a pu corrompre et in-
fecter l'air même , cette autre fumée qui
monte du bAclicr de Drosis lui rend sa pre-
mière pureté. Oserais-je faire une compa-
raison entre deux choses entièrement op()0-
sées, entre un -J)ùcher et une fontaine ? Car
de même que l'admirable Drosis , pour se
laver dans une fontaine, se serait au[)aravant
dépouillée de ses habits ; ainsi voulant net-
toyer son âme de toutes ses taches, et la ren-
dre plus belle aux yeux de son époux , elle
l'a purifiée dans les flammes , après avoir
f{uitté sa robe, je veux dire son corps. La
voilh que les anges accompagnent , avec en-
core plus de joie qu'ils n'accompagnaient
l'âme de Lazare lorsqu'elle prit son vol dans
le sein d'Abraham. Ne pourrions-nous pas
encore appeler ce bûclier un vaisseau rem-
pli d'une teinture de pourpre, où Drosis se-
rait venue teindre sa robe pour être reçue
dans la salle des noces.
« 0 merveilleux bûcher ! quel trésor ne
renfermes-tu pas en toi? une cendre plus
précieuse que l'or, d'une odeur plus agréable
que les parfums les plus exquis, plus bril-
lante que les rubis et les diamants. Et certai-
nement les relicjues des martyrs ont un pou-
voir que ni l'or ni les perles n'auront jamais.
L'or ne saurait chasser les maladies. A-t-on
vu la mort obéir à l'or, et, à son seul attou-
chement, abandonner un corps dont elle se
serait dôjh em[)arée?Non, sans doute; et c'est
ce que font tous les jours les reliques des
saints martyrs. »
DKUSE (saint), souffrit le martyre pour la
foi , à Antioche, avec les saints Zozime et
Théodore. Les Actes des martyrs ne nous
ont conservé aucun document relativement
à eux. L'Eglise célèbre leur sainte mémoire
le IV décembre.
DilUSUS (saint), martyr, versa son sang en
l'honneur de Jésus-Christ avec les saints
Lucien, Métrope, Paul, Zénobe et Tliéotime.
Ce fut à Tripoli que ces coui-ageux combat-
tants soullVireiit le maityr(\ Nous n'avons
pas d'autres détails sur leur conipl(>. L'Eglise
nonore leur sainte mémoir(î le !2'i décemhre.
D11I5AC (Clahik), ursuliiie, fut guillo-
tinée le^O Juillet I7i)'i-, à Orange, avec Tlié-
rèst! Cousoioii , sui)érieure des Ursulines de
Sisleron ; Anne Cartier, ursiiline au Pont-
Sainl-Esprit ; Marguerite Br)niu>l, religieuse
du Saint-Sacrement, el Madeleine-Caiho-
riiie de Justamon , (pialrièiue martyre du
même nom el de la même famille. Quand le
juge (lenianda .^i la so'ui- Claire Diibac , qui
elle était : « Je suis religieuse, répondit-ello,
(H je h; serai jusqu'à la mort, de cœur et
d'Auio. »
955 W
DURFUUON ( le bienheureux ) , iunil>i ,
missionnaire do la compajUnio de J(''.siis, par-
tit le IV novembre 1710, d.' ran'lii|)el des
PhiiipiiiiU'S, acAOïupagné du I'. Cortil el du
F. Ktioniio I^aiidin, atin d'aller pnVIiei' rii<;-
vaii^ile dans les Carolincs ocfideiilales.
Apiès qnin/.e jours de navi^^ialiori, le ^0 rio-
V(Mul)re 1710, ou aperçut la terre. Des iu-
digùues, étant venus h boni, dirent (jue ces
îles s'apjxdaient Sonsorol ouSoiol, et (pi'clhis
faisaient ()artie des îles Palaos. Malgré les re-
présentations des ofliciers du navire, les
dvu\ Pères voulurent divscendre à tei-re et y
})lanter une croix, tandis que le vaisseau
continuerait sa niarelie pour découvrir l'île
Panlog, éloignéed'environ 50 lieues de celles
où les missionnaires allaient d('scendr(!.
Quelque temps après, la Suinte-Trinité
étant revenue aux iles Sonsorol pour avoir
des nouvelles des deux nùssionnaires, un
vent violent la força de prendre le large, et
ce ne fut qu'un an après que l'on sut que les
Pères Duberron et Cortil avaient été tués et
mangés.
DUBRAY, prêtre de Saint-Sulpice, fut une
des victimes immolées aux Carmes durant
la révolution française. Poursuivi par les
brigands, il était parvenu à leur échapper,
et s'était blotti entre deux matelas dans l'é-
glise du couvent. A la tin du massacre, les
meurtriers qui buvaient et chantaient dans
i'église l'ayant aperçu, le bourreau se saisit
de lui, le traîna au pied de l'autel, lui fendit
la tè(e avec son sabre et l'acheva à coups de
pique.
DUEGNAS (Pierbede), avait été élevé à la
cour de Castille. Il était frère-lai dans l'ordre
des Franciscains, et n'avait que dix-huit ans
quand il partit avec Jean de Cetina(Fo?/. son
titre), pour aller prêcher l'Evangile à Grenade
et dans l'Andalousie. Ils arrivèrent à Gre-
nade le 8 janvier 1397. Le peuple s'émut de
leur arrivée. Le cadi, dépositaire de l'auto-
rité pendant l'absence momentanée du chef
Mahomet-Aben-Balva , les fit amener à son
tribunal, et ils ne se cachèrent point du mo-
tif qui les amenait. Le juge, n'osant prendre
sur lui de les maltraiter, leur enjoignit, sous
peine de la vie, de quitter le territoire de
Grenade. Le lendemain , malgré l'ordre du
cadi, nos bienheureux se mirent à prêcher
dans la ville et furent aussitôt jetés en pri-
son. Quelque temps après on les envoya
travailler aux vignes avec des esclaves. Le
rude travail auquel ils se livraient et les
exercices de leur zèle les firent tomber ma-
lades , mais Dieu exauça leurs ferventes
prières et leur rendit la santé. Après deux
mois de séjour aux vignes , ils revinrent à
Grenade. Un jour, Jean ayant rencontré par
la ville une troupe de mahomélans, il se mit
à leur expliquer la parole de Dieu et à ana-
thématiser Mahomet. Ceux qui l'entouraient
le conduisirent aussitôt à Mahomet-Aben-
Balva , qui était de retour de son voyage à
Malaga. Il appliqua lui-même plusieurs
coups de bâton à Jean, dont un lui arracha
l'œil ; ensuite, l'ayant fait dépouiller de ses
vêtements, il commanda de l'achever à coups
nuF
8S4
do fouet. Il mit lin lui-même aux tortures
du martyr en lui trancliant la tête avec son
glaive. Il ordonna ensuite à l>iorre de lui
obéir et do rcnifU' sa foi. Promesses, mena-
ces, tout fut inutile. Alors il lo fit fustiger
cruellement, après quoi il lui coupa lui-
même la tête comme à son compagnon. Leur
martyre arriva le 19 mai L'Î97. La populace
traîna leurs r^)v\^s par la ville, mais les chré-
tiens recueillirent leurs membres dispersés,
et aujourd'hui encoi'e une grande partie de
huirs saintes reliques se voit à Vie en Cata-
logue. (Uinaldi, an. 1397, n" 17.)
DUFUESSE (le bienheureux), missionnaire
en Chine, évêque de Tabraca, fut arrêté dans
le Sut-Chuen en. 1784, ou plutôt se livra lui-
même sur l'invitation que lui en lit M . de Saint-
Martin, évêque de Caradre. On avait décidé
qu'à tout prix on s'emparerait do lui. L'évoque
do Caradre craignit (|ue la rigueur des re-
cherches qu'on allait faire devînt funeste à
d'autres missionnaires ; ce fut ce qui le dé-
cida à écrire à M- Dufresse, qui, douze jours
après, se présenta aux mandarins. Il fut trans-
féré dans les prisons de Pékin avec l'évêque
deCaradre, ainsi que MM. Devant et Delpon,
et, à la suite de plusieurs interrogatoires,
condamné par le tribunal des crimes à une
détention perpétuelle. Il faillit périr de mi-
sère en prison , ainsi que firent les deux
derniers missionnaires que nous venons de
nommer. Enfin, après bien des soutï'rances,
un édit de l'empereur vint l'arracher à sa
prison en novembre 1785. Il revint à Macao
avec M. de Saint-Martin et y attendit le mo-
ment favorable pour rentrer dans le pays
qu'il évangélisait. Ce fut le 25 juillet 1800
que l'évêque de Caradre , un an avant sa
mort, le sacra sous le titre d'évêque de Ta-
braca. Le 15 novembre suivant, il fut nommé
vicaire apostolique du Sut-Chuen. En sep-
tembre 1803, il réunit le premier synode qui
se soit assemblé en Chine. Un édit de l'em-
pereur Kia-King, portant peine de mort
contre les missionnaires qu'on découvrirait
dans l'empire, fit qu'on renvoya de Pékin
tous les missionnaires, à l'exception de trois
que l'on garda pour le tribunal des mathé-
matiques. Après un moment de calme, la
tempête éclata de nouveau. Mgr Dufresse
tomba entre les mains des persécuteurs le 18
mai 1815. Il fut d'abord traité avec infiniment
d'égards par les mandarins. M. Escodeca de
la Boissonnade voulut en vain racheter sa
liberté en payant rançon; on n'accepta pas.
Le vice-roi prononçant en dehors de toutes
les formes judiciaires et légales, rendit un
arrêt qui le condamna, vers le milieu de
septembre, à être décapité immédiatement.
On fit sortir des prisons plus de trente chré-
tiens qui accompagnèrent l'évêque au lieu
du supplice. On pensait effrayer le troupeau
en tuant son premier pasteur; mais au lieu
du supplice, ces chrétiens montrèrent -un
courage vraiment sublime. Le mandarin
leur ordonnant d'apostasier sous peine d'être
étranglés, ils se jetèiontaux pieds de l'évê-
que et lui deman.ièrent l'absolution pour
se préparer à mourir. Un seul resta debout.
855
DUL
DUL
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Alors l'évoque, élevant la voix, exhorta ceux
qui restaient tidèles .\ suivre l'exemple qu"il
allait bientôt leurdonner. Puis, présentant sa
tète au bourreau, il reçut immédiatement le
coup mortel. Les autres chrétiens, qui ambi-
tionnaient un sort pareil, ne virent pas leurs
vœux satisfaits ; ils furent reconduits en
prison.
DULAS (saint), martyr, souffrit pour la foi
h Zéphyre en Cilicie, sous le président Maxi-
me. Ayant été fouetté, mis sur un gril ardent,
arrctsé d'huile bouillante et tourmenté en
] lusieurs autres manières pour le nom de
Jésus-Christ, il remporta la palme du mar-
tyre.
" DULAU (Jean-Marie), archevêque d'Arles,
était originaire du Périgord. Sa naissance eut
lieu le 30 octobre 1738 : son père et sa mère
appartenaient aux plus ancennes et aux plus
noblesfamillesdu pays. S'il faut en croire les
récits de ceux qui ont écrit sa Vie, la Provi-
de ce prit soin d'entourer son enfance de
grûces toutes particulières. Sa mère, qui était
une femme extrêmement pieuse, ne parlait ja-
mais à son cher tils sans l'appeler le trésor et
la bénédiction de sa maison. Sa tendresse sa-
vait instinctivement trouver les noms de ce
que devait être en etfet cet enfant. Ainsi les
mères, bien souvent, ont comme des en-
trevisions d'avenir en ce qui concerne leurs
enfants. Le jeune Dulau fut envoyé à Paris
pour y terminer ses études. 11 les fit si fortes
et avec tant de distinction, que ses maîtres
lui prédirent qu'un jour il serait la gloire de
la France et de l'Eglise. Il avait un oncle,
curé de Saint-Sulpice. Cet estimable ecclé-
siastique sut diriger les goûts et les tendances
de son neveu, de telle fanon qu'il préféra
entrer dans l'état ecclésiastique, aux jouis-
sances que sa position de fortune et sa nais-
sance lui donnaient droit d'espérer dans le
mondo. Il montra dans l'étude de la théolo-
gie les mômes dispositions et la même supé-
riorité que pour les études littéraires. En
sortant du collège de Navarre, il fut le pre-
mier de sa licence admis en Sorbonne. 11 fut
ensuite élevé au canonicat de Pamiers ; peu
de temps après, nommé grand vicaire de
Bordeaux, puis enfin prieur commandatairo
dans le diocèse de Périgueux. M. Dulaujouis-
sait dès lors d'une immense fortune qu'il
dépensait tout entière en aumônes et en
jjieuses libéralités. La charité lui parut tou-
jours la vertu suprême, celle qui est la source
de toutes les autres. Déjà sa réputation était
grande ; aussi ne fut-on pas étonné, lors(pril
fut choisi , n'ayant jjas encore trente-deux
ans, pour remplir les fonctions d'agent géné-
ral du clergé dans la province ('cclésias(i([ne
de Vienne. En 1775, c'est-à-dire à l'Age do
37 ans, il fut nommé archevê(iue d'Arles.
Convaincu que l'ordieest nécessaire à l'hom-
me [)Our faire un bon emploi de sa vie et
pour arriver j)ar \h au ciel, il en mit dans
toute .sa conduite et dans les actions les plus
ordinaires di; sa vie. (^.hafjiie jour, cha(jue
heure, avaient son emploi. Dans sa maivon
tout était ré^ié coinnui dans un séminaire:
l'étudf;, 1,1 [irif'TCî, les soins qu'il devait à son
troupeau, se partageaient presque tout son
temps ; le seul délassement qu'il se permît
était la promenade; chaque jour il faisait
une longue course ; il choisissait toujours
pour but de ses excursions les lieux les
plus solitaires. Il y discutait avec ceux de
son clergé qui l'accompagnaient quelque
point de morale ou de théologie.
Il arriva qu'un jour un de ses secrétaires
blAma l'austérité de sa vie et lui donna le
conseil de ne point s'astreindre plus long-
temps à une existence si rigoureuse et si sé-
vère. 11 lui conseillait de voir, de fréquenter
la société. « Je sais, lui répondit le pieux
archevêque, que si je suivais vos conseils
j'aurais une vie plus agréable : croyez-vous
qu'autant qu'un autre je n'aimerais pas la
société et ses agréments que vous me van-
tez ? mais je ne crois pas que ce soit pour
jouir de tout cela que la Providence m'a
confié la haute position que j'occupe. C'est
pour veiller au salut, aux besoins de ce trou-
peau dont je suis le pasteur. Un ministre du
Seigneur, qui a charge d'âmes, doit préférer
son devoir aux satisfactions de la vie. »
La plus grande préoccupation du saint ar-
chevêque fut de rendre les éludes plus
fortes tians le collège et dans le séminaire
d'Arles, et d'y mettre la piété au niveau des
études. Après avoir fait sous ce rapport ce
que sa piété et sa sollicitude lui comman-
daient, il voulut lui-même évangéliser son
diocèse. Comme il ne pouvait pas de sa
personne faire autant qu'il était besoin, il
y suppléa par de nombreuses missions qu'il
établit. Deux ans après son installation, c'est-
à-dire en 1777, il commença la visite de
toutes les paroisses de son diocèse. Il était
affable avec tout le monde , mais surtout
avec ses prêtres. Le moins élevé en dignité
était aussi bien accueilli par lui que ceux
qui remplissaient les fonctions les plus émi-
ncntes. Le plus humble vicaire ne venait
jamais le voir qu'il ne l'invitAt h s'asseoir à
sa table dont il faisait les honneurs avec
infiniment de cordialité. Il avait le talent d'a-
dresser à tous de ces paroles obligeantes
qui encouragent le mérite et en sont comme
la première récompense. Quand il visitait
une paroisse, il consacrait toujours une jour-
née |)Our examiner les écoles et pour voir quel
était le genre d'éducation qu'on y donnait a la
jeunesse. Il interrogeait les petits enfants
avec cette douceur, cette tendresse que doi-
vent toujours avoir pour l'enfance les mi-
nistres de celui (pii disait : Sinilc parvulos
ventre ad me. Son bonheur était de donner
des prix et de renvoyer satisfaits et heureux
ceux qui l'avaient contenté par leurs ré-
ponses. On peut trouver ces détails peu in-
téressants; cependant, il faut le dire, un
évêque est le père du troupeau qui lui est
conlié, et nous concevons parl'ailement sa
tendresse pour les petits enfants. Ne sont-ils
pas l'espérance de l'avenir? Pour tous tant
(pie nous sommes, l'espérance et l'avenir,
Dieu l(;s fait si beaiiv et si dorés sur la tête
de l'eiifance ! Puis, les jjonlieurs des enfants
sont quel(iuft chose de si pur et- de si parfait,
887
DUIi
DUL
8K8
qu'on épronvo toujours une immense satis-
faction ?i livs t'airo naître.
L'archovc^que d'Arles, an milieu des assem-
blées du cler^'é do Fra'ic<', 6li\'d regardé
comme un oracle. Il était doué d'un juge-
ment et d'une pers[)icacité (pii (IcvançaiiuU
lesévéneintMits. Aussi voyait-il pai t'aittMnent
à cAté des tendances [)liilosop!ii((ues et ré-
volnlionnaires de l'époque, les abus de toute
sorte existant dans la société. Il avait prédit
la révolution tVançaiso et ses horreurs, en
disant qu'elle arriverait nécessairement, si
les membres du sanctuaire ne savaient j)as
couper au vif dans les vices qui y existaient
et dont hî réforme lui paraissait absolument
nécessaire. Un an avant que la révolution
éclatAt, en 1788, il sut, de concert avec les
magistrats d'Arles, faire au peuple des au-
mônes abondantes qui l'emiJÔchôrent de
se révolter dans la disette qu'il eut à souf-
frir. Nommé d'abord député à l'assemblée
des Notables, puis aux Etats généraux, il s'ef-
faça complètement ; sa modestie était si
grande qu'il n'aborda jamais la tribune. Ce-
pendant sa science et sa haute raison ne
demeurèrent pas stériles. Il fut la lumière
des comités et des commissions dont il fut
membre. On peut le regarder comme le
principal rédacteur et comme l'inspirateur
de Vcxposition de principes que rédigea le
comité des évoques. Mgr Dulau publia plu-
sieurs excellents ouvrages à l'usage de son
diocèse; ce fut à ces écrits remarquables
que le troupeau confié h sa garde dut de ne
pas tomber dans le schisme. Quand parut le
décret qui ordonnait la déjiortation des prê-
tres fidèles, il fit en réponse une adresse au
roi si pleine de raison et de sensibilité que
l'infortuné Louis XVI en fut ému jusqu'à en
pleurer, et qu'il refusa de le signer.
Le 11 août 1792, Mgr Dulau fut arrêté.
Quand il entra dans l'enceinte de la prison,
il y trouva ses deux grands vicaires, MM. de
Thorame et de Foucault. Quand il fut trans-
féré dans l'église des Carmes, un horloger
nommé Carcel vint immédiatement l'y vi-
siter. Cet homme avait déjà sauvé quatre
ecclésiastiques. Il venait olfrir à l'archevêque
des moyens de sortir facilement de prison.
« Mon bon ami, lui dit l'homme de Dieu, je
vous suis bien obligé de votre bon vouloir;
mais étant innocent, je dois rester ici ; si je
fuyais on me croirait coupable. Que la sainte
volonté de Dieu soit faite l » Deux jours et
deux nuits les prisonniers restèrent sans
autre lit qu'une simple chaise. Parmi ces
prisonniers, il y en avait plusieurs qui étaient
cassés de vieillesse, accablés d'infirmités;
d'autres étaient si indigents qu'ils n'avaient
pas même de quoi subvenir aux besoins de
leur nourriture. Leur misère était si grande,
qu'elle parvint à toucher même un de leurs
persécuteurs, un de ceux d'entre les révo-
lutionnaires qui avaient montré le plus d'a-
charnement pour les faire incarcérer, en fut
profondémenfému.Il accorda aux gardeslaper-
mission de laisser entrer ce qu'on apporterait
pour leur subsistance, de faire seulement at-
tention qu'on n'introduisît pas d'armes. Il alla
jusqu'à inviter lui-même les |)ersonnes cha-
ritables des environs h subvenir aux besoins
des pauvres prisonniers. Dans leur prison,
ils n'avaient pas la permis-ion d(! célébrer
les saints mystères. Ils récitaient en com-
mun les prières do la incisse. Le médecin
obtint |)Oin' eux la permission d'une \>v(-)-
menade chaque jour dans h; jardin, au lond
duipiel il y avait un petit oratoire d(! la
Vierge, de sorte que ces disciples du Sei-
gneur li'Oiivaient partout des occasior)s d'é-
lever leur Aine à Dieu. Le but de leurs jiro-
menades était cet oratoire, où ils allaient
comme en pèlerinage invoquer la mère des
miséricordes. Rentraient-ils dans leur pri-
son, qui était l'église elle-même, ils y étaient
sans cesse face à face avec le Dieu qui ha-
bite dans le temple des chrétiens. Tous les
jours les infirmilés de l'archevêque d'Arles
augmentaient : bien des fois on l'engagea à
demander la permission d'être trans|)orté
chez lui, mais il réi)ondait invariablement :
« Je suis trop bien ici, et en trop bonne
compagnie. » Il y avait trois jours déjà qu'il
était en prison, et qu'il n'avait pas encore
de lit; on ne put lui en faire accepter un,
parce qu'ayant compté les matelas, il s'était
aperçu qu'il en manquait pour un prison-
nier qui venait d'arriver. Sans cesse, par
ses discours, il encourageait les autres pri-
sonniers que son éminente piété, que sa pa-
tience admirable, remplissaient d'admiration
pour lui. Les gardiens féroces qui veillaient
sur les serviteurs de Dieu, s'étant aperçus
que Mgr Dulau était de tous le plus élevé'on
dignité, le torturaient, l'outrageaient de
toutes les façons. Mais il savait placer son
âme si haut, que les injures n'arrivaient pas
jusqu'à elle. Uni à Jésus-Christ, identifiant
en quelque sorte ses souffrances avec celles
qu'il avait endurées, il demeurait impassible
devant les outrages , acceptait en silence
tous ceux qu'on lui prodiguait, s'estimant
heureux d'avoir à souffrir plus que les au-
tres pour Jésus-Christ. Un jour qu'il était
dans le jardin pour y prendre l'air, escorté
de deux fusiliers, un militaire qui se trou-
vait là et qui, par sa mise décente, son air
convenable , semblait ne pas appartenir à
cette classe d'hommes qu'on voit dans toutes
les révolutions pour les déshonorer, fit der-
rière Mgr Dulau un de ces gestes indécents
à l'usage des hommes du peuple les plus
dégradés, et passant devant le prélat, s'age-
nouilla, et prenant son épée, la posa en
forme de croix sur sa poitrine : « C'est ainsi,
lui dit-il, que demain je te sacrerai moi-
même. » Le prélat se détourna sans proférer
une parole. Un gendarme, homme brutal au
plus haut point, le prit aussi pour point de
mire des plus atroces plaisanteries. S'as-
seyant auprès de lui, il lui faisait entendre
toutes les insultes , toutes les grossièretés
que la populace la plus immonde sait trou-
ver pour insulter ce qui mérite le respect.
« Tu auras bon air sous la guillotine, lui
disait-il ; tu cracheras joliment dans le pa-
nier. » Puis, se levant, il s'inclinait devant
lui, lui prodiguant ironiquement tous les
859 DUT.
titres dont l'AsserabU^e venait de voter la
suppression. Le saint homme songeait à son
Dieu, couronné d'épines et conspué par les
Juifs; il no répondait rien. Le digne lépu-
blicain venait ensuite s'asseoir auprès de
hii, allumait sa pipe ot poussiit au visage de
rarehovèipie des boutlees de l'innée, jusqu'à
ce qu'incommo lé et près de se trouver mal,
il fût obligé de se lever et de changer de
place. L'atroce persécuteur le suivait jus-
qu'à ce qu'il vît sa cruauté vaincue par î'ad-
mirahle patience du serviteur de Dieu.
Une nuit, réveillé en sursaut par un de
ses voisins qui lui dit : « Monseigneur, voici
les assassins! » L'archevô(]ue ré|)ondit sim-
f)lement : « Eh bien! si le bon Dieu demande
notre vie, le sacrifice doit en être fait. »
Après avoir ainsi répondu, il se rendormit.
Le vendredi, trente-unième d'août, les pri-
sonniers soupçonnèrent que quelque chose
de grave allait se passer pour eux. On vint
enlever de l'église tous les objets consacrés
au culte. On brisa uiême une croix qu'on ne
put ôter autrement de la muraille. Mais les
prêtres ayant trouvé une croix de bois, la
placèrent sur le maître-autel. A onze heures
du soir, Manuel, procureur de la rf'publique
et Pélhion, maire de Paris, leur envoyèrent
signifier le di'cret d'exportation rendu par
l'Assemblée; mais déjà on creusait leur fosse
d<ms le cimetière. Le lendemain, ils consa-
crèrent toute la journée aux exercices de
piété, auxquels ils se livraient or iinaire-
nient, attendant que Péthion donnât des or-
dres pour les délivrer. Ils passèrent la jour-
née du dimanc le dans la môme attente. Mais
la jiromenade du matin ayant été retardée,
plusieurs d'entre eux remarquèrent qu'on
les surveillait avec plus de soin que de cou-
tume. Kn rentrant dans l'église, ils trouvè-
rent qu'on avait relevé leurs gardes avant
l'heure ordinaire. L'un d'entre eux leur dit :
« Ne craigruiz rien. Messieurs, si on vient
vous attaquer, nous sommes en force pour
nous défendre. » Les malheureux prison-
niers ignoraient la terreur dans laquelle Paris
était plongé depuis la prise de Longwi par
l'armée prussienne qui assiégeait actuelle-
ment Verdun. Les chefs de la révolution
avaient délibéré s'il ne convenait pas de fuir
de Paris. Mais le ministre de la justice, Dan-
ton, avait imaginé d'autres moyens pour
l'epousser les alliés. Il voulait une levée en
masse de la France, mais qu'avant de mar-
cher, on se débarrassât de tous ceux qui
étaient entassés dans les [irisons, prêtres,
royalistes ou suspects. On (ixa le jour de
cette atroce exécution au dimanche 2 sep-
tembre, (^e jour-là on (il courir le bruit (pio
Verdun s'étanl rendu, les Prussiens arri-
vaient sur l*aris. Les membres de la nnnii-
cipalité allèrent dire à l'Assemblée ([ii'ils
allaient invitcn' les Parisi(;ns à formiT une
armée de ()(),00() homnniS.'A midi, on tira
Je canon d'alarme, ou so ina le locsiii; tout
ce qu'il y avait d'honnètt! dans Paris tr(;in-
blait. La populace l'évohjlionnaire était <n
proie comme à d<;s accès de rage : elh; se
divisait en escouades do bourreaux, prêts h
DllL
S60
agir partout. Durant ce temps-là on servait
un dîner aux jirisonniers de l'église des
Carmes. Un oOicier leur dit : « Vous allez
sortir, et on va rendre à chacun ce qui lui
appartient. Le dîner fut tranquille, chacun
avait dans l'Ame plus de gaieté qu'à l'ordi-
naire. Les bourreaux étaient embusqués
dans tous les coriidors de la maison. La pro-
menade qui n'avait pas eu lieu le m"tin fut
non-seulemeiît |)ermise, mais commandée à
quatre heures. Les vieillards, les infirmes,
furent forcés d'aller au jardin. Les prêtres y
étaient au nombre d'environ deux cents;
quand tout à coup on entendit un grand
bruit dans une rue voisine. C'était gne i)ande
de bourreaux qui allaient à l'abbaye Saint-
Germain })our y commencer le massacre.
Al^rs ceux qui étaient cachés dans les cor-
ridors , passant à travers les barreaux des
fenêtres leurs baïonnettes et leurs sabres,
crièrent aux prisonniers : « Scélérats! voici
donc enfin venu le moment de vous punir! »
Les prêtres se réfugièrent tous au fond du
jardin, -se mirent à genoux, offrirent leur
existence à Dieu et se donnèrent mutuelle-
ment l'absolution. L'abbé de Pannonie, cha-
noine de Cahors, se trouvait en ce moment
1 rès du petit oratoire de la Vierge, avec
l'archevêque d'Arles. « Cette fois. Monsei-
gneur, lui dit-il, je crois qu'ils vont venir
nous assassiner! » — « Eh bien! mon cher,
lui répondit l'archevêque, si c'est aujour-
d'hui notre martyre, soumettons-nous, et
remercions Dieu (]ui nous fait mourir pour
une si noble cause. » Comme il parlait ainsi,
les brigands enfonçaient la porte du jardin.
Ils entrèrent au nombre de trente environ.
Ceux qui s'avançaient vers le petit oratoire
criaient : « Où est l'archevêque d'Arles? » 11
les attendit sans changer de place et sans
paraître ému. L'abbé de la Pannonie était en
avant du groupe. Us s'adressèrent à lui et
lui dirent : « Est-ce toi qui es l'archevêque
d'Arles?» L'abbé, baissant les yeux et joi-
gnant les mains, ne répondit pas. « C'est donc
toi, scélérat? » dirent-ils à l'archevêque. —
« Oui, c'est moi. — Ah! scélérat, c'est toi
qui as fait verser tant de sang patriote dans
la ville d'Arles! — Messieurs, je n'ai ja-
mais fait de mal à personne , » dit l'arche-
vê([ue. — « Je vas t'en faire, moi, » dit un
d(;s bourreaux, en lui déchargeant un coup
de sabre sur la tête. Ce coup porta sur le
front, l'archevêque resta debout et ne dit pas
un mot; un autre lui fendit pies(pui tout le
visag<î d'un second ('oup tle sabre. Toujours
même silence de la jjart de la victime, qui
poi'le S(vs deux mains à sa blessure. Frappé
d'un troisième coup sur la tête, Mgr Dulau
tomba. Un des bourreaux lui (Milbnça sa
pique si viohnnment dans la poitrine, (pi'il
ne put en arracher le fer qu'en appuyant du
pied sur son corps. Après cet exploit, il vola
la montre de sa victime, et la monira triom-
plialement à ses complices.
Ainsi mourut M:^r Dulau. Il fu» une di-s
premières victimes tombées sous la liacln»
révolnlionnain! pour le soutien de la foi el
du l'unité de l'EgJiso.
861 tm
DULCÈCE, étaitprésident à Thessaloniquo,
sous le règne de Dioclélien. 11 lit soutlVir lo
martyre A sainte Irùne, ainsi «lu'à ses deux
sœurs Agape et Cliiunic.
DUliVKTirS, gouverneur de. Macédoine
sons DioclQtien et Max! mien, condamna à
mourir pour la foi les sainles Agape, Irène
et (Juionie, dans la ville do Thessaloniquo.
[Voy. A(;ape.)
Dl'LCIDIUS, gouverneur d'Aquilèe en 304,
sous le règne de l'empereur Dioclétien, l'ut
l'un des plusarilents exécuteui'S des èdits do
])t'rséL'uliou qu'avait lancés ce |)rince. Con-
jiiinlemeit avec Sisinnius, général (jui com-
mandait les troupes dans la [trovince, il s'oc-
cu|)ail nuit et jour Ji la recherche des chré-
tiens. Les i)i-isons en étaient rem])lies. {Vou.
1 ariicle de saint Cantiiîn.)
DIILK (sainte), martyre, était servanted'un
soldat. Ayant été tuée en dét'entiant sa chas-
teté, elle mérita ainsi la couioinie chi mar-
tyre. On n'a pas d'autres détails sur elle.
L'Eglise fait sa sainte mémoire le 25 mai's.
DUMOULIN-BOKIE ( Pieruk) , cueillit la
aime glorieuse du martyre en l'honneur do
a religion chrétienne, le 24 novembre 1838.
A la mort de M. Havard, vicaire apostolique
du Tonquin occidental, il avait été promu au
siège d'Acanthe, qu'il ne devait pas occuper
longtemps. Bientôt en etfet les deux prêtres
annamit>'S qui lui étaient associés périrent
par le supplice de la coj'de : le sien fut af-
freux. Le bourreau chargé de lui trancher la
tète était ivre au moment du supplice ; son
premier coup de sabre porta sur l'oreille du
saint missionnaire et l'arme descendit jus-
qu'à la mâchoire ; le second ayant enlevé la
partie supérieure des épaules, la replie sur
le cou ; le troisième, qui avait été plus assu-
ré, ne trancha pourtant pas la tète. Le man-
darin chargé de présider au supplice, fut saisi
EDE
862
l
d'horreur. Ce ne fut qu'au sopticme coup que
l'ignol)le bourreau réussit, s.uis (pie M. Du-
moulin - Boric ait fait enlendrf! aucune
{)lainte.
DlIKANfiOde bienheureux Nicolas), mis-
sionnaii-e d(i la compagnie (h; Jésus, fut rrias-
sacj'é en 1707 par les inUdôles, dans h; pays
de (layes.
DUÙAZZO, ville d'Albanie (aujounriiui
Roumélie), vit le martyre des saints Péré-
grin, Lucien, Pa|)ias, Hésychius, Saturnins,
Pompée et Germain. L'bistoire ne nous a
laissé aucun documi^nt positif et détaillé sur
la mort de cette |)léia(le de saints. Ils appar-
tiennent h la persécutio!! de Trajan.
DUKOSrOUO , Durostoruin , plus tard
Dristrn, ville de la seconde Mésie, aujour-
d'hui Silislri. Ce fut dans cette ville, au com-
mencement du iV siècle, durant la persécu-
tion de Dioclétien, que saint Jules, vétéran,
soulliit la mort pour la foi chrétienne.
DYMPNE (sainte), vierge et martyre, était
fdle d'un prince anglo-saxon. Dans son i)ays,
sa virginité n'était pas en sûreté, elle fut
obligée d'en partir pour éviter qu'on y portât
atteinte. Elle émigra avec le saint prêtre
Gerbern et quelques-unes de ses compa-
gnes. Premièrement elle fixa son séjour à
Anvers , puis elle vint demeurer au vil-
lage de Gneel dans le Brabant. Elle y ser-
vit Dieu , passant son temps dans la prière
et la méditation. Elle vivait en paix dans
cette demeure, lorsque ceux qui l'avaient
poursuivie, pour attenter à sa chasteté, par-
vinrent à la découvrir. Comme elle résistait
et ne voulait pas satisfaire leur passion bru-
tale, ils la massacrèrent impitoyablement.
Ses reliques sont encore àGheeldans une fort
belle châsse. L'Eglise célèbre la fête de cette
sainte le 15 mai. Le martyr-e de sainte
Dympne eut lieu dans le vii° siècle.
E
EBBE (sainte), et ses compagnes, vierges
et martyres en Ecosse, vivaient au ix' siècle,
dans le grand monastère de Coldingham, si-
tué dans la province de Mers ; la bienheu-
reuse Ebbe en était abbesse. Les Danois con-
duits par Hinguar et Hubba, s'étant jetés à
l'improviste sur le pays, notre sainte abbess ',
voulant sauvegarder sa chasteté ainsi que
celle de ses religieuses, assembla toutes ses
saintbs filles, et après leur avoir fait un dis-
cours touchant, se coupa le nez et la lèvre
supérieure. Toutes les religieuses l'imitè-
rent. Les barbares furent remplis d'horreur
à la vue de cette mutilation, et ayant mis le
feu au monastère, firent ainsi mourir toutes
ces vierges. Leur martyre arriva à la fin du
ix'' siècle. Elîes sont inscrites le 2 avril aux
martyrologes d'Ecosse, et le 5 octobre à ceux
d'Angleterre.
EBROIN, maire du palais sous Thierri,
meurtrier de saint Léger, evêque d'Autun et
martyr. [Voy. Léger). Ebroïn persécuta aussi
violemment saint Lambert de Maestricht ,
assassina Dagobert que l'Eglise honore comme
martyr. Entin la justice divine s'appesantit
sur sa tête ; il fut lui-même assassiné par
un seigneur nommé Hermenfrède, qu'il avait
dépouillé de ses biens et menacé de mort.
{Voy. Dagoberï et Lambert.)
ECIJA, ville d'Espagne sur leXénil, illus
trée par le martyre de son évêque, saint
Crispin.
ECOMÈNE, l'un des trente-sept martyrs
égyptiens qui donnèrent leur sang pour la
foi en Egypte, et desquels Ruinart a laissé
les Actes authentiques. Voy. Martyrs (es
trente-sept) égyptiens.
EDÈSE (saint), martyr, naquit dans l'Asie
Mineure, en Lycie ; il était frère de saint
Appien qui fut martyrisé à Césarée. Sa pro-
885
EDM
EDO
864
fession était la philosophie, môme après sa
conversion, il portait Thabit dos philosophes.
Longtemps il suivit les leçons de saint Pam-
philede Césarée. Durant la persécution de Ga-
lère Maximien, il confessa Jésus-Christ de-
vant les magistrats, fut mis plusieurs fois en
prison, et condamné en dernier lieu à travailler
aux mines en Palestine. Remis ci liberté, il
vint en Egypte, où l'attendait le martyre. Hié-
roclès était préfet d'Egypte, l'un des persécu-
teurs les plus féroces cpii aient jamais persé-
cuté les chrétiens. Edèse étant à Alexandrie
ne put supporter de vuir traiter avec tant de
barbarie des hommes graves, des vierges et
des femmes. 11 alla vers le préfet pour lui
reprocher ces cruautés et pour lui en faire
sentir l'odieux; mais pour prix de ses repré-
sentations, il fut lui-même soumis à divers
supplices qu'il souflrit héroïquement. Enfin
on le jeta dans la mer où il consomma son
martyre. L'Eglise honore sa mémoire le 6
avril.
EDESSE, ville de la Mésopotamie, aujour-
d'hui Orfa, fut une des premières cités de ce
pays où le christianisme ait fait de grands
progrès. En IIG, elle fut prise et brûlée sous
ïrajan. A cette époque, saint Barsimée, son
évêque, y fut mis à mort avec saint Sarbèle,
sainte Barbée et un très-grand nombre de chré-
tiens dont l'histoire n'a pas gardé les noms.
Sous l'empereur Numérien, un juge nommé
Théodore lit mettre à mort à Edcsse les
saints Thalalée, Astère et Alexandre, avec
plusieurs autres. {Voij. Thalalée, Thfodore,
et Astère.) En l'an 371 de l'ère chrétienne,
l'empereur arien Valens relégua, dans l'ile
d'Arade en Phénicie, saint Barses, évêque de
cette ville, puis il mit à sa place un évoque
arien ; mais tout le peuple d'Edesse, pour ne
pas communiquer avec ce faux pasteur, sor-
tait de la ville et s'assemblait hors des murs
sous la conduite de ses prêtres. Valens en
ayant été instruit, alla jusqu'à frapper de la
main Modeste, préfet du prétoire, pnrce qu'il
n'avait pas em[ièché ces assemblées, et lui
donna l'ordre de prendre des soldats et
de punir sévèrement tous ceux qu'il trouve-
rait à ces réunions. Modeste, quoique arien,
fit [)révenir les catholiques, afin qu'ils s'abs-
tinssent de se trouver le lendemain au lieu
ordinaire de leurs assemblées, mais ils n'en
tinrent pas compte. Après divers événements
dont il faut voir le récit à l'article Valens,
cet empereur ordonna ,\ Modeste de ne pren-
dre (|ue les prêtres et les diacres et de les
bannii- aux extrénntés de remf)ire. Modeste
exécuta fidèlement les ordres de son maître :
Euloge et soixanle-dix-neuf autres furent en-
voyés en exil. (Voij. Valens, Euloge.)
EDISTIi) (saintj, martyr, reçut l.i panne du
martyr ;i llavenne, sur la voie Laurcîiitine ;
n(jus n'avons point d'autres détails sur lui.
L'Eglise l'ait sa mémr)ire le 12octob!e.
ED.MOND (saint), roi et martyr en An^Ie-
leire, reçut la couronne de son parcsiit Olfa,
qui régnait sur les Est-Angh.vs (!t qui voulait
unir s(;s jours à Home' dans les |)raliques de
la i)iélé. (Ui jeun(i prince, qui n'avait alors
qiif quinze ans, descendait des anciens rois
Anglo-Saxons de la Grande-Bretagne. A cet
âge si tendre, il se faisait déjà remarquer par
son aversion pour les ilatteurs; sa seule am-
bition était de faire le bonheur de son peu-
ple. Aussi la justice était administrée avec
intégrité, les bonnes mœurs llorissaient , en
un mol il était le père des sujets.
Il y avait déjà qu nze ans que notre saint
régnait, lorsque Hinguar et Hiibba, deux des
tils de Régner Lodbrog, ancien roi de Dane-
mark, soumirent la Noiwége et ravagèrent
TAn^letorre. Us vinrent passer l'hiver dans
les Etats des Est-Angles. Après avoir conclu
une trêve avec eux, ils se dirigèrent vers le
nord quand l'été fut venu. Mais bienlot ces
barbares, mettant à feu et à sang le Northum-
barland et la Mv'rcie, commirent de grandes
cruautés contre tout ce qui portait le nom
de chrétiens. L'histoire rapporte que les re-
ligieuses de Coldingham craignant pour leur
chasteté, se coupèrent le nez et la lèvre supé-
rieure afin d'éloigner le danger par l'horreur
qu'elles inspireraient. Elles furent toutes
l)assées au fil de l'épée.
Edmond, qui comptait sur la foi des trai-
tés, n'avait pris aucune mesure pour résister
à ces ravages ; néanmoins il rassembla au-
tant de troupes quil put en trouver et battit
d'abord l'armée ennemie près de Thet-Fort.
Puis se jugeant trop faible pour tenir la cam-
pagne, il se retira vers son château de Fram-
Imgham, dans la province de Suffolk. Mais
bientôtil fut assailli à Hoxonsur la Wawency,
pris et conduit au général ennemi. On lui fit
des propositions opposées à la religion et à
la justice qu'il devait à son peuple; il refusa.
Hinguar furieux le fit battre cruellement, puis
déchirer à coups de fouet sur un arbre où on
l'avait attaché. Les barbares, irrités de le voir
invoquer le nom de Jésus-Christ au milieu
de ses tourments, s'amusèrent à lui déco-
cher une grêle de flèches dont tout son corps
fut hérissé. Hinguar le condamna enfin à
avoir la tête tranchée, le 20 novembre 870.
Peu de temps après , ses reliques furent
transférées à Bedriksworth ou Kingston ; on
bâtit une église en son honneur, où sa sain-
teté fut attestée par un grand nombre de
miracles. En 1020, le roi Canut, voulant ré-
parer les outrages faits par Swenon, son père,
à ce lieu et aux reliques de notre saint, fit
Mtir une magnifique église et une abbaye
à la place de la première qui était en bois.
L'Eglise l'ait la fête de saint Edmond le 20
novembre.
EDOUARD (saint), martyr, était filsd'Edgar,
roi d'Angleterre. Il succéda à sou père eu 975,
et n'avait alors ([ue ti-eize ans. Il se fit chérir
de ses sujets par sa piété, sa justice et })ar
toutes les vertus qui font le bonheur des
peu|)les : ils eurent bientAt à déplorer sa
mort piémalurée. Sa l)ell(!-mère,Eirride, avait
eu un fils d'Edgar, nonuué Kthelred. N'ayant
j)u léussir dans ses intrigues (jui tendaient à
faire élin.' ce prince au délrinuml de notre
saint, elle lui voua uiu; liaitie implacable.
J"'douard était instruit de louti's les manu'U-
vres d(î sa belle-mère, «pii cherchait à lo
perdn;. Néanmoins sa vertu lui faisait un
865
EDW
ËGI
866
devoir d'Iionoror et de respecter cette femruo
indigne, et on tonte occasion il Ini donnait
les marques de la |)lus vive airection ainsi
qn'à son ïvh'o Kthelred. Un jonr, se Ironvaiit
<l la chasse dans une forôt voisine d(i Warc-
hani, dans le comté de Dorset, il alla rendre
visite <i KUVide, ([ui, saisissant cette occa-
sion, le lit poignarder par un de ses domes-
ticiues ; ejisuito son coi-ps fui jeté dans un.
marais, oi^i |)lusieurs mirachïs (jui s'y o[)érè-
rent le tirent découvrir. Son nom est inscrit
au Martyrologe romain le 18 mars. EliVide,
troublée [)ar de vifs remords , se retira du
monde, et fonda les monastères de Wlier-
wel et d'Ambresbury, et passa saintement le
rest(3 de sa vie dans le premier. Ethclred,
qui gouverna après l'assassinat de son mal-
heureux frère, fut un prince plein de lAcheté
et eut continuellement à soulfrir des incur-
sions des Danois.
EDWIN (^saint), martyr, donna sa vie en
défendant la religion chrétienne en l'an de
Jésus-Christ G33. Fils d'Alla, roi de Déire, il
fut détrôné par Ethelfred, roi des Borniciens,
qui devint ainsi souverain de tout le Nor-
thuniberland. Edwin alla chercher un asile
chez; Kedwald, roi des Est-Angles. Ce prince
sans foi, gagné par les ennemis de son pri-
sonnier, résolut de le leur livrer. Un ami
qu'avait Edwin dans le conseil du prince
l'avertit de ce qui se passait. Un jou'', il était
h la porte du palais. Son esprit se laissait
aller à de tristes pensées. Un étranger
l'aborda; il lui dit qu'il recouvrerait son
royaume et deviendrait le roi le plus puis-
sant d'Angleterre, s'il voulait prendre, pour
se conserver la vie, les précautions qu'on
lui indiquerait. Edwin le promit. Alors, dit
l'étranger, en lui mettant la main sur la tête,
ressouvenez-vous de ce signe. Bientôt Red-
wald changea de projets et de sentiments. Il
tua Ethelfred qui lui avait déclaré la guerre.
Cette victoire rendit Edwin maître de tout le
nord de l'Angleterre. Bientôt d devint si puis-
sant par le succès de ses armes, que tous
les rois anglais et bretons le reconnurent
comme suzerain. Il se maria avec Edilburge,
fille de saint Ethelbert, premier roi chrétien
d'Angleterre. Ce mariage n'eut lieu qu'à con-
dition que la princesse pourrait suivre la re-
* ligion chrétienne , et qu'elle garderait près
d'elle saint Paulin, qui venait d'être sacré
évèque. Bientôt après, le roi des "West-
Saxons paya un homme pour assassiner
Edwin. Il voulut le frapper avec un poignard
empoisonné ; c'en étaitfait de sa vie, si Lilla,
son ministre, ne se fût jeté entre lui et le
meurtrier. Le dévouement de ce ministre lui
coûta la vie. Le roi fut aussi blessé, mais sa
blessure était légère, elle guérit. Le meurtrier
fut immédiatement mis en pièces , mais il
vendit chèrement sa vie ; avant de tomber,
il tua un officier du roi. Comme Edwin ren-
dait grâces à sps idoles de lui avoir conservé
la vie, saint Paulin lui dit que ses idoles
étaient impuissantes à rien faire pour lui ;
que sa conservation était due aux prières de
la reine. Il l'engagea même à cherchera con-
naître le vrai Dieu et à lui rendre hommage.
Edwin goi^ta ce discours, et permit même
(|u'uiie fille que venait d'avoir la reine fût
baptisée. Elle reçut le nom d'Eanfiède. Ed-
win dit .^ saint Paulin (ju'il embrasserait
la religion chrétienne s'il guérissait de la
blessure qu'il avait reçue, et s'il remportait
la victoire sur le lAche ennemi (jui avait
voulu le faire assassiner. Guéri et vainqueur,
il embrassa le christianisme. Saint Paulin,
ayant su par révélation ce qu'on avait dit au
roi, lui mit la mainsur la tête, en lui deman-
dants'il se ressouvenait de ce signe. Le roi,
suri)ris, stupéfait, déclara qu'il se convertis-
sait avec les principaux de son royaume. Le
roi assembla donc les grands de son entou-
rage, et notamment le grand prêtre des idoles,
nommé Coifi. Ce prêtre se rendit à un excel-
lent discours que saint Paulin prononça au
milieu de l'assemblée, et déclara qu'il était
prouvé par l'expérience (jue les idoles n'a-
vaient aucun |)Ouvoir, et demanda qu'on les
réduisît en cendres. Coifi voulut lui-même
donner l'exemple. Il se rendit au principal
temple des idoles, y jeta sa lance en signe de
profanation, et commanda à ceux qui étaient
avec lui de le détruire. Edwin fut baptisé à
York le saint jour de Pâques 627, avec ses
enfants et un très-grand nombre de personnes
de distinction. Il fit depuis tout ce qui était
en son pouvoir pour engager ses sujets à
faire comme lui. Son exemple porta ses fruits.
De toutes parts on accourait en foule rece-
voir les instructions de saint Paulin et de ses
collaborateurs. Depuis dix-sept années, Ed-
win gouvernait avec bonheur son royaume,
quand Penda , prince de la race royale de
Mercie, se révolta contre lui dans le bat de
relever l'idolâtrie. Il assembla une armée
composée de vieux vétérans, tous attachés à
l'ancien culte , et ayant été reconnu roi par
les Merciens, fit alliance avec Cadwallon, roi
des Bretons et du pays de Galles. Il attaqua
Edwin avec une rage in(Jicil)le. La bataille se
livra à Heavenfield, aujourd'hui Hatfield, pro-
vince d'York. Le saint roi y fut tué pour la
défense de la religion. On enterra son corps
à Whilby, son chef dans le porche de l'é-
glise qu'il avait éditiée à York. L'Eglise l'ho-
nore comme martyr le k octobre.
EGÉE, proconsul d'Achaïe, ou simplement
magistrat de Patras, fit mourir en croix saint
André, apôtre.
EGÉE ou Eges, ville de Cilicie, fut, en
285, sous le règne de Dioclétien, témoin du
glorieux martyre des sainis Claude, Astère
et Néon, et des saintes Domnine et Théonille.
Le proconsul Lysias les y fit tourmenter de
la manière la plus féroce avant de les faire
mourir. {Voy., pour les détails de ce mémo-
rable triomphe , les Actes de ces saints, à
l'article Claude.) Cette ville vit, en 303, sous
le même prince, le martyre des saints Gosme
et Damien, tous deux médecins, et de leurs
trois frèi es, Anthime, Léonce et Euprepe.
{Voy. le Martyrologe romain.)
EGIDIUS (le bienheureux François), frère
mineur, fut martyrisé, en 158o, dans la Nou-
velle-Galice , contrée couverte de hautes «
867
ELE
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868
montagnes que couronnent dos pins el des
chênes fort élevés. Les habitants, hommes
farouches, demeuraient dans des cavernes
profondes. Notre bienheureux et son com-
pagnon , André d'Ayala , acquirent une si
grande influence sur eux, qu'ils les détermi-
nèrent à quitter leurs cavernes pour venir
élever des maisons dans Ja plaine et y tracer
des sillons. Pendant six années tout alla bien;
mais alors la récolte ayant manqué , les in-
digènes regrettèrent leurs idoles et résolu-
rent de massacrer leurs bienfaiteurs» Ils
mirent le feu au couvent et à l'église, et An-
dré s'ét.int avancé vers eux le crucilix à la
main, ils l'assommèient et lui coupèrent la
tète. Fra'igois et d'autres chrétiens qui s'é-
taient réfugiés dans le jardin subirent le
même sort. (Chroniques des Frères Mineurs,
t. IV, pag. 765.)
ELEAZARUM (saint), soutfrit le martyre à
Lyon. [Voy. l'article saint Mineuf pour plus
de détails.)
ELEUCADE (saint), évoque et confesseur,
soutint à llavenne [«our la défense de la re-
ligion. Les Actes des martyrs ne nous ont
point laissé de détails sur lui. L'Eglise fait sa
mémoire le li février.
ELEUSE, juge qui, en Mésopotamie, con-
damna saint Alhénodoreà être décapité, api es
lui avoir fait subir diverses tortures. Lebour-
raau qui fut commis à l'exécution de la sen-
tence s'étant évanoui, personne n'osa prendre
son glaive pour en frapper le saint martyr.
11 mourut en priant Dieu des blessures qu'il
avait reçues.
ELEUSIPPE (saint), fut martyrisé à Lan-
gres avec ses frères saint Speusippe et saint
Aléleusipp<s environ l'an 180, suus l'empire
de Marc-Aurèle. [Voy., pour les détails do
son martyre, saint Speusippe.)
ELEUTHÈllE (saint), reçut la couronne du
martyre, avec sainte Antie, sa mèie, dans la
ville de Rome, sous la i)ersécution de l'em-
pereur Adrien. Tout ce que les écrivains
(Florus, Usuard, Adon, etc.) disent de lui. ne
nous permet pas de rien dire (jui puisse
airêter l'attention. L'Eglise fait sa fùte le 18
avril.
ELEUTH/aUi (saint), diacre et martyr, vint
dans les Gaules avec saint Denis, évèque de
Paris. Il partagea la gloire el les faligues de
ses travaux aposloliipies. il souHVil la mort
pour Jésus-Christ avec lui el saint UustKjue,
firèlri;, sous un juge nouniié ^(isccnninus.
(J'our tous les détails voy. samt Denis.) L'E-
glis(; honoie sa mémoire h; '•> octobre. Ses
reliques sont encore aujourd'hui dans l'église
de l'abbavc de Saint-Den.s.
l'ILEUlHÈKK isaiiil), soulfrit le inaityre à
Constantinople. (]e saint était du lang des
sénaleuis, et fut déca|)ité pour Jésus-t^lu'ist
durant la pciséculioii de Maximien. On ignore
en rpjelle année. L'Eglise fait sa sainte nié-
m (ire le k .lOÛl.
MAilllikWE (saint), était soldat. Il fut
lu-'jrlyrisé iiNu;oinédie avec une inlinité d'au-
t'cs chrt'lic'iis (ju'on accusa fausscMuent d'a-
voir mis le i\'n au p.ilais de DiochUien, (jui
venait d'être inreidié. (^ij cruel emitcreur, «
les croyant coupables, ordonna de les mettre
à mort par troupes ; ainsi les uns furent dé-
ca[)ités, les autres brûlés, d'autres précipités
dans la mer. Pour Eleuthère, qui était le plus
considérable de tous, ayant été mis à de ri-
goureuses tortures, et paraissant prendre à
ciiaijue tourment une nouvelle vigueur, on
lui infligea de nouvelles tortures et il rem-
porta ainsi la palme du martyre. L'Eglise fait
sa mémoire le 2 octobre.
ELEUTHÈRE (saint), évêque de Tournay
et martyr, leçut le jour dans la ville môme
qui devait plus tard avoir l'honneur de le
voir son évèque. Sa famille était chrétienne:
un siècle et demi auparavant, elle avait été
convertie par saint Piat. Quand saint Eleu-
thère fut fait évêque de sa ville nalale, il y
trouva la foi antique bien compromise. Les
chrétiens de cette ville se sentaient du com-
merce fréquent qu'ils étaient forcés d'avoir
avec les païens, el des mauvais exemples
que leur do'uiaient les rois fiançais qui
avaient le malheur d'être encore idolâ-
tres, et qui résidaient à Tournay. Eleuthère
monta sur le trôup, épiscopal eu 486, dix ans
avant le bai)tênie du roi Clovis. Ses prédica-
tions convertirent un grand nombre de Fran-
çais au christianisme. Les hérétiques oui
habitaient son diocèse attaquaient très-vio-
lemment le mystère de l'incarnation. Saint
Eleuthère lutta avec énergie pour défendre
ce point si important de la foi catholique.
Ce fut ce zèle qui lui coûta la vie : les héré-
tiques le frappèrent à la tête d'un coup si
violent qu'il en mourut le 1" juillet 532.
L Eglise honore sa mémoire le 20 février.
ELEUTHÈRE (saint) , confesseur, soufi'rit
de cruelles tortures à Arque, près de Rome, en
l'honneur de Jésus-Chrisl. Les détails nous
manquent sur son compte. L'Eglise honore
sa ménK)ire le 29 mai.
ELEUTHÈRE (saint) , soutfrit le martyre
avec saint Léonide. On ignore le lieu, la date
etlesciiconstanct.sdeleurs combats. L'Eglise
lait leur méuudre le 8 août.
ELEUTHÈRE (saint), évoque et nîartjr,
mourut pour Ja foi à Constantino])le. Les
Actes des martyrs ne nous ont laissé aucun
document relativement à ce saint évê(]U('.
L'Eglise honore sa sainte mémoiie le 20 fé-
vrier.
ELEUTHÈROPOLIS, ville de Palestine, a
été illustrée par le martyre îles saints Cala-
iii(iue, Floricn el cinquante-huit autres dont
les noms sont inconnus.
ELIE (sainl), j)rèlre et marlyr, eut la gloire
de donner sa vie pour .lésus-Chiist.(lurant la
perséculion de Dioclétien. On ignorcàcpiclîo
date précise: ce fut dans le commencement du
IV' siècle. Une foule de confesseuis avaient
élé condamnés aux mines th; Palesiine. Au
milieu des fatigues de leurs pénibles tra-
vaux, ces saints n'oubliaient pas le Dieu
(jui sait consoler le malheur et qui visite ses
serviteurs quelipic i)art (pie la j)ersécution
les jette, ils se construisirent di' petites cha-
pelles où ils se réuiiissaienl souvent pour
célébrer les louanges lu Seigneur, [tour lui
adresser leurs i)riôres. C'était un layoïi de
800
EU
EU
870
bonlioiir (|U(> le oiol faisait liiiio sur l(siir iii-
tbiliuie. Ils vcMiaient dans cvs liou.v (kMiian-
niaiulor h celui qui soulieiit les faibles, le
courage pour supporter leurs maux; ils vi;-
iiaieul lui direleiu-s soullVaiu;es. Le uiallieur
est toujours- supportable quaud il se Iraiis-
foriuc eu sacrillce. Pour les chrétiens il de-
venait uu bouJieur, ils soulVrai(!Ut pour Dieu,
ils avaient le ciel pour but. (lalère a>ant su
ce qui se passait, lit transporter (pndques-
nns des saints confesseurs dans les mines de
C!iy|>re, et les autres dans celles du mont
Liban. Lh conuuandait uu oflicior qui con-
dauuia quatre des confesseurs à être brûlés
vifs. Les vicliuies clioisies furent notre saint,
puis Pelée et Nil, tous deux prêtres égyptiens,
et Palermutbe, laïque égy|ilien, lionuue d'un
rare savoir et d'une grande piété. Tous quatre
suiiirent avec courage cet alfreux sup])lice.
Tous quatre montèrent au ciel pour y l'ece-
voir la récompense due à leurs comL)ats glo-
rieux. L'Eglise lionorc leur mémoire le
19 septembre. {Voy. Pelée.)
ELIE (saint), martyr en Palestine, souffrit
gour la foi cbrétienne, eu l'an de Jésus-
lirist 309, à Césarée de Palestine, avec les
saints Jérémie, Isaie, Samuel et Daniel. Ils
étaient Egyptiens , et revenaient de Cilicie
voir les chrétiens condamnés aux mines;
ils passaient près de Césarée , quand on les
arrêta. Aux questions qui leur fuient faites,
ils répondirent la vérité, vérité qui devait
les faire mourir; car, dans ces temps d'atroce
f)ersécution, c'était un crime d'aller visiter
es saints , les martyrs. Cela prouvait du
reste que ceux qui faisaient de semblables
pèlerinages étaient chrétiens eux-mêmes.
Conduits deva^nt Firmilien, gouverneur de
Palestine, avec saint Pamphyle et ses com-
pagnons qui étaient depuis deux ans déte-
nus dans les prisons, ils furent tous les cinq
étendus sur le chevalet, avant qu'on com-
mençât l'interrogatoire. Après qu'ils eurent
été violemment tourmentés, Firmilien adres-
salaparole àElie,quilui paraissait ie i)remier
d'entri? eux. « Voti e nom ? » lui dit-il. Elie :
Mes compagnons se nomment Jérémie, Isaïe,
Samuel et Daniel. — Votre pays? — Nous
sommes de Jérusalem. » Le saiiit eiitendait
la céleste Jérusalem , celle oii tous les chré-
tiens ont l'espoir d'être un jour réunis à
Dieu. Le juge, que cette réponse courrouça,
lit de nouveau tourmenter le saint. Les
bourreaux l'ayant garrotté , lui mirent les
pieds dans les ceps, et tirent à coups de
fouet voler sa chair en lambeaux. La cons-
tance et le courage du saint martyr triom-
phèrent de toutes ces tortures. Firmilien
alors condamna Elie et ses quatre compa-
triotes à avoir la tète tranchée : cette sen-
tence reçut immédiatement son exécution.
L'Eglise honore la mémoire de tous ces
saints martyrs le IG février. [Voy. Eusèbe,
Des martyrs de Palestine.)
ELIE (saint), martyr, répandit son sang
pour la foi de Jésus-Christ, en Perse, sous
Sapor, vers l'année 327. {Voy., pour plus de
détails, les Actes de saint Jonas et de saint
Bakachise, à leurs articles respectifs.)
ELIE (saint) , martyr, l'un des quarante
martyrs de Sébaste , sous Licinius. (Voy.
Mahivus de Sébaste,.)
ELIE (saint), était un vieux prêtre de la
Lusitanie. Il fut martyrisé l'an S.'iG, durant
la peiséculion d'Abdérame II, avec, deux j(!u-
nes moines nommés Paul et Isidcu-e. L'Eglise
fait collectivement leur fêle le 17 avril.
ELIEN (Saint), martyr, l'un des quarante
martyrs de Sébaste , sous Licinius. (Voy.
Mautyks de Sébaste.)
ELIPHE (saint), vulgairement saint Aloph
ou Elof, naquit en Lorraine. Ce saint s'étant
attiré la haine des Juifs par son zèli! pour la
religion chrétienne, ceux-ci le tirent em[)ri-
sonner à Toul, sous le rè,-',ne de Julien l'A-
postat. Peu de temps après, on le laissa al-
ler pour l'arrêter bientôt un(^ seconde fois.
Il soutfrit alois de cruelles tortures. Vers
l'an 362, il fut enfin condaniné à perdre la
tête, après avoir converti plusieurs idolâtres
par son courage et ses discours, ^on corps
liit transporté à Cologne, vers l'an 900, et
déposé dans l'abbaye de Saint-Martin , où il
est encore. L'Eglise célèbre sa mémoire le
16 octobi'e.
ELISABETH, rein(; d'Angleterre, fille de
Henri Vill et d'Anne de Boulen, naquit en
1533, huit mois après le mariage de sa mère
déjà enceinte quand elle vint à l'autel. Henri,
en faisant mourir Anne de Boulen, avait dé-
claré Elisabeth illégitime et inhabile à lui
succéder. Par sou testament il revint sur
cette décision que le parlement avait con-
firmée par un arrêt. Elisabeth monta sur
le trône en 1558, après la mort de sa sœur
Marie. On sait que cette dernière princesse,
fervente catholique, avait momentanément
fait sortir l'Angleteri-e du schisme où les
deux règnes précédents l'avaient jetée. Sous
son règne on commençait à respii'er à l'aise
après les abominations, les cruautés, les per-
sécutions atroces de Henri Vlil , après le
gouvernement d'un roi enfant , dominé par
les régents infectés d'hérésie, qui régnaient
à sa place. Sous Henri VIII , l'Angleterre
avait secoué l'autorité papale, mais le culte
était resté catliohque dans la forme. Sous
Edouard , on singea les réformes allemandes
pour voler les calices, les vases saci-és, les
ornements des églises. Mar-ie avait rendu au
culte sa splendeur et sa sainteté; elle avait
rétabli des catholiques dans les sièges de
son royaume. A son lit de mort, elle fit venir.
Elisabeth, et lui manda de lui faire l'aveu
spuniané et sincère de ses croyances reli-
gieuses. « Plaise au Dieu tout-puissant, ré-
pondit Elisabeth , d'entr'ouvrir la terre pour
m'euoloutir vivante, si je ne suis pas invin-
ciblement attachée à la religion catholique,
apostolique et romaine! » Celte pr^otestaiion
fut faite de nouveau en présence du duc de
Feiia, ambassadeur d'Espagne. Ce person-
nage y crut si bic n, qu'il écrivit à sa souve-
raine que la nouvelle reine d'Angleterre
n'apporterait dans son royaume aucun chan-
gcm.iit à la religion. Marie aussi «fut
eomplétemenl dupe des protestations de sa
sœur. Peut-être cioyait-eile à sa conversion
871
EU
ELI
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sincère. Car, à son avènement au trône, elle
avait vu Elisabeth, de fervente protestante
qu'elle était sous Edouard, se faire catiiolique
non moins fervente. Elle allait à la messe,
elle avait une chapelle dans l'intérieur de
ses appartements. Tout le monde était dans
l'édification de sa piété. Un confesseur, prêtre
catholique romain, étailattaché à sa personne.
Au fond Elisabeth n'était qu'une hypocrite :
elle le tit bien voir. Tant qu'elle crut qu'il
était dans ses intérêts de cacher ses opinions
religieuses, elle le tit. Quelques-uns nom-
ment cela de la politique et du savoir faire.
L'honneur nomme cela de l'hypocrisie servie
par la lâcheté. A peine maîtresse de ses ac-
tions, à peine sur le trône, Elisabeth lit' pen-
dre, rouer, écarteler ceux de ses sujets qui
n'avaient pas la même souplesse religieuse
qu'elle, et qui refusaient de tourner leurs
croyances au vent de la puissance. Elisabeth
n'eut qu'un courage, celui de se montrer
vraiment lille digne de son père : l'hyène
n'avait pas dégénéré. Quand elle monta au
trô'ie, elle écrivit aux cours étrangères pour
leur apprendre son avènement par droit de
naissance et p.ir consentement de son peu-
ple. Aux rois et princes do la religion réfor-
mée, elle disait en secret qu'elle était à eux
et ramènerait, la réforme dans son royaume.
Aux princes c.ithoiiques, elle parlait d'autre
façon. Elle sentait qu'on pouvait discuter sa
légitimité : elle quêtait une acce|)tation de
fait de la part des puissances. En réalité,
malgré le testament du roi, Elisabeth n'avait
pas de droits au trône. Le mariage de sa
mère avait été déclaré nul par le roi lui-
même, par le parlement, par le pape. Ainsi
nul aux yeux de la famille, de l'Etat, de la
religion, où poavail-il reprendre un caractère
légal ? D.uis le testament d'un roi mourant,
qui à cette heure suprême se rai)pelait (ju'il
était père, et ne voulait laisser aucune tiace
de ven,i,cance contre aucun de ses enfants?
Evidemment non. Cette dernière volonté du
roi ne pouvait pas abroger une loi de l'Etat
et une décision de la cour de Rome. Aussi,
quand l'ambassadeur d'Angleterre notitia au
pa|je Paul IV l'avènement d'Elisabeth, il lui
fut jépondu ({ue le pa[)e ne pouvait pas ad-
mettre le droit héréditiire d'Elisabeth; que
ce serait détruire les décisions de ses deux
prédécesseurs Clément VII et Paul III; que,
du reste, Marie Sluart, légitime héritière, ré-
clamait son droit, et qu'elle était a[);)uyée
dans sfjs prétentions par le roi de Finance.
Le ]ja[)e ajouta (iu(! si Elisabeth voulait s'im
rapporter à .sa décision, il la traiterait avec
toute l'indulgence ([ue corn|)(jrterait l'écpiité.
ElisabL'thn'eulgarded'acc(;pter. Apo.stal(!(lans
le cœur, elle ne voulait pas rccoiniaître le droit
du clief de la /eligion. Elle' préluda h son
apostasie ostensible en défendant au clergé
de prêch(;r. Elle craignait (pi'on <;ngag(!At le
peuple à la résistance. Elle intinnda le clergé
|»ar des procès, en vertu du ixœinaiiirv.. A la
place des magistrats (|ui étaient en charge,
elle en mit d autns attachés aux d()( trines
proteslante'S. Ce[)endant elle continua d'aller
a la luesio. Elle lit enluiTer sa sœur suivant
le rite catholique. Elle commanda un service
et une messe de Requiem pour l'empereur
Charles-Quint.
Elle ne tarda pas à faire voir vers quel but
elle allait. Oglethorpe, évêque de Carlisle,
devant un jour offrir le saint sacrifice dans
la chapelle de la reine, regut l'ordre de ne
pas élever l'hostie en sa présence. Il refusa
courageusement d'obéir. L'évêque de Win-
chester, White, fut mis en prison pour le
sermon qu'il avait i)rononcé à l'enterrement
de la reine Marie. Les sceaux furent ùtés à
Heath, archevêiiue de Cantorbéry, et donnés
à Nicolas Bacon.
Ce qui dévoila mieux que tout le reste
l'apostasie de la reine, ce fut la proclamation
dans laquelle elle défendait au clergé de prê-
cher , permettant cependant d'observer le
culte établi, jusqu'à ce qu'une consultation
eût lieu dans le parlement entre la reine et
les t'Ois états. Les évêques s'assemblèrent,
et décidèrent qu'ds ne pouvaient pas officier
au couronnement d'une reine qui, sans au-
cun doute, voulait porter atteinte à la i eli-
gion catholique. Ce couronnement n'eût pas
eu lieu si l'évêque de Carlisle ne se fût pas,
dans cette circonstance, séparé des autres
évêques. Pourtant il ne consentit à ofhcicr
qu'à la condition- que la reine prêterait le
serment accoutumé. La cérémonie se fil d'a-
près tous les rites de la religion catholique.
Bientôt le parlement, cette assemblée que
Henri VIII avait assouiiiie ii tout 'S les lâche-
lés, à toutes les turpitudes, enlrant dans les
vues de la reine, consomma l'apostasie. Pro-
testant sous le roi-bourreau Henri ^ III, sous
l'enfant-roi Edouard, catholique sous Marie,
le parlement redevint protestant sous Elisa-
beth. Du reste, n'avait-elle pas le droit de
tout demander à cette assemblée? Que pou-
vait refuser à sa reine le pailement d'Angle-
terre? De quel droit eût-il fait de la résistance
noble et hère devant la lille de Henri VllI?
Entre cette assemblée de lâches, d'apostats
et de bourreaux, et le sang de Henri VUl ,
n'y avait- il pas comme une alliance in-
délébile de crime et de l'ionte? Ce" parle-
ment n'avait-il [)as été le complice de toutes
les cruautés du père d Elisabeth? N'avail-il
pas assassiné trois reines 1 N avait-il }»as fait
mourir dans les supplices les plus atioccs la
ileur de la catholicité d'Angleterre? N'avail-il
pas obéi lâchement à toutes les exigences,
ou honteuses ou cruelles, du maître? Avait-
il refusé une loi h ses débauches, une ordon-
nance à ses insl nets sa iguinaires? N'avait-
il pas lli'ti'i Elisabeth dans son bi'rceau, après
l'avoii' légitimée? E.i héritant d(!S vices d«
son père, il était juste (pi(> la lille héritât
aussi des serviles inslrumeiilN de sa lyraniio
abominable. Si le sang de Henri n'était pas
déchu, le [larlement n'était pas décliu non
nlus. Après (piehpuvs années de commune
liyj)Ociisio sous uni! pieuse reine, la lille et
les liiinisties du Néron anglais se i-etrouvè-
j-ent, ell(î tligne dcî sou père, et eux dignes
d'i.'ux-mêmes. Le parlmnenl ri'-voipia tous
les statuts (ju'il a\ail volés sou.s U; dernier
règne pour rétablir le culte qui, durant neuf
873
KM
ELI
K7.i
cents ans, nvail été la gloiro et la sancli-
ficotion (lo rAnglctcrre. — Non conlciite do
rélaltlir les lois do Honri WU, son [x'^ro, K\\-
saholli les addilioinia do tout co (|H"on avait
fait sons Kdonard. Ainsi, non-sonlonioni on
se sôpara du papo ot do ri<]yliso catlioliiiiKi ,
mais onooro on roont toutes los innovations
hôivli(|uivs do (îonove ot d'Alloniagno. Lo
pai'loinonl rendit une loi poitant altrihntion
<lo tonte la pnissanco spintucllo, dévolno an
cliof de rKu;liso, do par l'âutorito do Jésus-
Clnist, h la couronn(! : do sorte (pio quicon-
que monte sur le ti'ùnc d'Angleterre, lionnno
on lennno, est revêtu du (;ar.ietèrc d'inlailli-
hililé nécessaire pour décider toutes les
questions de dogme ot pour conférer ou re-
tir(n' tous les pouvoii's occlésiasti(pies.
Tout le clergé anglais |)rolosta, et j)résenta
nn(»[)rot"cssion de loi (jui constatait sa croyance
à la présence l'éello, à la transsubstantiation,
au sacrilico do la messe, »i la suj)roniatie du
papo. Jl tlisait en moine tciujjs (pu; ce n'é-
tait pas à des lai(jues, mais J)ien à rassem-
blée dos évoques àdécidordes choses ecclé-
siastiques. Alors la reine ordoiuia h cinq
évo([ues catholiques et îi trois docteurs do
disputer j)ubliquoment contre huit théolo-
giens do la prétendue réforme, venus de
Suisse et autres lieux, sous la i)résidence du
garde des sceaux. Les catholiques eurent
ordre de commencer chaque jour, et les
réformés de répondre : le droit de répli-
que était interdit aux premiers. Les évoques,
voyant qu'on leur faisait une position si
désavantageuse, rompirent la conférence :
ceux de Winchester et de Lincoln furent
emprisonnés, les six autres furent obligés
de comparaître tous les jours. Entinlo garde
des sceaux les condamna à une forte amende.
Elisabeth tit ensuite venir les évoques du
royaume et leur commanda de prêter ser-
ment aux nouveaux statuts. Ces clignes pré-
lats ayant refusé, elle les chassa de sa pré-
sence, en les outrageant de paroles insul-
tantes. On los sépara, et on leur demanda
individuellement de prêter le serment. Tous
aimèrent mieux sacrilier leur dignité et leur
liberio; l'évêque deLandatf fut le seul qui
se souilla du crime d'apostasie» Tous ces
évoques furent chassés de leurs sièges ; pour
eux la persécution ne cessa qu'à la mort.
Les ministres de la reine apostate pronon-
cèrent excommunication contre Healh, ar-
chevêque de Caatorbéry, Thirlby, évêqne
d'Ely, et Donner, de Londres. Tunstal de
Durham, Morgan de Saint-David, Ogil-
thorp de Carlisle, White de Winchester,
Buines de Coventry, moururent victimes
d'une épidémie régnante dans l'exil où on
les avait emprisonnés. Scot deChester, Gold-
Avell de Saint-Asaph, Pâte de Worchester,
jiurent gagnerlo continent. Heath de Cantor-
béry fut trois fois successivement empri-
sonné à la Tour de Londres ; on lui permit
enlin d'aller vivre dans ses terres, lîonner,
évoque de Londres, languit dix ans en pri-
son et y mourut. 11 en fut de même de Waston
de Lincoln, qui y resta trente-trois années.
On pla(;a la plupart des autres évoques sous
DiCTIUN.X. DES PlUSÉCLTIONS. L
la surveillance dos intrus : ainsi 'J'hirlby
d'I'lly, SOUS colle do 1\u1\(m-; IJonrne de Math,
SOUS celle de (^urow d'h^xestoi'. l''(!CJion!iam,
abbé d(! Westminstoi', fut d'aboi d piison-
nior à la Tour, puis il passa sous la surveil-
lanc(! de révê(|ue intrus do Londres ; enfin
il fut enfermé d.nis une forteresse. l*ros(|uo
tout le haut chirgé, ayant suivi l'oxf^miilo des
évêipies, eut le menu; sort. J\L'itlhieu l'arker,
chapelain de Henri VTll ot d'AniU3 de Bou-
lon, fut nonnné archevêque de Cantorbéry
et primat d'Angletori'o.
Elisab{!th conq)rit ([ue, pour courber l'An-
gloiorro sous ses violences, il fallait uiu^ lé-
gislation toute s[)éciale : on eût demandé à
un bourreau delà faire ({u'il no s'en fût pas
si bien acquitté (]ue cette l'oino ot son conseil
d'assassins. Elle lit coulera flots le sang des
catholiques : tout prêtre calholi({uc uisant
la messe dans ses Etats était mis à mort
pour ce fait. Tous los catholiques furent
tenus d'assister aux cérémonies de la reli-
gion nouvelle ; tous les sujets anglais du-
rent prêter serment de su})rématie. Ce ser-
ment de suprématie, le père l'avait déjà
exigé : Henri ^ HI se prétendait infaillible
aussi. Or il avait déclaré sa fille Elisabeth
bâtarde ot incapable de régner ; le |)arlement
avait dit la môme chose. Qui fallait-il cioire
ou du père ou de la fille se proclamant in-
faillibles? Elisabeth mourante exprimale dé-
sirqu'onmîtdansuneinscription.sursontonj-
beau, reine vierge. En effet, dit Lingard, s'il
sufUt de n'avoir pas eu de mari, Elisabetli fut
vierge. Il compte et nommejusqu'à huitde ses
amants. Etrange virginité que celle-là, qui
ne consiste c|u'à ne pas avoir de mari, et
qui permet tant d'amants qu'on voudra !
Elisabeth était plus avancée qu'on ne
pense. Et nos modernes réformateurs lui
doivent, sans s'en douter, des autels. Elle a
devancé leurs systèmes et mis en prati(|ue
ce qu'ils nous donnent comme du neuf.
Non-seulement elle a protesté contre le ])ape
et la religion catholique ; non-seulement
elle a protesté contre le mariage comme sa-
crement; mais encore elle a protesté contre
le mariage légal. Les héroïnes du socialisme
que le pouvoir traîne de nos jours en cour
d'assises, Jeanne Derouin (lingore, institu-
trice et journaliste), la sage-fenune Pauline
et autres femmes émancipées lui doivent,
sans s'en douter, des autels. Elisabeth a j)ro-
testé contre le mariage sous toutes ses for-
mes, et contre la suprématie de l'homme,
d'abord en ayant huit amants, et ensuite en
faisant déclarer par son parlement de valets
c{ue « la couronne serait assurée à ses en-
fants naturels, quel que fût leur père, et
que quiconcpe dirait que ses bâtards n'é-
taient pas apies à succéder au trône, serait cou-
l)ablode haute trahison. » (Livre des Statuts
d'Angleterre, 13, Elisabeth, ch. 1, p. 2.j Ainsi
la reine vierge associait toute l'Angleterre
et son parlement à sa protestation.
Les Anglais n'ont pas ell'acé de leursfastes
celte page avilissante pour leur nation : ils
vivent avec cette honte dans le corps do leur
droit civil et politique. Ainsi donc voilà ui;g
2b
873
EI.l
EU
876
nation qui. Klmet q'ic sa roiic n";i ])as besoin
do mari, qu'il sulllt, pour qu'elle lasse des
liériliers au trùne, qu'elle ouvre son lit à un
homme quel qu'il soit, lîieu malheureuses
Julie et Messaline de n'avoir pas eu l'An-
gleterre pour patrie 1 Le parlement eût trouvé
bon que Ju ic se prostituât, n'importe à qui,
en plein air, sur la tribune aux harangues,
et que Messalinc sortit le soir du palais pour
iller au bouge voisin se donner à la lie do
la populace romaine. Nous avions l)esoin
d'inscrire ieice'tellétrissure,pour continuer.
Nous aimons à croire (pie rien désormais
n'étonnera le lecteur, ni de la part d'Elisa-
be h, ni de la part de ses ministres.
Elisabeth avait tous les vi(.'es et toute la
violence de caractère de son père. Seule-
ment elle avait railiné. E-i fait de vice, elle
trouvait trop incommode de prendre mari et
de lui faire couper la tète, comme Henri VIII
avait fait à ses femmes. Elle changeait d'a-
raants quand bon lui semblait. En fait do
violence, elle le surpassait peut-être; elle
jurait et vomissait dans sa colère les impré-
cations et les injures. Elle frappait dans ses
emportements ses femmes, ses courtisans,
Hatton, garde des sceaux, fut pris au collet
par elle; le comte maréchal reçut un soufdet ;
Mathéov reçut un crachat en i)lein visage. Il
fallait s'agenouiller sur son passage.
Revenons aux choses religieuses. La reine,
prétendant donc ài l'infaillibilité, exigea de
tous ses sujets le serment de la reconnaître
en elle; or, comme il était difllcile de conce-
voir que cette autorité venue de Jésus-
Christ, transmise parles apôtres, pût s'exer-
cer par une femme, le parlement lui recon-
nut le droit de se nommer des vicaires gé-
néraux cjui exerçassent en son nom la toute-
puissance ecclésiastique; elle les investit du
droit de connaître et de juger tout ce qui
auparavant était du ressort du pape, des évo-
ques ou des tribunaux ecclésiastiques. Eli-
sabeth est digne de tiguier au nombre des
plus ardents et des plus violents persécu-
teurs de l'Église. Nous prenons dans Ilohr-
bacher une citation de Cobbet, auteur pro-
lestant, qui doit trouver ici sa place :
« 11 serait iin[)0ssible, dit-il, d'énumérer
ici toutes les soull'rances (}ue les catholi-
ques eurent à endurer pendant ce règne
(Je sang. Avoir entendu la messe, avoir doinié
l'hospitalité à un {)rètre, leconnaître la su-
prématie du ]i;i()e, rejeter celle de lu reine,
sudisait pour faire périr un de ces malheu-
reux dans les plus horribles tourments. Le
plus cruel des actes d'Elisabeth, parce (ju'il
produisit en résultat une masse de souf-
muicC'S bien plus générales, ce fut la législa-
lio 1 pénale qu'elle établit pour imi)Osei' d'é-
normes amendes à ceux (pii négligeaient de
fréquenter avi;c as<iduilé les temples de
l'Eglise (ju'elle avait inventée et fondée.
Ainsi la loi déclarait cou[)able non-seule-
ment celui rpii ik; reconnaissait jtas solen-
nelleujerit la nouvelhî religion connue la
seuil! véritable, et fjui continuait;! piali(pu;r
l'i religion dans laqu(;lle ses pères étaient nés,
luai.s encore celui qui ne se rendait pas
avec exactitude aux nouvelles assemblées,
pour y observer des pratiques qu'il ne pou-
vait considérer que comme un acte public
d'apo'Stasie et comme un horrible blasphème.
A'it-on jamais, je le demjsnde, une tyrannie
plus odieuse et plus épouvantable? Les
amendes étaient si exorbitantes, et le paie-
ment en était exigé avec tant de rigueur qu'il
devint évident qu" le ])ioj( t des hommes du
])Ouvoir était de i)lacer désormais les catho-
litpnvs entre leur conscience et la ruine com-
plèt(i de leurs familles. Dans la vingtième
année du règne de la 6on?fc Elisabeth, ceux
des prèties calholicpies qui n'avaient point
quille le royaumeetqui avaient été ordonnés
sous le règne précédent, n'étaient plus qu'en
très-petit nombre, parce que la loi défendait,
sous peine de mort, d'en ordonner de nou-
veaux, et que d'ailleurs il n'y existait plus
de hiérarchie ecclésiastique. Comme il y
avait en outre peine de mort pour tout prêtre
venant de l'éti'angeren Angleterre; peine de
mort pour celui qui lui donnait l'hospitalité,
peine de mort pour le prêtre catholique qui
exerçait les fonctions de son ministère sur
le territoire anglais ; peine de mort pour les
personnes qui allaient h confesse, il semblait
que rien ne s'opposerait désormais à ce que
la reine réussît dans son projet de détruire
complètement en Angleterre celte antique et
vénérable religion, qui pendant tant de siè-
cles avait fait le bonheur et la gloire de la
nation ; cette religion d'hospitalité et do
charité qui, tant qu'elle avait subsisté dans
le pays, avait empêché qu'on y connût ce
quec'estqu'un pauvre; cette noble et grande
religion aux inspirations de laquelle on était
redevable de la construction de toutes ces
magnitiques églises, de toutes ces imposantes
cathédrales qui décoraient l'Angleterre; en-
fin cette religion de véritable liberté qui avait
consacré tous les actes glorieux de notre lé-
gislation. Mais heureusement, il se rencon-
tra un homme dont le zèle et les talents en-
travèrent l'exécution de cet infernal projet.
Il se nommait Guillaume Allen ou Alan ;
né en 1532, h llossal, dans le comté de Lan-
castie, d'une famille respectable, il avait été
ordonné prêtre h l'université d'Oxford et
élait venu ai)rès la révolution fondera Douai
en Elandie un séminaire pour l'éilucalion et
l'insti'uction des pi-ètres anglais. Il avait été
aidé dans celte (cuvre charitable par quel-
({ues hommes de bien et tie talent; et c était
(le cette écoh; (pie sortaient tous les jeunes
prêtres anglais (pii revenaient dans leur
pays exposer leur vie |)()ur remplir les de-
voirs de leur sacré nlini^tèr(^ On concjoit fa-
cilement (jue la reine eût voulu ponr tout
au monde détruii-e ce précieux établisse-
ment ; mais la mer se tiouvail entre elle et
(luiUaume Allen, et celui-ci pouvait délier
en sûreté ses insirumeids de loilures et do
supplices. (Vvsl ainsi (pi'en (h-pit de cette
foùled'espionsetdelxMirreauxipii couvraient
le sol d(!rAnglet(M're, il s'y conserv i toujouis
(piehpies débiis du naufrage (pn> la l'eligicri
(•alholi(pie y avait essiiyc'. l'Elisabeth entre-
cours il tout pour détruire le séminaiiu
877
EU
II.l
873
(VAllcn, qui fui plus tr.vd pronui au cnraina-
lal L't (loiU ou uo saurait prououccr i(! uoui
sans altondrisscnicul et saus aduiiralion.
Kulin elle réussit, on leminiil ses poils aux
vaisseaux des insurgés hollandais et 11a-
niands eontre la teneur expresse des traités
qu'elle avait signés avec eux, h engag(M- le
gouverneiuent espagnol h l'eriner le sémi-
naire de Douai. Ma.is Allen vint se réfugier
en France, et trouva aide et [)rolection au-
près desCluises (pii, malgré toutes les récla-
mations d'Klisabetli, rctabliient à Ucims
avec sou sémiuairi^. Ainsi lroin|)ée dans tous
ses projets, Elisabeth ne crut pou/oir se
venger d'une manière digne d'elle qu'en
persécutant les callioli(|ues avec [)lus de fu-
reur que jamais. Célébrer la messe, entendre
la messe, aller à confesse, enseigner la reli-
gion catholicpie ou la pratinner furent, jiour
les bourreaux qu'elU; revêtait du titre de ju-
ges, des crimes dignes de toute la sévérité
des loiî),et que le gibet, la |)Oleuce, la roue,
et toutes les espèces de tortures imaginables
pouvaient seuls expier. Celui qui négligeait
de fréquenter son église était passible d'une
amende de vingt livres slerlings par mois lu-
naire, ce qui en monnaie actuelle fait plus
de trois mille six cents francs. Comme il y
avait (les milliers d'individus qui refusaient
de sacrilier leur conscience à une amende
qui au bout de l'année s'élevait pourtant à
près de soixante-dix-huit mille francs, le fisc
ne tarda pas à s'emparer d'une multitude de
pro[)riétés qui jusque-là avaient échappé à
l'avidité des pillards. Au reste, il paraît que
tous ces édits atroces ne sullisaient pas pour
satisfaire la haine des persécuteurs du catho-
licisme, et qu'ils avaient encore recours à
toutes les insultes, à toutes les avanies que
pouvait leur suggérer leur infernale imagi-
nation. Quiconque était connu pour catholi-
que ou soupçonné de l'être, n'avait plus de
sécurité ni un moment de repos. A toute
heure, mais particulièrement la nuit, il était
exj)Osé à voir tes émissaires du gouverne-
ment pénétrer de vive force dans son domi-
cile, en bîiser les portes, se répandre en-
suite par bandes dans les divers apparte-
ments de sa maison, forcer les serrures de
ses meubles, de ses cabinets, fureter partout
jusque dans les lits, pourvoir s'ils n'y trou-
veraient point cachés des prêtres catholi-
ques, des livres, des ornements, des croix
et d'autres objets nécessaires à la célébra-
tion du culte Catholique. On les forçait à
vendre leurs propriétés pour payer les
amendes énormes c[u'on leur intlig. ait, et
dans certains cas, la loi décernait contre
eux la contrainte par corps et la saisie préa-
lable des deux tiers de leurs biens. Quelque-
fois, il est vrai, on leur accordait comme
une grâce particulière la faveur de racheter
par une redevance fixe l'obligation d'aposta-
sie qu'on leur imposait ; mais toutes les fois
que, poursuivie et tourmentée plus que de
coutume par les remords qui l'agitaient in-
cessamment, la reine croyait avoir plus à
craindre pour ses jours, ils amendes et les
accommodements ne suliisaient ])lus à ses
terreurs, et elh; faisait arrêter les catholi-
(pies, les rcmfermant tant(')i chez les protes-
tants, tantôt dans les prisons publirpics, ou
bi(!n elle les faisait déporter. 11 n'était plus
de sécurité h es|)érer pour ic. g(Mitilliomme
catholi([ue; il avaità redouter l'indiscrétion
de ses enfants, la malice et la haine de ses
ennemis, la vengeance de ses fermi(>rs et
enfin la violence de ces hommes si nom-
breux (jui, [)Our quel(iu(! argent, sont tou-
jours prêts à commettre tous les parjures et
tous les crimes.
« Quant aux catholiques, incapables de
payer les amendes (pi'on leur iniligeait pour
ne pas avoir fréquenté les temples i)rot('S-
tants, on les entassait dans les prisons loca-
les, à tel point que, dans certains comtés, les
autorités municipales s'adressaient par voie
de pétition au gouvernement pour être dé-
chargées du soin de pourvoir à leur entre-
tien. Force alors était aux (lersécuteurs de
relâcher ces malheureux ; mais on avait soin,
au])aravant, de les fustiger publiquement et
de leur percer les oreilles awcc un fer rouge!
Plus tard intervint un acte législatif qui con-
damnait tout catholique obstiné, ne possé-
dant pas par-devers lui un revenu lixedevingt
marcs d'argent par année, à quitter le pays
trois mois après son jugement, et à la mort,
s'il osait ensuite remettre le pied sur le ter-
ritoire anglais. Mais la vieille Elisabeth s'é-
tait trompée en faisant sanctionner par son
parlement cette épouvantable loi de pros-
cription; elle ne put atteindre le but qu'elle
se proposait, parce que les juges reconnurent
bientôt que, malgré les ordres formels de la
reine, elle était inapplicable. Ils se conten-
taient donc de vexer et de taxer comme par
le passé les malheureux catholiques, pour
leur faire expier le crime qu'ils commettaient
en s'abstenant de l'apostasie et de la profa-
nation. Néanmoins les catholiques conser-
vèrent encore pendant quelque temps l'es-
pérance de voir alléger leurs maux. Une pé-
tition fut rédigée dans les termes les plus
respectueux pour exposer leurs principes,
leurs souffrances et leurs prières; le difficile
était de trouver un homme assez courageux
pour aller la déposer au pned du trône : car
on n'ignorait pas qu'on s'adressait à un êlre
l)0ur lequel la vérité, la justice, la pitié et
l'humanité n'avaient jamais été que de vains
mots. Un certain Richard Shelley, de Michel-
Grave dans le comté de Sussex, offrit de se
dévouer pour ses core5igionnaires et de se
charger de présenter leur supplique. Elisa-
beth qui, dans aucune occasion de sa vie, ne
démentit son odieux caractère, ne répondit
aux plaintes do cet homme courageux que
parles échos d'une infecte prison, où bien-
tôt après il expira martyr de sa foi et victime
de la cruauté du monstre qui régnait sur son
I)ays. Philippe II, depuis longtemps provo-
qué par les outrages d'Elisabeth, avait résolu
de faire une descente en Angleterre. Il était
alors le monarque le plus puissant de la chré-
tienté , et ses Hottes ainsi que ses armées
étaient de beaucoup supérieures à celles de
la reine. Bien que le danger imminent au-
8T9
ru
auol rAu^^letorre so trouvait cxj)os6e n'oûl
a'autre cause que la malice, la pciUilie et la
mauvaise loi d'Elisabeth, les Anglais n'envi-
sagèrent que le salut de la iiatiie et tous
prirent la défense de leur souveraine. Les
catholiques, dans cette occasion comme dans
toutes celles où un appel fut fait ii leur |)a-
triolisme , prouvèrent qu'il n'était jioiiit
d'oiipressionciui put jamais leur faireoublier
leurs devoirs de sujets et de citoyens.
Aussi Kume lui-même est-il obligé d'avouer
que les genlilshonmies cailioli(iues, quoicjuc
déshérités de tous leurs droits politiiiues,
« prirent du service dans l'armée et dans la
flotte en qualité de simples volontaires ; qu'il
y en eut même qui é(iui])èrent à leurs [iro-
f)res frais des vaisseaux, dont ils conlièrent
e corumaudement à des ofiiciers protestants ;
Î[ue d'autres firent tout pour exciter leurs
ermiers, leurs vassaux, leurs voisins, è vo-
k-rausecoursdeleur patrie en danger; et ({ue
tous, sans distinction de rang, oubliant dans
cette circonstance les injustices des ])artis,
se préparèrent avec autant d'ordre (jue d'é-
nergie à re[;ousser l'invasion. » Une horri-
ble tempête qui dispersa et détruisit la
moitié de la ilotte espagnole célèbre dans
riiisto re sous le nom û'Jnvincible Armada
que lui avait donné d'avance le roi d'Espa-
gne, fut cause que la descente projetée ne
put avoir lieu. Il est même plus que proba-
ble qu'elle eût échoué, quand bien même
elle n'eût pas été contrariée par un accident
de force majeure. On ne saurait nier toute-
fois qu'une semblable expédition ne plaçât
l'Angleterre dans une situation très-critique
et qu'il n'eût dépendu que des catholiques
d'en augmenter le danger, s'ils avaient voulu
écouter leur juste ressentiment. Leur con-
duite loyale et généreuse dans cette occur-
rence seudjlait donc devoir leur mériter
quelfiue allégement au joug de fer qu'on
leurfaisait porter. Leur attente fut trompée;
on redoubla au contraire de cruauté et de
barbarie h leur égard et on les soumit aune
incjuisition mille fois plus terrible que n'a
jamais été celle d'Es()agne. Un simple soup-
çon suffisait ()0ur les faire emprisonner ,
torturer et mettre à mort. Les propriétés de
l'Eglise et des ordres religieux avaient
été confisquées en Irlande de la même ma-
nière qu'en Angieteri-e. Eloigné du foyer du
pouvoir , de l'afjostasie et du fanatisme,
il avait été i)lus difficile d'y emi)orter des
conversions à cou[)s d(; fwsil et avec des
échafauds ambulants. On y avait donc envoyé
successivement des mir/nons de la reine ,
pour y pousser le [leuple à la révolte par
leurs alfreuses exactions, et préparer ainsi
des [trétextes h des confiscations nouvelles.
Celui dans ce malheureux i)ays, plus (pie
partout ailh.Mirs, ((u'on vit l)ien (pie la pr(^'-
lendiie réforme n'était (pie h( pillage syslé-
matiqiiemeiit (organisé. l'Elisabeth le perfec-
tionna encoi-e par des massacres en niasse;
c'est ell(! (pu y envoya ces prédicants dont
les successeursprélèvenl encore de nos jours,
à 1.1 ()oinle de la baïonnette, les dîmes (^xor-
L'it.uiles ((ui enri( hissent aux déjicns ik-is
EI.l 880
malhcTHTux un clergé sans ouailles. C'est
elle (pii préluda h toules les mesui-es tyran-
ni(pies et atroces cpii ont fait de l'Irlande un
pays à part.» (Cobbet, Lettre 11 sur iliistoire
de la Réforme en Angleterre.)
Tel est le tableau que nous trace un au-
teur protestant des atrocités commises sous
ce l'ègiie. Evidemment s'il eût émané d'un
catholique, on nous eût peut-être accusé
d'aller puiser h. des sources où l'exagération
est un moyen de |)arti. Maintenant, veut-on
entre mille un exemple de la façon dont pro-
cédaient les bourreaux de la renie, par son
ordre, un exen)ple ([ui fera voir pour quel-
les causes Elisabeth condamnait h mort et
conmient elle entendait les supi>lices ? Mar-
guerite Middlelon, fenmie d'un riche habi-
tant de la ville d'York, avait choisi pour
instituteur de ses enfants, et avait logé chez
elle un prêtre catholique. Sa foi n'avait pas
cru pouvoir leur donner un meilleur pro-
fesseur. Elle fut pour ce crime déférée aux
tribunaux de la reine. La sainte femme ne
voulut ni s'excuser ni se défendre. Pour-
quoi en effet donner par son adhésion une
apparence de légalité à une telle procédure;?
Elle garda le silence. Elle fut condauniée à
mort et exécutée comme nous allons dire.
On la mena à une petite distance de la pri-
son, c'était le lieu du su])plice. Un juge
commanda aux bourreaux de la déshabiller.
On lui avait accordé le temps de faire sa
nrière. Marguerite et quatre femmes qui
l'accompagnaient, se jetèrent à genoux et
demandèrent au juge (ju'au moins on res-
pectât la décence dans la personne de la
victime et cju'on voulût bien ne pas la
déshabiller. Le juge refusa. Seulement, il
' voulut bien permettre que ce fussent ses
femmes qui s'acquittassent de cet oOice. On
lui ôta donc ses vêtements, et elle fut revê-
tue d'une longue chemise de toile. Alors
elle s'étendit [)ar terre avec un calme et une
tranquillité ((ui surprirent tous les assis-
tants. Elle avait un mouchoir sur les yeux.
On mil sur elle une })0ite qu'on chargea do
})oids énormes j)Our écraser la sainte vic-
time. Obéissant à la douleur qui connuen-
çail à se faire sentir, elle croisa les mains
sur son visage. Le juge lui donna l'ordre de
les oler. 11 faut, lui dit-il, que vos mains
soient attachées. Alors deux exécuteurs s'a-
vancèrent, et les écartant autant que faire
se pouvait, ils les lui lièrent à deux pieux.
Ils lui attachèrent aussi les ])ieds. On aug-
menta alors la charge d'un poids énorme.
E:1I(! répéta plusieurs fois, en s'écriant, ces
seuls mots : « Jésus, Jésus, ayez pitié do
uioi l » Son supplice dura environ vingt nii-
jnites. l'ille avait sous le dos une pierre an-
guleuse et pointiu', (pii lui faisait une hor-
lible blessure, tandis (pu' la porte (pie l'on
chargeait successiveiueiil avec des jxtids pe-
sant plusieurs centaines île livri's, l'écrasait
de |)lusen plus. Enfin les cotes si brisèrent,
et leurs fragments traversaient la peau. Kilo
expira au milieu de ce supplice atroce.
N(! semble-t-il pas (pi'oii cnI li<i:isporté au
t(iiij)s des Neroii et il( ^ (ialèie? Hélas! ces
851
LLl
j;i,i
%n
Doms si tfistoinonl célèbres de poi'si'cîu-
teurs tA de Ijoiiircaux no suiil rii'ii (l(^ plus
hideux |)()iii-laiil cpu! ceux (U) llciiii Vlll,
d'Klisabelii ot îles mfAiiies boiiireaiix de *);{.
Oui, pour la lioiilo des temps modernes,
dos cliriMiens ont é}j;alé ces monstres de
ranlicpiitc païenne. C'est (pie l'Iionnne, si
lier de sa civilisation, est le mémo tonjoui-s,
si Dieu rabandonne, et peul-ôlre, liélas 1
devient-il d'autant plus perv(>rs et plus lii-
deux h voir, (pi'il a aonsé do plus do lu-
ni
iùres et de plus de grAces.
Les faits que nous venons de raconter so
passaient en 158G; niainl(>nant, remontant
un pou on arrière, nous citerons (piehpies-
luis d(^s martyrs (jne lit Elisabelli. Nous
trouvons parmi les plus célèbres le comte
<lo Norlliumbeiland Henri Perci, le comte
d'Arondel son (ils, puis une t'oulti de mis-
sionnaires. Le |)remier de tous fut Culhbert
Maine, i)rètre de Coinouaille. Trois cliofs
d'accusation fuient poités contre lui. On le
condannia connue ayant, 1" demandé et reçu
une bulle du souverain pontife ; 2" d'avoir
refusé de reconnaître la reine, comme chef
suprême do l'Eglise d'Angleterre; 3° d'avoir
dit la messe sur le territoire do Sa Majesté,
dans la maison d'un seigneur nommé Tri-
guian. Le saint missionnaire fut condamné
à mort, et subit, lo 29 novembre 1577, le sup-
plice des traîtres. Triguian fut mis en pri-
son après qu'on eut conlisqué tous ses biens.
11 mourut dans sa captivité. Dès lors, les
recherches furent faites avec une activité
qu'on n'avait pas déployée jusque-là. Les
prisons se remplirent de détenus pour
cause de religion. Au château d'York, dans
un même jour, plus de vingt de ces i)rison-
iiiers périrent d'une alfection épidémique
du genre des pestes. Le jour de la mort de
tous ces saints mai^tyrs, Nelson, prêtre, et
Sherwood, laïque, qui avaient nié la supré-
matie spirituelle de la reine, furent traînés
sur la claie, pendus ensuite et coupés en
cjuatro.
Do tout temps, dans l'Eglise de Jésus-Christ,
le sang des martyrs, semence féconde, a pro-
duit d'autres martyrs. De tout temps, l'exem-
jjle de la mort des saints a enfanté dos dé-
vouements semblables aux leurs : il en fut
de même cette fois, La fureur d'Elisabeth,
au lieu de faire reculer les serviteurs de
Dieu, leur donna une ardeur plus grande
pour le combat ; bientôt d'autres saints vin-
rent remplacer ceux qu'elle faisait mourir.
Allen, docteur et fondateur du collège an-
glais de Douai, s'adressa au général des jé-
suites pour obtenir des missionnaires et
des martyrs pour son malheureux pays. On
sait que les jésuites aiment le danger, et
que là où il y a du sang à verser pour la
cause du Seigneur, on est sûr de trouver
qu'ils n'ont pas ménagé le leur. Le général
accueillit avec empressement cette de-,
mande : il demanda au pape la permission
de fonder une mission pour l'Angleterre ;
le pape la lui accorda. Dès que la nouvelle
en fut connue, une sainte éiuulation pous-
sant à l'envi les Pères de l'ordre, ils vinrent
en grand noudji'o se jeter aux itieds de leurs
su|)érii;urs pour demandei- d'aller en Anglc-
teri'o. AlhîU témoigne d(j ce fait, (jui honore
la (MMUpagnio d(! Jésus sans surprciulro île
sa part, tant on est habitué à la voir se di'-
vouer partout où il y a du bien h faire, du
danger à courir. A[)rès mûre délibération,
on décida de n'envoyer en Angleterre.' (pj(!
des Anglais : on en choisit douze ; Edmond
('anq)ian de Londres, Uobert Pi.'i'sons, tous
deux mend)res de l'université d'Oxford, fu-
rent nonnnés chefs de la mission ; Emer-
son, coadjuteur tem|)orel, l^Mlolphc Sher-
>vin, Luc Kirby, Edouard Uislhon, quatre
prêtres et doux jeunes gens encore laïtpios
les accompagnaient. Le i)apo lit une bulle
dans laquelle il ordonnait aux calholiipics
de reconnaître l'autorité tenqiorelle irElisa-
belh. Le général des jésuit(!S ordonna à ses
missiomiaires de no s'immiscer dans aucune
question [)olitique. La jjluparl de nos saints
missionnaires furent martyrisés en Angle-
terre ; Dieu leur doima de cueillir la glo-
rieuse couronne à la contiuête d(^ laquelle
ils marchaient si courageusement. Les deux
chefs Carapian et Persons furent des pre-
miers martyrisés. Les Jésuites ne se las-
saient pas ; tous ceux qui tombaient élaiei'
immédiatement remplacés,
L'Europe et le monde étaient dans l'admi-
ration de tant d'héroïsme. Le récit des sup-
plices de ces généreux soldats de Jésus-
Christ volait de bouche en bouche. Autant
on les admirait, autant on éprouvait d'hor-
reur pour leurs bourreaux. Les premiers
qui se lassèrent, co ne furent pas les victi-
mes, Elisabeth et ses bourreaux reculèrent,
non pas par horreur du sang et du meurtre,
mais par lassitude ; ils virent du reste que
le sang qu'ils versaient était une semence
qui fécondait l'Eglise catholique et l'enri-
chissait de martyrs. Ils commencèrent à ne
plus tuer autant et à déporter davantage.
Jusqu'à la fin de son règne, Elisabeth persé-
cuta les catholiques.
Cette reine abominable, qui mérite si
bien l'exécration de l'histoire pour la
cruauté avec laquelle elle persécuta et fit
mourir tant de saints dans son royaume, ne
voulut pas qu'il manquât une infamie à cette
couronne de forfaits dont elle ceignit sa tête.
Depuis que la civilisation chrétienne avait
lui sur l'Europe entière, aucun peuple, au-
cun souverain, n'avait osé porter la mai»
sur une tête royale. Pllisabeth, qui, comme
nous l'avons dit, devançait son siècle en
tant de choses, assassina une reine, Marie
Sluart. Ce fait n'aiipartiont pas à notre ca-
dre ; nous nous -contenterons de rindi({uer
sommairement,
Marie Stuart était tille de Jacques V, roi
d'Ecosse, et de Marie de Lorraine, Elle na-
quit en 15i2, et perdit son père huit jours
afirès sa naissance. Elle fut aussitôt recon-
nue reine, et sa mère, Marie de Lorraine, la
fit élever avec soin dans les principes de la
religion catholique. En loSS, elle épousa le
dauphin de France, (ini devint roi l'aïuice
suivante, sous lo nom de François IL Après
S33
LLP
L.LP
&U
dix-huit mois do mariage, elle revint eu
Ecosse. Ses sujets, qui avaient embrassé
avec ardeur la religion réformée, se soule-
vèrent contre elle. Marie eut le mallicur
d'épouser Henri Darnley, son cousin, qui
n'avait pour lui <prune beauté peu com-
mune. Elle ne fut pas heureuse : Darnlev
eut une jalousie effrénée contre David lliz-
zio, secrétaire et confident do sa femme ; il
l'assassina en sa présence. Peu de temps
après, il périt lui-même d'une façon tragi-
que. Au bout de trois mois, Marie épousa
le comte de Botln\el. On sait la suite de ses
malheurs. Ses sujets s'étant révoltés, elle
prit la faite et vint en Angleterre cherclior
asile auprès d'Eiisnbctli, sa cousine. Marie
Stuart, à la mort de sa cousine Marie, à la-
quelle Elisabeth avait succédé, avait pris le
titre de reine d'Angleterre. Bien que depuis
elle eût accej)té la puissance de fait d'Elisa-
beth, cette dernière lui gariait une haine
irréconciliable. Elle était surtout excessive-
ment jalouse d'elle, parce que Marie la sur-
passait en beauté. Elle l'accueillit cependant
avec toutes les ai)[)arences de l'amitié ; mais
bientôt elle la fit jeter en prison, où elle la
tint dix-huit ans. Elle trouva moyen ensuile
de l'impliquer dans une conspiration contre
sa personne, et en 1587, elle la fit condam-
ner à mort. Mario Stuart fut décapilée et re-
çut avec un courage héroïque le coup mor-
tel. Elisabeth fit semblant d'ignorer son
exécution. Elle versa des larmes quand on
la lui apprit, disant qu'elle n'en avait pas
donné l'ordre. Elle disgracia tous ceux qui
Î^ avaient pris part, mais bientôt après elle
es remit tous en charges. Elle avait commis
le crime, elle en redoutait l'odieux. L'his-
toire le lui a infligé.
Elisabeth mourut en 1603. Les Anglais
sont fiers de cette reine ; les historiens en
ont fait une héroïne, et ont dit qu'elle fut
une des plus fortes tètes politiques d'Eu-
rope. Elle régna dans un temps où l'Europe
n'était pas riche d'hommes politiques ; elle
brilla surtout par le contraste. Sans nier
qu'elle eût des talents de gouvernement,
nous no saurioi'S hù accorder la réputation
qu'on lui a faite. Mainienai'ît, que fut-elle
en dehors de cehi? Bourreau des catlioli-
quos, cruelle au delà de tout ce qu'on peut
imaginer. Elisabeth montra qu'elle avait
dans ses veines le sang d'Henri 'N'III, le
Néron anglais. FcniuK! débauchée et por-
tant le cynisme jusqu'à inscrire, comme
nous l'avons vu, ses hontes dans le corps
des lois de son pays, elle ne sut garder- ni
la pudeur (pii fait l'InjunèUî femme, ni le
décorum qui doit être l'auréole d'une rei;ie.
Les Anglais peuvent pei-sisler à la regarder
comme une des gloires di; leur nation, c'est
j)Ossible, mais c'est une des hontes de l'hu-
niiifnté.
l'^LIMlf^iil"' (saint', arohevéoue de C.aiitoi-
béry, mailyr, naquit d'une familhï illustre
et distinguée, qui lui lit donnci- nn(^ éduca-
tion digne en tous jifunts de sa gtaiule nais-
sance. Il se retira jeuiu! encore et malgré
les lornies de sa mère, dans le monastère de
Derherste, s'tué dans le c(jmté de Glocester.
Après y avoir passé quelques années, il
vint chercher une i-etraite plus solitaire en-
core dans un désert de l'iibbaye de Bath. Il
y vivait retiré et dans la prati([ue des })lus
grandes austérités ; sa vertu jetait tant d'é-
clat (pie |ilusieurs personnes, même reraar-
(juables jjar leur grande distinction, vinrent
se mettre sous sa sainte direction ; bientôt
après, il fut élu au gouvernement de l'ab-
baye de Bath et en réforma les moines dont
les mœurs étaient un peu relâchées.
Cependant, saint Ethelwold, évoque de
Winchester, étant mort en 98't, notre saint
fut élu à sa place. La dignité à laciuelle on
venait de l'élever ne lui fit rien changer
dans sa vie austère et si sainte : tous les
jours, il se levait à minuit, priait longtemps
nu-pieds , même dans les rigueurs de
l'hiver. Il ne mangeait presque jamais de
viande. Sa charité était si grande, et ses au-
mônes si abondantes qu'il n'y avait pas un
seul mendiant dans tout son diocèse. Après
avoir. gouverné l'église de Winchester pen-
dant vingt-deux ans, on l'enleva à l'amour
de son troupeau pour l'élever sur le siège
archiépiscopal de Cantorbéry à la place d'Al-
fric qui venait de mourir. Bientôt après, les
Danois firent une irruption en Angleterre.
Soutenus par le comte Edric, un des plus
puissants du royaume, et qui oubliait ce
qu'il devait à "sa patrie , ils commirent
mille cruautés et vinrent enfin mettre le
siège devant Cantorbéry. On voulait faire
sortir notre saint de la ville, afin de le sous-
traire à la barbarie des assiégeants. Mais
Elphège, plein d'amour pour son troupeau,
refusa constamment, soutint leur courage,
les anima à la défense et leur donna l'Eu-
charistie en les recommandant au Seigneur.
La ville ayant été prise d'assaut, tout fut
passé au fil de l'épée. Notre saint s'étant
jeté au milieu du carnage, afin d'exciter la
compassion des barbares, fut saisi, chargé
de chaînes et jeté tians un noir cachot. Il
resta ainsi sept mois dans sa prison. Mais à
cette éjioque, une terrible épidémie étant
venue décimer l'armée danoise, les chefs le
firent sortir de son cachot, le supphanl de
prier so.'i Dieu do lesdélivror. Elphège, n'é-
coutant (jue la voix de son bon cieur et les
conseils de sa charité toute chrétienne, se
rendit à hnu's désirs, pria Dieu de les déli-
vrer du fléau, et Inenlèl il fut exaucé ! Loin
d'être r(.'coniiaissants d'une telle faveur, les
barbares lui demandèrent trois mille marcs
d'or pour raneon. Celui-ci ayant refusé, no
voulant j)oint^ disait-il, faire un tel usage
du i)atiimoino des pauvres, les Danois,
transportés de fureur, se jetèrent sur lui, le
renversèrent [)ar terre et le laj)i(lèi-eiil. Un
de ces barbares nouvellement baptisé, et
qui fut touché de le voir languir, mit lin h
.ses jours en lui fendant la lêtc avec sa
hache d'armes. Notre sain! fut martyrisé lo
1*) aviil lOl'i, dans la ciinpiantc-neuvième
année de son Age. Il fui enterré dans la ea-
llK'drale de Sainl-Paid de Londres, ci on/O
ans après, on transiiorla ses relicjui's à Cun-
885 I.LV
torbéry. Go fat Henri Vlll qni les fit disper-
ser avoc celles de lous les antres saiiils, (jiu
so trouveront dans son royauMKî. L'Kyliso
fait la mémoire d'Kli)hègo le i\) avril.
ELPIDE, trésorier du domaino sons .In-
îion l'Apostat, vint h Anlioeho avoc luîlix,
suiinlendant des linances, ot le comte Jn-
lieii, oncle maternel de l'emiJoreiu-, |)onr
piller lo> églises. Ils y commirent tontes
sortes do profanations. A Tartich; des deux
antres, on pont voir quelles punitions ils
sid)irent. Qua-U à Kliiide, soupçonné de con-
cussion par l'emprMMHir, il fut mis en prison,
où il mom-ut, (pu'lque temps après, méprisé
de tout le monde et surnonnué le Kcnégat.
l'XPlDE (saint), martyr, était un saint
évèquc de la Chorsonéso. Il versa son sang
jiour la concession de sa foi, avec les évo-
ques Basile, Eugène, Agalhodore, Ethèro,
Capiton, Ephrom, Nestor et Arcade. La da'e
de leur martyre est inconnue. C'est le k
mars que l'Eglise honore leur illustre mé-
moire.
ELPIDE (saint), évoque et confeSseur,
souffrit à Lyon en l'honneur de la foi de
Jésus-Christ. Nous n'avons aucun détail sur
lui. L'Eglise fait sa fôte le 2 septembre.
ELPIDE ( saint ), martyr, faisait partie do
l'ordre des sénateurs. Ayant généreusement
confessé la foi chrétienne en présence de
Julien l'Apostat, il fut attaché à la queue de
chevaux indomptés avec les saints Marcel,
Eustache et plusieurs autres dont les noms
ne nous sont point parvenus. Ces saints
combattants furent tirés avec violence, déchi-;
rés et enfin jetés dans le feu où ils accompli-
ront leur glorieux martyre. L'Église fait leur
fête le 16 novembre.
ELPIDEPHORE (saint), martyr, reçut la
palme du martyre en Perse, avec les saints
Acyndine, Pégase, Aphtone, Anempodiste et
plusieurs autres qu'on ne connaît pas. On
Ignore l'époque où eut lieu leur martyre.
L'Eglise célèbre leur mémoire le 2 noveml)re.
ELPIS ( sainte ), martyre, eut la gloire de
donner son sang pour la foi chrétienne à
Lyon, en l'an 177, sous le règne de l'empe-
reur Antonin Marc-Aurèle. Sa (jnalito de
citoyenne romaine fit qu'on la décapita au
lieu de l'exposer aux botes, connue le furent
plusieurs de ses compagnons. La mémoire
de tous ces saints martyrs est honorée par
l'Eglise le 2 juin.
ELPIS ( sainte ), ou Espérance, fille de
sainte Sophie, et sœur de sainte Pislis ou Foi,
et de sainte Agapé ou Charité, donna sa vie
pour la religion, à Rome, sous le règne- d'A-
drien. Elle mourut avec ses deux sœurs,
trois jours avant sa mère. L'Eglise fait sa
fête le 1"' août.
ELUSE (Louise), converse au couvent du
Saint-Sacrement à Rolène, péi-it sur l'éclia-
faud le 29 juillet 179i, avec Magdeleine Tail-
len, Marie de Genès-Chansolle, religieuses
du même ordre, et Eléonore de Justamon,
religieuse de Sainte-Catherine d'Avignon.
ELVIRE, en Espagne, s'est illustrée par
les souffrances qu'y souffrit le saint évêque
KMI 883
Grégoire <i une époque ol dans des circons-
tan(;es (pii nous soit inconnues.
E.MIMUJN, ville de J-'rance, (pii fut témoin
du martyre des saints Victor, Oronco et
\ inceut.
EMÉUENTIENNE (sainte), vierge et marty-
re, est nonunée dans saint Jérôme, dans Bède
et dans plusieurs autres martyrologes. Ses
Actes rapportent qu'elle fut assommée à
coups de [)ierres, sur le loudjoau de sainte
Agnès, où elle s'était rendue pour prier, n'é-
tant encore que simple catéchumène.
EMEUl ( saint ), confesseur, était fils do
saint Etienne, roi des Hongrois. 11 soull'rit
en l'honneiu" do Jésus-Christ à Albe-Royalc.
Les Actes des martyrs ne nous en disent pas
davantage sur lui. L'Eglise fait sa sainto
mémoire le 'i- novembre.
EMÉRITE, sons le règn(î de l'empereur
Déco, en l'année 250, eut la gloire et lo
bonheur de partager les tourments et la pri-
son pour la foi, avoc saint Moyse et ses com-
pagnons. Sa sœur Cornélie, son frère Macaire,
étaient au nombre de ces saints confesseurs.
Il est fait mention d'elle dans la lettre de
Lucien aux confesseurs de Rome, citée dans
les OEuvres de saint Cypricn. ( Pour plus de
détails, Voy. saint Moysk, confesseur.)
EMÉRITE ( sainte), reçut à Rome la cou-
ronne du martyre, avec sainte Digne, sous
l'empire de A^alérien et de Gallien. On man-
que de détails authentiques ot circonstanciés
sur leur sacrifice. Leurs reliques sont actuel-
lement dans l'église de Saint-Marcel. Elles
sont inscrites dans le Martyrologe romain à la
date du 22 septembre.
EMERiTUS ( saint ), fut l'un des quarante-
huit martyrs mis à mort avec saint Saturnin
en xVfrique, sous le i)roconsul Anulin, ou
l'an de Jésus-Christ 305, sous le règne et
durant la persécution atroce que l'infâme
Dioclétien suscita contre l'EgliseduSeigneur.
( Voy. Saturnin. ) L'Eglise célèbre la fûîede
tous ces saints le 11 février. •
EMÈSE, ville do Phénicio, célèbre par
l'illustre martyre qu'y endurèrent, sous le
règne de l'empereur Dèce, saint Galalion et
sa femme sainte Epistème. ( Voy. leurs ar-
ticles. )
EMÈTRE (saint), vulgairement saint Ma-
dir, servait avec distinction dans l'armée
romaine. Il avait pour compagnon d'armes
saint Chélidoine. Tous deux furent marty-
risés à Calahorra, mais on ignore en quel
temps. Prudence dit que ces deux illustres
saints firent do nombreux miracles en Espa-
gne. L'Eglise fait leur fcte le 3 mars.
EMILAS ( saint), diacre et martyr, souffrit
pour la défense de la religion à Cordoue
avec saint Jérémie. Après .avoir langui long-
temps en prison, dur^mt la persécution des
Arabes, ils achevèrent leur martyre en don-
nant leur tète pour Jésus-Christ. On ignore
l'époque précise. L'Eglise honore leur sainte
méinoii'e le 15 septembre.
liMiLE (saint), fut martyrisé en Afcique,
avec saint Caste, sous l'empire de Sei)lime-
Sévèro : on ne sait pas précisément en quelle
année. Saint Cyprien, qui nous fournit le
8S7
EMI
EMM
888
seul document qui fasse meiilinii de ces diux
s;(iiils, ne nous dil pas la claie de leur nioi't.
l Voy., pour lire ce passage, saint Caste. )
I/Egiise fait la fèlo de ces deux saints le
22 mai.
EMI!.E ' saint ), martyr, ré[iandit son sang
pour la religion à Capoue. Il eut pour com-
pagnons de son mart\re les saints Marcel,
Caste et Saturnin. Llv;lise célèbre leur im-
jHOrtt'lle mémoire le G octobre.
EMILE i^sa.int'. martyr, donna sa vie pour
la défense de la rdigifjn, avec les saints
Priam, Féli\ et Lucieu. Leur martyre arriva
en Sardaigne. Ou ignore le lieu, la date et
l(>s circonstances de leurs combats. L'Eglise
fait leur fête le 28 mai.
EMILIE (sainte), martyre, fut mise à mort
cl Lyon, pour la foi, en Tan 177, sous le rè-
gne de Tempercur Autonin Marc-Aurèle.
Plusieurs des compagnons de ses glorieux
combats fur»ont tourmentés de dillerentes
manières, et entln exposés aux hôtes. Sa
qualité do citoyenne romaine lit qu'on la dé-
capita. L'Eglise fait la fête de tous ces saints
martyrs le 2 juin.
EMILIE fsainle) fut couronnée })ar la per-
sécution de Marr-Aiirèle, en l'année 177,
dans la ville de Lyon. Comme saint Pothin
et une foule d'autres généreux martyrs, cette
sainte ne jiut pas endurer jusqu'au bout les
tourments que lui préparaient les persécu-
teurs. Dieu, qui ménageait sa faiblesse, la
fil mourir dans sa prison. Elle est fêtée par
l'Eglise le 2 juin, avec tous les autres mar-
tyrs de Lyon couronnés h la même date.
Cette sainte est différente de la précédente,
quoiiju'elle porte le même nom.
EMILIEN, gouverneur de l'IIispanie cifé-
rieure, sous Valérien, lit mourir, en 2o8 ou
259, saint Fructueux, évê(|ue de Tarragonc,
et ses deux diacres, saint Eulogo et saint Au-
gure. [Voy., pour les détails, le titre de saint
EhiicTi ni x.)
EMILIEN (saint), martyr, souffrit durant
la j)ersécution de Valérien, à Cirlhc en Nu-
inidie, avec les saints Agape, Secomiin, et les
saintes Terlulle et Antoinette. [Voy., pour les
détails, les Actes de saint Mauikn.)
EMILIEN (saint;, martyr, était médecin do
profession. 11 soulfrit le martyre, vers l'an
48'v, durant la persécution ([ue Hunéric, roi
des Vandales, lit subir aux catholiques. Il
était cousin des saintes Dative et Denyse.
L'Eglise honore leur mémoire le 0 (lécend)re.
EMILIEN (sainlj, martyr, cueillit la palme
du martyre (ians la basse Arménie, avec ses
deux coMq)agnons, Ir-s saints Denis et Sébas-
tien. Nous ignorons complélement I(!S dille-
rentes circonstances se ratta(;liant à leur mar-
tyre. L'Eglise célèbre leursainli; mémoire U\
8 février.
l'IMILIflN ''saint), évêque et conf(;ss(!ur,
sonll'iil pf)ur la déiotis(! de la religion, à Cy-
zique dans rilellespoiil. Il éprouva toutes
sortes de mauvais tiaitomeids, par l'ordre do
l'eiiipenMir Léon, h cause du culte des ima-
ges. Il linit sa vie en exil. On n'a |)as d'au-
tres détails sin- lui. L'Eglise vénère '^a glo-
"ic'Use mOmoiro le 8 août.
i'MJLIEN (saint), martyr, donna sa vie
pour Jésus-Christ, ?i Doiostore en Mysie,
sous Julien rAi)ostal. Ayant été jeté dans
une fournaise artiente, sous le président Ca-
jùtolin, il remjiorta ainsi la glorieuse palnu^
du martyre. L'Eglise fait sa mémoire le 18
juillet.
ÏIMILIEN (saint), confesseur, souffrit pour
la défense de la religion, dans le territoire de
lleinies. On n'a aucun document sur son
compte. L'Eglise honore sa juémoire le 11
octobre,
EMILIENNE (sainte), souffrit le martyre îi
Rome, Il une éi)0([ue et dans des circonstan-
ces qui ne sont point parvenues jusqu'à
nous. L'Eglise fait sa uiémoire le 30 juin.
E.MMANUEL (saint), martyr, cueillit la
glorieuse j)alme du martyre avec les saints
Quadral et Théodore. Nous mancjuons de do-
cuments établissant le lieu, la date et lescii--
constances de leur martyre. L'Eglise fait leur
fête le 2G mars.
EMMANUEL DE LAMBUANO (le bien-
heureux), ayant quitté le Hengale i)Our l'île
Solor^ et se rendant de celle dernière mis-
sion à (ioa, fut capturé par des mahométans
du royaume d'Achem, dans l'île Sumatra, et
masscicré avec le P. Caspard de Sa, en l'an-
née 1603.
EMMÉRAN (saint), martyr, eut l'honneur
de mourir j)Our la foi chrétienne, l'an de
Jésus-Chiist 652. I! était né à Poitiers, et,
s'étant donné à Dieu dès son enfance, il fut
ordonné évêque dans la même piovinco
d'Aquitaine ; mais on ne sait pas de quel
Siège. Ayant ajijjris que les peu|)les de Pan-
nonie étaient encore idolûtres, il |)rit la réso-
lution d'y aller. 11 mit dotic un autre évc<iuo
à sa place, cpiilta son pays, sa famille et ses
biens, (jui étaient grands, passa la Loire cl
le Kh n, et entra dans la (iermanie. Comme
il ne savait pas la langue, un prêtre, nommé
Vital, lui servait d'inler[)rèle. Il alla jusqu'à
Uatisbonne, où résidait 'J'héodon, duc ou
gouverneur de Bavière, pour le roi Sige-
hert III. Saint Ernméran lui communiqua
son dessein d'aller prêcher la foi aux Avares,
et, s'il était besoin, soulfrirle mai lyre. Théo-
don lui dit : Nous sommes en guerre conti-
nuelle avec C(^s peuples, tous les environs
de la rivière d'Ems sont ravagés ; en sorte
qu'il n'y a aucune sûi'etéd'y passer, quelque
sauv(!garde que l'on puisse avoii-. Je vous
prie, demeurez ici ; a|)iès avoir ouï vos
saintes instructions, je ne consentirai point
(|ue vous nous quilliez. Soyez notre évêque,
ou, si votre humilité ne lo jjermel pas, gou-
vernez, comme abbé, les moiuislères de cette
province. Nous vous donnerons îles terres
poui' votre subsistance. Saint Enuuéran ,
voyant (pi'il ne pouvait exéciiler son nre-
mier dessein, se rendit aux prières de Théo-
don, d'autant plus (pie les habilanlsdu pays,
nouvellement convertis, u'avaitMit pas en-
core entièrement déraciné lidol.Urie et mê-
laient le culte des démous avec le chi-islia-
ni.Muc. 11 y demeura donc Irois ans, prê-
chant par toutes les villes, les bourgs et les
\illages. Il in.struis;iil, autant qu'il était pos-
813
ENG
ENG
KDO
giblo, cbriqno personne en pnrtioulior ; et,
lie pnlant (jue le nécessaire de ce (iti'on lui
donnait, il dislrihnail h' reste aux pauvres.
Au bout (lt> trois ans, ildeuianda eoni,^' |)Our
aller en pèlerinage »^ Uouie, et |)artil uceoui-
paf^née df (pu'hpuvs eeclésiasliipics.
il avait fait trois journées, (piand Lambert,
lils du due Tlu''od()n le poursuivit et b; joi-
gnit. Sa sœur, s'étatit abandonnée an (ils d'un
juge du pays, était dev(>nue grosse et, no
jxMivant plus eaelier son crime, avait accusé
le saint évé(pie. I>and)erl courut donc après
lui ()0ur venger cet allVonl. Saint Kmméran
dit ([u'il allait à Home, et que l'on |)0uvait
envoyer (piehpi'un [tour l'accuser devant le
pape et le juger canonicpiement. Mais Lam-
perl ne voulut rien écoul(>r, et lo lit prendre
})ar ses soUlats, ils rallacbèrenl à une éclielle,
lui coupèrent les doigts l'un après l'antre,
lui arracbèrent les yeux, lui coupèrent le
nez et les oreillers, \n\'is les pieds et les mains;
et, après l'avoir nuitilé en toutes manières,
lui coupèrent enlin la langue et le laissèrent
ainsi couvert de sang. Ses clercs, que la peur
avait dispersés, étant revenus, on le porta à
douze milles de Ih, en un lieu où il mourut,
et où il fut d'abord enterré. D(^[)uis, ses reli-
ques furent transférées à Uatisbonnc, et il
s'y lit quantité de miracles. Si vie a été écrite
p.ir Cirin, évoque de Frisingue, du temps
de Cliarlemagne, avec quelques autres cir-
constances qui ne paraissent pas vraisembla-
bles. L'Eglise l'honore comme martyr, lo
vingt-deuxième de septembre, et son épita-
l)he porte (ju'il mourut l'an C52. (Fleury,
vol. 11, p. 871.)
EMYDGE (saint), évoque et martyr, souf-
frit pour la religion chrétienne à Ascoli, dans
la Marche d'Ancône. Le pape saint Marcel
l'ayant sacré évèque, l'envoya dans ce [)ays
pour y prêcher l'Evangile. Il confessa Jésus-
Christ, et reçut la couronne du martyre sous
l'empereur Dioclétien, L'Eglise fait sa sainte
mémoire le o août,
ENGELBERT, (saint), archevêque de Co-
logne, martyr, naquit d'une famille illustre.
Son père était Engelbert, comte de Berry, et
sa mère, tille du comte de Gueldres. Ses pa-
rents voyant, dès son enfance, ses heureuses
dispositions pour la vertu, résolurent de lui
faire end)rasser l'élat ecclésiastique, et lui
procurèrent même de très-riches bénéfices
ayant qu'il fût arrivé à un âge capable de lui
faire comprendre l'usage qu'il en pouvait
faire. Bientôt on vit la grande humilité et le
détachement des richesses qui régnaient
dans son cœur, par le refus quïl fit de l'évê-
ché de Munster, qu'on voulait lui faire ac-
cepter. L'archevêque de Cologne était alors
A(iol[)he. Ce prélat ayant abandonné le parti
d'Othon de Saxe qu'il avait précédemment
élu lui-même roi de Saxe, afni de suivre ce-
lui de Philippe de Souabe qui était mal vu
à Rome, le pape le déposa après l'avoir ex-
communié. Brunon fut élu à sa place, et eut
pour successeur Thierri, qui fut lui-mêmedé-
posé pour s'être attaché a Othon, que le papo
venait d'excommunier. Dans l'année 1215,
notre saint qui était gran 1-prévôt de l'Eglise
do Cologne, fut sacré j)arlc pane archevê(pio
d(! cette église j)our s'être déclaré corUro
Othon, et avoir end)ras,s('; b; paiti de Frédé-
ric 11, lils de l'emperein- lli-nri VI, et alors
roi de Sicile. Il eut besoin de toute sa [)ru-
dence i)0ur dissiper les inliigues malveil-
lantes d'Adolphe, de Thierri et des autres
partisans de l'empereur Othon, qui s'o|)po-
sèrent fortement à son élévation sur le siège
arclnéi)iscopal de Cologne. Il employa la
puissance que lui donnait sa nouvelle di-
gnité pour maintenir intacts les droits de
son église, protéger les faibles et les mal-
heureux, et inspirer la ctainte salutaire de
Dieu h son peuple. Bientôt il dut passer par
le feu des tribulations.
Un do S(!S parents, Frédéric, comte d'Is-
send)ourg, s'était fait avoué ou défenseur do
l'abbaye d'Essende, et, sous ce prétexte, il
pillait les biens du monastère dont les reli-
gieuses étaient souvent obligées de se réfu-
gier à Coli:)gne pour inq)lorer la haute pro-
tection dos archevêtpies. Le pape et l'empe-
reur ayant été inl'oi'uiés do tons ces événe-
ments, chargèrent directement notre saint de
réprimer l'audace de F'rédéric et de le desti-
tuer même s'il n'obéissait pas. Engelbert,
qui désirait garder quelques ménagements
vis-à-vis de son parent, lui oll'riî de lui payer
une pension élevée, s'il voulait cesser ses
rapines, et no lui laissa |)as ignorer en même
temps les ordres qu'il avait reçus du pape et
de ioiupereur. Le comte, plein de fureur,
résolut de se venger en ôtant la vie à En-
golbert. Après avoir mis quelques seigneurs
dans ses intérêts, il feignit d'accepter le ren-
dez-v(tus que lui avait proposé l'arche-
vêque à Zoest en Westj)halie, atin d'aviser
à un accommodement. Engelbei-t fut averti
du complot, mais n'en l'ut point etlVayé. 11
lit une confession générale, se prépara à la
mort, et se rendit à l'entrevue qui se passa
très-bien à l'extérieur. L'archevêque et le
comte se quittèrent en promettant de se re-
voir à la diète de Nuremberg. Mais le lende-
main , Engelbert devant aller dédier une
église à Swelme, son ennemi posta des as-
sassins sur la route, et notre saint tomba
dans l'embuscade. Il y fiit percé de coups le
7 novembre 1225. Plusieurs miracles arrivés
après sa mort attestèrent sa siinteté. Nous
voyons dans le Martyrologe romain, où. il est
inscrit le 7 novembre, qu'il souItVit le mar-
tyre/>oîtr la défense de la liberté ecclésiasti-
que, et en particulier pour le maintien de io-
uéissance due à ["Eglise romaine.
ENGliAPHE (saint), donna .vi vie en l'hon-
neur de Jésus-Christ. Ce fut à Alexandrie
qu'il souffrit le martyre avec les saints
Menne et Hermogène. Nous n'avons aucun
détail sur eux. L'Eglise fait leur fêle le
10 décendire.
ENGRATIDE (sainte), ouEngratie, viergo
et martyre, souffrit la mort pour Jésus-Chrisi,
en l'an 30i, àSaragosse, sous le gouverneur
Dacien. Elle avait fait vœu do virginité, et
avait quitté la maison paternelle parce qu'o i
voulait la marier, et qu'elle voulait se sous -
(raire aux dangers du monde. Celte eoura-
8b' l
EPA
EPII
CD:
geusf jtnmc lillo osa roproflier au féioce
gouvoniour la baibarie avoc KuiucHo il trai-
tait les cliréliciis. Uacicn entrant ou fureur,
résolut do so venger avec la |)liis insigne
cruauté des reprches (]ue lui faisait cette
jeune tille; il lui lit endurer l;'s plus cruels
tourments. On lui déciiira les cotés et les
membres, on lui couj)a le sein gauche, on
lui arracha, dit-on, une partie du foie. Da-
cien, pour mettre le comble à sa vengeance,
ne voulut pas que les bourreaux lui donnas-
sent le cou[) mortel; il la renvoya en prison
où elle mourut (fuelque tem[)S après de la
putréf:iction de ses blessures. L'Eglise cé-
lèbre sa fête 1j 1G avril, avec celle des dix-
huit martyrs de Saragosse.
ENNATHE (sainlei, martyre, fiit brûlée
sous l'empereur (Jalère Maximien, à Césa-
rée, en Palestine. Avant d'être brûlée, on la
meurtrit de coups. Elle eut pour compa-
guoîis de son glorieux martyre les saints
Antonin, Zébinas et (iermain, qui furent dé-
capités poui- avoir accusé d'impiété le i)rési-
dent Firmilien, et l'avoir repris de ce qu'il
adorait do faux dieux. L'Eglise honore leur
mémoire le Vi novembre.
EPAliATHE (saint), reçut la couronne
du martyre à Lyon, sous le règne de l'em-
pereur Àlarc-Aurèle. Una assez grande quan-
tité de chrétiens ayant été arrêtés et mis en
prison dans celte ville, jusqu'à l'arrivée du
gouverneur de la province, on les amena sur
la place publicjue; quand ce magistrat fut
venu ])Our les juger, « il les traita d'abord
avec tant de duieté, qu'Ei)agathe, qui se
trouva présent, ne put s'empêcher d'en té-
moigner de l'indignation. 11 était chrétien, et
brûlait d'un ardent amour pour Dieu, et
d'une charité toute sainte pour le prochain.
Ses moiurs au reste étaient si pures, et [sa
vie si austère, que, quoique dans un Age
peu avancé, on le comj)arait au saint vieil-
lard Zacharie, père de rincom[)arable Jean-
Baptiste; car il marchait dans toutes les
voies du Seigneur, et accomplissait ses
préceptes, sans donner le moindre sujet de
plainte à personne, toujours prêt à servir
Dieu, l'Eglise et le i)rochain; toujours animé
du zèle de la gloire de son maître; toujours
rempli de feiveur pour le salut de ses frères.
Etant donc tel ({ue i;ous venons do le repré-
senter, il ne put soulfrir l'injuste procédure
du gouverneur; mais, se laissant aller aux
mouvements d'une j'.jste colère, il demanda
(juil lui fût permis de dire un mot pour dé-
lendre rinn(;cence de ses frères, s'oifrant de
rnoiilitjr (pie l'accusation d'impiété et d'irré-
ligion dont on les chargait n'était (ju'nne
piiie calouniie. Mais il s'éleva à l'instant
contre lui niille voix confuses aux (ïiivirons
du tribunal (car il était fort connu dans la
villej, et le ji>ge, piqué d'ailleurs d(! la de-
mande toute raisonnable qu'il lui avait faite;
d(! pouvoii- p'iil(;r en faveur des accusés, lui
ayant demandé à srjn tour s'il était clné-
lien, il le conf(;ssa hauliMueut, et à rii(!Ur(;
même il fut njis avec l(;s martyrs, le juge lui
ayant donné, par raillerie, I(j nom glorieux
d'avocat des chr 'tiens, et faisant, sans y
penser, son éloge en un seul mot. Mais il
avait lui-même le Saint-Esprit pour avocat,
qui le protégeait et le remnlissait avec bien
plus d'abondance cpi'il ne le lit jauiais pour
Zacharie, puisqu'il lui inspira de se présenter
à une mort certaine |)Our la défense de ses
frères, et qu'il fut en cela le véritable pa-
rent de Jésus-Clirist, et un parfait imitateur
de l'Agneau (ju'il suit maintenant partout
dans le ciel. Cet exemple anima les autres
chrétiens, qui se firent gloire de se faire con-
naître et de se distinguer des païens, parmi
lesquels ils étaient restés jusqu'alors con-
fondus. » (Uuinart.)
On ne sait |)as au juste quel fut le genre
de mort de saint Epagalhe; ce qu'il y a do
certain, c'est qu'il tei'uiinasa vie par le mar-
tyre. C'est à t(jrt que beaucoup de Martyro-
loges ne mentionnent i)as son nom.
EPAPHIIAS (saint), disciple de saint Paul,
apôtre, fut martyrisé à Colosses, sous l'em-
pire de Néron. On fait^safète le 19 juillet. On
man([ue de documents sur ce saint martyr.
EPAUQUE (saint), martyr, eut l'honneur
de donner son sang pour' Jésus-Christ avec
les saints Domice, A([uilas, et les saintes Pé-
lagie et Théodosie. L'Eglise, qui ignore l'é-
poque et le lieu de leur martyre, les honore
le 23 mais.
EPHÈBE (saint), martyr, répandit son sang
pour la foi avec les saints Procule et Apol-
lonc. Le consulaire Léonce les lit arrêter
pendant une nuit qu'ils |)riaient auprès du
corps de saint Valentin, et les Ut périr i)ar le
glaive. L'Eglise honore la mémoire de tous
ces glorieux martyrs le ik février.
EPHÈSE, aujourd'hui Aia-Solouh, ville de
l'Asie-Mineure. Ce fut dans celle ville que
saint Paul fut exposé aux bêles en l'année 54.
Quelque temps après, en 57, eut lieu contre
lui une sédition violente, occasionnée parles
plaintes d'un nommé Démétrius, orfèvre, qui
vendait des statuettes de Diane, et qui, voyant
son commerce diminuer h cause des conver-
sions que faisaient les |)rédications de saint
Pa;d, ameuta contre lui les ouvriers. Les ha-
bitants s'en étant mêlés. Gains et Aiistarque,
dsciples de saint Paul, furent ariêtés, le
saint n'ayant i)as été trouvé |')ar ces furieux.
Ce fut un grellier d'Ephèse (pii paivint à
faire entendre raison au ])euple.
Nous ne trouvons pas d'autre martyr dans
celte ville jus({u'à répoqu(> il'Adrien. Durant
la persécution dont il aflligea l'Eglise, sainte
llermione, suivant les nouveaux Crées, lillo
d(3 saint Pliili|)pe, l'un des sept pi'emiers
diacriîs, eut le bonheur d'y donner sa vie
j)our la foi chrétienne. Les documents font
d(''laut pour que nous j)ui.ssions préciser et
la date de son triompbe et le ge'ire de sup-
plice (pii 1(! lui procura.
Sous l'empire de Dèce, la ville d'Ephèse
vit h; martyre di'S saints Maximilien, Mal-
clms , Martinien, Deiiys, Jean, Sérapion,
Constantin, (piisont appi'lés les.sc/;/ Donnants
d'I'lplièse. INmr les di-lails (pii coiu'iM-nent
C(!s saints, roi/, l'arlie h^ DoiiMwrs (les sept).
EPIIISI-: (sanil) <tu EiMnsi:, soulVril le mar-
is re .'i (>agliari en Sardaigiu?, durant la lier-
803 EPI
st^cutioii de Dioclrlion. Rov^tii du la force
(iVii haut, il suiiiioiila les touMiicnts (luc lui
i'aisait subir lojn^c Flavicii; puis ayant (mi
la t(M(' IrancluM', il entra victorieux dans le
ciol. L'Kglise célèbre sa sainte niôinoire le 15
janviei
l-iU.V
894
s
1)0
KIMIUKM (saint), martyr, occupait un
iéj^e en Cliersonèse. 11 y soullVit le martyre
pour la délVns(> de la religion avec les évo-
ques Basile, lùi^ène, Af^atliodore , KIpide,
Ktlière, Ca|)iton, Nestor et Arcade. Les mar-
tyrologes ne donnent jioint la date de leur
liiartvre. C'est le V mars (jue l'Kglise honore
la mémoire de ces saints évèiiues et martyrs.
KPICUAUIS (sainte^ martyre, éiait I\o-
niaine. Cette couragmise femme, (luoicpiede
race sénatoriale eut le corps dérhiré à coups
lie fouets garnis de plomb, puis périt \n\v le
glaive. Ce l'iit sous la perséeution de l'oiheux
et cruel Dioclétieu (jne ce martyre eut lieu.
I/Kglise honore la mémoire de cette sainte
le '21 sefilembre.
KPICTÈTE (sainl), placé par les anciens
martvrologes, et par le Martyrologe romain,
h la tète des saints martyrs d'Afritiue (lui,
sous le règne de l'empereur Sévère, furent
brûlés vifs à Carthage, et dont il est fait
mention dans le récit de la vision de saint
Sature, aux Actes de sainte Perpétue. L'E-
glise célèbre leur fête le 9 janvier.
EPlC TÈTE (saint), eut la gloire de verser
son sang pour la défense de la religion chré-
tienne à Porto. 11 eut f)0ur compagnons de
son triomphe les saints Martial, Saturnin,
Mapris, Félix et leuis compagnons qui nous
sont malheureusement inconnus. Nous n'a-
vons aucun détail sur l'époque et les difTé-
rentes circonstances de leur combat. L'Eglise
fait collectivement leur fête le 22 août.
ÉPIMAQUE ( saint), eut la gloire de don-
ner sa vie pour la foi chrétienne, sous l'em-
pire de Dèce, en l'an 250, et sous le gouver-
nemeiit de Sabiuus , dans la ville d'Alexan-
drie, avec saint Alexandre et une foule d'au-
tres dont il est question dans la lettre de
saint Deiiys , citée par Eusèbe, sur le mar-
tyre des saints d'Alexandrie. 11 supporta pen-
dant plusieurs jours l'horreur d'une prison
obscure ; on employa contre lui les ongles
de fer, les fouets et mille autres tourments.
Le juge , ne pouvant le vaincre , le fit jeter
dans une fosse de chaux vive où il fut con-
sumé. L'Eglise célèbre sa fête avec celle de
saint Alexandre, le 12 décembre.
ÉPIMAOUE (sainl), martyr, souffrit pour
la foi chrétienne à Alexandrie , en 350, avec
un autre chrétien nommé Alexandre. Tous
deux furent emprisonnés et horriblement
fustigés ; puis on leur déchira les côtés avec
les ongles de fer, api es cjuoi on les brûla
tous deux dans de la chaux vive. Tout ceci
est rappoîté par saint Denis d'Alexandrie ,
cité par Eusèbe dans le kV chapitre du li-
vre VI de son Histoire. L'Eglise fait la fôte
de sainl Epimaque le 10 mai.
ÉPIPHANE (sainl), évèque et martyr, donna
sa vie pour Jésus-Christ en Afrique. 11 eut
pour compagnons les saints Donat , Rufin et
treize autres , dont on ne nous a pas con-
servé les noms. L'Eglise fait leur glorieuse
mémoiie le 7 août.
EPIPHANE (sainte), soulVrit le martyre h
Ltnilini en Sicile, pour la défense de la reli-
gion. Elle rendit l'esprit ai)rès avoir eu k;s
mamelles coupées, sous l'empereur Diodé-
ti(Mi et le i)résident Tcrtyle. L'Eglise lait sa
fêle le 12 juillet.
ïiPlPODE (saint), martyr, reçut la couroniiii
du martyre à Lyon, dont il était originaire ,
avec saiiit Alexandre, (Irec de naissance. Ils
avaient étudié sous les mêmes maîtres et
s'étaient liés d'une étroite amitié. Marc-Au-
l'èle ayant rallumé la jx'isécution contre les
chrétiens, ces deux saints, suivant le conseil
de l'Evangile , cherchèrejit à se soustraire
aux (uitreprises des païens par la fuite; mais
bientôt ils furent poursuivis, garrottés et con-
duits devant le juge. Celui-ci, croyant avoir
bon marché d'Einpode ([.ni était le plus
j(Mine, sépara les deux amis, chercha aie sé-
duire; mais notre saint lui répondit d'un ton
si rés(jlument négatif, que ce bourreau en-
tra en une grande fureur et lit rudement
frapper la bouche qui avait prononcé ce
discours audacieux. Il fut ensuite élevé
sur le chevalet, et eut enfin la tète tranchée.
Ensuite le juge lit com|)araitre Alexan-
dre , qui résista de môme à toules ses ca-
resses ainsi (fu'à ses ratmaces. 11 ordonna
(pi'on lui tînlles jambes écartées et que trois
bourreaux le frap|)assent l'un après laulre.
Le juge, désespérant enfin devaincrcce cou-
rageux martyr, le condamna à être crucifié.
A peine fut-il attaché à la croix qu'il expira:
son corps avait été si cruellement déchiré
qu'on voyait toutes ses entrailles. Les chré-
tiens enlevèrent leurs corps el les entcrrè-^
rent sur un monticule proche de la ville, f{ui
fut illustré [)ar un grand nombre de miracles.
Saint Grégoire de Tours rapporte que, dans
le VI' siècle , les corps de nos saints furent
déposés sous l'autel de l'église de Saint-Jean.
L'Eglise fait leur fête le 22 avril.
ÉPISTÈME (sainte), martyre , fut arrêtée
avec son mari, saint Gulation, à Emèse er.
Phénicie, sous la persécution que Dèce sou-
leva si violente contre l'Eglise de Dieu.
Comme son mari, elle fut d'abord déchirée
à coups de fouet, puis on lui coupa les mains,
les pieds , la langue , après quoi on la déca-
pita. L'Eglise fait sa fête avec celle de saint
Gulation le 5 novendjre.
ÉPULONE (saint), martyr à Antioche en
250, sous l'empire de Dèce, était un des élè-
ves plutôt que des disciples de saint Babylas,
évêquc de cette ville , car il était extrême-
ment jeune. Il fut mis à mort pour la foi
avec le saint évêque. Ses Actes racontent
cju'il fut décapité. Il fut enterré dans la même
tombe que saint Babylas : ses reliques ont ,
par conséquent, et comme le dit d'ailleurs
Théodoret, suivi celles de ce saint dans leurs
diverses translations. L'Eglise fait sa fête le
2i janvier.
ERACLIUS ( saint ) , martyr, 1 un des qua-
rante martyrs deSébaste sous Licinius. {Voy
M\RTYRS de Sébaste.)
ÉRASME (sain ), évêque et martyr, mou-
895
ERl
ERM
896
riit pour la foi chrétienne Tan de Jésus-
Christ 303, (jurant \:\ pin-séeiition de Dioclé-
tien. Ce fut à Furuiies qu'il fut exécuté. Au
v.r siècle, cette ville i)Ossé(lait encore les re-
liques du saint ; mais quand elle fut détruite
par les Sarrasins , ces précieuses reliques
furent transférées à daëte. Cette translation
eut lieu en 8»2. Quelquefois saint Krasmc
est nonnné saint Khno ousainl lùino.Sous ce
nom, les matelots de la Méditerranée l'invo-
quent dans les tempêtes. Un couvent de re-
ligieuses situé à Gournay, diocèse de Paris,
a "possédé lonu;tem|)S une partie de ses reli-
ques ; il se faisait, à cette occasion, un con-
cours considérahie de fidèles en cet endroit.
L'îlglise célèbre la fOte de co saint martyr
le 2 juin.
ÉKAS.ME (sainl), souffrit le martyre à An-
tioche. On ignore la date et les circonstances
de son martyre. L'Eglise fait sa fête le 25
novembre.
ÉRASME (sainte), souffrit le martyre à
Aquilée avec les saintes Euphémie , Doro-
thée, Thèclc. Ai)rès plusieurs tourments,
elles furent décapitées sous Néron et enter-
rées par saint Hermagoras. L'Eglise vénère
leur mémoire le 3 novembre.
ÉIIASTE ( saint ) , discii)le de saint Paul,
apôtre, fut martyrisé sous la persécution de
Néron, dans la ville de Philippes en Macé-
doine. On n'a j)as de documents sur le mar-
tyre de saint Erastc. Sa fête a lieu le 20
juillet.
ÉHIC (saint), roi de Suède , martyr, des-
cendait d'une illustre famille suédoise. Après
la mort de Siuercher 11, les Suédois, qui con-
naissaient le mérite et les vertus de notre
saint, lui donnèrent la couronne. Ce peuple
trouva en lui un père véritable. Il consa-
crait son temps à rendre la justice, à proté-
ger les malheureux, à visiter les malades et
à répandre d'abondantes aumônes. Il lit la
guerre aux Finlandais, les battit et envoya
ensuite saint Henri, éyèque d'U[)sal, leur prê-
cher l'Evangile. La piété de notre saint ex-
cita les railleries des jjaïens : bientôt la haine
succéda à la mofpierie. Magnus , iils du roi
de Danemark, qui avait des prétentions à la
couronne de Suède, se joignit aux révoltés,
et notre saint tomba entre leurs mains comme
il sortait de la messe. Les conjurés se jetè-
rent sur lui, le renversèrent de cheval et lui
coupèrent enlin la iùU) en haine de la reli-
gion ci)réli(!ime. Il fut ainsi martyrisé le
18 mai lliil. La ville d'IJpsal possède sou
corps entier. Saint ImIc est inscrit au Marty-
r(»lo:i(; romain le 18 mai,
ÉidZZO ( Anmc), fili(! d'Eri/./.o , "N'énilien ,
gouvc-nieur de Négre|)ont, m uiul martyre
en 1V()2, lors de la'prise df elle île par .Ma-
lioniet II. On sait ipie h; commandant Eii/./o,
(pii ^edéfcnd.ulavccuncourage liér(uque.hil
cilin obligé de rendre la place qu'il comman-
dait, parce qu'il maixpiait de vivres et de mu-
nilions;maisavant descreiidre, il exigisupie
M.ihomel lui |iromîl (pi'il aurait la vicî sauve.
M.dioiiict jura sur sa lÊU; (pic celle d'Eri/./.o
serait rcîspeclée, serment impie (jui se iiiéua-
teail une Iruliisou en jouant all'reusemenl
sur les mots. Aussitôt que le brave comman-
dant fut aux mains de son ennemi , celui-ci
le lit scier |)ar le milieu du corps, disant :
que le serment (ju'il avait fait garantissait la
tête, mais n'avait rien |)romis pour le buste.
En allant à la mort , ce père infortuné son-
geait à sa lille (pi'il allait laisser seule aban-
donnée h la brutalité d'un vainciueur dont
il savait les habitudes. Il demandait aux
soldats de la tuer avant lui pour qu'elle no
devînt pas, après sa mort à lui, victime des
brutales convoitises des Turcs. Ce fut vaine-
ment que le malheureux père implora cette
grAce, sa fille lui survécut. Elle était jeune
et belle à ravir. Mahomet l'ayant vue en
devint éperdument amoureux. 11 lui proi)osa
de la faire sultane, si elle voulait abjurer et
l'épouser. Il lui envoya pour la séduire des
bijoux , des pierreries pour d'énormes som-
mes d'argent. Mais Anne Erizzo , fidèle h sa
foi, refusa les olfres de Mahomet : son Dieu
et la mémoire de son père odieusement as-
sassiné lui dictaient sa conduite ; elle se
montra (idèle chrétienne et tille digne de sou
père. Mahomet ne pouvant la séduire, entra
dans une grande colère, et lui lit trancher
la tête. Il lui proposait les infamies de son
sérail ^ il lui offrait le déshonneur en ce
monde et la damnation dans l'autre. Il crut
la punir de ses refus, et ce fut lui qui, en la
faisant martyre, lui donna la récompense par
laquelle Dieu payait son courage.
EUMINOLD (sainl) , abbé de PrLifening,
près de Ratisbonne, martyr, naquit dans le
XI' siècle, de parents nobles (jui, remplis de
[)iété, confièrent son éducation à (Guillaume
abbé de Hirschau. Sous un maître si ver-
tueux, notre saint no pouvait faire que de
grands progrès, aussi bientôt sa réputation
de sainteté s'étendit au loin. L'empereur
Henri Vlui confia, dans l'année 1110, le gou-
vernement de la grande abbaye de Lorsch,
dans l'ancien archevêché de Mayeuce. Ermi-
nold avait un frère employé à la cour et qui
était dans les bonnes grâces de l'empereur.
Ce dernier lui ayant demandé un jour en
plaisantant comment il lui témoignerait sa
reconnaissance de la haute dignité à la(]uelle
il avait élevé son frère, le courtisan lui lit
un riche cadeau qui fut accepté. Notre saint,
rjui avaU une grandes horreur pour la simo-
nie, ayant eu connaissance de ce fait, re-
tourna à Hirschau J.près avoir séjourné nue
anné(; environ à Lorsch ; il emmena égale-
ment avec lui VO moines (jui l'avaient suivi
dans l'abbaye (|u'il devait diriger.
Peu de temps ajirès son retour, sainl Ottoii,
évê(pie de Ramberg , lui écrivit ainsi (pi'à
(jtnllaunK! son abbé, afin de lui ollrir la di-
rectio!! du couvent de Priifening ou Ihuf-
ling, près de Ratisbonne, (luil venait de
fonder. Notr(! saint accepta roll're et |)artit
aussitôt accompagné de plusieurs de ses
fr('res en religion. Dans celle nouvelle fonc-
tion, il continua de se livrer aux prati(jues
d(! l'austérité la plus i-igoureiise et d'édifier
ceux (pii renlouiaienl. Son Riographe rap-
porte un Irait <pii nuuilre son profond res-
[lecl [lour les regleuieils de l'Eglise et la so-
897
ESC
ETII
898
li(lit(^ (le ses prlncipos. L'empereur Henri V,
après avoir rt^ excoiiuiminé, vint un jour
pour visiter le uionaslèri^ que dirigeait no-
tre saint, accou»paj:;nè (rottou, sou Ibudalem-,
et (l'une suite brillante et pompeuse, lù'un-
noUl, loin dose laisser séduire |)ar tout (;et
apitareil, lit fernu-r le.s portes h rap|)roelie
de l'empereur , et alla au-devant de lui jus-
i]u'h la iiremièrfî eidréeoù il lui dit : « J'au-
rais été lieiu'euv do vous recevoii' truue ma-
nière digru! do votre qualité; mais le sainl-
siége vous ayant exelu de la eonmuniion de
l"Kylise,je n'ai pu remplir mon propredésir. »
HoJH'i, [)l\'ind'es!inu' pour la fernu'téde l'abl^é,
se retira res[)eelueusemeut eu repoussant
le conseil que ses courtisans lui donu.ueut
de s(î veni^'er. Plus tard même, comme il re-
passait un jour devatit le même monastère,
ses chevaliers ayant manifesté \o désir de
l'atlaquei', il le leur défendit Ibruu'llement, en
disant : « Je connais l'abbé de ce couvent,
c'est un saint! >■■ Lu libéralité d'Kru)inold et
sa compassion pour les pauvres étaient ex-
trêmes. La famine ayant fait sentir ses ri-
gueurs en Bavière, il se dépouilla de tout ce
qu'il possédait |)Our soulager ceux qui souf-
fraient. Sa sévérité intlexible à poursuivre
le vice lui tit de nombreux ennemis; quel-
ques-uns se réconcilièrent avec Dieu, mais
d'autres résolurent sa mort. Un des conju-
rés, nommé Aarou, ayant attendu le saint
dans un endroit oii il devait passer, l'as-
somma avec un morceau de bois; il souffrit
quelque temps de sa blessure qui était mor-
telle, et mourut entin le jour de rE[)iphanie
le 6 janvier 1121 , après avoir gouverné son
monastère pendant 7 années. Après sa mort,
il s'opéra plusieurs miracles à son interces-
sion. L'Eglise fait sa fôtc le 6 janvier.
EROTIDE (sainte), martyre, soulfrit pour
la défense delà religion. Nous ignorons l'é-
poque, le lieu et les circonstances de son
martvre. L'Eglise fait sa fête le G octobre.
EKZ-IN(1H1AN ou Erzingan, ville d'Ar-
ménie, bâtie sur un plateau du même nom,
a été témoin du martyre des bienheureux
franciscains Monaldo d'Ancone, François Pi-
triolo et Antoine de Milan, vers l'année
1288. Ils furent mis à mort par l'ordre du
Cadi pour avoir prêché l'Evangile, et malgré
la guérison d'un aveugle qu'ils guérirent
sur le iléti des infidèles. {Voy. leurs articles
respectifs.)
ESCKIYAIN (le bienheureux Grégoirk),
Portugais de la compagnie de Jésus, faisait
partie des soixante-neuf missionnaires que
le P. Azevedo était venu recruter à Home
pour le Brésil {Voy. Azevedo). Leur na-
vire fut pris le 15 juillet 1571 , par des
corsaires calvinistes qui les massacrèrent
ou les jetèrent dans les tlots. Quand ces
bourreaux s'emparèieat du navire, Grégoire
et Alvarès Mendez, un de ses compagnons,
gisaient au lit malades. Ils se levôieiit à
grand'peine, passèrent leur soutane par-des-
sus leur chemise, et vêtus ainsi , nu-pieds,
vinrent se mêler parmi ceux que l'on massa-
crant. Ils reçurent ainsi la [)almedu martyre.
(l)u Jariie, ilistuire des choses plus mémora-
bles, etc., t. II, p. 278. Tainier, Sorietas Jr.iu
vs(fue(ul saufjuinis et vilœ inofusionem niili-
t(ni>, p. KUi et 170.)
LSKILL (saint), evê(pie et martyr en Suède,
apôtre des Sudermaris,na(piit on Angleteire.
L'arclievê(pi(ï de Brème;, saint Anschaii'o,
se vit obligé de retourner en Alleiuagno
après avoir allumé le llambeau de la foi et
avoir fondé nue église en Suède. Les Sué-
dois r(!vinrent aloi-s à leurs superstitions,
apostasie qui remplit de douleur tous les ser-
vitcnns de Di(!U ([ui habitaient le nord do
l'Angleterre. L'aichevêcpie de la ville d'York,
saint Sigeiiide, s(; résolut alors d'entrepren-
dre um; mission dans ces contrées, et notre
saint, qui était son parent, voulut l'accompa-
gner. Il se lit tellement chérir de ces peuples
|)ar sa prudence et par ses vertus que, quand
Sigefride sévit forcé de retourner en An-
gleterre , on voulut Eskill pour évê(pio.
Pendant longtemi)s, ses soins portèrent de
givinds fruits, soutenu qu'il était par le zèle
du roi lugoz. Mais les païens ayant massa-
cré cet excellent prince et rais à sa place
Sicenon le Sanguinaire, celui-ci renversa les
églises catholiques et rétablit le paganisme.
Un jour que les infidèles ollraient un sacri-
fice à leurs idoles , Eskill suivi do son
clergé vint les exhorter à embrasser la reli-
gion chrétienne. Voyant tous ses etî'orts inu-
tiles, il pria Dieu de manifester sa puissance
par un prodige afin d'ouvrir les yeux à ces
bai'bares. Aussitôt un orage violent éclata,
et la foudre étant tombée sur l'autel y con-
suma ce qu'on devait offrir à l'idole. Les
païens, remplis de fureur, le lapidèrent par
l'ordre du roi. Notre saint fut enterré dans
le lieu même où il avait souffert le martyre,
et plus tard on y construisit une église en
son honneur. Son martyre arriva dans le
XI' siècle. L'Eglise fait sa fête !e 12 juin.
ESPÉRANCE (sainte). Voy. Elpis.
ESPÉRANCE (sainte), vierge et martyre,
répandit son sang pour la foi dans la ville
de Troyes. Nous n'avons aucun détail au-
thentique sur elle. L'Eglise célèbre sa sainte
et glorieuse mémoire le 26 avril.
ESTÈVE (saint), reçut la palme du mar-
tyre en Espagne, en l'honneur de la religion
chrétienne. Les Actes des martyrs ne nous
ont laissé aucun détail sur l'époque et les
dill'érentes circonstances qui illustrèrent
leur martyre. L'Eglise fait sa fête le 21 no-
vembre.
ETECUSE, dame romaine, de laquelle il
est question dans la 21" lettre de saint Cy-
prien. Elle fut séparée de l'Eglise et forte-
ment reprise par saint Célerin, lecteur et
confesseur, parce qu'ayant donné de l'ar-
gent pour ne [las sacritier, elle avait pris le
chemin du temple comme poui- aller le foire.
Elle s'était arrêtée en un lieu nommé les
Trois-Parques, et de là était revenue chez
elle, innocente de la matérialité du fait de
sacrifice aux idoles, mais coupable d'avoir
laissé penser à ceux qui l'avaient vue par-
tir qu'elle était réellement allée sacrifier,
ET HÈRE (saint) , martyr, versa son sang
pour la défense de la loi. Il éta't evêque
899
ETl
F.TI
900
dans la Ciiersonèso el roçut la palme du mar-
Ivro avec les évoques Basile, Eugène, Aga-
inadore, Elpide, Cajjitou, Kphrein, Nestor et
Arcade. La date de leur martyre est incon-
nue. L'Eglise les honore le i 'mars.
EÏHÈRE (sainte êvèquc et confesseur,
souffrit de crue!l(^s tortures pour la défense
de la religion. Ce fut à Auxerrc qu'il con-
fessa Jésus-Ghrisl. L'Eglise fait sa mémoire
le •>? juillet.
ETHÈRE (sainl), soutfrit le martyre du-
rant la i)ersécution de l'impie Dioclétien.
11 souffrit la i)eine du feu et plusieurs
autres tortures, après quoi il fut décapité.
Nous n'avons pas d'autres détails sur son
compte. L'Eglise fait sa mémoire le 18 juin.
ETHIER (le bienheureux Jf.an\ Espagnol,
était confesseur de linfant Ferdinand d'Ara-
gon. Pressé du désir de gagner des âmes à
Jésus-Christ, il partit pour Jérusalem afin
d'y prêcher l'Evangile parmi les infidèles.
Le sultan d'Egypte ayant été informé du
succès de ses prédications, le fit mettre aux.
fers avec le frère Gonsalve, son compagnon,
qui mosuul en prison le IG mai 1370. Resté
seul désormais |)Our résister aux menaces et
aux tourments de toutes sortes, il succomba
bientôt, renia sa foi, et resta trois années
dans cet état déi)lorabIe. Au bout de ce temi)S,
pressé par ses remords, il écrivit du Caire où
il était, aux Franciscains de l'île de Chypre,
les priant de lui envoyer deux des leurs,
afin de travailler à son salut. Bientôt a[)rès
il fit ime rétractation publiipje et enta sup-
porter la rage dos Musulmans. On le fustigea
cruellement , ensuite on ré, audit sur ses
plaies du sel et du vinaigre; enfin il fut atta-
ché à une croix avec G clous, deux aux mains,
doux aux coudes et deux aux pieds. Il ex-
pira en l'année 1373. (Férot, Abrégé histori-
que de lu vie des saints des trois ordres de
Saint-François, t. IL p. 25G.)
ETIENNE (saint), l'un des sept diacres or-
donnés par les n[)ôlres i)our prendre soin
des veuves et des orphelins, faire une distri-
bution équitable des biens que les fidèles
avai-mt luis en commim, et annoncer la ])a-
role divine, eut l'insigne honneur de donner
le jH'omier son sang et sa vie pour la foi
chiétienne. Les anciens {Ircnœi contra hœ-
rescs, cum Francisci Feuardcntii notis ; Lu-
teliœ, ainio lG39j, lui donnent souvent le ti-
tre d'archidiacre. On ne sait rien de son
Age. Dans diverses visions, il ai)|)arut connue
un jeune homme (jurenis) [(linjsost. Ilonii-
iiœ in Actus aposlolorum]. Etait-il l'un des
Sfjixante-dix disciples, ou, comme l'ont af-
firmé (pjohpjos écrivains, h; prtîiiuer fi uit de
la prédica'.iori (jue lit saint l'ioiTo le jour de
la Pen'ecôte (Liber de Mirarulis sancti Sic-
phani ad Fiodium Usalmsem, apud .\ugu.sli-
num, l. X Lovan., Boned. VII, in Appen-
dice j! C'csl C(! (|u'aucun(; autorité s(''iieuse
ue (lermel (h; dire. Les Pères de l'I'lglise, no-
taiiiiiK'jil saint Jérôme, parhmt (h; lui comme
d'un hoiiune tros-('iudit el très-éloquent.
Il Irav.iilLiii aclivoment aux OMivrcîs |)Our
l'is(pi(,.||cs il ,ivait été (jrdomié, fais?nil ilc
i.ojubroux miracles, ut ublenunl de fréqu(;n-
tes conversions. « Quelques hommes de la
synagogue qui est nom niée des affranchis et
desCyrénéens et (\es Alexandrins, et de ceux
qui étaient de Cilicie et d'Asie, se levèrent,
disputant contre Etienne ; et ils ne pou-
vaient résister à la sagesse et à l'Esprit qui
parlait. Alors ils gagnèrent des hommes qui
disaient : Nous l'avons entendu proférer des
paroles de blasphème contre Moïse et con-
tre Dieu. C'est pourquoi ils soulevèrent le
peuple, et les anci(;ns el les scribes, et se
précipitant sur Etienne, ils l'entraînèrent, et
l'amenèrent au conseil. El ils présentèrent
de faux témoins, qui disaient : Cet homme-
là ne cesse de parler contre le sanctuaire el
contre la loi ; car nous lui avons entendu
dire que ce Jésus de Nazareth détruira ce
lieu, et changera les traditions que .Moïse
nous a données. Et comme tous ceux ciui
étaient assis au conseil avaient les yeux sur
lui, ils virent son visage comme le visage
d'un ange. Or le prince des prêtres deman-
da : En est-il ainsi ? Etienne dit : « Mes frères
et mes pères, écoutez : Le Dieu de gloire
apparut à notre père Abraham , lorsqu'il
était dans la Mésopotamie, avant qu'il de-
meurât à Charan, et lui dit : Sortez de votre
pays et de votre parenté, et venez dans la
Icire que ie vous moîitrerai. Alors il sortit
du pays des Chaldécns, et vint demeurer à
Charan : et après que son père fut mort,
Dieu le fit passer dans cette terre que vous
habitez aujourd'hui, où il ne lui donna au-
cun héritage, non pas même où asseoir le
pied ; mais il lui promit de lui en donner la
possession, à lui, et à sa postérité après
lui, lorsqu'il n'avait i)Oint encore d'enfant.
Dieu lui [)rédit aussi que sa postérité de-
meurerait dans une terre étrangère; qu'elle
y serait tenue en servitude, et fort mal-
traitée jusqu'au terme do quatre cents ans.
Mais le Soigneur lui dit : J'exercerai ma
justice contre la nation qui l'aura tenue en
servitude ; et aiirès cela ils sortiront, cl me
serviront en ce li(}u-ci. El il lui donna l'al-
liance de la circoncision, el ainsi Abraham
ayant engendré Isaac, il le circoncit le hui-
tième jour. Isaac engendra Jacob, el Jacob
les douze patriarches. Les palriarclies, émus
d'envie, vendirent Joso{)Ii, pour être mené
en F^gypte ; mais Dieu était avec lui; et il
le délivra de toutes ses afilictions ; et l'ayant
rempli de sagesse, il le rendit agréable h
Pharaon, roi d'Egypte, qui lui donna la con-
duite d(; son royaume et de toute sa mai-
son. Cependant toute l'Egyfjle cl la terre de
Chanaan furontaflligées d'une grande fannne ;
cl nos pères ne |)0uvaient trouver do, quoi
vivH!. Mais Jacob ayant eiilendu dire (ju'il y
avait du blé en Jvgyple, y envoya nos pères
pour la première IViis. El les ayant renvoyés
une seconde fois, Jos(>ph fut rruonnu de ses
lïères, el Pharaon sut de (pn-lle famille il
était. Alois Joseph envoya (punir Jacob son
])ère, el loul(! sa famille, (pu consistait en
soi\ante-(piin/.e peis<>nnes. Jacob donc iles-
cendil en Egypte, où il mourut, lui et nos
pè/es. El ils lurent Iransportés en Sichem,
uù on les mil dans le séoukre (pi'.Abiaham
90t
FTI
LTf
902
3
avail ncliclé h piix d'af^etitdcs ciif.nnls d'Hé-
nior, lils de Sichoin. Mais coiiiiiu' lo temps
do la [n'omesso qua Dion avail laitoii Abra-
ham s'approchait, lo |)oui.-hî s'accrut , ot so
nndtiplia boaiuoup on Eyypto, jiis(|u'à co
qu'il s(ï lova un aulro roi, (jui no connaissait
point Joseph. Ce princo, usant d'une malice
artiliciouso contri! noti(> nation, accabla nos
pèros do mau\,. jusqu'il les contraindri! do\-
posor leurs entants i)our en oxtoiininor la
raco. lin co tomps-là tuuiui! Moiso, qui fut
agr(^abl(^ à Dieu : il fut nourri pondant trois
mois dans la maison do son |)oro. Knsuite
ayant été exposé, la tille de Pharaon lo prit,
et releva pour être son (ils. Ainsi Moïse fut
instruit dans toute la sagesse des Egyptiens ;
et il était puissant en paroles et ou couvres.
Mais, (pumd il ont atteint l'Age de quarante
ans, il lui vint dans ros[)rit d'aller visiter
ses frères, les enfants d'Israël ; ot voyant
u'on faisait injure à ([uelqu'un d'eux, il le
efendit et le vengea, on tuant l'Egyptien
qui l'outrageait. 11 pensait que ses fi'oros
comprendraient que ce serait par sa main
que Dieu les délivrerai-t, mais ils ne le com-
prirent pas. Car le lendemain, s'otant trouvé
avec quolL|uos-uns d'eux qui se querellaient,
et tâchant de les accommoder, il leur dit :
Mes amis, vous êtes frères ; comment vous
faites-vous injure l'un à l'autre ? Mais celui
qui faisait injure à l'autre, le rebuta, en lui
disant : Qui vous a établi prince ot juge sur
nous ?Nevoudriez-vous point me tuer, comme
vous tuâtes hier cet Egyptien ? Cotte parole
fut cause que Moïse s'eufuit ; et il demeura
comme étranger au pays de Madian, où il
eut deux fds. Quarante ans après, un ange
lui apparut au désort de la montagne de Sina,
dans la tlamme d'un buisson qui brûlait. Ce
que Moïse ayant aperçu, il fut fort surpris
de ce qu'il voyait ; et s'approchant pour con-
sidérer ce que c'était, il entendit la voix du
Seigneur, ([ui lui dit : Je suis le Dieu de vos
pères, lo Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac,
et le Dieu de Jacob. Et Moïse tout tremblant
n'osait regarder. Alors le Seigneur lui dit :
Otez vos souliers de vos pieds , car le lieu
où vous êtes est une terre sainte. J'ai vu et
considéré l'aftliction de mon peuple qui est
en Egypte ; j'ai entendu leurs gémissements,
et je suis descendu pour les délivrer. Venez
donc maintenant, atin que je vous envoie en
Egypte. Ce Moïse qu'ils avaient rebuté, en
disant : Qui vous a constitué prince et juge ?
fut celui-là même que Dieu envoya pour être
leur prince et leur libérateur, sous la con-
duite de l'ange qui lui apparut dans le buis-
son. Ce fut lui qui les délivra, faisant des
prodiges et des miracles en Egypte, dans la
mer Rouge, et au désert, durant cpiarante
ans. C'est ce Moïse qui a dit aux enfants
d'Israël ; Dieu vous suscitera d'entre vos
frères un prophète comme moi ; écoutez-le.
C'est lui qui, pendant que le peuple était as-
semblé dans le désert, s'entretenait avec
l'ange qui lui parlait sur le mont do Sina;
c'est lui qui était avec nos pères, et qui a
reçu les paroles do vie, -pour nous les don-
ner. Nos pères ne voulurent point lui obéir;
mais ils le rebutèrent, nilournant de cœur
on Egypte, disant à Aai'cju : Faites-nous des
dieux qui marchent devant nous ; car nous
no savons co qu'est dovoiui c(; Moïse fjui
nous a tiiés du pays d'J'lgy|)te. Et ils liront
on ces joui's-Ià un veaii ; et ils s.icrilièronl à
cet ido!o, et ils mettaient lenrjoiedans l'ou-
vrage do leurs mains. Alors Dieu so détourna
d'eux, ot les abandonna à l'aveuglomonl d'a-
dorer la milice du (nel, selon (pi'il est écrit
dans le livre dos pro[)hètos : Maison d'Israël,
m'avez-vous olfet t des sacrilices ot des hos-
ties dans le désert durant quarante ans ? Au
contraire, vous avez porté le tabernacle de
Moloch, ot l'astre de votre dieu Reinpham,
qui sont des ligures que vous avez faites
})Our les adorer. C'est pourquoi je vous
transporterai au delà do liabylono. Nos pè-
res eurent, dans le désert, lo tabernacle du
témoignage, comme Dieu, parlant à Moïse,
lui avait ordonné do lo faire selon lo modèle
qu'il avait vu. Et nos pères l'ayant reçu, ils
l'enjportèront , sous la conduite do Josué,
au pays qui avait été possédé par les nations ^
que Dieu chassa devant eux. Et ce taberna-
cle subsista jusqu'au temps de David, qui
trouva grâce devant Dieu, et qui lui demanda
qu'il pût bâtir une demeure au Dieu de Ja-
cob. Ce fut néanmoins Salomon qui lui bâtit
un temple. Mais le Ïrès-Haut n'habite point
dans les temples faits par la main des hom-
mes, selon cette parole du prophète : Le ciel
est mon trône, et la terre est mon marche-
pied : quelle maison me bâtirez-vous ? dit le
Seigneur, et quel pourrait être le lieu de mon
repos ? Ma main n'a-t-elle pas fait toutes
ces choses? Tètes dures et hommes incir-
concis de cœur et d'oreilles, vous résistez
toujours au Saint-Esprit , et vous êtes tels
que vos pères ont été. Quel est le prophète
que vos pères n'aient pas persécirté ? Ils ont
tué ceux qui prédisaient l'avénoment du
Juste que vous venez de trahir, et dont vous
avez été les meurtriers ; vous qui avez reçu
la loi par le ministère des anges, et qui ne
l'avez point gardée.»
A ces paroles, ils entrèrent dans une
rage qui leur déchirait le cœur, et ils grin-
çaient des dents contre lui. Mais Etienne
étant rempli du Saint-Esprit, et levant les
yeux au ciel, vit la gloire de Dieu, et Jésus
qui était debout à la drode de Dieu, et il dit :
Je vois les cioux ouverts, et le Fils de
l'homme qui est debout à la droite de Dieu.
Alors poussant de gr.mds cris, ot se bou-
chant les oreilles, ils se jeièrent tous ensem-
ble sur lui ; et l'ayant entraîné hors de la
ville, ils le lapidèrent ; ot les témoins mirent
leurs vêtements aux pie:is d'un jeune homme
nommé Saul. Ainsi ils la{)iJaient Etienne,
qui priait et (jui disait : Seigneur Jésus, re-
cevez mon esprit. S'étant mis ensuite à ge-
noux, il s'écria à haute voix : Seigneur ne
leur imputez point ce péché. Après cette pa-
role, il s'endormit dans le Seigneur. Or
Saul avait consenti à la mort d'Etienne
[Act. VI, VII.)
Le discours de saint Etienne est remar-
([uable par plusieurs points. On accusait le
903
HTI
ETI-
901
s.iiiit diarro d'avoir blaspliéiiié Moïso et les
pro|»liètes : il prouve qu'il est plein de res-
pect pour eux, qu'il a une connaissance et
une vénération [)rofonde pour l'ancieinic
loi ; mais en même temps il prouve ([ue les
ofrorts des juifs n'empêcheront pas la pré-
dication et le succès de l'Evangile. Voyant
que ses paroles ne touchent pas ses audi-
teurs, illuminé tout h couj) de ]"Es])rit d'en
haut, qui lui révèle le sort qui l'attend, il ne
songe plus à toucher, à convaincre. 11 s'écrie,
dans la sainte indignation de son ûme : lé-
tes (Jures, hommes incirconcis de cœur et (Vo-
rcilles, vous re'sislez toujours au Snint-Jîs-
prit, et vous êtes tels que vos pères ont été.
Lequel des prophètes, vos pères n'ont-ils,pns
persécuté ? Ils ont tué ceux qui ont prédit
l'avcnement du Juste, que maintenant vous
avez trahi et inis à mort.
Admirable colère du ministre de paix, qui
bientôt va mourir en priant pour ses assas-
sins ! Le devoir lui dicte les sévérités de son
langage, mais son cœur est sans fiel et sans
haine. Il n'a, le saint martyr, que des paroles
d'amour et de pardonàfairc entendre, quand,
ne [)arlant plus au nom du Dieu qui l'envoie,
il ouvre la bouche pour parler de sa propre
mort. C'est bien là l'héroïsme de la religion
chrétienne; ce sont bien là ces sublimités
plus grandes que le cœur humain dont la
grâce de l)ieu rem|)]it durant tant de siècles
les confesseurs et les martyrs.
Parmi ceux qui lapidaient Etienne, était
Saul, plus tard nommé Paul. Il se distinguait
entre tous par sa rage et par sa fureur. Une
goutte de ce sang innocent va jaillir sur
vous, ô Saul, et bientôt vous serez, vous le
persécuteur acharné, l'un des plus ferveiits
chrétiens, vous serez le grand apôtre de la
gentilité. Dieu sait faire voir, i)ar la richesso
de la récolte, par les trésors de la moisson,
combien est fertile la semence que vous je-
tez dans les sillons. Semez, semez le sang
des martyrs, Jésus-Christ moissonnera les
âmes d(! l'humanité 1
Saint Etienne fut laj)idé hors de Jérusalem,
du côté de la porte du se[jtentrion, sur le
chemin de la ville de Cédar, qui est dans la
])rovince de Calaad, dans le lieu alfecté au
sup!)lice des blaspht'iiiateurs.
L opinion la plus coimuune et la plus pro-
bable, est ({ue la mort de saint l'-lienne ar-
riva dans l'année même de la mort dt; Jésus-
(^hrist; c'est-à-dire à la lin de la 33" année
de l'ère vulgaire.
Le eor[)S du saint martyr, (rai)rès l'ordre
des princ(;s des prêtres, resta ex()0sé : ils
voulaient ((u'il fût dévoré par les bêtes
l'értjces ; mais, au bout d'unjour et une nuit,
(jamaliel le lit enlever par dt.-s chrétiens li-
dèles, et enseviilii- avec autant de |)ompe(pie
possibledans sa teire de (^aphargnmala.(ro//.
(iAMAi,ii:r. ) Saint Jc-rôme nous dit dans ses
é()îtres (jue hs apôlrcs, pour ap|)r('ndr<( à
tous le respect (pi'on doit aux reli(pi(;s des
martyrs, voulurent assister à cette céi(';mo-
inc funèbre.
L'an 'iL'i, Lucien, prêtre de Capharganiala,
ref^ul en bnw^c de saint Camaliel la révéla-
tion du lieu où se trouvaient les reliques de
saint Etienne. Le 18 ouïe 19 de décembre,
sur ces indications de Lucien ainsi que sur
celles qu'avait aussi reçues de saint Gama-
liel, unmoine nommé Mégèce, on fit ouvrir le
tombeau qui renfermait le corps de saint
Etienne. La jjIus grande partie des reliques
fut transpoi'lée dans l'église de Sion à Jéru-
salem. Depuis, des portions de ces reliques
furent i)ortées en divers pays, où elles opé-
rèrent de nombreux miracles.
ETIENNE (saint), pape et martyr, était Ro-
main de naissance. Elevé aux ordres sacrés,
il fut archidiacre de l'Eglise de Rome, sous
les papes saint Corneille et saint Luce.
Comme ce dernier, conduit par ses bour-
reaux, marchait au sup[ilice, il désigna
Etienne à ses prêtres, priant qu'on le lui
donnât comme successeur. Le 13 mai 253, il
monta sur le trône pontifical.
Le fond du caractère de ce saint pape fut
une douceur et une patience à toute épreuve.
Il en donna constamment les preuves, et ces
qualités précieuses de son cœur ménagèrent
à l'Eglise une paix qui, sans cela, eût été
troublée par les événements les plus tristes
et les plus graves. Cette douceur de saint
Etienne se montrait même à l'égard de ceux
qui auraient dû appeler toutes ses sévérités.
Marcien d'Arles, ayant embrassé l'erreur de
Novatien, avait refusé, d'après les principes
outrés de cet hérésiarque, de donner l'abso-
lution à des pénitents à l'article de la mort.
Faustin, évêque de Lyon, et plusieurs autres
prélats, en ayant écrit à saint Etienne et à
saint Cyprien, il fallut que ce dernier, à son
tour, écrivit au saint pape pour qu'il se dé-
cidât à excommunier Marcien : « Il est né-
cessaire, lui dit-il, que vous écriviez d'am-
ples lettres à nos confrères des Gaules, afin
que l'impie Marcien, ne continue pas d'in-
sulter notre collège... Daignez nous faire
connaitre qui est évêque d'Arles à la place
de Marcien, |)Our que nous sachions à qui
envoyer des lettres de communion, et adres-
ser les fidèles. » Etienne excommunia Mar-
cien. Quelque temps ai)iès, deux évoques
d'Espagne, Basilide, évê(pie de Mérida, et
Martial, évêque de Léon et d'Astorga, ayant
eu le malheur de commettre le crime des li-
l)ellati(iues, pour éviter la persécution, Mar-
tial fut déposé |)ar un concile, lîasilitle, qui
craignait le même sort, vint à Home et réus-
sit à surj)rendre tellement la bonté du pape,
(pi'il en obtint d'être admis à sa communion
comme évê(|ue, et reçut de lui des letti'es de
recommaiiiialion pour les évêipies d'Espa-
gne. 11 fallut (pi'onprotestAt pour (jue le saint
j)a|)e revînt envers lui à une juste sévé-
liié.
Dans ces deux circonstances, nous voyons
([iK! c'est saint Cyi)rien <|ui ajoué le princi-
jial rôhî nour engager Elieimeà se montrer
sévèie. Il y a là un grand enseignement pour
tous, glands et petits, saints et doi'teurs,
connue simples lidèles. Cy|)rien lui-même,
ce grand docli'ur, cette lumière de l'Eglise,
fut l'itit heureux cpie le C(eui- d'iitienne fût
un trésor d'indulgence et de j)aix : sans cela
905 ETI
il eût Hé lui-mômo, avec Firmilinn ot bion
d'aulrt's, retranché du soin do l'Kgliso. Sans
doute il ne liU pas devenu hérétique, Dieu
ne l'eiU pas permis ; sa {grande Ame et sa loi
se fussent inclinées sous la justice de la pu-
nition, mais enlin il ei\t été lVap[)é, et l)i(!n
d'autres (jui l'auraient été avec lui, n'au-
raient peut-être pas montré une send)l.ihlo
docilité. Nous voulons parler ici do la grande
disjjute (jui s'éleva dans l'Eglise, touchant
le baptême donné par les héréticiues. La
croyance constante do l'Eglise est cpu; (juand
les sacrements sont administrés par les hé-
rétiques dans la forme et avec les formules
voulues, ils sont valables. Saint Cyprion,
fiaint Firmilicn et une foule d'autres évo-
ques d'Orient et d'Afrique soutenaient qu'on
devait rebaptiser ccu\ ([ui l'avaient été par
les liéréti(iues, s'appuyant sur ce faux prin-
cipe, qu'un homme ne i)eut pas donner le
Saint-Esprit, s'il ne l'a pas dans son cœur. Du
côté des évoques qui soutenaient cette ot»i-
nion, et notamment de la part de Firmilion,
il y eut une grande animosité contre Etienne.
Firmilien écrivit même des choses injurieu-
ses. Etienne garda sa douceur, se réfugia
dans la patience, et ne voulut pas prononcer
d'excommunication contre les fauteurs d'une
erreur qui se montrait si agressive même
contre lui. Saint Denys d'Alexandrie se
porta médiateur. Saint Etienne, par sa fer-
meté, sut garder le dépôt des saines croyan-
ces, tandis que, par sa douceur, il conserva
dans le sein de l'Eglise des hommes qui en
étaient l'ornement et la lumière, bien qu'ils
fussent engagés momentanément et sur un
point dans l'erreur.
, Saint Etienne mourut le 2 août 257. Son
corps futdéposé dans lecimetière deCallixte.
La plupart des martyrologes le donnent
comme martyr. On voit dans les Actes de
saint Etienne, donnés par Baronius, qu'il
fut décapité par les persécuteurs, qui le trou-
vèrent, assis sur sa chaire pontiticale. Son
corps est àPise, et sa tête à Cologne. La fête
de saint Etienne arrive le 2 août. ( Voy. Cy-
PRiEN, HippoLYTE, prêtre, et ses compagnons
Adrias, Marcel, Eusèbe, Néon, etc.)
ETIENNE (saint), diacre et martyr, fut mis
à mort, en 258, sous Valérien, avec saint
Sixte, en même temps que les saints diacres
Félicissime, Agapet, Janvier, Magne, Vin-
cent, Etienne. Ils furent tous décapités. L'E-
glise honore la mémoire de tous ces saints
le 6 août.
ETIENNE (saint), martyr, est inscrit au
Martyrologe romain, le 3 décembre. Il souf-
frit la mort en Afrique, pour la défense de
la foi, avec les saints Claude, Crispin, Ma-
gène et Jean. L'Eglise fait leur fête le 3 dé-
cembre.
ETIENNE (saint), martyr, est inscrit au
Martyrologe romain le 27 avril, avec saint
Castor. Ils souffrirent à Tarse en Cilicie,
dans des circonstances que nous ignorons.
ETIENNE (saint), dont le nom est inscrit
au Martyrologe romain le 31 décembre, est
honoré comme martyr par l'Eglise, avec les
saints Pontien, Attale, Fabien, Corneille,
DiCTiONx. TES Pessécutions. I.
ETI
doc
Sexto, Florus, Quintien, Minervien et Sim-
j)licien, qui furent les compagnons de son
tr-iomphe. Les circonstances de; leur martyre
ne sont malheureusement pas connu((S.
/"^TIENNE (saint), soullVit le martyre en
Angleterre avec saint So(;rate. Les Acies des
martyrs ne nous donnent aucun détail sur
l'époque et les ditrérentes circonstances de
leurs combats. L'Eglise fait leur mémoire le
17 sef)tembre.
I^TIENNE (saint), évêquc et martyr, mou-
rut à Antioche pour la défense de la foi.
Après avoir beaucoup souffert de la part des
hérétiques qui rejetaient le concile deChalcé-
doine, il fut précipité dans le fleuve Oronte,
du temps de l'empereur Zenon. L'Eglise cé-
lèbn; son immortelle mémoire le 25 avril.
ETIENNE (saint), reçut la palme du mar-
tyre à Antioche de Pisidie. 11 eut pour com-
pagnon de son martyre saint Marc. Nous n'a-
vons pas de détails sur les différentes cir-
constances de leur combat. L'Eglise célèbre
leur mémoire le 22 novembre.
ETIENNE (saint), évêque et confesseur,
souffrit à Lyon pour la défense de Jésus-
Christ. On ignore à quelle époque ce saint
évêque confessa sa foi. Nous n'avons aucun
renseignement sur son compte. L'Eglise fait
sa mémoire glorieuse le 13 février.
ETIENNE (saint), le Jeune, ou du Mont-
Auxence, est un des plus célèbres parmi les
martyrs que fit la persécution des iconoclas-
tes. Né à Constantinople en 71i, il fut con-
sacré à Dieu par ses parents, avant même
qu'il fût né. Ses parents soignèrent excessi-
vement son éducation, lui cherchant les plus
habiles parmi les maîtres de ce temps-là.
Tout jeune encore, il montrait les sentiments
de la plus éminente piété. On s'attacha sur-
tout à lui inculquer parfaitement les notions
de la foi catholique, afin que plus lard il ne
fût pas exposé à tomber dans l'erreur. Ce fut
en effet ce qui le sauva des erreurs déplora-
bles qui, de son temps, déchirèrent l'Eglise,
et furent cause de tant de chutes. L'empe-
reur Léon risaurien ayant avancé sa détes-
table hérésie touchant le culte des images,
et ayant violemment persécuté les catholi-
ques, pillé les églises, renversé les saintes
images, les parents du jeune Etienne pri-
rent la fuite pour éviter ses fureurs ; mais
auparavant ils voulurent mettre leur fils en
sûreté. Il avait alors quinze ans. Ils le pla-
cèrent au monastère du Mont-Auxence, qui
n'était pas fort éloigné de Chalcédoine. Dès
l'année suivante, il fit profession. Bientôt il
fut l'exemple du monastère, dans l'accom-
plissement de ses devoirs. Ce fut lui qui fut
chargé de pourvoir à l'achat journalier des
provisions pour le couvent. La mort de son
père, qui arriva bientôt après, le força à faire
un voyage à Constantinople. Il se défit de
tous ses biens, et en distribua le prix aux
pauvres. Il avait deux sœurs. L'une était
déjà dans un couvent. Il emmena l'autre avec
sa mère, et les mit toutes deux dans un mo-
nastère en Bithynie. Lorsque Jean, abbé du
monastère de Saint- Auxence , fut mort,
Etienne, d'un consentement unanime, fut
29
307
ETI
ETI
908
nommé h sa piace. Il n'avait que trente ans
quand il fut élevé à cette importante fonction.
Le monastère duMont-Saint-Auxenee n'était
pas, comme on pourrait le croire, composé
de vastes bâtiments. C'était tout simplement
une réunion de petites cellules disséminées
çli et là sur la n^ontagne. Etienne en habitait
une fort étroite, située sur le sommet de la
montagne , l'une des plus élevées du pays.
Il passait son temps à la prière, ou bien à co-
pier des livres et à faire desiilets. 11 gagnait
ainsi de quoi vivre, et du surplus il fournis-
sait un peu pour les besoins du couvent, et
donnait le reste aux pauvres. Une peau de
brebis faisait tout son vêtement. 11 était sans
cesse porteur d'une ceinture en fer. Ses dis-
ciples devinrent excessivement nombreux.
Une s iintc femme, veuve, qui voulait se re-
tirer du monde, se plaça sous sa conduite,
ïl la reçut et lui fit prendre le voile, et la
confia aux soins de la supérieure d'un cou-
vent de femmes, qui était au bas de la mon-
tagne. Cette femme, en entrant au couvent,
changea son nom en celui d'Anne.
Quelque temps après, saint Etienne, dési-
rant s'isoler davantage, mener une vie plus
astreinte aux pratiques de la pénitence, fit
nommer, à sa place, Marin pour gouverner
la communauté. Quant à lui, il se retira en-
core plus liant sur la montagne, dans une
cellule excessivement étroite. C'était un
trou creusé dans le sommet de la roche. Il
avait une coudée et demie de large et deux
de haut. A Tor ent, il avait creusé une pc^tite
niciie pour faire sa jn-ière, mais si basse,
qu'il n'v pouvait tenir que courbé. Quant à
la grotte qu'il habitait, au trou dont nous
avons donné les (iimensions. elle était com-
plètement à découvert, exposée par consé-
quent h toutes les intempéries dfts saisons.
Les ardeurs brûlantes de l'été, les rigueurs
des froids de l'hiver, la pluie, les neiges,
tous ces divers accidents des saisons le re-
trouvaient là, priant Dieu ou travaillant.
Cette demeure qu'avait choisie saint Etienne
était un véritable tombeau. Quant h la cein-
ture que nous avons mentionnée plus haut,
c'était une chaîne de fer en cioix, depuis les
épaules jusqu'aux reins, où elle était clouée
à une ceinture de fer et à une autre sous les
aisselles. On a peine d'abord à concevoir
une pareille existence ; cependant, quand on
réll'chit que la plupart de nos besoins sont
factices; (pie la plupart des maladies qui
nous accabl'jnt sont du(!saux soins, aux pré-
cautions dont nous entourons notre exis-
tence, on comprend que des honnnes soute-
nus par l'amour de Dieu, et voidant se mor-
tifier, se soient, par degrés, habitués, assu-
j'»ltis à une existence aussi dure. Du reste,
l'homme qui connaît l'histoire de la race hu-
maine s.iit (pj'il y a, non pas seulement (juel-
qiies existenctîs (îxtrjiordinaires , comme
celles-lh, p.irnn les saints, mais(jij'il est des
peuples enti(!rs (pii vivent d;uis des condi-
tions à |>«-u près sfMnblables. Pour eux, c'est
la vie ftormale. L'h.ibit.'Mil de la Ternt-de-Feu,
Je Sarnoyèle, le Ynknte, h; (îroc-nlandais,
p'oiil pas une vie niaif'riellcni'iit plus heu-
reuse que les solitaires ; quelques-uns, exis-
tant dans des grottes taillées d;ms la glace,
couchant sur de la mousse ou sur une peau
de bète, ne vivant que de chairs de poissons
corrompus et d huile rance, sont de vérita-
bles })liénomènes pour des hommes comme
nous, habitués à toutes les délicatesses d'une
vie heureuse et recherchée. Le mérite des
saints qui, comme saint Etienne, adoptent
une pareille vie, n'est pas ])récisément de la
supporter: l'espèce humaine en est capable;
c'est une existence commune cà plusieurs mil-
lions de nos semblables ; mais c'est de s'y
soumeltre après avoir vécu dans le monde ;
c'est d'arriver à la privation par le rei.>once-
menl. Avoir connu les besoins factices de la
vie, ses exigences, ses délicatesses, et y re-
noncer pour adopter tout ce qu'il y a de plus
dur et de plus âpre, c'est là qu'est la gloire,
c'est là qu'est la sanctification. Etienne, dans
sa cellule, n'ignorait pas la vie douce qu'on
menait dans les palais à Constantinople, ou
même dans les tJemeures plus humbles des
particuliers; tandis que le Groënlandais, par
exemple, ne conçoit rien au-dessus de la vie
qu'il mène. Il a, croit-il, en bien-être, en
jouissances, tout ce que l'humanité peut réa-
liser.
Constantin Copronyme régnait alors. Il
continuait contre les catholiques la persécu-
tion commencée par son père. Il ne voulait
pas souffrir le culte des saintes images. Pas
de milieu près de ce prince hérétique. 11 fal-
lait être persécuté, martyr ou apostat. Ayant
entendu parler de l'éminente sainteté du so-
litaire de Saint-Auxence, il envoya vers lui
un patrice , nommé Calliste, un des plus
instruits dans son hérésie, et le chargea de
lui porter les décisions prises et I:> formule
de foi souscrite par le concile qu'il avait as-
semblé i)aimi les héréticiues. Il voulut aussi
employer la séduction. Il voulut que Calliste
fût non-soulement un argumentaleur, mais
encore un tentatem-. 11 le chargea d'offrir, de
sa [)art, au saint des figues, des dattes et
quelque autre nourriture convenable h sa
j)rof'ession. S'il lui eût envoyé de riches pré-
sents, des objets d'art ou de luxe, des tapis,
par exemple, de riches étoffes, de Tor, de
l'argent; (ju'eût fait de tout cela le s;iint? Il
avait, depuis longttnnps, déshabiiué son
corps de la moll sse et du luxe. Non, [;our
lui {)lus de tentrtions de sensualités luxueu-
ses, plus de désirs convoitant les lichesses
ou les choses de prix ! Que faut-il au saint
homme? quehiues dattes, quel(|ucs ligues.
11 les gagne péniblement au travail; pour-
quoi ne les recevrait-il pas de l'empereur?
c'est si peu de chose. N'importe, s'il reçoil,
il sera l'obligé de cdui t^ui donne. Il y avait
adresse dans cette tacti(pie. Elieinie refu.sa
les dons de l'empereur, et, quant aux choses
d(! foi, il dit à son envoyé : <( Je ne veux pas
souscrire à la délinilioti du concile, elle est
liéri'liipie. Je n'altirerai pas sur moi la malé-
diction d'en haut. Je suis prêt à mon.rir pour
l'adoiation (les saintes iiiia;-;es, sans me. sou-
ciei- (le l'empereur hérésianpie qui a os ' hvs
rejeter. Vos cadeaux, rempurtcis-les ; l'huilo
909
ETI
KTl
910
du p«5clieur \\o. parfiiniora pas- ma (('^to. »
L'cmporcur.instiiiil decotto rrpOMso, oiivova
des soldats avec ordre d'arraclior Kliciiiio dci
sa lotrailo, et de lo lui aiiicncr. Arrivés à sa
colliilv-, ils on lirèreiil lo saint lioiniiio ; mais
ils luroiit obligés ils lo j)Ortor. Ses jainhcs
s'étaioHl pliôes dans ce trou, il no pouvait ni
les dresser, ni |)res(pi(î les r(nnuer. l.os sol-
dats en lurent toneliés do eouiitassion. Ils lo
portèrent avec inlinimenl do précautiiiiis et
d'ég'»''^''^' J'i-'^T^'^'i cimetière (Ju monastère,
où ds l'enrermèrent avec les moines, atten-
dant les ordres do l'empercnr. Quoif^ue lo
saint eût remis le gouvernement du couvent
aux mains d'un autre, il était toujours consi-
déré comme abbé. C'était un coadjuteur (pi'il
avait pris, [)lutùl tpi'un véri:al)lc rempl ',çant.
Saint Etieiuie et ses moines lurent ainsi, dit
riiistoire, renfermés, sans boire ni mang(!r,
durant six jours. Le septième, i'emi)Oi'eur
envoya nn oflicier, qui lit remetti-c le saint
dans sa cellule. 11 partait pour la guerre con-
tre les Bulgares, et remettait à plus tard à
s'occuper de cette airairo. Calliste, vexé de
n'avoir pu gagner le saint et réussir dans la
négociation qu'il avait entreprise, gagna, à
prix d'argent, un des moines du Mont-
Auxcnce, nommé Sergius, lequel, de concert
avec Aulicalume, intendant des tributs du
golfe de Nicomédie, rédigea un libelle qu'il
adressa à l'empereur contre saint Etienne.
« Premièrement, disait-il, il vous a anathé-
matisé comme hérétique ; secondement, il a
séduit une femme noble, qu'il tient dans le
monastère d'en bas, et cjui monte, la nuit, à
sa cellule pour leur infâme commerce. »
Cette femme qu'on accusait ainsi, c'était
Anne, de qui nous avons parlé au commen-
cement de cet article. {Votj. IcoNOCLàSTES,
Anne.) L'empereur envoya l'ordre à Antès,
son lieutenant à Constantinople, de lui ame-
ner Anne. Il la tourmenta horriblement, la
fit battre avec une cruauté inouïe, et la jeta
dans un monastère. Depuis, on n'entendit
plus parler d'elle. Il fallait un prétexte pour
perdre Etienne; car Anne avait, par son cou-
rage, ses énergiques protestations, déjoué la
calomnie. L'empereur fit venir un jeune
homme nommé Georges Synclète, et lui de-
manda s'il l'aimait assez pour donner jusqu'à
sa vie pour lui. Georges lui en fit le serment.
L'empereur l'embrassa et lui dit: « Partez
pour le Mont-Saint-Auxence; tâchez de vous
faire admettre par Etienne au nombre de ses
moines; faites profession, prenez l'habit reli-
gieux et revenez ensuite me trouver.» Geor-
ges exécuta ce qu'on lui commandait. La
nuit, il vint sur la montagne, se cacha dans
les broussailles, et sur le midi vint frapper
à la porte du monastère. Il dit qu'il éiait
égaré, qu'il craignait d'èire dévoré par l:'s
bétes féroces ou de tomber dans les préci-
pices. Etienne donna l'ordre à Marin de le
faire entrer. L'abbé le reconnut pour être
de la cour, à son habit et à son visage com-
plètement rasé. Georges l'avoua, et, dit-il,
l'empereur nous a tous fait judaiser. Enfin,
j'ai eu le bonheur de sortir de cette erreur,
t-'t I)ieu m'a coiiduit vers vous. Ne aie refuse;^
pas, mon père, et daignez me donner le saint
îiabit. — Je ne le puis, dit l^iienne, à cause de
ladéi'onsede l'empereur, et parcfujiifje crains
qu'il ne vous retire violemnuMit d'ici, au pé-
ril de votre âm(î. Georges lui dit : « Vous
ré|)ondre'. à Dieu do moi, si vous refusez. »
11 1<^ pressa tant, que le vénérable abbé céda
enlin et lui donna l'habit de probation. Au
bout d(! (|uel([ue temps, l'empereur assem-
bla tout le peuple dans l'hippodrome. So
tenant sur les degrés : « Je ne f)uis vivre,
dit-il, avec ces ennemis do Dieu qu'on n'ose
pas nommer. » 11 voulait [larler des moines,
qu'il détestait souverainement et qu'il per-
sécutait avec violence. Le |)euplo s'écria :
« Seigneur, il ne reste })lus de traces de
leur h;ibit parmi nous, — Leurs insultes, dit
rein|)ereur, se renouvellent sans cesse. Ils
séduisent tous ceux (jui m'entourent , jus-
qu'à Georges Synclète, qu'ils m'ont arraché
pour lo faire moine. Esi>érons et prions,
Dieu me le rendra peut-être. » Après que
Georges eut porté trois jours le petit habit,
Etienne le fit raser, lui fit une grande exhor-
tation, et lui donna l'habit monastique ;
mais au bout de trois jours, cet Imposteur
quitta le couvent et revint à la cour.
Dès le lendemain , l'empereur convoqua
une assemblée de tout le peuple à l'hippo-
drome. La foule y fut immense. Georges y
parut en habit de moine. Le peuple criait :
Malheur au méchant, qu'il meure I En criant
ainsi, la populace entendait parler d'Etienne.
L'empereur fit quitter àGeorgesles différentes
parties de l'habit monastique, et les jeta au
peuple, qui les traita avec dérision et leur
prodigua toutes ces injures que toujours la
populace tient au service des passions mau-
vaises, contre tout ce qui est saint et véné-
rable. Georges fut étendu tout nu par terre ,
on lui fit jeter de l'eau sur la têle comme
pour lui enlever, par ces ablutions, les
souillures dont il s'était entaché en prenant
l'habit monastique. Cette comédie finit par
une accolade que lui donna l'empereur en
le revêtant de l'habit militaire et en le décla-
rant son écuyer. Aussitôt l'empereur envoya
au Mont-Saint-Auxence une foule de gens
armés, qui dispersèrent les moines, brûlèrent
l'église et tout le monastère. Etienne fut
amené au monastère de Philippique, près de
Chrysopolis , où on l'enferma. L'empereur
publia défense expresse d'approcher du mont
Saint-Auxence. Ces faits avaient lieu en 761.
Bientôt il fit venir cinq évêques, les prin-
cipaux parmi les iconoclastes : Théodose
d'Eplièse, Constantin de Nicomédie, Constan-
tin de Nacolie , Sisinnius Pastile et Basile
Tricacube, avec le patrice Calliste, Combo-
conon, premier secrétaire, un ofiicier nommé
Masare, et les envoya à Constantin, patriarche
de Constantinople, pour qu'ils allassent tous
ensemble au monastère de Chrysopolis. Le
patriarche, qui connaissait la vei tu et le savoir
d'Etienne , refusa d'y aller. Les autres s'y
reuuirent, portant avec eux la définition de
leur concile, et mandèrent saint Etienne qui
vint soutenu par deux hommes. Il avait les
fers aus pieds. Théodo^fi dXphèsa lui dit f
911
ET!
ETI
01-2
« Hoinnii' (It* Dieu, rommenl pouvez-vous
nous traiter tous d'hérétiques et croire en
savoir plus que les évéques , les arche-
vêques et les empereurs, plus que tous les
chrétiens? » Etienne réjiondit : « Souvenez-
vous de ce que le prophète Elie dit h Achab :
Ce n'est pas moi qui cause ce trouble , tnais
vous et la iiiaison de votre prre. C'est vous
qui avez iniroduit une nouveauté dans
I Eglise. » Alors Constantin de Nicoaiédie ,
qui était un jeune homme de trente ans, se
leva pour donner un coup de pied au saint
, abbé; un des gardes le prévint et donna un
coup de ])ied au saint honnne dans le ventre
comme pour le faire lever. Les sénateurs
Calliste et Coraboconon arrêtèrent Cons-
tantin et dirent à saint Etienne : « Choisissez,
ou de souscrire à la détinition du concile, ou
de mourir comme rebelle à la loi des Pères
et des empereurs. — Ma vie est à Jésus-
Christ, répondit saint Etienne, je mettrai ma
gloire et mon bonheur à mourir pour sa
sainte image. Cependant lisez-moi la défini-
tion de votre concile, pour que je voie ce
qu'elle contient de raisonnable contre les
images. » Constantin de Nacolie ayant lu le
titre : Définition du saint concile septième
œcuménique, saint Etienne lui fit signe de la
main de s'arrêter. « Comment, lui dit-il ,
peut-on nommer saint un concile qui a
profané les choses saintes? L'un des vôtres,
un évêque, n'a-t-il pas été dans votre concile
accusé par des gens de bien, d'avoir foulé
aux |)ieds la patène destinée au saint sacrifice,
parce qu'on voyait dessus les images de Jé-
sus-Christ et de sa Mère? \'ous l'avez laissé
en fonctions, vous avez dit anathème à ses
accusateurs, les traitant de défenseurs des
idoles. N'avez-vous pas ôté le titre de saints
aux apôtres, aux martyrs, les traitant tout
simplement d'apôtres et de martyrs. Et ce
concile, comment peut-il être œcuménique,
n'étant pas approuvé du pape de Rome ,
quoiqu'il y ait un canon qui défende de
régler sans lui les alfaires ecclésiastiques?
II n'a été approuvé ni par le patriarche
d'Alexandrie, ni par celui d'Antioche, ni par
celui de Jérusalem. Puis vous le nommez
septième concile, lui qui ne s'accorde pas
avec les six précédents. » Basile lui dit :
« VA en quoi avons-nous dilleré des six
précédents ? — Les six précédents , dit
Etienne, n'ont-ils pas été assemblés dans des
églises, et dans ces églises n'y avait-il pas
des images reçues et adorées par les Pères? »
Basile en convint. Alors, levant les yeux au
ciel et étendant les mains, Eliernie dit :
« Quiconque n'adore pas Notrfs-Seigneur
Jésus-(^hrist, renfermé dans son image sui-
vant riiuiiianilé , qu'il soit anathème! » Il
eût continué, mais les commissaires le firent
renfermer et revinrent h Coiistantinople. Ils
voulaient dissimuler leur dé'aite; mais Cal-
list(; (jiii voulait (.'\pliquer ou plutôt faire
comprendre coumuMil lui-même n'avait pas
réussi dans sa pieujiè/'c mission, dit h l'em-
f)ereur : « Seigneur, ikjus sounnes vaincus:
cet homme est fort en raisons (;l mé[)ris(! la
i>jort. » L'empereur rendit immêuialement
une sentence qui exilait saint Eiienne dans
l'île de Proconèse dans l'Hellespont.
On dit (|ue durant dix-sept jours passés à
Chrysopolis, saint Etienne ne prit aucune
nourriture, cpioique l'empereur lui en eût
envoyé abondan)ment. 11 ne voulait rien re-
cevoir d'un exconnnunié. Avant de quitter
ce couvent, il guérit le supérieur que les
médecins avaient abandonné. A Proconèse,
il se logea dans une assez jolie caverne qu'il
trouva sur la côte, dans un lieu désert, près
d'une église de sainte Anne. Il se nourrissait
des heibes (ju'il pouvait trouver. Presque
tous ses moines vinrent le trouver à Proco-
nèse, où ils fondèrent un nouveau monastère.
Sa mère et sa sa^ur, quittant le lieu où elles
s'étaient retirées , vinrent le trouver dans
son île. Mais bientôt le saint, trouvant sa
caverne trop agréable, se fit faire une cage
en fer sous forme de colonne dans laquelle
il était fort à l'étroit. Il était alors âgé de
quarante-trois ans. On était en l'an de Jé-
sus-Christ 703. Dans son île, saint Etienne
faisait beaucoup de miracles. Il guérit un
aveugle, un démoniaque et un soldat perclus.
Il faisait aussi des instructions au peuple.
L'empereur, ayant été instruit de tout cela,
fit ramener saint Etienne à Constantinople ,
disant que, même dans son exil, il ne cessait
de prêcher l'idolâtrie. Il le fit mettre, avec les
fers aux pieds et aux mains, dans la prison
du palais. Quelques jours après il le fit venir
sur la terrasse du palais, et l'interrogea lui-
même. Le saint, en allant à cette conférence,
prit une pièce de monnaie à l'elfigie de l'em-
pereur. « A^'oyez pourtant, dit le prince en
l'abordant, aux deux ofiiciers qui l'accom-
pagnaient, quel homme me charge de calom-
nies 1 » Le saint regardait la terre et ne ré-
pondait pas. « Tune réponds pas, misérable I »
lui dit l'empereur. Saint Etienne lui dit :
« Seigneur, si vous êtes résolu à me con-
damner, envoyez-moi au supplice : si vous
voulez m'interroger, modérez votre colère,
afin d'être un juge équitable. — Dis-moi, lui
dit l'empereur, quels décrets ou quels pré-
ceptes des Pères avons-nous méprisés pour
que tu prennes le droit de nous traiter d'hé-
rétiques. — C'est, dit saint Etienne, parce
que vous avez ôté des églises les images que
les Pères ont reçues et adorées de tous temps.
— Impie, ne les nomme pas, dit remf)ereur,
ce sont des idoles. — Seigneur, reprit saint
Etienne, ce n'est pas la matière que les chré-
tiens adorent dans les images; nous adorons
le nom de ce que nous voyons, remontant
par la iieusée aux originaux. — Esprit bouché,
dit l'empereur, est-ce qu'en foulant aux pieds
des images, nous foulons au\ j)ieds Jésus-
Christ?» Alors Etienne, prenant la pièce de
monnaie qu'il avait apportée, dit à l'empereur :
« Seigneur, de (pii est cette image, de (pii est
celte inscription? — C'est la mienne, dit
l'empereur et celle de mon fils Léon. —
Serai-ji; donc puni si je la foiihî aux pieds?
— Ceilainemenl , puisipi'elh^ porte l'imago
des empereurs invincibles. » Le saint repar-
tit : « Quel sera donc le supplice de celui
qui fouu' aux pieds le nom do Jésus-Christ
OiS ETl
et (Je sa Mt^io, dans leurs images? » Alors il
jeta la [liùce de monnaie et marcha dessus.
Ceux qui a(:ium[)agnaient l'empereur se je-
tèrent sur lui cDinuK; des botes tero(!es, vou-
lant le précipiter de la terrasse en bas ; ce
fut l'empereur (jui les en empêcha et qui
envoya le saint, lii^ par le cou et les mains
attacliécs derrière le dos, h la prison nommée
le Prétoire, pour le faire juger selon les lois,
comme ayant foulé aux pieds l'image de l'em-
pereur. Le saint n'avait ()as voulu autre
chose (lue le faire tomber dans celte contra-
diction.
Saint Etienne, dans sa prison , fut soigné
par la fennne d'un des guicheliers ([ui était
catholicpie et qui adorait les saintes images.
Instruit par révélation que sa mort était [)ro-
chaine, il lit venir cette fennne qui le nour-
rissait, et lui dit : « Je veux passer ((uarante
jours dans l'abstinence, cessez de m'apporter
du pain et de l'eau, car je sais que ma vie
Unira bient(')t. »Le trente-huitième jour il latit
revenir et luidit devant Icsautres prisonniers,
qui la plupart étaient des moines : « Venez,
femme bénie, Dieu vous rende au centu-
ple le bien que vous m'avez fait. » Et lui
rendant des images fju'elle lui avait prêtées :
« Reprenez-les, dit-il, qu'elles vous servent
de protection durant votre vie, et de gage de
votre foi. Demain, dit-il, je partirai d'ici
pour aller à un autre monde et à un autre
juge. »
Constantin, durant ce temps-là , célébrait
la fête de Bacchus en jouant de la lyre et en
faisant des libations. Quelqu'un vint lui dire
que le chef des abominables, c'est-à-dire
Etienne, avait transformé la prison du Pré-
toire en monastère, et qu'on ne cessait d'y
chanter des cantiques, et d'y adorer les ima-
ges. Outré de colère, l'empereur appela un
officier de ses g.irdes, et lui commanda de
mener le saint hors de la ville, de l'autre
c(jté de la mer, au lieu où avait été l'église de
sainte Maure, qu'il avait fait abattre et dont
il avait fait la place des exécutions à mort.
Un de ses courtisans lui disant : « Voilà que
je viens de rencontrer l'ennemi de la vérité,
Etienne d'Auxence , que l'on menait pour
être puni par le glaive. » L'empereur dit :
« Que peut-il y avoir de plus doux pour
Etienne que de mourir ainsi, que d'avoir la
tête coupée? Il l'a désiré dès qu'il a été ar-
rêté. » Alors il commanda qu'on ramenât
Etienne en prison. Il lit venir deux frères
qui étaient parmi ses officiers et les envoya
à Etienne , pour lui dire de sa part : « 3e
vous ai tiré des portes de la mort, vous
voyez combien j'ai soin de vous, ayez quel-
que complaisance pour moi. Je sais, ajouta-
t-il, sa dureté, il refusera; alors donnez-lui
tant de coups sur le visage et sur le dos, qu'il
expire quand vous sortirez. » Ces deux en-
voyés dirent bien au saint homme de quelle
commission ils étaient chargés; mais, voyant
qu'il persistait et qu'il n'en était que plus
ferme dans sa foi, ils lui baisèrent les pieds
et reçurent sa bénédiction. Quand ils revin-
rent, ils dirent à l'empereur : « Nous l'avons
déchiré de coups, et certes il ne vivra pas
ETl
91A
jus(|u'à demain. » L'emperenr (Il un grand
éclat de rire et continua son orgie.
Le lendemain, saint Etienne dit adieu à
ses moines, et se lit ('')t(M- h^ srai)ulaire , l'é-
(îharpe et la ceinture. Il voulait aussi (initier
lacuculle; mais ils lui lirenl observer qu'il
devait mourir avec l'hahit de son ordre reli-
gieux. Il répondit : « D'ordinaire, ce\ix qui
vont au combat se dépouillent; d'ailleurs il
ne faut pas (lue ce saint vêlement soit dés-
honoré par les insolences de la popula(:e. »
Il ne garda (lue sa tunique de peau. L'em-
])ereur, ayant su que ses deux envoyés l'a-
vaient trompé, se leva et courut dans tout
le palais conmie un furieux. 11 criait que tout
le monde l'abandonnait, le trahissait. Quan(l
ses courtisans vinrent pour manger avec lui
et pour continuer la fête, il leur dit : « Je ne
suis plus votre empereur , vous en avez
maintenant un autre, de qui vous baisez les
pieds et qui vous fait exécuter ses volontés.
Vous lui demandez sa bénédiction. Personne
ne veut prendre mon parti pour le faire mou-
rir et me mettre en repos. » Comme ils lui
demandaient quel était cet empereur: « C'est,
leur dit-il, Etienne d'Auxence , le chef des
abominables. » Aussitôt qu'il l'eut nommé,
cette troupe en fureur sortit, faisant un ef-
froyable vacarme et se rendit à la prison
en vociférant : « Donnez -nous Etienne
d'Auxence, » criaient-ils aux gardiens. Alors
le saint s'avançant : « Je suis, leur dit-il,
celui que vous' cherchez. » Aussitôt ils le
terrassèrent, et lui attachant des cordes aux
fers qu'il avait aux pieds, ils le traînèrent par
la rue, lui frappant la tôle à coups de pieds,
de pierres et de bâtons. En sortant, à la pre-
mière porte du Prétoire, dans l'oratoire de
Saint-Théodore, il s'appuya les mains contre
terre, et levant la tête, il tourna les yeux au
ciel pour saluer le saint martyr. L'un de ses
bourreaux, nommé Philomate, dit : « Voyez
cet abominable qui veut mourir comme un
martyr. » Il courut prendre un grand piston
de bois à des pompes à incendie qui étaient
là, et en frappant le saint sur la tête , il le tua
du coup. Mais, disent les Actes, Philomate
tomba sur-le-champ , grinçant des dents
et s'agitant avec fureur. C'était le démon
qui s'emparait de lui et qui le tint jusqu'à
sa mort. On traîna le corps par les rues, de
sorte qu'au bout de quelque temps les chairs
s'en allaient en lambeaux. On lui écrasa le
ventre avec une grosse pierre, de sorte que
les intestins sortaient et traînaient partout
sur la voie publique. On le frappait, quoi-
que mort , avec acharnement et fureur : les
femmes surtout montraient une rage indici-
ble. On faisait sortir les enfants des écoles ,
par ordre de l'empereur, pour lui courir sus
avec des pierres. Si sur son passage quel-
qu'un refusait de le faire, immédiatement
il était signalé comme ennemi de l'empereur.
A la place du Bœuf, quand l'affreux cortège
passa, un cabarelier occu; é à faire frire du
poisson, croyant le saint encore vivant , ou
bien voulant aussi, lui, mutiler ce corps déjà
il pitoyablement traité , lui déchargea un
coup de tison sur la tête. La boite <lu crâne
915
ETI
ETI
£1^6
fut brisée en arrière et la cervelle sortit, tin
ralhnlique qui suivait , taisant semblant de
tomber, ramassa cette cervelle, Tenveloppa
dans son mouchoir et continua de suivre
pourvoiroùFon jetterait le corps. Quand celte
infAme populace fut ari-ivée au monastère
où était la sœur du saint, elle voulut la faire
sortir et la forcer à le lapider aussi. Mais
elle s'était renfermée dans un tombeau
obscur, et ils ne purent la trouver. Enlin ils
ietèrenl le corps dans la fosse où avait été
l'église de saint Pelage, martyr, et dont les
empereurs avaient fait la sépulture des cri-
minels et des païens. Quand ils eurent fini,
ceux; des courtisans de l'emporeur qui s'é-
taient distingués dans cet exploit d"atrocité,
allèrent le lui raconter. 11 se mit à table avec
eux, et il éclatait de rire pendant qu'on lui
narrait les circonstances de cette mort.
Saint Etienne fut mis à mort le 28 novem-
bre 767, dans la cinquai.te-troisième année
de son ûge. Théodore porta sa ccrvillc et une
partie de son crAne au monastère de Dius.
L'abbé les cacha précieusement dans l'église.
L'Hglise fait la fêle de saint Etienne le 'ii no-
vembre, jour de sa mort.
ETIENNE (saini), soutfrit la mort en l'hon-
■neur de Jésus-Christ, à Burgos, en Esj»agne.
Il était abbé du monastère de Saint-Pierre
de Gardegna, de l'ordre de Saint-Benoît, et
fut massacré par les Sarrasins, avec deux
cents de ses saints religieux. Les chréliens
les inhumèrent dans le cloître. L'Eglise ho-
nore leur mémoire le G août.
ETIENNE (saint). Hongrois, frère mineur,
fut tué avec saiiit Conrad, Saxon, appar-
tenant au môme ordre, dans l'année 1287,
près des portes Caspiennes. Ils étaient par-
tis, comme d'habitude, aiin de se livrer aux
travaux de hmr apostolat; les schismatiques,
furieux de leurs succès, les maltraitèrent
avec une cruauté inouïe. Ces deux sainls
combattants succombèrent au milieu des
soutfrances, en prononçant le nom de Jésus.
{Voy. les Clironiqucs des Frères Mineurs, t.
II, [). 1V8 bis.)
ETIENNE (saint) , franciscain, na(iuit au
Grand-Waradin, ville épiscopale de la haute
Hongrie. Il prit forlj(mne l'habit des fran-
ciscains, et fut élevé à la prêtrise. A l'Age
d(; vingt-cinq ans, il habit ut le couvent de
Saint-Jean, près de Serai, capitale d'Ouzbek,
dans le Kaptchak.Peu à peu sa conduite de-
vint chancelante. Renfermé par ses su|)é-
ri(;urs poui- une faue, il épi-ouva la tenta-
tion de s'enfuir; mais il se re.:onnnanda aux
prières des religieux, et suruu)nla cette
mauvaise j)ensée. Quelque temj)s après, on
le (il parlH' pour le couvent de Calla. lin
roule;, il trompa la surveillance de son com-
jtagnon de voyage, et prit la luile. Il entra
dans la ville de Seraï, et dit aux musulmans
qu'il voulait cinbrasseï' hmr hji. L(; cadi,
enchanté de voir un prèlre, u\\ membre
dini ordre religieux si impoilant, embras-
S<'i' l'islamisme, résfjliit de donm-r unegramh;
I'ompe à .s(jn abjuration. I.cj hnidemaiii était
ojour de la fête njuhomcHane app(dée mf-
fC'(A. Ce joui- était pour le» chrétiens celui
du vendredi saint, cette année-l^. Etienne
fut conduit h la mos(|uée.Ily tit})\djliquemont
son abjuration. C(> fut le cadi ([ui le dé{)Ouilla
de son habit religieux. L'apostat le foula
avec mépris sous ses pieds. A la place, il re-
çut un vêlement écarlate brodé d'or. Cette
abomination se passait en présence de dix
mille personnes. Le cadi répandit le biuit
qu'un grand prêtre des chrétiens venait d'ab-
jurer. On accourut de toutes parts pour voir
Etienne, qui, monté sur un cheval magnifi-
quement enliarnaché et précédé de son habit
religieux, (ju'on portail au bout d'une lon-
gue pique, l'ut promené triomphalement par
toute la ville. Les nmsulmans Uiom|)haient.
La douleur et la honte navraient les chré-
tiens, surtout les franciscains, qu'on voyait,
les .veux baignés de larmes, fuir celte loule
qui les injuriait. Le spectacle de celte déso-
lation des franciscains commença à toucher
le cœur d'Etienne. Les musulmans, pour lui
faire confesser l'unité de Dieu, voulaient
qu'il élevât un doigt en l'air. Etienne, pour
niaintemir que le dogme de la Trinité se con-
cilie avec celui de l'unité divine, persista à
"élever trois doigls. Au festin donné en son
honneur, il ne toucha à aucun mets. Bientôt
on le conduisit à sa maison, avec un imam
qui devait l'instruiie. Les religieux de son
ordre lui écrivirent [)lusieurs letties de repro-
ches, ([u'il mouilla de ses larmes. Le repen-
tir entrait dans son cœur. 11 répondit à l'un
d'eux, nonuné ]\!ichel : «J'ai poché comme
Judas; mais je ne me livre pas comme lui
au déses[)oir. Par la miséricorde de Dieu,
j'ai reconniî maf.iute, et je m'en repens. Si
vous pouvez me cacher sans vous compro-
mettre, ni vous ni les chrétiens, je suis prêt
à subir une prison pcrpéluelle ; si vous ne
le pouvez pas, je désire du moins que vous
veniez me préparer, par l'administration des
sacrements, h l'épi-euve du martyie; car,
ainsi (jue jai renié Jésus-(>!irist avec éclat,
je veux le reconnaître publiquement pour
mon Dieu et mon Sauveur. » Le lendemain,
qui était le jour de Pâques, un^ enirevue eut
lieu dans la maison tl'un chiétien; Pierre de
Bologne, gardien, et plusieurs aulies frères,
s'y rendirent. Etienne demanda [lardon de
son Cï'ime, avec des larmes si touchantes,
avec un si vif repentir-, (pie toute l'assistance
en fut énme profondénieiit. Il reçut l'abso-
lution de son crime. Ec lendemain, Éiienne
se prés(;nla à la mos(]uée, où il y avait bien
dix mille assistants. H monta courageuse-
ment à la tribune, et réclama le silence do
l'audiloire : « J'ai été chîéti(ni durant vingt-
cin(| ans, dit-il, j'ai étudié le chiislianisme.
11 est la véritable religion, la seule dans la-
quelle on puiisse se sauver. Depuis trois
jours que j'ai vécu chez vous connue apos-
tat, je n'ai vu dans la voire quo le mensonge
et la superstition. J'ai ac(piis la e(n-titudo
(puî Mahomet est un imposteur, un faux pro-
j»hè!e. Ma foi est donc : cpu' Jésus-Christ
csi le vrai Eils de Dieu el le Sauveur du
monde. Je recoiujnis (pu' sa sainte mère est
vierge ; j'ai en horreur el j'abjure volic tausso
religion. » Alors, d'un cll'oil soudain, déchi-
917 ETI
ranl sa robo d'écarlate, il reparut avec l'ha-
i)il de franciscain (lu'il avait mis en dessons.
Les nuisnlnians voulaient le nu'Itre en piè-
ces. Ils l'eussent lait, si le cadi n'edi pas dit
qu'il devait, pour nn si grand crime, Hve
réservé pour le sn[)plice du t'eu.
Ktienne fut conduit enchaîné chez le cadi,
où il fut tourmenté jusqu'au soir. INu-sis-
tant dans sa constance, il fut livré au liour-
leau. Après une ahsiinence de trois joins et
les tortures déjh endurées, il lui frappé avec
des sacliets renq)lis de plomb et dv sable. Il
tond)a A demi mort. Il fut alors suspendu par
un pied et par une main. Aux deux autres
membres on attacha des poids forts pesants.
Il resta dans cette atfreuse posilionjus(iu'au
lendemain. Les Imun-eaux, l'ayant détaché,
lui permirent de |>i'endre (piclquc nourri-
ture, que la fenmie d'Ouzbek-khan avait en-
voyée. Le soir il fut frappé avec les mômes
sachets. On le pendit i)ar les pieds, les jam-
bes fortement écartées, et un poids considé-
rable attaché il la tôte. Le jour suivant, il
vivait encore. On tenta vainement d'ébran-
ler son courage, et le soir venu, après l'a-
voir fustigé encore, on lui passa au cou une
corde avec laquelle on le suspendit. Sous ses
pieds on alluma un brasier qu'on couvrit de
fumier, aliu que le saint eûl h souffrir à la
fois la douleur produite par les flammes et
l'étoulfti'ment produit par la fumée. Après
un temps assez long, les bourreaux, qui le
croyaient mort, le détachèrent et le jetèrent,
comme on jette un cadavre, dans un coin de
la prison. Deux femmes musulmanes, ayant
voulu le voir, l'aperçurent le matin, en
prières, environné d'un globe lumineux, et
ayant une colombe sur chaque épaule. Le
cadi, instruit du prodige, vint s'en assurer
lui-même. Il fit disposer sur la place pu-
blique un grand bûcher, annonçant qu'E-
tienne allait y être consumé tout Vivant. Ce-
pendant il se ravisa. Il fit chauffer une four-
naise dans laquelle on jeta le saint. On en
ferma l'entrée. Le lendemain, quand on vint
pour chercher les cendres de son corps, on
le trouva en prières et seulement couvert
d'une sueur légère. Le cadi voulait lui ren-
dre la liberté. Les musulmans menacèrent de
le brûler lui-même, s'il persistait dans cette
intention. Etienne fut conduit à la prison des
condamnés. La nuit, les musulmans s'y ren-
dirent en foule et en armes, ils brisèrent
les portes et dirent au saint que s'il ne re-
nonçait à Jésus-Christ, il mourrait sur-le-
champ. Etienne répondit qu'il était prêtre de
Notre-Seigneur Jésus -Christ, dont la loi
donnait le salut, que celle de Mahomet me-
nait à la perdition. Un des musulm.ans lui
déchargea sur la tôte un coup de hache, qui
lui fit une blessure fort grave ; un autre lui
donna dans le ventre un coup d'épée, qui
mit les entrailles à nu ; les autres crièrent
qu'il fallait le garder pour le supplice du
feu. Le cadi vint, sur ces entrefaites, lui of-
frir de le faire guérir de ses blessures, de
lui donner sa fille en mariage et de l'enri-
chir. « Faites de mon corps ce qu'il vous
conviendra, » répondit le franciscain. On le
EUB
yi8
condamna à être brûlé vif. Pour le conduire
au bûcher, on l'attacha à la (jueue d'un che-
val. Dieu montra sa puissance en permet-
tant que cet honum; si torturé, blessé h la
tôle et au ventre, fit voii- une force extraor-
dinaire, et devançAl dans sa course l'animal
qui d(;vait l'entrainer. On lui lit subir une
cruelle Uagellalion. L'un d'entre eux lui
cou|)a une oreille et la jeta dans le feu. Celle
onnlle rejaillit dans le sein d'un chrétien,
qui la f)oi1a au couvent des Franciscains.
Enchaîné j)rès du bûcher, Etienne |)ria Dieu
de lui permettre do faire le signe de la croix
avant son suj)plice. Aussitôt ses liens se
ronq)irent. 11 lit le signe du salut, s'élança
dans le feu, qui s'éteignit au contact de son
corps. On apporta du bois sec, des matières
résineuses, on enduisit le saint de matières
indammables, et on lui attacha les mains,
puis on le poussa dans un nouveau brasier.
Les liens se rompirent encore, et de nou-
veau le feu fut éteint, sans que le saint en
reçût la moindre blessure. Etienne défia ses
boiuTcaux de le faire brûler tant qu'il se-
rait vivant. Les mahométans, furieux, se je-
tèrent sur lui et le mutilèrent, le frappant
avec des haches, des épées, des fouets, jus-
qu'à ce qu'ils l'eussent mis en lambeaux.
Son martyre dura ainsi six jours entiers.
Quand il fut mort, les persécuteurs brûlè-
rent facilement son corps. Les chrétiens re-
cueillirent, malgré cela, quelques-uns de ses
os, qu'ils conservèrent comme reliques, et
qui devinrent l'objet d'une grande vénéra-
tion et opérèrent plusieurs miracles. Sa mort
eut lieu le 22 avril 133i.
ETIENNE DE LANICH (le bienheureux),
du vicariat de Corse, partit avec trois autres
franciscains nommés Nicolas de Taulicis,
Donat et Pierre de Narbonne, pour évangé-
liser les infidèles. Arrivés à Jérusalem, ils
résolurent de se rendre, un jour de grande
solennité, dans la mosquée du temple, afin
d'y prêcher Jésus-Christ et d'anathématiser
Mahomet. Les musulmans, furieux de cette
hardiesse, les battirent cruellement et les je-
tèrent à demi morts dans un noir cachot, oii
ils restèrent trois jours sans manger. Au
bout de ce temps, ayant refusé de rétracter
publiquement leurs paroles insultantes con-
tre le prophète, ils furent massacrés à coups
de hache et d'épée, le 11 novembre 1391.
Deux fois les infidèles voulurent brûler les
reliques de nos bienheureux, deux fois ils
furent obligés d'y renoncer. Ils les enterrè-
rent alors secrètement, afin que les chrétiens
ne pussent les enlever. {Chroniques des Frè-
res Mineurs, t. III , pag. 16 ; Wadding, an.
1391, n" 1.)
EUBULE (saint), martyr en Palestine, en
l'an de J.-C. 309 , sous les "successeurs de
Dioclétien , fut mis à mort à Césarée , avec
saint Adrien. Tous deux venaient de Man-
gane dans cette ville pour y visiter les con-
fesseurs. Aux portes, ainsi que cela se pra-
tiquait alors , on leur demanda ce qu'ils
venaient faire : ils dirent naïvement la vé-
rité. Ils furent immédiatement arrêtés et me-
nés au -gouverneur Firmilien qui, d'abord,
919
EUD
EllG
m
leur fil déchirer les côtés avec les ongles de
fer, et, ensuite, les fit exposer dans l'amphi-
théâtre à Ja fureur d'un lion. On fut obligé
d'achever les saints i\ coups d'épée. Eubule
fut le dernier martyr de cette sanglante per-
sécution en Palestine. Elle y avait duré sept
ans, sous trois gouverneurs : Flavion, Urbain
ft Firmilien. La fête des deux saints a lieu
le 5 mars. {Voy. Eusébe, Des martyrs de Pa-
lestine.)
EUCARPE fsaint) , martyr, souffrit pour la
foi, et recueillit la glorieuse j)alme des com-
battants pour la foi avec saint Trophime.
Nous n'avons aucun détail dans les Actes des
martyrs sur le lieu, l'époque et les circons-
tances de leur combat. L'Eglise célèbre leur
glorieuse mémoire le 18 mars.
EUCARPE (saint), martyr, donna son sang
pour la religion de Jésus-Christ , en Asie ,
avec saint Bardomien et vingt-six autres.
Leur martyre est resté obscur quant au
détail des faits. L'Eglise fête ces deux saints
le 25 soiJterobre.
EUDÉMON, évéque deSrayrn£,du temps
de l'empereur Dèce, fut l'une des malheu-
reuses victimes de la persécution que ce
prince suscita contre l'Eglise. En 250, dans
sa ville épiscopale, il eut l'affreux malheur
de renier Jésus-Christ , et de sacrifier aux
idoles. Pendant que tant de saints de son
Eglise confessaient généreusement leur foi
ot mouraient pour elle, lui l'évêque, qui de-
vait à tous l'exemple du courage, lui le suc-
cesseur des apôtres, qui devait conduire à
Dieu, par la voie pacifique ou par la voie san-
glante, le troupeau contié à sa garde, déser-
tait à la fois son Dieu, son troupeau et tous
ses devoirs. xVh ! que ceux qui ont charge
d'âmes sont à plaindre s'ils tombent ! La gra-
vité de leur péché se grandit de tout ce que
leur exemple produit de mal dans ceux dont
ils sont les chefs. Dieu leur impute non-
seulement leur i)roprc péché, mais encore ce-
lui de ceux qui étaient confiés à leurs soins.
Plusieurs auteurs, Tillemont en particu-
lier, disent qu(; peut-être Eudémon devint
persécuteur. 11 nous sembh; que l'aflirmaiive
est hors de doute. Quand Polémon et Théo-
[)hile dirent à saint Pione de se rendre au
temple, pour obéir, connue avait fait leur
évéque , ils ajoutèrent , après le refus du
saint : « Rendez-vous au tomi)le; Lépide et
Eudemon vont vous interroger. » Quoi ! ce
n'était pas assez d'avoir abjuré sa foi , d'a-
voir h rougir de sa faiblesse devant tous les
fidèles , il fallait encore se mettre au rang
des persécuteurs, et venir interroger ceux
qui restaient fidèles au drapi-au qu'on ve-
nait de déserter. Ah! Eudémon, (\m^\ (|ue
soit dans une Ame l'amour de la vie, il y a
de ces sentiments qu'on n'y saurait étoulfer.
Quand vous, révè(pie, le supérieur de PitHie,
hier encore pour lui h; représentant de l'au-
torité divine, veniez bji demander, lui con-
seiller, lui oniomier l'apostasie, il devait s(>
p.'isser dans votic; cu^'ur des choses étranges;
coiriiiKîMl la honte ne bouillonnait-elle pas à
llf)ts dans votre Ame? Coiiiiiieiit ne v(Miail-ell(!
J).is \oiii| vitlrc vis.ij^e, éloiillfT votre \oi\ ?
Comment pouviez-vousle regarder en face. La
vieobteiuieau])rixd'une telle position, c'était
quelque chose de pire (pie la mort. Ah! Dieu
vous a fait jiayer cher, convenez-en, les jours
dont la lAcheté et la désertion furent la ran-
çon près des persécuteurs. » [Voy. les Actes
de saint Pione, à son article.)
EUDOXE (saint), fut immolé pour la sainte
cause du christianisme , à Edesse , sous le
règne et durant la persécution de l'emjiereur
Licinius. 11 eut })Our compagnons de ses
combats les saints Cartère, Slyriaque, Tobie,
Aga])e et plusieurs autres (jui ne sont pas
nommés au Martyrologe. La fête de ces gé-
néreux soldats de Jésus-Christ a lieu le 2
novembre.
EUDOXE (saint), fut martyrisé en Armé-
nie, sous l'empire de Trajan, en l'année 107.
Les Actes de ce saint, qui sont communs à
saint Zenon et à saint Macaire, portent que
Trajan fit martyriser à la fois onze mille sol-
dats à Mélitine, ville d'Arménie , parce qu'ils
n'avaient pas voulu renoncer au christia-
nisme. Ces Actes n'ont point un caractère
assez sérieux pour que,^ sur leur autorité, oa
adopte l'opinion que Trajan ait pu faire faire
un aussi grand massacre. Les Menées des
Grecs disent que les onze mille soldats fu-
rent mis à mort sous Trajan, ou sous Adrien,
son successeur. Nous ne devons adopter que
des opinions certaines ; celle-ci est loin d'ê-
tre établie surdes preuves. Baronius se fonde
probablement là-dessus pour dire que ces
soldats sont les chrétiens crucifiés sur le
mont Ararat, sous Adrien, et dont l'Eglise
fait la fête le 22 juin. Rien ne le démontre.
Nous regrettons de n'avoir pas de docu-
ments plus précis sur le saint dont nous
parlons.
EUDOXE (saint), soldat et martyr, souffrit
à Mélitine, en Arménie, avec ses deux com-
pagnons , Zenon , Macaire , et quatre cent
quatre autres, qui , ayant quitté le baudrier
durant la persécution de Dioclétien, furent
mis à mort pour la foi de Jésus-Christ. Ils
sont inscrits au Martyrologe romain le 5
septembre.
EUDOXIE (sainte), mourut martyre h Hé-
liopolis, aujourd'hui Balbek, sous l'empire
de Trajan. On manque absolument de diMails
sur son martyre; cependant on sait qu'elle
mourut percée d'un coup d'épée. L'Eglise
fait sa fête le 1" mars.
EUdÈNE (saint), l'un des sept fils de saint
Gélule et de sainte Sym[»horose,Tut martyrisé
j)Our la ridigion chrétienne, sous l'empire
d'Adrien. Ce prince le condannia h être at-
taché h un pieu, et ensuite le fit pourlendre
dans toute la longueur du corps. Sa l'èle est
célébrée i)ar l'Eglise le 17 juillet. [Yoy. Sym-
l'IlOHOSK.)
EUGÈNE, fiancé de sainte Victoire, voyant
(pi'elhi ne voulait plus se marier, mais bien
consacrer sa virginité au Seigneur , obtint
d(! l'empereur Dèce, d(( concert avec son
ami Aurélien, fiancé d'Analolie, s(lmu- de Vic-
toire, (pii avait aussi piis la mènu' résolu-
tion, que It.'S deux sieurs leur seraient li-
vi('(";. Us les enuueiièreni <i leurs maison:i
921
EUG
EUG
94^
de campagne , et n'ayant pu les amener à
changer de résolution, ni |)ar persuasion, ni
j)ar menaces, ni par mauvais traitcuuenls, ils
les livrèrent an ju^<', (pii les lit mettre h
mort tontes tleu\ en ^i.'iO , sous l'empire de
D(>ee. {Voy. VnrroniE , Anatolik , Faush-
MEN.)
EUCiÈNE (saint) , fut martyrise^ à Rome
sous le commencement de (lallien , avec
sainte Flore, sainte Lncille, et les saints An-
tonin, Théodore et leurs com[)agnons au
nombre de dix-huit. L'Eglise lait louri'ùtcle
29 juillet.
EUCiÈNE (saint) , disciple de saint Denys
de Paris, l'ut martyrisé peu de temps après
ce saint 6vèi|ue, à Deuil. On l'y enterra. De
Ici son eor[)S fut transféi'é h l'ahbayt! di; Saint-
Douys. Mariana dit cpi'uno partie de S(ïs re-
liques enrichissait l'église de Tolède : il
confond le saint duquel nous parlons ici avec
saint Eugène , évè(iue de Tolède. La fête de
saint lîlugène est marquée au Martyrologe le 15
novembre. On voit par ce que nous venons
de dire, que la mort de saint Eugène arriva
vers la tin du nr siècle.
EUCIÈNE (saint), évoque de Carthage et
martyr, fut élu au milieu de la persécution
que (lenséric, roi des Vandales, alors maître
de l'Afrique, faisait endurer aux catholiques.
Il était excessivement estimé ])our son sa-
voir, ses vertus, et le zèle qu'il montra pour
le bien de l'Eglise. D'abord, il se concilia
l'affection de tout le monde : les ariens eux-
mêmes, pleins d'estime pour lui, la lui té-
moignaient hautement ; mais au bout de
quelque temps, ces sentiments firent place à
l'envie et à la jalousie. Le roi lui fit dire
qu'il eût k s'abstenir de s'asseoir sur le trône
épiscopal, de prêcher, et de recevoir dans son
église aucun des Vandales. Eugène répondit
que Dieu lui commandait de ne point fer-
mer la porte de l'Eglise à ceux qui désiraient
y entrer. Hunéric, car c'était lui qui régnait
alors, furieux d'une telle réponse, fit mettre
des gardes aux portes des églises. Quand
ces gardes voyaient entrer dans léglise quel-
que Vandale, homme ou femme, ils lui en-
tortillaient les cheveux avec des bâtons den-
telés, et tirant violemment, arrachaient sou-
vent toute une large portion de la peau du
crâne. Quelques-uns de ceux qu'on mutila
ainsi perdirent la vue , d'autres en mouru-
rent. 11 y en eut un grand nombre qui sur-
vécurent.
Malgré l'atrocité de cette persécution, pas
un seul catholique ne trahit la foi. La per-
sécution dura ainsi fort longtemps furieuse,
acharnée. Hunéric mourut misérablement en
48i, après un règne de huit ans, Gontamond,
son neveu, lui succéda. Il continua la per-
sécution, et par son ordre, Eugène, Longin,
Vindémial furent condamnés à perdre la tête.
La sentence fut commuée pour Eugène, com-
me il était déjà rendu au lieu du supplice. Il
fut ramené à Carthage, d'où il fut exilé dans
le Languedoc, dans les Etats d'Alaric, roi vi-
sigoth, aussi arien, et allié des Vandales. Il
mourut le 13 juillet oOo, dans un monastère
qu'il avait fait construire auprès d'Albi, dans
un lieu nommé Vians. Voy. Vandales {Per-
sdcut. des)
EUCiÈNE, connuandant d'une partie de
l'Espagne sous Dioclélien, (il mourir en 304
pour la foi chrétienne, les saints Janvier,
Martial et Eauste. Il se montra d'une; cruauté
inouïe, ainsi qu'on |)eut s'en convaincre en
lisant les Actes de saint Janvier, au titre do
ce saint.
EUCiîïNE (saint), martyr, eut la gloire de
verser son sang pour la loi en Afriuue. Les
compagnons de sou martyre, dont 1 époque
est inconnue, sont nommés dans le Marty-
rologe romain. Ce sont les saints Aquilin,
démine, Marcien, Quinctus , Théodote et
Triphon. L'Eglise honore leur illustre .mé-
moire le ^i-janvier.
EUGÈNE (saint), martyr, répandit son
sang pour la foi avec saint Apollone. Le
Martyrologe romain ne marque pas en quel
lieu arriva leur martyre, et n'en donne au-
cune circonstance. L'Eglise honore leur mé-
moire le 23 juillet.
EUGÈNE (saint), martyr, fut martyrisé en
Syrie, avec les saints Paul, Cyrille et quatre
autres dont les noms ne nous sont point
parvenus. TNous n'avons aucun détail sur la
date et les circonstances de leur martyre.
L'Eglise fait leur fête le 20 mars.
EUGÈNE (saint), martyr, eut le glorieux
privilège de donner sa vie pour la défense
de la religion, avec saint Cottide et d'autres
encore, dont les noms ne nous sont point
parvenus. Leur martyre eut lieu en Cappa-
doce, dit le Martyrologe romain, mais il ne
donne pas d'autres détails. L'Eglise fait leur
fête le 6 septembre.
EUGÈNE (saint), fut martyrisé durant la
persécution de Dioclélien, sous le président
Lysias, au pays des Arabraques, en Armé-
nie. Avant de consommer son sacrifice, il
endura de cruels tourments. L'Eglise ho-
nore sa mémoire le 13 décembre.
EUGÈNE (saint), pape et confesseur, ré-
pandit son sang à Rome, pour la défense de
la religion. Les Actes des martyrs ne nous
donnent aucun détail sur le compte de co
saint. L'Eglise fait sa mémoire le 2 juin.
EUGÈNE (saint), souffrit les tourments et
la mort pour la défense de sa foi, avec Paul
son père, Tatte sa mère, et ses trois frères
Maxime, Sabinien et Ruf. Ayant été accusés
de faire profession de la religion chrétienne,
ils furent chargés de coups et endurèrent
d'autres supplices, dont les différentes cir-
constances ne sont point parvenues jusqu'à
nous, et dans lesquels ils rendirent l'esprit.
On ignore la date et le lieu de leur martyre.
L'Eglise fait leur fête le 25 septembre.
EUGÈNE (saint), prêtre et martyr, souf-
frit en Arabie, pour la défense de la reli-
gion, avec saint Macaire, prêtre aussi. Ces
deux saints, ayant repris Julien l'Apostat de
son impiété, furent cruellement meurtris do
coups, puis relégués dans un vaste désert
où on les fit mourir pflr le glaive. On n'a pas
d'autres détails sur leur compte. L'Eglise
fait leur fête le 20 décembre.
EUGÈNE (saint), évêque et martyr, mou-
923
EUL
EUL
924
rut pour la foi et' pour la dt^fense de la reli-
gion. Il eut pour compagnons do sa gloire
les autres saints évoques Vindémial et Lon-
gin. Ils combattirent les aiieus et les con-
fondirent. Le roi Hunéric, qui protégeait
cette secte, ordonna (pi'ils fussent décajji-
tés. L'Eglise honore la mémoire de ces il-
lustres combattants de la fui le i mai.
EUGÈNE (saint), martyr, donna sa vie pour
Jésus-Christ à Néocésarée. Il eut poui- com-
pagnons de sa gloire les saints .Mardoine,
Musone et Métellus. Ils furent brûlés vifs et
leurs cendres jetées dans la rivière. L'Eglise
fait leur fête le 2i janvier.
EUGÈNE (saint), martyr, était originaire
de la Cliersonèse. Il cutdllit la palme du
martvre avec les saints évéques Agatho lore,
Elpide, Ethère, Capiton, E.ohrem, Nestor et
Arcade. On ignore complètement l'époque
où ces martyres eurent lieu. L'Eglise ho-
nore la mémoire de ces saints évoques le 4
mars.
EUGÈNE (saint), évêque et confesseur,
souffrit à Milan, pour la défense de la reli-
gion. On ignore à quelle époque et dans
quelles circonstances. L'Eglise fait leur fête
le 30 décembre.
EUGÉNIE ( sainte ) , vierge et martyre ,
souffiit à Rome pour la foi, en 258, sous l'em-
pire de Valérien. Métaphrastc et Surius ont
publié ses Actes , mais malheureusement
ils n'ont aucun caractère d'authenticité. Elle
fut enterrée dans le cimetière d'Apronien,
sur la voie Latine. Il paraît qu'elle était de
grande famille et riche, puisque saint Proie
et saint Hyacinthe, qui furent martyrisés
avant elle, étaient officiers de sa maison. Sa
fête arrive le 25 décembre.
EUGÉNIEN ( saint ) , reçut la palme du
martyre, pour la défense de la religion. Les
Actes des martyrs ne nous disent point en
quel lieu, à quelle époque et dans quelles
circonstances il conibiitlit pour la foi. L'E-
glise fait sa mémoire le 8 janvier.
EULALIE (sainte), martyre à Mérida en
Espagne, est célèbre dans toute l'Eglise.
Elle n)0urut \)0\xv la foi, en Tan de Jésus-
Clnist 304-, sous l'empire et durant la persé-
cution de Dioclétien. Ses Actes sincères
existent dans Mabillon , dans lluinart ; les
voici en entier :
« Eulalie, illustre par sa naissance, plus
illustre encore par sa mort, reconnaît Mé-
rida pour sa patrie. Cette ville est située au
couchant, et elle reçoit les derniers regards
du soleil, lors(ju'il se |)longe dans la mer.
Elle est considéiable par la beauté de ses
édifices et par les richesses de ses habi-
tants. Mais (,'Ile doit son plus beau lustre à
la vierge Eulalie. Ses os saciés, (jui y repo-
sent, en sont l'ornement ; la sainteté de sa
vie en a été la gloire, et sa jjrolection en
fait tout le bonheur.
« De,,uis le jour (pie cette excellente vierge
avait ouvert les yeux <i la luuiière, à peine
douze 'ii« ers av<iient-ils fait Itmiber li's feuil-
les des arbies, «!l ,'j pc-ine l'astre (pii règle
les saisons avait-il visité douze fois tout le
zodiatiue, lorsque la cruauté d'un tyran la
fit monter sur un bûcher ; mat's la grâce for-
titiaiit son jeune cœur, elle entra au milieu
des tlammes comme en un lieu délicieux, et
sans être effrayée de cet horril)le appareil ,
elle jeta, par celte généreuse hardiesse, dans
l'ûme lies bourreaux la terreur dont la sienne
était exeuipte.
« Cette grandeur décourage était née avec
elle, et elle en avait donné des marques dès
les premières années de sa vie. On la vit dès
lors aspirer au trône céleste, et mépriser
tour à tour les jeux de l'enfance et les diver-
tissements de ia jeunesse. Toutce qui a d'or-
dinaire tant de charmes pour les jeunes per-
sonnes n'en avait point j)our elle, et elle n'a-
vait que de l'indilTérence pour tous ces or-
nements que les autres recherchent avec
tant de passion. Elle ne s'étudiait point à
rehausser l'éclat de sa beauté par celui des
fleurs ou par le brillant de l'or et des pier-
reries, et Ion ne vit jamais une confusion de
rubans de diverses couleurs renouer ses
beaux cheveux autour de sa tête, et en for-
mer des boucles. Une démarche modeste,
un silence sévère , une conduite réglée ,
étaient toute sa parure, et faisaient admirer
dans une fille de douze ans toutes les vertus
de la vieillesse.
« Mais lorsque la persécution de l'impie
Dioclétien, comme une peste furieuse, ga-
gnant de province en province, et de ville en
ville, se répandit sur toute la terre, et que
l'on vit les tyrans armés contre Jésus-Christ
forcer les fidèles, par la rigueur des suppli-
ces, à donner aux dieux des enfers un en-
cens souillé par le sang impie des victimes,
le cœur d'Eulalie en frémit. Elle se sent brû-
ler du désir de se signaler dans cette guerre ;
pleine du Dieu des armées, elle ne respire
que le combat, et ne pouvant plus retenir
cette noble ardeur, elle veut aller elle-même
chercher l'ennemi.
« Il faut toutefois qu'elle réprime cette
sainte audace, une mère s'oppose à ce zèle
impétueux. Cette mère, pleine de tendresse
pour une fille si aimable, la conduisit à la
campagne, et fit en sorte, par cette sag" et
prudente retraite, de la dérober aux périls
où son courage Fallait précipiter. Une mai-
son retirée et peu apparente servit durant
quel(pi(! temps de barrière au désir impatient
qu'elle avait de ré])andre son sang pour son
divin époux. Mais ce re|)OS lui devient in-
sui)j)orlable, elle regarde comme une lûche
oisiveté cette vie Iranquille et exempte de
danger où on l'oblige de passer ses beaux
iours, et elle se dérobe enfin aux soins et à
la vigilance de sa mère. Elle ouvre durant la
nuit la porte du logis où on la tient enfer
niée, et comme un esclave (jui rompt ses
fers, elle fuit avec joie un lieu qui mettait sa
vie en sûreté. Elle se jette dans la première
route qui se présente^ ou plutôt elle ne suit
aucune route ; mais marchant h l'aventure,
tantôt ell(! s'engage dans un fond maréca-
g(Mix, tantôt ell(! traverse dt>s halliers, (lui,
déchirant imiiiloy-dilemeiit ses pieds tendres
et délicats, ((MiMÙencenl \\ lui l'aire verser les
premières goullcs et comiuolcs prémices do
i
d25
EUL
EIJL
926
son sans. Copondant elle n'ost pas seule,
une ti()U|)e d'aui^iîS l'acconipayue : el (pu)i-
qu'une luiit sombre couvre de ses voilt;.; les
caïupagiics d'aleuluur, l'auleur de la Uuuière,
qui eiidji-ase sou co'ur, ('claire aussi st-s pas.
Ainsi luurc.liail aulrel'ois dans le désert, l'ar-
luée des Israélites, sous la conduite d'une
colonne lumineuse, (jui, comme un tlamheau,
écartant les ténèbres à ilroito el à f;;am:iie,
lui moulrait le chemin qu'elle devait tenir.
.De niéauî la jeune Kidalie se sauvant do l'K-
gvple, et clu'rchant le chemin du ciel, (jui
est la vi-aie ItM're de |)roniission, mérita que
le jour éilairAt pour elle parmi les ténèbres
d'une nuit obscure. Elle marcha avec tant de
vit'sse ot lit une si grande diligence, qu'elle
avait déjh lait [)lusieurs milles avant que le
soled t'ûi levé ; el lorsqu'elle entra dans Mé-
rida, à })eine cet astre commençait-il à dorer
ses tours et le sommet de ses temples. Elle
court au palais, se lait jour h travei-s la garde
du gouvei'iii'ur, parvient au pied du tribu-
nal, et se trouve sans pâlir au milieu dune
Ibrét de haches et de faisceaux. Do grâce,
seigneur, dit-elle à ce magistrat d'un ton de
voix élevé, quelle fureur vous pousse h per-
dre ainsi les âmes, et pourquoi, abusant de
la faiblesse de tant de malheureux, trop pro-
di ;ues, hélas 1 de leur salut, les forcez-vous
à se piostcrner devant des dieux faits au ci-
seau, et à renoncer celui qui est l'auteur de
toutes choses ? Eh bien ! puisque vous cher-
chez des chrétiens, je suis chrétienne, et de
plus, l'ennemie implacable de vos idoles. Où
sont-elles, que je les foule aux pieds ? Je
viens vous déclarer que je n'adore qu'un
dieu, Isis n'est rien, Apollon n'est rien, Vé-
nus n'est rien ; que dis-je ? Maximien, oui,
votre empereur, il n'est rienllii-môme : ceux-
là, parce qu'ils sont faits d'une souche d'oli-
vier ou d'un morceau de marbre ; et celui-ci,
parce qu'il adore cemarbieou cette souche:
il a beau être le maître du monde, il ne sera
pour moi (jne le dernier des hommes, tant
que je le verrai flécliir le genou devant une
pierre ou du bois. Q l'il tremble à la vue de
tels dieux, qu'il mette à leurs pieds son dia-
dème, mais qu'il ne prétende pas assujettir
des personnes libres et des cœurs généreux
à ces honteuses bassesses. Quel chef, ô Dieu 1
a-t-on donné à l'empire, quel empereur, ou
plutôt quel tyran, qui ne se désaltère que de
sang innocent, qui ne se repaît que des en-
trailles des gens de bien, et qui ne met sa
gloire qu'à persécuter la vertu? Courage
donc, digne ministre d'un tel maître, em-
ployez le fer et le feu, mettez en pièces les
tidèles; vous ne ferez après tout que biis^er
, quelques ouvrages d'argile; ni vous ni votre
prince ne remporterez pas en cette rencontre
une victoire fort signalée, et la valeur n'est
pas fort grande, qui ne s'exerce que sur des
vases de terre.
« Un discours si peu attendu, mais en
même temps si vif et si pressant, n'eut pas
de peine à exciter le dépit et la rage dans
l'àme du gouverneur, déjà assez disposé de
lui-même à recevoir ces mouvements. Qu'on
la prenne, s'écria-t-il, qu'on l'accable de sup-
plices ; qu'elle apprenne par une sanglante
evpérience qu'il y a des dieux, et que notre
prince n'est pas un nionaïquc; en peinture.
Malheureuse lill(^ à (pioi me contrains-tu?
Quoi ! ii(! puis-je te faire l'ovenii' de ton im-
jiiété? Aide-toi nu peu, je te sauv(! la vie.
Considère! de (juels biens tu le prives loi-
même par ta folie ; ipiels avantages ne lo
jjiomel point ton illuslre naissance? Tu re-
nonces à tout cela pai- un eulèU.'ment ridi-
cuh;. Jette les yeux sur la maison prête à
tomber parla chute : vois ses larmes, écoule
les plaintes que te font tes ancêlies ; ils gé-
missent, en voyant la plus belle el la der-
nière Heur de leur lige infortunée se llétrir
au moment (ju'elh; ne lait (jue d'éclore ; l'u-
nique héritière de leur noblesse et de leur
sang périr misérablement sur le point de
leur donner des neveux. Seras-tu donc in-
sensible aux j)ompcs cl aux douceurs d'un
illuslre hyménée ;ton cœur ne se laisscra-t-il
point loucher à la Uatteuse espérance de re-
lever ta race, et ne crains-tu point de com-
bler d'un éternel ennui la déplorable vieil-
lesse de ceux qui ont donné la vie à la mère,
en leur ôtant la seule consolation qui leur
reste. Tu vois ces instruments propres à di-
vers supplices, tout cela est préparé pour
toi. Je n'ai qu'un mol à dire, et tu es per-
due. Ces bourreaux n'attendent que mes der-
niers ordres pour t'ôler la vie ; ou l'on te
coupera la tête, ou l'on te livrera aux biles,
ou bien on mettra ton corps sur des brasiers
ardents, qui feront fondre ta chair jeu à peu,
et qui enhn te réduiront en cendres. Au res-
te, rien ne t'est plus facile que d'éviter de si
affreux tourments ; tu n'as qu'à jeter un grain
d'encens dans cet encensoir, qu'à toucher
seulement du bout du doigt ces gâteaux sa-
lés, comme pour les offrir aux dieux, et
voilà ta vie en sûreté. Cela est-il si difficile,
dis-moi, ma chère enfant?
« La jeune Eulalie ne répondit à tout ce
discours que par un frémissement secret;
puis cédant tout à coup à l'impression vio-
lente de l'esprit divin qui la fait agir, elle
crache au visage du tyran, abat l'idole d'un
coup de pied, marche sur les gâteaux d'of-
frande, renverse l'autel, encensoirs, vais-
seaux sacrés, et jette le désordre et la con-
fusion [)armi les dieux et leurs ministres.
Celle sainte audace eut bientôt sa récom-
pense ; deux bourreaux la saisissent, la dé-
pouillent, la déchirent, la mettent tout en
sang. Cette taille fine et droite plie sous les
coups. Eulalie les compte : on vous éci il sur
moi, Seigneur, on grave sur mon corps avec
le fer et l'acier vos victoires : que j'aime à
les lire ainsi ! votre nom, ô mon Jésus ! votre
augusîe nom y brille en caractères de pour-
pre. Un air gai et content accompagne ses
paroles. On ne voit point les larmes couler
de ses yeux, on n'entend aucun soujtir sor-
tir de sa bouche, son âme est tranquille, et
le sang pur et vermeil qui coule de ses bles-
sures ne sert qu'à relever sa blancheur na-
turelle d'un nouveau coloris, c'est un fard
innocent qui la rend et plus vive et plus
belle.
927 EUL
« Mais la cruauté du tyran n'en demeure
pas là ; c'est peu pour lui d'avoir porté ses
mains sanguinaires sur le corps d'une vierge
dont l'Age et la beauté, l'esprit et la naissance
auraient adouci un tigre ; sa barbare fureur
lui fait trouver queleferne le sert pas assez
tôt h son gré; il a recours au feu, il espère
en tirer plus de secours. 11 ftiit donc allumer
force flambeaux autour d'Eulalie, la flamme
l'environne de tous côtés ; elle s'attache aux
flancs, à la poitrine, elle court, elle vole par
tout le corps. La jeune martyre, voyant qu'on
lui ôtait ses habits, avait dès le commence-
ment dénoué ses cheveux qu'un nœud te-
nait négligemment relevés sous son voile. Ils
venaient flotter sur ses épaules, et les cou-
vraient d'une infmité de boucles que l'art
n'avait point faites. Cela avait un peu rassuré
sa pudeur alarmée. Mais déjà la flamme s'é-
lève, gagne les cheveux, et faisant toujours
de nouveaux progrès, monte enfin au-dessus
de la tête. Alors la chaste vierge, voyant que
la seule chose qui lui restait pour cacher son
corps aux yeux des hommes lui était ôtée
par la violence du feu, crut qu'elle ne devait
plus vivre ; elle ouvrit donc la bouche, et
respirant pour la dernière fois, elle attira dans
ses poumons la mort enveloppée dans un
tourbillon de flamme. On vit en même temps
sortir de sa bouche une colombe plus blan-
che que la neige, qui prit son essor vers le
ciel. C'était l'âme d'Eulalie qui, sous cette
figure, s'échappait de prison, marquant par
ce symbole, que l'Esprit-Saint voulut bien
prendre autrefois, son agilité, sa candeur et
son innocence. Aussitôt les flambeaux s'é-
teignent d'eux-mêmes, la lête tombe douce-
ment sur l'épaule, et le corps sans mouve-
ment et sans vie ne soufl're plus; il jouit
d'un parfait repos, pendant que l'esprit qui
l'animait, traversant les airs, entre en triom-
phe dans l'empyrée, et va rendre ses vœux
au temple de l'Eternel. Un des soldats de la
garde du gouverneur voit l'oiseau miracu-
leux, la frayeur etl'étonnement le saisissent,
et lui font abandonner son poste. Un des
bourreaux, témoin de la môme merveille,
doiine les mêmes marques de surprise et de
crainte ; i) fuit, la pâleur do son visage et le
tremblement qui l'agite confirment la vérité
du miracle. Cependant la neige tombe à gros
flocons, la place en est remplie; le corps d'Eu-
lalie en est couvert; le ciel, qui prend soin
des funérailles d'une vierge (jui lui est chère,
en ordonne lui-même la pompe, et y fait ré-
gner nartout la couleur des vierges. Fuyez
loin de ces lieux, vous qui v(>ndez vos lar-
mes aux obsèijues des morts ; «ju'on ne voie
|)oiiit ici de C(!S pleureuses qui iw. s'idlligent
que ()Our le compte de ceux (pii les payent,
et (pii n'ont de douhiiir (pi'uutant (pi'elles
re(;oiveiit d'.irgent pour en avoir. Ne venez
point ici désIioiiDrer p<u" une tristessi; feinte
eldiis regrets forcés la pompe funèhic d'une
jeune vierge rpi»; les éléments ont ordre de
célébrer.
« Méi-ida, illustre colonie des anciens |)eu-
l'ies d'ivslramadure et de K('-oii, assise sur la
lameuse riviùrcde la (juadiana, qui, roulant
EUL
9*28
ses eaux avec une prodigieuse rapidité entre
deux rives toujours fleuries, lave en passant
les murs élevés de cette superbe ville ; Mé-
rida, dis-je, qui fut le berceau d'Eulalie, a
aussi l'honneur d'être son tombeau. C'est
dans le sein de celte heureuse patrie qu'Eu-
lalie repose sous le dôme pompeux d'un édi-
fice de marbre. C'est là que le dévot pèlerin
et le curieux voyageur viennent révérer ses
cendres sacrées ; là l'or éclate sur les lam-
bris; là mille fleurs artificielles, faites de di-
verses pierres précieuses, composent un ri-
che pavé à la mosaïque ; les couleurs en sont
si vives, et l'art y a si bien imité la nature,
que vous croiriez marcher dans une prairie
semée de toutes les fleurs de la belle saison.
Baissez-vous et cueillez des violettes, faites
des bouquets d'amarantes ; ici l'hiver a ses
fleurs comme le printemps. Recevez celles
que je vous offre, jeune vierge, charmante
épouse de Jésus-Christ, recevez les guirlan-
des et les festons que je viens attacher à vo-
tre tombeau ; les fleurs qui y entrent n'ont
rien que de commun, mais elles vous sont
consacrées. Qu'il me soit permis d'honorer
ainsi par mes vers vos sacrés ossements, qui
reposent aux pieds de Jésus-Christ sur l'or
et la pourpre. Et si la douce harmonie de nos
hymnes et de nos chants a de quoi toucher,
jetez sur votre peuple un favorable regard. »
EULALIE (sainte) , souffrit le martyre à
Barcelone, durant la persécution de Dioclé-
tien, au commencement du iv* siècle. Ses
reliques sont encore dans cette ville.
L'Eglise fait sa fête le 12 février. Tillemont,
p. 112, vol. V, dit que peut-être sainte Eulalie
de Barcelone et celle de Mérida ne sont
qu'une même sainte. Ruinart {Acta JH.,
p. i96 ) regarde les Actes des deux saintes
comme également incertains (il n'a suivi que
Prudence). Bollandus (12 fév., p. 376), Flo-
rentinius (p. 1026) estiment que s'il y a deux
saintes Eulalie , on a attribué à chacune
d'elles bien des choses qui n'appartiennent
qu'à l'une des deux. Saint Euloge, voulant
montrer qu'exceptionnellement on peut s'of-
frir aux persécuteurs, cite sainte Eulalie de
Barcelone : s'il eût estimé qu'il existât une
Eulalie de Mérida, il n'aurait pas manqué
de la citer aussi, puisqu'il est dit qu'elle en
lit autant. Faisons comme Ruinart {loco citX
qui ne décide rien, ne voyant, dit-il, rien de
certain de |)art ni d'autre.
EULAMPE (saint), soullVit le martyre à Ni-
comédie avec la vierge Eulampie sa sœur.
Celte sainte fille, ayant appris ((ue son frère
était dans les tourments pour Jésus-Christ,
sej(Ma au milieu de la foule du peuple, l'em-
brassa et se joignit à lui pour j)aitager son
supplice. Ils furent plongés tous deux dans
une chaudièi-e d'huile bouillante, mais n'en
ayant éprouvé aucini mal, ils eurent la têto
tr-anchée. Deux cents personnes, qni s'étaient
converti(!s à la vue d'un si grand miracle,
endur'èrent h; même su|ti>li(e et reeurent la
palme du martyre. L'I-lglise l'ail leur glo-
rieuse mémoire! le 10 octobre.
la'LAMliK (Sainte). V. l'arlicle iirécédent.
Kl'LOGE (saint), martyr, et ses compa-
929
EUL
tUN
!)30
gnons sont honon^s par l'Eglisc! le 3 juillet,
lis tombèrent vicliines de la persécution (pic
les ariens tirent endurer aux ealliolupies,
sous l'empereur Valeiis , h Conslcinlino[)le,
on l'an de Jésus-Christ 370.
EULOCiE (saint), diacre de l'église do Tar-
ragone , fut martyrisé avec son col lègue
saint Augure et avec saint Fructueux son
évoque, sous l'empire- de Valérien, en l'an-
néo 259. L'Eglise célèbre sa fête le 21 jan-
vier. {Voy., pour jilus de détails, les Actes
de saint Fructdelx., à l'article de ce dernier.)
EULOGE (saint) d'Edesse, confesseur, ho-
noré par l'Eglise le 5 mai, fut banni pour
l'orthodoxie par Valens en 373. {Voy. son
histoire détaillée à l'article Valkns, pour ce
qui concerne son exil et ses causes. Ici nous
complétons ce qui y manque). Valens étant
mort, et la paix rendue h l'Eglise par Gra-
tien son neveu, les confesseurs furent rap-
pelés, Euloge revint en Mésopotamie. Barsès
était mort en exil, Euloge lui succéda sur le
siège d'Edesse. 11 vécut longtemps, faisant
le bonheur de son diocèse par son savoir et
ses vertus.
EULOGE, évêque et confesseur, avait déjà
été banni, sous Constance, pour l'orthodoxie.
Il le fut une seconde fois sous Valens en
373, par le comte Magnus, qui l'envoya à
Diocésarée en Palestine. Il ne faut pas con-
fondre cet Euloge avec celui d'Edesse, qui
n'était que prêtre à cette époque, et qui fut
banni dans la ville d'Anlinoiis en cette même
année. Celui duquel nous parlons ici n'est
pas inscrit au Martyrologe romain.
EULOGE (saint), prêtre de Cordoue et mar-
tyr, était natif de cette ville et descendait
d'une des plus nobles familles. Dès sa jeu-
nesse notre saint se distingua par sa grande
piété et ses illustres vertus : sa science était
grande, aussi fut-il ordonné prêtre et com-
mis à la direction de l'école ecclésiastique de
Cordoue, très-célèbre à cette époque. Son
humilité et sa douceur le faisaient vénérer
de tout le monde ; et le temps qu'il pouvait
distraire de ses occupations ordinaires était
employé à la visite des monastères, où il allait
chercher de nouveaux exemples de vertu.
Jusqu'alors , les Sarrasins avaient toléré
l'exercice de la religion chrétienne dans leurs
possessions d'Espagne , et moyennant un
tribut exigé à chaque nouvelle lune, tout
chrétien restait libre de pratiquer sa reli-
gion. Mais alors , quelques disciples de
l'Evangile, poussés par un zèle indiscret,
déclamèrent publiquement contre Mahomet,
et Abdérame III commença la persécution
vers l'année 850, qui était la vingt-neuvième
de son règne. A l'instigation de Reccafrède,
qui, au dire de Morales, était métropolitain,
l'évêque de Cordoue et plusieurs autres prê-
tres furent jetés en prison. Euloge faisait
ftartie de ces derniers, pour avoir encouragé
es martyrs par ses instructions. Bientôt
après, néanmoins, il fut mis en liberté, et
forcé par les persécuteurs de rester auprès
de Reccafrède. Affligé de cette contrainte,
il refusa de se livrer à aucune fonction sa-
cerdotale, et employa tout son temps à prê-
cher la parole de Dieu. Oii;uid rarchevêque
(i(! Tolède fut mort en 858, notre saint fut
élu d'une commune voix, mais son martyre,
qui arriva bientôt après, empêcha ([u'ii fût
sacré. Il fut mené devant le juge |)Our avoir
fourni à une vierge nommée Léocrite, les
moyens de sortir de chez ses parents, person-
nages illustres de la ville, ({ui la maltraitaient
parci! (ju'elle était chréticuine. Notr(! saint,
après s'être disculjié de l'accusation , en
prouvant cpi'il est des cas où la désobéissance
aux parents devient un devoir, confessa
Jésus-Christ et dit que Mahomet était un
im[)osteur. Le juge, irrité, le lit comparaître
di^vant le conseil du roi. Lh on voulut le
séduire en lui disant do rétracter seule-
ment ce qu'il avait dit de Mahomet , et
qu'ensuite on le laisserait pratiquer tran-
quillement sa religion. Mais tout fut inutile,
et on le condamna à avoir la tête tranchée.
On raconte que, tandis qu'il [)arcourait la
distance qui le séparait du lieu du supplice,
un eunuque, irrité de ce qu'il avait parlé
contre le prophète, lui donna un soufflet.
Noire saint, fidèle au précepte de l'Evangile,
tendit l'autre joue, et reçut un nouveau
soufflet sans rien murmurer. Il fut marty-
risé le 11 mars 859, et Léocrite fut décapitée
quatre jours après. L'Eglise fait leur mé-
moire le même jour.
EUMÈNE (saint), évêque et confesseur,
souiîrit à Gortyne en Crète, pour la défense
de la religion. Les Actes des martyrs ne nous
donnent aucun détail sur la date et les cir-
constances de sa confession. L'Eglise honore
sa sainte mémoire le 18 septembre.
EUNE, surnom de saint Chronion, domes-
tique de saint Julien, qui signifie attaché,
affectionné. Ce n'est point le nom d'un saint
particulier , comme l'ont faussement pré-
tendu les auteurs du Martyrologe romain.
{Voy. à ce sujet Julien et Chroniod). C'est
donc à tort, qu'après avoir écrit la fête de
saint Chronion au Martyrologe sous la date
du 27 février avec celle de saint Julien, on
écrit celle de saint Eune au 30 octobre en-
core avec celle de saint Julien. C'est une
double erreur, une double confusion ; on
fait ainsi quatre saints au lieu de deiix-
EUNICIEN (saint), martyr, eut la gloire de
souffrir la mort pour Jésus-Christ, en Crète,
dans la ville de Gortyne, sous le règne de
Dèce, durant la persécution si terrible que
ce prince féroce alluma contre l'Eglise. Il
fut décapité après avoir souffert d'horribles
tourments. Sa fête arrive le 23 décembre.
Saint Eunicien est l'un des dix martyrs de
Crète. {Voy. Martyrs de Crète.)
EUNOIC (saint), martyr, l'un des quarante
martyrs de Sébaste sous Licinius. {Voy. Mar-
tyrs PE SÉBASTE.
EUNOMIE (sainte), martyre à Augsbourg
en 304, sous l'empire de Dioclétien, était
l'une des trois servantes qui étaient atta-
chées à la maison de sainte Afre, fdle publi-
que dans cette ville, et qui mourut pour la
foi au commencement delà persécution. Ces
trois servantes faisaient le même métier que
leur niaî.resse. Elles la suivirent dans son
951
EUP
EIP
952
triomphe. Comme on peut le voir en lisant
les Actes de la sainte, elles furent brûlées
vives dans so'i tombeau avec sainte Hilaria
sa mère. L'Eglise célèbre leur fêle le 5 août.
(Voi/. Afue.)
ELTHÉMIE (sainte) , martyre à Aquilée
sous la persécution de Néron. Le2septeuil);e
est le jour de sa iète. Elle fut martyrisée avec
les saintes Dorothée et ïhècle, et saint
Erasme. On manque de documents certains
sur fous ces martyrs.
EUPHÊMllî (sainte), vierge et martyre,
soullVit pour la religion chrétienne, en l'an
de Jésus-Christ 307. Elle s'était consacrée à
Dieu, aussi montrait-elle un méjjris profond
de tout ce qui ne se rapportait |)as^ à lui
et à sa gloire. Ayant été arrêtée à Chalcé-
doine, sa patrie, par ordre du gouverneur
Priscus , elle eut d'horribles souffrances à
endurer. Les soldats la meurtrirent de coups,
lui cassèrent les dents, après quoi elle fut
conduite en prison, d'où on la tira pour la
brûler vive. Elle monta sur le bûcher avec
un courage inoui. La tran(iuillité de son vi-
sage témoigaait de la joie qu'elle éprouvait
de mourir pour Jésus-Christ. Longtemps
ses reliques furent conservées à Constanti-
nople à Sainte-Sophie ; mais Constantin Co-
pronyme ayant voulu les faire jeter à la
mer, on trouva moyen de les sauver. Elles
sont aujourd hui à Syllébrie ouSyllivri, ville
qui est un siège métropolitain. L'église de
l<i Sorbonne à Paris en possède une partie.
La fête de sainte Eu])hémie est inscrite au
Martyrologe le 16 septembre. [Voy. pour
documents saint Paulin, saint Pierre Cliry-
sologue, et le discours de saint Astère, que
nous allons citer ici).
« Mes frères, il y a quelques jours que, Ji-i
sant Démosthènes, je tombai sur un de ses
plus beaux plaidoyers. C'est celui où il pousse
Eschine (1) d'une' manière vive et pi-essante,
et où il semble avoir accablé ce dangereux
adversaire sous un amas trenthymèmes. Je
m'en sentis moi-même accablé ; et fatigué de
la longueur de la lecture, je m'aperçus que
j'avais besoin d'un peu de i)romeaade pour
me remettre d'une si forte application. Je
sortis donc de chez moi, et m'étanl promené
ciuelque tem|)S dans la grande place avec
tieux ou trois peisonnes de ma connaissance,
j'entrai dans l'église pour y prier en repos.
En [)assant sous un des poi'tiques, je fus
£rapf)é de la beauté d'un tableau (pie j'y vis,
et (pii est enchâssé dans le lambris. On K;
prendrait p )Ur un ouvrage d'Iiuphi-anor (2)
oii (le (pielque aiitre de ces fameux peuili-es
de ranti(}uité, (]ui ne |)eignai(Mit rien (pn^
d'achevé, et (pu savaient si bien domua' il
toutes liiurs ligures de la vie et du mouvt!-
inenl. Vcjiis lire;/ ceci, si vous vouiez; niais
puis(jue j(! me touv(! le lo;sir, je vais tAcher
do faire une; (ies(Mip(ioi exa(:l(; de. celle ex-
cellente jjiece. .N(jus avons, nous autres ora-
(1) FariU'iix avocat (I'Alli(iiics, cl l(î rival de D('-
nios UhvH «.'Il (';i()(jiicnt('.
j.'i) (ii'ichrc j)i!iiiln', cl s<:iil|)t(Mir. I*liii(> fair la dcs-
cripiwtii <li! plusieurs (!X( cIIimiIc!} picccs sorlies de
il\ Kiaiii. (Liv, xxxiv, chaji. 8,i
teurs, aussi bien que les peintres, nos cou-
leurs et nos pinceaux.
« Une vierge consacrée à Dieu en est le
principal personnage, et sa mort en fait le
sujet. On la nomme Eui)hémie. Lorsque la
persécuiion étiiit le plus allumée contre Ils
chrétiens, cette illustre vierge donna avec
joie sa vie pour Jésus-Christ. Ceux d'eritre
S( s concitoyens qui faisaient profession de la
même religion qu'elle, charmés de la sain-
teté de sa vie et de la générosité de sa mort,
lui ont élevé un tombeau assez proche de
l'église. C'est là que chaque année ils lui
rendent dos honneurs publics, le concours y j
est prodigieux, et tout le i)euj)le y célèbre I
avec de grandes réjouissances, comme une
fête où toute la ville prend part, le jour do
la victoire d'Euphémie. 11 n'y manque pas
d'excellents prédicateurs qui font l'éloge de
la sainte, et qui par de beaux et d'éloquents
discours honorent sa mémoire. Ils prennent
soin d'apprendre à leurs auditeurs les cir-
constances du combat qu'elle soutint avec
tant de gloire contre les tyrans; mais il
s'est trouvé aussi un peintre qui, par un mou-
vement de piété, a tracé sur la toile cette
môme histoire; l'on en voit le tableau atta-
ché contre la muraille, et au-dessus du tom-
beau de la sainte martyre. Voici ce que con-
tient ce chef-d'œuvre de l'art.
« Le gouverîicur de la province y paraît
sur un tribunal élevé, ses regards rudes et
farouches .'ont tournés vers la sainte. La
colère éclate dans l'un de ses yeux, et la
cruauté dans l'autre; car l'art, quand il a at-
teint la perfection, fait nailre et mouvoir,
comme il lui plaît, les passions dans une
matière inanimée. On voit aux côtés du gou-
verneur quelques officiers de justice qu'il a
appelés pour juger avec lui ; et à si-s pieds
des grelliers, des soldats, des bourreaux. Un
d'entre eux à des tablettes à une main, où il
semble écrire les l'époiises de la sainte ; l'au-
ti'e main, dont il tient le poinçon, est tant
soit peu levée de dessus les tablettes, taudis
qu'il regarde la sainte, haussant la tôle, et
la bouche cntr'ouverlo, comme s'il lui vou-
lait dire de parler i)lus haut et plus dislinc-
tement, de crainte que ne l'entendant qu'à
demi, il ne vienne à écrire les choses autre-
ment ([u'elle ne les dit, et qu'il ne s'attire
par Ih une réprimande des juges. La vierge
est debout, vêtue d'une étoile bi'une ; le pein-
tre lui donne un manle.m de |)hilosophe,
comme à une persoinie qui fait une profes-
sion j)ar[iiulièr(î de la sagesse. Elle a le vi-
sage agréabh^; mais que son âme paraîtrait
belle a (pii la ])ouirait voir dans toute sa
beauté 1 Deux soldats la conduisent vers le
gouverneur; l'un la tire h lui, ri l'autre la
pousse ()ar derrière. Ou af)er(;oit dans l'air
dii.son visage, et dans toulo s.i contenance,
de la pudeur et de la rerm('t('' tout ensemble;
(îlle baisse les yeux ù la véi'ilé, comme n'o-
.sanl les lever sur tous (;('s honnues (pii sont
autour d'elle, et ci-aignant aussi de rencon-
trci- leurs irgards; mais au travers de cette
piidi(pie houle, on ne laisse lias d'enlrc^voir
une assurauco cl une ialro|)idilé nue lui
I
935
ECP
Eir
954
donne la grandiMu- de sa foi. J'avouo qiio j(«
nie suis si jili plus d'iuiL' fois cnlovcr h la viio
d'un tableau de Médé»;, et je ne f)ouvais
alors tarir sur les louanges du peintre qui
avait l'ait une si belle chose; on y voit la
j)rincesse de Colchos (Médée), sur les point
d'égorger ses deux (ils ; elle lève la maia, et
va, ce semble, leur plonger un poignard tlans
le sein. La pitié et la colère partagent l'air
et la dis[)osition de son visage; elles l'oc-
cu[)eut toutes deux en nu';nie temps; elles y
j)aiaissei)t ensemble distinctement; la rage
s'y moidre i'urieuse et prèle {i ié[)andre du
sang ; et l'amour lualernel y |)arait aussi, qui
abhorre un si grand eiime, et qui demande
grâce pour îles tils iiniocents. Mais dej)uis
que j'ai vu l'iinmitahle tableau irEu|)hémie,
je n'ai plus (pie de i'indill'érence pour celui
de Médée. Celui d'Eui)liémi(! a toute mon
admiration; et c'est peu pour celui qui nous
a laissé un ouvrage si achevé. Il n'est pas
UKuns admirable dans le mélange des pas-
sions que dans celui des couleurs ; il tem-
père de telle sorte la générosité par la pu-
deur, et il relève si bien la j)udeur par la
générosité, qu'il met ensemble deux mou-
vements de l'àme entièrement opposés, sans
que de celte union il naisse aucun contraste.
« Continuois nt>tre description. Vous
voyez un i)eu {)lus loin deux bourreaux à
demi nus, (jui se disposent à tourmenter la
sainte. L'un lui prend la tète, la renverse et
la tient entre ses mains, tandis (jue l'autre
lui enfonce les màchoiies, et lui fait sauter
les dents. 11 y a là quelques instruments de ce
sup[ilice, un petit maillet et une espèce de
tarière. C'est ici où je ne puis plus retenir
mes larmes, il faut qui; je leur donne la li-
berté de sortir; aussi bien la compassion ar-
rête ma main, et ne me jxu'met pas de con-
tinuer mon récit. Le pinceau a représenté
des gouttes de sang si naïvement, que vous
ci'oyez les voir couler des lèvres de la vierge,
et tout attendri vous en détournez aussitôt
les yeux remplis de i)leurs. Dans un des
coins du tableau, on aperçoit la sainte en
prison ; elle prie, les mains étendues, comme
imploiant le secours de celui pour l'amour
duquel elle souffre. Ce signe que les chré-
tiens ont coutume d'adorer eî de représenter
partout est au-dessus de sa tôte, et semble
descendre du ciel ; je crois qu'il le lui envoie
comme un présage de son martyre ; car, à
c|uelques pas de là, le peintre a allumé un
grand feu; lallamme s'y élève par gros tour-
billons, qui sont marqués par des traits ex-
trêmement vifs et d'un rouge un peu fort. La
vier^'c est au milieu, les mains et les yeux
tournés vers le ciel ; on n'y aperçoit ni tris-
tesse ni crainîe, mais au contraire on y voit
éclater une joie tranquille, qui lait juger
qu'elle croit n'être pas éloignée du moment
qui la doit mettre en possession du bonheur
éternel. Ma ^jlume s'arrête oii le pinceau
s'est arrêté. Cependant vous pouvez vous
informer p.w vos proj^res yeux si nous avons
été tidèles à représenter toutes les grâces et
toutes les beautés de cette excellente pein-
ture. »
LUPHEMiE (sainte), martyre, répandit son
sang pour la foi à Ann'de en Pa|ihlagrnie, On
ignore à quelh; époque. Le Marlyruloge ro-
main indi(pn; seuhnienl les noms de ses
compagnes de sonlfrances, saintes Alexandra,
Claude, Euphrasie, Matrone, .luMitu;, 'I héo-
dose, Derphute et sa sœur. L'iiglise honore
IcHU' nu''njoire le 20 mars.
ElJi'HIlASlE (sainte), martyre, cueillit la
palme du martyre à Annde en Paplilagorn(!.
On ignore la date de son martyre. Elle souf-
frit avec Alexandra, Claude, Matrone, Jus-
tine, Eui)liémie, ïhéodose, Derj)hute et sa
sœur. L'Eglise honore leur mémoire le
2i) mars.
EUIMÏKONE (saint), évoque et confesseur,
endura de cruels tourments pour la défense
de la religion. Nous n'avons aucun détail
sur le lieu, la date et les circonstances dosa
confession.
EUPHROSYNE (sainte), fut martyrisée sous
Domitien à Tcrracino. On prétend que ce fut
en môme temps c[ue les saints Nérée et
Acliillée. On lui donne pour compagne de
son martyre sainte Théodore (fête 7 mai).
Pas de documents certains.
EUPLIUS (saint), fut mis à mort pour Jé-
sus-Christ à Catane, en Sicile, sous le gou-
vern.'ur Calvisien, durant le règne de Dio-
clétien, en l'an de Jésus-Christ 3y3. Ses Actes
sincères sont donnés par Kuinart, d'après
Cotelier, Surius et Baronius. Nous les repro-
duisons ici :
PREMIER INTERROGATOIRE.
Sous le neuvième consulat de Dioclétien,
et sous le huitiènie de Maximien, son collè-
gue, le jour d'avant les ides d'août, à Ca-
tane, Calvisien, gouverneur de Sicile, homme
consulaire, donnant une audience particu-
lière dans son cabinet, le diacre Euplius,
étant dans l'antichambre, s'écria : Je suis
chrétien, je souhaite de mourir pour Jésus-
Christ. Le gouverneur, l'ayant entendu, dit :
Qu'on fasse entrer cet homme. E]uplius
étant entré ayant à la main ]e livre des
Evangiles, un'ami de Calvisien lui dit : 11
n'est pas (.'ans l'ordre de paraître, surtout
dans un lieu comme celui-ci, avec ces sortes
de livres, contre les défenses expresses des
empereurs ; c'est n'avoir pas assez de res-
pect pour leurs ordonnances. Calvisien ,
prenant la parole, dit : OCi avez-vous pris ce
livre, l'aviez-vous à votre logis ? Euplius :
Je n'ai point de logis. Calvisien: D'où vient
que vous vous en êtes chargé, et que vous
l'avez apporté ici ? Euplius : vous le voyez,
je le lisais quand on m'a arrêté, on peut
vous le dire. Calvisien : Lisez-nous-en quel-
que chose. Euplius ouvrit le livre, et y lut
ces paroles : Bienheureux ceux qui souf-
frent perséciilicn pour la justice, parce que
le royaume du ciel est à eux. il l'ouvrit une
seconde fois, et il lut cet endroit : Celui qui
teut venir ajJrês moi, qu'il se charge de sa
croix, et me suive. Calvisien, l'interrompant,
lui dit : Qu'est-ce que cela ? Euplius ; C'ea|
935
ELT
EUP
936
la loi de mon Soigneur ot de mon Dieu,
laq^uelle m'a été donnée. Calvisien : Et par
qui ? Euplius : Par Jésus-Clirist lui-môiue,
qui est le Fils du Dieu vivant. Calvisien,
ayant été aux opinions, dit : Comme il nous
apparaît par la propre confession d'Euplius
qu'il est chrétien, nous ordonnons qu'il soit
mis à la question pour y subir un second
interrogatoire.
SECOND INTERROGATOIRE
Sous le neuvième consulat de Dioclétien
et le huitième de Maximien, son collègue, le
jour d'avant les ides d'août, Calvisien, ayant
fait appliquer Euplius à la question, lui dit :
Persistez-vous toujours dans les mêmes sen-
timents ? Euplius, faisant le signe de la
croix sur son front avec la main qu'il avait
libre, dit : Oui, ce que j'ai d'abord confessé,
je le confesse encore ; je suis chrétien, et
je lis les divines Ecritures. Calvisien : Pour-
quoi premièrement en avez-vous ? et en se-
cond lieu, pourquoi ne nous les avez-vous
pas remises entre les mains, puisque vous
savez que les empereurs en avaient défendu
la lecture ? Euplius : Parce que je suis chré-
tien, et qu'il n'est pas permis à un chrétien
de livrer les Ecritures ; j'aime mieux mourir
que d'être tradileur. Calvisien, ayant pris
les avis, dit : Euplius, pour avoir, contre les
défenses des empereurs, gardé les Ecritures,
et les avoir lues au peuple, subira la peine
portée par l'édit. Pendant qu'on redoublait
la question, Euplius dit : Seigneur, je vous
rends grAces ; Jésus, fortitiez-moi, puisque
c'est pour vous que je soutfre. Calvisien:
Adorez les dieux, et je vous remets en
liberté. Euplius : J'adore Jésus-Christ, et
j'abhorre vos démons. Vous en userez comme
il vous plaira, mais enfin je suis chrétien ;
il y a longtemps que je souhaite de me voir
oiî je suis ; faites ce que vous voudrez, met-
tez tourments sur tourments, j'endurerai
tout avec joie, je suis chrétien, La torture
ayant duré beaucoup plus qu'à l'ordiîiaire,
les bourreaux eurent ordre de s'arrêter. Cal-
visien prit ce moment pour dire à Eu[)lius :
Misérable, adore les dieux, adore Mars, Apol-
lon et Esculape. Euplius : J'adore le Père,
le Fils et le Sainl-Esprit ; j'adore la sainte
Trinité ; il n'y a point d'autre Dieu. Péi'is-
sent les dieux qui n'ont fait ni le ciel ni la
terre ! Calvisien : Sacrilie, si tu veux éviter
la mort. Euplius .-Attendez, je sacrifierai dans
peu, mais ce sera moi-même que je sacrilie-
rai, et à. Jésus-Christ ; si j'avais quehiue
chose qui me fût plus cher, je le lui sacri-
fierais. Au reste, tous vos elforts sont vains,
je suis chrétien. Calvisien : Qu'on redouble
les tourments. Euplius : Je vous rends grA-
ces, ô Jésus ! Jésus, venez à mon secours,
c'est pour vous que je soulIVe. 11 répétait
souvent les mêmes paroles, et lorsque ses
forces venaient à diminuer, on lui voyait
encore rennicr les lèvies.
Alors Calvisien, jiassant derrière le ri-
deau (1), dicta la sentence ; puis rentrant
( 1 ) Il y avait dt'rriùn; les si(''g<'s des jniçes un ri-
deau qui forinail iiac Ch|)cce de réduit où les juges
et ayant à la main dos tablettes, il y lut
ce qui suit : « Nous ordonnons qu'Euplius,
ch(étien, et rebelle aux ordres des empe-
reurs, et endur( i dans son impiété et sa dés-
obéissance , aura la tète tranchée. Qu'on
l'aille exécuter. » On lui attacha au cou le li-
vre des Evangiles qu'on avait trouvé sur
lui lorsqu'il fut arrêté ; et un crieur public
marchant devant lui disait h haute voix :
Euplius, chrétien, l'ennemi des dieux et des
empereurs. Pour lui, il rendait grâces sans
cesse à Jésus-Christ. Etant arrivé au lieu oi\
l'exécution se devait faire, il se mit à ge-
noux, pria longtemps et présenta sa lôte
au bourreau, qui la lui abattit d'un seul
coup. Les chrétiens enlevèrent son corps,
qu'ils ensevelirent après l'avoir embaumé.
12 août.
EUPORE (saint), martyr, eut la gloire de
souffrir la mort pour Jésus-Christ, en Crète,
dans la ville de Gortyne, sous le règne de
Dèce, durant la persécution si terrible que
ce prince féroce alluma contre l'Eglise. Il
fut décapité après avoir souffert d'horribles
tourments. Sa fête arrive le 23 décembre.
Saint Eupore est l'un des dix martyrs de
Crèle. {Voy. Martvrs de Crète.)
EUPRÈPE (saint), frère des saints Cosme
et Damien, fut martyrisé avec eux en 303
sous l'empire de Dioclétien. Sa fête arrive
avec la leur, le 27 septembre. [Voy. Cosme.)
EUPRÈPE (saint), évêque et confesseur,
confessa Jésus-Christ à Vérone. Nous igno-
rons complètement à quelle époque et dans
quelle circonstance. L'Eglise fait sa fête le
21 août. .
EUPRÉPITE (saint), martyr, répandit son
sang pour la foi à Rome, avec saint Castule.
On n'a aucun détail sur eux. L'Eglise fait
leur sainte mémoire le 30 novembre.
EUPSYCHIUS (saint), martyr, était habi-
tant de Césaiée en Cappadoce. Jnlien l'A-
postat, étant nasse dans cette ville, entra dans
une grande lureur, en voyant que presque
tous ses habitants étaient chrétiens. Ils
avaient abattu récemment le temple de la
Fortune. Ce i)rince en fut très-irrité. Dans sa
colère, il ell'aça Césarée du nombre des cités
et lui fil reprendre son ancien nom de Mo-
zaca. Il dépouilla de leurs biens toutes ses
églises, et enrôla le clergé dans la milice du
gouverneur de la province. Plusieurs chré-
tiens furent mis à mort , et entre autres
Eupsychius, qui appartenait h une famille
considérable, et (pii élait marié depuis peu.
Julien donna aux habitants l'ordre de re-
bâtir les temples des idoles ; mais ceux-ci,
au lieu d'obéir, construisirent une église
sous l'invocation de saint Eupsychius'. Il est
certain (jue Julien en aurait tiré vengeance,
si la main de Dieu ne l'avait arrêté en. le
faisant mourir dans ces temps-là, dans l-i
guerre (pi'il faisait à Sapor. L'Eglise fait au-
jourd'hui la fêle d(! re saint le 0 avril. {Voy.
i
SozomèiHî, 1. IV, c. 0.
ELPSYQUE (saint
fui du nombre dea
se relii\iieul |)(iui- aller aii\ opinious, ou pour écrire
leurs ju^e^ijenls.
937
EUS
EUS
958
saints que 1;\ porsociilion do l'empcrour
Adrien lit monter au ciel. Il donna sa vie
pour Jésus-Christ à Césarde do Cappadoco :
il avait été pris i)ar les porséculeurs, puis
relAchc'!. Pensant bien ([ue le répit (pi'on lui
donnait ne serait pas do longue durée, il
voulut se l'aire un trésor pour le ciel. 11
doinia tout son bien à ses accusateurs et
aux pauvres : aux pauvres, pour paver à
Dieu la rançon de i)onnes œuvres (pu; tout
mortel doit ici-bas suivant la mesure de ses
moyens ; Ji ses accusateurs, pour leur payer
sa dette h lui, c\ qui ils ouvraient le chemin
du ciel. Qu'on nous cite donc des sublimités
comme celle-là eu dehors des fastes de la
religion chrétienne. Peu de temps après,
saint Eupsyque fut repris, et après divers
supplices, la mort qu'il avait tant désirée
lui fut envoyée. La couronne du uiartyre
descendit des cieux sur sou front.
Il y a bien une difticulté par rapport h
saint Eu[)sy(iuc : on le met sous Adrien
(Bai'onius, Mort, rom.), mais il est certain
qu'un saint Eupsyque a été martyrisé sous
le règne de Julien l'Apostat, à Césaréc de
Cappadoce. N'aurait-on pas fait confusion? La
fête de saint Eupsyque à lieu le 7 septembre.
EUPSYQUE (saint), martyr, est oublié par
les rédacteurs du catalogue des saints publié
par ordre des papes. Eusèbe, dans sa relation
de la ])ersécution de Palestine, et les méno-
loges des Grecs font pourtant mention de lui.
Il fut une des victimes de la cruauté atroce
du gouverneur Urbain. 11 était fort âgé
quand il fut condamné, avec saint Cartère,
à être fait eunuque et à aller travailler aux
mines. Cette sentence fut prononcée contre
lui le 5 novembre 307, jour auquel les Grecs
font sa fête. Cet abominable juge avait en
même temps condamné trois autres saints,
Timothée, Théophile et Théotime, à appren-
dre le métier de gladiateurs, pour se battre
à coups de poings. Ces saints refusèrent ab-
solument d'apprendre ce vil métier; ils fu-
rent envoyés aux mines. Quant à notre
saint, nous ne trouvons pas de plus grands
détails, et ne pouvons conséquemment dire
ce qu'il devint dans l'exil où on l'envoya.
Seulement il est tout simple de croire qu'il
fut, comme condamné aux raines, soumis aux
atroces cruautés qu'on exerçait envers ceux
qui y étaient envoyés. Cela est d'autant plus
probable, qu'on lit que les trois saints que
nous venons de nommer, et qui furent con-
daitinés le même jour que lui, eurent le jar-
ret gauche brAlé et l'œil droit arraché. Ces
mutilations étaient ordonnées comme me-
sure à peu près générale à l'égard des con-
damnés aux mines. Plusieurs évêques, qui
survécurent à ces tortures, vivaient encore
sous Constantin, et gouvernaient l'Eglise avec
gloire. Plusieurs siégèrent dans des conciles
où on leur témoignait le respect le plus
profond. Les auteurs qui nous permettent de
faire cet article sur saint Eupsyque de Pales-
tine ne nous donnent pas assez de détails
pour que nous puissions dire s'il était ou
non engagé dans les ordres sacrés ; cepen-
dant cela est fort probable.
DiCTioNN. DES Persécutions. I.
EUSËRE (saint), reçut la palme des glo-
ri(!ux combattants de |,i foi h Rome avec les
saints Pontien, Vincent et Pérégrin. Ce fui
sous l'empereuiConunode (pi'ils endurèrent
successivement les tourments du chevalet,
des entraves, des cou|)s de I.àlon ; ensuite
api'ès avoir eu les cotés bi Aies, connue ils
ne cessaient point de louer Jésus-Christ,
on les fiappa avec des fou( ts gai-nisde })li)mb,
juscpi'à ce ([u'ils rendissent l'Ame. L'Eglise
fait h'ur fêle le 25 août.
EUSÈBE (saint). A'oici ce qu'à son sujet
nous trouvons (!iu:s le Martyrologe romain :
« A Alexandrie les saints prêtres et diacres
Caïus, Kauste, Eusèbe, Chérémon, Lccius et
leius conq)agnons, dont les uns furent mar-
tyrisés durant la persécution de Valé-
ricn, et les autres, en servant les martyrs,
reçurent la récom[)ense des martyrs. » L'E-
glise fait leur fête le 4 oclobie.
EUSÈBE (saint), fut martyrisé à Rome, sous
l'empire de Va!éri(Mi, avec les saints Hippo-
lyte, Marcel, Adrias, Maxime Néon , et les
saintes Pauline et Marie. L'Eglise fait sa
fêle le 2 décembre. (Pour plus amples détails,
Voy. les Actes de saint Hippolyte à son
article.)
EUSÈBE (saint), l'un des gardes de la pri-
son de saint Censorin ou Ccnsorinus , sous
Claude 11 le Gothique, fut converti à la foi
chrétienne par le prêtre saint Maxime, avec
les autres gardes de la prison , lesquels
étaient Félix, Maxime, Faustin, Herculan,
Numère, StoracinusMène, Commode, Herne,
Maur, Rustique, Amandinus , Monacre ,
Olympe, Cyprien et Théodore. (Pour voir
leur histoire, recourez à l'article Martyus
d'Ostie). Ces saints ne sont pas nommés au
Martvrologe romain.
EUSÈBE (saint), souffrit le martyre pour
la défense de la religion avec les saints
Néon, Léonce, Longin et quatre autres dont
nous ne savons pas les noms. Après avoir
été cruellement tourmentés, ils périrent par
le glaive durant la persécution de Dioclélien.
L'Eglise fait leur fête le 2k avril.
EUSÈBE (saint), prêtre et martyr. Ce saint
homme, qui possédait à un degré éminent
toutes les vertus apostoliques , soutint le
martyre sous le règne des empereurs Dio-
clétien et Maximien ; les uns disent à Rome,
les autres en Palestine. Ce fut le président
Maxence qui informa contre Eusèbe, et qui
lui ordonna impérieusement de sacrifier aux
dieux de l'empire ; mais notre saint lui ré-
pondit qu'il préférait la mort, et que l'éclat
de sa couronne se mesurerait sur la cruauté
des tourments qu'il endurerait, Maxence le
fit étendre sur le chevalet, où il eut les côtés
déchirés avec les ongles de fer : mais bientôt,'
passant de l'étonnement où la constancede no-
tre saint l'avait mis,à une fureur plus grande
encore, de se voir vaincu, il ordonna qu'on
le conduisît au bûclier. Eusèbe suivait déjà
les bourreaux, quand Maxence lui-même, le
rappelant, l'engagea à éviter une mort aussi
cruelle, en obéissant aux li,is. Celui-ci
répondit : « S'il est vrai que l'empereur
m'ordonne d'adorer un vil métal, faites que
30
939 EUS
je le voie. » La raison qui le faisait ainsi
parler, c'est que le juge le faisait souffrir
injustement, puisque les empereurs n'a-
vaient point publié de nouveaux édits.
Maxence le fit alors remettre en prison et
alla voir l'empereur, à qui il représenta
Eusèbe coaime un homme séditieux et se
refusant à Tobéissance des lois. Celui-ci
ordonna qu'on le lui amenât, et frappé de
son air divin et de ses saintes paroles, il
dit à Maxence de le juger avec équité et
conformément aux lois : Pour moi , dit-il,
je ne veux pas être juge en cette affaire.
Maxence ordonna alors que notre saint fût
amené devant lui, et sur son nouveau, re-
fus de sacrifier, le condamna à ôtre décapité.
L'Eglise célèbre sa sainte mémoire le li août.
EUSÈBE ( saint ) , martyr, habitait Gaza
avec ses deux frères Nestable et Zenon, du
temps que la cruelle |)ersécution de Julien
l'Apostat rappelait à l'Eglise les maux qu'elle
avait soufferts sous Dioclétien et sous ses
collègues. Les païens les ayant arrêtés
dans leurs maisons, les jetèrent en prison,
où ils furent fouettés avec la dernière cruan té.
Dans l'assemblée qui se tenait à raraphithéû-
tre pour voir les jeux publics, ces forcenés
se mirent h crier qu'il fallait punir ces in-
dignes sacrilèges. La populace se précipite,
brise les portes de la prison, en arrache les
trois frères, et les emporte en les traînant
tantôt sur le dos, tantôt sur le ventre. On
les frappe avec des bâtons, avec tout ce
qu'on peut trouver dans les rues sur leur
passage. Les femmes les piquentavoc leurs fu-
seaux, leur jettent do l'eau bouillante de leurs
chaudières. Les cuisiniers les percent avec
leurs broches. Quand les saints martyrs furent
morts et horriblement mutilés, cette horde
sauvage les traîna jusqu'au lieu oii on je-
tait les botes mortes , c'est-à-dire à la voi-
rie. Puis, [)Our empêcher les chrétiens de
I (rendre leurs saintes reliques , on brûla
eurs corps avec des ossements d'animaux.
L'Eglise fait la fôle de ces glorieux nrictyrs
le 8 septembre. Ainsi fiiirenl ces trois frè-
res cbrétiens. Leur mort tragique au milieu
d'une aussi ignoble émeute ne prouve pas
beaucoup en faveur de radminislration de
Julien, 'juo ses [)anégyristes ont tant exallée.
EUSÈBlî (sainli, évô(pie de Verceil et con-
fesseur, était natif de Sard ligne et d'une fa-
niille considéra )le. Onditqun son père, qui
était chrc ien, fut pris en Afrique durant la
persécution de Dioi;lélien, et tpi'il mourut
comme on le coiduisait h. Home. Devenue
veuve, Kesiitule, sa uière, vint à Rome avec
lui et sa sœur, jeune encore. 11 fut élevé
dans la pratiipn; <le toutes les vertus clué-
tiyrnieset devint lecteur de l'église romaine.
Ayant été appelé à Verceil pour une raison
que nous ignorons, il se distingua tolle-
mi'iit que le siégo do cette ville étant venu
à vaijuer, on l'y éleva unanimeiuent. il était
plein de zèle et |>lt'in de douceur. Il mettait
sa gloinî dans la uiorliliratiou, cl eutiopre-
ïi'iil av(H; joie los plus grands j(!Ûiies ; il
nt; se dcsallérail (pi'avec d(; l'fîau pure, et
ne se couvrait que des liabils lus plus vils.
EUS
940
Il faisait paraître en tout son amour pour la
pauvreté, foulait le monde aux pieds ainsi
que ses plaisirs et ses honneurs.
Le courage de saint Eusèbe commença
particulièrement à juiraître l'an 355 dans le
concile de Milan, pour la convocation du-
quel le pape Libère avait envoyé notre saint
et Lucifer de Cagliari demander la permis-
sion de l'empereur Constance. Dans ce con-
cile, les ariens, qui étaient les plus forts et
les plus puissants, voulaient faire signer la
condamnation d'Athanase. L'empereur lui-
inôme voulut forcer la main des évoques en
leur disant : « Obéissez, je suis l'accusateur
d'Athanase. » Mais notre saint lui répondit
courageusement : « 11 n'est point ici question
d'une affaire civile, sur la décision de la-
quelle l'opinion de l'empereur doive in-
fluer. » Constince irrité exila saint Denis en
Cappadoce où il mourut, Lucifer de Cagliari
à Germanicie, et enfin Eusèbe à Scythopolis
en Palestine , où l'évoque Patrophile, qui
était arien, reçut la licence de le traiter à sa
guise. Eusèbelogea dans la maison du comte
Joseph, où des députés de Verceil vinrent
lui apporter des secours : mais il les parta-
gea avec les pauvres de son diocèse. Le
comte Joseph étant venu à mourir, les ariens
ne gardèrent plus de mesures. Ils l'injuriè-
rent , le maltraitèrent et le renfermèrent
dans une chambre où on le laissa quatre
jours sans manger. Il fut envoyé ensuite en
Cappadoce, et de là dans la haute Thébaïde
en Egypte.
Constance étant mort en 361, Julien l'A- j
postât donna aux évoques la permission de I
retourner dans leurs diocèses. Notre saint
se rendit à Alexandrie, pour convenir avec
Athanase de ce qu'il y avait à faire pour
remédier aux maux qui désolaient rEj,lise.
il alla ensuite à Antioche pour y travailler
à éteindre le schisme qui troublait celte
Eglise. Il revint enfin dans son Eglise de
Verceil et la trouva en très-bon état par le
soin qu'en avait pris saint Gaudence, qu'il
y avait envoyé trois ans auparavant; il lui
témoigna toujours beaucoup de respect et ils
co-îlinuèrent à diriger c;'tte Eglise , l'un
comme évôijuc, l'autre comme jirètre. Saint
Jérôme nous apprend qu'il niourut le 1"
août 370, sous le règne de Valcnlinien.
Avant de mourir il con.pua ses disciples de
mettre dans son tombeau ses h. bits, son
linge et tout ce qui était pour sa personne,
el de ne point soidlrir (pi'on lui coup;U ni les
chevcHix , lù la barbe, d'où vienl qu'on
trouve très-peu de reliques de lui. OrT as-
sure; qu'il se faisait beaucoup de miracles au
tombeau de saint Kusèbe, j)arlieulièrcmcnl
le jour de sa fèt.;. Saint Grégoire de Tours
en iap|K)i'le un arrivé chez sa propre mère,
qu'il attribue aux mérites de ce saint, dont
elle avait des r liqnes chez elle dans son ora-
toire. I/Kglise fait sa mémoire le 15décend)re.
KUSÈI5K (saint), pape, confesseur, succéda
à Marcel sur h; trône de saint Pierre. Son
zèle ard(!ntà maintenir avec rigueur la péni-
l(!nce (pje les canons infligeaient à ceux qui
avaient fléchi sous la persécution, lui attira
041
EUS
E!1S
942
des ennemis, entre autres Héraclins, homme
U'^or et (iiihiilonl, ([ui se mit h leur 10U\ 11
oui 5 subir du Irur part luillo coiilradiclioiis
(lu'il parvint à siinnoiiler. Il l'ut exilé en Si-
cile par le tvra'i Maxcnco, et y mourut (|iicl-
(jue tom|)s "aprC's, dans l'annèo ."UO. Si nous
en croyons le calendrier de J.ih^re, il n'oc-
cuj)a le saint-siége (jue quatre mois et seize
joins... Son nom est inscrit au Alartyrologc
j'oniai'i le 2() seplomhie, jour dans lc<iuel,
prol)al)loin('nt, ses l'clitjues furent déposées
dans les catacombes de Home.
EUSf^BK (sailli), prèlre et confesseur, vi-
vait au lenipsde rempercurConstance,i)rinco
qui, con\me on le sait, favorisail d'une façon
toute parùculirro riiéiésic des ariens. Ce
saint 111 être les cond)allil ;» I\ome avec beau-
coup de force et de couraj^o. Quand la fa-
uu'use confession de foi de Sirminm eul reçu
la signature de Libère, Eusèbe se déclara
immédiatement contre ce pape, et ne voulut
pins connnuni(|uer avec lui. L'empereur le
lit emprisonner dans sa chambre. C'est ce que,
de nos jours, on noinme mettre aux arrêts.
Qualifié martyr dans que]i{ucs martyrologes,
ou cale'ulriers modernes, il ne doit pas pren-
dre ce litre^ 11 faut s'en tenir à celui de con-
fesseur, qui lui est justement attribué. L'E-
glise célèbre sa fête le ik août.
EUSÈBE DE SAMOSATE (saint), martyr,
fut élu évoque de cette ville en 361, c'est-à-
dire à une époque où presque tous les siè-
ges voisins étaient occupés par des ariens.
La même année, il assista au concile d'An-
tioche provoqué par Constance en faveur de
l'arianisme. Il y montra son zèle pour le ca-
tholicisme. Il contribua puissamment à l'é-
lection de saint Mélèce, patriarche d'Antio-
che. Quelques jours après, ce patriarche
ayant prêché la doctrine du concile de Ni-
cée, dans le premier discours qu'il adressa
aux fidèles, les ariens en furent consternés.
Ils obtinrent que l'empereur envoyât un offi-
cier pour redemander l'acte de nomination
qui se trouvait entre les mains d'Eusèbe.
Celui-ci refusant de le donner, l'ollicier le
menaça de lui couper la main droite. Le
saint évoque présenta les deux, en disant
qu'il aimait mieux les perdre que de consen-
tir à l'injustice. L'oiîicier déconcerté recula,
l'empereur fit de même. Quand ]'eiu})ereur
A'alens persécuta les orthodoxes, Eusèije fit
de constants efforts pour affermir son trou-
peau dans la foi. Il fit des voyages dans les
pavs environnants, dans le biit d'affermir les
catholiques contre les etforts de l'hérésie.
Les ai iens, furieux, décidèrent l'empereur à
l'exiler en Thrace. L'oflicier porteur de l'or-
dre d'exil étant arrivé à Samosate, vint trou-
ver l'évêque. «Gardez-vous, lui dit celui-ci,
de publier l'ordre que vous portez : vous y
êtes le plus intéressé. Si le peuple savait ce
qui se passe, il prendrait certainement les
ai'mes contre vous. Je ne veux pas qu'il vous
en coûte la vie à cause de moi. » Après l'of-
fice de la nuit, Eusèbe sortit avec un domes-
tique fidèle, et s'embarquant sur l'Euphrate.
|1 se rendit à Zeugna, à quatre-vingts lieues
de Samosate. Le lendemain, quand on sut
son départ, ce fut une désolation générale.
ri'out le peuple s'assembla. Dans un instant
le neuve fut couvert (h; barques, \]n grand
nombre d'habitants vinrent a Zeugma trou-
ver le saint évêque ; mais ni larmes, ni j)riè-
res, ni promesses, rien ne put le déterminer
h revenir. 1! ne voulut non plus rien accepter
pour les ])esoins de l'exil, Eunomius fut
placé sur son siège par les ariens. Cet homme
fort modéré, voyant qu'à Samosate tout le
monde le fuyait, abandonna la ville et se dé-
mit de ses fonctions. Lucius, liomme violent
et cruel, fut mis h sa jilace. Il bannit les
principaux d'entre les membres du clergé.
Antiochus, neveu d'Eusèbe, fut exilé aux
frontières de l'Arménie. Malgré tout, Lucius
ne put amener personne dans son parti. En
379, les Goths ayant fait une invasion dans
la Thrace, Eusèbe reçut la permission do re-
tourner dans sa ville é[)iscopale. Ce fut pour
y trouver la mort. L'exil avait redoublé son
zèle. Presque aussitôt après son retour, il
recommença ses courses apostoliques. 11 re-
plaça des évoques orthodoxes à Bérée, h Hié-
rapïe et à Cyr. II voulut faire la même ehos.e
pour la ville de Dolique, dans la Comagine.
Il accompagnait Alaris, qui venait ])rendre
possession de ce siège. Une femme héréti-
que, du haut de sa maison, l'ayant vu pas-
ser dans la rue, lui lança une tuile qui lui
fractura le crâne. Il mourut de cette bles-
sure quelques jours après l'avoir reçue. Sur
le point d'expirer, il conjura ceux qui l'en-
toeraient de ne point rechercher les auteurs
de sa mort, voulant ainsi imiter Jésns-Christj
qui, du haut de sa croix, priait pour ses bour-
reaux. L'E^^lise latine fait la fête de saint Eu-
sèbe le 21 juin.
EUSÈBE (saint), était moine à Terracine
en Campanie. Ce fut là qu'il souffrit le mar-
tyre , avec le prêtre saint Félix. Ce saint
moine, qui avait enseveli les corps de saint
Julien et de saint Césaire, et qui convertis-
sait plusieurs infidèles que le saint prêtre
Félix baptisait, fut arrêté avec lui. On les
mena tous deux devant le juge, qui, n'ayant
pu les vaincre, les fit mettre en prison. Etant
demeurés fermes dans la résolution de ne
point sacrifier, dès la môme nuit ils furent
décapités. L'Eglise fait collectivement leur
fête le 5 novembre.
EUSÈBE(saini), évoque et confesseur, souf-
frit à Bologne en l'honneur de la religion
chrétienne. Nous n'avons aucun détail sur
la date et les circonstances (!eses tourments.
L'Eglise honore son immorlelle mémoire le
20 septembre.
EUSÈBE (saint), fut martyrisé en Phénicie
pour la défense de la religion chrétienne. Ce
saint martyr, étant allé se présenter au pré-
fet , et lui ayant courageusement déclaré
qu'il était chrétien, eut la tête tranchée après
avoir enduré divers tourments dont nous ne
connaissons pas les différentes circonstan-
ces. L'Eghse honore la mémoire de saint
Eusèbe le 21 septembre.
EUSÈBE (saint), était officier du palais. L
souffrit le martyre pour la défense de la reli-
gion avec neuf autres de ses compagnons
943
EUS
dont les noms ne sont point parvenus jusqu'à
nous. Nous n'avons point de détails sur le
lieu, l'époque et les circonstances de leur
martyre. L"E^,'lise fait leur sainte et immor-
telle mémoire le 5 mars.
EUSÈBE (.'■aint], évêque et confesseur,
soutfrit pour la loi à Milan. Les Actes des
martyrs ne nous donnent aucun détail sur
l'époque et les circonstances de son glorieux
comUit. L'Eglise honore sa sainte mémoire
le 12 août
EUSÈIÎE (saint), martyr, versa son sang
pour la fui. On ignore le lieu et la date de
son martyre. Néanmoins le Martyrologe ro-
main nomme trois compagnons de soutlran-
ces qu'il eut, saint Aphrodise, saint Agape
et saint Caralippe. C'est le 28 avril que l'E-
glise honore la mémoire de ces quatre saints
martyrs.
EUSÉBIE (sainte), vierge et martyre, souf-
frit pour la défense de la religion dans la
ville de Bergame. Nous n'avons aucun détail
authentique et précis sur son compte. L'E-
glise célèbre son immortelle tt sainte mé-
moire le 29 octobre.
EUSIGNE (saint), versa son sang pour la
foi à Antioche. Ce soldat, âgé déjà de cent
dix ans, rappelait à Julien l'Apostat la foi du
grand Constanlin, sous lequel il avait porté
les armes, il lui reprochait d'être un déser-
teur de la piété de s» s pères. Ce prince, ir-
rité, le condamna à perdre la tête. L'Eglise
fait sa fête le 5 août.
EUSTACHE (saint), martyr, répandit son
sang pour la loi à Nicée en Bitliynie, avec
les saints Thespèse et Anatole, durant la
persécution de Maximien. On ignore l'époque
oij eut lieu ce martyre. L'Eglise honore la
mémoire de ces saints martyrs le 20 novem-
bre.
EUSTACHE (saint), martyr, mourut pour
l'honneur de la foi avec les autres évoques
saints Urbain, Valérien, Crescent, Crescone,
Cresceniien, Félix, Hortulou et Fiorenlien.
Us turent condanuiés à l'exil et y terminè-
rent leur vie. L'Eglise célèbre la mémoire
de ces saints et courageux martyrs le 28 no-
vembr(î.
EUSTACHE (saint), prêtre et confesseur,
endura de cruelles tortures en Syri.e pour la
défense de la reli.^ion chrétienne. Nous n'a-
vons pas de d(''tails plus am|)les sur son
com|)tc. L'Eglise fait sa mémoire le 12 oc-
tobre.
EUSTACHE (saint), martyr, vulgairement
a|ii)f;lé saint Ni/ilon, soullrit le niartyn; h.
Niina, vers i'ik2, avec saint Antoine et saint
Jean. (Voij. l'arlicle Antoine, j)0ur i)lus do
détail-.)
EUSTACHE fsaint). Voif. Eustatiie.
EUSTATHE (sainlj, ou EusTACUii . On croit,
d'après les Acles de sainte Sabine, que co
saint versa son sang à Home pour Jésus-
Christ, au commencement du règne d'Adrien,
avec sainte Théopisti;, sa feMune, et ses deux
enfants, Agape et Théopiste. Il existe une
h -.iDire de c< s saints martyis; mais tous les
IvHis auKîurs, e.ntie autres Bar(jnius, Tille-
p)i;i.t, la jugent tellomeni mauvaise, que nous
E13 944
n'en rapporterons rien ici. L'Eglise latine et
l'Eglise grecque font la fête de saint Eusta-
the le 20 septembre. Le P. Fronto a commis
une erreur en la mettant le 11 dans son Ca-
lendrier.
EUSTATHE, nom de l'évêque catholique
qui, après la mort de l'évêque arien Endoxe,
en 370, ordotma à sa place, pour le siège de
Constantinople, saint Evagre, et qui, pour
ce fait, fut exilé par l'empereur arien N'alens.
EUSTATHE (saint), patriarche d' Antioche,
naquit à Side en Pamphilie. Saint Alhanase
nous apprend qu'il confessa généreusement
la foi sous les persécuteurs , sans qu'on
puisse déterminer si ce fut sous Dioclétien
ou sous Licinius. 11 était recommandable,
plus encore par son éminente sainteté que
par son profond savoir. En l'an de Jésus-
Christ, 323, nous le voyons évêque de Bérée,
où saint Alexandre d'Alexandrie lui écrivit
une lettre particulière à pro|)os d'Arius et
de sa doctrine. La même année, Philogone,
évêque d'Antioche , étant mort, ce fut un
nommé Paulin qui le remplaça. Le désordre
qu'il laissa venir en son église dans l'espace
de quelques mois exigeant, pour être ré-
paré, une main ferme et habile, on choisit
Eustalhe. Antioche était alors le troisième
siège du monde.
Nicéphore , Théophane et Eutyque don-
nent cinq ans à l'épiscopat de Paulin. Mais
il est indubitable que saint Eustathe était
évêque d'Antioche, dès l'an 325, au concile
de Nicée. Ce saint fut donc transféré de Bé-
rée à ce premier siège de l'Orient, non avec
les troubles que prétend Baronius, mais mal-
gré lui et forcé par un consentement univer-
sel des évêques, du clergé et de tout le peu-
ple lidèle. Ainsi, s'il y a eu quelques fautes
dans ce changement de siège , ce ne peut
être que dans ceux qui lui ont fait violence,
et non dans lui qui l'a soutferte. Mais on
])eut dire que ce consentement unanime est
une voix de Dieu, qui est le maître de ses
lois et de celles de l'Eglise.
11 y a bien des preuves que non-seule-
ment saint Eustathe assista, mais qu'il pré-
sida mènie au concile de Nicée , et que ce
fut lui (pii, étant assis le premier au côté
droit, harangua Constantin au nom de celte
illustre et sainte assemblée. Nous n'en par-
lons j)oint ici, ])arce qu'on peut le voir sur
le titre de ce concile. Ce fut sans doute dans
cette occasion, que son zèle l'unit Irès-élroi-
tement avec le grand Osius.
Il tint apparemment (pu'lipie temps après
un autre concile de toutes les provinces d'O-
rient soumises à celle d'Antioche : saint Jac-
ques de Nisibe, saint Paul de Néocésarée,
confesseurs , et environ vingt-huit autres
évê(pies, s'y trouvèrent? Nous avons encore
l'épitro synodale qu'ils écrivirent à leurs
confrères demeurés dans leurs provinces, et
quelques canons mêlés avec ceux d'un autre
concile d'Antioch(s tenu en l'an 3V1 ; par-
ticulièrement, le premier qui conlirme l'or-
doiinance de celui de Nicée, sur la fêt<> de
PA(lues ; et le vingt-et-uuième (pii défend
aux év(Viuo5 do chang(>r de siège, comme cela
D45
EUS
EUS
94tt
avait été cU^jh cU^fondu par le (iiiiiizième de
Nicée. Ce conoilo [""t""" ^^ l''''^' ^'^' |)aciti(iue
et de saint, et aiiiioiieo aux autres év(\]iies
3 lie 1(1 };rA(;e de JcVsiis-Clirist a uni l'Eglise
'Autioche, par le lieu de la concorde, do
l'unaniuiilé et do l'esprit de paix, ce qui don-
nerait il croire (pjo ce concile éloud'a euliè-
reiucnt les semences dt^ division qu'y avait
laissées la déposilion de Paidiu.
Saint EustTtlie, qui s'était déclaré un dos
premiers contre l'iiérésie arienne, la com-
battit avec beaucoup de force par un grand
nombre d écrits, et [)arun entre autres, dont
Théodoret nous a conservé un passage. 11 y
expliquait l'endroit des Proverbes, où les
Septante lisaient : « I.e Seigneur m'a créé le
commencement de ses voies pour former ses
œuvres. » Il y rapportait une ])aitie de ce
qui s'était passé dans le concile de Nicée sur
les ariens et y réfulaitaussi leurs blasphèmes,
quoique leur hérésie reprît alors de nou-
velles forces, d'où nous pouvons tirer que
c'était vers l'an 329, lorsque Eusèbe de Ni-
comédie et Théognis de Nicée , chefs des
défenseurs d'Arius, avaient déjà été rappe-
lés d'exil.
Il y marque que ces ennemis de la divi-
nité du A'erbe déclaraient déjà la guerre
aux prédicateurs de la vérité, et sa piété fit
Su'ils l'attaquèrent, ou le premier ou l'un
es premiers, en l'an 330, ou plutôt en 331;
car comme ce saint confesseur était très-pur
dans sa foi et qu'il avait beaucoup de zèle
pour la vérité, il avait aussi une grande
aversion pour l'hérésie arienne, et ne vou-
lait pas recevoir ceux qui en étaient infec-
tés. 11 refusa pour ce sujet de recevoir dans
son clergé Etienne, Léonce l'eunuque, Eu-
doxe, qu'on fit depuis tous trois évoques
d'Antioche même , George de Laodicée ,
Théodose de Tripoli, et Eustalhe deSébasle.
Il en agissait ainsi par prudence , afin d'é-
loigner du troupeau qui lui était confié, tout
ce qui aurait pu lui devenir funeste. Il ne se
contentait pas de sauvegarder son Eglise;
il envoyait dans les autres afin d'encourager
les fidèles et de les garantir de l'hérésie. Il
fit aussi plusieurs livres contre ces pirates,
comme les appelle saint Chrysostome, qui
voulaient ravir aux fidèles le trésor de la foi.
Il attaqua expressément le plus illustre d'en-
tre les ariens, savoir, Eusèbe de Gésarée, et
l'accusa ouvertement de violer la foi de Ni-
cée. Eusèbe n'avait garde de manquer à
accuser le saint de sabellianisme, qui était
alors le crime ordinaire de ceux qui n'en
avaient point d'autre que de haïr l'arianisme.
Mais saint Eustathe en pouvait moins être
suspect qu'aucun autre, puisque Socrate, qui
témoigne avoir lu les écrits qui s'étaient faits
sur ce sujet, assure qu'il reconnaissait que
le Fils subsistait distinctement du Père et
que Dieu était un en trois hypostases, ce
qui était une expression encore plus éloignée
du sabellianisme que de l'arianisme. Le
saint n'attaquait pas seulement Eusèbe,
mais il témoignait encore tout publiquement
l'horreur qu'il avait dePatrophile de Scythe^
pie et de Paulin do Tyr , à cause d« l'horé-
sio (pi'ils suivaient.
Les ariens voyant donc qu'ils ne pouvaient
résister à la sagesse de ce saint ; (lue ses
soins et ses précautions avaient tellement
muni son Eglise, qu'elle était hois de prise
à leurs elforts, et que hmr ac,(;iisatiou de sa-
bellianisiiH! s(; détruisait d'clhî-mème, ils se
résolurent do cliasser d'Antioche ce prédica-
teur ti'op généreux de la vérité. Eusèbe à3
Nicomédie, qui, par la commodité qu(; son
siég(> lui donnait de parler souvent à (^«)us-
tantin, s'était acquis une grande autorité sur
sones|)r'it, lut le conducteur de celte entre-
prise. Il pi'it le prétexte de venir voir le bû-
timenl célèbre de l'église de Jérusaleiu, cô
qui lit (|ue Gonstantin lui donna toutes sor-
tes de (;(jmmodilés pour son voyage, et le
laissa aller avec de grandes inarf[ues d'hon-
neur. Il emmena avec lui Théognis, le compa-
gnon dotons SOS mallieiu-eux desseins.
Ils passèrent par Aniioclio où ils ne don-
nèrent au saint que des marques d'amitié, et
ils reçurent aussi de lui tout l'hoineur et le
bon ti-aitement possible, parce qu'il respec-
tait en eux la dignité dont l'Eglise tolérait
qu'ils fussent revêtus. Mais étant arrivés à
Jérusalem, et ayant vu dans la Palestine ou
en chemin, Eusèbe de Gésarée, Patrophilo de
Scythople, AècedeLydde, Théodote de Lao-
dicée et les auti^es qui avaient embrassé leur
hérésie, ils leur découvrirent leur des-sein et
les emmenèrent jusqu'à Antiocho sous pré-
texte de les accompagner par honneur. 11 se
trouva en môme temps à Antioche divers
autres prélats catholiques et qui n'étaient
point de leur faction.
Lorsque les eusébiens y furent venus , ils
gagnèrent par argent uiie femme publique
pour lui faire dire que le saint évêque l'ar-
vait violée. S'étanl donc assemblés, et ayant
fait sortir tout le monde , c'est-à-dire tous
les laïques, ils firent venir cette malheu-
reuse, qui, portant un enfant entre ses bras,
cria tout haut qu'elle 1 avait eu d'Eustathe.
Le saint lui demanda si elle avait quelque
témoin de ce ^qu'elle disait, et elle, ayant
avoué qu'elle n'en avait point, les eusébiens»
au lieu d'observer les règles de la loi e( de saint
Paul, qui défendent de ne juger un homme,
mais surtout un prêtre, que sur la déposi-
tion de deux ou trois témoins, prirent le
serment de cette femme, qui ne fit aucune
difficulté de jurer que cet enfant était d'Eus-
titho. Alors ces juges si équitabhs le con-
damnèrent aussitôt comme adultère. C'est
ainsi, dit saint Jérôme, que saint Elustathe
se trouva avoir des enfants sans y avoir
pensé.
Mais Dieu voulut depuis justifier l'inno-
cence de son serviteur. Car cette malheu-
reuse femme étant tombée dans une très-
longue et très-fàcheuse maladie, découvrit
son crime et la malice des ariens ; elle
avoua qu'ils l'avaient obligée à force d'ar-
gent d'accuser le saint de ce crime, et que
son serment n'était pas entièrement fa.ix,
ayant eu cet enfant d'un Eustalhe, ouvrier
en cuivre. Elle Ul cette déclaration non pas
947
EUS
EUS
94g
devant deux ou (rois personnes, mais ea
présence d'un grand noinbi-c d'ecclésiasti-
qaes, de sorte qu'il fut visible à tout le
inonde que ce grand saint n'avait été con-
damné que parce qu'il soutenait la véritable
foi, comme saint Athanase, saint Jérôme,
snint Chrysostome, Théodoret, Socrale, So-
zomèuG et généralement tous les catholiques
l'ont reconnu. Cela n'empèclia pas les eusé-
biens de le représenter à toute la terre
conmie un homme dont la vie avait été in-
fâme et scandaleuse, comme on l'a vu, di-
sent-ils, jiarla suite, c'est-à-dire parce qu'un
innocent avait été opprimé par des tyrans.
Néanmoins, ceux d'entre eux qui ont eu un
peu de bonne foi, semblent avoir reconnu la
fausseté de cette calomnie, puisque George
de Laodicée a écrit qu'il avait été déposé
comme sabellien, h la poursuite, dit-il, de
Cyrus, évêque de Bérée ; ce qui vraisembla-
blement est faux, Cyrus ayant été lui-môme
persécuté par les ariens pour la divinité de
Jésus-Christ.
Comme il y avait dans le concile plusieurs
évoques très-catholiques et qui n'étaient
point du tout de la faction des ariens, ils
s'opposèrent ouvertem.^nt h leur procédé et
exhortèrent fort saint Eustathe à ne point
céder k une sentence si injuste. Le peuple
même s'émut extrêmement pour la déposi-
tion de son éveque. Les magistrats et les
principaux officiers prirent part à cette divi-
sion, et la sédition s'échautfa si fort qu'on
était près d'en venir aux armes et de voir un
renversement général dans toute la ville, si
les mouvements du peuple n'eussent été re-
tenus par la crainte de l'empereur.
Les ariens, voyant donc l'opposition qu'on
leur faisait à Anlioche, s'en allèrent trouver
Constantin, à qui ils persuadèrent qu'ils
avaient eu raison de condamner saint Eusta-
the et qu'il était véritablement coupable du
crime dont il était accusé. Ils y en ajoutèrent
néanmoins un nouveau, savoir qu'il avait
fait quelque injure h la mère de l'empereur.
Constantin fut d'autant plus susceptible de
ces calomnies, que la sédition arrivée dans
Antioche h cause du saint, et dont il le soup-
çonnait aisément d'avoir été l'auteur, le lui
rendait odimix. Ce fut donc par ces calomnies
que les ariens trouvèrent un moyen de faire
chasser d'Antioche comme un adfultère et un
tyran, ce généreux défenseur de la chasteté
aussi bien (jue de la foi.
Constantin envoya aussi h Antioche, tant
pour exécuter cet ordre que pour rétablir la
paix dans la ville, le plus lidèle de ses mi-
nistres et des comtes de sa cour, et en même
temps écrivit diverses lettres au peiq)Ie avec
beaucoup de douceur, pour l'exhorter à l'u-
nion qui convenait à des chrétiens. On croit
que Stratège, à qui il avait donné le nom
de Musonien, est le comte qu'il envoya à
Antioche, j)cM-ce (ju'il y était p(!U de temps
après. i)(i Stratège était chn'lien, et avait
be;ujcouf) d'excellentes (pialités, mais obs-
curcies [)!\v son avarice. Dieu .lyartt df)nc li-
vré s.iiiii Eust.'dlie entre les mains dcsari(;ns
pour fairo éclater davantage la force de la
vérité dans l'oppression de ceux qui la défen-
daient, ce saint su[)norta avec beaucoup de
douceur l'injustir-e de ses ennemis, comme
une chose (jui lui était avantagmise pour son
repos. Il se crut ni'anmoins obligé de pren-
dre plus que jamais .^oiii de ses brebis, et les
ayant fait asseuibler aviuit que de partir de
la ville, il les exhorlii, dit saint Chrysostome,
à ne point céder aux loups et de ne leur point
abandonner la bergerie, mais d'y demeurer
toujours pour leur résister et leur fermer la
bouche et pour affermir la foi des simples, en
empêchant (pic |)ar leur absence les brebis
ne fussent exposées à la rage de ces loups.
Saint Chrysostome ajoute que l'avenir mon-
tra combien ce conseil était sage, en empê-
chant la ville de devenir arienne. On peut
de là conclure que saint Eustathe exhorta
les plus fermes d'entre les catholiques à ne
pas abandonner les plus faibles qui, n'ayant
pas assez de force pour résister aux [lersécu-
tions que l'évèquo illégitime infligerait à
ceux qui ne le voudraient pas reconnaître,
pourraient Unir par tomber dans l'hérésie.
Constantin s'élnnt malheureusement en-
gagé à appuyer la dé|)Osilion d'Eustathe, cet
illustre prélat fut enliu arraché à la ville d'An-
tioche avec un grand nombre de diacres et
de prêtres, qui furent bannis avec lui, soit
sous le titre spécieux du bien de la paix, soit
sous quelque autre prétexte que nous igno-
rons. 11 fut mené dans la Thrace, et Cons-
tantin écrivant au peuple d'Antioche témoi-
gna l'avoir écouté. Les ariens tinrent même
alors un nouveau conciliabule contre lui à
Nicomédie, si nous voulons accorder cela à
Philostorge, qui dit qu'il fut condamné en
cette ville par deux cent cinquante évêques.
Il peut avoir passé quelque temps à Tnijano-
ple dans la Thrace, mais il fiaraît que le der-
nier lieu de son exil et celui do sa mort fut
la ville de Philippes en ÎMacédoine.
Nous ne trouvons point dans l'antiquité
quand il mourut, sinon que ce fut avant que
saint Mélèce fut établi sur son siège, au
commencement de l'an 301. Mais il y a di-
verses raisons qui font juger que, dès l'an
338, il jouissait dans le ciel des récompen-
ses (pie son zèle et sa patience lui avaient
acquises. Les Crées marquent sa fête le 21
février et le 5 juin. Usuard, Odon, Nolker,
et les autres Latins la mettent le 10 de juillet,
et l'on trouve ce jour-là un saint du même
nom à Antioche tians les anciens martyrolo-
ges (pii partent le nom do saint Jérijuie, mais
il semble (juo ce soit un m.irtyr. \A (juoi-
que saint CÎirysostome, suivi par saint Anas-
tase Sinaïte, et quehjues autres Crocs, donne
ce titre à notre saint, selon w (pie dit saint
Andjr(nso en parlant de saint Denys, son |.»ré-
décesseur , que « ceux qui sont niurts dans
l'exil approchent plus près du martyre que
ceux qui en ont été rapjjelés, » lu-anuKuns
on ne h; (pialilie d'ordinaire cpu' confesseur.
Il semble (puMJu temps de saint Chrysostome
l'E, lise d'Antioche l'honorait vers le milieu
de novembre.
Ouoi(iuo ses reli(jues sacrées fussent de-
iiiCurées dans la Macédoine, néanmoins tous
949
EUS
E13T
950
les catholiques d'Antioche ne laissèrent pas
d'avoir pour lui une vénération exlrôuio tpii
s'aumncnlail au lieu do diminuer par la suilo
des fumées; non-seulement sa dcposiliuu
n'empèi hail pas tpie son nom ne liU récité
solennellement dans le sacrilioe i)armi ceux
des autres évéciues de la ville, mais le jour
de sa l'été y éiait célébré par les assemblées
du peuple et par les louanges que lui don-
naient les i)lus grands liomnies. Nous avons
encore l'éloge que saint Chrysoslome y pro-
nouça, où il lui donne lu titre de martyr, et
il lémoigiie lui-méinc que ce discours l'ut
écouté par une grande multitude de per-
sonnes, et reçu avec joie et beaucoup d'ap-
plaudisseinents.
Environ cent ans depuis, Calandion, étant
évéque d'Antioche, demanda à l'empereur
Zenon de Taire rapporter les relitfues de saint
Euslatlic h Antioilie, et les ayant l'ait tirer,
comme nous avons dit, de lMiilipi)es en Ma-
cédoine, presque toute la ville d'Antioche
alla sept lieues au devant et les rcgut avec
beaucoup de respect. Cela arriva apparem-
ment en l'an kS'2. ( Fleary et ïillemont,
passim.)
EUSTAïHE (saint), reçut la mort à An-
cyre en (ialatie, pour l'honneur de la foi.
Il fut d'abord éprouvé par de rigoureuses
tortures, puis jeté dans la rivière, d'où un
ange le retira; enlin, une colombe étant
venue du ciel, il fut appelé à la récompense
éternelle. L'Eglise honore sa mémoire le 28
juillet.
EUSTOCHE (saint), souffrit le martyre sous
Julien l'Apostat, avec les saints Elpide et
Marcel. Ayant généreusement confes é leur
foi, ils furent attachés à la queue de chevaux
indomptés, tirés avec violence, déchirés et
entin jetés dans le feu où ils accomplirent
leur glorieux martyre. L'Eglise honore leur
Diémoire le 16 novembre.
EUSTOCHIUM (sainte), vierge et martyre,
soutl'rit le martyre à Tarse en Cilicie. Après
avoir enduré de cruels tourments sous Julien
l'Apostat, elle rendit l'esprit en priant Dieu,
L'Eglise fait son immortelle mémoire le 2
novembre.
EUSTORGE (saint), évoque et confesseur,
soutVrit h Milan en l'honneur de Jésus-
Christ et pour la défense de la religion chré-
tienne. Nous n'avons aucun détail sur l'épo-
que et les circonstances de son combat. L'E-
glise l'honore comme confesseur le G juin.
EUSTOSE ( saint ) , martyre , cueillit la
palme du martyre à Antioche avec saint Dc-
mètre, évoque de cette ville, saint Agnan,
diacre, et vingt autres saints. On ignore la
date de ces martyrs. L'Eglise fait leur fête le
10 novembre.
EUSTRATE (saint), martyr, mourut pour
la foi chrétienne en Arménie. Il souffrit d'a-
bord seul sous le président Lysias, puis ayant
été conduit à Sébaste, il y fut cruellement
tourmenté avec Oreste, sous le président
Agricolaùs, qui finit par le faire jeter dans
une fournr.ise ardente, où s'accom[)lit son
sacrifice. L'Egiise honore sa mémoire le 13
décembre (sous Dioclétien^.
EUSTRATIUS {Procnlus), pràUd augustal
d'Alexandrie, au temi)s de l'empereur Dioclé-
tien, (it arrêter dans celle ville, entre autres
chrétiens, la vierge Théodore, appartenant à
une des premières familles du pays. N'ayant
pu la contraindre h abjurer la religion cliré-
tienne, il la condamna à perdre sa virginité
dans une des maisons de prostitution de la
ville. Elle fut sauvée de celle infamie par le
dévoutnuent d'un jeune homme nommé Di-
dyme, qui se déguisa pour parvenir près
d'elle, prit ses vêtements et lui donna les
siens, de sorte qu'à l'aide do cette transfor-
mation elle put s'évader. Le préfet furieux
condamna Didyme à être décapité. Comme
on était sur le [loint de l'exécuter, sainte
Théodore se présenta, demandant qu'on la
fit mourir à sa place, mais les bouneaux les
décai)ilèrent tous les deux. {Voy. les articles
Tui^:oDouE et Didyme).
EUTHALIE (sainte), vierge et martyre,
donna son sang en l'honneur de Jésus-Christ
dans la ville de Lenlini en Sicile, qu'elle ha-
bitait. Ce fut son propre frère, nommé Sermi-
lien, qui l'égorgea parce qu'elle était chré-
tienne. L'Egiise fait sa fête le 27 août.
EUTHALICS, garde général des prisons
^ Egée en Cilicie, en 285, sous le règne de
l'empereur Diocléticn. Ce fut lui qui amena
„ par Lj:
de la sentence qui condamnait les trois
saints frères à être crucifiés Voy. Claude.
EUTHOLOxMlE, juge à Nicomédie , con-
damna et lit exécuter à mort pour la foi ,
les saints Agathonique et Zotique, durant la
persécution de Maximien, ainsi que plusieurs
autres saints martyrs, que le Martyrologe ne
nomme pas.
EUTi-lYME (saint), fut martyrisé à Nico-
médie pour la défense de la religion de Jésus-
Christ, sous le règne de Dioclétien. Après
avoir disposé plusieurs fidèles à souffrir le
martyre, il alla bientôt partager leur cou-
ronne, ayant été percé d'un coup d'épée.
L'Egiise vénère sa mémoire le 2-'i. décembre.
EUTHYME (saint), évêque de Sardes, avait
d'abord mené la vie monastique. !1 fut depuis
persécuté pour la cause des images, et est
honoré entre les saints le 11 mars. Nous le
voyons au second concile de Nicée en qua-
lité d'évêque. L'empereur Nicéphore, le re-i
légua dans l'île de Patarée, parce qu'il avait'
donné le voile à une tille. A son retour de
l'exil, il fut un des plus vigoureux adversai
rcs de Léon l'Arménien touchant les images,
et cet empereur l'envoya en exil à Ason où
il resta jusqu'en 813. Son zè!e pour la défense
de la foi catholique le fit exiler une 3^- fois
au cap Acrite en Bilhynie. On l'y enferma
dans une dure prison, et il y fut frappé si du-
rement à coups de nerfs de bœuf que huit
jours après il en mourut (820). Le Martyro-
loge romain honore son illustre mémoire le
11 mars, mais les menées des Grecs le mar-
quent le 26 décembre.
EUTICE (saint), martyr, était bourgeois do
Pouzzoles en l'an de Jésus Christ 304, pendant
951
EUT
EUT
952
que 1-1 persécution de Dioclétien décimait
r£j;lise catholique. Etant venu visiter dans
sa [îi'ison saint Sosie, diacre de Mysène, (|ui
avait été arrêté par l'ordre du gouverneur Dra-
conce, il le fut lui-nunue,et emprisonné aussi
après avoir été f)uetlé cruellement. Il resta
en prison jusqu'à la venue de Timothée, que
Dioclétien nomma gouverneur, en place de
Braconce. Ce nouveau gouverneur le fit con-
duire avec ses compagnons h l'amphithéAtre,
où il les fil tous jeter aux botes. Celles-ci
n'ayant pas voulu faire do mal aux saints,
ïimothée les fit tous décapiter. Le forj)s du
saint resta à Pouzzoles. L'Eglise célèbre sa
fête le 19 janvier.
EUTIQUE (saint), souffrit le martyre à
Alexandrie avec plusieurs autres encore dont
les noms ne nous sont point connus. Ce fut
du temps de l'empereur Constance, sous
Georges, évèque arien, qu'ils furent passés
an til de l'épée pour la foi catholique. L'E-
gli?>e fait collectivement leur mémoire le 26
mars.
EUTIQUES, (saint), martyr, l'un des qua-
rante martyrs de Sébaste, sous Licinius.
Voy. Mahtïrs de SÉiîASrrî.
ELjTROPE (saint), eut la gloire de donner
sa vie pour la religion chrétienne en 273 ou
'21%, à Porto, sous l'empire d'Aurélien et du-
rant la persécution que ce prince suscita
contre les chrétiens. On dit qu'il souffrit
avec sainte Bonose et sainte Zosime, toutes
deux sœurs. On ne possède sur le martyre
de saint Eutrope que des Actes (jui sont fort
loin d'être sufiisamment authenli(}ues. L'E-
glise fait la fête de saint Eutrope le 15 du
mois de juillet , avec celle des deux saintes
que nous venons de nommer.
I":UTU0PE ( saint ) , premier évèque de
Saintes et martyr, mourut pour Jésus-Christ,
à la fin du m' siècle , dans la ville où était
son siège épi'-.coj)a'. Il cul la tête fendue d'un
coup de iiache par les infidèles. La fureur de
la persécution était si grande , qu'on ne put
pas l'enterrer d'une manière convenable : on
ne pul pis même écrire l'histoire de son
martyr*; les circonstances en étaient com-
plètement ignorées, quand Dieu révéla ce
que no;is en savons. Voici comment les cho-
ses se passèrent. C'est Grégoire de Tours
qui raconte :
« Pallade, évèque de Saintes, qui assista au
quatrièrrie concile de Paris et au second de
MAcon , ayant fait bAlir une église en l'hon-
neur de saint Eutrope, voulut y trans[)orter
ses reliques. Il invita plusieurs abbés à la
cérémonie de cette translation. Lorsque le
cercueil eut été ouv(!rt, deux des abbés aper-
çurent un coup de hache à la tête du saint.
La nuit suivante , saint Eutrope lui-mêmo
leur apfiarut et leur dit (pie c'était i)ar ce
coup (ju'il avait terminé sa vie. Ce fut ainsi
(pi'on reconnut (pi'il était martyr, parce
qu'on n'avait ()lus alors l'histoire de ses souf-
fla nces. «
Les huguenots, qui < onimiicnl tant(l(;(l('-
V'islalions en France, dispersèient les reli-
ques de saint Eulrop(!. L'Eglise latine célè-
bre sa f le le :ji) .ivril.
EUTROPE (saint), martjT, cueillit la palme
du maityre parce qu'il avait pris la défense
de saint'Jean Chrysostome. 11 avait toujours
vécu dans une |)ureté parfaite, et servait
l'Eglise en qualité de chantre et de simple
lecteur, étant encore fort jeune. Ayant été
amené devant le j)réfel Optai , celui-ci or-
donna qu'on le battit avec des nerfs de bœuf
et à coups de bAton. On iui déchira cruel-
lement avec des ongles de fer les côtés et le
visage même, en sorte qu'on lui arracha les
sourcils. On lui a|)pliqua enfin des torches
ardentes sur les deux côtés, où il ne restait
plus que les os, sans pouvoir vaincre sa fer-
meté. Il mourut dans sa prison par la gan-
grène qui se mit dans ses membres. L'Eglise
honore sa mémoire le 12 janvier.
EUTROPIE (sainte), souffrit le martyre à
Alexandrie. Cette sainte femme, visitant les
martyrs pour les consoler et s'encourager
elle-même, fut tourmentée avec eux si cruel-
lement , qu'elle rendit l'esprit. L'Eglise fait
sa sainte mémoire le 30 octobre.
EUTROPIE ( saillie ) , vierge et martyre ,
soulfrit à Palmyre en Syrie, pour l'honneur
de sa foi et pour la défense de la religion.
Cette jeune fille , âgée seulement de douze
ans , confessa courageusement Jésus-Christ
avec les deux sœurs Libye et Léonide. L'E-
glise fait leur fête le 15 juin.
EUTROPIE (sainte), martyre à Augsbourg
en 304 , sous l'empire de Dioclétien , était
l'une des trois servantes qui étaient atta-
chées à la maison de sainte Afre, fille publi-
que dans cette ville , et qui mourut pour la
foi au commencement de la persécution: ces
trois servantes faisaient le même métier que
leur maîtresse. Elles la suivirent dans son
triomphe. Comme on peut le voir en lisant
les Actes de la sainte , elles furent brûlées
vives dans un tombeau avec sainte Hilaric ,
sa mère. L'Eglise célèbre leur fôte le 5 août.
[Voy. Afre.)
EUTROPIE ( sainte ) , vierge et martyre ,
mourut pour la foi chrétienne en l'an de Jé-
sus-Christ 407. Elle était sœur de saint Ni-
caise , évô(jue de Reims. Vers l'an 4-07 , les
barbares ayant fait irruption dans les Gau-
les, firent mourir ce saint évèque, (lui parcou-
rait son troupeau spirituel pour lui donner
des consolations et du courage. Notre sainte
fut également saisie [)ar ces baibares ; mais
celle-ci , com|)renant |)Our quel usage on la
réservait, s'écria (pi'elle aimait mieux mou-
rir que de j)erdre l'honneur. Elle fut aussitôt
massaci-ée. I^lhî et son frère furent enterrés
dans le cimetière (]ui touchait l'église do
Saint- Agricole. L'Eglise célèbre leur mé-
moire le. 14 décembre.
EUTVCHE (saint), était disciple do saint
Jean l'Evangélisle. Après avoir souffert la
pi'ison, l(;s fouets et le feu en plusieurs pro-
vinces pour la prédication de l'I'^angile , il
mourut en paix. L'Iv^Iisf' honore sa mémoire
le -24 août.
l'IlI'l'YClIl'l (saint), l'cçut la p.dine dn niar-
tyi' en lvs|)agne. Nous ne possi-ilons inalluni-
reusemenl pas de délails authenti(]ues sur le
lieu , réjio(pie et I(îs circonstances do s<»u
985 EUT
inartyro. L'Fgliso honore sa sainte mémoire
le II (léc(Miil)re.
EIITVCHK (saint), ont la gloire de mourir
nonr la loi île Jésus-Christ à Aucyrc on (la-
lalie. 11 eut pour couipa^moii de son com-
bat le diacre Douiitieti. Nous ne^ possédons
nuls détails sur leur coin|)!e. L'Eglise fait
leur mémoire le 28 décembre.
KirrVCHE (saint), finit sa vie h Rome par
un {glorieux martyre , et fut enterré dans le
cimetière de Calliste. Saint Damase, pape, a
fait son épitai)he en vers. L'Eglise honore sa
mémoire le 'i- février.
EUTYCHE.( saint), souffrit le martyre à
Ferentino, dans la Campagne de Uome. Les
Actes des martyrs ne donnent aucun détail
sur répoqu(> et les circonslances de son com-
bat. L'Eglise célèbre son immortelle mé-
moire le 15 avril.
EUTYCHE (saint), souffrit le martyre en
Espagne pour l'honneur de la foi , avec les
saints Honorius et Estève. Nous n'avons pas
d'autres détails sur son compte. L'Eglise ho-
nore sa sainte mémoire le 21 novembre.
EUTYCHE (saint), reçut la couronne des
glorieux combattants de la foi en Thrace ,
avec les saints Plaute et Héraclée. Nous n'a-
vons pas de détails plus amples sur leur
compte. L'Eglise honore leur sainte et im-
mortelle mémoire le 29 septembre.
EUTYCHE (saint), souffrit pour la défense
de la religion chrétienne à Carres en Méso-
potamie. Ce saint, qui était patrice, fut mas-
sacré avec ses compagnons dont les noms
sont ignorés , par Evelides , roi des Arabes.
L'Eglise fait collectivement leur fête le 14
mars.
EUTYTHÈS (saint), reçut la palme du mar-
tyre avec les saints Maron et Victorin , qui
d'abord avaient été exilés pour la foi dans
l'île de Ponce , avec la bienheureuse Flavie
Domitille , et ensuite rappelés sous l'empe-
reur Nerva. Cependant, depuis leur retour,
ayant fait plusieurs conversions , ils furent ,
durant la persécution de Trajan, mis à mort
par divers supplices , suivant la sentence du
juge A^alérien. L'Eglise fait leur fête le
15 avril.
EUTYCHIEN (saint) , martyr, s'était con-
verti à la foi chrétienne en même temps que
les saints Ariston,Crescentien, Urbain, Vital et
Juste. Ils y avaient été déterminés par saint
Traiiquil!in,leur ami commun. Ce fut 5 saint
Sébastien qu'ils durent surtout leur conver-
sion , puisque ce saint otricier du palais de
l'empereur Dioclélien fut l'instrument prin-
cipal de la conversion de Tranquillin. Ils fu-
rent baptisés pai le prêtre saint Polycarpe.
S'étant retirés en Campanie dans les terres de
saint Chromace, qui, pour s'adonner à la pra-
tique des vertus chrétiennes avait quitté sa
charge de préfet de Rome, ils furent marty-
risés avec saint Félix, saint Félicissime, la
mère de ces deux saints et sainte Sympho-
rosc. L'Eglise fait la fête de saint Eutychien,
avec celle de ses compagnons, le 2 juillet.
(Voy. Sébastien.)
EUTYCHIEN (saint), pape et martyr, souf-
frit la mort à Rome pour Jésus-Christ. Ce
CVA
954
saint pape donna la sépulture de ses propres
mains, et en divers endroits, h trois cert
(puuante-deux martyrs. Il lem- fut lui-même
associé sous l'empereur Numérieii, et reçut
la palme des défenseurs de la foi. il fut en-
terré dans le cimetière de Calliste. L'Eglise
célèbre sa mémoire le 8 décembre.
EUTYCHIEN (saint), souffrit h; martyre à
Nicomédie, avec les saints Stratou et Phi-
lip[)e. Ayant été exposés aux bêles et n'en
ayant reçu aucun mal , ils accomplirtint leur
martyre par le feu. L'Eglise célèbre leur mé-
moire le 17 août
EUTYCHIEN (saint), martyr, versa son
sang i)onr la foi avec les saints Diomède ,
Julien, Philippe , Hésique, Léonide , Phila-
d(!l|)he, Ménalippe et Panlagajjpe. Us accom-
plirent leur martyre les uns \)av le feu , les
autres par le glaive qu sur la croix. L'Eglise
célèbre leur mémoire le 10 septembre.
EUTYCHIEN (saint), martyr, mourut pour
la foi du Christ, en Afrique , avec les saints
Arcade, Pascase et Probe. [Voy. l'article Ak-
CADE pour plus de détails.)
EUTYCHIUS était l'un des deux préfets
qui , à Marseille, en 290, et en présence de
l'empereur Maximien, tourmentèrent saint
Victor, officier détaché de la légion Thé-
béenne. N'ayant pu se mettre d'accord avec
son collègue Astérius sur le choix des tor-
tures qu'il fallait faire subir au saint , il se
relira. Ce fut Astérius qui fit étendre Victor
sur le chevalet, où les bourreaux le tour-
mentèrent jusqu'à ce qu'ils-fussent forcés de
cesser, à cause delà fatigue.
EUTYQUE (saint), fils de Polyeucte, cueil-
lit la palme du martyre en Orient, sous l'em-
pire de Dioctétien, en l'année 296 ou 297. U
futmartjrisé par l'ordre d'un général nommé
Antiochus. S'il faut en croire les Grecs , il
aurait été crucifié le 2 septembre 297.
EUTYQUIE (sainte), qualifiée martyre dans
la plupart des Martyrologes et des Actes ,
confessa généreusement la foi chrétienne à
Thessalonique , en l'année 304 , devant le
juge Dulcétius, avec les saintes Agape, Irène
et Quionie. On verra les détails de cette con-
fession dans les Actes de sainte Agape de
Thessalonique. Toutes ces saintes sont fê-
tées par l'Eglise le 3 avril.
EUZOIUS , évêque arien , qui , sous l'em-
pereur Valons, se montra l'un des plus achar-
nés persécuteurs des catholiques. Ce fut lui
quifiitenvoyéaveclecomteMagnusàAlexan-
drie pour y établir l'autorité de Lucius, évê-
que arien, contre celle de Pierre, évêque dé-
signé par saint Athanase et déjà installé par
les catholiques. Il commit ou fit commettie
toutes sortes de profanations et de cruautés.
{Voy. Valens.)
ÉVAGRE (saint), martyr, eut le glorieux
avantage de donner sa vie pour la défense
de la religion. Ce fut à Tomes, dans la pro-
vince du Pont, qu'il souffrit le martyre avec
les saints Prisque et Crescent. Le Martyro-
loge romain ne donne point de détails tou-
chant l'époque et les circonstances de leur
955 EVE
martyre. L'Eglise honore leur mémoire la
1" prtobre.
KVAliRE (saint), soulTrit la mort pour la
défense de la religion avec saint Priscien ot
leurs compagnons dont les noms sont igno-
rés. Ce fut à ll(Mue que leur nuirlyre eut
lieu ; nous n'avons pas d'autres détails. L'E-
glise fait leur fête le 12 octobre.
ÉVAGRE (saint) , l'oçut la palme du mar-
tyre à Tomes en Scytbie, avec saint Bénigne.
Les Actes des martyrs ne nous ont laissé au-
cun détail i)récis sur la date et les circons-
tances de ses combats. L'Eglise fait sa fête le
3 avril.
ÉVAGRE saint"», confesseur, fut élu évo-
que de Constanliiiople par les catholiques, à
la place d'Eudoxe, évoque arien, qui venait
de mourir, en l'an de .Tésus-Christ 370. L'em-
pereur Yalens , qui se rendait à Anlioche
pour veiller à la guerre contre les Perses ,
et qui n'était encore qu'à Nicomédie, envoya
de cette ville des troupes avec ordre de pren-
dre Evagre et de l'envoyer en exil. Eva-
gre mourut dans son exil. Il est inscrit au
Martyrologe romain le G mars. L'évéque
Eustàthe , qui l'avait ordonné , partagea son
sort.
EVARESTE (saint), martyr, eut la gloire
de soulfrir la mort pour Jésus-Christ, en
Crète, dans la ville de Gorlyne, sous le règne
de Dèce, durant la persécution si terrible
que ce prince féroce alluma contre l'Eglise.
Il fut décapité, après avoir soutt\nt d'borri-
bles tourments. Sa fête arrive le 23 décembre.
Saint Evareste est l'un des dix martyrs de
Crète. {Voy. .Maktyrs de Crkti:.)
EVARISTE (saint), pape et martyr, fut le
successeur du pape saint Anaclet, sous le
règne de Trajan. Il gouverna l'Eglise pendant
neuf ans et mourut dans l'année 312. Saint
Ignace d'Antioihe nous apprend que tant que
ce saint i^ape fut sur la chaire de saint Pierre,
les fidèles de Rome fui'ent les mo;lèles de
toutes les vertus, et se firent remar juer par
la pureté de leur doctrine. Ce fut lui qui le
premiei- divisa Rouu; en |)aruisses, et assigna
un prêtre h cbacune d'elles. On ignore com-
plètement les circonstances de son martyre.
L'Eglise fait sa mémoire le 26 octobre.
EVARISTE (saint), mourut pour la foi du
Christ avec ses deux frères Car[)on et Pris-
cien. On n'a aucuii détail sur leur martyre.
L'Eglise honore la mémoire de ces saints
martyrs le i\ octobre.
EVE (sainte), fut au nombre des quarante-
huit martyrs misa moit avec saint Saturnin,
en At'ri (ue, sous le proconsul Anulin, en l'an
de Jésus-t^hrisl 30;), sous li; règne; et durant
la persécution atroce que l'inf hue Dioctétien
suscita contre l'Eglisi; du Seigneur. {Voy.
Satckmn.) L'Eglisf.' fiil la fête de tous ces
sainli le 11 février.
EVELLE ('saint), officier du p.dais de Né-
ron, martyrisé à Rome, sous le règne de cet
em()ereur. ^Pas de documents.) Eête h; 11
m .11.
EVKLPISTErsaiiil), fut martyrisé h Rome
.<5ous i'eiDpiie de Mare-Aïuèh', tivec saint
Jubtin et les autres chrétiens ari-êlé,.; avec
EVO
956
lui. Il était esclave de l'empereur, et origi-
naire de Cappadoce. Le préfet Rusticus le
condanma, ainsi que ses coinpagno'.is, h être
fouetté, puis ensuite décapiti'. [Voy. Justin.)
L'Eglise fait la fête de ce saint martyr le 13
juillet.
EVENCE (saint), remporta la couronne du
martvre à Saragosse en Es[)agne, avec les
saints Optât, Lui)cr(pi(\ Sucecsse, Martial,
Jules, Quintilien , Publius , Fronton, Félix,
Urbain, Cécilien, Primitif, Apodèrae et qua-
tre aulres appelés Saturnin. Ces saints furent
cruellement tourmentés tous ensemble et
mis à u)ort sous Dacien, gouverneur d'Es-
pagne. Le poëte Prudence a décrit en vers
leur martyre. L'Eglise honore leur glorieuse
et sainte mémoire le 10 avril.
EVENCE (saint), reçut la couronne du mar-
tyre durant la persécution d'Adrien, avec saint
Théodule et un saint Alexandre, à propos
duquel nous avons été obligés d'émettre plu-
sieurs doutes. {Voy. son article.) L'Eglise fête
saint Evence le 3 mai.
EVERGiLLE (saint), évêque et martyr,
versa son sang pour la défense de la religion
à Cologne. On ignore à quelle époque et dans
cpielles circonstances. L'Eglise célèbre son
immortelle mémoire le 2'i- octobre.
EVILASE (saint), était prêtre d'idoles à
Cyzique sur laPropontide. Il souffrit le mar-
tyre sous l'empereur Maximien, avec la
vierge sainte Fauste. Voici en quelle occa-
sion : Evilase, après avoir fait raser la tête
de la sainte pour la couvrir de honte, or-
donna de la sus{)endre et de la torturer;
puis voulant la faire scier par le milieu da
corps, il fut imi)0ssible aux bourreaux d'y
réussir, ce qui remplit Evilase d'un tel éton-
nement, qu'étant tout à coup changé, il
crut en Jésus-Christ et fut lui-même mis à
la toiture par l'ordre do l'empereur; tandis
que Fauste ayant eu la tête tranchée et tout
le corps percé de clous, fut jetée dans une
poêle ardente. Alors on entendit une voix
céleste qui l'appelait; et à l'instant môme
elle passa avec Evilase au séjour du repos
éternel. L'Eglise honore leur sainte mémoire
le 20 septembre.
EVlLASli<:,élaitjuge à Constance en Suisse,
sous le règne de liomitien. 11 fil martyriser
saint Pelay.
EVODE (saint), évèque d'Uxale en Afrique,
et confesseur, naquit à Tagaste comme saint
Au'gusiin. Ce dernier nous i'e|)résente notre
saint connue un esprit (îxtraordinaire, très-
])énétrant, et ([ui sur une petite ouvertiu'C
était cap;il»I(; de trouver beaucouj) de vérités
et de lumières. En effet, les lettres et les
écrits (\\w. nous |)Ossé(lons de lui font voir
cette sublimité dt; génie qui tâchait de péné-
ti'cr dans les choses les plus relevées et les
plus diflieiles de la i-aison et de la foi.
Il avait été du noudjre (U\ ceux cpi'on ap-
pelle aijcnls dans 1rs aff (lires de l'empereur
Ayant été converti et baptisé, il renonça
jeuiK! encore h sa dignité, et se livra à la pra-
tique delà pi(''t(''; saint Augiislin, uouv(.'ll(!«
ment baptisé à Milan en .'iH7, avait résolu de
su retirer dan.i une solitude eu Afrique.
957
feiVA
EXU
9S8
Notre snint se joignit à lui. Ils y passtVent
tiv)is ann(^os onsi'mWo. Saint Kvodc) fut fait
(^v(\|iio (1 llzaln (Ml Affi(iuo, dans la provinoo
de Cai'thasi' on Pioconsnlairo. V(rs la in do
1 aMiK'-o W8, les li('Mi'li(iuos (iront conrii- lo
brnit qne los lois faites con'rc c\\\ pai- Ho-
norins (étaient abolies parce quo Stilicon
avait 6U' dis;i;rAci6 et tn(^. Armés ik' rolto
raison, ils coiuniireiit d;* grandes violences
contre l'Eglise. Les évc'^ipies Kvodc, Tliéase,
évcVfue do Meinhi'ose dans la Proitonsulairo
et Victor, furent battus et maltraités. Ce fut
ainsi (pTil mi^rita le glorieux titre de coafes-
seui'. K'i V19, il fut mandé an concile de
Spolète touchant le schisme d'!ù\lalius con-
tre Boniiace. Ce saint, h cause de plusieni-s
écrits qu'il nous a laissés, mérite de tenir
ranfj; non-seulenuMit jjarmi les confesseurs
et les saints pontifes, mais aussi paimi les
docteurs de rk^iise.
EVODK (s, dut), fut martyrisé h Nicée en
Bithynie, ave;; dmix de ses Irères et sa
mère Théodole. Ce courageux martyr ayant
confessé valeureusement Jésus-Christ , fut
d'abord meurtri de coups de bâton, par l'or-
dre du consulaire Nicet. qui les fit ensuite
brOler avec h'ur mère. L'Eglise fait leur très-
sainte mémoire le '2 août.
EVODK (saint), martyr, recueillit la palme
du mai tyre à Syracuse, avec les saints Her-
mogène etCalliste. On ignore à quelle épo-
que ^t dans quelles circonstances. L'Eglise
fait leur fête le 25 avril.
EVODE (saint), martyr, souffrit pour sa
foi avec ses deux frères Hermogène et Cal-
liste. On ignore à quelle époque et dans
quelles circonstances. L'Eglise célèbre leur
mémoire le 2 septembre.
EVOKA, ville située en Portugal, a été
témoin du martyre de saint Manços.
EVOTIUS (saint), fut martyrisé a Saragosse
en Espagne, p.ir les ordres de Dacien, qui en
était gouverneur, en l'an de Jésus-Christ 304,
durant la jjersécution de Dioclétien. Dix-sept
autres furent martyrisés avec lui. On trou-
vera leurs noms h l'article Dacien. Les dix-
huit martyrs de Saragosse sont très-honorés
en Espagne; c'e.^t Prudence qui rapporte ce
qu'on sait d'eux. Ils sont inscrits au Marty-
rologe romain sous la date du IG avril. {Voi/.
Prudence, de Cor., hvm. k. Tilleraont, vol. V,
p. 229, etc.)
EVRARD, un des meurtriers de l'illustre
Foulques, archevêque de Reims, et qui fut
excommunié avec ses deux autres princi-
paux compa.nons, nommés VinemaretRatfel^
{Voy. l'article Vinemaîv.)
EWALD (saint), martyr, dit saint Ewakl
le Noir pour le distinguer do son frère
nommé saint Ewald le Blanc, fut mis à mort
en l'an 690 de l'ère chréiienne, avec ce
môme frère. Tous deux, Anglais (i'origine et
prêtres, étaient venus dans la Westphalie
pour y prêcher l'Evangile aux inti lèles. Les
Saxons étaient alors sous la domination dé
divers petits princes qui, quand une guerre
avait lieu, réunissaient leurs armées et nom-
maient au sort un commandant auquel tous
devaient obéissance. Quand nos deux saints
entrèrent dans lo pays, ils firent rencontre
d'un fermier, qu'ils prièrent de les mener
diivant celui (|ue le pays reconnaissait
comme souverain. Pendant le (heniin, ils
jiriaient, récitaient des psaumes, chantaient
des hymnes. CliaqiK! jour, ils olfraionl lo
saint sacriiice, car ils portaient avec eux une
table (]iii leur servait d'autel, et des vases
sacrés. Les barbares, craignant que les deux
saints diHouriia^sent leur roi du culte des
idoles, tuèrent d'abord Ewald le Blanc, puis
ensuit(i Ewald le Noir, son frère, après lui
avoir fait soullVir de cruels tourments. Le
jirince de la contrée, informé de ce qui s'é-
tait passé, fit mourir les cou|)ables et brûler
leur village. On avait jeté les corps des
saillis martyrs dans le Rhin, ils y furent mi-
raculeusement découverts. Tilman, moine,
d'origine anglaise, et qui était venu en Alle-
magne comme missionnaire, fut averti dans
une vision de les retirer de l'eau. Il les fit
enterrer honorablement. Aujourd'hui leurs
reliques sont encore à Cologne dans l'église
de saint Cunibert, où on les garde religieu-
sement. L'Eglise honore leur mémoire le 3
octobre.
EWALD (saint) le Blanc. {Voy. le précé-
dent.)
EXANTE (saint), fut martyrisé pour la foi
à Cùme avec les saints Carpôpliore, Cassius,
Séverin, Second et Licinius. Ils furent dé-
ca[)ités pour avoir confessé Jésus-Christ. On
ignore l'époque o(i leur martyre arriva. L'E-
glise célèbre leur immortelle mémoire le 7
août.
EXPEDÏT (saint), martyr, répandit son sang
pour la foi à Mélitine en Arménie, avec les
saints Hermogène, Caius, Arislonique, Ru-
fus et Calatas. On ignore la date et les cir-
constances de leurs combats. L'Eglise célè-
bre leur mémoire le 19 avril.
EXUPÉRANCE (saint), martyr, était diacre
de l'Eglise d'Assise, dès l'année 303. Après
la publication des édits des empereurs
Dioclétien et Maximien, il fut arrêté avec
son évêque saint Sabin et mis en prison jus-
qu'à la venue de Vénustien, gouverneur de
rOrabrie et de l'Etrurie. Aussitôt son arri-
vée, Vénustien fit comparaître les prison-
niers devant lui; sur leur refus de sacrifier,
il les lit tourmenter si horriblement que
Marcel et Exupérance moururent au milieu
des supi)lices. Ce fut dans la ville d'Assise
qu'ils reçurent la couronne, au commence-
ment de l'année 30i. Leur fête a lieu le 30
décembre
EXUPÉRANCE (saint), évêque et confes-
seur, souffrit à Ravenne en l'honneur de la
religion chrétienne. Les Actes des martyrs
ne nous disent rien sur l'époque et les diffé-
rentes circonstances de son combat. L'Eglise
honore sa mémoire le 30 mai.
EXUPÈRE (saint), mourut pour la défense
de la religion à Rome sur la voie Latine. Il
fut consumé par les flammes, ainsi que lé
rapportent les Actes du pape saint Etienne,
avec les saints Symphrone, Olympe et Théo-
dule. L'Eglise fait leur mémoire le 26 juillet.
EXUPÈIŒ (saint), reçut la palme du mar-
959
FAB
FAB
9C0
tyre avec sainte Zoe , son épouse , et les
saints Cyriaque et Théodulc, leurs enfants.
Ils furent couronnés sous l'empereur Adrien.
Nous n'avons pas de détails plus étendus sur
leur compte. L'Eglise fait leur mémoire le
2 mai.
EXUPÈRE (saint), martyrisé à Vienne en
Gaules, avec saint Félicien et saint Séverin,
est honoré par l'Eglise le 19 novembre. On
manque absolument de détails sur sa mort :
tout ce qu'on sait, c'est qu'elle eut lieu sous
le i-ègne de l'empereur Marc-Aurèle. Vers le
milieu du i\' siècle, ces Irnis saints révélè-
rent à l'évèque Pascase, le lieu oii ils étaient
enterrés. Cet évoque les fit transférer dans
l'église de Saint-Romain. [Voy. Séverin.)
EXUPÈRE (saint), martyr, compagnon de
saint Maurice, était Campiducior dans la lé-
gion que ce saint commandait. Ce grade
équivalait à peu près à celui de major dans
nos régiments. En l'année 286, Dioclétien,
ayant donné l'ordre à la légion Thébéenne
qui était en Asie, de passer dans les Gaules,
pour y faire la guerre sous les ordres do
Maximien, son collègue, cette légion se mit
Immédiatement en chemin. Durant le voyage,
comme on se trouvait aux environs d'Agaune
(en Suisse, aujourd'hui Saint-Maurice), Maxi-
mien donna l'ordre (jue toute l'armée ofTrît
un sacrilice aux dieux de l'empire. La légion
Thébéenne, entièrement composée de chré-
tiens, se retira h Agaune, pour ne pas par-
ticiper à cette cérémonie païenne, et pro-
testa parunelettre respectueuse, mais ferme,
contre la violence qu'on voulait faire K sa
foi. Maximien, violemment irrité, fit d'abord
décimer cette légion, et ensuite fit mettre à
mort tout ce qui restait, voyant que le sup-
plice qu'il avait fait subir aux premiers que
le sort avait désignés n'avait pas ébranlé les
autres. Evupère fut du nombre de ces géné-
reux martyrs. L'Eglise fait sa fête , avec
celle de saint Maurice, le 22 septembre. {Voy.
Malrice.)
LXUPERIE (sainte), appartient à cette
glorieuse cohorte de martyrs que la persé-
cution de Trajan fit monter au ciel. Ce fut à
Rome qu'elle eut ce bonheur, avec les saints
Symphronius et Théodule,et sainteOlympe.
La tradition ne nous en a pas dit davantage
sur sa mort et sur les circonstances dans les-
quelles elle eut lieu. L'Eglise fait sa fête le
26 juillet.
F
FABIEN (saint), pape et martyr, succéda
au pape saint Antère, l'an 236. il était natif
de Rome, et appartenait à l'antique et illustre
famille des Fabiens. Son père se nommait
Fabius, et lui-même est ainsi appelé par les
Giecs dans leur office. Quelques auteurs
disent qu'il était prêtre de saint Pontien : les
circonstances de son élection ne sont guère
favorables à ceux qui soutiennent cette opi-
nion ; il était très-probablement laïque.
Après la mort du pape Antère, étant venu
de la campagne à Rome avec beaucoup d'au-
tres, pour y assister à l'élection d'un nouvel
évêque, il fut désigné au choix des fidèles et
du clergé d'une façon tout h fait miraculeuse.
Personne ne songeait à lui, on jetait les
3'eux sur plusieurs {)ersoniiages importants
qui étaient nrésents, et sur lesquels allaient
se partager les suffrages, ([uaiid tout à coup
une colombe vint se reposer sur la tête de
Fabien. Aussitôt le peuple et les prêtres,
croyant voir dans ce fait une indication di-
vine, s'écrièrent d'un commun accord : Il est
digne d'être évê(}ue. Alors on le jirit et on
le fil asseoir sur 1(î tron*; épiscopal, après
l'avoir consacré j)ar les (cérémonies d'usage
dans l'église. On raconte de lui considéra-
blement de merveilles, mais il faut avouer
• prcllcs sont loin d'être fondées. Il gouverna
i'J'iglisc; dui-ant seize années. Les faits les
plus remarcpiables de son |)onlifi(at, sont,
l'envoi d(î iinssioiniair(;s, notamment de saint
Denis diins les (iaul(;s , et la condamnation
de Privât, évêque de Lambèse, (pii rc'pandait
•Jiie nouvelle néiésif! en Alïi(pie. Saint Cy-
IM-ien (!t saint Jérôme nous disent (pi'il ter-
mina glorieuseiuenl sa vie pai' le martyre,
en 250, sous la persécution de Dèce. Nous
manquons absolument de détails. Ce saint
martyr fut enterré dans le cimetière de Cal-
liste. L'Eglise fait sa fête le 20 janvier.
FABIEN (saint), martyr, est inscrit au Mar-
tyrologe romain le 31 décembre, et honoré
comme martyr par l'Eglise avec les saints
Etienne, Pontien, Attale, Corneille, Sexte,
Florus, Quintien, Minervien et Simplicien,
qui furent les compagnons de son triomphe.
Les circonstances de leur martyre ne sont
malheureusement pas connues , non plus
que sa date et le lieu où il arriva.
FABIEN, préfet de Rome dans les premiers
tem[)s de l'empereur Dioclétien, fut nommé
quand Chromace , qui s'était converti au
christianisme, se fut retiré. Il se montra ex-
cessivement cruel à l'égard des chrétiens.
Ayant fait arrêter les saints Nicostrate, Clau-
de;, Castore , Victorin et Sym{)horien, parce
qu'ils cherchaient, pour leur rendre les der-
niers devoii's, les corfjs de sainte Zoé et do
saint Tran(iuillin qui venaient d'être martyri-
sés, il les fil venir devant lui. Il usa pour les
vaincre, de tous les moyens possibles : me-
naces, promesses, feinte douceur, tout fut
inutile. Voyant cela, il prit les ordres do^
empereurs' Dioclétien et Maximien, et lit
appli(juer trois fois de suite les saints à la
tortuie. Ces tourments n'ayant pu abattre
leur constance, il les lit jeter h la mer. 11 lit
mourir aussi saint Castule, les saints Marc et
Marc.ellien, et la |)lupart de ceux dont il est
j)arlédans les Actes de saint Sébastien. {Voy.
SÉitAsriK-s.)
l'AlUI S (saini), l'un d(>s saints confesseurs
(pie J'inien, pi'ocousul de l'Asie, délenail en
961
FAI
prison et qu'il mit en liborlc^ après sa con-
version, vint avec lui en Italie et habita sa
maison, h Uoine, avec les autres confesseurs.
Le retour de IMnien eut heu eu 1 année 287.
La présence de Fabius et des autres ayant
fait (lu bruit, tous huent obligés de se dissé-
miner dans les terres (pie Pinien possédait en
Italie, lui 290 , les tyrans et le i)euplo ayant
fait mourir saint Anthiine, saint Ma\uue
et saint Bassus, Pros(iue, consulaire, lit tran-
cher la léle h saint Fabius, après l'avoir très-
h)n|;tenips retenu en [)rison et lui avoir fait
soullVir divers tournieiits. L'Fgiise célèbre
la tète de saint Fabius le 11 mai. (Ko*/. Lucink,
femme d(> Pinien, et Pinien.)
FABIUS (saint), fut martyrisé à Césarée.
Ayant refusé de porter les enseignes de la
garnison, il hit enfermé pendant quelques
jours dans un cachot ; ensuite, ayant subi
deux interrogatoires, et persévérant h con-
fesser Jésus-Christ, il fut condamné par le
juge à perdre la tôle. L'Eglise fait son im-
mortelle mémoire le 31 juillet.
FABUIGIEN, eut la gloire de verser son
sang pour la foi chrétienne avec saint Phil-
bert. Leur martyre arriva en Espagne. On en
ignore la date et les circonstances. L'Eglise
fait leur sainte mémoire le 22 août.
FABUICIUS , gouverneur de Césarée de
Cappadoce, au commencement du iv' siècle,
sous le règne de Dioclélien, lit souU'rir de
cruels supplices à sainte Dorothée, pour la
contraindre ou à se marier, ou à sacriher
aux idoles. N'ayant pu y parvenir il la con-
damna à être décapitée.
FACOND (saint), souffrit le martyre en
Galice, sur la rivière de Cée, avec saint Primi-
tif. Leur combat eut lieu sous le président
Alti(|ue. Nous n'avons pas d'autres détails
sur leur compte. L'Eglise fait leur glorieuse
mémoire le 27 novembre.
FAINE (sainte), vierge en Irlande, souffrit
le martyre à une époque qui nous est com-
plètement inconnue. On croit généralement
qu'elle était abbesse dans le vi' siècle. Nous
n'avons point de détails authentiques sur
elle. L'Eglise fait sa fête le 1" janvier.
FAIUXIDA-LUGUYEiVION (le bienheureux
LÉo>), fut martyrisé au Japon en 1613, dans
le royaume d'Arima, avec sa femme nommée
Marthe, Adrien Tacafatimundo, Jeanne sa
femme, sa ûUe Marie-Madeleine, vierge vouée
au Seigneur, et Jacques, son hls, âgé de 12
ans ; enfin Léon Tacuendomi Cuniémon, et
son tils Paul, âgé de 27 ans. Le roi les con-
damna au supplice du feu. Aussitôt que cette
nouvelle fut répandue dans le pays, il se fit
une immense rumeur. Tous les chrétiens
s'assemblèrent et vinrent au nombre d'envi-
ron vingt mille s'oiïrir spontanément au
martyre. L'etfet de cette manifestation su-
blime fut tel , que plusieurs seigneurs apo-
stats revinrent à la loi et demandèrent à par-
tager le sort de ceux (ju'on allait brûler pour
Jésus-Christ. Ce fut le 7 octobre au matin,
qu'on notifia aux saints confesseurs que l'ar-
rêt qui les condamnait allait recevoir son
exécution. Leur joie fut grande: ils obtinrent
de communieravant demarcherau supplice;
FAI 962
c'est-h-dire au triomphe, car jamais on ne
vit rien de pareil h ce qui se passa alors.
Les fastes (le l'Eglise n'ont pas gardé mé-
moire d'une aussi splendidc; ovation. Vingt
mille chrétiens des campagnes cntièrent
dans la ville, dans un ordre jjareil à celui
qu'eussent gardé des troupes parfailement
disciplinées. lisse réunirent à environ vingt
mille autres chrétiens, habitants de la ville,
pour faire cortège aux saints martyrs. Ils
étaient en rang, portaient chacun un cierge
à la main. Les martyrs marchaient au mi-
lieu d'eux, libres, mais suivis de leurs bour-
reaux et d'une compagnie de soldats. Certes,
cette force armée eût été bien insuffisante,
si ces 40,000 hommes n'eussent pas été chré-
tiens ; s'ils n'eussent {)assuque Dieu oéfend
à ceux qui sont persécutés pour lui de se
révolter contre la [)uissance établie. Us avaient
l'exemple de la légion Thébéenne, massacrée
sans tirer ré[)éedans les Alpes ; des cohortes
égorgées sur le mont Ararat en Arménie.
Cet exenqile, ils le suivirent, en respectant
la puissance où Dieu l'avait mise. Aussitôt
que le cortège fut arrivé au lieu du supplice,
il s'y rangea dans un ordre parfait. Les mar-
tyrs, apercevant les poteaux auxquels ils de-
vaient être attachés, coururent les embrasser.
C'étaient huit colonnes qui soutenaient un
toit de charpente ; cette espèce d'échafaud
était dressé sur la place du palais. Pendant
qu'on faisait les derniers préparatifs, Léon
Luguyemon monta sur l'échafaud, et s'adres-
sant à la foule, après avoir obtenu silence
de la main, il parla en ces termes : « Mes frè-
res, admirez quel courage la foi peut donner
à de faibles créatures 1 Ces apprêts terribles
d'un supplice effroyable, vous le voyez bien,
loin de nous terrifier, nous remplissent de
joie. Au milieu des flammes , je l'espère,
Dieu aidant, cette joie augmentera encore.
C'est aux infidèles maintenant à voir quelle
est la grandeur, quelle est l'excellence d'une
religion qui peut produire de si grandes
choses, élever si puissamment la nature au-
dessus d'elle-même. Quant à vous , mes
chers frères en Dieu, ne soyez point effrayés
en voyant ces brasiers ; plus ils seront ar-
dents, plus notre victoire sera grande et
prompte. Quelques souffrances à subir vont
nous procurer une couronne de gloire et des
trésors de bonheur qui dureront l'éternité. »
La foule fit entendre un immense applaudis-
sement. Le frémissement qui l'agitait em-
pêcha le saint martyr de pouvoir continuer,
il descendit, et alla se placer au poteau au-
quel il devait être attaché. Il y fut lié ; les
autres l'étaient déjà. Bientôt on mit le feu
au bûcher qui était éloigné des martyrs d'en-
viron trois i»ieds. La flamme et les tourbil-
lons de fumée s'élevèrent alors si haut, que
pendant quelques instants on ne put rien
distinguer. Quand l'humidité du bûcher se
fut dissipée, la flamme resta claire et on put
voir les saints martyrs, dont le calme et la
résignation a-ttiraient l'admiration générale.
Jacques, fils dAdrien Mun«lo, apparut déta-
ché aux yeux des spectateurs : sans lui faire
beaucoup de mal , le feu avait consumé ses
96S
FAN
FAN
96-4
liens ; il courait au travers des flammes et
de> brasiers : cr^iignant que ct^ l'ût pour s'é~
chniiper, la foule lui cria d'avoir courage;
maison cessa d'avoir cette crainte, lorsqu'on
yit Tenfant se retourner avec calme et aller
vers sa mère qu'il entoura de ses l)ras, vou-
lant mourir avec elle. La sainte femme, qui
paraissait morte, se réveilla à cette étreinte,
et comme si elle eAt oublié ses soutfrances,
elle ne cessa plus d'encourager son lils à
accomplir jusqu'au bout le sacrifice de sa vie
pour Dieu. Peu après, ses liens étant brAlés,
elle tomba sur son lils, le couvrant de son
corps. Ils expirèrent ainsi. La sœur de ce
jeune enfant, Marie-Madeleine, âgée de dix-
neuf ans, restait debout et semblait pleine de
force et de vie quoiqu'elle parût toute con-
sumée. On croyait qu'elle allait s'affaisser
quand on la vit ))rendre des charbons ar-
dents, les mettre sur sa tète et s'en faire une
couronne. Peu après, elle glissa le long de
son poteau, se coucha dans le brasier et y
ex[)ira paisiblemeit. La foule força les bar-
rières qui entouraient le bûcher. Les chré-
tiens emportèrent les corps de leurs glorieux
martyrs. Tout fut pris par eux, jusqu'aux
charbons qui avait procui'é la mort à ces il-
lustres victimes. Ce furent les habilants de
Conz :raqui emj)ortèrent dans leur bourgade
le corps de Marie-Madeleine. Mais bientôt,
sur l'ordre del'évèque, toutes les saintes re-
liques furent restitutées et mises dans des
caisses précieuses. On les trans[)orta h Nan-
gazaki. Les actes et les pièces du procès fu-
rent envoyés à Rome.
FALÈKE, ville de Toscane, où saint Gra-
cilien et sainte Félicissime furent martyrisés
pour la foi, sous le règne de Claude Il^dit le
Gothique.
FAN, officier chinois, qui fut chargé, eu
17.V6, par le vice-roi de Fo-Kicn, de recher-
cher, avec ses soldais, les missionnaires qui
pouvaient être cachés dans les environs de
Fou-ngan. Il s'en acquitta avec une sévérité
extièm ;; la haine qu'il avait pour les chré-
tiens peut seule expliquerracharnernenlqu'il
y mit, comme la conduite qu'il tint après la
capture des missionnaires.il fit comparaître
devant le tribunal du gouverneur de Fou-
ngan, en vertu des pouvoirs (pi'il avait reçus
du vice-roi, [)lusieurs chi-étiens et chrétien-
nes de la localité. Plusieurs ayant refusé de
dire la demeure de l'évéque et des mission-
naires, un chrétien coucubinaire, interrogé
à son tour, déclara qu'il demeurait chez la
v(,'uve Miao, une des prisonnières. 11 la lit
immédiatement mettre à la torture ainsi que
neuf autres chrétiennes, mais ce fut inutile-
ment; rien ne put leur arracher leur scciet.
Une onzième, épouvantée de l'aiipareil des
Imtures, déclara ce ([u'elle savait et dit (pi'on
l'avait faite chréti(!nne malgré elle en rini-
j)orlunant. Cette trahison était un acte ({uo
l''(ui ne pouvait pas hiissersans récompense;
il (il poiter celle femme en chaise chez elle,
et lui lit cadeau de plusieurs pièces de soie.
Il eniploy.i tout le joui?» dojuier la tortun;, et
60 montra si cruel que le gouverneur, (p.ii ne
pouvait ret(;nir ses larmes, lui en lll l'cpio-
che. Ce gouverneur était au fond un homme
hinnain, qui trouvait (pi'on lourmentait des
innocenls, cît ({ui avait logé chez lui l'un des
prisonniei-s, le P. Alcober, le l'aisant même
servir pav ses dom.'Stiques. L'ofticier Fan^
fort de l'appui du vice-roi, s'euqiorta jusqu'à
reprocher au gouverneur, dont cependant il
était l'inférieur en grade, de manquer de
courage dans l'accomplissement de ses de-
voirs. La nuit ne put mettre lin à la rage de
cet homme. 11 lit donner la 'piestion à six
chrétiennes à qui il ne put rien arracher;
mais une servante, vaincue ))ar la violence
du mal, le conduisit où étaient les PP. Ser-
rano et Diaz, cachés entre deux planchers. 11
éprouva une joie très-grande de la prise de
ces deux missionnaires. N'ayant pu les for-
cer cl lui dire où était révô(|ue, il lit donner
des soufflets au P. Serrano et appliquer le
P. Diaz à la torture appelée Kia-kouen: sa fu-
reur était sans bornes; il voulait que ceux
qui lui obéissaient se montrassent aussi
cruels que lui. Il fit donner des coups de bâ-
tons i^ (leux païens, pour les IVircer à décla-
rer où étaient les auties missionnaires.
Comme ils ne pouvaient dire ce qu'ils igno-
raient, ils furent retenus plusieurs jours en
])rison. Le 30 juin, le P. Royo et l'évoque de
Mauricaste ayant été obligés de se livrer
eux-mêmes, tous les prisonniers subirent
un interrogatoire. Une chrétienne, nommée
Thérèse, fut interrogée par lui, et comme ses
réjionses flétrissaient les questions odieuses
et im[)udiques qu'il lui adressait, il la fit
mettre à la torture. Quehpie temps après,
plusieurs chrétiens furent pris, neuf hom-
mes et cinq femmes. Ils comparurent devant
le gouverneur d'une ville de troisième ordre.
La [)lus jeune des femmes se présente avec
les mains horriblement meurtries par les tor-
tures : « Qui vous a donc si horriblement
maltraitée, lui demanda le magistrat? —
C'est par ordre de l'ollicier Fan, répondit-
elle, que moi et mes compagnes avons été
traitées de la sorte. » Ces femmes étaient du
nombre des personnes ([ue ce barbare per-
sécuteur avait fait torturer h domicile, pour
les contraindre à dire où étaient les mission-
naires. Dans tout le cours de cetle procédure,
Fan se lit remarquer non-seulement par la J
cruauté qu'il déploya envers les accusés, "
mais encore par la calo.nnieusc industrie
qu'il employait h leui- imaginer des crimes:
dans les inslruclions qu'il donna, il aci'usait
les missionnaires de magie , d'inqiudicité.
Ayant trouvé une caisse d'ossements (]ui ap-
parlenait au I*. Alcober, il prétendit (jue ces
nommes (h; Dieu tuaient d(^ petits cid'anls|
(pi'ds liraient do leurs tèles des lillres qui
leur servaient à séduire de jeunes (illes,
qu'ils faisaient avorter ensuite, h l'aide des
l'emèdes qu'ils avaient apportés d'lùirOj[.)e.
Cotte caisse conlenait les ossements d uu
Hiissionnairc mort depuis longtemps, pré-
cieuses reliques (lue ses successeurs vou-
laient tnivoyer on I-'urope. Les juges vou-
lurent en faire la visite; ils noimuèrent ])0ur
eel.i d(.'S experts pi'éposés h l'examen dus
cadavres. La caisse ouverte, les ossc-
965
FAN
rm
m
ments furoiit trouvt5s prosqu'on poussiùre.
Vu la U"^!!!!!!!'' (les fragments , Fan soiilciiait
■que c'L'laicnt di'S os do petits eiilaiils.
Les experts aflirmaient qu'ils aj)|)ai't(Miai(!iit
à une personne morte depuis au moins un
^iè''l(>. Les juges restaient dans un grand
embarras. Ou trouva le corps d'une vertèbre
assez entier pour tMre uu'suré : ou fonslata
positivement, d'après ses dimensions, qu'il
appartenait à une grande personne, l/ollicicr
Fau soutenant toujours son premier diie :
Les juges indignés lui dirent qu'il n'y avait
pas de milieu [)0ur lui entre l'ignorance et la
mauvaise foi : « Nos livres sont j)récis, di-
rent-ils, il cet égartl; le mode de vérillcation
est tout tracé. Si nous agissons en dehors
des prescriptions qu'ils contiennent, nous
agissons contre ré([uité et contre la loi. Fai-
tes un rapjiorl à votre gré, cela vous regarde.
Quant h nous, nous jugerons d'après l'évi-
dence et la justice. » L'acte de véiilicalion
fait, ou dut refermer la caisse; chacun de-
vait y apporter son sceau, afin (ju'il fiU bien
constaté qu'il n'y avait pas de fiaude pos-
sible. Fan refusa de signer l'acte et de scel-
ler la caisse. Ceiiendaut, les juges l'y con-
traignirent. Le juge criminel de la province
approuva leur façon d'agir et confirma la
sentence par laquelle il déclarait les mis-
sionnaires innocents. Fan se rendit près du
vice-roi et les accusa d'avoir été corrompus
par argent. Il dit que des cin-étiens venus de
Fou-ngan avaient acheté, à l'aide de som-
mes considérables, tout le personnel des tri-
bunaux, et même les officiers et les soldats.
t,e vice-roi cassa les procédures, commit de
nouveaux juges, et fit venir de nouveaux té-
moins, entre autres la chrétienne que Fan
avait récompensée de son apostasie. 11 fallait
que la scélératesse de cet homme se mani-
festAt de tous points : cette femme repentante
rétracta son apostasie et raconta comment
l'oftlcier la lui avait, en secret, conseillée, et
les moyens h l'aide desquels il l'y avait dé-
terminée. Plusieurs soldats furent cassés de
leurs charges et condamnés à deux mois de
cangue. Alors tout alla au gré de Fan. 11
fiut maltraiter à sa guise chrétiens et païens :
es uns furent mis à la cangue, les autres
bàtonnés. Plusieurs furent reconduits chez
eux chargés de chaînes. Il fit donner qua-
rante coups de bâton à chacun des cinq chré-
tiens qui refusèrent d'adorer une idole sur
l'ordre quil leur en avait donné. Ce fut ainsi
qu'un seul homme, par sa scélératesse, ût
prévaloir l'iniquité et fut cause que cinq
missionnaires furent condamnés à mort et
exécutés. Il est fâcheux qu'on ignore com-
ment finit un homme coupable d'un tel crime
et de tant de révoltantes cruautés commises
pour en procurer la perpétration. 11 est trcs-
pi'obabie qu'il périt frappé de la malédiction
céleste. Ce qui nous porte à le croire, c'est
que le vice-roi de Fo-kien, dont il était l'ins-
trument, fut puni d'une façon éclatante. Or,
par tout ce que nous venons de dire, il de-
meure bien constant que l'instrument s'é-
tait rendu assez intelligent de ses actes et
les avait commis avec assez de volonté per-
verse pour ôtre aussi coupable que la main
(jui l'avait mis en jeu. L(! vice-roi de Fo-
Ivien fut élevé quehjue teuq)s après à la
charge (hi mandarin supérieur des lleuvcs
dans la province de Nankin. Il jouissait en
pai\ de cette augmentation de fortune quand
i'impérati'ic(unoui'ut. Lorsque les vengeances
de Dieu sont prèles , les plus petits événe-
ments leur servent de conducteurs. L'ancien
vice-roi eut la malheureuse idée de se fairo
raser la tète piîudant que tout le mond(î était
en deuil, c'est cette faute (|ui va lui faire payer
tous ses altentats contre la religion et ses
ministres.il fut dégradé, exilé ; on le força de
rebâtir A ses frais une forteresse en ruines,
enfin il fut condamné à être décapité. L'Iim-
l)ereur lui devait une grâce pour la façon
dont il l'avait toujours servi, il la lui accorda;
il revint sur la sentence et lui permit de s'é-
trangler lui-mèn)e.
FANATISME. Nous définissons ce mot
dans la citation d'un de nos ouvrages {Les
Passions) que nous faisons plus loin. Nous
l'inscrivons ici, parce qu'il est en quelque
sorte un instrument de persécution morale.
Tous les arrière-petits-fils de Voltaire et de
Diderot, tous ces niais qui se prétendent phi-
losophes et qui outragent la religion, ont ce
mot dans leur vocabulaire , pour le jeter
comme une insulte â tout ce qui est reli-
gieux en ce monde. Quand ces gens -là, dans
la discussion, ont nommé leurs adversaires
jésuites, fanatiques, quand ils ont parlé de
progrès humanitaire, d'émancipation sociale,
ils ont lancé tous leurs foudres et se repo-
sent dans la majesté du triomphe. C'est à
l'adresse de ces voltairiens de bas étage
que nous envoyons la citation suivante :
^ Les passions humaines abusent de lout, et
l'abus des meilleures choses produit les
plus grands désordres. Le sentiment reli-
gieux exploité par les passions produit le
lanatisme, que nous définirons le zèle aveugle
pour la religion ou l'eifet d'une fausse cons-
cience qui abuse de la religion et l'asser-
vit au dérèglement des passions
Autant le sentiment religieux est aimé de
Dieu et digne des respects du genre hu-
main, autant le fanatisme mérite la haine
des cieux et de la terre. Ce vice en-
chaîne les peuples, les abrutit et les tue.
Nous ne sommes point de ceux qui veu-
lent nier les eifots déplorables de ce
vice; la vraie religion n'a point peur de ces
aveux, ils sont une accusation qu'elle ful-
mine la première contre ceux qui se sont
seivis de son nom pour commettre leurs
atrocités. Sa morale tout entière, les pré-
ceptes de son divin fondateur, flétrissent ce
vice destructeur de toute civilisation , de
toute justice, de toute humanité. De tout
temps le fanatisme a régné dans le monde;
il présidait aux monstruosités religieuses de
l'antiquité qui nous glacent encore d'épou-
vante, il immolait partout des victimes humai-
nes et notre sol est encore couvert des au-
tels sanguinaires où les druides faisaient cou-
ler le sang de nos pères. A Carthage, il y avait
une statue de Saturne toujours embrasée j
967
FAN
FAN
96$
on V atfacliait de jeunes enfants pour plaire
à ce dieu qui avait, dit-on, dévoré les siens.
A Mexico, sur les autels de Witziliputzili,
le paganisme ordonnait encore, sous Monté-
zunia , tel sacrilice oii trente mille victimes
perdaient la vie.
En tous lieux le fanatisme immola ceux
dont il réprouvait les croyances : Socrate
fut mis à mort par celui de ses concitoyens ;
celui des Juifs arrosa d'un sang divin la
montagne du Calvaire ; celui des persécu-
teurs des chrétiens lit périr [tins de quinze
millions de martyrs. Toutes les sectes, tou-
tes les hérésies, toutes les religions ont eu
leurs fanatiques. Le mahométisme a coûté la
vie à trois millions d'hommes, égorgés en
vue du prosélytisme, Mahomet avait dit :
« Je laisse mon évangile aux croyants pour
convertir les inlidèles, et mon épée pour les
exterminei'. » On voit par là que le fana-
tisme est dans cette religion môme, il en est
un conniiandement. Le catholicisme a eu
ses fanatiques aussi, qui, oubliant les pré-
ceptes de leur divin Maître, inondèrent à
bien des reprises les provinces du monde
chrétien d'un sang que la morale évangé-
lique leur défendait de répandre.
Certes, nous sommes les premiers à le
dire, le fanatisme, chez nous comme partout,
a commis bien des crimes, bien des atten-
tats ; mais nous prétendons aussi que les
re[)roches qu'on lui adresse à cet égard sont
exagérés de beaucoup. Bien souvent les
massacres, les persécutions, les assassinats
jwdiciaires qu'on lui impute, ont été commis
dans un but politique ou de vengeances par-
ticulières, par des hommes qui se servaient
du prétexte de la religion. Il est un grand
nombre de ces forfaits qui salissent les pa-
ges de l'histoire, auxquels , quoi qu'on ait
dit, le vice dont nous jiarlons a été complè-
tement étranger. Il est hors de doute, et les
auteurs protestants eux-mêmes ont été les
premiers à le reconnaître , que l'horrible
assassinat du Nouveau Monde n'a eu pour
cause que l'insatiable cupidité des conqué-
rants. Certainement il y avait des prêtres
parmi ces dévastateurs, parmi ces tigres al-
térés de sang, mais parlaient-ils le langage
de la religion, ceux-là? N'avait elle pas, au
contraire, dans Las Casas , ce sublime et
saint apôtre, la personnification vivante de
sa morale et de ses enseignements? N'allait-
elle pas, i)ar sa bouche, faire entendre les
plus énergiques protestations aux j)uissances
d'alors? Nallait-elle f)as ellVay(!r de ses me-
naces les égorgeurs et s'inter[)Oser entre la
victime et l'assassin?
La Providence, du reste, a donné à cette
question une éclatante solution; elle a ])uni
' qui méritait l'êlie ; Dieu se retirecles peu-
ples qui assassinent les peu[)les. L'Kspagne,
autrefois si llorissante, aujoiuMrinii si abais-
sée, si dégradi'e, subit sa i>ein(3 pour tant de
sang ré|)aridu : ses guerres civiles iiu;essan-
tes, ses assassinats (iutre citoyens, son faua-
lisme inintelligent et dégradé ; au-d(;s'^us de
tout cela, sa race abûlardio do souverains ,
qui a tout pollué, ne sont-ce pas là des châ-
timents d'en haut?
La Saint - Baitliélemy elle-même est-
elle bien imputable au fanatisme religieux?
N'est -elle point iilutùt le résultat d'une
combinaison politique et de passions per-
sonnelles ? Beaucoup d'auteurs le soutien-
nent, et dernièrement nous avons entendu
un jeune orateur de grand talent et de haute
espérance, M. de Falloux, se faire, au sein
du congrès scientili]uè de France, le brillant
défenseur de cette opinion.
Bien des honnnes qui se préfendent phi-
losophes ont pris à tâche d'attaquer la reli-
gion par les reproches de fanatisme qu'ils lui
adressent ; ils se servent de ce mot pour ef-
frayer tous ceux qui croient à Dieu et prin-
cipalement ceux qui se soumettent aux dog-
mes et aux pratiques du catholicisme. Celui
qui va prier dans un temple, qui suit une
procession , qui accomplit le plus simple
des devoirs du chrétien, ils le nomment fa-
natique. Quand ils écrivent sur ce vice, où
vont-ils en chercher des exemples? Toujours
dans le catholicisme. Il est le point de mire
de toutes leurs attaques, le but de toutes
leurs déclamations furibondes. D'où vient
cela? C'est qu'ils savent bien que là est la
plus puissante des croyances, celle qui plonge
ses racines dans la ciivinité même, celle eu
un mot qui est le mieux faite pour gouver-
ner les hommes. Jamais on ne les voit s'at-
taquer aux sectes dissidentes ; ils compren-
nent c[u'elles tomberont d'elles-mêmes,
qu'elles se détruiront de leurs propres mains.
Ils laissent tramiuilles le protestantisme et
ses sectes innombrables; ils ne disent rien
des chrétiens grecs, des mahométans, ils
ne décochent point leurs flèches acérées con-
tre les rêveurs qui se posent en messies
parmi nous, et qui tour à tour viennent don-
ner au monde le spectacle de leur folie et de
l'inanilé de leurs doctrines. Ils sont au con-
traire frères de tous ces nouveaux prophètes ;
ils tendent la main aux saint-simoniens, aux
plialanstériens; ils sont les prôneurs de
l'abbé Châtel; ils appellent sous leurs dra-
peaux quiconque a une pierre ou de la boue
à jeter dans le champ de la vraie religion.
Ils l'attaquent sans cesse par tous Jes
moyens, mèmeles plus honteux, le mensonge
et le scandale. Connue ces requins voraces
qui suivent les navires [)Our dévorer les
innnondices (|u'on jelle à la mer, ils suivent
le vaiss( au de l'Kglise; et s'il rejette de son
sein (piehpie impureté, s'il livre aux Ilots
qmhpio pestiféré, ils s'en emparent, car ils
sont là pom- rama:sser tout ce ([ui tombe, et
tant (pi'il reste un lamb(!au de cette proie
infecte, ils le lancent et le reprennent pour
le lancer encore conire le vaisseau glorieux
([ui poursuit sa course; vers l'élernilé, sans
s'inquiéter des ordures (lui llollent dans son
sillage
Fanatisme 1 c'est le mot de lallienu'ut des
ennenus di» la religion, c'est \v thème éler-
nel, le rîincîvas de loiiles Icui's déclamations,
l'épiUièh! ridicule (pi'ils prodiginiit à tort et
à lraver.<> à tous ccu.\ (lui ne pensent pas
I
9é9
FAN
Pxn
970
comme eux; avec la plus insigne mauvaise
foi, ilscontoiultMii sans cesse la religion avec
l'abus, ils lui attribuent ce (lui ne provient
tpu; des passions, et lui font un crime du
ciime de ses entants coupables, qu'elb; est
la |ireiuiùre h condaunier. iMais cette rage
aveugle qui les cm, oiie, (pii les rend injus-
tes, i-U(»k^iants et absurdes, (ju'est-ce donc,
si ce n'est un fanatisme d'un autre genre?
C'est lui (pii faisait h Nantes les noyades do
prêtres, (pn les assassinait à Paris dans les
prisons; (pii les chassait partout de leurs
t^glises po r les envoyer à l'êchafaud ou en
exil, et vKilentail les consciences de tout un
peu|>le. Oui, toutes les croyances ont eu des
fanati(pies, vous en ùtes la déplorable preuve,
et nous avions besoin, tout en stigmatisant
les abus coupabl'S de res[)rit religieux ex-
ploité par les rassioiis huuuunes, do slygma-
tiser aussi le fanatisme de l'irréligion. Quant
à choisii- entre les dmjx, pour l'honneur et
pour le bien de l'humanité, nous [.référerions
le premier, et les motifs de noire préférence,
nous les copions dans Rousseau. Nous vou-
lus laisser cet écrivain les dire lui-même,
malgié sa tendance à ne vous faire enteiidre
la vérité qu'a demi, en raison de ses sympa-
tiiies phi oso hujues.
« Le fanatisme , quoique sanguinaire et
cruel, est [)Our[ant une passion giande et
for e, qui élève le cœur de lliomme, qui lui
fc\it mé[)riser la mort, qui lui donne un res-
sort prodigieux, et qu'il ne faut que mieux
diriger, pour en tirer les plus sublimes ver-
tus, au feu, que l'irréligion, et, en gé''éial,
l'esprit raisonneur et philosophique, attache
à la vie, etlVinine, concentre toutes les pas-
sions dans la bassesse de l'inlérôt particulier,
dans l'objeclion du moi humain, et sape ainsi
à [)etit bruit les vrais fondements de toute
société. >> Plus loin : « L'inditférence philo-
sophique ressemble à la tranquillité de l'Etat
sous le d(;spotisme : c'est la tranquillité de
la mort, elle est plus destructive que la guerre
même. »
Quant à nous, nous maudissons tous les
fanatismes; les paioles que prononçait saint
Bernard : « Fides suadenda, non impermida :
La foi doit être persuadée et non pas com-
mandée, » doivent être la devise de toute li-
berté, de tout pouvoir.
Le fanatisme est l'arme la plus redoutable
du despotisme, à qui il inspire de violenter
les consciences, de tuer pour convertir et
souvent sous prétexte de convertir. Il est
maudit par la vraie religion, qu'il tend à
déshonorer, en la faisant servir de prétexte
aux inquisiteurs et aux bourreaux. Klle ana-
tiiématise ceux qui se servent d'elle pour
commettre ainsi des crimes, se voile la face
de douleur en ces jours de deuil et de malé-
diciion, et Dieu garde ses vengeances contre
les audacieux qui mépiisent ses comraande-
ir.ents et qui f nt de la loi d'amour et de fra-
ternité qu'il a donnée aux hommes une loi
de haine et de sang.
FAND1LAS( saint), était prêtre et moine.
11 fut décapité à Cordoue, durant la persécu-
tion des Arabes, pour avoir cunfessé Jésus-
DlGTIOKN. DES PERSÉCUTION». I,
Christ. Ce jeune moine remarcpiable, par sa
vertu et sa bonne mine, fut h; |»remier h se
l)ré,setiter au martyre durant la pcirséculion
d'Abdéranu! IL II était de la ville d'Acci,
aujourd'hui Cuadix; étant vcniu à Cordoue
{)our étudier, il embrassa la vie mona.sti(jUG
et se retira «i Tabane sous la conduite; de
l'abbé Martin. Après tju'il y eut vécu (iu(;lquG
temps, les moines de Pcgna-Mellar le (hnn.ji-
dèrent à son abbé, et malgré lui le tirent or-
donner prêtres, pour gouverner la double
communauté d'hommes et de femmes de ce
lieu-là. Etant abbé, il redoubla ses jeûnes,
ses veilles et ses [)rières. Un jour, il vint à
Cordoue se présenter hardimcint au cadi, lui
prêcher l'Evangile, et lui ref)rocher les im-
puretés tle sa secte. Le cadi l'ayant mis en
j)rison et chargé de chaînes en rendit aussi-
tôt comjjte au roi, qui entra en grande colère,
admirant celte hardiesse et ce mé|)ris de sa
|)uis>ance. Il ordonna aussi d'arrêter l'évêque
de Cordoue, mais il s'était ."-auvé. Le roi avait
donné .iussi un ordre général de faire p('rir
tous les chrétiens et de verdie leurs femmes
P'our les disperser ; mais les grands lui firent
révoquer cet ordre, lui représentant qu'il
n'était pas juste de perdre tant de peuple
pour la témérité d'un seul, à laquelle aucun
des plus sages et des plus considérables n'a-
vait pris part. Il se contenta donc de faire
couper la tête à Fandilas et exposer son
corps au delà du fleuve, le 13 juin 853. L'E-
glise fait sa mémoire le même jour. ( Voy.
Persécution des Musulmans. )
FAN-TCHAO-TSO, mandarin et censeur
de l'empire chinois, forma, en 1711, le 23
décembre, le projet de faire proscrire le chris-
tianisme et l'attaqua ouvertement. Le devoir
de sa charge l'obligeait à avertir l'autorité
supérieure des désordres, des fautes qui
pouvaient exister ou se commettre dans
l'empire. Fan-Tchao-Tso détestait le chris-
tianisme. Ce fut pour cela qu'il le dénonça
à l'animadversion de l'empereur. Ce qui dé-
termina sa conduite fut le fait suivant : les
jésuites français avaient un établissement à
Ouen-Gnan, pairie de ce magistrat. Un petit-
fds qu'il affectionnait se maria à une néo-
phyte. Il fut convenu qu'elle serait libre de
pratiquer sa religion. Malgré cette promesse,
le jour du mariage on voulut lui faire ado-
rer les idoles domestiques, selon l'usage chi-
nois. Malgré sa belle-mère et d'autres pa-
rentes, la mariée demeura inébranlable. Le
vieil aïeul du marié se trouva fort offensé de
cette résistance et voulut en faire porter la
peine à la religion qui l'avait dictée. Il dressa
donc un mémoire contre elle et le remit à
l'empereur. Ce prince le reçut et écrivit en
bas : Renvoyé au tribunal des Rites. Le rap-
port fut favorable à la religion et le censeui
manqua son but. ( Voy. l'article Chine. )
FARGEAU ( saint ), prêtre et martyr, fu.
martyrisé à Besançon, avec le diacre sain'
Fargeon. Tous deux, ayant été envoyés par
saint Irénée pour prêcher la parole de Dieu,
ils souffrirent sous le juge Claude divers
tourments et furent enfin décapités. L'Eglise
célèbre leur mémoire le 16 jvdn.
31
9TI
/AU
FAlî
972
FARTiEON ( snint ), diacre o. martyr, fut
miïtyiisé pour la foi, à Besançon, avec le
prèlre saint Fargeaii. Ayant été envoyés par
snint li-éié;> pour prêclier TEv.ingilo, ils souf-
frirent divers to;irm(;nts avant d'avoir \\ tète
tranr'hée. L'Eglise honore leur raéiiioirc le
IGjuin.
FAUSTE (saint), était soldat. Il obtint la
palme du martyre sous Tempereur (lom-
mode, après avoir confessé Jésus-Christ au
milieu des plus grands tourments. Les dé-
tails nous manquent sur son compte. L'E-
glise vénère sa sainte mémoire le 7 août.
FAUS TE (saint), martyr, ayant ('té ins en
croix sous remf)ereur Dècè, y vécut cinq
jours ; entin il fut percé de Ilèches et reçut
ainsi la palme des glorieux combatlanls de la
foi. L'Eglise fait sa glorieuse mémoire le
16 juillet.
FAl'STE (saint), prêtre et martyr, fut cou-
ronné h Alexandrie sous le règne de l'empe-
reur Dèce, et s'il faut en croire les menées
des Grecs, sous un gouverneur nommé Va-
lère. Probabiemerd que le gouverneur Sabi-
nus s'a pelait aussi Valérius. Saint Fauste,
avec saint Macaire, saint Abibe ou Bibe, et
plusieurs autres, eut la têle tranchée. L'E-
glise fait leur fête h tous le 5 septembre.
FAUSTE (siîint ), fut décapité à Pérouse ,
pendant la persécution de Dèce, probible-
meut en 251, avec les saints Florence, Julien
Cyriaque, Marcellin. L'Eglise honore la mé-
moire de tous ces saints martyrs le 5 juin :
C'est à tort que le Martyrologe imprimé à
Lille (Catalogue) pour l'usage des baptêmes,
dit le 4- de ce mois.
FAUSTE ( saint ). Voici ce qu'à son sujet
nous trouvons dans le Mart reloge romain :
« A Alexandrie, les saints prêlr. s et diacres
Gains, Fauste, Eusèbe, Chérémon, Licius et
leurs compagnons, dont les uns iurent mar-
tyrisés duiant la persécution de Vaiérien, et
les autres, en servant les martyrs, reçurent
la récouipense des martyrs. » L'Egliso fait
leur fête le 4 octobre.
FAUSTE (saint), martyr, souffrit avec les
saints Denis, Caius, Pi rre, Paul et quatre
aulriîs, sous l'empereur Dèce. De|)uis, sous
Vaiérien, ayant enduré de lo.igs tourments
par ordre du président Emilien, ils rempor-
tèrent la palme du martyre. {Entrait du Mar-
tyrologe romain.) L'Eglise fait la fôtedetous
ces sauits le 3 octobre.
FAUSTE saint], martyr, prêtre de l'Eglise
d'Alexandrie, fui mis <i mort [)our la foi, en
l'an 3il, avec saint Pi(;rre, évê(|ue de cette
villf;, i>Mr ordre de Maxiiinn D.iï i, avec les
saints Dion (t Ammonius. L'Fglise cé.èbre
leur fête h tous le '2(3 novendjre.
FALSTK (sa [)t), martyr, reçut la couronne
en Esp'igne pour Jésus-Cfuist, en l'an 30i.
La p(;rsé.:ulion du tyran Dio .lélien déciuiail
alors ri'.glisc. Ce fut un noiumé Eugène, ipii
commandait une partie de l'Espagne jMiur
les Komains, (pji le lit mourir avec les saints
Jai.vier et .Martial. La fê c de ces saints ar-
rive le 13 octobre. (Pour j)ius de déiails, vuij.
les Actes de saint Janvm.h h son article. )
FAUSTE ( s.-.inl j.iliaci'C; ( L m. ni r. iMsait
partie de l'Eglise d'Alexandrie. Ayanv été
d'ab ird exiU; avec saint Denis, durant la
persécution de l'empereur VcJérien, il fut
ensu te d'capité dans sa vieill sse, sous
remj)ire de l'impe Dioclétien, et termiria
ainsi son martyre. C'est le 19 novembre que
l'Eglise fait sa sainte fête.
FAUSTE ( saint ), fut l'un des qua ante-
huit martyrs \uish mort avec saint Saturnin,
en Afrique sous le proconsul A mu lin , en
Tan de Jésus-Christ 305, sous le règne et du-
rant la persécution atroce que l'inlàme Dio-
clétien suscita contre IFglise du Seigneur.
{Voy. Saturnin.) L'EaUsc célèbre la fête de
tous ces saints le 11 îevrier.
FAUSTE ( saint ), reçut la palme du mar-
tyre h Antioche avec saint Timolhée. Nous
ne po-sédons aucun détail sur leur compte.
L'Eglise fait leur fête le 8 sej)tembre.
FAUSTE (saint), reçut la palme du mar-
tyre à Home sur la voie Latine, avec le prê-
tre Bon, Maur et neuf autres dont les nous
sont inconnus. Leur martyie est rauporlé
dans les Actes du pa|)e saint Etienne. Ils sont
inscrits au Martyrologe romain le 1" août.
FAUSTE (saintej, vierge et martyre, souf-
frit la mort à Cyzique sur la Propontide,
pour la défense de la religion. Elle eut [tour
compagnon de son inattyre saint Evilase.
Leur martyre arriva sous l'empereur Maxi-
mien. Evilase, qui était prêtre des idoles,
après avoir fait raser la IHe de la sai'ite pour
1.1 couvrir de honte, ordonna de la suspen-
dre Lt de la t -rturer ; puis, voulant la fau-e
scier par le mil. eu du cor})S, il fut impossi-
ble aux bouir aux d"y réussir, ce qui le rem-
plit d'un tel étonncment, quéiant tout à coup
changé, il crut en Jésus-Chinst et fut lui-
même mis à la torture par l'ordre de l'enqie-
reur; tandis ({ue Fauste a^^ant eu la têle
tranchée et tout le corps percé de clous, fut
jetée dans une jioêle ardente. Alors on en-
tendit une voixcélste qui l'appelait, et à
l'instant même, elle p.issa avec Evilase au
séjour du repos éternel. L'E-,lise fait leur
fêle collecliv, ment le iO septembie.
FAUSTIN (saint;, eut la gloire de doniier
son sang avec sarnl Jovite à Bresse, sous le
règne et durant la pei'sécution d'Ailrien, en-
viron l'an 120. L'histoire que Boliandus en
donne ne nous parait pas de nalui e à méri-
ter créance. L'Eglise fait sa fêle le 15 fé-
vrier.
FAUSTIN (saint), l'un des gardes de la pri-
son de saint Ceiisorin ou Censorinus, sous
Claud 11 le Ciothi([ue, fut converti h la foi
chrétienne pai- le |)rêlre s int Maxime, avec
les sanus autres girdesdela .t'ison, lesquiîls
étaient Félix, Maxime, llurculan, Numè.e,
Sloracinus, Mené, Commode, lierne, .Maur,
Eusèbe, lUiSliiine, Amandi' u>, Monai re, O-
lyinp , Cyprieii et Tnéodi.re. (Poui- voir leur
hist(jire, i-ecoure>c à l'ai'ticlo M uuyks d'Os-
TiE j Ces saints no sont i»as nommés au .Mar-
t^ti'olo^e romain.
" FAÙST.N, prêtre de l'Eudise d'Alexandrie.
Duiiiiit la perbécuiiou de ï)è.:e, saint Dcnys,
évècjiie di; i uile \ ille, envu^ail ses prêiies
M'Xime, Diobcorc. Demôje cl Luce, parler
973 FAU
aux (idMcs des secours cl des consolations.
F.Mislin, qui, dit le saint, (^lail plus célchio
dus lo inond(>, allait de rôle et (Vnulrc dans
rK;v|)te pour so caclicr. Nous devons -^ous
al)s;cnir do comnieulaircs; car à Cftlc 6[)o-
(jut^ nous voyons de grands saints prendre
la fuite pour éviter la pers^culoi. Cepen-
dant il y a comme un rej)roche dans les pa-
roles de saint Dcnys, cl d'a()rès les règles
ordinaires, le prôtre dod rester nrôs de son
truu leau eu temps do persécution, comme
le soldat j)rùs du drapeau le jour du combat,
comme le médecin dans le lieu où sévit l'é-
pidémie.
FAUSTIN (saint), l'un des compagnons du
saint martyr Cyiiaciue, diacre de l'Eglise
romaine, mourut en 303, h Home, sur la voie
S laria, où il fut enterré. Ils furent vingl-
si\ dans le même jour mis h mnrt au niéme
Ciidj'oit, L'Eglise célèbre leur fête collective
le jour de leur translation, ((ui eut lieu le 8
aOiH. ( Voy, Cyhi.vqjje. Voy. aussi l'abl)!^
(jranditîiei', llist. de VEglise de Strasbourg. )
FAUSÏIN (saii t), et saint Sim: lice, son
frèr' , habitaient Kome au temps delà i)ersé-
culioii de D oclélien. En 303, ils furent arrê-
tés pour la foi, cruellement tourmentés et
Ciiiin décapités. On jeta leurs corps dans le
Tiore. Béatrix, leur sœur, les en ayani reti-
rés, les enterra, puis elle passa le fleuve et
resta sept mois cachée cnez une l'erame,
iioujmée Lucine, avec laquelle elle était jour
et nuit en prières. Au bout de ce temps, un
de Si s parents, qui désirait s'apfiroprier ses
biens, la dénonça. Ayant protesté devant le
juge que jamais elle n'adorerait des idoles de
b )is et de pierre, elle fut étranglée dans sa
prison. L'Eglise honore tous ces martyrs le
29 juillet. [Voy. les Bollandistes. )
FAUSTIN (saint), martyr, mourut pour la
foi en Afrique, avec les sa nts Lucius, Can-
dide. Célien, Marc, Janvi( r et Foitunar. Le
Martyrologe n a laissé aucun renseignement
aulhentique sur eux. On ignuie ju&(|u'ti l'é-
poque où eurent lieu leurs cojobïus. L'E-
glise hono.e la mémoire immortelle de ces
saints combatlanls de la foi le 15 décem-
bre.
FAUSTIN (saint), est inscrit au Martyro-
loge romain le 22 mai, avec les saints Timo-
thée et Vénuste. Ils souliViient le martyre
ensemble à Kome, à une époque et dans des
circonstances qui ne sont point parvenues
jusqu'à nous. L'Eglise fait leur fête le 22
mai.
FAUSTIN (saint), fut martyrisé à Rome
poui- la défense de Ja relig on chrétienne.
Quarante-quatre autres dont nous ne possé-
dons malheureusenjent pas les noms, le sui-
virent dans sa gloire. L'Eglise fait collecli-
vemeiit leur mémoire le 17 février.
ï AUSTIN (saint), évèque et confesseur,
Sûuifrit de grands tourments en Thonneur de
Jésus-Christ. Nous n'avons point de déiails
authentiques sur lui. L'EJise fait sa fête le
IG février.
FAUSTINIEN, juge commis par l'empereur
Dèce pour juger les deux sœurs Victoire et
Auatolie, que leurs deux liancés Eui^ène et
fEL 9:4
Aurélien n'avaient [)u faire changer ae réso-
liJlio 1, après ({u'el es eurent déclaré (jue, ne
voulant être (juo les épouses du Seigneur,
elles r(;no-'çaient à l'é al <io mariage. Fau.s-
tinien les ht toutes deux p<'rcer avec une
épée. L(!s Actes des saintes disent |u'ii fitje-
ter suc sainte Analolie un serin i:l ({ui no
1 i (il aucun mal. Durant les lourmeiiis qu il
n endurer aux deux saietes avant de I. ur
f ire donner le coup mort'd, un nommé Au-
dax, témoin de leur inébranlable courage,
S(> déclara chrélien. Fauslinien le fil immé-
diatement arrêter et conduire en prison,
puis décaftiter sans aiu;un délai. {Voy. Vic-
ToniE, Anatolie, Audax, Eugène, Alké-
LIEN )
FÉHHONIE (sainte) , vierge et martyre,
reçut la palme des glorieux combattants de
la foi à Sibapolis en Syrie, pour la conser-
vation d" sa foi et de >a chasteté. Durant la
persécution de Dioclétien, sous le juge Ly-
siiiiaque, elle fut d'abord fouettée et tour-
mentée sur le chevalet, ensuite déehiiée
avec des peignes de fer et jetée dans le feu.
Enfin, ayant eu les dents cassées, les ma-
melles couj)ées et la tête tranchée, parée de
ses soulfrances comme d'autant de précieux
ornements, elle alla dans le ciel rejoindre
son divin époux. L'Eglise honore sa mé-
moire le 25 juin.
FÉLICIJ'.N (saint), cueillit la palme du
mariyie h Vienne, en Caules, sous le règne
de l'empereur Marc-Aurèle. 11 fut mis à morl
avec saint Séverin et saint Exupère. On
manque de détails sur leur martyre. Ces
saints , vers le milieu du iv' siècle, ré-
vélèi-ent eux-mêmes , à l'évêque Pascase
le lieu où leurs corps avaient été en
terrés. Le saint évêque les fit transporter
dans l'église de Saint-Homain. La léte de
ces trois saints a lieu le 13 novembre. {Voy.
Sévekix.)
lÉLICIEN (saint), reçut la couronne du
martyre sous l'empire t.e Dèr.p, en l'année
250. il avait éié nomm > é' êquo de Foli^^ni,
par le pape saint Mitor. Quand il a^ comî lit
son sacrifice, il était prveMi à un âge fort
avancé. Malheuieusenieni h s déic. Is man-
quent sur te ganc ce uio t de ce Soint évê-
que; caries trois Vies qee donne Bt/l'aii'.us.
sont toutes t. ois coniiadictures, et toutes
trois isolément insoutenables. L'Eglise fai.
sa fête le Si janvier.
FÉLICIEN (sanit), souffrit le martyre à
Nomente, vers l'an 286, avec saint Priuie.
Ces (leux citoyens, c"est-à-d\re h; bitants ùe
Rome, furent, dit-on, déférés à Dioclétien et
à Maximien Hercule, parce que leurs dieux
ne voulaient pas rendre d'oracles que ces
deux chrétiens n'eussent été punis ou con-
trauils de sacriiier. Ils furent pris et amenés
aux deux empereurs, devant qui, ayant eon-
fessé la foi et refusé de sacrifier, ils fm-ent
décliirés h coups «le fouets, el puis remis,
dit-on, entre l.'S mains de Promote, juge de
Nomente, po r leur faire souffrir toutes sor-
tes de i.upj)liccs, s'ils ne voulaient sacrifier.
PiOUiote s'acquitta trop fidèleaieot de sa
commission, et ai)rès avoir tenu longteiii|.s
975
EEL
FEL
976
les saints en prison, il leur fit souffrir bien
des tourmonts et leur fit entin trancher la
tète, le 9 )iii'i, jour auquel leur fôte est mar-
qué partout. Leurs Actes portent que saint
Félici''n avait alors quatre-vingts ans: dont
il y en avait trente qu'il avait connu la vé-
rité, et qu'il s'était résolu à ne plus peiser
à tous les plaisirs du monde pour servir
uniquement son créateur.
Nous passons plusieurs autres choses,
qu'on pourrait tirer de ces Actes; car, quoi-
qu'ds ne soient p:is des plus mauvais, il y
a néanmoins diverses choses qui font de la
peine et qui auraient besoin d'être corrigées,
comme dit Baronius. Pour la v nération des
saints, elle est attestée par les Martyrologes
de saint Jérôme, par Bède, Adoi (jui copie
presque leurs Actes, et j.lusieurs autres. Leur
fête est marquée partout au 9 juin, mèuie
dans le Sacramentaire dj saint Grégoire et
dans le Calendrier du P. Fro'ito. Leurs Ac-
tes portent qu après que la persécution eut
cessé, les chrét eus bâtirent u e ég ise sur
leur lumbeau, près de Nume-ite, ou Lamen-
tana, comme on l'appelle aujourd'hui, à cinq
ou sii lieues de Uoine, et il y avait en cet
endroit un cimetière de leur nom. Le pape
Théodore transporta de là leurs corps à
Rou)e, vers l'an 6V5, et les mit dans l'église
de Saint-Etienne, sur h; mont Cœlius, d'où
vient qu'Usuard en f)arle comme si c'était
le lieu de leur martyre. On met aussi un
saint Prime et saint Félicien, ujartyrs. à
Agen. {Voy. Tillemont, tome IV^ [)age 571.)
FÉi.lCliiN (saint , martyr, l'un des >ulJats
qui gardaient sa ni N'ictor dans sa prison, à
Marsei le, se convertit en vo anl la lumière
miraculeuse qui éclaira durant la nu;t celte
prison. Maximien l'ayant su, lit venir saint
Victor avec les trois soIJats convertis ,
Alexandre, Loigin et Féli^àen, et les ht dé-
capiter tous les trois. L"Fgli>e célèbre la
mémoire de ces saints martyrs, avec celle
de saint Victor, le 21 juillet. [Voy. Victor
DE Mauskille.)
FÉLICIKN (saint), martyr, souffrit à Uome,
pour la foi de Jésus-Christ. Il eut jjour com{)a-
gnons de son martyre les saints Forlunat,
Firme et Candide. On ignore à quelle éj>o-
que et dans (Quelles circonstances leur mar-
tyre eut lieu. L'Église célèlj.e leur mémoire
le 2 février.
F'ÉLICIKN (saint), reçut la fialme du mar-
tyre à Kavenne, avec l-s saints Valentin et
Victorin.Oa ignore la d de et les Circonstan-
ces de leur combat. L'Flglise honore leiu-
saillie mémoire le H novembre.
FÉLK^il-lN (saint), eut le glorieux privi-
lège de verser son sang pour la défense de
la religion chrétienne, avec les saints llyaciu-
lh(;, Ouiiit et Lucius. Leur martyre eut lieu
en Luoanie. L'iiglibe fait leur fêle le 29 oc-
tobr.-.
FÉLlCIIiN (saint), évèipm et martyr, reçut
la palme du marlyrt; à Mindei, en Allciiia-
^iie. No'is ne possédons aucun détail sur
1 épo pie et les cin oiistaiic(iS de son mar-
tyie. L'l'',gli.s(î honore sa glorieuse méiuoiro
le 2U octobre.
FÉLICIEN (saint), souffrit le martyre en
Afrique, avec saint Philappien et cent vingt-
quatre autres dont les noms ne sont [ioint
parvenus jusqu'à ions. L'Eglise honore hmr
mémoire le .30 janvier.
F'ÉLICISSIMÈ (saint), confesseur; le Mar-
tyrologe nnuain le nomme martyr. [Voy. h
cet égard les (jb^ei valions (|ue nous fai-ons
à l'article de saint Rouatien.) Saint F'éli-
cissime eut la gloire d'ôt.e l'un des pre-
miers à soutenir i n Afrique l'effort de la
persécution, sous l'ein;)ire de Dèce, en l'an
de Jésus-(^hrist 250. D'après ce qu'en dit
saint Cyprien, il demeure fort probable que
saint Félicissime était un sinifile laïque. Il
montra un courage inébranlable, une vertu
à toute épreuve, et tous les historiens, à
commencer par saint Cyprien, qui avait été
le témoin de ses vertus, le donnent comme
le très-digne compagnon du prêtre saint
Rogatien. L'Eglise ce èbre sa fête, avec celle
de ce dernier saint, le 20 octobre.
FÉLICISSIME (saint), diacre et martyr, fut
mis à mort pu 253, sous V.lérien, avec saint
S.xie, en mène te nj)sque les saints diacres
Aga|)et, Janvier, Magne, Vincent et Flienne.
Ils furent tous ilécapdés. L'Eglise honore la
mémoire de tous ces saints le 6 août.
FÉLICISSIME (saint), 1 un d"S deux fils de
Claude, le geôlier, à la gai'de duquel avaient
été remis les saints Marc et Marcellien, du
temps de rem;)ereur Ca in, en ûSï, souliVit
le martyre en Cam;;anie, où il s'était retiré
avec saint Chromaie et beaucoup d'autres
chrétiens. Il esi probable que cela n'arriva
qu'en 2 6. Ce sai it avait été converti par
saint S bastien, et baptisé par le prêtre
saint Polyca^ie. Il avait été fait probable-
ment sous-diacre, ainsi que son frè e saint
Félix. L'un d'eux se nommait au>si Syin-
phorien, on ne sait lequel. Or, on trouve
que celui qui se nommait Sébastien fut
martyrisé à Uome avec son père : c'est ce
qui fait que l'un des deux saints ne fut pas
martyrisé en Campanie, quoi qu'en dise le
Martyrologe romain, et par do ibic emploi
les Actes de saint Sébastien. La fêle de saint
F'élicissime est inscrite au Martyiologe ro-
main à l:i date du 2 juillet. (Foy. Séuastiex
et Claude.)
tÉLICiSSIMIî; (saint), reçut la couronne
du martyre ;i Todi, avec les ;-aints Héraclius
et Paulni. Nous ma upio is de déta.ls authen-
tiques. L'Eglise fait la fête de ces glorieux
mariyrs de la foi le 20 mai.
FÉLICISSi.VlF (saint), versa son sang pour
la foi à Pérouse. Les Actes des martyrs ne
nous donnent aucun détail aulheiilitpu! sur
lui. L'Eglise fait sa mémoire le 2V novem-
bre.
FÉLICISSIME (sainte), vierge et martyre,
fut mise à mort |'Our la foi durant la persé-
ciilion de Claude II le (îollinpie, avec saint
(iiacilien, dans la vilh; de Falère en Tos-
cane. On la frappa rudeimnit sur la bouche
avi!C des cailloux, parce qu'elle avait con-
fes é la loi, puis eiilin on la lit périr par
le glaive. Sa fêl(! arrive le 12 août.
FÉLICITÉ (sainte), était Uoinaine ; elle vi-
977
FEL
TEL
078
vait sous l'empire (rAntonin, et elle ne s'é-
tait pas HMidiie moins illiislro par sa vertu
(prcllo l'c'tail par sa uaissaïKîo. Scfit (ils (|uo
le ciel lui avait (ionurs vivaient avec elle da-is
une coutinu(>lle inaliciue dos vertus chré-
tiennes, et dans une parfa te union entre
eux. Pour ell(N étant demeurée libre par la
mort de sou mari, elle consacra h. Dieu sa
chasteté, et vaquant jour et nuit h la prière,
elle était rc\enr[)le des veuves et l'édilicalion
de l'E.^lise. Mais les f)rètres des fau\ dieux,
s'apenevant ([ue les vertus de cette excellente
veuve attii aient plusieur's |)ersorrnes au clu'is-
tianisme, |)ar Todeur qu'elle répandait dans
toute la ville, allèrent Ir'Ouver l'empereur et
lui parlèrent ainsi : « Nous croyons, si-ignenr,
vous devoir aver-tii' (ju il y a dans Rome une
veuve de cette secte ennemie de nos dierrx,
qui ne cesse do leur faire outr-ago, et de les
irriter contre vous et votre empire. Elle est
secondée dans cette impiété [>ar ses enfants;
elle a sept tils, qiii, chnUicns comme leur
mère, font comme elle des vœux sa. t ïéges,
et qui rendront nos dieux implacables, si
v tre piété no jn-end soin de les apaiser, en
obligeant celte famille impie à leur rendre le
culte qui leur est dû. » Celle harangue sédi-
tieuse lit impression sur l'espr t d'Antonin.
Jl manda Publius, préfet de la ville, el lui
enjoignit de conlr-aindre par toutes sortes de
voies Félicité et ses enfants de sacritier aux
dieux, et d'apaiser par des victimes ceux
dont ils s'étaient par leurs méjjris attiré la
juste indignation. I e préfet obéit aux ordres
de l'empereur. H mit d'abord la douceur en
usage; il i)ria civilement cette dame de se
rendre chez lui ; elle y alla accompagnée de
ses sept tils. Publius la prit en particulier, et,
mêlant adroitement quelques menaces à des
m'inièies engageantes, il lu' fit entrevoir les
peines qui l'attendaient si elle ne se rendait
à toutes les niarques de bonté et de confiance
qu'il lui donnait, et ne profitait des moments
que l'empereur lui accordait pour mériter sa
clémence par un proiu|)t repentir. Maisl'in-
Irépide veuve lui répondit avec une assu-
rance noble et une modeste fierté : « N'es-
pérez pas, Publius, qu'une molle complai-
sance ou une lâche cr-airite fassent oublier à
Félic té ce qu'elle doit à son Dieu; vos me-
naces ne sairraient ra'ébranler, ni vos pro-
messes me séduir(;. Je le porte dans mon
sein, ce Dieu tout-puissant ; je sens qu'il me
fortifie, et il ne permettra jamais qu» sa ser-
vane soit vaincue, [»uisqu'elle ne combat que
pour sa gloire. Ainsi, Publius, vous avez le
choix de me laisser vivre, or de me faire
mourir; mais, quelque parti que vous pre-
niez, vous pouvez vous attendre à la honte
d'être vaincu rar une femme. — Misérable 1
ré .liqua le préfet, si la mort a pour toi de si
grands charmes, va,mein-s,je ne m'y op[)Ose
pas; mais quelle fureur te pousse à vouloir
ô er la vie à tes enf uits, après la leur avoir
donuî'e? — Mes enfants vivront, repaitit Fé-
licité, s'ils refusent de sacrifier à vos id les;
mais si leurs m ins devenues sacrilèges leur
otl'r nt un criminel encens, une -mort éter-
nelle sera la punition de cette impiété. »
Le lendemain de cet entrelien, le préfe-
séant sur son tribunal, dans le Cham[)-de-
Mars, cnirrmanda qu'on lu: ameirAt Félicité
el ses fils. Lorsqu'elle fut «Icvairt lui, il liri
dit : « Ayez pitié do vos enfants, et ne soyez
pas cause, par rrne résistance pcni sensée,
que dos jeunes gens d'une si belle espé-
rance soient enlevés du mondri h la ileur de
leur Age. — (îai'dez pour- d'autres celle fausse
compassion, ré()ondit Félicité, nous n'en
voulons point, et nr)us avons horreur d'une
clémence ap[)ar(mte, (\u\ n'est en effet cpi'une
cruelle im|)iélé. » Puis se retournant versses
fils : « Voyez-vous, mes cnfarrts, leur dit-
ello, ce ciel si beau et si élevé? c'est là que
Jésus-Chr-ist vous attend pour vous couron-
ner. Combattez génér'ousenrent pour sa gloire
et pour la vôtre, el montrez-vous fidèles ser-
viterrr-s d'un roi si grand et si digne de tout
votreattach -menl.MCes parties, pleirr es d'une
vérit tbio grairdeir d'Ame, ne firent ((u'irriter
le préfet ; il commanda qu'on lui donnAl un
soufllet, b i disant d'un Ion de voix furieux:
« Oses-lu bien, en ma [»résence, leur inspirer
do pareils sentiments, et les porter h mépri-
ser ainsi les or'dres de nos empereurs ? » Et,
faisant ensuite approcher de son siège l'aîné
des sept frères, nommé Janvier, il fit tousses
ell'oits pour l'engagera sacrifier, tantôt en lui
jrromettant des biens immenses, el tantôt en
lo menaçant des plus rigoureux supplices.
Mais ce vaillant soldat de Jésirs-Chiist lui
répondit : « Vous ne me donnez pas là un
conseil digne d'un sage magistr^at ; il vaut
mieux p ur moi que je suive celui de la sa-
gesse même, c'est de mettre toute mon csi)é-
ranee au Dieu que je sers; il saura me ga an-
lir de tous vos ar-titices, et il me fera surmon-
ter les maux dont vous me menacez. » Le
préfet l'envoya en |)rison, après lavoir fait
cruellement fouetter. Félix se présenta en-
suite; Publius le pressant dcsaeritier, il luidit
avec beaucoup de fermeté : « Nous ne sacri-
fions cju'à un seul Die ir que nous adorons, et les
s ".orifices que notrs lui offrons sont des vœux,
des [irières et les sentiments affectueux d'une
dévotion sincère. Croyez-rrjoi, c'est en vain
que vous vous efforcez de nous faire ri noncer
à l'amour que nous avons pour Jésus-Christ.
Prerioz contre r.ous los résolulioi.s les p. us
saiiglantes; épuisez sur nos corps h s forces
de vos bourreaux , les tourments que la
cruauté la plus ingénieuse vous suggérera :
rien n'ébranlera notre foi, ne diminuera
notre espér-ance. »
Le préfet fit retirer celui-ci, et Philippe pa-
rut aussitôt sur les rangs. Publius luidit:
« Notre invinc ble empereiu'Antonin Auguste
vous ordonne de sacrifier aux dieux tout-
puissants. » Philippe répondit: « Ceux à qui
l'on veut que je sacrifie ne sont ni d eux ni
tout-puissants ; ce ne sont que de vaines
r9|)résentations, des statues privées de sen-
timent, et qui servent de retraites aux mau-
vais démons ; si je sacrifiais à ces misérables
divinités, je mériterais d'être comme elles
précipité dans un éternel malheur. » On ôta
Philippe de devant le préfet, qui frémissait
de rage, et Silvain prit la place de son frère.
979
rtL
FEL
980
Publias lui parla ainsi : « A ce que je vois,
vo is agissez tous de concert avec la plusnié-
chanle de toutes 'es femmes, dans !a résolu-
lion que vous avez prise ensemldf de déso-
bi'ii à nos princes. Une mèi-e dénaturée vous
emi'Oisonne de ses conseils pernicieux ; f^lle
vous inspire la révolte et rim;)iété ; mais
craignez de tomber avec elle dans le même
précipice. » Silvain répondit au préfet : « Si
nous étions assez faib'es ou assez im|iru-
dents pour nous lai-^ser ébranler | ar la crainte
d'une mort qui ne dure qu'un moment, nous
devien Irions la p oie d'une mort qui ne doit
j^nnais finir. Mais la religon que nous pro-
fessons nous apprenant qu'il y a dans le ciel
des récompenses pour les gens de bien, et
dans l'enfer des supplices pour les méchants,
nous n'avons garde d'obéir à des ordres qui
nous proposent un crime à commettre ; mais
nous obéissons aux lois de notre Dieu, qui
ne nous inspirent que l'amour de la vertu.
Quic nque méprise vos idoles pour ne servir
que le vrai Uieu, vivra éternellement avec
lai; mais le culte abominable des démons
vous piécipilera dans des feux éternels avec
vos dieux. »
Le pr éfet écouta impatiemment cete sage
remontrmce: il fit signe à celui qui la lui
fdisait de se retirer et de se taire. 11 fit en-
suite aj)i)roctier Alexandre: «J une homme,
lu dit-il, ta desti 'ée est entre tes mains;
jH-'-nds f)itié de toi-môiini, sauve une vit; qui
ne fait encore (^ue (commencer, et dont je ne
pounais m'empôcher de regretter la perte.
Obéis aux ordres de l'ernoereur ; sacritie, et
tâche de mériter |)ar cette corn )lais'nce reli-
g euse la p otection des dieux ei la faveur
dos Césars. » Alexandre se pressa de ré-
pondre au magistrat : « Je seis im niattce
plus puissant que César , c'est Je us-
Clirist. Je le confesse de bouche, je le porte
dans le cœur, et je l'adore sans cesse. Cet
âi^e, au reste, qui ^'ous paraît si tendre, qui
l""est en elfef, aura toutes les vertus de l'âge
le plus avancé, et surtout la prudence, si je
demeure fidèle à mon Dieu. Mais, pour vos
dieux, puissent-ils périr avec ceux qui les
adO'-ent ! »
Vital ayant été ensuite amené devant le
pr.'fet, Filbl us lui dit : « Pour vous, mon fils,
v us ne venez pas, comme vos frères, cher-
cher follement à mourir; je connais que vous
avez l'esprit trop bien fait pour ne pas pré-
féier un" vie iieureuse et comblée de toutes
sortes d • biens, à une mort triste et h-m-
te ise. » Vi!al lui répondit : « Il est vrai, Pu-
lilius, j'aime la vi • , cl c'est f)0ur en jouir
lo gteiûps que j'adore un seul Dieu, et que
j ai en horreur i'S démous. — Et qui soni-ils,
ces démons? répliqua le préfet.— Ce sont les
dieux des naiions, reprit Vital, et ce ix (pii
les reconnaissent pour d(!S dieux. » Enfin,
Publius ayant tait entrer le dernier des s(!pt
frères, a[)()elé .Martial : « Je plains vos infor-
tunés frères, lui dit-il ; ils se sont attirée ix-
méfues les malheurs dont ils voi.l être acca-
bl<''«i. Voule/.-vf>u.s suivre lour e\orn;)le, et
inépriserez-vous comme eux les oidoinianres
de nos princes? — Alil l'ubUus, répondit
Martial, si vous saviez quels tourments ef-
froyables sont préparés dans les enfers h
ceux qui adoi-ent les démo-rs... Mais D eu
lient encore la foudre suspendue, n'attondez-
pas qu'il la lance sur vous et sur ces mêmes
dieux, en qui vous mettez votre confian'-e.
Ou ri'connaissez(|U'' Jésus-Christ est l'unique
Dieu que tout l'univers doit reconnaître, ou
tren:blez à la vue des flammes qui sont prêtes
à vous dévorer. »
I.e préfet envoya h l'empereur le procès-
verbal de tout ce qui s'était passé dans les
divers interrogatoires qu'on vient de rappor-
ter. Cependant Antonin commit à ditférents
juges le soin défaire exécuter la sentence de
mort qu il avait portée contre Félicité et
contre ses sept fils. Il y eut un de ces juges
qui lit assommer à couj)s de plombeau le pre-
mier de ces saints martyrs ; un autre fit mou-
rir le second et le troisième à coups de bâ-
ton; un autrefit pr;'ci[)iter le quatrième dans
le Tibre; un fit trancher la tête aux trois
derniers ; un autre enfin fit 'endurer la même
peine à la mère de ces a Imiiables confesseurs
de Jésus-Christ, qui, par des, routes différen-
tes, arrivèrent tous au iieu où ce juste juge
les attendait pour leur donner à chacun le
prix que méritait leur invincible constance.
(Ruinart.)
FÉLICITÉ (sainte) , martyre à Carthage,
reçut la couronne immoi telle dans cette ville
avec sainte Perpétue, sou*^ l'empire de Sé-
vère , en 202 ou 203. (Pour plus de détails,
il est impo. tant de hre les Actes de sainte
Peupétl'k a sou article.) La fête de sainte Féi
licite a lieu le 7 mars, avec celle de tousses
compagnons.
FELÎCULK (sainte), vierge et martyre, souf-
frit à Rome sur la vo.e d'Ardée. Ne voulant
ni épouser Flaccus ni sacrifier aux idoles,
elle fut mise entr^ les mains d'un juge par-
ticulier qui, la trouvant toi jours ferme et
constante à confesser Jésus-Christ , la fit
tourmenter sur le chevalet jusqu'à la mort,
après l'avoir tenue longtemps dans une té-
nébreuse prison sans lui donner à manger.
Après sa mort , on jeta son corps dans un
égoût, mais saint Nicomède l'enterra sur la
voie d'Ard 'e, la même où elle avait souffert
le mar.yre. L'Eglise fait sa mémoire le 13
juin.
FÉLICULE (sainte) , reçut la couronne du
martyre à Rome ]»our la défense de la reli-
gion chrétienne. Elle eut pour compagnons
de son martyre les saints Vital et Zenon.
Nous n'avons pas d'autres détails sur leur
compte. L'Eglise honore leur mémoire le li
février.
FKLIHAUZER (ELiSAnrxn), l'une des reli-
gi(Mises de Saint-Basile, établies à Min-k eu
L thuanie, et connues sous le nom de rHIrs
de la Snintr-Tiinife', ipii furent expulsées île
leur couvent et livrées aux perséeiilions les
plus violentes d uis le conraîit de l'annéo
1837, par le czar Nicolas et S emasizko , évê-
que apostat. On les avait renfermées dans
un couvent enh;vé à d'autres religieuses
pour jiasser entrt> les mains d'une commu-
nauté de Czernice ou Filles-Noires, recru
I
I
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FEL
FEL
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t(^os parmi los veuves de soldats «russes et .es
lilles de imeiirs di^vj^lées. Ces lillcs passaient
leur temps à s'injurier, à se battre (ît à s eni-
vrer avec de l'eau-de-vie. Elles tenaient U'S
Basiliennes sous une si rude disripline, (pie
la malheureuse Klisabtlli Feliliauzer devint
follr. {Voy. l'arliLieiMiKezvLAWSKA.)
FfXIN (saint), soldai, i'ut m;\rt\ risé à Pé-
rouse, sous le rA-ne et durant li p( rséc iition
de rem{)ereur Dôee , avec saii.t (Iratniien,
soldat eonune lui. Nous manquons de dc'Mails
fltitht'nli'iues sur la nioit de ('(.'S deux s inis.
L'Ki^lisc fait leur l'cMe le l'^juin. Diie qu" Is
ont soutlVrt sous Dè'ce , c'est al'lirmcr 'jU'ils
ont soulVert de cruels tourments. On sait
quel H'Ml le earacU^^re de l.i persécution de
ce j)rince, qui, par la violence des tourments,
avait pour but [)lutôt d'amener les chrétiens
à abjurer que de les faire mourir.
FELIX, gouverneur de Judée , résidait à
Césarée. Il était frète de Palla-, affranchi de
Claude. Il passa en Judée vers l'an 53 et
é^ ousa Drusilîe , lille du vieil Agrippa. Ce
fut à lui que saint Paul, arrêté [)ar les Juifs,
fut envoyé par Claude Lysias, tribun, qui le
leur avait enlevé. 11 garda le saint apôlre en
prison. Rappelé par Néron pour les pillages
et les exactions qu'il se permettait en Juiiée,
il fut accusé à Rome par des Juifs qui s'y
rendirent exprès i)Our le faire punir. Il fal-
lut, pour le sauver, la fortune et le crédit de
son frère Pallas.
FÉLIX (saint), fut martyrisé à Nocéra avec
sainte Constance , durant la persécution de
Néron. On célèbre sa fête le J9 septembre.
On manque de documents certains à propos
de ce saint martyr.
FÉLIX (saint), l'un des sept fils de sainte
Félicité, mourut martyr avec ses frères et sa
mère h Rome, sous le règne de Marc-Aui èle.
Le préfet Publius le pressant de sacritier, il
répondit avec beaucoup de fermeté : « Nous
re sacrilions qu'à un seul D eu qne no s
adorons, et les sacrilices que nous lui of-
fro s sont des vœux, des prières et les sen-
timents affec'ueux dune dévotion sincère.
Croyez-moi, c'est en vain que vous vous ef-
forcez de nous faire renoncer à l'amour que
nous avons pour Jésus-Chiist. Prenez contre
nous les résolutions les plus sanglantes,
épuisez sur nos corps les forces de vos bour-
reaux , et tous les tourments que la cruauté
la plus ingénieuse pourra vous suggérer,
tout cela ne sera capable ni d'ébranler notre
foi , ni de diminuer notre espérance. » Le
préfet fit ! étirer Félix et adressa son rapport
a l'empereur. Celui-ci fit paraître les sept
frères devant des juges spéciaux , qui firo-
noncèreiit et tirent exécuter leur sentence.
Saint Félix fut tué h coups de bUon. L'Eglise
fait sa fête le 10 juillet. [Voy. Félicité.)
FÉLIX (saint), souffrit le martyre k Va-
lence, vers le 23 avril de l'année 211 ou 212,
sous un général d'armée i.ommé Conseille,
vers le commencement du règne d'Aurèle
Antonin Caracalla. Il eut pour compagnon
de son martyre saint Fortunat. Le Martyro-
loge d'Adon et tous les monuments que nous
avons de ces saints disent qu'ils étaient dis-
ciples de saint Irénée , et que ce fut lui qui
les envoya prêcher la parole de Dieu h ^'a-
lence en Dauphiiié. Nous avons des Actes de
tons ces saints , mais qui ne [laraisst ni pas
capables de faire une grande autnrilé. Aussi
nous nous c iitentons de dire (|u'après avoir
prêc é quelque temps et converti, dit-on, le
ti(Ms au moins de cette v lie , ils soullVirent
de fort grands tourments. Saint Félix et saint
Foilunat siint marqués, dans les Martyrolo-
ges <pii poitent le nom de saint Jérôme, le
23 avril, il Valence dans les Gaules; ce qui
a été suivi par Usuard, Adun, Noiker (t tous
les autres, hors Pieir-i; de Nutalihus et quel-
ques Ksf)agnols encore plus nouveaux, (pii
les ont mis <i V; lence en Espagne. On mar-
que qu'il y a un i)rieuré de Saint-Félix au
lu'u où ils ont souffert, ma s que leurs corps
ont été transférés (ians l'église de Saint-
Corneille et S;.inl-Cypri( n , qui est la cathé-
drale de Valei;c(; en Dauphiné. On en a tratis-
po.té à Ai-les une partie considérable. On
prétend les avoir dans un monastère de Na-
v;.rre, u.ais on n'en donne pas de preuves.
L'Eglise fait leur fête le 23 avril.
FÉLIX (saint) , éîait muichand à S;uili."u ,
dans les environs d'Autun. Chiélien feive. t
et cliai'itable , il donnait aux [lauvres le> l;é-
néfices qu'il faisait dans son négoce. S. int
AndOvhe et saint Thyrse, (pii veiiaiait d'Au-
tun , étai t vmus à Saulieu pour } i)ièeh( r
l'Evangile, Félix les reçut dans s maison,
qui devint le siège de leurs prédicat ons (Ij.
Ln des oiliciers di, gouverneur vint ( liez Félix
])oury lo^er, et ayant vu les saints qui y don-
naient kuiS insti'Uv'tions , il alla les dénon-
cer. Le gouverneur les ht ;;rrêter. Saint Félix
voulut [:aitager leiîrs périls t leurs triom-
plies. 11 l'ut arrêté avec eux. D'abord on les
fouitta; ensuite on les laissa pendus tout un
jour à des arbres par les m ins , Its pieds
cliarg-^s de grosses pierres. Ce sup[)lice
na.vant pas mis tin à leurs jours, on les jeta
da s le feu, qui ne les brûla point. Les pet-
sécuteurs, pour en finir, les assommèrent à
coups de bâtons. On fait sa fête le 2i sep-
tembre.
FÉi.IX (saint) , martyr, fut mis à mort à
Rome, sous 1 empire de Maximin 1", avec sa
femme Blaude, et en même temfis que le sé-
nateur Simplice, sa femme , ses enfants et
soix.nte-huit personnes d ' sa famille. {Voy.
SiMPLicE.) Les têtes de tous ces saints mar-
tyrs fur nt exposées sur ]e~ partes de la ville
pour etirayer les auaes chrétiens. C'est le
(1) La rédaction suivante du Martyrologe romain
Birt uiiC faute : « A Autun , la fête dos saiuis inarlyrs
Aiidoctie , Tliyise , diacre, et Feli.\, (iiii, ayant clé
envoyés d'Onert par saint Po'ycaipe , évoque de
Siiiyrne, ponr prêcher dans los Gaules, ... etc. »
Salut Folix ne lut point envoyé d'Oiiont avec les
autres par saint Polycarpe : il ne lut qu'associé à
leurs soiilliiuices. Ayant eu le bonheur de loger les
saints missionnaires dans sa maison, il lut, comme
notre article le dit, mis à mort avec eux pour ce mo-
tif. Du reste , pour plus de détails et pour s'éditier
davi.n âge sur ce -fait, on peut consulter Bédé, Adoa
el le nouveau Bréviaire de Paris.
983 FEL
Martyrologe romain qui raconte ainsi les
faits.' L'Eglise honore la mémoire de tous ces
saints le 10 mai.
FÉLIX (saint), est mis parles'anciens mar-
tyrologes , et notamment par le Martyrologe
romain, au nombre des saints martyrs qui,
sous l'empire. de SiWèrc , furent brûlés vifs
pour la foi dans la ville de Carthag", et dont
il est question aux Actes de sai ite Perpétue,
dans le récit qui s'y trouve de la vision de
saint Sature.
FÉLIX (saint) , confesseur, naquit à Noie
en Campanie. Son père , ancien soldat , ori-
ginaire de Syrie, était venu s'y étdjlir. Il se
nommait Hermias. Saint Félix, avait un frère
qui prit le métier des armes; mais lui, après
la mort de son père, distribua la plus grande
partie de son bien aux pauvres et se voua
au service des autels. Il fut ordonné ;i'abord
lecteur, puis exorciste, et, bientôt après,
prêtre par saint Maxime, évêque de Noie. Sa
vertu, ses connaissances le rendirent extrê-
mement cher à son évêque, dont il devint en
quelque sorte le soutien durant les temps de
persécution qui arrivèrent bientôt
Durant la persécution de Dèce ,• en 250,
Maxime , comme beaucoup d'autres , ayant
pris la fuite pour se soustraire au supplice,
ce fut du prêtre Félix, qui gouvernait l'E-
glise de Noie, que les persécuteurs se saisi-
rent. Le juge auquel on le déféra le fit fouet-
ter et ensuite jeter, pieds et mains attachés,
dans un cachot obscur. Le fond de ce cachot
était rempli de morceaux de verre et de pots
cassés. Que le saint fût assis , debout ou
couché, il ne pouvait éviter de se tiouvcr
dessus. Ce fut là qu'un ange" tout rayonnant
de gloire vint le visiter et lui ordonna d'aller
au secours de son évêque. Aussitùt ses chaî-
nes se brisèrent , et il s dvil l'auge jusqu'au
lieu où était Maxime. Il le trouva s ais con-
naissance et presque sans vie. Félix man-
quait de tout , car le lieu où il se trouvait
était désert et inculte. Il se mit à prier et
aussitôt il aperçut une grappe de raisin siu'
des ronces à côté de lui. il en ex|)rima lejus
dans la bouche du saint évoque , qui sur-le-
champ revint h lui et reconnut son libiîra-
teur. Sur la prière ciu'il lui lit de le ramener
à son Eglise, Félix le prit sur ses épaules et
}q porta, avant le jour, à la maison épisco-
pale , où il le conlia aux soins d'une femme
vertueuse. Après avoir été caché quehjue
temps, le saint prêtre, voyant que le feu de
la persécution se calmait, reprit eomine d'ha-
bitude ses prédications. Les idolAtres irrités
le cherchèrent; ils étaient armés, lis ren-
contrèrent Félix et lui demandèrent <i lui-
même où était Félix; il les trompa par uiu;
réjjon.se é(pjivo(}ue et se sauva j)ar le trou
d'un mur qui était proche. Aussitôt une toile
d'araignée couvrit ce trou, et ceux (pii cher-
chaient le saint ne purent s'imagiiiir cpi'il
eût passé là. Il resta durant six mois (;a-
ché dans utio citerne, où une fe-iinne chré-
lieiine lui ajtportail de (juoi subsister. Il en
sortit, 'i 1h itj(,rl de Dèce, quand la paix eut
été renduf! à rK^IJse.
FEL
SS4
A la mort de saint Maxime, il réussit à
persuader au peuple , qui le voulait j)0ur
évêque, d'élire Quintus , comme étant [dus
ancien dans le sacerdoce. Ce nouvel évê(]ue
eut toujours la plus grande vénération pour
Félix , le regardant comme son i)ère et no
faisant jamais rien sans prendre auparavant
ses conseils. Au commencement de cet arti-
cle , nous avons vu (pie notre saint avait
donné aux pauvi'es la i)lus grande partie de
son bien. Le peu qu'il s'etaii réservé avait
été confis(}ué durant la persécution. Quand
la [laix fut rendue à l'Eglise, il aurait i)u de-
mander qu'on le lui restituât, et on l'aurait
fait, puiscpi'on l'accordait à d'autres. Il aima
mieux sa [lauvreté, et loua un terrain qu'il so
mit à cultiver, pour avoir de quoi vivre et
de quoi faire des aumônes. Il était si chari-
table tjue, quand il avait deux habits, il d n-
nait le meilleur aux pauvres; mais cela ne
suftisait pas, bientôt il échangeait le dernier
contre leurs haillons. Il mourut le 14 janvier
256 , dans un âge fo.t avancé. Ses reliques
sont , la plus grande partie à Noie , dans la
cathédrale, le reste à Rome , à Bénévent.
Saint Paulin rap[)orte qu'il se faisait beau-
coup de miracles parla vertu de ses reliques.
Sa lête a lieu le 14 janvier.
FÉLIX, prêtre d'Afrique, avait renié la foi
sous l'empire de Dèce , en 250, en présence
des magistrats. Sa femme Victorie avait suivi
son exemple; mais bientôt le repentir vint
parler à leurs cœurs; ils obtinrent de Dieu
le courage pour triompher de l'ennemi qui,
une première fois, les avait vaincus. Peu de
temps s'étant écoulé après (pi'ils eurent
donné des marques publiques de leur re-
pentir, ils furent de nouveau amenés devant
les magistra s. Cette fois leur courage ne se
laissa pas ébranler. Ils furent bannis et leurs
biens furent conlis(piés.
FÉLIX (saint), pape et martyr, premier de
ce nom, succéda à saint De iis dès dev.mt
l'année 209, ayant été ordonné le 31 dé-
cenibri», cinq jours après la mort de saint
Denis, selon les Pontillcaux, ou plutôt dès
le 28 ou 29 du même mois; et il semble (pie
les I lus anciens martyrologes aient voulu
marquer la fête de son o.dinalion le 29. On
le fait Romain, tils d'un Constance
Ce fut sans doute lui (|ui re(;ut la lettre du
concile d'Antioche contre Paul de Sauiosate,
adressée à son prédécesseur, et il y a tout
sujet de i)résum(r (\iu' ce fut à l'occas on de
celte lettre ([u'il en écrivit un(> autre adressée
à Maxime, évêque d'.Mex-indrie et à son
clergé. Elle est (ntée par saint (Cyrille et par
le concile d'Kphèse (jui nous en ont cons(M'vé
un endroit. Il y condamne nett(nneiit Nes-
toriiis en j)arlanl contre Paul de Samos.ite.
Plusieurs ont attribué cette lettre à l-'élix
(pii fut mis j)ar les aric.nis en la place de Li-
i)ère, en l'an .'}5'i- ; mais llaronius monlro
l'ort bien la fausseté de ce senlimcvit. On at-
tribue à saint Fidix trois autres lettres,
mais elles sont du nomhie des décrétales.
Paul de Samosate se maintenant |)ar force
sur le fciége d'Antioclie, Aurélien ordonna
988 FEL
011 272 ou 273 que ce sié^e resterait à celui
h (|iii rrviMjuo tlo Rome (Félix,) et les aiilres
évù(|nes d'Italie avaient couliiiiie d'éciire,
c'est-h-ilire h Domnu^ mis h la place de Paul
par le concile. 1) ra'it le poiitilicat de saint
FiMix. rivalise fut persécutée par Aurélieu ,
en "i7;{ oii 2'V. On honore e-ilre autres, le
15 juillet, saint lMitro|)e martyrisé à Porto
avec saiiit(> Honose (U sainte Zosiinesa sœuv,
dont d'autres font un saint, liaionius d t
(jue ce fut saint l'élix qui les aiiima à souf-
fiir pour Jésus-Cht ist, et il l'a sans doute
tiré des actes de leur martyre qu'il cite en
un antre endroit. Il en a eu de d(>ux sortes
dont les [)lus courts comptinU de|mis la nais-
sance do Jésus-Christ, ce qui mar(|ue ffuMls
ne sont pas fort anciens, et l'abrégé qu'en
donne Ferrarius le conlirmo assez. 11 fait
saint Eutrope frère des deux saintes, ce
que Florentinius croit aussi. Le martyre do
ces saints est ap, uyé par les martyrolOj^es
de saint Jérôme, et plusieurs antres. On as-
sure (]ne le corps de sainte Bonosc est à
R'tme dans une église de son nom, au dek^
du Tibre. Les actes de ces saints portent
qu'ils furent précédés dans le martyre par
cinquante soldats que sainte Bonose avait
convertis par ses exhortations et qui furent
ba|)tisés par saint Félix. Le Martyrologe
romain en marque la fête au 8 juillet à
Porto. On ignore aujourd'hui où sont leurs
CO''pS.
Les martyrologes d'Usuard et d'A.don mar-
quent le 10 de juin saint Ba>ilide, saint Tri-
pode et saint Mandate, qui soulfrirent à
Rome sous Aurélien avec v^ngt autres. Ba-
rouius nous renvoie pour leur histoire à
leurs A'Ies qui sont dans Mombritius, et à
Pierre de Nitalihus. M;iis C(U]u"en dit le der-
nier est tout à fait fabuleux, comme d'autres
l'ont déjà remarqué. Aussi Ferrari us en fait
une hisloire toute ditl'érenle, tirée d'un ma-
nns rit de sainte Marie Mnjeur. Je n'y vois
rien de mauvais, mais PI. ton, qui y est
qualifié préfet de Rome aussi bien que dans
les martyrologes, n'est point marqué dans la
liste de Buchérius. 11 y a des Actes de ces
saints qui les mettent sous Valérien. Les
Martyr'ologes de saint Jérôm" marquent, le
10 juin, un saint Basilide, mais on doute que
ce soit celui-ci.
Hermanus Contractas dit qu'en l'an 830
on apporta à l'île d'Auge (vers Constance) les
reliques de saint Synèse. Baronius entend
cela de saint Synèse ou plutôt Synète ho-
noré par les Grecs le 12 décembre. Ils le
font lecteur do Rome, ordonné par saint
Sxie et martyr sous Aurélien. Ce qu'en dit
\p Ménologe d'Ughellus n'a rien de mauvais.
Mais cela paraît venir de la même source
que ce qu'on en lit dans les menées, et il
n'y a rien de plus pitoyable. Baronius a
mis ce sanit dans le Martyrologe romain.
(On croit qu'il y a eu un saint Sabbas, ca-
piîaine Goth, qui mourut à Rome sous Au-
rélien). Saint Félix , qui avait animé les
autres au coml)at , fut bientôt lui-même
martyrisé. En effet, il est qualifié martyr
par le concile d'Ephèse, par saint Cyrille et
FEL 986
I)ar Vincent de Lérins. Il y a néanmoins lieu
de croire (pi'après avoir mérité le litre de
martyr selon le langage (hî ce tmnps là, eu
soulfrant beaucoup |)Our Jésus-Chr'ist, il est
mort ensuite ou dans la prison on (h; ([uelque
mort naturelle plutôt (jUC |)ar la violence des
tourmonls. La chroni({U(! de Nicéphon; lui
donne le titre de confesseur. Los Ponliticanx.
(•onvi(!nnent assez qu'il mourut en 27V, et il
y a appar(!nce (pièce fut le 22 décembre, an-
([uel les plus anciens Martyrologes mar(juent
saint Félix, évêque à Rome. Ainsi, il aura
gouverné cinq ans, coinnu^ on le lit dans
Eusèbe, dans la Chronique de saint Jérôme,
dans les Martyrologes d'Usuard et d'Adon,
dans le Syncelle, dans la Chroni(jue de Nicé-
phore, dans Euty(jue (\m rap|)elle Pbilet. Le
catalogue do Buclunnus ajoute h ces cinq ans
onze mois et 25 jours. Mais il y faut appa-
remment lire quatre ans au lieu de cinq, et
c'est ce qui nous a porté h mettre son ordi-
nation le 28 ou le 2Î) décembre, en l'an 269.
Il fut inhumé d"al)ord au cimetière de Cal-
liste, d'où il semble qu'il ait été transféré
après l'an 35'i', en un cimetière accompagné
d'une église qui ont porté son nom l'un et
l'autre, entre le chemin do Valère et celui
de Porto. Anathasc lui attribue même la
fondation de cette église. La porte de Rome
qui y conduisait a porté autrefois le nom de
Saint-Félix qu'elle a depuis changé avec l'é-
glise même, en celui de Saint-Pancrace. Le
chemin de Porto a été aussi connu du-
rant quelque temps sous le nom de Saint-
Félix. C'est peut-être à cause de cette trans-
lation qu'Usuard , Adon et le Martyrologe
romain marquent sa fête le 30 mai. Bol-
la ^dus doute si ce n'est pas lui dont on
prétend que le corps a été porté de cette
église à celle de Saint-Casure dans la ville,
et y a été trouvé sons Grégoire XIII, ve.s
l'an 1580. H aime mieux croire néanmoins
que c'est lui qu'on dit avoir été mis dans
ré,4'se de Sainte-Pudentienne du temps de
Grégoire VIL Quelques-uns croient que c'est
lui encore que le calendrier du P. Fronto, le
Sacramenlaire de saint Grégoire et divers
Martyrologes marquent le 29 juillet.
On attribue à ce pape d'avoir ordonné
qu'on célébrerait les messes sur les tom-
beaux des martyrs; mais je pense que celt}
est encore plus ancien. L'Eglise fait sa fête
le 30 mai. (Tillemont, t. IV.)
FÉLIX (saint), habitait à Sutri dans la
Toscane, du temps de l'empereur Aurélien.
Ce prince, qui, dans les derniers temps de
son règne, lança des édits cruels contre les
chrétiens, ayant appris qu'à Sutri il y avait
un certain nombre de disciples de Jésus-
Christ, y envoya Turciuspour les faire punir
de mort. Saint Félix était au nombre de
ceux dont la foi jetait le plus d'éclat en ce
pays. Il était prêtre et possédait de très-
grands biens. Il montrait un zèle incompa-
rable pour l'instruction et pour la conver
sion des habitants de la campagne, auxquels
il s'était pour ainsi dire entièrement dévoué.
Quand il sut l'arrivée de Turcius, il réunit
les chrétiens, pour les exhorter à combattre
987 FEL
courageusement pour la foi, leur annonçant
que, tiu reste, celte cruelle tempête ne se-
r.-iit [VIS de longue dun^e. Ayant été arrêté,
il fut jeté en priso'i, et présenté h Tiircius,
qui lui demanda poiirqu i il avait la har-
d esse de porter les peuples h mépriser la
reh\a;ion romaine elles commandements des
princes. Le >~aint répondit qu'il le faisait
jiarce que c'était c'i la fois son honlv^ur et
son devoir d'csei^ner h fous la religion de
Jésus-Christ. Turcius, vo»-ant qu'il np pou-
vait 11' va ncre, lai fit frapper la bouc'ie à
con|)s do pierre, pour le punir, disait-il,
d;u)s l'organe qui avait semé le ra^nisonge.
].e saint rendit l'âme d^ns cet alfreux sup-
plice. Le saint diacre Irénée l'enterra près
de Sutri, le 23 juin.
FÉLIX, fsainti, frère de saint Félieissime,
se convertit h Rome avec lui en mCnne tfmps
que son père Claude. géMi;^r d ' la prison où.
le pr fel Chromace f'.isait d^tonii- les fidèU'S
en l'an 28i-. Saint Séb .slion fut I in.-trument
princii)al de sa conver-ion. Le prè re saint
Polycarpe le ba])lisa et l'éleva au sons-dia-
con.tt. Il fut martvrisé en 280, en Campanie,
si toutefois ce n'était pas lui qui se nommait
Svmpliorien; cir l'un d s deux fils de saint
Claude avait ce second nom, el celin'-là fut
martyrisé à Rome avoc son^4>è;e. L'Eglise
fait la fête de saint Félix le 20 juillet.
FÉLIX (saint), l'un des gard 's de la prison
de saint Censorin ou Censorinus , sous
Claude II le Gothique, fut converti à la foi
chrétienne par le prêtre saint Maxime, avec
les autres gardes de la prison , lesquels
étaient Maxime, Faustin, Hcrculan, Numère,
Storacinus, Mène, Commode, Herno, Maur
ou Maure, Eusèbe, Rustipie, Aiiiandinus,
]\Iona!re , Olymne, Cyprien et Théodore.
(Pour voir 1 ur histoire, recourez à l'article
RlARsyns d'OiTje.) Ces saints ne sont pas
nommés au ilartyrologe roma n.
FÉL!X (saint), évêqne et (lualifié martyr
au Martyrologe romain, h la date du 10 sep-
tembre, jour auquel l'Eglise célèbre sa fête,
était l'un des neuf évêques enfermés diuis
les mines, et h qui saint Cyprien écrivit sa
soixante-seizièm:' letti-e. Il avait été déporté
immédi;ilinnent après sa première confession,
aussitôt a[)iès avoir été cruellement frappé à
coups de bMo-Ts. Cet évêque avait assisté
au grand concile de Carlhage. ( Voy. Né-
M^SIKN.)
FELIX (saint), était, comme le précédent,
l'un des neuf évêques enfermés dans les mi-
nes, et à qui écrivit saint Cyprien. L'article
précédent lui convenant parf.iitemfîut, puis-
que les deux homonymes ont eu exacte-
ment h- môme sort, el ont souffert les mêmes
persé';utions, nous y r<!nvoyons U; lectcui'.
FÉLIX (saint), souffrit le inartyro à A(pii-
léi! avec saint ïlilain;, évê(|u<', cl les saints
Talic-n, diacre, Félix, Large et Denis. Leur
.sacrifice eut lieu sous l'empire de Nuinérien,
el sons le présid(!nt Héroin(!. On ne dit pas
qu;I fui au juste leur genre de mort. Il est
eeilMin rprils subirent l.i |)eine du chevalet
el divers autres lourmciils. L'Eglise fait leur
fêle lu 10 mars.
FEL m
FÉLIX (saint), martyr, reçut la couronne
du martyre avec les saints Luciole, Fortunat,
Marcie et leurs compagnons, aussi bien que
les saints Cléonice, Eutrope et Basilisque,
soldais. Ils triomphèrent heureusement par
le supiilicedo la croix, durant la persécut on
de Maximien, sons le président Asclépiade.
On ign re le lieu de leur glorieux et in"i-
mortel martyre. L'Eglise célèbre leur mé-
moire le 3 mars.
FÉLIX (s'ii't), souffrit 1 > martyre à Aqui-
lée avec son frère Fortunat, durant la persé-
cution de Diocl'tien et de M:\ximien. Ils
firent étendus sur le chevalet, eurent les
côtés brûlés avec des torches ardentes qui
s'étei ;nirent au même instant par un effet de
la puissance de Dieu, puis furent arrosés sur
le venire avec de l'huile bouillante. Enfin,
ne cessant point de confesser Jésus-Christ,
i's eurent la tète tranchée. L'Eglise fait leur
mémoire Ij 11 juin.
FELIX (saint), évêque et martyr, remporl/i
la paluL; des gl.»;ioux comb itianls de la foi
à Spel 0, sous l'empereur Maximien. L'E-
glise fait sa fête le 18 mai.
FÉLIX (saint), était prêtre à Rome au
commencement de la persécution que Dio-
cl'tien souleva contre l'Eglise. En l'auiiée
303, ayant été arrêté, il fut soumis à de
cruelles tortures sans que son cotrage en
fût le moins du mon Je ébranlé. On le con-
damna à 1) [)eine capitale, voyant cpi'on ne
pouvait rien obtenir de lui. Counne on le
conduisait au supplice, un étranger qui le
vit passer s'écria : « Je suis la même religion
que cet homme, comme lui j'adore Jésus-
Christ, et comme lui, je veux mourir . our
le même Dieu. » Le migistrat le fit décapi-
ter avec Félix. Comme on ignoi'ail le nom de
cet homme, les chrétiens le nommèrent
Adaucte (pii veut dire adjoint, ajouté. La
fête de ces deux saints arrive le 30 ao>U.
Leurs reliques, apiôs plusieurs Iranslations,
ont été déposées dans l'église Sninl-EUcnue
de Vienne, oij elles sont encore.
FÉLIX (saint), évê(|ue de Thibare, fut
martyrisé pour la foi en l'année 303, sous le
règne et durant la persécutinn de Dioclélien.
Sa fêle a lieu le îh octobre ; ses Actes sont
fort b.'aux. Nous les prenons cntièremeut
dans lUiiiiart.
« Sous le huitième consulat de Dioclélien
el le seplième de Maximien, on |)ublia dans
tout rem()ire lui édit adressé aux gouver-
neurs des pi'ovinces et aux magistrats des
villes, par leipiel il leur était e joint de se
saisir de tous les livres qui concernaient la
religion des chrétiens; de les retirer des
mains des évê(|ues, cl de contraindre par
tout(>s sortes de voies ceux (pii en étaient ou
gardiens, ou simples dépositaires, de les re-
mettre incessammenl aux ollii iers connuis à
celte reclieiche par les (nupennirs. L'édit tut
allich'dans la ville de Thibare, en Africpu',
le I) juin. Le même jour, Magnilien, procu-
re.ir du fisc, imj)éiial et inteiid.uit de la |)ro-
viiuie, mand.i les prêtres chrétiens; Feiix,
ipi' était évê(pie de celle ville, en était parti
nom- Cartilage. (ïe l'urenldonc le|)rêlrc X[)iiv
989 FEL
cl les lorteurs Girns oi Vilal, qui comparii-
rciil pour le v prélat abs.Mil. Ma^inlicn leur
dil : Navez-vous pas des livres de voire re-
h^iou ? Apor réj^oiidit : Oui, nous en avons.
Ma^^nilien dit : 11 faut me les donner, alin
qu'on les brûle. Aper dil : Notre évôciue les
a. Mat;ni:ien dit : Où est-il, votre évèque?
Aper répondit: Jo n'en sais rien. Magnilien
dit : Eh bien, vous demeurerez à la garde
d'un licteur (huissier), jusqu'à l'arrivée du
proconsul Anulin, qui doit prendre connais-
sance de votre atl'aire.
« Le jour suivant, l'évoque Félix retourna
de Cartilage à Thibare : iMagi.ilicn en ayant
eu avis, lui manda de venir le trouver. L'é-
vèque obéit, et se rendit chez l'intendant.
Magnilirn dit:Evêque Félix, remettez-moi
entre les mains tous les livres de votre reli-
gion que vous avez, et même les IVuilles vo-
lantes, s'il y en a. L'évèque Félix répondit :
Je les ai, à la véi'ité, mais je ne vous les don-
nerai pas. Magnilien dit : J'ai un ordre ex-
près des em[)ereurs de vous les uemandor,
et vous trouverez bon que j'y défère, plutôt
qu'à vos paroles ; donnez-moi donc ces livres,
que je les fasse brûler. L'évèque Félix ré-
p)ndit:Je consentirai plutôt à être brûlé
mui-inème; Dieu me défend de livrer ses
E.riiures, et vous trouverez bon que je dé-
fère plutôt à ses ordres qu'aux vôtres. Ma-
gn lien dil : Je vous dis, eicore une fois,
que je dois avoir |-lus de déférence pour ce
que les emfiereurs m'ordonnent que pour
ce que vous me dites. L'évèque Félix répon-
dit : Et moi, je vous répète que les o.d.es
de Dieu sont préférables à ceux dos hommes.
Magnilien dit : Vous y penserez.
« Au bout de trois jours, Tnitendant se fit
amener l'évèque Féhx, et lui dit : Eh bien,
avez-vous pei;sé à ce que je vous dis lautre
jour? L'évèque Félix répondit : Quand j'y
penserais toute ma vie, je ne vous d.rais jjas
autre chose ciue ce que je vous ai déjà dit,
ce que je vous dis encore, et que je suis
prêt de dire en pi ésence du proconsul lui-
même. Magnilien dit : Vous le direz uoiic au
proconsul à qui je vais vous renvoyer. Il le
consigna en môme temps à Vincent Celsin,
décurion de Thibare.
« 11 partit de cette ville le S'* de juin, pour
Carthage, oij était le proconsul. Il fut d'a-
bord présenté à son lieutenant, qui le tit
mettre en prison, après lui avoir fait subir
l'uiterrogatoire. Le lendemain il comparut
devant le proconsul (Anulin), qu'il n'était
pas encore jour. Pourquoi, lui dit ce juge,
ne voulez-vous pas donner des livres qui
vous sont inutiles, et qui sont de si peu de
valeur? Je ne puis les donner, répondit lé-
vêque. Le proc nsul ordo ina qu'il serait
mis dans un cachot, les fers aux pieds et
aux mains; il y p^ssa seize jours entiers. Le
seizième au soir, Anulin se le fil amener
tout enchaîné, et lui dit encore : Pourquoi
ne rendez-vous pas ces livres qu'on vous
demande? L'évèque répondit : Je ne les ren-
drai point. A.nulin l'envoya, le 7 de juillet,
au préfet du prétoire, qui était alors en Afri-
que. Le préfet le fit charger de chaînes en-
FEL
990
corn p.ns pesantes, et après l'avoir retenu
neuf jours dans ses [irisons, il l'envoya à
Rome, aux empereurs. On embanpia Jonc
l'évèque, attaché à une grosse» chaîne. Le
trajet fut do quatre jours, durant lesquels il
demeura sans boire et sans mang r, couché
dans le fond de cale, entre les pieds des che-
vaux, n'ayant pour lit que la litière (pi'on
leur fiisait. Le vaisseau prit terre en Sicile,
au i)ort d'Agrigenle (Gergente ou Gcrgenii),
où les frères le reçurent avec tout l'honneur
dû à sa vertu et à son caractère : d Agi igente
il fut transféi-é à Caane, de Catane à Mes-
sine, et de Messine à Tormina, où on le
rembar(|ua; et le navire, après avoir tra-
versé le détroit de Sicile et rasé les côtes de
la Lucaiiie, le laissa à Ruio, d'où il fut con-
duit à Vénnze (ville de la Pouille). Là, un
commissaire envoyé par les empereurs lui
fit ôter ses chaînes, et sur le refus qu'il lit
toujours de rendre les livres sacrés, il fut
condamné à m(jrt, et exécuté le 30 août.
■«■ Comme on le menait an sufiplice, la lune
■parut comme toute sanglante; le saint, levant
les yeux au ciel, dit : Seigneur Jésus, je
vous rends grâces de ce que vous remettez
mon âme en liberté. J'ai demeuré sur la terre
cinqu nte-six ans, mais j'en sors avec ma
première innocence : j'ai vécu vierge, et je
meurs vierge; j'ai gardé les préceptes de
votre Evangile, et j'ai appris aux autres à les
girder. Comme une victime choisie dans le
lrou[»eau, je baisse la tète sous le couteau
qui va m'ôter la vie. »
FÉLIX (saint), l'un des compagnons du
saint martyr Cyriaque, diacre de l'Eglise ro-
maine, mourut en 303, à Rome, sur la voie
Sa aria, cù il lut enterré. Ils furent vingt-
six dans le même jour mis à mort au môme
endroit. L'Eglise célèbre leur fête collective
le jour de leur translation, qui eut lieu le 8
août. {Voy. Cyriaque. Voy. aussi l'abbé
Grandidier, Histoire de VEglise de Stras-
bourg.)
FELIX (saint), souffrit à Milan pour Jé-
sus-Christ, avec saint Nabor, en l'an 30i de
l'ère chrétienne. Leurs relic[ues, déposées
d'abord hors de la ville, y furent depuis rap-
portf^es. La piété des fidèles éleva une église
sur le lieu où elles furent déposées. Les
restes de saint Nabor et de saint Félix soit
encore dans la même église, qui a aujour-
d'hui le nom d'église Saint-Franço s.
FÉLIX (saint), fut martyrisé à Saragosse,
en Espagne, parles ordres de Dacien, qui
en était gouverneur, en l'an de Jésus-Christ
30i, durant la persécution de Dioclétien.
Dix-sept autres furent martyrisés avec lui.
On trouveia leurs noms à l'article Dacien.
Les dix-huit martyrs de Saragosse sont très-
honcrés en Espagne. C'est Prudence qui
rapporte ce qu'on sait d'eux. Ils sont ins-
crits au Martyrologe romain sous la date uu
16 avril. [Voy. PruJence, de Cor., hymn. k.
Tillemont, vol. V, p. 229. Vasseus, Belga.)
FÉLIX (saint), martyr, eut la gloire de
donner son sang pour la défense de la reli-
gion. Ce fut à Girone qu'il perdit la vie pour
Ihop.nuur de sa foi. Après diverses sortes
991
FEL
FEL
992
de tourments, il fut bnttu et d(5chiré, par
l'onire du président Daoien, iusiprà ce qu'il
eût rendu son Ame à Jésus-Christ. L'Eglise
fait sa l'ète le 1" aoilt.
FÉLIX, lils de saint Siturnin, prêtre, fut
l'iiu des ({uarante-huit martyrs mis h mort
avec saint Saturnin, en Afri lue, sous le i)ro-
consul Anulin, en l'an de Jésus-Clirist 305,
sous le règne et dnrantla persécution atroce
que l'infâme Diocl Hien suscita contre TE-
glise du Seigneur. {Voy. Saturnin.) L'Eglise
célèbre la fcte de tous ces saints le 11 fé-
vrier.
FÉLIX (saint), nom de trois des quaran'e-
huit martyrs qui furent mis à mort en Afri-
que, en l'an de Jésus- Christ 303, avec saint
Saturnin, prêtre, sous le proconsul Anulin,
et durant la persécution de l'emoereur Dio-
ch'-tien. (Fo//. Saturmx.)
FÉLIX II (saint), pape pt martyr, fut ma-^-
tyrisé à Cervetio, en Toscane. Ayant été
chassé de son siège pour la foi catholique,
par Constance, empereur arien, il périt se-
crètement, mais avec gloire, par le glaive,
dans la ville de Cervetro, en Toscane. Des
clercs emportèrent son corps et le mirent
dans un tombeau sur la voie Aurélienne.
Transporté depuis dans l'église de Saint-
Côme et Damien, et placé sous le grand au-
tel, il y fut trouvé durant le pontificat de
Grégoire XIII, avec les reliques des saints
Marc, Marcellien et Tranquillin, avec les-
queles on le remit dans le môme lieu, le
derr.ier jour de juillet. On trouva aussi sous
le même autel les corps des saints martyrs
Abonde, prêtre, et Abondance, diacre, qui
fnre.it ((uclqnc temps a|)rè-i, la veilie du
jour même de leur fcte, transportés solen-
nellement dans l'église de la Com])agnie de
Jésus. L'Eglise fait la mémoire de notre
saint le '29 juillet.
FÉLIX, surintendant des finances sous
Julien l'Apostat, pilla les églises d'Antioche,
avec El|)ide, trésorier du domaine, et le
comte Jidien, oncle mat(îrnel de l'empereur.
Ce fut lui qui, en voyant les vases sacrés en
métal [)récieux, tint ce propos abominable:
« Voyez dans quelle vaisselle on swt le tils
de Marie. » Le jour même, il fui |>r1s d'une
hémoiitysie (rupture d'un vaisseau sanguin
dans le poumon), et mourut en perdant tout
son sang par la boin lie. Saint Chr sostome
a jtoussé un peu loin la licence du langage,
en dis.Mit (pie Féliv creva [)ar le milieu du
corps. D'après Théodoret, ainsi (pie nous
venons de le dire, ce fut un vaisseau qui
creva, (|ui se rompit dans les poumons, à
peu près au milieu du coi'ps si l'on veut.
FEUX saii'tj, martyr, ('ilait évê(|ue. Il fut
un des principaux, avec l'évêriue (^ypri(Mi,
(pii soullrirent le martyre, au nombre d(î
qualr(! mille innif cent soixante-six, durant
la [)(!rsécution des Vand.iles, sous llunéiic.
Il y avait parmi ce nombre immense des
('•vêques, des pi'êlrcs et des diacres aux(picls
•s'étaient réunis un grand nombi-e (h; chré-
tiens de louti's les conditions Ils furent (;lias-
s<'s d(; leur pays \)()\iv la dél'ense de la vérité
catholique, et menés en (!xil dans un hoiri-
ble et affreux désert. Pendant qu'ils y al-
laient, les Maures qui les conduisaient pi-
quaient les uns avec leurs javelines pour
leur faire hAter le pas, meurtrissaient les
autres à coups de pierres ; ils en lièrent plu-
sieurs par les pieds, et les traînant comme
des cadavres par des chemins rudes et ra-
boteux, ils leur déchiraient tous les mem-
bres. Enfin, après une si grande variété de
tourments, tous reçurent l'honneur du mar-
tyi'(!. L'Eglise célèbre la mémoire des saints
Félix et Cyi.rien, évêques, le 12 octobre.
FÉL!X (saini), martvr, honoré pir l'Eglise
avec saint Ach.llée, le 1" mai. Sans autre
indication.
FÉLIX (saint), souffrit le martyre pour la
foi, h une époque, dans un lieu et des cir-
constances qui nous sont complètement in-
connus. L'Eglise fait sa mémoire le 23
mar<.
FÉLIX (saint), versa son sang pour la foi
à Uzale, en Afrique. Il eut pour compagnon
saint Gennade. Nous n'avons pas de détails
sur eux. L'Eglise fait leur fête le 16 mai.
FÉLIX (saint), reçut la palme du martyre
à Apollinie, en Macédoine. Il eut pour com-
pagnons de son triomphe les saints Isaure,
Innocent, Jérémie et Pérégrin, Athéniens. Ces
courageux combattants de la foi furent livrés
à diverses tortures, puis décapités. On ignore
la date et les différentes circonstances de
leur martyre. L'Eglise fait collectivement
leur fête le 17 mai.
FÉLIX (saint), martyr, répandit son sang
pour la confession de sa foi h Alexandrie,
oij il mourut en prison, avec le prêtre Ara-
tor, et les saints Fortunat, Silvm et YitaL
On ignore h quelle é|;oque leur martyre eut
lieu. L'Fglise célèbre la mémoire de tous
CCS sM'Tt^ le 21 avril.
FÉLIX (saint), reçut la palme glorieuse du
martyre à Hér-adée, avec saint Janvier. Le
môme jour fut martyrisé aussi sain.t Julien.
Les Actes des martyrs ne nous donnent au-
cun di'lail sur eux. L'Eglise fait leur fête le
7 janvier.
FÉLIX (saint), martyr, reçut la couronne
du martyre en Afrique, avec les saints Théo-
dule, Aiièse, Corriélie et leurs compagnons,
dont les noms sont ignorés. On ignore éga-
lement l'époque de leur martyre. L'Eglise
hono e leur mémoire le 31 mais.
FÉLIX (saint), était natif de Siponte. Il re
çut lacouroniedu martyr(î à Forconio, dans
l'Abbruze ultérieure. Il eut pour compagnons
de son martyre, saint Florent, son com|)a-
triote Les ciélails nous man(pi(mt sur eux.
L'Eglise fait leur fêle le 25 juillet.
FELIX (saint), évê(pie et martyr, eut le
bonheiir de verser son sang [lour la foi à
Pavie. Nous ne possédons aucun détail sur
hii. L'Eglise honore sa mémoire le 15 juillet.
FÉLIX (saint), prêtre et confisseur, en-
dura d(! grands tourments à Pistoie. en
riioimeur de Notr-e-Scigneur J;'sus-Christ.
Nous n'avons f)oiiit de délai s sur lui. L'I"!-
glise honore sa sainte mémoire h^ 20 aoi1t.
FÉLIX (saint), était prêtre .^ Ter-r-acine en
Campanie. Il y soull'ril le martyre aveu lo
903
FLl
FEL
904
moine Eusèbe, qui, ayant enseveli le corps
lie saint Julien et de saint Césaire, et con-
vcitissanl plusieurs inliilèles, que notre saint
piiMro Féiiv t)aptisait, fut arrêté avec lui. On
\v< mena tous deux devant le jujj;e, (jui,
n'aNaiit pu les vaincre, les lit mettre en |)ri-
soi. Etar.t demeurés fermes dans la résolu-
tion de ne point sacrilier, dès la ménu! nuit
ils furent décai)ités. L'Eglise fait leur fête le
5 novembre.
FÉLIX (saint), martyr, mourut h Rome,
en confessant sa foi, avec les saints Calliste
et BoTiiface. On n'a aucun détail sur eux.
L'Eglise fait leur mémoire le 29 décembre.
FÉLIX, (saint), martyr, souilrit la mort en
riiouneur de Jésus-(]brist , avec les saints
Zoél, Servile, Silvain et Dioclès. Leur mar-
tyre eut lieu dans l'istrie. L'Eglise honore
k'urinémo re le 2V juin.
FÉLIX (saint), marlyr, mourut en confes-
sant sa foi poiu" l'honneur do Jé>us-Christ.
11 eut pour conq)agnons de son martyre les
autres évèques , saints Valérien , Urbain,
Crescent, Eustache, Crescone, Crescentien,
Hortulan et Florentien. Ils fureU tous coi-
.iaiiuiés à l'exil, et y niouiurent. L'Eglise fait
leui- fête le 28 novembre.
FÉLIX (saint), marlyr, cueillit la palme du
martyre à Thagore, en Afrique, a- ec les
saints Jules, Polauiie, Crispin, Grat et sept
autres inconnus. Les circonstances et la date
de leur martyi'C sont ignoiées. L'Eglise fait
leur fête le 5 décembre.
F'ÉLIX (saint), était moine. Il mourut pour
la défense de la religion dans la ville de
Fondi dans la Campagne de Home. Nous
n'avons aucun détail sur lui. L'Eglise ho-
nore son illustre mémoire le 6 novembre.
FÉLIX (saint), eut le glorieux avantage de
répandre son sang pour la foi de Jésus-
Christ, à Adrumète en Afr que. Il eut pour
compagnons de sa gloire les saints Vérule,
Secondin, Sérice, Servule, Saturnin, Fortu-
nat et seize autres dont les noms malheu-
reusement ne sont point parvenus jusqu'à
nous. Leur martyre eut lieu durant la persé-
cution que les Vandales tirent soutl'rir aux
catlioliques. On ignore la date et les ditfé-
rentes circonstances de leur martyre. LEglise
fait leur fête le 21 février.
FÉLIX (saint), eut le glorieux avantage
de répandre son sang en Afrique pour la
défense de la religion chrétienne. Il eut pour
partager ses soutfrances, les saints Sym-
phrone, Hippolyle et leurs compagnons dont
malheureusement les noms ne sont point
parvenus jusqu'à nous. Nous n'avons pas
d'autres détails précis. L'Eglise fait collec-
tivement leur mémoire le 3 février.
FÉLIX (saint), martyr, répandit son sang
pour la foi, en Sardaigne, avec les saints
Emile, Priam et Lucien. Nous n'avons aucun
détail concernant le lieu piécis, la date et
les circonstances de leurs soutfrances. L'E-
glise fait leur fête le 28 mai.
F'ÉLIX (saint), moine, martyr, était natif
de Complut, mais Africain d'origine. Il fut
martyrisé à Cordoue sous le règne d'Abdé-
rame II, avec saint Anastase, prêtre et moine.
Ce dernier avait été instruit dès l'enfance h
Saint-Aciscle do Cordoue. Fêtant diacre, il
en quitta les fonctions [lour embrasser la
vie monastique et fut enlin ordoiuié piètre.
S'étant présenté aux juges et ayant [larlé
conlieleur prophète, il fut aussitôt exécuté;
tous (l( ux euient la tête tranchée. L'Egliso
fait leur fêle le l^i- juin.
FÉLIX (saint), martyr, reçut la couronne
du martyre à Cordoue en Espagne, du temps
de la ( ersécution qiui les Arabes liient souf-
frir aux chi'étieiis. Il eut pour conq)agnons
de ses gloineux combats les saints (ieorges,
Aurèle et les saintes Nalalie et Liliose.
L'iilglise fait leur fête collective le 27 juillet.
FÉLIX (saint), diacre et martyr, fut cou-
ronné pour la défnise de la religion chré-
tienne dans la ville de Séville. Les Actes des
martyrs ne nous ont transmis aucun détail
sur les ditférentcs circonstances de ses com-
bats. L'Eglise fait sa mémoire le 2 nuii.
FÉLIX (saint), eut l'avantage de mourir pour
sa foi avec sa nt Fortunat et vingt-sept autres
dont les noms sont inconnus. L'Eglise fait
Lur mémoire le 26 février,
FÉLIX {Marcua Minutius), célèbre par le
dialogue intitulé Octave, où il défend avec
beau(;oiip d'esprit et d'éloquence la religion
chrétienne, demeurait à Rome, et exerçait
avec ['éputation, vers le temps de l'empereur
Sévère, la profession d'avocat. Son style
donne quelque lieu de croire qu'il était d'A-
frique. Il avait été engagé d'abord dans le
paganisme, jusqu'à un c1ge avancé. Dieu dis-
sipa entin ses ténèbres, l tira de ce profond
abîme, et l'appela à la lumière de sa vérité
et de sa sagesse. Saint Eucher le met entre
ceux qui, étant grands dans le siècle par
leur éloquence, n'avaient pas voulu soutlrir
que les ignorants seuls ravissent le ciel, et
avaient fait une heureuse violence pour y en-
trer avec eux.
Il avait un ami intime, nommé Januarius
Octavius, qui entiait dans toutes ses incli-
nations, et partageait avec lui toutes ses joies
et toutes ses peines. Cet Octave avait une
femme et des enfants, il avait aussi été païen
et avocat ; et il avoue lui-même que, ne re-
fusant point d'employer son esprit et son
éloquence pour défendre des gens coupables
de sacrilèges, d'incestes et de parricides, il
n'y avait que les chrétiens qu'il ne croyait
pas même qu'on pût écouter, tant il était
prévenu, par aveuglement et une stupidité
étrange, des calomnies qu'on répandait con-
tre eux ; sans considérer que, tout le monde
publiant d'eux des crimes atroces, personne
néanmoins n'en donnait de preuves et ne
s'en disait témoin. Quelquefois même, étant
juge ou conseiller et assesseur des juges, il
avait exercé contre les chrétiens une misé-
ricorde aussi cruelle qu'injuste, en leur fai-
sant donner la question, non pour leur faire
avouer la vérité, mais, par un entier renver-
sement de l'ordre, pour les contrauidre de la
désavouir a[)rès qu'ils l'avaient confessée.
S'il eût été conduit par la raison plutôt qu^'
poussé par les démons qui le possédaient, il
les eût fait tourmenter pour savoir la vérité
m
FEL
FEL
90G
des incestes, et les autrrs crimes qu'on leur
im')utail, unis c'est à (juoi il soi.^eait le
moi "S. Quu si quehiue chrétien plus faible
succombait à la iloulcur el renonçait à sa
religion, nous lui applaudissio'is, dit-il, et
nous lui (It'venions favorables, comme si, en
disant <iu il ri'é.ait plus chré ien, il se fût
purgé de tous les crimes qu'il avait dûcom-
mcUre durant qu'il l'avait été. Dieu eut en-
fin piliédelui aussi bien que de son ami ; et
lorsque Minutms Félix, se convertit, Octave
ne refusa i)as de prendre [»art à un si heu-
reux chaujiiemcnt, ou plutôt i' le j)révint lui-
niéiue. Quoiqu'il fût si uni à Minuiius, il jia-
rait qu'il ne uemeurait pas ordinairement à
Rome comme lui ; mais le désir de voir cet
ami, et quelques affaires l'ayant obligé de
laisser sa maison, sa femme et ses enfants
enco.e tous petits, pour y venir par mer
lorsqu'on ne l'y atsendait pas, Minuiius le
reçut chez lui avec une joie cjui ne se |)eut
exj)rimer. Coumie c'était <ilors le teuips des
vendanges, où les avocats étaient plus libres
à cause des vacations, ils s'en allèrent se
promènera Osiie, oii Félix voulait se bai-
gner poui' sécher quelques (mauvaises) hu-
meurs par l'eau de la mer.Minutiusy mena
aussi Cœcilius Natalis, qu'il avait presque
toujours auprès de lui. Il pouvait être de
Cirthe, ou au moins Africain. C'était un
homûic franc et sincère, mais zélé pour le
paganisme; de sorte qu'étant sorti le matin
avec les deux autres pour s'aller promener
sur le bo.dde la mer, et ayant rencontré une
statu»' Ue Sérapis, il porta sa main à sa bou-
che pour la baiser, ce qui était une manière
d'adoration parmi les païens. Octave l'aper-
çut, et dit à Minutius : Eu vérité, mon frère,
ce n'est pas être bon ami de soutlrir qu'une
personne si unie à vous demeure dans un tel
aveuglement, et qu'il se heurte en p'ein jour
contre des [àerres, car vous savez (jue cela
n est pas moins honteux pour vous, qui le
laissez dais celte erreur, que pour lui-même.
Ceecihus fut fort i)iqué de ce discours, de
sorte que, flurant que les deu\ autres s'en-
tretenaient avec gaieté, lui demeurait triste
et peu if sans rien dire. Minutius s'aperçut
du trouble de son esprit ; il lui en demanda
la cause, et Ccccilius la lui avoua, ajoutant
que puiscjne Octave l'avait accusé d'igno-
lance, il v(julail entrer en conférence avec
lui, el souteiiii' la religion de ses dieux ; les
autns y consentirent, et s'allèrent asseoir
sur des pierres posées pour arrêter- les Ilots
de la mer ; ils mirent Minutius au milieu
d'eux, moins parce qu'il était le plus consi-
dérable, comme cela i)arait par cet endroit,
(juc parce (pie Cœcilius même consentait de
le prendre pour arbitre, en le priant de ju-
ger de ce qu'on dirait, non par l'amour qui
le tenait attaché 5 la rel gion des cliréilens,
mais par la force- dt.'S raisons «lue l'on allè-
gu(;r.iit de |)..rt et u'autre. Dieu |)eriuil ainsi
<jue la vanné de (^c'ecilius 1.; por.Atà s'euga-
g(!r de lui-même dans cette (li>j»ute, qui <Je-
Mul être aussi utile pour son saïul (juc glo-
rieuse à la vérité.
Ou ijeul voir dons 1 histoire de 'l'i rtuUien
et d'Origcne l'abrégé des discours de Cff?ci-
lius el u'Octave : il suliil pour notre des-ein
de dire que Cœcilius parla avec éloquence et
avec véhémence, mais mo ns pour sa reli-
gion que cont'e les c réti ns. H fn.il par
une raillerie pi(]u.:nte contre Octave, lui in-
sultant avec mépris, comme à un homme
qu'il se ilatta.t déjà d'avoir vaincu, el dont
il croyait s'être bien vengé en doim nt toute
la liberté à son ressentiment. Minutius,
comme arbitre de la dispute, lui dit ciu'il fal-
lait éloigner toute insulte d'une coniérence
où ilsavaient pour but de cennaitrela vérité,
et non d'acquérir une vaine i épul;.tion ; que
la subtilité et la variété des pensé( s par les-
quelles il avait soutenu son sentiuu ni lui
avaient fort plu ; mais qu'il n'était pas tem s
de triompher jusqu'à ce que tous les deux
eussent été entendus.
Octave parla donc ensuite, et, se souve-
nant qu'il défendait non sa propre cause,
mais une religion qui n'enseigne que la cha-
rité et 1 humilité, au lieu de répondre aux in-
jures de Cœcilius par d'autres injures, il le
traita civilement, l'appelant même son frère;
mais il réfuta son discours avec toute la
force de la vérité. Il expliqua d'une manièie
admirable les principes el les maximes de
notre religion, quoiqu'il soit plus faci.e de
les sentir et de les goûter que de les expri-
mer. Il les mit dans leur jour par les preu-
ves, les exemples et les autorités dont il les
apfiuya. Il tourna contre les païens les ar-
mes mêmes de leurs philosophes, et repré-
senta notre religion non-seulement comme
sainte, mais même comme favorable et utile
aux hommes ici-bas.
L'etfet de son discours montra bien qu'il
ava.t parlé par l'inspiration (Je Dieu, et qu'il
avait obtenu le secours qu'il lui a\ait de-
mandé ; car, après qu'il eut cessé de parler,
Minutius, n't sanl témoigner combien il ad-
mirait son discours, el Cœcilius (tant de-
meuré quel |ue temps dans le silence, commo
à demi interdit, Cœcilius s'écria tout d'un
coup : Je n'attends point la sentence de no-
tre arbitre; nous sommes tous deux victo-
rieux : Octave triomphe de moi, et je triom-
phe de mon erreur. Je me soumets à Dieu, et
je confesse que la religion de Jésus Christ,
dont je suis dès à présent, est la véritable. —
Et moi, dit Minutius, (jui me vois déchargé
de la peine de prononcer comme juge en la-
veur (Je ma religion, je me réjouis i)our vous
deux, aussi bien que [lour moi, de la victoire
d'Octave. Je n'entreprends ^las de relever
son mérite; le témoignage d un homme, et
d'un seul homme, est troj) peu de chose, et
c'est moins lui qu'il faut louer (pie Dieu mê-
me, ([ui l'a fait vaincre.
Ils se retirèrent ensuite avec une joio
commune de la conversion de Ca^cilius, re-
mettant les instructions (pi'il d(nnan(ia sur
quelques points particuliers dont il n'/'lail
pas ass(!/. éclairci, (pioiipi'il ne lui iesl,.t au-
cun d(jule si.r le fond de vérité, .^liimlius n'a
rien écrit de ce (pii se dit sur (( l.i , mais il
nous i'.ssui'e Irè.—cl.uieuunit que Cœiilius cui-
b.nssd tout à fait le chnstianismej ol uuus
097
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FEU
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no pouvons douter quo s.\ vio ii'ail n^pondii
naiirtouKMil à telle piTinièro i^i'Ai;»', si c'est
1(3 più.i-e CaHîilius ([ue .saiiil Fonce nous .![)-
p;vii(l avoir converti sainl Cypnen (vers l'an
2i;i). Celait, dit-il, un lioniine juste, estimé
de tout lu monde, vénérable par sa dij^julé
aussi l)ien (jue par soi A^^e. Saint Cpiirn,
<pii demeurait avec lui, rcslimail, l'Iio. orait,
le respertail, liî lèverait, le considérant non
comme un ami et un égal (car il [laiait cfu il
était déjA prêtre aussi bien que lui), mais
comme Je père d^' sa nouvelle et de sa véri-
table vie. 1! prit même, ù cause de lui, Je
nom de Caecilius, et CiBcilius, de sa part,
pour reconnaître cette extrême ailect-on, lui
reedmmanda eu mourant sa femme et ses
enl'auts , le 1 iissant ( omme h 'l'ilier de sa
[li'té et de sa tendresse envers eux. L'iig ise
J ho'iore (xibluiuement le 3 jui i. liaiv/uias
croit (|ue c'est le même Cœcilius qui l'ut coa-
Vi'rli par le discouis d'Octave (et nous avons
v,i (|ue celui-ci était Afiic.iin; ; ^ quoi il faut
a ouiei" que saint Ctprie'i, uaiis un dt.s ])re-
ii.icrs ouvrages qu'il a faits, (0[)ie diverses
choses du discours (FOclave. Ce iiui est cer-
tain, c'est que rien ne répugne à cetie con-
jecture.
Pour ce que quelques-uns veulent que ce
soit encore le même que Célien ou céc.lien,
précepteur de Diadumène, (ils de Macrin, on
Vcria autre part que c'est une chose sans
vraisemblance : il serait plus aisé de croire
que c'est le même i|ue INalalis, q .i, ayant
confessé Jésus-Christ, et appaierameut sous
Sévère, se laissa depuis tromper par les théo-
dotiens. Mais c'est une simple conjecture,
qui n'a point d'autre fondement que la res-
semblant e du nom. Ceux qui la voudront
suivre seront obligés de dire que Miuutius
Félix a écrit avant la tin de Sévère : car il
n eut pas oublié la confession de son ami.
La faute du confesseur Natalis ne i ermettrait
guè.e non plus (ju'on crût que c'est le doc-
teur et le Père de saint Cyprien.
Octave mourut quelque teaips après avoir
acquis Cœcilius à l'Kglise, et lit par sa mort
uie plaie profonde dans l'ame de Miuutius
FéliX. 11 se con--olait néanmoins de la |)erle
que ses yeux avaient f ,ite de son ami, par le
souvenir de ses actions, qui le lui rendait
comme présent ; et il s'apjiliquait surtout au
discours par lequel il avait retiré Cœcilius
de sa vaine superstition : il le mit même par
écrit, et en forma ce dialogue célèbre que la
Providence divine a conservé jusqu'à nous,
et qu'on appelle ordinairement lOctave. C'est
le titre qu il portait déjà du temps de Lac-
tance. Miuutius Félix le lui avait sans doute
donné pour honorer la mémoire de son ami,
quoique, assurément, ce (|ui y est lui appar-
tie nie encore plus qu'à 0 tave.
11 a fait voir par cet écrit, dit Lactance,
combien il était capable de soutenir la vérité
par sa p urne, s'il se fût donné tout entier à
Cet eiiqiloi. S dnt Jérôme, qui le met au rang
des auteurs eoelésiastiques, dit qu il y a fait
connaître qu'il pussédaii toute la science des
lettres et de la lliéologie des païens. Il le met
avec saint Cypnen, saint Hilaire, et d'autres
qui ont défendu la vérité non-seulement
avec force, m .is encore avec beaucoup d'. rt.
Son ouvia^c avait «l'abord éé iinpiimé
comme un huitième livre d'Arnobe; mais
liaudou M, fondé sur l.aclaïuu; et sur saint
J ruine, l'a rendu à son véritable auteur i-ôs
l'an I5i;0, et personne n'en a plus do té de-
puis. Baudouin, dans sa fil éface, fait un grand
éloge de cet ouvrage; il appelle Arm be son
imitateur et son discifiie, et il croit (pj'Ar-
nobe l'avait particulièieiiient en vue lorxpj';]
dit qui; des jurisconsultes et des orateurs
avaient embrassé la foi chrét enne.
Minutius Félix promet, sous le nom d'Oc-
tave, dans son dialogue, de traiter complète-
ment en un autre livic la matière du destin,
ou ni;-r(jue qn'd l'avait dgà fait; et on lui a
en ( tlVl attribué un livre intitulé du Destin,
ou contre tes vieitliéDuiticims, qui s.; trouve
imprimé dans une édition d'Arnobe; mais,
quoapi'il soit o'unc |)ersonne él(,quente et
tiès-hab.le, néanmoins saint Jérôiucî doute
qu'il fût de lui, pane qu'il le trouvait d'un
autre style que le dialogue d'Octave; et peut-
être qu'on t. attribuait cet ouvrage à .Minu-
tius Félix que j arce qu'il avait [)iomis de
traiier la même matière. (ïi lemont.)
^ FEUDLNAND (le bienheureux), naquit à
Cuhacan, dans la Nouveile-Espagne, et était
allié, par sa mère, au cardinal duc de Lerme.
A (iix-sept ans il entra dans la compagnie ne
Jésus : c'était en 1598. M, prisant les digni-
tés qu'il aurait pu obtmir dans l'Eglise, il
vtiuhit travailler à la conversiin des indigè-
nes idolâtres. Il fut envoyé au Granii-...aiais,
«u delà de la Nouvelle-B scaye. Plusieurs
ni.ssionnaires travaillaient déjà avec succès
dans ce pays, et plus lie cinquante mille in-
uipène^ ava.ent été baptisés. Parmi les loca-
lités que prêchaient tes missionnaires , on
disti'^guaii ïenerapa et Sainte-Catherine, oià
la relig.on faisait de ,-,rands progrès. U,. im-
posteur, s'annonçant comme un bis du Soleil,
le dieu du Ciel, et se disant le dieu de la
Terre, amena les indigènes à secouer le loug
de l'Evangile; et il fut résolu que les Jésuites
seraient massacrés le 21 novembre 161G. Sur
ces e. trefailes, Isabelle, mère de notre bien-
heureux, étant devenue veuve, s était retirée
dans un couvent de Mexico. Comme elle crai-
gnait de ne pouvoir revoir son tils , à cause
des dangers journaliers qu'il courait , elle
pria le provincial de faire venir Ferdinand
dans la capitale du Mexique, atin de lui dire
adieu; el e ne se doutait point qu'elle hâtait
a'mA la mort de son tils. Celui-ci se rendit au
dés.r de sa mère; et, après lui avoir lait ses
adieux, il reprit le cliemin du Grand-Marais,
et lUi forcé de traverser le territoire de ïepe-
guai.s, dans la Nouvelle-Biscaye. Il venait de
sortir de Sainte-Caiherine, quand une troupe
d'indigènes se ruant su,- lui, un d'eux Je ren-
versa de sa mule et lui perça la | o.tiine d un
furieux cou.) ue lanee. Le martyre de n tre
bien;:eureux arriva le IG novembre 1616.
(Tanner, Societan Jesu usque ad sanguinis et
vitœ profasionem mililans. p. i67.)
FEKiiiNTiNO, ville des Etats ecclésiasti-
ques, à 65 kil. S.-E. de Rome. Cette ville
999
FER
FER
iooo
est célèbre par le martyre de saint Eatyche,
qui arriva à une époque complètement igno-
rée.
FERFAY, vallée dans le terriloiredela ville
Lillers, en Artois. Ce l'ut là que saint Luglius
et saint Luglien, son frère, furent mis à
mort j)ar des brigands, pendant qu'ils an-
no'içauint l'Evangile en se rendant à la terre
sainle. Tout ce pays fut pendant longues
années désolé par des voleur:?, des détrous-
seurs, connue on en voyait si fréquemuient
dans ces siècles, où le morcellement de
laulorité souveraine en France empêchait
d'établir une police qui mît en sûreté les
personnes et les biens. Alors ce n'étaient
pas seulement les forêts et les cavernes qui
servaient de repaires à ces brigands, ils
avaient des demeures quasi-royales; souvent
eux-mêmes étaient des seigneurs, comme le
fameux baron des Adrets et tant d'autres.
Ainsi, pour parler de ce qu'on trouvait en
Artois, nous citerons Bapaume, qui, dans le
XI' siècle, était un château fort redouté de
toute la contrée. Les voleurs, les malandrins
s'y retiraient, et de là désolaient les campa-
g'ies, attaquaient les voyageurs, imposaient
les paysans. On ne sait pas d'oii datait cette
république de malfaiteurs. Toujours est-il
qu'on ne put les débusquer de leur position
qu'en 1335. Plus tard, un bourg se forma au-
tour de ce repaire abandonné; puis ce bourg
devint une ville. Triste origine : de nos jours
encore on la reproche parfois aux habitants
de Bapaume. Beaucoup de bourgs et de pe-
tites villes des environs durent leur origine
à ces brigands , d'une manière indirecte.
Dans la crainte de leurs attaques, les habi-
tants se reliréiienl, se ^Toupaicut sous la pro-
tection des châteaux : voilà comment les
agglomérations se formaient. 11 n'en était pas
toujours ainsi, et les victimes avaient parfois
aussi l'honneur de devenir fondateurs.
Quand les brigands qui dévastaient l'Artois
eurent tué, vers la fin du vu"" siècle ou vers
le commencement du viir, saint Luglien et
saint Luglius dans le val de Ferfay, la piété
des habitants s'émut. Les deux voyageurs
étaient des hommes de Dieu, des prédica-
teurs; ils allaient en terre sainte et en j)as-
sant ils jetaient sur leur chemin la semence
évangélique. Vivants, c'étaient des saints ;
assassinés, c'étaient des martyrs. On |)orla
leurs reliques dans un lieu voisin, où la
piété publi(iue vint les honorer en grande
afllu(,'nce. On donna à cet endroit le nom des
saillis, non) qui, par cnrruj)lion, a fait Lil-
lers. Ainsi fui Ibrnjée celte j)efil(.' ville, au-
jouid'hui chel'-Jieu de canton dans le J'as-dc-
Calais. 11 est un grand nombre de nos villes
(jui doivent ainsi leur origiije à quchiue
pif.'usi! vénération.
FERMO, dans la Maiche d'AncAne, a vu
le marlyie de la vierge sainte Sophie. On
iuMiruf; à quelle épotpie.
FLHNAiND (h; bicidieureux Pieriie), de la
Comp.igtiie de Jésus, Portugais, faisait partie
<h-' la li(MJ|io de missi(jnnancs que le P. Diaz
condms/iil.au Ilit'sd, à la siiilc; du P. A/a-
vedo. L'n mois apnjb le départ du SainC-J"c~
ques, qui portait ce dernier, Diaz et ses com-
pagnons quitlèrent Madère, afin de poursui-
vre la roule vers le Biésil, avec le reste de
laflotle. La tempête ayant dispersé les na-
vires, celui que montait notie bienheureux
et SCS compagnons dévia vers l'île de Cuba,
et à San-lago on dut abandonner le
vaisseau (jui faisait eau de touie^ paris.
Les voyageurs trouvèrent une barque, (,ui
les conduisit au port d'Abana, d où un na-
vire, qu'ils y frétèrent, les transjiorta aux
Açores le mois d'août 1571. Ils y trouvèrent
le commandant de la flotte, Louis de N'as-
concellos avec le P. Diaz et c n(| auties jé-
suites, qui les y avaient devancés. L'amiial,
voyant son monde si réduit, ne conserva
qu'un navire et ils se rembarquèrent le 6
septembre 1571. Bientôt ils rencontrèrent
cincj vaisseaux de haut-bord, commai dés
par ,ie Béarnais Capdeville, calvmiste, qui
avait assisté à l'abordage du Saint-Jacques.
Le combat ne fut pas long, et les calvinistes
s'emparèient du navire catholique ; le bien-
heureux Diaz fut massacré, puis jeté à la
mer le 13 septembre. François de Castro,
confessait le [lilote au moment où les calvi-
nistes montaient à l'aboidage, il fut massa-
cré ; Gaspard Goez subit le même sort ; lo
P. Michel, qui avait été renfermé avec d'au-
tres durant la nuit, dans la cabine de Vascon-
cellos, ayant jeté un soupir que lui arra-
chait la blessure de soi bras, au moment
où on les lui liait derrière le dos, les calvi-
nistes se saisirent de lui et le jetèrent à la
mer avec le bienheureux François-Paule.
Pierre Fernand fut [)récipité également
dans les Ilots, et fut noyé |)resquc aussitôt
avec Jean Alvare, ne sachant nager ni l'un
ni l'autre. Les autres compagions de leur
martyre furent Alfonse Fcrnandcz, Portu-
gais ; Alfonse-André Pais , Portugais ; un
autre Piene Diaz, Portugais ; Jacques Car-
valho, Porlugais; Fernand Alvare, Portu-
gais. (Du Jarrie, Histoire des choses plus mé-
morables, etc., tome II, page 295. Tamier,
Societas Jesu usque ad sanguinis et vitœ pro^
fusionem militans, p. 17i et 177.)
FERNANDEZ (le bienheureux Alphonse).
Vo\j. l'article j)i'écédent.
FERNANDEZ (le bienheureux François),
de la compag lie de Jésus, faisait |)aitie du
couvent des Jésuites à Chaltigang. L'église
et la maison de ces religieux ayant été sac-
cagées, notre bicnlitmi-euv fut" jeté en pri-
son où il expira le l'i noveiid)re 1602.
FFUNANDKZ (le bienheureux (iicoiicKs),
de la compagnie de Jé>iis, soulli'it le mai-
tyre en i580, avec; le P. tlomez d'Amaral.
Tous deu\ s(î rendaient dans l'île tlAnihoine,
sur un navii'C commandé |)ar le Porlugais
Augnslin Nugnès, lorsipu-, le 2'i septembre,
non l(jin de Java, des viiisseauv diî ce pays
les enveloppèienl et les massacrèrent tous.
(i)u Jarrie, Histoire des clioi^es plus mémora-
bles, l. 1, p. ()V1) ; Taïuier, Sucivtas Jesu usque
<i(t sduyuiitis et vita- jnafusionnn militans, p.
2:52.)
FERRARE [Ji;an di:), frère lai, fui percé
1001
FER
FER
lOOÎ
à coups oe flèches par les habilJints do la
province de Culiacan, sur le bord ori<Mil;d
de la mer Vermeille, avec le frère mineur
Paul Azcvedo do Ferrare, son compaj^^rion.
{(^ironiques des Frères Mineurs, t. IV, p.
171)8.)
FKKUÉOL (saint), martyr, était ofTicier
dans les troupes impériales quand éclata la
persécution de Dioclélien. Ce fut en l'an-
née 30V de l'ère chrétietuie (ju'il regut la
couronne du martyre, ainsi (pie le disent
ses Actes que voici. « L'Eglise, l'objet de la
tendresse du Fils de Dion, et de la iiaine du
démon, f:i;émissait sous la cruelle ])ersécu-
tion de Dioclétien et de ses collègues, lorsque
Crispin, gouverneur d'une partie des (iau-
les, voulant pousser encore plus loin sa
fortune, et l'aire sa cour aux enqiercurs aux
dépens même de l'innocence et de la vertu,
s'a|)pliqua avec un soin extinMne à faire exé-
cuter dans son gouvernement cet article des
derniers édits, qui [)ortait que dans toutes
les provinces de l'eaqiire on contraindrait
les chrétiens à sacritier aux idoles. 11 f.iisait
sa résidence ordinaire à Vienne. On le voyait
chaque jour assis sur son tribunal, et envi-
ronné d'une troupe de conseillers qui ne res-
piraient qu'impiété et que fureur, combler
d'honneurs et de bienfaits ceux d'entre les
chrétiens qui trahissaient lâchement leur
Dieu et leur religion, et accabler au contraire
d'atl'ronts, d'ignominie et de tourments ceux
qui demeuraient fidèles (i l'un et à l'autre. Il
apprit par ses émissaires que le tribun Fer-
réol était chrétien ; il entreprit de le gagper
à quelque prix que ce fût. Ferréol, lui dit-il
un jour, vous n'ignorez pas les nouvelles
ordonnances de nos invincibles princes ;
votre charge, votre honneur, les gratifica-
tions que vous retirez de la cour sont de
forts engagements pour vous, et de puis-
sants motifs d'une soumission aveugle; mais
surtout le respect religieux qui est dû aux
ordres des souverains vous doit plus que
toute autre chose inspirer cette prompte
obéissance. Hâtez-vous donc d'en donner
des marijues publiques, de peur qu'en diffé-
rant |)lus longtemps vous ne me donniez
litru de croire de vous des choses que je veux
bien ignorer. 11 est ordonné par ces édils de
sacrifier aux dieux : qu'attendez-vous pour
vous acquitter de ce devoir de religion ? Je
suis chrétien, répondit Ferréol, je ne puis
sacrifier à vos dieux; au reste, j'ai servi l'em-
pereur tant que ma religion me l'a permis;
j'ai obéi, vous le savez, avec une exacte
fidélité , tandis qu'on ne m'a ordonné que
des choses justes ; maintenant que vous
m'en proposez d'injustes et pleines d'im-
piété, je n'obéis plus. J'ai peu d'ambi-
tion; on ne me verra point courir après les
bienfaits de la cour, et je renonce à ses
gratifications ; je consens môme à ne plus
toucher mes appointements ; que des soldats
sans religion s'engagent, s'ils veulent, au ser-
vice d'un maître qui n'en a qu'une fausse.
Je ne demande à l'empereur ni richesses ni
postes élevés; la seule récompense que j'at-
teuds de mes services, c'est la peimission
DiCTIONN. DES PKaSlîCLTlONS. I.
d'être chrétien; si l'on me refuse, me voilà
prêt h mourir.
J.e gouverneur reprenant la parole : D'oii
vous vient, Ferréol, lui dit-il, cette grande
indifférence pour la vie? Peuf-rtre que vous
sentant coupable envers l(!s lois et les em-
pereurs, que vous avez également méprisés,
vous vous jugez vous-même digne de n^orl?
Mais non, cher Ferréol, vous n'avez rien à
craindre; votre crime est déjh effacé dans
mon esprit, je ne m'en souviens plus. Je
vous réponds même, de la part des dieux et
des Césars (1) , qu'ils l'oublieront aussi ,
pourvu (pi'un prompt repentir donne lieu à
leur clémence, et que rcnr)n(;ant à la secte
des chrétiens, vous vous mettiez en devoir
de satisfa r(> les lois en sacrifiant aux dieux.
Je vous suis fort obligé, seigneur, de cette
boiUé que vous me témoignez, répliqua Fer-
réol, je suis seuh^ment ïàdv' de n'être pas
en état d'en profiter. Réservez-la pour ceux
qui ont dessein de s'engager au service des
em|iereuis, et qui veulent avoir l'honneur
de servir sous vous : pour moi qui suis per-
suadé que je n'ai point violé les lois de
l'empire en leur préférant celles de Dieu,
ie n'ai pas besoin de pardon ; il faut se
croire criminel pour recourir à la grAce du
prince. Je le serais en effet, si en abandonnant
le culte du vrai Dieu j'embrassais celui des
idoles. J'adore le Créateur, et je n'ai point
d'encens à donner h la créature. Ce n'est pas
dans des ouvrages faits de la main des hom-
mes qu'on doit chercher la divinité. Cet Etre
souverain qui a formé l'univers est le Dieu
qu'on doit adorer; tout l'annonce, tout le
reconnaît dans la nature; le ciel, la terre,
les astres qui brillent sur nos têtes, les abî-
mes qui sont creusés sous nos pieds. Ces
êtres inférieurs et créés publient, chacun en
sa manière, qu'il est leur auteur. Lui-même
les a formés pour l'homme, et non l'homme
pour eux. Vous renversez cet ordre en pré-
férant les choses inanimées à celles qui ont
la vie ; les êtres qui n'ont que le sentiment
à ceux qui sont pourvus d'intelligence , et
les substances corporelles et périssables aux
S{)irituelles et immortelh s ; en un mot, le
mensonge à la vérité, et la créature au Créa-
teur. C'est pour cette injuste et criminelle
préférence que Dieu vous a livré à un esprit
d'orgueil et de cruauté, et vous abandonnera
après votre mort à toute la rage des esprits
iujpurs, de ceux-là mêmes devant lesquels
vous fléchissez maintenant le genou, et qui,
après avoir été vos dieux, deviendront vos
bourreaux. 11 n'en est pas de même des
serviteurs du vrai Dieu; l'espérance qu'ils
"ont de ressusciter un jour leur fait regarder
la mort comme un passage à une vie éter-
nelle et infiniment heureuse.
A ce que je vois, interrompit le gouver-
neur, votre parti est pris, vous semblez ne
(1) Ce lerme n'esl pas ici pris à la leure pour la
secodde dignité de l'empire; mais dans un sens plus
étendu pour les (jualit* princes qui régnaient alors,
ddiit les deux preiniess étaient Angusies ou empe-
reurs, et les deux autres étaient Césars.
5^
1003 FEU
tenir a la vie qu'à legret, et vous complez k
vu Ire pour rien. Vous loganloz sans doûle
aveola mèiuo ^idifférence les tourments que
je puis vous faire endurer; il y a de l'appa-
rence , puisque toute ma douceur n'a rien
jm obtenir de votre inllexibie dureté. Tou-
tefois, consultez-vous encore. Vous sentez-
vous, dites-moi, assez do constance, ou plu-
tôt assez d'insensibilité pour résister à toute
leur violence ? Mais enlin le gouverneur
vovant que ni prières ni menaces ne fai-
sai'ent aucun efTet sur cet homme intrépide,
que la grâce rendait impénétrable à tous ses
traits, il le fit battre fort longtemps à coups
de nerf de bœuf. Quoique les bourreaux se
succédassent les uns aux autres, la i)atience
inébranlable du martyr les lassa tous, et les
mit plus d'une fois hors d'haleine. Ce qui
obligea le gouverneur de l'envoyer en pri-
son, après l'avoir fait charger de chaînes. Il
s'écriait, dans la fureur dont il était pos-
sédé, et que cette longue résistance enflam-
mait encore davantage : Que ce cachot infect
5oit la demeure d'un rebelle ; qu'il anprenne,
le misérable qu'il est, à respecter les lois ;
qu'il sente tout le poids de son crime; il est
indigne de voir le jour qu'il tient de la bonté
de ces dieux qu'il a méprisés : que la pesan-
teur de ces fers ne lui permette qu'à peine
de respirer ; qu'il ne puisse ni s'asseoir, ni
se coucher, ni se tenir debout, sans trouver
dans quelqu'une de ces situations quelque
nouveau tourment; et que tout cela ne soit
que de légers préludes de ceux que je lui
prépare. Ces ordres barbares furent exécutés
de point en point.
Ferréol passa deux jours dans cet horrible
cachot. Sur le malin du troisième, comme
ses gardes étaient, selon qu'il arrive d'ordi-
naire, profondément endormis, il sentit qu'il
n'avait plus de chaînes; et s'approchant dou-
cement de la porte, il la trouva tout ou-
verte. Se souvenant alors du conseil de l'E-
vangile, qui veut qu'on fuie quelquefois la
persécution, il résolut de se dérober à la re-
cherche de ses persécuteurs, et de mettre sa
vie en sûreté dans quelque pays éloign;'.
Dans cette pensée, il sort de la ville par la
porte de Lyon, il s'y arrête un moment pour
se déterminer touchant le lieu de sa retraite,
et pour cacher si bien sa fuite à ses enne-
mis, qu'ils n'en puissent découvrir aucune
trace. Il se met en oraison aiin d'obtenir les
lumières du ciel et sa protection. Puis plein
de conliance, et s'apf)uyant sur la |)roruesse
du Seigneur, il se lance dans le Rhône pour
le (jnsser à la nag(;. Mii\s quel est l'élémeut
qui ne se fasse gloire de nmdre service; à
ceux qui servent leur Créateur; ou quel obs-
tacle peut rencontrer un saint, (pi'il n»; sur-
monte fiar la grandeur de sa foi et la ferveur
de sa prière? Ce lleiive iu)pétui'ux, s(;nl;uiL
ce dépôt que la Providence lui avait conlié,
retient sa violence, et, allcrmissanl ses eaux
sous le saint mailyr, lui sert d-; |)ont pour h;
faire passer à l'autre bord. Y étant arrivé
s'ins be-jucouj) d'cnbi'l, il doul)le le pas, et
KHgue la petite rivière de (îerre. Mais J)ieu,
«'étant contenté do cet essai de sa toute-[)uis-
FES *004
sance, permit qu'il fût repris en cet endroit.
On lui lia les mains derrière le dos, et on lui
fit reprendre le (hemin de Vienne. Ce fut
assez proche de la ville, et au môme lieu où
l'on voit aujourd'hui son tombeau, que, par
\ni mouvement soudain de fureur, ses enne-
mis le tuèrent. Les lidèles prirent son corps
et l'enterrèrent sur le bord du Rhône, où le
saint tribun est révéré par le peuple de
A"ienne, et reconnu comme le protecteur de
cette ancienne ville. — 18 septembre.
FERRER [\q bienheureux Rapuael), de la
compagnie de Jésus, naquit en Catalogne. Il
entra chez les Jésuites en 1587, et avait alors
vingt ans. Il passa au Pérou et y lit de nom-
breuses conversions. A Cali, dans la province
de Popayan, il réussit à faire abolir un an-
cien usage, qui consistait à dresser le théâ-
tre dans l'église. Il partit ensuite chez les
Cofancs, peuplade féroce h soixante lieues de
Quito, il y évangilisa avec succès et réunit
ses néophytes dans trois bourgades. Mais
bientôt plusieurs indigènes, qui regrettaient J
leurs anciens usages, l'attendirent auprès f
d'un pont où il passait en se rendant d'une
bourgade à l'autre, et le précipitèrent dans
le torrent, au mois de mars 1611. (Tanner,
Societas Jesu, iisque ad sanguinis et vitœ pro-
fasionem miUtans, p. 4G2j.
FERRUCE (saint), martyr, servait dans les
troupes hivernées à Mayence, dans le iv ou
le V siècle. Il quitta les armes pour se con-
sacrer entièrement au service de Jésus-
Christ. Le commandant de Mayence, irrité
de cela, le fit enchaîner et enfermer dans une
forteresse située au delà du Rhin, probable-
ment dans le lieu nommé aujourdhui Cas-
sel. Après quelques mois, le saint y mourut
des mauvais traitements dont on l'accablait.
Le prêtre Eugène l'enterra au lieu môme où
il était mort. Il inscrivit sur son tombeau
l'abrégé de son histoire. L'Eglise fait la fête
de saint Ferruce le 28 octobre. {Voy. Sermon
de Méginhart sur saint Ferruce.)
FESCENlNlNLiS,juge ([ui lit, suivant Adon,
mourir pour la foi, à Paris ou auprès, saint
Denys, évoque de cette ville, saint Rust que,
prêtre, et saint Eleuthère, diacre. Ce dut être
en 273, durant la persécution d'Aurélien ,
ou même en 275, quand les édits qu'il avait
lancés faisaient encore des victimes, bien que
lui-même fût mort.
FESCENNINUS, autre juge, qualifié prési-
dent dans le Martyrologe romain, lit mou-
rir, dans le N'exin français, sous fem[)ire do
Dioclétien, vers l'année 286, les saints Ni-
caise, Quirin, Scubiculo et sainte Piancic.
Il est probable (jue ce juge agissait d'après
i'instig ition partu'ulière de Maximien, puis-
(pie Dioclétien n'avait pas encore lancé les
édits de pei'séi'ulions générales. On sait
qu'à l'époijue dont nous parlons. Maximien
commandait dans les (Jaules. Quand bien
mêuie aucun prince n'eût donné d't)rdres
positifs (le persécution, les magi'îlrats ])0u-
vaient sévir en v(n'lu d(;s ancie is édiis et des
anciennes lois (pii n'avaimit jioMil été abro-
gées. Pies(iue toujours, comme nous l'avons
dit souvent ailleurs, les gouverneurs ou ma-
é
1005
FID
FIG
1006
g-istrats étniont libres do siiivro los inspira-
liDiis (lu bo'i plaisir à l'étijard des chrélicMis.
l"'l':S'l'E (sailli), diacre el nuirtyr, t'Iait
altaelK^ à l'église do liénéveiit. Ayant appris
rtMiiprisoniiemenl de son évO(pie, saint Jan-
vier, il vint il Noie pour le von. Il t'utarrcMé
ol présenté au gouverneur Tiuiothée : saint
Janvier l'ayant reconnu pour appartenir h
son église, il fut conduit h l*ouz/oles, el jeté
aux bêles dans rani[)lntlié<\tre,avec son évù-
([ue et ses compagnons de captivité. Les
animaux féroces n'ayant f)as voulu faire di)
mal à ceux qu'on leur doiuiait pour victi-
mes , Tinu)ll.''ée fit décapiter tous les saints.
Le corps de saint K(\ste tut porté h Bénévent.
( Voy. JvNviEii). L'Eglise fait la ftMe de saint
Fesie, avec celle de saint Janvier, le 10 sei»-
tenibie.
FliSTUS ( saint ) , fut martyrisé en Tos-
cane pour la déf(>nso de la roligioîi chré-
tifMUie. Il (Mit pour compagnon de son com-
[lat saint Jean. Nous ignorons coinpléleiucnt
l'é;)0(jue et les dillerentcs cireonslancos do
leur martyre. L'LgIise lionoro leur sainte
mémoire le "21 décembre.
FESTrS {Porcius) , proconsul et gouver-
neur de Judée, après Félix. Il tiOuva,eii
arrivant à Césarée, saint Paul dans les pri-
sons de celle ville : il le lit citer à son tri-
bunal. Saint Paul en ayant appelé à César,
Feslus n'osa pas le refuser et le renvoya de-
vant rem|)ereur , quoiqu'il eût reçu une
somme d'argent pour ne lui ôtre pas favo-
rable. Il fit paraître auparavant le saint
apôtre devant Agrip|\i et sa sœur Bérénice.
FIDÈLE ( saint), martyr, eut la gloire de
verser son sang pour la foi à Edesse en Sy-
rie, durant la persécution de Maximien. Il
souffrit le martyre avec saint Tbéogone et
Siiint Agape,ses frères. Ce fut leur mère,
sainte Basse, qui plus tard soutint elle-
même le martyre dans la môme persécutiin,
qui les exhorta à donner leur vie pour Jé-
sus-Christ. Ils sont inscrits au Martyrologe
romain au 21 août, et c'est ce jour que l'E-
glise honore leur mémoire.
FIDÈLE (saint ), reçut la palme du mar-
tyre en Al'rique, dans des circonstances et à
une époque que nous ignorons compléte-
mi'nt. Nous n'avons pas d'autres détails sur
lui. L'Eglise fait sa fête le 23 mars.
FIDÈLE ( saint ) , fut martyrisé à Corne,
sous l'euîpereur Maximien. Nous ignorons
à quelle date et dans quelles circonstances.
L'Eglise fait sa glorieuse mémoire le 2S
ôctobi'e.
FI.DÈLK DE SIGMABINr.EN (saint), capu-
cin, marlyr, naquit à Sigmaringen, ville si-
tuée sur le Danube. Il iit ses études à Fri-
bourg d'une manière très-brillante. Aussi
plusieurs jeunes gentilshommes qui vou-
laient parcourir les diverses contrées de
l'Europe, le prirent pour leur guide. Pendant
tout le voyage qui dura six ans, notre saint
fut un modèle de vertus pour ses compa-
gnons. A son retour, ii se fii, recevoir doc-
teur en droit, fut nommé procureur, et
s'appliqua si bien dès lors à défendre les
opprimés, qu'il reçut le surnom iVAvocul des
î
pauvres. Les injusticiîs que sa probité ne
j)0uvaient voir sans douk-iu-, l'engagèrent ii
se retin.'r du barreau. 11 se décida à enli«p
dans l'ordre des cajmcins, et l'ut reru en 1011
)ar le Père Alexandre, fj^vincialde l'ordre^
i Aldorf, et re(;ut ensuite les saints ordies
de révè((uo sulfragant de Constance. Ce fut
alors (ju'il reçut le nom de Fidèle. Ses pr6-.
dicalions eur(nit un si grand succès que la
congrégation de la Propagande de Rome le'
chargea d'aller annonc(!r l'Evangile aux
Gi-isons, où les erreurs de Calvin avaient fait
de grands ravages. 11 convertit Coinvid et
Anne de Plata, Kodolplie de Sales et Bodol-
plie Gugelbergez, gentilshommes calvinistes.
Les partisans de cette secte, furieux du suc-
cès des prédications de notre saint, résolu-
rent de s'(;n venger. Les habitants de Sévis
l'engagèrent à celle intention à venir prê-
cher chez eux. Fidèle qui n'ignorait pas le
sort qu'on lui réservait, y partit aussitrôt. Il
ne put empêcher néanmoins que le capitaine
Jacques Kolonna lui donnât une escorte,
alin do ])révenir toute violence. A peine son
sermon était-il commencé qu'un coup de
mousquet lui fut tiré. On le manqua, mais
toute l'escorte fut massacrée Il s'en re-
tournait à Grùsch, quand il fut assailli par
une troupe de calvinistes qui l'accablèrent
d'injures et d'outrages. Un d'eux le renversa
par terre d'un coup d'estramaçon, tandis qu'il
suppliait le Seigneur de leur pardonner, parce
qu'ils ne savaient pas ce qu'ils faisaient. Un
autre lui fracassa la tête d'un coup de mas-
sue ; d'autres lui couvrirent le corps de coups
de poignards. Un des assistants, touché de
cette mort, abjura l'hérésie et revint à la
vraie religion. Notre saint fut ainsi martyrisé
le 24 avril 1622. Quelque temps après, son
corps fut transféré dans l'Eglise des capucins
doFeldkirch, où on le voit encore. 11 s'y opéra
un grand nombre de miracles, L'Egiise célè-
bre sa niéuioire le 2ï avril.
FIDENCE (saint), reçut la palme du mar-
tyre à Todi, sous l'empereur Dioclétien. Il
eut pour compagnon de son martyre saint
ïérence. Nous ignorons les détails de leurs
combats. L'Eglise fait leur fête le 27 sep-
tembre.
FiDENTIEN (saint), reçut la couronne du
martyre en Afrique, avec les saints Second
et un autre. Nous n'avons aucun détail sur
eux. L'Eglise lait leur fête le 15 novembre.
FIÉSOLE, ville de Toscane. C'est dans
cette v.lle que saint Romule, évèque, et ses
compagnons furent martyrisés sous le règne
de l'empereur Domitien. 11 n'existe aucun
monument historique donnant des détails
sur ces saints personnages.
FIGUEKOA (le bienheureux Fraisçois de),
missionnaire do la compagnie de Jésus, fut
massacré en 16GG, près de Guallaga, sur le
fleuve des Amazones, par les infidèles à qui
il prêchait la foi.
FIGUEROA (Nicolas de), catéchiste du
Père Sanvilores, apùlre des iles Mariannes,
fut tué avec un autre catéchiste, nommé Da-
mien Bernai, par les indigènes. Leur martyre
arriva vers 1 an 1672,
1007
FIN
FIR
1008
FILOCTIMON (saint), martyr, l'un des
miarante martyrs de Sébaste sous Licinius.
\Voy. Martyrs de Sébaste.)
. FINGAR (saint), martyr, est vulgairement
nommé par les Bretons s tint Guigner. Il était
fils d'un roi dirlande, qui le chassa, parce qn'U
avait accueilli saint Patrice, quand il vint
prêcher la foi dans ce pays; et parce qu'a-
près avoir reçu le prédicateur, il avait em-
brassé sa doctrine. Chassé des Etats de son
père, Fingar s'embarqua pour l'Armorique ;
celui qui commandait dans ces contrées ,
E rince ou gouverneur, l'accueillit honora-
lement : l'exil est un passeport pour lus
malheureux partout où il y a des sentiments
humains. Au bout de quelque temps il apprit
la mort de son père, il retourna en Irlande,
m'tis n'y resta que très-peu de temps. Il en
repartit, emmenant avec lui quelques chré-
tiens. Ils abordèrent tons ensemble dans la
Cornouaille armoricaine. Ils se destinaient
à la vie solitaire ; ce pays leur convenait.
C'est encore aujourd'hui l'un des derniers
pays que leurs remparts naturels aient pro-
tégés contre les envahissements de la civili-
sation, qui met ses alignements froids, ses
plantations compa-sées <» la place des beau-
tés agrestes et si grandioses de la nature.
La vied.e Bretagne, avec ses haies vives, ses
vallons et ses forêts au bord des landes,
ses bruyères, est encore un pays poétique.
A cliaque pas, dans ses sites pittoresques
on s'attend à voir paraître le vieux Celte ou
Fingar le soli aire. On sent que c'est encore
la patrie de l'histoire nationale. Dans nos
contrées, où la charrue a tout nivelé, où, à la
place des hêtres sé;;ulaires, le propriétaire
aligne des peupliers dontl'accroissement cha-
que année lui vaut vingt sous, et qu'il abattra
dais vingt ans,onsesentrAmefroide, on sent
une nature factice qui résume l'industrie
actuelle, mais qui ne dit rien des choses du
passé. J'ai vu dans la Bretagne, j'ai vu dans
l'Anjou, les grottes des solitaires encore
conservées par la piété des habitants. J'al-
lais souvent visiter, à mi-chemin des Ponts-
de-Cé, à houleine, un lieu dit l'Ermitage.
Les propriétaiies n'ont rien détruit. Un
petit si'utier mène au désert. Tout au-
tour sont d s champs labourés, où jaunit
l'épi, où mûrit le raisin. Mais (juand y est
entré, on est en pleine solitude. C'est un
espace inculte, situé en amphilhétltre sur le
jjenchant d'un coteau. Des chênes puissants
et vénérables poussent à sa base et l'ombra-
gent j)rcs(|ue entièrement. Des buissons
d'arbustes sauvages le tapissent. Une chau-
mière rustique de six pieds carrés est ados-
sée à une anfractuosile rocheuse ; un sentier
étro t descend jusqu'au ruisseau (jui coule
au bas : c'était par lii que le saint allait
puiser de l'eau. Quand on y est quehiues
jnstanlSjOn oublie Iw monde, on se recueille
malgré soi : il semble ([uon se r(![)0se des
ftgitaliunsdc l;i vie dans la paix de la solitude;
puis on attend, on icgaidi; invoionlairrniient
a ch.'Kpic iJélour : on attend l'Iiùte de ces
iii-.ux. P.iuvre cher ermiiagc, puisses-tu r'es-
4or longleiijps histoiri.i é- riit;du leuJps jjassé,
souvenir d'autrefois que les pères appren-
nent aux enfants! Hélas! peut-être quelque
froid géomètre tr-acera demain dans tes
buissons la route d'un cheiuin de fer. Peut-
être un commerçant retiré y bâtira son logis
peint en vert, et fera de la chaumière le pi-
geonnier de la basse-cour 1 Gardons, gardons
le culte des souvenirs; respectons ces héri-
tages des temps passés; assez de réalités
mesquines envahissent le sol; un coin pour
la poésie, un coin pour le cœur et l'idéal !
A l'époque où Fingar et ses compagnons
vinrent habiter l'Armorique, l'empire romain
était en pleine décadence. Chaque peuple
barbare arrachait un lambeau de la pourpre
impériale. Les invasions arrivaient toutes
par les Gaules ; chaque prince avait fait sa
part. La Bretagne avait ses petits rois. L'un
d'eux, nommé Thewdric, vint dans les soli-
tudes de Cornouailles : il massacra les soli-
taires, en l'an 455. Une portion des reliques
de saint Fingar est dans l'éghse du bourg
de Puivigné, au diocèse de Vannes. Avec
lui finent martyrisés tous ceux qui l'avaient
suivi, et entre autres sainte Piale, sa sœur,
et sainte Jia, jeune vierge irlandaise. Cette
dernière, qu'on nomme en Bretagne sainte
Jies, a donné son nom à un bourg du canton
de Cornouailles. La fête de ces saints a lieu
le 14 décembre.
FIRME (saint), prêtre , fut martyrisé à
Trieste, avec saint Marc diacre, du temps de
l'empereur Adrien, le 10 mai, jour que l'E-
gli.ve a adopté pour leur fête.
FIRME (saint), martyi à Carthage, en 250,
sous le règne et durant la persécution de
l'empereur Dèce. Il fut enfermé avec une
gi-ande quantité d'autres martyrs, dans un
cachot ou, par ordr-e de l'empereur, on les
laissa tous mourir de faim. [Voy. Victorin.)
L'Eglise fait la fête de tous ces martyrs le
17 avril.
FIRME (saint), fut martyrisé, durant la
persécution de Maximien. Il eut le corps
déchiré, fut lapidé et enhu décapité. L'Eglise
fait sa mémoire le 1" juin.
FIRME (saint), martyr, était soldat. Il
souffrit le martyre à Satales, en Ai-ménie,
avec ses six frères, soldats comme lui,Orencc,
Héros, Pharnace, Firmin,Cyriaque et Longin.
Us moururent séparés les uns des autres,
accablés de douleurs et de misères. L'Eglise
vénèi'e leur sainte mémoire le 24 juin.
FIRME (saint), fut martyrisé à Vérone
avec saint Rusticpie. Leur martyre arriva
du tem[)s de l'empereur Maximien. Les Ac-
tes des martyrs ne nous ont laissé aucun
détail sur eux. L'Eglise fait leur fête le 1)
août.
FIKME (saint), martyr, reçut la palme du
martyre h Rome avec les saints Kortiinat,
Félicien et Candide. Les circonstances et l'é-
p0(pie de leur martyre sont inconnues. L'E
glise fait leur fête lu 2 février.
FIRME (saint), évêqiie et martyr, souffrit
la mort .^ 'lagastc en l'homieur de Jésus-
Christ. Nous m tnquons de détails sur son
co.iiple. L'Eglise lioiiort> sa mémoire le 31
juillet.
1009
FIR
FIS
iOlO
FIRMILIEN, gouverneur de Palestine sous
DiotUHien, succt'da à Urbain, qui avait mon-
tré tant d'acharncnicnt à pcrst'ciitiT les
clu-élit'us. (!(! j,'()uv(MiR'ur venait d'cMie di^-
capilf'' |»ar ordii' de Dioclélien,(|ui lui irpro-
chail divers crimes. Du premier coup, Fir-
nnlien se montra aussi ft^roce (pie lui : il lit
mourir un grand nombre d(^ chrétiens au
milieu des f)lus airoces supplices. Il lit atta-
cher ensemble et brûler vives, sainte Thio
et sainte Valentine, aprùs les avoir l'ait lior-
ribloment dùchirer par le bouireau. Les
dernières victimes de sa rage furent saint
Adrien et saint Cabule. {Voy. les articles de
ces deux saints.) Il eut le môme sort que son
prédécesseur; s'étant rendu coup<)ble de di-
vers crimes et concussions, rem[)ereur le fit
décapiter deux ans après Urbain.
FIHMIN (saint) , martyr, versa son sang
pour la foi h Satales, en Arménie, sous
l'empereur Maximien. Il eut pour compa-
gnons de son martyre ses six frères, soldats
comme lui , et nommés Orence , Héros ,
Pharnace, Firme, Cyriaque et Longin. Ils
moururent séparés les uns des antres, acca-
blés de misères et de douleurs. L'Eglise fait
leur mémoire le 2i juin.
FIRMIN (saint), martyr et premier évAt^ue
d'Amiens, lut instruit et baptisé [)dr saint
Honest, disciple de saint Saturnin, et prêtre.
Saint Firmin fut ordonné évoque pai saint
Honorât. Aussitôt après son ordination , il
alla prêcher la foi à Albi , à Agen , en
Auvergne, en Anjou, à Beauvais, et enfin à
Amiens, où il fixa son siège. Pendant qu'il
était à Beauvais, un nommé Valère, qui per-
sécutait violemment les chi étiens, le fit souf-
frir pour la foi. 11 le fit cruellement fouetter.
C'est après cela que le saint arriva à Amiens,
le 10 octobre. Il y convertit un grand nom-
bre de païens : c'est à cause de cela qu'il est
considéré comme l'apôtre de cette ville. On
dit qu'il y opéra un grand nombre de mira-
cles. Arrêté comme chrétien, il fut mis en
prison, où un juge, nommé Valère Sébastien,
probablement le même qui l'avait déjà per-
sécuté à Beauvais, le fit décapiter. Son mar-
tyre arriva le 25 septembre, en l'année 287,
sous l'empire de Dioclétien. Ce saint était
natif de Pampelune ; cette ville l'honore
comme son patron, tandis qu'Amiens l'ho-
nore comme son premier évêque. Son corps
fut enterré par un chrétien nommé Fausti-
nien. Sur l'endroit où il reposait, un autre
saint Firmin, dit le Confès, fit bAtir urfe église
sous l'invocation de la sainte Vierge. La ca-
thédrale d'Amiens conserve les reliques du
saint, à l'exception d'une faible partie que le
roi Dagobert I" donna aux moines de Saint-
Denis.
FIRMIN (saint), dit le Confês, où le Con-
fesseur, naquit de Faustinien, un des pre-
miers magistrats des Gaules. Son père le fit
baptiser par saint Firmin , qui plus tard
donna sa vie pour Jésus-Christ, et lui donna
le même nom. On ne sait rien sur notre
saint, sinosj qu'il succéda à Euloge, second
évêque d'Amiens,vers le milieu du iv* siècle.
Il resta quarante ans à la tête de son Eglise,
et fut enterré dans l'église de la Sainte-
Vierge, appelée aujourd'hui de Saint-Acfieul,
église que lui-môme avait fait bAtir. Sur la
fin du dernier siècle, pliisieuts (•iili(pies, (}ui
voulaient disputer ù la cathédrale d'Amiens
l'avantagi! de posséder les reliipies de ce
saint confesseur, furent complètement réfu-
tés. L'Eglise fait sa sainte mémoire le 1"
sept(;nd)re.
FIKMINE (sainte), vierge et martyre, souf-
frit pour la défense de la foi, à Amélia en
Ombrie, durant la persécution de Dioclétietr.
Ayant été, après diverses tortures, sus()en-
due en l'air et brûlée avec des fiambeaux
allumés, elle rendit l'esprit. L'Eglise fait sa
sainte mémoire le 24 novembre.
FIKMUS, tribun à Pérynihe , accusa un
centurion, nommé Acathe, d(! faire i)rofes-
sion de christianisme. C'était au temi)s de la
persécution de Dioclétien et de Maximien.
Cette dénonciation eut pour ctfet d,r procu-
rer le martyre au saint disciple de Jésus-
Christ.
FISHER (Jean), évoque de Roch ester, car-
dinal et martvr, naquit à Beverlev, comté
d'York, vers 1455. Il était très-habile théolo-
gien, et fut un des plus ardents comme des
plus fermes soutiens du catholicisme. Lui et
son ami Thomas Morus acquirent une répu-
tation qui s'étendit dans toute l'Europe. On
y disait généralement, tant était grande l'es-
time qu'on faisait d'eux, qu'on s'en rappor-
tait à leur opinion, dans la question du di-
vorce de Henri VIII. Tous deux résistèrent
au roi avec un courage que rien ne put vain-
cre, et tous deux couronnèrent par le mar-
tyre leur glorieuse carrière. L'évêque d&
RochGster fut arrêté en 1534 , et emprisonné
à la Tour de Londres. Le roi, qui ancienne-
ment avait eu pour lui beaucoup d'amitié et
de vénération, l'y fit traiter avec une dureté
inouïe. 11 n'eut pas de honte de faire ôter à
ce saint vieillard, qui était octogénaire, les
habits dont il était revêtu, pour lui donner
des haillons qui le couvraient à peine, afin
(^ue dans sa prison, et durant les rigueurs de
l hiver, il eût à endurer les souffrances phy-
siques en même temps que la torture morale
de la prison. Rien ne put ébranler sa foi;
rien ne put modifier la résolution qu'il avait
prise de ne pas prêter le serment qu'on exi-
geait de lui. 11 resta un an entier dans cette
dure captivité. Le pape Paul III, successeur
de Clément VII, voulant montrer combien il
appréciait les vertus du saint évêque et les
rigueurs qu'on exerçait envers lui, lui donna
une marque de sa paternelle admiration : il
le nomma cardinal, le 12 mai 1435. Cette no-
mination ne fit que contribuer à la perte de
celui qui en fut l'objet. Le roi d'Angleterre
s'en montra fort irrité, et s'écria : « Le pape
peut à son gré lui envoyer le chapeau ; je
me charge de faire en sorte qu'il n'ait pas de
tête pour le porter. » Le 17 juin, le vénérable
cardinal fut condamné à mort par l'ignoble
parlement d'Angleterre, comme coupable de
haute trahison. Il avait soutenu que le roi
n'ét.iit pas chef spirituel de l'Eglise. Cinq
jours après, la s^ntçnce fut exécutée; il fu\
4 OH
FLA
FLA
1012
df^capité. La fureur du monstre couronné ne
fut \K\s éteinte dans ce sang d'un saint et au-
guste viei]l;H'd : il or.îonna (jue le corps de
sa victime f H dépouillé et ex[)osé duinnt un
certain nombre d'iseures aux outrages de la
populace de Londres, puis il le lit enterrer
sans [lermettre qu'on le mit dans un cer-
cueil, ni même dans un Jincenj. No semhle-
t-on })as vraiment, quand on lit ces infamies,
être transporté à l'époque des combats anti-
ques des premiers chrétiens , ayant h lutter
contre les monstres qui désbonoraieut à
Rome le trône des Césars? Et quand on
songe que Henri vm était chrétien, qu'il
avait été quelques années auj)aravant l'apo-
logiste de la religion catholique, on est forcé
de s'incliner devant les incompréhensibles
jugements de Dieu. Mais ce qui dépasse toute
raison humaine, c'est de voir un peuple
entier assez dégradé, assez hlche, pour obéir
à un pareil scélérat, et jwur se faire gloire
aujourd'hui de suivre encore la prétendae
réforme qu'il a introduite dans un seul but,
celui d'assouvir ses passions brutales et son
avarice. Comment se ftit-il que l'obéissance
d'alors, qui était une làch té, soit devenue,
en persistant chez les descendants , une
chose i-ainte , une affaire de conscience?
Nous avouons que , dans l'histoire entière ,
rien ne nous étonne davantage. Si nous
sommes surpris de l'avilissement du peuple
et du parlement anglais sous Henri YIII ,
nous xc sommes davantage de voir que, jetée
dans cette abjection, l'intelligente Angleterre
n'ait pas senti que l'honneur comme le sens
commun lui commandaient d'en sortir.
FLACCUS, proconsul à Byzance, prononça
la peine de mort contre le centurion Acalhe,
qui avait été accusé de pratiquer la religion
chrétienne. On était en pleine ])ersécution
sous Dioclétien, et c'était, à cette époque, un
crime qu'on ne pardonnait pas.
FLACCUS, général, envoyé à Spolète par
Dioclétien, pour y recherclier et mettre à
mort les chrétiens, fit arrêter, en 30V, saint
<jrégoire, prêtre de l'église de celte ville, et,
l'ayant inutilement sommé d'abjurer, le con-
danma à mort. {Voy. Baronius et Tillemont,
t. V, p. 1.33.)
FLAGRA,]wi'^néo de branches plus épaisse
que les verges. On se servait de cet instru-
ment pour frapper les martyrs. Ces branches
étai(;nt liées ensemble par le bout qui cons-
tituait la poignée. Les blessures que faisait
cet instrument de supplice devaient être
douIoureus"s, mais peu dangereuses : à cha-
que fois qu'on fiappe avec un f;dsceau peu
serré, la violence des cou]js se trouve dé-
composée.
FLAMBEAUX, /"ana/m, faits de chanvr(>,
enduits de poix ou de cire, serv.iicnt à i)rû-
h'r les chairs des inartyrs , durant qu'ils
étai<'nt sur les chevalets! Les cùlés ét;u(ïnt
)rdinaireuient l'endroit oiî on les brûlait
iinsi.
^ FLATIEN (saint), martyr, fut mis à mort à
.>arlh?ig(; avec les saints Moiitan, Leuce, Ju-
lien, Victoiic, Piimoh;, Benus, Donatien; ce
lut en 25'J, sous l'empire de 'Valérien et sous
le gouvernement intérimaire de Selon. Pour
plus de détails, il f.ait lire les Actes de saint
Montan. L'Fglise fait la fête de tous ces
saints le 2'i- féviier.
FLAVIFN (.^aint), souffrit la mort à Rome,
sous l'empei-eur Dioclétien. Nous n'avons
aucun détail sur lui. L'Eglise fait sa mémoire
le 28 janvier.
FLAVIEN (saint), martyr, était chevalier
roinain, père de sainto Bibiane, et mari de
sainte Dafrose. Ai)ronien , préfet de Rome
sous Julien l'Apostat, en Tan de Jésus-Chr st
3()3, attiibuant aux chiétiens la perie d'un
œil qu'il venait de faire, en fit movu'ir un
grand nombre. Il fit arrêter saint Flavien,
qui remplissait un emploi considérable, le fit
marquer au fro-n avec un fer rouge, et en-
suite l'exila à Aqua-Pendente. Peu de jours
après, le saint y mourut de ses blessures.
L'Egl se fait sa fête au 2i décembre.
FLAVIEN (saint), martyr, prêtre et tréso-
rier de l'Eglise de Constaiitinople, succéda à
Procius, évêque de cette ville, qui était niort
le 2i octobre kk-1, après avoir tenu ce siège
pendant treize ans et trois mois. Celte nou-
velle ordination fut désagréable à l'eunuque
Chrysapius , préfet de la chambre , prévenu
contre Flavien. Il excita l'empereur à de-
mander à Flavien des eulogies pour son or-
dination ; Flavien lui envoya des pains blancs
comme un signe de bénédiction. Chrysapius,
qui prétendait autre chose , lui fit dire qu'il
devait envoyer de l'or. L'évêquc réponcht
qu'il n'en avait jjoint, si ce n'étaent les vases
sacrés, mais que h's biens de l'Eglise étaient
à Dieu et destinés aux pauvres. Dès lors
Chrysapius résolut de mettre tout en œuvre
pour faire déposer Flavien; mais comme il
était soutenu par Pulchérie, sœur de l'empe-
reur, qui avait toute l'autorité , il voulut
commencer par l'éloigner elle-même des af-
faires. Chrysapius i)ersuada donc à rem[)e-
reur, [;ar le moyen de safemmeEudoxie, de
deniander à Flavi. n qu'il ordonnât Pulché-
rie diaconesse. L'empereur l'envoya quérir
et lui fit celte proposition en secret. Flavien
en fut affligé, mais sans le témoigner à l'em-
pereur; il écrivit secrètement à Pulchérie
qu'elle ne se trouvât point en sa présence,
de peur qu'il ne fût obligé de faire (juelque
chose qui ne fût agréable ni à elle ni à lui.
Elle comprit de quoi il s'agissait et se retira
à rSicbdonion. L'empereur Théodosc etlini-
pératrice lùuloxie l'uieiit fort irrités contre
Flavien de ce (ju'il avait découvert leur se-
cret, et tel fut le commencement de sa dis-
grâce.
Bientôt la haino de ce Chrysapius. contre
notr.^ saint devint plus implacabh». Voici à
quelb^ occasion : Cluysaj)ius ava:t un i)arent
nonnné Iilutychès , prêtre et abbé d'un mo-
nastèi'e de liois cols nujincs, |)rèsdeCons-
tanlino,il('. Il avait été un des plus zélés ad-
veisaircs (U) Nestorius, et les amis d(! saint
Cyrille le conmlaienl entre ceux qui pou-
vaient agir utdi'iueul pour la déleute de la
foi. Celte année même , le pape sai il Léon,
ayant reçu de lui u le lellre par luquelle il
lui mandait que le neslurianismo repreuait
1013 FLA
de nouvellos forces, Kn dcrivit pour approu-
ver son zèle et l'onnou rager. La leltro do
sj.inl Lc''on est du l'^juin, sous le consulat
^.e Poslliumieu el de Zenon, c'osl-îi-dire Tiui
U8. Son zè'c (n\[v6 le lit tomber dan.s l'er-
reur opi)OS(''e h celle de Nestorius, et Kusèbc,
éviHlue de Porylée en Plirygie, son ancien
and , (levijit son accus.iteur. 11 prit oe(;asion
(i'u'i eoneilo de trente évoques qui, se ti'ou-
vanl h Constantin >p!e, s'y étaieid assemblés
Je 8 novembre h\S, pour terminer un dilîé-
rcn.l entre Florentins, évoque de Sardes,
métropolitain de Lydie , et deux évè(iues do
la niénie province. Eutycliès i)rétend; il que
la divinité du Fils de Dieu et son liumanité
n'ét dent qu'une nature , et attribuait les
souffrances h la divinité. Les Pères du con-
cile tirent plusieurs citations à cet héi ésiar-
que , qui n'y répondit point. Il comparut
cnlin , accompagné d'une grosse troupe de
soldats, de moines et d'ofnciers du préfet du
pj-é;oirc. Il ne voulut point réti-acter ses er-
reurs et fut condanuié et déposé. Flavieii
prononça la sentence en ces termes : « Euty-
chôs , jadis prêtre , archimandrite , est plei-
nement convaincu, et par ses actions passées
et par ses déclarations présentes, d'être dans
l'erreur de Yalentin et d'Apollinaire, et de
suivre opiniâtrement leurs blasphèmes, d'au-
tant plus qu'il n'a pas môme eu d'égard à
nos avis et à iios instructions pour recevoir
la saine doctrine. C'est pourquoi , pleurant
et gémissant sur sa perte totale, nous décla-
rons de la part de Jésus-Christ qu'il a blas-
phémé, qu'il est privé de tout rang sacerdo-
tal, de notre communion et du gouverne-
ment de son monastère ; faisant savoir à tous
ceux qui lui parleront ou le fréquenteront
ci-après , qu'ils seront eux-mêmes soumis à
l'excommunication. » Cette sentence fut sous-
crite par trente-deux évoques et vingt-trois
abbés, dont dix-huit étaient prêtres , un dia-
cre et quatre laïques. Les plus connus sont :
André, Fauste, qui semble être le tils de saint
Dalmace , Martin , Job , Manuel , Abraham,
Marcel, abbé des Acémètes. Les évêques les
plus considérables étaient : notre saint , évo-
que de Constantinople, Saturnin do Marcia-
nople, Basile de Séleucie, Séleucus d'Ama^-ée,
Ethéricus de Smvrne , Julien de Co , député
de saint Léon.
Le concile était fini. Eutychôs dit tout bas
au patrice Florentins qu'il en apneL-.it au
concile de Rome, d'Egypte et de Jérusalem,
et Florentins le dit aussitôt à Flavien comme
il montait à son appartement. Ce mot , dit à
la dérobée , ne laissa pas de servir à Euty-
chès de prétexte pour se vanter d'avoir ap-
pelé au pape , à qui en effet il écrivit : « Je
n'ai pas laissé , dit-il , de me présenter au
coucile , quoique accablé de maladie et de
vieillesse, et quoic|ue je n'ignorasse pas la
conjuration Xormé 3 contre moi. J'ai présenté
une requête qui contenait ma profession de
foi , mais l'évèque Flavien n'a voulu ni la
recevoir ni la faire lire. J'ai déclaré en pro-
pres termes que je suivais la foi du concile
de Nicée , confirmée à Ephèse. On voulait
me faire confesser deux natures et analhé-
Wlk
im
maliser ceux qui les nient; pour moi, je crai-
gnais la défense du concile d(i rien ajouter à
la foi de Nicée, sachant (pie nos saints Pèr(;s
Jules, Félix, Athanase el (irégoireont rejeté
le mol de doux natures, el jo n'osais raison-
ner sur )a nature du Verbe divin, ni anatlié-
inati.'ser ces Pères. C'est pourcpioi je priais
que l'on en fît rapport à Votre Sainteté, pro-
lestant do suivre en tout votre jugement.
Mais, sans m'écouter, le concile étant rompu,
on a [)ublié contre moi une sentence de dé-
position, et ma vie même était en danger, si
on ne m'eût délivré à main armée. Alors ils
ont contraint les su|)érieurs des autres mo-
nastères (Je souscrire à ma déposition , ce
qui ne s'est jamais fait contre les héréli(iue3
déclarés ni conîrc Nestorius même; jusque-
là (juc, comme je proposais en public ma
confession de foi, pour me justifier devant le
peuple , ils empêchaient qu'on ne l'écoutât
et en arrachaient les atTicJies. J'ai donc re-
cours à vous, qui êtes Je défenseur do la re-
ligion , puisque je n'innove rien contre Ja
foi. Mais j'anathématise Apollinaire , Valen-
tin, Manès, Nestorius et ceux qui disent que
la chair de Notre-Seigneur est descendue du
ciel, et toutes Jes hérésies, jusqu'à Simon le
Magicien. Je vous prie que, sans avoir égard
à ce qui a été fait contre moi par cabale,
vous prononciez sur la foi ce que vous juge-
rez à propos , et ne souffriez pas que l'on
chasse d'entre les catholiques celui qui a
vécu soixante-dix ans dans la continence et
les exercices de la piété. J'ai joint à cette
lettre l'une et l'autre requête, celle que mon
accusateur a présentée au concile et celle
que j'y ai portée et qu'on n'a pas voulu re-
cevoir , et ce que nos Pères ont décidé tou-
chant les deux natures. »
L'empereur Théodose écrivit aussi à saint
Léon sur le trouble qui était arrivé dans l'E-
glise de Constantinople, sans expliquer l'af-
faire , l'exhortant seulement à y remettre la
paix. On ne peut douter qu'Eutychès n'ait
obtenu cette lettre par le crédit do l'eunuque
Chrysapius , son parent. Saint Léon , ayant
reçu ces lettres, écrivit ainsi à Flavien : « Je
m'étonne que vous ne m'ayez rien écrit de
ce scandale , et que vous n'ayez pas été le
premier à m'en instruire. Sur l'exposé d'Eu-
tychôs, nous ne voyons pas avec quelle jus-
tice il a été séparé de la communion de l'E-
glise. Mais comme nous désirons de la matu-
rité dans les jugements des évêques , nous
ne pouvons rien décider sans connaissance
de cause. E^i voyez-nous donc, par quelque
personne convenable , une ample relation de
tout ce qui s'est passé , et nous apprenez
quelle nouvelle erreur s'est élevée contre la
foi, afin que nous puissions, suivant l'inten-
tion de l'empereur, éteindre la division. lî
ne sera pas (difficile, puisaue le prêtre Euty-
chès a déclaré dans son libelle que , s'il se
trouve en lui quelque chose de répréhensi-
ble, il est prêt à le corriger. » Celte lettre est
datée du douzième des calendes de mars,
sous le consulat d'Aslérius et de Protogène,
c'est-à-dire le 18 février 4i9. La lettre du pape
à Flavien lui ayant été rendue par le comte
14)15
FLA
FLA
1016
Pansophius , il lui fit réponse par une lettre
en date du 1" mars, qui porto on substance :
« Eutvchès veut renouveler les hérésies
d'Apollinaire et de Valentin , soutenant
qu'avant rincarnalion de Jésus-Christ il y a
deux natures , la divine et l'humaino , mais
qu'après l'union il n'y a qu'une nature , et
que soi corps , pris de Marie , n'est pas de
notre substance ni consubstantiel à sa mère,
quoiqu'il rai)pelle un corps hamain. Nous
l'avons condamné sur raccusalion de l'évê-
que Eusèbo et sur les réponse s qu'il a faites
dans le concile, découvrant son hérésie de sa
propre bouche, comme vous apprendrez par
les actes que nous envoyons avec ces lettres.
Il est ju>te que vous en soyez instruit , car
Eutvchès , au lieu de faire"^ pénitence pour
apaiser Dieu et nous consol-r dans la dou-
leur que nous sentons de sa perte, s'empresse
de troubler notre Eglise en affichant publi-
quement des iiboUi'S remplis d'injures, et
présentant à l'empereur des requêtes inso-
lentes. Nous voyons aussi , par vos lettres,
qu'il vous a envoyé des libelles pleins d'im-
postures, en disant qu'au temps du jugement
il nous a donné des 1 belles d'appidlation à
Votre Sainteté, ce qui n'est pas vrai ; mais il
a prétendu vous suriirendre par ce mensonge.
Tout cela doit vous exciter , très-saint-père,
à employer ici votre vigueur ordinaire. Fai-
tes votre propre cause de la cause commune;
autorisez par vos écrits la condamnation pro-
noncée régulièrement, et fortifiez la foi de
l'empereur. Cette alfaire n'a besoin que de
voire secours, c'est-à-dire de votre consente-
ment , pour procurer la paix et empocher le
concile dont on a fait courir le bruit, et qui
troublerait toutes les Eglises du inonde. » Ce
concile, dont le bruit courait en Orient, était
un concile œcuménique qui fut en elfet con-
voqué à Ephèse.
Cependant l'eunuque Chrysapius, prolec-
teur et parent d'Eutychès, écrivit à Dioscore,
évèque d'Alexandrie , lui promettant de fi-
voriser tous ses desseins s'il voulait prendre
la défense d'Eutychès et attaquer Flavien et'
Eusèbe de Dorylée. 11 excila aussi l'impéra-
trice Eudoxie à einbrassor le môme parti,
principalement pour chagriner Pulchérie.
Eutycnès, de son côté, pria Bioscore de pren-
dre connaissance de fatlaire et d'examiner ce
qui avait été fait contre lui. Dioscore écrivit
cl l'empereur qu'il fallait assembler un con-
cile universel , et il l'obtint facilement par
les sollicitations d'Eudoxie et do Chrysa-
pius. Nous avons la lettre de convocation
adressée à Dioscore, (humée h Constantino-
ple le troisième des calendes d'avril, apiès le
consulat de Posthumieii et do Zenon , c'est-
à-dire le 30 mars W.). Elle porto que, s'élant
élevé quehpies doutes sur la foi , qui trou-
blent les Ames , l'em|)eieur a onionné aux
évôrjues do s'assembler. « Vous donc aussi,
dit-il à Dioscore;, vous priMidro/. avec vous
dix méliopolilaiiis de votî't; dépendance!, et
dix aijLi(;s évèques pour vous trouver à
Rphos(; le premier jour d'aoùl prochain. 11
ne s'y Irouvoia f)oinl d'autres évé(pi('s , de
peur (.i'iinb.o Tasser le concihj. Si cpiclqu'uti
y manque , sa conscience en sera char-
gée , etc. » L'empereur écrivit en la même
forme aux autres évoques , c'est-à-dire que
chaque patriarche ou exarque devait amener
pareil nombre d'évèques de sa province. Le
15 mai suivant fut donnée une autre lettre
de l'empereur, adressée h Dioscore, portant :
« Nous avons a[)pris ({ue i)lusieurs archiman-
drites d'Orient et les peuples catholiques
disputent avec chaleur contre quelques évo-
ques qui j)assont i)our nestoriens ; c'est pour-
quoi nous ordoiuions que le très-pieux prê-
tre et archimandritie Barsumas se trouvera à
Ephèse pour tenir la [)lace de tous les archi-
mandrites d'Orient, y prendre séance avec
votre sainteté et avec tous les Pères. » L'em-
pereur écrivit aussi à Barsumas , lui attri-
buant d'avoir soulfert de grands travaux
pour la foi et lui donnant séance et voix dans
le concile. C'étaient Eutychès et Dioscore qui
lui procuraient cet honneur, pour exclure du
concile les autres abbés qui ne leur étaient
pas favorables. Il y eut aussi deux laïques
destinés pour assister au concile comme
commissaires de l'empereur, savoir: Elpide,
comte du consistoire , c'est-à-dire conseiller
d'Etat , et Euloge, tribun et notaire. Leur
commission les charge d'empêcher qu'il n'ar-
rive du tumulte dans le concile, et, si quel-
qu'un y en excitait, de le mettre en lieu de
sûreté et en avertir l'empereur. Ceux qui
ont condaniîié Eutychès doivent assister au
concile, non en qualité de juges , mais de
parties. Il ne sera permis d'agiter aucune
autre affaire avant celle de la foi. Proclus,
proconsul d'Asie, eut un ordre particulier de
prêter main-forte aux deux commissaires
pour empêcher le désordre dans le concile.
11 y eut encore une lettre générale de l'era-
})ereur au concile pour en marquer le sujet,
qui est de terminer la question de foi émise
entre Flavien et Eutychès, et de chasser des
églises tous ceux qui tiennent ou favori-
sent l'erreur de Nestorius. Enfin il y eut
une dernière lettre à Dioscore, par laquelle
l'empereur lui donne la présidence du con-
cile.
Le pape saint Léon fut aussi invité au
concile avec les évêques d'Occident; mais il
ne reçut la lettre de l'empereur que le troi-
sième des ides de mai, c'est-à-dire le trei-
zième. Il ne restait plus que deux mois et
demi jusqu'au 1" d'août , oij devait com-
mencer le concile ; et la plus grande partie
de ce temi)S se serait passée à [)réparer le
voyage des évoques, [»uis(pi'il fallait tenir ua
concile à Uome, y nommer des députés et
leur donner leurs instructions. Saint Léon
se contenta donc; d'écrire diverses lettres
pour emi)êcher, s'il pouvait, ce concile, ou
du moins faire en sorte (jne la ft)i y fût con-,
servée. Voyant qu'il no pouvait emnôcher
(jue l(ï colu-ile se tînt à Ephèse, malgré la
jjrièrc (pi'il avait adressée à l'empereur pour
(pi'il fût tenu en Italie, il destina pour y être
envoyés, Jules, évècpu; de Pou/.znles ; René,
l)rêtre du titre do Saint-Cléuunit ; Hilarius,
diacre, et Dulcitius, notaire, et les charj^ea
de plusicms lettres.
ion FLA
Le concile d'Ephèse, convoqué par l'ompo-
rcui- pour h^ pnMiiierjour d'août, s'assembla
le Imilit^nu' du iiuMue mois, do l'annéu kïd.
La st^anco se tint an iiuMncliou où s'était te-
nu le premier concile d'Kphèse, dans l'église
nommée Marie. !l y eut cent Ironie évé(iuos
des |)rovinccs d'Kg.vpte, d'Orient, d'Asie, du
Pont et de Thrace. bioscore d'Alexandrie te-
nait la première place suivant l'ordre de
l'empereur; ensuite est nommé Jules, te-
nant la plaee du pape saint Léon. Après lui,
sont nommés Juvénal de Jérusalem, Domnns
d'Aiitioche, Flavien do Constantinople, qui
n'avait ainsi cpie la cinciuiùmo [)laco comme
le plus nouveau de 1<jus les patriarches.
Après les cinq patriarches, sont nommés les
exanjues cl les métroi)olitains ou leurs vi-
caires, savoir : Ltienne (rK})lièse, Thalassius
de Césarée en Cappadoce, Lusèh(> d'Ancyre
en Galatie, Jean deSéhaste en Arménie, Cy-
rus d'.\|)lnodisiade en Carie, Erasistrate de
Corinthe, Uuinlilius d'Héraclée, etlesautres
que l'on peut voir dans les actes. Après tous
les évoques, sont nommés les prêtres, pre-
mièrement l'abbé Barsumas, puis quatre dé-
putés d'évèt|ues absents, et enfin les derniers
de tous, le diacre Hilarius et le notaire Dul-
citius, légat du pape. 11 n'est point parlé du
prêtre Hené, parce qu'il était mort en chemin
dans Tile de Délos. Eutychôs était aussi à
E{)lièsc ; ni le vœu de ne point sortir de son
monastère, ni son grand âge, ni ses infirmi-
tés ne l'avaient point empêché de la4re ce
voyage. Jean, prêtre et primicier des notai-
res, apparemment de l'église d'Alexandrie,
fit les fonctions de promoteur, comme avait
fait le prêtre Pierre dans le premier con-
cile d'Ephèse, et aprèsavoirdille sujet ducon-
cileen termes généraux, illut, par ordre de
Dioscore,lalettrederempereur pour la con-
vocation du concde. Ensuite, l'évéque Jules,
légat du pape, dit : « Notre saint pape Léon
a été a|ipelé en la même forme. » Comme
il parlait latin, Florentins, évêque de Lydes,
lui servait d'interprète. Le diacre Hilarius,
par le même interprète, ajouta : « Notre em-
pereur très-chrétien a appelé par ses lettres
notre bienheureux évêque Léon pour assis-
ter au saint concile, et Sa Sainteté l'aurait lait,
s'il y en avait quelque exemple. Mais vous sa-
vez que lepapen'aassisténi au concile de Ni-
cée, ni à celui d'Ephèse, ni à aucun autre
semblable ; c'est pourquoi il nous a envoyés
ici pour le représenter, et nous a chargés de
lettres pour vous, que nous vous prions de
faire lire. » Dioscore dit : « Que l'on reçoive
les lettres écrites au saint concile œcuméni-
que par notre très-saint frère Léon. » Mais
au lieu de les lire, le prêtre Jean proposa de
lire une autre lettre de l'empereur à Dioscore,
et Juvénal de Jérusalem en ordonna la lec-
ture. C'était la lettre qui ordonnait que Bar-
sumas assisterait au concile. Juvénal dit:
« J'ai reçu un pareil ordre touchant Barsu-
mas; c'est pourquoi il est raisonnable qu'il
assiste au concile : » Ensuite le comte Li-
pide lut la commission de l'empereur pour
lui et pour le tribun Euloge, et fit faire la
lecture de la lettre de l'empereur au concile,
FL4
tOll
nui accusait Flavien, notre saint martyr,
(l'avoir suscité des disputes sur la foi contre
Eutychès. Alors Thalassius, évêque (h; Cé-
sarée, dit que, suivant rintention de l'empe-
reur, maniuée dans cette lettre, il fallait
comincneer parla question de la foi, toute
autre affaire cessante. L'évéque Jules, légat
du pape, on convint. Dioscore dit : « Nous
no sommes pas assemblés pour ex[)Os<'r la
foi {{ue nos Pères ont déjà exposée, mais
pour examiner si les nouvelles opinions
conviennent aux décisions des Pères. 11
faut donc commencer par cet examen. Vou-
driez-vous changer la foi dos Pères ? » Le
concile dit : « Si quelqu'un la change, qu'il
soit anathème ; si quoiqu'un y ajoute, qu'il
soit anathème I Gardons la foi de nos f)ères.
Alors le comte Elpide dit : « Puisque vous
êtes d'accord sur la foi, ordonnez que l'on
fasse onlror l'archimandrite Eutychès qui est
le sujet de cette action, et qu'il vous expli-
que ses sentiments. Le concile y consentit,
et quand il fut entré, Thalassius de Césarée
l'invita à expliquer ses défenses.
Eutychès dit : « Je me recommande au
Père, au Fils et au Saint-Esprit et à votre
justice. Vous êtes témoins de ma foi, pour
laquelle j'ai combattu avec vous dans le pre-
mier concile assemblé ici. J'ai entre les
mains un libelle de ma foi, faites-le lire. » On
le lut : il contenait le symbole de Nicée, avec
une protostation de vivre et de mourir sui-
vant cotte foi, et d'anathématiserManès, Va-
lentin, Apollinaire, Nestorius et tous les hé-
rétiques jusqu'à Simon le Magicien et ceux
qui disent que la chair de Jésus-Christ est
descendue du ciel. Ensuite il ajoutait : \i-
vant suivant celte foi, j'ai été accusé par Eu-
sèbe, évêque de Dorylée, qui a donné con-
tre moi des libelles où il m'appelait héréti-
que, sans spécifier aucune hérésie, afin
qu'étant surpris et troublé dans l'examen de
ma cause, il m'échappât de dire quelque
nouveauté. L'évéque Flavien m'ordonna de
comparaître, lui qui était presque toujours
avec mon accusateur, croyant, parce quô
j'avais accoutumé de ne point sortir du mo-
nastère, que je ne me présenterais pas et
qu'il me déposerait comme défaillant. En ef-
fet, lorsque je venais du monastère à Cons-
tantinople, le silentiaire Magnus, que l'em-
pereur m'avait doimé pour ma sûreté, me
dit que ma présence était désormais inutile
et que j'étais condamné avant que d'être ouï.
Sa déposition le fait voir. Quand je me fus
présenté à l'assemblée, on refusa de rece-
voir ni défaire lire ma confession de foi, et
quand j'eus déclaré de vive voix que ma
créance était conforme à la décision de Ni-
cée confirmée àEphèse, on voulut m'y faire
ajouter quelques paroles ; moi, craignant de
contrevenir à l'ordonnance du premier con-
cile d'Ephèse, je demandai que votre saint
concile en fûtinformé, étant prêt de me sou-
mettre à ce que vous approuveriez. Comme
je parlais ainsi, on fit lire la sentence de dé-
position que Flavien avait dressée contre
moi longtemps auparavant, comme il avait
voulu ; et l'on changea plusieurs choses aux
1019
FLA
FLÂ
ma
actes comme il a été vérifié depuis, à ma re-
quête, par ordre de l'empereur ; car i'évô-
quo Flavieu n'a eu aucu i égard à mon appel
interjeté vers vous, ni aucun resi)cct i)Our
mescheveuxblancs et les combats que j'ai sou-
tenus contre les hérétiques; mais il m'a con-
damné d'autorité absolue. Il m'a livré pour
être mis en pièces comiiio liéiétii{ue par la
multitude amassée exprès d;ins la cathédrale
et dans la place, si la Pi'ovidenee ne m'avait
conservé. 11 a fait lire en diverses églises la
sentenci' prononcée eontre moi et a fait sous-
crire les monastères, ce qui ne s'est jamds
fait, .comme vous savez, même contre les hé-
rétiques. Il l'a envoyée en Orient et Fa lait
sousc/'ire en |)lusieurs endroits par les évè-
quesetles moines(]uin'avaienl point été ju-
ges, quoiqu'il eût dû coiumencer ]jar l'en-
voyer aux évoques à (jui j'avais appelé. C'est
ce qui m'a obligé d'avoir recours à vous et à
l'e.npereur, alin que vous soyez juges du ju-
gement rendu coutre moi. »
A[)rès cette lecture, Fiavicn de Conslanti-
nople dit : « Son accusateur était Eusèbe,
oi'donnez qu'il entre. » Le coraie Elpide dit :
« L'empereur a ordonné que ceux qui ont
été juges soient manilenant parties. Je ré-
ponds donc à l'arehevô que Flavien que î'ac-
cusaleur a rempli sa fonction, il prétend
avoir gagné sa cause ; ainsi le juge a fait
passeren sa personne laqualité d'accasaceur,
comme il s'observe dans les tribunaux sécu-
liers. Vous ôles maintenant assendjiés})Our ju-
ger les juges, non pour recevoir encore l'accu-
sateur et recommencer un nouveau procès.
Ordonnez donc, s'il vous plait, qu'on lise
tout le reste des actes d.^ la cause. » Dios-
core ne manqua pas dètre de cet avis et les
auties évoques le suivirent. Aussi Lusèbe
de Dorylée n'entra point dans le concile,
quoique Entychès y lut admis. Aorès que
tous les évèques eurent oi)iné pour la lec-
ture des actes, Dioscoredemanda aussi l'avis
à Jules, légat du pape, qui dit : « Nous vou-
lons qu'on lise les actes, à condition qu'on
lise auparavant les lettres du pape. « Le dia-
creHdariusajoata : « D'autant plusqucle très-
saint évèque de Rome n'a écrit ses lettres
qu'après s'être fait lire les actes dont vous
'lemandez la lecture. » Eulychès dit : Les
envoyés du très-saint archevêque de Uome,
LéoiT, me sont devenus suspects, car ils lo-
gent chez l'évêque Flavien ; ils ont diné
chez lui, et il leur a rendu toutes sortes de
services ; je vous prie dont; que ce qu'ils
pounaient faire conlre moi ne me: porte au-
cun préjudice. » Dioscoie dit : « 11 est dans
lordie de lire ))reinièrement les actes de la
cause, puis les leitres du tiès-pieux évê(pie
de Uome. « On éluda ainsi pour la seconde
fois la lecture de la leltre du |)ape, et on lut
les actes du concile tenu à Lonslaiitiiiople
Je hiiilième de novembre quatre cent (pia-
rantc-liuit et les jouis suivants, dont Fla-
vien et Jiutychès avaient fourni chacun un
<jxi'ii)|)l;iire.
Ouaiid ce vint îi la dernièi-e session, à
r<MMboil où Eusèbe d(; l)(jiyl('!i; pressait lùi-
tychcH (le (jcjulussci- deux natures après l'in-
carnation, et que Jésus-Christ nous est con-
substantiel selon la chair, le concile d'E-
phèse s'écria : « Oiez , brûlez Eusèbe ; qu'il
soit brûlé vif, qu'il soit mis en deux; comme
il a divisé, qu'on le divise. » Dioscore dit :
«Pouvez- vous souffrir ce discours, qu'on
dise deux natures après l'Incarnation? « Le
concde dit : « Anathème à qui le soutient »
Dioscore dit : « J'ai besoin de vos voix et de
vos mains : si quelqu'un ne peut crier cpi'il
étende la main. » Le concile dit : « Si quel-
qu'un dit deux natur/s, anathème ! » Ei après
qu'on eut lu la déclaration d'Euîycliès, Dios-
core dit : « Quelle profession de foi approu-
vez-vous? « Celle d'IùUychès, dit le concile,
Eusèbe est un impie (faisant allusion à son
nom, qui veut dire pieux). » Après les actes
du concile de Gonst^intinople , on lut aussi
ceux de l'assemblée tenue le huitième d'a-
vril 'si9 pour la iévision de ces actes et l'in-
formation du ving!-sei)tièra8 d'avril. Tou-
tes ces lectures étant faites, les évêques
dirent leur avis, y étant invités par Dios-
core. Juvénal de Jérusalem commença et
dit: « Eutychès ayant .toujours déclaré qu'il
suit l'exposition de foi de Nicée et ce qui a
été fait au premier concile d'Ephèse, je l'ai
trouvé très-orihodoxe et j'ordonne qu'il de-
meure dans son monastère et dans sou
rang. » Le concile dit : « Ce jugement est
juste. » Domnus d'Antioche dit : « Sur la
lettre (|ui m'avait été écrite par le concile de
Constantinople , au sujet d'Eutychès, j'ai
souscrit à sa condamnation; mais sur le li^
belle qu'il vient de doiiner au concile où il
confesse la foi de Nicée et du premier con-
cile d'Ephèse, je suis d'avis comme vous
qu'il reprenne la dignité de prêtre et la con-
duite de sa communauté. » Etienne d'E-
phèse, Thalassius de Césarée, Eusèbe d'An-
cyre et tous les autres évêques oi)inèrent de
môme, exce[tté les légats du pape dont il n'est
pointfail mention. Barsumasoi)ina après tous
les évêijues. Enlin Dioscore, comme prési-
dent, donna son suffrage le dernier en fa-
veur d'Eutychès.
Ensuite le prêtre Jean fit la lecture d'une
requête pi'ésentée par les moines de la com-
munauté d'Euly(;hès, en ces termes : « Tou-
chés des promesses du Dieu, nous avons
quitté nos biens, nos dignités , nos charges
et nos esi^érances, poui- fiormei- une commu-
nauté de moines, jus(iu'au nombi'e de ti'ois
cents, sous la conduite du très- pieux archi-
mandrite l'mlyciiès, et nous y vivons la plu-
plart de|»uis plus d(! trente ans. Mais le ré-
véi'endissime évêque Flavien , au lieu de
nous (Micourager et nous protéger , a oj)-
|)rimé notre pasteur i)ar dtîs calomnies, et
l'ayant déposé, nous a fait dire pai- le prêtre.
Théodose , accom})agné (h; (|uekiues autres
clercs, de nous sépartu' de lui et de ne pas
même lui parler v.l de conservtu- .^ Flavien
li.'s bicnis du monaslèi-eau nom i\{}s pauvres,
car c'était là h cjuoi il tendait ; autrement que
nous serions privés des divins mystères avec
notre abbé. En ellel le saint autel que Fla-
vuMi lui-mêmiî avait dressé six mois avant
cette entreprise , est sans sacritice ; nous
4621
FLA
FLA
im
sommes (1i>m('ur(^s liés de celte injuste cen-
sure ius'iii'à votre saint coiitilc, et quelques-
uns (le nos fW'i-i'S sont uiorls en cet Hixt.
Nous av.'iis passé dans cette al'ilicliou la
fOte de kl Nativité de Notce-Sei^'unu-, celle
de rK|)i|)liaine et Ct Ile de la Uôsunection,
0f\ livs ('•vi>(iues (I )nue!it l'absoliilioi à la
;|>lui)art de^^ péeheuis et où les pi-iiiecs fout
graeenuxcriuiinels. Il va neuf mois (jui! nous
■ soud'i-O'is cette riL!;u('Ui-, observant e-i tout
le reste, les exercices ordinaires de la rè^^ile
nion.isliiîue. C'est |)our(]uoi nous vous sup-
plions d'avoir eouipassio'i tie nous, de nous
rendre rus;ij;e des sarrenien s et d'imposer à
celai (]ui nous a ainsi tiaités la peine de
son injustice. « Cette recpièle était souscrite
j)ar le prêtre Narsès, dix diacres, trois sous-
diacres et s^Mze aiitrt's moines; (rente-ci'iq
en tout. Dioscore leur demaiidaleur conCes-
sion de foi, et ils dé> lavèrent (lu'elle était
conforme à eel-e d'Kulyi dès ; sur ((îioi, de
l'avi- de Juvéïud de Jérusalem et de tout lo
concile, ils fare-U déclarés absous et rétablis
dans la communion do l'Eglise et les fonc-
tions de leurs ordres.
Ensuite Dioscore proposa de faire lire ce
qui avait été décidé sur la foi dans le pre-
mier concile d'Ephèse, etc. Après cette lec-
tni-e, Dioscore dit : « Je crois ({ue vous ap-
prouvez tous rex[)Osition des Pères de Nicée,
conlirméepar le concile précédent, tenu ici,
et nous avons oui qu'il ordonne que si quel-
qu'un dit ou pense quelque autre chose ou
fait quelque autre question, il doit être con-
damné : que vous en semble? Que ctiacun
dise son avis par écrit. » Thalassius de C6-
sarée déclara qu'il s'en tenait aux conciles
•de Nicée et d'Ephèse, et qu'il détestait tous
ceux qui pensaient quelque chose de con-
traire. Les autres évêqr.es 0[)inèrent de
même. Jules, légat du pape, décl.-ira cj;ue c'é-
tait le sentiment du siège apostolique. Mais
le diacre Hilarius ajouta : « Cela est con-
forme aux lettres que le siège apostolique
vous a écrites ; si vous les faites lire, vous
verrez qu'elles sont conformes à la vérité! »
Toutefois on n'eut point d'égard à sa remon-
trance. Au contraire, Dioscore ayant posé son
principe, en tira la consé {uence qu'il pré-
tendait, et dit : « Le saint concile de Nicée
et le saint concile d'Ephèse ont exposé la
. foi, et ordonné que quiconque dirait autre
chose serait condamné. \'ous voyez d'ail-
leurs que Flavien, ci-devant évêque de Cons-
tantino[)le, et Eusèbe de Dorylée, oui: tout
renversé et causé du scandale dans toutes
les églises, il est donc clair qu'ils se sont
eux-mêmes soumis aux peines ordonnées
,^ par nos Pères. C'est pourquoi , en contir-
[' mant leiirs décisions, nous avons jugé que
les susdits Flavien et Eusèbe seront privés
de toute dignité sacerdotale et épiscopale.
Dites tous votre avis pour être inséré aux
actes, et sachez que les empereurs seront
informés de tout ce quisefait aujourd'hui. »
Flavien dit : « Je vous récuse. » Hilarius,
diacre de l'Eglise romaine, dit : « Contradi-
citur)^ (on s'y oppose); et ce mot latin fut
inséré dans les Actes grecs. Toutefois Juvé-
nal de Jérusalem prononça, ainsi que Dios-
core, la déposition de Flavien et d'Eusèbe,
coiiune ayant altéré la foi d(! Nicée et d'E-
p!u''se, cl. ils fui(nit suivis deDomniis d'An-
(loche, de Thalassius de Césaréc , d'Fusèbe
d'An(!yre,d'I<;tienne d'E;>hès(;, cl de tous les
autres ; Harsumas même |)rononça comino
juge a|)rès tous les évêqucs. Ensiule ilssous-
crivireit tous , excepté les léga'.s du ()ape.
C'est ce (\\ut norient les actes du conciled'E-
pliès<'; mais les choses ne s'y [)assèrent pas
si doucement.
Quand Dioscore commença à prononcer
sa sentence contre n')tre sai.it évêque, Oné-
si[)h)re, évoque d'Hcone , se leva avec i;lu-
sieiu's autres, prit les genoux de Dioscore,
en le suppliant de n'en rien faire. Dioscore
se levadesoii siège et, debout sur son mar-
che-|)ied, il dit : « Quand on me cou{)erait
la langue, je n;î dii-ai pas autre chose.» Et
comme les évêques continuaient de le prier
et lui tenaient les genoux , il s'écria : « Oiî
sont les comtes? » On ht entrer le [irocon-
sul avec une grande multilude de soldats
armés d'épées et de bâtons et munis de chaî-
nes. Aif.si la [dupart des évoques souscri-
virent j)ar forci; sur un [)apier blanc, ayant
été retenus jusqu'au soir dans l'église, sans
qu'on leur donnU da repos. Ceux qui de-
meurèrent unis à Flavien ei qui ne voulu-
rent |)as souscrire > furent envoyés en exil.
Le diacre Hilarius s'échappa à grand'peine
ct vint à Iloine par des chemins détournés.
Il y eut quelques autres évoques déposés
dans ce concile, dont les actes que nous
avons ne font pas mention, savoir : Ibas d'E-
desso G' Daniel ue Carres, son neveu; Aqui-
lin de Byblus et Savinien de Perrha. TUéo-
doret y ifut aussi déposé, quoiL[ue absent, et
même Domnus d'Antioche, pour avoir ré-
tracté sa souscription forcée à la condamna-
tion de Flavien : ce qui se passa ainsi par
l'arlifice de Dioscore. Trois jours après la
séance oij Flavien avait été déposé, Dios-
core produisit dans le concile des lettres que
Doinnus lui avait écrites contre les douze
articles de saint Cyrille, les accusant d'obs-
curité , et le fit déposer comme suspect
de nestorianisme , quoiqu'il fût absent et
malade.
Ainsi finit ce concile, plus connu sous le
nom de brigandage d'Ephèse. Flavien et Eu-
sèi)e furent mis en prison; mais Flavien, ou-
tre sa protestation dans le concile, donna aux
légats du pape un libelle par lequel il api^elait
au siège apostolique. Sitôt après le concile,
Dioscore se retira et prononça une excommu-
nication contre le pape saint Léon, qu'il fit
souscrire par environ dix évêques qui étaient
sortis d'Egypte avec lui. On envoya Flavien
en exil. Au bout de quelques jours, il mourut
à Hypèpe en Lydie, des coups de pied et des
autres niiuvais traitements qu'il avait re-
çus, principalement de Barsumas et de ses
moines. L'Eglise honore sa mémoire le 18
février. (Fleary, t. Il, livre xxvii, passjm.)
FLAVIUS (saint), martyr, l'un des qua-^
rante martyrs de Sébaste , sous Licinius.
{Voy. Martyrs de Sébaste.)
i09S
FLO
FLO
1024
FLAVIUS ( saint ) , honoré par l'Eglise
comme martyr le 7 mai, donna sa vie pour
la foi à Nioomédie,avec ses deux frères Au-
guste et Augustin. Nous manquons de ren-
seignements authentiques à leur sujet.
FLOCELLE (saint), jeune enfant qui avait
déjà été fortement éprouvé en souffrant pour
Jésus-Christ sous l'empereur Marc-Aurèle ,
fut condamné à Autun, sous l'empire du
môme prince, h être déchiré par les botes. Il
termina ses jours par un glorieux martyre.
L'Eglise fait sa fêle le 17 septembre.
FLORE (saint), était tailleur de pierres en
Illyrie. Il eut pour compagnon de son mar-
tyre saint Laur, également tailleur de pierres.
Ces deux saints combattants de la foi, après
le martyre de leurs maîtres saint Procul et
saint Maxime, ayant enduré divers tour-
ments , furent jetés dans mi puits profond
sous le président Licion. L'Eglise fait leur
fête le 18 août,
FLORE (saint) , eut la gloire et le bon-
heur de donner sa vie pour la foi chrétienne
durant la persécution que le cruel empereur
Dèce souleva contre l'Eglise du Seigneur. Il
fut un des compagnons des saints Lucien et
Marcien : ce fut à Nicomédie qu'eut lieu son
martyre. Le proconsul Sabinus le condamna
à être brûlé vif, ainsi que tous ses compa-
gnons. L'Eglise célèbre la fête de tous ces
saints martyrs le 26 octobre.
FLORE (saint), homonyme du précédent,
souffrit comme lui àNicomédie, dans le même
jour et dans les mêmes circonstances. Sa
fête a lieu le même jour que la sienne et
que celle des autres saints que nous indi-
quons, et qui sont, outre Lucien et Marcien,
les saints Tite et Héracle.
FLORE ( sainte ) , fut martyrisée à Rome
sous le commencement de Gallien avec sainte
Lucille et les saints Eugène, Antonin, Théo-
dore et leurs compagnons, au nombre de dix-
huit. L'E-çlise latine fait leur fête le 29 juillet.
FLORENCE (saint), fut décapité à Pérouse
pendant la persécution de Dèce , probable-
ment en 251 , avec les saints Julien , Cyria-
que, Marcellin et Fauste. L'Eglise honore la
mémoire de tous ces martyrs le 5 juin. C'est
à tort que le Martyrologe , imprimé à Lille
(Catalogue) pour l'usage des baptêmes, dit le
4 de ce mois.
FLORENCE (saint), martyr, répandit son
sang nour la foi de Jésus-Christ à Carthage ,
avec les saints Catulin, dont saint Augustin
prononça le panégyrique , Janvier, et les
saintes Julie et Juste. L'Eglise fait leur fête
le 15 juillet.
FF.ORENCE (sainte), était une femme
païenne , qui habitait Cesseron ou Cessa-
non, dans le ttriiloire d'Agde, non loin de
Pezénas, h 12 kilomètres de Réziers, Durant
la ciuelle peisécution (pie l'empereur Dio-
clétien Souleva conire l'Eglise, au conunen-
cemcnt du iv' siècle, saint Tibère et saint
Modeste ayant été arrêtés, mis on prison, et
ayant eu <i souH'rii' hîs [)lus cru(,'ls supplices,
fur(-tit décapités dans le lieu (]ue nous ve-
nons de nommer. Florence ayant été l('moin
de leur courage h su[)])orter les supplices,
de leur intrépidité, se convertit et partagea
leur triomphe. L'Eglise célèbre sa fête avec
la leur h; 10 du mois de novembre. {Voy.
Usuard , Adnn , Catel, Hist. au Languedoc ,
p. 279 ; Raillet, 10 nov. ; Romamoderna^
p. 62; Raron., Not. in Mart. rom.)
FLORENCE , ville d'Italie , capitale de la
Toscane. Nous trouvons pour premier mar-
tyr dans cette grande cité, saint Miniat, sol-
dat, durant la persécution de l'empereur
Dèce, et probablement en l'année 251. Cette
ville est célèbre aussi par les souffrances
qu'y endura pour la foi chrétienne saintCres-
cent, disciple de l'évêque saint Zenobe. Ce
saint a été mis au rang des confesseurs de la
foi ; il est honoré en cette qualité par l'E-
glise. {Voy. son article.)
FLORENT (saint), l'un des confesseurs que
Pinien, gouverneur d'Asie, avait ramenés
avec lui en Italie, en l'an 287, sous l'empire
de Dioclétien, fut obligé de quitter la mai-
son de ce personnage à Rome, pour éviter
la persécution. Il se retira avec saint Si-
sinne et saint Dioclétien, dans une terre
qu'avait Pinien, près d'Osme, dans la Mar-
che d'Ancône. Ce fut là, qu'en l'an 290, avec
les deux saints que nous venons de nom-
mer, il donna sa vie pour Jésus-Christ. Les
habitants du pays sacrifiaient, tous les trois
ans, à un démon qui déclara que dorénavant
il ne rendrait plus d'oracles, si Sisinne, Dio-
clétien et Florent ne consentaient pas à sacri-
fier. Les trois saints furent arrêtés, et n'ayant
pas voulu consentir à abjurer leur foi et k
offrir des sacrifices aux faux dieux, tous trois
furent lapidés par la populace. Les chrétiens,
ayant retiré leurs corps de dessous les pier-
res, les ensevelirent convenablement près du
lieu où ils avaient accompli leur glorieux
sacrifice. L'Eglise fait leur fête le 11 mai.
[Voy. LUCI\E, PiMEN.)
FLORENT (saint), fut martyrisé à Forco-r
nio, dans l'Abruzze ultérieure, en l'honneur
de la foi et pour la défense de la religion
chrétienne. Il était natif de Siponte, et souf-
frit la mort avec un compatriote nommé Fé-
lix. Nous n'avons aucun détail sur l'époque
et les différentes circonstances de leur mar-
tyre. L'Eglise honore leur mémoire le 25
juillet.
FLORENT (saint), martyr, souffrit pour la
foi à Bonn, en Allemagne. 11 eut pour com-
pagnons de son martyre saint Cassius et
plusieurs autres dont on ignore les noms.
L'Iiglise fait leur fête le 10 octobre.
FLORENT (saint), confesseur, soull'ril à
Séville pour la défense de la religion chré-
tienne. Nous matupions complètement de
détails sur lui. L'Eglise fait sa fête le 23 fé-
vrier.
FLORENT (saint), martyr, souffrit à Thes-
saloni(pie pour la défense de la religion
chrétienne. Après divt'rs tourments, il fut
consumé par le feu. On ignore à ({uelie
épo(pie et dans (pirllcs circonstances. L'E-
glise fait sa fête le \'-\ octobre.
FLORENT (saint), fut martyrisé à Trois-
(]liûteaux.Lcs Actes des martyrs ne nous di-
1025 FLO
sent rion sur son compte. L'Eglise fait sa
fôte lo 27 ootobro.
FLORKNTIEN (saint), martyr, rccuoillit la
glorieuse [)ahne du martyre en versant son
sang |)Our l'Iionneur de sa foi. 11 eut pour
compagnons de son martyre les antres saints
év(\iues Valérien, Urbain, Creseent, Kusta-
che, Crescone, Cresrentien, Félix et Hortu-
lon. Le persécuteur des enfants de la foi les
condamna h l'exil où ils finirent leurs jours.
L'Eglise honore la mémoire do ces glorieux
combattants le 28 novembre.
FLORENTIN (saint) versa son sang pour
Jésus-Christ en l'an 406 de l'ùre chrétienne,
sous l'empire d'Arcadius, avec saint Hilaire,
vulgairement nommé saint Hilier. Les bar-
bares, h cette époque, faisaient de fréquentes
invasions dans l'empire romain, qui bientôt
était destiné à devenir entièrement leur
proie. Ce fut dans une de ces invasions que
plusieurs chrétiens, parmi lesquels se trou-
vaient saint Florentin et saint Hilaire, furent
martyrisés. Ils demeuraient dans la ville de
Pseudon, dépendante du diocèse d'Autun.
Aujourd'hui, il ne reste de cette ville qu'un
petit village nommé Sémont, inclus dans la
paroisse de Saint-Marc-sur-Seine. Nos ueux
saints vivaient dans la pratique des vertus
les plus austères du christianisme, jeûnant
et priant à l'envi. Les barbares commencè-
rent par les déposséder des biens considéra-
bles qu'ils avaient reçus d'héritage, et en-
suite les mirent à mort, parce qu'ils n'a-
vaient pas voulu renoncer à leur foi. Ce fut
le 27 septembre 406 qu'eut lieu leur martyre.
Au milieu du ix' siècle, leurs corps furent
transportés de Pseudon à Lyon. On les dé-
posa dans le monastère d'Ainay. La fête de
ces saints est célébrée le jour anniversaire de
leur martyre, 27 septembre.
FLORIEN (saint), souffrit le martyre à
Eleuthéropolis, en Palestine, avec saint Ca-
lanique, et cinquante-huit de leurs compa-
gnons, dont le Martyrologe romain n'a pas
conservé les noms. Ils furent massacrés par
les Sarrasins, en haine de la foi de Jésus-
Christ, du temps de l'empereur Héraclius.
On n'a pas de détails authentiques sur leur
martyre. L'Eglise honore la mémoire de
ces saints martyrs le 17 décembre.
FLORIEN (saint), souifrit pour la foi de
Jésus-Christ, vers l'année 304. Son martyre
eut lieu à Lauriac, qui était alors la capitale
de la Basse-Norique, et qui est aujourd'hui
réduite au bourg de Lorch, dans la Haute-
Autriche, et dont le siège épiscopal a été
transféré à la ville de Passau. Les actes de
ce saint portent que la persécution était si
rude qu'une foule de chrétiens s'enfuyaient
dans les montagnes, dans les rochers et dans
les cavernes. Aquilin, alors gouverneur de
la Norique, vint à Lauriac, et y fit faire de
grandes perquisitions contre les disciples du
Christ. Quarante d'entre eux furent pris et
renfermés dans de durs cachots, après avoir
souffert les plus cruels tourments. On ignore ce
que ces quarante confesseurs devinrent. Notre
saint avait été anciennement capitaine des
gardes du gouverneur. Dès ce temps-là, il
FOI
1026
était chrétien, mais ne s'était point décou-
vert pour tel. Il s'était retiré dans le bourg
de Zeisselmaur, près de Tu In sur le Danube.
Ce fut là qu'ayant ap|)ris les souffrances des
([uarante martyrs dont nous avons parlé plus
huut, il s'en vint exprès à Lauriac, afin de
combattre lui-même pour la défense de la
religion. Les soldats le menèrent à Aquilin,
qui, après l'avoir fait fouetter deux fois, le
fit précipiter dans la rivière d'Eus, dont la
ville de Lauriac n'était pas loin. 11 fut misa
mort le 4 mai. La fôte de ce saint est célébrée
ce jour-là dans les diocèses de Vienne et de
Passau. On le regarde connue l'un des pa-
trons de l'Autriche. Aujourd'hui encore il y
a une abbaye de chanoines réguliers qui
porte son nom, près de la ville d'Ens, dans
la Haute-Autricne. L'année 1183, Casimir,
roi de Pologne, reçut du pape Luce 111 le
corps d'un saint Florien qui est très-honoré
à Cracovie. On prétend que c'est celui de
Lauriac. L'Eglise fait sa fôte le 4 mai.
FLORUS (saint), fut martyrisé à Ostie avec
les saints Honorât et Démètre. Les circons-
tances de leur martyre nous sont inconnues.
L'Eglise fait leur sainte mémoire le 22 dé-
cembre.
FLORUS (saint) , martyr , répandit son
sang pour la foi avec les saints Etienne, Pon-
tien, Attale, Fabien, Corneille, Sexte, Quin-
tien, Menervien et Simplicien, qui furent les
compagnons de son triomphe. Le lieu, la
date et les circonstances de leur martyre
sont inconnus. Le martyrologe romain n'en
dit rien. L'Eglise célèbre la mémoire immor-
telle de ces saints le 31 décembre.
FOI (sainte), appartenait à une illustre fa-
mille, dans le sein de laquelle elle naquit à
Agen, ville qui était, après Bordeaux, la plus
considérable de la seconde Aquitaine. Dès
sa plus tendre enfance elle connut la reli-
gion chrétienne. Il est même probable, d'a-
près ses Actes, qu'elle fut instruite des véri-
tés évangéliques par ses parents chrétiens
eux-mêmes. Douée d'une grande beauté, elle
eût pu prétendre aux avantages que procure
cette qualité dans le monde. Elle y renonça
pour pratiquer entièrement les vertus les
plus éminentes du christianisme. L'amour
de Dieu, l'amour du prochain, partagèrent
son cœur et ses instants. Prier et faire des
bonnes œuvres, c'est le résumé de sa vie.
L'empire romain avait alors pour maîtres
Dioclétien et Maximien. Dacien était procon-
sul des Gaules. Suivant l'ordre barbare de
ses maîtres, il alluma une persécution furi-
bonde contre les disciples de Jésus-Christ.
Après qu'il eut promené sa fureur dans une
multitude d'autres lieux, il vint dans la
ville d'Agen. Au nombre des chrétiens qu'il
fit comparaître à son tribunal fut sainte Foi.
« Seigneur Jésus, dit-elle, quand on :vint
l'arrêter, vous qui assistez toujours vos ser-
viteurs, secourez-moi, fortifiez-moi, et accor-
dez-moi la grâce de répondre d'une manière
digue de vous. » Quand elle fut devant le
juge, celui-ci, prenant une apparence de dou-
ceur très-grande, lui parla ainsi : « Comment
vous nommez-vous? — Foi, et je m'efforcQ
4027
FOI
FON
1028
d'ôlre ce que mon nom signifie. — A quelle
religion appartenez-vous? — Depuis ma i)his
teiuli c enfance, a la relif^ion de Jésus-Christ,
que je sers de toute mon Ame et de tout mon
cœur. —Ecoulez mon conseil, ma tille, pre-
nez pitié de votre jeunesse et de votre
beauté. Quittez les doctrines qui vous ont
séduite, et otfrez ici un sacritice à Diane,
déesse qui) vous convient d'adorer. Elle
vous prodiguera ses faveurs.-^ Vos dieux
soiit des démo'^s, et vous osez me conseiller
de leur sacritier? — Quoi ! vous osez aiipeier
nos dieux, des démons ! eh bien ! ou vous sa-
critierez, ou vous périrez dans les tourments
les plus horribles. » Loin d'être intimidée de
ce langage, sainte Foi ne brfda que davau-
tas-ie de mourir pour Jésus-Chri.>t. '< Non-
seulement, dit-elle, je subirai avec joie vos
tourments, mais encore je serai heureuse
de mourir pour Jésus-Christ. » Dacien lit
étendre la jeime vierge sur un Ut d"airain,
où on l'attacha avec des chaînes de fer, puis
il fit allumer dessous un brasier qu'on en-
tretenait sans cesse en y jetant de Ihuile et
d'autres matières intlammablcs. Outrés d'hor-
reur et saisis de compassion, les specta-
teurs, ou du moins quelques-uns, s'écri;.ient :
« Comment peut-on traiter de la sorte une
jeune vierge innocente, qu'on dit coupable
parce qu'elle adore Dieu? » Quelques-uns
furent saisis par ordre de Dacien ; on les
mena dai;s le temple, et comme ils refusèrent
opiniâtrement de sacrifier, ils furent déca-
pités avec sainte Foi. L'Eglise fait la fête do
sainte Foi et des autres compagnons de son
martyre le 6 octobre. Les reliques de sainte
Foi furent transférées, à la fin du iV siè-
cle , dans une église que saint Dulcidius
fit bAtir à Agen. En 886, on les mit h l'abbaye
de Conques, dans le Rouergue. En 13()o, le
pape Urbain V en fit donner une partie aux
moines de Gucufat, en Catalogne,
FOI (sainte). Fo?/. Pistis.
FOiLLAN (saint), martyr, honore par
l'Eglise le 31 octobre, était fils de Fyltan, roi
de Munster, en L'iande. 11 avait deux frères,
Ultan et Fursy. Ce dernier se fit moine dans
les îles. Revenu dans son pays, il engagea
Ses deux frères ^ renoncer aux vanités nion-
daiiies. Etant depuis passé en Angleterre, il
y bâtit le monastère des Kiiobbersburg, dans
le royaume des Est-Angles. Il fit venir d'Ir-
lande le saint duquel nous éci-ivons la vie,
et lui en donna la conduite. A[)rès la mort
de Fursy, qui eut lieu h Péroi.ne, en (i.'iO,
Ultan et Foillan vinrent on France. Ils rcs-
tèr<Mit quelque tem[)S à Nivelles, dans le Rra-
b;uit, (m sainte (icrtiude était abesse à la
fois d'un monastère d(! fennnes et d'un mo-
nastère d'hommes, (jui en était dépendant.
Aultout de (pielque l('mj)S sainte (ierirndo
donna à Ultan un terrain où il b;ltit un hô-
pital f'I un monastère. C*; fut dcîpuis l'abbayo
d(! Fos.-^e. Elh! retint Foill.in h Mvelles pour
qu'il ijislruisil ses i('ligi(Miscs. Il se chargea
(le l'instruction des fidèles des alentouis.
S'éiîint mis en route en ().").'4, pour alfin- voir
ion frère dans l'abbaye de Fosse, il fui tué
ynr des voleurs dans la forêt (/harbonnière,
en TTainaut. On garde ses reliques avec
grande dévotion dans l'abbaye de Fosse,
qui, à la fin du dernier siècle, était desser-
vie par des chnioines réguliers.
FOLICM ^aujourd'hui Foligno), ville de
l'Etat ecclésiastique. Sous l'empire de Dèce,
le saint honune Féicien en était évoque. Il
avait été éleyé à l'épiscoiiat par le pape saint
Victor. Arrivé à une extrême vieillesse, il
fut pris par les persécuteurs, et eut le bon-
heur (le donner sa vie pour Jésus-Christ.
FONDI , ville de la Terre de Labour,
royaume de Najiles. C'est dans ses murs que
fut martyrisé saint Paterne, durant la persé-
cution de Néron. Le Martyrologe romain, et, _
d'après lui, MM. de Saint-Victor se Irom- ■
pent en écrivant Frondi. 1
FONSECA (le bienlieurcux Louis de), de
l'ordre de Saint-Dominique, fut égorgé à
l'autel, l'an IGOO, ))ar les idolâtres de Siam.
(Fontana, Monumenta Dominicana, an. 1600.)
FONSECA (le bienheureux Pierre), Portu-
gais, de la compagnie de Jésus , faisait
partie des soixante-neuf missionnaires que
le P. Azevedo était venu recruter à Rcme
pour le Brésil. {Voy. Azkveuo.) Leur na-
vire fut pris, le 15 juillet 1571, par des
corsaires calvinistes, qui les massacrèrent
ou les jetèrent au milieu des Ilots. No-
tre bienheureux fut saisi par les bour
reaux au moment où il priait, prosterné de-
vant de saintes images : il reçut dans la
bouche un violent coup de poignard qui lui A
brisa la mAchoire et lui cou[»a la langue. (Du *
Jarrie, IJistoire des choses plus mémora-
bles, etc., t. II, p. 278; Tanner, Socielas Je-
su usque ad satiguinis et vitœ profasionem
militans, p. 166 et 170.)
FONTAURA (le bienheureux Pibt\re), Por-
tugais, delà Compagnie de Jésus, faisait par-
tie des soixante-neuf missionnaires que le
le P. Azevedo était allé recruter à Rome
])Our le Rrésil. {Vo7j. Azkvedo.) Leur navire
fut pris, le 15 juillet 1571, pr.r des corsaires
calvinistes, (jui les massacrèrent ou lesjetè-
rentà l.\ mer (Du Jarrie, IJistoire des choses
plus mémorables, etc., t. II, p. 278; Tanner,
Socirtas Jcsîi usque ad sanguinis et rilœ
jirofusionem milituns, p. 166 et i'/O.)
i"'(^NTE (Jean dic), na(juit en lispagnc. 11
eniradans la société de Jésus, et, aerès (ju'il
eut été élevé au sacerdoce, on l'envoya au
Mexique, chez les Tcpégnans. il s'y appli-
qua aux plus rudes travaux pour gagner les
iiidigènesà la foi chrétienne, et, (|uand il en
avait convaincu quehpies-uns, ils les aidait
à élever des cabanes, à cuire du |iain, faire
des charrues, ouviir des sillons, etc. ; si l'un
d'eux tombait malade, il se constituait mé-
decin et veillait auprès de lui. 11 s'occupa
tt'nne tribu plus féroce encore que celle
(pi'il évangélisait, où deux fois les naturels
i Cnfernunent afin de le laisser mourir de
faim. Notre bienheureux semait l'Evangile
dans ces conlréesdepuis seize .-irniées, (pn.nd
on lui(Mivoya pour collaboralcMu- 1(> bienheu-
leux Jérôme (h; Moranla. Dès lors, ayant
réuni leurs généreux elVorts, ils firent une
ré(,olte encore plus abondante et gagnèrent
1029 FOR
boaucoiipdo naturels h la loi do Jésus-Clirist.
Nous avons vu aux articles Didack de
Okosco, Hkujoaui) de Cisnkros, Fkhdinand
i)K Clhiac.vn, elc, (luo les Tepc^^uaiis avaient
nVsolu If massacre de leurs inissionn.iiios.
Ils cotniitair'il protiter d'une procession so-
'eniielle que les Pèies pré()arnient pour le
'21 novembre lOH», au bour^ de Saint-I-nace.
Nos deux relii^ieux s'uvani^aieiil donc vers
ce bour|j;, atin d'assister à cette procession,
quand les indij^ènes les percèi'onl h coups
de (lèches, à une lieue environ de la colo-
nie. (Tanner, Societas Jcsu uaquc ad sanr/ni-
nis et ritœ profusionein militant, page ki:i.)
FORMIKS, ville de Campanie, oùiul mar-
tyrisée sainte Albine, vier;i;e, sous le règne
de rompereur J)èce. Kn 303, lors delà [)er-
S(^(;ution de Diocléticn, saint Erasme, èvèque
de celte ville, y lut aussi martyrisé. KUe pos-
s»Hla ses reliques jusqu'en 8i2, époque h la-
quelle, ayant été détruite par les Sarrasins,
on les Irànsporla h Gaëte.
FORNOVÊ ou FoRNOUL', Fornovo, ville du
pays des Sabins, vil, en 290, le martyre de
saint Bassus, compagnon de saint Anthime,
de saint Maxiiue et de saint Fabius.
FORTUNAÏ (saint), archidiacre d'Aqui-
lée sous Hermagore, premier évêque de
cette ville, fut martyrisé avec lui sous Né-
ron. Monbritius manjue que ce fut peu de
teiïips après saint Pierre, c'est-à-dire en 6G
ou 07. Les corps des deux saints furent en-
terrés à Aquilée, et plus tard transiiiortés à
Grado. Les plus anciens martyrologes mar-
quent sa fôte le 12 juillet.
FOllTUNAT (saint), martyr, cueillit la glo-
rieuse palme du martyre avec les saints Fé-
lix, Luciole, Marcie et leurs compagnons,
dont on ignore le nom, aussi bien que les
saints Cléonice, Eutropo et Basilisque, sol-
dats. Ils expirèrent sur la croix durant la
pcrsécuiiou de Maximien, sous le président
Asclépiade. Le lieu d;^ leur martyre est com-
plètement inconnu. C'est le 3 mars que l'E-
glise célèbre leur mémoire.
FORTUNAT (saint), martyr, fut décapité
â Salerne, sous l'empereur Dioclétien et le
proconsul Léonce, avec ses saints compa-
gnons Gains et Anthès. L'Eglise honore leur
glorieuse mémoire le 28 août.
FORTUNAT (saint), eut la gloire de mou-
rir pour la foi à Aquilée, avec so;i frère saint
Félix, durant la persécution de Dioclétien et
de Maximien. Ayant été étendus sur le che-
valet, on leur brûla les cotés avec des tor-
ches ardentes qui s'éteignirent au même
instant, par un etïet de la puissance de Dieu.
Ou les arrosa ensuite sur le ventre avec de
l'huile bouillante, après quoi, ne cessant
point de louer Jésus-Christ, ils eurent la tête
tranchée. L'Eglise fait leur mémoire le 11
juin.
F0RÎU5îAT (saint), eut le glorieux avan-
tage de répandre son sang pour la foi de Jé-
sus-Christ à Adrumète en Afrique. Il eut
pour compagnons de sa gloire les saints Vé-
rule, Secondin, Sirice, Scrvule, Saturnin et
seize autres dont les noms ne sont malheu-
reusement pas parvenus jusqu'à la postérité.
FOR 1050
Leur martyre eut lieu durant la persécution
que les Vandales (iicm soulliir aux catholi-
ques. On ignore la daU- («i his didéreiiUîS
circonstanc(.'S de; hiurs combats. L'Eglise iio-
nore leur mémoire le 21 ftWrier.
FORTUNAT (saint), martyr, n^m'illit la
palme du niartyre en AJri(]U(' avec les saints
Faustin, Lu(;ius, Candid(;, Célicn, Marc et
Janvier. ()'o//., pour plus de renseignenients,
FaI STIN.)
FOliTUNAT (saint), recueillit la palme du
marlyn; avec les saints Félix et vingt-sept
autres dont les noms sont inconnus. On
ignore le lieu, la date et les circonstances de
leur martyre. L'Eglise fait leur fête le 20 l'é-
Trier.
FORTUNAT (saint), soulfrit le martyre à
Valence avec saint Félix. {Yoy. l'article Fe-
ux pour plus de détails.)
FORTUNAT (saint), martyr, soulfrit pour
la foi à Alexandrie. Il mourut en prison
avec le j)rêtre Aiator et les saints Félix ,
SUvin et Vital. Le Martyrologe romain ne
dit point à (|uell(; époque. L'Eglise honore
leur mémoire le 21 avril.
FORTUNAT (saint), martyr, cueillit la
palme du martyre à Rome, aVec les saints
Abonde, Alexandre et Antigone. C'est le
27 février que l'Eglise célèbre la fête de
ces quaire glorieux martyrs.
FORTUNAT (saint), niartyr, soulfrit à
Rome avec les saints Félicien, Firme et
Candide. Leur martyre eut lieu ù une épo-
que et dans des circonstances qui nous sont
entièrement inconnues. L'Eglise fait leur
fête le 2 février.
FORTUNAT (saint), reçut la couronne du
martyre en Afrique avec saint Marcien.
Nous manquons complètement de détails sur
eux; l'Eglise fait leur mémoire le 17 avril.
FORTUNAT (saint), fnt martyrisé en Afri-
ciuo pour la défense de la religion chrétienne.
Il eut pour compagnon de sa gloire saint Lu-
cien ; nous n'avons pas d'auti'cs détails sui*
eux. L'Eglise fait leur fête le 13 juin.
FORTUNxVT (saint), fut martyrisé à Rome
sur la voie Aurélienne. Nous manquons de
détails sur son compte. L'Eglise fait sa mé-
moire le 15 octobre.
FORTUNAT ( saint ), reçut la couronne
du martyre à Valence en Dauphiné. il eut
pour compagnons de ses glorieux combats
le prêtre Félix et Achillée, diacre. [Voy. l'ar-
ticle FÉLIX pour plus de détails.)
FORTUNAT(sainf), fut martyrisé à Smyrne
avec les saints Vital et Revocat. Nous n'a-
vons point de détails sur l'époque et les
différentes circonstances de leur martyre.
L'Eglise célèbre leur sainte mémoire le 9
janvie.
FORTU^JATIEN, évêque d'Assur en Afri-
que, fut un de ceux qui, durant la persécu-
tion que Dèce alluma contre l'Eglise, eurent
le malh.eur de renoncer Jésus-Christ pour
sacrifier aux idoles. L'histoire ne parle pas
de lui postérieurement à son apostasie.
FORTUNE (sainte), martyre à Carthage
en l'année de Jésus-Christ 250, durant la
terrible persécution que l'empereur Dèce
1031
FOU
FOU
1032
alluma conlre l'Eglise. Elle fut, avec d'au-
tres chrétiens, placée dans un cachot étroit
et infect, où, par l'ordre de l'empereur, on
les laissa mourir de faim et de soif. La {)uan-
teur et la chaleur de ce cachot furent un
supplice affreux ajouté à celui que la priva-
tion d'aliments fit souffrir aux saints mar-
tyrs. [Voy. VicTORiN.) L'Eglise fait la fêle de
de tous ces saints martyrs le 17 avril.
FORTUNION (saint), martyr, mouru» pour
la foi à Carthage, en l'année 250 ou sous
l'empire de Dèee. 11 mourut dans la pri-
son oii il avait été porté après avoir subi la
question avec saint Paul et saint Basse. L'E-
glise célèbre la fête de ces trois saints le 17
avril, avec celle de saint Mappalique.
FOUETS GARNIS DE BALLES DE PLOMB ,
phtmbalœ. On nommait ainsi des fouets tres-
sés dételle sorte que, de distance en distance,
sortaient de la tresse principale de petites
cordes au bout desquelles on attachait des
balles de plomb. Ces fouets faisaient d'épou-
vantables blessures. On s'en servait pour
frapper les martyrs et les déchirer ; chaaue
coup faisait voler le sans et la chair; cha-
que balle faisait trou, entrait dans la chair
d'où iumiédiatement la traction du fouet la
faisait sortir. Bien des fois les juges com-
mandaient qu'on fit expirer les saints sous
le fouet.
FOULQUES (saint), confessa la foi de Jé-
sus-Christ à Aquin. Nous manquons de dé-
tails s'îir lui. L'Eglise fait sa fête le 22 mai.
FOULQUES (le bienheureux), archevêque
de Reims, martyr, succéda à Hincmar. Le
siège de Reims ayant vaqué quelque temps
après la mort d'Hincmar, on fit courir le
bruit que le clergé et le peuple avaient élu
un archevêque, sans attendre qu'on leur eût
envoyé un évêque visiteur, suivant les ca-
nons, et celte calomnie était venue jusqu'aux
oreilles du roi. Pour s'en justifier, le clergé
de Reims écrivit à Hildebolde, évêque de
Soissons, et aux autrus suffragants, une let-
tre où ils déclarent qu'ils n'ont point fait
d'élection et n'en feront point cme le roi ne
leur ait envoyé un visiteur. La lettre est da-
tée du cinquième de février, et souscrite par
les chanoines de Notre-Dame, qui esc la ca-
thédrale, les moines de Saint-Remy, les cha-
noines de Saint-Bile et de Saint-Thierry, les
moines d'Orbais et {)lusieurs vassaux laï-
ques. On élut enfin et on ordonna, archevê-
que de Reims, Foulques, homme très-noble,
qui, ayant été dès l'enfance élevé parmi les
chanoines, en fut tiré par le roi Charles le
Chauve, et de|)ui.s était dem(;uré au service
des rois. Etant archevêcjue, il envoya sa pro-
fession de foi au pape Marin, et en re(;iil le
pullium. H lui écrivit aussi pDUi- obtenir la
confirmation des privilèges de l'Eglise de
Reims.
Notre bienheureux trouva ri-'glise de
Reims dans un triste état, par suite des ra-
vages des Normands. Il s'appli(pia h la réta-
blir dans son pnîinier- lustr»; et à la consoltM'
(l.Mis S(;s malheurs. L(î |».ipe l^litiuK; lui écri-
vit coiiuiie avaient fait Mari;i cl Adrien, ses
prédècebscuri), lu cousolaul uu milieu de sus
alllictions et le traitant de frère et d'ami.
Foulques, de son côté, écrivit au pape une
lettre pleine de remercîments, témoignant
qu'il serait allé lui-même le voir s'il n'eût
été environné de i)aïens; mais qu'ils n'é-
taient qu'à dix milles de Reims et assié-
geaient Paris. Foulques ajoutait que cette
désolation du royaume durait depuis huit
ans, en sorte qu'on n'osait s'écarter tant soit
peu hors des cliAteaux. Il disait avoir appris
que des méchants formaient des entreprises
contre le pape, et qu'il eût été à son se-
cours s'il eût été possible, assurant que lui
et toute sa famille étaient fort attachés au
pape, entre autres, Guy, duc de Spolète, son
allié, que le pape avait adopté pour son fils;
que l'offre faite par le pape, de confirmer les
droits de son Eg ise, l'attachait encore plus
à lui être fidèle avec ses suffragants, etc., etc.
Sur ces enlrefaites, notre saint fut chargé
d'une mission par le pape Etienne. L'Eglise
de Langres était en trouble depuis près de
dix ans. Après la mort de l'évèque Isaac,
les uns élurent Teutbolde, diacre de la même
Eglise, les autres Egilon ou Geilon, abbé de
Noirmoutier, qui, chassé de cette île par les
Normands, s'était enfin fixé avec sa commu-
nauté au monastère de Tournus. Aurélien,
archevêque de Lyon , le sacra évêque de
Langres en 880 ; iJ se maintint dans ce siège
le reste de sa vie, et mourut à la fin de
l'an 888. Alors le parti de Teutbolde se re-
leva ; mais d'autres élurent Argrim, dont l'é-
lection fut api)rouvée par l'archevêque Au-
rélien. Ceux du parti de Teulbolde portèrent
leurs plaintes au pape Eiienne V, et le lui
envoyèrent, le priant de l'ordonner lui-même
pour leur évêque; mais le |)ape, voulant con-
server à chaque Eglise ses droits, renvoya
Teutbolde à son métropolitain, afin que si
l'élection était canonique, il l'ordonnât sans
délai; si elle ne l'était pas, qu'il l'écrivît au
pape, mais qu'il se gardAt bien d'ordonner
un autre évêque de Langres sans sa permis-
sion. Le pape envoya, pour exécuter cet or-
dre, Oiran, évêque de Sinigaglia, son légat.
Aurélien l'envoya h Langres, promettant de
le suivre promptement ; mais après s'être
fait attendre longtemps, il n'y vint pas, et ne
fit point non plus savoir au pape la cause de
son retardement. Le parti de Teutbolde le
renvoya à Rome avec le déci-el de son élec-
tion, j)riant instamment le jiape de l'ordon-
ner; mais il ne voulut point même alors en-
treprendre sur les droits de l'Eglise de Lyon.
C'est pounpioi il écrivit encore h Auiélien
de consacrer Teutbolde, ou de déclarer les
cau.ses de son refus. Aurélien, sans faire ré-
ponse, ordonna Argrim évê(pie de Langres,
et 1(! mit en possession. Le parti contraire
rcitourna encore à Rome ; le pape leur accorda
enfin ce (ju'ils désira icnU, et écrivit <à l'arche-
vêque (le Reims, notre saint, en ces ternies :
« Ayant reçu, en la j»(>rsonne de saint Pierre,
le soin de toutes les églises, e( sachant (pi'on
111! compte! pas pour évcipie celui (jui n'a été
élu ni par le clrr^i', ni désiin'' pai" le |ieuple;
îoucIh' lies inslaulcs jirirres du clergé et du
j)euplc de Langres, nous leur avo:is consa-
1033
FOU
FOU
1035
crc^ pour évoque le diacre Tcutboldo. C'est
pourquoi uous vous enjoignons, qu'aussitôt
ces lolt.res reeues, vous vous transportiez h
l'Kglise de Langres, que vous en mettiez
Teutboldo en possession, et que vous décla-
riez h tous les archevêques et les évôcpies
que nous avons pris un soin particulier de
celte église, i)Our punii'une telle contumace
et réparer une telle ()[>pression. » Foukpies,
ayant reçu cette couunission du pape, lui
écrivit, q'uelque teni[)s après, qu'il l'aurait
exécutée aussitôt, si le roi Eudes, dont il
était sujet, ne lui côt conseillé de dillerer
(usqu'i\ ce qu'Eudes lui-même envovAt des
ambassadeurs au pape pour a[)prendre cer-
tainement sa volonté. Qn'au reste, tous les
évoques, en présence desquels les lettres du
pape avaient été lues, s'étaient extrêmement
réjouis de ce qu'il disait vouloir inviolablc-
nient conserver à toutes les Eglises leurs
droits et leurs privilèges. Enfin, il [)riait le
pape de lui envoyer sa décision par écrit sur
cette question, si les évèques, ses sufl'ra-
gants, |)Ouvaienl sacrer un roi ou faire quel-
que autre fonction semblable sans sa per-
mission. Cette question semble regardei le
roi Eudes, élu malgré la résistance de Foul-
ques, qui voulait donner Guy, son allié, pour
roi à la France romaine, car on nommait
ainsi les pays en deçà du Kliin, et c'est peut-
être pour(]uoi Eudes ne fut sacré ni par l'ar-
chevêque de Reims, ni par aucun évêque de
la province, mais par Vaullier, archevêque
de Sens.
Le pape écrivit encore à l'archevêque de
Reiras sur les différends survenus entre Her-
man, archevêque do Cologne, et Adalgaire,
évêque de Hambourg et de Brème. L'un et
l'autre étaient nouveaux dans leurs sièges,
puisque Guillebei t, archevêque de Cologne,
avait assisté au concile de Mayence en 888,
et Adalgaire avait succédé à saint Rembert,
mort la même année. Adalgaire était moine
de la nouvelle Corbie, d'où saint Rembert le
tiia pour le soulager dans ses fonctions. Il
le choisit pour son successeur et fit approu-
ver ce choix par le roi Louis le Germanique
et ses fils Louis et Charles, par le concde ,
l'abbé et les frères de la communauté. Saint
Rembert, la dernière semaine avant sa mort,
reçut tous les jours l'extrême-onction et le
viatique , selon l'usage de ce temps-là. Il
mourut le 11 juin 888. Herraan, donc, avait
envoyé des plaintes au pape; et Adalgaire,
après en avoir envoyé de son côté-, alla lui-
même à Rome se plaindre des entreprises
d'Herman sur les droits de son Eglise. Le
pape cita Herraan pour comparaître aussi
devant lui ; et, comme il ne vint point, il dif-
féra le jugement, de peur que s'il se pressait
de le prononcer, la contestation ne se renou-
velât dans la suite. Mais il écrivit à Foul-
c^ues , archevêque de Reims , lui donnant
commission de tenir en son nom un concile
à Worms avec les évoques voisins, où il
avait ordonné à Herraan de Cologne, et à
Sundéralde de Mayence, de s'y trouver avec
leurs suif ragants; car Adalgaire devait s'y
rendre aussi, afin que les droiis de chacun
DiCTioNN. DES Persécutions. I.
lussent soigneusement examinés. Le pape
priait ensuite l'archevêquci de Reims de ve-
nir le voir, désirant conférer avec lui de cette
affaire et de plusieurs autres. Cette lettre du
pap(! Etienne devait être de l'année 85)0 et
de la fin de son pont'licat, car la réponse do
Fouhpies fut adressée au i)ape Forraosc, son
successeur.
Vax 891, notre saint archevêque tint un
concile à Reims, où, de l'avis des évè(|ues
et des seigneurs qui s'y trouvèrent, il fit re-
connaître l'oi le jeune Chai-les, fils de Louis
le Bègue, et Adélaïde, âgé d'environ ik ans.
Il est connu sous le nom de Charles le Sim-
ple, et fut couronné le 28 janvier 803. Eudes
ne laissait pas de régner dans la plus grande
partie de la France, et Charles ne fut d'abord
l'econnu que par les seigneurs mécontents
de son gouvernement. En ce même concile
de Reims, on menaça d'excommunication
Baudouin , comte de Flandre, pour divers
crimes. Il avait fait fouetter un prêtre; iP
avait ôté aux églises des jirêtres qui y étaient
ordonnés, et y en avait mis d'autres sans la
participation de leur évêque. Il avait uswrpé
une terre donnée par le roi h l'église de
Noyon, et le monastère de Saint- Waast d'Ar-
ras. Enfin, il s'était révolté contre le roi au
mépris de son serment. Sur tout cela il avait
été depuis longtemps admonesté par les évo-
ques sans en avoir profité. Ceux du concile
de Reims jugèrent donc qu'il méritait d'être
excommunié ; mais, attendu qu'il pouvait
servir utilement l'Eglise et l'Etat, ils suspen-
dirent la censure et lui donnèrent encore du
temps pour se corriger. Il déclarèrent à Bau-
douin ce jugement par leur lettre synodale,
et en écrivirent une autre à son évêque dio-
césain, qui était Dodilon de Cambrai. Il avait
été appelé au concile, mais il s'en était excusé
sur les Normands, qui ôlaient la sûreté des
chemins, et les évêques le priaient d'exhor-
ter fortement le comte Baudouin à se recon-
naître, de lui lire leur lettre s'il était pré-
sent, et, s'il ^ait absent, la lui envoyer par
son archidiacre, qui la lui fît bien entendre.
Que s'il ne pouvait approcher de Baudouin,
il fit lire en sa préence les lettres dans un
lieu où il eût insulté à la rehgion, et qu'en-
suite, s'il ne se corrigeait, personne, ni
moine, ni chanoine, ni aucun chrétien n'eût
plus de commerce avec lui, sous peine d'a-
nathèrae. Si Hétilon, évêque de Noyon, ve-
nait à Arras, Dadilon devait l'oller trouver,
pour faire sur ce sujet ce qui serait à pro-
pos suivant les canons, et en donner avis
par lettres à leurs archevêques.
Ce que nous venons de voir avait attiré
sur Foulques la haine de Baudouin. Ce
prince, étant maître d'Arras, s'était aussi mis
en possession, comme nous l'avons dit plus
haut, de l'abbaye de Saint- Waast, que le roi
Charles lui ôta [)Our son infidélité, et la
donna à l'archevêque. Mas Foulques, ti'ou-
vant plus à sa bienséance l'abbaye de Saint-
MéJard, que possédait un autre comte nom-
mé Altraar, échangea avec lui celle de Saint-
Waast, après avoir assiégé et pris Arras sur
le comte Baudouin. Le dépit qu'il en eut
1055
FOt
FRA
1056
passa à toute sa cour; et ses vassaux cher-
chant à le venger, ils feignirent de vouloir
se réconcilier avec le prélat. Ayant épié l'oc-
casion, un jour qu'il allait trouver le roi avec
une très-petite escorte, ils l'abordèrent dans
le chemin, ayant à leur tète un nommé Vine-
mar. Ils lui parlèrent d'abord de la réconci-
liation avec le comte Baudouin; puis, lors-
qu'il s'y attendait le moins, ils le chargèrent
à coups de lance, le tirent tomber et le tuè-
rent. Quelques-uns des siens, les plus affec-
tionnés, se firent tuer sur son corps ; les au-
tres retournèrent à son logis, porter cette
triste nouvelle, et ceux qui y étaient restés
sortirent en armes pour chercher les meur-
triers. Mciis , ne les ayant point trouvés , i-ls
jetèrent de grands cris, levèrent le corps, le
rapportèrent à Reims, où il fut enterré avec
l'honneur convenable.
Ainsi mourut l'archevôquo Foulques, le
17 juin 900, après avoir tenu le siège de
Reims dix-sept ans, trois mois et dix jours,
comme porte son épitaphe. Il augmenta con-
sidérablement les biens temporels de son
Eglise par les libéralités des rois et de plu-
sieurs autres personnes. Il rebâtit les mu-
railles de la ville de Reims, et quelques nou-
veaux châteaux, comme Amont et Epernay.
Il fit rapporter le corps de saint Remy à
Reims, du monastère d'Orbais, et donna re-
traite à quantité de prêtres et de moines
que les ravages des Normands obligeaient à
fuir; il les traitait comme ses enfants. Il re-
çut ainsi les moines de Saint-Denis en
France, avec son corps et plusieurs autres
reliques. Il rétablit les deux écoles de Reims,
presque tombées en ruines, l'une pour les
chanoines, l'autre pour les clercs de la cam-
pagne; il fit venir deux maîtres célèbres :
Rémy, moine de Saint-Germain d'Auxerre, et
Hucbald, moine de Sainl-Amand, et il ne
dédaignait pas d'étudier lui-môme avec les
jeunes clercs. L'Eglise célèbre sa sainte mé-
moire le dixième de juin.
Le siège de Reims ne vaquf que dix-huit
jours, et le 6 juillet 900 on y ordonna arche-
vêque Hervé, tiré de la cour comme son pré-
décesseur, et noble comme lui, mais encore
jeune. A son ordination se trouvèrent : Viton
ou (iuy , archevêque de Rouen ; Riculfe ,
évoqué de Soissons; Hétilon de Noyon, Do-
dilon de Cambrai, Hérmand de Thérouane,
Ogor d'Amiens, Honoré de Reauvais, Man-
cion de ChAlo'is, Raould de Laon, Olffid de
Senlis, Angeran d Meaux. Ce môme jour, et
en présence de ces douze {)rôlats, on lut
dans l'église de Notre-Dame de Reims tin
acte d'excommuiiic.ilion contre les meur-
triers de l'archevèipio Fouhiues. On y en
nomme trois : ViiuMuar, Evrard et Rolfeld,
vassaux du comte Raudouin, et leurs com-
plices en général ; on les déclare séparés
de l'Eglise et cliargés d'un perpétuel ana-
thèmei avec Inutes les uralédictions exi)ri-
mées dans l'Kcriture et les canons; défense
^1 aucun chrétien do les saluer, h aucun
prMro de dire l,i messe en leur présenct;, et,
s'ils lorub(;ril nialadf'S, de recevoir leur con-
Itîssion ni leur donner la communion, môme
à la fin, s'ils ne viennent à résipiscence ; dé-
fense de leur donner s^'-pulture. En pronon-
çant ces malédictions, les évoques jetèrent
des lampes de leurs mains et les éteignirent.
C'est le premier exemple, que je sache, d'une
telle excommunication. (Tiré de Fleury, t. III,
livre Liv, passim.)
FRANCESCHI (Hyacinthe), le bienheu-
reux, jésuite, fut martyrisé en 1638, au
mois de juin, dans une île du lac Dembéa,
en Abyssinie, par les moines hérétiques de
ce pays. Il eut pour compagnons de son glo-
rieux martyre François Rodriguez, et le P.
Apollinaire Alméida, évoque de Nicée, coad-
juteur de Mendez, patriarche d'Abyssinie. Il
était un des six jésuites qui restèrent en
Abyssinie, sous la direction de l'évoque de
Nicée, après qu"Alphonse Mendez et les au-
tres missionnaires eurent été contraints à
partir. Pour avoir plus de détails sur sa mort
bienheureuse, on peut consulter les articles
Abyssinie, Mendez, Basilides, Alméida.
FRANCILLON ( le bienlieuroux François ),
frère de la mission de Madagascar, souffrit le
martyre à Alger le 5 juillet 1G88, avec le
vicaire apostolique Michel Montmasson.
Tous deux furent attacliés à la bouche d'un
canon.
FRANÇOIS ( le bienheureux ), capucin, fut
massacré à Magadoxo, vers l'année 1640,
sous le règne du Négous Basilides, fils de
Mélec-Segued. Il eut pour compagnon de
son glorieux martyre le P. Chérubin, capu-
cin, longtemps employé aux missions de
Bassorah.
FRANÇOIS ( le bienheureux ), franciscain,
ayant confondu les Musulmans dans une
controverse publique à Damiette, fut coupé
en deux par le glaive musulman. ( Chroni-
ques des Frères Mineurs, t. H, p. 282. )
FRANÇOIS (le bienheureux), était frère
dans un couvent de franciscains en Pales-
tine. Il soulfrit le martyre à l'occasion de ce
que nous allons raconter : un chevalier hon-
grois, nommé Thomas, qui avait embrassé
l'islamisme afin de se concilier la faveur du
sultan d'Egypte, vint, poussé par un secret
mouvement de la grâce, visiter les sanctuai-
res de Jérusalem pendant la semaine sainte.
Etant entrô par hasard dans un couvent de
franciscains, un iVère appelé Nicolas de
Montecarvino lui reprocha si fortement son
apostasie, qu'il le ramena à Dieu et le déter-
mina à se rétracter |)ubli(|uement au Caire.
Craignant néainnoins que le nouveau con-
verti ne fût pas a'^sez courageux, il se réso-
lut à l'accompagner. Notre saint l'ayant ap-
pris les suivit plein de joie avec un autre
frère appelé Pierre. Ce fut le dimanche de
Pâques 1358, qu'ils furent admis en présence
du sultan. Ils lui parlèrent avec une si gé-
néreuse libi'ité, que ce prince, plein de lu-
reur, les livra au cadi. Celui-ci les condamna
à être coupés [)ar morceaux, puis consumés
par le feu, le 4. avril 1358. (Wadding, an.
135V, n 9. )
FRANÇOIS (le prince), onzième fils de
Sounou, régulo du troisième ordi-e à la cour
de Chine, embrassa le christianisme et sq
1037
FIlA
FR4
1038
lit baptiser (iu('l(|iio temps upr(^s son frèr^
Jean, et inal^:;ié ropposilioii tbiincllc (ie son
père, (jui, poiircollo cause, lui dércndil l'en-
trée (le son palais, ainsi qu'il ses IVèrcs Jean
et Paul. 11 éleva une chapelle dans son pa-
lais, instruisit sa femme, sa lille, leurs sui-
vantes et les domesticpies de sa maison, qui
tous furent baptisés (piehpie temps a|)r(\s
lui. Ce prince lut, dans les mois (pii suivi-
rent, fnqjpé d'une inlirmité qui aurait désolé
beaucoujjd'aulres.» sa place. 11 devint sourd :
il disait (ju'il ne regrettait pas de ne [)lus
entendre clair, n'ayant plus à recevoir les
ordres de la cour, mais que (;onnne il parlait
toujours, il aurait ce qu'il faudrait pour le
service de Jésus-Cluist. L()i'S(]ue l'empereur
Young-Tcbing bannit sa famille en Tailarie
j)0ur la foi, avant de partir, il demanda aux
missioiniaires la permission de catéchiser et
de baptiser dans le lieu de son exil, et les
pria de lui envoyer le plus qu'ils pourraient
de petites images, de croix et de chapelets.
Le prince François partagea l'exil de sa
famille. ( Voy. les articles Sol'nou, Chine. )
FRANÇOIS PAUL (le bienheureux), de la
Compagnie de Jésus, Portugais, faisait partie
de la troupe de missionnaires que le P. Diaz
conduisait au Brésil, à la suite du P. Azavedo.
Un mois a[)rès le départ du Saint-Jacques
qui portait ce dernier, Diaz et ses compa-
gnons quittèrent Madère, afin de poursuivre
la route vers le Brésil avec le reste de la
flotte. La tempête ayant dispersé les navires,
celui que montaient notre bienheureux et
ses compagnons dévia vers l'île de Cuba, et
à San-lago on dut abandonner le vaisseau
qui faisait eau de toutes parts. Les voyageurs
trouvèrent une barque qui les conduisit au
port d'Abana, d'où un navire qu'ils y frétè-
rent , les transporta aux Açores le mois
d'août 1571, Us y trouvèrent le comman-
dant de la flotte, Louis do Vasconcellas, avec
le P. Diaz et cinq autres jésuites qui les y
avaient devancés. L'amiral voyant son monde
si ré. luit ne conserva qu'un navire, et ils se
rembarquèrent le 6 septembre 1571. Bientôt
ils rencontrèrent cinq vaisseaux de haut-
bord, commandés par le Béarnais Capdeville,
calviniste, qui s'était trouvé à l'abordage du
Saint-Jacques. Le combat ne fut pas long et
les calvinistes s'emparèrent du navire catho-
lique. Le bienheureux Diaz fut massacré,
puis jeté à la mer le 13 septembre; François
de Castro confessait le pilote au moment oiî
les calvinistes montaient à l'abordage, et fut
massacré; Gaspard Goes subit le même sort;
le P. Michel, qui avait été renfermé avec
d'autres durant la nuit dans la cabine de
Vasconctllas, ayant jeté un soupir que lui
arrachait la blessure de son bras, les calvi-
nistes se saisirent de lui et le j tèrent à la
mer avec le bienheureux François Paul. Les
autres compagnons de leur martyre furent
le P. Jean Alvare, Portugais; Pierre Fer-
nand , Portugais ; Alfonse Fernandez, Por-
tugais ; Alfonse André Pais, Portugais, un
autre Pierre Diaz, Portugais ; Jacques Car-
valho, Portugais; Fernand Alvare, Portu-
gais. (Du Jarrio, Histoire des choses plus
mémorables, etc., t. Il, p. 295; Tanner,
Sorictas Jesu usquc ad sanquinis et vitœ pro-
fusionem militans, p. 17'i- et 177.)
FRANÇOIS PÉÏRIOLO (le bienheureux)
avec ses deux comiagnons Monaido d'An-
cône et Antoine de Milan , fut martyrisé
pour la foi chrétienne en l'an de Jésus-
Christ 1288. Ces saints missionnaires choi-
sissaient de préférence le vendredi» jour
consacré h Dieu chez les musumians, pour
leur annoncer l'Fvangile. Ils se livraient à
la prédication même en présence du cadi
d'Erzingan. Cet oflicier, voyant que le [)euple
était ébranlé par les discours des sain s pré-
dicateurs, crut ne pouvoir mieux faire que
de les mettre en présence d'un des |)r nci-
paux docteurs de la loi, pour qu'ils y fussent
vaincus publiquement d;ms la discussion,
mais son espoir fut singulièrement trompé.
Ce fut au contraire le docteur mahoiiK-tan
qui fut vaincu par les (lisci[)les de Jésus-
Christ. Les musulmans en éprouvèrent une
grande fureur; néanmoins le cadi laissa nos
bienheureux se retirer. Mais le conseil des
principaux d'entre les musulmans s'élant
assemblé, il y fut décidé qu'on contraindrait
les prédicateurs chrétiens, à désavouer pu-
bliquement leur doctrine. Us furent donc
tous les trois pris et conduits devant le con-
seil. Au lieu d'y désavouer Jésus-Christ, ils
exaltèrent son divin nom et montrèrent que
Mahomet n'était qu'un imposteur. Il y avait
un aveugle dans l'assemblée. Le cadi dit aux
saints confesseurs : « Vous affirmez que la
foi que vous prêchez a été prouvée par des
miracles : eh bien 1 ordonnez que cet aveu^
gle voie ; s'il recouvre la lumière, nous croi-
rons à vos enseignements.» «Dieu a la
toute-puissance, dirent les confesseurs; s'il
lui plaît que ce miracle s'accomplisse, il
s'accomplira. » Us firent le signe de la croix
sur les yeux de l'aveugle, il en sortit de l'eau
et du sang, et ils s'ouvrirent à la lumière. Ce
miracle ne réussit point à vaincre l'aveugle-
ment des mahométans. On fit sortir l'aveugle
guéri, et le"^ franciscains furent unanime-
ment condamnés à mort. Les trois religieux
marchèrent gaiement au supplice, se fidici-
lant mutuellement de voir la réalisation de
ce qu'ils avaient tant désiré. Arrivés au lieu
de l'exécution, ils levèrent les yeux au ciel,
étendirent les bras en forme de croix, quand
ils virent les mahométans armés d'épées se
ruer sur eux. Un mahométan, pris de pitié
pour les saints martyrs, ayant adressé quel-
ques reproches aux bourreaux, fut immé-
diatement mis à mort par ses coreligionnai-
res. Effrayés de la rage des mahomét'uis, les
chrétiens de la vill.^ s'étaient enfuis dans la
campagne. Ce fut un vendredi à midi que
les trois franciscains moururent. On coupa
leurs corps en quatre et on al tacha les mw-
ceaux aux portes de la ville. Des gardes
furent placés auprès pour empêcher les
chi étiens de les enlever. Un prêtre arménien,
qui avait donné ostensiblement son appro-
bation aux franciscains dans la discussion
qu'ils avaient soutenue, fut saisi pai les
mahométans. On lui attacha nu cou la tête
1039
FRA
FRA
1040
d'un des martyrs, avec une de ces cordes qui
servent de ceinture aux frères mineurs, et
on le promena, en le fustigeant, par toute la
ville. Dès qu'il eut recouvré sa liberté, il en
profita pour recueillir religieusement les
restes des saints martyrs. [Voy. les Chroni-
ques des Frères Mineurs, t. II, p. l'iG.)
r.RANÇOIS DE SPOLÈTE (le bienheureux)
prôcliait 'l'Evangile aux habitants de Da-
miette. Leur es[)rit commençait à s'ouvrir
aux splendides clartés du christianisme ;
mais leur cœur restait altaclié h la loi de
Mahomet. Ils demandèrent un jour au saint
missionnaire ce qu'il pensait de leur pro-
phète. Celui-ci ne crut pas pouvoir leur ca-
cher sa manière de penser à cet égard. Il leur
dit que le mahométisme était une religion
qui devait entraîner la perdition éternelle de
ses sectateurs. Dénoncé pour cette réponse,
il fut emprisonné et condamné à la peine de
mort. Les musulmans vinrent le • trouver
dans la prison. « Rétléchis bien, lui dirent-
ils; il te faut opter entre l'abj in^a lion de ta foi,
l'adhésion à l'islamisme ou la mort. — Je
choisis la mort, oit François, qui doit me
délivrer des misères de cette vie, p.our me
faire monter au ciel, où on vit toujours
heureux. Je n'ai qu'un regret, c'est de vous
laisser dans l'ignorance où vous êtes, dans
les turpitudes qu'autorise votre loi, toutes
choses qui vous précipiteront dans les feux
éternels, où déjà brûle votre proi)hète Ma-
homet. » Les musulmans à ce langage pous-
sèrent des cris de fureur et se précipilèreut
sur le saint. L'un d'entr(ï eux lui asséna, dit
la Clironiquc des Frères Mineurs (t. II, \). H8),
un tel coup de cimeterre, qu'il le fendit en
deux. Quoi qu'il en soit d'un fait si cxtraor-
dinair<s le martyre du saint est constant. Il
monta au ciel recevoir la palme éternelle,
que Jésus-Christ accorde aux saints qui
meurent pour lui. Le martyre de notre saint
eut lieu en 1"288.
FRANÇOISE (la princesse), femme de Jo-
se[)h, douzi«'me tils du régulo Sounou, parta-
gea les malheurs et l'exil de sa famille en-
tière, bannie four la foi à Yeou-Oué en
Tartarie, par l'empereur Young-Tching, en
l'année IT^i. Le prince Joseph, ayant été
disgracié l'année j)récédente et envoyé à
l'armée, à la suite du neuvième (ils do l'em-
pereur, s'était fait bajjtiser la veille de son
départ. Peu de temps après, la princesse sa
feininc et tous ses enfants av.dent imité son
exemple. Il était parti pour l'armée, laissant
sa f'im.lle \\ Pékin. La |)iiiicesse fut person-
iiellcnient viciime de la persécuti(jn que son
b''aii-[)ère, |)Our désaiiner rempereiir, lit
subir à ses enfants chrétiens. Lu des olli-
ciers de Sounou eut ordie de visiter sa mai-
son, sans même l'ii (!Xf'mpt(;r sa chambi-e,
d'y premJre tout ce (ju'il trouverait d(; croix,
de chapelets et d'images, et de les brùlcM- au
milieu de la ccjiu'. La prineesse éla.l alJS(;nte
(juand cet ordie sacrilège reçut son exécu-
tion. Erj voyant ce monceau de cendres, elle
faillit se trouver mal, poussa des cris la-
nif-ntaldes; les voisins crurent (jue ces ina-
uileslations de douleur provenaient do la
nouvelle de son exil: ses beaux-frères ne
purent la consoler qu'en lui promettant de
partager avec elle ce qui leur restait de
croix, d'images et de chapelets. Le 1.' juillet
172i, elle suivit toute sa fani-lle au l.eu d'exil
désigné par l'empereur. So:i mari vint l'y
joindre plus tard. ( Voy. Sounou , Joseph ,
Chine.)
FRANÇOIS XAVIER (le prince), fils aîné
du régulo chinois Sounou, n'était pas encore
chrétien que déjà plusieurs de ses frères
avaient embrassé le christianisme. Cepen-
dant il parlait partout avec éloge de cette
sainte religion. Dans le palais impérial, assis
à la porte de l'empereur avec les grands, il
ne soutfrait point qu'on l'attaquât ; c'était
son frère Jean qui la lui avait enseignée.
Plusieurs s'offensèrent deson zèle. Un piince
de ses amis, ou du moins qui se prétendait
tel, sous prétexte de le servir, en parla à
l'empereur. Mais celui-ci n'y fit pas atten-
tion et répondit en termes généraux , de
manière à esquiver cette conversation. Sou-
nou avait chassé de sa présence ses fils
chrétiens Paul, Jean et François; ils crurent
que pour le faire sortir de "son infidélité et
pour calmer sa colère, personne n'était plus
cai)able de réussir que leur frère aine.
Le vieillard l'aimait beaucoup. Il le savait de
bon conseil et le consultent volontiers. Il ;!C-
cepta avec empressement la commission dont
ses frères le chargeaient, et s'en acquitta avec
un zèle sage et discret, saisissant peu à peu
et habilement les occasions qui se piésen-
taient, de parler à son i)ère de la religion
chrétienne. Mais tous ses efforts, joints aux
prières de ses frères, n'obtinrent pas le suc-
cès qu'on espèrent. Le vieillard ne voulut pas
rouvrir sa maison à ses enfants, à ceux du
moins qu'il en avait chassés; quant à ceux
de la famille qui depuis se faisaient chré-
tiens, il dissimulait, feignant de ne rien sa-
voir. Il se contentait de dire qu'on devait se
montrer très-réservé, de peur de compro-
mettre la famille entière. Bientôt un autre
prince baptisé secrètement à Pékin et nommé
Joseph, ami intime de la famille, joignit ses
efforts à ceux du prince Xavier. Peut-être
allait-on réussir à quelque chose, quand la
nouvelle d'une persécution qui s'était éle-
vée dans le Fou-Kien, et une sentence pro-
noncée, le 12 janvier n-i'», cnntre les mis-
sionnaires, vinrent arrêtci' tout à coup les
bonnes dispositions du vieux régulo. On
j)eut voir au litre de ce dernier connnent il
fut mandé par l'empeieur, (pii avait a[)pris
les conversions opérées dans sa famille, et
comment il fut condanuié à l'exil ainsi que
tous les siens. Cv. fut dans ces circonstances
que le prince de (pii nous écrivons Ihisloire
et (|ui n'était encore (jue catéchumène, fut
baptisé avec soi neveu, fils <le son iniilième
frère, mort sans avoir eu le même bonheur.
On sait la démarche (pu; lit le vu'ux régulo
j)Our oblenii' sa gr;\ce. Il avait fait enchaî-
ner ses trois fils l'aul, Krançoisel Jean, pour
les livrer lui-mêuu! a l'empereur; mais cela
n'avail seivi à rien et il élnil revenu déses-
péi'é dans son palais. Ce fut alors que son
104t
FRE
FIU«:
i04i
lils aîné lui représenta les grâces singulières
dont sa famille avail ét(^ l'objel de la part do
Dieu. « Le traitement (|u'on vous fait éprou-
ver, lui dit-il, vous devez le regarder
connue un elfet de l'intinie miséricorde du
'lout-Puissaiit (pii veut vous sauver eu vous
l'ia|)panl. licoutez l'avertisseineiU (pi'il vous
doune : seive/-le coiiuue il veut être servi,
et vous verrez que bientôt vous serez su|»é-
rieur j) tous ces événements (jui vous parais-
sent si uialheureux. » Ni ce langage ni celui
des autr(>s frères ne purent rien sur h; vi(Ml-
Jard qui den)eiira dans son (^ndureissemeut.
Toute la familh* prit la route d(> Yeou-Oué,
poste militaii-e dans la Tailarie, au delà de la
grande muraille à i)0 lieues de Pékin. C'était
là <|ue l'empereur You'ig-Tcliitig exilait pour
la foi toute celt(> sainte famille, composée de
9'i. personnes et suivie d'environ ."JOO domes-
tiques. Le prince François Xavier était
accompagné dans son exil de sa fennne
Thérèse , qui avait été ba{)liséo quehfue
temps après lui, ainsi que Pierre son second
fils. Sa belle-tille Agnès avait eu le même
bonheur. On peut voir pour tout ce qui
touche ce glorieux exil les articles Chine et
Sol N ou.
FRANÇOISE (la sœur Sainte-), converse
chez lesUrsuli'iesàCarpenlras,fut guillotinée
le 13 juillet 179i,àOrange,avec Anastasie de
Rociird, supérieure des Ursuiines de Bolène,
Elisabeth Verchière, Alexis Mincette et Hen-
riette Laforge, religieuses du Saint-Sacre-
ment à Bolène. La sœur sainte Françoise
disait aux autres sœurs, la veille de leur
condamnation : «Ah I nies chères sœurs,
quel jour que celui qui se prépare! De-
main les portes du ciel s'ouvrent pour nous;
nous allons jouir de la félicité des saints.»
FRATERNE (saint) , évêque et martyr ,
versa son sang pour la foi à Auxcrre. Nous
n'avons aucun détail sur l'époque et les cir-
constances de son mai'tyre. L'Eglise fait sa
sainte mémoire le 29 septembre.
FRÉDÉRIC (saint), évoque d'Utrecht, fut
martyrisé en 828. 11 descendait d'une famille
très- illustre chez les Frisons. Il fut élevé
dans la pratique de la piété avec les clercs
de l'Eglise dont il devint plus tard évêque.
De bonne heure il se livrait au jeûne et aux
exercices de la plus rigoureuse pénitence.
Quand il eut été ordonné prêtre, son évêque
Ricfrid, à qui ii succéda en 820, le chargea
d'instruire les catéchumènes. Quand ii apprit
qu'il avait été promu à l'épiscopat, il mit tout
en œuvre pour qu'on voulût bien le déchar-
ger de ce lourd larJeau dont il se croyait in-
digne, mais 1 einpcr ur Louis le Débonnaire
le força de se soumettre; il accepta donc. Il
fut sacré à Aix-la-Chapelle, devant l'empe-
reur, qui lui lit rex[)resse recommandation
de détruire ce qui (estait de l'idolûtrie dans
le royaume de Frise. Le peuple, qu'il était
désormais chargé de conduire dans les voies
du salut, le reçut avec joie; notre saint s'ad-
joignit plusieurs prêtres pleins de zèle, et les
dissémina daus le nord de la Frise, afin de
répandre partout la lumière de l'Evangile. Il
trouva ces peuples assez disposés à l'écou-
ler. Louis, fils et successeur de Charlemagne,
avait déchargé les Saxons des énormes tri-
l)uts (jue son père les forçait de payer; il les
traitait avec bonté, et ces peup\es, [ileins de
l'econnaissance, s'attachèrent pour toujours
à sou empire;. Ses actes de ch'-mence lui mé-
ritèi'cnt de plus le titre de Débonnaire. Notre
saint fut ensuite persécuté par- l'impératrice
Judith, lille de Welf, comte de Wcùngarten,
un des principaux seigneurs de la Raviôre,
avec ([ni Louis s'était remarié en 819. Les
causes de cette persécution furent les dérè-
glements de cette |)rincesse, dont Fiédéric
l'avait re[)rise avec un zèle tout apostoli |ue.
Notre saint tourna surtout les elforts de son
zèle sur les habitants de la Walacrie ou
AValcheren, une des principales îles de la
Zélande, qui étaient très-bai bai-es et ermemis
du nom de Jiîsus-Christ. Frédéric travailla
lui-même à répandre parmi eux la semence
de l'Evangile, et parvint, après bien des
exhortalions, des larmes et des prières, à
extirper l'habitude des mariages incestueux,
très-répandue parmi ces peuples. Néanmoins
ce saint évêque paya de la vie son zèle cou-
rageux. Un jour, qu'après avoir dit la messe
il faisait son action de grâces, deux assas-
sins, payés par ses ennemis, 1 > poignardè-
rent, et il expira presqu'aussitôt, en disant :
Je louerai le Seigneur dans la terre des vi-
vants. Plusieurs auteurs ont prétendu que
ces deux assassins avaient été postés par
l'impératrice Judith, qui voulait se venger de
la liberté avec laquelle Frédéric l'avait re-
prise de ses débordements. L'Eglise fait sa
fête le 18 juillet.
FRÉDÉRIC II, roi de Prusse, surnommé
le Grand, naquit à Berlin en 1712. Ne pou-
vant s'accoutumer aux bizarreries de carac-
tère et aux mauvais traitements qu'il avait
à subir de la part de Frédéric-Guillaume I,
son père, il résolut de s'enfuir de la cour,
après avoir mis dans ses intérêts un jeune
officier nommé Kalt. Ce projet vint aux
oreilles du roi qui, n'écoutant que sa colère,
condamna Ips deux jeunes gens à mort. Kalt
fut exécuté sous les yeux même de Fré-
déric II, à qui son père accorda la vie, mais
à de dures conditions. Le roi lui permit plus
tard d'habiter le château de Rhinsberg, et de
s'y livrer à son goût prononcé pour les let-
tres. Dès lors il rechercha les philosophes
français, et se lia étroitement avec eux, d'a-
bord avec Maupertuis, ensuite avec d'Alem-
bert, particulièrement avec Voltaire et quel-
ques autres. Il entretenait avec eux une
correspondance active, les appelait auprès de
sa personne, et les traitait avec honneur. Sur
ces entrefaites, son père étant venu à mourir
en 17i0, il monta sur le trône, et sa cour de-
vint le rendez-vous des incrédules français
les plus célèbres. Frédéric les accueillit, leur
donna des emplois, et les favorisa en toutes
manières. Il causait familièrement avec eux,
et les aidait dans leurs écrits anti-religieux.
On voit dans sa correspondance avec Voltaire
qu'il ne lui cédait point en impiété ; on trouve
souvent sous sa plume le mot à: infâme qu'il
appliquait à la religion catholique. Néan-
ms
FRU
FRU
1044
moins, s'étant aperçu que les philosophes,
ne se bornant pas à détruire la religion, vou-
laient aussi biisor les trônes des rois, il se
brouilla avec eux , surtout avec Voltaire
qu'il traita parfois très-rudement.
L'édition la [)lus comi'lète do ses œuvres
est celle qui parut en 1790, en 23 vol. in-8°.
Le premier ouvrage qu'il îit paraître est
V Anti-Machiavel, composé lorsqu'il n'éiait
encore que prince royal. Devenu rci à son
tour, il voulut le retirer de la circulation,
dans la crainte qu'on ne lui apili(iuAt, lou-
chant la Silésie, les principes hasardés qu'il
avait émis.
Il mourut en l'année 178G , après avoir
mérité par ses exploits mi itaires ([ue la pos-
térité lui donnât le surnom de Grand.
FKIEU (Pierre), néophyte tontjuinois, fut
mis à mort pour la foi en l'an 1722, au To'i-
quin, avec Dao Amhroise, le P. Bucharelli,
jésuite, Emmanutl Dieu, Philippe iMi, Luc
Thu, Luc Mai, Thad^ie Tho, Paul Noi, et
François Ram, néophites qui môlèrent leur
sang à celui du saint missionnaire.
FKONDL Yoij. Fondi.
FRONTON, était président en Bilhynie,
sous le règne de l'empereur Maximilièn. 11
fit souffrir le martyre aux trois sœurs Méno-
dore, Méirodore et Nvmphodore.
FRONTON (saint) ,' fut martyrisé à Sara-
gosse, en Espagne, par les ordres de Dacien,
2ui en était gouverneur, en l'an de Jésus-
hrist 30i, durant la persécution (le Dioclé-
tien. Dix-sept autres furent maityrisés avec
lui : on trouvera Iclu'S noms à l'article Dacieiv.
Les dix-huit martyrs do Saragosse sont
très-honoiés en Espag'ie; c'est Prudence qui
rapporte ce qu'on sait d'eux. Ils sont inscrits
au Martyrologe romain sous la date du 16
avril. {Yoy. Prudence, de Cor., hym. k; Til-
lemont, vol. V, p. 229; Vasseus, Belga.)
FRUCTE (saint), martyr à Carthage, sous
le règne et durant la persécution de rem[)e-
reur Dè(;e, en l'an 250. 11 fut enî'erraé dans
un cachot avec saint Victorin et une grande
quantité d'autres saints martyrs. On les
laissa mourir d(; faim par ordre de l'empe-
reur. {Voy. VicTOKiN.) L'Eglise fait la fête de
toiiS ces ^aints le 17 avril.
FRUCTUEUX (saint), évoque de Tarragone
et martyr, soulfrit pour la foi avec les diacres
Augure el Euloge, sous l'empire de Valérien.
Nous coj)ions ici ses Actes. (An 259, sous
Valéiien.)
Sous l'empire de Valérien et de Gallien et
le consulal d'Emilien et de Bossus, un di-
manche, 17 des cahmdcs de février, on ar-
rêta à Tarragone l'évoque Fructueux ot les
diacres Augure et liulogc. Fructueux s'était
jeté sur son lit, et il y prenait un peu de re-
pos, lorsfpie six soMals, de ceux (ju'on nom-
mait héneliciers, arrivèrent ii la porte de i-on
logis. Le saint évèque ay.iiitouï le bruit (pio
faisaient ces soldats, se leva |)romplement et
s'avança Vf.'rs eux jusipu; sur l(! perro!). Ils
lui dirent : Suivez-nous, le gouverneur vous
detnande avec vos diacres. L'évètpie l'ruc-
tur;iix leur répondit : J.- vous suis; soulfrcz
soulemenlqucje pi-eunt- mes souliers. Ils lui
dirent : Vous le pouvez, prenez-les. Ils le
menèrent en prison, lui et ses deux diacres.
Fructueux, ravi de joie à la vue de la ré-
compense ([ue Dieu lui préparait, ])riait sans
interruption. Les frères, qui ne rabandi)n-
naient plus, le conjuraient de se souvenir
d'eux lorsqu'il offrait ses prières à Dieu. Le
lendemain, il ba[)lisa dans la |)rison notre
frère Rogatien. Le saint évoque et les deux
diacres y demeurèrent six jours entiers, et
ils n'en furent tirés que pour être entendus.
Interrogatoire de Fructueux, évéque, d'Au-
gure et d'Euloge, diacres.
Le gouverneur Emilien dit : Qu'on fasse
entrer l'évèque Fructueux et les diacres Au-
gure et Euloge. Un huissier dit : Les voiU-
Le gouverneur Emilien dit à l'évoque Fruc-
tueux : Vous n'ignorez pas, sans doute, la
nouvelle ordonnance des emi)ercurs? L'évè-
que Fructueux répondit : Je n'ai aucune con-
naissance de cela, mais en tout cas je vous
déclare que je suis chrétien. Le gouverneur
Emilien dit : Vous savez donc que cette or-
donnance regarde le culte des dieux, et
qu'elle veut que tous les sujets de l'euipTe,
sans aucune exception, embrassent ce culte?
L'évè(|ue Fructueux répondit : J'adore un
seul Dieu, qui a fait le ciel, la terre et la mer,
et tout ce qu'ils renferment. Le gouverneur
Emilien : Savez-vous qu'il y a des dieux?
L'évoque Fructueux : Je n'en sais rien. Le
gouverneur : Eh bien! on vous l'apprendra.
L'évô(jue, dans ce moment éleva son cœur à
Dieu, et priait en lui-même. Le gouverneur
reprit : Qui craindra-t-on donc, qui adorera-
t-on sur la terre, si l'on méprise le culte des
dieux immortels et celui des empereurs?
Ensuite, adressant la parole au diacre Au-
gure, il lui dit : Ne vous arrêtez pas à ce que
vient de dire Fructueux. Le diacre Augure
dit : J'adore le Dieu tout-puissant. Le gou-
verneur dit au diacre Augure : N'adorez-vous
point aus^i Fructueux? Le diacre Augure
répondit : Je n'adore point mon évoque, mais
le même Dieu que mon éveque adore. Le
gouvî^rneur dit à Fructueux : Vous êtes donc
évêque? L'évèque Fructueux répondit : Oui,
je le suis. Le gouverneur : Dites que vous
l'avez été; et, sur l'hein-e, il les condannia à
être brûlés tout vifs. Comme ou les condui-
sait h ramf)hitliéAtre, tout le peuple pleurait,
car le saint évê((ue était fort aimé, non-se:i-
lement des chrétiens , mais des infidèles
mêmes. Et l'on peut dire qu'il était tel que le
Saint-Esprit, parlant par l'organe du docteur
des gentils, le grand Paul, veut (pie soit
un évêque. C'est |)ourquoi la douleur des
frères était mêlée d^ joie, lorscpi'ils voyaient
leur père s'avancer à grands jias vers un
bonheur ét(M-nel, et prêt h recevoir la cou-
ronne d(î gloire. Quelqucs-ujis alors s'appro-
chant de lui, 1 i présentèrenl un verre d eau
et de vin, mais il l'efusa, disant : Mes frères,
il n'est pas enclore l'heure do rompre» le
jeAiie. C'était sur les dix heures. Il l'avait
ga-dé exartement (Inr.int ^a |)rison , et les
frères, <pii s'éiai ut tenus assidOment auprès
de lui, avaient sohnunsé avec lui le jeûne do
i
1045
FRU
Fl]L
1046
la quatrième férié; et il ne voulait pas non
jilus, par une exactitude adininible, avancer
ce jour-là, qui était un vendredi, l'heure du
repas, ni violer tant soil |)eu la régularité du
jeûne, diirérant h le rompre dans le ciel avec
les patriarches et les |)rophèles. Lorsqu'il l'ut
arrivé h J'aniplnthéAlre, Auguslal, son lec-
teur, s'ap[)rocha de lui, tondant en larmes,
et le pria de trouver bon (pi'il le déchaussAt.
Le saint mariyr lui répondit : INIon tils, n'en
prenez pas la peine, je me déchausserai bien
moi-aiêuie, et avec d'autant plus de joie, que
je suis certain que les promesses de Dieu
vont dans peu s'acconq)lir en moi. Eu même
temps Félix, l'un de nos frères, lui prit la
main, et le conjura de se souvenir de lui. A
quoi saint Fructueux rénondit en élevant sa
voix, en sorte que tout le monde l'entendît
distinctement : Je dois n)e souvenir de toute
l'Kglise catholique , répandue par toute la
terre, dei)uis l'orient jus(}u'à l'occident. Etant
prés d'entrer dans l'amphithéAtre, s'adressant
;iux hdèles qui l'environnaient : Mes frères,
leur dit-il, Notre-Seigneur ne vous laissera
pas connue des brebis cirantes sans pasteur;
il est tidèle dans ses promesses, et sa bonté
ne se lassera jamais de vous être favorable;
que l'état où vous me voyez ne vous trouble
point; une heure de soulfrances passe biea
vite. Les deux diacres , merveilleusement
fortifiés par ces paroles, montèrent avec leur
saint évêque sur le bûcher, comme les trois
jeunes Hébreux entrèreîit autrefois dans la
fournaise de Babylone. Ils y furent même
assistés d'une manière sensible par les trois
personnes de la Sainte-ïrinité. Le Père, par
sa toute-puissance soutint leur faiblesse; le
Fils les secourut en les animant par son
exemple, et le Saint-Esprit adoucit pour eux
la trop grande ardeur du feu. Dès que les
liens qui sériaient leurs mains eurent été
consumés, ils les étendirent en forme de
croix pour prier selon la coutume des fidèles,
et représentant ainsi le trophée de la croix
du Sauveur, ils lui rendirent leurs âmes dans
le fort de leurs prières. Leur mort fut suivie
de [Uusieurs miracles. Le ciel s'ouvrit, et
l'on vit Fructueux et ses deux diacres sur le
point dy entrer. Ils paraissaient encore at-
tachés aux poteaux où ils avaient été brûlés.
Abilan et Migdonius, domestiques du gou-
verneur, et du nombre des frères, furent té-
moins de cette merveille, aussi bien que la
jeune Emilienne, sa fille. Ces deux hommes
coururent avertir Emilien lui-même de cette
vision surprenante. Venez, seigneur, lui di-
rent-ils, venez voir monter au ciel ces hommes
que vous avez condamnés au feu. Le gou-
verneur vint, mais il ne vit rien, son infidé-
lité l'en rendant indigne. Cependant les
frères se rendirent à l'amphithéâtre la nuit
suivante, portant du vin pour laver les corps
à demi consumés des bienheureux martyrs,
et achever d'éteindre ce qui brûlait encore.
Ils recueilhrent donc soigneusement tout ce
qui avait pu échapper aux flammes, et le
)artagèrent enlfe eux. Mais le saint évêque
eur a|)parut, et les avertit de rapporter ce
que chacun en particulier avait pris de ces
r<
sacrées reliques, et de les enfermer toutes
dans un môme lieu. Il se montra aussi avec
ses deux diacres (levant lùnilien, et lui re-
procha sa cruauté impuissante. Vous [)ensez,
lui (lit-il, nous avoir fait périr nour toujours
en réduisant nos corps en cendres, et ce(jen-
danl vous nous voyez, vivants et glorieux.
L'Eglise fait la fêle de saint Fructueux et
de ses conq)agnons le 21 janvier.
FIIUCTULE (saint), martyr, souffrit en
Afri(|ue i)our la confession de sa foi, avec les
saints Lucius, Silvain, Rutule, (.lassique,
Secondin et Maxime. L(( Martyrologe romain
ne nous a transmis aucun détail sui- eux.
L'Eglise fait leur mémoire le 18 février.
FKUCTUOSE ou Frlctuelsk ( sainte ) ,
re(;ut la palrae du martyre h Antioche avec
les saints Restitut, Donat, Valérien et douze
autres dont les noms nous sont inconnus.
L'Eglise fait leur fête le 23 août.
FUUMENTIUS (saints), martyrs, étaient
deux frères, marchands à Carthage, qui re-
cueillirent la palme du martyre vers l'an 484,
dans la persécution que Hunéric, roi des
Vandales, suscita aux Catholiques. L'Eglise
célèbre leur mémoire le 23 mars.
FULGENCE (saint), évêque do Ruspe, en
Afrique, docteur de l'Eglise, confesseur, na-
quit d'une famille illustre, qui, avant l'inva-
sion des Vandales, avait occu|)é une place
distinguée dans le sénat de Carthage. Le père
de notre saint, nommé Claude, ayant été dé-
pouillé de la maison qu'il possédait à Car-
thage, en faveur des prêtres ariens, se retira
à Telepte, dans la Byzacène , où naquit Ful-
gence, en 468. Marianne, sa mère, lui donna
dès son enfance des leçons de piété et de
vertu, tandis que des maîtres pleins d'habi-
leté lui enseignaient le grec, le latin et la
littérature. Il lit surtout de grands progrès
dans la langue grecque , qu'il i)arlait avec
beaucoup de pureté. Dès sa jeunesse il mon-
trait une sagesse consommée et une grande
habileté dans le maniement des aflaircs , aussi
le choisit-on pour receveur général des im-
pôts de la Byzacène. Bientôt , 'cependant ,
alarmé des dangers sans nombre qu'il cou-
rait dans le monde, et encouragé par de pieu-
ses lectures, il résolut de briser les liens qui
l'attachaient aux choses d'ici-bas, et d'entrer
dans un monastère.
Hunéric, roi des Vandales, avait chassé à
cette époque plusieurs évêques de leurs siè-
ges; un d'entre eux, nommé Fauste , avait
élevé un monastère dans la province de la
Byzacène, et y formait dos disciples dans la
pratique de toutes les vertus. Notre saint le
pria (le l'accepter au nombre des siens ; mais
Fauste , prenant occasion de son tempéra-
ment, qui paraissait assez faible, lui refusa
sa demande avec des paroles assez dures.
Fulgence lui ayant répondu que celui qui lui
avait inspiré la volonté de le servir saurait
bien lui donner la force nécessaire, Fauste ,
étonné de cette réponse si modeste et si ferme
à- la fois , le reçut enfin au '.ombre de ses
disciples. Fulgence avait alors 22 ans. Ma-
rianne, sa mère, ayant appris sa résolution ,
vint tout en larmes supplier Fauste de lui
1047-
FUL
rendre son fils. Ce dernier sut triompher des
larmes de sa mère, lui abandonna tout son
bien, et ne s'occupa plus que de son salut,
au milieu des pratiques de la plus grande
austérité. La persécution ayant forcé Fauste
à s'enfuir, il engagea notre saint à entrer
dans un monastère voisin , dirige par un
nbué nommé Félix.Cetabbé,qui connaissait la
sainteté de Fulgence, le supplia, maison vain,
de prendie sa place clans le gouvernement du
monastère. On réussit pourtant plus tard à
vaincre les refus de notre saint qui, pendant
six années consécutives» dirigea les religieux,
de concert ave^j Félix.
Sur ces entrefaites, une incursion des Nu-
mides les ayant obligés de se réfugier à Sic-
ca-Veneria, ville de la province Proconsu-
laire d'Afrique, ils eurent à y subir des mau-
vais traitements de la |)art d'un prêtre arien
du voisinage. Cet hérétique, qui avait été in-
formé que nos deux saints fugitifs ensei-
gnaient la consubstantialité du Verbe, les lit
arrêter, et les condanma a être cruellement
frappés. Ils le furent avec une cruauté inouïe.
Fulgence , succombant sous la violence du
mal , éjjuisé de forces , s'écria qu'il avait
quelque chose à dire au prêtre. Il voulait
par là se ménager quelques instants de re-
])0S. Le persécuteur, persuadé qu'il a vaincu
sa résistance, fait arrêter le bourreau, et ne
tarde pas à être détrompé dans sa criminelle
espérance. Plein d'une fureur nouvelle , il
fait redoubler les tourments de nos saints
confesseurs ; ensuite, leur ayant fait raser les
cheveux et la barbe , les ayant dépouillés
ignominieusement, il les renvoie dans cet
atfreux état. Les ariens eux-mêmes furent si
indijjnés de ces cruautés que leur évoque of-
frit aux deux confesseurs de punir le prê-
tre qui les avait mis dans ce triste état. Ful-
gencv' répondit qu'un chrétien ne se vengeait
j)as, et que leurs soulfrances leur vaudraient
une gloire éternelle. Mais voulant se sous-
traire désormais à la fureur des hérétiques,
ils se retirèrent h Ididi, ville frontière de la
IMauritaiiie..
Bientôt Fulgence s'étant embarqué k
Alexandrie , atin d'aller s'édifier dans les
déserts de l'Egypte , fut détourné de ce
voyage par Eulaiins, évêque de Syracuse. 11
partit donc pour Uome, et y visita les tom-
beaux des apôtres, vers la fin de l'année 500.
Peu de lem()S a|>rès , il retourna en Afrique,
y bâtit un monastère , dont il refusa la di-
gnité de supérieur, et se retira dans un pe-
tit couvent situé sur les bords de la mer.
Ayatit été découvert, enfin, Fauste, qui , en
sa\{ualité d'évêque , avait autorité sur lui,
lui ordonna de se remettre à la tête de son
monastère. Le roi Trasimond avait défendu,
sous les peines les [dus sévères, d'ordonner
des évêques orthodoxes; aussi plusieurs
sièges étaient-ils vacants. La ville de Uuspe,
entre autres, manquait de pasteur; elle ré-
clama hgrandscris notre s.unt [)Our évêque:
on le lira donc de sa cellule malgré lui, et
il fut élevé sur le siège épiscopal de celle
ville.
Mal{^é sa nouvelle dignité, Fulgence ne
FUS 1048
changea rien dans sa manière de vivre habi-
tuelle: ses habits furent toujours pauvres ,
sa nourriture grossière et sans aucun assai-
sonnement; jamais il ne mangea de viande.
11 était sur le |)oint de bâtir un monastère
à Kuspe, (juand Tiasimond l'exi'a en Sar-
daigne avec six autres évêques catholiques ,
de sorte que son projet d''meura sans exécu-
tion. Cependant , ce prince, qui avait beau-
coup entendu parler de notre saint, comme
du plus puissant défenseur de la foi catholi-
que , le fit venir à Carthage, et lui soumit un
recueil d'objections que Fulgence résolut
sans peine. Charmé de la solidité de ses rai-
sonnements, Trasimond lui permit de rési-
der à Carthage , oià il convertit un grand
nombre d'hérétiques à la foi. Lesévê|ues
ariens, furieux des pertes incessantes que
faisait leur secte impie, déterminèrent Trasi-
mond à le r(mvoyer en Sardaigne en 520 , et
Fulgence profita do son retour à Cagliari
pour y bcltir un monastère.
Trasimond étant mort en 523, son fils Hil-
d^nnc, qui avait toujours eu un penchant se-
cret pour les catholiques , rappela les évê-
ques exilés. A leur arrivée h Carthage, une
foule innombrable les suivait ; on remarqua
môme qu'une grande pluie étant venue à
tomber, Fulgence fut couvert à l'instant par
les manteaux de ceux qui l'entouraient. Ce
saint confesseur se rendit sans tarder à son
église, afin de réformer les abus qu'une lon-
gue persécution y avait introduits. Il y tra-
vailla avec zèle jusqu'en 532. A cette' épo-
que, sentant que la vie allait lui échapper,
il voulut se retirer dans un monastère de la
petite île de Circine, afin de s'y préparer à la
mort; mais son troupeau l'en empêcha. 11
mourut tranquillement en 533, à l'âge de 65
ans , après une maladie do soixante-dix
jours. 11 fut enterré dans l'église, malgré la
coutume d'alors, et si nous en croyons l'his-
toire de sa vie, un évêque voisin, nommé
Pontien, apprit par une vision qu'il jouis-
sait de la gloire du ciel. L'Eglise fait sa
bienheureuse mémoire le 1" janvier.
FUSCIEN (saint), martyr , compagnon de
saint Denis de Paris , était allé avec saint
Victoric prêcher la foi aux Morins, en môme
temps que saint Quintin la prêchait à Amiens.
Ils avaient \\\é le siège de leurs prédications
dans la ville de Térouanne. Rictius Varus ,
que Maximien avait fait préfet du prétoire
vers l'an 286, j)ersécutait violemment les
chrétiens par ordre de ce prince. Ce fut dans
de telles circonstances (jue les deux saints
vinrent à Amiens pour y chercher saint
Ouintin ; ne l'y ayant pas rencontré, ils s'a-
cheminèrent vers Paris. Mais, encore très-
près d'Amiens, ds furent arrêtés par un vieil-
lard nonnné Cienlicn , qui était encon;
panm, mais sur le |)oint de se convertir. Il
leur apprit ([ue saint Quintin avait reçu la
couronne du martyre depuis cin(} ou six
S(nnaines, |)ar ordre de Uiclius Varus, lequel
avait (O. limande de les arrêter eux-mêuies.
Cenlien les engagea h logcn- ih<!/. lui , ce
qu'ds acce|)tèrent; mais lUctius Varus étant
arrivé sur ces onlrefailes les fit arrêter. Gen-
10i9
GAB
tien, indigiif'; do co qu'on violait l'hosi)italité
qu'il accortlait, mil Vé\)éG h la main, ot vou-
lut IVni)i)er Uictius Varus. Cului-ci lui ayant
demandé la rniso-uriuio action si audaciensc,
(ientitMi n^pondit qu'il agissait ainsi [)arco
qu'il ('lait cluvlien, et qu'il ne désirait rien
tant (jue do mourir pour Jésus-Christ et pour
ceu\ (pii étaient ses serviteurs. Alors , lui
dit le préfet, vous aurez ce ({ue vous vou-
lez , et, sans attendre plus longtem|)s , il
lui fit iiinuédiatement trancher la tête. Il (it
comf)arailre ensuite devant son tribunal les
deux saints Fuscien et Victoric, et comme il
Jos trouvait inébranlables dans leur loi, il
donna l'ortlrc qu'on les conduisît enchaînés
à Ainiens. Ils y furent immédiatement jetés
en prison. Avant de les envoyer dans coite
ville, Rictius Varus leur avait fait endurer
d'horribles supplices. Il est à croire, d'après
leurs Act"S , qu'il ne les envoyait à Amiens
qu'alin d'y faire ex'''cuter la sentence qui les
condauniàit à perdre la tôle. Elle fut exé-
cutée presque immédiatement après leur ar-
rivée. L'Eglise célèbre la fête de saint Fus-
cien, de saint Victoric et de saint Gentien le
11 décembre.
FUSQUfcl (sainte), souffrit la mort pour la
foi chrétienne, à Ravenne, avec sainte! Maure,
très-probablement sous l'empire de Dèce.
GAE 1050
Sainte Fusque était loul(! jeune, elle n avait
que quinze ans, (juand, touchée j)ar la cons-
tance et l'inébraniabli! couraj^ije des saints
martyrs, elle embrassa la religion chrétienne.
Peu après, elle eut le bonheur de convertir
sainte Maure , sa gouver'n;int(\ Le |)ère de
sainte Fus(iue était un pirien fanali(jue et un
homme très-cruel. Il lit d'abord soullVir une
persécution incessante et foi-t dure à sa (illo
et ;\ sa gouvernante, sans pouvoir les faiic
changer de sentiments. L'histoire nous dit
que, quehjue temps après, le gouverneur
Quintien leur fit sidjir divers tourments, et
les fit ensuite mettre à mort. Fut-ce le père
de sainte Fusque qui la dénonça et la livra
lui-même aux persécuteurs? c'est un point
que nous ignorons. De semblables f.iits ne
sont |)as rares cependant dans l'hisloirc des
martyrs. On sait que ce fut par son mari
lui-môme qu'une femme nommée Bonne fut
conduite de force au tem|ile pour y sacrilii r.
Des mariniers enlevèrent les corps des deux,
saintes, et les portèrent à la ville de Sabralo,
en Afrique. Lors de l'invasion des Sarrasins,
un chrétien nommé Vital les enleva et les
apporta à Torcello, près de Venise. La fête de
ces deux saintes est célébrée le 13 février
par l'Eglise
G
GABAL, château dans lequel Ardacirus,
vice-roi d'Abiadène , fit mourir Papa, prêtre
d'Helmine, sous le règne de Sapor , en l'an
de Jésus-Christ 3/^3.
GABDÉLAS (saint), martyr , souffrit le
martyre avec son père Dadas, proche parent
du roi Sapor, et sa mère Casdoé ; après
avoir été dépouillés de leurs honneurs ,
éprouvés par divers tourments, déchirés de
coups et détenus dans une longue et rigou-
reuse prison , ils eurent la tète tranchée.
L'Eglise honore leur mémoir le 29 sep-
tembre.
GABIN (saint), prêtre et martyr, était
frère du bienheureux pape Caïus. Ce géné-
reux confesseur de Jésus-Christ ayant été
longtemps en prison et dans les fers, par
l'ordre de Dioclétien, reçut enfin la couronne
du martyre à Rome. L'Eglise célèbre sa
sainte mémoire le 19 février.
GABRIEL GOMEZ, de la Compagnie de Jé-
sus, fut m trtyrisé à Axaca le 8 février 1571,
avcc les bienheureux Jean-Baptiste Segura,
Pierre de Linarez, Sanchez Savelle et Chris-
tophe Rotundo. Ils avaient pénétré dans la
Floride, conduits par un naturel du pays,
nommé Louis, qui avait été baptisé en Es-
pagne. Nous avons vu à l'article Louis de
Qliros que ce naturel renégat le massacra
avec deux de ses compagnons. Trois jours
après les meurtriers se présentèrent devant
le- autres missionnaires qui restaient, ceux
qui sont nommés plus haut, prétextant avoir
besoin de haches pour abattre des arbres.
A peine eurent-ils ainsi désarmé les mission-
naires qu'ils les massacrèrent (8 février 1571).
Ils s'emparèrent des vases s.-icrés et commi-
rent un grand nombre de profanations. (5oc«!>-
tas Jesu usque ad sanguinis et vitœ profusio-
nemmiiitans,p. hh-9.)
GADARE, Gadara, ou Gazer, ville de la
Palestine au delà du Jourdain, était jadis
puissante. Elle appartenait à la tribu de Ma-
nassé, était capitale de la Périe, et faisait
partie de la Décapole. Sous l'empire et du-
rant la persécution de Dioclétien, en 303,
saint Zachée, qui y était diacre, fut arrêté
et conduit devant le préfet, qui, après lui
avoir fait subir divers supplices , le fit dé-
capiter.
GAÉTAN DE THIENNE , instituteur de la
congrégation des clercs réguliers , dit Théa-
tins, confesseur , naquit en liSO, à Vicenco
en Lombardie , de Gaspard, seigneur de
Thienne, et de Marie Porta, qui apparte-
naient tous deux à des familles d'une grande
noblesse et d'une piété rare. Sa mère l'éleva
dans la pratique de toutes les vertus : de
bonne heure il montra une grande douceur
de caractère et une tendre charité pour les
pauvres ; aussi le nommait-on déjà le saint.
Il étudia la théologie, le droit civil et canoni-
que avec succès, et prit même le degré de do-
cteur dans la dernière de ces facultés; il em-
brassa bientôt l'étal ecclésiastique , et vou-
lant faciliter à ceux qui étaient éloignés de la
paroisse les moyens de s'instruire dans la
religion et de servir Dieu comme les autres
iOM
GAE
GâL
i052
fidèles , il fit bâtir de ses propres deniers
une chapelle à Ramitazzo. Il se rendit ensuite
à Rome, afin d'y chercher la solitude qu'il ne
})ouvail trouver parmi ses compatriotes.
Avant élc bieutol découvert, il futoblitié [lar
le pape Jules II d'exercer l'ollice de proto-
notaire ajiostolicjue. Ce fut alors que, plein
du tiésir de se perfectionner dans la vcitu,
il eidra dans la confrérie de VAmour divin,
composée de personnes pieuses, qui travail-
laient autant qu'il était en leur pouvoir à
procurer la gloire île Dieu
Jules II étant venu h mourir, notre saint
quitta son emploi, revint à Vicence et s'asso-
cia à la confrérie de Sninl-Jérôtne, instituée
sur le plan de celle de ï Amour divin, et com-
posée en partie de |)ersonnes obscures. Ce
qu'd faisait par esprit d'humilité, ses amis,
gens du monde, le regardèi'ent comme un dés-
honneur pour sa famille. Mais Gaétan, loin de
clianger sa résolution , s'attacha en particu-
lier aux pratiiiues les plus humiliantes de la
charité, et soignait avec un zèle tout spécial
ceux qui étaient alUigés des maladies les plus
dégoûtantes. Sur le conseil du dominicain
Jean de Crema, son confesseur, il se retira
bienlôt à Venise, se logea dans l'hôpital qui
venait d'être bâti récemment et s'y consacra
comme dans Vicence au service des malades.
Sur un nouvel avis de son confesseur, il alla
à Rome, afin de s'agréger de nouveau à la
confrérie de VAmour divin. Ce fut alors que,
pénéti'éde douleur en voyant combien notre
sainte religion était peu connue et si mal
observée de ceux qui en faisaient profession,
il résolut, de concert avec les principaux
membres de la confrérie, d'instituer un ordre
de clercs réguliers qui, dans leur vienouvelle,
se proposeraient les apôtres pour modèles.
On cite romme les premiers auteurs tle ce
pieux dessein : saint Gaétan, Jean-Pierre
Caratfe , archevêque de Théate ou Chiéti
dans l'Abruzze, (jui devint pape sous le nom
de Paul IV ; Paul (^onsigliari et Boniface de
Colle, gentilhoiiime de 1 1 ville de Milan. Dans
Tannée 152V , ils dressèrent le j)lan de leur
nouvel institut et le soumirent au pape : les
religieux de cet ordre ne devaient point
avùu' de revenus, même en couunun, per-
suadés que les oblations volontaires des
(iiJèles leur fourniiaient de quoi subsister.
Après de grandes objections de la part des
cardinaux qui regardaient cet article sur le-
(luei leposait le nouvel institut, comme très-
imjirudenl, le pai)e Clément Vil ra|)|»rouva
eijiin en 1524. Caralfe fut nommé |)remiei-
su[)érieur, et connue il avait conservé son
litre daichevèque de Théate, ses religieux
priient le nom de Théalins.
Nous n'cntierons ()oint dans des détails
étrangers a notre sujet, et nous arriverons
a l'époque où notre saint soutint d'indign(ïs
traitements et mdie tortures h Rome,(juand
(^ijarles-Quml s'en i(!ndil maître, en l.")27.
Un soldat qui avait connu (iaelanà Vicence,
|jersuad(' qu'il ava.t de gi'an(K trésors, le re-
présenta comme tel a Pnilibert d*; Cliâlons,
p. iure d'<Jrange et son etiel'. (^e lulln'rieii
kaibi«t>uul ce prétexte apparent pourdéchargei'
sa haine contre le saint-siége sur une des
plus grandes gloires de la religion, fit souf-
frir mille indignités à Gaétan , dont le mo-
nastère fut presque entièrement démoli. On
le laissa enstiitealler en liberté, tout meurtri
de coups. Il quitta li ville avec ses compa-
gnons et sn retira h Ve-iise, dans le couvent
de Saint-Nicolas de ïo enfin, dont il fut élu
supérieur. Nous ()asserons sous silence son
application h inspirer aux ecclésiastiques
l'e.sprit de ferveur et le mépris du monde,
la conversion d'un noble Vénitien, appelé
Jérôme Emiliani , qui fonda, en 1530, une
nouvelle congrégation de clercs réguliers ,
appelés Somasques , et qui était revenu à
Dieu par suite des bons exemples df Gaétan.
Notre saint, étant retourné à Venise en 1537, ■
y fut ffiit supérieur pour la seconde fois. I
Après y avoir passé trois ans, il revint à "
Naples et y gouverna la maison de son insti-
tut jusqu'à sa bienheureuse mort arrivée le j
7 août 15i7, par suite d'une maladie de lan- ■
gueur qu'il avait contractée au milieu des
austérités et de ses travaux continuels.
L'église de Saint-Paul, à Naples, possède ses
reliques. Plusieurs miracles furent opérés
par l'iîitercession de notre bienheureux qui
fut canonisé en 1671. L'Eglise fait sa fête le
7 août.
GAGELIN , missionnaire en Cochinchine,
s'étant livré de lui-même après l'édit pro-
mulgué le G janvier 1833, qui ordonnait de
rechercher principalement les prêtres et les
catéchistes, fut étranglé à Huê le 17 octobre
de la même année.
GAIUS, disciple de saint Paul , était ûe
Thessalonique. Il était avec saint Paul à
Ephèse, quand un orfèvre de cette ville
suscita une sédition contre lui. Saint Paul
n'ayant [las été trouvé par le peuple en fu-
reur, ce furent Gains et Aristarque qui fu-
rent arrêtés à sa place. Sans le courage et
les sages remontrances d'un greflier d'E-
phèse, ils auraieiU infailliblement péri.
GAllJS, juge ([ui, à Augsbourg, en l'an de
Jésus-Christ 30i, sous rem|)ire d(î Dioclétien,
ht mourir ])our la foi sainte Afie, célèbi-e
courtisanne de cette ville et trois de ses com-
j)agnes, ainsi que samère. (Koy. sainte Afui:. j
CALASSE (le bienheureux François), ou
Calnssa, de l'ordre de Saint-Dominique, na-
tif de Goce, baptisa de sa main les indigènes
de Trapobella ; au bout de huit ans jdusienrs
d'entre eux , qui étaient accoutumés à l'an-
thropophagie et qui ne pouvaient sup[)orter
le joug de la religion du Christ, le tuèreiil ,\
coup de flèches. (Fontana, Monumcnln Do-
miiiicana, an. 1598.)
GALATAS (saint), martyr. Voy. l'article
llKiiM()(;i'r:Ni-; pour plus de ilétails.
(iALATlON (saint), martyr, fui airètésous
l'empire de l)èc(!, à Kmèse en Phénicie,
avec sainte Epistème , sa femme. Ils furent
déchirés îi cou|)s de fouets, eiisuite on leur
coupa les pieds, le.s mains, la langue, et en-
fin on finit par leur trarnherla tête. L'Eglise
l'ail la fêle de res deux sai ils le 5 novemhre.
GALEFIA (lu P. Viiiui'vi:), missionnaire
1055
GAL
GAL
mé
dans le royaume de Congo, fut tué par les
noirs de la province de Sundi.
(lALÈKK (C. Galerius Valerius Maximia-
tiM.v), empiM-enr romain, né dans la Da(;o, ber-
ger, puis soldai, se lit bientùt rcnianpior par
soji courai^ic et devint général. Dioelétien
l'avani rt'Ujanpié, l'adopta, Ini lit épouser sa
Mlle Valérie, puis, en :292, le nom nia César
avec Constance Chlore, père de Conslanlin.
Il vain(|uit Narsés, roi dos Perses, et le força
Ji deaiaiider la paix. Ce l'ut lui qui obligea
par son insistance Dioelétien h laiic(M' ses
élits de persécution contre les clnétiens.
Ses eU'orts pour obliger le vieil empereur à
signer ces édils sanguinaires ayant été long-
temps sans résultat, il imagina d'accuser les
chrétiens de conspirei- contre le repos do
l'empire et contre la |)ersonne même de
l'empereur. 11 mit le feu au palais de Nico-
médie et les chargea de ce crime abonnna-
bl '. Quand Dioelétien vaincu eut lancé ses
cdits, Galère s'en montrarevécuteuracharné ;
iamais on ne vit de férocité plus grande. Par
lui-même ou par les gouverneurs, il lit
poursuivre, arrêter, torturer et mourir tous
les chrétiens qu'il put rencontrer. Il devint
la terreur de l'Eglise. Ecoutons Laclance
parler de ce prince abominable :
Galère, étant parvenu h la puissance sou-
veraine, ne s'en servit que pour le malheur
de l'univers. Après sa victoire sur les Per-
ses , peuples accoutumés à obéir à leurs
rois en esclaves, il voulut introduire parmi
les Uomains la même coutume, dont il avait
l'impudence de faire l'éloge. Cependant,
comme il ne pouvait l'établir par une loi,
il faisait entendre par sa conduite que son
projet était de priver les Romains de la li-
berté. 11 commença par leur ôter leurs pri-
vilèges. On appliquait à la question non-
seulement les décurions , mais môme les
personnes les plus distinguées de la ville, et
cela pour des alfaires purement civiles et de
peu d'importance. Si les accusés étaient ju-
gés digies de mort, on dressait des croix ;
on avait des c'iaines préparées po' r les au-
tres; on traînait les femmes de qualité dans
le Gynécée. Si quelqu'un devait être frappé
de verges, on lichait quatre pieux en terr.e,
quoiqu'on n'y attachai pas même les escla-
ves. Parlerai-je des jeux et divertissements
de Galère? Il avait fait venir de toutes parts
des ours d'une grandeur prodigieuse et
d'une férocité pareille à la sienne. Lorsqu'il
voulait s'amuser , il faisait apporter cpiel-
qucs-uns de ces animaux qui avaient chacun
leur nom, et leur donnait des hommes plu-
tôt à engloutir qu'à diWorer , et quand il
voyait déchirer les membres de ces malheu-
reux il se mettait à rire. Sa table était tou-
jours abreuvée de sang humain. Le feu était
le supplice de ceux qui n'étaient pas consti-
tués en dignité; non-seulement il y avait
condamné lés chrétiens, il avait de plus or-
donné qu'ils seraient brûlés lentement. Lors-
qu'ils étaient au po'eau, on leur mettait un
feu modéré sous la plante des pieis, et on
l'y laissait jusqu'h ce qu'elle fût détachée des
OS. On appliquait ensuite des torches ardentes
sur tous leurs membres, a(in qu'il'n'y eût au-
cune partie de leur corps (pji n'eût son sup-
pliée particulier. Durant cette ellroyable tor-
ture, on leur j(.'tait de l'eau sur le visage et
on leur en faisait boire, de p(;ur (pie l'anleur
de la lièvi-e ne liAtAt leur moil, (jui pourtant
ne pouvait être ditrérée lotigtcmps.Car (|uand
le f(>u avait consumé toute hnir chair, il pé-
nétrait jusqu'au fond de leurs entrailles.
Alors on lesjelait dans un grand brasier
pour achever de brûhn- c(Mpii i(;stait encore
de leurs cor()S. Enlin, on réduis-iit leurs os
en poudre et on lesjelait dans la rivière ou
dans la mer. ^
Cette science abominable dans l'art de *
tourmenter les chrétiens, Galère s'en ser-
vait à l'égard de tous ses sujets. Il ne vou-
lait point de peines légères, telles (|ue l'exil,
la [irison, les mines; tout lui [)araissait di-
gne du feu, de la croix, des bêtes féroces,
il faisait cliAtier ses domestiques et ses offi-
ciers avec la lance. Coupei- la tète passait
pour une grâce, et il fallait de grands servi-
ces rendus pour obtenir une mort si douce.
Ceci n'était rien en comparaison de ce que jo
vais raconter. Plus d'éloquence, plus d'avo-
cats; tous les jurisconsultes relégués ou mis
à mort. Les lettres étaient comptées parmi
les arts dangereux; ceux qui les cultivaient
étaient traités d'ennemis de l'Elat et de per-
turbateurs du repos public. La licence de
tout faire, de tout oser, tenait aux juges
lieu de lois. On envoyait dans les provinces
des juges militaires , sans connaissances et
sans lettres, auxquels on ne donnait pas
même d'assesseurs.
Mais le cens qu'on exigea des provinces
et des villes causa une désolation générale.
Les commis répandus partout faisaient les
recherches les plus rigoureuses; c'était l'i-
mage affreuse de la guerre et de la captivité.
On mesurait les terres, on comptait les vi-
gnes et les arbres; on tenait registre des
animaux de toute espèce , on prenait les
noms de chaque individu ; on ne faisait nulle
distinction des bourgeois et des paysans.
Chacun accourait avec ses enfants et ses es-
claves; on entendait résonner les coups de
fouet, on forçait, par la violence des suppli-
ces, les enfants à déposer contre leurs pè-
res, les esclaves contre leurs maîtres, les
femmes contre leurs maris. Si les preuves
manquaient, on donnait la question aux pè-
res, aux maris, aux maîtres, pour les faire
déposer contre eux-mêmes, et quand la dou-
leur avait arraché quelque aveu de leurbou-
che, cet aveu était réputé contenir la vérité.
Ni l'âge, ni la maladie, ne servaient d'excuse;
on faisait ap))orter les infirmes et les mala-
des, on fixait l'âge de tout le monde, on
donnait des années aux enfants, on en ôtait
aux vieillards. Ce n'était partout que gémis-
sements et que larmes. Le joug que le droit
de la guerre avait fait imposer aux peuples
vaincus par les Romains, Galère voulut l'im-
poser aux Romains mêmes : peut-être fut-ce
parce que 'frajan avait puni par l'imposi-
tion du cens les révoltes fréquentes des Da-
ces dont Galère était descendu. On payait de
4055
GAL
GAL
1056
plus une taxe par lôte, et la liberté de res-
pirer s'achetait à prix d'argent. Mais on ne
se tiait pas toujours aux mêmes commissai-
res, on en envoyait d'autres dans respénance
qu'ils feraient de nouvelles découvertes. Au
reste, qu'ils en eussent fait ou non, ils dou-
blaient toujours les taxes , pour montrer
qu'on avait eu raison de les employer. Ce-
pendant les animaux périssaient, les hom-
mes mouraient, le fisc n'y perlait rien ; on
payait pour ee qui ne vivait ])lus, en sorte
qu'on ne i)0uvail ni mourir ni vivre gratui-
tement. Les mendiants étaient les seuls cpie
le malheur de leur condition mît k l'abri de
ces violences. Ce monstre parut en avoir pi-
tié et vouloir remédier à leur misère. Il les
faisait embar(iuer avec ordre, quand ils se-
raient en pleine mer, de les y jeter.
"S'oilà le bel expédient qu'il imagina pour
bannir la pauvreté de son empire. Et de
peur que, sous prétexte de pauvreté, quel-
qu'un ne s'exemptât du cens, il eut la bar-
i3arie de faire périr une infinité de misé-
rables.
Mais le temps de la justice divine appro-
chait, et la prospérité de Galère touchait à
son terme. Tandis qu'il se livrait aux atroci-
tés dont je viens de parler, il ne s'était point
occupé à la perte de Constance. Il attendait
sa mort, qu'il ne croyait pas si proche. Cons-
tance, étant dangereusement m.'tlade, de-
manda Constantin son iils, pour avoir la con-
solation de le voir. Il avait déjà fait la même
demande ; mais Galère n'appréhendait rien
tant que le départ de Constantin. 11 avait
souvent dressé des embûches à ce prince; il
n'osait l'attaquer ouvertement, de i)eur de
s'attirer une guerre civile, et surtout la haine
des soldats qu'il redoutait au dernier point.
Il l'avait exposé aux bêtes, sous prétexte
d'exercice et de divertissement ; mais Cons-
tantin, par la protection divine, avait échafipé
aux dangers ; tous les eiforts de Galère fu-
rent inuldes, toujours il se sauva des mains
de son ennemi. Enfin Galère consentit au
départ de Constantui ; il signa le congé sur
le soir, et lui permit de se mettre en route
le lendemain malin, toutefois après qu'il au-
rait pris ses ordres. Son dessein était, ou de
l'empêcher de partir, sous (quelque prétexte,
ou (i'écrire h Sévère de le retenir quand il
passerait en Italie. Constantin, sou[)çoiinant
ce dessein, soupa à la hâte, et, |)endant (|ue
l'empereur reposait, il mont(> à cheval et se
sauve. A toutes les postes, il fait couper les
jarrets aux chevaux, pour empêcher (|u'on n(ï
le poursuive. Galère, faisant semblaid. de
s'éveiller |)lus tard qu'à l'ordinaire!, fait ap-
peler Constantin. On lui dit qu'il est )»arli la
veide, après le souper. Il entre? en hueur, et
veut que l'on courre apiès lui. Appicnant
ensuite que les chevaux de poste sont (;stro-
piés, il a peine à retenir ses larmes. Cepcu-
daiil Constantin, ayant fait une diligence in-
croyable , arrive auprès de son pero , (pii
était à l'extrémiié. Constance, mourant, re-
eoiumaude son Iils aux soldats, lui riMuel
r<.'iii|iir<; entre les mains, et exnire Irancpûl-
ii'inefil, dons son lit, comme il l'avait désiré.
Constantin, devenu empereur, roramença
par rendre aux chrétiens la liberté de pro-
fesser leur religion.
Quelques jours après, son image, couverte
de lauriers, fut appDrtée à Galère, qui déli-
béra longtemps s'il la rerevrait, et il était
déterminé à faire briller et l'image et celui
qui la lui apportait. Il en fut empêché par
ses ministres, qui lui renrésentèrent qu'une
telle action pourrait avoir des suites filcheu-
ses, et que, connue on avait créé des césars
inconnus et désagréables aux soldats, ceux-
ci ne manqueraient pas de se ranger du parti
de Constantin, s'il i)araissait en arme*;. 11 re-
çut d()nc l'image, mais h regret, et il envoya
la pourpre à Coiislantin, pour paraître l'avoir
associé à l'empire, de son plein gré. Ses me-
sures étant déconcertées, il ne pouvait nom-
mer un troisième césar, contre la disf^osition
de IJioclélien. Il s'avisa de ce stratagème : il
donna le nom d'auguste à Sévère, qui était
le plus Agé, et le titre de césar à Constantin,
qui, au lieu d'avoir le second rang, se trouva
rejeté au quatrième et après Maxiniin.
Les choses étaient, en quelque sorte, ar-
rangées, hu'sque Galère apprit une nouvelle
faite [)Our lui causer de vives inquiétudes.
On lui manda que Maxence, son gendre,
avait été fait empereur à Rome. Voici quelle
fut la cause de cette révolution. Galèri>, ré-
solu de ruiner l'empire par l'imposition du
cens, en vint à ce point de folie, de vouloir
assujettir le peuple romain à ce tribut. Déjà
il avait nommé des commissaires pour faii'e
le dénombrement, et, en même temps, il
avait alfaibli le corjis des ]iréloriens. Les
soldats restés à Rome, j)rotitant de l'occa-
sion qui se présentait, firent main-basse sur
quelques magistrats, et revêtirent Maxence
de la pourpre, du consentement du peuple,
d'ailleurs animé contre Galère. A cette nou-
velle, quoique frappé <le cet événement, l'em-
])ereur ne se laissa pas cependant trop ef-
frayer. Il haïssait Maxence, et il ne pouvait
créer trois (-ésars. H se contentait d'avoir
agi une fois contre son gré, en déférant cet
honneur à Constantin. Il fait donc venir Se-
vèie, l'exhorte à recouvrer l'empire, et l'en-
voie avec larmée du vieux Maximien contre
Maxence. Les soldats, qui avaient goûté les
délices de Rome, désiraient, non-seulement
la conservation de celte ville, mais souhai-
taient encore y passer le reste de leur vie.
Maxence, après une démarche si hardie, son-
geait à sa sûreté. Il avait lieu de croii-e que
l'armée de son père,(pril avait si longtemps
commandée, pouriait se ranger de son parti.
Pensant néanmoins que Galère, qui avait su-
jet de .s'en méfier, pouriait busscr Sévère
dans rillyrie, et venir l'atiaeiuer avec son ar-
mée, il chercha le moyen île se mettre h
couvert de ce danger. li envoie pi'ésenler la
j)ourpre au vieux Maximien, son ])ère, (|ui,
d(!puis sou abdication, était retiré dans la
Campanie, et le nonuue auguste jtour la se-
conde l'ois. Ce prince, avide de nouveautés,
et qui avait ipiitlé l'empuc malgré lui, ac-
cepte volontiers ce (pi'oului oll're. Cependant
Sévère marche contre Rome, et fait mine do
I
1057
GAL
GAL
1058
vouloir rassi('^|^(M-. AussilAt ses soldats l'nhan-
domienl el ).riMuu'iit le [tarti do sou emiriiii.
Il n'a plus dV'SpiWa'ice ((ue dans la luitc'.
Mais le vioiiv Mavimien, redovemi ciiipo-
ruur, so trouve sur sou passage, ce (pii l'o-
blige de se jeter daus llavenue, et de s'y reii-
feruier avec ce qu'il put ramasser do troujies.
Voyant cpi'il allait Otre livré à sou enueuii,
il se remit volontiers entre ses mains, et ren-
dit la pourpre h celui de (|ui il l'avait rerno.
Cet acte de lAcheté no servit (\nh lui procu-
rer une mort plus douce ; on se contenta do
lui ouvrir les veines.
Le vieux Maximien, connaissant la lïncur
de Galère, ne douta point ([u'après avoir ap-
pris la mort de Sévère, il n'ac(;ourilt, avt'C
son arniée,pour la venger; (ju'il ne se joignit
à Maximin, et ([u'il ne se |)i'OcurAt dt>s lor-
ces redoutables, auxcjuelles il sei-ait diilicile
de résister. Il nuuiit donc la ville de Home
de tout ce qui était nécessaire pour la mettre
en sûreté; après quoi, il part pour les (iau-
les, alin de i'aii'c entrer Coistanlin dans ses
intérêts, en lui taisant épouser sa lille Fausta.
Cependant Galère rassemble son armée, at-
taque ritaiie, s'ap|)roche de Rome, ne respi-
rant que la ruine du sénat et le carnage du
peuple; mais il trouve tout en bon état. Il
ne pouvait espérer d'emporter la ville de
force, et il n'avait pas assez de troupes pour
en former le siège. Comme il n'avait jamais
vu Rome, il s'imaginait qu'elle n'avait pas
plus d'étendue que les villes qu'il connais-
sait. Quelques h'gions, indignées de ce qu'un
beau-père atta((uait son gendre, et de ce que
les soldais romains tournaient leurs armes
contre Uome, abamionnèrent le parti de Ga-
lère. Le reste de l'armée était sur le point
d'imiter leur exemple. Alors Galère, oubliant
son orgueil, et craignant d'éprouver le sort
de Sévère, se jette boiteusement aux pieds
des soldats et les sup[)lie de ne point le li-
vrer h son ennemi. E:ilin, ses belles promes-
ses en touchèrent quelqties-uns, avec les-
quels il se retira, ou plutôt prit la fuite. 11
eût été facile de le défaire, si on eût envoyé
quelques trouiies après lui. Dans la crainte
qu'il en eut, il ordonna à ses soldats de se
disperser et de ravager tout, afin d'ôter le
moyen de subsister à ceux qui voudraient le
poursuivre. Les provinces d'Italie où pé-
nétrèrent ces brigands furent entièrement
saccagées. One utrageait les femmes, on vio-
lait les tilles, on faisait souffrir des traite-
ments indignes aux pères et aux maris, pour
les f .rcer de déclarer où étaient leurs tilles,
leurs femmes, leurs richesses. On enlevait
les 1)1 stiaux, comme dans un pays conquis.
Ce fut ainsi que Galère, deveiu d'empereur
romain le fléau de l'Italie, regagna les terres
de son obéissance. On n'avait pas lieu de s'en
étonner, puisqu'étant parvenu à la souve-
raine puissance, il se montra l'ennemi du
nom romain, en formant le projet d'ordon-
ner qu'à l'avenir le titre d'Empire Romain fût
changé en celui d'Empire Dacique.
Après la fuite de Galère, le vieux Maxi-
mien revint des Gaules. Il gouverna, con-
joiritement avec son fils; mais l'autorité du
tils était plus grande (fue celle du père; car,
comme Maxence avait rendu l'f'nipire à Maxi-
mien, cette conduite lui avait gagné tous les
Cd'urs. Cependant le vieux prince voyait avec
peine la puissance souveraine partagée entre
lui et son fils, et, en jeune honune, il lui
l)ortait envi{\ Il résolut donc de chasser
Maxence et d(; se remet! re en possession de
son ancien héritage. Il espérait y réussir fa-
cilement, iiarce (pie les soldats qui venaient
do (piilter Sévère, lui avaient obéi longtemps.
11 assend)le l'armée et le j)euple, comme s'il
eût été question de les entretenir des mal-
heurs d(! l'Eiat; puis, après un long discours,
il met la main sur Maxence, l'accuse d'être
l'auteur des calamités |)ubli(pies, et lui arra-
che la pourpre. Le i)rince, dépouillé, se jette
au bas du tribunal, et est reçu par les sol-
dats, dont la colèicet les iriurmures éton-
nent l'ingrat vieillard, qui fut ensuite chassé
de Rome comme un autre Tarquin.
Maximio'i retourna dans les Gaules, où il
passa quelque temps. De là il alla trouver
Galère, sous prétexte de vouloir conférer
avec lui sur les affaires de l'Etat. Mais ^on
vrai proj(;t était de se défaire de ce prince,
alin de s'emparer de la puissance qu'il avait
perdue. Depuis peu. Galère avait fait venir
à sa cour Dioclès ou Dioclétien, dans la vue
d'autoriser, par sa présence, la substitution
de Licinius à Sévère. Dioclétien et le vieux
]\iaximien assistèrent à la cérémonie. Alors
six personnes furent revêtues de la puissance
souveraine. Maximien, trompé dans ses es-
pérances, pense à une troisième fuite. Il re-
tourne dans les Gaules avec des desseins
pervers. Au mépris de l'afïinité qui l'unissait
à Constantin, il cherche à le surprendre. Et,
pourassurerle succès du piège qu'il lui tend,
il quitte les ornements impériaux. Les Francs
avaient pris les armes. Le rusé vieillard per-
suade à i^onstantin, qui ne se défiait de rien,
de ne pas faire marcher toute son armée, en
l'assurant qu'une partie suffirait pour dissi-
])er ces barbares. Il avait un double objet
dans le conseil qu'il donnait, l'un de se ren-
dre maître d'une armée, l'autre do faciliter
aux Francs la défaite de Constantin. Le jeune
prince suit le conseil d'un beau-père qui
avait de l'Age et de l'expérience, et marche
contre les Francs avec une partie de ses
troupes. Quelques jours après, le perfide Ma-
xiraien, jugeant que Constantin pouvait être
entré dans le pays ennemi, prend tout à coup
la pourpre, se saisit des trésors de son gen-
dre, fait à son ordinaire de grandes profu-
sions et invente sur le compte de Constantin
des calomnies qui tombèrent bientôt sur lui-
même. L'empereur, instruit de ce qui se
passe, accourt avec son armée. Maximien,
qui n'avait pas eu le temps de se préparer,
est surpris par la diligence de son ennemi, et
les soldats rentrent dans lo devoir. Constan-
tin apprend que Maximien s'est saisi de Mar-
seille et que les portes en sont fermées. Il
en approche. Maximien était sur les mijLrail-
l;^s. Constantin lui demande , mais d'un ton
où il n'y avait ni colère ni emportement,
quel est son dessein, quel sujet de mécon-
1089
GàL
GAL
1060
P
tintement il peut avoir, ce qui peut lui man-
quer et pourquoi il s"est puilé à une déiuar-
clie si déshouorame pour lui? 11 ne lui est
répondu que par des injures. Cependant les
)or'.es de Marseille s'ouvrent et on y reçoit
'armée victorieuse; on traîne devant reuii)e-
reur un empereur rebelle, un père dénaturé,
un beau-père perfide, on lui met ses crimes
devant les veux, on le dépouille de la pour-
pre, on lui 'pardonne, non pas toutefois sans
lui avoir fait les re|)roches qu'il méritait.
Maximien, se voyant privé de la dignité
impériale et des égards qu'il croyait dus à un
Ijenu-père, fut outré de celte humiliation. Il
forma de nouveaux projets. Enhardi par
l'impunité , il fait venir Fausta, sa fille, et
l'excite par ses prières ainsi que par ses
caresses à trahir son mari, et lui en promet
un autre plus digne d'elle. 11 lui demande
de laisser ouverte la porte de la chambre
de l'empereur et de prendre des mesures
pour qu'elle ne soit pas gardée avec soin.
Fausta promet de déférer cà la demande de
son père, mais elle donne sur-le-chami) à
Constantin avisdececiui se i)asse. On arrête le
plandeconduiteii tenir |)our prendresurlefait
le perhde Maximien. On metun cuuuquedans
le lit de l'empereur, afin de racheter par ce
sacrifice d'une aine vile la vie la plus {)ré-
cieuse de l'univers. Cependant Maximien se
lève au milieu de la nuit, tout est favorable
à l'exécution de son dessein ; il trouve peu
de gardes, encore sont-ils éloignés les uns
des autres. 11 leur dit qu'il a eu un songe
dont il veut faire [lart à son gendre. Il entre
dans la chambre de lempereur avec un poi-
gnard, tue l'eunuque, sort, et publie tout
glorieux le crime qu'il vient de commettre.
Mais d'un autre coté Constantin se montre
avec une troupe de gens armés. On lire
de la chambre impériale le corps de l'eu-
nuque assassiné. A ce si)eclacle, le ijjeurtrier
demeure muel d'éionnemenl. Pour toute
grâce on lui laisse la liberté de choisir le
genre de mort qu'il voudra. 11 se peniiit. Ce
fut ainsi (ju'un empereur puissant, qui avait
été pendant vingt ans le maître du monde,
finit une vie détestable par une mort igno-
minieuse.
Dieu ayant vengé sa religion et son peuple
sur le vieux MaximicMi, étendit sa main sur
(ialèie, un des plus ardents persécuteurs des
clir. 'liens, et lui lil sentir la pesanteur de
son bias. Ce [)rinc(', à rexem|)le de Dioclé-
tieii, songeait à célébrer les viccnnales, et
d'après ce prétexte, quoiipu! |)ar ses exac-
tions |)récédentes il eût épuisé l'or el l'ar-
gent d<;s provinces, il chargea encort' le
peuple de nouveaux impôts, il sirait im|)Os-
sible de dire avec quelh; rigueur se; levè-
rent ces taxes. (îalèr'c; avait pour cxécutcMirs
de ses ordies des soldats ou plutôt des bour-
reaux. On ne savait Icipnil il fallait satis-
faire le premier; nulle grv^ce |»ouf c(;ux (jui
étaient dans l'imp(jssibilité de; payer; on
d(;vait s'attendre aux plus crucds lournuMits,
si on no donnait sur-le-champ ce (pi'on n'a-
vail jias. On étnil «"ilouré d'um? fowlc do
»urv<iil;iiils l)url),ir('s qni no porniellaienl
nas de respirer; aucun temps de l'année oi^i
l'on put avoir le moindre repos : tous les
jours de nouvelles querelles, de nouvelles
demandes ; point de caves, pijînt de granges
sans un commis; on emportait tout ce qui
était nécessaire aux plus indisp nsabb'S
besoins de la vie. Quelque horrible qu'il
soit de se voir ravir le fruit de ses peuies
et de ses travaux, au moins peut-on se con-
soler par l'espérance d'un avenir i)lus h"'U-
reux. Mais comment se passer de vêtements
et de meubles ? N'est-ce pas avec la vente
de ces denrées (juon se procure ces choses?
Et comment se les procurer, si un prince bar-
bare enlève tout le fruit des productions de
la terre? Qu'est-ce qui n'a pas été dé-
pouillé de ses biens pour fournir aux frais
de ces vicennaies, qui toutefois ne devaient
pas avoir lieu ?
La nomination de Licinius à l'empire irrita
beaucoup Maximin ; il dédaignait le titre
de césar el la troisième place d'honneur.
Galère lui envoya plusieurs députés pour lui
représenter qu'il devait obéir, se soumettre
à ses arrangements , cédi-r à l'âge et hono-
rer la vieillesse. Mais Maximin n'en devint
que plus audacieux. Il fil valoir l'antériorité
du temps , prétendant qu'ayant reçu la
pourpre le premier, il avait droit d'occuper
la première place. Ainsi il se moqua des
prières et des ordres de Galère. Ce prince fut
furieux de ce qu'un homme de néant qu'il avait
élevé h la dignité de césar, dans l'espérance
qu'il n'aurait d'autre volonté que la sienne,
poussait l'ingratitude au point de ne tenir
compte ni de ses ordres, ni de ses prières.
Outré de l'insolence de Maximin, il supprime
le nom de césar, prend avec Licinius la qua-
lité d'auguste, et donne à Maxence et à
Constantin celle de hls d'augusles. Quelque
temps après Maximin lui dé[)ôcha un cour-
rier pour l'informer que son armée venait
de l'élire empereur.
Galère a[)prit celte nouvelle avpc chagrin
et il ordonna de les reconnaître tous quatre
empereurs. Dieu frappa Galère à la dix-hui-
tième année de son règne, d'une plaie ab-
solument incurable. 11 se forma dans la
partie de son corps que la pudeur défend
de nommer, un abcès qui lit bientôt des pro-
grès considérables. Les ampulalions des
chirur-giens deviennent inutiles, un nouvel
ulcère perce la cicatrice ; um; veine rompue
rend une telle (piantité de sang, (pie le
malade court ris(pie de la vie. l^e] Ci dant
ou arrêle le san^,, il s'échappe encore une
fois, lùilin on vient à bout de cicatriser la
|)laie. {]\\ léger mouvemeni du corps la fait
rouvrir; le sang coule avei; plus d'abon-
dance (pie jamais. L'empert'iir devient [)Ale
et n'a |)res(pie plus de force. Le iui>seau de
sang se taril encore, mais les nniièdes sont
nHîllicaces contre le mal. 11 survient un can-
cer (|ui gagne les parties vmsines ; plus les
<:lnrurgi(nis (•oupenl plus il s'étend ; les raé-
dicamcnis ne servent (ju'à l'aigrir". Ou ap-
pelle d(! toutes narls les médecins les plus
eelèbi-es, mais les secours humains sont
inutiles. Ou a recours aux idoles, on im-
1061
GAL
GAL
MC2
plore l'assistance d'Apollon et d'Ks(iila|ic.
Apollon indi(pio un reinùdc , on en lail
usage, et le niai empire. La mort approche
et elle s'est déjh saisie des parties basses;
les entrailles sont gAlées et tout le sic^go
tombe en pourriture. Los nn'-decins r(>dou-
bleiit de soins cpioifpie sans esprraiiee da
réussir; ils ont beau atlatpier le mal do
tontes les mani(Ves, il no leur est pas possi-
ble (le le vaincre; il rentre en deilans et S(s
jette sur les parties internes où il s'enj^en-
dre des vers. Une oileur insupporiablc s(;
répand dans le palais et m("itiie dans la ville.
Les conduits de l'urine et des excréments ne
sont plus séparés; les vers rongent le corps
du malade ([ni se foiul en poui'rilure et lui
cause des doul(>ui's clVr(\yables. De temps en
teni[)S il lui échappe des cris ou plutôt des
géniissements horribles. On luiap()lique des
animaux vivants ou de la vianile chaude,
afin (]ue la chaleur attire les vers en dehors;,
mais (piand on nettoie les plaies, il ressort
une fouruiilière de ces animaux voraces, et
ses entrailles en deviennent une source in-
tarissable. Les parties du corps avaient per-
du leur forme ordinaire; le haut, jusqu'à l'ul-
cère, n'était qu'un squelette; une maigreur
affreuse avait attaché la peau sur les os ; les
pieds par leur cnllure excessive ne ressem-
blaient plus cl des pieds. Cette épouvantable
m.dadie dura un an tout entier. Enfin,
(lalère, vaincu par cet assemblage de maux,
fut contraint de reconnaître le vrai Dieu.
Durant les intervalles d'une douleur nou-
velle, il s'écriequ'il rétablira l'Eglise des chré-
tienset qu'il exjjierason crime. Etantàl'extré-
mité, il ordonna de publier l'édit suivant :
« Quoique nous nous soyons toujours oc-
cupé du bien et de l'utilité de l'Etat, nous
n'avons iamais eu rien tant à cœur que de
rétablir les choses dans l'ordre ancien, et de
ramener les chrétiens à la religion de leurs
pères qu'ils avaient abandonnée. Car non
content de mépriser les cérémonies insti-
tuées par leurs ancêtres, ils en sont venus
à ce point de folie de se faire des lois à eux-
mêmes et de tenir diverses assemblées
dans les provinces. Ce que nous aurions dé-
fendu par nos édits et leur aurions ordonné
de rentrer dans la bonne voie. A quoi plu-
ji^urs ont déféré par crainte; plusieurs
aussi, pour avoir refusé d'obéir, ont été pu-
nis. Et comme nous sommes informé qu'il
y en a un grand nombre qui persistent dans
leur opiniâtreté et qui ne respectent ni la
religion établie ni celle du Dieu des chré-
tiens, en considération de notre douce clé-
mence et de notre coutume perpétuelle de
pardonner à tous les hommes, nous vou-
lons bien leur faire ressentir les etfets de
notre bonté. C'est pourquoi nous leur per-
mettons d'exercer la religion chrétienne et
de tenir leurs assemblées, pouvu qu'il ne s'y
passe rien de contraire aux lois. Par une
autre déclaration, nous instruirons nos offi-
ciers de justice de la conduite qu'ils doivent
tenir à leur égard. Notre indulgence doit
les porter à prier leur Dieu pour notre santé,
pour la prospérité de l'Etat, comme pour
leur propre conservation , afin aue l'em-
l»ir(î subsiste éternellenicnt, et qn ils puis-
sent mener chez eux une rie paisible et
trantpiille. »
Cet édit fut publié h Nicomédie, la veille
des calendes de mai {W avril), (ialère étant
consul pour la huitiôiiH! fois et Maximin
pour la seconde. On ouvrit les prisons. Ce
lut alors (pie, conjointement avec les autres
confesseurs de la foi, vous l'ecouvrAtes, cher
Donal , votre liberté, après un em[)risonne-
ment (le dix ans. Dieu cependant ne par-
donna jioint à (ialère, car (leu de jours a[)rès,
ayant reconiniaiidé sa f(Miime et son fils à
Licinius, et tout son corps étant réduit en
pourriture, il expira. Sa mort fut aussit(M
(livulguéi! à Nicomédie, où il se [iro|)osait
de ct'lébrer les vicennales aux calendes de
mars suivant.
(iALLlCAN (saint), re(;ut la couronne du
martyre à Alexandrie. Ce saint martyr était
un personnage consulaire, (jui avait reçu
l'honneur du triomphe, et ([ue l'empereur
Constantin aimait tendrement. Converti à la
foi de Jésus-Christ par les saints Jean et
Paul, il se retira avec saint Hilarin dans la
ville d'Ostie, où il se donna tout entier à l'hos-
pitalité et an service des inlirmes ; ce qui
ayant été publié par toute la terre, une infi-
nité de inonde vint de tous côtés, pour voir
un homme qui avait été patrice et consul,
nettoyer les i)ieds des pauvres, dresser les
tables où ils devaient manger, leur donner
h laver, servir les malades, et s'appliquer à
tous les autres exercices de la charité et de
la piété chrétienne. 11 fut depuis, sous Ju-
lien l'Apostat, chassé de cette ville et con-
traint de se réfugier à Alexandrie, où le juge
Raucien, qui voulait l'engager à sacrilier
aux idoles, ne recevant de lui que du mépris,
le fit mourir par le glaive, et le rendit mar-
tyr de Jésus-Christ. L'Eglise fait sa sainte
mémoire le 25 juin.
GALLIEN {Licinius Egnatius Gallienus),
empereur romain, fut associé par son père à
l'empire, en l'an 253, aussitôt son avénem^'nt.
Pendant tout le règne de son père, Gallien
s'etfaça derrière lui : on ne peut le juger que
par ce qu'il ht quand il fut arrivé à l'empire,
seul, et libre de toute volonté extérieure à
lui. Le premier trait du tableau que nous
avons à en faire, est celui-ci : il ne fit rien,
absolument rien pour délivrer Valérien de
l'ignominieuse ca|)tivité qu'il endurait ^hcz
les Perses. On dirait presque qu'il ne se
souvint pas de lui. Rien pour venger l'hon-
neur de la patrie, rien pour obéir à un sen-
timent de tendresse filiale. Aussi lâche em-
pereur que mauvais lils, en deux coups de
pinceau, voilà Gallien. Maintenant qu'ajou-
ter? Est-ce qu'un homme n'est pas ainsi suflî-
sammeut caractérisé ? Faut-il encore lui cher-
cher des vertus et des vices?Nous ne le pensons
pas ; quand un homme historique (st coulé
dans un pareil moule, tout ce qui vient en-
suite n'otfre que des nuances sans caractère
et sans importance. Des auteurs ont dit que
Gallien avait de l'esprit, qu'il était bon orateur
et bon poëte ; de l'esprit sans cœur, c'est diffi-
i065
GAL
GÂL
I06i
cilo; orateur et poète, ce l'est davantage en-
core. L'orateur est celui qui cmeut, en ren-
riant en belles paroles de nol)les sentiments,
(le saintes vérités, autrement il n'a que le
son que la phi'ase, verba canora, riens sono-
res : le poëte, est celui (lui sait donner aux
générosités de son âme, aux illusions de
son cœur, cette forme splendide que Dieu
révèle aux natures i)rivilé^iées, qui gardent
ici-bas l'empreinte de la main divine qui les
forma. Les poêles sont ces Ames exilées, qui
ont sur terre des réminiscences du ciel ;
l)auvres oiseaux errants qui se souviennent
eue )re du nid qui les vit nailre, pauvies
anges tombés qui redemandent les cieux,
en chantant la prière, le malheur, les har-
monies d'ici-bas. Gallien ne pouvait èlre
orateur ni poëte. Admettons qu'il le fût,
alors il prouva bien qu'on i)eut être orateur
et poète et ne faire qu'un détestable empe-
reur. Un trait que nous ne passerons pas
sous silence, c'est que, ({uand il mourut, il
était sur le point de céder au [)hilosophe
Plutin une partie considérable de la r,am})a-
nie, i)0ur y établir une république platoni-
cienne. Ainsi, dès ces temps reculés, nous
le disons pour ceux qui O'it la niaiserie de
croire à la nouveauté des doctrines qu'on
prêche de nos jours, oui, dès ces temps re-
culés, et bien auparavant, les duperies socia-
listes couraient le monde. Quel dommage
que (iabet, Considérant, Proudhon , et tous
ces hommes qui font des nouveautés avec
les vieilles défroques des niais et des fous de
l'anliipiité, n'aient pas vé;.'u sous un (iallien !
Et dire qu'ils ne sauvent et ne régénèrent
pas Ihumanité, faute de pareils princes 1
Gallien était digne de comi)rendre le Pha-
lanstère, l'icarie et la Banque du peuple.
Gallien s'occupait beaucoup des petites cho-
ses et peu des grandes. Il montra dans plu-
sieurs circonstances du courage et de la har-
diesse ; mais ce ne fut jamais que (piand sa
position personelle fut diamétralement atta-
quée, ou bien quand le mépris qu'on lui
témoignait pour sa lâcheté habituelle le fit
monter jusqu'au paroxisme de la colère. Il
était très-enclin à cette dernière passion ;
elle le poussait même à des actes de la plus
atroce cruauté. Il ht tuer quelquefois jus-
([u'ii deux ou trois mille soldats. Après cela
Z jiiare vient nous dire ([u'il était magnihijue
et libéral ; Ammien, qu il était giniéreux et
p;u-u'uuiait aisément. Nous l'avons d,l en
parlant de son père, h's espi-its étroits et mé-
dio.;res, les Ames sans dignité, sans courage
et sans moralité réelle, vont sans cesse d'un
extrême à l'autre. Un sige milieni est le(:htî-
rnin de la vertu. Quant à marcher loujouis
sur les hauteurs culminantes, cela n'ap[)ar-
tienl (ju'au génie. Q le Gallien ait eu la vo-
lonté ea[)ricieuse et bizarre au point de con-
tredire sans cesse sa conduite et ses actes,
cela ne nous surprend pas, c'c^sl le conliaire
qui le ferait. (>et (MU|)ereur avait le goilt du
luxe et dos voluptés. Paresseux et iuactif,
i! abandonnait h; soin des all'aires [)0ur se
plonger dans la débaudu; , j)Our se li-
vrer aux excès les plus dégradants. La nuit,
comme Hélîogabale et Néron, il courait les
cabarets et les mauvais lieux de Rome ; le
jour, il se livr.ut à la boisson et à la bonne
chère. Son temps, s'il n'était employé à des
infamies ou à des crimes, l'ét .it à des baga-
telles ou à de sottes futilités. Sous son rè-
gne, la puissance et le prestige du nom ro-
main tombèrent encore plus bas que sous
son père. De tous côtés les barbares venaient
piller et saccager les provinces ; on les vit
jusque dans l'Italie elle-mèiue. Partout les
lois de la discipline étaient en oubli , les
ressorts du gouvernement relâchés. Plus de
tête pour commander aux membres. Rien
que sous le règne de ce i)rince, trente com-
pétiteurs a l'empire prirent la pourpre. Quand
on venait annoncer à Gallien qu'il avait
perdu l'Egypte ou les Gaules, il répondait
par de soties plaisanteries. « Vivrons-nous
moins bien, disait-il, sans l(^s lins d'Egypte
ou sans les draps d'Arras ? » Durant ce lè-
gue, la peste ht encore de grands ravages, la
disette lit de nombreuses victimes. Le sang
des chrétiens répandu sous Valérien avait
crié vengeance, et Dieu l'avait entendu. En-
fin, après un règne qui fut l'horreur de l'em-
pire, lallienfut tué devant la ville de Milan,
où il assiégeait Auréoie qui s'y était réfugié-
Cet évéiiement se passait en 268.
Maintenant, quelle fut. la condu te de Gal-
lien à régaid des chrétiens ? Toute dilfé-
rente de celle qu'avait tenue son père. Il
rendit la paix à l'Eglise, rappela les prélats
qui étaient en exil, rendit des décrets qui
prescrivaient de restituer aux clirétiens les
lieux consacrés 5 leur culte, et aux particu-
liers les biens dont on k's avait dépouillés.
Quels furent l(>s motifs de Gallien jiour une
telle conduite? Peut-être simplement l'envie
de faire autrement que n'avait fait son père.
No .s avons vu des empereurs persécuter les
chrétiens parce que leurs prédécesseurs .eur
avaient été favoiab'es ; pourquoi (allien,
avec les bizarreries de <on caractère, n'au-
rait-il jias fait le contraire par des motifs
stnnblables ? On peut encoie invoquer une
autre raison, c'est que Macrien avait été
J'instigateur de la persécution de Valérien,
et que Gallien le détestait. Celle haine de-
vint encore plus foi te quand ce chef mili-
taire eut usurpé l'empire en Orient, et, comme
il maintint dans ](}s ])rovi:ices (pii lui obéis-
saient les édils contre les du ét:ens, Gallien,
])Our faire autremenl (jue lui, fit cesser la
persécution.
JMJsèbe nous a conservé dans son Histoire
[Ilist. ccclcs., 1. VII, ch. 13) un des édits
i-eiidus pai- Gallien en faveur des chrétiens.
Il parhî d'un autre, adressé à des évèciues,
et (pli les autorise à n nirer eu possession
des cimetières ; mais i! n'en donne |)as lo
tcxti!. Celui iiue nous reproduisons d'apiès
Kusèbe, élait adressé aux évê(pies de la pro-
vince d'Alexandrie. Il ne ix'Ut donc être an-
térieur A Tannée 202, puis(pie jusque-l;\ l'E-
gypte fut sous la dépendance de Macrien.
« L'(niii)ereur (ïésar INiblius Licinius Gal-
lien, pieux, heureux et auguste, à Denys»
Piiinas, Démélrius ot aux autres évoques.
I
iOC3
GAL
GAI.
1066
J'ai commande^ quo nios bienfaits et mes
grAoes se rôpaiidiMit par tout le monde, et
(nie chacun se relire des lieux consacrés.
Vous pouvez vous servir de ce décret alla
que personne ne vous trouble h l'avenir.
C'est une laveur qu'il y a déjà lon;j,[einps
auej'ai accordée. C'est pourquoi Aurelius
Cyrenius , surintendant des liaances , ne
raaiKpiera pas d'exécuter notre édit.
Ici se borne ce que nous avons à dire de
Callien.
G.VI.I.ION (Junius), frère de Sénè(iue, se
nommait d'abord Annanis Novatus. Son père
adoptif lui doiuia le nom sous le(piel il est
resté connu. Kla-it |)roco'isul d'Achaïe, les
Juils lui amenèrent saint Paul pour le faire
oondannirr; mais (lallion leur dit (ju'il ne se
mêlait peint de leurs disputes relij^neuses, et
qu'ils eussent à \i(ler leurs didV'rcnds entre
ou\. Ouehpies historiens ont vu dans cette
indidérencc un connnencement dt* penchant
pour le christianisme, de la part de (îallion;
d'autres, au contraire, n'y ont vu (ju'un déni
de justice coupable. Cette indifférence que
montra Callion a fait depuis appeler gallio-
nistes ceux qui sont indilférenls en m tière
religieuse. Tombé dans la disgrâce de Néron
après la mort de Sénèque , Gallion se perça
de son épée.
CAI.LOT, chapelain des religieuses béné-
dictines, fut guillotiné à Laval, le 21 janvier
179V, avec Ireizeautresprètres.Quoiquejcune
encore, il était tout [)erclus de ses membres,
§ar suite de la goutte ; aussi fut-on contraint
e le conduire au tribunal, en charrette. Les
juges lui demandèrent : « As-tu fait le ser-
ment de 1791 , prescrit par la constitution
civile du clergé? As-tu fait le serment de
liberté, égalité? Veux-tu prêter ces serments?
Veux-tu jurer d'être fidèle à la l'épublique,
d'observer ses lois, et, en conséquence, do,
ne f)rofesser aucune religion, et notamment
la religion catholique? — Je serai toujours
catholique, répondit-il. — Pid^liqueraenl? lui
dit-on. — Oui, [)ubliquement ; n'importe où,
je me dirai toujours caholique ; je ne rougi-
rai jamais de Jésus-Christ. » Il mit tant d'é-
nergie dans ses réponses , que des patriotes
présents à l'audience s'écrièrent : « Qu'il est
elfronté! » Le secrétaire lui dit alors : « Sois
sûr que tu vas être guillotiné. — Ce sera
bientôt fait, reprit tranquillement M. Gallot.
Quand l'interrogatoire fut terminé, l'accu-
sateur public, qui était un prêtre apostat,
conclut à la peine de mort, et le président
du tribunal sanctionna la peine. Pendant les
préparatifs de l'exécution, les quatorze con-
damnés furent mis dans une salle du greffe,
oiî, dit-on, ils purent se confesser mutuelle-
ment. Quelques instants après, la tête des
victimes avait roulé sur l'échafaud. (Tiré des
Mémoires ecclésiastiques, etc., par M. Isi-
dore BouUier, curé de la Trinité de Laval,
18i6.)
CiALLUS (saint), martyr à Carthage en
250, sous le règne et durant la persécution
de Tempère ir Déco , fit enfermé dans un
cachot avec une foule d'autres chrétiens, où,
par ordre de l'empereur, on les laissa mou-
DlCTIONN. DES PkkSÉCUTIONS. I.
rir de faim. L'Eglise f;iit la fête de tous ces
•saints martyrs le 17 avril, avec celle de saint
I\lappali(|ue.(Ko?/. l'artii le ili; saint Victorin.)
(iALLUS (Vibius Trchuniunus) (it [)érir par
trahison l'empereur Dèee dans une guerre
contre les Golhs, et se fil (n'oclamer e/npe-
reur à sa place en 251. 11 fit avec les (ioths
une paix déshonorante, et aussitôt arrivé à
Rome, se mit à persécuter violemmeit les
chrétiens. Il attril)uait à la colèr-e dos dieux
contre eux, la peste qui désolait son enqiirc.
A celle occasion il ordonna iJes sacrifices ex-
piatoires dans tous les lieux qui reconnais-
saient son [)ouvoir. Sous son règne, deux
Eajies, saint Corneille et saint Lucius, furent
anniset martyrisés. Callus allait comb ttre
Kmilien, qui avait usurpé l'empire, quand
il fut tué près de Rome j)ar ses propi es sol-
dats en l'année 253. Assassin de son prédé-
ces>eur, persécuteur des chrétiens, Callus
méiitait un de ces cliAtimcnits (pie la Provi-
d(mce ménageait alors si souvent .lux em-
j)ereurs romains. Celui-ci n'est célèbre que
[)ar ces deux crimes.
DoJwel rapporte l'endroit d'une lettre
écrite par saint Cyprien et les autres évo-
ques (l'Afrique, par lequel il [jrétend prouver
que la persécution que l'empereur Gallus
excita contre l'Eglise, fut beaucoup plus
cruel'e que n'avait été celle de son prédé-
cesseur Dèce. Car ces prélats avertissent par
cette lettre le pape saint Corneille « que le
ciel leur a fait entendrepar des signes et par
des révélations que le jour du combat ap-
prochait ; qu'il devait dans peu s'élever un
ennemi redoutable et qu'il fallait se préparer
aux plus furieux assauts et aux attaques les
plus sanglantes que les fidèles eussent ja-
mais essuyés. » Dodwel infère de ces |)aro-
les que la persécution de (lallus ayant été,
selon saint Cyprien, bien plus âpre que celle
de Dèce, celle de Dèee a fait peu de martyrs,
puisque, selon le môme saint , celle de Gal-
lus, pour n'avoir pas été de longue durée, en
avait couronné fort peu. Je réponds à cela
que, quand bien môme cet endroit de la
lettre des évoques d'Afrique devrait s'en-
tendre de Gallus et non de Valérien, ainsi
que plusieuis auteurs, et entre autres celui
ae l'édition d'Oxford, soutiennent qu'il le
faut entendre, je réponds, dis-je, que l'in-
duction de Douwel n'en aurait pas plus de
force ; car enfin, si nous avons j)rouvé avec
quelque sorte d'évidence que le nombre des
martyrs qui ont souffert sous Dèce a été très-
considérable, que peut-on inférer de cet en-
droit, sinon que bien loin de diminuer le
nombre des martyrs en général , il faut, au
contraire, l'augmenter. Mais il est vrai
que la persécution de Gallus peut en un sens
être a|)pelée plus rude que celle de Dèce, en
ce qu'elle s'éleva tout à coup comme un
vent furieux qui, en un instant, arrache,
abat, renverse tous les arbres d'une forêt, ou
qui disperse en moi,:S de rien , écarte, dis-
sipe, coule à fond une flotte. Telle fut cette
persécution à l'égard du pape saint Corneille,
de son clergé et de son peuple, comme nous
l'apprenons de saint Cyprien : « L'ennemi,
3^
:ô67
GAM
GAM
1068
dit-il, s'est présenté; il a jeté l'épouvante
dans le camp de Jésus-Christ, mais il s'est
retiré avec la môme vitesse qu'il étaitvenu. »
Car tous les chrétiens s'étant réunis en un
groupe, se présentèrent au martyre , ainsi
que nous l'apprend encore le saint évèque de
Carthage par ces paroles : « Votre peuple
(c'est à saint Corneille qu'il parle), votre
peuple apprenait de vous, dans ce combat,
a se rallier aux prêtres connue à ses chefs,
à tenir ses rangs serrés, et à marcher à l'en-
nemi, non par détachements, mais eu corps
d'armée. » II répète la même chose et pre«-
qu'en mômes termes , dans la lettre qu'il
écrit à Lucius, qui avait succédé à Corneille,
mort en exil. Pacieu, évoque de Barcelone,
reproche à Novatien, dans une de ses lettres,
qu'il n'avait jamais rien soullert pour la foi,
au lieu que saint Corneille avait eu à sou-
tenir en plus d'une rencontre, les emporte-
ments d'un prince furieux. Mais ce qui ne
doit laisser aucun doute que cette persécu-
tion n'ait été très-cruelle, c'est que Dieu vou-
lut bien faire connaître par divei ses révéla-
tions aux évoques d'Afrique, qu'ils devaie'it
recevoir à la pai ticiialion de la sainte Eu-
charistie, ceux qui étaient tombés durant la
dernière persécution , de crainte qu'étant
privés d'un si puissant secours, ils manq.as-
sent de forces ])Our le martyre. Le traité que
saint Cy|)rieu écrivit alors et qu'il adressa à
Déraétiien, marque assez qu elle fut de la
dernière violence : « Vous chassez de leurs
maisons, lui dit-il, des gens qui sont inno-
cents et que Dieu chérit pour leurs vertus;
vous les dépouillez de leurs biens, vous les
chargez de chaînes, vous les jetez dans des
f)risons obscures, vous les faites périr par le
er et par le feu vous livrez leurs corps
à de longs tourments, vous ajoutez supplices
à supplices, et votre cruauté ne se conten-
tant pas des tourments ordinaires, devcme
ingénieuse j)0ur perdre tant des saints, elle
en invente de nouveaux, inconnus jusqu'ici
aux tyrans les plus inhumains. )>
L'on croit pouvoir attribuer cette persécu-
tion h une cause qui n'était pas moins fu-
neste. C'est une |)esle horrible, qui rava-
geant tonte la terre, por;a l'empereur Gallus
à faire un édit qui obligcaii toutes sortes de
personnes, sans aucune distinction, de sacii-
lier à Apollon le libérateur. « Cesjours pas-
sés, écrit saint Cypriun au jjape Corneille, il
arriva ici une émotion pcjpulan-e h l'occasion
de certains saciili>;cs, ([u. il était (jrdoinié par
un édil exprès dans le cii'fpie, d'ollVir- pour
la santé [tublKjut', et Ton cria par deux fois
qu'il fallait me donner aux lions » Ce fut
encore encL-ttu re.icontre «pi'il composa le
livre qui a pour titre Jîxhnrlulion au mnili/n',
où il avoue « (ju'on ne peut savoir le nouibic
des martyrs du Nouveau Testament, et (pio
ce sont ciMix <\iHi saint Jian, dans son Apo-
ca|y()S(;, désigne parées pai(jles: J'ai vanne
mnllilude iniioinhrnhlc de personnes de toute
nulion Il assure la môme chose d.uis
son livre des Téinoigriayea. (Uuinart, Disc,
prélirn.)
(iA M ALIEL, docteur de la loi, disciple
secret de Jésus-Christ et maître de saint
Paul. Plusieurs de ses biographes, notam-
ment Chaudon et Delandine, disent, h pro-
pos de ce fait : « maître, à ce qu'on croit, (le
saint Paul. » Nous sommes étonné que des
hommes érudits aient écrit un semblable
doute, en présence du texte formel des
Actes des apôtres (chap. xxii, v. 3;, où saint
Paul adirme positivement qu'il a été disciple
de Gamaliel. « Je suis juif, né à Tarse en
Cilicie. Jai été élevé dans cette ville, aux
pieds de Camaliel, dans la vérité de la loi
de nos pères. »
Dans une assemblée du Sanhédrin, où on
voulait faire mourir les apôtres et not «m-
raenl saint Pierre, Camaliel prononça en fa-
veurdes accusés le discours suivautqui chan-
gea les dispositions de l'assemblée. « Hommes
d'Israël, soyez attentifs à ce que vous avozà
faire envers ces hommes ; car il y a peu de
temps que Théodas se leva, se disant un
personnage, et environ quatre cents hommes
s'unii-ent à lui; et il a été tué, et tous ceux
qui avaient cru en lui ont été dissi[)és et dé-
truits. Après lui se leva Judas, Galiléen,
aux jours du dénombrement, et il attira une
grande multitude après lui ; et celui-là aussi
a péri, et tousceux qui avaient cru en lui ont
été dispersés. Et maintenant donc je vous
dis: Eloignez-vous de ces hommes, et lais-
sez-les partir, car si cette entreprise ou cette
œuvre est des hommes, elle sera détruite.
Mais si elle est de Dieu, vous ne [)0uve/ la
détruire, sans vous exposer à combattre
contre Dieu. » (Act., chap. v, vers. 35 à 40.)
Nous ap[)rcnons par l'histoire de la révé-
lation des reliques de saint Etienne [Luciani
presbyteri epislolu de inventione S. Stephaniy
apud Augustinum in appendice tomi X Lova-
niensiurii, Bénédictin. Vil), qu'après que ce
saint diacre eut été martyrisé, (îamaliel en-
gagea les chrétiens à aller la nuit enlever
son corps, leur donna son chariot pour le
conduire dans une terre qu'il possédait <i six
ou sej)t lieues de Jérusalem, nommée de j
son nom Caphargamala (1), fournit les frais, 1
qui étaient giands, pour lui faire rendre les
honneurs de la sépulture.
Ce fut à sa considération que les Juifs,
quelque tempsaprès la moi't de saint Etunme,
se contentèrent de battre de verges Nico-
dème, son neveu, au lieu de le faiie mourir.
Il lit enterrei' ce même N.codème au|»rès de
saint Ktienne. L'Iiislo.retjue nous avons citée
plus haut nousajiprtnid que Cam/diel l'cçutle
Ija|)tôme des uuuns des disciples de Jesus-
Christ. Keli.é dans ses terres il y mourut
avancé en Age. Le Talmud nous dit que ce
lut Onkélos, surnouimé le Prosélyte, fameux
rabbin du j)reinier siècle, qui prit soin do
ses funéi-ailles, et (jui [)our les rendre plus
(I) Oii peut Iraiiiiiir ainsi ce mol lichrcii : Dési-
reux de recevoir lex rt'cumi)eiises du Seiipwitr. 11 csl
piMiiiis (lo sii|)|)os('r (iiic (iainalitl, (jiii cl;iil phari-
sien, avail pris ce nom par oppo>,iii()ii aux Sadu-
ci (^iis, qui lU! »royait:iil pas aii\ nt tmipciises de la
vie rmuro, v.l pour l)icu établir qu'il ne purlageail
pas leurs croyances.
10G9
GAU
GAU
1070
inagniliqnos, y brûla pour plus de 20,000 IV.
do tuonhlcs. (Voi/. Nicodkmk.j
(iANdUKS, ville du Paphlii;40nii; , est ci';-
li^hrc par le martyre do sainl (]alliiii(pie, (pii
lui Ibuotlé avec des verges d((IVr, livré ;t di-
vers .uities supplices, etenliujelé dans mie
ibiMiiaise ardeuleoù il rendit sonàmeà Dieu.
(lAM Il» d'un lieu siliié (Ml N():in;nidi(\
sur les bords di' la rivière de l'Kpli;, où l'uretit
en terrés, SI )iisrein|)ii'e de l)i()(lélieîi,le.s saillis
Nieaise, Ouirin, Scuhieule fl saiuU- Pianeie.
(ÎAP, chef-lieu du déparlenicnl des llaiiles-
Alpes, célèbre par les soullVances (pi'y en-
dura sonévé(]U(\ saintCouslaiitin, pour avoir
confessé Jésus-Cdirist.
CiAUDON, religieuse du Sainl-Sacronienl
h Bi»lè:ie, fut guillotinée le IG juillet 179'i. à
Orange, avec les sœurs Justainon, ursulines
converses ^ IVrne, M.rie Decqui, religieuse
du Saint-Sac enieiit à IJolè'ie, MarieLage,
ursuli'ie?! Ho èiie, Jeaiini-Uoussilloi et.Madu-
ieino I)ornili''>e de Jiist;uiioii, ilu niéiiie ordre.
("lAllMKIl (le bienlieuicux Cuaui.ks), niis-
sio-mairedc la compagnie de Jésus, soullVit
le martyre au mo s de décembre lG'i9, dans
le Nonvciu-.Monde. Les Iro(|uois , s'éiant
précipités sur la bourgade de Sainl-Jem,
dont noire bienheureux était i)aste;ir , le
P. Ciarnier, loin de prendre la fuite, resta au
miiieu de Si s chers néophytes, et les encou-
ragea fi bi(Mi mourir. liièntùt, atteint d'un
coup de fiisii, il tomba au milieu de la mêlée
et fut dépouilb'. il n'était pas mort encore.
Ayant aperçu un Huron qui était blessé mor-
tellement, il se traîna à lui atin de l'absoudre.
Un Iroquois, furieux à cette vue , lui asséna
un coup de hache dans le ventre, et le Père
tomba frappé h mort.
GAKKKÂU (le bienheureux), missionnaire
jésuite, accompagnait une bande de Hurons
qui s'étaient réfugiés à Québec, poursuivis
par les Iroquois , et (|ui retournaient alors
chez eux. Les Agniés ayant attaqué cette
bande, le P. (iarreau fut frappé mortellement.
Son marlvre arriva vers l'année 1630.
(iASPAKD DE L'ASSOMPTION (le bien-
heureux), dominicain, se rendait du Hengale
à (îoa lorsc|u'il fut massacré dans le Malabar
en 1397. (Fonlaiia, Monumenta Dominicana.)
GASPARD DE SA (le bienheurcuTv), Por-
tugais, cueillit la palme du maityre dans la
traversée du Bengale à (ioa, où il alla t re-
cruter queltpics missionnai. es. AyaU vou-
lu convertir un d sidoldtrcs qui voyageaient
sur le méaie vaisseau, il en reçut un couj)
de lance moitel. Sou martyre arr va en 1()03.
D'autres piélendi-nl qu'ayant quitté le Ben-
gale pour l'île Solor, et se rendant de celte
dernière mission à Goa, il fut capturé par
des mahoiiiélans du royaume d'Achein ,
dansl'ile Sumatra, el massacré avec le P. Em-
manuel de Lambuana.
GAUDENCE (snint), évêque de Bresce et
confesseur, disciple de saint Pliilastre (|u'il
DOinme son père, était en Orient lorsque ce
saint mourut. Tout le peuple et le clergé de
Bresce le demanilèient pour évoque. Les
évéques de la province s'assemblèrent sous
saint Ambroise, leur métropolitain, et con-
linnèrent l'élection. On écrivit h Gaudence,
qui élail alors en C.ippadoce, pour l'invilei-
à revenir proiii|»teiii(nil. Il ne céda qu'à la
crainte de l'excommiiMicalion dont on le
menaça s'il refusait d'obéir. Saint Ambro se
lesacia vei\s l'an 387. La vilh; do Bresce (mjI
h s'applaudir de son choix. Le sainl évéïiuo
s'y montra constamment di,ne do la liante
fonction à lacpielle on l'avait élevé. Noms
avons do lui dix-sept discoinvs (pii ont été
conservés parce qu'un seigneur (jiii habitait
Bresce el qni avait été i)aiini jiar l'impéra-
trice Justine, ne [louvanl pas se rendre aux
saints ollices, avait jnié le saint de lui trans-
crire ses discours. Ce seigneur était Béné-
vole, qui refusa si gé!iér(ni.>>einenl do rédiger
})ourJustine u leloi cpii forc.U les catholicpies
d(! suivre le concile de Bimini. f Voij. saint
Amhhoisk.) Tiois autres discours, dont le
dernier est un |)anégyri(pie de >ainl Phdas-
Ire, ont été conservés avec ces dix-sont.
Saint Gaudence fut un des déimtés que le
concile de Boine tenu en /i03, et l'empereur
Honorius, envoyèrent en Orient, jionr dô-
fendro la cause de sauit Chrysostome devant
Arcade. « Cette dé.nilalion n'eut pas le suc-
cès qu'on espérait. Ceux qui la ( ornposaient,
furent mis en prison dans la Thr.ice. On les
élargit (|uel(|ue temps après et on les lit cni-
barcpici' sur un vasseau tout pourri. » ((io-
descard, vol. XV, p. 77.) La mort qu'on vou-
la.t leur faire trouver en celle rencontie no
les atie gnt pas; aucun d'eux ne périt. Saint
Gaudence mourut vers Tan 4-20; sa fôte est
marquée au Martyrologe l'omain à la date
du 25 octobre.
GAUDENCE (saint), évoque et confesseur,
soulfritpoiir la foi à Novare. Nous n'avons
aucun détail sur lui. L'Eglise fait sa mémoire
le 22 janvier.
GAUDENCE saint), évôqueetmartyr, reçut
la co ronne des glorieux combattants de la
foi à Bimini. Les Actes ih^s martyrs ne nous
ont conservé aucun détail rela.iï" à l'époque
et aux (lilférentos circonstances de son com-
bat. L'Eglise fait sa méfiioire le U octobre.
GAUDENCE (sainl), évèque et conf-sseur,
soulfnt poui' la foi dans la ville de Vérone.
Les détails nous manquent sur lui. L'Eglise
fait sa mémoire le 12 février.
(iAlJDENCE (sainte), vierge et martyre,
reçut la couronne du martyre à Rome avec
trois auties saints coii!b;U;ants. Les dctails
nous manquent complét(Mnent. L'Eglise fait
leur sainte mémoire le 30 août.
GAUDENTIUS (saint). Les Martyrologes
ne mentionnent pas le s.rint dont nous par-
lons ici. Martyrisé sous le règne de Vespa
sien, il est res'té dans l'oubli des catacombes
de Boine, comme tant d'autres sair.ts dont
Thistuire ne nous a pas g rdé les noms :
cohorte sainte, dont la gloire brille aux
c:eux, et dont les reliques ignorées surgi-
ro '.), au dernier jour, du miiieu des tom-
beaux, environnées d- la brillante auréole
qtii ceint le froid des martyrs. L'invention
des reliques de saint Gaudentius appartient
au savant qui a consigné dans un ouvrage
précieux le fruit de ses recherches [Roma
1071
GEL
GEN
1072
soterran., 1. m, c. 22). Cet ouvraye décrit les
monuments de Rome souterraine. Sur un
tombeau a ùté trouvée une inscription dont
nous donnons la traduction. C'est du Clirisl
que tu tiens toutes choses, et tu fais mourir
Gaudentius ; c'est ainsi, cruel Vespasicn, (/ue
tu fais voir ta reconnaissance ! Mais le Christ
lui a gardé une autre place au ciel. Sans
doute , ce document est peu de chose
comme document ; n)ais c'est assez pour l'E-
glise, c'est assez pour la foi. Celte inscrip-
tion si courte [)eruiet à peine d'écrire une
pa^.;e d'histoire, mais elle nous révèle un
saint. (Voy. Vespasien.)
GAUi-)IOSE (saint), évoque et confesseur,
reçut la couronne du martyre à Bresce, d.ms
des circonstances qui nous sont complète-
ment inconnues. Nous ignorons même l'é-
poque de ses soiitfrances. L'Eji,lise fait sa
niémoire le 7 mars.
GAZA, ville de Palestine, oiî saint ïimo-
thée fut hrùlé à petit feu, en l'an 30V, par
ordre du gouverneur Urbain. Sous Julien
l'Apostat, les habitants païens de cette ville
se saisirent de trois frères nommés Eusèbo,
Nestable et Zenon, et l.'S ayant jetés en pri-
son, leur firent souffrir divers supplices.
Durant qu'à l'amphithéâtre, la populace as-
sistait aux jeux publics, quelques person-
nes se mirent à crier que le peuple devait
lui-même se faire justice et punir ces indi-
gnes sacrilèges. Alors le peuple, c'est-à-dire
l'ignoble populace, cette lie qui prend par-
tout le nom sacré de peuple, pour com-
mettre ses turpitudes, ses horreurs, se pré-
cipita sur les prisons, brisa les portes, en
arracha les saints martyrs, et les traîna par
les rues, en les frappant de la manière la
plus cruelle et la plus outrageuse. Quand
cette populace cul fciit mourir les trois
saints sous ses coups , elle les traîna au
lieu où on jetait les hôtes mortes, et là, les
brAla avec des ossements d'animaux, de
peur que les chrétiens ne s'emparassent de
leurs reliques. Certes, si Julien avait élé
aussi bon administrateur qu'on le prétend,
ae telles horreurs ne se seraient pas com-
mises sous son règne.
GÉLASE (saint), martyr, donna son sang
pour Jésus-Christ àFossombroiie. Il eut pour
com[)agnon de son martyre, dont on ignore
la date et les dilférenles circonstances, les
saints Aquilin, Géminé, Magne et Donat. L'E-
gli-e célcbic leur gloi-icuse fête le k février.
(if:)LASE (saintj, martyr, eut la gloire de
mourir [)0ur Jésus-Christ, en Crète, dans la
ville de (iortyne, sous le règiu) de J)èce,
durant la jie.sécution si leirible que ce
prince féroce alluma contre l'Eglise. 11 fut
décapilé après avoir soulIVrt d'horribles
lourrrumls. Sa fête arrive le 2."] décembi-e.
Saint (iélase est lun des dix Maiityiis dk
Crktk {Voy. cet article).
GÏiiLASlN (saiiilj, martyr, mourut pour la
fui chrétienne, à IIélio[)f)lis en Phéincie, en
l'année 2'J7, S(ms l'empire de Dioclétien. Il
était comédifMi, (•! représentait uiu; scène où
on sf» inucpiail des cnréliei:s. Il élait revêtu
d'un habii lilanc On h; |i|((ii,;f,T r'i)liê|(!iii'Mit
dans une cuve remplie d'eau tiède. Aussitôt
il s'écria qu'il était chrétien et qu'il voulait
mourir pour la religion de Jésus-Christ. Les
l)aïens qui assistaient à la représentation
montèrent sur le théâtre, et lapidèrent Gé!a-
sin. Sa fête est célébrée chiz les Grecs le
27 février. Ils atlirment qu'il ne fut pas la-
pidé, nlai^ qu'il eut la tête tranchée.
GELDUBE, ville d'Afrique, où saint Jules
soutiVil la moi't pour la foi.
GÉMEL (saint), reçut la glorieuse palme
du martyre, à Ancyre en Galatie. Ajirès avoir
souffert de cruelh's tortures sous Julien l'A-
jiostat, il accomplit sou martyre par le sup-
plice de la croix. L'Eglise lionore sa mé-
moire le 10 décembre.
(iÉMINE (saint), l'un des quarante-huit
martyrs d^ Lyon, fut décapité dans cette
ville, en l'an 177 de Jésus-Christ, sous l'em-
pire de ?uarc-Aurèle. Ce fut eu (jualit' do
citoyen romain, qu'il ne f .t pas exposé aux
bêles féroces dans l'amphit'iéàtre, comme le
furent [ilusieurs autres de ces saints mar-
tyi's. L'Eglise honore leur mémoire à tous
aven^celle de saint Pothin, le 2 juin.
GÉMINÉ (saint), martyr, eut la gloire de
donner son sang pour la re'ig'on à Fossom-
brone, avec les saints Aquilin, Gélase, Ma-
gne et Donat. Le Martyrologe romain ne
donne aucun détail sur leurs soutfrances, et
ne dit point à quelle époque eut lieu leur
martyre. L'Eglise célèbre la mémoire de ces
illustres martyrs le 4 février.
> GÉMINÉ (saint), martyr, souffrit pour la
foi, en Afrique. 11 eut ()our compagnons de
son martyre, les saints Aquilin, Eugène,
Martien, Quinctus, Théodote et Triphon.
L'Eglise célèbre leur mémoire le k janvier.
GÉMINIEN (saint), l'un d.s quarante-huit
martyrs de Lyon sous l'empire de Marc-
Aurèle, donna sa vie pour la foi, en l'année
177. Il mourut en prison, n'ayant pu sup-
porter jusqu'à la fin la violence des tour-
ments auxquels les persécu'ours le condam-
naient. Dieu l'appela à 1 ■! comme saint Po-
thinet une multitude d'au: tes. L'Eglise fait
la fête de tous ces glorieux martyrs le 2 juin.
GÉMINIKN (saint), souffrit le martyre à
Rome sous l'empereur Dioclétien- 11 fut
martyrisé avec une femme de (qualité, nom-
mée Lucie. A|)rès avoir souffert avec un
courage héroïque; de longues et rigoureu-
ses tortures, ils |)éiirent par le glaive. L'E-
glise fait leur fête le 1(5 septembi-e.
(JÉNÉRAL (sainlj, souffrit le martyre on
Afi'i(pie, en l'hoiiueur (hi sa foi et pour la dé-
f(;nse (le la religion chrétienne, lient pourcom-
j)aguon^desonmartyre,lessainlsCi'escenlien,
Vicloret Rosii'e. Nousmanquonsdedélailssur
répo([ue précise et les différentes circon-
stances d<; leur triomphe. L'Eglise fait col-
lectivement leur nu'MUoirti le 14 septembre.
(iÉNÉRKUX (saint), reçut la pahue des
gloriiHJX cond)attantsde la foi à Tivoli. Nous
ignorons complètement à quelle époque et
dans qmdles ciiconstances. L'Eglise fait sa
mémoii-e le 11» juillet.
(il^NKS (sainte eut la gloire de mourir
pour 1.1 l'-i <lir('honne. par um^ faveur toute
107:.
GEN
t;E?<
1074
spéciale de Jésus-ChrisK qui en le conver-
tissant nuiaculciiseiuent, voulut uionirorsu
puissance. Ses Actes sont beaux et aul lien-
tiques : nous ne saurions donner ici une
meilleure histoire de saint (lenès. L'Kgliso
ruinaine lait sa fôle le 25 et le 2ti «oût.
(ienès (Hait comédien h Uoine, dans la
troupe des comédiens de Touqx'reur. 11 ex-
cellait dans sou art. Lorsqu'il chantait sur le
théâtre, il charmait par la beauté et l'éten-
due de sa voix ; et lorsqu'il jouait ses rôles,
il représentait avec une naïveté qui surpre-
nait : rien n'est [)lus naturel ni {)lus ressem-
blant que les co;)ies qu'il faisait des mœurs
des houHuos, et surtout du ridicule ()ui se
rencontre dans la p!u,);irt de leurs actions.
Dioclétien élan! un jour h la comédie, (îcuès,
qui savait qiu^ ce |)rinco haïssait niortelle-
niont les chrétiens, crut qu'une pièce où
l'on jouerait les mystères de leur religion
lui plairait uniniinent. 11 parut donc dans
un lit. Oue je suis malade, mes amis, s'é-
cria-t-il, je vais mourir; je sens sur l'estomac
une pesanteur eifroyable, ne peut-on point
nie l'oler, et me rendre plus léger ? Ceux qui
étaient autour de son lit disaient : Que veux-
tu qu'on te fasse, et comment te rendre plus
léger? sommes-nous charpentiers ou menui-
siers, et v('ux-tu qu'on te passe au rabot?
Ces f.ides boullonneries faisaient rire le peu-
ple. Vous n'y entendez rien, répondit Genès,
et ce n'est pas cela que je demande ; comme
je sens bien ()ue ma fin s'approche, je veux
du moins mourir chrétien. Et pourquoi ? lui
répliquèrent les autres acteut^s. C'est, repar-
tit Geuès, atîn qu'à ma mort Dieu me reçoive
dans son paradis comme un. déserteur du
parti de vos dieux.
On feignit donc d'aller chercher un prêtre
et un exorciste ; et deux comédiens représen-
tant le personnage de ces deux ministres de
l'Eglise, s'étant mis au chevet du ht de ce
prétendu malade, lui dirent : Que voulez-
vous de nous, mon fds, et pourquoi nous
avez-vous fait venir? Alors Genès, changé
tout à cou[> par un eti'et miraculeux de la
^Tace, ré;'ondit, non plus par jeu ni par
leiute, mais très-sérieusement et de tout son
coB'jr : Je vous ai fait appeler pour recevoir
par votre ministère la grâce de Jésus-Christ,
afin que, prenant une nouvelle naissance
dans le saint baptême, je sois purifié de tous
mes péchés el déchargé du poids de mes ini-
quités. On achève cependant les cérémonies
du baptême; on revêt le néophyte d'une robe
blanche ; puis des soldats, qui se disent en-
voyés par le préfet de Rome, se saisissent
de lai, f.ignant de le maltraiter, et le mènent
à l'empereur qui riait de toute sa force, en
voyant exécuter d'une manière si naïve ce
qui se passait d'ordinaire à l'enlèvement des
saints martyrs. Pour continuer le jeu, Dio-
clétien, faisant semulanl d'être fort en colère ,
lui demanda s'il était vrai qu'il fût chrétien.
A quoi Genès répondit en ces propres ter-
mes : Seigneur, et vous grands de l'empire,
olliciers de la maison du prince, courtisans
et citoyens, soyez attentifs à mes paroles.
J'avais conçu une si grande horreur des
chrétiens, que leur rencontre était toujours
un funeste présage pour moi : leur nom m'é-
tait devenu si odieux, que je ne pouvais
m'euq)êcher do frémir h l'entendre seule-
nnnil piononcer ; et je i)renais un exMême
])laisir à aller insulter jusqu'au milieu des
touiinents ceux qui doimaient hnir vie pour
la défense de ce nom. Cette injuste aversion
allait si loin, et m'inspirait des sentiments
si peu raisonnables, que je ne pouvais souf-
frir ceux à qui le sang el la nature m'unis-
saient, non pas même ceux à (|ui je dois la
naissance. C'était assez, pour moi qu'ils fus-
sent chrétiens, pour devenir l'objet de toute
ma hain(^; leurs plus saints mystères ne me
semblaient pas moins dignes de risée que
leurs personnes de mépris. C'est ce qui m'a-
vait fait étudier avec soin leurs cérémo.ues,
et les différentes pratiques de leur religion,
pour les tourner en ridicule et en compo-
ser des pièces comiques ciui pussent vous
divertir. Mais , ô merveille surprenante !
dès le moment où. l'eau du bantême a eu
touché mon corps, et que sur la demande
qu'on m'a faite, si je croyais, j'ai répondu :
Je crois; dans cemoment-ih,dis-je,j"ai aperçu
une troupe d'anges tout éclatants de lumière,
qui, descendant du ciel, se sont arrêtés au-
tour de moi ; ils lisaient dans un livre tous
les péchés que j'ai commis depuis l'enfarice;
et ils ont ensuite plongé ce livre dans l'eau
des fonts où j'étais encore ; puis l'ayant re-
tiré, ils m'en ont fait voir les feuillets aussi
blancs que la neige, sans qu'il parût qu'il y
eût eu jamais rien d'écrit. Vous donc, ô em-
pereur, et vous, Romains qui m'écoutez ;
vous qui tant de fois avez applaudi aux pro-
fanations que j'ai faites de ces sacrés mystè-
res, commencez à les révérer aujourd'hui
avec moi ; croyez que Jésus-Christ est le vrai
Dieu ; qu'il est la lumière, la vérité, la bonté
même; par lui vous pouvez espérer le par-
don de vos péchés.
Dioclétien, tout bouillant de colère et de
dé[)it, le livra à Plautien, préfet du prétoire,
après lui avoir fait rompre plusieurs bâtons
sur le corps. Plautien, l'ayant en vain voulu
contraindre de sacrifier aux dieux, lui fit
déchirer et brûler les côtés. Pendant qu'on
le tourmentait, il ne cessait de redire : Il
n'y a point d'autre souve.ain Seigneur du
monde que celui que j'ai eu le bonheur de
voir. Je l'adore, je le reconnais pour mon
Dieu; et quand on me ferait mourir mille
fois pour Jui, je mourrais mille f o s avec
joie. Les tourments ne pourront jamais m'ô-
ter Jésus du cœur ; ils ne oourront jamais
m'ôter son saint nom de la bouche. Que
j'aide regret de l'avoir connu si tard 1 que
mes erreurs passées me causent de douleur I
faut-il que j'aie blasphémé si longtemps ce
nom adorable I comment ai-je pu avoir tant
d'horreur pour les chrétiens, moi qui mets
maintenant tout mon bonheur à mourir
chrétien 1 Entîn Plautien lui fit couper la
tête, le huitième des calendes de septembre.
(Ruinait.)
GENÈS ou Gêniez, grefSer à Arles, reçut
la couronne du martyre : on ignore en quelle
I07S
GKy
GEN
1676
année. L'Eglise célèbre sa fête le 26 août.
Nous donnons ici le récit de son martyre
d'après l'évoque Paulin.
Saint Genès, que la ville d'Arles recon-
naît pour son lils et révère comme son père,
poria les armos dais sa jeunesse ; ensuite il
étudia avec beaucoup d'applicalion, et exerça
avec un granii succès cet art si utile, qui
sait peindre d'un seul trait la voi\ sur le
papier, qui par la vitesse do la main, égale
la ra|)i lité du iliscours d'un orateur, et qui
rend mot pour mot, avec des notes abrégées,
les |)laidoyprs des avocats , les dépos.tions
des témoins et les réponses des accusés.
Ma'S on ])eut dire que cet ai't fut en lui
coiume une ligure ou plitM conmic u'i pré-
sage de la gloire éternelle; qu'il possède au-
jourdliui, et qu'il a méritée en écoutant
avec attention les préceptes du Seigneur, et
en les écrivant aussitôt, et av"c une exacti-
tude extrême, sur les tables de son c.eur.
Or, il arriva un jour que faisant, en présence
du juge d'Arles, sa fonction de grellier, on
vint à lire un éditim[);e et sacrilège, que les
empereurs fiisaicit publier pnr toutes les
provinces. Les oreilles du pieuv greffier en
furent blessées, et s;i moin refusa de les im-
primer sur la cire. Il lit plus; il se leva, jeta
ses registres aux pieds du j>igo, et renonça
pour toujours à un si triste ministère. Mais
en môme temps, pour obéir à l'Kvangile, qui
permet et qui ordonne même d'éviter le pre-
mier choc de la persécution , il se déroba
prompteinenlàlafureurdujuge, en changeant
souvent do retraite et en fuyant de ville en
ville. L'ordre aussitôt est donné de le cher-
cher et de le prendre. Mais comme il n'est
pas facile de découvrir le lieu où il se ca-
che. On ordonne qu'en quelque endroit qu'on
le trouve, il soit sur l'heure mis à mort.
Genès apprenant la chose, soit par le bruit
commun, soit [>ar des messages secrets (jui
lui étaient envoyés par ses amis, prend de
nouvelles précautions pour se tenir h cou-
vert, l'esprit en celte rencontre s'accommo-
danl h la faiblesse de la chair. Cependant,
comme il croyait avoir besoin d'être fortifié
dans la foi par le baptême, car il n'avait pas
encore été régénéré dans l'eau et par le
Saint-Esprit, il le, fit demander l\ l'évôtpie
par qiiehpies personnes allidées ; mais soit
que sur ces enlrelaiies l'évêipie eût été ar-
rêté lui-même, soit (pie se défiant de la jimi-
nesse de Genès, il ne voulut pas hasard(;r le
sacrement; (juoi qu'il en ■)OiL, il dillV-ra dti le
lui conférer; il lui manda seuleimMJt (pje
SOI sang répandu pour Jésus-Cluist lui
tiendrait lieu du ba()tème (pi'd avait si ar-
dennncnl souhaité (le re. cvoir. l'A j'e^lin)e,
po'ir moi, (jne c>; nr; lut pas sans utie dispo-
sition [) irticulière de la IMovid.ime, (ju(! l'é-
voque fil (pielque diflicullé d(? le ba liser.
C'est sans doute ipie e ciel voidul avoir lui
seul [jarl h sa consécration, r;l qu<5 Jésus-
Glirist lui préparait ut double biptême, ee-
lui de l'eau et celui du sang, l'un et 1 autre
sortis du côté de cc- divin Sauveur.
En ell'el, l)i(;u péui'tranl dans hfs disposi-
tions du cuiur do celui qui devait être bien-
tôt martyr, ne put consentir à différer plus
longtemps de le couronner. Il le montra donc
à ses bourreaux, et il l'offrit h l'épée de ceux
qui étaient altérés de son sang. Genès, de
son côté, se vovaiit découvert, se jette dans
le Uhôue, craignait beaucoup moins la vio-
lence de ce fleuve lapide, (jue celle des hom-
mes. Mais les eaux resj ectant le saint, ne
servirent qu'à le purifier des souillures qu'il
avait pu contracter dans le conuncrce du
siècle. Elles devinrent pour lui le> eaux d'un
nouveau Jourdain ; (!t par un douljle mvs-
tère qui s'opéra alors, les eaux du Khône
consacrèrent le corps de Genès, et le corps
de Genès consacra réci;»roqueinenl les eauv
du Uhône. Ce fut aussi a.pjiaremmenl ce qui
lui fit trav(n-S(M' sans migin- cette impétueuse
rivière. Le même amour (pii lit marclnn' saint
Pierre sur un lac, jioussa Genès d'ini ri-
vage du J\hône à lantre : tous deux allaient
à Jésus-Christ. Mais les bourreaux (jui le
suivaient de près, passèrent avec lui, et
l'ayant atteint sur h; bord on il venait de
pren Ire terre, ils lui ôtèrent la vie d'un coup
d'é|)ée, au même endroit (pie Dieu avait
marqué pour recevoir le saiig de son servi-
teur. On y a depuis érigé un oratoire, où les
fidèles vont en foule rendre leur-s vœux,
sûr's d'en rappor-ler l'accomplisseriient. Co-
peruJanl l'àme de Genès, vernie du ciil, étant
séparée de son corps, remoUe au lieu de
son origine, et le corps f or-mé de terre est
rendu à la terr-e. Les chrétiens de ce temps-
\h firent en sorte que les deux villes bâties
sur les deux rives d i Ilhone (1) partagi-as-
senl ce pr-écieux trésor, sans toutelois le di-
viser. Car- la terre du lieu où le martyr avait
versé son sang, en conserve chèr'cment les
vestiges, et lecoi'ps liairs;;orté à l'autre borxl
du fleuve hri sert d'or'iieruent et de déferrsc.
Ainsi le saint, f>r"é3ent en (piehjue sorte en
deux lieux, honore l'une (.les dcirx villes
par' son cor[)s, et l'autre |)ar son sang.
GENÈS (saint), martyr, cueillir la palme
du marlyr'e avec les saiils Anastase, pr-èlre,
Placide et d'autr'es que le Martyrologe ro-
main ne nomme point. C'est le 11 o>:tobr'e
que l'Eglise honoi-e la mérnoir-e de ces
sairrts martyrs.
G1:NÈS-CHANS0LLE (MvniE m:), reli-
gierrse du Saiirt-S icrement à Bolen >, fut
guillotinée le 9 jtrillet fîOi, avec Made-
leine! Taillen, l'cligiinrse du même or'd.e,
Louise Elusc, corrverse au même corrvent ,
cl Eléonore de Jnslamon , religieuse de
Sai!rl(;-Ca!h(M'iirc d'Avignon.
GIvNES, gr-ande vdie des Etats Sar'des, est
célèbi t! dans les anrrales de nos martyrs |)ar
les southarrces qu'y errdur'a l'évêipre S;do-
nron en confe>sant sa foi. On igmne cm (piel
teiirps.
GI':N(iOEL (saint), martyr en IJour-gogno,
est honor-é par l'Eglise le il mai. Né au soin
(I) Aiisone .iiipcilo doiiltlo h\ vilfiî d' A lies, et
f:iil |>:issiT le lUioiic eiiUr les denv viHes. l'.nsôbc
la pailaxe aassi en tieiix. el en iiiel ;nis><i une par-
tie s:ir Une (les rives tlii Klione. er l'aiilie partie
sur l';nUn: rive.
1077
d
fut de
CEll
GEN
i078
.'une des plus illustres familles du pays, il
.ut de bonne heure élevé dans la piété. A
celte époque l'éducation, niAnie celle des
gens riches et puissants, étail ()eu soi-née.
Gengoul fut obligé de chercher dans l'exer-
cice de la chasse un remède contre l'oisiveté,
celle mère, dit le vieux proverbe, de tous les
viees. Il servit dans les aniié(>s de Pépin, et
s'v distingua par sa bravoure. Partout, au
milieu des c<iin|)S, comme dans la vie du
monde, il garda la crainUî de Dieu. Jamais il
ne se [x^rmit rien (pii fiU conti'aire aux
ni.sximesdu christianisme, (longoul se ma-
ria : il prit f inme dans une famille dont la
splendeur éiait égale h celle de la sienne,
mais cette femme noble et riche ne fut ni
spirituelle, ni vertueuse. Elle se livra <i do
tels désordres, que son mari fut obligé de
demander, devant les tribunaux, sépai'alion
de corps cl de biens, (lengoul, débarrassé de
celte feimne indigne de lu , s(> consacra tout
entier aux exercices de la pénitence. Son
amour pour les malheureux, pour les pau-
vres , ses frères en Jésus-Christ, était si
grand qu'il leur donnait en grande partie
ses revenus. 11 vivait retiré du monde, et
ne songeait peut-être pas à punir sa femme
de la conduite scandaleuse qu'elle menait,
lorsque celle-ci, qui avait conçu des soup-
çons à cet égard, et qui craignait que Gen-
goul ne sollicitAt contre elle la sévérité des
lois, le fit poignarder [lar le comi)lice de ses
désordres, le 11 mai 7G0. Son corps fut en-
terré à Avaux en Bassigui. II est mainte-
nant à Saint-Piene de Varennes, au diocèse
de Langres. Voici les faits tels que les donne
l'histoire. L'Eglise honore saint Gengoul
comme martyr. Nous devons nous incliner
devant sa décisicm ; cependant, lorsque nous
voyons les plus éminenis écrivains disputer
à des saints le titre de martyrs et ne vouloir
leur accorder que celui de confesseurs, parce
qu'ils ne moururent pas directement pour
la foi, quoiqu'ils eussenf. souvent pour elle
enduré de longs et d'affreux supplices, le
baniiisseraont, la captivité, nous ne pouvons
nous empêcher de demander en quoi saint
Gengoul fut martyr. Il fut assassiné par l'a-
mant de sa femme ; mais dans cet abomina-
ble assassinat, la religion, la foi furent-elles
en cause? évi lemment non. Nous conce-
vrions parfaitement qu'on Ihonoràt comme
saint à cause de ses vertus; nous avons
peine à concevoir qu'on l'honore comme
martyr à cause de sa mort. Mais, encore une
fois, TE dise a i)rononcé,la cause est tinie et
nous nous soumettons d'esprit et de cœur,
encore [)lus que de paroles.'
GENIEZ (saint), le môme que saint Genès
d'Arles. Voi/. cet article.
GENNADE (saint), eut le glorieux avantage
de donner sa \.e pour Jésus-Christ avec
saint Félix. Nous ignorons en quel lieu , à
quelle date et dans quelles circonstances.
L'Eglise fait leur fcle collectivement le IG
mai.
GENSÉRIC , roi des Vandales, était le
deuxième (ils du roi Godégisile et succéda à
Gundéric son frère. Il est célèbre par plu-
sieurs faits d'armes bien connus. Le comte
IJoniface, gouv(nneur romain en Africiue,
l'ayant invité hU'. souienir de ses armes uans
sa révolte contr(! Valeutinien , enq)ereur
d'Occident, Geusèric vint, l'aid;), puis le
vainijuit lui-même, lorscjue, sur les remon-
trances de saint Augustin, Honil'aee voulait
re|)Ousser les Vandales de sa province. Il
[)ril Carlhagi; en 'i-'iO et y établit le siège de
son gouv(M'nement. Il prit aussi Uome en
kli'o, la |)illa pendant quatorze jours, et (;ni-
mena en captivité Jùidoxie (pji l'avait appelé
j)Our venger la mort de Valentinien, son
époux, tué par Pétrone-Maxime. Ce ])rince
excita une violente persécution contre les
chréliens.ll lit cruellement tourmenter saint
Armogaste, qui fut ensuite envoyé aux mi-
nes dans la liyzacène. Saint Archiunnu et
saint Sature endurèrent également des tor-
tures, mais il se contenta de les déjiouiller
de leurs biens et de les chasser de la ville,
par le conseil des ariens qui lui disaient :
Ne faites pas mourir les chréiiens, car ceux
de leur parti les honoreraient comme mar-
tyrs et notre cause en soud'rirait. {Voy. Per-
sécutions DES Vandales.)
GENTIEN (saint), martyr, était un vieil-
lard qui vivait auprès d'Amiens dans les pra-
tiques de la religion païenne. Vers l'an 286 ,
Riclius Varus, persécutant les chrétiens, les
poursuivait partout dans les Gaules. Ce fut
une raison de plus pour Gentien, qui avait
étudié les dogmes du christianisme, d'em-
brasser la religion de Jésus-Christ. Il allait
accomplir cet acte solennel, quand il rencon-
tra saint Fuscien et saint Victoric, qui d'A-
miens se rendaient à Paris sans avoir trouvé
dans la première de ces deux villes saint
Quintin, qu'ils espéraient y voir. Ils igno-
raient que ce saint eût été maityrisé; G'en-
ticn le leur apprit et les engigeaà loger dans
sa maison. Ils acceptèrent l'hospitalité qu'il
leur oli'rait, mais [)resque au même moment
Rictius Varus arriva et commanda qu'on
s'emparât de leurs personnes. Gentien, for-
tement indigné de ce qu'on vînt violer ainsi
•rhos|)italiîé qu'il donnait à ses hôtes, tira
l'épée pour en fra[)per le préfet. Cekii-ci fit
immédiatement arrêter le généreux vieillard,
et lui ayant demandé pourquoi il s'était
porté à une telle violence contre sa per-
sonne, en reçut cette réponse : Je suis chré-
tien , et j'ai agi ainsi parce que je désire
mourir pour Jésus-Christ et pour ceux qui
le servent. En ce cas, lui dit Rictius Varus,
votre attente ne sera pas longue. Il lui fit
trancher la tête, les deux saints Victoric et
Fuscien furent emmenés à Amiens , oii on
les martyrisa. L'Eglise honore la mémoire
de saint Gentien ie 11 décembre.
GENTIL (le bienheureux), franciscain,
naquit à Matelica (Marche d'Aucune). Après
ses études, il passa plusieurs années au mo-
nastère du Mont-Alvène en Toscane. Il y fit
de grands progrès dans la piété, et conçut
le dessein d'annoncer l'Evangile en Egypte
et en Perse. Il passa les mers et voulut ap-
prendre l'Arabe ": il ne put y parvenir. Il
forma le dessein de revenir en Italie : au
1079
GEO
GEO
1080
moment do son départ, Dieu lui apparut et
lui dit : « J'ai mis mes paroles dans ta bou-
che; va où je l'enverrai ; tout ce que je te
commanderai, tu le diras à ces peuples de
ma pai't. » Après ce miracle, il se lit que
Gentil possédait si bien la langue persane,
qu'il pouvait très-facilement jirèchor en
cette langue. Il convertit un très-grand nom-
bre d'inlidèles. Cornaro, ambassadeur de
Venise en Perse, ayant voulu visiter la
montagne de Sinaï, se fit accompagner par le
frèr ' Gentil. Comme il gravissait la monta-
gne avec lui, il s'aperçut c^ue le saint l'avait
tout à coup quitté. Gentil ne le rejoignit
que huit jours après, et, sur les instances
que lui fit Cornaro pour savoir ce qu'il
était devenu durant ce temps-lh, il lui ré-
pondit qu'il était allé rendre les derniers de-
voirs à son père qui venait de mourir à Ma-
telica ; ce qui fut en etfet confirmé à Corna-
ro par les habitants do cette ville. I^es disci-
ples de Mahomet portaient une haine Tarou-
che à notre saint à cause du succès de ses
prédications et étaient S'H'tout irrités des mira-
cles éclatants qu'ilavaitf-dtsàTrébizondeotà
Salmaslre. Aussi tomba-t-il bientôt vic-
time de leur fureur et de son courage évan-
gélique. Ses reliques furent apportées à
Venise par le Vénitien Nicolas Quirini qui
les avait achetées , et plus tard on les dépo-
sa dans une chapelle au couvent de saint Jé-
rôme, bâtie à son honneur. 11 s'opéra de
nombreux miracles par son intercession.
GEORGE (saintj, martyr, donna sa vie
pour la foi chrétienne, eu l'année 303 du
temos de l'empereur Dioclétien et durant la
persécution que ce prince cruel fit endurer
a l'Eglise. Saint George était Cappadocien
de naissance. Sa fannlle était une des plus
considérables de ce pays. Après qu'il eut
perdu son père, il se retira avec sa mère en
Palestine. Elle était do cette contrée, et y
possédait des biens fort importants. George
Se fit remarquer de l'empereur Dioclétien
dans le métier des armes qu'il embrassa. Ce
prince l'éleva bientôt aux })remiers grades.
Mais bientôt, George voyant qu'il persécu-
tait la religion chrétienne, donna sa démis-
sion, en la motivant. Il se plaignit à Dioclé-
tien de l'injustice et de la cruauté de ses
édils. Alors il fut arrêté et mis en prison.
Ri. n ne put l'ébranler, ni les menaces, ni
les tortures. Le lendemain il fut conduit
hors de la ville et déca|"it('. L'Eglise honore
sa mémoire le 23 avril. {Voy. Jos. Assemani,
m Culend. imiv., t. M, p. 'iai.
GEOR(iK, évô(jue intrus d'Alexandrie, fut
mis à la i)laco de saint Alhanase par les
Ariens, vers février ou avril 350. Le saint
évoque venait d'en être violerrniront chassé
I^ar le duc Syrien (sous le règne (hi Cons-
tance). Ce fut une assembk'M,* d'évèquos (pii
se tint <i Antioche, qui [)r(jcoda à c(îlle or'di-
nation irrégulière. Les principauv d'csiilre
les évoques (pri s'y tr-ouvaierd étaient Nar-
cisse de Cilici*;, 'rhé(jdofe do Thraco, Eugè-
ne de Nici'O, Palrophde de Scythople, ol
Mériophaulo d Iqjhèsc;. Ce (îeorge qu'on dorr-
nnil j*our buccosseur comme plus digne ii
saint Athanase, était Cappadocien, homme
de mœurs corrompues et méprisable sous
tons rapports, il mena longtemps le métier
de parasite. 11 se fût volontiers donné corps
et âme pour un dîner. Il fut ensuite employé
à Constantinople dans les finances de l'état.
Il y avait une place extrêmement minime. Il
était receveur de la forme du salé que man-
geaient les soldats. S'il eût exercé avec pro-
bité ces fonctions, on n'aurait aucune r-aison
de lui reprocher d'avoir passé par cet emploi
si mince. C'est l'homme qui honore l'état,
non pas l'état qui honore l'homme. Les apô-
tres furent choisis dans les rangs les moins
élevés de la société. Mais dans son emploi
George fut prévaricateur : il vola les deniers
du tr-ésor, et mérita les noms de voleur et de
banqueroutier, que saint Athanase lui ap-
plique dans plusieurs passages de ses écrits.
Ainsi les mauvaises mœurs, le vol, voilà les
taches et les crimes qui salissent et fiétrïs-
sent la vie de George avant sa promotion.
Nous sommes étonné qu'après avoir accu-
mulé contre sa mémoire des repr-oches si
bien fondés, un écrivain catholique et de
valeur, Tilleraont, ait pu écrirelc passage sui-
vant on parlant de George : « Etant a peu
près par le défaut de sa naissance, par le
mélange de son extraction, ce que sont les
mulets parmi les botes. » Est-il possible
d'écrire quelque chose de plus niaisement
stupide? on dirait le langage d'un hobereau
sot et vaniteux. George ne possédait aucune
instruclion.il était inca[)able do tenir une
conversation savante sur quelque point que
ce fut. Athanase dit qu'il n'était pas plus
chrétien que païen. Seulement il avait pris
le premier titre, parce que cela était plus
avantageux à l'époque à laquelle il vivait.
La raison qui engagea les arieris à le choi-
sir, fut qu'ils le savaient excessivement ci uel
et violent. C'était l'homme qu'il leur- fallait.
Sans doute ce furent ces qualités érninen-
tes, qui lui valurent de la part de Constance
les louanges 'les plus exagérées. Ce prince
l'appelait un homme au-dessus de tout tloge,
le révérondissime George, docteur pa.fait et
maître très-habile, le guide le plus assuré
dans lo chemin du ciel. Qu'aurail-il été pos
siljle do dire de |)lus s'il se fût agi d'un apô
tre, d'un docteur vieilli dans la sainteté et
dans la pratique la plus accomplie du minis-
tère? Aussitôt son entrée dans Alexandrie,
George se montra digne dos espérances que
les ariens avaient fondées sur lui. 11 lit pr-en-
dvc les vierges vouées au Soigneur et les lit
j)ubli(pioment tr-aînor en prison. On vit des
évè(|uos garr-oltés par dos soldats et menés
par eux dans les mêmes prisons, au milieu
(l(;s outrages de la populace. Les prêtres ca-
tholi(jues furent arrêtés. Lern'S par-onts eux-
mênros ouriml le mêiire sort. On pilla les
maisons dos catholiques. On mit les scellés
sur lorn-s logis, smdour'S propriétés. Sous |)ré-
l(!Xto de chercher A lhauas(',co monsli-e lor-oco
ot sanguinaire dévasiad les maisons, lavagcait
les );u(lirrs ; il violait l'agile do la mort ; il
faisait ouvrir les tond)(;.iux et y commetlait
loirtos sortes d'outr*agos onvor-s les restes sa-
1081
GEO
GEO
1082
crés (les catholiques. La désolation était au
c()ini)le : tout ci' (ju'il y avait <riionuéte dans
Alexandrie était en butte h la rago do ce lor-
cené ; on fuyait do toutes parts : les uns so
retiraient da'is les déserts ; les autres, sans
expérience des Ilots et des dangers de la
mer, conliaient leur salut h une pauvre bar-
que, préférant les incertitudes et les périls
d'un tel voyage aux atrocités que leur ré-
servait le boui'roau dos Alexandrins. Quand
on voyait de loin apparaître dans les rues,
sur les places, George ou quelqu'un dos siens,
o'i fuyait, on se caciiait. La terreur faisait la
solitude autour de ces enragés. Sébastien,
duc d'Kgypte, et successeur de Syrien, ai-
dait toutes les cruautés, les exactions, les
tyrannies de l'évéque intrus. Le préfet Cata-
{)ln'one, le conito Uéracle, le receveur géné-
ral Faustin, agissaient de même. Ils tirent de
nombreuses victimes, entre autressaintEuty-
que et plusieurs qui soulfiirent avec lui.
{Voyez son article.) Le 2 juin de la mémo
aîinée, les catholiques s'étant rassemblés
hors do la ville près du cimetière pour y cé-
lébrer les saints mystères, George requit
Sébastien qui, avec trois mille hommes de
ditférontes armes, vint se précipiter sur ce
peuple liJôh), et en fit vui grand massacre.
Un maiiicliéen, l'un des ministres de George,
lit allumer un grand feu, et ayant réuni au-
tour un certain nombre do vierges et de laï-
ques qu'on venait d'arrêter, voulut, on les
menaçant de les y jeter, les contraindre à ad-
mettre la foi d'Arius. Ses efforts ayant été
inutiles, il lit mettre ces saintes files entiè-
rement nues, et les lit battre si cruellement,
que longtemps après leurs visages portaient
les marques des coups qu'elles avaient reçus.
Par un raflineraent singulier de cruauté, il
avait ordonné qu'on les frappât avec des
branches d'arbres garnies delongues épines :
ces épines leur entraient dans la chair et s'y
brisaient. Beaucoup de ces saintes vierges
moururent soit entre les mains des bour-
reaux, soit quelques jours après. Quarante
hommes partagèrent le sort de ces vierges.
Les ariens refusèrent de laisser enterrer
ceux qui moururent. Les corps furent jetés
ça et là dans la campagne pour y devenir
la pâture des chiens errants et des bêtes
sauvages. Ceux qui survécurent furent exi-
lés dans la grande Oasis. C'était un espace
de terrain végétal oi!i poussaient des arbres
et do l'herbe autour d'une source, et perdu
dans les sables brûlants du grand désert,
comme un îlot au milieu des mers. Là se
retiraient aussi les bêtes féroces : c'était
comme une halle où le boa, les tigres et
les lions s'arrêtaient en traversant ces soli-
tudes ; et pourtant on prêterait un tel exil à
la ville que George épouvantait par ses
cruautés. Plus tard d'autres vierges furent
encore misesà mort par les ariens, aumilieu
des plus cruels supplices. Tout ce qui se
commettait avaitlieu, disait-on, par ordre de
Constance. George croyait par ses cruautés
devenir maître de toute la ville, mais il ne
réussit qu'à se rendre un objet d'horreur.
Personne ne voulait communiquer avec lui.
Dans son palais é()iscopal, hormis ses satel-
lites et les fauteurs de ses crimes, il no
voyait personne. Chacun fnyait avec elfioi
l'antre de la bête féroce. 11 no se borna pas
à exercer ses fureurs dans la ville d'Alexan-
drie : il était par le fait métro[)olilain
d'I'-gypte ; toute cette province lidèlo res-
sentit la tem|iête. 11 obtint un ordre de
Constance (]ui commandait (jue tons les
évê(iues fussent chassés de leurs églises et
d(! leurs provinces, etqiH! les ariens eussent
à pourvoir à leur remplacement. Près de
quatre-vingt-dix évô([uos furcnil enve'0|)pés
dans celte elfroyablc [)ersécution. Chassés
de leurs sièges, ils furent conduits connue
dos criminels en exil. On les envoya dans
les lieux les plus déserts et les ftlus éloi-
gnés. Beaucoup furent accablés do mauvais
traitomenis, quelques-uns jusqu'à en mou-
rir. Los prêtres et tous les ministres de
l'Eglise furent enveloppés dans cette per-
sécution. Parmi les évoques bannis, les
plus célébresfuront Draconco, évoque d'Hor-
mopolis , Adelphe d'Onuphis et Philon
(son siège n'est pas marqué). Il fut envoyé à
Babylone, sur le Nil dans la seconde Au-
gustamnique. A la place de ces saints évê-
ques, [)Our la plupart blanchis dans l'éfiisco-
])al, on mit des jeunes gens ignorants et dé-
bauchés: qu'ils fussent tarés de crimes, en-
tachés de vices, peu importait, une seulecnn-
dition couvrait tout : ils étaient dignes, s'ils
é;aient ariens et disposés à persécuter les
catholiques. C'est par ces hommes décorés
du titre d'évêques et instrumo'^ts dévoués
de la rage des ariens, que le peuple d Egj pte
subit une des [)lus cruelles perséci.tions
qu'il eût jamais endurées. Celle de Dioclé-
lion était sanglante, terrible ; elle n'était ni
aussi tyrannique, ni aussi odieuse. 11 n'y a
rien de terrible comme des persécutions de
parti : elles rcssemlilent aux guerres civiles.
L'étranger de croyance ou de patrie peut faire
une guerre cruelle et acharnée , jamais elle
ne sera atroce comme celle que se feront des
frères dissidents ou des concitoyens. George
était le chef elle directeur général de toute
cette persécution, de toutes les cruautés qui
se commettaient en Egypte. Cet homme abo-
minable persécuta non-seulement les catho-
liques , mais encore les païens ; il vola non-
seulement les ennemis de Tarianisme, mais
tout le monde, mais le pays, mais l'état. En
général ces hommes de parti, nous l'avons
toujours vu, dans l'antiquité comme de nos
jours, sont des voleurs, mettant un faux sem-
blant de religion, de patriotisme, de senti-
ment humanitaire, au service de leur ambi-
tion, de leurcupidité, de leursconvoitisesde
toutes sortes. 11 s'empara du salpêtre, des
marais de papyrus et de jonc , des salines.
11 imagina d'enlever au public le droit de
faire enterrer les morts. Il faisait faire des
cercueils et les vendait. Quand il avait trop
de cercueils, il savait pourvoir à leur emploi.
Enhn la haine contre cet abominable tyran
monta si.haut, que le peuple révolté, mû par
une indignation suprême, se porta sur son
palais, et voulut se faire justice par ses mains.
iOS3
GEO
GER
1084
George ne sortit pas sans peine de ce danger;
frappé, blessé, il parvint à se sauver et vint
vers l'empereur. Les partisans d'Athanase
reprirent les églises, mai-^ bientôt, sur l'or-
dre de Constance, les généraux qui coni-'
njai.daient en lîgvpte les en chassèrent et les
rendiieut aux ariens. Bijaucoup de ceux (pii
avaient | ris part à ce mouvement furent mis
à la question et ensjito condamnés à mort.
Gcoige rentra, après quelques mois d'absence,
plus furieux que jamais. Avec lui dans
Alexandrie rentré; enl l'épouvante et la plus
glande désolation. Jusqu'à la mort de Cons-
tance , George coniinua d'oj)priiner Alexan-
drie , ainsi que durant les piemiers mois du
règn-' de Julinu ; mais ce piinco ayant fait
tranclierla tète à Artèmce, duc d'Egypte, les
païens que George avait tyrannisée tout au-
tant que les chrétiens organisèrent une sé-
dition, s'emparèrent de l'évèque intrus, et
durant quelque temps le tinrent en [)ris()n ;
mais bientôt ils l'en tirèrent, le traînèrent
par les rues avec des crocs qui lui tenaient
les jambes écartées, et l'ayant placé sur un
chameau, le promenèrent un jour durant par
la ville. Enfin on 1h jeta au feu avec des os
de chiens, et on dispersa ses cendres. Ainsi
finit cet homme abominable, h l'égard du-
quel Dieu permit que la justice des hommes
précédât sa pro|)re justice.
GEORGE (saint), diacre, reçut la couronne
du martyre à Coi'doue, en Espagne, du temps
de la persécution que les Arabes firent souf-
frir aux chrétiens. Il eut, |)0ur r(.)mpagnons
de son triomphe, les saints Félix, Aurèle,
et les saintes Nalalie et Liliose. L'Eglise fait
leur fête collective le '27 juill;^t.
GEOKGES (saint), inscrit au Martyrologe
à la date du 20 octobre, est honoré comme
martyr ]n\i l'Stglise avec sainte Aurèle. L'his-
toire nous laisse ignorer les circonstances de
leurs combats.
GEORGES LLMNIOTE (saint), moine et
martyr, donna sa vie pour la défense de la
vérité catholiipje. Ce saint homme ayant re-
pris remi)ereur Léon do ce qu'il brisait les
images et brûlait les reliques des saints, il
eut par son ordi-e les mains coupées et la
tôle brûlée, et alla Irioirqih.int au ciel avec
l'honneur du martyre. L'Eglise fait sa fôte
le 2'^ août.
GEORtilS (Tecla), vice-roi du Tigré, en
Ab}ssinie, s'était converti à la foi cathuliipjc
quelque temps après que MélecS(.'gued, Né-
gous de C(} ()ays, y eût fait venir le patriar-
che Mendez, et plusieurs autres nnssion-
naires jésuites. Georgis s'était converti plu-
tôt |iour plaire au Négous, dont il avait
épousé la Iule, (pie par (;onvicii(jn. Mallnni-
reusement AJél(!C Segued avait ciu (|ui' I(ïs
prédications des missionn.iires (hivaieiil être
aidées [)ar la violence du pouvoir, et il avait
décrété que tout le monde, en Abyssinie,
eût à embrasser la foi calliolifpu; rom/iine.
On [leul voir les réllexions (pK- nous avons
faites à c(!t égard, dans l'ailicle Aijvssime.
I.a lille du Négous, épousi; de (jeor-gis, rm;-
n.iit urir; conduilr; lort légère : sou mari,
comuiy li lo devait, l'en reprit avec beaucoup
de sévérité. Elle se réfugia à la cour de son
père, qui eut la faiblesse de l'accueillir en la
couvrant de sa protection. Georgis S(; plai-
gnit et demanda au souverain qu'il cessât de
donner à sa lille ini abri sous le manteau de
sa puissan(;e, qu'il perniiit qu'on la jugeât,
piour que l'on pût voir si elle était coupable
ou innocente. Ces plaintes et ces demandes
ne furent point reçues comme la justice com-
mandait (ju'elles lé fussent : le Négous refusa
absolument ce ffue Georg s lui demandait.
Ce malheureux époux tomha dans une grande
tristesse; peu à p;u, à ce sentiment se mêla
le désir de la vengeance : il profita du mécon-
tentemei.t (jui existait partout dans le pays
conti-e les exigences religieuses de Mélec Se-
gued ; il abjura publi(piem(nit, et fit appel à
tous ceux qui, comme lui, n'avaient accepté
qu'à regret et en (piehjire sorte par con-
tr-ainte la foi catholique. Tous ceux qui n'at-
tendaient qu'une occasion favorable pour se
soulever crurent l'avoir ti'ouvée et s'unirc t
à Georgis. On résolut le massacre de tous
les missionnaires : prévenus à temps, ils pu-
rent échapper ; alors la fureur de Geor-gis se
tourna contre son confesseuf, qui se nom-
mait Jacques, et qui avait été élevé dans le
séminaire de Frémone ; il se le fit amener en-
chaîné au milieu de son camp', et lui porta le
premier coup. Aussitôt l'homme de Dieu
tomba percé de mille glaives Tous ceux des
conjurés qui ne purent pas le fr\apper encore
vivant, vinrent tremper dans son sang la
pointe de leur-s épées, en jurant qu'ils ne les
dé[)Osei'aient que lorsqu'ils animaient complè-
tement détruit la foi catholique dans le pays,
chassé ou exterminé ceux qui venaicmt l'y
prêcher. Georgis fit brûler ensuite tous les
objets de piété qu'on put découvrir : cr'uci-
fix , médailles, reliquaires. Le Négous vit
bien qu'il fallait employer- la for-ce pour triom-
pher d'une telle révolte. 11 déc'ar^a Técla
Georgis déchu de son gouvernement et de
tous SCS titres, et nomma, |)Our le i-empla-
cer, un catholiiiuezélé nommé KébaChristos,
qui vint, à la tète d'une nonahreuse armée,
pour prendre possession du Tigr-é. Les ar-
mes du Négous restèrent triomphantes apr-ès
une lutte acharnée. Ticla Geor-gis, apr-ès la
bataille, se cacha dans une caverne, où les
vainqueurs ne lardèrent pas à le venir pr-en-
dre. Conduit au camp, il fut condamné à
être pendu. Ce fut ainsi (ju'il expia le crime
d'avoir tué le bienheureux Jacques. Il est
rare que le sang innocent ne retombe i)as
dès ici-bas sur la tète de ceux qui l'ont
versé. (To//. Ahyssinie et Jacqmcs.)
GfiR.\Ri) (saint), évècpro de (^Ironad, en
Hongrie, martyr, n.Kpiità Venise ver-s le corn-
merirement du xi'' siècle. Après avoir j)assé
j)lusieurs années dans un morrastèrc, il de-
manda il ses sup -r-icîur-s la perruis>ion d'aller
visiter le saint sépulcr-e à Jér-usahnn. H eirt
occisiorr de (-onnailre le roi saint litionne en
tr-aversarrt la llo'igi-ie. Celui-ci le déterrniiift
à rre pas eonliriuer son voyage, et à l'aider
dans la corrver-sion des llongr-ois. Notr-r; saint
se bAlil irrr petit errnilage ;\ Réel, dans un
désert portant co nom, au diocèse de Vus-
i08K ÇER
prin. Il y passa sept années dans la pratique
dos macérations et des plus grandes austé-
rités. Sailli Klienne était en guerre h eello
époque. O'iand la paix fut conclue, il lira
notre saint de sa solitude, et lui lit pré(;'er
l'Kv.\n;ilo. Hicutùi après (îéiard tut élevé
sur le siégé éjiiscopal de Clionad ou Cli/.o-
nail. Son diocèse, tpii étaii barbare encore
et plongé dans les téi'èhres de ridol.Urie,
connut "'l)irniùt Jésns-Clirisl par les s^ ins
continuels qu'il leur donnait : ses l'atigucs
étaient excessiv' s , ses exeuiph'S nidaie-it
l)eaucoup h ses prédications. Il était liuin-
ble, modeste, passait une partie des nuits
en prières, et avait une niVection partirniièin
poiir les pauvres. Cependant saint MUcmiiuî
étant venu h mourir, son neveu Pierre lui
succéda, et signala son règne par ses (M'iiau-
ti'S et la pciséculion (pi'il (il soidl'iir <i (lé-
rard. Les Hongrois, méionteiits, rapiiclèrent
trois seigneurs fugitifs, Kndré, Réla et Lé-
venlé, frères, de la famille de saint Etienne.
Maisipiand ils furent arrivés, ils leur deman-
dèrent opiniàtiément la permission di- vivre
en païens, suivant leurs anciennes coutu-
mes, de tuer les évoques et les clercs, d'a-
battre les églises, de renoncer au christia-
nisme et d'adorer les idoles. Endré et Lé-
venté, car Bêla n'était pas encore revenu,
furent obligés de céder à la volonté du peu-
ple, qui neprcmettait de combatti'C contre le
roi Pierre qu'à ces conditions. Ui nommé
Vatlia fut le premier qui professa le paga-
nisme, se rasant la tète, à la réserve de trois
flocons de cheveux qu'il laissait pendre. Par
ses exhortations , tout le peuple commença
h sycrilier au démon et à manger -le la chair
d' cheval. I!s tuaient les chrétiens, tant
clercs que latjues, et brûlèrent [)lusieurs
églis s. Enhii ils se révoltèrent ouvertement
contre le roi Pii.Tre; ils (Irent mourir hcm-
teusemeit tous les Al emands et les Lati: s
qu'il a, ait répandus dans la Hongrie pour
divers emplois, et envoyèrent dénoncer à
Pie.ie que l'on ferait mourir Jes évoques
avec leur clergé et ceux qui h-vaient les
dîmes; (]ne l'on rétablirait le paganisme, et
que la mémoire de Pierre périrait h jamais.
Ensuite Euîiré et Léventé s'avancèrent avec
leui'S troupes jusqu'à Pesth, sur le Danube.
Quatre évèques. notre saint, Beztrit, Buldi,
et Béiiétha l'ayant appris, soriirent d'Albe
pour aller au-devant d'eux et l.'S recevoir
avec honneur. E'ant arrivés à un lieu nommé
Gio>l, iU entendirent la messe, que Gérard
célebia ; mais auparavant il leur dit : Sachez,
mes frères, que nous souffrirons aujourd'hui
le nnrtyre, exce|)té l'évècjue Bénélha. 11 com-
munia tous les assistants, puis ils se rendi-
rent h Pesth, où Vatha et plusieurs païens
avec lui les envir'innèreni, jetant sur eux
quantité de pierres. L'évèque Gérard, qui
était sur son chariot, n'en fut point bles-é,
et ne se défendait qu'en leur donnant sa bé-
nédiction , et faisant continu' llement sur
eux le signe de la croix. Les païens renver-
sèrent le chariot, et continuaient de la[)ider
l'évèque tombé par terre. 11 s'écria à haute
voix : « Seigneur Jésus-Christ, ne leur im-
GER
1086
nutez pas ce péché, ils ne savent ce qu'ils
rouf. .) Enfin on lui perça le corps d'un coup
de lance dont il mourut. On tua aussi les
deux évènues Beztrit et Buldi avec un urand
nombre de chrétiens. !\l;iis le duc Endré
étant survenu, délivia de la mort l'évèque
Bî'niétha; ain<i fut accomplie la piophéiiu de
Gérard, (pu; Fl-lgiise honore comme martyr
le jour de sa mort, le vingt-(piatrième d(î sep-
tembre. Le roi Pieri'e fut pris et aveuglé, et
mourut de douleur peu diî jours après. Lo
duc Ijidréoii Andi'é fut coui'onné roi à Albe-
Boyale la mémo année H)M, par trois évo-
ques qui restaient après ce massacre des
chrétifMis. Alois il ordonna h tous les Hon-
grois, sous |)einc d(i la vie, de (piitt(n' le pa-
ganisme, de revenir' à la re'igioii chrétienne,
et de vivre en tout suivant la loi que leur avait
donn''e le loi saint Elifnine. Heureusc.nmnit
Lcventé mourut dans le nièrm! temps ; car
s'il avait vécu davantage, et l'At devenu roi,
on ne doute pas ({ii'il n'ait soutenu le paga-
nisme. Le roi André fit bAlir un monastère
en l'honneur de saint Agnan, en un lieu
nomnu'^ Typhon, et depuis son règne la Hon-
grie demeura chrétienne.
GÉRAIILT, |)rè re, directeur des dames de
Sainte-Elisabeth, fut une des victimes immo-
lées aux (larmes, le 2 septem()re 1792, pen-
dant les horreurs de la révolution française.
A l'arrivée des bri,-,ands, il ne se laissa point
déranger par leurs cris, et continua son bré-
viaire. Il fut renversé d'un coup de sabre,
et percé de piquos.
GERBERN (saint), martyr, prêtre anglais,
partit de son pays avec sainte Dympne, fille
d'un prince Anglo-Saxon, qui fuyait, parce
que sa virginité courait des dangers aux-
(juels elle voulait la soustraire. D'abord ils
se lixèrent à Anvers, puis bientôt après à
Gheel, dans le Btabant. Ceux qui avaient
voulu attenter à la pudeur de la sainte les y
découvrirent et massacrèrent non-seulement
la jeune vierge, (|ui refusait de se livre- à
leurs infâmes désirs, mais encore le saint
prêtre (ieibern, qui l'avait accompagnée, et
dont le Martyrologe marque la fête avec la
sienne, le 15 de mai. Leur martyre eut lieu
dan*^ le^vw siècle.
GÉRÉON (saint), martyr, eut le glorieux
privilège de donner son sang pour la défense
de la vraie foi. Il fut martyrisé, durant la
pei'S ''cution de Maximin, avec trois cent dix-
huit autre>, dont malheureusement les glo-
rieux noms ne sont point |)arveiuis jusqu'à
la postérité. Ils périrent | ar le glaive. L'E-
glise l'ait leur sainte et immortelle mémoire
le 10 octobre.
GERMAIN (saint), compagnon des sa'nts
martyrs Papius, Pérégrin, Pompée, Hésy-
chius, Salurnius et Lucien, mowrut pour 'a
foi à Durazzo, sous l'euqiire de ïrajan. 11
n'existe ni pour lui, ni pour les saints que
nous venons de nommer, de documents po-
sitifs et détaillés. Le Martyrologe romain
met sa fête au 7 juillet.
GERMAIN (saint), soutTrit le martyre à Césa-
rée, en Cappadoce, sous le règne de l'empereur
Dèce, avec les saints Césaire, ThéophilQ et Vi-
1087
GER
GER
i088
tal. On n'a pas de détails sur leurs combats.
L'Eglise célèbre leur mémoire le3 novembre.
GERMAIN (saint), martyr, fut décapité à
CésaréCj en Palestine, sous Galère Maximien,
avec saint Antonin et ses compagnons, parce
qu'ils accusaient d'impiété le président Fir-
milien, et le reprenaient de ce qu'il sacri-
fiait aux idoles. Ils eurent pour compagne
de leur martyre sainte Ennathas, vierge, qui
fut meurtrie de coups et brûlée ensuite. L'E-
glise catholique honore la mémoire de ces
glorieux m.utyrs le 13 novembre.
GEK>L\IN ;saint) , soudVit le martyre à
Ossuna, en Espagne, durant la persécution
de l'impie Dioclélien, et sous Viateur, un de
ses lieutenants. Il eut pour compagnon de
ses souffrances saint Servand. Après les
fouets, la prison, la faim, la soif et les fati-
gues d'un très-long voyage qu'on leur fit
faire chargés de chaînes, ayant eu enfin la
tète tranchée, ils achevèrent le cours de
leur martyre. Germain fut enterré à Mérida,
Servand h. Séville. L'Eglise fait collective-
ment leur mémoire le 23 octobre.
GERMAIN (saint), patriarche de Constan-
tinople et confesseur, était tils du patrice
Justinien. Tout jeune encore, il fut considéré
comme un des principaux ornements de
l'Eglise de Constantinople. Il fut d'abord
nommé évoque de Cyzique, et il montra d ns
ce poste beaucoup de sagesse et de vertus.
En 715, il futnoiumé patriarche de Constan-
tinople ; dans cette éminente position, il eut à
défendre la foi contre les monothélites et les
iconoclastes; il le fit avec une générosité
toute épiscopale. En 727, Léon l'Iconoclaste
ayant défendu le culte des images, Germain
lui résista très-courageusement, et dit que
le culte des images ayant toujours été admis
dans l'Eglise, il était prêt à mourir pour le
défendre. Il écrivit à ce sujet à différents
évoques {Voy. Iconoclastes). Il eut une dis-
cussion ttès-vive avec i'em[)efeu:-, dans la-
quelle il lui parla avec toute la franchise et
toute l'autorité c{ui conviennent à un évo-
que; mais la rage de Léon ne fit qu'aug-
menter; il se prétfMidait a[)to h prononcer
dans les choses de la fui, et déclara t idolâ-
tres tous ceux qui, avant lui, avaient adoré
les images. En 730, il fit tenir un concile,
dans lequel il porta décret contre les ima-
gv^. 11 voulut forcer Germain d'y souscrire;
mais le saint vieillard retusa courageuse-
ment, aimant mieux le-^'Oiicer h sa dignité.
L'emper(uir, |)om' le chasser, envoya au pa-
lais patriarcal d(;s soldats (lui le fr/ippèrent
à coups de |)oings. Il se retira <à Plutanie,
pour y suivre les voies de la vit; munas i(pie,
après avoir tenu le siège de Constantinople
quaiorzeans, cinq mois et trois jouts. Il hnit
sai itemcnl sa vie dans celle retraite. L'Eglise
honore sa mérnoirc le 12 mai.
(iERMAIN (saint), mailyr, souffrit pour
Jésus-(^hrisl, h Rome, avec les saints Satur-
nin, Néo|)Ole cl Céleslin. Ils enduièrcnl de
cruels lourtuents, ensuite on les jeta d;uis
un Ciichot, où ils rendiront leur Ameà Dieu.
L'E^^lise honore ces saints le 2 mai.
GERMAINE (sainte), souffrit le martyre
pour la foi, en Afrique, sous le règne de Va-
lérien, l'an 259, avec les saints Paul, Gé-
ronce. Janvier, Saturnin, Successe, Jules,
Cal et les saintes Pie et Tertulle. On man-
que de détails aulhenliques sur leur mar-
tyre. L'Eglise fait leur fête le 19 janvier.
GERMAN (saint), que l'Eglise honore le
21 févriL'r, naquit à Trêves. Son père était
sénateur et fort rirhe. Modoald, évêque de
cette ville, prit un soin tout |)atticulier de
son éducation. Dès qu'il eut atteint l'âge au-
quel il pouvait disposer de ses biens, il les
distribua aux pauvres et vint vivre sous la
direction de saint Arnoul de Metz. Ce saint
ermite habitait Rennremont, en Lorraine. Il
avait été évèque et ministre d'Etat sous Da-
gobert; mais il avait quitté les grandeurs
])our vivre tout en Dieu. Bientôt German,
qui sous un tel maître se perfectionnait de
plus en plus, et goûtait combien est doux le
service du Seigneur, décida son frère Numé-
rien à faire comme lui, à ciuiiter le monde
pour se consacrer h Dieu. Ils se retirèrent
dans un monastère que saint Romaric venait
de fonder sur une montagne des Vosges : ce
monastère était formé de deux mais.ms, U!ie
grande pour'les femmes, une petite pour les
hommes. German pratiquait les plus gian-
de-; austérités : il était humble et recherchait
toutes les occasions de se mortitier. Au bout
de quelque temps, il se relira dans le mo-
nastère de Luxeu, qui avait pour abbé saint
Walbert. Le ducGodon, l'un des plus puis-
sants seigneurs d'Alsace, ayant fondé un mo-
nastère à Granfel, sa^lressa h Tabbé Wal-
bert, pour qu'il y envoyât des religieux. Ce-
lui-ci, coimaissaht tout le mérite de German,
le mil à la tète de celte nouvelle fondation,
avec inspection sur les deux couvents de
Saint-Ursils et de Saint-Paul Znverl. Quand
le duc Godon fut mort, le duc Bonifiée, (|ui
lui succéda, tint une conduite toute difie-
rente de la sienne. Il était dur, emporté,
violent et rapace. C'était un typ.e parf dt de
ces brigands féndaiix ne vivant que de pil-
lage et de déprédatiims. Chaque jnur voyait
se renouveler quelques violences conire les
moines et les pauvies (lui lub.taienl sur ses
terres. Le saint (hupud nous écrivons la vie
soutirait lrès-|)atiennnent les allaq es qui
avaient pour objet lin ou ses moines ; mais
il ne pouvait soulfrir les vexations dont les
pauvres étaient sans cesse accablés. Uu jour
(pie Bonifacc j^illait et ravag(>ait les terres do
ses malluMireux vass.iux, (iernum se l'cndit
vers lui pour lui faire des i-emontrances et
pour lui demander d'épargner tous ces mal-
lieureux. Le duc feignit de se laisser tou-
cher; mais, après le départ du saint, il en-
voya à sa ])oursuile des soldais (jui le tuè"
leut ?i coups de lance, avec R ludoald ou
Bandant, lun de ses moines qui l'avait ac-
compagné. Cet évônemeni eut I eu en Gl)6.
Leurs relique-; lurent transportées à Gran-
fel et placées d.ins une châsse (jui demeura
ex|)osé(! à la vénération des fidèles, jus(}u'à
ce (pie les protestants vinssent la détruire,
connue ils firent de tant d'autres.
GERMANIQUE (saint), fut martyrisé à
1089
GUE
GIL
1090
Sni.vriH' durant la porséculion do Marc-An-
toii'in et Counauile. Côlail un jeune lionimo
h la Heur de l'Age ; par le secoui\s de la giAce,
avant sui-nioUé la crainte que pouvait lui
causer la faiL)lesse delà cliair, il allatpia har-
(liinenl la l)ùle (pii, suivant la sentence du
juge, d vail Ie"d(Wurer; il en reçut la'U de
coups di' dents et de si cruelles morsures,
qu'il trouva la mort au Cirque. LEglise lait
sa mémoire le 19 janvier.
GÉKONCL; (saint), souHVit le martyre pour
la foi, cri Afi'i(pie, sous le règne dcï Valéiien,
l'an -2^60, avec les saints Paul, Janvici-, Salui-
nin, Successe, Jules, Cal, et les saintes Pic,
Terlulle ol Germaine. On niaïKjucde délads
authc'Uiqi'es s'ir leur martyre. L'Eglise fait
leur fête le 19 janvier.
CEUN'AIS (saint), martyr, eut pour compa-
gnon de son martyre saint Protais. Ils furent
les |)remiers dans Milan à verser leur sang
pour la foi. Cetti; circonstance, que noie saint
Ambroise (Ep. 5'i-j, prouve que ce futduiant
la })ersé(ul;on de Néi on. Ils furent tous deux
décapités. Saint Ambroise dit positivement
(juc leurs corps furent trouvés intacts, la
lèle séparée du tronc. Tous les monuments
de l'Eglise grec({ue concordent avec lui sur
ce point. Leurs corps furent trouvés par saint
Ambroise, devant les barreaux qui environ-
naient les tombeaux de saint Nabor et de saint
Félix : ils fuient transférés dans la basilique
Ambrosienne. L'Eglise fait leur fête le 19 juin.
L'Eglise du monastère de Ftviaiies, près
de Menne en Autriche, possède des relic[ues
de saint Gervais 1 1 do saint Prolnis, qui fu-
rent données à saint Séverin. Antioche et
Fondiavaie::t de ces reliques; toute la France
en possédait, notamment la ville de Tours.
Rome et Paris ont des églises sous l'invoca-
tion de ces deux saints. Ils sont patrons des
catbédralesde Soissons, de Sée-% de Lectoure;
ils l'étaient jadis de celle du Mans.
GÉTULE ouZoTiQUE (saint), mari de sainte
Symphorosc, et beau-frère de saint Amance,
était tribun dans les troupes de l'empereur
Adrien. 11 était fort riche et demeurait à Tivoli
(aujourd'hui Campagne de Rome) ; il quitta ses
richesses pour Jésus-Christ, disent ses Actes.
Peu!-ètre veut-on dire f[u'il faisait beaucoup
d'aumônes, car ses Actes ajoutent qu'il lo-
geait et nourrissait beaucoup de chrétiens,
Adrien envoya Céréal pour le prendre ; cet
envoyé, ciui est nommé vicaire, fut converti
par saint Gélule ei par son beau-frère Amance,
et vint se faire baptiser à Rome par le pape
Sixte. Quelque temps après, Gélule fui pris
par un nommé Licinius, avec Amance, Cé-
réal el un nommé Primitif. Après avoir élé
fouettés et diversement tourmentés, ils res-
tèrent vingt-sept jours en prison, el n'ayant
pas voulu consentir à sacritier, ils furent tous
décapités. Cette exécution se tit à 5 iieuesde
Rome, sur le bord du Tibre. La fêle de ces
saints martyrs se célèbre b^ 10 juin.
GHEEL, village situé dans l'ancien Bra-
banl. Sainte Dympne, iilled'un prince anglo-
saxon, ayant quitté son pays, parce que sa
virginité n'y était pas en sûreté, vint s'y
fixer avec le saint prêtre Gerbem, qui veillait
sur elle. Elle y fut découverte par ceux qui
la poursuivaient, et connue elle refusait do
ré|)ondre li jeurbrutahi passion, ils la mas-
sacrèrent avec saint Gerbcrn. C(! village pos-
sè(l(> encore les reliques de la sainte.
GIL (Fhançois), natif de Tortose, en Cata-
logne, S(i consacra h Dieu dans le couvent des
Dominicains de Barcelone. A 22 ans, il de-
manda la pei'inission d'aller [trêcher les Ido-
lAti-es dans les Indes Orientales. On voulut
l'éprouver, pourluidonhor le tempsde s'affer-
mir. On le tit professeur, maître d( s novices
h Barcelone; enfin, l'an l'729, il partit avec
23 autres religieux, pour les missions d'O-
rient. Il aborda h Manille en 1730. Envo é
d.ins la province de Paii-Pan-Ga, il y apprit
en fort peu de temps la langue, assez bi^ ri
pour y accomplir son ministère. Il y resta
deux ans. Il fut ensuite nommé assistant du
Provincial et secrétaire de la povince du
Saint-Rosaire : mais il sonifrait dans cet em-
ploi qui l'éloignait du combat. Voyant son
vif désir, on lui permit d'aller dans le Ton-
quiii , oCi il arriva le 28 août 1735. La persé-
cution y était sanglante. Il s'y occupa à cul-
tiver environ quarante chrétientés ou églises
que les Dominicams avaient fondées dans le
Tonciuin méridional. Etudier la langue du
pays durant le jour , instruire les fidèles,
leur administrer ïl'S sacrements la nuit, par-
courir le (lays au milieu d'idolâtres acharnés
contre les chrétiens, tel était le rôle qu'il
avait à remplir. Il se fixa à Luc-Thuy, où il
y avait des chrétiens fervents. A quelques
journées de là demeurait un bonze nommé
Thaylinh, cupide, superstitieux, ennemi dé-
claré du christianisme. Furieux de voir les
progrès qu'il faisait au détriment du paga-
nisme, il cherchait tous les moyens de l'ex-
terminer. Les lois, qui ne lui permettaient
pas d'attaquer les simples fidèles, l'auiori-
saient à s'emparer des missionnaires et à les
déférer au tribunal royal. Instruit que le
P. Gil était à Luc-Thuy, il y vint, dans la nuit
du 3 août 1737, avec beaucoup d'idolâtres
ciue lui et son fils dirigeaient. Gil disait la
messe. Le bonze investit la cha|)elle de tontes
parts; le ministre de Jésus-Christ est instruit
du danger en descentlant de l'autel. Il ne
voulait pas que les chrétiens fissent résis-
tance; il ouvrit lui-même la porte, se livra
et fut entraîné dans une barcjue. On emmena
avec lui deux femmes et un homme qu'on
prenait pour les propriétaires du lieu. Le
P. Gil fut très-atfeclé de les avoir pour com-
pagnons : « ils n'ont contrevenu en rien, dit-
il, aux lois du pays; ils ne m'ont pas logé. »
Sur ses instances, (jui étaient justes, le bonze
les renvoya. En le faisant, il demanda au
missionnaire s'il n'avait pas peur. « Non, ré-
pondit celui-ci, je ne crains rien pour moi;
mon Dieu j eut m'arracher de vos mains s'il
le veut : s'il veut être glorifié par mes souf-
frances < t par ma mort, très-volontiers, je lui
otfre ma vie. Je ne craindrais qu'une chose :
c'est que ma détention fût préjujiciable aux
fidèles qui me sont confiés ; mais je sais que
le Seigneur n'abandonne jamais ceux qui es-
pèrent en lui. »
4091
GIL
GIL
!092
Les chrétiens offrirent de l'argent an bonze
pour la libiM-té du niissioiuiaire. Cet homme
rei;ul l'argent et garJa le prsoniiier. Leschré-
tiens se f)laignireMl au gouv^Miieur qui en-
voya pour arrêter le bonze et enlever le mis-
sionnaire. Il voulait le metlie en liberté. Le
bonze prit la fuite et vint au tribunal royal,
racont ml k'S faits ;i sa manière, e! dénoieant
à la fois les chrt'tiens et le gouverneur." La
détention du P. (iil étant ainsi devenue odi-
cielle, le gouverneur n'osa plus mettre ses
bonnes intentions à exécution. Il fit conduire
le confesseur à Ketclio accusant à son tour
le bonze d'ôtre un fauteur de chrétiens, puis-
que le missionnaire avait été pris chez lui,
et qu'il était notoire quil avait reçu des [)ré-
senls de la part des chrétiens de Luc-Thuj.
Tous ces in c dents embrouillèrent la procé-
dure, la rendirent fort longue, et furent
cause que le P. (Iil dut confesser le nom de
Jésus-Christ devant neuf ou dix tribunaux.
11 vint dans la capitale après dix jouiS de
marche, consumé par la lièvre et accablé de
mauvais traitements. « Dieu, disait-il, m'a
envoyé la fièvre pour m'éprouver; car du
reste, il m'a laissé le creur plein de joie au
milieu de tout ce que j'ai souffeit.» A Ket-
Cho, il fut emprisonné et chargé de fers. Le
geùlicr voyant lélat dans lequel la fièvre et
la fatigue l'avaient mis, le laissa dans la salle
des gardes au lieu de le mettre dans un ca-
chot ; mais il y couchait sur la terre nue, et
n'avait pour nourriture qu'un peu de liz
qu'une femme chrétienne lui apportait tous
les jours ; encore le partageait-il avec les au-
tres prisonniers. (On sait qu'au Tonquin,
comme en Cochincliine, le gouvernement ne
pourvoit à aucun des besoins des prison-
niers; ils sont obligés de faire tous les frais
nécessai es, et, quand ils ont (pielque chose,
on leur fait payer le loyer de la [)risou.)
Bientôt, on le fit sortir de cette prison pour
le mettre dans une autre avec un ledouble-
ment inouï de rigueurs, car on lui ôta ses
hahits, et on lui mit de nouvelles chaînes
qu'il |)orta jusfju'à son martyre. Dieu eut [)i-
tié de lui; sa maladie guérit spontanément,
à l'insla )t même où on lui mettait ses nou-
veaiix fers. Ce (ju'il y eut de remarqualde,
c'est que jamais il ne consentit à se [ilaindro
du bonze Thay-lirdi , ni à reconnaître sa
conduite. Au commencement de novembre
17.n, il lut mené au tribunal, au milieu des
injures et des railleries de la populace. Les
juges, dont j)lusieurs croyai(;nt à Jésus-
Chiist, lui parlèi'ent avec bonté. Le trajet de
la prison au tribunal était fort long. Les fers
fais;iient aux pieds du saint des bîessuies
profond'S, et chaque pas qu'il faisait les leii-
dail plus vives. Il fut une fois couché
quinze jours sur la terre, sans (ju'ilslui per-
missent de remuer ni de changer de situa-
tion.
Deux femmes idolAtrcs eurent pitié de lui ;
elles obtitn-enl?) force d'argent la peirnission
de le pr(;ndre le jour chez elles pour lui
dotmfîr les soins (pie sf)n élat réclamai!.
Plus lard, on les autorisa h l(! gardrM' nuit
et jour sous cautir)!!, à rondifiorr qu'il se
présenterait à toute réquisition. Dans cet
asi'e, il recevait les visites d'un f)rètre; il
put lui-nrômo convertir' beatrcoup d'idolAtres.
Ses deux hôtîsses fui-ent les premières à
ertibr.'.sseï- la foi.L'u; e d'el'es avait été gi.éi'ie
mir'a(nileusement par' lui avant sa convers on.
Ll!e mourut peu afirès d.ins d > grarrds s-n-
timents de piété. L'autre, qui vécut encore
plusieui-s arinées , confessa généreusement
la foi de J 'sus-Christ.
Ajirès plusieurs interrogatoires, int Tvint
arrêt qui condairrnail le P. Cil à mort, et le
bonze et son fils h garder les él,;, hanis
coirrme coupables d'avoir eu chez eux le
missionnaire pendant 10 jours. Le saint
croyant le moment de sa m<irt venu, en res-
sentit une grande joi >. Mais il co.n,itait sans
les usages du pays. D'ortiinair-e, l'exécution
des condamnés n'a lieu que d nrs le deririer
mois de l'année, et quand il arrive, pour
une cause mr pour l'autre, qu'on y surseoit,
ce' te exé.'utini est toujoui's rej'tée d'une
année et (piehpief .is de pi is eurs. C'est ce
qui eut lieu pour le luissionnaire : la raison
en fut que le bonze appela de la sentence
qui le condamnait, et comme elle éiait com-
mune au siint, cet appel fut susj ensif do
son exécution. L'année d'après il se trouva
que tout le mois destiné aux .su|)i)lices l'ut
employé à des réjouissances publiques, pen-
dant lesquelles il était défendu de mettre à
mort personne. Plus tard, des guerres ci-
viles, le choléra, d'autres calamités [)ubliques
occasionnèrent de nouveaux relards. Le
saint homme en accusait son indignité. « Ce
bien que je souhaitais, disait-il, m'est re-
fusé pour mes j)échés, pour mon ingrati-
tude envers Dieu. Je l'avais sans doute at-
tendu avec trof) de présomption.
En 1738, il écrivit une lettre à Louis
Néez, évèqiie de Léomanie; il s'y réjouit de
ce que les habitants de Luc-Thuy n'ont point
été nralliai es ;\ son sujet; de ce qu'on leur
a re.stilué l'argent qu'ils avaient donné au
boize et de ce (jue ce bonze lui-rriéme, ti'a-
boid condamné h vie à la garde des élé-
phan's, av, it vu sa peine réduite h (i anin'es.
l ajoutait : Jùjo aaUin ciipitc (laiimalus suin.
Uliiinm Dcus iiiihi concédât ad hanc ylorium
pcrt ingère !
El juillet 1739, il comparut devant un
nouveau tiibunai ainsi (p.je le bonze Thay-
Tinh. Celui-ci, pour- démoiUie. l'ausse l'ac-
cu.-aliorr portée coirtre lui, dem.irda (pr on
apj ortAt des images trouvées en posse sioii
du P. Cil afin de h s fouler' aux pieds cl de
prouver par là (pi'rl n'avait rien de comnrun
ni avec lui ni ave;.' sa religion. On inrl par
terre un crucifix et quehpies autres iirragi s;
on ordonna au missioMiaire de les f .nier aux
pieds. « Je ne le ferai jam.ris, » dil-il , et
s'agenouillant, il baisa respe/lueuscmmil le
ci'ucilix. Il fit la niéine chose pour' l'rmago
de la sainte Vierge. Le Juge liri ayant de-
mandé où il croy.iit aller a|iiès sa nioit,
«j'espère, répondil-rl, aller air ciel joirir du
bonheur que Jésus-Christ promet étenrellc-
nient h ceux (pii le servent et qu'il leur a
mérité pur sa mort. « Il parla aussi sur l'iru-
s
on
1093 GtL
niortali((^ de l',\mo, sur les peines et les ré-
coth|ieM.sos, (iociriiio qu'il dit avoir élé ré-
vélée par Dieu inéme. Ou lit ap|)oitcr uu(ï
massue. Il crut (lu'ou allait le IVapoer el
l'aKeuouilla |iour recevoir les cours. Mais
»n lui ordonna d'eu frapper le crucifix. Alois
saisissant riu>liuiueiit, il le jeta avec hor-
reur loin de lui. Ou le mit entre les uiaius
du bi)u/e (pii s'an|)rôta îi IVapper les saintes
images. Mais le missionnaire st^ jetant h
terre, les couvrit de ses mains et dit au
bonze : « Frappez maintenant ». « Kn vé-
rité, dirent le> juj;es, des coups de massue
leur feraiei.t grand mal ! » Alors le saint prit
occasion de celle radlei'ie pour expli([uer
fouuui'Ut les chrétiens entendaient le culte
des images, et cpiclle était la nature du res-
pect (pi'iis leiu- poilaient. « \'ou(liiez-vous,
dit-il au\ juge-, fouler aux pieds l'image de
votre père, l'i-a|)[)er celle du priiu^e? Ce (pii
vous en empôcher'ait, ce serait nou pas la
crainte d'oc(;asionner de la douleur- aux
images, mais bien de mau(|uer cK; resficct ii
ceux qu'elles représentent. » La sentence fut
contiriuée.
Thay-Tinh interjeta encore appel. Le mis-
sionnaire con)[)arut de nouveau devant un
autre tril)unal le 20 septt mbre 1739. Il en
protita pour confesser encore la vérité et la
for. 11 dit les luotifs qui l'avaient amené au
Touquin; prétendit que i)ersonne n'a le
di'oit d'empêcher quelqu'un de prêcher une
religion qui vient de Dieu; que les lois qui
le défendent sont un abus d'autorité. Le ma-
gistrat voulut lui faire dire quels étaient
ceux qui l'avaient reçu et qui avaient pra-
tiqué l'hospitalité à son égard. 11 répondit
d'une manière générale pour ne compro-
mettre persomie. Il refusa de signer le pro-
cès-verbal (le la s»'ance, si on refusait d'y
changer deux caracières que le secrétaire y
avait introduits, et qui pouvaient, étant fort
équvoqnes , sigrilier qi;e le missiomiaire
avait avoué que sa religion est fausse. Le
président les lit t;liacer ; après quoi, le mis-
sionnair-e signa et fut reconduit eu prisoir.
En 1740 et J7il, les troubles et les fléaux
qui dés/lèrent le Touquin em[)èchaiei.t les
autres missionnaires d y exercer' leurs fonc-
tions. Mais lui dans la maison qui lui servait
d'asile, célébrait les saints mys ères, con-
fessait, ba[)tisait les petits enfaits. On ob-
tenait même des magistrats, des geùliei'S, en
les i^)ayant, i[u"ils permissent au saint uad-
minisii'er des malades, des inlirmes, tant
dans la vile (pie dans la campagne. Du reste,
il y avait plusieurs magistrats qui étaient
chrétiens; le sixième Irôre du roi 1 était
aussi. Le P. Gil célébra la messe dans son
palais le jeudi saint 1742. Quelque temps
ap'ès, on voulut obtenir sa délivi'anco m
employant auprès du roi plusieurs persor.nes
intluentes et notamment sa tante, [rincesse
qui était chrétienne. Le P. Gil n'y consentit
qu'à condition que dans la requête on dirait
au roi les motifs qui l'avaient amené au
Tonquin, ainsi que ceux -pour lesquels il
avait été condamné. La princesse, croyant
bien faire, dit à son neveu que celui pour
GlL
4094
qui elle intercédait n'était qu'un négociant
V(iin pour ses alfaiies; (pi'on j'.ivait an été
sons préiexle qu'il pr-èchait la religion chré-
tienne, mais (pie le tribniwil avait condamné
celui (pri l'avait arrêté à gaixhir les éléphants.
Le roi accorda la grAce, eir supposant que
les faits fussent viai<. Un euinjipie fut
char-gé de les vérider. 11 eOt été trè^-laciledc
faire parlei' l'eunuiue comme avait fait la
j)rincesse; mais le P. Gil ne voulut pas al-
térer un mot de la vérité. Il dit pounpioi il
était venu au Tonquin, que la liberté cpr'on
lui ren(lr;iit lui serait odieuse s'il Ini fallait,
pour lacoiupiérir, se dire antre qu'il n'était.
Ces aveux rendirent la requètjj inutile. On le
laissa dans les fers, mais il y fut aussi libre
(pi'auparavanl, et continua deux ans encore à
utiliser son saint ministèr-e.
lùr mars 1743, il comparut de nouveau,
con!éssa la foi, malgr-é les menaces, les mau-
vais traitements. Le juge voulant qu'il dé-
iionciU (pie!(pi un, le menaça de la torture
en lui disant : « Je vous fer-ai parler. » « Je
soulfrirai la torture, lui dit le missionnaire,
et je ne parlerai pas. » Bient(jt il eut un
compagnon de captivité : Mathieu Alono,
nommé en( ore Alphonse Leziniana, natif de
Nava Del Ke en Lsfiagne, fr-ère prôcieur, était
entré au Tonquin en 1732. Obligé de se ca-
cher jusqu'en 1733, il avait à cette époque
recommencé ses prédications qui, penuant
dix ans, avaient é,é très-fructueuses. On
verra à son titre comment il fut arrêté et
comment il devint le compagnon de capti-
vité du P. Gil. Le 30 mai 1744, on les réunit,
ils demeurèrerit ensemble jour et nuit, uti-
lisant leur ministère autant qu'il était en eux.
Bientôt ils conçurent une grande espérance;
le grand oncle du roi les fit appeler pour
avoir des éclaircissements sur la religion
chrétienn\ Celte conférence eut lieu le 19
juillet 1744, Malheureusement, elle n'eut
})as le résultat qu'on avait es])éié. Le prince,
après avoir lu (Quelques fragments d'un hvre
écrit en Tonquinois, que lui remirent les
missionnaires, Itur exprima ses doutes. Il
convint que la religion de son pays était
j)ieine d'absurdités et de faussetés. "Mais il
ajouta qu"il cominenait moins encore les
dogmes de la religion chrétienne avec ses
mystères.
Le ToiKjuin continuait d'être frappé d'une
muliitude d' fléaux. Pensant qu'il y avait
quelque chose de providentiel dans tous ces
malheurs publics, le roi donna 1 ordre d'étu-
dier de nou.eau les procès de tous les dé-
tenus, de mettre les innocents en liberté et
même d'user d'in(iulgerice envers les cou-
pables. Beaucoup lie chrétiens pensèrent que
le moment était o[)porlun pour sauver le
P. Gil. Ils voulaient présenter un placet,
mais, lui, témoi-na conibien il en sprait af
fligé. « Que penseront les idolâtres, disait-il,
quand ils verront (-eux qui leur prêchent la
patience, le courage dans les tourments,
craindre de sceller de leur sang les vérités
qu'ils annoncent. » Ses amis n'osèrent plus
persister dans leur dessein ni même oflïir
rançon pour le saint missionnaire. A régar(î
4095
GIL
GIL
1096
du P. Leziniana, on crut pouvoir agir ditfé-
rcmment. Les jug<'S intliiencés par les dé-
marclies qui eurent lieu, mod fiùrent la sen-
tence qui Vavait condamné à la peine capit.ile
et prononcèrent contre lui la [jeine d'une
détention peri)étuelle. La sentence du P. Gil
fut maintenue. Quand on présenta au roi
ces deux sentences, ne s'evpliquant pas pour-
quoi elles él.iient si diUercntes dans deux
causes identi ues, il refusa sa signature et
renvoya pour un nouvel examen devant le
tribunal criminel. Comme les deux sentences
étaient distinctes, le bruit se répandit que le
P. Gil allait ètie exécuté, que son conifia-
gnon au ccmliaire serait é[iarg''té. Le secré-
taire du tribunal criminel donna plus d'au-
torité à ce bruit en disant le 21 janvier 17i5
aux chrétiens de la cour, que le P. Gil allait
avoir la tête tranchée le lemlemain, sans
rien ajouter qui concernât le P. L ziniana.
On vit alors une étrange chose : tandis que
les chrétiens se réjouissaient en pensant
qu'au moins un de leurs pasteurs resterait ,
le P. Gil ne pouvait contenir sa joie. Le
P. Leziniana au cont aire ne pouvait mo-
dérei- sa douleur. Crlui qui devait mourir,
félicité par l'aulro, était obligé de le consoler.
« Soyez tranquille, lui disail-il, ne pensez
pas que nos ennemis se contentent d'une
victime. Après m'avoir pris, ils se tourne-
ront vers vous; votre supplice n'est que
diileré. Je ne mérite pas plus que vous le
bonheur qui m'est accordé. Es[)ércz que
Dieu ne vous le refusera pas. » De toutes
parts on venait témoigner aux confesseurs
J'alfeclion qu'on leur portail. Dans l'excès de
leur douleur, les chrétiens montraient tout
le chagrin qu'ils éprouvaient, au P. Gil, et
disaient à l'autre toute la joie qu'ils ressen-
taient en pensant qu'il allait être sauvé.
Sentiments bien naturels et qui i)0urtant
n'étaient pas d'accord avec ce qui se passait
d'^ns l'âmc! des deux saints. Le vicaire a|)os-
tolique du Tonquiu, ne pouvant venir lui-
même envoya un de ses serviteurs vers les
deux confesseurs pour les saluer de sa part
et pour les prier d'être au ciel intercesseurs
auprès de Dieu en faveur de l'Kglise qu'ils
avaient évangélisée. Le 21 janvier, le P. Gil,
en prenant congé de cet envoyé, lui dit
d'annoncer à son maître sa mort pour le
lendemain; le soir venu, il assembla ceux
qui l'avaient servi et leur dit : « Je ne puis,
mes enfants, ({ue suivre le précepte de mon
divin maître; iirenanl son testament pour
exem[)le du mien, je vais le faire; je vous
lègue tout ce que j'ai de [)lus précieux, la
môme rccoiiuuandation (ju'il fit à ses apô-
tres : « Aim(!Z-vous les uns les autres; » la
charité, ce trésor que je vous laisse est le
nlus grand bien des iKuiunes ici-bas, et il a
le don d'ouvrir l(!s poites du ciel. Au(nnu^
vertu n'est plus suivant le cœiu'de Dieu (|ue
celle-là. Je vous en supplie, aid(!Z-moi par
la prièrfj dans les combats (pu; je vais avoir
h soutenir et rec(;vez nuta remercîments
pour tous les services (jue vous m'avez
rendus pendant huit anné(;s (jui! j'ai été
captif. » Voyant les larmes couler autour de
lui et ne pouvant retenir les siennes, le saint
confesseur dit un dernier adieu à tout le
monde et rentra dans sa chambre pour y
passer la m.it en prièies aux pieds de celui
qui soutient les faibles et double la puissance
des forts.
A irois heures du matin, il célébra la messe
ei entendit celle que dit le P. Leziniana. Au
jour, il se rendit à la prison pour faire ses
adieux aux prisonniers, pour remercier les
geôliers de ce qu'ils avaient été pour lui. 11
voulut faire aux i)auvres les aumônes qui
étaient en s(Vi pouvoir ; il leur distribua tout
ce qu'il possédait au monde, c"e^t-à-dire, un
peu de riz qu'il avait encore pour sa nourri-
ture. Les soldats qui devaient le conduire au
supplice, arrivèrent à huit heures; le P. Le-
ziniana ne le quittait pas. Il voulait être té-
moin de sa mort, ne croyant pas être appelé
au même bonheur. Tous deux partirent de
la prison entourés et suivis d'une multitude
de peuple. Celui qui devait mourir senjblait
inondé dejoie tandis que l'aulie était navré
de tristesse. Les idolAtres disaient : « Quels
sont donc ces Européens si peu semblables
au commun des houuaes ! Le suprême bi«^n,
c'est de vivre, et eux ne demande:. t qu'à
mourir. » Le cortège était arrivé devant la
grande porte du palais , quand on vint an-
noncer au P. Leziniana que le tribunal re-
venant sur la décision des seconds juges,
avait confirmé la sentence des premiers, et
qu'il allait mourir avec son compagnon.
« Que Dieu soit béni ! dit-il. » Le P. Gil fit
doîiner quelques pièces d'argent qu'il avait
aux deux geôliers, gardiens de la prison, qui,
suivant l'usage du ])ays, devaient exécuter
la sentence. Quand on lut arrivé au lieu du
supplice, les deux Dominicains, la face contre
terre, prièrentlongtemjjs; puis mutuellement,
ils se donnèrent l'absolution, La foule était
recueillie et resjiectueuse. Chrétiens et ido-
lâtres admiraient le courage _deb saints mar-
t\rs. On raconte qu'une vieille |)aienne, dans
la naïve ferveur deses cioyances, se tenait à
genouxdevant ses idoles, à quelque distance
(iclà,lessu[)pliantde sauver la vieà ces étran-
gers, dont la douceur et la résignation lui
])araissaient ne pas |)ouvoir appartenir à des
criminels. On les attacha <i deux pieux. Les
yeux au ciel, ils faisaient ci Dieu i'honunage
de leur existence. Au signe qu(^ lit le ma-
gistrat, les bourreaux leur tranchèrent la
tête. Aussitôt, les chrétiens, fraiichissant les
barrières, pénélièrent dans l'enceinte jiour
y recueillir tout ce qu'ils purent prend e des
saintes relicpies des deux martyi'S. Leurs
ch(;veux, leuis vêlements, tout fut (unporlé.
On i)i'il nu'ime la terre (pi'avait imprégnée
le\u' sang. Les ministres de la justice À qui
les serviteurs des deux saints avaient donné
une forUîsonmie d'argent pour (ju'ils conser-
vass(întles corps des (hnix martyrs, ne lurent
pas mailres de h.vs garder. Les chrétiens s'en
emparèrent, les deux têtes fureid rinnises au
jésuite Picnre-Xavier, Toiupiinois, (pii les fit
porter hi lendemain avec les (;orps dans lo
ijouigd(! Luc-'llui.y. Spinosael Pie de Sainte-
Croix les onscvelnonl le 20 janvier dans la
1097
(;iK
GLt
1098
maison qui loiir avait sorvi de domeure. Peu
do ti>ui|)s apiùs, on les tiansléivi dans lY'gliso
du litni avec hcaucoup de s()l('nni:6. Assis-
taient à (X'tle translation le l*. l'onsj;rau, vi-
caire provincial des dominirains, (inchincs
augnstins cl le l'. Hilairo de Jésus, auguslin
réioraié, éviVjne de Corée et vicaiie aposto-
lique du Toni)uin.
ÙIRONE, ville d'Espagne, est célèbre par
Je martyre qu'y soull'rit saint Félix ])ar l'or-
dre du président Dacien. Il lui battu clcruel-
Jeiuent déchiré avant de rendre l'Ame.
GlUOZAYÉMON JOACHIM ( le bienheu-
reux), fut martyrisé en l(i08, au Ja[)on, dans
le royaume ileFin^o, avec Michel Faciémont
et Jean Tingoi'o, ainsi que Thomas, lils de
Faciémont, et Pierre, lils de Tinyoro. Le m()t
wta;V?/rjse que nous enq)lo}ons ici pourrait
parAitre impropre, étant a|)i)liqué ci notre
saint, si on ne savait que rK^^lise considère
comme maiMyrs non-seulement ceux (lui
meurent violemment de la main du bour-
reau, mais encore ceux qui terminent leurs
jours dans les souUVances des cachots ou
dans les rigueurs de l'exil. Girozayémon
était, ainsi que Faciémont et Ti-igoro, un des
seigneurs les plus puissants du royaume de
Fingo. Tous trois étaient directeurs d'une
conlrérie qu'on avait fondée dans ce royaume
sous le nom de la Miséricorde. Lorsque le
roi de Fingo commença à persécuter les
chrétiens, il lit enq)risonner nos trois saints.
A répoque de 1608, il y avait près ue (;uatre
a n.s qu'il les tenait en prison. La nourriture y
était si mauvaise, la prison était si malsaine,
les soins de toutes sortes manquaient telle-
ment aux saints confesseurs, que Girozayé-
mon mourut de misère. A la nouvelle de sa
mort, le roi ordonna de décapiter ses deux
compagnons, ainsi que leurs enfants. En ap-
prenant cette sentence, tous deux déclarèrent
qu'ils en étaient ravis, et que s'ils avaient
un souhait à former, c'était celui de voir les
bourreaux épuiser sur eux toutes les tortures
que leur art pourrait leur suggérer. Le roi,
qui caignait que le peuple ne se soulevât,
commanda de presser l'exécution. Dès(iu'on
eut signilié aux saints confesseurs, et l'arrêt
qui les condamnait, et l'heure à laquelle ils
allaient mourir, on les conduisit la corde au
cou hors des murs de Jateuxiro. On envoya
deux soldats pour chercher leurs enfants.
Le {)etit Thomas, lils de Faciémont, n'avait
que 12 ans, le tils de Tingoro, nommé Pierre,
n'en avait que sept. Thomas, ayant appris sa
condamnation, courut se revêtir de ses plus
beaux habits et vint spontanément au-devant
du funèbre cortège. 11 sauta au cou de son
père, en lui témoignant sa joie d'être associé
à so i sort. Lorsqu'on fut arrivé au lieu du
supplice, les saints confesseurs attendirent
quelque temps que l'autre enfant arrivât ;
mais comme il ne venait pas, ils furent déca-
pités en son absence. L'enfant était chez son
grand-père et dormait encore, quand le sol-
dat qui devait l'amener se présenta. L'en-
fant, sans témoigner aucune crainte, s'habilla,
et prenant le soldat par la main, vint avec
lui au lieu du supplice. Un peu{)le immense
PiCTiONN. ©ES Persécutions. L
le suivait : ((uand h; petit martyr tut arrivé,
il se mil ;i genoux près du corps de son père,
et joig'iant s(!S mains, il présenta sa tôle au
bourreau. Comme (;elui-ci levait le bras, pour
le lVap|)er il se lit niu; innnense clameur, l.o
peupl(; indigné ne pouvait se contenir: \f*
bourreau de son côté jeta son glaive el s'en-
fuit; successivement deux autresvime il et en
lirenl autant. Fnlin un esclavecoréen se char-
gea (lel'exéculion ; mais étaiu inhabile ( t for-
tement énuj de ce qui se passait autour de
lui, il dé(;hargea plusieurs coups de sabre
sur la têle el sur les é[)aules de l'enfant
avantde pouvoir lui coujier le cou. Le [letit
martyr se ht hacher ainsi sans i)0usser un
seul cri.
(ilV^ALlUS (saint), fut l'un des quarante-
luiit mart, rs mis à mort avec saint Saturnin,
en Afiiipie, sous le proconsul Anulin, en l'an
de Jésus-Christ 305, sous le régie et duiant
la i)eiséculio i si terrinle que linfilme D.o-
clél.en suscila contre l'Eglise du Seig•^eur.
{Voy. SArciiNiN.) L'Eglise célèbre la fête do
tous ces saints le 11 janvier.
GLABHION {Mon. Aciliu»}, fut consul en
91 de Jésus-Clirist, tO et 11 de Domitien.
. Baronius , et après lui Dodwel, niellent ce
personnage au nombre des martyrs, préten-
dant que Doinilien le lit mourir pour cause
de christianisme. Le passage de Dion sur le-
quel se fondent ces auti urs [Dionis Cassii
Historiarum GO , typis Wecchdianis , nn.
1606) a [irobablement été lu tmp légèrement
par eux ou mal interprété. Il ne dit pas un
mot qui confit nie l'opinion qu'ils en tirent.
Voici la vérité sur la mort de Glabrion. Do-
mitien, qui était aussi cruel que Néron, avait
voulu que Glabrion, étant consul, descendit
dans l'arène pour y combattre un lion. Gla-
brion, loin de s'épouvanter, attendit de pied
f.!rme l'animal féroce el réussit à le tuer.
Une si grande adresse jointe à tant de force
et de coura^;e , c'était assez pour effrayer
Domitien. Il eut peur que Glabrion tournât
sa bravoure et sa force contre lui, et ne le
tuât. Il l'exila d'abord, sous prétexte de cons-
piration contre l'Eiat, et ensuite le ht mou-
rir. L'Eglise n'a pas partagé l'opinion de
Baronius et de Dodwel : elle n'a pas mis Gla-
brion au nombre des saints.
GLEYO, prêtre du séminaire des Missions-
Etrangères , soutint de la persécution en
Chine, en 1777. Larolat.on doses soutirances,
écrite par lui-môme , est une pièce authen-
tique trop belle pour que nous cherchions à
la remplacer. « Traîné, dit-il, au tribunal du
Lao-ve", la première question qu'il me lit l'ut
celle-ci : Européen! qu'ètes-vous venu faire
iL"i?_Jes,:is venu, lui dis-je, [.rocher la reli-
gion chrétienne, et ce n'est pas, comme voub
le pensez, la secte de Pelen-Kiao ; notre reli-
gion est connue de l'empeieur. Il y a jus-
que dans sa cour des Europ'-ens qui l'ensei-
gnent tout comme moi; ils ont dans Pékin
des églis 'S ouvertes où l'i.u fait publique-
ment les exercices de notre sainte religion;
l'empereur Kang-hi a été sur le point de
lembrasser; il y a des chrétiens dans toutes
les provinces de l'empire, et ceux qui con-
3o
1099
GLE
GLE
ilOO
naissent leur doctrine ne «'ont jamais con-
fondue couHJie vous, seigneur, avec la secte
infAuie des Pelen-Kiao. » Le Lao-ye me de-
manda alors de quelle utilitépouvaitdoncètre
notre religion. Je lui réjiondis qu'elle pré-
servait ceux qui l'embrassaient et la prati-
quaient de la damnation éternelle, et qu'elle
les conduisait au bonheur du ciel. 11 me de-
manda aussi si nous n'adorions pas des ido-
les : ayant répondu à cette question avec indi-
gnation et de manière qu'il n'eût pas un mot
a me répliquer, il me dit : « Mais, h t'enten-
dre, ta religion est bien nécessaire? — Oui,
lui dis-je, indispensablement nécessaire.
— Quel intérêt, ajouta-t-il, as-tu de venir de
>i Iwin pour prêcher ta religion dans cet
empire? — Point dautre, lui répondis-je,
que l'amour que je dois avoir pour Dieu et
pour les liommes à cause de Dieu. — As-tu
tou père et ta more? — Ma mère seule vit
encore. — Pourquoi n'es-tu pas resté pour
l'assister? Comment regarder comme bonne
une religion qui autorise ceux qui l'embras-
sent à abandoimcr leurs parents ? — Ma
mère, lui répondis-je, n'a pas besoin do
niûu secours ; elle a été très-contente que
je vinsse ici pour faire connaître ma reli-
ftion. » Alors, prenant mon crucifix, il me de-
manda l'explication de cette image. Je la lui
donnai le mieux qu'il me fut possible, après
quoi il ordonna ({u'on me reconduisit en
prison. Le lendemain, 31 mai, il alla avec
ses satellites dans l'endioit où j'avais été
pris, pour faire la recherche de mes ell'els. 11
y trouva toute machai)elle, à l'exception du
calice qu'on avait eu soin de cacher. Quand
il vit les ornements sacerdotaux, il me crut
plus que jamais de la secte des Pelen-Kiao.
La chasuble était mon manteau royal ; le de-
vant d'autel, l'ornement de mon trône; le
fer à hostie, l'instrument pour battre mon-
naie ; mes livres, des livres de sorcellerie.
Le soir, quand il fut de retour et qu'il eut
raconté tout cela à mes gens, l'un deux, étant
venu comme à l'ordinaire pour nous renfer-
mer, m'annonça ma mort comme prochaine, et
tout de suite on lit ajouter à ma chaîne un
collier de fer avec un bâton aussi de fer,
long d'un i)ied et demi; attaché i)ar un bout
à mon collier et de l'autre à mes menottes,
p^jur m'ein{)êcher de faire aucun usage do
mes mains, parce ({ue le Lao-ye, me croyant
sorcier, voulait m'ùler le pouvoir de faire
des maléfices. Le même soir, il me lit apj)li-
quer son sceau dans le dedans de ma che-
mise, ensuite de (luoi il ordonna qu'on me
fouill;1l j)lus exactement. On m'enleva alors
les reliques et la boite des saintes huiles
que j'avais conservées jusqu'à ce moment. Le
Lan-yo était si entêté à nous faire i)a.s,ser
j)our des Pelen-Kiao, (pie, sans plus amph;
information, il dépêcha un courrier à la ville
de Thong-Kin pour avertir le gouverneur
de ce qui se passait et demander main-forte
contre les Pel<in-Kiao (pii commen(;aientàso
montrer dans son district, ayant un Luro-
péen à U-.uv tête. Le lendemain jeudi, en at-
tendant ['.M-rivée du gouveriKîur, il so mit h
lire lob livres do religion qu'il avait trouvés
parmi mes effets. Il tomba sur un volume oii
les commandements de Dieu étaient expli-
'qués assez en détail avec quelques saintes
histoires. 11 fut fort étonné d'v trouver une
si belle et si sainte doctrine; il connut alors
sa bévue et fut forcé d'avouer que notre reli-
gion enseignait à faire le bien; mais il était
trop tard. Son accusation devant le mandarin,
son supérieur, était déjà faite, et, voyant que
l'affaire allait tourner contre lui, il chercha
le moyen do se jnstilicr à nos dépens. Pour
cela il nous lit venir en sa présence, l'après-
midi, pour voir s'il ne se trouverait pas
quelque chose de répréhensible dans nos
réponses. Il cita d'abord Oang-thien-Kio. 11
ne tira de lui que la confession de la doc-
trine du décalogue et l'explication do quel-
ques-uns de mes ornements. Ensuite il fit
venir André Yang; ne pouvant le laire con-
venir que nous avions dos livres de sorcelle-
rie, et voulant à toute force nous faire pas-
ser pour sectateurs d'une mauvaise religion,
il s'acharna sur cet enffint pour le forcer à
avouer des horreurs qui ont fait tomber le
feu du ciel sur Sodome. Pour le juinir de sa
fermeté à le nier, il le lit frapper à ditleren-
tes fois de cinquante soulllets. Ce traite-
ment si rude n'ayant point ébranlé sa cons-
tance, il lui fit donner en quatre fois vingt
coups debàlon sur la cheville du pied droit.
Cet enfant, dont les ciis me perçaient le
cœur, commença alors à perdre la voix et
bientôt toutes ses forces, en sorte que le
Lao-ye fut obligé de s'arrêter et de le ren-
voyer. L'ayant fait mettre à l'écart, il m'en-
voya chercher. 11 se contenta de me faire,
sur mes ornements sacerdotanx, quelques
questions auxquelles je répondis. Il me de-
manda encore le nombre de mes disciples.
Je lui dis que, tant hommes que femmes,
il y en avait environ cinquante. Il s'étonna
qu'il y OLlt aussi des femmes, à quoi je ré-
pondis : « Les f -mines aussi bien que les
hommes n'ont-elles i)as une àme à sauver ?»
Mes réponses ne l'ayant i)as satisfait, il s'a-
dressa à un Chinois chrétien ; il lui demanda
son nom de baptême et pourquoi nous pre-
nions do tels noms. On lui dit que nous
étions dans cet usage, pour nous proposer
un saint à imiter, alin d'arriver au ciel
comme lui. Voilà ce qui se passa dans le se-
cond interrogatoire, a{)rès leipud on nous fit
reconduire en prison. J'eus la douleur d'y
trouver mon enfant, André Yang, le visage
extrêmement enllé, le sang extravasé dans
les yeux et ne })Ouvanl prescjue plus se sou-
tenir, à cause de la torture qu'il venait de
soullrir aux piecls. Malgré les douleurs que
lui causait son état, il revint, en me voyant,
à l'aimable douceur et à la joie ininn ente
(pi'il a |)ar caractère, et, contre l'ordinaire
en semblable occasion, le suilendemain, il
se trouva rétabli.
« Le'ijuin, le gonvernour d'Yun-Chang
arriva et prit connaissan('(! de notre all'airo
avant l'arrivée des mandarins de Tchon-Kin.
Il nous cita devant lui et nous [»arla d'abord
avec beaucoup de dcuiceur, montrant qu'il
désapi)rouYait l'esclandre qu'avait faite ie
1101
gle:
Lao-ye en son absence. Apn's quchiucs
questions imlillrirnlos pour savoir d'où j'é-
tais, il iu(i demanda si jo n'adorais pas les
idoles connut! les antres : « Non, assurénn-nl,
lui ré|)ondis-je. » L'arli(;lo sur le([ni'l il in-
sista le [)lus i'ut counnenl j'instruisais les
fennnes.ll y revint à plusieurs reprises, atin
do donner le lein|)S à son secrétaire d'écrire
mes dépositions. Je lui répondis toujours de
la même manière, savoir : que (piand j'étais
dans une famille, jo m'asseyais, aux lieures
d'instruction, tout au bout de la salle com-
nunie des hôtes ; que les hoinmes se ran-
geaient d'un côté et les l'ennnes d(! l'autre,
vers la porte qui conduit dans l'intérieur de
«î maison; que cinix. (jui croyaient à ma doc-
tnne, embrassaient la religion chrétienne,
nuis ([ueje n'y forçais jamais ceux (pii re-
fusaient d'y croire. Après m'avoir teiui de-
vant lui environ un ([uart d'heure et demi,
on vint ainioncer l'arrivée du Lao-ye, et l'on
me renvoya bien vite. Ce prince, (jui est
beau- père de l'empereur actuel, parut avec
beaucou[) de pompe, accompagné, selon l'u-
sage, de plusieurs mandarins inférieurs et
suivi ae neuf cents soldats avec leur colo-
fiel et jeurs chefs suballernos. Ce grand ap-
pareil causa beaucoup d'étonnement dans
tout le voisinage. Tant de mandarins venus
à la fois pour procéder et combattre contre
les Pelen-Kiao virent avec joie qu'ils avaient
été trompés par l'imprudence de Lao-ye. On
lui en lit des reproches bien amers, et il fut
condamné à des amendes pécuniaires qui ne
lui furent pas moins sensibles. Le lende-
main, 4 juin, le Toutai-ye ou gouverneur du
Tcliou-Kin, ville dupremierordre, nous cita
devant lui. Il nous interrogea peu et seule-
ment pour s'assurer que nous étions chré-
tiens, et non des Pelen-Kiao. Le soir, pen-
dant la nuit, on nous mena devant le sous-
gonverneur. Il interrogea le jeune André
Yang et moi ensuite. Il me fit subir un in-
terrogatoire très-long et très-minutieux; il
me demanda si j'étais venu seul Européen
en cette province, question fort embarras-
sante, étant venu avec M. Mary. Je répondis
qu'en même temps que j'étais à Canton, il y
avait aussi deux: autres Européens; qu'ils
allés à Pékin, et que j'étais parti pour venir
ici; cela était exactement vrai, car deux jé-
suites s'étaient rendus, cette même année,
dans la capitale de l'Empire. Je m'en lins
toujours à cette réponse, et enfin il n'insista
plus sur cet article. Il me demanda ensuite
si le prince dont j'étais sujet savait que j'é-
tais venu -ici; à quoi je répondis que non;
il voulutjqueje lui déclarasse en ma langue
d'Europe les noms de ceux de ma nation qui
étaient à Pékin, et celui du royaume où j'a-
vais pris naissance. H fit tout cela pour s'as-
surer de plus en plus que j'étais Européen.
Enfin il me questionna sur le nom et le nom-
bre des chrétiens. Je refusai de lui répondre,
en le suppliant de ne [)as l'exiger de moi; il
ne répliqua rien et me renvoya en prison.
Le lendemain lundi, 5 juin, nous fûmes ci-
tés i)Our la seconde fois, dans la matinée,
devan^ le Toutai-ye, en présence d'un autre
CLi; fiof^
grand mandarin. André Yang reçut cinq
soulUets; Ouang-Thcin-Tsio en reçut dix,
pour avoir parlé en laveur de nos livres;
'i'cheou-Vong-Koui en reçut aussi dix pour
avoir dit i]u'il ne savait pas lire, ce (lui était
très-vrai. Ensuite le Toutai-je, s'adressant
à moi, entreprit de me faire dire que j'étais
V((nu ici, non pour prêcher ma religion, luais
l)oiir chercher à m'ein-ichir(il voulait jtar làci-
vilisermon all'aire); il ajouta (}uesij(î m'ob-
stinais à le nier, il allait jue fau'e trancher la
tète. Je m'obstinai cependant, et aloi's il melit
donner quehjues sonlllets, disant : «Si ta re-
ligion p(!ut quehiue (;hose , qu'elle t'arrache
d'entre mes mains. » Jeluiré[)ondis quenotie
religion n'élait pas établie jjour nous procurer
un bonheur temporel , mais pour nous con-
duire au bonheur du ciel. Là-dessus il me fit
fi'apper de nouveau, disant en colère: « Le lieu
de la félicité célest(i n'est-ce pas la Chine? »
Je crus ([u'il était iimlile de répondre à de
pareilles extravagances. Je gardai donc le
silence, me recommandant à Notre-Seigneur
qui, sur la croix, ne répondit |)as autrement
aux blasphèmes qu'on prononçait contre lui.
Jene reçus en toutquc seize soufflets. LeTou-
tai-ye, voyant qu'il ne pouvait pas venir à
bout de nous faire dire ce qu'il voulait, em-
ploya un dernier moyen. 11 fit apporter la
machine kia-kouen pour me faire donner la
torture aux pieds. Pour lors les soldats vin-
rent autour de moi, et, me laissant toujours
à genoux, ils me poussèrent et me firent re-
culer jusqu'au bas de la salle. Là ils m'ôtè-
rent mes souliers et mes bas, me mirent la
machine aux pieds et commencèrent à la
serrer. En même temps, le Toutai-ye criait
du haut de la salle : « Dis donc que tu es
venu ici pour chercher des richesses ! — Je
lui répondis que je ne le dirais pas. — Pour-
quoi es-tu donc venu? — Pour prêcher la
religion. — Quelle religion? — La religion
chrétienne. » Voyant qu'il ne pouvait pas
m'arracher l'aveu qu'il désirait, il se mita
dire aux bourreaux : « Ecrasez-lui les os. »
La violence delà douleur me fit évanouir:
je ne voyais presque plus; je n'entendais
plus que la voix des bourreaux qui me
criaient à pleine tête : « Dis donc que tu es
venu ici pour avoir du riz et de l'argent 1 »
A la fin, j'entrevis le sous-gouverneur qui
disait au Toutai-ye : « Monseigneur , cet
homme ne reniera point sa religion, il est
inutile de le tourmenter davantage. » Alors
il ordonna de lâcher la machine, et tout de
suite les soldats me prirent par-dessous les
bras et me portèrent hors de la saUe. Après
cette torture, on sent un violent mouve-
ment dans les entrailles et un malaise dans
tout le corps qui jdure assez longtemps.
Lorsqu'on m'eut remis en prison, j'éprou-
vai ces accidents, et il s'y joignit une fièvre
qui dura deux heures. Je crus que j'allais
avoir une bonne maladie, et que mon heure
désirabli' ne tarderait pas d'arriver. Il n'en
fut pas ainsi ; ayant pris un peu de nourri-
ture, à la sollicitation des chrétiens, mes
douleurs se dissipèrent, et je me trouvai
presque entièrement guéri. L'après-midi,
im
GLE
OLL
1104
on nous appela cucoro |)Oui' nous conduire
devant le grand mandarin, appelé Tao-ye ; il
nous fit peu de questions. S'adressant à moi,
il me dit (jue si j'étais venu ici pour cher-
clier de l'argent, mon alFaire serait peu de
chose; mais^que c'était un crime à moi de
d rc que j'étais venu pour cause de ma re-
ligion. Après cela, adcessant la parole aux
.filtres mandarins qui étaient tous présents,
il leur dit tout haut : « Cette alfaire n'en
vaut pas la peine; c'est inutilement qu'on
nous a fait venir; vous n'avez qu'à vous yi
r. tourner, j'irai moi-môme à Tchen-tou ar-
ranger toutes choses avec le Tsong-tou. »
Sur cela, on nous ramena en prison. I.e len-
de:uain, 6 juin, il partit pour Tchen-tou, et
lri)is jours après on nous fit partir ausNi
pour y aller, accompagné du ïoutai-ye de
Tchon-Kin. Nous arrivâmes dans cette capi-
tale de la i jovince le 21 du mois de juin.
« En entrant dans la ville, nous fûmes
cnnd lits à la porte d'un grand mandarin,
cù on nous fit attendre environ deux heures,
après quoi on nous mena devant le Toulai-ye
de C'tte capitale. Aussitôt qu'il nous vit, il
s'assit sur son tribunal, et il me fit compa-
raître tout de suite devant lui, ne voulant
aui.un témoin. Je trouvai un homme qui
n'aimnit pas les persécutions ; ra is il ne
voulait i)as m'e-^tendie dire que j'étais Eu-
ropéen, s Mil nant que ma figure seule prou-
vait que j'étais de Canton; c'était pour me
suggérer de dire comme lui ce qui aurait
mis fin à tout. Je refusai d'entrer dans ses
vues, et je d.s toujours que j'étais Eurojéen.
A \\ lin, la grande envie que j'avais d'em-
pêcher le progrès d'une telle |)ersécution fit
que je ré|)Ondis qu'en un certain sens je
pouvais me dire de Canton, y ayant une de-
meure; mais cette réponse ne le contenta
pas; il insista [>our me faire dire que j'étais
originaiie de Canton, ajoutant d'un ton de
colère : « Tu ne l'embarrasses pas de f^ire
m')urir les gens avec ton nom d'Euro-
péen; » et, là-dessus, il appela ses s;îel-
1 tes et me fit donner cinq soulllels. L'état
de faible.se où j'étais me fit tomber éva-
noui, ce (pii l'obligea h me renvoyer bien
vite en prison. J'y fus longtemps étendu
])ar terre sans [)ouvoir recouvrer mes forces.
D'iuze jours après, il me cita paur la troi-
sième f »is. Dans tout le chemin, depuis la
prison jusipi'à la salle, il avait aposté des
gens qui me pressaient à chaque pas de me
dire de Canton. Alors, voyant l'envie qu'il
avait d'élargir les chrétiens qui avaient été
pris à mon occasion, et considérant le dan-
^os où il me disait que je les exposais, je
crus pouvoir lui dire qu'il pouvait me trai-
teur comme étant de Canton, |)uis(pie j'y
avais une demeure dans le district delà ville
Sin-xaii ; je me trompai de nom , c'était
Hian-xan. Ce fut le dernier iiilerrogatoire
que je subis dans cette capitale, où j'étais
détenu prisonnier avec les chrétiens. La
prison dans laque le on nous ninferma était
le vrai séjour de la minière humaine. Des
Chaltîurs excessives, une odeur insupj)orla-
k)le, do \ii uiali)roi)relé, do la vermine, olc,
etc. Les prisonniers, logés tous ensemble,
étaient ordinairement au nombre de plus de
soixante, une grande partie dans une misère
qui fait horreur. Outre cela, il y régnait
une maladie contagieuse qui en faisait nmu-
rir un grand nombre; les malades étendus
par terre, dans un état que la décence ne
permet pas de décrire, le tumulte, les criail-
leries, les vexations des geôliers, sans par-
ler des abominations auxquelles se livraient
plusieurs de ces malheureux. André Yang y
fut malade; son état me causa une vive ai-
lliction; mais rien de plus édifiant que sa
patience et sa douceur. Il me disait qu'il
mourrait content, [)arce que j'étais auprès
de lui. Dieu qui avait d'autres desseins sur
ce saint enfant, lui rendit la santé en peu de
temps. Trois des chrétiens qui avaient éié
arrêtés avec moi furent atteints de la maladie
contagieuse, et deux d'entre eux furent en
danger pendant plusieurs jours. 11 ne mou-
rut dans cette prison qu'un seul chrétien,
qui n'était point priso^'uler pour cause de
religion, il avait eu la faiblesse de déserter
pendant la guerre du Yun-nan. Dès qu'il
eut appris qui nous étions, il se joignit à
nous ; j'eus la consolv^tioU d'entendre sa con-
fession et de le voir mourir dans les plus
grands sentiments de piété. J'entendis en-
core la confession de Tchang-Rouen , qui
mourut aussi, après qu'on l'eut changé de
prison. Ce jeune Chinois était fort aimé
des païens mêmes , qui le regrettèrent à
cause de ses bonnes qualités, il tomba
malade, à ce queje pense, pour avoir exercé
la charité envers l'autre chrétien dont
j'ai parlé ; il était trop assidu auprès de
lui, et il lui parla de trop près pour l'exhor-
ter à la mort. Combien les desseins de Dieu
sont admirables I Je|)enserais volontiers que
la Providence nous avait conduits dans cette
prison pour l'âme de ce déserteur. Depuis
plusii'urs années, il avait été |:iivé des se-
cours de la religion et de ses miiistres, et
il profita si bien de ceux que je lui donnai ,
qu'il mourut pénétré de crainte et d'amour
pour Dieu. Peu après sa mort, il vint un or-
dre de faire changer de prison aux chrétiens.
Je demandai si mon nom était sur la liste,
on médit que non. Ainsi André Yang, mon
jeune écolier, et les tiois auti-es Chinois, fu-
rent séparés de moi, e' je restai seul chré-
tien dans celle où j'avais été mis d'abord.
Nous y avions été ensemble vingt-un jours.
Leur sépai tion me fut fort amère, et j'avoue
qu'elle me coûta bien des larmes. Je me vis
piivé désormais de toute consolation de la
part des ho»;imes, dans des détresses et i\cs
peines d'esprit de toutes espèces. J'étais ha-
niluellement réduit dans un tel elal de fai-
blesse, que j'avais de la ])eino à tenir la tète
droite et à lever les mains liées de deux
menottes fort serrées ; j'oifris à Dieu le sa-
crifice de mon cœur, et me soumis à demeu-
rer dans cet état tant qu'il lui plairait , et ,
vraisemblablement, juscpi'à la fin de la per-
sé(;ul.on. Environ un mois après la sépa-
ration des chrétiens d'avec moi , ils furent
élarjiis et ronvoyés ohoz eui. André Yang,
1105
GLE
GLE
iii^
depuis son retour à King-(ang, où résidaient
ses parents, fut «'ncore détenu six mois en
prison. Le mandarin de cet endroit, voyant
que l'allaire avait été terminée h Telien-loii,
i\osi\ pas le frai)per ; il employa .seulciiunit
les menaces, et le retint longtemps ei |)ii-
son pour essayer d'éhranler sa conslance et
de !c faire apostasier:cet enfant répondit tou-
jours qu'on lui couperait plutôt la tête. \in-
lin, voyant qu'on perdait son temps h le
tourmenter, on le renvoya dans sa famille.
Cet enfant avait été dans la prison de Tching-
tou la consolation cl l'appui des néophy'es
qui y élaie^it avec lui. 11 leur rép'tait
mes instructions (pi'il avait retenues, et l^s
fonifiait sans cesse par ses paroles et ses
exemples. 11 lui vint dans cette prison un
uli'ère ciuel h la jambe; il en soutirait beau-
coup; il n'y avait à cela ni secours ni re-
mède, et le fer qu'il avait à la jambe irritait
l'entlure et rendait la plaie plus douloureuse
et presque incurable. Knlin, <) la recomman-
dation d'un ancien prisonnier, celui qui
gouvernait la prison prit compassion de cet
enfant, et fit ouvrir le fer qui lui liait et ser-
ra.t la jambe malade. 11 soutfrit dans ce mo-
ment, et lorsque le sang reprit sa circula-
tion, de très-grandes douleurs ; mais cela fut
court, et sans doute par la protection de Dieu,
il guérit si promptement de son ulcère, que
tout le monde en fut surpris.
« Je rapporterai ici un trait de sa généro-
sité envers moi. En partant de Tching-tou, il
trouva le moyen de se procurer dix liards ;
il les donna au soldat qui m'apportait mon
riz, le priant de m'acheterun peu de viande.
Le soldat en garda cinq pour lui, et des cinq
autres il m'ochela un petit morceau de
viande cuite. En me la présentant , il me dit
que c'était de la part d'André Yang, en
témoignage de son souvenir ; qu'il me sa-
luait avec affection, et qu'il s'en retournait
chez ses parents. Ce trait, je l'avoue, m'ar-
rache encore des larmes au moment môme
où je l'écris. Enfin , le lendemain que les
chrétiens eurent été élargis, il y eut ordre
de me faire changer de prison, et trois jours
après on me lit partir pour retourner à Ynn-
tchang. En chemin je fus atteint de la mala-
die qui avait f.iit mourir tant de prisonniers
àTcinng-tou. Etant arrivé dans la prison de
Yun-Chang, je demandai le secours des
médecins. Le mandarin me le refusa, en di-
sant que je ferais bien de mourir, puisque
j'étais venu chez lui pour lui causer tant de
torts et de chagrins. Dieu, qui ne voulait pas
encore ma mort, suppléa aux moyens hu-
mains, et dans peu de jours je me trouvai
guéri; mais ce fut pour entrer en de nou-
veaux combats. Le quatorzième de la seconde
lune de 1770 (car je ne me ressouvenais plus
des époques solares) arrive une lett-e du
Tsong-tou qui ordonnait au mandarin d'Yun-
tchang de me faire déclarer au vrai qui j'é-
ta s. En conséquence le mandarin me cita de-
vant lui. Je lépondis à sa question que j'é-
t;ds Européen. — Pourquoi le dire , ajouta
t-il : il t'en coûtera la vie. » Je lui répondis
que je ne dirais jamais autreffiont, et que je
n'avais jamais dit le contraire; après quoi je
fus reconduit en prison. Le 29 de la mOme
lune , le mandarin n'ayant pas t.'ncore ré-
()o idu h la lettre du Tsong-iou, il on arriva
nn(! seconde fort sérieuse et fort pressante h
mon sujet. Aussitôt le mandarin ( nvova d?>ns
la prison deux écriva ns des causes criminel-
les, (pii me pressèrent en toute manière de
me dire né et élevé <^ Canton. Je leur répon-
dis qu'ils perdaient leur temps, et que je ne
consentirais jamais à faire un mensonge (pji
offenserait le Dieu de vérité que j'avais
le bonheur de servir. Le lendemain ils vin-
rent encore, et ils (engagèrent un ancien pri-
sonnier, homme intelligent, qui avait soi)«
de me préparer mon riz, de se joindre h eux
pour me faire avouer ce qu'ils vouluent. Je
dis à cet homme de ne se point m(Vler en
cette affaire ; que mon parti ét.iit m-is sans
retour. 11 alla leur rapporter que j étais un
homme inflexible; qu'il avait l»eau m'<'xhor-
ter , que tout était inutile. « Puisqu'il est si
entêté , dirent les deux écrivains, le manda-
rin va l'appeler devant lui, et à force de kia^
kouen et de coups de bâton , il viendra à
bout de son entêtement.» C'était le vingti-
cinquième ou le vingt-sixième jour du ca-
rême. Pour me disposer à sontfiir les toriu-
res, j'ajoutai h mes prières ordinaires la ré-
citation du rosaire. Je le comme-^cai avec
assez grande émotion et palpitation de cœur,
que la crainte des tourments me causait ; h
la moitié de mon rosaire , je sentis que je
recouvrais la paix ; quand j'eus fini, j'ajou-
tai une dizaine pour invo |uer Notre-Sei-
gneur devant Pilate. II daigna m'exaucer»
me remplit de joie et de force, et il me sem-
blait qu'il me disait intérieurement d'espé-
rer en son nom tout-puissar)t de Jésus. Le
ieudi de la semaine de la passion, je fus ma-
lade d'un voraissementqui m'alîùblit encnre.
Je ne voulus pas pour cela interrompre le-
jeûne , dans la fjensée que la diète ne pour-
rait pas nuire à mon estomac. Le mi-n redi
de la semaine sainte, je me mis à gémir de-
vant Dieu de ce que j'étais privé le lende-
main du bonheur dont jouissent les prêtres
dans la sainte Eglise, de recevoir Noire-Sei-
gneur pour satisfaire au devoir pascal. II
voulut nien m'en dMonmiager en me don-
nant la facilité de penser à lui , et de goû-
ter en le priant une paix et une joie que j&
ne saurais bien exprimer. Le lundi de Pâ-
ques, le prisonnier dont j'ai parlé vint à moi
le visa.;e pâle et les yeux mouillés de larmes ;
il me dit que le fils du mandarin venait de
lui lire la teneur de la seconde lettre du
Tsong-tou, dans laquelle il lui ordonnait que,
sans plus ample information , il trouvât le
moyen de me faire mourir en prison; ajou-
tant qu'il prenait sur lui les suites de eetta
affaire. Le prisonnier ajouta que le manda»
m avait différé de répondre sous divers pré-
textes ; mais qu'il ne p<mvait pas retarder
plus longtemps ; et que voyant mon entête-
ment à refuser de me dire de Canton, il ne
pouvait plus répondre au Tsong-tou qu'après
ma mort. La nuit étant venue, je me jetai
sur mon mauvais lit, tout habjlé, attendant
1107
GLE
GLE
im
le moment où l'on viendrait m'en tirer pour
me conduire à la mort. Je passai cette nuit
et les deux jo\u's suivants dans cette attente.
Dans le troisième, mes crnintes se dissipè-
rent, et il me sembla que Dieu lui-môme me
disait intérieurement (|u'il ne permettrait
pas ma mort. Quoi (]u"il en soit, le mandarin
qui m'avait refusé si durement un médecin,
et qui paraissait désirer que je mourusse en
prison, ne put se résoudre à exécuter l'or-
dre cruel de son supérieur. Ce changement
doit paraître merveilleux à quiconque con-
naît la Chine; car, enfin, les mandarins su-
balternes tremblent comme des esclaves de-
vant le Tsong-tou, de qui dépendent leur
fortiyie, leur dignité et leur élévation. Il
employa vingt jours à chercher les moyens
de me soustraire à la cruauté de son. supé-
rieur, et lorsqu'il sembla résolu d'exécuter
ses ordres, un seul mot du prisonnier dont
j'ai parlé le déconcerta. « Ne craignez-vous
pas , lui représenta ce prisonnier , que la
mort de ce chrétien ne soit sue de trop do
monde? » Ce pauvre homme, quelques jours
après, voyant que le danger était passé, ne
put s'empêcher de me dire, tout païen qu'il
était : « Il faut véritablement que votre
Dieu soit bien puissant , et le seul vrai
maître, puisqu'il vous protège d'une tel'le
manière. »
« Ce mandarin fut déposé cette même an-
née. Un mois après , un autre lui succéda
pour deux mois seulement. Il en arriva un
second de Pékin, dans le courant de la dou-
zième lune. Deux chrétiens s'avisèrent de
lui présenter un placet en ma faveur. Jugeant
par ce placet que j'étais dans l'indigence , il
répondit froidement qu'il me ferait donner le
viatique des prisonniers, qui consiste en une
mf'sure d'environ un boisseau do riz et cent
cinquante liards par mois. Ce mandarin fut
encore déposé l'année suivante, 1771. Le 26
de la sixième lune, arriva un autre manda-
rin nommé Tchang, sous lequel j'eus beau-
€Oup h souffrir. Le 28, il vint visiter la pri-
son et y adorer les idoles. Il appela ensuite
les prisonniers pour prendre connaissance
de leurs causes. Il m'appela exprès le der-
nier. Il me domfinda si je n'avais pns à mon
usage certains instruments de sorcellerie? Je
lui répondis que non, et que ma religion dé-
testait et défendait la sorcellerie. Il nn; (Jc-
ma/ida si je savais écrire ; je lui réj)0M(lis
Que je l'ignorais en lettre chinoises. — «Mais,
dit-il, écris-moi en n.'s letlies d'Europe; le
nom de Dieu. » Je lui obéis en écriv.jiit ces
deux iDOts : Tliien-thou. Il dit ensuite aux
geôliers de me serrer de f)rès ; ipie j'élais un
prisonnier de la jjIus grande imijortaiicc;
(pi'ils ne me connaissaient j)oiiit, «jue j'é-
lais un homme plus ru«é (pi'on ne le peut
diie, puisque j'étais venu à bout de tiom-
per tant de gens, et d'esquiver lant de man-
darins depuis t'antoii jusiju'ici; (pi'jl savait
ce (pie c'étaient (pi(; les Iùu-ojk'imis, cIc, etc.
Ajnès eelî), s'.idrcss.uit à moi, il se mil à me
dire : « (',( pf^ndant, tu es criminel. » A cela
y. répondis (pic j«î n'élais venu (jiic pour une
>euleehobe.ll me douiaiidapouniuelh! chose?
— « Pour prêcher la religion chrétienne. »
II ne sut plus que dire, et, après avoir donné
quelques ordres sévères contre moi, il s'en
alla. Pendant plusieurs mois de suite, j'eus
à soutenir des ])einos d'esprit bien fortes et
presque continuelles. Dieu me soutint par
des grâces bien marquées et m'empêcha
de succomber. Je me trouvai ensuite ex-
posé à de terribles tentations contre l'es-
pérance. Je suis naturellement pusillanime,
porté à l'abattement , à ne me rien pardon-
ner, k regarder comme grièves les moindres
fautes que je commets, et toujours aux dé-
pens de cette contiance que Dieu demande
de nous. Il la ranima cependant par sa mi-
séricorde; il me fit triompher de ces tenta-
tions, et répandit dans | mon cœur une joie
pure et une douce paix. Il me survint en-
suite une croix que je n'envisageais qu'avec
frayeur : j'eus pendant un mois de tels
éblouissements que j'avais tout lieu de crain-
dre de perdre la vue. La pensée d'un tel état,
au milieu des com|)agnons auxquels j'allais
être livré, m'était si amère qu'il me semblait
que je n'avais d'autre ressource ni d'autre
consolation que de désirer la mort, tant j'a-
vais de répugnance i)Our une telle afiliction.
Enfin, un soir, étant renfermé dans l'inté-
rieur de la prison, je me mis à répandre mon
cœur avec larmes en présence de mon Dieu ;
je ni'abandonnai à sa miséricorde , et lui fis
le sacritice de ma vue. Aussitôt que j'eus fait
cel.'i, je me sentis tranquille. Il me sembla
même que Dieu me promettait intérieure-
ment cpie je ne perdrais point la vue. Je
crus à cette parole intérieure ; je ne m'occu-
pai plus de mon infirmité, et ma vue se réta-
blit peu à peu et assez promplement. Entin ,
dans les derniers jours de juillet 1772, le
mandarin Tchang renouvela la persécution
contre les chrétiens. Le premier jovu- de la
nouvelle lune, a[)rès avoir été le niatin visi-
ter la pagode, il entra brusquement dans la
prison, et, après avoir rendu à l'idole qu'on
y honorait son culte superstitieux, il s'assit
et cita tous les geôliers devant lui et leur
demanda s'il n'y avait personne qui me vînt
voir et prît soin de moi? Ils lui répondirent
que non. Il leur dit (|ue le Tsong-tou, en
l'envoyant à Yung-Tchang , s'était plainte
lui (pie les mandarins précédents n'avaient
pas su conduire mon allaire comme il fallait ;
(pi'il lui en confiait le soin, et le chargeait, h
mon sujet, des oi'dres les plus sévères;
qu'ainsi, ils lissent d'exactes recherches sur
c(,'la ; tpie lui, de son côté, en ferait , et que
s'il venait à découviir (ju'ils l'eussent trompé,
ils devaient s'attendre à avoir les os des
jambes et des pieds écrasés il coups de kia-
kou(.'ii et do bAton; (pi'il reviendrai! au pre-
miei' do la lum; suivanle, et <pi'il voulait,
j)our ce jour-là , avoir une preuve dairo.
A|)ièsav()ir dit cela, il s'en alla. Pour con-
nailrcî coud)ien le dang(M- était grand , il faut
rem;u(pi(ir (pu; deux (•.hréli(;iis, (]iii m'avaient
assisté les a'Uiées |ir(''céi|eiiles, élaient d(>-
iiieurés d.uis la ville où j'étais prisonnier,
elle/ un nommé kieou ; c'était lii (pi'on met-
tait rarg(;nt desliné à nj'assisler, et l'un des
1109
GLE
GLE
mo
enfants de cello l'aniille vonail me servir
avec l)eaucou|) (ratloclion. lUen n'élail plus
facile (|ue de découvrir tout cela : Je le sen-
tais et j'en avais une iii(|uiétu(le l)ien anière.
Celni-lii seul qui pouvait nie secourir dans
de telles |)eines, mon Dieu, mon Pèr(! ado-
rable, vint en ell'et me consoler (>t me forti-
lier. Il répandit tout à conp en moi uin; douce
joie, mit! ferme confiance, nne }i,rand(; abon-
dance de force et de luHuèr(>; il me promit
intéi'ieurement de n'abandonner ni moi ni
mes cliers disciples. L(> premier jour de la
dixième lune, le mandarin vint connue; il
l'avait promis. Il appela les geôliers pour leur
demander réponse et compte des ordi'es qu'il
leur avait donnés. Il s'en présenta un (jui
était des plus rusés qu'il y eilt dans le pays ;
il nia qu'il y eùi ([uehpi'un (jui m'assistât. Sa
simplicité liyi)oci'ilejela de la jioussièreaux
veux du mandarin , et il fut la dupe du geô-
lier. Cependant le mandarin Tcliang, toujours
furieux coiUre moi et contre la religion cliré-
tienne, résolut enlin de nous persécuter. 11
commença par faire arrêter le père de la fa-
mille Kieou et ses deux fils, qui venaient sou-
vent me visiter dans ma prison. Les ayant
mandés, il les lit attendre tout le jour à sa
porte ; le soir il les cita devant lui. Il inter-
rogea le second iils sur la doctrine chré-
tienne, se servant d'un catéchisme qu'il avait
[i la main. Celui-ci , qui le savait très-bien ,
répondit à ses questions, après quoi il le
renvoya ; mais en môme temps il lit chercher
Tcheou-Yang par des satellites. On ne le
trouva pas chez lui et on amena à sa place
son frère Tcheou-Yong-ïchang. Pour lors le
mandarin fit rappeler le jeune chrétien Kieou.
On donna vingt souftïets à Ïcheou-Yong-
Tchang, et on les mit tous deux à la cangue.
Quelques jours après , ayant appelé ce der-
nier, il lui dit qu'il voulait absolument son
frère. Ïcheou-Yong-Tchang, pour lui épar-
gner les vexations des satellites, lui écrivit
de venir sans les attendre. Il arriva le len-
demain de saint Laurent , et se présenta de
lui-même au mandarin. Je regrettais d'être
seul épargné, et je désirais de partager leurs
souffrances. Dieu , qui voulait m'exaucer ,
m'y prépara pendant cinq ou six jours qu'il
me fit passer dans une assez grande paix et
une douce consolation en lui. Le manda-
rin me fit bientôt appeler, et, après avoir
expédié quelques autres affaires , il m'a-
dressa la parole et me demanda si c'était
moi qui avais instruit Tcheou-Yong-Tchang.
Je lui répondis que oui. Sur cela il me fit
donner quarante souftïets. J'eus la précau-
tion de ne pas serrer la bouche, pour empê-
cher que la violence des coups qui me tor-
daient la mâchoire inférieure et me faisaient
cracher le sang ne me fit aussi partir toutes
les dents. Aux coups qu'on me donnait , le
mandarin ajoutait des malédictions et des in-
jures; puis il me disait : «Pourquoi ne
meurs-tu pas? tous les jours j'attends à être
délivré de toi ; pourquoi ne crèves-tu pas ? »
Il me fit plusieurs fois cette question, à la-
quelle je ne répondais rien , prenant cela
pour une malédiction. Alors les bourreaux
(pli m'avaient frappé lui- diront : « Le man-
(larin t'ordonne de lui ('xpli(pi('r poiu'qnoi
tu ne meui's pas? » Je répondis (|u'il n'était
nas au pouvoir (Ui l'homme d(î déterminer
le l('m|)s d(( sa mort. J'avais les lèvres si dui--
cies , si eullées que je ne; pouvais pres(pie
pas articuler. Tcheou-Yong-Tchang voyant
(fii'on ne m'entendrait pas, leui- dit (pie le
sens de ma réponse était « ipie la naissance
fl la mort ne dépendent ])Oint de l'homm*;. »
C(i (jiii était mieux pour l'élégance de la
phrase. Alors le mandarin ajouta : « N'as-tu
pas |)ris une corde ])Our te pendre » (il voulait
me suggérer de me détruire moi-même, et
tâcher de me désespérer ) ? Je répondis que
je n'y avais pas pensé. « Je m'en vais t'aider
à mourir, répliqua-t-il. w Tout de suite les
soklats me saisirent, et m'ayant étendu ven-
tre à terre, un d'entre eux commenfja h me
frapper à coups de bambous sur le milieu
des cuisses nues. Le mandarin avait ordonné
de frapper trente coups ; après qu'on m'en
eut donné vingt , je sentis que j'allais m'é-
vanouir. Dans ce moment Dieu changea le
C(X'ur du mandarin, et il ordonna de cesser.
Il faut convenir que ce genre de supplice est
bien pro nomine Jesu contumeiiam paii. J'a-
voue (jue j'en eus de la joie, et que je m'en
retournai content dans ma prison. Avant que
de me renvoyer , le mandarin me dit qu'il
in'ap[)cllerait encore le lendemain pour m'en
faire donner autant, et m'aider à mourir.
Tcheou-Yong-Tchang reçut vingt soufflets ,
et les deux autres chrétiens seize coups de
bambous , et ils furent élargis.
« Pour moi, de retour dans ma prison, je
sentis dans tout mon corps un malaise si
considérable, qu'il me semblait que je ne
pourrais nas supporter plusieurs tortures de
cette espèce sans mourir. Je m'y préparai
par la prière, et afin de moins sentir mon mal
et d'avoir l'esprit plus libre, je m'assis pour
prier, dans la cour de la prison. Je me mis
à répandre mon cœur dans la présence de
mon bon et divin Maître pour lui recomman-
der ce que je regardais comme mes derniers
combats. Dieu écouta mes gémissements, il
remplit mon cœur de force et de courage, et
il me reprocha intérieurement monpeu d'es-
pérance en ses promesses, et je sortis de la
prière avec l'assurance que le mandarin ne
me ferait pas souffrir davantage ; ce qui ar-
riva en effet. Peu à peu mes douleurs dimi-
nuèrent, mon visage désenfla, il ne me vint
point d'ulcères aux cuisses, et dans l'espace
de quinze jours je me trouvai guéri. Aux
vexations du mandarin contre moi j'ajoute-
rai encore ici que cette année-là il fit effacer
par deux fois mon nom de dessus la liste des
prisonniers qui recevaient une certaine me-
sure de riz et quelques pièces d'argent pour
leur nourriture ; cela allait à me faire mourir
de faim, Dieu cependant lui changea le cœur,
et il continua à fournir ce qui était néces-
saire à ma subsistance. Pendant que les
hommes semblaient s'adoucir , Dieu m'é-
prouva et me fit souffrir des peines d'autant
plus amères qu'elles étaient intérieures. Le
mandarin fut envoyé à King-Tchoan pour la
ÎIH
G LE
GLE
1112
guerre ; il n'en revint qu'au mois d'octobre
1773; son séjour ne l'ut que de quatorze
jours au bout desqu Is il repartit pour
Tchen-fou où il resta jusqu'à l'année sui-
vante. L'id.'e (le son retour et de sa cruauté
m'nccupait tristement et me taisait crjin;lre
pour ceux qui m'assistaient, et narticuiière-
ment pour celte pauvre famille Kieou. Je
demandai à Dieu qu'ils ne fussent pas in-
quiétés h mo'i sujet, et il me l'a accordé dans
sa miséricorde. Le mandarin les laissa tran-
quilles, malgré le désir qu'il montrait tou-
jours de me tourmenter. Combimide fois, en
effet, ne m"a-t-il pas barcelé par des me-
naces, des injures, des blasphèmes et des
ordres cruels! Mais quand il faut souffrir,
Dieu nous aide et nous donne une force
surnaturelle; je l'ai souvent éprouvé, et
qua^d il n'y avait rien à soufïi'ir, il me lais-
sait le seritimeit de mes misères et de ma
faiblesse, alin que je ne (iout.isso jamais que
mon courage ne venait que de lui.
« Au bout de trois mois, le mandarin re-
part t encore pour Tchen-tou d'oii il ne re-
vint que le 7 du mois de novembre 1775. Il
ne parut pas dans la prison tout le reste de
cette année, f.e 19 février J776, il me cita
devant lui et il appela les geôliers. Le plus
ancien se présenia, il lui demanda ce <]ue
faisait pour moi la famille Kieou. Ce vieil-
lard répondit qu'il n'était question de rien,
sinon que j'acceptais quelquefois un peu
devin de celte famille. Le mandarin demanda
si c'était quelqu'un de la famille qui me rap-
portait. Le geôlier soutint que non, en s'of-
iranf à la rigueur des tortures si Van pou-
vait le convaincre de contravention aux: or-
dres qu'on lui avait donnés. Cette réponse
persuada le mandarin. Quand le geôlier eut
été renvoi é, le mandarin s'a Iressa h moi et
me dit toutes s )rt('s d'injures et mômq d'in-
famies. Je restai les yeux baissés sans rien
ré,iondre. Voyant qu(; je ne disais rien, il me
paila d'un ton un peu |)lus radouci, et après
m'avoir dit que j'avais l'air d'un assassin, il
mn demanda si je n'avais pas sur moi quel-
ques poignards. Je lui répondis que non.
Puis ne sachant cpie me dire , il ne m'a-
dressa plus la parole ; mais il continua de
parier contre moi, assurant que j'étais un
criminel di.ine delà mort, qu'il voulait m'as-
sommer ; ce qu'il réj)éla plusieurs fois en y
ajoutant beaucoup iJ(; blasphèuics contée ma
religion. Cela ne sudisant pas au mandaiin,
il or lonna brusquement auv geôliers de lui
ap[)orter tout ce que je pouvais avoir h mon
u>age f)Our en faire l'inspection ; il demanda
ensuite auv prisonniers s'ils n'avaient point
à se plaindr<! de moi; ils lépondirent que
non, et le ifiamiarin ne sachant |)lus cpie dire
.se mit, en élevant la voix et (mi me nonnuant
par mon nom, h iairedi-s criailleries et à me
traiter de fui. Il exigea au<si d(ïs prisuiuiieivs
qu'ils i.e m'écoijt'.raienl jamais et (pi'ils ne
crojiflienl |;oinl h ce que jt; |)oui'rais hiur
•iir:' d(! ma relgion ; ce ipie ces gens perdus
de crimes et d(î toutes sortes d'exeès n'cni-
rent [)oinl rie p<'ine, i\ lui promettre. Tant d(!
inotiaçcs el de jMéciuliou'^ eriutre moi um
désolèrent, je l'avoue, et me firent penser
que je n'avais plus rien h attendre qu'un
abanlon g<''néral et nécessaire de tout le
momie. Je voyais les dangers et les obstacles
humains, je m'otf isquais de tout cela et je
ne faisais pas attention que ces tristes et
amères réflexions affaiblissaient en moi la
foi et l'espérance. Mon bon ange que j'invo-
quais souvent m'en avertit sans doute. Je
sentis quatre fois des reproches pressants et
intérieurs; je rougis de ma faiblesse, j'en
demandai pardon à Dieu et je me trouvai
alors tout dilférent de ce que j'étais un mo-
ment auparavant. Ma confiance, ma soumis-
sion et mon abandon h la volonté de mon
divin maître, se ranimèrent et se fortifièrent.
Vers la fin du mois d'octobre, j'eus à souf-
frir dans la prison une persécution domesti-
qie, pour ainsi dire, de la part des prison-
niers révoltés contre moi. Je fus rassasié
d'opprobres et accablé de menaces de m'as-
somm 'v, de me hacher à coups de couteau.
Ils disaient entre eux (ce qui, humainement
parlant, était l)ien vrai) que, pour m'avoir
tué, ils ne seraient pas réputés coupables
d'un nouveau crime; qu'ils en recevraient
plutôt récompense que jiunition. Au milieu
de fous ces orages, je pris le parti de ne
chercher d'autres armes que le silence, la
patience et le secours du ciel, lui recom-
mandant sans cesse ma cause et lui aban-
donnant ma défense. Cepen lant, n'osant pas
me maltraiter, ces prisonniers prirent la ré-
solution de m'accuser devant le mandarin,
dans rest)érance qu'il me ferait assommer,
comme il m'en avait tant de fois m-nacé. Le
11 octobre, le mandarin vint dans la prison ;
il demanda de nouveau aux prisonniers si
quoiqu'un me venait voir. Ils répondirent
encore que non. L'occasion était belle de
m'accuser : chose admirable 1 |)ersonne ne le
fit. Le mandarin renouvela ensuite aux geô-
liers ses ordres contre moi, et leur dit que si
je m'échappais, il y allait pour lui de sa di-
gnité et pour eux de la vie ou au moins de
Texil ; il n'a jamais cessé de me croire sor-
cier. La persécution domestique que je
croyais éteinte se ralluma et devint plus
forte que jamais. Quatre jours après, le man-
darin cita devant lui mon principal ennemi.
Les autres prisomiiers le [)ressèrent de
m'accuser; il le fit et dit (ce qui était très-
faux) que je lui cherchais querelle sur ce
([u'il ne payait |)as ses dettes. Dieu changea
le cœur du mandarin , car il lui répondit :
« que peut- 'Irc! n'entendail-il pas bien ce
que je lui disais. » Après quoi, •! demanda
si je faisais des prières dans la uiaisnn?
Mon accu'-'atcur répondit que oui, mais qao
c'était dans un(> langue étrangère. »
Ici, nous interrompons le récit liu vénéra-
ble conl"ess<'nr pour donner sur sou compte
l(!s documents (pii sont ii notre coiuiaissance,
bien (pie nous n'ayons pas rinlenlion de
l'aire; sa bi();.;raplue complète. Q lehiue temps
après, .M. (ileyo hit dt'-livn'': il h; dut h l'in-
lliKMice du P.'d'AIrocha.tix-jésuite portugais.
Des (pi'il fut (Il libellé, il se sentit désireux
d'albn- porter lo lliniheau (h- la foi aux eif-
111S
r.oD
GOE
1H4
tr(^mit(<s (le la Chine, chez dos pouplos qui
lie l'avaient pas encore r(M;u Kn 1785, il
était il;ins la province de Koiii-T( lienii où il
faillit (Mre pris avec M. Devant. Plus tard, il
entre, >ril le voyage des l.olo, mais eonnne
il ne paraît [tas y avoir (S\6 pi-isécntt'', nous
nous arrcHerons ici. {Lctt. cdif., vol. 111, p.
213.)
(ÎLYCÈRE (saint), prôtre et martyr, souf-
frit à Nicoinc^die. Après divers tournuvits,
ayant éuS, dur nt la |)ers('^eiilio-i de I);oclé-
tien, jeté dans le feu, il y accomplit son cou-
rageux martyre. L'Eylisc fait sa fête le 21
décembre.
GI.YCfiRE (saint), évoque et confesseur,
soulfi it |)Our sa foi et le nom de Jésus-Christ
à Mdan. Les Actes des martyrs ne nous ont
conservé aucun document concernant ce
saint combattant. L'Eglise fait sa fête le 20
septembre.
GLVCÉRIE (sa-nte), lut couronnée comme
martyre dans la première année du règne
de Alarc-.Vurèle, à Héraclée de Thrace, sous
le gouverneur Sabinus, le 13'" jour du mois
de mai. Les Actes que nous trouvons d'elle
dans B illandus ne méritent pas qu'on y ait
grande contiance. Les Grecs honorent sainte
Gl.» cérie comme vierge. Ses Actes ne lui don-
nent pas celte qualité, et le Martyrologe ro-
main ne la mentionne ras. L'Eglise fait sa
tête le 13 mai, jour anniversaire de sa mort.
GOBAIN ('saint), vulgairement saint Gobin,
naquit en Irlan le. Sa vertu, son savoir, son
excellente piété, firent qu'on léleva au sacer-
doce. Le désir de se consacrer encore da-
vantage au service du Seigneur, le fit passer
en France, quelque temps après saint Fursy.
Après avoir résidé quelque temps à Corbény,
puis ensuite à Laon, il se retira dans la
grsnde forêt c(ui était sur les bonis de l'Oise.
Entre La Fère et Prémontré, à deux lieues
de la rivière; il se bâtit une cellule, puis
bientôt après, avec le secours des habitants,
il y fonda une église qu'il plaça sous l'invo-
cation de saint Pierre. Ce fut Clotaire III,
qui l'aimait et l'honorait beaucoup, qui lui
en donna l'emplacement. C'était dans ce lieu
que le saint servait le Seigneur, dans la pra-
tique du jeûne et de la prière, quand il fut
tué en haine du christianisme, dont il fai-
sait profession, par des barbares venus d'Al-
emagne et qui ravageaient le pays : ils lui
coupèrent la tête. Le lien de son martyre,
anciennement nommé le Mont de TErmitage,
se nomme aujourd'hui Saint-Gobain. On y
garde encore son chef dans l'église de cette
localité. La fête de saint Gobain a lieu le 20
janvier. Voy. Mont de l'Ermitage.
GODESGALC ou Gothescalc (saint),
prince Vandale d'Occident et martyr, avait
fait faire de grands progrès au christianisme
chez les Slaves qui habitaient au delà de
l'Elbe, dans la partie septentrionale de la
Saxe. Il en avait converti une grande partie;
mais, en 1065, il fut tué par les païens qu'il
voulait encore convert r. 11 soullrit le mar-
tyre le 7 juin, dans la ville nommée alors
Léontia, et depuis Lenzin ou Lentz. Avec
lui souffrit le prêtre Ippon, qui fut tué sur
l'autel; et plusieurs autres, tant laïques quo
clercs, souffrirent divers supplices [)Our Jé-
sus-Christ. Le moin(! Ansuer et plusieurs
autres furent lapidés h Uacisbourg le ISjuii-
lel ; et, comme Ansuer craignait (pie le cou-
rage ne man(niAl à sescO(npagnons, il demanda
aux païrns (hi les lapider avant lui, et, s'étant
mis h genoux, pria [tour ses persécuteurs.
On gai'dait cependant à Meklembourg
Jean, évêque écossais, qui était venu en
Saxe huit ans auparavant, en 1057, et y avait
été reçu humainement par l'archevêque
Adalbert, Ce prélat l'envoya peu a[)rès chez
les Slaves, près le [)rince Gothescalc; et,
dans le séjour (pi'il y fit, il baptisa plusieurs
milliers de païens. L'évê([ue Jean, qui était
un vénérable vieillard , fut premièrement
frap|)é h coups de bAton, puis mené [)ar dé-
rision dans toutes les villes des Sclaves; et,
comme il demeurait ferme ji confesser Jésus-
Christ, on lui cou[ia les [tieds et les mains,
et enfin la tête. On jeta son cor[)S dans la
rue, les païens poitèrent sa tête au bout
d'une pique en signe de victoire, et l'immo-
lèrent h leur dieu Rédigast. Cela se passa
le 10 novembre, à Kèthre, métropole des
Sclaves.
La veuve du prince Gothescalc, fille du roi
de Danemark, ayant été trouvée à Meklem-
bourg avec d'autres femmes, fut longtem|")S
battue toute nue. Les païens ravagèrent par
le fer et par le feu toute la province de
Hambourg, ruinèrent la ville de fond en
comble, et tronquèrent les croix, en dérision
du Sauveur. Ils détruisirent de même Sles-
vic, ville très-riche et très-peuplée. On disait
que l'auteur de cette persécution était Plus-
son, qui avait épousé la sœur de Gothescalc,
et qui, étant retourné chez lui, fut aussi tué.
Enfin les Sclaves, par une conspiration gé-
nérale, retournèrent au paganisme, et tuè-
rent tous ceux qui demeurèrent chrétiens.
C'est la troisième apostasie de cette nation,
car elle fut convertie à la foi, premièrement
par Charlemagne, ensuite parOthon, la troi-
sième fois par Gothescalc. (Fleury, vol. IV,
p. 20V.)
L'Eglise fait la fête de saint Godescalc et de
ses compagnons le 7 juin.
GOÈS (le bienheureux Gaspard), de la
compagnie de Jésus, nac[uit en Portugal. II
fa'sait partii^ de la troupe de missionnaires
que le P. Diaz conduisait au Brésil à la suite
clu B. Azevedo. Un mois après le départ du
Saint-Jacqties, qui portait oe dernier, Diaz et
ses compagnons quittèrent Madère, afin de
poursuivre la roule vers le Brés.l avec le
reste de la flotte. La tem[)ête ayant dispersé
les navires, celui que montait notre bien-
heureux et ses compagnons dévia vers l'île
de Cuba, et, à San-Iago, on dut abandonner le
vaisseau qui faisait eau de toutes parts. Les
voyageurs trouvèrent une barque qui les
conduisit au jtort d'Abana, d'où un navire
qu'ils y frélère U les transporta aux Açores
le mois d'ao.U 1571. Ils y trouvèrent le com-
mandant de la floite, Lou's de Vaseoncellos,
avec le P. François Diaz et cinq autres jé-
suites qui les y avaient devancés. L'amiral
iirs
GON
GOR
1116
voyant son monde si réduit, ne conserva
qu'un navire, et ils se rembaniuèrent le 6
septembre 1571. Bientôt ils remontrèrent
cinq vaisseaux de liant bord commandes par
le Béarnais Capdeviile, calviniste, qui s'était
trouvé à l'abordage du Saint-Jocques. Le
combat ne fut pas long et les calvinistes
s'emparèrent du navire catholique. Le bien-
heureux Diaz fut massacré, puis jeté à la mer
le 13 septembre; François du Castro confes-
sait le pilote au moment où les calvinistes
montaient h l'abordage; il fut massacré;
Gasjmrd Goès subit le même sort. Les au-
tres comj)agnons de son martyre furent le
P.Michel, Aragonais, de ïarragone ; Fran-
çois Paul, Portugais; Jean Alvare, Portugais;
Pierre Fernand, Portugais ; Alfonse Fernan-
dès. Portugais ; Alfonse-André Pais, Portu-
gais; un autre Pierre Diaz, Portugais; Jac-
ques Carvalho, Portugais ; Fernand Alvare,
Portugais. (Du Jarric, Histoire des choses
plus mémorables, etc., t. II, p. 295; Tanner,
Societas Jesu nsqnc ad sanguinis etvitœ pro-
fusionem militons, p. IT'i- et 177.)
GOMEZ (le bienheureux Amuroise) , de
l'ordre de Saint-Dominique, fut martyrisé
pour la foi dans les missions du Darien. Dans
le courant du mois d'octobre 1725, il fut
percé de flèches par les idolâtres, en haine do
la foi qu'il leur prêchait.
GONZALVE DE TAPIA (le bienheureux),
de la compagnie; do Jésus, naquit à Léon,
d'une famille noble. Après avoir professé la
philosophie et la théologie, il fut envoyé prê-
cher J'Evangnle chez les Tarasques, peuple de
la province de Méchoacan ; de là il pénétra
dans la province de ïopia , située dans la
Nouvelle-Biscaye. En 1591, il partit avec
le P. Martin Perez pour la province de Ci-
naloa, située à trois cents lieues de Mexico.
A la voix de notre bienheureux, plus de
deux unVie idolâtres embrassèrent la foi. 11
visitait souvent les fidèles de Déboropa , où
il s'était construit une pauvre hutte, et s'ef-
forçait de ramener à la religion un vieillard
nommé Nacabeba, qui scandalisait les fidèles
par ses dérèglements. Un jour que Gonzalve
disait son chapelet, retiré dans sa cabane,
ce malheureux vieillard entre et feint de lui
vouloir baiser la main ; au même instant
un des complices lui assène un coup de
massue sur la tête. Etourdi, chancelant, il
veut sortir; mais d'autres conjurés, qui gar-
daient la porte, se piécipitent sur lui et lui
coiqjent la tête et le bras droit. Les meur-
triers essayèrent en vain de les brûler j)Our
les manger ; alors ils profanèrent les orne-
ments sacrés, et burent dans son crAne. La
ulupart furent tués dans des rencontres avec
les Es[)agnols. Pour Nacabeba, il fut pris
avec un de ses neveux : tous deux péi'irent
en détestant leur crime. (Societas Jesic us-
auc ad sanguinis et vitœ profusionem mi-
titans, p. k*M.)
(iONZALfîlS (Je bieidieureux Andui:), Por-
lug.'iis, de VJaua, d(! la compagnie de Jésus,
f;iis;jil partie des saints nns.si(jnnaires (piC
le P. Azevedo était allé recrutera Home pour
le Brésd. Leur navire fut pris, lo 15 juillet
1571, par des corsaires calvinistes qui les
massacrèrent ou les jetèrent à la mer. (Du
Jarrie, Histoire des choses plus mémorables,
etc., t. II, ji. 278; Tanner, Societas Jesu us-
que ad sanquinis et vitœ profusionem militons,
p. IGG et 170.)
GONZALÈS CABDOSO (le bienheureux),
de la compagnie de Jésus, fut envoyé de
Frémone à Dembra pour y prêcher l'Evan-
gile. Il avait prédit ([u'il n'y arriverait pas,
et des voleurs en effet l'assassinèrent dans
les bois le 22 mai lo7.'i..
GONZALÈS (le bienheureuxNicoLAs), domi-
nicain, reçut la palme du martyre en 1725,
dans la mission du Cochabamba, avec ses deux
compagnons Michel Pantigoso et Jean Davila.
GOKDE, Gordius (saint), martyr à Césa-
rée de Cappadoce, sa ville natale, servait
comme centurion dans les armées impéria-
les ; aussitôt que Dioclétien eut publié ses
édits, il se relira dans le désert. Quelques
années a|)rès, poussé par l'ardent désir de
verser son sang pour Jésus-Christ, il quitta
sa solitude et vint à Césarée, comme le peu-
ple était assemblé au cirque, pour y célébrer
la fête du dieu Mars. Gorde avait la barbe et
les cheveux longs et en désordre. Ses vête-
ments étaient en lambeaux. Tout son exté-
rieur annonçait que depuis longtemps il n'a-
vait point été mêlé au commerce des hom-
mes. Ces particularités furent cause qu'on
le remarqua. Il fut arrêté et conduit au gou-
verneur : Ih, ayant avoué qu'il était chrétien,
il fut condamné h avoir la tête tranchée. Au
prononcé de la sentence, il fit le signe de la
croix et reçut avec joie le coup mortel. L'E-
glise honore sa mémoire le 3 janvier.
Nous donnons ici complètement la belle
homélie de saint Basile sur ce saint martyr,
homélie qui a été, par Buinart et par k
plupart des auteurs, considérée comme Ac-
tes authentiques du saint.
« Mes chers frères, ceux qui ont pris plaisir
h étudier la police des abeilles ont remar-
qué qu'elles ne sortent jamais de leurs ru-
ches que leur roi ne soit ci leur tête. Per-
mettez-moi de vous demander, lorsque je
vous vois accourir en foule en ces lieux sa-
crés, et vous aj)prochcr des tombeaux des
martyrs, comme pour y amasser de quoi
composer un miel céleste, permettez-moi,
dis-je, de vous df^nander où est votre roi ;
sous quelle (conduite tant d'essaims nom-
breux se sont-ils fornn''S?D'où vient cette ar-
deur empressée? Ouelle heureuse inlîuence
change ainsi les jours tristes et sombres de
l'hiver en dos jours clairs et sereins, et tels
que le |)rintemps les donne ? Ne serait-ce
point le saint martyr que nous honorons
aujourd'hui? c'est lui sans dout(ï, c'est lui
qui vous fait sortir do vos maisons ; c'est
pour venir lui rendre vos devoirs au lieu
même où il a combat In, que vous (piiltez la
ville pour C(! faubourg. Je vous l'avouerai,
j(! ne me sens |)as un uioindi-e désir cpie vous
(le célébrer reltt; l'êle, j'en oublie mes infir-
mités, et je suis prêt ;i joindre ma voix h vos
vœux. Courage donc , ma voix , ell'orcez-
vous autant que la langueur où mon corps
1117 COR
se trouve vous le permettra, eflorcez-vous
de publier les fraudes actions du saint qui
iKMis assemble ; le discours n'en pcnjt ôlre
(pio Irès-édiliaul ol (rùs-agr(^able à tout mou
auditoire. Car enlin , si nous honorons la
ménion-e des saints, si nous faisons leur
élojj;e au jour de leur fête, nous travaillons
moins |)0ur leur gloire que pour nolic nti-
lité. Ils n'ont pas besoin do nos louanges, et
nous avons besoin de leur exemple; leurs
vertus nous servent de modèle, et riiisloire
de leur vie nous apprend comment nous
devons régler la nôtre. Car, de môme que le
feu [)ro(liiit naturellement la lumière , et
qu'un parfum exquis répand de lui-même
son odeur partout , de mémi! le seul ré(;it
des actions des saints produit ces deux ef-
fets dans les esprits, il les éclaire et il les
réjouit. Au reste ce récit doit être fidèle,
exact et uni((uement renfermé dans la vé-
rité des faits. Lorsqu'un peintre fait une
copie, il est rare qu'il atteigne son original,
il ne rendra jamais grAces |iour grâces, ni
beautés pour beautés ; il s'éloignera mémo
toujours un peu de la ressemblance du sujet.
De même il est à craindre que ne faisant que
copier la Vie des saints sur quelques mé-
moires peu certains qui nous en restent,
nous n'altérions un ])eu la vérité. Nous tâ-
cherons d'éviter cet inconvénient, et en fai-
sant le panégyrique de saint Gordius, nous
n'avancerons rien que nous ne ti'ouvions
bien autorisé dans son histoire.
« Ce bienheureux martyr était de Césarée
en Cappadoce , et nous avons le bonheur d'a-
voir aveclui une même patrie. Onnedoit donc
pas s'étonner si nous sentons pour lui une es-
time et une affection toute particulières ; nous
]e regardons comme le plus grand ornement
de notre ville. Car, comme on attribue au
terroir la bonté des fruits qui y croissent,
de môme Gordius, ayant pris naissance dans
ces murs , et étant monté depuis au plus
haut point d'élévation où un homme puisse
arriver, il fait réfléchir sur sa patrie l'éclat
dont il brille dans le ciel ; et pour la nourri-
ture qu'elle lui a donnée , il lui rend une
gloire incomparable. Il y a des fruits qu'on
nous apporte de dehors qui sont bons ; ils
sont agréables à manger, ils rafraîchissent,
ils nourrissent ; mais ceux que nous avons
vus croître dans nos jardins que nous avons
cultivés de nos propres mains, nous parais-
sent bien d'un autre goût ; nous les trouvons
infiniment meilleurs. Parce que, outre le de-
gré de bonté qu'ils peuvent avoir, ils ont en-
core pour eux l'avantage de leur naissance ;
nous les avons élevés nous-mêmes, ils ont
crû dans notre propre fonds, sous nos yeux,
parmi nous. Gordius prit le parti de l'épée,
et, s'étant mis dans le service, il y eut des
emplois considérables ; il commanda même
une compagnie d'ordonnance de cent hom-
mes d'armes. Sa valeur , soutenue par une
force de corps peu commune, lui acquit une
grande réputation dans les troupes. 11 ser-
vait donc avec beaucoup de gloire, il ne
songeait qu'à reaiplir son devoir, lorsque
l'empereur qui régnait pour lors commença
GOR
1118
à répandre le poison de sa rage sur le nom
chrétien. Il eut l'impiété de vouloir s'élever
conticî Dieu, et la folie pensée de pouvoir
renverser l'Kglise. On n'entendait plus dans
toutes les villes, dans les plae(\s , dans les
(carrefours, que la voix des <;ri(îurs (pii pu-
bliaient l'édit du tyran, par letpiel il était
défendu, sous peine de la vie, (l'adorer Jé-
sus-(Mirist. Les idoles étaient partout expo-
sées à l'adoration, ou plutôt à la superstition
publi([ue. Des dieux de |)ierre et de bois
disputaient des honneurs divins avec le vrai
Dieu. Tout était en confusion dans Césarée,
et la nouveauté de la chose jetait le trouble
et la surprise dans les es])rits. On pillait les
maisons des chrétiens ; les gens de bien
voyaient enlever tout ce qu'ils avaient ; les
bourreaux se saisissaient des fidèles et les
déchiraient im[)itoyablcment ; des femmes
de condition étaient traînées parles rues;
la jeunesse ne trouvait aucune compassion
dans ces âmes barbares, ni la vieillesse do
respect ; l'innocence souffrait les peines ducs
au crime. Les prisons étaient pleines, et les
logis des personnes de qualité étaient aban-
donnés : les forêts et les solitudes se peu-
plaient de ceux que la persécution chassait
de la ville ; c'est ainsi que le crime d'adorer
Jésus-Christ était puni. Le fils livrait son
père, le père accusait son fils, le frère se
rendait le délateur de son frère, l'esclave in-
solent traînait son maître devant les juges.
Le démon avait répandu dans les cœurs des
ténèbres si épaisses, qu'on ne se connaissait
plus. Les églises étaient profanées et dé-
pouillées de leurs ornements ; on renversait
les autels, on ne faisait plus d'oblations, on
ne voyait plus fumer l'encens et les parfums
devant le Seigneur, on ne pouvait plus of-
frir le divin sacrifice : une tristesse profonde
s'était emparée des âmes, et on gardait un
silence qui avait je ne sais quoi de funeste.
Les prêtres avaient pris la fuite , tout le
clergé était dans la crainte , chacun était
menacé d'une mort prochaine, et l'Eglise
semblait l'être d'une désolation générale.
L'enfer seul était dans la joie, les démons
tressaillaient d'allégresse. L'odeur des sacri-
fices infectait l'air, et le pavé des temples et
des rues était tout couvert du sang impur
des victimes.
« Notre centurion voyait tous ces désor-
dres, et eu gémissait; mais il ne se contenta
pas d'en gémir, car prévoyant qu'il serait
bientôt obligé de se déclarer, il quitta le ser-
vice , et se bannit volontairement de Césa-
rée. Renonçant donc aux charges, aux di-
gnités, à toute sa fortune, à tout ce qu'il y a
de plus engageant dans la vie ; se détachant
de tout ce qu'il y a de plus doux dans la so-
ciété civile, de ses domestiques, de ses pro-
ches, de ses amis, de l'usage des plaisirs in-
nocents, en un mot, de tout ce que les autres
recherchent avec plus d'ardeur, et désirent
avec plus d'empressement, il s'enfonce dans
un désert, il se cache dans des lieux incon-
nus aux hommes, aimant mieux vivre avec
les bêtes sauvages que parmi des idolâtres.
Il suivit en cela l'exemple du prophète Elie,
Iil9
GOR
GOR
1120
qui , voyant l'iilolAtrie sVtablir dft jour en
jour d.iiis le royaume d'Israël, sous la protec-
tiou et par les soius de l'impie Siloni'^n-ie
( Jéiabel j , s'euf'-.it loin de la cour et du
mouile. et trouva dans la monta;.;;ne d'Hon^b
un asile contre l'im.iictc et l'injustice. Là, re-
tiré dais If fond d'un antre, ilciiercliail Dieu,
et Dieu se laissa trouver i»ar son prophète.
Elle vit Dieu autant q j'il est permis h un
mortel de le voir ici-bas. Ce fut ainsi que
Gordius, se dérobant au tumul e des villes,
aux clameurs du barreau, à l'ambition des
grands , au faste qui environne les tribu-
nmx; fuyant le monde, fuyant cette contrée
où toute la vie se passe à vendre, à acheter,
à se parjurer, à mentir; où les entretiens 'es
plus innucents sont remplis ou d'obscénités,
ou de médisances, ou de fades railleries, il
fut enfin «ssez heureux pour voir Dieu, après
avoir purifié son Ame des soudlures que les
images restées de tous ces objets impurs pou-
vaient y avoir laissées. Il le vit, et il apprit
dans cet heureux moment des mystères inef-
fables. Il les apprit, non d'un homme, mais
d'un docteur de la venté , du Sainl-Esprit.
« Pensant jour et nuit dans cette paisible
retraite au peu de fond qu'il y a à faire sur
la vie présente, qui se perd comme l'ombre
et s'évanouit comme un songe, il se sentait
enflammé de l'amour de cette autre vie qui
ne doit jamais tinir. Résolu donc de sortir du
monde d'une manière éclat mte, il ne songea
plus qu'à se disposer au combat qu'il médi-
tait ; et comme un athlète prudent et avisé,
il s'exerçait continuellement par des jeûnes,
des veides, par l'oraison et par la médita-
tion assidue des divins oracles. Lorsqu'il se
crut bien préparé , il observa le jour (jue
toute la vill.i était accourue au ciique pour
voir une course de chariots. C'était une fête
solennelle parmi les païens, qui se célébrait
en l'honneur du dieu Mars, ou plutôt du
démon de la guerre. Tout le peuple y était,
et il y a tait un ordre exprès de l'empeïeur
de s'y trouver, et personne n'avait osé s'en
dispenser, juifs, [)aïens , chrétiens. Il y en
avait même un grand nombre de ces der-
niers, de ces chrétiens relâchés dont la vie
est si peu (onfornie aux maximes de l'Evan-
gile ;o 1 les voyait as>is dans cette assemblée
d'impies, altontifs au S[)ect:icle, se récriant
sur la vitesse descln^vaux et sur l'adresse de
leurs co iduct(nii-s. Tout travail avait cesé;
les esclaves, exempts de h'urs travaux oivli-
na res , y arrivaient en foule, et les jeunes
enfints quittaifint leurs livres et sortaunit
des écoles pour courir au cirque; les d unes
de (jualité y étai,;nt co i biidues avec les
femmes du peuple; tout était plein, et cette
mullituie innombr.ible de sp:'Ctaleurs, tout
occufiée de ce combat de chariots, gardait
un silence qu'élu; n'interrompait (pie pour
ap[)laudir aux vi'torieux. Ce fut dans le plus
f <it des cour'-es et dti l'altenlio i des assis-
tants, rjue notre liéios, descendant le lo igde
ia colline contre iaipn lie h; ihéAtrcî él dt an-
pu,é sj iiio.ilra tout à cou;). La crainte; du
|H-'uple ne le retint point, il ne. dél.béia pas
un mouienl s'il se livrerait à tant tlo mains
ennemies ; mais animé d'un courage extraor;
dinaire , et passant devant tous ceux qui
remilissaient les sièges comme s'il eût cô-
toyé une suite de rochers nu un rang d'ar-
bres, il s'arrêta au milieu de la lice, vériliant
en sa [)ersonne cette [larole du Sage : Lhominr,
de bien est hardi comme un lion (Prov. xxvni,
1 ). Que vous dirai -je enfin? Il se sentit
tant d'assurance et d'intrépidité, que mon-
tant sur les sièges les plus élevés du théâtre,
il poussa sa voix de toute sa force f il reste
encore aujourd'hui quelques-uns ae ceux
qui étaient alors présents), et prononça dis-
tinctementces paroles d'Isaie, citées [)ar saint
Paul : J'ai été trouvé par ceux qui ne me cher-
chaient pas, et je me suis fait voir à ceux qui ne
se souciaient pas de me connaître {Rom. x,
20). Il voulut montrer par ces paroles qu'il
venait là de son pro|)re mouvement et qu'il
se présentait au combat de lui-même, sans que
))ersonne l'y forçât , suivant l'exemple du
Sauveur, qui, pouvant à la faveur de la nuit
échapper à la recherche de ses ennemis qiù
ne le connaissaient pas, se remit volontaire-
ment en're leurs mains.
« La voix de Gordius attira aussitôt sur lui
les regards de tous les assistants, et sa ligure
extraordinaire les y arrêta. Elle avait quel-
que chose d'affreux : le long séjour qu'il
avait fait dans le désert l'avait rendu sem-
blable à un sauvage ; les cheveux hérissés et
tout en désordre, la barbe longue et mal
peignée, un habit déchiré, le corps sec et
noirci par le soleil, une besace sur l'épaule,
et un bâton noueux et mal poli à la main ,
et toutefois à travers tout cela, on ne lais-
sait [las de voir briller je ne sais quel agré-
ment qui résultait de la grâce dont son âme
était remplie. Dès qu'on l'eut reconnu, un
cri s'éleva de tout le théâtre. D'un côté, les
chrétiens faisaient éclater leur joie en voyant
leur compagnon d'armes marquer tant de va-
leur; et d'un autre les païens demandaient
sa mo t au magistrat qui [)résidait aux jeux.
Tout était rempli de confusion ; on ne regar-
dait plus les courses, on n'avait d'attenlioi
que pour Gordius : tout le théâtre n'était
j)lus occupé que de lui. Les cochers avaient
l)eau i)res>er leurs chevaux, ils n'excitaient
plus ta curiosité du spectateur ; le bruit
même était si grand, (pie le bruissement
des chariots ne s'entendait |)oint : les vents
(rautomne ne représentent cprimpaifaite-
ment riioirible lïai:as (pie produisaient tou-
tes ces diireriniies clameurs. Enlin, après
(ju'uu héraut eut fait faire silence, les trom-
pettes .s'arrêtèrent, les lliïtes et les hautbois
se lurtnit, et les autres instrumeiils cesserait
déjouer; le bruit s'apaisa, le seul Gordius
()aila, et fut écouté.
<( 11 fui conduit sur-le-champ au gouver-
neur (pii lui paila d'abord avec beaucoup de
douceur. Il lui demanda (pii il était, d'.iù il
était, ( l ce qui l'amenail. Le saint lui répoii-
(I t e 1 I eu (le mots sur tcnis ces articles : il
lui ajiprit >on pays, le nom de sa familhs lo
ra»g qu'il avait l-nu dans l'armée, et enlin
ce qui' lui avait fait (piill(n- le monde, et ce
qui l'obligeait à y revenir. Si je reparais aux
1121
C<Ml
GOIl
wn
youx dos liommes , nj^uta-t-il , si je nio
trouve au militui dos villes, ce n'est (jutî
S)our avoir la j^loire do co'ilbs.ser li aiteiueiit
lésus-Clirist, pour vous apprt'iulre (juejai
pour vos édits le dernier uiépris, el pour
vous reprocher volie (;ruaut(^. Jai pris l'oe-
casioi des courses pour exécniler iuo'i des-
soin. Ces paroles (ireiitsur l'Auie du [gouver-
neur ce que lail une élincelle ipie le vent
porte sur une pile de l)ois sec : elles y allu-
mèro'it une fuieur si violente contre le saint,
qu'elle ne put s'éteindre ([uo par sa mort.
Des bourreaux, s'écria-t-il, des fouets, dos
plonU)oaux ; qu'on l'élende sur une roue,
qu'on le nielte sur le chevalet, (ju'on m'ap-
porte tous les instruments propres ^ tour-
menter, qu'on en cherdu;, ([u'un en invente
de nouveaux. Qu'on prépare la [)rison, qu'on
dresse des croix, (pi'on allile le tranchant
des haches, qu'on lAche les bétes farouches,
c'est trop peu pour un homme si exécrable
que de ne mourir qu'une fi is. Je l'avoue, dit
(jordius, et j'y perdiais moi-même ; je croi-
rai qu'on me fera tort, si on ne me f.il souf-
frir pour Jésus-Ciirist toutes sortes de tour-
ments, et si on ne recommence souvent à
me tourmenter. Hélas ! que ne peut-on aussi
me donner plus «l'une lois la mort 1 Le gou-
verneur était naturellement porté h la cruau-
té ; mais ce qui augmentait encore ce pen-
chant en lui, c'était la nécessité où il croyant
être de donner un exemple de sévérité en la
})crsonne d'un officier qui avait fait figure
dans l'empire ; outre que celte grandeur
d'dme que Gordius faisait paraître semblait
n'éclater si fort que pour le couvrir d'une
plus grande confusion , il la considérait
comme une insulte qui lui était faite ; peiit-
éti-e aussi lui donnait-elle une secrète ja-
lousie. Quoi qu'il en soit, plus il remarquait
de fermeté en Gordius, plus il sentait redou-
bler sa fureur, plus il faisait redouljler les
tourmenis. Le martyr, de son côté, tianquille
et rempli d'une sainte confiance, chantait ce
verset du Psalmiste : Le Seigneur est mon
appui, je ne craindrai point ce que l'homme
peut me faire {Psal. cvvii) ; ou celui-ci : Je ne
craindrai point tes maux, parce que vous êtes
avec moi {Ibid., 22); ou d'autres du même
prophète, car il possédait très-bien l'Ecri-
ture. Il se plaignait ensuite de la longue at-
tente oiî on le laissait des peines qu'on lui
avait promises. Qui vous retient, «lisait-il,
d'où vient que vous demeurez oisifs ? Vous
devriez déjà m'avoir déchiré en mille pièces,
n'avoir laissé aucun de mes membres sans
lui avoir fuit scuffrir son tourment particu-
lier ; m'enviez-vous le bonheur qui en doit
être la récompense? Plus vous me ferez souf-
frir, et plus cette récompense sera grande.
C'est une convention faite entre Dieu et ses
martyis ; chaque tlétrissure qui paraîtra sur
nos corps sera changée au jour de la résur-
rection en un rayon de lumière ; pour les
opprobres, nous recevrons les palmes ; et le
séjour que nous aurons fait dans les prisons
nous vaudra le séjour du paradis. Oui, parce
que vous nous punissez du supplice dû aux
soéiérats, nous jouirons du bonheur destiné
pour les anges. Vos menaces sont pour moi
uiKï senu'i.ccî d'immortalité, et elles me pro-
duiront une félicité éternelle.
« Le gouverneur vil bien (pi'il n'avancerait
rien par celUi voie, et que h; serviteur do
Dieu n'en serait que (dus inUexible. Il crut
donc pouvoir eu venir à bout plus lacile-
nuHil par la douceur et par les flatteries. Si
on peut vaincre un homme d(! cœur, ce n'est
(pi'tMi le flattant; c'est ]h son faible, il ri'y a
(|ue les Ames timides quicèdentaux menaces.
Le gouverneur changea tout d'un coup de
langage; il lui fit les promesses du monde
les plus magnifiques dont il devait sur l'heure
accomplir une partie, et il engagerait sa pa-
role (lue dans peu de jours il obtiendiaif le
re>le de l'empereur, une des premières char-
ges de l'armée, de grands biens ; en un mot,
il l'assura qu'il n'avait qu'à demander, et
(ju'on lui accordera t toutes ses demandes.
Gordius, aussi peu énm des promesses qu'il
l'avait été des menaces, se mit à rire ouver-
tement de la folie du gouverneur, qui s'ima-
ginait qu'il y eût quelque chose sur la terre
qui pût le dédonunager. Alors cet impie,
lâchant la bride à sa colère, tira sa propre
épée du fourreau, et coramendant que le
bourreau se tînt prêt, il condamna le saint
à la mort. Dès qie le peuple qui assistait aux
courses l'eut appris, il accourut au tribunal.
Et la nouvelle en ayant été bientôt portée
dans la ville, ceux qui étaient restés, voulant
avoir part au spectacle sang'ant qui se pré-
parait et qui devait réjouir les anges et
désespérer les démons, sortirent en foule
hors des murs, et se rendirent au même en-
droit. Césarée devint déserte on un moment ;
le peuple se répandait autour du tribunal
comme un fieuve grossi par les pluies se
répand par-dessus ses bords dans les cam=
pagnes voisines. Les maisons demeuraient
vides, les artisans quittaient leurs boutiques
et les marchands leurs magasins, les denrées
étaient ex|)Osées dans les marchés sans qu'il
se trouvât personne pour vendre ou pour
acheter, ni même pour les girder, y ayant
d'autant plus de sûreté dans la ville, qu'il
n'y était resté aucun homme qui pût profiter
de l'absence de tous les ci oyens. Enfin, ce
qui n'était jamais arrivé, les jeunes filles, cé-
dant au désir de voir, osèrent bien se mon-
trer aux yeux des hommes, et ce qui marque
une espèce de fureur en ce peuple, les in-
firmes et les vieilla.ds, oublaut leur fai-
blesse et leur âge, se traînèrent comme ils
purent hors les murs, pour satisfaire leur cu-
rios té.
«Tandis que cette eff'royable multitude rem-
plit à l'envi la place qui doit être arrosée
du sang de Gordius, les amis du saint et ses
proches l'environnent ; ils l'embrassent, ils
le mouillent de leurs larmes, ils le conjurent
en des termes les plus pressants de ne pas se
perdre; ils lui représentent la honte du sup-
plice qui va l'ôter du monde à la fleur de son
âge, et le priver pour toujours de la vue si
douce et si consolante de la lumière. Quel-
ques-uns, qui voyaient bien qu'il serait dif-
ficile de le faire changer entièrement de sen-
1123
COR
GOR
uu
tinie'it, et qui croyaient pcul-ùlre qu'il est
porniis de feindre, môuie en uialièic de reli-
gion, pour sauver sa vie, s'elForgaient de lui
persuader par des raisons rcvèlues de fausses
couleurs, quoicpie apparentes, qu'il pouvait
renoncer Jésus-Christ de bouche et à IV'xlé-
rieur, et le reconnaîtn; toujours dans le
cœur et en secret; que Dieu regarde moins
les paroles que la volonté, cl que c'était
après tout le seul moyen d'apaiser le gou-
verneur sans irriter Dieu. Ainsi ([u'un ro-
cher résiste ii tous les etforts que les vagues
font autour de lui, de môme le saint de-
meure ferme et inéhranlaijle à tout ce (^u'on
peut lui alléguer; et connue rédiUce que
l'homme prudent a bâti sur la pierre ne peut
être renversé ni i)ar la violence des vents,
ni par la ckute continuelle des eaux, ni par
le cours jmi)étueux d'un torrent : ainsi ni
les prières, ni les pleurs, ni les motifs qui
semblent être les plus engageants, ne purent
ébranler tant soit peu la constance du lidèlc
Gordius. Ayant, au contraire, remarqué,
par une adniirable pénétration d'esprit, (juc
le démon s'intriguait beaucoup dans celle
affaire, qu'il allait de côté et d'autre, four-
nissant dos i)aroles à ses parents, leur met-
tant des larmes dans les yeux, et employant
tout ce qu'il y a d'arlitice pour les rendre
persuasives , le saint martyr, dis-je, comprit
qu'il pouvait tirer de ces mêmes larmes un
grand avantage pour persuader lui-même
ses parents. 11 leur dit donc d'abord ces pa-
roles que le Fils de Dieu dit à la mort : Ne
me pleurez point, mais pleurez-vous vous-
mêmes. Puis il ajouta : Pleurez les ennemis
de Dieu, pleurez ces honnnes de sang qui
mettent toute leur gloire à répandre celui
des chrétiens, qui allument partout des feux
pour les brûler ; mais, aveugles qu'ils sont,
ils ne voient pas qu'ils allumeni en même
temps un feu où la colère de Dieu les i)réci-
pitera pour y être tourmentés durant toute
une éternité. Mais non, répondit-il un mo-
ment après, ne pleurez plus, et cessez de
m'allliger; car je suis prêt à mourir pour
mon Dieu, non une fois, mais mille, si cela
se pouvait. En adressant particulièrement la
parole h ceux qui lui conseillaient de renon-
cer Jésus-Christ, il leur disait : Je tiens cette
langue de la bonté de mon Dieu, comment
pourrais-ju m'en servir à le renier? Nous
croyons de cœur, il est vrai, pour être jus-
tiûés; mais nous confessons de bouche pour
être sauvés. Quoi 1 croit-on qu'il n'y a i)oint
de salut jjour ceux qui porltml les armes?
Est-ce un prodige iju'un ollicier dévot? et
n'a-t-on jauiais vu de cenluiic^n servir Dieu ?
N'en vit-on |)as un à la morl du Sauveur? 11
était au pied delà croix, et ne douUuil plus
que celui (lui y était attaché ne lui Dieu,
après tant de miracles dont il élait lui-même
témoin, il im ciaignit pas de conhisser la di-
vinité de Jésus-Christ en présence des Juifs
encore tout l'urieux et ttjut couveils di; son
saug ad(jrable.
« Le soldat de Jésus-(^hii.st, ayant ainsi
parié, lit sur lui le signe de la croiv, et d'un
vibaj^e (^ui, sans d^jj^jer do couleur, t^i^n!»
marquer la moindre appréhension, il mar-
cha à la morl d'un jias assuré. On eut dit, en
voyant cette joie briller dans ses yeux, qu'il
allait -se jeter entre les bras des anges, et
c'était entre les mains des bourreaux. Il est
vrai (lue ces esprits bienheureux le vinrent
prendre dès qu'il fut expiré, et le portèrent
dans le ciel, comme ils y avaient autrefois
porté Lazare. »
GORDIEN (saint), fut décapité à Rome
pour la foi, en 3G2,'du temi)S de Julien l'A-
postat. On ne sait rien de bien précis sur
l'histoire d(^ son martyre. L'Eglise fait sa
fête, avec celle de saint Epima(pie, le 10 mai.
Une erreur s'est glissée dans les martyiolo-
ges, par suite de la distinction qu'on a faite
à tort entre le saint E|)imaque honoré le 12
décendjre, et celui qui l'est le 10 mai : il s'a-
git d'un même saint. Saint Epimaque, cité
avec saint Gordien au 10 mai, est le même
que celui qui souifiil avec saint Alexandre,
et qui est cité au 12 décembre dans le même
martyrologe. On a mis sa fête avec celle de
saint Gordien, parce que ses reliques ayant
été apportées à Rome, le corps de saint Gor-
dien fut mis dans le même tombeau. 11 s'a-
git d'un saint fêté deux fois, et non pas de
deux saints dilférenls.
GORDIEN (saint), reçut la palme des glo-
rieux combattants de la foi à Nyon. Il eut
pour compagnons de sa gloire les saints Va-
îérien et Maigrin. Nous ignorons complète-
ment l'époque et les différentes circonstan-
ces de leur martyre. L'Eglise fait collective-
ment leur fête le 17 septembre.
' GORGONIUS (saintj, martyr, l'un des qua-
rante martyrs de Sébaste, sous Licinius. Voy.
Mmitvus de Skbaste.
GORGONIUS (saint), martyr, à Nicomédie,
en l'an de Jésus-Christ 'SÙ't-, fut l'une des
victimes que le mensonge infâme de Galère
louchant l'incendie de Nicomédie, livra à la
cruauté de Dioclélion. Il était sous-cham-
bellan de l'empereur. On l'arrêta avec Do-
rothée , premier chambellan, et après lui
avoir fait soulfrir divers supplices, on le
condamna à être étranglé. L'Eglise célèbre
sa fête le 9 septembre. (Lactance, de Morte
perscc; Eusèbe, 1. viii. Voij. Suysken, Aci.
SS., t. m Sent., p. 3W el suiv.)
GORSlvA (Coj.oMHE), l'une d-s religieuses
de Saint-Rasile, établies à Minsk en Lithua-
nie, etconnu(,'S sous le nom do Filles de la
Sainte-Tj'inité, qui furent expulsées de leur
couvent et livrées aux persécutions les plus
violentes par le czar Nicolas et le prélat
aposlat Siemaszko. Elle fut la |)i'emière (]ui
périt des suites de la flagellation à hupn.dle
on les soumettait souvent. La (hjuleur lui
avait fait ptsrdre connais.sance, de nouvelles
violences la lii'ent revenir à elle. Les persé-
enleuis lui ordonnèrent alors de reprendre
if travail manuel aucpud on les assujettissait:
elle se traîna j\is(pr;» la brouette (pi'elle
devait chaiger d'nnmondices , amoiu;eléos
dins la cour du couveni (pu leur seivait de
prison, et lomba moite. ( > o//. iarlidû
lUiïcZYSI.AWSK.^.)
GOUTYNE, ville capitale de la Crète. Ce
1125
G HA
fut dans cctto villo quo, sons l'cinpirc! di!
Dfïc.c, un ju^o nouuiH^ Lucius, (|H;ililiô |iré-
sidoiit d;ms les Actes ilt" sainl (lyrillc, ('v(V
quo, lit mourir co saiut. iJ'aIjord, raioiitcul
Ivs Ados, il k'iitjotcr dans uu biïcher; mais
le i'tui no til (|ul' itri^lcr les cordes ([ui uUa-
chaieut l'Iiomme do Dieu, ('yrillo sort il saiu
et sauf du milieu des Uammos. Lucius lui
tellomeul émorvoillé de ce miracle, (|u'il
laissa partir Cyrille; mais bienlAl apiès,
ayaul a(>|>ris ({u'il contiiiuail à |)r("^cher la
parole sainio el il convorUr les iulitlèles, il
le lit décapiter.
(iUA(;iLll<:N (saint), martyr h Falèrc on
Tos( ane, sous le \('^\h) et durant la persécu-
tion de (llaude le (lolhi(jue, soullVit avec la
vierge sainte Félicissinu'. Ou le Irappa d'a-
bord rudemi'ut sur la bouche avec des cail-
loux, pour avoir confessé la foi ; oulin on le
lit périr par le glaive. Sa fôle est célébiée
par l'Eglise le 12 août.
CîRAT (saint), martyr, rceueillit la palme
gloiieuse du martyre h Tliagoro on Afii(/ue,
avec les saints Jules, Polamie, Crispin, Fé-
lix el sept autres, dont les noms ne sont pas
parvenus jusqu'il nous. L'Eglise fait leur
fête le 5 décembre.
CiRATK (sainte), fut décapitée à Lyon pour
la foi, en l'année de Jésus -Christ 177,
sous le règne de l'empereur Aiilonin Marc-
Aurèle. Elle était citoyenne romiiine, ce fut
ce qui em])ôcha qu'on l'exposât aux bêtes,
comme le furent plusieurs de ces généreux
soldats de Jésus-Christ. L'Eglise fait leur
fête à tons le 2 juin.
CUATIEN (saint) , fut martyrisé sous le
règne de Dioclétien, à la fni du m' siècle,
en Picardie, par ordre de Riclius Varus, pré-
fet du prétoire dans les Gaules. Ce magistrat
fit citer à son tribunal Gratien, accusé de
christianisme. Loin de rougir de ce titre glo-
rieux, ou de reculer devant le danger qu'il
attirait sur lui en l'acceptant, Gratien pro-
clama hautement sa foi et dit qu'en effet il
était disciple de Jésus-Christ, et que sa seule
ambition était de vivre et de mourir pour
lui. Rictius Varus le condamna à être déca-
pité. Il subit ce supplice, et fut enterré en
un lieu qui porte encore aujourd'hui son
nom. Sa fête a lieu le 23 octobre.
GRATINIEN (saint), soldat, fut martyrisé
à Pérouse, sous le règne et durant la persé-
cution de l'empereur Dèce, avec saint Félin,
soldat comme lui. Nous manquons de détails
authentiques sur la mort de ces deux saints.
L'Eglise fait leur fèîe le l"juin.
GRATKOWSKA (Népomucène), l'une des
religieuses de Saint-Rasile, établies àMinsk,
en Lithuanie, et connues sous le nom de Fil-
les de la Sainte-Trinité, qui furent expulsées
de leur couvent et livrées aux persécutions
les plus violentes dans le courant de l'année
1837, par le czar Nicolas et Siemaszko, évê-
que apostat. On les aviùt renfermées dans un
couvent, enlevé à d'autres religieuses pour
passer entre les mains d'une communauté
de Czernice ou Filles-Noires, recrutées parmi
les veuves de soldats russes et les fil^s de
mœurs déréglées. Ces tilles passaient leur
CA\E im
liiiipsà se dii-e des injui-es, h se battre et h
s'(;nivrer avec de ro;ui-dc-vio. Un jour, (irat-
kowska, iiyant osé, smis en avoir obtenu \n
permission', gratter av(!c uu couteau une ta-
che dt! goudron sur le phuicher, \'J(/umcna
ou iibbessc des Filles-Noires, lui fendit la
tête d'un couj) de hache. (Ko//, l'iu-ticle Mikc-
/VSI.V^VSK \.\
GR^:(i01RE (saint ), de Spolète, martyr,
eut la gloire de donnei' son sang pour la foi
chrétienne, en l'iin d(; Jésus-Christ iWi, du-
rant l;i |)erséculiou que le lyr.ui Dioclélien
suscita contre l'Fglisedi! l)i(!ii. 11 était prêtre;
attaché à l'I-lglise de Spolète, cl f)rédicaleur
infatigable d(! l'Evangile. Flaccus, généial
que renq)erour envoya dans ces contrées,
avec l'ordre de sévir contre les chiéliens, fit
arrêter le saint imciuel il re[iroclia d'être un
(l(;s séducteurs du peuple et un ennemi des
ili(niv de l'empire. Ce Flaccus, en véiitable
honnue de guerre qui n'aime pas les longues
discussions, ne voulut [ms écouter les l'é-
ponses d(! saint Grégoire, parce qu'il les fai-
sait de manière à énoncer et h établir les vé-
rités [)Our lesquell(!S il étaitincriminé. «Mar-
chons droit au but, lui dit-il; faites ce que
je vous ordonne, alors vous serez récom-
pensé [)ar les empereurs, autrement vous al-
lez être tourmenté cruellement et mis h
mort. » Le saint aviiit résolu de mourir pour
son Dieu : cette grAce lui fut acordée. Après
avoir subi diverses tortures, qu'il sup])Orta
courageusement, il fut rais à mort. Ses reli-
ques sont encore dans l'église de Spolète,
placée sous son invocation. Baronius, qui
rapporte ses Actes, donne à la tin le récit
d'un célèbre miracle opéré en 1037, par l'in-
tercession du saint. Ces Actes, quoique con-
tenant des choses assez belles, ne nous [la-
raissent pas absolument dignes de confiance:
le merveilleux y domine. Ils sont pleins de
miracles ; or, pour être admis, les miracles
ont besoin d'être bien prouvés, bien établis.
L'Egiise célèbre la fête de saint Grégoire de
Spolète le 2i décembre.
GRÉGOIRE (saint), évêque et confesseur,
soutint de grands tourments pour la défense
de la religion chrétienne. Les détails nous
manquent malheureusement sur son compte.
L'Egiise honore sa sainte mémoire le 19 dé-
cembre.
GRÉGOIRE (saint), évêque et confesseur,
eut le glorieux privilège d'endurer des souf-
frances pour Ihonneur et la défense de la
religion chrétienne, dans la ville d'Elvire en
Espagne. Les détails nous manquent sur son
compte. L'Egiise fait sa mémoire le 24
avril.
GRÉGOIRE DE NYSSE (saint), évêque et
confesseur, el frère de saint Basile, naquit
vers l'année 331, à Césarée en Cappadoce, de
parents nobles. Il vécut dans le monde avant
de se consacrer à l'Eglise, et épousa ïhéosé-
bie, dont saint Grégoire do Nazianze fait un
grand éloge dans une lettre qu'il écrivit sur
sa mort h celui de Nysse. Nous sommes assez
porté à croire que ce qui le détermina à quit-
ter le monde fut l'accident suivant, qu'il pu-
blia lui-même à toute la terre par une humi-
H27
GRE
GRE
1128
lité qui a peu d'exemples. Sainte Eminélie sa
mère s'éta t retirée dans le village d'Annô-
ses, dont plus tard saint Grégoire devint sei-
gneur. A peu de dislance de cet endroit se
trouvait une église où cette sai-ite femme fit
mettre les reliqui^s des quarante martyrs de
Sébaste. Voulant inaugurer celte réception
par une grande solennité, et désirant ((ue
Grégoire y assi>t;U, elle le lit avertir de sa
vdionlé. Notre saint, que d'autres ad'aires
préoccupaient, n'arriva que la veillai de la
solennité, et loin de passer la nuit en priè-
res avec les autres fidèles, dans le jardin où
l'on avait mis les reliques, il resta tranquil-
lement à dormir dans la maison. Pendant
son sommeil, il songea que, voulant entrer
dans le jardin où l'on fais dt la veille, il trou-
vait à la porte un grauii nombre de soldats
qui l'en empêchaient, le menaçant de le frap-
per avec des baguettes qu'ils portaient; s'é-
tant réveillé, il fondit en larmes et se rendit
pour prier auprès des reliques, en demandant
pardon h Dieu de sa négligence.
Quoi qu'il en soit, no re saint renonça aux
espérances du monde, devint lecteur dans
une église et se livra à l'étude des livres
saints. 11 se laissa cependant aller bientôt à
une funeste tentation, et a.tanl abandonné
l'autel, il fil un cours de rliéioiique aux jeu-
nes gens de la ville. Son ami saint Grégoire
de Nazianze lui écrivit alors une lettre rem-
plie d'une indignation mêlée de douceur et
de charité, et toute la suite de la vie de no-
tre saint prouve qu'elle fil son etl'et. Ce fut
au commencement de l'année 372 que saint
Grégoire fut fait évoque de Nysse, ville de
Cappadoce, située à environ 35 lieues de
Césarée, du côté d'Ancyre. En effet, l'épître
259 de saint Basile écrite, co nme nous
croyons, vers le milieu de l'an 372, parle de
l'épiscopat de son frère Grégoire, connue
d'une chose encore nouvelle, et sur laquelle
saint Eusèbe de Samosate venait ce seiiible
de lui écrire. Ainsi, il faut a.-paremmenl le
mettre vers le commencement de la môme
année. Nous ne voyons point de raison de le
meitre jjIus tôt, et 11 est certain ([u'on ne le
peut mi'ttre [dus tard, p'us(p]'il a [)récédé ce-
lui (le sai 11 (irégoire de Nazianze, fait évo-
que vers le milieu de l'an 372. Il fui consa-
cré |)ar les mains de saint Rasile qui élait le
métiopolitain, et les évê(iues (jui assistèrent
à son ordination ont laissé une lettre où ils
protestent qu'il fallut faire violence à notre
saint (tour le déHMininer ii accepter lépisco-
pal.Une fois élevé à celte dignité, il y montra
]esverlusdignesd'uiis.iintévè(|ue,et(pioi(iu(!
iich(,', il y resta constamment pauvre. Un (i(;s
premiers actes de son épiscopat fut de signer
la lettre que les év6(pies orientaux écrivi-
rent à ceux d'Italie et des (iaules en signe
daihésion h leur foi, et que^iue temps
après il assista à l'ordination de saint Gré-
goire de Na/.ianze (pii fui promu évèipuj de
Sasimes. Gepennanl les ar.eiis ayant renou-
velé leurs persécutions, sauit (irégoire eut
i)i-aiicoup à en soullrir, et dans le courant de
l'année '412, Icmus mauvais traitements h;
lorceront a s'enfuir. Quelquefois il revenait
visiter son troupeau, mais, vers l'année 376,
un misérable évèqui' ayant été rais à sa place,
il dut cesser les visites qu'il faisait à son
troupeau pour le maintenir dans la foi. Dieu
voulant éprouver sa patience, permit que
Démosthène, vicaire du Pont et grand enne-
mi des catholiques, le fit arrêter à Ancyre,
l'accusant d'avoirdissi[)é (juelque argent que
notre saint prouvait avoir été dépensé par
son [irédécesseur. Grégoire s'enfuil d'entre
les mains des snlJals, poussé par les mauvais
traitements qu'ils lui faisaient subir, et par
un grand mal de côté dont il était atteint,
outre son mal de reins ordinaire. Les pré-
lats (jui avaient ordonné noire saint évêque
écrivirent à D/nnoslhène [lour l'assurer que
les trésoriers de l'Eglise éta eut prêts à tenir
compte de la somme réclamée, et le prier de
les vouloir entendre dans la province sans les
traîner au conciliabule d'Ancyre tenu parles
ariens, ils terminèrent ce. te lettre en lui di-
sant par deux fois qu'ils trouvaient un peu
élrange qu'il entreprît de juger une alfaire
de cette nature. Les ariens n'atlendire.it pas
longtemps pour consommer leurs ini(|uilés,.
et, en l'année 37G, ils établirent sur le siège
de Nysse un misérable qui suivait leur hé-
résie. 11 paraît raêuie que l'e.i.pereur Valens
die. a un ordre exprès pour le bannissement
de Grégoire.
Cet empereur étant mort en l'année 378,
son successeur Gratien rendit la paix ii l'E-
glise et rappela les é^êques exilés. La joie que
notre saml en éprouva fut néanmoins tem-
})érée par la mort de son frère Basile à qui ii
avait toujours témoigné un respect extraor-
dinaire: 11 prononça son éloge que nous po-s-
sédons encore. Bietitôt après, il écrivit un
livre contre l'hérésiarque Eunome qui en
avait publié un contenant de grandes injures
contre son frère Basile. Le commencement
de son discours contenait la défense de ce
sain', et le reste réfutait ce qu'Eunome avait
avancé contre la doctrine de l'Eglise.
C'est ici qu'il faut placer le départ de Gré-
goire [)oiir exécuter la commission qu'il
avait reçue du concile d'Antioche d'aller en
Arabie et en Palestine pour y réformer l'E-
glise. Cette Eglise était troublée 'm particu-
lier par les deux hérésies opposées des aiili-
dicomarianites, qui violaient riionneur dû à
la sainte mère de Dieu, en [irélendaiit qu'elle
avait cessé d'être vierge, et des coUyiidiens
qui ne la déshonoraient [)as moins par les
honneuis excessifs et supi'rstitieux qu'ils lui
rendaient comme à une divinité. Sanit Gré-
goire a|)rès avoir vis. té les lieux illustrés par
la 1110. t du Sauveur, se mit à l'uMivro alin de
faire cesser les dissensions (pie les schisma-
tiques avaient introduites dans l'Eglise de
Jérusalem; mais il n'y |)iit réussir et revint
dans son pays, accablé de tristesse et de dou-
leur. Les bornes (\uo. nous nous sommes im-
posées dans cet ouvrage ne nous permellent
pas d'milrer dans des détails plus explicites:
nous avons esquissé la vie de ce grand doc-
leur, mais en ayant soin de ne rien omellro
d'inipoi laiil. Nous ajouterons (pi'il [laïaît
avoir vécu fort longtemps, coimiic le disent
1129
GRE
GRE
1130
les Cii'cns, puisqu'il parlo assez souvont do
sou ^'raud A^c, di' ses clievcux blancs cl de.
ses nuMnbros allaiblis cl coiiibc^s par la vieil-
lesse. Ainsi, il p(!ul i)ien avoir passé rannée
39'*, (lui esl la dernière où il soil parlé de lui,
cl (pu élailau plus la soixanle-ipialrièiue de
sou A;^e; mais il y a apparence (ju'il ne vit
pas Tes Iroubles cxcilés en Tan M):) et k{)k
par 'riiéopliilc, contr(> sainl Cbrysoslonu' ,
dans l(S(piels ou ne lui donne aucune pail.
Il esl inscrit au Marlyroloi^e l'oiuain le ueu-
vicnie (le mars. 11 a l'ail bcaucouj) d'écrits (pii
ti''nioiKi"''d d'une i^raude élévation (res[)rit,
d'un caractère doux et plein dt^ boulé.
C.KÊr.OlKK DK NAZiANZE (sainlj, arclic-
V(j.]ue et confesseur, sui'uouuué le Théo-
logien, h cause de sa connaissance |)rofonde
d(! l'Ecriture, uaipiit dans le l(M'riloire do
Naziaiuo, pj'ès Césarée en. Cappadoce. Son
père, nommé Grégoire, était de la secte des
lii})sitaires, (pii adoraient le l'eu connue les
Perses, et observaient, avec les Juifs, le sab-
bat et la distinction des viandes ; il remplis-
sait la charge de premier magistrat de la
ville, et vivait dans la prati(pie de toulcs les
vertus qui font riionuète homme. Nonne, la
mère de notre saint, qui était chrétienne,
sup{)liait le ciel d'ouvrir les yeux de son
époux, et de l'amener à la connaissance du
vrai Dieu. Ses prières furent exaucées ; Gré-
goire abjura le paganisme et fut baptisé à
Nazianze, vers l'année 323, épo(jue où se
tint le premier concile de Nicée. Bientôt
a[)rès, son mérite le lit élever sur le siège
de Nazianze, qu'il gouverna durant quarante-
cinq ans. 11 mourut à i)rcs de quatre-vingt-
dix ans, et est honoré [)ar l'Eglise le 1" jan-
vier ; la mémoire de sainte Nonne, son
épouse, est célébrée dans FEg'ise le l"
août.
Niitre saint fut accordé aux instantes
j)rières de sa mère, qui fit vœu, par avance,
de le consacrer à Dieu. 11 fut élevé sainte-
ment, n'ayant sous les yeux que des exem-
ples de vertu et de piété. Bienl(jt il prit la
résolution de renoncer au mariage, ainsi
qu'à tous les divertissements quelconques,
auxquels les jeunes gens aiment h se livrer
géuéraleraent. Quand on l'eut instruit sutlî-
sannnent dans les écoles du pays, on jugea
qu'il était utile de l'envoyer étudier dans
des contrées éloignées. Grégoire partit donc
avec son frère Césaire, qui resta à Alexan-
drie, tandis que lui alla prendre des leçons
de rhétorique à Césaiée, eu Palestine. De là
il vint à Alexandrie ; mais bientôt, ayant en-
tendu vanter la réputation des maîtres d'A-
thènes, il s'embarqua pour s'y rendre. La
tempête ayant battu le vaisseau pendant
vingt jours, il fit vœu de se consacrer à Dieu
si la vie lui était conservée, et bientôt un
aborda à Egine, près d'Athènes.
Nous avons oublié de dire que, dans les
ooui'S (jue Grégoii'C suivait à Césarée, il avait
fait la connaissance d'un autre étudiant, qui
devint plus tard saint Basile. Ils se retrouvè-
rent à Athènes et se lièrent d'une étroite
amitié. Aussi vertueux l'un que l'autre, ils
s'excitaient mutuellement à la vertu, parfa-
DlCTlONN. DES PkrSÉCITIONS. I
geaient leur temps entre la prière et l'étude,
(.'t se j)rivai(;nt souv(înt pour assister les pau-
vres. Sainl Basile (juilla cette ville le pi'C-
mier, et l'année suivarite, (Jrégoire (juilta
Athènes à son tour pour se rendr(! à Na-
zianze. Il prit sa rout(!])ar Gonstantinople, où
plusieurs personnes, (pii connaissaient son
mérit(( , l'engagèi'cnl fortement h s'établir,
lui promellant la gloire et les richesscss. (]e
fut en vain ; il i'é|iou(lil (pie son dessein
était (l(! vivre |)onr Dieu. Son premier' soin,
en arrivant à Nazianze, fut d(! l'ecevoir- le bap-
tême des mains de son pèr'c, et dès lor's,
abandonnant ses livr(>s aux vers et aux tei-
gnes, comme il le dit lui-même , il eonsa-
cr-a à la prière et aux boniuis (l'uvr-es tous
les moments (jue l'administration dc's afr.iii'os
cl de la maison de son [)èr'(; lui laissait li-
bres, lui 358, irotre saint, voulant vaquer
plus librement au sei'vic(> de Dieu, alla trou-
ver Basile dans sa solitude, et ne la cpiitta
(jue (juand son père, Agé de i)lus de quatr-e-
vingts ans, le rap[iela et l'ordonna prêtre, afin
qu'il l'assislAt dans le gouverirement de son
diocèse. 11 fut i)r'omu au sacerdoce l'an 3(jl,
Gi'égoir(S cpii avait goilté les (iouceui'S de la
solitude avec son ami saint Basile; qui, de
plus, no se croyait pas digne des fonctions
aux(|uelles son père l'avait élevé, et qui préfé-
rait le repos aux dissensions sans cesse re-
naissantes qui régnaient entre les chrétiens,
prit la fuite, et ne revint enfin à Nazianze
qu'après dix semaines d'absence. Vaincu par
les remontrances de saint Basile , son ami.
11 prêcha son premier sermon le jour de Pâ-
ques, et bientôt il en prononça un second
qui porte le titre d'Apologie.
Cependant, la même vio'Gnce qui avait
été faite à notre saint, fut faite également à
saint Basile, vers la fin de la même année. Il
fut ordonné prêtre par l'arxhevêque Eusèbe,
et vers l'année 312 nous le voyons métropo-
litain de la Caj)padGce. A cette époque, la
Cappadoce fut divisée, par ordre de l'empe-
reur, en deux provinces. Celle qu'on appe-
lait la seconde, eut la ville de Tyane pour
capitale. Cette division causa des troubles
dans TEglise : Anthyme, évêque de Tyane,
prétendait avoir unejuridiction archiéjiisco-
pale sur la seconde Cappadoce. Saint Basile
s'opposa à celte prétenlion ; il réclama son
droit comme art-hevôque de Césarée , et
soutint qu'une division purement civile ne
lui ôlait point la qualité de métropolitain do
la Cappadoce. Durant la contestation, saint
Basile élut Grégoire son ami évèque de Sa-
sima, ville qui était de la petite division
qu'on lui disputait. Notre saint no le voulait
point, mais il se soumit à l'autorité réunie
de son père et de son ami. Anthyme, qui
avait eu l'adresse de mettre le nouveau gou-
verneur dans ses intérêts, empêcha Grégoire
de pénétrer j.imais jus([u'à Sasima : il gou-
verna donc l'Eglise de Nazianze sous son
pèr-e et continua d'en prendre soin après la
mort de celui-ci, qui mourut vers l'année
373. Cependant , 1 empereur Valens étant
moi't misérablement en 378, la paix fut ren-
due à l'Eglise, et les évéoues catholiques
36
nr.i
G HE
C.P.F,
<!52
joutèrent h relcvor pnrliculièreim'nl In villo
de Conslanlino;)le de la tyrannie où les
ariens la faisaient gémir depuis (piaranto
ans. Leurs sollicitations réunies arrachèrent
(Irégoire de sa retraite de Sélcucie, et il s'y
rendit enfin. Oa le reçut fort mal, à cause de
son extérieur débile et jiauvre ; son corps
cassé par WV^o, sa tête chauve et ses habits
grossiers étaient im sujet de railleries pour
les ariens. 11 ne s'émut point de leu.'S inju-
res et de leurs mauvais IraiteuKMits, et ayant
converti sa maison en église, il y i)réihait
chaque jour la parole de Dieu. Bientôt ses
vertus et ses talents attirèrent un grand nom-
bre Je personnes aut'nir de sa chaire, et saint
Jérôme lui-même quitta les déserts de la Sy-
rie pour étudier sous lui l'Ecriture .'•ainte.
Surces entrefaites, le fameux Maxime, phi-
losophe cynique, né à Alexandrie, fourbe
rempli de" l'impudence et de l'orgueil de sa
secte, se rendit à Constantinople, et, par mille
intrigues, parvint à se faire nommer évoque
de cette ville. Théodose étant arrivé à Cons-
tantinople, montra une grande indignation
contre l'intrus et donna des marques d'estime
à Grégoire ; de plus, il ôta toutes les égHses
aux ariens et mit celui-ci en possession de
celle de Sainte-Soplde, dont toutes les au-
tres dépendaient. Durant la cérémonie, le
jteuple s'écria unanimement qu'il voulait
notre saint pour évoque. Une grande diffi-
culté s'y opposait : on ne pouvait remplir
ce siège qu'après qu'un concile l'aurait dé-
claré vacant, en annulant l'ordination de
Maxime le Cynique, Précisément les évoques
de tout l'Orient étaient alors assemblés à
Constantinople, et présidés par le })alriarche
Mélèce d'Antioche ; de sorte que Grégoire
fut établi canoniquement évoque de Cons-
tantinople.
Saint Mélèce étant mort durant la tenue
du concile, Grégoire y présida. Cette mort,
qui devait finir l(;s maux de l'Eglise d'Antio-
che, ne servit qu'à les augmenter: au lieu
de laisser Paulin la gouverner tout entière ,
selon l'accord (pj'(jn avait l'ait en faveur de
celui des deux qui survivrait à l'autre, quand
saint Mélèce eut rendu l'esprit, (jiielques
prélats, ennemis de la paix, proposèrent dans
le concile (pi'oii lui doiin;U un successeur.
Mais saint (irégoire, qui n'avait accepté le
siège de Con-^tantinople (jue pour réunir
J'Orient avec l'Occident, et qui n'avait garde
de préfér(!r aucun intérêt de |)arli, ni laulo-
lité du i)lus grand nomljie à ce (pi'il devait
à Jésus-Christ et à la vérité, arma tout son
icèle en cettr; rencontre. Il lit un grand dis-
«;ours pour exhoi'ter hîs évéïpies h ne point
donner de; successeur à saint Mélèce et à
laisser Paulin gouverinn- ()aisil)Iem(nil durant
le peu de jours (ju'il avait à vivre. Il finit (ni
protestant fjiie si on s'imaginait qu'il parl.ll
ainsi ou pcjiir favornstn' (pielqn'un, on pour
ei tirertpielqiH' avantagi-, ou pour s(.' reiidi'j;
1 arbitre; d'j r,i-send)lé('. il était si éloigné de
toul(!s ces vnes, qu'on lui l'erait niéuK; plaisir
si on vonl.tit lui [xniiiellie de (pnller son évé-
rhé el do detiifnucr jiari iculier. Mais (|ne|qiH'
sainl-^îS cl (luehpKi judienousos que fu.s.sent
ses remontrances, elles furent inutiles. Les
jeunes s'élevèrent avec fureur contre lo
saint, et les aticiens furent assez indiscrets
})our les suivre, (juoicpiils n'eussent point
de meilleure raison h alh'guer , sinon, que
puisque Jésus-Christ avait voulu paraître en
Orient, il fallait que l'Orient l'emportât sur
rOccident. Aussi, c'était visiblement un ef-
fet de l'anlipalhie qc.e la ([ucn-d'e de saint
M/'lèce el de Paulin avait connnencée entre
ces deux parties de l'Kglise, (jui s'était fo-
mentée i>ar le dillV-rent usage du mot fn/po-
stase: et cel'e première froideur avait eu sans
doute quelque part au peu de s cours que
les Occidentaux avaient donné aux autres
durant la persécution de Valens , vommo
saint Basile s'en plaint si souvent ; à (]uoi il
fauljoindr(î l'esprit d'oi'gueil, de pique et de
jalousie, qui faisait regarder comme un grand
mal, à ceux qui n'avaient pas une vraie vertu,
d'honorer Paulin comme évèrpie d'Antioche
après l'avoir longtemps regardé comme schis-
inatique, et de se voir ainsi contraints de
céder en quehiue sorte aux Occidentaux qui
avaient toujours porté Paulin.
Saint Grégoire était bien au-dessus de ces
raisons si basses et si indignes d'un évèque.
Il ne cherchait que la volonté de Dieu,
l'honneur de l'Eglise et l'utilité des âmes, h
qui ces divisions étaient tout h fait piéju-
diciables. Aussi ce fut en vain que ses plus
grands amis le sollicitèrent puissamment
de vouloir céder au sentiment des autres ;
il n'avait garde de se laisser conduire par le
plus grand nombre plutôt que par la lumière
de Dieu, et il ne voulait point d'amis qui se
servissent du pouvoir de l'amitié [lour l'en-
gager dans le mal. 11 donna donc enfin sa
démission et la fit agréer, mais avec peine,
I)ar l'empereur Théodose. On lui doiuia pour
successeur Nectaire, sénateur romain et pré-
teur de Constantino[)le, qui n'était même
pas baptisé lorsque l'on procéda à son éle.;-
tion. Notre saint se relira à Niizianze, s'elfor-
çant, par tous les moye is possil)les, d'y faire
nommer un évê(iue. Il réussit enlin en 382,
et le clio X tomba sur un vertueux prêtre
nommé Eulalius. Telle fut, en peu de mots,
la vie si méritante de saint Grégoire de Na-
zianze, que l'on compte parmi les docteurs
d." ri'^glise. Il mourut en 3A\) ou au commen-
cement de iiO), âgé de soixante ou soixante
et un ans. L'iiglise honore sa mémoire le 9
mai.
GHÉtJOlHE DE THRACE (le bienheureux)
né en Dalmalie, franciscain, souirril le mar-
tyre dans la ca()itale des Bulgares, aveccpiatre
autr'cs bienheureux de son oi'dre, iKunmes
Antoine de Saxe, Nicolas d-; Hongrie, Tho-
mas de Foligiio el Lad:slas de IIongi'i(>.
Bussarath, piinc(> schismatifpie <|ui régnait
au delà du Danube, surpi il la vil e où étaient
nos saints, aidé par les schismati(|ues (pii
l'habilaieut. L'un di' ces martyrs fut mas-
sacré dans le nremier linnulte, cl les (jnairo
autres fincnil (li-capités sur le boni du ilcuve,
le 12 janvier l.'Ui!). L'cnidioit du riv;igc oi'i
gi-.ai(M)t les (orps dt^s. niaityrs bit illmniné
d'une clarlc' splendide. On 3 entendit uno
iiinsi(iuo ([iii sruiblail provenir des chœurs
(•(MrsU'S. OiKiiul (»n r.u'onla f;<'s prodiges h
llas.s;iralli,"il se rendit iiiimédialeiiienl sur
les lieux ; mais, (juoi (fu'il i)rtt laire, son
ciieval n'()l)L^issant ni aux coups, ni à l'épe-
ron, refusa d'approeher des corps dcssainis.
Alors descendant do clieval, il voulut s'en
ajiprocher.mais une terrible apparition lui eu
défeiiilit le chemin. 1! i'ul obligé de S{! reti-
rer l'épouvante dans le cœur. Les moines
du rite grec, qui craignaient qu'on rendit les
liomieurs accoutiuués parmi les callioli(pies
aux rt'li(pies d(vs saints, amenèrent des
chicnis |)0ur les dévoi-er. Quaml ces animaux:
voulurent accomplir cette horrible curée, la
main de celui qui connnande h toutes clios(;s
ici bas, les l'ra[)pant d'une faeon invisible
])0ur les speclateiu'S, les loira de fuir en
jetant des hurlements épouviuitablcs. l/ini
d'eux ayant mordu un (iC ces corps sacrés,
parut immédiatement la gueule en l'eu aux
yeux des spectaletu's, remplis d'épouvante.
Ce fut alors que Dieu, mettant le comble à
ces prodiges, lit sortir le lleuve de son lit ;
ses vagues vinrent soulever sur la rive les
corps que tant de miracles avaient glorifiés,
et les placèrent dans des cercueils qu'appor-
tèrent des anges. Quand cet ensevelissement
miraculeux fut terminé, le fleuve s'ouvrit
pour donner aux martyrs une sépulture non
moins miraculeuse, au sein de ses Ilots. Les
"vénérables reliques n'ont pas été retrouvées.
Voilà ce que raconte Wadding, et, d'après
lui, Henrit)n. Nous aimons à c.oire que des
friits de cette nature ont été étayés de preu-
ves suilisantes pour que des auteurs iccQ.m-
mandables en aient accepté la responsa-
•bilité.
GRENADE, ville d'Espagne, a été illustrée
■par le" martyre de Pierre Pascal, évoque de
Jaen. 11 fut uiaityrisé le Q décembre. Les
détails nous majiqueut. L'Eglise fait sa fête
le 23 octobre.
• (IHiMOALD (saint), prêtre et confesseur,
endura de grands tourments à Ponte-Corvo,
près d'Aquin, pour la défense de la religion
chrétienne. Nous manquons de détails sur
lui. L'Eglise fait sa sainte mémoire comme
confesseur le 29 septembre.
GROTKOWSKA (Josapiîate), l'une ries re-
ligieuses Basiliennes qui, dans le courant dé
l'année 1837, furent si violemment persécu-
tées par le czar Nicolas et Sieraaszko, évoque
apostat. On les employa à la construction
d'un palais pour ce prêtre schisuiatique. Un
pan de muraille étant venu à s'écrouler,
Josaphate Grotkowska et quatre de ses com-
pagnes furent écrasées. (Voy. l'article Mieg-
ZYSLAWSKA.)
GUALDANEZ (le bienheureux André), de
la compagnie de Jésus, fut chargé daller
prêcher la foi dans l'île Massaouah. Des
Turcs, l'ayant rencontré, le massacrèrent. Sa
mort arriva vers l'an 1577.
GUDDÈNE (sainte), martyre, est marquée
dans Usuard, Adon, et d'autres martyrolo-
ges, comme ayant soulfert à Carthage en
197, sous l'empire de Sévère. Suivant Adon,
elle fut étendue quatre fois sur le chevalet,
Cil
il'.i
déchirée cruellement avec les ongles de fer,
longtemps emi)risonnée et enfin couronnéo
par 11? glaive. Les Martyrologes de saint Jé-
rôme n(! mentionneid pas cette sainte: peut-
être est-ce la même que sainte Gaudent ({uo
le Mart>rologe romain marrpie au 20 juin,
avec (luelques autres, qui ont soulfert lo
martyi-e en Alrique.
GÙDÉLIE (sainte), souffrit le martyre en
Perse. Cette sainte fennno ayant coiiverii
plusieurs païens à Jésu«;-Christ, et rffiisant
d'adorer le soleil et 1(! feu, soulfrit diverses
tortures sous lo roi Sapor. On lui arracha
la peau de la tête, enfin on l'attaclui h un
[)oteau où bientôt elle rendit l'esfirit. L'E-
glise; fait sa mémoire le 29 seplcndji'e.
GUÉUIN (sairtt), mailyr, frère de saint
I.KGîCR d'Aulun. Voy. l'article de ce der-
nier.
GIJHSCIATAZOÎDES (saint), martyr do
Peise, était au nombre des eu'iuqùes du
palais, et avait été nourricier de Sapor. Il
versa son sang pour la foi chrétienne en l'an
de Jésus-Christ 3^i.l. Son histoire se trouve
dans les Actes de saint Siméon de Ctésiphon.
[Voy. son article.) Leur fête est marquée au
Martyrologe, le 17 avril.
GUIBORAÏ (sainte), vierge recluse et mar-
tyre, descendait d'une vieille et noble fa-
mille de la Souabe. Elle fut élevée sainte-
ment par ses parents que sa vertu édifiait.
Dès son jeune âge et quand son frère Hitton
entra dans l'état ecclésiastique, elle se retira
cliez lui, afin de vaquer avec encore plus de
liberté à tous les exercices de piété. Bientôt
les saintes exhortations qu'elle lui faisait sur
les dangers du monde, le déterminèrent à se
retirer dans le monastère de Saint-Gall où. il
prit l'habit.
Pour notre sainte, après avoir vécu quel-
que temps encore dans le monde, elle so
retira sur une montagne voisine de Saint-
Gall et se renferma dans une étroite cellule.
Sa grande vertu lui attirant de nombreuses
visites, elle pria Salomon, évoque de Cons-
tance, de lui bénir une cellule près de l'é-
glise de Saint-Magne, oij elle vécut en re-
cluse, et bientôt ses miracles et ses prédic-
tions la rendirent ex.cessivement célèbre.
Ayant guéri une fille de qualité nommée
Rachilde, celle-ci, à l'exemple de sa mère
spirituelle, se retira dans une cellule et
embrassa également l'institut des recluses.
Elle reçut encore pour conapagne de ses
austérités Wendilgarde, petite-fille de Henri,
roi de Germanie, qui croyait que son mari
le comte Uldaric avait été tué en faisant la
guerre. Cependant , ce dernier ayant été
rendu à la liberté par les Esclavons ou Hon-
grois, qui l'avaient fait prisonnier, il revint
réclamer sa femme et l'obtint, après y avoir
été autorisé par un synode que tinrent les
évoques.
Apiès la mort de son mari, elle rev nt
dans sa solitude et mourut dans une des
incursions que les Hongrois firent en ce pays ;
ces barbares, irrités de ne rien trouver à.
piller chez elle, lui déchargèrent trois coups
do hache sur la tête ; elle mourut le 2 mai
I!55 IIAB
925. Poiir sni-ilc Racliildo, qui lui survocui
vingt-un ans, le reste de sa vie ne fut (ju'iine
moi! conliruielle par It'S inalailicS(iu"elle eut
à endurer. Leurs relujues lurent drposées
dans l'église de Sainl-.Magne, et nous les
trouvons inscrites au Martyrologe romain
]e 2 mai.
GUIDO (LoNoiMEi.\ dominicain, fut mas-
.sacré par les musu'mans de Tunis, en 1270,
en leur prêchant l'Kvangile. Sa mort arriva
h l'époque de la croisade de saint Louis.
(Voi/. Fontana. Monumcnla IJouunicaua.)
(ilTLLAU.ME \}ii bienheureux), frère mi-
neur, de la Terre deLabour,fut mait.vrisé en
Médie par les mahomélans.avcc le bienheu-
reux Jacques de Florence, évè-que de Ze\ Ion.
Leur martyre arriva l'an 13G2. (^Wadding,
an. i;]'J2, n° V.)
GUILLAUME (le bienheureux), de Castel-
lamare, dans la Terre de Labour, francis-
cain , était venu répandre la semence de
l'Evangile à Gaza en Palestine. H y soulVrit
un cruel martyre en l'honneur de la foi et
&A nom de Jésus-Christ : il fut coui)é en
deux. La constance ((u'il moiitra au milieu
de ces tortures toucha le cœur île plusieurs
musulmans, (pii se convertirent à Jésus-
Christ. (Wadding, an. 13G'i., n" 38.)
GUILLAUME DE NOKWICH (saint), fut
la victime de la haine des juifs contre la
religion chrétienne. Ce saint e-ifant, âgé
seulement de douze ans, était api)renti chez
un tanneur de Nurwich. Ayant élé saisi [)ar
des juifs ([uelifues jours avant la fête do
P;^(|ues, en 1137, ces barbares le crucifièrent,
après quoi ils lui percèrent le coté d'un cou^)
de lance, en dérision de la mort du Sauveur.
Le jour de Pàiiues arrivé, ils lièroîit le corps
dans un sac et sorlirciit aux portes de la
ville, afin de l'v brûler; mais ayant été sur-
pris, ils l'abandonnèrent attaché à un arbre.
On b;ltit une église à l'endroit où son corps
avait été trouvé, et dans l'année 1150, ses
relifpies furent transportées dans le clueur
de l'église cathédrale, dédiée à la Sanite-
Trinilé. L'Eglise fait sa mémoire leSVmars.
GUNIFOKT (saint), rcyut la glorieuse i)alme
IIAB
IIÔC
du maityre à Pavie, en réconif ense de sa
lui en Jésus-Christ. Les Actes des martyrs ne
nous disent absolument rien sur son compte.
L'I\glise fait sa mémoire le 22 août.
GUKIE (saint;, eut le glorieux privilège de
verser son sang pour la foi à Edesse en
Syrie. Il eut [lour compagnon de son martyre
saint Samonas. Nous n'avons [)as de documents
sur eux, sinon (pi'ils fui-ent n)artyrisés sous
l'empereur Dioclélien et le président Anto-
nin. L'FIglise fait leur sainte mémoire le
15 noveiiil)re.
GUUZVNSKA (EipiiKMiF.), l'une des reli-
gieuses de Saint-Basile, établies à Minsk,
en Lilhuanie, et connues sous le nom de
Failles de la Sainle-Triuilé, (}ui furent expul-
sées de leur couvent et livrées aux perséeu-
tioîis les plus violentes dans le courant do
l'année 1837, parle czar Nicolas et Siemaszko,
évêque schismatique et apostat. On les em-
ploya «i la constiuction d'un palais ù Spas,
poui- Siemaszko. Un éboulement étant sur-
venu, Euphémie Gurzynska et (puitre autres
de ses conq)agnes furent ensevelies vivantes
sous les décombres, sans qu'on permît à
celles qui étaient témoins de ce malheur de
chercher à délivrer les victimes. Les quatre
autres sœurs se nonnnaient Clémentine Ze-
browska, Catherine Korycka, F^lisabeth Ty-
sonhauz et Irène Krainto. {Voy. l'article
MIECZYSLA^VSKA).
GUUZYNSKA (Joséphine), l'une des reli-
gieuses Basiliennes jui, dans le courant de
l'année 1837, furent si violemment [lersécu-
tées par le czar Nicolas et Sien)aszko, évêque
a|)Oslat. On les em|)loya à la construction
d'un palais pour ce prêtre schismati(jue. Un
pan de uRuailles étant venu à s'écrouler,
Joséphine Gurzynska et (luatre de ses com-
pagnes furent écrasées. {Voy. l'article Miec-
zyslawska).
GU'I'HUKIN, monastère qu'habitait sainte
AVéréfride, et où elle fut tuée par Caradoc
ou Cradoc, lils d'Alain, prince du pays. [Voy.
AV^éukfkidk).
GUY (saint), le même que saint Vit. {Voy,
ce nom).
HAPiENTIUS (saint), moine cl martyr, na-
tif de Cord.-ue, V avait embrassé la vie luo-
nastiijue à Sainl-Chri.stolle. Ce couvent <'-tait
situé sur le Bélis, vis-ii-vis de la vdie. Ha-
bentius y vivait reclus, ne si; monliaiil ja-
mais (pie par une fe lêtre, et |)ortant des
lames de fer sur la chair. En 850 il vi-il à
Cordr)ue trouver le cadi, aveoPiein;, |»rètre,
Nalabonse, diacn;, S.d)i'iieii et Vistremoiid,
moines, et le vieillard Jérémie, fondateiu-du
couvetil de Tabane. Us lui dirent : « Nous
coidessons Jésus-Christ. Nous regardons
Mahomet votre i)ro|»liète eomiiK! hs pr(''(;ui-
hcur de l'Anteclu-ist , et nous déplorons
amèremeiil l'aveuglement dans h-cpiel vous
êtes plongés. « Le cadi les condamna h avoir
la tête tranchée. La senten«-e fut immédia-
tement exécniée. On pendit leui.s corps ;\
de longs pieux. Ouehpies jours après, on les
brûla et on jeta leurs cendres dans le lleuve.
L'Kglise faii leur fêt(; le 7 juin. Voy. Vai.a-
iioNSK, Ml SI iMANS {PcrsécHtiun des).
IIABKTDFI'M (saint), était évêipie do
Theudale, ville assez célèbre, mais dont on
ignore la province (H. II bi! banni par (icni-
(1)11 sciiililc (|iic PloK'iiK'i' iii;iniMc d'Ili" ville dans
la l'KKuiisiilaiif. C'aiiiail cU-, tiil »>ii, le sic^c (flla-
li.-rli'iim: mais il csl dillicilc de cioiic (|iraii('iiii de
r<s eve(|iies liaimis a|»|)ailjiil il la l'ioeonSidaire :
le P. Kiiiiiarl ne peiietie pas uouieet a\is.
1157
Il AI)
IIAR
^\ZH
3
série avoo un ijrand noiiibro d'autres 6v6
ucs. Ils sont iiiar(jué.s avec ([ut'l(iiu;s aulros,
ans Adou t't clans le Marlyiol(ti^(; loniMiti, le
28 de novonibro, connne a^aiil achevé lo
cours de leur vie dans la cunl'ession de la
véritable loi. Notre saint fut rtîlé^ué dans la
ville de 'l'aniallunie, voisine du désert (jui
est près de la Tripolilaine, ce ({ni ne co'n-
vient (ju'à la H.) /acèiu', et non point ii la
Àlauritanie de Slél'e, où il y avait encore une
antre ville de Taniallunie. Celte ville où l'ut
relégué notre saint, avait un évùcine ai'ien
nommé Antoine, illustre par sa cruauté
entre les autres évé(puîs ariens. Il courait de
tous cotés, comme une bêle altérée du sang
des catliuliciues; et il est imjjossible de rap-
porter ses actions exécrables, et les maux
qu'il leur lit soullVir. On i)eut juger par là
de tpu'lle manière il ttaita notre saint. En
ellet, outre sa crnaïUé ordinaire, voyant que
ce généreux soldat de Jésu.s-Christ persistait
avec courage (lai'b la Viaie loi, malgré tous
Jes maux qn ii lui faisait endurer, il avaitjuré
de lui faire embrasser son hérésie ou de le
faire [)érir. Mais connne toute sa fureur et
ses serments étaient inutiles, il s'avisa d'un
nioycn (lue lui suggéra le démon. Il lit lier
au saint les pieds et les mains avec de grosses
cordes, et fermer la bouclie alin qu'il ne pût
crier, puis lit répandre de l'eau sur lui, et
l)rétendit qu'il l'avait rcba[)tisé, comme s'il
était aussi facile d'enchaîner la conscience
que le cori)S. En suite de cette action, Antoine
lit délier le saint évéciue, et lui dit connne
en triomphant : « Vous êtes maintenant des
n(Mres , mon frère. Vous voilà chi'étien
comme nous, et ainsi vous ne sauriez désor-
mais ne pas vous soumettre à la volonté du
roi.» Ce saint réjjondit généreusement :«Pour
être coupable d'une chose, ô impie Antoine!
il faut que la volonté y consente. Mais j'ai
toujours défendu hautement la foi que j'ai
dans le cœur, et lors môme cpie vous m'avez
lié et fermé la bouche, je n'ai pas laissé, dans
le secret de mon cœur, de protester à la faco
des saints anges de la violence que vous me
faisiez, lis en ont été témoins, et ont pré-
senté celte protestation à mon Seigneur. »
11 ne se contenta pas néanmoins d'être
assuré qu'une action de celte sorte ne lo
pouvait rendre coupable, et de protester dans
la ville de Tamallume c^u'il n'y avait donné
aucun consentement. 11 se résolut d'aller à
Carthage trouver le malheureux prince qui
autorisait tant de violences, voulant que
tous les hommes connussent la pureté de sa
conscience, et combien il demeurait toujours
attaché à la foi de la Trinité. Antoine, qui
voyait sa confusion dans ce voyage, ne put
jamais l'en empêcher. 11 présenta donc à Hu-
néric une recjuête, où il représentait avec
force combien était basse et indigne la per-
sécution qu'on faisait à des exilés, à qui on
ne permettait pas de vivre au moins en repos
avec les bêtes, après leur avoir ravi tout le
reste, et les avoir qxcIus de la société des
hommes. On tn^nt que toute la réponse
Gu'Hunéric lui Ut, fut qu'il allât trouver ses
évoques pour faire ce (Qu'ils lui ordonne-
raicnf, puisqu'ils avaient tout pouvoir <u
cette n)atière. Ainsi, Aidoine persista dans
sa folie, assuré ([u'il ne; faisait rie i qui ne fût
agn'able au loi ; et le saint, se contentant
d'avoir satisfait à sa conseicDce, aima encore
mieux letourner dans le lieu de son exil que
de demander quehiue autre chose aux évê-
(pn.'s aiiens.
On croit que c'est le mémo Habetdeum
qu'on honori! à Sarzane, en Toscane, le, 17
lévrier, (|noi(ju'on le fasse évêqiuï de Lune ,
ville ancienne mais ruinée, <loiit l'c'vêclié .'i
élé IranslV-ré à Sarzane jiar Nicolas V. 11 est
certain (|u'on fait de ce saint exactement la
nnnne histoire (jne Vieloi- i'aj)port(! de celui
d'Afrique, en y ajoutant ([ue les N'andahiS le
lirent décapiter. On en aura peut-être jiorté
quel(|ues reliques à Lune, (]ni auront donné
sujet de l'y honorer, et ensuite de l'en faire
évèque.
ILVBJATA (s'inle), vierge, fut martyrisée
CTi 1 an 3ï:i de Jésus-Christ, sous le règne de
Sapor dit Longue-Vie. Jille habitait la pro-
vince de Beth-Cermar. Sa fête est inscrite au
Mai'tyrologe romain le 30 novembre.
HABIBÈ (saint), martyr, eut la gloire uo
mourir pour la foi, en Perse, sous le roi Sa-
por, vers l'année 327. [Voy., ymnr plus de
détails, les Actes de saint Jonas et de saint
BAnACHisE,à ieur article.)
HABIDË (saint), martyr, répandit son sang
pour la foi, par ordre de Galère, sous l'eni-
I)ire de Dioclélien, avec les saints Paragus,
llomain et Lollion, nouvellement convertis à
la foi. il eut encore pour compagnons de son
martyre saint Hij)parquc et saint Pliilothée.
On verra les circonstances de ieur martyre à
l'article de saint Hipparque.
H AMAZASBli, prince arménien de la famille
Mamigoniank, fut l'un de C(înx qui soutlVi-
rent volontairement la captivité [)Our Jésus-
Christ sous le règne d'Hazguerd, deuxième
du nom, et c{ui ne furent remis en liberté et
renvoyés en leur pays que huit ans après la
mort de ce prince, sons le règne de son fils
Bérose. (Pour pius de détails, voy. Princes
ARMÉNIENS
HAMOZAsiilAN, prince arménien do la
famille de Mamigoniank, fut l'un do ceux qui
souffrirent volontairement la captivité pour
Jésus-Christ , sous le règne d'Hazguerd,
deuxième du nom, roi de Perse, et qui no
furent rumis en liberté et renvoyés en leur
pays que huit ans après la mort de ce prince,
sous le règne de son tils Bérose. (Pour plus
de détails, voy. Princes arméniens.)
HANANIA (saint), donna son sang pour
notre sainte religion, en l'an de Jé>us-Cin'ist
3'i.l, sous le règne et durant la persécution
de Sapor. Les Actes de saint Siméon, évêquo
de Ctésiphon et de Séleucie, comprennent
son histoire. {Voy. l'article de ce saint.) Leur
fête a lieu le 17 avril.
HARDUIN, seigneur auquel les parents do
sainte Maxellende l'avaient promise en ma-
riage, vint, quand elle fut en âge d'être ma-
riée, réclamer l'exécution de la promesse
qu'on lui avait faite. La jeune liile, qui avait
voué sa virginité à Dieu, n'y voulut pas cou-
«139
KAZ
BEL
uio
sentir. Harduin , qui en (5(ait épenfument
auioureuî, profitant d'un jour où elle était
seule en son logis, y entra avec des hommes
dévoués pour l'enlever. Longtemps il la
chercha inutilement, mais enfin il la trouva
dans une armoire. Rien ne juit le toucher,
ni les larmes, ni les supplications de la jeune
fille. H l'entraîna violemment. Comme elle
persistait toujours dans ses refus, il entra
dans une telle fureur qu'il l'assassina. Ces
faits se passèrent en GTO au village de Cauhri,
qu'habitait la sainte-. {Voy. sainte Maxei-
LEM)K.)
HAROLD isainl^ roi ûe Danemark et mar-
tyr, avait soutenu et étendu la religion chré-
tienne ; mais son hls Suen , qui était de-
meuré ^)aïen, le voyant \in\\ et affaibli par
l'^lge , chercha les moyens de le priver du
royaume, et prit conseil de ceu\ que son
,.père avait contraints à embrasser le christia-
nisme. La conjuration éclata tout d'un coup,
et les Danois , renonçant h la religion chré-
tienne , reconnurent Suen pour leur roi , et
déclarèrent la guerre àHarold. Quelque répu-
gnance qu'il eût h prendre les armes contrO
ses sujets et contre son fils , il résolut do su
défendre, mettant sa confiance on Dieu,
comme il avait toujours fait. Toutefois , il
fut vaincu etj blessé dans le combat ; et s'é-
tant embarqué , il se sauva à une ville doS
Sclaves, qui , bien que païens , le reçurent ,
contre son espérance; et quelques jours
après, il mourut de sa blessure, toujours fi-
dèle dans la foi de Jésus-Christ. Il avait ré-
gné cinffuante ans ; il fut le premier qui éta-
blit le christianisme ch^z les Danois, et rem-
plit le Septentrion d'églises et de prédica-
teurs de l'Evangile. Sa mort arriva le jour
de la Toussaint 980 ; son corps fut reporté
dans son royaume à RoscliilJ, et enterré dans
l'église de "la Sainte-Ti-inité , qu'il avait bA-
tie : la cause do sa mort le Ot regarder
comme martyr (Fleury) ; malgré cela, on ne
le trouve pas inscrit au Martyrologe ro-
main.
HATES (sainte), vierge , souffrit la mort
pour confesser sa foi en l'an 3ï3 do Jésus-
Christ, sous le règne dcSapor dit Longue-
Vie. Elle était de la province de Relh-lier-
mar. Sa fête est inscrite au Martyrologo ro-
main le 30 novembre.
ilAVARD, évèque de Castorie, périt le 5
juillet 1838, de fatigues et de jjrivations ex-
ces'-ivf s, dans le Ton([uin occidental.
HAZD saint), martyr, était un seigneiu" ai--
méniende la i)lus grande dislinction. Dans Kl
guerre ([ue l'A rinéni(;soutenaitcontrel(Moi do
Perse Rérose, jjour la cause sainte du chris-
tianisme, Mihran, général persan, lit prisijn-
nier notre saint avec son iVèro Hralhid.
Ayant reçu l'ordre de Rérose de partir j»our
la Perse , ce géni'ral (piilta l'Arménie avec
f>ori armée, enmienanl siîs prisO!nii<Ms,et no-
taiiitiie it Ha/.d ( t Ilrahad. L(; prince Nersoli,
leur frère, résolut deh^s ai-raclior .'i leur pri-
son : s'étaiit adjoint u'\ certain nond)r(! de
guerriers délerminés , il suivit l'ariuéo j)er-
fiane, éfij.uil le moment d'ex(''cnter son j)ro-
jel. IIr.ili.nl, ayant su l'approche de Nerseh,
trouva moven de prendre la fuite et de le
rejoindre. Mihran , furieux , fit venir le pri-
sonnier (jui lui restait, le noble Hazd, et lui
commanda de choisir entre la mort et l'apos-
tasie. Le noble prince présenta pour réponse
sa tète au bourreau, ({ui la lui abattit immé-
diatement. Ce saint n'est pas inscrit au Mar-
tyrologe. ( Voy. l'Histoire d'Elisée Varta-
be'i. )
HÉRERT (Fr.vnçois-Lolis), supérieur des
Eudistes et confesseur di' Louis XVI, s'était
rendu extrêmement vénérable ]iar son iné-
puisable charité. A coté de cette vertu su-
i)lime , qui prime toutes les autres , il avait
au plus haut degré les- qualités qui font
l'homme aimable et qui 'gagnent les cœurS.
Pendant longtemps il s'était livré avec assi-
duité à la pratique des fonctions du saint
nunistère ; il avait o|)éré infiniment de bien.
Sa ré|)Utation de piété et de vertu était si
grande, (jue ce fut à lui que Louis XVI s'a-
oressa dans les derniers jours de sa vie. Il
lui écrivait : a Je n'attends plus rien des
hommes , apportez-moi les consolations cé-
lestes. » Le 10 août , M. Hébert venant de
visiter le roi, disait à quelifu'an : « Le roi est
dans les meilleurs sentiments et parfaite-
ment résigné à ce qu'il plaira au Seigneur
d'ordonner, » Ce jour même il fut arrête et
enfermé dans l'église des Carmes. Il y fut
massacr.'' avec les autres prisonniers quelque
temps plus tard.
HELCONIDE (sainte ) , reçut le martyre à
Corinthe. Ce fut sous l'empereur (lordien et
le président Pérennius qu'ell;; endura d'a-
bord de grandes souffrances. Justin, succes-
seur de Pérennius , la lu-t de nouveau à là
torture ; mais un ange l'ayant délivrée , elle
eut les mamelles coupées, l'ut exposée aux
"bêtes et éprouvée par le feu. Elle aciieva
e-\i'v\ son martyre i)ar la porte de sa tête.
L'Eglise fait sa mémoire le 28 mai.
HÉLÎ^NE ( sainte ), martyre , recueillit la
palme du martyre à Rurgos en Es[)agne, avec
sainte CentoUe. L'Eglise fait leur mémoire 16
r.i août.
HÉLÎ^NE DE SKOFDE (sainte ) , maityro
en Suède , sortait d'une famille illustre dô
A\'osti'ogothie eu Suède. Ayant été visiter la
ville de Rome, elle fut mise h mort h son l'e-
toui', par ses [)ropres pai'eiils, vi'rs l'année
IKiO, en haine de la religion chrétienne.
I- ile fut canonisée en UOV, par le pape Alexun-
di-e I!l. L'Eg!is(> fait sa fête le M juillet.
ill'^lLII'lR (saint», ermite et martyr, n'avail
pas eu le bonheur de naîti-e au sein d'une
famille chrôlienne. Ce fut saint .Marcou tjui
le convertit. Api'ès sa conversion , end)rasé
d'un amour arclenl do la (htclinne évaug^éli-
(pie, il résolut d(î te-idre autant (pie jxissiblo
«h II perfection des vertus cliréli(Muies. Il so
retira dans l'île de Jersey, et lit élection
d'une caverne pour sa demeure, ('etîe ca-
verne était (iHnisée d;ins \v\ loi'her dont l'ac-
cès était fort périlleux. Le saint se trouvait
donc h l'abri des visiles et de la ctniosilé des
hoiiiNies. Il passait sa vie dans le jeûne et
la conleuiplation. Los b.ubai'es le massacrè-
rent dans sa retr.iil^'. ïl esi probable que cd
1111
iii:i.
IIKL
114i
fui pour la fui , puisque TJ-lglise Tlionoro
cuiiiiuo uuutyr. l.a capiliile de l'île de Jei-
soy a pris le' uoin du saint. Au diocèse do
Uouen, h l'abhaye de lîeaubec, oi priHendait
poss(^der les rèliciues du saint. La t'ùte du
saint Ilélier est inscrite au Martu'oloi^'e lo
10 juillel.
Hf'M.l.M/:]N.\S (saint), recul la couronne du
inart\r-eeii Perse, avec deux autres prcMrcs
iionuiuvs rarniè'io cl (IhrysolMe , et les dia-
crtvs I.uc et Mui-ius, dont le martyre esl: dé-
crit dans les Actes des saints Abdon et Seii-
uon. Nous n'avons pas d'autres détails. L'K-
giise fait 1(MU- sainte niénioire 1(> ±2 avril.
IIKLIODOUK (saint), fui martyrisé |)0ur
la défense de. noire relii^ioi sainte, à Anlio-
che de Pisidie , avec saint Marc, hériter, cl
les compagnons de son glorieux mai'tyre.
L'Kgliso honore leur mémoire le 27 sep-
teiuhre.
HÉIJODOUE (saint), reçut la palme glo-
rieuse du martyre en Pamphylie. Ce fut le
président Aétius rpii le lit périr durant la
persécutioM d'Aurélien. Les hotirreaux s'é-
tant convertis h la foi de Jésus-Clirist, furent
jetés api-ès lui dans les Ilots L'Eglise fuit sa
mi-moirele 21 ivivojubre.
HÉLlODOilE (saint) , reçut la palme du
matlyre, en A'Vique, pour l'Iionneur et la dé-
fense de la religion du Christ, il eut pour
compagnons de son martyre saint Vénusto
et soixante-quinze autres, dont malheureu-
sement les noms ne sont point parvenus jus-
(ju'à nous. l'Eglise ho lore leur illustre mé-
moire le 6 mai.
HÉLIODOHE [Aiticus], vicaire du gouver-
neur de Phrygie , sous Probus , ht mettre à
la question saint Trophimo et saint Sabbace,
q\i'on avait arrêtés à Anlioehe de Pisidie.
Saint Sabbace, an milieu des tourments qu'il
endurait, ne pouvait retenir ses larmes. Ce
magistrat eut la lâcheté de l'insulter à cause
de cela. Le saint lui fit une réponse pleine
de modération [Voy. saint Sabbace), mais qui
dut lui faire voir ce que c'était que le vrai
courage. Après avoir fait sa réponse à la fois
généreuse et modérée aux lâches plaisante-
ries d'Héliodore, le saint rendit l'Ame. Saint
ïrophime, plus robuste, avait résisté. Hélio-
dore, ne voulant pas prendre sur lui de le
condamner à mort, l'envoya à Dionysius Pé-
rennius, gouverneur de la province, lequel
était alors à Synnade. Il condamna le saint
à faire le voyage à pied, avec des chaussures
garnies de pointes en dedans.
HÉLIOGABALE, empereur romain, que
nous ne citons ici qu'ahn de dire ce que pré-
tendait Dodwel et comment dora lluinart lo
réfute. On sait quelle était la mauvaise foi
de l'écrivain anglais.
De[)uis Sévè e, on ne trouve plus d'empe-
reur, jusqu'à Maximin, qu'on puisse mettre
au nombre des persécuteurs de l'Eglise,
quoiqu'il y ait beaucoup d'apparence que,
durant tout cet intervalle, elle n'ait pas été
.sans persécution ni sans martyrs. Il est cer-
tain qu'Héliogabale, au rapport de Lampride,
déclara nettement qu'il ne voulait point
qu'on ado.'ât, dans tout l'empire, d'autre
Dieu que lui, et qu'il tal'ait que les tiiré-
liens abandonnassent leur Dieu et n'of-
frissinit plus (pi'ù lui h urs vu; ix et leurs
adorations. Dodwel (;onclul de lii (prilélio-
gabale lit quelque distinction des chrétiens,
el (pi'il les considéra c(jmm(; étant particu-
lièrement à lui. Je ne com|)rends pas sur
quoi l'on fonde celt*; conjecture, si Van no
veut dire (|U(» les cb;élie:is, [jour mériter
les bonnes grâces do l'empereur, voulurent
bien adorer h; soleil.
IIÉLIOPOLIS, aujourd'hui Balbek, ville do
Syrie. Ce fut dans celte ville, et non pas
dans IIélio|)olis, vilb; d'Egy[<te, que sainte
Eudoxie mourut martyre, sous Trajan. Elle
se tiouve justement dans le pays où cet eni-
I)ereur exerça le plus viobnument, par lui-
même; ou par ses lieutenants, la persécution
contre les chrétiens. Sainte Eudoxie mourui
percée d'un coup d'épée.
IIELLADE (saint), martyr, versa son
saîig en Lib\ e, pour l'hoinieur et la défense
de la religion chrétienne. Il souffrit le mar-
tyre avec le diacre saint Théo[)hile. Ils furent
d'abord déchirés h cou[)S de fouet, puis pi-
qués avec des lois aigus de pots cassés. Ils
lurent enfin jetés dans le feu où ils rendirent
leur âme h Dieu. L'Eglise fait leur mémoire
le 8 janvier.
HÈLLADE (saint), martyr, souffrit pour
Jésus-Christ, avec les saints Crescenl, Dios-
coride el Paul. On ignore le lieu, la date et
les circonstances de leur martyre. L'Eglise
honore leur sa'nle mémoire, le 28 mai.
HELLADE ( saint), évoque et confesseur,
souffrit h Tolède pour la défense de la reli-
gion. Les Actes des martyrs ne nous ont
conservé aucun document authentique sur
lui. L'Eglise fait sa sainte mémoire, le 18
février.
HELPiDE, qualifié préfet dans les Actes
de sainte Sabine, étant venu à Vindène en
Ombrie, du temps de l'empereur Adrien et
au commencement de son règne, le gouver
neur lîcrylle lui raconta qu'il avait fait dé-
cajùter sainte Sérapie, jeune fille chré-
tienne, qui demeurait chez une riche veuve
nommée Sabine. 11 lui dit que cette veuve,
convertie par Sérapie, l'avait suivie devant
son tribunal, la défendant courageusement
et se proclamant elle-môme chrétienne. Hel-
pide fit venir sainte Sabine, et, n'ayant pu la
forcer à sacrifier, lui ht trancher la tôle lo
29 août. ( Voy. Sabine et Berylle. )
HELVETIUS (Claude-Adrien) , naquit à
Paris en l'amiée 1715, et y mourut en 1771.
Son éducation fut faite au collège Louis-le-
Grand, par les jésuites. FermV-îr général h
vingt-trois ans, il retirait environ trois cent
mille livres de sa charge : il l'exerça en se
montrant constamment doux, bienfaisant,
généreux. A l'âge de trente-six ans, il se re-
tira des affaires, se maria, et vécut en par-
tageant son lemjjs entre le séjour d'une terre
qu'il avait à Voiré, dans le Perche, el celui
de Paris. En l'année 1758, il publia son fa-
meux ouvrage intitulé de l'Esprit. Le parle-
ment, la Sorbonne, l'archevêque de Paris, le
pape Clément Xlil le condamnèrent, conmie
«lis
IIE>Ï
IIEN
MH
présentant à lui svu\ tout ce qu'il pouvait y
avoir de coiiiiainuable <'l de dani^croux dans
les œuvres f)liilos()|)liiquos modci'nes. Dans
cet écrit, sans nom mer le niatéiialisiue, Hel-
vétius r.v enseignait d'un bouta l'autre, rap-
jiortant tout à la sensibilité physique, et ne
mettant entre nous et les animaux d'autre
ditlérence ipie celle de l'organisation exté-
rieure. Plusieurs rétiactations laites succes-
sivement par lui ne fuient jias jug(''es sullî-
santes. 11 l'ut un de ceux (]ue le roi de Prusse
lit venir à Berlin. De retour à Paris, il
mourut d'un accès de goutte, h l'ép'icpie
(pie nous avons intliquée. A sa mort, il lais-
.sait en nianuscrit un ouvrage intitulé : De
ritommi', (le sês facultés inteKecturlles et de
son éducation, 2 vol. in-8". Cet ouvrage est
l)li'in des plus violents outrages contre la
religion.
Faut-il ju or définitivement Helvétius d'a-
près ses œuvres si scandaleuses, ou bien
d'après l'une de ses rétractations que nous
citons entièrement? Que le lecteur en décide :
« J'ai donné avec confiance le livre de
V Jî sp r i t, pATCo que je l'ai donné avec sim-
plicité. Je n'en ai point i)révu l'cU'et, parce
(|ue je n'ai point vu les conséquences ef-
IVayantcs qui en résultent; j'en ai été extrô-.
inement surj)ris, et encore beaucoup ])lus
allligé. En ell'et, il est bien cruel et bien
douloui-eux pour moi d'avoir alarmé, scan-
dalisé, révolté même des [)ersonnes i)ieuses,
éclairées, respectables, dont j'anfijitionnais
les suffrages, et de leur avoir donné lieu de
soupçonner ma religion et mon cœair; mais
c'est ma faute, je la reconnais dans toute
son étendue, et je rex[)ie par le })kis amer
re[)entîr. Je souhaite très-vivement et très-
sincèrement que tous ceux qui ont le mal-
heur de lire cet ouvrage me fassent la grâce
i<e ne me point juger d'ajirès la fatale im-
})ression qui leur en reste. Je souhaite (pi'ils
sachent que, dès qu'on m'en a fait sentir la
licence et le danger, je l'ai aussitôt désavoué,
I)roscrit, condamné; et que j'ai été le pre-
mier à en demander la su|)pression. Je sou-
haite (ju'ils croient, en conséquence et avec
justice, que je n'ai voulu donner atteinte ni
h la nature de l'àme, ni à son origine, ni à
sa. spiritualité, comnn^ je croyais l'avoir fait
sentir dans plusieurs endroits de cet ou-
vrvige. Je n'ai voulu allatjuer aucune des
vérités du christianisme» que je proft'SS(;
.vincèrenuint dans toute la rigueur de ses
dogmes et de sa morale, et auquel je fais
gloire de soumettre toutes mes pensées,
toutes mi.'S opinions et louti-s les facultés de
mon être ; crtaiu qu(; tout ce (pii n'est |»as
conrornu) h son esprit ne peut l'être à la
vérité, ^'o là mes véritables sentiments; j'ai
v(''(u,je vivrai et je mourivji avec; eux. »
{Raison du, chrlslianisine, vol. I\', p. OIH.)
Ilf'^.MIAll,gia'id pavs de l'Arabie Heureuse,
dont les (irecs appelaient les habitants Uit-
viériles, poss ''dail u'i grand noud)re de chré-
tiens, dette province était alors gouvernée
par un roi juif nommé Joseph D(junf>uas ou
.biinaa-i, ennemi acharné des disciples du
Clirjst.(Je |irince, rpii était iileiu de cruauté,
fut snrnonmié Vauteur des fosses, \)arce qu'il
faisait préci[iiter les chrétiens dans des
fosses pleines de feu et les y faisait cruel-
lement bi'illei-, pour les forcer à embrasser
la religion juive. Dunaan vint mettre le siège
devant la ville de Négra ou Nageran, dont
tous les habitants vivaient sous la loi do
l'Kyangile, la cinquième année de Justin,
qui est l'an 1-22. Ce prince, ne pouvant s'em-
j)arer de la ville par la force, ne craignit
jtointde parjurer ses serments, et y entra par
une composition qu'il conq)lait bien violer.
Une fois maître de la ville, il essaya par
toutes sortes de moyens d'aujener les habi-
tants à lenier leur foi et à embrasser le ju-
daïsme. 11 osa violer le tombeau de l'évèquo
Paul, mort deux années auparavant, et fit
brûler ses os; les préti'es, les moines et les
religieuses furent jetés dans un bûcher ar-
dent, où ils périi'cnt en l'honneur du nom
de Jésus-Christ. La ville avait pour gouver-
neur un vénérable vieillard nommé Aréthas :
ne gardant aucun respect ])Our le courage
malheureux et i)0ur le grand âge de ce vieux
soldat, il lui fit trancher la tète ainsi qu'à un
grand nombre d'habitants ; beaucoup de
fenunes subirent aussi le mènie sort; il. em-
mena enfin toute la jeunesse en captivité.
L'Eglise célèbre collectivement la fête de
tous ces saints martyrs qui furent brûlés
par ce prince imjjie, le 27 juillet. Saint Aré-
thas est inscrit en |)arliculier au Martyrologe
romain le 24 d'octobre , avec trois cent
quarante autres de Negra et une sainte
femme dont le fils. Agé seulement d(- ciiui
ans, se jeta dans le feu où était déjà sa
mère, en confessant Jésus-Christ.
Bientôt Dieu voulut infliger h Dunaan le
châtiment que méritait sa barbaiie sacrilège.
En effet , l'année suivante , lillesbaan l'oi
d'Auxume, ville située en Ellno|)ie , qui
était chrétien c[ ennemi du roi de la pro-
vince d'Hcmiar, se résolut à ])unir ses for-
faits. Soutenu [lar renq>ereur Justin et par
toutes les forces d'Egypte et d'Orient, il at-
la(pia Dunaan par terre et par mer, le prit
avec les principaux de sa' famille, le fit
mourir et soumit son pays à sa puissance.
Après avoir été ainsi l'instrunient de la
vengeance divine, il prit l'habit monasti(]^ue
et consacra le reste de ses jours au servu'C^*
du Seigneju- Les Arabes j)rétendent (pio
ce Dun.ian ne fut |)as pris par Elesbaan;
mais (jue, |)iessé [)ar les Ethiopiens, il s'é-
lança dans la mer avec son coursier et y
trouva la mort. Ouoi tpi'il on sojt, le ciel
sut venger la mort des saints martyrs (pi'il
avait tourmentés avec une inhumanité si
baibare.
Ilf'lNAUEZ (DoMiMQi'i:), coadjuleur du do-
luinicaiu Ignace Delgado, vicaire a|iost(tliquȔ
dans U' 'l'o'iquin oriental, fiM (h'capilé le
2."> juin 18;KS, après cpiarante-neuf ans ^['!^-
postolat.
llf':NEl)lNE i'-ainle'* , fut martyrisée en
Sardaigne, pour riininu'urde la religion chré-
tienne et pour la rléfense de sa foi. Les com-
pagnons de son martyre sont saint Juste cl
4145 IIKN
s.iinie Juslino. L'Egliso lait leur inéinoirc
le IV mai.
IH'NUI (saint), nrchov^^que (riJj)s«l, inar-
tvr, l'tait Anglais. Il alla pn^hor la loi ca-
l'li()li(|iit> aux pciiplcs (lu Non! avec un de ses
coiii|)atri()U'sa|>|)(!l(^ Nicolas Hrcakspoar, (|ui
devint papo sous le nom d'Adrit'ii IV. Notr-o
saint avait été sacn^ arcIicvcNpu' d'IIpsal eu
11V8, i)ar ce nuMue Nicolas l^rcakspcar : il l'ut
l)i(Milôt a)ii(\s envoyé en Finlande par le
saint roi Kiic (pii venait d(> soumettre C(3
pavs ot voulait y établir rKvan;j;ile. Ses
grands travaux apostolitiues lui méritèrent
le titre d'apôtro de cette contrée, mais il no
put les continuer aussi lon|:;ICH)ps (lu'il au-
rait voulu. Un meurtrier, qu'il avait essayé
de ramener au repentir, excita les infidèles
^ le lai)iiler, et il souH'vit le martyre l'année
1151. l.a ville d'U|>sal eut une grande véné-
ration pour son toud)eau jus(]u'au xvi' siècle,
épo(|uu à hujuelle les hérétiques dispersè-
rent SCS cendres. Il est inscrit au Martyro-
loge romain le 11) janvier.
HENIU Vin, roi d'Angloterre, tils et suc-
cesseur de Henri VII, monta sur le trône en
1501), à lilge de dix-neuf ans. Il obtint, dis-
jiense du pai)e jiour épouser Catherine d'A-
ragon, veuve de son frère. L'histoire rap-
porte que celte princesse avait été mariée
sans cesser d'être vierge, son mari n'ayant
pas consounné le mariage avec elle. Pendant
longtemps, Henri se montra lier de sa femme
qui lui donna cinq enfants. Tous moururent
en bas Age, hormis la princesse IMarie, qui
monta sur le trône plus tard. Malheureuse-
ment Henri était de sept ou huit ans plus
jeune que Catherine. Cette disproportion
d'âge et les passions violentes du roi furent
cause qu'il se livra à des amours illicites. U
eut pour maitresse Maj-ie de Boulen, sœur
de la laineuse Anne qui, depuis, monta sur
le trône d'Angleterre à titre d'épouse quand
Henri eut divorcé avec Catherine. On j)ré-
tend môme que la mère de ces deux maîtres-
ses du roi eut avec lui les mêmes rapports
que ses deux tilles, et que la dernière, Anne,
éiait la tille de Henri. Cefait n'est pas prouvé;
mais rien ne peut étonner de sa part. Quand
on examine la vie de ce monstre d'iniquité,
de ce Néron de l'Angleterre, on n'est point
surpris qu'il ait pu faire sa maîtresse de sa
lille naturelle, et ensuite signer de sa main
son arrêt de mort. Quoi ((u'il en soit de ces
infamies, ce fut la passion du roi pour ceîte
jeune lille, xVnne de Boulen, qui fut la source
fatale de tous les malheu s de l'Angleterre et
de l'Eglise. Nous y reviendrons bientôt.
A côté de cette origine honteuse de l'E-
glise protestante d'Angleterre, si tière et si
orgueilleuse de sa prétendue réforme, si im-
placable dans ses haines contre l'Egiise ro-
maine. Dieu a voulu mettre tout ce qui peut
le plus Ihamilier. A cette épo [ue, Luther,
dont l'Anglcti'rre a depuis embrassé le parti,
prêchait ses doclrines en Allemagne. L'a[)0-
logiste le plus ardent peut-être, sinon le
plus fort de l'Eglise romaine, fut ce môme
Henri VIII, qui bientôt devait se séitarer
d'elle. Il écrivit contre Luther une réfutation
HEN
1U6
(pii lui mérita de la part du pape /e titre de
Défenseur de l'Iù/liseet de la foi. Il avait écrit
h I empereur Charles-Quinl et à Frédéric hs
I*acili(pi(% électeur |)alatiii, pour les engager
a réprnuer les prédications du moine héi'é-
siai'(jue, et h arrête!' les j)r()grès de ses doc-
trines, (pi'il ([ualitiait ue pestihmlielles. H
s'cui était suivi une réponses de Luther- dans
la(pielle ce moine fuiiborid traitait le roi
d'Angleterre de menteur effronté t/ui lui jetait
delà houe puante. Il Unissait [)ai' le (pialititT
dv maraud. « J'ai à traduire la Bible, disait-il;
mes o(;cupations ne nre j)er'mettent j)as d(i
barbotter plus lorrglemps dans la lierile de
Sa Majesté. Une antre fois, si Dieu le veut, je
pr-endi'ai mes aises pour répondre h cette
bouche royale (pii bave le mensonge et le
poison. Il a volé la couronne d'Angleterre,
comme le pape a volé sa tiare; ils se frottent
l'urr à l'autre connue deux mulets. Courage 1
dit-il plus loin, cochons, br-r^ilez-moi donc si
vous l'osez ! » Nous en passorrs, et des plus
b Iles. Quelles paroles! quel style 1 Voilà
pourtant <;e que Poméranus, disciple de Lu-
ther', disait dicté à son maître par le Saint-
Esprit ! N est-ce j)as à rougir de honte d'ap-
partenir à une religion dont le chef se rend
coupalde de telles irrfamies de langage? Plus
tard, Luther écrivant à Henri, qu'il espère
pr(mdre dans les lilets de son hér'ésie, lui dit
(jue c'est avec crainte qu'il s'adresse à lui.
« J'ai dû offenser Votr'C Majesté dans le li-
belle que j'ai écrit en cédant à des conseils
perfides : ce libelle je ne l'ai pas écrit en cé-
dant à mes instincts; mais bien comme un
insensé et un étourdi. » Ici Luther est moins
prétentieux que ne le sont ses disciples pour
lui : il ne prétend pas avoir été inspiré du
Saint-Esprit. Du reste, il revient à sa façon
chtM'ie de discuter, en disant au roi qu'il
sait bien que le libelle publié sous son nom,
à lui Henri, est un faux, qu'il émane de gens
qui ont abusé du titre et du nom du roi, ne
sentant pas le péril qu'ils se préparaient à
eux-mêmes dans l'ignominie royale ; notam-
ment, dit-il, ce monstre ennemi de Dieu et des
hommes, ce cardinal d'York, peste de votre
royaume. Luther continue eu cher-chant à ga-
gner le roi à sa doctrine, de la façon la plus
artificieuse.
Henri Vill reprit la jilume ; se reconnais-
sant l'auteur de l'écrit que Luther qualifie de
libelle, il réfute solidement les erreurs prin-
cii)ales et les assertions du moine héiésiar-
qiie. Il établit la suprématie de l'Eglise ro-
mauie ; il exalte la charité, le respect dû au
pape, aux conciles, la croyance au libre
ariiitre. En un mot, il fait des doctrines
de Luther un examen et une réfutation vrai '
ment admirables. Dieu vo dait que l'homme
qui devait séparer l'Angleterre de l'Eglise
catholique, qui devait l'amener à croire la
plupart des erreurs de Luther, éiM'ivît ainsi
sa pr.'tpre condamnation, afin qu'il fût bien
démontré à tous que ce n'était pas pour une
question de foi que Henri VIH agissait. Oui,
c'est la honte de l'Angleterre actuelle que
cette véi'ité historique : elle s'est séparée de
Home, non point à cause de la foi, mais parce
«147
HEN
UE^i
UiS
qu'Ht'nri \'IlI,sans cela, n'eût pas pu éiiou-
scr et garder sa maîtresse. Ce ne sont poiut
ses convictions à elle qui l'ont amenée à ce
grand acte, c'est la |)assion désordonnée du
souverain ([ui l'a décidée, et sa tyramiie af-
freuse ({ui l'a fait exécuter. Les Anj^iais, eu
se séparant, n'ont pas l'ait acte de volonté,
de conscience, ils ont fait acte de lâcheté en
obéissant, de crainte do mourir, à un tyran
que la passion égarait. Ne soyez donc point
si liers dans vos attaijues contre l'Eglise ro-
maine ! Cette séparation, c'est la consonuna-
lion de la turpitude d'un tyran et de l'abais-
sement de tout un peuple. Kt ce roi, non con-
tent d'avoii' défendu la foi dans ses principes
qu'attn(iuail Luther, avait condannié chez cet
liérésiaruuo ce commerce iliégitiuic que lui-
même allait bientôt vouloii' faire sanctionner
5 son profit. « Rends au cloître la chétive
fennne ( CiuUcaubri.md traduit rexpression
de Henri, muliercula, plus polimoTit que
nous n'eussions fait ), épouse adultère du
Christ, avec lacjuelle lu vis sous h; nom d'é-
poux dans une très-sci'lérate déliauche, et
ime double danniation. » ( Chateaubriand,
Essai sur la littcralurc anglaise. ) Ce piince
ne voulait pas l-iisser sans une flétrissure
tombée de sa [)lume un seul des crimes que
Lientùt il allait commettre.
Vingt ans durant, Henri VUI resta dans
les liens de son mariage avec Callieiine,
sans les trouver douteux ; mais étant devenu
éperdument amoureux d'Anne de Boulen, il
commcnra à douter de la validité de son ma-
riage. Anne de lîoulen, qui craignait que le
roi ne la renvoyât connue sa sœur, lui avait
fuit insinuer en secret l'idée de divorcer avec
Catherine et de la prendre, elle, pour épouse.
Henri commença donc à élever des doutes
sur la validité de son mariage. 11 ne dit pas
d'abord le vrai motif, le but ([u'il voulait at-
teindre : il craignait, dit-il, ([ue l'ordre à la
succession du trône fût troublé. Il avait une
iille, la princesse ^lario, de Catherine d'Ara-
gon : bien (pie cette princesse eût été recon-
nue dès son enfance comme héritière du
royaume; bien que le mariage (pj'avait con-
tracté le roi eût été conclu du consentement
unanime de tous les ordres du royaume, il
éleva des doutes sur les droits de la |)rin-
cesse à la succession, et sur la validité de
son mariage, disant que le pape avait oiitre-
|)assé ses droits, ses pouvoirs, en lui don-
nant dispense pour épouser sa belle-sœur.
Il envoya partout, notamment en Allemagne,
(piéter des coii.Miltations,alin d'avoir, si faire
se pouvait, quel((u'un de son avis. Tout le
inonde h- coniamnail, voire môme les liéré-
tiqnr's. Ouand on pai-la de celle allaire, lors-
(jiie \h;<\vï (il oll'rir p;;r amb;is>>a!e (h; scjijin-
dre à la ligne pioleslante, .Mél.inchlhon ren-
dit celle décisirjii : '< Nous jiensons, contre les
amb;is.sa(](Mirsd'Aiiglelerre, que la loi de ne
pas épouser la f(,'mm(; de son frère est sus-
ce|»lible ilc dispense, (juoi(jue nous ne la re-
gai-dions p.is commi; .'iK^lic'. » ( Liv. iv, ép.
IH.i. j Luther lui-même ( Ep. Hala> 1717 )
dit : a Av.inl de doMn<'r apjirobalion à ce di-
voicc, j'aurais pliilAl permis au roi d'éjtouser
une seconde reine et d'avoir plusieurs épou-
ses, à l'exemple des ['atriarches et des
rois.
Henri demanda au pape Clément VII de
déclarer nul son mariage avec Catherine;
mais en même temps qu'il voulait que le
pape déclarât que son prédécesseur n'avait
pu accorder dispense pour é[)ouser une
belle-sà'ur, il lui demandait dispense nou-
velle pour épouser n'impoiie (pielle femme,
fût-elle [)arenledu roi au premier degré d'af-
{inité, ou même mariée à un autre, sans que
le mariage eût été consommé. Ainsi il vou-
lait (jne le [)ape décidât la (juestion eu deux
sens diamétralement opposés. Pourquoi de-
mandait-il cette dernière dispense? est-ce,
comme le dit llorhbacîicr, parce ([u'il consi-
dérait Anne de Boulen comme sa parente,
puisqu'il avait eu des rap{>orts charnels ave
sa sœ^ur, et qu'on disait qu'elle avait été ma-
riée eu secret à i:n autre ? C'est i)Ossible ;
mais ne serait-ce point, aussi à cause des ra[)-
ports qu'il aurait eus avec la mère d'.\nne
do Boulen, voulant ainsi que la dispense pa-
pale s'étendît ju.scju'à permettre le mariage
avec sa 1111e naturelle '?
Clément ^'11, qui connaissait le cœur hu-
main, et (jui savait que l'amour est une pas-
sion qui s'use vite, jugea à pro[)Os de tem-
poriser. Il regarda le roi comme un malade
en proie à un mal pour lequel il ne faut jias
brusquerie traitement. Il avait raison: Henri
n'aima jias toujours Anne de Boulen, et quand
il cessa de l'aimer, il lit déclarer nul ce nou-
veau mariage, et lit décapiter cette femino
qui ne régnait plus dans son cœur. Pauvres
sentiments humains ! Que serait la société,
si Dieu et les lois n'établissaient pas ses ba-
ses sur le devoir plutôt que sur les passions
humaines?
Le pape envoya en Angleterre le cardinal
Campige, qui montra dans cette ad'aire une
prudence et une modération inlinies, mais
que rien ne put faire varier de la ligne du
juste et du vrai. Le cardinal AVolsey, qui lui
prêta son concours, fut disgracié à l'instiga-
tion de la favorite. Il se retira dans ses ter-
res et ne voulut jamais donner son approba-
tion 5 la conduite du roi, qui, en io'.iO, l'en-
voya prendre iiour le faire mettre â la Tour
de Londres ; mais il mourut en chemin, dans
sa soixantième année; ; sans cela il aurait eu
le mémo soi-t([ue Thomas Morus cl tant d'au-
tres.
Les choses ne touniaienl pas au gré do
Henri : l'empereur faisait une ojjposition cx-
trênuMuenl vive h ses desseins, le pape ré-
sist.iit ; il (lui compreiidre (pi'il s'était jeté
dans des (lihieullés sans nombre. Alors il fut
sur le ])oint de reculer. Il aila même jus(|u'il
dire (pi'il n'aurait jias demandé le divorce,
(pi'il n'y aurail p.is songé, s'il ne s'était cru
biim sûr d'obtenir la dispense du |)ape. L'es-
j)éianc(! ri'venail (fins le co'ur des gens do
l)i(Mi. Aiuied(! Boulen et ses paiti.sans étaient
altérés. Thomas Ciomwell a|)porla aux des-
seins du roi le c(»ncoius de son audace (ît du
son astuce. Llev('' à l't'cole de Machiavel, ecît
homme, (ils d'un hnilon des environs de Lon-
1149
Hl.N
HUN
nno
drcs. Soldai d'ahoi-d, inarcliainl ciisiiitc, avait
ét(^ (Miiplnyé par WoIscn pour Iravaillcr h la
dissolution d'un corlain nonibrcdc coiivcnls
aux(|U('ls co cardinal voulait sul)slitu('r ses
coll(''^os. 11 avait nioiitri^ un(> ^i-andc liabi-
lotL' dans colto all'ain' : aussi avait-il ga^ii6
tonto la conliaiire (I(ï Wolsey. Il l'avait suivi
dans sa dis^nlco, (M-oyant (pTclle ne serait
pas de longue durcie; mais il n'avait pas lardé
a le (juiller pour revenir h la coui'. Il n'était
pas lioninie ;\ restei- lidèN' au niallieui" : il
avait moins de ((eurrpio d'ambilion, et l'am-
l)ition tourne toujours ses regards vers le so-
leil levant d(^ la l'orlune et de la j)uissan(;o.
Le roi le eonlirma dans l'intendance des ter-
res d(>s monastères (]ne Wolsev avait sup-
j)rim6s. Cromwell demand-i elohlinl une au-
dience. « Sire, lui dil-il, je ne |)uis me taire
«piaïul je vois rin(pii(''tu(ie où vous (Mes.Ou-
liliez ma présomption pour ne voir (piemoii
<lévouement. Les savants, leS' universités de
votre io\\-unne a[)))ronvont votre divorce, le
pape seul refuse. Passez-vous du |)apo, imi-
tez les [)rinces d'Allemagne qui ont secoué
sou joug. J)éclarez-vous chef do l'Eglise dans
votre royaume. » Henri fut surpris, mais il
était enchanté d'un tel conseil : il nomma
Cromwell membre de son conseil privé. La
difiiculté était de faire accepter au clergé
celte suprématie royale: les successeurs des
saints deviendraient-ils des apostats?
En lo.'U, Thomas Cronnvcll (il accuser tout
le clergé d'Angleterre» d'avoir violé les sta-
tuts de prœmunire. C'étaient des statuts qui
défendaient d'exécuter en Angleterre sans
permission royale certaines décisions et sen-
tences du clief de l'Eglise universelle : c'é-
tait une sorte de concordat comme il en existe
chez nous, malheureuse concession que, par
crainte de plus grands maux, l'Eglise avait
été obligée de faire, mais qui n'était ni plus
rationnelle ni plus juste au fond que les arti-
cles organiques subrepticement ajoutés chez
nous au Concordat. Le clergé, pour éviter un
jugement et obtenir pardon, olfiit un présent
ou plutôt une rançon de cent mille livres ster-
ling. Le roi refusa: il demanda qu'on mît dans
l'acte d'offrande une clause qui établit le roi
« comme le protecteur et le chef suprême de
l'Eglise d'Angleterre et du clergé. » Le clergé
vit le danger, il refusa ; on proposa des
moyens qui furent rejetés; le roi proposa
une rédaction qui ne fut pas acceptée. War-
ham de Cantorbéryy inséra un amendement
qui portait : AxUant que le permet la loi du
Christ. Tunstall, évèque de Durham, Guil-
laume de Warham, archevêque de Cantor-
béry, protestèrent en disant que si cette
clause avait pour but de dire que le roi était
le chef du temporel, il n'y avait pas besoin
de la mettre ; que si elle signiliait davantage,
elle était un attentat.
Jusqu'alors Henri avait espéré effrayer le
pape et en obtenir son divorce. Le "25 jan-
vier 1533, il ordonna au docteur Lée, son
chapelain, de dire la messe de très-bonne
heure dans une des chambres du palais. 11
s'agis-ait de marier le roi avec Anne de Bou-
len déjà enceinte. Ce cha^jelain résista d'a-
bord, mais Henri l'assura (juo le nape vetjail
de |)rononcer en sa laveur, (!t (pi'il avait dans
son cabinet l'acte uni uorlait cette déci-
sion.
Sur vo>i entrefaites, l'archevôque de Can-
torbéry étant mort, encore plus de douleur
de voir c(! (jue le roi prépai-ait de maux à
l'Eglise (pie de son grand Age et de ses infir-
mités, Henri nomma à sa place 'l'homas Cran-
mer, (pii, envoyé [)Our l'alfaire du divorce
en Italie, sut si l)i(!n dissimuler, que le pape
le lit son pénitencier dans le royaume de la
(jrand(>-Hr('tagne. Le pape a|)prouva la no-
mination de Cranmer, (|u'il ne soupçonnait
j)as cou|)able d'autre chose (pie de soutenir
la nullité du mariage; de Henri, question qui
du reste n'était pas encoi-e décidée. L(; pa[)0
ignorait cpi'aufond Ci-anmerétait luthérien,
qu'en (piittant Home il avait pris uik^ femme
en Allemagne, et(|u'il l'avait amenée on An-
gleterre. Cet homme, (pii avait à son sacre
fait serment de lidélité à l'Eglise romaine
qu'il détestait ; ([ui disait la messe et qui n'y
croyait pas, continua admirablement son
rôle d'hy[)Ocrite. En avril 1533, il écrivit au
roi une lettre très-sérieuse dans la forme, à
l)ropos de son mariage avec Catherine, lui
disant que ce mariage scandalisait tout le
monde ; que quant à lui il était résolu à ne
pas soulfrir ce scandale; que conséquera-
incnt, il le suppliait de lui accorder la per-
mission d'examiner la question du divorce,
ajoutant ({u'il y avait ui-geiice pour lui à ne
pas vivre plus longtemps dans l'inceste. Le
roi répondit comme il était convenu à cette
comédie. L'archevêque se transporte au châ-
teau que la reine Catherine habitait dans le
comté de Herfort. Là, il procède et cite de-
vant lui le roi et la reine : celle-ci ne com-
paraît pas. L'archevêque, jugeant par contu-
mace, déclare le mariage nul et prend dans
ce jugement le titre de légat du saint-siége.
Plus tard, siégeant à Lamijeth, il prononça
la validité du. mariage de Henri et d'Anne de
iJoulen, en vertu, dit-il, de l'autorité qu'il
tenait du successeur des apôtres. Plus tard,
ce même Cranmer prononça la nullité de co
second mariage du roi.
Le pape, ne pouvant plus attendre, fut
obligé de casser la sentence prononcée par
Cranmer, et déclara Henri et Anne excom-
muniés, s'ils ne s'étaient séparés avant la Un
de septembre ; en septembre le pape prolon-
gea le délai jusqu'en octobre. Henri appela
du pape à un concile général. Le pape, le
23 mars 153i, tint un consistoire, où sur
vingt-deux cardinaux, dix-neuf se pronon-
cèrent sur la validité du mariage de Cathe-
rine. « On croit génér.demcnl, sur l'autorité
de Fra-Paolo et de Dubellay, frère de l'évè-
que de Paris, que la séparation provint de
la précipitation de Clément. Ils disent que
le prélat demanda du temps pour recevoir la
réi)onse de Henri, qu'il espérait être favora-
ble ; qu'on lui refusa le court délai de six
jours, et que deux jours après la sentence, il
arriva un courrier porteur des dépèches les
plus conciliantes. Il est certain que l'évêque
attendait une réponse à sa lettre, et il est
llol
HEN
IlEN
«52
très-probable qu'il arriva un courrier ajirès
la sentence ; mais, 1" il est douteux qu'il ait
demandé un délai jusqu'à larrivét; du cour-
rier, car dans la narration qu'il donne lui-
même de ses démarches, il n'en lait aucune
mention, et au lieu de s'être rendu au consis-
toire pour le demander, il était certainement
absent et il se rendit ensuite auprès du pape
atin de savoir le résultat. 2" Il est certain
que la réponse jjorlée par le courrier était
défavorable, parce que toutes les actions
de Henri, vers l'époijue où il le dépêcha,
prouvent sa détermination do se séfiarer en-
tièrement de la conniuinion papa e. 3° La
senteiice portée par Clément ne |)ouvait être
cause de cette sé[)aration, puis(pie h; bill (pii
abolissait le pouvoir des ()apes dans le
royaume, fut présenté à la Chambre des com-
munes au connnenccment de mars, transmis
aux lordsla semaine suivante, ap[)rouvécinq
jours avant l'airivée du courrier à Rome et
reçut la sanction royale cinq jours après.
L'approbation de la c-liambre des pairs est du
20 mars, le courrier était arrivé le 25 et la
sanction du roi est du 30. 11 n'est pas possi-
ble qu'une opération faite à Rome le 23 ait
pu déterminer le roi à donner son assenti-
ment le 30. » (Lingard, t. VI, p. 293, note.)
Le parlement déclara le prenner mariage
du roi illégal, et le second avec Anne de
Roulon, légal et valide. Les enfants de Ca-
therine furent déclarés iidiabiles à la succes-
sion au trône, au détriment de ceux d'Anne
de Boulen. Les deux honnnes les plus re-
cornmandablcs de l'Angleterre, Thomas Mo-
rus et Fisher, évêque de Rochester, ayant
constamment refusé de prêter serment d'o-
béissance à l'acte' du i)arlement et à ses con-
séquences, c'est-à-dire à la reconnaissance
du roi comme chef de l'Kglise d'Angleterre,
furent tous deux eni|)risonnés, connue on
peut le voir à leurs titres, condamnés à mort
et exécutés. La mort de ces deux martyi's ne
produisit point en Angleterre cette tiaiiite
émulation du martyre (jue dans la pi'imilive
Eglise le sang des premiers chrétiens faisait
naître. Le clergé piesque toulinitier, sui'tout
le cor[)s des évê(jues, se montra lâchement
obéissantaux exige. n-(is du souverain. On vit
tous ces prélats, ai)ostasiant leur loi, leurs
convictions, monter en chaire pom' [)rêcher
l'obéissance aux décrets et oi'donnances du
roi et du parhMnent et proilamer Heni-i \TII
véritable chef (h; l'Eglise et snccessimr de
saint Pierre, (^ohbet s'exprime ainsi : « Lo
devoir le plus sacré d'un hislcjrion est de si-
gnaler à l'estime et à l'.idmiiation de la |)0s-
létité les hommes (jui osent embrasser la
défense de l'iiniocence contre les nu-chants
armés du pf)uvoir. Je lerai donc ici unemen-
lion particulière; di; deux religieux i'raneis-
cains, rrommés l*eylo (!t l^lstow. Le pr-emier,
j)rê(h,uil un join- devant le roi (piehpie linnps
après son mariage; avec Arnie d(; Houhni, (;t
jiienant pour texte le passage; du premi(;r
livre des l\ois dans l(;<pn;l Michéc pro|)hétise
contre; Ae;|iab, ejui étarl entouré eh- llaltenu's
et (II- p((,[)iict(;s iinpMsteîiirs, ne; crviignil pas
de dire : Je; .suis Michée, vous me dét sler<'/.
parce que je suis forcé de déclarer que ce
mariage est illégal. J(> n'ignore pas que jo
mangerai le pain de l'allliction et qu(\je boi-
rai l'eau de la douleur ; mais puisque le
Seigneur m'a mis eetle vérité dans la bouche
je la dirai. Vos llatteairs sont les quatre cents
pro|)hètes dont l'esprit mentemr cherche t\
vous trompen". En ve)us laissant séduire, pre-
ne'z garch; de ne pas subir un jour le châti-
ment d'-Vchab, doit h's ehie'ns burent le
sang. » Le reù ne parut faire aneune at-
tention à ce reproche, mais le dimanche sui-
vant, un certain Cnrwin prêcha dans le même
lieu devant lo r-e)i et traita IVyto ele ehien,
de calonmiateur-, de vil moine mendia.nt, de;
rebelle, et de; traître, aje>ulant epi'il s'était
enfui de honte et de; [)eur. Dans ce morne nt
Elslow, qui était |)résent, et qui appartenait
à la même congrégation epie Peyto, apostr'o-
phant Cnrwin à haute voix, lui dit : « Mon
bon monsieur, vous savez aussi bien (\vni
qui que ce soit, que Peyto est allé assister à
un synode provincial à Cantorbéry, et que
ce n'est pas la crainte epie vous ou tout au-
tre lui inspirez epii l'a fait fuir, e-ar il revien-
dra demain : mais en attenelant, me voici
comme un autre Michée prêt à sacrifier ma
vie pour soute;nir devant Dieu et tous les ju-
ges impar-tiaux ce eiu'il a avancé d'a})i'ès les
saintes Ecr'iturcs. Et c'est toi Cur\\in que je
défie à ce corubat, car tu es un des quatre
cents faux proi)hètes dont l'esprit de juen-
songe s'est em|)aré, et qui cherchent à éta-
blir- par l'adultère une succession qui de-
vr'a conduire le roi à la iierdition éternelle. »
Stowe,eiui r-apporte ce fait darrs sa Chroni-
que, élit epi'Elstow s'échautfa tellement, epi'on
ne parvirU à lui imposer silence ([n'en lui en
donnant l'ordr-e formel au nom élu roi. Le
jour suivant, les doux religieux fur'cnt man-
dés devant le roi et son conseil. Henri les
ré[)rim;inda feir'teni'nt et leur- dit e[u'ils nié-
riter'aient d'être' mis élans un sac et précipi-
tés élans 11 Tamise. — Réser-voz de sembla-
bles menaces, reprit Elstow en souriant, pour
les r-iches e't les gour'mairels vêtu>i de pour-])r'e
qui font bonne e;hère et mette-nt tout leur es-
I)e)ir dans ce bas monde. Quaril à ne)us, le)in
d'etj fair-e aucun cas, nous nous réje)uir-ions
d'avoir été chassés el'ici pour- ave)irfail ne)tre
deve)ir. Au reste', et Die'ii en soit le)ué ! nous
savons (pje lee-iel ne)us est e)uver't, soit (jue
nous y arrivietns par le'rre' e)u |)ar mer.
« En vér-iti', e'e)uclul le prette'stant Ce)l)bet,
on ne' saurait trop aelmire;r la ce)nduite de ces
deux i'eligie;ux. Si h's évêque-s ou se'ulerne'iil
le epiart el'enilr'e e'ux avaient me)nlr'é aulant
de e'e)irr'age, lo lyr'an airrait éh' arrête'" au mi-
lieu eruiie' e'ar'r'ièr'C où il allait se* pi-éeipile'r
eh' eiime'S en crimes. .Mais la résislanee' de;
ee;s elenx [)auvre's re'ligie'ux fut la se'uU'e|u'é-
pre)uva sa ve)lonlé eh' fe-r ; cir"e'e)nslane-e' epii
ele'vrail suffire pe)ur nous e-ngage-r' ;i hésiter
avant ele> pai'Ier eh' Vi(jnoranir e-l eh' la .">u-
prrslition eh's me)im's. Dans la e'e)neluile' do
Pe'yto et d'i'llsleiw, il n'y avait jtas ele fana-
tisme' ; ils n'étaient epie; les eléfenseurs de la
riie)rale;, dans la cause- d'une' |)('rse)nne' eju'ils
n"avaie-nl jarna s personnellement connue.
Ho5
iii:n
liEN
i\U
Ils étaient certains (rencoiirir les peines les
plus s(^vères, |)eiit-(^ln! nic^^mc^ la iiioil ; et eo-
pondant ils ne balancirent [)as un instant.
Je ne trois pas en vérité (pie l'iiistoire an-
ciemu' on moderne otlVe un trait triiéroïsrnti
qui reini)orte sur eclui-ci. » ( (loi)ljet, His-
toire (ir lu reforme <l' .{iK/Irterre, lettre .'{, [iris
dans lloln-bacher, vol. Wlll, pa^^ 389. )
Peyto et Klstow furent chassés de la
cour, et connue l'ordre entier était dans
les mêmes sentiments, Henri \l\\ jugea
à propos d'agir de manière h détruire ,
sinon h convertir celt(^ opposition. Tous
les Franciscains de l'étroite obscivance
furent disjiersés ; plus dt> cinciuanle mouru-
rent dans les prisons, les autres furent ban-
nis en France et en Ecosse. Il en fut de
nuMne des religieux de Saint-lJruno. Les
l)rieurs des trois chartreuses de Ik'lval, d'A-
xiholm et de Lonilres, ayant \'X|)osé hCrom-
Avcli leurs motifs de r(i\iser le serment, fu-
rent emprisonnés sous la prévention de crime
de haute trahison : lesjurés au\(}uels on les
déféra refusaient de les coiidamner ; Crom-
well se rendit au milieu d'eux, et, par ses
menaces, lesforça île rendre um,' sentencede
culpabilité. Cinq jours après, le 5 mai 1335,
les trois prieurs, avec un prétriî séculier et
un moine de Sion, nommé Reynold, furent
mis à mort à ïiburn. Trois moines de la
Chartreuse, qui avaient demandé h les assis-
ter à la mort, furent exécutés le 18 juin. On
les pendit, on les décrocha avant qu'ils eus-
sent cessé de vivre, puis on leur déchira les
entrailles et on leur désarticula les membres.
Ces exécutions terrifièrent le clergé d'Angle-
terre. L'apostasie fut le refuge de tous ses
membres. D'où vient cette lâcheté? Ne fau-
drait-il pas l'attribuer aux ricliessesdu clergé
anglais, au luxe dans lequel il vivait? Trop
dejouissances attache aux biens de ce monde.
Malheur à ceux des hommes de Dieu qui se
font grands parmi les opulents du siècle 1
Jésus-Christ et les apôtres ont enseigné la
pauvreté, la aiortitlcation ; qui souffre ici-
bas pour Dieu, met son espérance au ciel
dans la vie éternelle ; qui s'attache aux biens
périssables demeure et périt avec eux. Tho-
mas Cromwell fut nommé par Henri son vi-
caire général dans la direction des affaires de
tout le clergé d'Angleterre. Ainsi le clergé,
qui avait eu la lâcheté d'obéir, trouva sa
punition dans l'avilissement cju'il y avait
pour lui à obéir à un homme comme Crom-
Avell, impie et athée.
Ainsi fut consommée la séparation de l'E-
glise d'Angleterre. L'avarice de Henri VIII,
qui voulait s'emparer des biens de l'Eglise,
et sa passion qui voulait se satisfaire dans
les bras d'Anne de Boulen, furent cause de
l'apostasie du roi et de tout son royaume.
Henri se fit successivement adjuger par le
parlement les biens des monastères. Crom-
^vell, trouvant la justice tro[) lente à son gré,
tra icha les d.fïicultés en faisant par ordon-
nance, et en sa qualité de vicaire ecclésias-
ti(iue du roi, ce que le parlement faisait trop
lentement après délibération. Huit mois
après son mariage, Anne de Boulen aix-oucha
d'une fdlo, (pii fut depuis la fameuse Elisa-
beth d'Anglelerrt!. (>'*>// son article.) Anne
avait été la nuiîtresse du roi, (.>t ou su|)|io-
sant son mariage valiile, Elisabeth était le
produit d'amours illégitimes. Anne d(; Bou-
len menait une vie toute dillércMite de celle
de la vertueuse reiiu' (pi'elle avait chassée
du trône. On dit (pie sa conduite libn; et
même dissolue était l'objet de la malignité
publiipu'. Henri VHI, occupé à voler l'Eglise,
à faire mourir ceux de ses sujets (jui refu-
saient de le reconnaître, ne songeait pas aux
désordres de sa maison. Catherine mourut
au mois de janvier liJ3G, le roi prescrivit à la
coin- de prendre h; deuil. Anne de Boulen se
para ce jour-là avec magnificence, et dit :
« C'est donc d'aujourd'hui seulement que je
suis bien reine d'Angleterre. » En mai 1530,
on donnait un tournoi àCreenwicn ; Anne y
était avec le roi. Un des combattants était l'a-
mant de la reine. Elle eut le malheur de lui
faire un signe alfectueux : le soir même elle
est emprisonnée h (Ireenwich ; le lendemain
on la mène à la Tour de Loîidres. Cranmer
la fit comparaître avec le roi, sous prétexte
que leur mariage avait été illégal^ qu'ils
avaient vécu dans l'adultère. Le mariage fut
cassé, et l'enfant d'Anne déclaré illégilime.
On la décapita dans la Tour le 19 mai. Le roi,
qui avait signé de sa main l'ordre d'exécu-
tion, s'habilla de blanc ce jour-là en signe de
n-jouissance. Le lendemain il se maria avec
Jeanne Seymour.
En 1537 la reine mourut en couches d'un
fils qui régna sous le nom d'Edouard VI.
Peu (le temps ajirès, Henri fit rendre une loi
qui statuait que les ordomiances royales au-
raient force de loi, tout aussi bien que celles
émanées du parlement. Le digne ministre de
ce roi bourreau condamna la comtesse de Sa-
lisbury, mère du cardinal Pokis et ses autres
parents, parce (]ue ce cardinal, qui était absent;
d'Angleterre, avait refusé d'y rentrer lors de
l'affaire du divorce. Deux ans a|)rès la mort
de sadernière femme, Henri obtint pour fem-
me Anne, sœur de l'électeur de Trêves. En
la voyant, il témoigna qu'elle lui déplaisait
étrangement. Cependant il l'épousa, se ré-
servant de divorcer avec elle, ce qu'il fit on
15iO. Cranmer brisa encore ce nouveau lien,
et Henri épous.i Catherine Howard. Pendant
les noces, on volait les églises, on assassinait
les saints, on pillait les monastères. On fit
le procès de saint Thomas de Cantorbéry, qui
fut cité à coin[)ar<iitre, et faute de ce con-
damné comme coupable de haute trahison.
On brû'a ses reliques et on dispersa les
cendres. Pendant longues années Henri
avait eu pour lui une grande vénération.
Dans ses écrits contre Luther, il avait cité et
invoqué l'autorité de ce saint martyr ; mais
on sait que Henri se souciait peu que sa
conduite fût un tissu de coutiadictions. A
tout cela il ne manqua qu'une chose, la si-
gnification du jugement à saint Pierre, pour
qu'il eût à chasser du paradis un saint qui
cessait de l'être par arrêt de la cour du roi ;
mais ce forcené, qui commettait de telles hor-
reurs, voulait donner au monde le plus af-
l!oo
lîEN
IIER
Hôa
freux spectacle qu'il filt possilHe d'ima^mei*.
Après qucl(juos mois âc mariaLte, il accusa
sa cin(]uièiiie fenune, Catlierine Howard, de
n'avoir pas été vierge lors de son inaria;jçe :
comme il n'exislail aucune loi ipii punît un
paroil fait, il eu lit faire une(|u"ii rendit ré-
troactive pour la malheureuse reine, qui fut
condamnée et décapitée en février loi--2. Il
é()0usa une sixième femme, ("atlierine Parr,
qui, en loVG, ayant eu lemalheur de vouloir
discuter un point de relii;ion et d'émettre des
idées luthériennes (pi'il réprouvait, fut accu-
sée par lui, et ne dut son salut (pi'à remi)res-
sement qu'elle mit à rec(jnnaîtie et à procla-
mer hautement son infaillibilité en matière
religieuse. Enfin ce monstre, déshonneur
du trône, véritable Néron de l'Anyielerre,
connue nous l'avons déjà dit, mourut dans
la nuit du 28 au 29 janvier loV7, âgé de cin-
quante-six ans, en ayant régné trente-huit.
On ne sait ce qu'il y a de plus hideux, ou
du roi dont nous venons d'esquisser à grands
traits l'histoire, ou du parlement anglais qui
se lit i'infàme et lâche insti'ument de ses fu-
reurs, de ses lâchetés , de ses turpitudes.
Ah ! on parle du sénat romain qui se dés-
honorait en obéissant à Néron, à Domitien,
àCaracalla : ce sénat était païen, était encore
barbare relativement au parlement anglais.
Ce parlement, sous Henri Vill, est certes plus
ignoble (jue le sénat romain dans les jours
les plus honteux de son avilissement. Puis,
au bout de tout cela, vient un mystère in-
compréhensible. Une grande nation, un peu-
ple intelligent se met tout entier à la suite
d'un pareil monstre, se sé[)arant de Rome
pour de pareilles causes. Il faut qu'il y ait
comme un bandeau fatal mis par la Provi-
dence sur les yeux de tout Anglais (|ui reste
dans la religion protestante, en considérant
quel fut son principe daijs son pays et par
quels hommes elle y fut introduite. La lâ-
cheté des ancêtres doit peser connne un re-
mords sur l'honneur des enfants.
HKNIUQUÈS (le bieuheur(îux Gonzale),
diacre, de la compagnie de Jésus, Portugais,
faisait partie des courageux missiojuiaires
que le Père Azevedo était venu recruter à
Uomc, poui- le Brésil iVo//. Azevkdo). Leur
navire fut pris, le 15 juillet 1751, par des
corsaires calvinistes qui les massacrèrent ou
les j(Uèrent à la mer. Notre saint martyr su-
bit le même sort en l'honneur du nom de
Jésus-Christ (Du Jarri(!, Histoire des choses
plus mémorables, t. 11, pag. 278. Tanner,
Societas Jesa us(/ue ad smu/uinis et vitœpro-
fusionern niilllans, pag. 10(i et 170.)
HKNKIQCLZ (An toink-Joskpii ;, né à Lis-
bonne le l.'{ juin 1707, arriva à Mac.io en
17V'i-. L'année suivante il lit |)rofession, et
partit jioiirla [irovinc*; de .Naiiking, avec son
collègue Atliemis. Découverts tous les deux
et arrêtés, il> furent amenés, enchaînés à
Sou-'l'cheou, le 21 décendue 17V7. (Juand la
seîitencr; de condaimiation eut été signée
par l'mnperein', le geôlier et hîboiu'reau en-
trèrent, le 12 sept(!mbi(; 17VS. On comunnica
par AliT la paille des lits, disjio.sition qui lit
ju„'er aux saints confesseurs (pjc l'heure de
leur supplice n'était pas éloigné;\ Bientôt
un autre bourreau arriva, avec des cordes
l)0ur attacher les dtnix prisonniers. « Nous
allons, leur dit-il, d'un ton moqueur, vous
envoyer dans votre paradis, où vous désirez
tant aller. » On sei'vit à manger ensuite aux
condamnés, suivant la coût urne qu'on observe
«i la Chine ; mais ils n'y touchèrent pas. Alors
les bourreaux leur lièrent les mains et leur
mirent la corde au cou. Avant d'être sépa-
rés, ils obtinrent de se parler un instant. Ils
se réconcilièrent et se miient en prières ;
mais les bouri eaux n'attendu'ent pas qu'ils
eussent liiu, et les étranglèrent. Le lenJo-
main on les mit dans des cercueils et on les
inhuma dans le cimetière des pauvres, d'où
un an après on les enleva. On trouva leurs
corps sans aucune espèce d'altération.
HÉUACLE (saint), eut la gloir(> et le bon-
heur de doiuicr sa vie pour la foi chrétienne
durant la persécution (jue le cruel emjjereur
Dèce souleva contre l'Eglise du Seigneur. Il
fut un des com|)agnons des saints Lucien et
Marcien ; ce fut à Nicomédie qu'eut lieu son
niai'tyre; le proconsul Sabinus le condamna
à être brûlé vif, ainsi que tons ses compa-
gnons. L'Eglise célèbre la fête de tous ces
saints martyrs le 2G octobre.
HEHACLE (saint), martyr, souffrit pour a
foi à Nyon. 11 eut pour compagnonscle son
martyre les saints Paul, Augustin et deux
autres que le Martyrologe romain n'a pas
nommés. On ige.ore les circonstances et la
date de leur martyre. L'Eglise vénère leur
sainte mémoire h; 17 mai.
HÉKACLE (s.iint), reeut la palme du mar-
tyre à Cartilage avec saint Zozime. Nous n'a-
vons pas de détails sur l'époque etlescircon-
stances de leur triomi)!ie. L'Eglise célèbre
collectivement leursaintemémoirelellmars.
HÉILVCLÉK (saint), remporta la couronno
des glorieux combattants de la foi en Thrace.
Il eut pour compagnons de son triom|)he les
saints Eutyche et Plante. Nous n'avons au-
cun détail authentique sur eux. L'Eglise fait
leur ménioire le 29 s(>ptembrc.
HÉRACLÉE, Jleraclœa Thraciœ, Perin~
thns, de nos jours Erekii, ville siiuée près
liyzance sur la Pi'opontide. Sainte Sébas-
lienne, disciple de l'apôtre saint ï'aul, y fut
martyrisée sous le règne de l'empereur Do-
mitieji. Cette ville fui, dès le commenrement
de la persécution de Marc-Auièle, honorée
par le martyre de sainte Clycérie, sous hj
gouverneuKMit de Sabinus. Un(u\glise y fut
bâtie sous l'invoraliun de la sainte.
lui l'année 'M'v, sous le règne de Oioclé-'
tien, cette ville fut témoin du martyre des
saints Phdippe, évê([ue. Sévère, j)i-èti-e, et
Hermès, dia(nx'. (To//. les Actes de saint Phi-
lippe.j Licinius y lit mettre à mort, en .'{19,
un de ses généraux noiinué 'l'héodoi'e et sur-
nonnné Stratelale, c'e.st-à-tlire le gém'n-al.
Théodore connuandait tout le pa.\s des .Ma-
riandins, dont lléiviclée était pour lors la
capitale. Ce pays cnniprenail une jiartic! do
la J{illiyrii(î, du Pont et de la Paphlagonie.
n/;iC\Cl.n)l-: (saint), disrlple d'Oiigèm»,
fui ilérapilé [lour la foi à Aleiaudiie, sous le
4ir)7
IIKR
iir;n
1158
rO'gno (lo StWtTO cl sous le {,'oijvornoinoMt
do I.f'liis. I,'lv4lis(; célèbre sa r(H(3 le 28 juin.
lU'lKACl.lllS, noimiié 'lans les Actes de
snim Svuipliorieii, gouverneur de la Pro-
vince, "(^taiil venu ù Autun, où demeurait
SvinpliorieM, ex[)rùs pour y rechcrelter les
chrétiens, le saint l'ut anie!i6 devant lui,
par(;(> (ju'il avait refusé d'adoier la statue ûf.
(Ivbèle, ((u'on pronu'uait par les rues, Hé-
i-àilius le lit d abord battre cruelleuienl et
ensuite euiprisoiinei'. J)cux jours après, il
lit son possible pour le vaincie par S(!s |)ro-
inosses et })ar sa douceur. N'ayant pu en ve-
nir à bout, il le condannia ii ùtre décapité.
IIKUACLIIJS (saint), martyr, était soldat.
Il versa son sang pour la loi avec Tévéquc
Alexandre. On ignore h (|uell(! épocjue et
ilans quelles circonstances eut l.eu leur mar-
tyre. 1/Kgliso honore leur mémoire le 22
octobre.
JIÉKACLIUS (saint), fut martyrisé à Todi
pour la défense de la religion chrétienne. 11
eut pour compagnons de sa glou'e les sainis
Félicissime et Paulin. L'Kglise lait leur mé-
moiic le 2G mai.
HÉUACLIL'S (sainte), fut martyrisé à Porto,
à une époque et dans d((S circonstances qui
nous sont compléleratul inconnues. 11 eut
[)our compagnons de sa gloire les saints Paul,
Seconiiille et Janvière. L'Eglise fait sa fête
le 2 mars.
HÉIIAIDE (sainte), fut martyriséeàAlexan-
drie, sous l'empire de Seplime-Sévère, et
sous le gouverneur Létus. Voici ce qu'en
dit Eusèbe, 1. vi de son Histoire de l'Eglise :
« Une femme nommée Héraide ne se signala
pas moins parnd les martyrs de Jésus-Christ,
(ju'elle s'était rendue illustre [)ai'mi les dis-
cqiles d'Origène. N'étant encore (jne caté-
chumène, elle reçut le baptême (iu feu,
selon l'expression du même Origène. L'E-
glise fait sa fêle le 28 juin.
HÉKAULT (le P. Lucien), religieux de
l'urdre de la Rédemption, fut envoyé à Al-
ger en lGi2, alin d'y racheter des captifs dont
le nombre était foit grand dans celte ville.
11 ramena beaucoup de malheureux français
qui gémissaient depuis longtem[)S dans les
fers. En IGio, il revint à Alger avec le P.
Guillaume Dr(,'ilhac; ce fut dans ce voyage
que ce saint religieux se constitua prison-
nier, afin d'augmenter le nombre des captifs
que son compagnon ramenait dans leur pa-
trie. Le P. Hérault eut à soullrir les plus
cruels tourments; le plus atlVeux fut sa des-
cente dans une fosse remplie de reptiles.
« Là (dit son historien, que cite Henrion,
vol. IV, p. 331), n'entendant f-lus renier le
sainct nom de son LMeu, il s'estime beau-
coup plus aise (ju'auparavant; car ([uoyqu'il
écrase uncrapaulouun lézarda chacun de ses
pas, et qu'il ne marche qu'à pieds nuds dans
le venin, il s'estime pourtant trop heureux,
puisqu'il l'est assez pour ne respirer plus
l'air que souille l'impiété des barbares. Il
fallut qu'avec ses ongles il se creusast dans
l'épesseur de la muraille un appuy pour son
repos; et, sans autre soulagement, il fallut
qu'il y passast plus de s;x semaines. » La
douleur profonde (]ue le P. Hérault é[)rou-
vait (h) ne |)Ouvoir lacheler tard d'infortu-
nés (pii génussoient dans l'esclavage, con-
liibua, plus encore (pie tous ces mauvais
traitements, à accélérer sa mort. Il mourut
le 2 < janvier KJVO, enlie les bras du fiancis-
cain AnseliiK; David : « Ce fut luy, ajontii lo
bio.;rai)he, (pu prit le soin de. l'exposeï' trois
jours entiers h la veiie des Turks et des es-
claves. Ce fut luy, (pii, par ses poursuites,
obtirdd(>la doiianneeldu divan un relaschc
de (pud(pn! temps aux travaux des panvrfss
chréstiens,atin ipi'ils peussent plus librement
ren(lr(! leurs derniei'S devoirs à celuy qui
avait soulfert la mort en voulant leurrendic
la liberté; et suivant ce (pi'il nous en dit,
on vit les Turks qui estaient conunis à la
garde de ce corps mort, esjiandre des larmes,
tant ils avoientlecoMU- pressé de compassion,
de voir connne (pioi les esclaves s'adligeoicnt
de leur perte et comme qnoy ils se tourmen-
toicnt de sa mort. A entendre h urs cris, à
voir leurs postures, ce n'estoit que des
aiilictions inconsolables, des regrets sans fin
et de véritables désespoirs. Les femmes que
le malheur a précipitées dans cette régîon
inouïe pour y partager avec leurs maris les
sovUI'rances de la captivité, apportoient leurs
petits enfants auprès de ce Père; elles les y
laisoient invoquer le secours du ciel pour le
repos de son âme; elles leur faisoient baiser
ses mains, sa bouche et ses pieds, et par
une assiduité opiniastre (jui passoU dans
leur esprit pour une religieuse connaissance,
elles s'atlachoient à ses habits et à son cer-
cueil, ny plus ny moins que si elles eussent
toutes fait vœu de ne le quitter jamais. En-
fin, il fut enlevé par des prestres qui estoient
précédés de deux Turks, et son corps fut
suivy jusques dans la chapelle des prisons
de la doiianne de plus de trois mille escla-
ves. Un religieux portugais luy fit son orai-
son funèbre, et quarante prestres, tant sécu-
culicrs que religieux, célébrèrent les servi-
ces de sesobsèques ; chose qui ne s'est jamais
prati(]uée,de mémoire d'homme, en ce j)ays.
Ensuite il fut enterré dans lo cimelière
des chrestiens esclaves, qui est hors la porte
de Bab-al-Oued. »
HERCULAN (saint), l'un des gardes de la
prison de saint Censorin ou Ceiisorinus, sous
Claude II le Gothique, fut converti à la foi
chrétienne, parle prêtre saint Maxime, avec
les autres gardes delà |}rison, lesquels étaient
Félix, Maxime, Fauslin, Numère, Storacinus,
Mène, Commode, Herne, Maur, Eusèbe, Rus-
tique, Amandinus, Monacre, Olympe, Cy-
prien, Théodore. Pour voir leur histoire, re-
courez à l'arlicle SIautyrs d'Ostie. Ces saints
ne sont [»as nommés au Martyrologe to-
main.
HERCULAN (saint), fut martyrisé pour la
foi chrétienne, dans la ville de Rome, pen-
dant que l'empereur Adrien persécutait l'E-
glise. 11 est impossible, faute de documents,
de dire la date certaine, non plus que le
genre du sup[)li(e qui finit la vie de saint
Herculan. Sa fête est marquée dans le Mar-,
tyrologe romain au 2;S septembre.
41j9
HER
IIEn
IIGO
HERCULAN (saint), i'yi''(|uc o{ martyr,
d(»nna sa vie pour la foi chrctienno. Son
martyre eut lieu à Pérouse, à une épcxjue et
dans des eircoustances t|ui nous sont incon-
nues. L'Eglise honore sa ghjrieuse mémoire
le 7 novembre.
HEKCULAN (saint\ fut martyrisé à Porto
pour la foi de Jésus-Ciirist. Nous n'avons au-
cun document établissant ré[)0(|ue et les dif-
férentes circonstances de son martyre. L'E-
glise fait sa glorieuse mémoire le 5 sep-
tenibre.
HÉUECTINE (sainte), fut au nombre des
quarante-huit martyrs misa mort avec saint
Saturnin en Afrique, sous le proconsul Anu-
lin, en l'an de Jésus-Christ 305, sous le
règne et pendant la persécution que l'infâme
Dioclétien suscita contre l'Eglise du Sei-
gneur. {Voy. Satlbmn.) L'Eglise célèbre la
fête de tous ces saints le 11 février.
HÉRÉNAS (saint), sou (frit le martyre en
Afrifjue, avec les saints Juste et Donat. L'E-
glise fait la fête glorieuse de ces martyrs le
25 f(''vrier.^
HÉKÉNÉE (sainte), martyre à Carlhage en
l'année de Jésus-Christ 250, durant la terri-
ble persécution (pie l'empereur Dèce alluma
contre l'Eglise. Elle fut, avec d'autres chré-
tiens, placée dans un cachot étroit et infect,
où, [kir l'ordre de l'emîtereur, on les laissa
mourir de faim et de soif. La puanteur et la
chaleur de ce cachot furent un supplice af-
freux ajouté à celui ({ue la piiva'ion d'ali-
ments lit souffrir aux saints martyrs. {Voy.
'S'icTORiv.) L'Eglise fait la fête de tous ces
saints martyrs Je 17 avril.
HEU.MA(iORE (saint), premier évoque
d'A(|uilée, fut martyrisé sous Néron quel-
que temps a()rès saint Pierre, c'est-à-dire
e!i 06 ou 67, avec saint Fortunat, son archi-
diacre. Leurs corps furent livinsférésàGrado.
On fait la fêle de saint Hcrmagore le 12 juil-
let.
HERMAS (saint) , souffrit le martyre à
Rome , durant la persécution que l'impie
Dioclétien ht soulfrir aux disciples du Christ.
Il eut pour com|»agnons de son martyre les
saints Sérapion et Polyène. Ayant été traî-
nés jiar des lieux étroits, pleins de pierres
et raboteux, ils rendirent leur ûmc à Dieu.
L'Eglise fait leur fêle le 18 août.
HERME (saint), est n)arrpjé comme mar-
tyr h; 28 aoiU dans le Mai-tyrohjge romain.
Son histoire; est fort incertaine : ricni ne
itrouve raulhenticité de ce (pi'on raconte de
lui, si ce n'est la fait de son maityre, (pii
eut lieu sous h; règticdc l'eniipcreur Adrien,
et qui est incontestable. On lait sa fête le 28
août.
lil-iltMIC fsaint), l'un «les gardes de la pri-
son de saint Censoiin ou Cenisoiinus, sous
Claude II le (iottii(pi(;, fut converti à la foi
chrf'tienne par le prêlrc; saint Maxime, avec
Icsautres gar'dcsdc |,i prison, lesipnds étaient
Eclix, Maxime, Eau.slin, Hinculan, Numèrc,
Storaci iijs, Mène, Commode, Maiir', Eusèbe,
l'nslKpjc, Amandinirs, Monacrc, Olyrrqx;,
Cypi'ii-n, 'Ihéodori.'. Pour' voir hmr histoire,
rctuiii-ez à l'aitich.' M -vu i vus i/Osiiii. Ces
saints ne sont pas nommés dans le Marly-
rtiloge romain.
HEUMEL (sainfi, martyr, est inscrit au
Martyrologe romain le li août. 11 souffrit le
martyre à Constantinople ; mais on ignore à
quelle épocjuc et dans (]uelles circonstan-
ces. Nous n'avons aucun document sur son
compte.
HERMÉNIGILDE (saint), martyr, était fils
de Légivilde ou Léovigilde, roi des Golhs en
Espagne, et de Théodosie. Il avait un frère
nommé Récarède. Leur pèr-e était arien ; tous
deux furent élevés dans les mêmes croyan-
ces. Le saint ducpiel nous écrivons la vie
épousa Ingonde, lille du roi d'Austrasie Si-
gebert, et catholi(iue fervente. Le père de
notr-e saint, voulant assurer à sa famille la
couronne qui jusque-là avait été élective
chez les Golhs d'Espagne, associa à la i-oyaulé
ses deux (ils, et leur donna à chacun une
portion de ses Etats à gouverner. Séville fut
la capitale du pays qui échut en partage à
Herménigilde, La femme d'Herménigilde fut
excessivement malheureuse avec sa belle-
mère Goswintle, arienne opiniAtre, que son
beau-père Lévigilde avait épousée en secon-
des noces après Théodosie. Elle employa tout
ce qu'elle put d'astuce pour la porter à quit-
ter la religion catholique; mais elle n'y put
parvenir, Ingonde resta inébranlafjle. Les
discours, la force de ses exemples firent
même une tr'ès-vive impression sur l'esprit
d'Herménigilde son mari. Ce prince conçut
quelques doutes à propos de la religion des
ariens dans la(|uelle il avait été élevé, et, en
homme sage, il voulut s'instruire. Saint
Léandre, évêque de Séville, fut mandé par
lui et l'instruisit à fond de ce qu'il désirait
savoir. Sullisamment éclairé, il abjura hau-
tement et d'une manière solennelle la reli-
gion (ju'il avait jusque-là suivie. Il profita
d'une absence (pic lit son père, pour accom-
plir cette cérémonie. (Juand le vieux l'oi fut
de retour, et ([u'il a|)[)ril ce (jui s'était passé,
il (m témoigna une fureur indicible. Il lui
relira celte royauté ([u'il lui avait conférée,
et résolut de le dépouiller de ses biens, de
lui ôter sa femme el de le faire mourir, s'il
ne revenait à l'arianisme. Herménigilde, pre-
nant au sér-iinix le pouvoir (pie lui avait
donné son [)èie, et se sentant véritablement
roi, prit toutes les mesures nécessaires pour
résister aux enireiiiises du vi ux roi contre
lui. Les callioli(iues se joignirent à lui. Mais
comme les aryens étaient beaucoup plus
nombr-eux, il vit bien (ju'il lui serait impos-
sible d(^ l'ésisler. Il envoya en Orient de-
mand(M' du secours à rern;)er'«nir Tibèr-e,
mais il n'en put obtenir. Tibère mourut peu
de temj>s après, et son successeur' >Luiiice
n'en accorda pas davantage. Toutes ses forces
lui étaient nécessaires poirr i-(îpouss(M' les
P(n'ses «[ui venaient d'allaipier l'empire.
(]omnie les cmpereui's de Constanlino|»lo
<"ivai(!nl encore (prchpies |»laces en Espagne
et «piel(pjes |)rovinces, ils y (Milr-et(Miaieul
iitu! ai'inée pour les gar'der. Iler-rnénigildo
s'adressa à cette ar-mée p(»,ir implor-«n' son se-
coures : les chefs s'engagèrent par- sei'mcnt à
If6i
tiER
IIER
110-2
le socourir. Ils roruront comme otages In-
goiide, s» l't'imiu', t'I son (ils; mais bientôt
oubliant leurs promesses, ils se laissèrent
ga-;iu'r pai" les sonnnes (jue leur lit ollVir l.é-
vi>;il(le. Ce derniei- vint assiéger son Mis dans
Si-ville. Il l'y tint renlernif pendant près
d'une année. Au bout de ce Itunps, ne pou-
vant plus résister, Herménigiltle ([uitla se-
crètement la ])lace poin- s(; lelirer au camp
des Romains. Mais ayant su qu'ils l'avaient
train, il se relira à Cordoue, puis à Oss to.
11 se ibrtilia dans cette dernièi'e ville avec
un corps de trois cents honnnes déterminés.
Son père l'y suivit, et emporta la [tiace mal-
gré la résistance acharnée que tirent les as-
siégés. Herménigilde se relira dans l'église,
au[)i'ès de l'autel. Le père n'osa l'en arraCier
violennnent. Uécarède, son frère, eut môme
la permission de l'y venii- Irouver. Uécarède
était comme son pèi'c, arien. Ce prince lui
j)romit sa gtûce, s'il voulait reconnaître le
tort (ju'il avait eu de conibattre son père.
Herménigilde crut h ce qu'on lui disait. Il
vint se jeter aux pieds de son père. Lévigilde
endjrassa ce fils repentant, et lui promit
qu'il lie idrait tout ce qu'on lui avait atlirmé
de sa part ; mais à peine de retour au camp,
il le tit dé[)ouill('r des vêtements royaux
qu'il portait, le tit enchaîner et conduire pri-
sonnier dans la tour de Séville. Là il em-
ploya tout pour fuicer son fils à revenir à
l'ar'ianisine. Pour l'y contraindre, il le fit
nu'ttre dans un atfreus cachot où on le traita
avec une dureté incroyable. Le saint resta
inébranlable. Il refusa énergiquement tout
ce (|u'on pouvait lui promettre. Sa prison
devint pour lui comme une école de sain-
teté et de vertu. Il se revêtit d'un cilice et
se livra à toutes les pratiques d'une vie
pleine de mortitications. Le jour de la fête
de Pilques, Lévigilde chargi a un évéque
arien d aller trouver son fil-, durant les lé-
nèbces de la nuit, pour lui otlrir sa grâce
s'il vo. liait recevoir la communion de ses
mains. Le roi captif refusa avec horreur
celte proposition. Il reprocha même avec
beaucoup de force à cet évèque l'attache-
ment qu'il montrait pour l'héi'ésie. Quand
Lévigilde sut tout ce qui s'était passé, il ré-
solut Il mort de son fils. Il envoya des sol-
dats qui lui fendirent la tète d'uri coup de
ha^h;' dans sa prison. Son martyre eut lis u
le 13 avril 586. L'Eglise l'honore le 13 de ce
mois.
HERMÈS (saint), martyr; habitait Bologne
au temps de l'empereur Maximien. Il fut
arrêté et mis h mort pour la foi, avec les
sai' ts Aggée ei Caius, que l'Eglise honore
avec lui le '* janvier.
HERMÈS (saint), diacre et martyr, donna
sa v;e pour la religion chrétienne en 3J4,
sous le règne du tvran Dioclétien. Il était
diacr.- de l'église d^Héraclée, et fut brûlé vif
avec saint Philippe, son évèque. La fête de
ces deux saints a lieu le 22 octobre. {Voy.
les Actes de saint Philippe, à son article.)
iliîRMÈS (saint), martyr, fut, à Marseille,
le compagnon uu glorieux martyre de saint
Adrien, sur lequel on ne sait rien, si ce n'est
DiGTIONN. DES PeRSÉCUTJLONS. I.
(pi'i! donna sa vie pour la foi. L'Eglise fait
le ni- fête le 1" mars.
HERMÈS (saint), est inscrit au Martyro-
loge romani le 2 novembre. U eut p(jur com-
pagnons (1(! son martyre, qui arriva en Afii-
qne, les saints Publie, Victor et Pajtias. L'E-
glise fait collectivement leur mémoire le 2
nov(niibie.
HERMIAS (saint), soldat, fut martyrisé h
Comane, dans h; I*ont, sous le règne de
remj)ereur Marc-Auièle, ])arles ordres d'un
juge nommé Sébastien. Ayant été guéri mi-
racuhiusemenl di's consé(}uences d'un grand
nombre de supplices horribles, il convertit à
Jésus-Christ le bourreau, qui reçut avec lui
la couronne du martyre. Ce fut lui qui fut
décapité le i)remier. L'Eglise célèbre sa mé-
moire le 31 mai.
Ses Actes, qui se trouvent au long dans
Bollandus , disent tjji'on lui arracha tous
les nerfs , et qu'ensuite il guérit par l'im-
position des mains de personnes devenues
aveugles d'étonnemcnl. Un tel fait ne peut
être admis sans preuves authentiques; peut-
être a-t-on voulu dire qu'on arracha au saint
martyr quelques tendons, que vulgairement
le public nomme des nerfs.
HERMINIEN [Claudius Herminianns), gou-
verneur de Cap])adoce sous l'empereur Sep-
time-Sévère, persécuta très-violemment les
ch étiens. il fit mourir considérablement de
disciph s de Jésus-Christ, en haine de ce que
sa feunne avait été convertie. Il en fut
puni, dit Tertullien, par une horrible mala-
die qui lui faisait sortir des vers du corps
Enfin il reconnut la main qui le frappait ; il
avoua que les tourments qu'il endurait ve-
naient ue ce qu'il avait été cruel envers les
chrétiens, et qu'il en avait forcé plusieurs
pai- la violence des supplices à renier leur
loi.
HERMIONE (sainte), fut martyrisée, sui-
vant les nouveaux Grecs, à Ephèse, du temps
de l'empereur Adrien Ils la disent fille de
saint Piiilippe, l'un des sept premiers dia-
cres. Le Martyrologe romain marque sa fèt©
le k septembre.
HERMIPPE (saint), martyr, fut arrêté à
Nicomédie, en 303, dans la maison de saint
Pantaléon, avec ce saint, saint Hermocrate
et saint Hermolaiis. Tous quatre furent sou-
mis à divers supjflices foit cruels, et enfin
décapités. L'Eglise les honore cOilectivement
le 27 jui let.
HERMOGÈNE, l'un des trois magistrats
qui en 180, sous le règne de l'empereur
Marc-Aurèle, fiient mourir à Langres les
trois fières El ussppe, Méleusippe et Speu-
sippe. {Voy. ce dernier.)
HERMOGÈNE (saint), martyr, souffrit pour
la foi à Syracuse. Il y fut martyrisé avec les
saints Evode et Calliste. On ignore à quelle
époque et dans quelles circonstances. L'E-
glise fait leur fête le 25 avril.
HERMOGÈNE (saint), martyr, répandit
son sang pour la foi avec ses deux frères
Evode et Calliste. Le Martyrologe romain ue
37
1105
HÉR
dit point à quelle époque et dans quelles
circonstances. L'Eglise honore leur mémoire
le 2 septembre.
HEKMOr.ÈNE (saint), reçut la couronne
du marlyie à Alexindne. >oiis Icmjter^Hjr
(i.dèrp-Slaximicn. Il eut pour (^ompa-^'ions
de son Miartyrt', doit les circonsta ics ne
nous sont point parvenues, l^s saints Menne
et Eu^raphe. L'Eglise l'ail leur mémoirj le
10 décembre.
HEKMOGÈNE (saint), martyr, répandit son
sang pour la foi difTHu-ist à Méliline en Ar-
nié'iie, avei- les saints Cams, Expédit, Aris-
tonitpie, Hufus et Galatas. On ignore la date
et les circonstanc s de K>uf martyre. L'E^^lisc
célèbre leur t'éte le 19 avril
HERMOLAUS (saint), prôtre et martyr, hi-
bitait la ville de Nicom>''die, en Ta née 3J3,
i^ua id commença la crmdle persécution que
■'em;;ereur Dioctétien alluma contre les chré-
tiens. Pintaléon, méd cin de Galère-Maxi-
ii.ien, avait abjuré la foi chrétienne, séduit
qu':l avad i té i)ar les entraînements de toutes
sortes qu'il re icontrait h la cour. Ce fut noire
saiui qui le ram -na dans le giron de l'E^lis ■,
en lui laisanl entemlfe le langage à la fois
éiieig que <'l doux qui coiîvient a un minis-
tre de rEvangile. Peu de temps a[)rès, il fut
an-été comme chrétien, dans la maison de
P',iita!éon, avec Hermippe et Heimocrate.
'Jous quatre, après avoir enduré divers sup-
plices, furent décapités. L'Eglise fait leur
fètc collectivement le 27 juillet.
HERMYLE (saint), reçut la couronne du
martyre à Singidon, dans la haute Mysie,
avec" saint Stratonique. Après avoir enduré
de cruels tourments sous l'enipire de Lici-
iiius, ils furent submergés dans le Danube.
L'Eglise fait leur fêle le 13 janvier.
HERNANDÈS (le bienheureux Antoine),
Portugais de Monte-Major, de la com .agide
de Jésiis, faisait partie des saiids mission-
naires que le P. Azevedo vint recruter à
Rome pour le Brésil. [Voy. Azkvkdo.) Leur
navire fut pris, le 15 juillet 1571, par des
corsaires calvinistes cpii les massacrèrent
ou les jetèrent à la mer. Tel fut le glorieux
martyre de notie bienheureux. (Du Jarrie,
Histoire des choses plus mémorables^ etc.,
t. Il, p. 278. — Tanner, Socielas Jesu iisqtie ad
sunfjuinis et vilœ profasionem mitituns ,
j). 100 et 170.1
HERN ANDES (le bienheureux Dominique),
Portugais, d*- la compagnie de Jésus, faisait
jiartie des soixanle-neuf mission laires que
le P. A/e edo était venu recruter à Itome
pour le Biésil. (J'o//. Azkvloo.) Leur navire
fut ()iis, le 15 judlcl 1571, par des cors.dres
calviinstes qui les Mi.is.sacreri-iil ou les .j(;-
lereiit à la mer. Notre bieulieurcux subit le
même sort. (Di Jarrie, Histoire drs choses
plus mémorahtesy etc., l II, p. 278. ianuer,
Sixiilns Jesu usque ad snnjtiivis el vilœ pro-
funnnrm militans,\). lOO cl 170.)
Uf.l'.ODI,. loif Ac.aipi'A 1".
Hl.HON ..u llifcRov (sai U), disciple d'Ori-
géne, lui di'capilé ii Alexandrie, sous le ift-
^im de rempcreur Septuue-Sévèro el sous
HES 1164
le gouverneur Letus. L'Eglise honore sa mé-
moire le 28 juin.
HÉRON isaint\ martyr, fut mis à mort à
Alexandiie e ' 2)0, sous le règne de l'einpe-
reur Dèce et sous le gouvernement de Sabi-
inis. Il fut préMMiié au juge avec saint A ter
ou Arsène, saint Isidore et le je me Dios-
core seulement Agé de (piinze ans. Saint Hé-
ron fut violemment touiine ité, ainsi qu'Ar-
sène et Isidore; mais les tourments n'ayant
rieij)usur lui, le juge le lit jeter au"^ feu
avec ses deux compagnons. L'Eglise célèbre
la mémoire de ces trois saints martyrs el de
sani Dioscore le H décembre. {Voy. Dios-
CORE.)
HÉRON, l'un des trente-sept martyrs
égyptiens qui donnèrent leur sang pou r'^ la
foi en Egypte, et desquels Ruinart a laissé
les Actes authenti(jues. Y^oy. Mahtïus (les
tre ite-septj égyptiens.
HÉRON (saint), soulTrit le martyre à An-
tioche. Il était uis.iple de saiid Ign.ice, et
fut son successeur h ré[)i.<;co[)at. Ce saint,
marchant sur les traces de son maître, mon-
tra son grand amour envers J'-sus-Cuisl,
en donnant sa vie pour le troupeau qui avait
été confié à ses s<dns. L'Eglise fait sa lué-
moir Ii,' 17 octobre.
HÉROS (saintj, martyr, souffiit à Satales
en Arménie, avec ses six frères, soida's
comme lui; Orence , Pharnace, Eirmin,
Firme, Cyi-iaque et Longin. L'iïjupereur
leur lit ôter le baudrier parce qu'ils étaient
chrétiens. Séparés ensuite les uns des autres
et lenfermés en rdvers lieux, ils y mouru-
rent accablés de douleurs et de misères.
L'Egl se fait leur fête le 24 juin.
HESPÈREi (saint), mari de sainte Zoé, mou-
rut iivec elle el leurs deux enfatds, Cyriaque
et Théodule, à Attalie dePamphylie, sous le
règne d'Adrien, il était esclave avec toute
sa famille chez un païen nonuné Catule, qui
les (il daboid tourmenter de ii verses f,.çons,
et ensuite eiif- rmer dans un four où ils trou-
vèrent la mort, parce (juc l(v-> deux enfants,
indignés du culte qu'on rendait aux idoles
chez leur maîti e, s'étaient déclarés chrétiens.
Leui- fêle «^ tous quatre arrive le 2 mai.
HÉSYCHIUS (saint). Ce fut à Dura/zo, ville
d'Albanie, mai itei.autdans laTu.quie d'Eu-
rope (Roumél e), (jue ce saint eut kboiih. ur
de don ler sa vie jioui' la f i. Il fut m.irtyrisé
so.is l'empiie de Tr.ijan, avec les saints Pé-
régrio, Luci.ii, Poiu[)ée, Papias, Salurnius
et (jeiiuain. I/hisloire est muette sur ce »pii
concerie le détail des combals el de la moi l do
tous ces saints, dont l'Eglise houoi'c la mé-
moire le 7 juillet.
HÉSYCHIUS (saint).run des quarante mar-
tyrs di- Sébasie, sous Licinius. {Voy. Mar-
TYiis i)K Sî;n\sri;.)
HÉSYPE(sainr), martyr, est inscrit au Mir-
Ivroioge [• iii:;in le 20 'ovcnibre. Il r.ilmii-
tvnséa Alexandrie, sous la persémilioii do
(iiilèr.i-.s;axiiinen. avec les sainte Fausie,
|)ié;re, l)idi(M'l Amiiione, Philé.is, Paci'ime,
'riii''((dore, évécpie égypIii'U, el six cent soi-
xante autres, dont malheureusouieul nous
lltia
ilIE
miorons If.s liuuis. L'tglisi' Ijit k'iir IV-lc le
20 i!;>vi'iiil>ro,
UÉSVOUI'^ (s:iint). martyr, doirta sa vio
pour la (iél\"ise de la rt'Ii^ioM avec les saints
Di iiuVIc, Jufion, Pliili|>i»<\ Ki.t)'ihit"i, Li'o-
niji', lMiilatlfl|»lie, Aie lalipi)" ci Pa'!tag;ii)po.
Ils arroiiiplireiit leur nia; lyre les uns par le
f u, les a .1res par le glaive ou sur la croix.
L'Kglse c(îlcbie- leur sainte uu'iuoire le 2
s 'pliruhre.
IIÉSVQUK (saint\ martyr, faisait partie de
l'anuée eouune soKlat. Ayant entemiu puMicr
in édit qui poilait (pie quiconque ne vou-
drait pas sacriiier aux idoles mit bas les ar-
mes, il (p:itta aussitôt le baudrier. Pour l'en
pun r on lui atlai.lia au bras droit u'^e grosso
|)i. rre et on le [irécipila dans la rivière. L'E-
glise fait sa fiMe le 18 noveinbre.
Hi.SVQUE (saint), co-^fesseur, souffrit pour
la foi (11 l*ak'Siiii(\ Il (.'lait disciple de saint
Hilarion, et fui son eoMq)agnon dans ses vo-
yag'-s. I/I:g:ise l'ail safôie le 3 octob^^e.
HÉSYQlJii (saint), martyr, 6li\n enrôlé
connue soldat dans l'aimée v:e l'enqiire. A ;,ant
en] [ris avec saint Jules, il reçut la couronne
du martyre après lui à Durostonim en Mysie,
sous le présideul Ma.viuio. L'Eglise fait leur
ftUo le 15 juin
HIÉRAX (^aint), l'un des compagnons du
ma. tyre de saril Juslii, fut condaniné sous
le rèj,ne de Marc-Aurèle parle préfet Rasli-
cus, à être fouet é, puis ( nsuiti' décapité. Ce
saint était nalif d'Icône en Pisid c. L'Eglise
honoie sa mémoire le 13 avril, ai'isi que celle
de ses com;)a^no'is. [Voy. Jlsti\.)
HIÉUOCLÈS, d'abord vicaire des préfets
sous Dioclélien, fut depuis gouverneur de
Bithynie, puis (J'AI ^xandrie en E:,ypic, où
il persécuta violeumieut les chrétiens. 11 avait
fait partie du couse.i assemblé par D ocléiien
P'-ur décid r si la peiséculion aurait lieu (en
303), et il s'éta t montré un de ses plus achar-
nés instigateurs. 11 composa un ouvrage en
deux livres, intitulé : Les amateurs de la vé-
rité, qu'il adressa' aux chrétiens eux-mêmes.
Son but était de les détournei' de leur reli-
gion. 11 op osait dans cet écrit divers pas-
sages des écritures les «ms aux autres ; il
voulait anisi les [)rés.mter connue contrai-
res et jeter du discrédit sur nos livres saints.
Dans ces pages impies, il accumulait les
bl.;Si;hèuies contre .-ainl Pierre, saint P(ul et
le"> autres apôtresoud.sciplesdeJésus-Chri>t.
11 prétendait prouver que Jésus-Christ res-
S(?mblait à Apollonius de Thyanes. C lie im-
piété fut réfutée par Lactanceet par Eusèbe.
Eusèbe suriout démontra qu'Origène avait
par avance réfu é ce livre (JHiéroclcs, qui
l'avait pillé en une foule d'auteurs non-seu-
lement quant au fond, mais encore quanta
la forme.
UlÉRON (saint), reçut la palme du mar-
tyre à Mélitine en Arménie. 11 eut ()our com-
pagnons d.j sa giou-e les saints Nica dre, Hé-
syqie et trente autres 'lont nous ne con-
mussons [)as malh.'ureusement les tjoiiip. Us
furent couronnés durant la p rsécution de
p.ucléiien, sous le président Lysias. L'Eglise
|aU Jeur mémoire le 1 novembre.
HIL 1100
lll^:iU)NIOE (saint), martyr, eut la gloire
(I donn( r sa vie pour la loi à Ahxa'drie
sons l'empi-nnir Mavinnn. Il <ut pour f(jm-
pagnons de .-on martyr.' les sainis L('-onco,
Sérapion, Sélèse, Valériin ei S taton. Us fu-
ient tous ji'tés h la mer. L'Egiis.; lait leur
mémoire le 12 sefilembri;.
HILAIUE (sair t), martyr, moun.t h Rome
en (•od'cssani Jé^us-Cdnist. U (! t pour coui-
j»ag tons dt' son martyre les saint- Démètre
et Conce.-se. Le Martyrologe romain ne nous
a transmis aucur» détail sur eux. L'Eglise
fait liMir métnoire le 9 av'ril.
HILAIRE (saint), diacre, fut marlynsé à
Viterbe avec le prêtre Valentin, durant la
pcrsé(ut!on de rem(>er< tir Maximicn. Ilsfu-
rci t précipités dans leTibr(! avec une grosse
pierre au cou ; mais en ayant été tirés rni-
raculeu.eemerit [)ar un ange, ils curent tous
deux la tète tranchée. L'Eglise fait leur mé-
moire le 3 nov(;mbre.
HILAIRE (saint), evêque, souffrit le mar-
tyre îi Aqirilée, avec saint Tatien, diiicre, et
les saints Félix, Large et Denis. Leur sacri-
fice eut lieu sous l'empile de Numéricn et
sous le président Béroine. On ne dit pas quel
fit au juste leur g-mre do mort ; il est cer-
tain qu'ils subirent la pein(ï du chevalet et
divers auires tourments. L'Eglise fait leur
fête le l(j mars.
HILAH^E ^saint), vulgairemeraent Hilier,
fut maitvrisé avec saint Floi-entin , en l'an
40G de l'ère chrétienne, sous l'empii-e d'Ar-
cadius. Ce fut dans une des i ivasions que
les b;.ibares faisaient fréquemme U datis
1 empire romain que ces deux saints furent
martyrisés. Ils demeuraient dans la vil e de
Psendon, déjieridant du diocèse dAutun,
dont il ne reste jlns aujourd'hui qu'un i)etit
village nommé Sémont, inclus dans la pa-
roisse de Saint-Marc-sur-Seine, et y vivaie it
dans la pratique des plus grandes veitus
Leur martyre eut lieu le 27 d ' septend)re 4.06.
Au milieu du i\' siècle, leurs corps furent
tranSjiortés de Pseuuon à Lyon , ei déposés
dans le monastère d'Aisnay. L'Eglise célèbre
la mémoire de ces sai^'ts le jour anniversaire
de lenr martyre, 27 sepierabre.
HILA RE (saint), pape et confesseur, reçut
la paline du martyre à Rome. Nous ignorons
complètement à quelle éi)oquG et dans quelles
circonstaicGS. L'Eglise lait sa fôto le 10 sep-
tembre.
HILARIE (santé), femme de sai ^t Claude,
tribun, » st honorée comme maityre, par
l'iiglise romai le, le 3 dé<'e;nbre. L'umpereur
Numérien ayant fait mettre h nioit son mari
et ses deux enfants , Jasoi et Maur, comme
il est d't à leurs arli.-les, elle lit ei.terrer ses
ceux fils. Us av tien été di^' apités. Son raari,
saint Claude, attaché à une grosse pierre,
avait été je!é dans le Tibre, ce qui fit (juc la
saillie ne jiut pas avoir son corps poui' lui
rendre h'S demies (ievo rs. Les» païen.s ,
l'aant t ouvée à prier sur le tombeau de ses
deux e tfants. se saisirent o'ell'^ et la mirent
e 1 j rison, où elle mourut. Son corps, mis
d'abo d dans l'église de Sainte-Praxède par
le pape Pascal I", fut plus tard transféré à
1107
HIP
HTP
1168
Lucques, avec ceux de ses deux enfants.
L'Ej^lise cathédrale de coite ville possède eii-
cur<' ces précieuses reliques.
HILAUiE (sainte), rcçjut la palme du mar-
tvre h Uouie, avec les sai Ues Du late, l'au-
li'ie, Rustique, No:niia-ide, Séroline et leurs
compagnes dont nous ne co'inaisso'is p.is les
nouis. L'K^lise fait leur fête le 31 déceaibrc.
HILAIUÈ (saille), martyre, était mère de
sainte Afre, martyre. Cett.> sainte feuiiue,
veillant au tombeau de ^a tille, fut brûlée au
même lieu pour la foi de Jésus-Christ, à
Au^sbourg, avec Digne, Euprépie. Euiioune,
ses servantes. Avec elles soutrrire'U,le mùme
j lur et dais la même ville, les sauits Qui-
riaque , Lar^ion , Ciescen ien , Ninge , Ju-
lienne, et viigt autres doit les noms ne sont
point |)<nve ms à la postérité. L'Kglise fait
leu glorieuse mémoire le 5 et le 12 août.
HILAIUEN, gouverneur par intérim de la
prov nce d'Afrique, aj)rès la mort du pro-
coisul Mi'uuius Félix, ht martyriser à Car-
Ihag ', en 20-2 ou 203, sous le règne de i'em-
per ur Septiuie-Sévèic , sainte Perpétue,
sainte Félicité et leurs couip:\g:ions. {Voy.
les Actes de sainte Perpétue, à son artich'.)
HILAUIN l'sainl), moine et martyr, do i la
sa vie |)Our la foi clu'éticnne an com.nence-
menl dn règne de Juliea l'Apostat. H habitait
Are/.zo, ville de Toscane. Il y f.:t .u'iêté et dé-
ca[»ilé, [)ar i.rdre du p.éfet im;iéiial Quadra-
tien, avec le saint évèquc Do lal. Ses reli-
ques ont été transférées dans la ville d'Ostie.
L'Eglise ho M)re sa m nnoiie le 7 août.
HlLAHiON (saint), eut la gloire de donner
sa v,e pour la foi, sous Ti-mpire de 'i'rajan,
avec saini Procle. Kei ne nous apprenJ ni
le lieu de .'■on martyre, ni la nianièi»; dont il
eut lieu, li fut une de ces victimes nom-
breuses que Trajan cond unna |)Our cause de
christianisme. Sa fête arrive le 12 juillet.
HILAUION (saint j, hl> de saint saturnin,
fut l'un des quarante-huit maityrs mis à
mort avec saint Siturnin, en Afrique, sous
le [jrooonsul Anuli i, en l'an de Jésus-Christ
305 , .--ous le lègne et durant la persécution
atioce que l'i nfàine Diocléli< n suscita contre
l'Eglise du Seigneur. (>o//. Saturnin.) L'E-
glise célèbre la fête de tous ces saints le 11
evrier.
IIILDEIJRUT (saint), abbé et martyr, était
ablté de Saint-Pien-e , au couvent de Saint-
Bavon de Cand. Ce saint, ayant défiidu
riionienr des images contre Ics attaqies
im|)i('S des icono:,last :s, vei'sa son sang vei'S
l'a née l'.'yl. L'Eglise fait sa mémoire le 4-
aviil.
HIPPAKOUE (saint), donna sa vie |)our la
foi chcfHie I le, en 21)7, av(,'c saint Plhloihée,
saint Jacques, sai'it Paragrus, saint ll.djuh',
saint Uomai i et saint Lo lie i, à Samosale,
sous le règ H! de Dioclétien, et par loidre de
]SIa\inii(! i-lîalèic. Les Actes (h; Ions ces
s.unts, (pie l'F^glise honore* le 9 df décembre;,
ont été publiés pnr Etienne As.sema ni (t. 11,
J). 121^; ( (' (pie 110U3 en doinions ici leur est
em.trn il('\
<«;d('r •, v.iiiiqncîur des Perses, revenait en
2'J7, E.n pavsaul jjur Suiuosale, il lit célébrer
l
des jeux publics, pour fêter sa victoire. Ordre
fut donné à tous les habitants de la ville do
se réunir au t mple de la Fortune, ahn d'y
prendre part aux sacrilices solennels que le
vainqueur voulait oilVir aux divinit(''S de
l'empire. Cette fête fut annoncée à son de
trompe, et de tous les points de la ville on
sentait l'odeur de l'encens et des victimes
(pie le feu consumait en l'honi eur des dieux.
Deux magistrats, Hipparfiui; et Philothée,
tous deux d'une hauîe naissance, et depuis
peu conv(Mtis au christianisme, allligés de
voir ces fôli-s scandaleuses, se renf. rmèrent
dans la maison de l'un d'eux, celle d Hippar-
ciue ; et, ayant fait i lacoi' une croix dans u""'e
c-liambie , contre la muraille qui r« gardait
l'orient, ils prirent la résolution de passer en
prières tout le temps que dureraient ces fê-
tes impes. Sept fois le jour, ils venaient
adresser leurs prières au ciel devant cette
croix. Plusieurs de leurs amis, au nombre
de cinq, Jacques, Paragrus, Habide, Romain
et Lollicn, vinrent un jour les visiter. Ils les
ti'ouvèrent priant devant la croix. A ce spec-
tacle, les cinq jeunes gens d meuièrent fort
surp is. « P.iurquoi, dirent-ils à leurs deux
amis, avez-vous ainsi l'air triste et demi urez-
vous renfermés, quand l'empereur embellit
la ville du spectacle ri splendissant des tètes
et des sacrdices? » Ils leur demandèrent
pour(|uoi ils adoraient ainsi une cioix de
bois. Hipparqu • h.nir répondit qu'ils n'ado-
raie H pas la croix eile-mèmr,mais bien celui
qui était moit sur la croix |)our le salut des
hommes : Jésus-Clirist, homme et Dieu. Il
leur exposa en peu de temps, d'une façon
biève mai- sulislantielle, les cioyai ces de la
religion chrét enne. Alors ces cin*} jeunes
gens déclaièient qu'ils voulaient être bapti-
sés, mais qu'ils crai;naieiit la sév('rilé des
hiis. Hippar([ue et Philotliée leur parièrent
du bonheur ilu martyre en tenues tellement
éloqu nits, que, bieiitcH peisuadi's et < ntraî-
nés, les cinq jeunei» gens demandèrent le
baptême. Alors Hip]iar(pie et l'hilothée écri-
vn e tt h un prêtre nommé Jacques une lettre
ainsi conçue : « Qu'il vous plaise venir chez
nous aussitôt que vous pourrez, avec de
l'eau, une hostie et de l'huile pour les onc-
tion^. Déjeunes brebis, qui viennent de se
léuiiir au tiouj)eau du Seigneur, aspnent
ardemment au bonheur do votre | ré>enc(! ;
elles sont désireuses d'être mart|uées du
Sceau de Jésus-Christ. » Jac(}ues arriva por-
teur de ce (pi'on lui avait (hnnandé. En en-
trant, il trouva les cinq néophytes agenouil-
lés et priant D eu avec Hi(i anpie et Philo-
thée. Il les bénit. Les jeunes gens, s'élant
levés, se jetèrent h ses p.eJs et le supplièrent
de les ba|)tiser. Il leur demanda s'ils se sen-
taient prêts à souiliir pour Jésus-Christ les
ti ibulalions, les luurnH'nts, h-:; tortures et la
mort, (pii étaient les fruits de ces tmiips de
peisct utioii. Tous lui ayant allinné ipi'ils
éiaient [wêts h loul soiillrir pour l'amour do
Jésu.'^- Christ, et que riiMi ne serait capable
de les en dét.ulier, il hnir dit de priin- aveu
lui. Apiès trie heme de prière en commun,
il les bénit, rec.ul leur abjuration cl leur ^CQ"
H 69 IIIP
lossion do foi clirc^ticimo, puis il les liapiisa
au nom (lo la ti(>s-saint(; TiiniU', ol ensuili;
leur donna le corps do Notro-Sfi^ncur Jrsiis-
Christ. Apri's celte sninle cérémonie, tous se
séparèrent. La léte durait toujours ; on était
au troisième joia- de ces cér momies |)aioii-
ni's. (lalére s'informa de la conduite (pi'a-
vaient tenue les magistrats , demandant si
t us avaient sacritié aux dieux di; l'emnire.
Il Ini fui répondu (pie e uis trois années en-
tières Hip[>ar(pie < l IMiilothée ne paraissaient
pas ai.x cérémonies publiques où on otîrait
des sacrilices aux divinités reconnues par le
paganisme. 11 do'vui l'or iro de les coniluiro
an temple de la Fortune, et ^c les contrain-
dre à saci'ilier. Les o(lici;rs chargés d"ex.'cu-
ter cet ordre vinrent à la maison d'Hipp r-
que. Ils l'y trouvèrent avec Pliilntliée cl les
cinq nouveaux convertis, llippartpie et Phi-
lotliée fur. nt d'. bord seuls arrélés. Conduits
di'vant l'empereur, (jui leur demanda | our-
(]uoi ils désobéissaiei t ti ses injonctions et
méprisaient les dieux immortels, ils i-épon-
direi t avec un grand courage, Ilipparquc
surtout dit h (lalère qu'il rougissait pour lui
do l'entendre donner le nom d- D eu, nom
si grand et si saint, h du bois et à des pi( r-
res. Galère lui lit donner sur le dos cin-
quante coups de fouet armé de plomb, et le
lit a})rès cela jeter dans un cachot obscur. Il
fut séparé de Philothée, qui avait élé empri-
sonné aussi a[)rès avoir refusé de sacrifier
et résisté aux promesses que Galèri' lui avait
faites I oui' !• séduire, comme celle de le
faire i)réteur et de le conjbler d.s plus gran-
des favem's.
A|)rès cela, les officiers reçurent l'ordre
d'aller arrêter les cinq jeunes chrétiens qu'on
avait trouvés chez Hipparquc. Galère les
exliorta fortement à prendre pitié de leur
jeu e âge, et à ne pas mépriser la vie. « ISoîre
foi vaut mieux que l'existence, lui dn-ent-
ils, et rien ne pourra nous porter à re-
noncer à Jésus-Chiist. Nous sommes main-
tenant consacrés par le coi'i'S et le sang de
notie Sauveur, et nos corps, devc'nus saints
par ce divin contact, ne seront pas profanés.
Nou'^ ne pourrions sacrifier sans outrager la
dign té de chréli(!ns qui nous a été confé-
rée, w .Malgré les no..velles instances de (.a-
lère, ils refusèrent de sacrifier. Alors ce
prince les menaça de les faire crucifier comme
leur maître. « Nous ne craignons aucun sup-
plice, » lui dirent-ils. Il IcS lit charger de
chaînes et mettre dans des cachots séparés.
Ordre fut donné d • les priver de toute nour-
riture, jusqu'après la fôte. Quan.l ce' te fête
fut finie, (îalèie fit élever son tribunal d;-,iis
une f)rdirie hors de li \ille, sur les b trds de
l'Euphrate. Ce furent Hipp n-que et IMi lolhée
qui furent amenés les premiers. Ils étaient
enchaînés fiar le cou. Les cinq jeunes gens
les suivaient, les mains attachées derrière le
dos. Ayant tous refusé de sacrifier, ils furent
étendus sur le chevalet, et reçurent sur le
dos chacun vingt coups de fouet, • t ensuite
des coups de lanières sur le ventre et sur la
poitrine. Ensuite, ils furent reconduits en
prison. On les y isola complètement; per-
IIIP
«170
sonnn no pouvait les visiter. Ils ne rece-
vaient de nourriture ipie juste co qu'il fal-
lait pour les empêcher de mourir. Ils turent
ainsi, d(;puis hî 15 avril jus(piau 21 juin.
Quand ils subii'ent leur sicoiui inl(;rroga-
loire, leur maigreur était si giaudes, (pi'ils
ressemblaient à des sipiehîltes. « Obéissez,
dit (ialère, vous allez èlrc rasés, conduits au
bain, el de; lii au palais, où vous attendent
toiitrs SOI tes d'iionne ii'S. Vous sei'ez réta-
blis (la is vos chaiges el dans vos dignités.
— Ne nous déto irnez [tas, lui diient-ils, de
la vi.' dans laquelle Jésus-Christ nous a fait
entr(M', » (ialère, outré de fureur, les con-
dami a h être crucifiés. On les attacha avec
dos cordes qui leur passaient dans la bou-
che. Cl on les conduis t au TéUrdion, lieu
situé lif)rs de la ville, où on exécutait ks
ciiininfils condamnés h mort. Une grande
foule, parmi latpielle les amis, les jtarents
el les serviteurs des saints, les suivait, fai-
sant retentir l'air de sanglots et <lc gémis-
sements. Les |)rin(iiiaux de la ville, les ma-
gistials, vinient trouv r Galère, lui deman-
dant un sursis au sup[)licc des saints. « Sei-
gn ur, lui diren -ils, IIip[)arque et Philothée
sont nos collègues ; il serait ( onvenable qu'a-
vant de mour.r, ils rei. dissent coin[»te (ies
atl'aires desquelles ils ont été chargés. Les
autres sont sénateurs; il serait convenable
aussi qu'on leur doimût au moins le temps
de faire leur testament. » Galère se rend t à
ces raisons; l'exécution fut sus|)endue. Les
magistr,Tts menèrent les confesseurs sous un
j)arv s, et là, les ayant débarrassés de leurs
chaîn.'S, ils leur diiont : « Le vrai motii'[)Our
loque' nous avons demandé un sursis h votre
supplice est celui-ci : Nous désirons que
vous nous bénissiez tous, et que vos jirières
s'adressent à celui pour lequel vous allez
n)ourir, en faveur de cette ville et de son
peujîle ici rassemblé. » Les saints mariyrs
leur donnèrent leui' bénédiction, et firent un
discours au peuple. Galère, informé de cela,
en fit de sévères repro, hcs aux magistrats,
(\u\ doniièrcnii {)our raison qu'ils avaunit agi
ainsi [)Our empêcher quelque sédition. 11 lit
venir une dernière ibis les martyrs devant
lui, el, comme ils persistaient à i.e pas vou-
loir .bj.rer leur foi et otfrir des j-acrifices
<;ux dieux, il fit élever sept croix vis-à-\is
la poi te de la ville. Il dit à Hij parque de
nouveau q i'il eût h obéir; celui-ci portant
la main à sa tête chauve, répondit : « 11 n'est
pas [ilus naturel de voir ma tête se regarnir
de cheveux, que de voir mon esprit changer
de résolution. » Gale e, joi-nant la ( ruauté
à la sotte raillerie, h i fit attacher sur la tête
une peau de chèvre avec des clous, el lui
d t : « .\;aintenant que la condition est rem-
plie , pu sque lu as des cheveux, sacrifie
donc. )) Les saints martyrs furent crucifiés.
Des dames de la ville vinrent au lieu de leur
supplice et, cl prix d'ai-gent, obiinreni d'es-
suyer les blessures des saints avec des mou-
choirs et des éponges; précieuses reliques
qu'elles emporté. ent. Hip|)aique mourut
promptement sur sa croix. To.iS les autres
vécurent jusqu'au lendemain. Les bourreaux.
\ll\
HiP
IIIP
wn
1 oignardèrent Jncqups, Romain et Lnllien sur
lours croix. Pliilotlit'-e, Hahide cl P.ira^rus
furent détachés viv.nils. (lalèrc leur lii en-
fonrer des clo s dans la IlMc. Les bouri-t'aiix
s'en acquittèient d'une façon si barbare, que
la cervelle leur couvrit le visage, tant le .r
cr.inc avait été afrre;:seineiil brisé. Le tyran
ordonna ensuiti.» do jeter leurs cor, sd^ns
rEu|ilirate. Ce fut un clirét en, nommé Bas-
sus, (jui les acheta des gardes, pour la soniim.'
de se[)t ce-Us deniers, et qui les eninrn> d:i-
raiil la nuit dans une propriété qu'd possé-
dait à la cam ai^iie. L'auteur des Aeles de ces
saints él.-.it p éseut q uind i s iounèreiil 1 ur
bé'iédicîio 1 au peu, 'le assemblé.
HIPPÉAS, l'un d.'S lrente-sej)t martyrs
é^^yptien*; q li donnèrent leur sa"ig poui- la
foi en Egypte, et desquels Ruinari a laissé
lis Actes' authcHiqucs. Voy. Martyrs (les
trente-sept) i':gyptiens.
HIPPOLVTE (saint), évêque, docteur de
l'Eglise et m<;rtyr, lloiissait au coinme'ice-
menl du m' siè le. Gi-lase le (junlilie métro-
politain d'Aiabie. Disciple d. saint I é'iée,
ainsi qu • de Cléme:l u'Al^xandri..', il eut la
gloire d'être l'un des maitres d Origène. Il
fut aut(Hir de plusieurs commcidaii-es sur
l'Ecriture sainte : Origène iniita d.-puis son
maître. Théodorel cite de lui [jlnsieurs ho-
mélies ; on en avaî! un recueil de son tem s,
ainsi qu'une h.'ttre <i limoératri e Sévé;a,
femme de l'e-.npereur P!uli[)pe. 11 y et it
question du mys èie de i'incarnatinn . t è la
résurrection (Tes nions. Il composa contie
Noët un ouvra-^e dont la plu*; grande pariio
nous reste. Il y pa.Ie cl lirement d ..s trois
peisonnes de la Ti i'Mté; d donne les [)reuves
de la 'iivinité de Jés s-Clirist, et tiisling;^
en lui les deux natures; il avait fit une
Chronique (jui vena t jusqu'en 2-22; nois ne
r..voi)S jilus. On a en:;ore de lui un Cycle
pascrd, qui tixe le tenijis de la célébra-ion de
la fC'te de Piques durant s n/e a. s, à jiar'ir
de la premièn; année u'Alexaiidie-Sévèi-e,
c-'est-h-dire 222. Il existe en ore des irag-
me Us de ses Cornmentiires. il avait com-
(Osé plusieurs livres de piété ascéti(|ue que
Il M s n'avi-ns plus ; un iivre inlit dé : Dvio-
rif/ine du bien et (lu mat. Il ava t écrit aussi
contre Marcion, contre les hérésies. Dans c(;t
ouvrage, on trouvait la réfutation de trenl--
deui seiUes. D'après Pliolius, il n'a»ait lien
des beautés du sty e a ituiue ; mais son dis-
cours était clair et grave, et n'ollVait rien
gui n'all.U h H'-n but. En 1551 , dans de»
fi» lilles faites sur le cliemin de Tivoli, on a
trouvé une statue curieuse <le saint Ilinpo-
J , te. Celte statue orne aujourd'hui la liibi o-
ttieque du Vatican. En l'année ÎOiil, on a
r<!lrouvé et publié le livre de- VAntrclirist,
coiiqiosé [lar s •int Ilij)p(»lyte. Eusebi-, saint
Jér-Miie et IMioli'.s en foui mention. Saint
J''rouie et d'aulies auteurs anciens le noiu-
menl évèipje et martyr; diiréienh m irtyro-
Jo^es motlenlsa moitsous le règne d'Alevan-
cjre ; beaucoup d'autres bons aul(nii's ont dit,
AU 'onir.iicji, (pi'i. soullinl durant la jiersé-
culion d«i J)è<;e. Il est cxlruord tiaire (ju'on
soil divisé d'opinirtn sur un suj(3t si clair et
si simple. Le saint docteur a réfut'^ l'hérésie
de Noet; ur e!l<' commença à paraître en 2'i5,
et K-mpereur Alexandre est mort dix ans
ayant, en '23o. 11 y a dj ces rapp.ri'chem"nts
si simples po ir élû( ider certains poi-^ts d'his-
toire, qu'un est presque slu| éfait que des
hommes graves n'\ aieiU pas songé. LEgli>e
fiit la fUe de saint Hip| olyte .ui -2-2 août.
Quel jues é('ri\ains ont pensé qu'il avait été
éyèfpjcde Purto en II, lie : il y avait en Ara-
bie un évèché du môiiie no'u, de là vient
qu'un a coufo.ndu. Cela ne doit | as surpri n-
d e, quand on ^ong • que PruJence a con-
f ndu tout à la fois tnùs saints du même
nom.
HIPPOLYTE (saint), conf sseur, fut exilé
parMaximin I", en Sardai,ne, avec le |)ape
saint Pontien. Nou> ne trouvuns nulle part
des documents suJisants pour adirmer d'une
manière positive ce que devint ce saint prê-
tre. Si l'opinion de ceux qui prétoiident que
saint Pontien fut assom ié h coups d(- bAlons
prévaut cohire celle qui le fait mourir de
misère et de maladie, il est probal^le que
saint Hqipoiye aura paitagé son î»oct.
HIPPOLYTE (saint), mai-tyr, et lit prêtre
d ' l'Ei^Iise romai e. 11 avait suivi le scnisme
de Novat et de Novatien. Nous verrons, dans
ses Actes que no'is donnons en entier, co li-
ment il renonça à son erreur en marchant
au suoplice. La vérit% dit-on, sort d- la
bon he des mourants ; el e sort aussi, h lu n
plus forte r i on, •■c celle des hommes i|ui,
(11 comoat a. t pou- leur f li, se voient sur
le seuil de réternité oij Dieu les attend.
L'hiiinme el les pa.ssions disparaissent, la
v;rité Sii fiit jour. Ecoutons les Actes.
«Illustre; Vdécien, sage dispensileur des
mvslèi'es de Jésus- bris , Home m'a f it voir
les cendr s précieuses qu'e le rtniferme dans
son sein. Ce so U les sacrées déj)ouilles dont
une infinité d-; martyrs l'ont enrichie. Si
vous me demandez leurs noms , et quels
t très d'houie :r «e lisent sur leurs tom-
beaux, 1 est difiicile que je vous réponde.
Un peuple tout entier le saints a vu couler
SOI >ang au pied des autels des dieux
tro , ens, et Rome, animée u'une fureui- im-
pie, voulant honorer la religion de s s pères,
s '-st fait un devoir de le ré|)andre. Il est
vrai qu'on y voit qu 'Iques touibeaux qui por-
tent le noii) du martyr qu'ils renf(MMiienl, ou
queliiues inscriptions qu'une main amie ■. a
gravée; maiN on y en trouve un bien plus
grand nombre dont les marbres muets n'en-
seig U'ul ton! au plus (pie le noiunre de ceux
(pi'ils couvi-ent. On p(nit juger (l(> là (;uels
muiiceauv de corjis saciés la Un-re cache à
nos yux; et je me souviens qu'il me fut
monlr'' un amas de sabb- ciui donnait la sé-
pulture ;i soixante, dont Jésus-Chri-t seul
connaît les noms, et qui sont écrits dans son
cunir, comme un ami est écrit dans le cœur
de son ami. Mais tandis (ju'une sainte curio-
sité me lait iiarcourir cvs monuments, et que
je pousse mt recherche jusipj'à ceux que
l'antiquité (n)mmence i^ dérnber h la connais-
sance du pieux voyagmir, llippolyte se pré-
sente à mes youx ; cet Hippolylo qui, s'étanl
!173 nip
aufrofois mnllïonreusemfnt ongngé dans lo
parli (le Noval, (|Ui>i(|'ie I lîj^lisc 'le Homo le
comfil.U mniii ses |(r(^(n's, s'ôlail oiivcrle-
nio 11 (!('•, •|;\n'' cfHiiri' l'Ilt'; j<' l'aix-ivois, dis-
jr, (iDii.uil Trlcndarti (Iti niartvre (-1 tout cou-
vert dt' s.i'V, sonne l'f^condi' d'uni! {j,lo re
îniiiioi telle. Vous êtes s iis doute MMpr.sdi»
voir Uii vicill.ird (|U(; l'cspiil de scliisnie av. it
lo-igtemps aniiué, y rcuoiccr loul h coup, cl
reo voir u'i houueur (pii semble, n ctn> dil
qu'au défenseur l(> plus zé'é de la foi catho-
lique. Lorsqu'on lo tiaïuait au tribunal du
préfet, so-1 àuu', vicloriouse des faux dieux
vl du schi>nie, rv.'S.>eutail encore la joie di-
se voir bi 'nlot eu liberté par la dotruciion
tle S'in cor|)s. t/auiom- que son peuple lui
po. tait avait ramassé autour de lui une troupe
de lidèles dont il m.irclinl e iviromé; Is lui
demantièreui (piclleéiait la véritable E^l se,
ou celle q i avait Novatien pour chef, ou
celle qui obéissait ^ Corneille. « Fuv z, ré-
pouiiit-:l, fuyez, mes enfan s, le schisme nu
détestable Noval ; réun ssez-vous aux catho-
lique» ; (ju'une seule foi vous éJ.iire ; qu une
se. .le Eglise vous rassemb e; et ce te Ej^lise,
mes enfants, c'est l'ancienne, et celle (}ue le
grand Paul recomail, et qni voit au un ieu
d'elle la chair- du bienheureux Pierre. Je re-
nonce h l'erreur où j'ai été et où j'ai entraîné
les autres; et pr6t à verser mon sang pour
Jésus-Clirisl, j ^ dois vous dire que ce ip e
j'ai cru autrefcus ôire opposé au vé it.ble
culte de Dieu, c'est cela mémo qui mérite
toute votre vénération. » Après q e par ses
paroles il eut fait quitter à son cher peuple
le chemin d;uigereux ([u'il suivait, et que,
quittant lui-mC'uie les sentiers déiournés, il
fut rentré dans la voie royale [iour lui servir
de guide, devenu un docteur de la vérité,
d"u 1 maître de Terreur qu'il avait été jus-
qu'alors, il fut présenté au gouverneur de
Rome, qui exerçait à Ostie u'horribles vio-
lences contre les chrétiens. Cet homme ci uel
était parti de Home ce jour li même pour
aller port' r l'elfroi dans les villes voisines, sa
présence étant comme la peste qui désole
tous les lieux où elle passe : car, non content
d'avoir rempli de .i eurtres et de carnage la
ca,Mtale du monde, et d'avoir enivré de ang
innocent la terre que ses murs renferment ;
voyant le Janicule, le [lalais, la iribu e aux
harangues, et les faubourgs en regorger, sa
fireur alla se répand e le loigdes rivages
de la mer de Toscane, et les environs du
port des Komains en ressentirent benlôt les
etl'els. On le voyait assis sur un tribunal
élevé, environné de bourreaux; un faux zè;e
pour la gloire de ses dieux le dévorait, et
toute sa passion était de rendre iniidèles les
fidèles discijiles de Jésus-Christ. Là étaient
des troupes de chrétiens qu'il avait fait ame-
ner en sa présence. La j)riso'i d'où ils sor-
taient avait imprimé toutes ses horreurs sur
leur visage couvert de crasse, et il-> jioi talent
sur toute leur personne les tristes et funestes
marques d'une longue misère. Là on enten-
dait le bruit horrible des chaînes que trai-
uaient ces innocents coupables, mêlé à celui
que faisaient les fouets et les lanières de
WP
1171
cuir armée«! de for et d(î [donib, dont les
coups ledoublés frappaient l'.ur, qui semblait
s'en plaindre p.ir ses jiémi.ssi.'inenls. J.es on-
gles de fer f.iisaieni de larges ouveituics aux
cùtés, et [lortaiinil jusipi'aux entrailles leurs
pointes mortelles. Les bourreaux si ni/iiont
leurs lo' (;es épuis''es ; mais la fureur du juge
en repr(,'na t de nouvelles il frémissait de
rage eîi voyant ses ctforls inutiles et sa
Cl liante trompée; car il ni^ s'en trouva aucun,
de tant de serviteurs de Jésu -Christ, qui,
parmi des su|), lices si aifreux, donnât la
moin ire marque de faiblesse. «C'en est as-
sez, bourreaux, s'é^r a-t-il tout à cup d un
ton do voix terrible; laissez li vos ongles
de fer; cessez vos tortures, j'en connais l'i-
nutilité; la m<H t seule nous peut fiire raison
do ces 11 iséniblcs et nous venger de leur
trop longue résistance. Qu'on cou|ie la tô'e
à celui-ci ; (pi'une croix élève celui-là dans
les airs, et qu'il y devienne la proie des vau-
tours; (pie, du haut de ce roch-r. Je voie
précipiter ces autres; ceux-là sont desti 'es
cU feu, et un seul bùclier nous serv ra ù | u-
nir plus d'un coupable. En voici qu'il f;iut
aba'T .onner dans u''e barque entr'ouveite à
la merci des Ilots, afii' que, lorsqu'elle seia
éloig lée du boid et b; ttue par des. coups de
mer, ces plrriches mal jointes viennent à se
séparer, et (juc ces iiiipie^ buvant leur nau-
frage avec l'onde au. ère, n'aient pour toute
séj ulture que le ventre des monstres ma-
rins. »
«Il était dans ces transports lorsque le saint
vieillard Hippolyte lui fut amené chargé de
fers. U'^e jeunesse emportée ne cessait de
crier autour de lui : « Vo lîi le maître des
chrétiens; vo là et Ini qu'ils regarde U comme
leur chef. Si vous voulez (|ue tous les chié-
tie vs adorent "OS dieux, il fa tque vous leur
ôtiez cet Moaime qui les e itietient dans leur
impiété. » ils |)ressent le juge de le livrer à
la mort, d'i 'venter pour lui un supplice nou-
veau, qui fasse trembler tous ceux (jui refu-
seront de l'encens aux dieux des Komains.
Alors le gouverneur demanda le nom de cet
homme. On lui ré|)ondit qu 1 s'appelait Hip-
polyte. « Eh !.iien! soit, Hippolyte, re rit le
gouverneur; qu il soit donc comii;e Hippo-
1. te, tils de Thésée, traiiié et mis en pièces
par des chevaux. » A peine cette bizarre et
cruelle sentence eut-elle été rendue, qu'on
va chercher d.ns un haras d ux chevaux à
qui le frein était inco mu ; ils .l'i.vaient poi -i
encore sen'i la main caressante du p; lefre-
nier, et jamais écuyer n'avait {uessé du ta-
lon leurs tlancs poudreux, ni a|i|)uyé la gaule
sur leurs Clins hérissés; mais, nouvellement
tirés des gras pâtur.iges, ils étaient ombra-
geux, farouches et iikiomptés. Cependant on
les attache ensemble, malgré leur résis-
tance; on les force à recevoir un mors, qui
les assujettit durant quelque temps sous un
jo;!g qui ne leui- est pas moins nouveau
qu'importun. Une corde y tient, qui, se cou-
lant le long des côtés, et passant entre les
croupes en manière de timon, vient tomber
auprès du pied de uerrière ; puis s'étendant
encore au delà, va saisir dans un nœud les
H75
HIP
BIP
1176
jambes et les pieds du saint martyr, les te-
nant fortement serr(^s par le mo.ven d'uno
autre corde moins grosse.
« Après qu'on eut pris toutes les mesures
qu'on crut nécessaires pour faire réussir co
nouveau genre de supplice, où, par u'ie in-
génieuse cruauté, on avait trouvé le secret
de faire entrer trois autres supplices, on fait
partir ce funeste att»'lago; on anime les che-
vaux, on les excite de la voix, on les presse
avec le fouet, on leur fait sentir l'aiguillon.
Les dertiières paroles de co saint vieillard,
qu'on put entendre, furent celles-ci : « Ils
entraînent mon corps, ô Jé^us, prenez mon
Aine ! » Les chevaux bondissent, partent et
sont d'abord emportés par la frayeur qui les
saisit et qui leur fait fuir ces clameurs hor-
ribles que poussent dans l'air les cruels
spectateurs. Ils s'élancent à travers les ro-
chers, ils percent les forôts; le rivage du
lli.'uve, ni la rapidité d'un torrent, ne peu-
vent ralentir leur ardeur; ils font iilier k's
ta Uis, lis ronve-rseul li?s buissons, ils apla-
nissent les guérets et les codines; les roules,
semées de cailloux, deviennent pour eux
une carrière unie; ils franchissent tout ce
qui peut retarder l'impétuosité de leur course
précipitée. Cependant le corps du saint est
mis en pièces : ici, les ronces en ont retenu
une partie; là, une autre partie pend à la
pointe d'une roche; l'herbe, en mille en-
droits, a changé sa couleur verte en couleur
de pourpre; et la terre, humectée de ce géné-
reux sang, en laisse voir une longue trace.
On voit encore aujourd'hui ce tiiste événe-
ment i)eint sur une muraille. Le crime qui a
ôté la vie de ce saint homme y est touché
d'une manière si vive, que la vue de ce
tableau imprime de l'horreur et de la pi(ié
tout ensemble. Le saint y est représenté sur
une petite hauteur dais un enfoncement; il
a le corps déchiré et sanglant. Proclie de là,
l'on a[)erçoit des rochers doit le sang d '•-
goutte, et des halliers où la main savante du
peintre a su mêler artislement le ouge avec
le vert. On voit uti peu plus loin les membres
épirs, et qui n'ont [)l ;s entre eux cette
union (fue la nati.re y avait mise.
«Ce|)endant les aiiii^ du saint le suivent; les
larmes coulent le long de leurs jou s, et la
tristesse parait sur- leur visage , avec une
crainte inquiète. On remarque dans leurs
y(;ux de l'empressement, et ils poitcnl à
droite, à gauchi', des regards troublés, mais
curieux; la jiisle du sang les conduit, et on
les voit se baisser, et ram:isser dans le yan
d',* leur lobe le-, membres (lis|»ersés de leur
ami. L'un regarde la tète (ju'il a trouvée; la
blancheur de ses chi.'veux est souillée de
sang et de poussière; mais, parmi les som-
bres couhnjrsde la moil, elle inspire encoi-i!
le respect. Oelui-ei pr(; id les épaules dnnt
les bras sont arrachés, et les mains (pii ne
lieino it plus aux bras; celui-là rcmco itre
sous ses ()as les jambes séparées des pieds,
v.l roin[>iies en |)lusi(!urs endroits; l(;s autres
tMiipoilcnl dans leurs manteaux h; sable (pii
a 1)U le sjuig du martyr, alin qu'il ne reste
rien de celle précieuse roséo sur une terre
P'^Oiane et maudite; d'autres, enfin, ramas-
sent soigneusement avec des é|)onges celui
qui a été reeueilli sur les troncs des arbres.
AJais déjà la foret ne relient plus aucune
j)artie di- ce sacré corps, el l'on ne craint
plus qu'aucune soit i r.vée des honneurs de
la S(''j)ulture. Après donc que celte p euse
trou e des amis d'Hippolyte eut recueilli
avec un soin extrême tous les mcnubres dis-
persés de ce bienheure.x martyr; après
qu'ils eurent été assurés qu'ils jKJssédaient
ce trésor tout entier, ils pensèienl à lui
chercher un tomb au. Ils quittent Ostie, et
ils croient qu'il n'y a que Unm.' qui soit di-
gne de conserver de si précieuses reli-
ques.
« Dans le fond d'un vallon, et assez proche
d'un plant d'arbres fruitiers , on trouv»?
parmi des fondrières uHe grotte obscure : un
sentiei- tortueux y conduit par une pente
douce. Ce lieu fut toujours inaccessible à la
lujnicvre, e-i ebe n'a jamais pu y pénétrer ; il
n'y a (pic l'entrée qui a reçoit f nb ement par
une ouverture étroite. .Mais, après qu'on a
fait quelques pas, et que par divers détours
on a pénétré plus avant, l'on trouve quel-
ques fentes dans le toit par où la lumière se
fait passage ; et, quoique des deux cotés de
la grotte on ail pratiqué sous des portiq ;es
de petits réduits enfoncés, le jour ne laisse
pas d'y pénétrer par le moyen de plusieurs
de ces soupiraux qui sont j)ercés dans la
voûte, et, par cet innocent ariifice, on jouit
des bienfaits du soleil dans des lieux incon-
nus à cet astre. Ce fut à cette demeure obs-
cure et secrète que l'on conlia le corps de
saint Hippolyle. On éleva proche du toiii-
beau un autel , et celle bible, qui était tout
en-emble et la dispensatrice du sacrement
de Jésus-Clirit, el la fidèle gardienne de son
martyr, co iseï ve so gneusemeU ses os sa-
crés, juscju'au jour où le souverain juge
doit leur donnci- l'iminoitalilé, et nouriil en
môme leni|)S tl'un pain céleste le peuple
saint ((ui habilesur lesbordsilu Tibre. Ce lieu
est devenu célèbre par la [) été des lidèles,
el parce qu'on y trouve Dieu de plus facile
accès, si l'on ose parler ainsi, et plus prompt
à exaiicei' les vœux «pion lui jnésente ynxr
l'e ilremise de ce saint, (pii ne manipie guère
de faire oblenir un heureux succès à ceux
(|ui ont recours à son intercession. Il est
juste ((ue ma reconnaissance | araisse ici.
Oui. toutes les fois tju'accablé des maux do
l'àine ou ilu corps, je me suis prosterné de-
vant ce lomheau, j'ai reçu en même tem{)s
la guérison de l'un ou de l'aiitic. Si^'o revois
ces lieux (jui me sont si chers; s il m'esl
perllli■^, ù illustre prélat, do vous embrasser;
si 'iilin j(; jouis ih; l'heurfnix loisir ipii mo
fait écrire ces vers, j(! dois tout cel.i à llip-
polyt(!; c'est lui (pii l'a obtenu | oiir moi de
Jésus-Chrisl, dv. ce Dieu tout bon cpii a bien
voulu lui faire pari de sa puissance, alin
(pi'il fill t lujours prêt à accoider ce (lu'ou
lui demanderait.
« Les préci(nises dépouilles de celle grande
Ame sont r(Mif •rmé(>s dans une cliAsse d'ar-
gent njassif; une main inagnili(iuea i)ris soin
1177 tlIP
d'orner lo lieu nCi oKcs reposent d'un lam-
bris, dont (le grandes pièces d'ivoire, plus
b'anclies .pie la nci^e et plus |)0lies qu'une
glace, couipo><ent le riche asseiuhlaj^e. Kt
Ci't e luèine Muii'>, nuri contente n'avoir in-
crusté .out le portitpie d'u-i niarl.rf? pré -ieux,
l'a encore enrichi (!>• festons de cu.vre et do
hron/e doré. l*arlerai-je du concours [)rodi-
gieu\ (pii s'y fait cliaipie jour? Dès (pie h>
so eil paraît, le peuple s'.v rend en foule pour
V nrier; une seconle troupe succède à cette
ji.einière, et n'^e troisiènu! h cetl(ï seconde;
ei (piand le soleil se relire, il voit encore ce
lieu sacré rempli de ceux (pii y vo'il porter
leurs v(pux. Les Uoinains et les barbares,
riiaiie et les provinces y viennent par pelo-
lois; un même esprit l(>s y amène, l'amour
de la relic^ion. Pendant (pie les uns baisent
avec respect le métal (jui renferme les saints
osse-nents, les autics répand(Md des [)arfums
on des larmes. Mais lors(jue l'année, dans la
révolution de ses jours, a ramené celui de la
naissance du saint, quelle foule iiuiombrablo
de [leuple n'y accourt-elle point de toutes
parts ! Quel empressement ! Quels vœux
n'olfre-t-on point à Dieu! Combien lui en
oUVe-t- )n ! Qui les pourrait compter? La ville
auguste, la ville impériale y envoie tous ses
CD icitoyens. ces illustres bourgeois de la
première ville du monde. Les grands de
l'empire, les familles praticiennes prennent
plaisir à se môler parmi cette dévote bour-
geoisie. La piété confond l'artisan avec le
sénateur, et la foi ég de le noble au roturier.
A'be, l'ancieime rivale de Rome, lui dispute
e-core, no-i 1 emi)iro do l'Italie, mais l'avai-
!age d'èt(e encore plus dévouée au s dnt
ma.ityr. Ses habitants, vêtus de blanc, sortent
h grands ilôts de ses |)ortes ; tous les cbe-
in'iiS so H couverts de peuples (lillere'ds qui
cultivent les fertil s co-^trées de l'Hespérie;
on y voit les Toscans, les Samnitcs et ceux
de la Marche d'Ancô ^e ; Caiioae et Noie de-
vienne U désertes. Tout retentit des chants
d'aiiégresse; le mai'i et la femme, environnés
de lein- jietite famille, marchent avec une
joie empressée. Les cami/agnes les plus
v.s'es ne peuvent contenir cet agréidjle et
)Mci:ique débordem id de tant de peuples, et
les lieux les plus é endus se trouvent lro[)
s rrés j)our leur doni:er |)assage ; on s'y
pi esse, on s'y porte, et on est souvent obligé
de s'arrêter. La sainte caverne serait sans
dou e troj) étroite pour tant de dévots pèle-
rins, si un grand et superbe temple, élevé
.•iv 'C une magnilicence toute royale, ne ser-
vait à recevoir lo co' tinuel dégorgement que
la cha[»elle en fait à chaque moment.
L'exhaus ement de l'édifice et les riche-; of-
frandes qui s'y font lui donnent un air de
gran eur et de majesté; un double rang de
colonne^ soutent la voûte, appuyée sur une
architrave dorée. Deux a les, sous une voûte
plus basse, forment une suite de chapelles
et de réduits oiî l'on peut se recueillir pour
prier; ma s la nef, large et spacieuse, s'élève
jusqu'au comble, d'une prodigieuse hauteur.
Le tmne de l'évoque, placé sur une estrade
où l'on monte par plusieurs degrés, s'offre
IIIP
un
d'abord h la vue de ceux qui entrent : il est
au l'on I du temple; c'est (h; \h (pie le saint
pontife annonce la parohî (h; Dieu. Le peu[)le
(pii y entr(; et en .^oi't sans cesse resstnnblo
à uiK! mer agitée ou <i un fl(nive (pii s'enfle
et se grossit i)ar la chut(! des torrents; son
lit est lidp étroit pour contenir toutes ces
eaux, il faut ((u'elles se répandent |)ar-dessus
ses bords, et ([u'elles inondent les cami)agnes
voisines !
«Les ides du mois d'août font revoirions les
ans ce jour solennel. J(î vous exhoite et je
vous conjure tout ens(nnble, savant et pieux
docteur, de suivre l'exemple de Homo, et de
mettre cette fête au nombre de celles de
votre diocèse; qu'elle revienne à son tour
ave(; celle du grand Cyprien, du généreux
guerrier Chélidoine, et d'Iiulalie, la gloire
des vierges. Ainsi, que le Seigneur vous
puisse exaucer, lorsque, prosterné en sa i)ré-
scnce, vous lui offrirez le sacrifice de vos
prières en faveur d(; votre peuple. Ainsi, que
le loup affamé ne puisse-t-il jamais a|)[MOcher
de votre bergerie, ni enlever aucun de vos
tendres agneaux! Puissent vos soins chari-
tables et empressés, me trouvant sur l'herbe
desséchée, comme une brebis égarée et lan-
guissante, me ramener dans le bercail ! Piiis-
siez-vous, eidin, après avoir multiplié le
troupeau que le ciel vous a confié sur la terre,
le conduire dans les pâturages éternels, en
la compagnie du bienheureux Hippolyte!»
(Prudence.)
HIPPOLYTE (saint), fut martyrisé avec
les saints Eusèbe, Adrias, Marcel, Maxime ,
Pauline, Néon et Marie, sous le règne de
l'empereur Valérien, en l'année 250. Leurs
Actes , que nous donnons d'après Ba'onius ,
que nous traduisons, nous paraissent édifiants
et authentiques. Quant à la date que donne
Baronius, 259, il y a une rectification à faire.
On sait que la chronologie de cet auteur est
fausse , et que chez lui 239 se rapporte à
236...
Valérius et Acilius étaient consuls; Hip-
polyte, citoyen romain, vivait solitaire dans
les grottes des environs de Rome ; sa vaste
érudition dans la science apostolique ame-
nait auprès de lui beaucoup de gentils qui
se convertissaient au Christ, et recevaient le
baptême. Hippolyte venait fréquemment au-
|)rès du pape Etienne, conduisant à ses pieds
les chrétiens nouvelh^ment convertis })0ur
qu'ils reçussent le baptême. Comme cela de-
venait de plus en plus fréquent, des déla-
teurs le dénoncèrent à Nummius, préfet de la
ville : celui-ci fit sa déclaration à l'empereur
Valérien. Hippolyte l'ayant su, en avertit le
pape Etienne ; alors le b'enheureux E ienne
ayant rassemblé la multitude des chrétiens,
commença à les fortifier par de saints con-
seils tirés principalement des Ecritures : il
leur disait entre autres choses : « Mes chers
enfants , écoutez-moi quoique je ne sois
qu'un pécheur. Pendant que nous avons en-
core le temps , faisons le bien pour notre
salut : ainsi donc que chacun de nous porte
courageusement sa croix et suive Notre-Sei-
gneur Jésus-Christ , lequel a daigné nous
\il9
BIP
mp
41S0
(Jirp : Celui oui aime trop son àmp la per-
dra ; mais celui qui l'aura dorme'' à cause de
moi. In retrouvera dtus l'éternité. Je vous
coiijnie aussi q e chacun 'lo uo s (>ie htî
soin •ion-souleint"U Je lui-mônu!, mais -fes
siens. Si q lelqii'un a un a;ni ou un pruche
parent qui soif cneoro p ïen , q «'il n-» lai\ie
pas à m} l'anieui-'r a!i \ ([u"il r 'çoivj hî lji .-
tùuie. » AloisIlipp'jlylOjSt' jetant m \ pieds du
saint [lafie Klienne, lui dit : « Mon hon pèi'^,
6coul.'Z-in )i : j'ai un neveu et sa sanir ipii
sont encore gentils, je 1rs ai nstru Is : le
jcîjne hoann^' n'a que dix ans , la jeune lillo
en a treize : leur luèie se noiunie Pauline et
est païenne ; leur père se uouinie Adiia-;, d
me les a lui-même envoyés. » Le l);enheu-
reux Fltienne lui donna le consei de les re-
tenir quand A. ;jias les lui renverrait, aiin
que leurs j)arents, venant les chercher, on
l)rotilàt de celte occasion pour les exhorter
eux-mi^mes. Deux jours après, les deux en-
fants vin'ent trouver H:pi)olyte , lui apjKjr-
tant quelques aliments : il les retint el en
instruisit Etienne; C'iui-ci, se rendant j^ès
d'e.ix, les embrassa, les traitant avec beau-
coup de douceur. Les parents inquiets vin-
rent chercher leurs enfants. E'ieune com-
mença a leur parler des pe nés de l'autre vie,
du jUpjemftiit dernier, les exhortant avec de
furies raisons à renoncer au culte des idoles.
Hippolyte se joignit à lui. Adrias leur dit qu'il
craignait d'être privé de ses biens et de pé-
rir par le glaive (car le! était le sort qui at-
tendait ceux cîui s'avouaient chrétiens). Pau-
line, sœur d'iiippolyte , dit la m6m{^ chose,
s'i'mpoitanl contie son frère à cause des con-
seils qu'il donnait. Cette Pauline, sœur
d Hipj)olyte , avait en h-u-reur la religion
chrétienne. Les deux saint-, les ayant ente:i-
dus parler, se retirèrent sans avoir rien <»b-
lenu , mais sans déseSi>érei- encore du suc-
ée-. Alors Etienne appela près de iui le f)rô-
tre Eusèbe, homme d'une grande science, et
le diacre Marcellus; il les envoya vers Adrias
et Pauline. Ces envoyés les fn-ent venir dans
la aablonnière où demeurait Hippolyte , et
quand ils pai-urent, Eusè.ie leur parla en ces
termes : « C'est le Chr si qui vous attend ,
aljn que vous er. triez avec lui diuis le
royaum' des cienx. «Pauline, f^ùsant des
ob ections et parlant de la glure de ce
nioide , le saint prô re lui dit beaucoup de
choses touehanl la gloii'e du ciel , dans le-
quel ils n'entreraient que par la foi el par
le b plème. Pauline ajourna sa décision au
jour suivant. La mènu! nuit, ce. tains pa-
rents chrétiens amenènmt h iCusèbe, dans la
sablonnière, leur lils (|ui était paralyti(p)e ,
demandanl qu'il h; baplisAt. Eu.-.èbe , après
avoir prié, le ba|)lisa : en recevant le baj)-
tCme, ce jeune homme fu' guéri , et, ayant
recouvié la paroi , il adressait h Ditni ses
actions de grAces. Alors Eusebe oll'ril h; saint
sarr-ilice, et tous i-eçurent le corps et li.'san.-î
d Jesu^-Clirisi. Le" jt.'.pe Eiien. e ayant ap-
pris c(da vint les trouver, et x^Sj se réjoui-
rent lou-) (;nseud)le. Dés le niatin Adrias et
l'anime rttviîuent. Ayant appris la guécisft i
miraculeuse du jeune honnne , i;s furent
frappés d'admiration ; touchés jusqu'au fond
du cesnr el se i>rosternant , ils demandèrent
le ba tème. IJip 'oiyte voyant ce'a , rendit
grAcesh Dieu,el dil au bienheureux Etienne:
« O mon sai tl ujaiti-e , ne tardez [)as à les
baptiser : » Alors Elienie dit : « Accomplis-
sons les formalitt's solennelles; pro;:édons à
1 'ur intei'rogaloire , et s'ils sont vraiment
croyants, el s'il ne reste au fond de leurs
CiKursni (n-ainte ni hésitations, i's recevront
le baptême. Aj)rès les avoir nlerrogés , il
leni' !iresc;ivil uu jei'lne, les catéchisa et les
baptisa au nom di- la Trinité ; et faisant sur
eux le >igne de la croix , il nomma le jeune
gar.^un Nétju et la jeune fille Marie. Après
avoir offert pour eux le saint sacrifice et leur
avoir donné la communion , Etienne se re-
tira.
'Ions ces nouveaux baptisés commeacè-
re H dès lors à habiter dans la même grotte
qu'Hippolyte , avec le prêtre Eusèbe et le
diacre Marce lus. Quant aux biens qu'ils
avaient dans la ville , ils les distribuèrent
aux i)auvres. Quand ces événements furent
connus et que Valérien en eut été informé,
il ordonna ({u'on les cherchât, promettant la
moitié de hnirs biens h ceux qui les décou-
vriraient. Un nonnné Maximus , qui faisait
les fonctions de greffier , se servit pour les
découvrir de la ruse que nous allons dire. Il
feignit d'être chrétien et indigent ; et venant
au mont Célius où il y avait une carrière de
charoon (une houillière), il resti là, deman-
dant l'aumône. Quand Adrias j)assa avec ses
compagnons,]! lui demanda l'aumône , se
s rvant, pour voir s'il était bien celui qu'il
cherchait, de la formule suivante : « Au nom
du Christ , auq el je crois , je vous en con-
jure, ayez jjitie de ma misère. » Adrias ayant
pitié de lui, lui dit de le suivre. Mais connue
il entrait dans sa demeure, Maximius, pos-
sédé du démon , se mit <i crier : « Homme
de Dieu, je suis un trait e venu poni- vous
livrer; je me vois lout entouré de tlammes,
priez pour moi , car je brûle cruellement. »
Adrias et les autres se (irosternèient, se mi-
reiK à [irier, et Maximius fut délivré. Quand
ils le relever^ ni de terre , il se mit h crier :
« Péi'issenl les adoraleurs des faux dieux,
je ueuiande le baj)têiue. » Ils le comluisiieiit
à Eli<!nne , qui , ajxès l'avoii- atUnilivemeat
étu(Hé, lui d'Uiua !e J)ai)lême. Devenu chré-
tien , il demania h habiter (piclques jours
avec le [lape Etiinine. Longtemi'S après (h
la lin de "l'Sl), on cherchait Maximms et on
ne le trouvait pas ; alors on le dénonça à
Vahrien en l'accusant de s'être fait chré-
tier). Des émissair. s envoyés pour le i)ren-
dre le trouvèrent dans sa maison, |)ioslerné
et priant l)i(m : ils le saisirent et l'amenè-
rent à N'alérien ; celui-ci lui dit : << (Vesl donc
ainsi (pie lu t'es laissé av(Mighn- par l'aigmit
au point de me fuie de fausses promesses?-)
Maximius lui répoodil iiumé.liaunnentiuOui,
j'ai éléacugle; mais depuis peu je vois(;lair.
-Quelle luiuière l'a donc ('cMiiré ?--J'ai été
éclairé par la foi en Noire-Seigneur Jésus-
Christ. » Valérien, irrité, le lit jeter dans la
jivière par-dessus un pont. Le jrêtre Eusèbe
ilSl
flff
ITTP
4182
ayn-it tronv(^ son corps , IVnsevoIit riftns lo
ciiii(>li("if (IcCallisto, sur l.i voie A|.|)i(Miiio ,
If^ ticizi^nie des ciilendes (Je février ('iOjaii-
vier).OM voit encore dans les (ialaroinhcs h;
t mix'iii (If.M .xiiniiis avec cotte itisci i|tlioM :
t(mil)eau de Maxiiuins. Le ('orps a été oii-
K'vi-, il n'y a plus (p<e la loiuhe.
lùisuite" Valérion , usant dt> grande dili-
genc(» , envoya soixante-dix sol l.its (pii,
ayant trouvé EusM)0 , Ad.ias , Hipp'd.vle,
Pauline et leurs e i1a 'Is , les saisir lit et les
ameut^'Cil sur la place Tiajane. ^!ais le dia-
cre Marcellus arrivant , analliéiualisa N'alé-
rien, parce qu'il avait (ioniié Tordre d'arr(^-
ter les amis delà vérité. Alors Secondiaiius,
revôtu de sa toge ( prohaMcineiit assesseur
du jn-çe), dit : « Celui-ci «st cbrélien comme
les autres. » Eusùbe fut iiili-oduit le preuiier,
le juj,e l'interrogea : « C'est donc toi qui
troubles la ville? dis ton nom. — Je suis
prêtre et je m'appelle Euséb •. » Le juge le
fil retirer séparéinont et fil venir Adria^ : ce-
Jui-ci, interrogé, .iil (}u'il se nounnait Adr as.
Le juge dit : « D'où le viennent tes biens et
ton argent qui te servent à séduire; le peu-
ple ? — Au nom de Notre - Seigneur Jésus-
Christ , dit Adrias, je tiens tout cela du tra-
vail de mes par.'nts. — Si ces richesses te
soit venues, dit le juge, de l'héritage de les
parents, sers-t'en comme ils l'ont fait et non
point pour cori-ompre les autres. » Adrias
répondit : « Je m'en sers pour l'utilité de
mes enfants et [)our la mienne, d'une man ère
intègre et exemple de fraude. » Le juge lui
dil : « Tu as dijnc une femme el des enfants?
— Ils soit ici enchaînés comme moi, dil
Adrias. — Q Ton les fasse entrer, » dit I0
ju.j,e P.iuline entra voilée avec ses enf mis
Iséon et Mare; le diacre Marcellus el Hip-
pohle les SU' Virent. «Ce sont là, dil le ju,e,
ta lemine el les enfants? — Oui, dil Adrias.
— El es deux hoiiimes , qui soiU-ils? —
Celui-ci est le bieiilieu. eux diacre Marc» llus;
c<.t autre est mon iïèie Ilippolyle, serviteur
de Dieu. » Alors le juge, se tournai. t vers
eux : « Dites vous mêmes vos noms. » Mar-
cellus répondit : « J'ai ncmi Marcellus , et
je suis d a.re. » Là juge dil à Mij)! olyle :
M El toi , ton nom ? — Je me nomme Hip,io-
lyle, je suis le serviteur xles s»rvileurs de
JDieu. )i Le j ge fii retirer Pauline el ses en-
fants, et dit <\ Adrias : « Dis où sont tes tré-
fcors , el saciiiie avec tes compagnons ; à ce
prix vous vivrez, sinon, vous allez être mis
,à m^rl. » Hippolyle répondit : « Nous avons
p rdu l'amour dès vanités d'ici-bas, el nous
a\ois trou\é la vérité. » Le j'.ge dit: « El
qu'avLZ-vous fait pour cela?» Il répo'xiit :
« Nous avons renoncé au culte des idoles
pour celui du Seigneur du ciel , de la l<'rre
et de l'abime des mers , el de son lils Jésus-
Christ, auquel nous croyons. »
Le juge ordonna de les conduire tous en-
semble dans la prison publique; on les mit
dans la prison Mamertine. Après Ir^is jours,
assisté de Secondianus et de Probus , il £1
dres>er son tribunal dans le temple de Tel-
lus el apporter toutes sortes d'instruments
de supplice. Adrias ayant été introduit , il
rinlerroj^ea oe nouveau sur ses trésors.
N'a\aiit pas reçu de répo-ise, il lit alliiuKîr
l'aulel de Pallas el leur ordonna d'ollVir de
reiicens ; mais tous , cracli.int des.Mis , se
nio(pièrent du juge. Alois il les lit étendre
tout nus et (ruellenient fouetter. La bienheu-
reuse Pauline, pendant qu'on la llagelhiit
cruelleiiKnil, rendit .son ;1irie à Dieu. Lejugc,
Voyant cela, dé.crna la peine (;apilale contre
Eusèbî» et Marcellus ; f»n l.'S co. duisil au ro-
cher de ^i'xécui ions, prèsdel amji|ii!hé;ltre,au
lac du PasUnir, el le bienheureux | rèlr(! Eii-
sèbe et le diacre Marcellus furent décollés le
tr izedes calendes de novembre (-iOocloljre);
leurs cor|)S furent jetés aux clii(vis, ainsi (jue
celui de Pauline. Un antre H ppol\ le , <pii
était diacre , les recueillit el les enterra sur
la voie Appienne , à un inill.i de la ville ,
dans la sablonnière où ils se rassemblaient
souvent.
Après cela, Secondianus fit venir dans sa
maison Adrias , ses enfants et Hipi)olyle ,
s'enquérant avec grand soin du lieu où
étaient leurs richesses ; mais les saints ré-
pondirent : « Ce que nous avions, nous l'a-
vons donné aux pauvres ; nos vrais trésors ,
ce sont nos Ames que nous ne voulons pas
perdre ; fais ce qui t'est ordonné. » Alors
Secondianus fit mettre les enfants à la tor-
ture. Leur père leur dil : « Soyez fermes ,
mes enfants. » Pendant qu'on les tourmen-
tait, ils disaient seulement • « O Christ I sou-
tei:ez-nous. » Ensuite il fit torturer Adrias
el Hip[)olyte , ordonnant qu'on leur brûlât
les côtés avec des lampes ardentes. Hippo-
lyte disait : « Fais toujours. » Secondianus
leur disait : « Sacrifiez, consentez en disant :
Nous allons le faire. » Mais le saint répon-
dit : « Voilà un festin sans corruption. »
Quand ils eurent beaucoup soutlert, Secon-
dianus dit : « Relevez Néon el Marie ; con-
duisez-les au rO( h.T des exécutions ; qu'on
les tue en présence de lc3ur père. » On les y
condui.sit et on leur trancha la tête, et leurs
corjjs furent jetés sur la voie publique. Les
fidèles les recueillirent el les enterrèrent sur
la voie Appienne, à un mille de Rome, dans
la carrière où ils avaient coutume de se réu-
nir, le six des calendes de novembre (27 oc-
tobre).
Secondianus ayant rapporté ces choses à
Valérien , ordonna, huit jours après , qu'on
dre sût son tribunal dans le cirque de Fla-
minius, et se fil amener Hippolyle et Adrias
enchaînés; il fit crier devant eux par un hé-
raut : '< Ces hommes sont des sacrilèges qui
mettent le trouble dans la ville. » Quand on
les eul introduits, le juge s'enquil encore de
leurs trésors , disant : « Doni.ez vos riches-
ses à l'aide desquelles vous corrompez le
public. » Adrias répondit : «Nous prêchons
le Christ qui daigne nous arracher à l'erreur,
non pour que nous fassions périr, mais pour
que nous fassions vivre les hommes. » Se-
cond-iaiius, revêtu de sa toge, voyant qu'il
ne pouvait rien obtenir, ordonna qu'on les
frappât longtemps sur la figure avec des
fowels armés de j)]orab, et fit crier par le hé-
raut : « Sacrifiez aux dieux et oifrez-leur de
1IS3
nip
noR
lia
rencoiis. » Hi|")polyto , tout couvert de sang,
cria : « Coiitinue/misérable, ne cesse jjas dy
nous louriuenler. » Alors Secondiaiius donna
ordie aux bourreaux de s'arrôter, cl dit aux
(•otdesstMirs : « Prenez pitié de vous-iuôines;
j'ai bien pUié dévot e slupide entOteiueiit. »
Ils lui lépondirent • « Nous sommes [)rèts à
soulFrir tous les lourments, et nous ne fc-
rohs pas ce qui nous est ordonné, soit par
loi, soit par le prince. » Seco-idianus en ré-
féra à Valérien; celui-ci ordonna de les faire
mourir dans les tourments on présence du
peuple. Alors Secondia-ius les fit amener au
pont d'A'Uonin , et ordonna de les frapper
avec des fouets armés de plomb jusqu'à ce
qu'ils espirasse'it, et après avoir lon,-.temps
soulfert, ils tombèrent et rendirent l'espiit.
O'i laissa leurs corps exposés au lieu même
du supplice, vis-à-vis l'île Nycaonie. Hippo-
1 vie , diacre de rEf;lise romain-, vi ^t pen-
dant la nuit, et ayant em|)0ilé leurs corps
sur la voie Appienne, à un mille de la ville,
il les ensevelit dans la sablonnière, auprès
des corps des autres saints, le cinq des ides
de décembre (9 décembre).
Neuf mois après une femme nommée» Mar-
the, (ifi'cque d'origine, vint avec sa fdle Va-
lérie, chrétie'ine comme elle , pour voir ses
parents Adrias et Pauline. Les demandant
et ne les trouvant pas, ces deux femmes ap-
j)rirent qu'ils étaient morts martyrs; elles
en éprouvèrent une grande joie. Ayant
cherché et trouvé leur sépulcre, elles restè-
rent à côté , veillant nuit et jour pendant
treize ans , et rendirent leur àme à Dieu.
Elles furent ensevelies au même lie:i , le
quatre des ides de décembre (10 décembre),
da'i.s la paix de Notre-Seignenr Jésus-Clirist,
qui vir et règne dans les siècles des siècles. »
(Haroiiius, Annales, in anno Christi 2od.)
LE^Iise fait la fête de saint Hippolyte le 2
décembre.
HIPPOLYTE (saint), vieillard vénérable,
fut martyrisé sous Claude 11 le Gothique.
Voi/. Maiityhs u'Ostie.
HIPPOLYTE DE LA CROIX, martyr, était
catéchiste du P. Louis d • \I<'dina , mission-
naire de la compa.^nie de .lé-us aux des Ma-
rianiios. Tous deux furent tués h coups de
lance dans l'île de Saypan, le 29 janvier 1070.
(Pour ()lus de détails, Voy. l'arlicle Mkdina.)
HIPPOLYTE (saint), eût le glorieux privi-
lé..^c de ré[» mdre son sang en Afri(]ue pour
la défense (h; la religion ehréticnme et de sa
foi en Jésus-Chiist. Il eut pour compagions
de ses soulIV.inces les saints Syniplno ne, Fé-
lix et leurs comjiagnons, dont malheureuse-
ment les noms ne sont f)oiiit j)arvenus jns-
qii'à la j)osléf ilé. Nous ne possédons point
n'autres détails authonliques. L'Eglise fait
colleetiverricnt la fùle de ces glorieux mar-
tyrs le :{ février.
HIPPOLYTE (saint) , fut martyrisé 5 An-
tio';h(!. Ce saint prètr(!, qui fut d'abr)rd sé-
duit et engagé dans le schisuie d(! Novat, re-
connut bien:ôl sa faute par l'elfelde la grAcc;
de Jésiis-Chrisl, et revint à l'unité de l'Eglise
pour lafpielle (!t dans laquelle il endura un
glorieux martyre. Avant (pjie do mourir, ses
amis l'ayant prié de leur dire quelle secle
était la véritable, il répondit, en d testant le
dogme do Novat , qu'il f dlail suivre la foi
que lieu la chaire de sainl Pierre, après
ijuoi il tendit le cou au bourreau. L'Eglise
honore sa sainte et glorieuse mémoire le 30
janvier.
HIRÉN ARQUE (saint), prêtre, martyr, glo-
rifia par sa mort la ville de Sébaste en Ar-
ménie, sous le règne et durant la persécu-
tion de Dio^Iétien. Il fut mis à mort avec
saint .\cace, prétrf^, et sept femmes chrétien-
nes. La fêle de ces saints martyrs est célé-^
brée par l'Eglise le 27 novembre.
HONOCRÀTE (sainte), fut au nombre des
quarante-huit martyrs rais à mort avec saint
Saturnin , en Afrique , sous le proconsul
Anulin, en l'an de Jésus-Christ 305, sous le
règne et durant la persécution si atroce que
l'infâme Dioclétien suscita contre l'Egl se du
Seigneur. {Voy. Saturnin.) L'Eglise fait la
fôle de tous ces saints le 11 février.
HONORAT (saint) , martyr, mourut en
Afrique pour la foi chrétienne avec les saints
Dominique, Victor, Primien, Lybose, Cres-
cent et Second. On ignore la date et les cir-
constances de leur martyre. L'Eglise honore
leur sainte mémoire le 29 décembre.
HONORAT (saint), martyr, versa son sang
pour' la défense de la religion. 11 eut pour
compagnons de son martyre les saints Dé-
mètre et Florus. L'Eglise fait leur mémoire
le 22 décembre.
HONORINE (sainte) , vierge et martyre,
accomplit -on sacrifice au pays d • Caux, dans
le vi" siècle ou au commencement du iv.
Son corps fut inhumé au village deGr-aville,
à l'embouchure de la Seine. Au x' siècle,
lors des incursions des Normands , ses reli-
ques furent portées au lieu nommé aujour-
d'hui Conflans-Saiiite-Honorine , au diocèse
d(* Paris. La fête de sainte Honor-ine est mar-
quée au iMarlvrologe romain le 27 lévrier.
HONORIUS (saint), martyr, cueillit la palme
du martyre a A'exandrie avec les saints
M insuet. Sévère. Appien , Donat et d'autr-es
encore, dont les noms son: ignorés. La date
de leur m rtvre est in;onnue. L'Eglise vo-
nèr.; leur mémoir-e le 30 décemb e.
HONORIUS (saint) , martyr, ^outl'rit pour
la foi à Oslie avec sainl Déiiiètr'e. No s ii'a-
V'iiis oftint de détads sur leur- mai'tyre. L'E-
glise r.iit leui fêle le 21 novembre.
HORMISDA {(rHi)hrif.ius) , gouverneur de
la pr-ovin e des Rozic'iéens en Perse, lit ar-
rêlei- saint Milles, évêrpie de Snse (i'an3'i-l),
en exé.iition de l'édil d(ï Sajior, (pii condam-
nait à mort tous les eci lésiaslicpies (pii pei-
sévéi- rai ni dans la foi. Saiirt Abiosime,
prêtre, et saint Sinas ou Sina, diacre, eur-ent
l(! même soit. Hormisda les lit |)ar- deux lois
llageller cinudhnnent. Lors de la li-oisième
corupainilion , ino'igné des réjionses pleines
de sagess(! et de fer-melé de saiid Milles, il
se |»récipila avec so'i poignard sin- le saint
évêipie et lui en perea le llanr;. Urr frère de
VA'. f(''roce gouverniMU- donnait en même tenips
un autrt! coiq) de [toignard dans i'aulre cMô
du sainl, (pii jnourut de ces blessures. Abro-
4185
HOR
IIUM
1186
sinie et Sinas , placés en faco l'un de l'autre
sur deux montagnes, furent lapidés. Le len-
demain les deux Irùres cliassaient un cerf;
tous deux , sans le savoir, s'embuscpièrent
vis-h-vis lun di' l'autre pour l'attendre au
passage. Au moment où il traversait, tous
deux décoeliùn'nt leurs Huches : la vengeance
div ne dirigeait ces llèclies. Chacun de ces
deux monstres fui traversé jnir celle que son
frùre avait tirée. Ils moururent sur le lieu
môme.
HOHMISDAS (saint) , pape et confesseur,
soutfrit h Rome pour la défensi; de la reli-
gion. Nous n'avons aucun détail sur son
compte. L'Eglise honore sa mémou'e le G
août.
HOUMISDAS (saint), martyr, eut la gloire
de soullVir la persécution pour la foi sous
les rois de Perse. YesdedgerJ , qui régna
de l'an 399 à V20 , avait renouvelé la persé-
cution lie Chosroësll contre les chrétiens. A
sa mort, son tils Varanes la continua : Hor-
misdas fut une des victimes de sa barbarie.
Il apparten;til à 1 une des plus anciennes fa-
milles de la Perse; son père avait été satrape
ou gouverneur de piovince. 11 était de la
race lies Achéménides. Varanes l'ayant ffiit
Venir d vant lui, lui donna l'ordre de renier
Jésus-Christ. « Si je faisais ce que vous exi-
gez de moi , lui dit le saint , je commettrais
un Ciime envers Dieu, je tcansgresserais les
lois de la justice et de la charité. Quiconque
serait cajiable d'onfi eindre les lois du sou-
verai'i Seigneur du monde ne resterait pas
longtemps lidèie f» son prince, qui n'est qu'un
homme mortel. Si ce crime de hante trahi-
son envers e monarque mérite la plus cruelle
de toutes les morts, à quoi ne doit pas s'at-
tendie celui qui renonce au Dieu créateur
de l'univers. » Indigné d'une réponse aussi
sage que ferme , Varanes le lit mettre tout
nu , en lui laissant seulement un petit mor-
ceau de toile nour lui ceuidre les reins , et
ordonna qu'il lût préposé à la condu.te des
chameaux de l'armée. Au bout de qu Ique
temps, apercevant d'u. e de ses fenêtres
Hormisdas tout bruni |)ar le soled , il le lit
venir et, lui donnant une tunique, il l'exhorta
à devenir plus raisonnable et à renoncer au
fils du ch.u'fientier. Hormisdas, ne pouvant
supporter un tel langage, déchira la tunique
en pièces et la jetant aux pieds du roi :
«Gardez, lui dit-il, des cadeaux que vous
voulez faire payer un tel prix. » Varanes, fu-
rieux, le ût chasser de saprési'uce. Hormis-
das mourut en exerçant les fonctions aux-
quelles la barbarie du prince l'avait con-
damné. L'Eglise fait sa fête le 8 août.
HOKPUEZ , l'un des trente-sept martyrs
égyptiens qui donnèrent leur sang pour la
foi en Egypte , et desquels Kuinart a donné
les Actes authentiques. Voy. Martyrs (les
trente- se|)t) égyptiens.
HORRÈS (saint) , martyr, mourut pour la
foi à Nicée avec son père saint Theudétas,
saint Marc et les saintes Théodora,Nympho-
dora et Arabie. Tous furent livrés à des
flammes ardentes et reçurent ainsi la cou-
ronne du martyre. On i'gnore à quelle épo-
que. L'Eglise vénère leur mémoire le 13
mars.
HORTIJLAN (saint) , martyr, mourut on
coiifossant .lésu^-Christ avec les autres saints
évè((ues N'alérien, Urbain, Cresci-nl, Kusta-
che, Ci-eseone, Crescenlien, Félix et Floi-en-
tien. Ils furent condamnés à l'exil ei y ache-
vèrent leurs jours. L Eglise honore leurnié-
moiri; le -28 novembre.
IIORUS, l'un (les trente-sept martyrs égyp-
tiens qui donnèrent leur sang pour la foi en
Egypte , et desquels Ruinart a donné les
Actes authentiques. Voy. Martyrs (les trente-
sept) ÉGYPTIENS.
HOUKNAN, prince arménien de la famille
Heraj)Soniank , fut l'un de ceux qui souffri-
rent vo'onlaiiement la captivité sous le rè-
gne d'Hazguerd , deuxième du nom , roi de
Perse , et qui ne furent remis en liberté et
renvoyés en leur pays q^ e huit ans après la
mort de ce prince, sous le règne de son tils
Bérose. (Pour plus de détails, Voy. Princes
ARMÉNIENS.)
HUESCA, ville d'Espagne, est célèbre dans
les Annales des martyrs par les soutfrances
et la mort qu'y endurèrent les saints Orens
et Patience.
HUGUES DE LINCOLN (saint) , martyr,
n'était encore Agé que de onze ans loisqu'il
eut le glorieux privilège de donner sa vie
pour Jésus-Christ. Le juif Jonpin et plu-
sieurs de ses corel gionnaires s étant empa-
rés de lui le 27 août 1255 , lui percèrent le
côté d'un (;0U[) de lance , lui brisèrent les
dents, lui coupèrent le nez et la lèvre supé-
rieure, lui crachèrent au visage, le battirent
de verges et le crucifièrent entin en haine de
Jésus-Christ. Le roi Henri III ayant été in-
formé de ces horribles cruautés, assembla
son |)arlement à Reading, et condamna Jop-
pin et ses complices à être 1 es p.ir h s ta-
lons ù déjeunes chevaux, qui les traînèrent
jusqu'à ce qu'ils fussent déchirés en pièces.
Leurs cadavres furent enjîUite pendus à des
gibets. L'Eglise honore la mémoiie de noire
saint le 27 août.
HU.ME, un des plus célèbres adeptes du
j)hilosOi!hisme en Angleterre , descendait
d'une des {ilus grandes familles d'Eci sse.
Natif d'Edimbourg en 1714-, il y étudia la
science des (-.ujas et <les Bartholo Anglais.
Il ne put réussir dans le barredu. Il n'y avait
pas (l'aptitude, disent les historiens. Nous
trouvons d ns l'hymne qu'on chante le jour
de saint Yves, avocat, ces deux vers tou-
chants de vérité :
Advocatus, et non latro,
Res miranda populo.
Expliquent-ils le genre d'aptitude qui
manqu ii à Hume pour réussir dans cette
profession ? Nous ne savons. Le fait est
que notre futur [hilosophe ne réussit pas
mieux dans le coiiimerce. Nous commen-
çons à croire qu'il ressemblait à saint Yves.
11 quitta sa patrie et vint en France, pays
de Cocagne pour les Anglais. On y mange
ilS7
HLM
m
IISS
à l)OM marché li^s lo.^sfbcef el les boafteaks
si cîiers en Anglclerro 1 O i sait que les
j)r()v:sions de bouche sont exorbil.inles
dniis la iié|)ciise de nos voisins. Hume
vint l)abiler l\ei:us, puis la Flùche et les
caïupa^-ics cnviroiinane< , pro »ablcinent du
cùt>'' uu Mans, vu sa spéci-iliti'". Installé con-
venable.nent (juaU an confortable, Huuie,
qui n'avait |)u ètie ni avocat ni marcliand,
se mil, en (j'ialité d'honnéle homme, à tia-
vailier à Smh livre inlitulT' : Traité de la na
tare humaine: livre scaidalenx. (juant à son
but et à sa (pialité, m.iis livre ijui manqua
son eire , puisifu'il ne lépondil pas aux vues
de lauteur. II n'eut pas de succès, pas
niômo ce'ui du scandale |)o;ir leqirl Hum '
l'avait comoosé. Ce livre fut publié après le
retour de l'auteur h Londres : (>n France on
n'en aur.iit pas t<)l-'ré rim|)ression. Home,
qui len.iit h vivre bien et à bon njarché, re-
vint en France; il vécut quehjue temps soli-
taire et travaillant h un nouvein livre qui
parut a E liiiil) mrg en 17'i.2. Il était intitulé :
Essais de morale, de politique et de littéra-
ture. Il eut ui peu plus (le succès que son
aine, cl valut à Hume d'être appelé, en
(|ualUé de précepteur, près du niarquis
d'Analdale. S.cn'taire du général Saint-
Clair quelque temps avjrès, il le suivit dans
ses ambassades de Vienne et d.! Turin. Il
pro.ita de ses loisirs, po ir retaire enlièro-
ment, sans pouvoir le rendre plus intéres-
siuit, son livre De la nature humaine. Il i ublia
d'autres (mvrages philosophiqu -s, où il mon-
tra du talent, mais une détestable impiété,
et duîs lesquels il él da des principes sub-
versifs de loul (;e qui S'-rl de bases a la
société lunnaine , morale et religion. Il
commi'nce [)ar s'isoler de iout point (l'appui,
mai'.:lioà tâtons, et va en avant à casse-cou,
sans es[)oir, sans but, sans direction. Pour
lui, rien au ciel : il l'a dépeuplé. Dieu
existe-t-il? Il n'en sait rien. La vie future,
il la nie. Que fait il sui terre? Il l'ignore.
A-t-il le di-oil d'en sortir violennnent el à
son gré? Il l'illirme , car il piéconise le
suicide et dit que c'est un crinie d'empôcher
un honnnc mauieurcMx de se luer. Il n'admet
(pTun principe connue règle du bien el du
Hjal, la bienveillance. Les acles n'ont donc
de valeur bonne ou mauvaise que relalive-
ujenl aux autr(.'S hommes. En fait de reli-
gion, il n'en admet aucune : il croit qu'on
peut très-bien s'en passeï' ; au fait, tant ([u'à
choisir, il dormerail la |)ïéférence au poly-
l:iéisme. Il se croit autorisé à |)ré:endre (du
moins il l'allirmej qu'il n'existe ilai^s la na-
ture hnrnaine aucune cause lixe de religion.
Ses idées <à ati égard sont di-vcloppées dans
deux ouvrages intitulés: Il ixtoire naturelle
de la religion, et Dialogues sur lareliyion na-
l an lie.
Hume <léteslail les monarchiiïs absolues,
il n'aimait pas mieux la démocnalie. Il était
pour ce .svslc'fiie intermédiaire (pi'(j i nomme
le gouvernoinctnt consliluliunnel , dd viil-
K'Mreincnl le (/oiivernetnent des bâtons dans
le» rou'H. Il é,ii t, à Ifr. contre de Jean-Jac-
quo, !>on a.iii, l'un des puriauis de celte
m'chine gouvernemei t^îe d'imprirtation an-
glaise, (jui fait depuis >rente-cin(j ans les
délies de la France et qui iB«.Dace de les
prolonger eiu-ore.
Hume a lad luie histoire d'Angleterre oij
il sème h cha pie (i ige son mépris pour tou-
tes les religions, ;i\ec acconi agneue ni de
maximes foitdangercuses. Celle histoire n'en
est |)as moins un ouvrage d ta eut : elle
serait encore généralement recherchée, si
celle de Lingard n'avait élé pubhée (je[)uis.
Htune, ayant voulu bâtir dans le vide, n"a
laisNé aucun monument. En tant que philoso-
plie, il est de ceux ipii se sont posés comme
iiémolisseurs. Ce sont les Erostrate de la
pensée et de la raison, ils ne sont célèbi es
q le i_)ar la grandeur de ce qu'ils ont voulu
détruire.
HUNÉIUG, était fds aîné de Genséric, roi
des Van laies en Afiique. Quand il occupa
le trône de son père, il suscita une violente
persécution aux c<dholiques, car il était
arien. Il en lit périi- un grand n'.mbie dans
d'allVeuses tortures, ent. e auti es les saints Li-
béral, Bo ifac ■, Servus,Husli.>us, Hog.it, Se|)-
tim • et Maxime, qu'il condamna à être brûlés
sur un bateau cliaigéde bois. Dieu ne p^ rmit
pas ({ue le feu [)Llt s'adumer. Hunéric, Ira 's-
por é de fureur, les tit assommer à coups
de rames et jeter h la mer, 11 mourut en 48S
d'une maladie qui lui lit éprouver des dou-
leurs inouïes.
HURTADO (le bienheureux Augustin de),
raissi(jnnaire de la compagnie de Jésus, fut
massacré en 1677, dans le territoire des An-,
doas, sur le tleuve des Amazones, par les
infidèles à (|ui il aniioiçait l'Evangile.
HUSSIiES, sectaires du xv" siècle, ainsi
nommés de Jean Huss, leur chef. l'oiir par'er
des persécutions faites par eux, il est conve-
nable de dire quelle fut leur digine et
qu. Iles étaient leurs erreurs. Jean Huss, né
h Huss, bourg de Bohême, au sein d'une
famille fo t pauvre, entra de bonne heure
d (lis les ordres sacrés, et devint recteur de
l'uidversité de Prague. Il tomba bientôt dois
toutes les erreurs de Wicbf, et so lit un de
leurs ])lus ardents j)roi)agateurs. Wiclef niait
que riiomine eût le liltre arbitre, el consé-
queinment soutenait que Dieu opérait néces-
sairement en lui le bien comme le mal. Il ren-
versait ainsi d'un mot toute la croyance de la
conscience liumaine d.uis tous les temps et
dans tous les lieux, croyance (jui veut que
l'acle humain mérite ou déni érih ; (pu, en un
mot,aita(:lie une valeur mor.'''eà(ha(piefail de
la conduite humaine. Wioef hab hait aiiiM
son hérésie des vieux haillons de la philuso-
j)liie indienne, nuxiiucls dé|à IMahoiuel a\a l
arraché un lambeau pour sa doefrine de la
falalité. Ces novaleuis .'•ont tous le- mêmes
d.'puis les temiis le-i i^lus reculés (omme de
no-; jours; ils sont happés de sléiilté, ils
n'nivenlenl rien ; ils u'prennent avec la
niaiserie béate d" l'ig'oianic lonte.-< les
virdieries suranné s (pie r,ii)li(i nié a jetées
dais l'égout des temps, comme chose neu-
\es, (t ils en (bapinil h ur 'iisnliisa ue or-
gue'illoujc et suite. Ainsi le proLsIanlisme
41S9
nus
Illi^
ifoo
reprena on coM.s-(i>Mvr(* les vicilhvs lii-résies,
iiota'iMMciit cclh! (l'Arius. l-'onritM- ('tii|)riiiit()
^ rOrioiit to Iles ses i Ires iiomvoIIos, IVijK;-
ries(iu(' les Kssénie -s, clu'/ Icsjuil's, «ivaicrit
àéjh icniisos en hoimL'ur. VA cv i\u\\ y a do
souver.Jiioiuont triste, c'est (jne toujours il
se trouve des niais, goho-tnouchos (l<( l'in-
tolligenco, (^ui ont des .idmirations pour ces
sottises et des écus })Our leuivs prédicateurs.
Revenons ti Wiclef. Af)rès avoir élahli la
doctrine de l'irresponsabilité humaine (jui,
poui- les gobe-uiouches que nous venons Je
dire, lait aujourd'hui chez nous la gloire de
Robert Owen, se[)tièine ou huiiième inven-
teur do celte sottise, Wiclef proilauia (jne
D.ou étpit tout et que tout était Dieu. {Voy.,
pour la niônie invention en réclauialion de
j)aternité , Spinosa , Lucrèce , qu(^ sais-je,
j'irais ainsi jusqu'aux temps semitiipies, au
berceau de la Chine en [)assanl [)ar les In-
des). On conçoit que, d'après cela, Wiclef
ne pouvait res[)ecter ni la Vierge ni Jésus-
Christ , et qui! devait (trait-d'uni'on enti-e
Arius et Luther) outrager la sainte eucha-
ristie.
A cela il faul ajouter ses principes subver-
sifs de toute auiorité civile et religieuse.
Tout pape, tout évoque, tout roi, tout sei-
gneur , perdant la grâce par le fait d'un
péché mortel , n'a pi .s d'aulorilé spiri-
tuelle 01 tem[)0relle. Los évoques ne sont
plus évoques, les rois cessent de régner.
Ainsi tout Bohémien d'Allemagne a droit (Je
courir sus à l'empereur en criant (ju'il i forfait
à l'Evangile; ni plus ni moins ([u'aujourd'hui
nos Bohémiens de Paris sur le pouvoir, en
criant qu'il a violé la Coiistitulion. C'est
fatal : les novateurs flattent toujours la po-
pulace ; ils lui font un pavois des dé-
bris de toute autorité : c'est leur refuge
à tous. Ils se font les courtisans de la
populace, ses valets. De décliéan. e en dé-
chéance, ils arrivent à cette abjection. N'a-
t-on pas vu Lamennais, coiidamné on cour de
Rome pour avoir voulu faire de l'autocraiie
clériciile, en proclamant le pape souverain
arbitre des royaumes, aller en appel de ce
jugement devant le tribunal s iprème de la
populace , siégant en places publiques et
carrefours ? Lamennais a oifert au peuple la
toute-puissance que le pape n'acceptait pas.
Le pejple aime les tlitleurs. Le catholique
outré a caché le caractère indélébile du prêtre
sous un autre carai tère indélébile aussi,
Celui de rai)ostasie mise au service des pas-
sions populaires.
Jean Huss se fit donc le pr-pagateur des
doctrines de Wiclef. Toute 1 Allemagne en
fut infectée : le pouvoir civil s'en émut, et
c't'tait naturel. Comment un pouvoir et sur-
toirt un pouvoir de la nature de ceux qui
ex staient alors, pouvait-il su[)porter les pré-
d. cations d'un forcené t^l c^ue Jean Huss,
annonçant à tous qu'il ne reconnaissait
qu'u ;e seule autorité en matière religieuse,
la ;»ien ne propre, inter[)rétant à son gré les
Ecritures; suito il quand ce forcené préten-
daiî, au nom di" cette puissance spirituelle
ilUuiilée qu'il s'attribuait , contester non-
seuicment en principe mais en fait l'autorité
liinporrlle. L'empereur s'émut donc à bon
droit des i«rédicalioiis d(. j,.;,ii llnss. I) jà
cet hérésia que avait un p.iiti puissant;
d('j'», procédant h la façon musulmane, Jé-
rAiiie de l»r;igue, son di-ci. I(% faisait jeter h
la rivièr- (piicoïKpie rel'u-ait de cr .ii' . Cjhjx
qui ont tant crié contre la condamnation de
J<'an Huss et de Jérôme trouvaie it suis
dou'e tout naturel (jue ces hommes, dignes
pré(;urseurs de 93, [)r .cédassent h la ré-
forme (ni éliminant de celte fai^on-lh tout ce
3ui n était |)as avec eux. Il y eut des noy i-
es sous les empereurs romanis, de vraies
noyades républicaines à la Carrier, avec
bileauv h soupapes. Les ariens (1 s eusé-
bien-) firent noyer aussi qnate-vingts < c-
clésiasti(iues de cette façon. Jean Huss el les
siens noyèrent leurs antagonistes. Jean
Huss et Jérôme soiit des martyrs que l'em-
pereur Sigismond fit injusteuKnt mourir:
quoi de plus naturel que cette appréciation?
Les voltairiens qui la font n'oiil-ils pas
tiouvé tout simples les exploits d" Carrier à
Nantes et la boucherie révolutionnaire de
l'égl se des Carmes à Paris ? Qu on tue des
prêtres, bénédiction ! qu'on to che un che-
veu d'un philosophe , atrocité , tyrannie ,
crime de lèse-humanité !
Sigismond provoqua le concile de Con-
stance. Jéixune de Prague et Jean Huss y
furent traduits : ils refusèrent de s'y rendre.
S g snio id leur donna un sauf-conduit : ils
y vinrent alors. Qu'on accuse l'empereur
d avoir mi'iqué à sa parole en donnant un
sauf-conduit et en faisant arrêter après les
doux accusés qui parurent comme prison-
niers au concile, rien de jjIus simple ; nous
n'avons pas à défendre l'empereur, nous
voulons défendre l' concile çcnitre les atta-
ques niaises et ignorantes qui, tous lesjours
en orc, lui sont lancées. On ne doit point
coiilb ^dre l'empereur et le concile : le con
cile fit son devoir en condamnant comme
hérétiques et canoniquement les deux ac-
cusés ; il fit son devoir encore en les remet-
tant au bras séculier. Sigismond les fit
brûler; il leur avait donné un sauî-conduit,
il manqua à sa parole. C'est évident, mais
au fond n'avait-il pas le dioit de condamner
à mort des gens qui révolutionnaient ses
Eti'.ts, qui [)roolamaieut la décliéance de son
autoi .té, et qui noyaient ceux de ses sujets
qu'ils ne pouvaient convertir? Voltaire,
dans son Dictionnaire philosophique, dit que
Jean Huss et Jérijme parurent devant le
concile de Constance, et qu'ayant éié con-
vaincus d'opiniâtreté , ils furent *briilés.
Voltaire avait du savoir, et , ce qui vaut
mieux souvent, du savoir-faire. La discus-
sion sur ce fait était dangereuse : donc
il ne discute pas ; il insiui e par une phrase
à doub e is>iie, il escobarde. Les savants n'y
verro H qu'une malice, et les sots y seront
pris. Ceite habileté d • tactique fait bien de
Voltaire 1 ' plus dangereux des détrac'eurs
de la religion : mais les disciples son; loin
d'avoir cette habileté du maître; ils entreiU
tête baissée daus la discussion,
1191
BI36
HUS
ii92
J'ai souvenir de l'avoir vue résumée un
jour parfaitement entre un avocat esjjrit-
fort et un savant, en prés-nce d'une société
choisie pour donner gain de cause à Tavocat.
(C'étaient les membres d'une société indus-
trielle). Le savant fut i);Utu. Le savant
n'avait pas l'art de la répl que et riiab;tude
du langage. Il était modeste et timide. L'a-
vocat était bavard (par é'at) et de mauvaise
foi par caractère. Les points que l'avo.^at
mit en saillie furent ceux-ci. Le concile livra
Jean Huss h l'empereur : il ne le devait pas,
surtout sachant ce qu'il en allait faire; sur-
tout quand l'empereur avait donné un s.mf-
couduit. Il ajoutait que l'empereur tit brûler
Jean Huss en exécution de la sentence du
concile. A tout cela pourluit la réponse était
bien simple. Jean Huss était le prisonnier de
lempereur, le concile devait le rendre à l'em-
pereur. Après avoir prononcé sur la ques-
tion spirituelle, il laissait à qui d(; droit à
prononcer sur la question de rébellion, de
troubles occasionnés dans lEtat et d'assassi-
nats commis. Ce n'était plus de son ressort.
Il savait qu'on allait brûleries accusés. Peut-
e;re et après tout ne méritaient-ils pas la
mort au [)oint de vue civil? ^'ous ne discu-
tons pas le mode de supplice, inhén-ut à un
reste de barbarie qui tenait à l'époque. Si le
concile eût voulu garder Jean H ss, niais
l'empereur l'eût envoy;' prendre d'oftice ! C'est
si simple, qu'il e>l ma s de dire le contraire.
L'empereur violait sa parole à cause du
sauf-conduit : c'est vrai; qu'y pouvait le
concile? Etait-ce son alfaire, évidemment
non. Maintenant, dire que Jean Huss et Jé-
rôme furent brûlés en exécution de la sen-
tence du concile, c'est dire un mensonge.
Le concile n'avait prononcé que des peines
canoniques. L'empereur prononça une sen-
tence civile contre les hommes qui révolu-
tionnaient ses Etals, qui le proclamaient dé-
chu dans des cas donnés et qui notaient
ses sujets. Voilà la vérité hislorniue, que ne
sauraient altérer ni les déclamations ni les
impudents mensonges. Voilà ce que savent
les hommes instruits. Si les voltairiens de
bas étage pensent le contraire, c'est eux
qu'il faut plaindre; s'ils le disent sans le
j)enser, il faut les estimer ce qu'ils valent,
c'i'sl une assez rude punition.
Après la mort de Jean Huss, ses partisans,
sous le nom de hussiles. se réunirent [)0ur
lui décerner les honneurs dus à un martyr.
Sous la conduite du fameux Zi.ska, ils s'as-
semblèrent au nombre de plus de cincpianto
mille et se rendirent fort redoutables. Plu-
sieurs fois ils balt.renl les troupes impéri.des ;
ils pillèrent les églises, détruisirent les nio-
naslères et les couvents; ils mavsacièient
les religieux de plusicnirs couvents. Zi>ka
détruisit ainsi environ cinq cent cinquante
monastères, massacrant tous ceux des reli-
gieux ou religieuses (pii refusaient de se
liiire hussiles. Lcnfanl, auteur protestant, a
donné h; détail d<; toutes ces hoireurs, dans
.•■o 1 Histoire (le la (jucrrc des hussiles et du
comile (le /Irllr. C'est ainsi ipie lut ])rise et
Iroilée l.'i ville d'Ausl. La jilaee fut réduite
en cendres, les moines furent massacrés.
Ulri'^ de Uoseiberg. qui en était gouver-
neur, fut assommé à coups de tléaux. On lui
couna les jtieds et I s in.iins, et on les jeta
au f'U avec es rentes de son corps.
Bientôt les hussitcs se divisèrent en plu-
sieurs sectes, les calixtiiis et les tab rites.
Les calixtins, d'accord avec les catholiques
sur les dogmes, voulaie'U la comniunion sous
les deux espèces; les taboiites ajoutaient à
cela plusieurs erreurs de W'iclef. Il y avait
aussi les oiébites, constiiiiés pardes troupes
de paysans (jui s'étaient réfugiés sur la monta-
gne d'Oieb. De ce lieu où ils s'étaient relia '-
chés, ils faisaient de fréipien es excursions
dans tout le i)ays, massacrant brûlant surtout
les religieux. Parfois, pour varier les supjjli-
ces,ils les mettaient enchaînés sur la glace, et
les y laissaient mourir. A un certain nom-
bre ils coupèrent les parties sexuelles et les
leur pendirent au cou.
A la nouvelle de ces horreurs, les calix-
tins résolurent de détruire ceux qui s'en
étaient rendus coupables. Les orébi tes l'ayant
su, se mirent sous la protection de Ziska.
Bientôt parurent au milieu des hussites, les
picards ou adamites. Les abominât ons aux-
quelles cette nouvelle secte se i)orta, fi.rent
tellement révoltantes, que Ziska entrejirit de
la détruire. Presque tous, exterminés par
les taboritt's, périrent par le glaive ou par
le feu. On sait (jue les adamites qui mar-
chaient nus pour imiter nos j)riniiiers pa-
rents, admettaient la communauté des fem-
mes et toutes les sorles les plus abominables
d'incestes. Ils se livraient aussi à la sodo-
mie. Ziska, après cel3, co itinua à persécuter
violemment les catholiques. Il brûlait les cou-
vents et égorgeait leurs habitants. Un jour il
voulut préserver celui de Sedlitz, parce qu'il
était fort beau. A algré lui, un des siens y
mit le feu. Ziska f(,'ignit d'en être content. 11
promit une gramie somme d'argent à l'in-
cendiaire s'il voulait se découvrir. Ziska,
pour l(.'nir sa promesses lui do ma en ellet
l'ai'gent, mais lo ulu, et le lui lit avaler. Ziska
était |iour lors aveugle. Sur les rapports de
ses olli.iers, il comman lait les batailles, as-
siégeait les places. Les troupes impériales
ne pouvaient tenir devant lui. 11 mourut de
la ])esle. A son dernier moment, il com-
manda qu'on fit de sa peau un tambour,
av(;c lecpiel, disait-il, ses sectaires étaient
sûrs de marcher à la victoire. Peu à peu les
hussites se divisèrent et, après plusieurs an-
nées, ils furent détruits comme puissance
ou lamenés dans le sein de l'Ivglise. Le
reste de leur histoire n'appartient plus à
notre sujet : qu'il nous sullise de dire (pic
les hussites furent d'all'rcnix persécuteurs.
L'arbre doit être jugé à ses fruits, et proba-
blement (|ue les défenseurs de Jean Huss
sont de ceux ipii aiment l'apôtre par amour
pour les haul> faits de ses dis(i|iles.
HVACINTIIK (saint), fut martyrisé sous
l'empire de Trajan ; les uns dist-nt à Porto,
près de lloine, les autres à Cés.irée de Caji-
|i.i(loce. Les Actes de saint llyacintlKî no
sont jioint assez authentiques pour qu'on y
H95
ICO
ICO
111)4
njtnilc complètement foi; on sait soulemoni
que c'est un uia^islrat noiuiiié Léonce, hom-
me consulaire, devant (jui il coniparut el
])ar qui il lut condamné. Léonce le mena-
gant de div(>rs supplices : « (]e ne soni
point les divers supplices d'ici-bas que je
crains, mais les éternels; c'est pourcjuoi je
n'ai point d'égards ni h voli-c connuande-
ment, ni aux nuMiacei^ de votre prince. N'otre
colère s'eiitlamme et s'évanouit en un même
jour. Vous ne sauriez échai)pcr vous-même
a la mort ; et anrôs cela (jue serez-vous? «
A part ces paroles, on ne j)eut rien trouver
dans les Actes de saint Hyacinthe qui soit
digne d'attirer l'attention. On fait sa loto le
26 juillet. {Voij. Césaire, diacre.)
HYACINTHK (saint), martyr, fut mis îi
mort avec saint Prote, sous le l'ègne de Va-
lérien, en 257. On lit dans les Actes de sainte
Eugénie, honorée par l'Eglise le 25 décem-
bre , que tous, deux servaient chez celte
sainte en qualité d'eunuques. S'il faut en
croire leur éi)itaphe, rapportée par le pape
Damase, tous deux étaient frères. Leurs re-
liques sont déposées h Rome, dans l'église
de Saint-Jean-Baptiste. Nous manquons do
détails bien circonstanciés sur leur mar-
tyre. L'Eglise fait leur fête le 11 septem-
bre.
HYACINTHE (saint), fut martyrise h
Amastride, en Paphlagonie. Il mourut en
prison, après avoir beaucoup souffert sous
le président Castrice. Nous n'avons pas
d'autres détails sur lui. L'Eglise fait sa fête
le 17 juillet.
HYACINTHE (saint), reçut la couronne du
martyre en Lucanio avec les saints Quint,
Lucius et Félicien. Nous ne possédons pas
d'autres détails. L'Eglise fait leur mémoire
le 29 octobre.
HYACINTHE (saint), reçut la couronne du
martyre à Rome, avec les saints Zotique, Iré-
née et Amance. Les détails nous manquent
entièrement sur eux. L'Eglise fait collecti-
vement leur mémoire le 10 février.
HYACINTHE (saint), reçut la palme des
glorieux combattants de la foi dans le pays
des Sabins, à trente milles de Rome. Les
compagnons de son triomphe furent les
saints Alexandre et Tiburce. L'Eglise fait
leur fêle le 9 septembre.
HYGIN (saint), fut le successeur de saint
Télesphore dans l'épiscopat de Rome. Il ne
gouverna que quatre ans, qui apparemment
même ne furent pas entiers, puisqu'on mar-
que cpie saint Pie lui avait déjà succédé en
142. Ce pontificat si court ne laisse pas d'être
plus célèbre dans l'histoire f(uo celui de ses
piédécesseurs, |)arce (pic les hérésiarques
Cerdon et Valentin vinrent alors répandre
leurs erreurs parmi les chrétiens de Rome.
Un ancien Pontilical dit que; saint Hygin fut
enterré auprès de saint Pierre h; W décem-
l)re. Anastase dit (pie ce fut le 11 janvi(M-,
au(juel le Martyrologe; romain et (piehpies
autres nouveaux on manpieiit la fête. Adon,
Nolker el (pi(;l(|ues autr(;s plus anciens la
mettent le 10. Il y en a (jui marquent (]uo
c'est le jour de sa mort el qu'il fut ent(jrr6
le lendemain. Les nouveaux l'honorent du
titre de martyr, et Molanus, l'un de ceux-ci,
dit qu'on le donne îi ce ])ape et à quelques
autres, parce; qu'ils ont beaucoup souffert
pour Jésus-Christ. Les plus anciens ne lui
donnent aucun titre, el (luehiues martyro-
loges, dont l'un est écrit il y a plus de cinq
cents ans, le qualihent confesseur. On peut
assurer (jue saint Irénéo n'a point su qu'il
fût martyr. On lui attribue quelques ordon-
nances dont Bollandus ne veut point se ren-
dre garant. (Tillemont, t. II, p. 252.)
HYLAS, père de saint Vit (ou saint Guy),
ayant appris que son fils avait reçu de Cres-
cence, sa nourrice, les principes de la foi
chrétienne, et qu'il en pratiquait les com-
mandements, entra dans une violente co-
lère. Après avoir fait lui-même soufTrir à
son fils les supplices les plus cruels pour le
contraindre à embrasser le culte des idoles,
il poussa la cruauté jusqu'à le livrer à Va-
lérien, gouverneur de la Sicile. On peut voir
le détail de ces faits aux articles de saint
Vit et de sainte Crescence. Ils se passaient
au commencement du iv siècle.
HYPACE (saint), martyr, évêque d'Asie,
versa son sang pour le culte des saintes ima-
ges avec saint André, prêtre, sous l'empe-
reur Léon risaurien. On enduisit leur barbe
de poix, puis on la brûla. Enfin 15 peau de
leur tête fut enlevée, et ils furent égor-
gés. On ignore la date précise de leur mar-
tyre. L'Eglise honore leur mémoire le 29
août.
HYPACE (saint), confesseur, souffrit pour
la foi en Phrygie. Malheureusement les Ac-
tes des martyrs ne nous ont conservé aucun
document sur lui et sur les circonstances
qui illustrèrent sa courageuse confession de
la religion chrétienne. L'Eglise fait sa mé-
moire le 17 juin.
HYPACE (saint), martyr, soufTrit à Cons-
tantinople pour la foi avec Lucillien , an-
cien prêtre d'idoles, et trois autres enfants
de son âge, Paul, Denis et Claude. {Voy, Lu-
cillien pour plus de détails.)
ICONE, aujourd'hui Konieh, ville de l'Asie
Mineure, en Phrygie, sur les confins de la
Cilicie. C'était la capitale de la Lycaonie.
Saint Paul et saint Barnabe furent obligés
d'en partir, parce que le peuple voulait les
lapider. Sous l'empire d'Aurélien, un oUlcier
DicTioNN. DES Persécutions. I.
nommé Domitien, envoyé par le prince pour
persécuter les chrétiens, fit comparaître à
son tribunal saint Conon et son fils, et leur
fit souffrir les plus épouvantables supplices.
11 les fit étendre sur le lit de fer embrasé, sur
les charbons ardents arrosés d'huile. Il les lit
38
1193
ICO
m
iiytt
ensuite plonger dans une chaudière pleine
d"huile bouillante, et leuc lit coufior les luains.
L'atrocité de pareils supplices va bieu à ce
nom de Domitiea. Du reste, celui qui le por-
tait était un descendant du tyran An inômo
nom (|ui persécuta si violeunnent rE;ilise.
ICONOCLASTKS (brisL'ursd'imigesj, secte
religieuse, qui prit naissance au \' siècle,
sous leuipereur Zenon. Elle regardait com-
me u le idolAliie le culte qu'on rendait aux
iniag -s, et poursuivait ce culle avec achar-
nement. Le iM'emier (jui s'avisa de prétendre
que rendre des honneurs auv iniages, c'était
les adorer, et par conséquent commettre un
crime, fut un nommé Xénaiasou Philovène,
que Pierre le Foulon avait nommé évèque à
la place de Cynis d'H;éraple. Ce Xéiiaias
était Persan d'origine: il avait été chassé de
son pays par le patriarche CalenJion, parca
que, prêchant des doctrines subv.rsiv;,'s de
la foi, il produisait de l'agitation parmi le
peuple. Quand il fut établi évèq le d'Hiéra-
ple, |>lusieiirsévè(pies persans s'en émurent
et vinrent dire qu'il n'était autre qu'un es-
clave fugitif, et que même il n'était pas bap-
tisé. Pierre ne s'en mit pas en peine, et pré-
tendit que l'ordination épiscopale pouvait
très-bien lui tenir lifu de baplèiue. Entre
otitres doctrines hétérodoxes qu'il prêcha,
Xénaïas soutint ({ue le culte rendu aux ima-
gos était idolàlri([ue. 11 disait que les anges
étant incorp»rels , il n'était pas permis de
leur donner das corps, rd de les [)eiiidre en
figure humaine. Que ce n'éttit |)Oint honorer
Jésus-Christ que «le dépeindre son image, et
qu'il n'y avait iiueTadoi-ation en esj)rit et en
vérité (|ui lui fût agréable. Qae c'était une
imagination puérile de faire des colombes de
relief pour représenter le Saint-Esprit. Car,
disait-il, il no s'est [)as fait colombe, il a
seulement paru en cett(! forme une seule fois,
sans en [)rendr3 la substance. Sa pratique
était conforme h sa doctrine. U etlaça en
plusieurs endroits les images des anges et
cacha celle de Jésus-Christ dans les lieux
secrets. (Fleury, vol. 11, p. 517.)
C'était en Wo ou W6 que Xénaïas atta-
quait ainsi le culie des images. Il eut d'a-
bord très-peu de sectateurs, et ceux ({ui sui-
virent ses idées furent longtemps traités par
l'Eglise connue des gens sans iuq)orlan:;e.
Ce ne fut qu'en 727 que cette hérésie parut
avec for.-e, et devint a la fois une |)er>écu-
tion contre lEglise et un véritable danger
jtour la foi d'un grand nombre. Durant l'étî
de l'année 116, un volcan sou -ma/an lit
une violente éruption dans l'Archipel, entre
ïes îles Théia et Thérésia. La mer, Ixniillon-
nant avec fure ir. [ir'sentail eu C(!t endroit
ras[)ect d'une véritable lempêie; et de son
sein sortait nue iuunensc.' quanliti-ch; pierres
ponces , (pii étaient lancées de tous côtés
sur le-> terres voisines des deux continents
d'Asie et d Europe. Cette éruption volcani-
que pioiuisii une ile nouvell.i, (]ui se mon-
tra pK'sde celle d'iliéia. Ouoifjue de|)areils
aceitlents lussttnt assez fré(pients, l'enjpereur
Léon risauricn, (jui régnait alors, iirit cela
pour un [)rodige annonçant l.i folèr.- du
ciel, irrité, pensait-il, à cause du culte que
les chrétiens rendaient aux images. On pré-
tend (juMl avait reçu celte idée des musul-
mans. 11 y fut coniirmé par un nommé Be-
ser. Syrien, né de chrétiens, qui, étant pris
par ces intidèles, avait apostasie et embrassé
leur religion, et depuis, étant délivré, était
revenu chez les Uomains. L'empereur Léon
en faisait cas à cause de la force de son
corps et de la conformité de leurs senti-
ments. Il fut encore appuyé dans cette erreur
})ar Constantin, évèque de Nacolie en Phry-
gie.
Donc, après la dixième année de so^i
règne, l'an de Jésus-t^hri^t 727, ayant assem-
blé le peuple, il dit publiquement que faire
des images était un acte d'idolAtrie, et que
par conséquent, on ne devait pas les adorer.
Le peuple gémit à ce discours ; l'empereur
n'en dit pas davantage alors, et tâcha de don-
ner un autre sens h ses paroles; mais saint
Germain, patriarche de Constant! no, de, lui
résista fortement, soutenant que les images
avaient toujours été en usage dans l'Eglise
et déclarait (ju'il était prêt à mourir pour
leur défense.
11 essaye aussi de ramener à la raison les
évoques qui étaient dans 1« s sentiments de
l'empereur, particulièrement Constantin,
évèque de Nacolie, auteur de'cette hérésie.
Nous avons tiois lettres que Germain écinvit
sur ce sujet. La première ù Jean, évoque de
Synnade en Pln^ygie, mélroi'Olitain de Cons-
tantin, oij il dit : « Le pati ice Taraise m'a
rendu votre lettre oii vous [)arlez de l'évê-
que de Nacole. Je vous déclare donc qu'a-
vant que je l'eusse reçue, cet évèque étant
venu ici, nous eiitràuies en discours, et j'exa-
minai son sentimtrU touchant ce que j'avais
OUI de lui. Et voici la défense, car il faut
vous dire tout en détail. Aii;si, ayant ouï,
dit-il, ces larolosde l'Ecri'ure : 'lu ne feras
aucune image pour l'adorer, soit de ce qui
est au ciel, soit de ce qui est sur la ter''e :
j'ai dit qu'il ne fallait j)oint adorer les ou-
vrages des honnnes, mais au reste nous
croyons les saints martyrs dignes de tout
honneur, et nous imploions h'ur i iterccs-
sion. Je lui répondis : La foi chrétienne, son
culte et son ado.ation, se rapportent h Dieu
seul, connue il e^t éciit : 'lu adiueias le Sei-
gneur ton Dieu et tu le sers iras seul. C'est
à 1 li seul que s'adi-esse notre doxologie et
notre eu te. Lad(»xologie est celte (>rièr..' que
l'Eglise ré|jète si souvent : « Gloire soit au
Père ( t au Fils et au Saint-Es|)ril. » Saint
Germain continue : Nous n adorons |)oiulde
créatures, h Dieu «le plaise ; et nous ne rei-
dons point j^i des serviteurs comme nous le
culte (pii n'est dit (ju'ii Dieu. Qu.uid mms
nous proster nonsdevant les em; (nvursct les
lii'inces de la terre, ce n'est pas pnin- les
adorer comme Dieu. Le prophèie Nathin
se pnisleina en teric devant David (jUi n'é-
tait (iii'un hoinmcet il n'(!n est point l'epris.
Et ([uand nous pirinetto is de faire de> ima-
ges, ce n'est pas poui- duninuer la perfection
(lu ciilio divin , car nous n'en faisons aucune
1197
ICO
ICO
1198
f»our roprésontor la diviiiiti'î invisible, que
es aiiiJi,cs iinMiies ni' pciivi'iit coiuineiulio.
Mais |uiis(iiie h; Fils do Dieu a i)ii'ii voulu
se laue niauuu' pour noire salut, mous taisons
l'iiuago (if sdU luMuaniU^ [)Our l'oilifL r nolro
foi, niontranl (ju'il n'a pas piis noire nalm-o
par iuiaginalioti, comme o:il ensoiL^né (jucl-
ques anciens liéicliqucs , miis rérllemcit
et vénlahiement. C'est à celte intentioM (juc
nous sahioi.s ces iniayes et (jug nous leur
rendons riionneur et le culle convenable,
pour nous rappeler la nu'njoire de son incar-
nation. Nous laisons de môme nour l'imago
do sa sainte Mère, niontrant qu étant l'enune
et de niCme naluie que nous, elle a conçu et
enfanté le Dieu lont-|)uissjnl. Nous admirons
aussi et nous estimons heureux les mar-
tyrs , les ap^Mres , les prophèies et tous
les autres saints qui ont étéviais seivilcurs
de Dieu, éprouvés par leuis bonnes œuvres,
par la piédic.Uioii de la vérilé et la pâli 'uce
dans lessoullVances, (|ui sont ses amis et ont
acquis u'i grand créiiit auprès de lui; et
nous peij;no'is leurs ima;;es en mémoire do
leur courage et du service agréable qu'ils
ont rendu à Dieu. Noa que nous prétendions
qu'ils pai'licipent à la nature divine, ni que
nous bur rendions l'honneur et l'adoiatiori
d ;e ù Dieu, mais pour montrer latiectiori
<^ue nous leur portons et pour foriitier par
la l'cintuie la créance des vérités que nous
avons ap})iises [)ai' les oreilles ; car étant
composés de chair 1 1 de sang, nous avons be-
soia d'assurer notre àme même par la vue.»
Sai U Germain conclut ainsi sa lettre :
«Nojs avons exposé tout cela à l'évêque de
Nacolie, qui l'a reçu et a déclaré devant Dieu
qu'il le tenait ainsi et qu'il ne dirait ou f< rait
rien qui pût scandaliser les peuples. Vous
ne devez dune point fatiguer les évéques de
votre province , ni vous scandaliser vous-
même parce sujet, mais seulement l'en-
voyer quérir, lui lire celte Isttre et l'obliger
à y donner son coris.^ntemeal. » Constaitin,
évoque de Nacolie, qui était porteur do celte
k'tire, la li U secrète et ne la rendit point à
so 1 métrop litain ; c'est pourquoi le patriar-
che Germain écrivit ainsi à Conslanlin lui-
même : « Jea 1, mélro|)olitain de Synnade ,
m'a écrit que vous no lui aviez pas rendu
ma loUre. Je suis furt allligé que vous ayez
été si peu touché de la crainte de Dieu, de
la ch:,riié et de l'honneur que les membres
de Jésus-Christ s;; djivont les uns aux au'.res.
C'est pou;quoi je vous en,oins de rend e par
vous-même inces>amment ma lettre [)récé-
dento à voire métropoinam, do vous sou-
meltre eut èrvnuent à lui suivant l'ordre de
répiscoj)al, et de pcn^sévérer dans la résolu-
tion que vous avez témoignée do suivre nos
sentimeits sans vous aj)|)uyersur votre i)ro-
pre sens ; car je crOiS q io vous n'avez pas
oublié que vous m'avez priéd a.ce,)ter votre
reuoncialion à ré,)isco,)at, sous prétexte (jue
l'oii voi.lait se soulever contre vous 'pour un
crime dont vous no vous sentiez pas coupa-
ble, assurant que vous n'aviez rien d.t, ni
rien fait d'injurieux à Notre-Seigneur, ni à
ses saints au sujet de leurs images, seule-
ment que vous aviez proposé la doctrine de
riù lilure : qu'il ne l'aui rendre à la créalure
antnin h«tin)cur divin. Jt; \oulus ce que j'é-
crivais iivolre métrojujlilain ; vous décInrÀles
(pie vous en étiez d'ac; ord, et je vous en don-
nai copie. Ne scandalisez donc pas le peuple
innocent, mais souvenez-vous du |( rrible
jugi'ment (h; Dieu co'»(i-e l(;s auleuis du scan-
dale, et sachez (}ue, jus(]u'àce (jue vous ,-\yez
rendu ma h ttre à votre métropolîtain , jo
vous déh'iids, au nom delas.iinle Trinité, de
faire aucune fonction d'évè(jue, car j'aime
mieux user de quelque rigueur que nie ren-
dre coiq)able moi-même d vanl Dieu. »
Le patriirthe Germain é.rivil encore à
Thomas, évêcjue de Cl^uidiopolis, qui s'était
déclaré contre les images; il lui dit entre
autres choses : « Vous avez été 1 ngtemps
avec nous, nous logions ensemble, voi.s iro-
posiez (}uel(|Uilbis des ([uestions de l'Kcri-
ture, sans (jue jamais vous nous ayez dit un
mol sur les ima.es des saints, de Jésus-
Christ ou de sa sainle Mère. Vous avez g.ndé
nu profond silence sur ce sujet. Toutefois,
j'iipprends (ju'étant de retour en votre ville,
vous avez fait ôter les images comme j^ar
ui:e commune résolution, un dessein arjôlé.
J'ai peine 5 le croire, mais je suis obligé de
vous en dire uion sentimcnl. S;juvencz-vous
premièrement que nous devons éviter en
tout les nouveautés, mais prinf:ij;alement
quand ce peut être une occasion de scandale
au peuple tidèle, et que l'on s oppose à une
coutume établie depuis ionglcra})S dans
l'Eglisa. D'ailleurs, nous devons réfuter les
calomnies que les inddèles ramassent contre
l'Egbse et montrer sa noble et divine immo-
bilité. Or, ce n'est pas d'aujourd'hui que les
Juifs et les vrais idolâtres nous ont fait ce
reproche, sans autre dessein que de noircir
notre foi ; car ils ne se soucient pas do nous
détourner des ouviages des hommes, eux
dont tout le culte y est attaché, qui ne con-
naissent rien au-dessus des choses sensibles,
qui ne font qu'abaisser en toutes manières
la nature divine, l'enfermer dans un lieu, et
la représenler par des images corporelles.
Quant aux Sarrasins ou Mu^u!mans, il leur
reproche la i)ierre noire de la maison Carrée
do la Mecque, qui est le principal objet du
pèlerinage. U s'étend ensuite sur la pureté
de la religion chrétienne qui n'a pour objet
d'adoration qu'un seul vrai Dieu invisible et
inaccessible rians sa gloiie Au coniiaiie,
dit-il, les idolâtres croient faire un dieu qui
n'é'.ait point auparavant, et quand il est dé-
truit, ils croient n'avoir plus do dieu, sil>
n'en font un aulie semblable. Les honneurs
qu'ils leur rendent îont pleins dedissolution
et de toutes sortes d'actions et de paioles
déshonnêios. Mais au contraire, les iiuages
dos saints qui sont chez les chrétiei;s ne
servent qu'à l-s <.'xciter à la voitu, comme
feraient les discouis des gens de bien ; car
la peinture est {l•^e histoire abrégée, (t tout
se rapporte à la gloire du Père céleste.
Quand nous adorons 1 image de Jésus-Christ,
nous n'adorons pas les couleurs appliquées
sur du bois; c'est le Dieu invisible qui est
1199
ICO
ICO
1200
dans le sein du Pure (]ue nous adorons eu
esprit et en vérité. Kt ensuite, depuis la lin
des persécutions, on a tenu plusieurs con-
ciles œcuméniques, qui ont l'ait des canons
sur des sujets bien moins importants (jue
celui des images. Cependant , ils n'auraient
pas dû le laisser sans examen, si cette an-
cieinie coutume nous ronduisait, comme
l'on prétend, à TidolAtrie contre la défense
des saintes Ecritures, et nous éloignait de
Dieu. Car celui qui a promis aux apôtres
d'être avec eux jusqu'à la tin des siècles, l'a
promis aussi aux é\ éques qui devaient après
eux gouverner l'Eglise. Et i)uisqu'il a dit
qu'il serait au milieu de deux ou trois, as-
semblés en son nom, il n'aurait pas aban-
donné de si grandes umltitudes réunies par
Je zèle de sa religion, sans leur commu-
niquer son insjnration et sa conduite, d'au-
tant i)lus que cette coutume n'est pas seule-
ment établie dans un petit nombre de villes
ou dans les moins considérables, mais pres-
que dans tous les pays et dans les premières
et les plus illustres Eglises. »
Il répond ensuite à l'objection tirée de
l'Ecriture, où Dieu défend de faire aucune
image de ce qui est au ciel ou sur la terre.
« Le sens, dit-il, en est manifeste , que la
nature divine est invisible et incompréhen-
sible, et qu'il ne faut pas s'imaginer qu'elle
ait rien de semblable avec les images corpo-
relles. Car après avoir dit : Vous n'avez vu
aucune image lorsque le Seigneur vous a parlé
sur le mont Jloreb, il ajoute aussitôt : Ne
vous trompez pas en faisant quelque sculp-
ture, et le reste : tant pour les faire souve-
nir du veau d'or (juc pour les détourner de
la coutume des Egyptiens qu'ils connais-
saient. C'est ce que dit saint Paul aux Athé-
niens : ([a'e'tant enfants de Dieu, nous ne de-
vons pas croire que la nature divine soit sem-
blable à Vor, à l'argent ou à l'ouvrage des
hommes. Or, nous ne reconnaissons qu'un
Dieu, nous n'adorons que lui et nous n'of-
frons qu'à lui le sacrifice par Jésus-Christ. »
Et ensuite : « Les chrétiens ne rendent au-
cun culte ni aucun honneur aux images de
leurs parents ou de leurs amis; mais, en re-
gardant l'image d'un saint, nous rendons
gloire à Dieu. » Et encore : « On ne doit
I)as être scandalisé de ce qu'on présente aux
images des saints des lumières ou des par-
fums. Ce sont des symboles de leurs vertus
pour signifier leur lumière spirituelle, et
rins[)iralion du Saint-Esprit. » El encore :
" Ce qui est bien iuiportant, c'est ({ue Dieu
a fait souvent des mii'acles sur de-s images
dont il y a plusieurs histoires, comme (les
guérisons des malad<;s, dont nous avons
nous-mêmes l'expérience, des charmes lom-
i)us, des apparitions en songe, (,'t ce cpii est
hors de doute (si sans contredit, l'image de
la sainte Vieige qui était à Soztjpolis de i*i-
sidie, a l'éjiaridu <le sa main peijite un |)ar-
fuin liijuidr',; il y en a |ihi,si(!urs lénioins. v
Il ne parle (pje des imag(.'s de la plate; pein-
ture, et il n'y en avait pas d'autres dans les
églises, suivant l'usage; que les (irecs con-
servt'ul encore, (^est j)Ourquoi >>d^i]\\. Ger-
main, i)arlant de la statue de bronze que
l'hémorroïsse dressa en l'honneur de Jésus-
Christ , ajoute : « Nous ne disons pas cela
pour dire que nous devions avoir des sta-
tues de bronze. » C'est ce qui m'a paru de
plus remarciuable dans ces trois lettres.
H ne manqua pas d'écrire au pape Gré-
goire ce qui se passait en une affaire si im-
portante, et le pape lui fit réponse par une
grande lettre où d'abord il le félicite sur la
vigueur avec laquelle il défend la doctrine
de l'Eglise. « Elle ne s'est jamais trompée,
dit le pape, quoiqu'on se l'imagine ; et cette
tradition n'a rien de commun avec la prati-
que des païens. Il faut regarder l'inti-ntion
et non pas l'action. Si les ))rophélies n'ont
pas été accomplies j)ar l'incarnation du Fils
de Dieu, il ne faut pas piïindrece qui n'a pas
été; mais puisque tout s'est passé réelle-
ment, qu'il est né, qu'il a fait des miracles,
qu'il a souffert, qu'il est ressuscité, [Oùt à
Dieu que le ciel, la terre, la mer, tous les ani-
maux, toutes les plantes , pussent raconter
ces merveilles par la parole, par l'écriture
ou par la peinture 1
« On appelle idoles les images de ce qui
n'est point et qui ne sul)sisle que dans les
fables et les inventions frivoles des païens.
Mais l'Eglise n'a rien de commun avec les
idoles; à Dieu ne plaise, nous n'avons ja-
mais adoré des vaches, ni le veau d'or, ni
regardé la créature comme un Dieu, ni reçu
les mystères de Béelphégor. Que si quelqu'un
veut imiter les Juifs en accusant l'Eglise d'i-
dolàtrie, à cause des vénérables images,
nous le regardons comme un chien qui aboie
en vain et nous lui dirons comme aux Juifs :
Plût à Dieu qu'Israël eût profité des choses
sensibles que Dieu lui avait ordonnées pour
le mener à lui ; qu'il eût aimé le saint autel
plutôt que les vaches de Samarie, la verge
d'Aaron plutôt qu'Astarte, et la pierre dont
l'eau était sortie plutôt que Baal. )j C'est
ainsi (jue l'Eglise romaine était d'accord
avec celle de Cousiantinople.
L'entreprise de renq)ereur Léon contre les
images lui attira une révolte des peuples de
la Grèce et des Cyclades, qui armèrent une
flotte sous prétexte de zèle pour la religion,
menant avec eux un nommé Cosme pour le
couronner em[)ereur. Les chefs de cette ar-
mée étaient Agallien (|ui connnandait en
Grèce, et Etienne. S'étant a[iprochés de
(^onstantinople, ils donnèrent une bataille le
18 aviil, indiclion dixième, l'an 727. Les
rebelles y furent entièrement défaits. Agal-
lien se j(!ta dans la mer tout armé; Cosme et
Etienne furent pi-is et eurent la tète tran-
chée. Ce succès encouragea l'empei-eur Léon
à [)ersé(;uler les calholiepies, et il lit de nou-
veaux elforls pour gagner le patiMarche Ger-
main, qui"s'élait déclaré conli'c li'> rebelles.
L'emp(;i'eur, l'ayant fait venir, employait
pour le persuader les naiHtles les plus llat-
leusos. Le patriarche lui dit : Nous avons
bien ouï dire «pie les saintes images de-
vaient être ôlées, mais non sous voire règne.
L('on l'ajanl pres.st! de dire; sous (piel empe-
reur, il répondit, sous Cunon. Léon reprit :
1201
ICO
ICO
fllOl
Il est vrai (|iir mon ikmh de l)a|»t^nio rsl
Conon. Ml le |iati iairlic iv|»iit : A Dieu no
l)laise, si^iKntMn-, ([iic cf mal s'accomplisse!
sous votre n^^no ! Celui (jui l'exéculrra esl
un persc^cutour clo ranteclu-ist, et tend à
renverser le niyst(>re do rincai-nation. En-
suite, voyant l'empereur irrité do ce dis-
cours, il ie lit souvenir de ce ([u'il avait pro-
mis il son couronnement, et conuiu; il avait
pris Dieu ?i témoin (pi'il ne chanijçerait rien
à la tradition de l'Kglise. L'emi)ereur n'eu
l'ut point touché, mais il continua de parler
au [)atriarclie i)Our en tirer, s'il [)0uyait,
(pielquc discours otfensant, alin de le l'aire
déposer comme séditieux. Il était aidé dans
ce dessein par Anastase, disciple et syncelle
du patriarche ; car il était dans les mômes
sentiments que remi)ereur, qui lui avait
promis tie le mettre à la |)lac(î de («ermain
.dans le siège de Constantinople. Le saint pa-
triarche, qui n'ignorait pas la mauvaise dis-
position d'Anastase, se contenta de lui re-
présenter sa trahison avec sagesse et dou-
ceur. Mais voyant que son égarement était
sans retour, il lui dit un jour, comme ils en-
traient chez l'empereur, et qu'Anastase l-c
suivant avait marché sur sa robe : « Ne vous
pressez point, vous m'entrerez que trop tôt
dans l'hippodrome. » Anastase fut troublé de
cette parole, aussi bien que ceux qui l'en-
tendirent ; mais elle fut vérifiée vingt ans
après, quand l'empereur Constantin fit dé-
poser honteusement Anastase, l'an Ikk ; car
ceci se passait en 729. L'empereur prit donc
en aversion le patriarche Germain, accusant
d'idolâtrie tous les empereurs ses prédéces-
seurs, tous les évoques et tous les chré-
tiens ; car il était trop ignorant pour com-
prendre la différence du culte relatif et ab-
solu. Et il ne condamnait pas seulement la
vénération des images, il rejetait encore
l'intercession des saints et avait leurs reli-
ques en horreur.
\u commencement de l'année suivante, le
7 janvier, il tint un concile où il fit un dé-
cret contre les images, et voulut obliger le
patriarche d'y souscrire ; mais le saint vieil-
lard le refusa courageusement et aima mieux
renoncer à sa dignité. Il ôta son pallium
et dit entre autres paroles dignes d'un doc-
teur de l'Eglise : « Il m'est impossible, sei-
gneur, de rien innover contre la foi sans un
concile œcuménique. » L'empereur, irrité,
envoya au oalais patriarcal des officiers ar-
més, pour 1 en chasser à coups de poings et
avec outrage, quoiqu'il fût âgé de quatre-
vingts ans. Il se retira dans sa maison pater-
nelle, au lieu nommé Platanie, pour y prati-
quer la vie monastique , laissant dans une
extrême désolation la ville de Constantino-
ple, dont il avait tenu le siège quatorze ans,
cinq mois et trois jours. Il finit saintement
ses jours dans cette retraite, et l'Eglise ho-
nore sa mémoire le 12 mai. Les Grecs hono-
rent le même jour l'abbé Etienne, que saint
Germain fit venir de Palestine pour réformer
les moines de Constantinople, et le 26 juin,
ils font mémoire de Jean, évêque des Goths,
d'au delà du Pont-Euxin, que ces peuples,
npi'és l'avoir élu, cnvoyêrenl h saint Ger-
main pour l'ordonner ; mais craignant qu'il
ne l'iU iidccté |)ar le commerce des héréli-
• pies, il l'envoya en Ibéric! pour être sacré
par les évê([ues du )>ays, (pii le jiouvaient
mieux connaître. Saint Germain avait com-
posé un ouvrage (pu; nous n'avons plus, où.
il (h'Iendait saint (îrégoire de Nysse contre
ceux (]ui l'accusaient d'origénisme, et on lui
atlribne quel({ues écrits que les meilleurs
critiqu(!s croient être d'un autre Germain ,
patriarche de Coirstantinople, plus nou-
veau de cinq cents ans.
Sitôt qui! saint Germain ont été chassé ,
le 22 janvier 730, Athanasc fut ordonné pa-
triai'che de Constanlino[)le, et mis en pos-
session à main armée. Il donna tout pouvoir
à la cour sur l'Eglise, et l'empereur Léon, se
sentant ainsi autorisé, commença h faire exé-
cuter par force son décret contre les ima-
ges.
Le gi'and palais de Constantinople avait
un vestibule, nommé Chalqué, parce qu'il
était couvert de lames d'air'ain et proche de
la place nommée Calcapratéa, c'est-à-dir-e le
mar'ché au cuivre. Bans ce vestibule était
élevée une image de Jésus-Christ sur la
croix, qui était en vénération singulière. On
disait que le grand Constantin l'avait fait
faire en mémoire de la croix qui lui apparut
au ciel, et on en racontait plusieurs mira-
cles, entre autres celui-ci : Un marchand,
nommé Théodore, ayant perdu tout son bien
par un naufr-age, emprunta cinquante livres
d'or à un Juif nommé Abraham, et lui donna
pour caution Jésus - Christ représenté en
cette image ; apr'ès quoi, il fit un voyage
très-heureux : le Juif se convertit, et on
nomma cette image antiphonétcs, c'est-à-dire
le répondant. L'empereur Léon voulut com-
mencer par cette image, et envoya pour l'a-
battre un de ses écuyers nommé Jouin. Des
femmes qui se trouvèrent présentes s'effor-
cèrent par leurs prièr-es de le détourner de
ce sacrilège ; mais sans s'arrêter à elles, il
monta à une échelle et donna trois coups
de hache dans le visage de cette image. Les
femmes tirèrent l'échelle, firent tomber Jouin,
le tuèrent sur la place et le mirent en pièces.
Toutefois l'image fut abattue et brillée , et
l'empereur fit mettre à la place une simple
croix avec une inscription , pour marquer
qu'il en avait fait ôter l'image ; car les ico-
noclastes honoraient la croix, pourvu qu'elle
n'eût pas de crucifix ; ils n'en voulaient
qu'aux images qui avaient figure humaine.
Les femmes qui avaient massacré Jouin
coururent au palais patriarcal, et jetant des
pierres, elles criaient contre Anastase : «In-
fâme ennemi de la vérité ! as-tu donc usurpé
le sacerdoce pour renverser les choses sa-
crées ? » Anastase, outré de cette insulte, cou-
rut à l'empereur, et obtint que ces femmes
fussent punies du dernier supplice. On fit
mourir aussi dix autres personnes, huit hom-
mes et deux femmes , pour cette même
image, et l'Eglise grecque les honore comme
martyi's le 9 août. Plusieurs chrétiens d'Oc-
cident furent témoins de cette violence ; il y
1203
ICO
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1204
en avait de Rome , de France, du pays des
Vandales, de Mauritanie, de Guthie, et ils
portèrent chez eux ces tristes nouvelles.
Comme l'eiopereur Léon était igiorant, il
persi'cuta [irincipalemenl les gens d'étude et
abolit lésée lesdes saintes lottresquiavaie'it
sulj-^islé dejjuis !e grand Conslantin. 11 y
avait à Con->laiilinople, près du palais, une
bihiiotliè pie f «n lée pir les eini)er.Hn'S, co'i-
tenani plus de 30,090 volume-'. L'j IjibLothé-
caire, nommé Lavum 'ui'jue, était un homme
d'un mérite distingué , et il en avait douze
autres sous Uii, qui en>eignaieiit grdt .ite-
ment la religion et les sciences profanes.
Leur mérite ét.n't si reconnu, ({u'il n'était
pas permis, môme aux empereurs, de rien
faire d'extraordinaire sans les consulter.
L'empereur Léon lit son possible, par mena-
ces et par promesses, pour les auiener à son
opinion t juchant les images ; mais enfu), dé-
se-|)é:antd'y réussir, il fit entourer la biblio-
"Ihèque d •fas^.ines eijjebois sec, et la brûla
avec les liv.es et c 'U\ ([ui losgurdaienL En-
fin, il voulut obliger, tant par la violence que
par les caresses, tous les 'labitants de Cons-
tmtinop|.i à ote,- toutes les imagos de Jé.-.iis-
Christ, de la A"ierge et (k^s sai'its, quelque
part qu'elles fussent, les br.lku" au milieu
de la ville et blanchir toutes les égi.ses pein-
tes. Et coiimie p'usieurs refusaient d'obéir,
on coupa la tôte à qu;'lques-u is , d'autres
furcTt mutilés do (Quelque partie du corps.
Plusieurs, tant cI'mcs ipie moines et simples
laïques, souifrireii' le marcyre en cette occa-
sion.
La nouvelle de cette persécution étant por-
tée en Italie, on abattit les in]\ges de l'em-
pereur, on les foula aux pifds, «-t les Lom-
bards, profilant de l'occasion, firent des cour-
ses dans la Pentapole. Dès l'onzième indic-
tion, c'est-à-dire l'an 728, les Lombards
ayant surpris Sutry en Toscane, le pa[)e lit
tant envers le roi Luilprand, par letires et
par présents, qu'il rendit la pi ice, quoique
dépouillée de tout. Mais ensuite il convnit
avec l'exarque Eutychius de joindre leurs
forces, aiin que le roi [xlt soiunettre à son
ob.'-iaSîince K-s dufs de Spolète et de Béné-
venl, et que l'exarque se rendît maître de
Rome |>our exécuter les drdros (pi'il av.iit
depuis longtemps contre la personne du
paj)e. Le roi , ayant soumis les deux du(;s,
vi it aux portes de I\ome, d'où le pape sor-
tit, et lui [larla si f irlement que le roi se
prostern-i à ses pieds ol promit de ne faiie
ma! à t)ersonne. Il (Ma mènif ses armes, et
ujit devant lecor|)s de saint Pierre son man-
t au, sou baudrier et son épée dorée, une
couronne d'<u' et une croix d'argent. Après
avoir fa l sa prière, il demanda an pape de
vouloir bi<'M riicevoiraus^i l'exar pieà la paix,
cequi fut fait. \j' roi Luitprand S(! reliriainsi,
et l'exanpui Lulychins entia dans Honn;.
'l'andis (pi'il y séjf)urntil, Tibè/e , sur-
nonnné Pélase, se n-volta dans II Toscane,
voulant se faire reconnaître emocieur, et at-
tira h sou p.iiii trois \ill(;s, ,M;i iliire, Luno
Cl biède, rpii lui pré|èr«rit .-.eiinenl. L'exar-
que, eunuque et timide en fut fort /darmé;
mais le pape I encouragea et envoya avec
lui et avec son armée les premiers du clergé.
Ils arrivèrent à Manlure où Pétase fut tué
et sa tète envoyée à (k)ns!anliiiople. Toute-
fois, l'empereur ne s'ajiaisa pas enveis les
Komains, Ensuite ayarl fait son décret con-
tre les inwges, il l'envoya à Home, promet-
tant au pape, s'il acquiesçait, de le recevoir
en ses bonnes gi Aces, nonobstant tout le passé,
et le menaçant de le faire déposer s'il emj)è-
chait l'exécution de ses <.rdres. M^is le pape,
voyant l'imiiiété de ses ordonnances, se pré-
para 5 résister h l'empereur comme à un
ennemi de l'Eglise, et écrivit de tous cotés
aux lldèles pour les préserver de celte nou-
velle erreur. Les [)eu|iles de la Pentapole et
l'armée de la Vénétie rejetèrent l'ordre do
rem|)ereur , et déclarèrent (ju'ils combat-
traiiiut vigoureusement pour la défense du
pape. Ils analhématisèrent Paul, exarque de
Ravenne , celui qui l'avait envoyé, c'est-à-
dire l'empereur et ceux (pii lui obéissaient.
Ils se choisirent des chefs ; et enlin toute
l'Italie, par délibération commune, lésolut
d'éiire un autre em;iereur et de le mener
à Constantincple. Mais le pape, espéiant la
conver^ion de Léon, arrêta i'eiécution de
ce dessein.
Cependant Exhilaraf, duc de Najdes, avec
son fils Adrien, étant maître de la Campanie,
persuada au peuple do cette province d'o-
béir à l'empereur et de tuei- le pape ; mais les
Romains le prirent avec son lils et les tii-ent
mourir t(ms deux; ensuite ils chassèrent
Pierre, duc de Rome, disant qu'il avait éciit
à l'empereur contre le pape. A Ra\enne, le
peuf)le fut divisé : les uns tenaient le parti
de î'empoi'eur, les autres celui du pape et
des calholiques ; ils en vinrent aux mains et
tiièr.Mil le patrice Paul, exarque de Ravenne.
Plusieurs places de l'Emilie , et Auxumo
dinsla Pentapole, sa rendirent aux Loin-
b.ird-^. Enfin, ils prirtnit Kavenne même ,
comme il paraît par une lettre du pape Gré-
goire II, à Ursus, duc de Venise, ou plutôt
de la province de Ravenne, nommée Véné-
tie, où il dit : Pnis(iue pour nos jiéchés la
ville de Riv. une a été prise par la nation
infAme des Lombards, et (pie Vexarcpie de-
meure à Venise comme nous l'avons api>iis,
vous devez vous joiudi'»! à lui et combattre
avec lui pour nous, afin ipie Ravenne soit
rendue à l'empire, et innuise sous lobéis-
sane(; (h; nos maî!r(^s, Léon et Consianlin.
D'un nuire eùl(\ l'fMupereur envoya à Naples
le patrice lùilych us, eiiniKjue, (pii avait été
exar(pii! de llaveime. Celui-ci envoya un de
ses gens à Rome avec ses lettres, p(u-lant or-
dre (le thor le pape et les premi(n-s de la
ville; ce (pii ayant été déc()uv(il, les Ro-
mains voulaieiit tuer le patrici» Ini-mi^me ;
mais le papo s'y opposa si iorl(nn(nu, (ju'il
riMiioècha. Ils analliémalisèi'(»nt donc le pa-
trice Eutvchius, et s'obli.^èr.iit Ums par s.n-
meni, giiuids et jiolils, à mourir |ilul(M (jno
de pinniietlre nue l'on fit au( un mal nu papo
(pii défendait la foi a\ec lam de zèle. Le pa-
trie; • iMitychiiLS (nivoya des députés au roi
Luitiiranil et aux ducs des Lombards, leur
1205 ICO
nromeltant de grandos sommes s'ils vou-
laient ahamionnci- lo papo. Mais connaissaut
la mauvaise voloiiti^ du padin- par ses Icl-
trcs, ils se joiguireiit aux Uomains et liieiit
le m(Mntî serment pour la déi'ense du pane.
Grégoire, d ' son vMé, pour salUrer un plus
grand seeoin-s de la put de Dien, répandait
de tr(\s-ji,ra'ides aumùiu^s, s"ap iliinuiil h la
priùre et au jtMlne, et faisait tous les jours
(ivs processio'is. Kt (]U()i(iu'il es|t6rAt en Dieu
plus (ju'aux hommes, il ne laissait pas (le
rendre gi'Aees au peuple de s\ boiuie volonté ;
i; l'exliorlaii doueemenl h l'aire des pro.^rés
dans la v(>rtu et b covsei'ver la foi , mais en
même temps ,^ ne pas se départir de l'alVee-
tion et de la titiélilé. ([u'il devait h l'empire
romain ; et toutefois les Clrecs ont aeeusé le
pape Oiiéiioire 11 d'avoir soustrait l'Italie h
l'obL^ssanee d ' l'empereur , mais il en faut
plulùl croire ceux qui ont écrit en llalio.
Le nouveau [lati-iarelic de Conslantinople,
Anastaso , envoya sa lettre synodique au
pape Clrégoire Il,qui, le voyant soutenir l'hé-
résie des iconoclastes, ne crut pas le devoir
reconnaître pour soi confrère*; mais il lui
écrivit [)our l'avertir que s'il ne revenait à
la foi catholique, il serait piivé du sacerdoce.
Le pape Grégoire II ne survécut pas long-
temps, et fut enterré h Saii t-Pierrc, le 13
février, iuiliction quatorzème, l'an 731,
après avoir tenu le saint-siége quinze ans,
huit mois et huit jours. Il lit cinq ordina-
tions, quatre au mois de septcudjre, et or-
donna trente-cinq préti-es et quatre diacres,
outre cent cinquante évoques. 11 fit faire un
calice d'or orné de pierreries, du poids de
trente livres , et une patène d'or, de vingt-
huit livres et demie. 11 donna au clergé et
aux monastères deux mille cent soixante
sous d'or, et deux mille pour le luminaire
de Saint Pierre. L'Eglise l'honore entre les
saints le 13 février.
De son t:>mps, il y eut quelques différends
entre les évéques de Frioul et de Grade. Sé-
rénus, évêque (le Frioul, ayant usurpé quel-
ques droJs sur Donat, patriarche de Grade,
le pa[)e Grégoire il lui écrivit en 729, lui re-
présentant qu'il lui avait accordé le pallium
à la prière du roi des Lombards, mais à con-
dition de se contenter de ce qu'il avait pos-
sédé jusqu'alors , sans faire aucune entre-
prise sur i)ersonne. 11 lui enjoint donc de se
contenir dans ses bornes, qui étaient celles
do la domination des Lombards. 11 écrivit
aussi à Donat, patriarche de Grade, aux évo-
ques, au duc Marcel et au peuple de Véné-
tie et d'Istrie, les avertissant de prendre
garde que les Lombards ne profitassent de
ce différend entre les évoques, pour en-
treprendre sur leur pays. Sérénus était pro-
prement patriarche d'Aquilée , résidant à
Frioul, et Donat, patriarche d'Aquilée, rési-
dant à Grade, sur les terres des Romains.
Après la mort de Sérénus, Calliste, homme
noble, archidiacre de Trévise, fut ordonné
patr arche d'Aquilée à Frioul avec la faveur
du roi Luitprand. Il y avait à Frioul un évo-
que particulier qui était alors Amator, et le
patriarche, sujet des -Lombards, ne pouvant
ICO liOG
demeurer h t'rionl, paret; (ju'il eiU été trop
exposé aux incursions 'tes Uomîiius, demeu-
rait h Cormone. (Calliste, lier de sa noblesse,
en fut cho(pié et ne |)ul soulliii' ([U(i cel évô-
(pie (lemcurAt dans la eajtilale avec le duc et
les Lombards, tandis (pi il était avec le petit
p(ni|»lc. il fil (loin; en sorte de clia-ser Ama-
tor de la vile de Frioul, et s'établit da 's sa
m liso 1. l*emmo, qui élailalorsducde Frioul,
en fut irrité, et de concert avec plusieurs
Lombards, il prit le [)atriarclie Callisie , le
mena en un chAleau nommé Ponce, sur le
bord de la mer et l'y voulut pré.ipiler; mais
il se coiiKînta de le mettre en prison où d
ne lui donnait que du pain. Le roi Luitprand
l'ayant appris, entra en grande colè.e, ôla le
duché à Pemmo et le donna h son lils Ka-
chis.
Après la mort du pa; e Grégoire II, lo
saint-siége ne va(|ua (pie trente-cinq jours ;
car lorxpi'on faisait ses funérailles, tout lo
]!euple de Uome, comme par inspiration di-
vine, enleva de force le jjiètre (irégoire qui
Y assistait, et l'élut pape. C'était un Syrien
très-doux, très-sage et bien instruit des
saintes Ecritures, il savait les psaumes par
cœur, et s'éiait exercé à en pénétrer les sens
cachés ; il savait le grec et le latin, parlait
bien, prêchait avec force et agréraini. Il
était grand amateur d's pauvres et donnait
l'exemple do toutes les vertus. Il tint lo
siège dix ans et neuf mois. Les anciens au-
teurs le nomment souvent Grégoire le Jeune
et le confondent quelquefois avec son pré-
décesseur, priiiripabnuent les Grecs.
Le pape Grégoire III, dès le commence-
ment de son pontifical, écrivit à l'empereur
Léon, pour répondre aune lettre qu'il avait
écrite à lui ou à Grégoire II. La réponse du
pape commence ainsi : « Nous avons reçu,
pendant la quatorzième indiction de votre
règ-ie, la lettre de Votre Majesté de la même
Indiction , et celle de la quinzième, de la
ptemièreet des suivantes jusqu'à la neu-
vième. » Pendant le règne de Léon , l'indic-
tion quatorzième ne se rencontre qu'en l'an
731 ; mais par la quinzième et les neuf
suivantes, il faut entendre les dix jiremiè-
ros années de son règne, pendant lesquelles
il parut catholique. Le pape continue : « Nous
gardons soigneusement vos lettres dans l'é-
glise de Saint-Pierre avec celle de vos j.ré-
décesseurs. Dans ers lettres, scellées de vo-
tre sceau, et souscrites de votre main avec le
cinabre, vous confessez notre sainte foi dans
toute sa pureté, et vous déclarez maudit qui-
conque ose contrevenir aux décisions des
Pères. Qui vous oblige donc maintenant
à regarder en arrière, après avoir si bien
marché dix ans durant ? Pendant tout ce
temps, vous n'avez point parlé des saintes
images, et maintenant, vous dites qu'elles
tiennent la place des idoles, et que ceux qui
les adorent sont des idolAfres. Vous ordon-
nez de les abolir entièiement et vous ne
craignez point le jugement de Dieu, en scan-
dalisant non-jculement les fidèles, mais les
infidèles. Pourquoi, comme empereur et
chef des chiétiens, n'avez- vous pas inter-
1207
ICO
ICO
1208
rogé les liomnies savants et pleins d'expé-
rience? Ils vous auraient appris pourquoi
Dieu a défendu d'adorer les ouvrages des
hommes. Les Pères, nos maîtres, et les six con-
ciles nous ont laissé cette tradition, et vous
ne recevez pas leur témoignage. Nous som-
mes obligé, parce que vous êtes grossier et
ignorant, de vous écrire des discours gros-
siers, mais pleins de sens et de la vérité de
Dieu. Nous vous conjurons de quitter votre
])résomption et votre orgueil, et de nous
écouter liumblement.
« Dieu a ainsi parlé à cause des idolâtres
qui habitaient la Terre promise et adoraient
des animaux d'or, d'argent et de bois, des
oiseaux et toutes sortes de créatures, et di-
saient : Voilà nos dieux, et il n'y en a point
d'autres. C'est pour cela que Dieu a défendu
les ouvrages des hommes, nuisibles et mau-
dits, inventés par le démon. iMais il y en a
que Dieu même a ordonnés pour son ser-
vice, comme les tables de la loi, l'arche et
les chérubins. N'était-ce pas des ouvrages
de mains d'hommes? Dans les derniers
temps. Dieu a envoyé son Fils qui s'est in-
carné, aparudans Jérusalem, a fait plusieurs
actions sensibles. Ceux qui l'avaient vu
l'ont peint comme ils l'avaient vu. On a
peint de môme saint Jacques, |)arent de No-
tre-Seigneur, saint Etienne et les autres mar-
tyrs. Ces images s'étant répandues" par tout
le monde, on a cessé d'adorer le démon
pour les adorer, non d'un culte de latrie,
mais d'un culte relatif.» Et ensuite : « Pour-
quoi ne peignons-nous pas le Père de Jésus-
Christ ? Parce qu'il est impossible de pein-
dre la nature divine. Si nous l'avions vu,
nous le peindrions de môme, et vous diriez
que c'est une idole. Vous dites que nous
adorons des pierres, des murailles et des
planches. Il n'en est pas ainsi, seigneur; c'est
])Our nous faire souvenir de ceux dont ce
sont les noms et les images, et pour élever
en haut notre esprit rampant et grossier.
Nous ne les regardons pas comme des dieux :
à Dieu ne plaise ! nous no mettons pas notre
espérance en ces images. Mais si c'est celle
de Notre-Seigneur, nous disons : Seigneur
Jésus-('hrist,Fils de Dieu, secourez-nous, saii-
vez-nons . Si c'est celle de sa sainte Mère, nous
disons : Sainte Mère de Dieu, priez votre Fils
(juil sauve nosâmes. Si c'est d'un martyr: Saint
Ftienne, qui avez répandu votre sany pour Jé-
sus-Christ, et quiavez auprès de lui tant de cré-
dit comme premier tnartyr, priez poumons.»
Et ensuitii : « Nous aurions pu, comme
ayant la f)uissanco (;t l'autorité de saint
Pierre, prononcer des peines contre vous;
mais puisque vous vrjus èt<'s donné vous-
même la malédiction, (pi'elhî vous demeure.
\'A ensuite il vaudrait mieux (pir- l'on vous
iiommAl héiétiijue (|ue persécuteur et des-
tructeur des saintes images. Mais h; nom
d'héréliqu(; ne vous convient pas, puisque
vous combattez ce qui est claii' conum; la
lumière. Ayant un si grand évé(pi(! <pi(! no-
tre confrère le seigneur (îermaiu, vous de-
vir'Z le consulter eomme votre [ȏi(', lui qui
a une «i grande expérieuco des atlaires ec-
clésiastiques et politiques, à présent Agé de
quatre-vingt-quinze ans, qui a servi tant
de patriarches et d'empereurs. Vous l'avez
hiissé [)our écouter ce méchant et insensé
Ej)hésien, hls d'Apsimare, et ses semblables,
comme Théodose, évôipic d'Ephèse, l'un des
chef des iconoelastes. » Le pape rapporte en-
suite l'exemple de Constantin Pogonat, qui
lit assembler le sixième concile et le lit exé-
cuter en s'y soumettant le premier, puis il
ajoute : «Vous voyez, seigneur, que les déci-
sions de l'Eglise n'appartiennent pas aux
empereurs, mais aux évoques. C'est pour-
quoi, comme les évoques qui sont préposés
aux Eglises s'abstiennent des affaires pu-
bliques, les empereurs doivent s'abstenir
des alfaires ecclésiastiques, et se contenter
de celles qui leur sont conhées. Mais la con-
corde des empereurs et des évêques fait une
seule puissance quand on traite les affaires
avec paix et charité. »
«Vous nous avez écrit d'assembler un con-
cile œcuménique : il ne nous semble pas à pro-
pos. C'est vous qui persécutez les images,
arrêtez, et vous tenez en repos, le monde se-
ra en paix et les scandaies cesseront. Sup-
posez que le concile est assemblé ; où est
l'empereur pieux, pour y prendre séance
suivant la coutume, récompenser ceux qui
parleront bien, et poursuivre ceux qui s'écar-
tent de la vérité ? Vous-même êtes rebelle,
et agissez en barbare. Ne voyez-vous pas
que votre entreprise contre les images n'est
que révolte et présomption? Les Eglises
jouissaient d'une i)aix profonde, quand vous
avez excité les combats et les scanda-
les; cessez, et il n'est [jas besoin de concile. »
11 lui marque ensuite comme tout l'Occi-
dent est révolté contre lui, depuis qu'on y
a appris les violences qu'il a commises à
Constantinople. On a jeté, dit-il, par terre
vos images, on les a foulées aux pieds. Les
Lombards, les Sarmates et les autres peu-
ples du Nord ont fait des courses dans la
malheureuse Décapole, et ont pris Ravenne
même, dont ils ont chassé vos magistrats
et en ont mis de leur part. Us veulent traiter
de même vos places les plus proches de
nous et Rome aussi, sans que vous puis-
siez nous défendre. Voilà ce que vous vous
êtes attiré i)ar votre imprudence.
« Vous croyez nous épouvanter en disant :
J'enverrai à Rome briser l'image de saint
Pierre et j'en ferai enlever le pape Grégoire
chai'gé de chaines, comme Constantin lit à
Martin. Sachez (pie les pai)es s(uit les mé-
diateurs cl les arbitres de la paix entre l'O-
rient et l'Occident : nous ne craignons pas
vos menaces; à un lieue de Rome, vers la
Campanie , nous sommes en silieté. » La
J)écapole dont parle ici le nape Crégoire III
est la même province cpie l'on ajipelail |»liis
ordinairiMiient la Penlapole et dont Havenne
('•lait la capitale.
L'emp(;reur Léon écrivit encore au pape
(pii lui répondit en ces termes : « J'ai r(M;u
votre lettre p'ar llulliit, votre ambassadeur,
(•l l;i vi(. m'est devenue insupportable,
voyant (pif, loi'' <'^' ^'*"'' "t'p'.'iilir. vous de-
1209 ICO
meuroz clans vos inauvaisos dispositions.
Vous dites : « J'ai l'enii)irp et lo sacerdoce, vos
prédécesseurs lo pouvaient dire, eux (lui
ont fondé et orné les églises et les ont pro-
tégées de concert avec les évéques. Au con-
traire, vous avez dépouillé et déti^uré les
éi^lises ipie vous avez trouvées niafA-nili(pie-
uVent ornées. Que sont nos églises, sinon les
ouvrasses des lionunes, di\s |)ierres, du bois,
de la chaux, du mortier? Mais elles sont
ornées par les peintures et les histoires do
Jésus-Christ et des saints. Les chrétiens y
emploient leurs biens, les pères et les mères,
tenant entre leurs bras leurs petits enfants
nouveaux baptisés, leur montrent du doigt
les histoires, ou aux jeunes gens ou aux
gentils convertis; ainsi, ils les édifient et
élèvent leur esprit et hmr cœur îi Pieu. Vous
en avez détourné le simple peuple pour le
jeter dans l'oisiveté, les chansons, les fables,
le son des lyres, des ilûtes et de semblables
badineries au lieu îles actions de grâces et
des louanges de Dieu. »
Ensuite, il lui marque aussi la différence
de l'empire et du sacerdoce : « Comme il
n'est pas permis à l'évèque de regarder dans
le palais et de donner les dignités tempo-
relles, ainsi l'empereur ne doit pas regarder
dans les églises pour faire les élections du
clergé, consacrer ou administrer les sacre-
ments ou même y participer sans le prêtre.
Chacun de nous doit demeurer dans sa vo-
cation. Voyez-vous, seigneur, la dllférence
des évoques et des princes? Si quelqu'un
vous a offensé, vous confisquez sa maison,
vous le dépouillez, ou le bannissez, ou lui
i*)tez même la vie. Les évêques n'en usent
pas ainsi ; mais si quelqu'un a péché et s'en
confesse, au lieu de l'étrangler ou de lui
couper la tête, ils lui mettent au cou l'E-
vangile et la croix, ils l'emprisonnent dans
le trésor de l'église, la diaconie ou la salle
des catéchumènes; ils lui imposent des jeû-
nes, des veilles, des prières, et après l'avoir
l)ien corrigé, ils lui donnent le sacré corps et
le précieux sang de Notre- Seigneur, et l'en-
voient pur et sans tache devant Dieu. » Un
pape qui parlait ainsi était bien éloigné de
prétendre ôter k l'empereur sa puissance
temporelle , non plus que son prédéces-
seur.
Il continue : « Vous nous persécutez et
nous tyrannisez par la main de vos soldats et
par les armes de la chair. Pour nous, nous
sommes nus et sans armes, nous n'avons
point d'armées terrestres, mais nous invo-
quons Jésus-Christ, chef de toutes les créa-
tures , supérieur à toutes les armées des
vertus célestes , avant qu'il vous livre à
Satan pour sauver votre âme suivant la pa-
role de l'Apôtre. » Et ensuite : « Vous de-
mandez pourquoi dans les six conciles il
n'est point parlé des images : je réponds
qu'on n'y a point parlé non plus s'il faut
manger du pain et boire de l'eau; nous
avons reçu les images par une ancienne tra-
dition, les évêques eux-mêmes en portaient
aux conciles, et aucun de ceux qui aimaient
Dieu ne voyageait sans images. »
ICO
1210
Lo pape Cirégoirii III envoya cette .ettro
et la précédente! par le prêtre (ieoi'ge, ({ui
eut assez de faiblesse pour n'oser la rendre
h l'empereur. Il la rap|)orta à Uomk! et con-
l'essa sa l'.iut»! au [y,\\n) (pii, lui ayant fait de
grands repi-oches, voulut le déposer dans un
concihï; à la [jrière des évê([u(î.s, il se con-
teida de le mettrt! en iténitence et le renvoya
avec les mêmes lettres. L'empereur lit re-
tenir en Sicile les h.'ttros sans perm(;llre (pio
le prêtre (leorge les apportât à (>)nstanli-
nople, et lo tint lui-même en exil pendant
un an.
Le mépris que l'empereur avait fait des
lettres du pape tlrégoire III, et la manière
dont il avait traité h; |)rêtr(! (leorge, son
légat, l'obligèrent à assembler un concile h
Rome, l'an 73-2, comme l'on croit, dans l'église
de Saint-Pierre. 11 s'y trouva ({uatre-viiigt-
treize évêques, dont les principaux étaient,
outre le pape, Antoine, archevê([ue de
Grade, et Jean, évêque deRaveime. Les prê-
tres, les diacres et tout le clergé de Rome y
assistaient, avec les nobles, les consuls et le
reste du peup.e. En ce concile, il fut or-
donné que quiconque mépriserait l'usage de
l'Eglise touchant la vénération des saintes
images, quiconque les ôterait, les détruirait,
les })rofanerait ou en parlerait avec mépris,
serait privé du corps et du sang de Jésus-
Christ et séparé de la communion de l'E-
glise. Ce décret fut souscrit solennellement
par tous ceux qui assistaient au concile, et
on y joignit les autorités des papes précé-
dents. Ensuite le pape envoya par Cons-
tantin, défenseur, des lettres à l'empereur
Léon qui furent retenues, comme les précé-
dentes, et le porteur Constantin mis en une
étroite prison où il demeura près d'un an.
Puis on lui ôta les lettres de force, et après
l'avoir menacé et maltraité, on le renvoya.
Toute l'Italie en corps envoya une requête
à l'empereur pour le rétablissement des
images; mais elle fut aussitôt ôtée à ceux
qui en étaient chargés, par le patrice Ser-
gius, gouverneur de Sicile; on les retint
huit mois et on les renvoya honteusement.
Le pape ne laissa pas d'écrire encore sur ce
sujet, tant à l'empereur qu'au patriarche
Anastase, et envoya à Constanlinople, par le
défenseur Pierre, les lettres qui furent aussi
sans effet. Au contraire , l'empereur Léon,
irrité contre le pape et contre l'Italie révoltée,
arma une grande flotte qu'il y envoya; mais
elle fit naufrage dans la mer Adriatique. Sa
fureur en augmenta. Il haussa du tiers la
capitation de Calabre et de Sicile, faisant
tenir registre de tous les enfants mâles qui
naissaient, et il confisqua dans les terres de
son obéissance les patrimoines de Saint-
Pierre de Rome, montant à trois talents d'or
et demi qui font 22'i-,000 livres. En Orient,
il persécuta violemment ceux qui soutenaient
l'honneur des saintes images; mais il ne les
faisait pas mourir de peur qu'ils ne fussent
honorés comme martyrs. Il se contentait or-
dinairement de les bannir après les avoir
emprisonnés et tourmentés. Les Grecs n'ont
pas laissé de conserver la mémoire de ceux
iâll
ICO
qui souffrirent dans cette pers(^cutioM des
iconoclastes, et on les trouve la pUiparl dans
le MiL"iolo;j;e de l'euipei-eur Basil(>. .Mais il
n'est pas toujours ais*; de; discerner sous
quti eniperenr ils ont soulferl ; eton a quel-
qui.fois conf ndu Léon Isaurien avec Léon
Aruié.iien qui ne ré;; la (lue dans le siècle
suivant.
Il y avilit en Orient un grand défenseur
des saintes images , mais il était hors do la
puissance de l'ciupereiir : c'était Jean, né à
Damas, d'une famille illus re et chrélien-io et
d'un pèi (' vertueux, qui le fit instruire dans
toutes les scie-ices profanes et dans les sain-
îes K'ttres. Ensuite il renonça aux riches-
ses de son pè< e et se fit nioin°e avec Cùme,
depuis évéque de i\L\jumc. Ils cntrèrpnl tous
deux dans le monastère de S>int-Sabas, |)ros
de Jérusalem, et Jean y i)a<"S,i sa vie. Il fut
surnonnné Mansour et Chrvsorroas : le pre-
mier nom signi.ie racheté, le second fleuve
d'or, et c'est le nom grec d'un des fleuves
qui passent à Damas. On l'altriltue à Jean,
pour son éloquence, mais il est plus connu
parmi nous sous le nom de Damascène.
Quand il eut a[)[)risr()i'dre que l'empereur
Léon avait doufié en 730 contre les saintes
images, il écrivit pour leur défense un pre-
uiier discours qii coninuMice par ces paroles
convenables à l'humilité de la profession
monastique : « Je devais plutôt, connaissant
mon indignité, gardrr un perpétuel silenco,
et me coilenter de confesser à Dieu jues |)é-
chés. Mais, voyant l'Kglise fondée sur la
pierre, agitée d'une violente tempête, je ne
cro s pas devoir me taiie, parce (]ue je crains
Dieu plus que je ne crai-^s l'empereur. .\u
contraire, c'est ce qui m'excite; car rautor;té
des princes est d'un grand poids pour sé-
duire les sujets. 11 y en a peu (pii méprisent
leurs commandements inju-tes et (pii consi-
dèrent que les rois de la tene sont soumis
au lOi céleste et doivent obéir au\ lois. » 11
m"t pour fondement de son discoui'S que
l'Eglise ne peut errer et qu'il n'est ])as per-
mis de la S(»up(;onner d'un abus aussi gros-
sier qiie l'itiolàliie, puis entrant en maliei-e :
« Je sais, dit-il, que celui qui ne meit poi-it
a dit : Tu n'auras point dedi ux étrangers et
tu ne le feras point de sculptures ni d'im iges
do ce qui est au ciel ou sur la terre. Aussi,
je n'adore qu'un seul Dieu, et je n'attri-
bue qu'à lui seul lo culte (h l^frie. Je
n'adore point la créature, mais le créateur,
(jui s*(.st fait créature pourèlre sevliblable à
moi. J'adore avec ce grand roi le corps qui
est I oui- ainsi dire sa pourpre. .î'oso fau'e
une image de DicMi invisible , non en tant
(ju'il e.-t visibli', niais (;n tant ([u'il s'est rendu
visible pour nous. Mais liieu a dit par Moïse :
Tu ne firas point d'inuK/rit. A[)pren('Z emn-
111' (it Moïse l'explique lui-mèin(j dans le Deu-
léronouie : Le ScifjncHr nous n parlé dn mi-
lieu du feu; vous n'avez vu aucune image,
vous avez seulement ont sa voir, de peur
(/n'en refjardiinl le ciel et voi/anl le soleil, In
lune il les étoiles, vous ne -vous laissiez sé-
duire pour lis adorer et les sirrir. Voje/-
vous que sou dessein u'esl que de vous dd-
ÎCO 1212
tourner d'adorer la créature au lieu du créa-
teur, et traltribuer <i quelqu'autie qu'h lui
lo culte de latrie. Ce préccjjte était donc
poui-les Juifs enclins à l'idolâtrie; mais i)Our
nous, A (pii il pst donné de connaître parfai-
tement la natui-e divine , qui avons prssé
l'enfance, nous savons ce qu'il est j)ossible
et ce qu'il psl imiiossilde de représenter par
des imagis. Comment pourrait-un faite i.ne
image de ceiui qui n'a ni ligure, ni bornes?
ou |)eindre |)ar des couleurs cel d qui n'a
point de corps? Mais de.ouis qu'il ^'cst fait
homme, vous |)ouvez faire l'image de sa
forme humaine. "\'()uspouv''Z|)einure sa p.ais-
sance de la Vierge, son baptême dans le
Jotndain,sa transfiguiation sur le Thabor,
ses tourments, sa croix, s», séj.ulture, sa ré-
surrection , son ascension. Exprimez tout
cela par les couleurs aussi bien que j-ar les
j)aroles. Ne craignez rien. »
II explique ensuite les différentes signi-
fications du mot image et du mol adora-
lion. « Le Fils de Dit u est l'image vivante du
Père. Les idées de Dieu sont les images des
chnses qu'il veut faire. Les choses seisibles
sont des images des choses insensibles.»
Ai!isi, l'Ecriture, pour s'accommoder à notre
faiblesse, atlril)ue quelquefois h Dieu et aux
anges des hgures rorpoi elles. Ainsi, pour re-
présenter la Trinité, nous employons la com-
paraison du soleil, de sa lumière el de so"i
rayon, de la source et du ruisseau. Nous ap-
pelons encore; image le signe des choses fu-
tures : ainsi, l'arche d'alliance, la verge d'Aa-
ron et l'urne de la manne signili.iient la
sainte Vierge , le serpent d'airain signiliait
Jésus-Christ en croix, la mer et la nuée si-
gnitiaient le baptême. On nomme encoiO
ima^e ce qui conserve la mémoii-e des cho-
ses passées, soit par lettres, comme quand
Dieu écrivit sa loi sur des tables et ordonna
d'écrire la vie des hommes qui lui étai. nt
chers, soit par d'autres monuments sensi-
bles, comme l'urne cl la verge qu'il fi gar-
der dans l'arche. 0:ez donc toutes sortes
d images et détlarez-vous contre celui qui
les a fait faire, ou recevez-les toutes, cha-
cune comme il lui convient.
« L'adoration se prend en deux manières.
11 y a celle que nous rendons h Dieu, seul
adorable par sa nature et qui s'appelle la-
trie; il y en a une aulre (jue nous rendons
h cause de Dieu h ses amis et }\ ses serviteurs,
comme quand Josué et David adoièrent des
anges, ou aux lieux et aux choses (jonsacrés
à Dieu ou auvprinces (pi'ila établis. Comme
quand Jacob adora Esaii , sou frère aîné,
et quand Joseph fut adoré par ses frères.
11 y a aussi une adoration (jui n'est qu'un
honneur rendu réciproquemei l,coiniue en-
tre Abraham et les enfants d Emor. Ole/
donc toute adoration, ou recevez-les toutes
dans les occasions convenables, n'i'st-ce pas
un seul Dieu el un seul h-gislateur? l'our-
(pioi donc ordoine-t-il des < hoses cotidai-
l'cs? l'ouiipioi fait-il couvrir h' propitiatoire
de chériibi'is faits de main d'hommes'.' L'ar-
che, ruine el le propitiatoire! ne sout-ce pas
les ouvrages des hommes, faits, selon vous,
(215
FCO
ÏCO
13U
d'une matière viie. Le tabornaole tout en-
tier nVst-il pas, cniniuo tlil l'Apôlrc, la co-
pie ot loiultre (les choses eiMestes? Li mùme
loi qui (IrleiKl l.'S iinn;-»'S ordoiino donc de
fair(> des inuvAes? Kl ensuite : l.e bo s sacré
de la cniix n'cst-il pas matière? Kl le lien du
Calvaire et la pierre du Saint - S'éiudcre ,
sonrC(> de nntre résnrreclion, et les Icltics
rloni les Kvangiles sont écrits, et la sainte
Table, et l'or, et l'arj^ent dont on lait les
croix et le>^ vases sacrés, enlin le corps et h;
sang de Nolre-Seij;neiu*, tout cela n'est-il
pas niatérie'? Otcz doni- le culle et la vcné-
ratioi d(^ tontes ces clmsivs , ou convenez
que Ton peut honorer les iina;:;(>s de ])ieu in-
carnées de ses amis. » On voit ici combien
(\q dioses sensibles les iconoclastes respec-
taiinU encoie.
Saiîil Jean Damascéne ajoute : « Si c'est
pour ol)éir h la loi que vous voulez ôter les
ima^^es. vous pouvc. aussi recevoir h- sab-
bat et la circoncision. >;ais sachez que si
vous observez la loi, Jésus-Christ ne vous
profitera de rien. Et ensuite, ilsi.isent : con-
lentez-vous de faire l'iuiaf^V' de Jésus-Christ
et de sa Mère. Qu/lle absur.ité! Ne vo/ez-
vous pas que vous vous déclarez ouverte-
nu'ut ennemis des saints, i)uisque vous ne
désapprouvez pas leurs ima;^es , mais les
honneurs qu'on leur rend? » Et ensuit' :
« Le temple do Salomon était orné tout à
l'entour de chérubins, de palmes, de grena-
des, de bœufs, de lions. N'est-il pas plus dé-
cent d'orner l.'S murailles de la maison do
Dieu d'images des saints que d'.niinaux.
sans raison? Nous ne voulons pas peindre
Jésus-Clnist sans les sainis qui composent
sa cour. Que l'empereur de la terre se dé
pouille de la sienne avant que de dépouiller
son maître. » Et ensuite : « Autrefois, on ne
bAtissait point de temples aux hommes, et
on ne célébrait point la mort des justes par
la joie, mais |iar les larmes; au contraire,
cel.ii qui avait touché un mort, fût-ce le
corps de Moïse, était réputé immonde. Otez
donc ces fêtes instituées en l'honneur des
saints contre les maximes de l'ancienne loi,
ou recevez leurs images que vous prétendez
être contraires à la loi. 31ais vous ne pouvez
abolir ces féies établies par les apôtres et
les Pères. Car, dspuis Tincai nation du Verbe,
nous sommes vraiment sanciifiés, délivrés
par ses souffrances, immortels par sa résur-
rection. Depuis ce temps nous honorons
la mort des saints par la joie et non par
le deuil. » Et ensuiie : « L'ombre ou la cein-
ture des apôtres guérissait les ma ades, et
chassait les démons : Pour(]Uoi leur image
ne sera-t-elle pas honorée? Ou n'adorez rien
de matériel, ou ne soyez point novateur, et
n'ébranlez pas les bornes éternelles plantées
par vos pères, qui ont établi les usages de
rEj;lise, non-seulement par leurs éerits, mais
parla tradition. » 1:1, saint J'an Damascènc
rapporte le fameux passage de saint Basile,
tiré de son liv e du Saint-Esprit, et de celui
de saint Paul : Demeurez ferme, et conservez
les traditions que voiis avez reçues de nous,
soit de vive voix, soit par lettres. »
Ensuite il répond .^ rohjection tirée
«le saint Epiphane, qui décliira un rideau
où était peinte une image. Saint îean Da-
masctn«; dit premièrement (pn; cet écrit
n'est j)eut-ôtre [)as de saint Kpipbane, en-
suite qu'il a i)U en user ainsi poui- coriiger
quehpu's abus, comme saint Alhanastï or-
Uonna d'inilerrer Is rcdiques des sainis,
pour abolie la mauvaise coutume des Egyp-
tiens (pii ginlaie'U leurs morts sur des lits.
C-ar, (pie. saint l!;[>iphan(> n'ait |,as prétendu
abolir les images, on le voit par son église
qui en est encore h présent ornée. Enfin
son autorité seule ne j)révandrait point à
celle de toute l'Eglise.
Saint Jean Damaseène rapporte, à la fin de
ce discoui's, ])lnsi( ur-s passages des Pères en
faveur du culte des images : premièrement,
d(! saint Denis, (j[u'on appelle vulgairement
l'Aréopagite ; puis de saint Basile, de saint
(liégoire de Nyssc, qui dit avoir été touché
jus(]n'aux larmes, de la peinliire du sacri-
fice d'Abraham ; de saint Jean Chrysostome,
de Léon, évè(ine de Naples en Chypre, et
sur ce dernier il ajoute : « Quel est le meil-
leur interprète de saint Epiphane, ce saint
évoque qni a i)rôché dans la môme île de
Chypre, où ceux qui parlent selon leur sens
])arliculicr ? » Et ensuiti; : « Il y a eu plu-
sieurs évétpies et plusieurs empereurs chré-
tiens, distingués par leur piété, leur doc-
trine et leur sainte vie ; on a tenu plusieurs
Conciles, d'où vient que personne n'a con-
damné le culte des images ? Nous ne soulfri-
rons pas qu'il paraisse que nous avons eu
divers sentiments et varié selon le temps,
de peur que les infidèles ne regardent notre
foi comme un jeu et une raillerie. Nous n'o
liéiro is point à Tordre de l'empereur, qui
vient renverser la coutume de nos pères.
Les princes pieux ne prétendent point abo-
lir les usages do l'Eglise. Ce n'est pas agir
en père, mais en voleur, que de commander
avec violence au lieu de ])ersunder j)ar rai-
son ^ témoin le second concile d'Ephèse, que
l'on appelle encore le Brigandoye. Ce n'est
pas aux juinces qu'il appartient de décider
sur ces matières, mais aux conciles. Ce n'est
pas aux princes, mais aux apôtres et à leurs
successeurs que Jésus -Christ a donné la
puissance i\e lier ou de délier. Quand ce se-
rait ti)i ange, dit saint Paul, qui vous prêche-
rait un autre Evangile que celui que vous
avez reçu N'ajoutons pas le reste pour leur
donner lieu i)ar notre douceur de changer
de sentiment. Que si, ce qu'à Dieu ne plaise,
ils persistent avec opiniâtreté dans leur er-
reur, alors nous prononcerons ce qui suif,
c'est-à-dire l'analhème. » Ces paroles font
croire que ce discours fut publié incontinent
après l'édit de l'empereur Léon contre les
images, c'est-à-dire l'an 730, avant que l'on
eût appris en Palestine l'exil du^ patiiarche
saint Germain, dont il n'est parlé que dans
le discours suivant.
Au commenceme'Tt du second discours,
saint Jean Damaseène se reconnaît obligé
de parler i)our soutenir la vérité, parce qu'il
a reçu le talent de la parole, c'est-à-dire la
^!>l5
ÏCO
ICO
12lf.
Loniinission de parler dans l'Eglise, ce qui
semble marquer que dus lors il était j^n^tre.
Il ajoute que quek}ues eufants de l'Eglise
Tout engagé ^ composer ce second discours,
jiarce que plusieurs n'entendaient pas bien
le premier. Il marque les divers artifices du
démon pour séduire les hommes, l'athéis-
me, l'idolâtrie, les liérésies. « Maintenant,
ajoute-t-il, ce même imposteur, qui a fait
adorer autrefois jusqu'aux images des bètes,
non-seulement aux gentils, mais aux Israé-
lites, prend une autre forme pour troubler
la paix de l'Eglise ; car il s'est élevé des
gens qui disent que les merveilles que Jé-
sus-Christ a opérées pour notre salut, et les
combats que les saints ont rendus contre le
démon, ne doivent j)as nous être proposés
dans des images pour les admirer, les hono-
rer, les imiter ; il déclare encore qu'il ne
veut pas prononcer anathème contre les au-
teurs de cette erreur, parce qu'il attend leur
correction. « Il emploie les mêmes preuves
(pie dans le premier discours; mais pour ex-
pliquer les paroles de la loi qui semblent
condamner les images, il ajoute : « Il faut
examiner l'intention pour reconnaître la vé-
rité d'un discours. Dans l'Evangile, il est
parlé des ténèbres, de Satan, de l'enfer;
nous ne laissons pas de le recevoir avec le
resi)ect et l'adoration convenables ; mais
nous rejetons avec horreur les écrits des
manichéens et des autres hérétiques, quoi-
qu'ils contiennent le nom de Dieu. Ainsi,
quand il s'agit des images, il faut voir l'in-
tention de celui qui en j)arle. »
Il insiste ainsi sur la dill'érence des deux
puissances, la spii-iluelle et la temporelle :
« Jésus-Christ, dit saint Paul, a établi dans
son Efjlise des apôtres, des prophètes, des
pasteurs et des docteurs; il no dit ])as des
empereurs, ce ne sont pas les rois qui vous
ont parlé de la part de Dieu, mais les apôtres
et les [)rophètes. Le gouvernement politique
appartient aux empereurs ; le gouvernement
(le l'Eglise aux ])asteurs et aux docteurs.
Cette violence, mes frères, est un brigan-
dage. Saiil déchira le manteau de Samuel et
perdit son royaume. Jésabel persécuta Elie
et fut mangé des chiens ; Hérodo lit mourir
saint Jean et mourut rongé de vers. Et
maintenant on vient d'envoyer en exil le
bienheureux Germain et plusieurs autres
Pères dont nous ne savons pas les noms.
N'est-ce pas un brigandage ? w Et ensuite,
s'adressant h l'empeicur : « Nous vous
obéissons, seigneui', en (mî (|ui regard(; la
vie civile, commt! les tributs et les imposi-
tions ; mais dans les matièr(;s ecclésiasti-
ques, nous reconnaissons nos past<.'urs. »
Les chrétiens d'Orient i-egardaient encore
les empereurs de (^onslantinople conune
leurs princes légitimes ; ils conservaient les
lois romaiiKîS et la langu(! grec(pie, en la-
quelle écrivait sainlJeanDamascèn(,'. Il ajoute
ensuite : « Les manichéens ont composé un
Ev.ingih; srdon saint Thomas, fait(;s-en un
schm l'eifipereurLéon. Je ne recoimais point
un cinpertMii' (pii usijipe le sacerdoce. J(;
sais que V.jIcmis en usa ainsi, jjersécutant la
loi catholique, Itien (|u'il portât le nom de
clirétien, et Zenon, et Anastase, Héraclius
et Constantin (pii fut en Sicile, et Bardaime
surnommé Philip|ii([ue. » A ce discoui's,
saint Jean Damas( ène joint les mômes pas-
sages qu'il avait rai)portés à la fin du pre-
mier, mais il y en ajoute quelques autres
de saint Chrysostome, de saint Ambroise,de
saint Maxime et de saint Anastase d'Antio-
che.
Le troisième discours pour les images ne
contient presque rien qui ne soit dans les
deux ]n-emiers, mais il est suivi d'un plus
grand nombre de passages.
Ce])endant la secte des iconoclastes ne fut
pas abattue. Vaincue par la discussion, elle
se releva par la violence. Après la mort de
Léon l'Isaurien, Constantin V, qui lui suc-
céda en 7il, se montra tout aussi acharné
que lui contre les images. Il tint plusieurs
conciles contre la vénération des images,
parlant tous les jours au peuple pour lui
persuader de les abolir. Il préparait ainsi le
concile qu'il assembla en l'année 751, trei-
zième de son règne, indiction septième. Il
s'y trouva trois cent trente-huit évoques, à
la^ tête desquels étaient Grégoire de Néocé-
sarée, Théodose, évêque d'Ephèse , fils do
l'empereur Absimaro,etSisinnius surnommé
Pastilas, évèquc de Perge en Pamphylie. Il
n'y avait aucun patriarche, ni personne do
la part des grands sièges de Rome, d'Alexan-
drie, d'Antioche ou de Jérusalem.. Le siège
de Constantinof)le était vacant, car Anastase
était mort la même année, d'une maladie
nommée en grec chordapse, c'est-à-dire
nœud de boyau, (pii lui faisait r(\)eter les ex-
créments [)ar la bouche. Ce concile s'assem-
bla dans le palais d'Hiérie, sur la C(Me d'Asie,
vis-à-vis Constantinople, le dixième jour de
février, et dura six mois, jusqu'au huitième
d'août, où il passa dans l'église de Blaquer-
nes. Alois remj)ereur Constantin monta sur
l'ambon, et tenant i)ar la main le moine
Constantin, évèque (le Sylée, il cria à haute
voix : Longues années à Constantin, patriar-
che œcuménique! En même temps, il le
revêtit de l'habit sacré et du pallium. Ce
môme jour fui terminé le concile, dont il ne
nous reste que la définition de foi (jul a pour
titre : Définition du grand et saint concile
œcuménique.
Après un assez long préambule, le concile
dit que Jésus-Christ nous a délivrés de l'ido-
lâtrie, et nous a (enseigné l'adoration eu
espiit et en véi'ité. « Mais, ajoutc-t-il, le
démon ne pouvant soull'rir la beauté de
l'Eglise, a ramené l'idolâtrie insensiblement,
sous l'apuarencedecluislianisuH), en persua-
dant d'adorer la créature el de prendre pour
Dieu un ouvrage autiuel on (huun; le nom
de Jésus-Clu'ist. C'est i)nur(pioi, connue h;
Sauveur a envoyé autrciois ses ap(Mres poui-
la desiruction des idoles, ainsi il a suscité
mainlenanl ses servileins nos empereurs,
imilat(!urs des apt'ilres, jioin- nous instruiro
et renverser l(!S invenlicms du démon, »
C'est ainsi (pie ces évêipies llalteurs se re-
coiuiaissent disciples dos empereurs dont
Hn
ICO
ICO
131S
l'un citait un enfant de (jualre ans, savoir,
Léon, lils ilc (lon.stjiniin, né Icî 25 de jan-
viw750, el couronné le jour de la PenlecAlc,
siviéme de juin -751. Knsuile ils déclarent
qu'ils reroivcnt les siv conciles d'cuniéni-
ques, les' i'X|)i-inuuit chacun en particnliei',
puis ils ajoutent : k Ayant donc soiyiu'use-
ment examiné leur (loclrine, nous avons
trouvé ([ue l'art illicilc des neinlres cond)at
le doi^uie capital de notii; salut, (jui est j'iii-
carnalion de Jésus-Christ et renvciso les dé-
finitions des six conciles. La peinture établit
l'erreur de Neslorius (jui divis(! Jésus-CIhrist
en deux, et ne laisse |)as d'appuyer celles
d'Arius,deDioscorc,d'Éutycliès et de Sévère,
qui enseignent le mélange et la eoni'usion
des deux natures. Car le iieintrc ayant l'ait
une image, la nonnne Christ; or le nom de
Christ signifie tout ensemble Dieu et honmie.
Donc, ou le ])eintre a renfermé, comme il
s'imagine, la divinité innnense dans les bor-
nes do la chair créée, ou il a C(jnfondu les
deux natures unies sans confusion. Celui
qui adore l'image est coupable des mêmes
blasphèmes, el la même malédiction tombe
sur l'un et sur l'autre.
Ils chercheront sans doute à s'excuser, en
disant : Nous ne faisons l'image que de la
chair que nous avons vue et touchée, et qui
a conversé avec nous. Mais ils retombent par
là dans l'impiété de Nestorius; car il faut
considérer que, selon les Pères, la chair de
Jésus-Christ, sitôt ({u'elle a commencé d'être,
a été la chair du Verbe, sans jamais admet-
tre aucune idée de séparation, mais prise
tout entière par la nature divine et entière-
ment divinisée. Comment donc en peut-elle
être séparée ? Il en est de même de sa sainte
Ame. Sitôt qu'elle a été, ça été l'âme d'un
Dieu, et jamais elle n'a été séparée de la
divinité, même étant séparée de son corps.
Comment donc ces insensés prétendent-ils
peindre la chair de Jésus-Christ comme la
chair d'un pur homme? C'est supposer qu'elle
subsiste par elle-même, et lui donner une
autre personne, et par conséquent en ajouter
une quatrième à la Trinité ! ^^■
« La vraie image de Jésus-Christ est celle
qu'il a faite lui-même, lorsque la veille de :
sa passion il prit le pain, le bénit, et ayant i
rendu grâces, le rompit et le donna, disant : ;
Prenez, mangez pour la rémission des pé-
chés, ceci est mon corps. Et de même, en
donnanfle calice, il dit : Ceci est mon sang,
faites ceci en mémoire de moi, pour montrer
qu'il n'a point choisi sous le ciel d'autre
espèce ni d'autre forme cpi puisse représen-
ter son incarnation. Et quelle a été en cela
l'intention de Dieu infiniment sage? sinon
de nous montrer clairement ce qu'il a fait
dans le mystère de son incarnation, c'est-à-
dire que comme ce qu'il a pris de nous n'est
que l'essence humaine sans subsistance per-
sonnelle, pour ne pas faire tomber sur la
divinité une addition de personne, ainsi pour
son image il nous a commandé d'offrir une
matière choisie qui est la substance du pain,
mais sans forme ni figure humaines, de peur
que l'idolâtrie ne s'introduisît. Donc, comme
1(! corps naturel de jesus-Chrisl est saiiU, étant
divinisé, de même il est évident ()ue ce qui
est son cor|)s par institution, c'est-à-dire sa
sainte image, est sanctifié d'une certaine
manière cl divinisé par la jj,râc('. Car, c'est
ce que Jésus-Christ a voulu faire, afin cjlio
connue il a divinisé la eliaii' (|u'il a prise par
une sanctification (pii lui est |)ropr(r el natu-
l'elle en vertu de l'union, ainsi le j)ain do
rLucharislie, connue étant la vrai(; imag(; de
la chair naturelle, devint un corps divin,
étant sanctifié [)ar l'avènement du Saint-Esprit
et la médiation du prêtre;, (jui fait l'oblation
et rend saint ce pain qui était commun; au
reste, comme la chair vivante du Seigneur
a reçu l'onction du Saint-Esprit, qui est la
divinité, ainsi ce pain divin a été rem[)li du
Saint-Esprit avec le calice de son sang vivi-
fiant. 11 a donc été démontré que c'est la vraie
image de l'incarnation de Jésus-Christ, qu'il
nous a de sa propre bouche enseigné de
faire. »
On verra dans la suite, comment les ca-
tholiques réfutèrent cette objection et tous
les autres sophismes de ce concile. Cepen-
dant, on peut remarciuer qu'il suppose qu'on
adore l'Eucharistie, en disant que Jésus-
Christ n'y fait pas paraître sa figure humaine
de peur de donner lieu à l'idolâtrie, et qu'il
le nomme un })ain divin et le calice du sang
de Jésus-Christ, qu'il reconnaît que le Saint-
Esprit y descencf, et que c'est un sacrifice
offert par un prêtre. La définition du concile
continue ainsi : « Mais ce qu'on appelle
faussement des images ne vient pas de la
tradition de Jésus-CYirist, des apôtres ou des
Pères, elles n'ont point de prières particu-
lières pour les sanctifier, et demeurent pro-
fanes et méprisables comme le peintre les a
faites. Que si l'on demande pourquoi nous
condamnons les images de la Mère de Dieu
et des saints, qui sont de purs hommes, sans
avoir la nature divine comme Jésus-Christ,
nous dirons que l'Eglise est entre le judaïsme
et le paganisme, et rejette les cérémonies de
l'un et de l'autre, du judaïsme les sacrifices
sanglants, du paganisme la fabrication et le
service des idoles, dont l'art détestable de la
peinture est la source; car n'ayant point
d'espérance de la résurrection, ils ont inventé
cette illusion pour rendre présent ce qui ne
l'était pas. Mais pour les saints qui vivent
avec Dieu, c'est leur faire injure que de les
représenter avec une matière morte par l'art
des païens. »
Le concile rapporte ensuite quelques pas-
sages de l'Ecriture, pour autoriser sa défini-
tion, et quelques passages des Pères, savoir :
de saint Epiphane , de saint Grégoire do
Nazianze, de saint Jean Chrysostome, de saint
Athanase, de saint Amphyloque, de saint
Théodore d'Ancyre, d'Eusèbe de Césarée en
Palestine. Après quoi il conclut cju'on doit
rejeter de l'Eglise, avec abomination, toute
image peinte de quelque manière que ce soit,
et défend à toute personne à l'avenir d'eu
faire aucune, l'adorer, la dresser dans une
église, ou dans une maison particulière, ou
la cacher, sous peine, aux évêques, aux prê-
I2i9
ICO
ICO
iâio
très et aux diacres, de dépositio-i; au\ moi-
nes et aux laïques d'analhème, sans préju-
dice des peines |>ortùe-^ parles IVis impériales.
Mais il ajoute que, sous prétexte de celte
défense des iiuages, aucun de C3U\ qui gou-
vernent les églises ne pourra s'eniparer des
vases sacrés, ni des habits, des vniles tt des
autres meubles destinés au servie divin.
Que s'il veut les ch -ngi.'r, il ne le pourra
que du consentement du patriai'che de Cons-
tantinople et par i»rdre de Tempereur, alin
que ce ne soit pas un piétexte de déli^urer
les églises. Il est défcnlu aussi aux magis-
trats et à tous les l.iïques d'abuser de ce pré-
texte, pour se' rendre maîtres des églises et
les réduire en servitude comme ([uelques-
uns avaient fait.
Le coicile prononce ensuite plusieurs ar-
ticles 61 forme de canons avec ana thème à
chacun , dont les premiers ne contien-
nent que la doctrine catholique sur la Ti-ini-
té et 1 Incarnation. Mais il y e i. ajoute plu-
sieurs contre les imiges de Jésus-Christ et
des saints. Toutefois il reconnaît que la
sainte Vierge est au-dessus de tontes les
créatures et qu'on doit avoir recours à son
intercession, comme très-puissante auprès
de Dieu; et que tous 1 -s saints qui ont vécu
sous la loi de nature, la loi écrite ou la loi
de grâce, doivent èti-e honorés et oriés sui-
vant la tradition ecclésiastique.
Après cela, les empereurs Constantin oc
Léon, car on les fait toujours pari r ensem-
ble suivant l'usage, demindcre U au concile
si le décret qui venait d'être lu étiit pu-
blié du c insentement de tous les évèques.
Ils répondirent : « Nous croyons tous ainsi,
nous en sommes tous d'accord, nous avons
souscrit avec joie. » Ils tirent ensuite plu-
sieurs arcbirnations à l'honneur des Empe-
reurs, les louant entre autres choses d'.voir
<boli Tidolûtrie. Enfi i, ils prononcèrent
auathème nommément contre saint (iermain
de Consîanlinop'e, George de Chypre, et
saint Jean D.unascène, en ces ternies :
(( Analhème à Germain, double en ses sen-
timenis et aJorateur du bois! Anathèiue à
Georg •, son complice, falsiiica eur de la loi
de nos pères 1 A TathèrneùMansour, maudit et
favor ddeauxSarrasins 1 Auathème A Mansour
adorateur d'images et faussaire! Anathèmo h
Maiisour, injurieux à Jésus-Christ et traître
il l'empire ! Anallième à Mau^our, docteur
d'impiété et iuauvai.-,irit(M'prèlcde l'Ecriture 1
La Trinit '; les a déposés tous trois. » Tel
est le décret du faux concile de Constantino-
ple, l'-nu par les iconoclastes.
Le 20 du même mois daoïV 75V, l'empe-
reur Consiailiu alla dan-, la plac iiubli.jue
avec le nouveau patriarclie, Constantin et
les autres évèques, et ils publièrent le nou-
veau décret du concile, ré,)étant les anatliè-
mes contre Germain, Georg j et Mansour. Ce
décret étant pojlé dans les pruvinces, on
voyait partout les (;alholiqu:'S consternés, et
les ic'>nocla.-.tes changej- les vases sacrés et
détigurer les églises. On brCllail li'S images,
ou battait ou on enduisait les ujuraillos oui
f:rA étaient peintes, mais ou conservait celles
qui n'avaient que des arbres, des oiseaux ou
des b^tes, princi|)alenie U les représenta-
tions djs spectacl.'S [)rofanes, comme des
chassas ou des courses de chevaux.
Le |iape, atlaq lé ainsi j)ar les Grecs, ap-
pela Pépin, roi de Fiance, au secours de la
religion, et la conduite que tint Conslantin
prouva qu'il avait agi sagement. Conformé-
ment aux ordonnances du concile qu'il avait
rassemblé, cet empereur, continuait à bri-
ser partout les images et à persécuter les
catholi(|ues. 11 s attaquait sui tout aux moi-
nes, qu'il avait en horreur. Tous abanuo i-
nèrent Constantinople et les Etats du ])er-
sécuLeur, et, sui va U le conseil que leur
do ma Etienne, abbé du monaslèi-e deSai it-
Auxence, se retirèient, les uis vers le Poal-
Euxin, les autres en Chypre, les autres en-
li 1 à Rome. Cela u'einpècha pas Constantin
de continuer la persécution avec acharne-
ment. Il nommait les moines amncinonentons,
c'esl-à-dice a[)ominables, desquels il ne faut
})as se souvenir. Ce fut dans l'année vingt-
unième de son règne qu'il lit mourir saint
André surnuiumé le Calybite, lequel lui re-
prochait sa tyrannie et son iuipiéié. Il fut
maityrisé dans le cirque de Saint-Mamas,
horsdiila ville. Constantin lit jeter son corjjs
à la mer; mais ses sœurs le recueillirent et
l'enterrèrent honorableiuent. A.saiit ente -du
})arler de saint Etienne, abbé du monastère
deSaint-Auxence, il envoya vers luiCulliste,
un des fauteurs Ks ])K;s n.struits de so i hé-
résie, poui' lui dire C{ue, connaissant sa piété,
il vouiaitc[u'il approuvât leconcile le lucunlre
les images, et pourlui portm- des {)rovisions
de coineslii)les. « Je ne ferai pas ce que voi.s
demandez, dit Etienne; ce concile a soutenu
une doctrine héréliciue. Je puis mourir
pour la défense des saintes images, mais
je n obéirai pas à l'empereurqui esi un héré-
tique. Kemporte/voscadcaux, l'huile du pé-
cheur ne parfumera pas ma tète. » Furieux,
de cette répouse, Consla ilin lit prendre le
saint abbé par des soldats ei oruon ia qu'on
le tint en prison jusqu à ce qu'il eût deciué
de son sort. U y fut six juurs sa is boire ni
manger. Le septième, lempeieur le lit re-
co duire d(Uis sa cellule, car il panait jiour
faire la guerre aux Bulgares, et ne vou ait
s occu[»er de l'alfane d lUien u» qu'à son re-
tour.(Ty//. Etienne.) Mais Culiiste, qu: étuit
furieuv de n'avoir pas léussi dans sa mis-
sion près du saint, gag la à [)ri^i d or un
moine nommé Sergnis (jui, de concert avec
Auhcalame, i iteuda Ideslriouls du golfe de
Nicomédie, rédigea [lour rempereiu- un li-
belle dans lei[uel il accusait le saint de l'a-
voir analhémalisé comme hérélKpne, et en
outre d'avoir séduit une feumie nonle nom-
mée Aime, qu il tenait dans I' mouastèrc
drii bas, el ([ui, toutes les nuits, moulait à
la (•(•llule du sanit ))Our s'y livnn- à unir
commenc aiiultèie. <^ette Anne élail une
V(nive(iui avait embrassé la vie monastique
(n (|ue h' saint abbé avait ado, tée comme sa
lille spirituelle. Il l'avait ecmliée aux soins
dt! la supérieure du monastère des femmes,
situé au bas du sien. L'empereur, ayant lu
1221 !C0
le libelle, envoya au Tnonast^ro le patncn
Antliès, avec ortito de lui ariu'iior au cinip
la ieinnic (lu'un cicciisail. L'ordre fui ('X(''cut(^
et Aiuie fut ameiu^e au cixmp ave(; une"aulro
religieuse iDiniuée Tliéonli tno. Conslanlin
irterrog a Anne et voulut lui faire avouer ce
dont on i'arcusail: mai» elle le coniondit par
ses réponses. Alors il renvoya Théo[iliano h
son enuvcnt, ol i-aniena Anneh Conslanlino-
ple. HicnlAt il la lit coniparaitr(\ et, ne | ou-
vanl obtenir d'aveu de sa [)arl, il la lit ei'ucl-
lement l)allre ù eoups de nerf de bieuf, si
b'en (|n'on la laissa pour morte; C(^|)endant
elle eu guéiit. L'enipen'ur la liijeterdans nu
des monastères df Conslanliiopl '. On n'en-
tendit [ilus parler d'ede ilepuis (>etti; époque.
Ce|)endanl r»'ui;.ereur, eluM'clmnt toujours
un piélexie pour faire moiu'ii' Eticnin', lit
venu- le lendemain un jeuiu' hounnc; uouuné
George S\neléte, qi-i était un de ses plus in-
times coididcnts, et lui dit: « IMaiuicz-vous
jusqu'à donner votre vie pour moi ? » Geoi-go
l'en assura avec serment. L'empereui- lui dit
en l'embrassant : « Voici un nouvel Isa.tc; »
puis il ajouta : « Je ne vous en de.nande pas
tant, je vous prie seulement d'alb r au mont
d'Auxenne et de persuader à ce malheureux
qui y demeure de vous recevoir au nombre
clés siens, puis vous reviendrez ici proin[)te-
ment. George obéit avec joie ; il alla sur la
montagne et se cacha dans les broussailh s
dont il sortit vers le midi et vint crier à la
porte du monastère qu'il s'était égaré et qu'il
craignait d'être dévoré par les bètes ou de
tomber dans un précipice. Saint Etienne or-
donna à Marin, son principal disciple, de le
faire entrer. 11 se mit à genoux et demanda
la bénédiction de l'abbé qui reconnut aussi-
tôt qu'il était de la cour à son habit et à son
visage sans l)arbe ; car l'empereur avait or-
donné à tous les hommes, même aux vieil-
lards, de se raser entièrement. George avoua
qu'il était du palais de l'empereur et cjouta :
« 11 nous a tous fait juaaïser -, j'ai eu bien
de la |)ei'ie 5 revenir de cette erreur, et Dieu
m'a conduit ici. Ne me rejetez pas, mon véné-
rablepère, de votre compagnie, elne me refu-
sez pas le saint habit. » Saint Etienne répondit :
« Je ne le |)uis fan-e, à cause de la défense de
l'empereur ; et je crains que, s'il l'appienait,
il ne vous retirât d'ici au péiU de votre àme. »
George reprit : « Vous ré, ondrez à Dieu de
moi, si vous différez, » et il p: essa tant que
l'abbé lui donna Ihabit de proijation.
Cependant Teiiipereur asseudjla le peuple
à C(.'nstantinoi)le, dans le théâtre de Fhippo-
drome, et se tenant sur les de^,rés il dit : « Je
ne puis vivie avec ces ennemis de Dieu,
qu'on ne nomme point. » Le peuple s'éma :
« S igneur, il ne reste en cette ville aucune
trace de 1 ur habit. » L'empereur s'écria en
colère: « Je ne puis plus souffrir leurs in-
sultes ; ils m'ont séduit tous les miens jus-
qu'à George Synclète, qu'ils ont arraché d'au-
près de moi pour le faire moine. Mais met-
tons en Dieu notre contiance, il le fera bien-
tôt paraître ; prions seulement. ^ Après que
George eut porté trois jours le petit hnbit,
saint Etienne lui fit une grande exhortation,
ICO
i'i^
lui coupa les cheveux et le revftlit do l'habit
monasti([ue ; mais troisjonrs après cet im-
postenr (piilta la inontag'io ( î revint au pa-
lais, l/empcreur l'endjiassa et co-ivoqua pour
le lendemain lUie assembh'e g.'nérale de tout
le peuphî dans le même Ihé.'itre. La f(mle
était telle (pi'ils s'éloull'aient, et Tempereur
s'écria : « Dieu a exaucé nu's |)iière.s , il in'a
découvert celui cpu; je cherchais. » Alors
il fit paraître George devant le |)eiiple qui, lo
voyant (> i ha!)it monastique, s'(;cria : « Mal-
heur au méc'iant ! (pi'il meure! (pi'il meure! »
Ce fpi'ds enlendaierit dEtienne. L'empereur
fit dépouiller George, [)remièremeit, de l'é-
j)omide ou scapulaire, et puis de la cuctdie,
et on les jeta parmi le peuple qui les foula
a X pieds. (*n lid ôta ensuite l'analabe ou
é!har[)e que hs moines portaient au ou et
qu'ils croisai'Mit sur la poitrine. L'em|)ereur
la prit entre ses mains et la tournait de tous
côtés, demanlantce que ce pouvait être. []n
sénateur nonmié Draconce répondit: «Je-
tez-la, seigneur, c'est un cordeau de Satan. »
Elle fut aussi foulée aux f)ieds avec la cein-
ture. Ensuite quatre hommes étendirent
GeOi'ge par terre et, l'ayant mis tout nu, lui
renversèrent un sceaud'eau sur latètccomme
pour le purifier. Enfin on le revêtit d'un ha-
bit militaire; l'empereur lui mit de sa main
le baudrier avec ré|)ée et le déclara son
écuycr. Aussitôlilenvoya au mont Saint-Au-
xence quantité de gens armés qui dispersè-
rent les moines, mire' t le feu au monastère
et à l'église, et les réduisirent en cendres jus-
q l'auxîondemenls. Ils tirèrent saint Etienne
de sa caverne et le menèrent à la mer, le
frappant à coups de bAfon, le prenant à la
gorge et lui déchirant les jambes dans des
épines. Ils lui crachaient au visage, lui di-
saient des injures et lui insultaient en di-
verses manières. Comme il ne pouvait mar-
cher, ils le mirv-;i)tdans une barque et le me-
nèrent le long do la côte au monastère de
Pliilippiqiie, [)rès de Chr^sopolis où ils l'en-
fermèrent et en avertirent l'empereur qui
publia une défense d'approcher du mont
Saint-Auxence sous peine de la vie. Ensuite
il lit venir cinq évô:|ues, chefs des icono-
clastes : Théodose d'Ephèse, Constantin de
Nicomédie, Co'slaiilin de Nacolie, Sisinius
Pastile et Basile Tricacabe, avec le patrice
Ca liste, Comi)oconm, p'emier secrétaire et
un autre ofdcier nommé Masare, et les en-
voya à Constantin, patriarche de Con'-tanti-
nople, pour aller tous ensemble au monas-
tère de Chrysopo is. Mais le patriarche, qui
connaissait la vertu et la capacité de saint
ÎEtienne, refusa d'y aller. Ils portèrent avec
eux la définition de leur concile, et (tant ar-
rivés au monastère, ils firent leur prière à
l'église, puis ils s'a>s'rent sur les degrés du
bain et mandèrent saint Etienne qui vint
soutenu par deux hommes avec les fers aux
pieds. Ce spectacle leur tira des larmes. Théo-
dose d'Ephèse lui dit: «Homme de Dieu,
comment vous êtes-vous mis dans l'esprit de
nous tenir pour hérétiques, et de croire en
savoir plus que les empereurs, les archevê-
ques, les évêques et tous les chrétiens ? Ira-
.!*Î5
ICO
ICO
12-24
vailloiiJ^-n<ius tous h perdre nos Ames? Saint
Etienne lui répondit gravement : « Considérez
ce (|ue le propliète Elie dit à Acliab : Ce n'est
pa^ moi qui cause ce trouble, mais vous et
la maison de votre })ère. C'est vous qui avez
introduit une nouveauté dans Téglise. On
])eut vous dire avec le prophète : Les rois
de la terre avec les magistrats et les pasteurs
sesontassembléscoiitrci'lùjlise de Jésus-Christ,
formant de vains projets. » Alors Constantinde
Nicomédie, qui était mijcunehonnne de trente
ans, se leva pour donner un coup de pied au
saint abbé assis à terre ; mais uu des gardes
le prévint et frappa du pied le saint honnne
dans le ventre comme pour le faire lever.
Lessénateurs Callisteet Combocononarrè-
tèrent l'évoque Constantin et dirent à saint
Etienne : « Vous avez à choisir des deux, ou
de souscrire ou de mourir comme rebelle à
la loi des Pères et des empereurs.» 11 répon-
dit .- « Ma vie est Jésus-Christ, mon avantage
et ma gloire de mourir pour sa sainte image.
Mais qu'on lise la définition de votre concile,
afin que jç voie ce qu'elle contient de raison-
nable contre les images. » Gonslanlni de Na-
colie ayant lu le titre. Définition du saint con-
cile, septième œcuménique , saint Etienne lui
fit signe de la main de s'arrêter et dit :
« Comment peut-on nommer saint un con-
cile qui a profané les choses saintes? Un de
vos évoques n'a-t-il pas été accusé par des
gens de bien, dans votre concile, d'avoir
foulé aux pieds la patène destinée aux
saints mystères, parce ([u'on y voyait les ima-
ges de Jésus-Christ , de sa Mère et .de son
précurseur? Vous l'avez maintenu dans ses
fonctions , et excommunié ses accusateurs
comme défenseurs des idoles. Qu'y a-t-il de
plus impie? N'avez-vous pas ôté le litre de
saints aux apôtres, aux martyrs et aux autres
justes, les nommant simplement apôtres ou
martyrs? Mais comment ce concile est-il œcur-
cuménique, sans être api)rouvé du pape de
Kome, quoi(iu'il y ait un canon cpii défend
de régler sans lui les affaires ecclésiasti-
ques? Il n'a été approuvé ni par le patriar-
che d'Alexandrie, ni par celui d'Anlioche ou
de Jérusalem. Où sont leurs lettres ? Et
conmient appelle-t-on septième concile ce-
lui qui ne s'accoi'de point avec les six précé-
dents?» IJasile reprit : «Et en quoi avons-nous
contievenu aux six conciles? » Saint ElieniK!
répondit : « N'ont-ils pas été assemblés dans
des églises, et en ces églises n'y avait-il pas
des images reçues et adorées par les Pères?
Képondcz-moi , évè(jiie?» IJasile en C(jnvint,
et sairitEtieiuie, levant les yeux au ciel,sou-
jiira du fond du conu' , étendit les mains:
« OuiconqiHi n'adore pas Notie-S(;igneur Jé-
.sus-(^hrisl renfei'mé dans son image, selon
l'humanité, (pi'il soit anatlièmc. » H voulait
continuer, mais les conunissaires étonnés
i.\f la liberté avecla(juell(; il parlait, (;l cou-
Ycrls de confusion, se levèrent, ordoiniant
seul(;inent qu'on renfciiuAt. Oiiand ils fu-
ient de retour à Ojnslanlinople, l'empereur
leur «Jemanda cecpj'ils avaient fait. Les é'vè-
qnes vo\daient dissimuler leur désavantage,
lu lis Ciilljsie dit : " Nous sommes vaincus,
seigneur ; cet nomme est fort en raisons et
méprise la mort.» L'empereur, outré déco-
lère, écrivit aussitôt une sentence pour en-
voyer-le saint honnne en exil dans l'île de
Proconèse près de rHellesj)ont.
Pendant dix-sept jours ((ue saint Etienne
demeura à Chryso|)olis, il ne prit point de
nourriture,, qubiiiue l'empereur lui en eût
envoyé abondamment. Mais il la renvoya
comme il avait fait auparavant, ne voulant
rien recevoir d'ini excommunié. Avant que
de partir, il guérit le supérieur du monas-
tère, abandonné des médecins. Etant arrivé
à Proconèse, il se logea dans une caverne
agréable, ([u'il trouva dans un lieu désert
sur la mer, près d'une église de sainte Anne
et se nourrissait des herbes qu'il rencon-
trait. Ses disci])les, chassés du mont Saint-
Auxence, ayant ap[)ris le lieu de son exil,
vinrent à Proconèse se rassembler autour du
lui, à l'exception de deux qui apostasièrent,
savoir, Sergius le calouniiateur du saint, et
Etienne, qui, après avoir été chapelain du
patrice Calliste, avait reçu l'habit monasti-
que des mains de saint Etienne qui l'avait
établi prêtre du monastère. L'empereur le
fit chapelain du [)alais de Sophie, et ils pri-
rent l'un et l'autre l'habit séculier. Tous les
autres disciples de saint Etienne, s'étant re-
mis sous sa conduite, firent un nouveau monas-
tère à Proconèse. Sa mère môme et sa sœur
quittèrent le monastère des Trichinaires, où
elles étaient établies, et vinrent le trouver
dans cette île. Pour lui, il Ut faire une jtetite
cage en forme de colonne où il s'enferma
pour continuer ses austérités, la quarante-
neuvième année de son âge, c'est-à-dire l'an
763 , car il était né la première année du
pontificat de saint Germain de Constantino-
ple qui fut l'an 715.
La même année 763 , vingt-troisième du
règne de Constantin, Côme surnommé Co-
namite, évêque d'E[)iphanie en Syrie , fut
accusé par les citoyens devant Théodore,
patriarche d'Antioche, d'avoir dissipé les va-
ses sacrés; et ne pouvant les représenter, il
renonça à la foi catholique et embrassa l'hé-
résie (les iconoclastes, il fui condamné d'un
comnmn consentement par les trois patriar-
ches Théodore d'Antiocne, Tliéodor*- de Jé-
rusalem , Côme d'Alexandrie avec les évo-
ques de leur dépendance, et le jour de la
Pentecôte ils ranatiK'matisèrent chacun chez
eux après la lecluic de l'Evangile. Vers le
mêm»; temps , reni|)ereur Constantin de-
manda au |)atriarch(! de ('onslanlinoph! quel
mal y aurait-il de dire : Mère de Christ, au
lieu de Mère de Dieu? Le patriarche répon-
dit en l'cMubrassant : « Ayez |)itié de nous,
seigneur. Dieu vous garde d'une lel|e piMi-
sé(î 1 ne voyez-vous |)as comme Neslorius est
analhématisé i)ar toute; l'Eglise? — Je le
demandais |)our m'inslruirc;, reprit l'empe-
reur; (pu! ce discours reste entre vous et
moi. » lin jour, tenant une bourse pleine
ti'or, il demanda à ceux ipii étaieni |>résenls
ce (pi'elle valait. « LMe vaut beaucouj» , »
dirent-ils. lui ayant ôté l'or, il Irur litiMieore
la mémo question : ils répondirent qu'elle
1
1225
ICO
ICO
1220
lie valait plus rien, «lien est do môino, dil-
il, (le la Mère de Dieu; tant qiio Jrsiis-Christ
était dans son sein , elle valait beaucoup;
flfU'ès qu'il en l'ut sorti, elle était connue les
autres.
Dans son e\il, saint Ktienne faisait beau-
coup de iniracïk's. UetifcinK' dans sa cage, il
recevait tous ceux (pii venaient le voir pour
invo(pu'r ses j)riùres, pour lui demander des
conseils. 11 guérit un aveugle en lui taisant
cette (uit>slion : « Adorez-vous l'image de
Jésus-Christ, de sa niôre et des saints?
Croyez-vous en Dieu, (pii gutiril même par
les images, counne il arriva à la conversion
de sainte Marie rKgy|)tienne? — Je crois, dit
J'aveugle, et j'adore. — Au nom de Notre-
Seigneur Jésus-Christ, en qui tu crois, et
puis(pie tn adores son image, regarde le soleil
sans empêchement. » Aussitôt ses yeux fu-
rent ouverts, et il s'en alla louant Dieu. II
lit encore plnsieurs autres miracles remar-
quables (jiie nous ne citons [)as ici, mais dont
on |)eut lire le détail dans la vie du saint.
L'empereur tît ramener saint Etienne à
Constantinople, et le lit mettre en prison avec
les fers aux pieds et aux mains. Quelques
jours après il l'interrogea sur la terrasse du
phare, en présence de deux ofliciers. En y
allant, le saint s'était fait donner une pièce
de monnaie à l'efQgie de l'empereur. Celui-
ci, après lavoir accablé de reproches, lui
demanda pourquoi, et de quel droit il le
traitait d'iiérétique. « Parce que, lui dit le
saint, vous avez fait ôler des églises les ima-
ges qu'adoraient nos ancêtres, et que nous
adorions nous-mêmes. — Vos images sont
des idoles, lui dit l'empereur. — Seigneur,
repartit Etienne, les chrétiens n'ont jamais
ordonné d'adorer la matière dans les images.
Notie adoration remonte de l'image à ce
qu'elle représente. — Esprit bouché, dit
l'empereur, est-ce qu'en foulant aux pieds les
images nous foulons aux pieds Jésus -
Ctu'ist? » Alors Etienne, montrant la pièce de
monnaie qu'il avait apportée, dit à l'empereur :
« De qui est cette image? — De l'empereur, »
répondit celui-ci. Le saint la jeta à terre et
marcha dessus. Alors les assistants se préci-
pitèrent sur lui pour le punir d'un tel crime;
mais l'empereur les arrêta, et le lit conduire
garrotté dans la maison publique dite le pré-
toire, pour y être jugé suivant la rigueur des
lois pour avoir foulé aux pieds l'image de
l'empereur. C'était cette bizarre contradic-
tion que le saint avait voulu faire ressortir.
Peu après, l'empereur fit mourir plusieurs
ofhciers et soldats accusés d'avoir honoré les
images. Il obhgea le patriarche Constantin à
jurer sur la croix qu'il ne leur rendrait au-
cun culte. Voulant rendre l'habit de moine
méprisable, il réunit tout ce qui restait de
mornes dans Constantinople et dans les en-
virons, et les tit passer dans l'amphithéâtre,
tenant chacun une femme par la main. Durant
qu'ils défilaient, le peuple crachait sur eux.
Le 19 mars 766, il tit conduire dans l'Hippo-
drome dix-neuf officiers des plus considé-
rables, et en flt mourir plusieurs qui avaient
commis le crime d'aller voir Etienae et de
DlCTlONN. DES PeRSÉCUTIÙ.NS. I.
rendre hommage 5 ses souffrancos. L'histoire
en nonuiie huit. Conslanliii, pntrice, con-
IrùIcMM- général des postes; .Siralégius , pa-
trice, doiuesli(pie des capii.iincs des gardes;
Antiochus, gouverneurde Sirislc; David, s[)a-
taire, c'est-;\-dire écuyer d(; l'obséfpiiuno
(corps de troupes); Théophylacte , picmier
écuyer et gouverneui' de Thrace; (^hiislolle,
écuyer; (lonslanlin, j)remiei' écuyer de l'em-
pereur; Théophylacle, garde du corps. H
envoya les deux frères Stratégius et Constan-
tin en exil, où, tous les ans, il h.'ur faisait
domier cent coups de nerf de bœuf. Quelque
temps après il envoya en exil le patriarche
Constantin. 11 fif enlever tout ce qu'il jiut
d'images et de reli(|ues des saints pour les
détruire. Il fit notammeut jeter dans la mer
la cliAsse de sainte Euphémie; mais cette
précieuse relique fut conservée miraculeuse-
ment et retrouvée dans l'île de Leninos. Il
lit de l'église de Chalcédoine un atelier à
forger les armes de guerre. Les ouvriers fai-
saient leurs ordures dans le sanctuaire.
Etienne était toujours dans sa prison à Cons-
tantino(>le. En y entrant, il prédit que ce se-
rait sa dernière demeure; il s'y trouva avec
trois cent quarante-deux moines. Aux uns
on avait coupé le nez, aux autres crevé les
yeux ou coupé les mains, parce qu'ils n'a-
vaient pas voulu souscrire contre les saintes
images. 11 y fut assisté par la fennne d'un des
guichetiers, catholique, qui, tous les jours,
lui apportait du pain et de l'eau ; ce fut sa
nourriture onze mois durant.
Un jour, comme il était assis avec les au-
tres moines, on vint à parler des cruautés
exercées ]iendant cette persécution, et An-
toine de Crète raconta le martyre de l'abbé
Paul en ces termes : « 11 fut pris par le gou-
verneur de File, Théophane, surnommé Lar-
dotyre, qui avait fait mettre à terie, d'un
côté, l'image de Jésus-Christ en croix, de
l'autre , l'instrument de supplice que l'on
nomme catapelte. » Alors il lui uit : « Paul,
tu as à choisir des deux, ou de marcher sur
l'image, ou d'aller au supplice. » Paul ré-
pondit : « A Dieu ne plaise, Seigneur Jésus,
que je marche sur votre image, » et, se pen-
chant à terre, il l'adora. Le gouverneur, en
colère, le fit dépouiller et étendre sur la ca-
tapelte, où les bourreaux 1 ayant serré entre
les deux ais, depuis le cou jusqu'aux talons,
et attaché par tous les membres avec des
clous de fer, le pendirent la tête en bas, et
allumèrent autour un grand feu dont il fut
consumé. »
A ce récit , tous les Pères fondaient en
larmes ; mais, à peine Antoine eut-il fini, que
le vieillard ïhéostéricte, prêtre du monas-
tère de Péiicite, qui avait le nez coupé et la
barbe brûlée avec la poix et le naphte, s'a-
vança, et dit : « On ne peut rapporter, sans
gémir, la cruauté du gouverneur d'Asie, que
l'on nomme Lachanodracon. » Saint Etienne
lui dit : « Parlez, mon père, vous nous en-
couragerez si Dieu veut que nous soulfrions
aussi. )> ïhéostéricte refîrit ainsi : « Le soir
du jeudi saint, comme on célébrait les divins
mystèies, ce gouverneur entra, par i'ordro do
S9
12-27
ICO
ICO
1228
l'emporenr, nvoc une multitude de soldats,
fil cesser l'ofiice , prit tronle-huit moines
choisis, qu'ii attacha à des pièces de bois par
le cou et par les mains. (Juant aux autres, il
en ht déchirer «^ coups de Ibuel, il en tit
briller, il en renvoya après leur avoir fai^
poisser la barbe et couper le nez, dont je suis
da nombre. Non content de cela, il brilla le
nio-iastère depuis l'écurie jusqu'aux, églises,
réduisant tout en cendres. 11 ennnena les
trente-huit qu'il avait ()ris, les enferma dans
la voùre d'un vieux bain, près dEphèse, dont
il boucha l'entrée; i»uis il lit miner la mon-
tagne alt(Miante qui les enterra. »
Les moines prièrent ensuite saint Etienne
de leur dire à son tour (pielijues {>aroles de
consolation. 11 leur proposa pour exemple
Pierre le Reclus, do Baquernes, qui exjtira
sous les coups de nerf de bœuf en pré-
sence de rem[)ereur, et Jean, abbé du mo-
nastère de Monagrie, que l'empereur lit en-
fermer dans un sac et jeter au fond de la mer
avec une grosse pierre , pour n'avoir pas
voulu fouler aux pieds l'image de Jésus-Christ
et de sa mère.
Saint Etienne, sachant le temps de sa mort,
api)ela la femme qui le nourrissait, et lui
dit : « Je veux passer ces quarante jours en
retraite et en prières dans l'abstinence. Ces-
sez donc de m'apporter du pain et de l'eau,
car je sais que ma vie finira bientôt. » Pen-
dant ce temps, il ne cessa d'animer les moines
prisonniers à ne poi-it se décourager dans
la persécution; en sorte que quelques ))er-
sonnes pieuses de la ville se couvraient de
haillons pour entrer dans la prison, et rece-
voir sa bénédiction et ses instructions. Le
trente-huitième jour au matin, après la
prière de prime, il appela la femme qui l'a-
vait servi, et lui dit eu présence des moines :
« Venez, femme bénite, Dieu vous rende au
centuple le bien que vous m'avez fait; re-
prenez vos images, qu'elles vous servent do
protection pendant votre vie et de gage de
votre foi. Puis il dit avec un grand soupir :
Demain je partirai d'ici pour aller à un autre
inonde et un autre juge.» La femme, pénétrée
de douleur, prit ses images, et les emporta
envelop()ées dans un mouchoir, de peur des
iconoclastes.
Cependant l'empereur Constantin célébrait
la fête ()aïenne des Brumales en l'honneur
de Bacchus, nommé par les anciens Romains
Brumus; et celte fêle se faisait le "-Ik novem-
bre. L'empereur, assis dans unegaleiie avec
ses courtisans, jouait de la lyre et faisait des
lib.tlions profanes. Qnehnrun lui vint dire
qu(; le clief des aboininahlcs, Etienne d'Au-
xence, avait changé le prétoire on monastère,
où l'on passait lesy nuits en psalmodie. Et
tous les hal)itanlsdetonstautinople, ajoule-
t-il, courent à lui j)Our ajiprendre <i idolAtrer.
L'empereur, outre de colère, ap|)ela un offi-
cier do ses gardes, et lui coriMiianda il'em-
incrier le saint hors de la vili(;, de l'aiitro
cùté de la m(fr, uu lieu où avait élé l'i'sgliso
de sainte .Maure, martyre, (pj'il avait abattue
et changée en une place [)Our h'S exécutions
à mort. 11 y Jnvo(iuait aussi les démons, et
leur immola le fils d'un nommé Saflamius.
Aussitôt il ordonna que Ton fît dans la ville
des recherches exactes contre ceux qui
avaient u i moine pour parent, ami ou voi-
sin, ou (pii portaient seulement un habit
noir. On 1rs envoyait en exil après les avoir
déchirés de cou|is. Les ennemis avaient le
plaisir de dénoncer qui ils voulaient; les es-
claves accusaient leurs maîtres ; Constanti-
noph' était tout on pU'urs.
Tandis que l'on menait saint Etienne au
lieu de l'exécution, l'empereur sortit du pa-
lais et vint à la ])lace i)ubli(]ue où était un
bûlimiMit noin!né le Mille. On y avait autre-
fois peint les six conciles œ(uniéni([ues pour
rinsiruction du i)euple, mais il les lit etfacer
et [)eindre à la place des courses de chevaux.
En ce lieu donc, comme tout le, monde le fé-
licitait, il dit : « Mon Ame est sans consola-
tion, à cause de ces abominables. » Un de ses
courtisans s'écria : « Et quelle trace en reste-
t-il, Seigneur, soit à Conslantinoj)le, soit
dans les aiiires pays? Ne sont-ils [las tous
détruits? Voilà que je viens encore aujour-
d'hui de rencontrer l'ennemi de la venté,
Etienne d'Auxence, que l'on menait pour être
puni par le glaive. » L'empereur lui dit : « Et
qu'y a-t-il pour Etienne de |)lus doux que
d'avoir la tète coupée? Je suis persuadé qu'il
l'a désiré dès qu'il a été arrêté ; il lui faut
une mort plus difficile. » Aussitôt il com-
manda que l'on remît Etienne en prison. Le
soir, il appela deux frères constitués en di-
gnité, si bien faits de corps et d'esprit, que
de[)uis il les fit mourir par jalousie ; les ayant
donc fait venir pendant son soujier, il leur
dit : « Allez au prétoire, et dites de ma part
è Etienne d'Auxence : Vous voyez combien
j'ai soin de vous ; je vous ai tiré des portes
de la mort. Au moins, en cette extrémité,
ayez de la complaisance pour moi. Je sais,
ajouta-t-il, sa dureté ; il me dira des injures.
Alors, donnez-lui tant de coujis sur le visage
et sur le dos, qu'il expire quand vous sor-
tirez. » Les deux frères étant arrivés au pré-
toire, dirent bien au saint honime ce (jue
l'empereur leur avait ordonné de dire ; mais,
voyant qu'il n'en était que plus ferme dans
la foi, ils lui baisèrent les pieds et reçurent
sa bénédiction. Etant de retour, ils dirent à
l'empereur : « Comme nous l'avons trouvé
opiiiiAtre, nous l'avons déchiré de coups. Il
est étendu sans voix, et nous vous assurons
qu'il ne vivra pas jusqu'à demain. » I/em[)e-
reur fit un grand éclat de rire et continua
son festin, j
Le matin, saint Etienne djt adieu aux 1
moines, se recommandant à leurs prièies, et
se lit ôtei' le scapiilaiie, l'écharpe et la cein-
ture. 11 voulait qiiitliM' aussi la cueillie, mais
ils lui dirent (piil devait mourir avec l'habit
monasti(iii(î. Il i'é|)oiidit : « (hi se dépouille
pour coinbaltre, el il n'est pas juste iiue CQ
saint habit soit (h'-shonoré par le peuple in
sohnit. » Il ne garda donc (iiie la lunupie do
peau, el, assis avec; eux, il lis entn limait de
niélé. L'empereur ayant appris ipie les deux
irèrcs l'avauml linnipé, se leva sur les huit
heures, un courant uu vusiibulo du palais«
1220
ICO
ICO
4230
criant : « A l'nido! tout je mondo m'nban-
donno ! 0'»''ii-j»' ^ f'»''"^' '^•'^ ahomiiiablos ! »
Et coiniiic SCS courtisans vcnaitMit pour
manger avec lui, et contiiHier la lèlc, il leur
dit : « Je ne suis plus voire eiupeiein-, vous
on ave/, un autre dont vous haise/ les |)ie.ls,
et dont vous deniaudez la bénéd «lion. IVr-
sonru' ne prend mou parti pour le l'aire mou-
rir et me niellie l'cspiil en i-e[)os. » Couuuo
ils lui demandai(M!t cpii élail doiu' cet autre;
ornpereiu', il leur dit : « (Test Klieiuie d'Au-
lonce, lo chef des ahomiualjles. » A ijcine
l'eut-il nonun('^ tpic celle troupe sortit en l'u-
reur, faisant un bruit ellVoyable, et courut h
la prison, où ils crièrent aux j^ardes : « Don-
nez-nous liiienne d'Auxeme. » Il s'avança
hardiment, et leur dit : « Je suis celui que
vous cherchez. » Aussitôt ils le jelrrent |)ar
terre, .dlachèrent des cordes aux l'ers cpi'il
avait aux |)ieds, et le traînèrent dans la rue,
le lVa[)pant sur la tète et par tout le corps, à
coups de pieds, do [lierres et de bftons. Kn
sortant de la première porto du prétoire,
comme il rencontra l'oratoire do saint Théo-
dore, il s'appuya des mains contre la terre,
et, levant un peu la tète, tourna les yeux vers
le ciel pour dire au saint martyr le diM-nier
adieu. Un des persécuteurs, nomme Philo-
mate, dit : « Voyez cet abominable qui veut
mourir comme un martyr. » 11 courut à des
pompes qui étaient là pour remédier aux in-
cendies, et, tirant un grand piston de bois, il
* en frappa le saint sur la tète et le tua sur-
le-champ.. Philomate tomba aussitôt, grinçant
des dents et agité du démon, qui le tour-
menta jusqu'à la mort.
On continua de traîner le corps de saint
Etienne, en sorte que ses doigts tombaient,
ses cotes se brisaient, son sang arrosait le
pavé. On lui jeia contre le ventre une grosse
pierre qui l'ouvrit en deux; ses intestins
sortirent et traînaient à terre. On le frappait,
tout mort qu'il était ; les femmes mêmes
s'en mêlaient, et les enfants que l'on faisait
sortir des écoles, par ordre (ie l'empereur,
pour courir après avec des [)ierres. Si quel-
qu'un rencontrant ce cori)s n'en faisaîl au-
tant, il était accusé comme ennemi de l'em-
peieur. Ceux qui le traînaient, étant arrivés
à la place du Bieuf, un cabarelier qui faisait
frire du poisson, croyant le saint encore vi-
vant, lui donna un grand coup de tison, dont
il lui cassa le derrière de la tête, et la cer-
velle se répandit. Mais un homme vertueux,
nommé Théodore, qui suivait, faisant sem-
blant de tomber, ramassa la cervelle, l'en-
veloppa dans son mouchoir, et continua de
suivre pour voir où l'on jetterait le corps.
Le peuple qui le traînait étant arrivé au
monastère où était la sœur du saint, voulait
l'eu faire sortir et l'obliger à le lapider de
ses propres mains ; mais elle s'était enfer-
mée dans un sépulcre obscur, et ils ne j)u-
rent la trouver. Enlin ils jetèrent le corps
dans la fosse où avait été l'église do saint
Pelage martyr, dont l'empereur lit la sépul-
ture des criminels et des païens. Us allèrent
lui raconter leur bel exploit ; il les reçut
avec joie; s'étant mis à table avec eux, il
éclatait do rire au récit des circonstances
do cette mort. Kilo arriva le 28 novembre,
jour au(piel l'Eglise honore la mémoire do
saint Ktienne le Jeune, car on le n(»mnie
ainsi pour le distinguer du preuder niartvr.
t;'(''tait l'an 7()7, et il était dans sa cin-
quante-troisième année. Théodore, qui
avait ramassé une partie do son crAne et de
sa cervelle, poi'ta celte l'oliquo au monastèrfi
d(! Dius, dont l'abbé l/i serra secrètement
dans le sanctuaire d(! l'Eglise. Mais quel-
que temps après, Théodore fut accusé près
do l'empereur conuiK! adoi-aieur des images,
et envoyé en exil on Sicile avec sa femme
et ses enfants.
En celte mémo année 707, le G octobre,
rempereur lit revenir à Coislantinoplo
Constantin, patriarche de Constanlinoplo ; il
lo lit (iégrader, et ensuite mettre à mort,
après l'avoir fait en qucl(]ue sorte aposta-
sier : car, après lui avoir fait subir un trai-
tement ignominieux, il lui Ut demander ce
qu'il pensait de sa foi et du concile qu'il
avait assemblé. Le malheureux Constantin,
croyant apaiser l'empereur, répondit : « Je
trouve votie foi bonne , et vous avez bien
fait de tenir ce concile. — Voilà, lui dirent
les patrices, ce que nous voulions entendre
do ta bouche im|)ure. Va maintenant aux
ténèbres de l'analhème. » Ensuite on le
condamna à mort, et la sentence fut exé-
cutée. Après cela l'empereur ne se contint
l)lus : il ()ersécuta violemment les catholi-
ques. 11 lit horriblement traiter Pierre Sty-
lite, A quelques-uns il fit crever les yeux,
il en fit enfermer d'autres dans des sacs,
puis les fit jeter à la mer. A Constantinople,
il exerça lui-même de grandes cruautés.
Antoine, patrice et domestique, Pierre,
maître dos offices, l'y secondaient selon ses
vœux cruels et sanguinaires. En Natolie,
Michel Melissine; en Thrace , Michel La-
chanodracon, et Manès, chef des buccel-
lariens , se prêtaient aussi aux mêmes
cruautés.
Quelque temps après, en 769, le concile
de Rome, assemblé par les soins du pape
Etienne III, traita de la vénération des ima-
ges. On décida qu'elles seraient honorées
comme elles l'avaient été toujours; on lança
l'anathème cmtro le concile tenu en Grèce
depuis quelque temps. En Orient la persé-
cution continuait toujours.
En 770, la trentième année de l'empereur
Constantin, Michel, gouverneur de Natolie,
assembla tous les moines et les religieuses
de Thrace , et les ayant menés dans une
plaine, et dit que tous ceux qui voudront
obéir à l'empereur prennent une femme et
s'habillent de blanc; tous ceux qui ne le
feront pas auront les yeux crevés, et seront
en cet état exilés dans l'île de Chypre. Beau-
coup subirent cet affreux traitement, et fu-
rent regardes comme martyrs; d'autres
apostasièrent. L'année suivante, ce même
gouverneur fit vendre tous les monastères
et tous les biens qu'ils possédaient; il fit
saisir et brûler tout ce qu'il put des reliques
des saints, et punit tous ceux qui en furent
1251 ICO
trouvés porteurs. A quelques-uns il fit en-
duire la baibe de cu-e et de poix fondue,
ensuite il y faisait meltre le feu. Il ne laissa
pas dans son gouvenienitMit une seule per-
sonne po:taut l'i abit monastique. L'empe-
reur lui écrivit des lettres de remerciement,
ce qui engajiea les autres gouverneurs a agir
comme lui. Constantin ne survécut pas long-
temps ; étant allé faire la guerre aux Bul-
gares, il fut atteint de charbons aux jambes
(probablement de plaies variqueuses). Il
voulut rcvt'uir à Constanlinoj)le, et s'em-
barqua à Sélimbne, mais il mourut en mer,
le li septembre 775. Son lils Léon lui suc-
céda : d'abord ce prince se montra plein de
piété pour la sainte Vierge, et favorable aux
moines. Il clioisit des abbés pour les mettre
en dilférents sièges, comme métropolitains.
Mais vers la tin de son règne, il lit paraître
son aversion pour les injages, qu'il avait
dissimulée jusque-là. AyaiU tro iré deux
imag^'ssous le clievet de l'impératrice Irène,
sa femme, il lui en fit de grands reî)roches,
et lui dit : « Est-ce ainsi que vous gardez le
serment que vous avez fait à l'empereur
mon père, sur les m ystèr. s les jlus terri-
bles?» Quoiqu'elle assurât qu'elle n'avait
pas vu ces images, il s'éloigna d'elle, et n'eut
plus avec elle aucune espèce de commerce
a partir de ce jour. 11 s'enquit d'où venaient
ces images, et ayant appris (qu'elles avaient
été ai)iiOrtées i)ar le concierge du palais, il
le tu arrêter avec Jac([ues, premier écuyer,
Tliéopbane, Léon et Thomas, chambellans,
et quelques autres qui honoraient \es ima-
ges. 11 les tit tondre, fouetter et mettre en
prison. Théoi)liane y mourut. Tous les au-
tres embrassèrent l'état monastique après la
mort de l'empereur, laquelle arriva quelque
temps après. Son lils Constantin lui succéda.
Il n'avait que dix ans. Irène prit en main les
rênes du gouvernemeni. Counne elle était
catlioli(]ue , l'Eglise put enfin respirer, et
sous son règne on put reprendre le culte
des images.
Ce fut sous cette impératrice, qu'à l'insti-
gation (le Taraise , nonnné j)atriarche de
Constant nople à la place de Paul, mort en
IHï, on assembla un concile qui commença
sa premièie session à Coi.stanlinojile, mais
qui ne put continuer à cause des violences
des soldats. Irène invita les évè(|ues à se sé-
parer, et ayant fait sortir delà ville ces trou-
pes séditieuses sous prétexte de les envoyer
combattre les Arabes, les fit désarmer, et
asseunjla de nouveau le concile à Nicée.
Plusieurs évèques y fireiit amende honora-
ble, et dirent (^u'i!s rev(;naient au culte des
images. La sei)lième session fut consacrée à
la detinition de foi du oncile. Elle fut lue à
haute voix par Théodore, évè(iue de Tau-
jiann en Sicile, en ces termes :
« Ayant employé tout h; soin et l'exacti-
tude possibles , nous décidons (pie les sain-
tes images, srjit de couleur, soit de pièces
d«! r.ipjiort (^u (h; que'que autre manièr(3
c<;nvriiabk', seront proposées cnmme la li-
f;ure de la croix, tant dans les églises, .sur
et vases el b-^ habits sacrés, sur les luu-
ICO
123-2
railles et les planches, que dans les maisons
et sur les chemins. C'est à savoir l'image de
Notre-Seigneur Jésus-Christ, de sa sainte
mère, des anges et de tous les saints. Car,
l)lus on les voit souvent dans leurs images,
plus ceux qui les regardent sont excités au
souvenir et à l'alfection des originaux. On
doit rendre à ces images le salut et l'adora-
tion d'honneur, non la véritable latrie que
demande notre foi, et qui ne convient qu'à
la nature divine. Alais on a|)iuocliera de ces
images l'eiuens et le luminaire comme on
en use à l'égard de la croix, des évangiles
et des autres choses sacrées, le tout suivant
la pieuse coutume des anciens ; car l'hon-
neur de l'image passe à l'original, et celui
qui adore l'image adore le sujet qu'elle re-
])résente. Telle est la doctrine des saints
Pères et la tradition de l'Eglise catholique.
Nous suivons ainsi le précepte de saint Paul
en retenant les traditions que nous avons
reçues. Ceux donc qui osent penser ou ensei..
gn'er autrement, qui abolissent, comme les
hérétiques, les traditions de l'Eglise, qui in-
troduisent des nouveautés, quiotent quelque
chose de ce que l'on conserve dans 1 Eglise,
l'Evangile, la croix, les images ou les reliques
des saints, qui profanent les vases sacrés ou
les vénérables monastères, nous ordonnons
qu'ils soient déposés s'ils sont évoques ou
clercs, et excommuniés s'ils sont moines ou
laïques. »
Ce décret fut souscrit par les légats et par
tous les évoques, au nombre de trois cent
cinq, compris quelques prêtres et quelques
diacres, pour les évèques absents. Le concile
témoigna encore son consentement par plu-
sieurs acclamations, à la fin desquelles il
anathématisa le concile de Constantinopie
contre les images et quelques personnes en
particulier, savoir : Théodose, évêque d'E-
phèse, Sisinnius, surnommé Pastillas, Basile
Tricacabe, Anastase, Constantin et Nicétas,
patriarches de Constantinopie, Théodore, An-
toine et Jean ; Théodore de Syracuse, sur-
nommé Critin, Jean de Nicomédie, et Cons-
tantin de ISacolie, hérésiarques. Au contraire,
on cria éternelle mémoire à saint Germain
de Constantinopie, saint Jean Damascène et
saint Georges de Chypre, (pie le faux concile
avait anathemalisés.Ensuite on éeri\ildeux
lettres au nom de Taraise et de tout le con-
cile, l'une à l'empereur et à sa mère, l'autre
au clergé de Constantinopie, })our les ins-
truire de ce qui s'était passé. Dans la lettre
à l'empereur, on expliiiue ainsi le mol d'a-
doration : « Adorer et saluer sont le même
en grec 7;/5Ôo-»'.vv.ïv et àcrTràÇiorat. Car, dans
l'ancien grec, xuvitv signifie saluer ou baiser,
et la jxoposilion -rcf^ôç maniue une plus forte
alhiction. N<his trouvons la même expression
dans l'Ecriture sainte, il est dit (jue David se
prosterna sur le visage, adoranl (rois fois Jo-
nathas, et le baisa. Saint Paul dit que Jacob
adora le haut du sceplrc de Joseph. Ainsi,
saint Grégoire le Tli('!ologieii dit : Honorez
Itéthléem et adorez la crèche. Auisi , (piaiid
nous saluons les croix, nous chantons : .^ous
adorons la croix, Sciijncur, et nous adorons
iSSS
ICO
ICO
1254
la lance qui a percé votre côté; ce iiui, manU •
foslopu'ut, n'est (iirun salut, comme il paraît,
en ce (jne nous lus touclions de nos livres.
One si l'on trouve souvent l'atloralion daus
riùiitui-e et dans les Pères |)our le culte de
lalri(> en esprit, c'est que ce mot a i)lusienrs
sii^nitications : car il y a une adoration nuMéo
d'honneur, d'amour et do crainte, connno
(|uand nous adorons Votre Majesté (ils par-
lent à l'empereur). Il y en a une de crainlo
seule, connue quand )acob adora Esali. il y
en a une d'actions de ^r;\ces, conime (piand
Abraham adora les entants d'Heth, à l'occa-
sion do la sépulture de Sara. C'est pourquoi
l'Ecriture, voulant nous instruire, dit : Ta
adoreras le Sti(/neur, ton Dieu, et ne serviras
que lui seul. Kllc met l'adoration indélini-
n)enî, connue un terme écpiivocjuc ({ui peut
convenir ^ d'autres; mais elle restreint ii lui
seul le service, latreian, que nous ne rendons
qu'à lui seul. » A cette lettr
queltjues [)assages des Pères.
on avait joint
L'Ej^lise fut tranquille, du côté des icono-
clastes, jusqu'à Léon l'Arménien; mais ce
prince, qui dans les premiers temps de son
règne avait semblé être catholique, se dé-
clara dans la suite contre les images, disant
à ses conrlisans : « Pourquoi pensez-vous
que les chrétiens soient sous la domination
des inlidèles, si ce n'est parce qu'ils adorent
les images? Tous les empereurs qui les ont
reçues ont été ou détrônés , ou tués en
guerre; au contraire, ceux qui ne les ont pas
adorées sont morts dans leur palais, de mort
naturelle, et enterrés avec honneur dans l'é-
glise des Apôtres. Je veux les imiter, afm de
vivre longtemps, et laisser l'empire à mon
fils et à mes descendanls , jusqu'à la qua-
trième génération. » Il s'adjoignit, pour l'ai-
der dans son dessein, deux sénateurs, Specta
et Eutychien, plus un prêtre nommé Jean,
qui depuis fut très-célèbre parmi les icono-
clastes. Il promit à ce dernier de le faire pa-
triarche, s'il le faisait réussir dans son en-
treprise. En vertu d'un ordre de l'empereur,
Jean feuilleta avec les autres les livres de
toutes les bibliothèques de Constanlinople ,
tant des églises que des monastères. Ils en
brûlèrent un grand nombre. Quand l'empe •
reur se crut assez fort pour la réussite de
son dessein, il attaqua ouvertement le pa-
triarche Nicéphore. Le peuple lui dit : « Il
est scandalisé du culte des images; ne vous
obstinez pas dans ces choses sans impor-
tance, ou bien montrez-moi dans l'Ecriture
un texte précis qui dise d'adorer les images.
— Nous ne pouvons pas toucher aux ancien
nés traditions, lui dit le patriarche. Nous
adorons les images comme la croix et l'E-
vangile. »
Le patriarche ayant su qu'Antoine de Sy-
lée favorisait l'entreprise de l'empereur, le fit
mander et lui en tit des reproches. Antoine
nia tout et remit au patriarche une déclara-
tion par laquelle il admettait le culte des
images et anathématisait ceux qui n'y sous-
crivaient pas. L'empereur lui en ayant ex-
primé son étonnement : « Je me suis mo-
qué d'eux, dit Antoine, pour que vous exé-
cutiez plus facilement ce <|ue vous voulez
faire. » Alors Léon l'ArMu'Miien manda tous
les évê(pies, pensant (pi'ils l'aideraient dans
son dessein. Avant leur airivée à tlonstanti-
nople, il les lit tous arrêter, de peur (pi'iis
n'allassent, suivant la couliinie, descfiudro
che/, le nati'iai'che. On laissait <dl(M' ceux (jui
étaient lavorables à l'hérésie; (piant aux au-
ti'os, on les tenait au cachot, où on les lais-
sait sonll'rir la faim. Nicé[)hor(! re-loublait
ses prièr(îs. H assembla tous c(mi\. (pi'il put;
et, dans cotte assend)lée, il [)i'ononça l'ana-
thême contre Antoine, (pii avait péché non-
seulement comme héréllipu! , niais encorQ
comme menteur et [)révaricateur. L'eu)[)e«
reur, l'ayant su, lit mander le patriarche,
avec tous ceux (jui composaient cette assem-
blée. Quand ils furent ai-rivés au palais, il
leur dit qu'ils troublaient la paix et entrete-
naient la discorde. « Ce n'est pas nous qui
faisons cela, dit le j)atriarche; car nous som-
mes d'accord sur ce point avec toute l'Eglise»
Rome, Antioche, Alexandrie, Jérusalem, tio-
noreht les images. C'est vous qui soutenez
une hérésie condamnée. Si quelqu'un n
ébranlé votre foi, nous désirons vous éclai-
rer; mais nous ne pouvons entrer en discus-
sion, avec des hérétiques, sur des points
déjà condamnés et anathématisés. » Ensuite
il traita à fond cette question devant l'empe-
reur. L'entretien avait été entre lempereuc
et le patriarche.
Alors on fit entrer les évoques, les ah'oés,
puis tous ceux qui tenaient au parti des ico-
noclastes et qui logeaient dans le fialais ; on
fit venir aussi les grands de la cour, les ofi^i-
ciers et tous ceux qui occupaient des char-
ges importantes auprès de l'empereur. Les
officiers entrèrent l'épée nue à la main, pour
intimider les catholiques. « Dites-moi si ce
qui n'existe pas peut tomber? » demanda le
patriarche. On se regardait, ne sachant pas
ce qu'il voulait dire. Il reprit : « Les images
sont tombées sous Léon l'Isaurien et sous
Constantin : donc elles existaient aupara-
vant. » L'empereur dit : « Mes Pères, je suis
du même avis que vous. » Tirant un reli-
quaire , il l'embrassa, « Mais puisque la
question est posée devant moi, il faut bien
que je la fasse examiner. » Les calholiques,
qui voyaient manifestement la mauvaise in-
tention , et qui du reste savaient parfaite-
ment que les choses décidées par des conci-
les ne pouvaient pas sans cesse être remises
en question , refusèrent d'entrer en discus-
sion avec les hérétiques. Emilien de Gyzi |ue
dit : « S'il s'agit d'une aU'aire ecclésiastique,
qu'on la traite dans l'Eglise, ainsi que c'est
la coutume. — Je suis enfant de l'Eglise, dit
l'empereur, et je veux vous écouter comme
médiateur . » Michel de Synnade lui dit :
« Si vous êtes médiateur, faites-le voir. Vous
nourrissez, logez et choyez nos adversaires;
quant à nous, nous sommes partout malirai-
tés par vos ordres. — Parlez, si vous avez
des preuves, dit l'empereur. — Nous avons
des preuves, dit Théoi)liylacte de Nicomé-
die ; seulement nous manquons d'auditeurs
pour les faire entendre, » Euthymius dQ
m
ICO
ICO
1236
Sardes parla avec un ahnirable courage.
« Ce que nous suivons, dil-il, c'est la loi de
l'Eglise, celle dr la tr.ulition contiiinéo par
le second concile de Nicéc Quiconque ose
s'élever contre, soit anallième. » Théodore
Studite ajouta : « L'Apôlro dit que J)ini a
mis dans l'Eç/lise des apôtres, des prophètes y
des pasteurs et des docteurs; mais il n'a point
Parlé des em|)ereurs. Vous êtes chargé de
Etat, de l'arnu^e; prenez-en soin, mais lais-
sez l'Eglise SI' gouverner elle-même. » L'em-
pereur, furieux, les c;liassa de sa présence, et
leur conunanda île rester cliatun chez soi,
sans counnuniqiier les uns avec les autres.
Cet ordre leur fut ti'ansmis à tous indivi-
duellement par le i)réft't di; Constantinople.
Quand on le porta à saint Théodore Studite,
il répondit : « Nous devons obéir à Dieu
plutôt qxi'li vous ; nous nous laisserons plu-
tôt couper la langue que de cesser de défen-
dre la foi. » Léon dissinmla quelque temps.
Il fit insulter l'image de Jésus-Christ, qui
était cl la porte d'airain; Léo'i ITsauiien l'a-
vait déjà abattue, Ii'ène l'avait rétablie. Sous
prétexte du danger qu'elle courait de la riart
des soldais, il la fit enlever. La lèle de Noël
étant venue, il entra dans l'église, comme
les empereurs avaient coutume de faire, et
adora l'orni^ment de l'autel, qui représentait
la nativité de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Tout le peuple fut satisfait; mais ce n'était
que pure dissimulation. A la fête de l'Epi-
phanie suivante, il vint encore cà l'église,
mais n'adora pas les images ; puis il empê-
cha le patriarche de prêcher, et donna la
garde do l'Eglise et des vases sacrés à Tho-
mas, qui avait élé deux fois consid.
Le j)alriarclio étant tombé malade sur ces
cntreiailes, rem[)ereur se modéra un peu,
espérant que s'il mourait il pourrait mieux
réussir. Quand il revint à la santé, il lui en-
voya Théonliane, frère de l'impératrice, pour
l'amener à avoir des conférences avec les
iconoclastes. Nicéphoro s'excusa sur sa santé,
disant qu'il accepterait néanmoins, si on lui
laissait le libre gouvernement de son trou-
peau, si 0 1 faisait sortir do prison tous les
évô pies catholi(|ues qu'on y détenait, si on
rappelait ceux qui étaient en exd, si on éloi-
gnait ceux dont les ordinations n'étaient pas
régulières. Mais les iconoclastes qui étaient
à la cour rejetèrent ces conditions, et, pré-
tendant qu'ils avaient le pouvoir d'un con-
cile , diront (ju'ils avaimil vainement trois
fois déjà ap|)elé le patriarche; qu'ils pou-
vaient le condamner comme contumace. Ils
le mandèrent par une monition ([ui lui fut
j)Oitéo jj.ir (juelques évê(jues accompagnés
d'une troupe d; gens sans avcnj. « Le concile,
lui dii'enl-i!s, a r(;c,u des libelles contre vous.
Si vous voulez éviler d'êlrc; déposé, souscri-
vez aux volontés de l'empcncur, et rejetez le
culte des iuiagrjs. — Quel est celui, dit le
pntri.'irche, (pji .s'jittiibue juiidiction cm ces
lieux? Est-C(î le pape, ou (juelqu'un des ;ui-
Ires patri.'U'clies? Si je suis eoupable dr- cer-
luiris crinii-s, comnu! vous dit(!s, il sulMr.iit
que je repriussîisso le culte des images poiu*^
éviter d'ôlfo déposé. Je sais nueux que cela
les lois de l'Ezlise. Quand bien môme le
siège de (>onslantinople serait vacant, nul
évoque n'y aurait juridiction. Or il ne l'est
pas ; à plus forte raison, nul n'y peut faire la
loi. » A|ti-ès avoir lu le canon, il les excom-
munia et leur ordonna de sortir île l'enceinte
du lieu saint. Ils sortirent en proférant des
anathèmes contre lui et Taraise. Alors ils
voulurent le faire mourir; mais il en fut
averti par un clerc. Il écrivit à l'empereur
que, pour éviter des malheurs qui retombe-
raient sur lui, il était disposé à (]uitter soil
siège. L'em|)ereur le lit enlever la nuit, et,
après l'avoii- délenu en dill'érents lieux, le fit
transporter au monastère de Saint-Théodore.
Après le départ de Nicéphore et l'élévation
de Théodote au siège de Constantinoph», les
iconoclastes tinr<mt un concile; ils s'assem-
blèrent dans l'église de Sainte-Sophie, ayant
à leur tête le nouveau patriarche, Théodote,
surnommé Cassitère. L'emperenr y fit aussi
assister son (ils Symbarius, qu'il avait nom-
mé Constantin, ne voulant pas y assister lui-
même, pour n'être pas oblig' à faire une
souscription contraire à ci; qu'il avait fait à
son avènement à leinpirc. Les abbés de
Constantinoi)le , étant appelés au concile,
s'excusèrent d'y venir, par une lettre que
saint Th;''odore Studite composa au nom de
tous, et où ils disaient en substance : « Les
canons nous défendent de faire aucun acte
ecch'siastiijue , principalement touchant les
questions de foi, sans le consentement de
notre évêque. C'est pourquoi, bien que nous
ayons et '■ appelés de votre part jusqu'à deux
fois , nous n'avons osé rien faire , comme
étant sous la main du très-saint patriarche
Nicé[)hore. D'ailleurs, nous avons appris que
celle convocation ne tend qu'à renverser le
second concile de Nicée et défondre l'adora-
tion des saintes images. C'est pourquoi nous
vous déclarons que nous tenons la même foi
que toutes les Eglises qui sont sous le ciel,
et que nous adorons les saintes images, fon-
dés non-seulement sur le second concile de
Nicée, mais sur toute la tradition écrite et
non écrite , depuis l'avéneuKnit de Jésus-
Christ. Nous ne recevrons rien de contraire,
quand, par impossible, Pif^rre ou Paul, ou
un ang(> descendu du ciel l'enseignerait; et
nous sommes prêts à tout soull'rir, même la
mort, plutôt qu! d'y renoncer. »
Les deux moines ipii |)résentèront celle
lettre au concile furent l'envoyés chargés de
coups , et on passa outre sans s'y ai-i'êter.
Dans la première session, on lut la délinition
de foi du concile tenu aux I{la(|uerMes, do
i'antorilé de Constantin Copronyme, sous le
nom de septième concile. On la confirma et
on analhéiualisa le vrai scplième concile et
li'S iialriari hes oithodoxes. Le second jour,
on anu-na au concile qu('l(]ues évêipu's ca-
tlioli(ju(!s que les iconoclastes croyaient les
plus faciles à intinuder. On md (mi pièces
leurs babils «atirés, et o i les fil ainsi demeu-
l'.i- à la porte de l'église , C(tMime des nrison
ni( is ; puis ils furent Irai'ni's au milieu d'j
r.'isseninh'e, où les pn-Niilents les firent de-
niriucr delxjul, h'ur ollVaiit do leS faii'O as-
1237
ICO
ICO
4258
seoir nvoc owx- s'ils cliangoaiont do sonti-
inent. Mais, les trouvant fermes dans la con-
fession (le la foi catholiiiiie et la NY-ni^ralion
des imaK«'s, ils les firent jeter par terre, et
les assislanls leur mirent le i)ied sur la
gorf2;e; puis ils les firent relever et sorlir h
reculons, craclia-it sur eux et les frniipant à
coups de poing dans le visai;e, en sorte (pu)
qiu'lipies-uns étaient tout en sang-; enlin, on
les livra il des soldais (|ui les nien(>rent en
jirison. Après les évèf[ues, on lit entrer les
al)l)és d(>s plus fanunix monastères, qui, no
s'étant laissés vaincr(^ ni aux caresses, ni aux
menaces, furent aussi envoyés dans diverses
prisons. Cette seconde s(>ssion finit par des
acclamaliinis jiour l'empereur et son lils , et
des anathénies contre les chefs des eatholi-
3 nos. Knsuite ils dres'^èrenl leur délinilioii
0 foi, (pii fut souscrite à la troisième ses-
sion, piemièrement par le jeune empereur,
puis par tous les autres , et ainsi liait co
concile.
Eu exécution de son décret, on effaça tou-
tes les peintures des églises avec de la chaux
que ceux qu'on y employait mouillaient sou^
vent de leurs ïarmes, tant ils le faisaient à
regret. On brisait les vases sacrés, on déchi-
rait les ornements en petits morceaux, on
coupait à coups de h'ache les tableaux peints
sur du bois, et on les brûlait au milieu de la
place publique. On elfaçait d'autres images
avec de la boue ou des onctions infectes, au
lieu des parfums qu'on avait accoutumé de
leur présenter. Des profanes maniaient im-
punément les choses saintes qu'il ne leur
était pas même permis de voir. Dès lors la
persécution commença très-rudement contre
les catholiques , particulièrement contre le
clergé et les moines. Entre les évoques qui
souffrirent en cette occasion, voici les plus
illustres : Michel de Synnade et Théophilacte
de Nicomédie, disciples du patriarche Ta-
raise, qui les tira de la vie raonasti({ue pour
les ordonner tous deux métropolitains. Mi-
chel assista en cette qualité au septième
concile général, et fut envoyé en Occidcnl,
vers Charlemagne, par l'empereur Michel
Curopalate, et chargé en môme temps de la
lettre synodique du patriarche Nicéjjhore au
pape Léon 111. Michel et Théophilacte se si-
gnalèrent par leur fermeté contre les icono-
clastes , en présence de l'empereur Lé. m
l'Araiénien, et furent tous deux envoyés en
exil , Michel dans l'ile Eudociale et ensuite
en d'autres lieux. L'Eglise honore sa mé-
\ uioire le vingt-troisième jour de mai. Théo-
■ philacte fut relégué au château de Strobyle
en Garie, et vécut encore trente ans dans cet
exil. Il est honoré comme saint le huitième
jour de mars, ou le septième, sous le nom de
Théophile. Ses reliques furent rapportées à
Nicomédie. Saint Euthymius, métropolitain
de Sardes, avait aussi commencé par la vie
monastique , et parut entre les principaux
évèques au second concile de Nicée, où il est
fait souvent mention de lui. Irène et Cons-
tantin l'employèrent en des ambassades et
d'autres affaires publiques; mais l'empereur
Nicéphore le relégua dans l'île Patarée, en
Occident, pour avoir donné lo voile h une
fille. Etant revenu, il fut un de ceux qui par-
lèi-ent le |)lus IVjrtement pour les images, de-
vant Léon l'Arménien, (pii l'envoya en exil «'i
Ason; mais ce ne fut jtas la fin de ses tia-
vaux. S.unt Emili(Mi de Cysiqiu; fut aussi re-
légué, a|)rès avoir beaucoup soullert pour la
même cause; et rEglis(! en fait mémoire le
huitième jour d'aoïlt. Ceorgifs, évèrjue de
Mit^lène, métropole de l'Ile de Lesbos, était
né de parents nobles et riches; mais il em-
brassa la viemonastifpie, et se voua particuliè-
rement h l'aumône. 11 j'iit chassé de son siège
j)ar Léon l'Arménien, jxjur la cause des ima-
ges, et relégué ;i Cli(;rsone, où il mourut.
L'Eglise honore sa ménjoire le 7 avril.
Entre les abbés qui souffrirent en cette
persécution , les jdus fameux .sont : saint
Théodore Studite, saint Nicétasde Médicion,
saint Théophane deSiagriane, saint Macaire
de Pélécite, saint Jean de Cathares. L'euipe-
reur Léon ne pouvant souffrir la liberté do
M'héodore à défendre les in\ages, le chassa
de Constantino'ple et l'envoya au château do
Métope, près d'Apollonie, où il le tint ren-
ftn-mé. Mais le saint abbé ne laissait |)as
d'instruire et d'encourager les caholiques
par ses lettres, dont il nous reste un grand
nombre , entre autres une lettre dogmatique
où il traite amplement la question des- ima-
ges, par les mêmes raisons et les mêmes au-
torités qui avaient été employées sous Léon
l'Isaurien et sous Coproîiyme. Il fait men-
tion en une autre, d'un de ses disciples, le
moine Thadée, qui était mort sous les couf)s
defouet,ra .rtyr des images, et de quelques-
uns qui étaient tombés. Théodore avait pour
compagnon de sa prison un moine nommé
Nico.as, qui fut depuis abbé de Stude.
L'abbé Nicétas était de Césarée en Bilhy-
nie ; sa mère étant morte huit jours ai)rès
sa naissance , son père eml)rassa la vie mo-
nastique et le consacra à Dieu dès l'enfance,
en qualité de portier ou custode d'église.
Etant plus avancé en âge, il s'attacha à un
vieil anachorète qui le mena au monastère
de Saint-Serge de Médicion, à Constanfino--
])le, alors gouverné [)ar l'abbé Nicéphore qui
l'avait fondé et qui, en cette qualité, assista
au second concile de Nicée. Nicétas n'avait
pas encore demeuré sept ans dans le mo-
nastère, quand Nicéphore le fit ordonner i)r6-
tre par le patriarche Taraise, et se déchargea
sur lui du gouvernement de la communauté.
L'abljé Nicéphore mourut quelques années
après, et est honoré comme saint le qua-
trième de mai. Alors toute la communauté
élut Nicétas pour hégumène ou abbé , et il
en reçut l'ordination par les mains du pa-
triarche Nicéphore. Il fut amené avec les au-
tres abbés au concile des iconoclastes en 815,
et envoyé dans une prison si infecte, qu'elle
était uii supplice par elle-même. Là on lui
envoyait des gens {lour le tenter et le fati-
guer par leurs blasphèmes et leurs discours
impertinents. Après qu'il y eut .longtemps
souffert, l'empereur l'envoya en Natoli'î, no-
nobstant la rigueur excessive de l'hivor, et
1239 ICO
1g fit enfermer dans le chât<iau nommé Massa-
lj5on.
L'abbé Théopliane était malade de la
pierre, et ne vint apparemment h Conslanli-
nople qu'en 810. Maeaire, abbé de Pélécite,
était nù h Constantinûi)ie , et se nommait
dans le monde GbrvstO{)hle. Il tlt tant de mi-
racles qu'on le nomma Thaumaturge, et il
guérit entre autres le patric(>Paul et sa femme
de malailies désespérées. Il fut diversement
tourmenté par Léon l'Arménien pour la
cause des images et demeura en prison pen-
dant le reste de son règne. On a une lettre
h lui de saint Théodore Studite. Jean, abbé
du monastère de Cathares, était de Décapole
en Isaurie. Il vint au second concile deNicée
avec celui qui l'instruisit dans les lettres et qui,
étant venu ensuite à Constantinople, fut abbé
de Saint-Dalmace. Jean fut ordonné prêtre
et envové i^ar Tempereur Nicépliore au mo-
nastère^le Cathares , dont il fut abbé, et le
gouverna pendant plus de dix ans. 11 prédit
à ses frères la persécution de Léon l'Armé-
nien, les exhortant h demeurer fermes dans
la vénération des saintes images. Kn effet ,
l'empereur envoya des gens qui dispersè-
rent la communauté, pillèrent le monastère
et emmenèrent l'abbé Jean à Constantinople
charg'^ de chaînes. Etant présenté à l'empe-
reur, il lui reprocha hardiment son impiété;
l'empereur le til fra|)per de nerfs de bœuf
sur les veux et sur le visage , et trois mois
aigres l'ènvova au château dePentadactylion,
au pays de Lampe en Natolie, où il demeura
un an et demi , les fers aux pieds et dans
une obscure prison
El Ire les laïques, on remarque le patrice
Nicétas , parent de l'impératrice Irène qui
1 envova au concile de Nicée pour y assister
de sa part, et toutefois je no trouve point son
nom dans les Actes. Il fut ensuite gouver-
neur de Sicile, oîi il prit grand soin des
veuves et des orphelins. Etant revenu h
Constantinople, et voyant l'empereur Léon
l'Arménien déclaré contre les images , il re-
non(;a a sa dignité et embrassa la vie monas-
tique. L'empereur lui envoya dire ([u'il brû-
lât rimage du Sauveur ou qu'il la lui en-
vovAt; ei comme il le refusa, il l'envoya en
exil , où il mourut après beaucoup de souf-
frances. L'flglise grecque honore sa mémoire
le 6 o;:lobre , et les louanges que lui donne
saint Théodore Studit(;, dans une lettre qu'il
lui écrit, sont un illustre témoignage de son
mérit".
Théodore implora l'assistanco du pape
Pascal contre la persécution (pii continuait
en Orient. En 817, Léon l'Arménien lit re-
venir à Coristaiilino|>le plusieurs évè(|ues et
abbés, défenseurs des images, (ju'il avait en-
voyés en exil. Parmi eux fut Nicélas, «pii ne
resta que ciu(j jours à peine au lieu de son
'ixd. 11 les livrii à Jean Léconomante , (|ui
les mit dans d(,'S caciiots séparés sans autres
lits (]ue la terre humide, et sans couvertures.
On leur jetait par un trou une one(! de pain
moisi (;l un peu d'eau puante;. Ivilln on les
j)ressa de coinmuin<|Ui r avec, 'l'hf'odole, di-
bunt qu on ne b nr dr^mandail pas auti'c;
ICO 1Î40
chose, et que leur foi n'aurait rien h en souf-
frir; (pi'ensuite on les renverrait chacun en
leur monastère. Ils sortirent donc et vinrent
dans mi oratoire où ils re(;urent la commu-
nion des mains de Théodote. Cet oratoire
était orné d'images; mais Mcétas s'étant re-
penti j)lus tard de cette condescendance ,
vint trouver reinpereur et lui dit positive-
ment qu'il n'était pas du |)arti des iconoclas-
tes, et qu'il se re[ientait d'avoir même une
seule fois communi(pié avec eux. Après avoir
été quel(]U(! temps (létenu h Constantinople,
il fut relégué dans l'île de Sainte-Clycéiie ,
sous la garde de l'eunuque Anthime fait
exarque des monastères de cette contrée par
les iconoclastes. Cet homme ne pouvant rien
obtenir de Nicétas , le tint six ans entiers
(jusqu'à la mort de l'empereur) dans une
prison étroite dont il portait toujours la clef
sur lui. Saint Jean , abbé des Catiiares, fut
aussi rappelé à Constantinople, livré à Jean
Léconomante, et mis par lui dans un cachot
obscur jus(|u'à la mort de l'empereur Léon.
Théodore Studite ne fut pas rappelé : exilé
à Métope , il continua, tant par ses discours
que par les lettres qu'il écrivait, à être un
des plus fermes soutiens de la foi catholi-
que. L'empeieur l'ayant su, chargea un cer-
tain Nicétas, en qui il avait grande contiance,
de conduire Théodore en Natolie, en un lieu
appelé Bonite, et de ne l'y laisser communi-
quer avec personne. Quand on communiqua
cet ordre à Théodore , il répondit : « Pour
le changement, j'y consens ; mais quant à
ma langue , que j'ai reçue pour faire la vo-
lonté de Dieu , vous la couperez plutôt que
de rempècher d'annoncer la foi qui est ma
croyance. » L'empereur fit commander h Ni-
cétas de fouetter cruellement le saint. Celui-
ci, ôtant sa tunique, se présenta avec joie au
supplice. « C'est ce que je désirais , )> dit-
il. En voyant son corps amaigri par les mor-
tifications , Nicétas en eut pitié , et prenant
une peau de mouton, il se renferma avec le
saint et frappa sur la peau à coups retentis-
sants, et ensuite se piquant le bras , mit du
sang à son fouet pour faire croire qu'il avait
exécuté l'ordre.
Un peu })lus tard , le saint écrivit au pape
Pascal pour implorer encore son secours
dans cette persécution. II écrivit aussi au |)a-
Iriarche d'Alexandrie, à celui d'Antioche.
De son coté, le patriarclui Théodote envoya
au pape Pascal des lettres et des nonces;
niais 1(! pape refusa de les lecevoir : saint
Théodore Studite lui en écrivit une lettre
d(! remerciements. Le pape envoya, mais inu-
tilement, à Constantinople des légats chargés
de sonl(mir la vraie loi.
En 819, une des lettres qu'écrivait Tliéo-
dorci aux catholicpies étant tombée entre les
mains de l'empereur , celui-ci ordonna au
gouverneur d'Orient de chAlier si bien Théo-
dore, qu'il n'eut pas envie de recomnuniccT.
Ce gouvei'iieur lit cruelleimnit fouetter Ni-
colas, dis(nple (pii avait écrit la lettre sous
la dictée de son maître, jiuis inisuite Théo-
dore lui-même. On les laissa tous (Unix nus,
accablés de coups et à demi morts ; mais ly
4241 ICU
saint Ayant reçu les soins de Nicolas, qui re-
couvra assez (le force pour secourir son maî-
tre, revint h lui : on 1»' transféra dans nn ca-
chot obscur où il roçitt encore cent (:()U[)S
(le fonot et oCi il .lemenra dix-huit mois. Kn-
lin, relie m<^me anndo, la })erséi'ulioii linit
avec la vie de l'empercm' Léon , (|ui fut as-
sassiné et remi'lacé par Michel le Hè^ue. Ce
|)rince se montra d'ahortl très-l'avoralihs aux
callioli(iues et rappela tous les exilés. Il n'ho-
nurait pas les images , mais il S(ï montrait
<lisposé à laisser chacun librement dans son
Ofiinion. C.'piMidant, sur la demandi; (fuc
lui firent les catholicjnesde leur rendre leurs
églises, il les invita ii conférer avec ceux du
})arli contraire : ils répondirent (luo s'il s'a-
gissait d'une chose temporelle , ils ne de-
manderaient pas mieux ; mais (|ue |misqu'il
s'agissait d'une chose de foi décidée i)ar i'K-
gliso et par les conciles , ils ne pouvaient
faire aucune concession. Michel linit parleur
dire qu'il ne les })ersécuterait pas, mais qu'ils
ne rentreraient dans leurs sièges et en [)0s-
session de leurs églises que s'ils renonçaient
à élever aucune image dans Constanlinople
et autres lieux do sa domination. Alors les
catholiques reprirent le chemin de l'exil.
Comme on le voit, les bonnes dispositions
de cet empereur S(> bornèrent à faire qu'il ne
persécutât pas d'abord les catholiques; mais
elles n'allèrent pas même jusqu'à leur per-
mettre de prati(iuer ostensiblement ce qu'il
leur permettait de croii'o dans lyur for inté-
rieur, ce qu'il ne voulait pas attaquer vio-
lemment dans leur (îonscience. Du reste ,
l'empereur Michel le Bègue était une sorte
de rustre, ne comprenant rien au raisonne-
ment et à la discussion. Il était entôlé et for-
tement arrêté dans les opinions qu'il avait
reçues dans son enfance. 11 était né à Amo-
rinm en Phrygie d'une peuplade de laquelle
on prétend que les Bohémiens modernes sont
les descendants. Ces gens à demi barbares
tenaient le milieu entre les Juifs et les Athin-
gans. Ils recevaient le baptême et rejetaient
la circoncision. Du reste, ils suivaient toute
la loi mosaïque. Michel avait les croyances
de cette peuplade grossière ; il savait à peine
lire. Il défendait qu'on instruisît les enfants
dans les livres des anciens Grecs et dans ceux
des chrétiens. En revanche, il se connaissait
parfaitement en mulets et en chevaux. Il
suppléait à toute la science qui convenait à
un empereur par les connaissances d'un ex-
cellent maquignon. Il croyait en Dieu, disait-
il, mais n'admeliait pas qu'il y eût un dia-
ble , ne croyait ; as qu'il y eût eu jamais de
prophètes , et prétendait que la fornication
i était permise. En un mot, comme force d'in-
j telligence et élévation d'instruction , il était
un très-digne ancèire des esprits-forts vol-
tairiens. Michel eût brillé au milieu de nos
docteurs d'eslami lei , et eût tenu une place
éminente au m dieu de ces conciles qui, dans
les mauvais lieu:;, décident si puissamment
de ?ios jours les questions de foi et de
dogme.
^ Bientôt, sortant de l'indifférence qu'il avait
d'abord montrée, Michel se déclara Tennemi
ICO
1242
des catholiques et principa.ement des moi-
nes. Il fit donner sept cents cou|):s de fouet
à l'im d'eux , Mélhodiiis , (pij , étant i-ev(;nu
de Home, enseignait pubilipienienl la foi cn-
tlioli(pie h (^onstanlinoph;. Il h; (it , après
cela, mettre en prison et l'envoya eiilin c'i l'île
de Saint-André, près d'Acride,où il lui dotnia
pour prison connnune avec un condamné
violent et grossier, un sépulcre abandonné.
Il chassa de Constantinoplo Eutymius, évô-
(pie d(! Sai'des ; et son lils, le jeune empe-
l'eur 'i'héoplnle, (it, |)ar son ordre, donner
au saint évètpie tant de cou|)S de fouet (pi'il
en mourut. Sous lui , Ji^'ui Léconomanto
était tout-puissant ; il lit arrêter et mettre en
prison Théodore et Théophano de Jérnsa-
lem, (p:i, profitant de la permission d(! l'em-
pereur, étaient revenus d'exil à Conslanti-
n(jple , et y prêchaient la foi catholique.
Quelque temps après, l'empereur Michel fit
encore proposer aux catholi([ues une confé-
rence; (pi'ils refusèrent, domiant les raisons
qu'ilsavaient déjà fait valoir quand cette pro-
position leur avait précédemment été faite.
Du reste , ils dcniandèrent qu'on envoyât à
Rome, et que do [)art et d'autre on s'en rap-
portât à la décision qui émanerait du siège
de Saint-Pierre.
L'héiésie dos iconoclastes n'avait jusque-
là pas fait de progrès en Occident. En l'an
828, Claude, qui avait été nommé évêque de
Turin, se déclara son partisan. Il nia le culte
des images, l'autorité que les évêques avaient
reçue de lier et de délier dans ce monde et
pour l'autre. Il nia aussi l'autorité du pape.
Après la mort de Michel II, dit le Bègue, son
fils Théophile , qui monta sur le trône en
829, se montra d'abord assez ami de la jus-
tice ; mais bientôt il persécuta aussi les ca-
tholiques. Il en vint jusqu'à persécuter les
peintres qui faisaient des images. Il attaqua
un moine nommé Lazare, qui excellait alors
dans cet art ; ne l'ayant pu gagner ni par
prières ni par menaces , il le fit déchirer à
coups de fouet , de sorte qu'on le laissa de-
mi-mort.
A Constantinoplo, l'empereur Théophile
continuait de persécuter les catholiques pour
la vénération des images. On lui déféra en-
tre autres Théodore de Jérusalem et son
frère Théophano que l'empereur Michel, son
frère, avait maltraités et exilés pour la même
cause. Théodore fut encore fouetté cruelle-
ment et relégué avec son frère dans l'île
d'Aphusia. Mais deux ans après, l'empereur
Théophile les fit revenir à Constantinoplo
sans rappeler les autres exilés, car il souhai-
tait passionnément do gagner ces deux frères.
Théodore racontait ainsi ce qui se passa en
cette occasion, dans une lettre à Jean, évê-
que do Cyzique : « Celui qui était chargé
des ordres de l'empereur étant arrivé à l'île
d'Aphusia, nous mena en grande diligence
à Constantinoplo sans nous en dire le sujet.
Nous arrivâmes le 8 juillet. Celui qui nous
conduisait, ayant vu l'empereur, eut ordre
de nous enfermer aussitôt dans le prétoire,
Six jours après, c'est-à-dire le li du même
mois, on nous mena à l'audience de Tempe-
4243
ICO
ICO
nu
reiir. Comme tont le mondo ?avait le Sujet
pour lequel ou nous amenait, nous ii'(>nieu-
dions que des menaces. «( Obéissez au plus lot
à rem|itM-ouir, » disaient les uns; d'aiitrf.'S :
« Le démon les pt)ssède », et des discours en-
core pires. Environ à la dixième heure, c'est-
à-dire quatre heui-es après midi, nous ci-
trAmes dans la salle dorée, le gouverneur
marchant devant nous. 11 se retira et nous
laissa en présence de l'emnereur, qui nous
parut teri'ible et animé ue colère. A|)iès
(jue nous IVilmes salué, il nous dit d'un ton
rude (Rapprocher plus près, puis il nous de-
manda le pa\s de notre naissance. « C'est,
dîmes-nous , le pays des Méabites. » 11
ajouta : « Qu*étes-vous venus faire ici ? « Et
sans attendre notre réponse, il connnanda
qu'on nous fi-appAt au visage. On nous donna
tant et de si giands coups, que nous t-ombâ-
mes à terre tout étourdis : et si je n'eusse
])ris celui qui me fiai)i)ail par le devant de
sa tunique, il m'aurait aussitôt jeté sur le
marche-pied de l'empereur. Mais je me tins
ferme jusqu'à ce qu'il fit cesser do nous
frai)j)er.
« Il nous demanda encore pourquoi nous
étions venus à Constantinople, voulant dire
({ue nous n'y devions pas venir «i nous ne
voulions embrasser sa créance. Et comme
nous baissions les yeux sans dire mot, il se
tourna vers un ofîicier qui était proche, et
lui dit d'une voix rude et regardant de tra-
vers : « Prene/.-les, écrive:^ sur leui'S visages
ces vers iambiqucs, et mettez-les entre les
mains de deux Sarrasins ])0ur les emuiener
en leur j)ays. » Un îiommé Chrysto.lule, (pii
avait composé ces vers était là et les tenait.
L'emj^eeeur lui ordonna de les lire et ajouta :
« Ne te mets pas en peine s'ils so)it beaux
ou non. » Un des assistants dit : « Ces gens-
ci-, seigneur, n'en méritent pas de plus
beaux. » Il y avait douze vers dont le sens
était : « Ceux-ci ont paru à Jérusalem, conune
des vaisseaux d'iniquité pleins d'une erreur
superstitieuse et ont été chassés pour leurs
crimes. S'en étant (enfuis à Cunstanfinople,
ils n'ont point quitté leur impiété. C'est
pounjuoi ils en sont encore uannis, étant
inscrits sur le visage, comme des malfai-
teurs. »
Saint Théodore continua ainsi son récit :
« Après la lecture de ces vers, l'empereur
nous fit ramener au prétoire, mais 5 {)eine y
fi^mcs-nous entiés (|u'ou Jious ramena en
grande fiAte devant l'eiiipereur rpii nous dit :
« Nous direz sans doulrï (juand vous serez
partis, que vous vous êtes moqués de moi,
et moi je veux me motpier de vous avant
de vous renvoyer. » Alors il nous fit dé-
oouilhsr et i'ouclU'T, cormneuçant par moi.
L'emp(;reur criait toujours, pour animer
ceux (pji tue frap|)aieiit, et je disais cepen-
dant : « Nous n'avons ri(ni fait contic Votre
Majesté, seigneur; ayez jjitié d(! moi, saiule
N ierge, v«niez à notre secours. » Mon Ireio
fut i-nsuitr; traité de rnéme, et a|)rè,s ipi'on
nous eut déchirés de cr)i,ps, rtnnperetir nous
(il sortir. Mais aussilAl o'i nous lit rev(!nir,
Cl un receveur nous demau ta de Ju j»arl do
l'empereur : « Pourquoi vous étes-vous ré-
jouis de la mort de Léon, et n'avez-vous pas
embrassé la même créance ([ue lui. » Nous
répondîmes : « Nous ne nous sommes pas
réjouis de la moit de Léon, nous ne som-
mes |)as vernis veis lui et nous ne pouvons
pas changer notre créance , comme vous
qui la c! atigez selon le temps. » Le receveur
ajouîa : « N'ètes-V(;us pas venus sous le rè-
gne de Léon? — Non, dîmes-nous, mais
sous le prédécesseur de l'empereur, c'est-à-
dire sous Michel le Hègue. » Nous revînmes
au prétoire, et qualr(> jours après on nous
présenta au jnéfel, qui, a|)rès jibi^ieurs me-
naces, nous ordoiuia d'obéir à l'empereur.
Nous dîmes que nous étions prêts à soutlrir
mille morts plutôt que de communiquer
avec les hérétiques. Le préfet revint aux ca-
resses et nous dit : « Communiquez seule-
ment une fois, on ne vous demande pas da-
vantage ; j'irai avec vous à l'Eglise, allez
ensuite où il vous i»laira. » Je lui dis eu
souriant : « Seigneur, c'est comme qui di-
rait à un homme : Je ne vous dinuande au-
tre chose que de vous couper la tète une
seule fois, après quoi vous irez où vous
voudrez. On renverserait plutôt le ciel et la
terre que de nous faire abandonner la vraie
religion. » Alors il ordonna qu'on nous
marquât au visage, et quoique les plaies des
coups de fouet fussent encore enllanimées et
foi't douloureuses, on nous étendit sur des
bancs pour nous piquer le visage en y écri-
vant les vers. L'opération fut longue, et le
jour venant à manquer il fallut cesser. Nous
dîmes en sortant : « Sachez que cette in-
scription nous fera ouvrir la poile du para-
dis et qu'elle vous sera montrée en face de
Jésus-Christ. Car on n'a jamais fait ricni de
semblable, et vous faites paraître doux tous
les auti-es i)ersécuteurs. »
C'est ainsi que Théodore parlait dans sa
lettre. Après que lui et son fière eurent été
ainsi traités, on les remit en prison, le vi-
sage encore sanglant, puis, à la persuasion
du patriarche Jean, on les envoya en exil à
A]iamée en Bithynie, où Tln'odore mourut
quelipie temps ajirès de vieillesse et de
malaiie; et comme l'empereur avait (lé-
fendu de leur donner la sépulture, son frère
Théopliane conserva le coi |is dans un colfre
de bois, et il lit des hymnes à sa louange ;
car il était i)oët(! fameux pour le tenq)S.
Michel Syncelle, de l'église de Jérusalem,
fut aussi arièté et tenu longtemps en prison
ave(^ plusieiu-s autres moines.
Saint Méhiodius avait été tiré du sépulci'e
où il avait été renf(MMné avant la mort de Mi-
chel le Bègue; il en sortit dans un état la-
mentable, n'ayant plus q\u' la neaii et les
os, et pas un cheveu sur la tète. A Constan-
tinople, comme mi'squf! tous les couvents
étaient iideilés d'hérésie, il deineinait seul;
mais il prêchait la vérit('. Ses discoiu's et ses
exemples en cou vtnlissaiiMit un grand nom-
bic. Théophile le lil venir el lui adressa de
violenls repr(»ches. » Si les images, lui dit
le saint, Sftnt si méprisables, pouiwpioi n'a-
buttcz-vous pas bjutes les vôtres, au lieu
1215
IGN
IGN
!246
d'en l'aire élover un si grand noinhrc comme
vous liiilcs? » l-'iiiieiu (io vv discoiii-s, Icin-
j)Drour le lil nit'tlre nu justju'i'i la ccMnUirc, et
lui lil (lomuT six conts cdups tl(> loucl. il le lil
dcsceiuiio douii-inort par un Irou d ins nno
(ios cavos du palais; mais dos pcisouiies
pieusfs l'cMi lirùrent la nuit et pansèrent ses
plaies. L'empereur rayani su, lil coulisipier
la maison où on l'avait retiré. Kiitiii il vou-
lut le gagner par la douceur, il \c loj^ea dans
son {)alais avec les olliciers; il 1(> uuviail
pailout avec lui, nu^m(! à la guerre, parce
qu'il craignait (ju'en son at)sence il oi-casio'i-
ndt (juehpie sétlitioi touclianl li's images.
Théophile étant mort. Michel lil lui suc-
céda en 8Vi, Comme il était encon^ enl'a-it,
ce l'ut rim|)ératrice Théodora (pii gouverna
à sa pl;ice, avec le conseil (pie l'empereur
mort lui avait nonmié. Ce conseil se compo-
sait de Tliéoctisle, homme (pii avait eu de
grandes charges à la cour de liardns, lière
de rinî{)ératrice, et de Manuel, maître des
ollices, qui avait été gcfuverneur d'Arménie.
Penilanl ([u'il commandait dans ce p lys, il
était tomhé malade, et les moines de Stude,
en (jui il avait grande conllancc, lui avaient
[)romis (ju'il guérirait |)romi)tement, s'il se
vouait au rét.-iblissement des saintes images.
11 le lit, et guérit en ellet. Ouand il fut nommé
tuteur du jeune empereur, il songea à l'ac-
complissement de son dessein, il le commu-
niqua à ses deux collègues; il se rendit (.ans
le même but près de l'imiiératrice Théodora.
Elle lui répondit qu'elle formait les mêmes
vœux que lui; on déposa Jean L'.'conomanle,
patriarche intrus de Constantinople. Le
confesseur Méthodius fut mis à sa phice, et
immédiatement les saintes images furent re-
levées avec solennité. On lit une procession
dans laquelle on porta la vraie croix et les
images. Depuis lors l'hérésie des iconoclas-
tes ne s'est pas relevée. Seulement, de loin
en loin de nouveaux hérétiques ont essayé
de la reprendre. Tous les fauteurs d'erreurs
ont la même manie, faute de faire du neuf,
ils se parent de la défroque des temps passés,
semblables en cela à nos modernes révolu-
tionnaires, qui, ne pouvant pas faire linéi-
que chose de nouveau en laitue république,
se parent des haillons de 93 et singent le
passé, ne sachant rien créer dans le présent.
Les singes des iconoclastes ont été les Vau-
dois, les Albigeois, les Hussites et les Ré-
formés.
lE (sainte), martyre, mourut pour la dé-
fense de la religion, dans la province de
Perse. Elle eut plusieurs compagnes dont
nous ignorons le nombre et les dilférents
noms. Après avoir enduré déjà divers tour-
ments, elles souffrirent la mort avec neuf
mille chrétiens que le roi Sapor tenait en
captivité. L'Eglise honore leur mémoire le
4- août
IGNACE (saint), oncle maternel de saint
Célérin, qui confessa glorieusement le nom
de Jésus-Christ en Afrique, sous le règne de \
l'empereur Dèce, fut lui-môme martyrisé
sous Septime-Sévère , avec saint Laurentin,
oncle paternel du même saint, et sain-'.e Cé-
lérine, son aïeule. L'Eglise fait la fôte décos
liois saints le .'Jf.'vrier. Nmis p(KSsédons dans
les (envres de saint Cyprien une (.'xcellento
i .lire ;i la louange de ces glorieux marlyrs.
l(iNA(;i'' (saint), palriai-clK! (hî Constanti-
nople, étfiil issu d'une famille illiislre; sa
mère i*roco[)ie était lilhî de l'empereur Ni-
(•(îphoi-e; Micluîl, son père,(pii d'abord avait
été europalale, ou maître du pal.us, fut lui-
même élfvé sur le Irène impér-ial après (pie
Nieéohorc; eut été tué dans un combat contre
l(vs liulgares. Le général (pii commandait les
troupes du père de noire saint, Léon l'Ar-
ménien.s'élanl révolté, Michel quitta la jmur-
pre après avoir occupé le troue impérial
l)endant un an et neuf mois. Il S(; retira avec
ses lilles, ses (ils et l'imp-rairice Proco[)ie,
dans les îles Princesses, où ils fnnbrassèrent
la vi(> monastique. Nous les y laisserons pra-
ti([u iiit tous les exercices de la piété la plus
austère, pour nous occuper S|)éeial(;ment du
second des (ils de Michel, nommé iS'icétas,
et (]ui [irit le nom d'Ignace. L'usur|ialeui
voulant s'assurer le trône sur lequel il était
injijsli'ment monté, fit Ignace et son fère
eunuques, et e ivoya notre saint dans un mo-
nastère dont l'alibé était iconoclaste. Il eut
à sonlfrir mille ép;euves, mille mauvais trai-
tements, mais il les surmonta tous et resta
lidôle à la vraie foi. Quand son persécuteur
fut mort, les moines qui connaissaient la
vertu d Ignace le nommèrent abbé; ses ver-
tus et sa graide prudence le firent chérir de
ceux qui l'avaient appelé à les gouverner.
Sur ces entrefaiies, les cmps reurs Léon
l'Arménien, Michel le Bègue et Théophile
étant morts, ce dernier en 8Y2, l'impératrice
Théodo;a gouverna l'empire pour son lils
Michel III. Elle chassa Jean, patriarche ico-
noclaste, et quand Met iode, so i successeur,
fut mort quatre ans après, on élut Ignace à
la dignité de patriarche, notre saint usa de
sa nouvelle dignité pour rétablir le règne de
l'Evangile et pour reprendre i)ubliquement
ceux qui scandalisaient les fidèles ])ar leurs
débordements. Le césar Bardas , frère de
l'impératrice, était de ce nombre. Il avait
quitté sa femme pour vivre avec sa belle-
fille. Notre saint le reprit vivement de cette
conduite scandaleuse, mais ce fui inutile-
ment. Aussi le jour de l'Epiphanie, ce priTice
ayant osé se présenter à la communion,
Ignace lui refusa l'Eucharistie et l'excom-
munia. Dès lors, Bardas ne chercha plus que
l'occasion de se venger. Le jeune empereur,
qui était déjà très-vicieux, se livrait à^ de
grands débordements. Bardas le flatta, l'en-
couragea dans ses vices, et l'engagea forte-
ment à régner par lui-même. 11 le prévint
contre notre saint, et l'exhorta également à
faire enfermer sa mère et ses sœurs dans un
monastère. Michel goûta cet avis, fit venir
Ignace, et lui ordonna de couper les cheveux
à sa mère et à ses trois sœurs. Celui-ci ayant
refusé, son ennemi représenta ce refus
comme une excitation à la révolte. L'empe-
reur fit raser sa mère et ses sœurs, les fit
re nl'eimer dans un monastère et chassa
Ignace qui depuis onze ans gouvernait l'E-
124?
IGxN
IGU
4248
glise (Je Constantinople, dans Tîle de Téré-
l)i'ithe. Il refusa coiistamiiioiit de donnor sa
démission, ce que voyant Bardas, il déclara
patri.irciie, sans aucune Ibriualité, l'eunuque
Photiu*;.
Plîotius était neveu du patriarche Taraise,
et proche parent de l'empeieur ; il avait deux
emplois considérables à la cour : celui de
ujaitre de la cavalerie, et celui de premier
secrétaire d'Etat. C'était un homme l'ourbe,
plein d'artitice et ennemi reconnu de saint
Ignace. Aucun évéque ne voulut d'abord
l'ordonner; mais entin en ayant gagné plu-
sieurs par ses fausses promesses, il réussit
da-is ses desseins, et ensuite les lit cruelle-
ment persécuter. Ce n'était pas encore assez,
il voulait perdre Ignace, liardas représenta
donc notre saint comme un factieux, et l'on
envoya dans File de Térébinthe des commis-
saires chargés d'informer contre lui. On fit
soutfrir de cruelles toitures à ses domesti-
ques alin de les forcer à charger le saint pa-
triarche, mais tout fut inutile. Alors on le
relégua dans l'île d'Hyères, et il fut renfermé
dans une élablc ; de \h transporté à Promète,
près de Constantinople, où un oflicier des
gaides lui brisa deux dents d'un coup qu'il
eut la cruauté de lui donner sur le visage ;
on le chargea ensuite de chaînes et on le
jeta dans un noir cachot. Les évoques, irrités
de cette dernière violence, s'assemblèrent
dans l'Eglise de Constantinople, et lancèrent
une sentence d'excommunication contre l'in-
trus Photius, à laquelle il répondit par une
autre contre Ignace. Notre saint, enchaîné,
fut envoyé à Mitylène, dans l'île de Les-
bos. Photius écrivit alors une lettre pleine
de meiisongçs au pape Nicolas 1", où il
lui disait qu'Ignace s'étant démis de sa
dignité à cause de son grand Age et de
sa mauvaise santé, on avait jeté les yeux
sur lui pour remplacer ce saint patriarche,
qui vivait retiré dans un monastère, respecté
ft honoré de tous. 11 le priait ensuite de ra-
tifier tout ce qui avait été lait, et d'envoyer
des légats alin de condamner les iconoclastes.
Le pape répondit avec une grande circons-
pection, et envoya deux légats, sans dissi-
muler toutefois à Photius les irrégularités
de son élection. Ceux-ci ayant été gagnés,
condamnèrent Ignace sur l'accusation de
soixante-douze faux témoins, et le dépo-
sèrent. Alors Photius lui assigna pour iH'ison
le sépulcre de C(jnstanlin C(jpronyme. Notre
saint y resta ({uinze jours {)resque entière-
ment privé de nourriture. Un jour, un de ses
gardes lui prit forcément la main au moyen
de laquf^lle il forma uin; cr(jix sur un papier
(ju'il tenait à la main. i*holius i-emplit ce pa-
pier d'un acte de renonciation au siège de
<>jnstantin(jple, après (pioi il laissa Ignace
libre d'alhtr où il v(ju(liait. (^(;lui-ci profita
de sa liberté, se relira à Pose, dans une mai-
son de sa mère, d'où il ertvoya au pape une
relation do tout ce qui s'était passé. Néan-
moins Plirjtius, (jui daignait (nicore d'èlr(! in-
quiété dans son occupation du siège de (^)ns-
laiil,M(;[j|(!, donna a i'empi'reur le couscnl de
lorcer l^jauce à lire dans l'église la prétendue
renonciation que lui-môme avait rédigée. Le
jour de la Pentecôte, vers le soir, notre saint
voyant une troupe tle soldats qui environ-
naientsamaison, jugea|(pi'on veriailjpour l'ar-
rèler; il se revêtit d'un liabit d'esclave, mit
un bâton sur son é[)aule avec un panier à
chaque bout ; ainsi transformé et favorisé
par la nuit qui commençait à venir, il s'é-
chappa sans être reconnu. Il se cacha long-
temps dans des cavernes et sur des monta-
gnes désertes, mendiant son pain de chaque
jour. On fut longtemps à sa recherche, mais
il était si méconnaissable, que personne ne
pouvait le reconnaître. Celui qui comman-
dait la Hotte reçut enfin l'ordre de le tuer
partout où il le rencontrerait. Le pape, qui,
comme nous l'avons dit plus haut, avait été
informé par notre saint de tout ce qui s'était
passé, blâma fortement ses légats, écrivit
aux patriarches d'Alexandrie, d'Antioclie et
de Jérusalem, ainsi qu'aux métropolitains
et aux évoques, leur enjoignant de regaider
Ignace comme le seul et véritable patriarche
de Constantinople. Il écrivit également à
Photius pour lui dire qu'il occupait ce siège
injustement, et qu'il ne le considérait que
comme un simple laïque. Photius garda la
lettre du pape, en fabriqua une autre par la-
quelle le pape confirmait son élection et la
déposition d'Ignace. Cet intrus menait une
vie impie, faisait la cour à l'empereur qui
insultait à la religion, et mangeait à sa table.
Dieu commença néanmoins à punir les cou-
pables. Bardas ayant conspiré contre la vio
de l'empereur fut mis à mort en 866. Michel
et Photius devaient bientôt eux-mêmes por-
ter la peine de leurs crimes. Ce dernier,
n'ayant pu gagner le pape, résolut de s'en
venger. 11 assembla un synode à Constanti-
nople en 866, et l'y excommunia; telle fut
la première origine du schisme des Crées.
Ensuite il se déchaîna avec fureur contre
l'Eglise latine, soutenu qu'il était par l'impie
Michel qu'il devait bientôt perdre avec sa
dignité usurpée. En etl'et, après la mort de
Bardas, l'empereur, qui était complètement
incapable de gouverner par lui-même, avait
adopté Basile le Macédonien et l'avait asso-
cié à l'empire. Peu a{)rès il avait voulu lui
ôter la part de puissance dont il l'avait re-
vêtu. Mais celui-ci, ()ui déjà avait eu le lemp.s
d'en goûter les douceurs, saisit un moment
où l'empereur était dans l'ivresse, et le fit
assassiner. Sitôt ([ue Basile fut le seul maî-
tre d(! l'empire, il chassa IMiotius, l'exila
dans l'ile de Scé|)é, et rétablit Ignace sur
le siège tle Constantino[)le , le 3 novem-
bre; 867. Le premier usage que notre saint
fil de son rélablissmuent dans son an-
cienne dignité, fut d'assembler un concile,
(\m fut le huitième général, où l'on con-
damna ce (pii s'était fait dans \o synode do
Photius, et Photius lui-même (pii y fut cité
et excommunié. Notre saint, de retour à
Constantinople, se livra tout entier auxsoins
(le fil mer les plaies que son absence avait
pu occasionnera son église. Longtemps sé-
paré do celle chère épouse, il revint vers
elle animé d'un amour de plus en iilus ardent.
1149 IGN
L'exil avait mûri ses vertus, et ce qu'il avait
aocjuis dans les saints combats (jui l'ont les
confesseurs, il le déversa en trésors abon-
dants de bénédictions sur les brebis conliées
h sa yarde. Ce tut dans l'exercico d(îs plus
hautes vertus apostoliciues (ju il |)assa les
derniers tem|)s de ^on épiscopat. Ses diocé-
Faiiis a|)pré(ièrent d'autant plus l'excellence
de leur pasteur ([u'ils avaient été plus long-
temps séparés de lui. Dieu le retira de ce
monde le 23 octobre 878, à l'Ayt; de quatre-
vin^is ans. Les Latins et les Grecs font sa
nuMuoire le 23 octobre.
ItîNACK (saint), évoque et martyr, avait
été disciple de saint Pierre et de saint Jean.
Il fut ordonné évéque d'Antioclusran 08, jiar
les a[)ôtres eux-mêmes, après saint Evode,
premier successeur de saint Piernî dans
cette Eglise. Il se donne le titre d'évôque
de Syi'ie. Antiocho, à cette épo(jue, en était
la métropole. Voici les actes de saint Ignace
d'après un manuscrit grec de la bibliothèque
de Colbert.
Lorsque Trajan vint ii l'empire , saint
Igtiace, disciple de l'apôtre saint Jean, gou-
vernait rEgiise d'Antioche. Comme un sage
pilote, il avait conduit avec beaucoup de
précaution son vaisseau au milieu des tem-
pêtes que la fureur de Domitien avait exci-
tées coutre les chrétiens. Il avait su opposer
aux flots impétueux de la persécution tantôt
l'oraison et le jeûne, tantôt la force de sa pa-
role, et tantôt la pureté de sa doctrine ; et il
s'était heureusement servi de tous ces
moyens ou pour soutenir le courage ébranlé,
ou pour rassurer la foi chancelante de ceux
dont il appréhendait ou la faiblesse ou la
trop grande simplicité. Voyant enfin que cet
orage était apaisé, sans qu'il eût eu le pou-
voir d'endommager le navire dont il tenait
le gouvernail, il rendait grâces à Dieu du
calme dont l'Eglise jouissait alors ; mais il
paraissait n'être pas content de lui-même, il
se reprochait son peu d'amour pour Jésus-
Christ ; il soupirait après le martyre, et il
était persuadé qu'une mort sanglante pou-
vait seule le rendre digne d'entrer dans la
familiarité du Dieu qu'il adorait. Il ne fut
pas longtemps sans voir l'accomplissement
d'un souhait si noble et si chrétien : car
l'empereur, enflé de la victoire qu'il venait
de remporter sur les Daces et sur les Scy-
thes, crut qu'il manquait quelque chose à sa
gloire, s'il ne soumettait à son empire le
Dieu des chrétiens, et s'il ne les contraignait
eux-mêmes d'embrasser, avec toutes les na-
tions du monde, le culte de ses dieux. Ce
fut ce projet impie qui donna commence-
ment à la persécution, et elle s'alluma avec
tant de fureur, que les fidèles se virent ré-
duits en un instant à perdre ou la foi ou la
vie. Ignace, appréhendant pour son peuple,
se laissa conduire sans résistance devant
Trajan, qui, marchant contre les Parlhes, et
se hâtant de les joindre sur les frontières de
l'Arménie, se trouvait alors à Antioche.
Lorsqu'il fut devant l'empereur, ce prince
lui dit : i( Qui es-tu, esprit impur, mauvais
génie, qui oses entreprendre de violer mes
IGN
1250
ordi-es, cl d'eu irjspirei- aux autres les mé-
pris?» Ignace ré|)oiidit : « Nul autre que
vous, prince , n'appela jamais Théophoi«e
(c'est ainsi (pi'on nonunait Ignace) du nom
injurieux dont vous venez (h; r;»[)()(!ler. Bien
loin (pie les serviteui-s du viai Dieu soient
de mauvais géides, sachez (\\w, les mauvais
génies Irenfljlent (uix-iru^mes vX prennent la
fuite h la voix des sei'viteurs du vrai Dieu.
Si toutefois vous croyez (pie j(! niérit(! un
nom si odieux pour m'être rendu formida-
ble à vos démons, je ferai gloire de lef)ortcr;
car entinj'ai r(!(;u de Jésus-Christ, mon maî-
tre, le pouvoir de l'cnverser tous leurs des-
seins et do me sauver de toutes leurs embû-
ches. — Et quel est ce Théo[)hore, lui dit
l'empereur? — C'est moi, réplirpia Ignace, et
Quiconque porte comme moi Jésus-Christ
dans son cœur. — Te scmble-t-il donc, re-
prit Trajan, que nous n'ayons pas aussi dans
le C(eur des dieux ({ui combatt(;nt j)0ur nous.
— Des dieux ! repartit Ignace, vous vous
trompez , ce ne sont qu(; (ies démons. Il n'y
a qu'un Dieu qui a fait le ciel et la terre, et
tout ce qu'ils renferment, et il n'y a qu'un
Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu , et
c'est ce grand roi dont les bonnes grâces
peuvent seules me rendre heureux. — Qui
nommes-tu là, reprit aussitôt Trajan? Quoi!
ce Jésus que Pilaie fit attacher à une croix?
— Dites ])lutôt, répliqua Ignace , que ce
Jésus attacha lui-même à cette croix le pé-
ché et son auteur, et qu'il donna dès lors à
tous ceux qui le portent dans leur sein le
pouvoir de terrasser l'enfer et sa puissance.
— Tu portes donc le Christ au n)ilieu de
toi, interrompit l'empereur? — Oui, sans
doute, répondit Ignace; car il est écrit :
^habiterai en eux , et f accompagnerai tous
leur pas. >;
Trajan, se sentant fatigué par les repar-
ties vives et pressantes de saint Ignace, pro-
nonça contre lui cette sentence de mort :
« Nous ordonnons qu'Ignace, qui se glorifie
de porter en lui le Crucifié, sera mis aux
fers et conduit sous bonne et sûre garde à
la grande Rome, pour y être exposé aux
bêtes et y servir de spectacle au peuple. »
Le saint, entendant cet arrêt, s'écria dans un
transport de joie. « Je vous rends grâces,
Seigneur, de ce que vous m'avez donné un
parfait amour pour vous, et de ce que vous
m'honorez des mêmes chaînes dont vous
honorâtes autrefois le grand Paul , votre
apôtre. » En disant cela , il s'enchaîna lui-
même , et offrant à Dieu ses prières avec ses
larmes, il lui recommanda son Eghse. Puis,
se sacrifiant volontairement pour son trou-
peau, il se livra à toute la cruauté d'une
troupe de soldats inhumains, qui devaient
le coniduire à Rome pour servir de pâture
aux lions, et de divertissement au peuple.
Etant donc pressé d'un désir violent de ré-
pandre son sang pour Jésus-Christ, il sor-
tit d'Antioche avec empressement pour se
rendre à Séieucie, oii il devait s'embarquer.
Après une longue et périlleuse navigation,
il aborda à Smyrne. Dès qu'il fut descendu
à terre il courut chercher saint Polycarpe,
12ol
IGN
IGdl
1252
qui cMait évôq\i« de cette ville, et qui avait
étc' coiuine lui disciple de saint Jean. Lors-
qu'on l'eut conduit. chez c saint j lélat, et
qu'ils eurent coiuuiuiiciué ensemble da-is
l'union d'une ciiarité tout épiscopale, saint
Ignaee, tout glorieux de ses chaînes, et les
montrant à saint rolycarpe, le |)ria de ne
mettre aucun obslaeie à sa moil. Il til la
même prière aux. villes et aux E,4ises de
l'Asie, qui l'avaient envoyé visiter sur son
passage; et s'adressant aux évèques, aux
prôtres et aux diacres qu'elles avaie U dé[)ii-
tés vers lui, il les conjura de ne le |)as re-
tarder dans sa course, et de souiliir qu'il
allât à Jésus-Christ, en passant prouii)ie-
uient par les dénis des b.Hes qui l'atten-
daient pour le dévorer. Mais, craignant que
les chrétiens (jui étaient à liome ne se mis-
sent en devoir de s'ûp[)Oser «u désir ardent
qu'il avait de mourir pour son cher iiailrc,
il leur écrivit celte lettre :
« Ignace, surnoumié Théoi)liore, à l'Eglise
favorite de Dieu, et éclairée de sa lumicre;
à celle qui est sous la protection du Tout-
Puissant, et de son Fils unique, Jésus-
Christ; à cette Eglise, dis-je, ([ui fait gloire
de se souuu.'ttre en tout à La volonté de ce-
lui qui n'ordonne rien que par rapport à l'a-
mour de Jésus-Christ; à celte sainte assem-
blée de Romains, si digne de servir le Très-
Haut; à celte Eglise qui mérite d'être lou. e,
d'être respectée, d'être heureuse ; où tout
est réglé par la prudence, où tout est con-
duit par la sagesse, où la charité règne, où
la cha-tcté triomphe, où la loi du Fils est
révérée, où le nom du Père est sanctitié ;
aux illustres lidèles unis ensemble selon
l'esprit et selon la chair; remplis de la grAce.,
qui, les atlachant l'un h l'autre par des liens
sacrés, les sépare de toute société profane :
salut en Jésus-Christ notre Dieu, sjource in-
liniment pure d'une joie toute sainte^
« Dieu se rendant à mes j)rières, j'ai enlin
obteiui de sa bonté de jx^uvoir jouir de vo-
tre aimable présence : car t(jut enchaîné que
je suis pour le nom de Jésus-Christ, j'es-
père dans |jeu être auprès de vous, si toute-
fois , après avoir si heureusement com-
mencé, je suis trouvé digne de persévérer
jusqu'à la lin, et si je fais lui assez bon
usage de la gnke (ini m'est donnée, je ne
doute point cpie je n'eulie bientôt en pos-
session do Ibérilage qui m'est échu par la
mort de Jé>us-Clirist. Mais je crains votre
charité, et j'appn'hende ({00 vous n'ayez
pour moi une conq)assion liop tendie. Kicu
no vous est plus aisé (jue de m'empècher
de mourir; mais en vous opposant ii ma
mort , vous vous opfioscrcz à mon bonheur.
Et si vous avez pour moi une piété siiK ère,
vous me laisserez aller jouii" de mon Dieu.
Je ne puis mo résoudre à avoir [)our vous
la comi)l.dsance déviler le stifiplice (jui
Di'est prépaie; c'est à Dieu seul qu(!Jeveux
plaire, et vous m'en doniKMcz l'evemple. Je
n'aurai jamais une occasion |»lus favorablo
de me léunir h lui (pjc et Ile (pii ^<î pré'sente,
fct vous n'en sauriez «voir une plus bollo
d'exercer uno bonne muvre; vous n'avez
pour cela qu'à demeurer en repos : si vous
ne faites aucune déniarche pour m'arrachcr
des mains des bourreaux, j'irai rejoindre
mon D eu, mais si vous vous laissez toucher
d'une fausse comi>assion pour celte miséra-
ble chair, vous me renvoyez au travail, et
vous me faites rentrer dans la carrière.
« Soulfrez que je sois iiiiiifolé, tandis que
l'autel est encore dressé ; unissez seulement
vos voix, et chantez durant le sacrilice des
cantiques à Dieu le Père et à Jésus-Christ
son Fils. Rendez giAcos à Dieu de ce qu'il a
permis qu'un évèipiede Syrie fût transporté
des lieux où le soleil se lève, i)Our venir
perdre la vie en une terre où cet astre perd
sa lumicre. Que dis-je? c'est pour y renaître
à mon Dieu. Vous le portâtes jamais d'en-
vie à personne; pourriez-vous envier ma fé-
licité? Vous sûtes toujours enseigner la fer-
meté et la constance, changeriez-vous main-
tenant de maxnmcs? Mais plutôt obtenez-
moi par vos pTières le courage qui m'est
nécessaire pour lésisteraux atkupies du de-
dans et pour repousser celles du dehors.
C'est peu de paraître chrétien si on ne l'est
en elfet; ce qui fait le chrétien, ce ne sont
pas les belles paroles et les apparences spé-
cieuses ; mais c'est la grandeur d'àme et la
solidité de la vertu. J'écris aux Eglises que
je vais à la mort avec joie, pourvu que vous
ne vous y o[)posiez pas. Je vous conjure
encore une fois de n'avoir point pour moi
une tendresse hors de saison, et qui me se-
rait si peu avantageuse. Pei mettez-moi de
servir de nourriture aux lions et aux ours ;
c'est le chemin le plus court pour arriver au
ciel. Je sui> le froment do Dieu, il faut que
je sois moulu pour devenir un pain digne
d'èlre oll'erl à Jésus-Christ. Flatt z plutôt
les bètes qui doivent mo déchirer , afin
qu'elles me dévoremt ont entier, et (ju'il ne
reste rien de moi (jui puisse faire [jeine ci
(piehpi'un : ce sera alors que jo serai un vé-
ritable disciple de Jésus-Christ , lorsque le
nion(l(! ne verra plus mon corps. Obtenez du
Seigneur <|ue je sois reçu de lui comme une
victime d'une agréabk; odeur.
« Au leste, ne croyez i)as que je prenno
ici la liberté de vous rien prescrite; je ne
sais employer que des prières auprès de
V(His, et ce ne sont pas des ordres que jo
vous donne, mais une humble remontrance
(|ue je fais. Je ne suis ni un I*ierre ni un
Paul; ils é. aient apôtres, et je ne suis (ju'un
mallieureux captil'; ds étaient libres, et je
suis prisonnier. Mais si je suis assez heu-
reux pour endurer le martyre, je deviendrai
latlV.uuhi de Jésus-Chrisl, el j(> ressuscite-
l'ai dans une [laifaite liberté. Depuis «pie j'ai
({uillé la Syrie, je combats jour et nuit con-
Irt! les bêles faroiuhes; la terre et la mer
sont témoins de leur funnir ol do ma pa-
tience. Ce .sont dix léopards sous la ligure de
dix S(jldals auxquels jo suis enchaîné, etipii
sont (raulanl plus cruels (pi'on s'ell'orce tlo
les apprivoiser |iar d .s biinfaits. Lmu's
mauvais traileiiunils nriiislruisent, mais ils
ne mo juslilicut pas. En aiiivant i\ Rome,
j'espère (rouver let> bêtes {jrêles à me met-
1255 ICN
tro Cl pi^cos; piiissent-ollos no mo point
fîiiro languir! J'cmploiorai d'.ibonl les cnivs-
sos pour Uvs ongiigcr h no mo point ('[Kir-
gnor, et si co nioy(Mi no iiio rtHissil pa^, jo
les in-itorai contro moi, ot.jo les Ibrcerai à
m'iMor la vio.
« Panlon'io/-moi cos scnlinionls; jo sais
co (jui m'ost jivniitagoux : jo eommonco h
^tro un vt^rilanlo (lisciplo (l(! Josus-dhiist ,
riou îio me louolio , tout ru'ost iioMlliM-cnt,
hors l'espôranco do poss(Slor Jô.sus-(;hi ist.
Que lo fvn nie rtViuiso on oondi'os ; ([u'uno
oroiv nio lasso poiir d'une mort lento ot
cruelle; qu'on l>\cho sur moi ilva tigres
furieux et dos lions alfamés; qu'on (lis[)oiso
mes os de tous 0(Mt''s; (ju'on mourlr-isso mes
membres ; (pi'on hioie .non corps; (jue tous
les (lômous ô[)iiisout sui- moi leur rago, jo
soulViirai tout avec joie pourvu (juo j'arrivcî
jiar Ih à la posst'ssion do Jc'sus-Ciu'ist. C.ollo
do tous !(>s royaunu'S tlo la loiro no saurait
mo rendre houi'oux; et il m'ost bien plus
gloi'ieuv do mourir ])our Jôsus-Christ ([ne
de rc^gnor sur tout lo monde. Mon cœur sou-
pire après celui qui est mort pour moi;
mon cœur sou()ire après celui qui est ros-
susc'tô pour moi. Voilà co (juc j'espère re-
cevoir en échange de ma vie. Soyez, mes
frères, favorables à mes désirs et ne m'em-
pêchez pas de vivre eu m'empèchant do
mourir; laissez-moi courir vers cotte pure
et divine lumière; soull'rez que je devienne
en quelque sorte l'imitateur do Jésus-Christ
mourant pour les hommes. Si (juolqu'un de
vous le porte dans son cœur, il comprendra
aisément ce que je dis; ot il sera sensible à
ma poine s'il brûle du même fou qui me
consume. Le prince de ce siècle mo veut
ravir à Jésus-Christ; il s'eft'orce d'alfaibiir
mes résolutions, ne secondez pas son des-
sein impie; n'est-il pas plus juste que vous
preniez mon parti? Ne craignez rien, c'est
celui de Dieu même.
'< Au reste, mes frères, ne pensez pas pou-
voir accorder le monde avec Jésus-Christ.
Si son nom adorable se trouve dans votre
bouclie, que l'amour do son ennemi no rè-
gne j)as dans votre cœur. Si , étant arrivé
auprès de vous , j'avais la faiblesse de vous'
faire paraître d'autres sentiments, ne mo
croyez pas; mais ajoutez foi à ce que je vous
écris maintenant : je le lais dans une entière
liberté d'esprit, et j'emploie ces derniers
moments de ma vie à vous mander que le
plus ardent do mes souhaits est de la voir
bientôt linir. J"ai attaché à la croix de mon
Sauveur tous les mauvais désirs de mon
âme. Le feu qui me brûle est un feu pur et
divin , sans aucun mélange de flammes ter-
restres et grossières ; l'ardeur qu'il produit
.en moi éveille au fond de mon cœur une
voix qui me cric sans cesse : Ignace, que fais-
tu ici-bas? va, cours , vole dans le sein do
ton Dieu ! Je n'ai plus de goût pour les vian-
des les plus exquises, ni pour les vins les
plus délicieux, ni pour tout ce que les hom-
mes recherchent avec tant do passion dans
les plaisirs des sens : lo pain que je veux
est la chair adorable de Jésus-Chxist , et le
ir.N
1294
vin que jo demande est son sang précieux ;
(•(! vin réleste (pii oxcilo dans l'Ame !e feu
vil'ot inunortel d'u'io clhirilé incorruptible.
Je ne (i(;n.< plus n la terre , et jo no ma re-
garde nlirs ( onrme vivant [lar-mi les homrircf».
Que Josus-Christ voirs fasse s(;ntir la vérité
d(i ce (pie jg vous écr-is; c'est son Père lui-
même ciui conduit iua plumo; pour lait-ellc
tr-acor des carvicln-es (jui re[)résonlass(!nt le
mensonge? I''nlin, priez, denrandez, obtr-noz
jiour moi lo pi-ix qui no se donne; (pj'au
bout de la carrièr-c. Ce n'r st point la chair
qui m'a dicté ces paroles, mais l'esprit de
Dieu qui mo les a inspirées. Si jenosoull'ro
pour Jésus-Christ, ma mémoire vous sera
chèr-o; mais si jo me rends indigne de souf-
frir, mon nom vous doviendr-a odieux.
« Souvenez-vous dans vos prières de l'E-
glise do Syrie, (jui, dépourvue do pasteur,
toirrne sos yeux et ses eSiéiancos v(M'S celui
qui est le souverain [lasteur de toutes les
Eglises; qire Jésiis-Chr-ist daigne on prendre
la coîKliiite durant mon abserrco ; je la con-
fie à sa providenc(! ot à voti'o charité. Pour
moi, je n'ose mo mettre au nonrbix' des évo-
ques , et , me trouvant indigne do leur divin
caractère, je me regarde comme le dernier
de tous ks fidèles et un avorton de l'E-
glise.
« Jo vous salue on csprnt ; toutes les Egli-
ses qui m'ont reçu au nom de Jésus-Christ
font la même cho^o. Elles no m'ont pas reçu
comme un étranger; mais elles m'ont fait con-
duiro , avec une charité toute chr-étienne ,
dans toutes les villes qui se sont trouvées
sur ma route.
« Des Ephésiens, gens de considération et
de mérite, vous rendront cette letti-e. Cro-
cus , dont la personne m'est si chère, m'a
accom[)agné jusqu'ici avec plusieurs autres
fidèles. A l'égartl de ceux qui sont partis
de Syrie pour Rome, et que la gloire de Dieu
y a conduits avant moi, je ci'ois que vous les
connaissez; vous m'obligerez de leur faire
savoir que je suis proche. Ce sont dos per-
sonnes dignes de la protection de Dieu et
do vos soins. Vous leur rendrez tous les
bons offices que mérite leur vertu.
« A Smyr-ne, le 23 août. Je vous souhaite
jusqu'à la fin la patience en Jésus-Christ. »
Ai)rès que saint Ignace eut écrit cette let-
tre aux chrétiens qui étaient à Home, pour
les disposer à être les spectateurs paisibles
de sa mort , et pour leur faire perdre toute
pensée de s'y opposer, il partit de Smyrne ;
et, cédant à la cruelle impatience des sol-
dats qui le conduisaient, et qui ne cessaient
de le presser d'arriver à Rome avant le jour
destiné aux spectacles, il vint mouiller l'an-
cre à Troado , d'où , prenant le chemin de
Napoli et passant par Philijjpes sans y sé-
journer , il traversa toute la Macédoine, et
ayant trouvé à Epidamne (Durazzo), sur les
côtes de l'Epi, e, un navire prêt à faire voile,
il s'embarqua sur la mer Adriatique, qui le
porta dans celle de Toscane. II y vit en pas-
sant les îles et il parcourut les villes dont
ces cotes sont bordées. Lorsqu'il fut à la vue
de Pouzzoles, il pria qu'on lui permît de
1255
IGN
INC
1256
descendre à terre , désirant de marcher sur
les pas de saint Paul et do suivre ses pré-
cieuses traces; mais un coup de vent ayant
repoussé son vaisseau en pleine mer, il se
vil obligé de passer outre, se contentant de
donner de grandes louanges à la charité des
fidèles de cette ville. Eiihn, le vent s'étant
entièrement déclaré pour nous, nous lûmes
portés en un jour et une nuit dans l'embou-
chure du Tibre et au port des Romains.
Cependant nous étions daiis une alUiction
extrême; nous gémissions en secret en nous
voyant sur le point d'être sépaiés pour tou-
jours de ce saint homme ; mais lui, au con-
traire , témoignait de la joie , et paraissait
être au comble de ses vœux , se voyant si
près de quitter le monde pour s'unir à Dieu,
l'unique objet de ses désirs. A peine eut-on
touché à terre qu'on lit prendre au saint le
chemin de llome. Le bruit de son arrivée le
devançait partout où il passait. Cependant
l'inquiétude et la crainte avaient saisi le
cœur des frères qui étaient venus au-devant
de lui, quùiiju'ils ressentissent en môme
temps quelques mouvements de joie lors-
qu'ils considéraient au milieu d'eux ce grand
homme, et qu'ils avaient été choisis ])our
l'accompagner. Quelques-uns môme des
nlus fermes, et vivement touchés du mal-
neur d'Ignace , commençaient déjà à dire
entre eux qu'il fallait apaiser le peuple , et
tâcher d'éteindre celte soif ardente ({u'il avait
de son sang. Mais res[)rit de Dieu ayant fait
connaître au saint évoque le projet qui se
formait contre lui, il s'arrôta, puis ayant sa-
lué ceux qui l'environnaient , avec un air
doux et majestueux, et leur ayant demandé
et donné la paix , il leur parla avec tant de
force pour leur persuader de ne [)oint être
cause que son bonheur fût dilféré, qu'ils se
rendirent aux choses qu'il leur dit et qu'il
ajouta à celles qu'il leur avait écrites. Ayant
donc ainsi modéré la trop grande activité
d'un amour tro[) humain et trop épuré , ils
mirent tous les genoux en terre, et le saint,
élevant sa voix , demanda à Jésus-Christ
qu']l lui plût de faire cesser la persécution ,
(Je rendre la paix à son Kglise, et d'(Mitrete-
nir dans le cœui- des lideles un amour um-
tuel, tendie (;t capable de résister à toutes
les attaciues de la chair et du monde. Cette
l)riere achevée, il fut enlevé par ses gardes
avec j>récipitalion , et conduit dans l'am-
phithéâtre, comme les spectacles allaient 11-
nir.
C'était un de ces jours solennels que la
sujjcistition romaine avait consaciés sous
le nom de fêles Sigillaircs; toute Home était
accourue à l'amphithéAlie , et elle but avec
avidité le sang du mai'tyr qui, ayant été
donné à deux lions, lut en un instant dévoré
par ces cruels animaux, ils ne laissèrent de
.son corps rjutj les plus gros ossenirmls , (jui
furent re(;u(;illis avec ]es|iect par les lidèlcs,
])ort<''.s à Anlioche, et déjxjsés dans l'église
comme un trésor inestiujable. Sa mort arriva
le l.'jdc.'s calendes de janvier, sous le consu-
lat de Suia d de Sénecion (le 20 décembre).
Pour nous, après en avoir été les tristes
spectateurs, nous nous retirâmes à notre lo-
gis, où, donnant un libre cours ii nos larmes,
nous i)assàmes la nuit ijrosternés devant le
Seigiieiu-, lui demandant, j)ar de continuel-
les et ferventes prières , ({u'il lui plût de
nous faire connaître quel avait été le succès
d'un combat si sanglant , et s'il avait été
glorieux jiour notre saint évê(iue. Alors un
léger summeil nous surpi-il et nous lit voir
Ignace sous diverses formes et en diverses
Situations. 11 se présenta debout à quelques-
uns ; il se lit voir aux autres les bras ou-
verts , et venant à eux pour les embrasser ;
il i)arul à ceux-là tout couvert dt; sueur, et
comme sortant d'un travail })énible ; à ceux-
ci comme priant; eniin , il y en eut qui l'a-
pei"çurent à coté du Seigneur, tout éclatant
de lumière. IS'ous étant communiqué nos
songes, nous rendîmes de Irès-humbles ac-
tions de grâces à l'Auteur de tous les biens,
et notre bienheureux père fut hautement
proclamé saint dans l'assemblée. Nous réso-
lûmes en même temps de vous envoyer un
récit fidèle de tout ce qui s'était passé à son
martyre , et de vous en marquer le lieu, le
jour et les circonstancos, alin que vous vous
unissiez à nous pour chanter les victoi-
res de Jésus-Christ qui a combattu le dé-
mon , et qui a triomphé de lui i)ar son illus-
tre et généreux athlète.
IGNACE (Pierre), patriarche de Syrie,
ayant été accusé de faire publiquement pro-
fession de la religion catholique, reçut qua-
tre-vingts coups de bâton sous la plante des
pieds, et fut mis après cela aux fers, dans un
noir cachot, avec Denis Uezkallah, archevê-
que d'Alep. Le Grand Seigneur ne les en tit
sortir que pour subir une déiention perpé-
tuelle dans le château d'Adané. Exténué de
fatigues, l'archevôque mourut en y arrivant:
Ignace, malgré ses inlirmités et les priva-
tions de toutes sortes qu'il eut à subir en
prison, lui survécut de quelques mois, et
cueillit ainsi la palme du martyre.
IHUM LAÇA MAKIAM, Abyssinien, fut
emprisonné, le 30 septemure lGi8, en Abys-
sinie, sous le règne et duiant la persécution
de liasilides, Négous de ce pays, en haine de
la religion catholiciue. Il eut ()our coujpa-
gnons de sa captivité dom Jean, dom Théo-
dore, dom Meica Christos.
ILLUMINAT (saintj, confessa Jésus-Ciirist
à Saii-Sévérino, dan.> la Marche d'Ancùne.
0:i ignore complètement a date et les ddl'é-
rentes ciiconslances (pu illustrèrent sa cou-
rageuse confession. Nous le lr()uvons inscrit
au Martyrologe romai.., le 11 mai.
IMOLA, ville des Etals de l'Eglise, est cé-
lèbre par le martyre qu'y soulVrit saint Cas-
sien, maître d'é(;ole. Il fut condamné à être
tué par ses écoliers, à coups de stylets à
écrire. ( V'o//. Cassikn.)
INtlENDÎE. Néron, a.>ant brûlé Rome, on
GV, en accusa les chrétiens, et prit ce pii'lt'vte
jiour commencer à les pcis,-. uler. Sous Dio-
cléti(în, (îalère, ne pouva;u décider ce prince
;i peis.'cuti'r les chiélicus (onnno il le vou-
lait, mille feu au palais do Nicomédie, et eil
accusa ceux ipi'il \ouiail {lerdro.
1237
ms
IRE
nns
INDES (saint), martyr, donna sa vie pour la
conffssio'i (If la foi "clirL^ticnnc, durant la
porsôculion do Dioch-tit'ii. Il ùiaif u-i des ol-
liciors du [taJais .^ Niconiùdio. Il eut |)Our
conipagn<»ns de son niarlyro saint-'s Donuio,
A^a;)(î et Th(n)})liil(', vi-rf^es, ot leurs coin-
paguons (pie le Martyrologe romain no
nouuut' [)as. C'est le 28 déccmbri^ (pie l'K-
glise honore la UKimoire do ces glorieux mar-
tyrs.
INGÈNK (saint), inscrit au Martyro'oge ro-
main comme soldat mirtyr, »i la date du 20
di3ceml)re. {Voy. Ammon d'Alexan(irie.)
INNOCENT [-aint),re(;-ut la palme du mar-
tyre h Apoilinie en Mac(kloine. Il eut [)our
compagnons de son Iriomplie les saints
Isaure, FiMi\, Jérômie et P(3r(5grin, At!i(^-
niens. Ces courageux comhattants de la foi
furent livrés à diverses tortures, [)uis enliii
di'^capités. On ignore la date et les diir(5ren-
tes cii'consiances de leur martyre. L'Eglise
ftiit collectivement leur f(He le 17 mai.
INNOCENT (^aint), fut martyrisé à Sir-
mich, ville de Panno'iic. Il eut pour compa-
gno is de ses souffrances sainte Sébastie et
trente autres, dont les noms rn' sont point
parvenus jusqu'h nous. L'Eglise fait collec-
tivement leur mémoire le 4 jui li-t.
INNOCENT (s;iini), évê jue et confesseur,
eut la gloire de soutfrir pour Jésus-Christ et
pour 1 1 défense de la religion chrétienne,
dans la ville de Tortcne. Les détails nous
manquent entièrement sur l'époque et les
circonstances de sa confession. L'Eglise ho-
nore son immortelle et sainte mémoire le
17 avril.
ION (saint), prêtre et martyr, répandit son
sang pour la foi à Châtres (Arj^ajon), par
l'Oidre du préfet Julien. Ce saint prêtre, qui
était venu dans les Gaules avec saint Denis,
fut meurtri de coups et acheva son martyre
par le glaive. L'Eg'ise honore sa glorieuse
et sainte mémoire le 22 s plembre.
IPPON (saint), prêtre et martyr, n'est pas
inscrit au Martyrologe ronum. Il lut tué
pour la foi chrétienne, en 1066, avec Go-
descalc, prince d s Vandales occidentaux.
Leur martyre eut lieu dans la ville de
Léontia.
IRAIDE (sainte), vierge d'Alexandrie, re-
çut la couronne du martyre à Antino(^ en
Egypte. Cette sainte, étant sortie pour puiser
de l'eau dans u^e fontaine assez peu éloi-
gnée, aperçut un vai-seau chargé de confes-
seurs de Jés.is-Christ. Elle quitta aussiltjl sa
cruche' pour se joindre à eux, et quand ils
furr-nt entrés dans la ville, elle fut liécapitée
la première, après avoir enduié p'usieu s
tourments. Les prêtres, les diacres, les vier-
ges et tous les aulres, périrent par le môme
genre de mort. L'Egiise célèbre coUectivc-
me n leur mémoire le 22 sept niibre.
IRÈNE (saint), fut martyrisé à Thessalo-
nique, pour la défense de la relig on chré-
tienne. Les Actes des martyrs nous appren-
ne..t qu'il expira dans les ilamm.'S avec
les saints Iré lée et Pérégrin. Ils sont inscrits
au M.i tyrologe romain le 5 mai.
IRÈNE (sainte), martyre à Thessalonique,
DiCTIOMN. DES PerSÉCUTIOXS. I.
avec sainte Agape et sainte Quisnie, eut le
bonheur de mourir |)our noire sainte reli-
gion, en l'année 30'*, durant riitr(»(;(! persé-
cution (pi(! Dioclétien lit >ouifrir aux chré-
tiens. Ses Actes lui sont communs avec ceux
de sainte Agape, de la UH'^me vill(\ Nous y
renv(jyons hi lecteur. L'Eglis(; fait la fête de
ces sainl( s femmes et de Lurs compagnes,
le 'i avrd.
IRÈNE (sainte), recueillit la glorieuse
palme du martyre avec sainte So[)hie. Les
détails nous manqu(!nt complètement sur l'é-
poque et les circonstances diverses de leur
martyre. L'Egiise fait leur sainte mémoire
le 18 S(?|)tembre.
IRÉNÉE (saint), évoque de Lyon et mar-
tyr, naquit vers l'an 120 de Jésus-Christ,
ison nom, (pii est grec, semble indiquer (}u'il
était Grec de nai.^^sance. Il fut disci[)le de
Papias et de saint Polycarpe. Lui-môme rap-
porte qu'il avait vu souvent le saint évoque
de Smyrne , étant encore enfant. D'après
cela, il est très-raisonnable de croire qu'ii
naquit dans le sein de la religion chrétienne.
S'il en était autrement, il est probable qu'il
l'aurait dit quelque part dans ses ouvrages.
Quoiqu'il fût tout enfant quand il était à
môme de voir et d'entendre saint Polycarpe,
il remarquait avec une extrême attention tout
ce qu'il entendait et voyait du vénérable évo-
que, afin d'en profiter plus tard. Lui-même
le raconte en ces termes : «Il est vrai que,
par la miséricorde de Dieu, j'écoutais dès
lors toutes ces choses avec soin et avec ar-
deur. Je les gravais, non sur des tablettes,
mais dans le [tlus profond de mon cœur. Elles
y sont demeurées très-vives et très-présen-
tes ; et Dieu me fait la grâce de les repasser
sans cesse par mon esprit. » Sa modestie lui
fait dire qu'il ne savait point l'art de com-
poser un livre, et qu'il n'entendait rien à la
rhétorique ; mais deux juges excellents, Ter-
tuhien et saint Jérôme, mettent ses ouvrages
parmi les plus accomplis ; son éloquence et
son savoir sont vantés par eux. Du reste, ses
livres eux-mêmes, excellents témoins, nous
disent que le saint dut cultiver avec succès
les belles-lettres. Il cite fréquemment les
poètes et les philosophes les moins connus,
ce qui prouve qu'il était loin d'être étranger
aux connaissances qui, à cet époque, consti-
tuaient l'homme érudit et savant.
Combien de temps saint Irénée resta-t-il
avec saint Polycarpe, c'est ce que nous ne
saurions dire : il faut croire qu'il passa sa
jeunesse près de lui, si l'on s'en rapporte à
saint Grégoire de Tours, qui dit que ce fut
saint Polycarpe qui l'envoya en Gaule. Ce
qui est certain, c'est que nous le retrouvons
prêtre de l'Eglise de Lyon. Saint Jérôme
l'apiielle prêtre de saint Pothin, ce qui ren-
ve. se victorieusement la prétention qu'ont
eue quelques-uns de le donner comme ayant
été évoque de Thyatire, en Lydie. Il était à
Lyon en 177, quand la persécution y éclata
avec rage. Ce fut au milieu de ses fureurs
les plus grandes que l'Eglise de Lyon et les
martyrs q\i\ étaient dans les prisons dépu-
tèrent saint Irénée au pape Eleuthère, pour
40
4259
IHE
s'entP'uire iwcc lui .'i pro;)OS de l'hérésie de
Montai), el pour le |)iier do no |):is sévir
contre les Oriontaux q-ii ne s'enlon.laiont
pas avec Rom -, ri'lalivc.nent an jour où il
convenait «le célébrer la f.-te d P.V.jncs. Dans
la letl e que les chrétiens de Lyon écrivent
ai pape Eleutlière, ds hii recoiniiiandent Irc-
née, d*al)ord connue un hnmtnodos plus zé-
1,'s pour la loi de Jésus-Christ, et ensuite
comme prêtre. Pendant ({u'hé née était à
Rome, la rage des persécuteurs sévissait
contre les chrétiens de L;, on ; saint Polhin,
leur évoque, et une multitude d'autres, ne
devaient point revoir leur messager. 11 est
pt(jbabie que saint 1 énée, ayant ap[)ris ce
glorieux malheur, eut h Ue de revenir au
sein du troupeau dont il était l'un des pas-
teurs. Il arriva à Lyon avant (jue la persécu-
tion fût apaisée. Son retour lit la joie de so'i
Eg ise : d'un commun accord saint Irénée fut
élcvé sur le siég'^ éniscopal de Lyon, que
saint Pothin venait d'illustrer par sa mort
glorieuse. Premier évèque de celte g ande
cité, il versait son sang [)Oiir Jésus-Christ, et
lai>sait à sa nt Irénée, second é\éque, avec
la houlette }>aslorale, J'hé.'itige d'une mort
seudjlable à la sienne. Tout,clariS ces temps
primitifs, est plein <ie miracles, de s..inls et
de triomphes po ir l'Eglise.
Eusèwe dit qu'il gouvernait les Eglises des
Gaulvs, et qu il y conduisait les frères. On
a beaucoup disputé alin de fis-er le sens ûe
ces paroles : rien pourtant nestplus simple.
Aucune Eglise n'avait eu d"évôquu avant la
ville de L}on, qui fut, [)0ur ainsi ()arle'-, la
mère de toutes les autres. Easèbj a voidu
dire q e l'évèque de Lyon était niétroj)oli-
tain des Gaules, et que, par la piépo idé-
rance de ses iumiùrcs el de son mérite, aussi
bien que par l'élévation de sa dignité, il
était regardé comme le chef des hdéles.
Saint (Irt'goire de Tours dit que, quand il
eut été fait évèque. Dieu don::a à sa parole
une telle puissance pour entraîner el con-
vaincre, qu'au bout de peu de temps il ren-
dit loule la ville de Lyo i chrétienne, mais
If» ne se b )rnèrenl pas h.'s soins de son /.Ole.
Si le saint évèque versait abondamm nt >ur
le^ Ames les bitinfaits de la religijn de Jé-
sus-Christ, il tenait h e i garder intajt le sa-
cré dépôt. Il asseinid.i un concile provincial
po >v analhé.natiser Us erreurs de .Montan et
autres hé. '-tiques qui, à celle époque, déchi-
raient le sein de l'Eg iso, leur mère. INous
trouvons ce renseignement d Jis le Synodi-
(jue, et le P. Hudi.ix nous appiend, sau^ en
inJiquer plus [)iécisénient la s(jiirce, (ju'il en
a I encontre la preuve dans la l»iblioliie(pie
du VatiikTii.
On prélen.l, d'a[)rès cpiel pies autorités qui
n'ont p is,il faiilenconve ir, une Ircs-grande
va eur, que saint Iré lée lil beaucou^^ de iid-
ra. les pour la conversion d.;s inlidèles. Nous
le croyo is d'autant mieux, que iui-mème
nous apprcinl qu'à cell.' époqa»; i'EJise
élut en p ssession di don de-; niii'Aehîs :
tlvixt TÔTi il u-JT'liv Tri tT rai V!Apu<i > /n Ou àpct;
h.,f)/'ijv. Saint Justin Martyr a:li;iuail la
UiOiue chose : « I^e-j do is [MO,-h.:tiques sub-
Wt 1-230
sistent encore aujnurd'hui parmi nous : Traoà
Oua U au d ta'il de la vie de saint Irénée, es
historien^ ne nous ont rien laissé à cet éga d.
Ils se sont occupés davantage de ce qni avait
trait à l'hisloiri- de t'Eglise en général ; ce-
jiendanl Eu^èbe nous appr nd (jue ce saint
évè([uejusti!iait jtarfai ement la si^nilication
de son nom, ([ui veut cire doux, paci(i(]ue.
Il aimait pass onnément la p.iix : il ne fau-
drait j)as croire |)ourtant qu'il l'ait aimée au
détriment de la vérité ou de la dignité dont
il était revêtu : ses écrits témoignent de la
véh(''mence avec laquelle il attaquait les hé-
rétiques. Cependant il savait i)aifailement
distinguer entre les erreurs, qu'il maudis-
sait, et la personne des hérét-ques, pour les-
quels il était jilein de charité. Il pr< naît en
pitié ces pauvres âmes déshéritées de la
grâce, et son c eur était pour eux comme un
trésor de miséricoi'do et de par on. Médecii
vigilant, il < ttaquail le venin (pii tombait de
le..r bouche, pour qu'il n'empoisonnât per-
sonne; mais, (pianl à eux, il les prenait en
souv-'i-aine i)itié. H savait que l'Lglise doit
avoir, comme son maître, à cùté de l'amour
infini de la vérit.', rinfiuité de la miséri-
coriie.
Voici ce que le feu de sa charité lui fait
dire, dans un endroit de ses ou rages {Adv.
hœres. 1. m, c. iO, ]>. 3i;jj : >< C'est avec rai-
son que l'Eglise, leur i;ière, pleure les au-
te Ji's et les inventeurs de es impiéés lidi-
cules : car ils se sont attiré eux-mêmes les
justes maJheurs qui les accablent. Ils ne sau-
ra en-t entrer dans la plénitude de la vérité ;
ils ret..nùjont toujours (lan> le vide et dans
les té 'èbres du mensonge, parce que le
Saint-Esprit ne les a point reçus dans le lieu
de la paix et du repos. Leur i)ère, pour me
servir co U e eux de h UiS i)ropri s fables, a
produit l'ignorance, el par cette ignorance
les a jetés d;uis des passions mo. telles. NouS
publions leur i ilaniie, mais ce sont eux-
mêmes qui nousl'fiiit apprise : ils l'appuient
autuit qu'ils peuvent. Ils se gloriiient de
leur.-, égarements, et sont su[)erbes dai;s leur
folie. Pour nous, nous souhaitons (pi'ils ne
demeurent pas plus longtemps dans cette
fosse qu'ils se sont eu\-mèm s creusée;
qu'ils se séi)arent de leur mère prél-nduo;
(pi'ils soient de l'abîme où ils se sont pré-
cij)ilés ; (pi'ils abandonnent le vide oii ils se
perdent; qu'ils (piilleit cet ombre où ils s'é-
garent ; ipi'ils naissent, mais d'une naissance
légitime, en se (onveitibsanl à l'Eglise {\o
Dieu; que J:sus-Ciirist so t foiiné on oux}
(pi'ils recoin. aiss- ni le Créai. -ur de lunivers
pour le seul vé.it.ibie Dieu el le vériiablo
Soigneur de toutes choses. C'o t la | rièro
([U ! n(»us laij>oii> pour eux de tout nolio
c(eui', car nou> les aimo is plus utilement
pour leur salul (pi'ilsne s'imagiiunil s'ainior
euv-mèmes; et l'auiour ([ue nous avons
po ir • ux Jeur sera aussi avantagiuix qu'il
fsl sincère, s'ils veulent en nncvoir h'S ell'eAs.
Notri! charité leur [laralt rude el >évère, par-
ce (prc.lie presse leurs plaies pour faire >or-
lir le veuiîi du l'orgueil et de la vaailé qui
i2Gi
mÈ
TRE
mi
les enflr , Pt qn ello ost comme l.i pierre du
t'lui'ur;^i(n, (ini h'ûlt' le malade en coii*^!!-
111,-tnt les chaiis moiies et rorrompnes. (Vest
pouniuoi , qiu'l'iue sentiment (pTils en
nient, -ions ne nous ennuierons noiu de les
aider (ii> tout notre pouvoir, et de leur te ^-
d e la mai 1 pour les tirer de Tabinie où ils
se perdeMl. »
Nous avo s encore la plupart des ouvrnj^es
de saint Iréiée. l.e (>lus cmsidi'^rahle e-l ce-
lui qu'il com[)Osa contre les héréticpu'-^. 11
est divistW"! cinq livres. Il y expose les doc-
trines des hérétiques avec U'm> habileté (]ui
ne laisse rien en litij^e : il les réfute avec une
puissance égale. C'est surtout aux doi^mes
qu'il s'attaque, s'occupaM peu de la clisci-
pli">e : semblable h ratidète,(]ui pour tuer un
monstre s'atta(pic h la tête et au cœur. Son
livre, appelt' De l'Ogdonde, ou des Imit, avait
pour but la réfulalion des éons do Valentin.
11 (Si ()r(>bal)le qu'il léalisa la |)romessc qu'il
avait faiti», cl dont parle E isèbe, d'éci-ir*' un
livre contre Marcion. Ntms ne l'avons plus.
Une des circonstances les plus remarqua-
bles de II vie de saint Irénée est celle où il
intervint touchant la fameuse querelle qui
s'éleva entre le pape saint Victor et les E , li-
ses d'Orient. 11 assembla h ce sujet un con-
cile dans les Gaules. Il y fut décidé qu'on
djvait cél 'bier la i'ète de PAques le diman-
che, comme elle se faisait à K >me, et non pas
le iï de la lune, comrn? cela avait lieu en
Orient; mais saint Victor aya it voulu sépa-
rer les Asiatiques de sa commu ^ion, saint
Irénée s'y opposa fortement au nom des fi-
dèles des Gaules, et écrivit au pape et aux
autres évôqses plusieurs lettres pour termi-
ner celte déplorable affaire, et pour ramener
la paix dans le s(nn de l'Eglise. 11 eut le bon-
heur de voir ses etforts couronnés d'un plein
succès. Les auteurs anciens portent qu'il fut
couionné dn martyre dans la grande persé-
cution qui s'éleva' à Lyon sous Seplime Sé-
vère. Saint Grégoire de Tours, saint Jérôme,
l'auteur grec des Réponses aux demandes des
orthodoxes: les marty ologes de saint Jé-
rôaie, Usuard, Adon, Nolker, en font foi. Ses
Actes n'ont ce[)endant pas assez d'autorité
pour qu'on s'y rapporte com létemcnl : aussi
nous nous contenîeions de dire qui! fut mar-
tyrisé à Lyon avec c 'lie grande multitude de
Chrétiens que la persécution de S(n>lime Sé-
vère lit monter au ciel. Son corps fui enterré
par un nommé Zacharie, alors prôtr'e, depuis
évèque de l>yon. Du tem s Je saint Grégoire
de Tours, saint Irénée était enterré dans la
cave de l'église de Saint-Jean, sou*; l'autel,
entre saint Epipode et saint Alexandre. Celte
église, bâtie sur la colline, a depuis porté
le nom de Sain l-I ré née. Elle est aujourd'hui
en ruines. Mus tard, les huguenots, s'élant
eiiqjarés de Lyon, jetèrent dans la riv ère
les re.iques dé samt Iré lée. Le crâne fut re-
cuedli [)ar un chirurgien, dins un ruisseau
où on l'avait je.é : cette relique e-t mainte-
nant vé ''éiée dans l'église de Lyon.
On fait lafôte de ce saint évèquele 28 juin.
Ce i'ul très-nrobablement en 202 qu'arriva sa
mort.
IRENi'.E (saint), fut martyrisé h Rome sous
rein|)ire .le Valérien, ave ■'s;\\ it A o->de. Ils
avaient retiré le cor-^s de sai 'te Co'corde
d'un clo.tque o'i on j'a^-ail j(>té; ih y furent
eux-mêmes jetés (»t no\és. Le prêtre Jiisiin
I s en a .ant retirés, ils f ir(nil enterr s dans
une ciypte, près de c lui de sain Laurts.t.
L'Iî^iise vénère leur mémnirt; le 2i) août.
IKÉNfiK (saint), martyr, cueillit la |.alme
du martyre à Uouu', durant la persécution
de Valéri(»n. Il eut pour comnag"'ons de ses
condjals les sair.ts Antoine, Tfiéo(li»ie, Satur-
nin, Victor et d,x-sept autres que le Marty-
rologe romain ne nomme pas. On ignore
r..n">ée où eut lieu leur martyre. L'Eglise
célèbre leur mémoire le 15 d'((nid)re.
IHÉNÊE (saint), était diacre à Sutri, en
Toscane. Quand Turcius, envoyé par l'em-
pereur Aurélien dans cette ville, ; our y re-
chercher les chrétiens et pour les fninr mou-
rir, eut fait martyriser le saint prèti'e Félix,
ce fut Irénée «pii l'enlerra })rès de Sutri,
malgré la d 'fense que faisaient les persécu-
teurs aux ( hrétiens de rendre aucun devoir
aux coips des martyrs. On sait que très-sou-
vent les persécuteurs faisaient de ces défen-
ses aux chrétiens. Sachant combien les reli-
ques des saints leur étaient chères, ils fai-
saient tout leur possible pour les leur enle-
ver. Souvent ils brùl ient les corps et jetaient
les cendres soit au vent, soit dans les tleuves.
Turcius fil arrêter le saint iacre, et, comme
il se rendait à C'iiousi, il le fil marcher de-
vant son char, nu-pieds et chargé de chaînes.
Arrivé à Chiousi, il le fit jeter dans un ca-
chot. Ayant fait arrêter dans cette ville plu-
sieurs chrétiens, il les fit mettre au>si dans
la prison. Ayant appris qu'une dame nom-
mée Musiiole, coiisine de l'empereisr Claude,
venait les y visiter, leur appor.ant, avec les
choses dont ils avaient besoin, les exhorta-
tions et les encouragements que sa piété ar-
dente lui suggérait, il se la fil amener. Mus-
tiole était extrêmement belle. Quand Tur-
cius la vit, ii la fil reconduire chez elle avec
griud honneur, et fut la visiter. Il voulait
l'épouser. N'ayant pu y léussir, conune on
peut le voir à son titre, il fit trancher la tête
à tous les coniesseurs. Il ne réserva que
saint Irénée, et le fit étendre sur la chevalet
en } résence de .Mustiole. Le saint diacre su-
bit le supplice des ongles de fer, avec les-
quels on lui déchira les côtés. Il fut brillé
avec Is torches et les lames ardentes. On ne
cessa de le tourmenter que lorsqu'il cessa
de vivre. Il rendit 1 ânie "n rem rciant Jé-
sus-Chrisi de ce qu'il voulut bien accepter
son sacrfice. L'Eglise célèbre la fôtede saint
Irénée le 3 juillet.
IRÉNÉE (sai'^t), évèque de Sirmium, mar-
tyr, reçut, en 30i de Jé-us-Christ, la j aime
du mar'yre, alors que la pe'^sécution de Dio-
clétien sévissait contre l'Eglise de Dieu.
Voici ses Actes authentiques, que nous trou-
vons dans J\uinarl.
Saint Irénée, évêque de Sirmium, ayant
été arrêté et conduit devant Probus, gouver-
neur de Pannonie, ce magistrat lui dit : Les
lOiS divines obligent tous les hommes à sa-
1-203
IRE
IRE
426i
crilier auï di(»ux. — Irénée : Quiconque sa-
criliera aux dieux seia arraclié de dessus la
terre, cl jet- au feu de renier. — IVi)bus :
L'édit des eui, ereurs très- cléments portti
qu'on sacritiera aux dieux, ou qu'on subira
la peine portée contre les rélractai.rs. —
Irénée : Et le couimandemenl de mon Dieu
veut que je subisse toutes sortes de tour-
ments, j)lutùt que de sacrilier aux dieux. —
Probus : Ou saciliez, ou je vous ferai tour-
menter. — Irénée : ^'ous ne sauriez me faire
un plus grand plaisir, car par là vous me
rendrez partici[)ant des souiiVances de mo i
Seigneur. Le gouverneur commantla ({u'il
fût mis à la torture, et pendant qu'oi la lui
donnait, le gouverneui' lui disal : Eli bien 1
Irénée, que dis-tu maintenait, ne veux-tu
pas sacritier? — Irénée: Je sacrilie à mon
Dieu, en confessant aujourd'hui son saint
nom, et c'est ainsi que je lui ai toujours sa-
crifié.
Cependant toute sa famille était dans de
grandes alarmes; on vo.\ait là sa niùre, sa
femme, ses enfants, qui IViivironiiaient. Ses
enfants lui embi'a-saieni les pieds, lui ciiani :
^Jon père, mon cher pèie, ayei \nl\é de vous
et de nous. Sa fenune tout en pK ur-. se je-
tait à son cou, et, l'en.b as>ait tendiement,
le conjurait de se conserver pour elle et pour
ces innocentes créatures, les doux fruits d'un
amour innocent et conjugal; et sa mère,
d'une voix cassée, poussait des cris lamen-
tables, que ses domstiques, ses voisins et
ses ainis accom|)agnaienldes leuis. En sorte
qu'on n'entendait, auto'.îr du eh valet où l'on
tourmentait le saint, que sanglots, gémisse-
ments, plaintes, lame dations, qui, comme
autant de vents inij/émeux, faisaient tous
leurs etforts pour l'abaitre. Mcds lui, fciuie
et constant, résislait à toute leur violence,
en le r pj)osa'">t cette sentence uu Seig.eur:
Si quelqu'un me i-cnonce uevant les hom-
mes, je le renoue rai en prés née de mon
Père qui est dans le ciel. Il ne cru pas même
qu'il dût répondre aucune chose à ta :t de
pressantes conjurations; niiis s'élevant au-
d'*ssus de toutes ces tendresses, il n'envisa-
geait que cette gloire qui l'att iidait, et sem-
blad lui dire du haut du ci( 1 : Venez, hàtez-
vûus de me posséder. Le gouverneui- lui dit:
Serez-vous insensible à tant de témoignages
d'une atfection sincère? verrez-vous tant de
larmes répandues [lour vous, sans en être
touché ? Il n'est pas indigne d'un grand cou-
rage de s', laisser atteiidiir. Saoriliez, et ne
vous perdez jias dans un âge si llorissant.
— Irénée : C'est jiour ne pas me perdr.- (juo
je refuse de sacrilier. Le gouv-nneur 1 envoya
en [trison; il y resta | lusieurs jours, durant
Jc.squeK le gouverneur lu lit luuinienter à
diverses ie|)r,ses.
Quihpies jours après, Probus séant sur
son ti ibu lal, le bienlieuieux uiaityi' irénée
fut introdu l en sa présence pour a sei:on(ie
f(jis. Sacrili- z aujouid In.i, lui dil-i', et par
cet a(:t(.' de religion racliete/.-vuus des (»eiiies
qui vous menacent encore;, lié lée répondit :
Faites (;(.' (lui vous est oidonné, cl n'atten-
dez pas cela de luoi.
Probus, choqué de cette réponse, lui fit
donner plusieurs coups de bâton. Cepen-
dant Irénée ..isait : J'ai mon Dieu, j'ai ap-
])ris à l'adorer dè> que j'ai eu l'Age de raison,
et il ne m'a jamais refusé son assistance ;
c'est à lui que je sacrilie; mais pour (le> dieux
faits avec le ciseau, je ne saurais les adorer.
— Probus : Sauvez du moins votre vie , les
t(nn ments que vous avez soullerts suliisent
pour vous disculper envers voiie Dieu, et
vous acquitter de ce que vous lui devez. En-
core une fois, mettez votre vie en sûreté.
— Irénée : Je suis voire conseil, cl c'est
lorsque je m'assure la vie éternelle ; c'est
cette Vie bienheureuse que je recevrai de
Dieu en récom{)ense de ces |)eines que vous
croyez me faire souffrir, et que je ne r.-s-
sens pas. — Probus : Etes-vo s marié?
— Irénée : Non. — Probus : Avez-vous des
enfants? — Irénée : Je n'en ai point. —
Probus : Avez-vous des parents? — Irénée :
Je n'en ai pas non plus. — Prol)US : Et qui
étaient donc tous ces gens qui (taient si af-
fligés le jour de l'audience ? — Iiéiiée : Je ne
les connais [loint, mais je sais bien que No-
tre-Seigneur Jésus-ChriSt a dit : Celui qui
aime stjii f)ère ou sa mère, sa femme ou ses
enfaïUs, ses frères ou ses proches plus que
moi, nest pas digne de me suivre. Ainsi,
lorsque jetant les yeux au ciel, j'y contemple
la souveraine beauté, qui n'est autre que le
Dieu que j'adore, et que je viens à repass. r
dans ma mémoire la grandeur des j)romesses
que ce Dieu fait à ceux qui l'aiment et qui
le servent iidèlemoit, alors je n'ai que du
mépris pour toutes les choses de la terre, et
je ne me souviens plus que je suis père,
mari, fils, maître et ami. ^ Pi obus : N'ous
n'en êtes p s moins tout cela. C'est pour-
quoi sacrifiez, pour l'amour ue ceux qui vous
louchent de si pi'ès. — Iiénée : Mes enfants
ne perdront pas beaucoup à ma mon ; je
leur laisserai pour père le même Dieu qu'ils
adorent avec moi. Ainsi que rien ne vous
empêche d'obéir aux ordies que vous avez.
— Probus : Jeane homme, ne vous aban-
donnez pas ainsi vous-même; sacrifiez, et
é'itez par là de plus grands tourments. —
Irénée : Faites ce que vous voudrez, vous
verrez que Jésus-Christ mon Seigneur me
donnera la force de les supporter avec un
courage qui vous suipiendia. — Probus ;
So.t. « Nous ordonnons qu'lrénée , pour
s'êti-e rendu réfractaire aux ordonnances
di'S empereurs, sera jeté dans le lleuvc. »
— Irénée : A|)rès tant de menaces, je m'at-
tendais à quelque chose d'extraordinaire, et
vous vous Conteniez de me faire noyer.
D'où vient que vous en usez ainsi? vous ma
faites toit. Nous m'otez par là le moyen do
faire co maitre au monde que h-s cliréliens,
loisqu'ils ont une foi vive;, inéprisenl la
mort, de (inehp.ies l urments (pi'olle soit ac-
compagnée. l*iobus, suijiiis d un pareil dis-
cours, et se croyant bravé par le martyr,
Cuira en une furiens»; colère. Cependant il
ne lit (pi'ajouler à son jugement (pril .lurail
la tête coupée avant que d'êiri; jeté dans lo
fleuve. Irénée lendit à Dieu de grandes ac-
1205" ISA
tions de grAcPS déco qu'il le faisail arriver
h la gloire par un chemin de sang. Lorscpril
fnl sni" le pont tic Dian', d'où il devait (Mio
pré('i|)it(^, il (Ma sa robe, et dit : « Seig-ieur
Jésus, (piiave/ daig-ié endurer la mort pour
le s iiut des hommes, connmndez (pie le ciel
s'ouvre, et (|ue les anges vieinie-il recevoir
l'Ame de votre serviteur Irt'né ■, qui donne
sa vie pour la glo l'e de votre nom (>t pour
voire sain'e église de Sirmium. » Ivi ach(.'-
va tt cette prière, il leyut le coup qui sépara
la té'e de son cor[)s.
IllÉNÉE (saint), recueillit la couronne du
niartj're h ThessaJiniiine, avec les snints
Irè-ie et Pérégrin. Ils expirèrent au milieu
des tlannnes. L'Kglisc les honore comme
martyrs le 5 nuii.
IKÉNÉE (saint), fut martvrisé à Rome avec
les saints Zotitpie, Hyacinthe et Amaice.
Les Actes des martyrs ne nous ont 1 ;issé
aucu -1 docuu! eut au lhe;ti:]ue sur leur compte.
L'Eglise fait collectivement leur mémoire le
10 féviier.
IRÉNÉE (saint), soulfrit pour la défense
de la religion chrétienne, dans la province
d'Arménie. Il cul pour compagnon de sa
gloire sai'it Oni'it'en. Nous -l'avons pas d'au-
tros détails. L'Eglise fait cuilectivement leur
fô e le 1" aviil.
lUÉN^.E (sain), martyr, était diacre. Il
soulfrit le martyre dais la Peniaoolo de Li-
bye ave.; les S'iinls Théodore, évoque, Séra-
pon et .Ajum me, lec'Cnrs. On ig-^ore la
date de leurs couibats. L'Eglise honore leur
mémoire le 23 mars.
ISAAC (saint), évoque de Carcha et mar-
tyr, fut mis à mort pour la foi en l'ai de
Jésus-Christ 339, durant li persécution de
Sapi r, roi de Perse. Ses Actes lui so it coni-
mu'">s avec ceux de saint Sapor, évêq^ie de
Beth-Nictor. Voi/. l'article de ce dernier
saint. La fête de saint Isaao a lieu la 33
novembre.
ISAAC, prôtre de Hulsar, fut martvrisé en
3V3, par oriire de Sapor. On le lapida hors
des murs de Beth-Séleucie {Voy. Narsès.)
Sa fête est célébrée par l'Eglise le 30 no-
vembre.
JSAAC (saint), martyr, mourut pour la foi
en Pologne où il était ermite. Il eut pour
compagnons de so'i glo.'ie ix mailvre les
saints Benoît, Jean, Mathieu et Christin,
égaiement ermites comme lui. Le Martyro-
loge ne donne [)oint de détails sur les cir-
constances de leurs combats et ne dit point
à qu'ile époque eut lieu leur martyre.
L'Eglise célèbre leur mémoire le 13 novem-
bre.
ISACE (saint), martyr, mourut pour la
défense d" la religion duraui la persécution
de DioclUien, avec les saiits Apollon et
Crot te. On ignore en quel lieu et à quelle
époque. L'Eglise honore leur glorieuse mé-
moire le 21 avril.
ISACE (saint), évêque et martyr, fut cou-
ronné en Chypre jjour la défense de la reli-
g!on. Les Actes des martyrs ne nous ont
laissé aucun document sur son compte, ni
ISl
1166
sur les détails de son triomphe. L'Eglise fait
sa fêle le 2 se|)temt)r(!.
ISAIE (saint), martyr, fut nus à mort à
Cé-arée de Palestine, en l'an de Jésus-Christ
300, sous le gouverneur Firmilien, avec saint
Jérémie, saint Samuel et saint Daniel. Ces
saints martyrs revenaient de Cilieie où ils
étaien' allés voir des confesseurs c(»ndamn6s
aux mines, (juand, passant h ('ésarée, ils fu-
rent conduit-; au gouverneur, qui les tit
cruellement tourmentcir avant de leur tran-
cher la tête. C'est le 16 février que l'Eglise
honoie leur méiiioire.
ISAIE (saint), pro|)hète et martyr, souffrit
en Judée. Il fut scié en deux sous le roi
Manassôs et enterré sous le chêne de Uogel,
au|)rès du courant des eaux. L'Eglise fait sa
sainte et illustre mémoire le G juillet.
ISAIE (saint). Vo7j. Martyus de Uhaite et
de Sinaï.
ISAUIIE (sninl), diacre et martyr, souffrit
la mort en l'hormeur de Jésus-Christ et
pour la défense de la religion chrétienne à
Apollinie en Macédoine. Il eut pour compa-
gnons de sa gloire les saints Linocent, Fé-
lix, Jérémie et Pérégrin Athéniens. Après
avoir été livrés h diverses tortures par le
tribun Triponce, ils furent décapités. L'E-
glis * célèbre leur sainte mémoire le 17 mai.
IStilHYRION (saint), martyr, mourut en
Egypte, d'u'^e façon extraordinaire, sous
l'empire et durant la persécution de Dèce. Il
était au service d'un officier d'une ville voi-
siiie, lequel, voulant le forcer à sacrifier aux
idoles , employa vis-à-vis de lui tous les
moyens |)ossibles, prières, menaces, sans
pouvoir amener cet homme de Dieu h ses
desseins. Enfin, dans un accès de colère et
de rage vraiment inouïes, cet olFicier saisit
un pieu aigu qui se trouvait près de lui, et,
en [)ortant un coup terrible à son serviteur,
lui perça le ventre et les imestins. Le saint
mour.it de cette alfreu^e blessure. L'Eglise
honore sa mémoire le 22 décembre.
ISCHYRION (saint), était chef de milice en
Egypte. Il eut pour compagnons de son mar-
tyre cinq autres soldats, qui perdirent la vie
avec lui pour la foi du Christ, sous l'empire
de Dioclétien. L'Eglise honore leur glorieuse
mémoire le 1" juin.
ISIDORE (saint), fut martyrisé à Alexan-
drie, pendant la persécution de Dèce. Il eut
la tête tranchée pour la foi de Jésus-Christ,
par l'ordre de Numérien, général d'armée.
Ce sont là tous les détails cjue nous avons
sur lui. L Eglise fait sa tête le 5 février.
ISIDORE (saint), martyr, était natif d'E-
gypte; il fut martyrisé sous le règne de l'em-
pereur Dèce et sous le gouvernement de Sa-
ijinus. Conduit devant le juge avec les saints
Arsène, Héron, et Dioscore. jeune homme
alors Agé de quinze ans seulement, il souf-
frit, avec un admirable courage, les tour-
ments à l'aide desquels on voulut le forcer à
renoncer à la foi. Le juge, outré de voir
qu'il était vaincu par la fermeté inébranlable
des rairtyrs, lit jeter dans le feu Isidore,
avec ses compagnons Héron et Arsène. L'E-
!*67
ISP
ISP
I26S
glise fbit la f<He de ces trois saints le U dé-
CPinliri'.
ISIDORE (saint), de Chio, martyr, souffrit
dans l'île que nous veno 's de nommer, du-
rant l'adV use persét'utioi <|ue la tyrannie de
l'empereur Dècesus'.ila contio rKi:,lise. Tout
Ce qui est rapporté da'^s «on histoire ne |)a-
r.iîi pas de nature à mériter une liien granle
contianee. Sai'U Grégoire de Tours prétend,
et le M.ir-yrolo^e romain contirme cette opi-
nion, que ce saint maris r lut jeté dans un
puits, le saint (jue nous vt^nons de r.ommer
dil(|u'il le tenait d'in prêtre, lequel était du
lieu où le saint avait soulfert, et q li. bien
des fois avait vu S'Utir une lumière, (pi'il di-
sait miraculeuse, du |)uils où le saint avait
été jeté. L'Ea'lisc fait la fête de saint Isidore
le 15 mai.
ISIDORE (saint), ermite de Scété et con-
fesseur, fat binni pour la foi, vers l'an 370,
en une île d'Egypte, avec les deux saints
Macaire, Pamhon et Héraclide. Ce fut sous
Valens que ct'S saints endurèrf-nt le binni -
s 'ment. On rapi)orte de saint Isidore une
inullitiide de choses que nous ne pouvons
pas donner ici: ainsi, i avait le don des mi-
racles, il chassait les démons, guérissait les
malades. Il aimait si fort le travail qu'il ne
cessait de travailler, même lorsque ia nuit
était venue. Quand les frères le [)riaient de
prendre un [.eu de repos, il répondait : « Eh!
que pouvons-nous faire, en coinparjison de
ce que le FilsdeDieua fait pour nous? » Etant
un jour allé à Alexandrie [)0ur y voir Théo-
phile, qui venait d'en ôlre fait évoque, il dit,
au r tour, aux fi'ères qui lui demandaient tles
Douv..llt'S de la ville, qu'il n'avait vu que le
patriarche. Ils en furent surjris, et lui de-
Luandèreni si c'était q ne li ville eût élé abî-
mén. « Non, dil-il; c'est que j'ai constam-
ment baiss'; les ■.eux.» Il mourut peu de
tc;m,)s après. L'Eglise honore sa méiuoirele
15 janvier.
ISIDORE, c èq îc d'Hcirmopolis e-> Egypte,
confesseur, fut envoyé en exil (ku- le couUe
Maguus, sous l'empereur ar en Valens, à
Diocésarée en Palesti u\ Fleury a eu tort de
le confondre avec un autre Isidore, qui se
trouve inscrit au Martyrologe romain , sans
autre indication que celle-ci :«IsiDO!tE (saint),
de Ni trie en Egy()te, évoque et confesseur. »
ISIDORE (saint), rnart/r, était un jeune
moine de l;i Lusittinie. Il fut martyrisé l'an
8.')6, durant la fn rsécution d'Ab Jéiame II,
avec un autre joune moi le nommé Paul, et
un vieux prêtre appelé Elie. L'Eglise fait
leur t/'le collectivemi'iit le 17 avril.
ISMAE (^ainl), reçut la |)alme du marlvro
à Ch'dcédoi ne, avec les saints Siixd et .\Ia-
r.uel. Etant v(;nus vers Julien l'Afiostal en
qualité d'araba-Nsadeurs du roi de P. rse, alin
de c(Uii 1 jre la [)aix avec lui, ce! euqxn-cmr
voulut les contraindre île vénérer les idoles,
et, sur le refus généreux (ju'ils en tirent, ils
)>'rirent tous trois par le glaive. L'Eglise ho-
nore la sainte mémoire do ces glorieux coin-
hattants le 17 juin.
iSl'AllAN, ville de Porso, anciennement
l';rl iitiporlunli;, aujourd'hui viile de second
ordre, fut témoin de persécutions assez vives
contre les catholi(pies. Depuis 160^, il exis-
tait des missions d.ins ce pays. Une armée
révoilpf contre le Sophi s'étant emparée de
cet'e ville en 17-21, « nos catMolijues, énit
le R. P. de la (îarde, se rélug'èrent chez
n ns pour se prépar "r à a moit. Jugez, mon
Révén nd Père, ([uelle fut alors notre cons-
ternation. Dans c 'S tristes instants, le P. de
Langlade, le F. Henri et moi, étant au pied
de l'autel de notre c'apelle, nous finies un
V(eu au l)i(mheureu\ Jean-Fiai'çois Régis le
suopliant de nous accorder le secours de sa
puissante protection au[)rès de Dieu, dans le
péril évident où nous et nos cntlioliques
étions h toute heure ex[)Osés. Nous eûmes
sujet '.ie cr ire que nos vœux furent favora-
blemci.t exaucés Les révoltés vinrent
dans notre maison, nous menaçant, le sabre
à la main, de nous massacrer; mais, après
avoir fouillé pnrtout, et n'ayant trouvé (lue
du bois dori', ils ne nous enlevèrent que nos
ornements et quel (ues linges d'autel, le Sei-
g eur ayant permis cjue U'S vi.ses sacrés ne
soient point t mbt's sous leurs mains. »
(Henrion, lom. III, pag. 321, citant le P. Ba-
ch oud.)
« La mission ne courut pas de moindres
dangers, lors(}ue, vers 173i, Nadir, si fameux
comme général, sous le nom de Thahmas-
Kouiy-Khan, reprit siu- les Turcs la ville do
Chamakhi, dont il exigea des contribi lions
t)ui équivalaient à un pillage général. Le
P. Bachoud, miss ovaire dans cette ville, se
tiouvait hors d'état de r en pay r, et il ne
pouv lit être secouin des chrélie is ([ui étaient
eux-mêmes très-embar ass s de trouver ce
q I on exig ait d'eux. Il n'aurait pas manqué
ue subir uiieciueU • bastonnade, comme une
i ntiiiité d'auli-. s, sans la protection du |)rince
Gallit in ambassaleur r sse, qui s'intéressa
en sa .aveur aujtrès d Thahmas-Kouly-Khan,
et qui lui obti'^t, non-seulement l'exemp-
tion de tonte contiibutio 1, mais encore la
liberté entière de rem, iir ses fonctions et do
réunir les chrétiens dans son église.
« Un édit de Nadir-chah, nom que Thahmas
prit avec la couronne, accorda la libei té de
conscience, et permit aux chrétiens, soit ca-
t!)oliques, soit schismatiques, d'embrasser le
parti (ju'il leur plairait, sans (pi'on pût les
inqui<''ler. Au m(''[)iis de cet édn, et pendant
<pie Nadir-c!iah était allé à la concpiète de
1 Hindoustan. les Ai-ménums schismatiques
de Djoulla, faubourg d'Ispahan, tentèrent,
en 1738, de faire chasser les missionnaires
et les catholi(iueS de la Perse. On en voulait
paili, ulièrenu'nt à l'évêque et au supérieur
des j suites Le prélat était le chef des inis-
sionnaiH-es, et le P. Diissau avait la conlianco
de presipie tous les catholi(pies. « Ces deux
têtes, une fois h bas, dit le I'. Desvignes, jé-
suite, on comptait \ru\i- aisément ;i boit de
tout le reste. Il faut avouer (pie l'acliar-
niniie it des arméniens contre ce jésuite n'é-
tait pas si mal fondé. Non content d(? cruilir-
ni(M' les faibles dans la foi par ses entretiens,
ses instruclions, ses manières iusinuant(\s et
ses exhortations persuasives, il enlevait.
12(JÎ)
ISP
!SP
*270
ch.ii]Uo jour, nux schismatiqnos quelques-
uns (lo icMirs sujets, et il veu<>il, tout récein-
m^'iit, (le ti ir i\<- leurs mains deux |)U|iill('S,
»]ii il (lis.iosail ?i embrasser la relirai"!! eallio-
3ii|ue; aussi, de déi"''. l'appelaiei l-ils U- vo-
hur (rdiiirs. Ci'tU' préteu lue injure était,
dans leur bouche, u-i ('î!o.i;i' aeeompii de sou
/èle. » 0 1 vil alors (^elaler la ^é U'rosité et la
constance de trois iVc'^res, xVroulion, I.éon et
Pétros, (jui formaient la pr ncipale braialic
de la famille des (liérimmu do U les pr(Mniers
chefs av lient fait l),Uir h Djoulla lY'.;,lise ea-
thnli(|ue du rite aruu'"U('), appelée comnni-
nément l'éi^liso di^ Chéiiman, du uou) doses
pieux fondateurs. Les meuihrj'S de cette f;î-
niille, fermes ai)puis de la foi, ne cessaient
de la détendre i ar leiu' crédit, de l'éiendre
par leur libéralité, et ils se faisaient j^loiro,
no'1-seulcmo'U de la protéi;er, mais de la
f)rati(iuer et de snudVir pour elle. Les viirla-
bed> et leur patriarche ne recu<'i'lirent de
celte pei'sé' ution que la hont ■ dxi l'avoir sus-
citée; car le triomphe de la foi sur l'hérésie
fut comidct. » (Heni-ion, ihid.)
Le mariage d'un nouveau catholique, fait
en secret par les missionnaires, et Tinslruc-
tion d'un jeune (M'osélyte qui voulait embras-
ser la religion des Fi'àncs, avaient allumé la
fureur des vartabeds ; ces schismatiiiues, ir-
rités, délibérèrent entre eux sur les moyens
de rendre les missionnaires méprisables, et
de les faire passer, dans l'esprit du peu^ll^,
pour des imposteurs. Après la Pcupie (le 1738,
ils députèrent cinq de leurs prêtres à Mon-
seigneur notre évéque, pour le prier, d:; 'a
pan des vartabeds, de vouloir bien co' sen-
tir à une dispute publique sur la re]ij,ion,
en présence des piincii)aux de l'une et de
l'autre communion. Le prélat, homme de mé-
rite et d'érudition, n'aurait pas balancé à
l'accepter ; mais, comme il a viiùlli dans \.is
missions, il connais ait le caractère de nos
adversaires, et il perça le motif de cette dé-
mande. Il savait que ces sortes de co ifé ren-
ées sont au moins inutiles ; que la véi-i able
relij^ion peut y perdre ; que l'hî^résie n'y
vient que par espr t de haine, n'y cherche
que le lumnlte, n'en sort qu'avec plus d'in-
docilité, et qu'elle ré[»and toujours dans le
public des rapports infidèles. Il en av.àt un
bel exemple dans la personne d'un religieux
de son ordre. Ce Père, (arme déchaussé,
horam'^ savant et fort versé dans l'étude d;i
la langue arménienne, avait accepté, il y a
quelques années, un pareil défi, pourvu
qu'on n'eût point d'autres livres que la Bi-
ble, et que tout se décidût par l'Ecriture
sainte. Les vartabeds avaient fait semblant
d'y consentir : au jour marqué, on se rendit
à l'église assignée; mais le Père fut bien
surpris quand il vit entrer le vartabeds, son
antagoniste, tenant à la main le livre d'un
patriarche hérét.que : « Ce n'est pas la, dit il,
notre convention ; vous savez que nous nous
sommes engagés à ne recevoir d'autre té-
moignage que celui des Livres saints. » —
« 11 ne s'agit pas de conventi(m, répondit le
vartabeds, le témoignage de mon auteur vaut
bien tout autre témoignage. » Puis, adres-
sant la parole au peuple : « Vous voyez, s'é-
cria-t-ii, que ce missionnaire ne sait rien, et
(pi'ilcsi i-Mitile de dispulcr (contre lui. » Mil'e
voix coid'uses annoncèrent aussiliM sa pré-
tendu(î victoire (il ne piiiinirenl pas au mis-
sion lau-e d(,' se faire <Mit(ui(lre ; il fui insu'lé
ot chassé de rassem.lée, et il passa pour
constanl (pi',1 n'avait pas i)u répondie
C-elii! histoire, dont la mémoire est encore
ici lout(i i-écenle, détermin;\ le prélat à refu-
ser 1,1 coufiMence pro[)Osée ; les députés ro
vinrent le lend(unain à la cliarge; ils s'a-
dressèrent <à notre Pcre supérieur, ils en re-
çurent la même réponse.
Ce refus n'élail cefiendant pas absolu. Mgr
l'évèque et le Père supérieur |TO[)0sèr('nt
(ju'on mît départ et d'autre les (li[ricull''S et
les réponses par éciit, et (|ue (ics écfits rcs-
pec'ifs fussent signés par les princi|)aux do
Julfa; c'éta't le moyen de bannir le tumulte
et d'étab'ir la vérité. Ce n'élaii pas l.à ce f|ue
voulaient les schismali(|ues ; i!s rejetèrent la
piO[)osilion et cherchérenl "'yules voies i)onr
ixM'dro cf. les miss Onnaires et les caholi-
qu 'S. Thahma>-Kouly-Klian était parti [.our
la con(piôte des Indes ; sot (ils gouvernait <\
Maschet, dans son absence; ils y envoyèrent
un vai'tabeds et un prêti-e, qui accusèrent
les missionnaires d'en imposer au peuple, de
d/'bauchyr les sujets du roi, de servir d'es-
pions aux cours de l'Europe, d'our 'ir des
trames secrè es et de former des conspira-
tions contre l'Etat. D(; pai'oilles a eus. 'lions,
intentées par des ho-nmes que leur ca actère
paraissait rendre dignes de fo', tirent im-
press on sur l'esprit du je me prince ; il ren-
voya la re([uète au -^ouverneuf, avec ordre
d examiner l 's chefs d'accusation, et, s'ils
étaient vrais, de bannir les missionnaires du
lOv'aume.
L-3 gouvïTneur fut ravi d'engager une af-
faire, dont il espérait tirer lui-mêmo un
avantage "onsidérable. Il ordon"'a au d&ogat
de Julfa ('o.'ïîcier psrs»n, pré.jo^é pa.r I - r -i
pour veiller sur les dilf're^ds qui peuvent
survenir) de se transporter sur les lie x et
dexarain 'r par quel ordre les Pères s'étaient
établis en Pcs . Le dérognt ob «it et (il ap-
peler les missio-'naires; nous y allAmes tou-^,
et Mgr l'évô pie porta les dideri.'iits ordres
des mis qui nous avaient h.o orés de leur
faveur et do 'eur protectio i. O.. le-; lut, et
on nous reiivova. No is cro/ions la chose ti-
nie, mais lo le;i iemai i, la sôène changea. Le
dérogat, le calanthnr et deux des arméniens
les plus accrédités s'étaient rendus au mo-
nastère, d'oi^ ils envoyaient appeler tous les
catholiijues, les uns après les autres ; de t!>us
les missionnaires il n'y eut que nous de
mandés.
Un envoyé du déroqat vint nous dire, dès
le matin, que cet oïlicier voulait nous par-
ler, et que nous eussions h mener avec nous
notre frère Jean-Baj)liste; il est Arménien
de nation, et a été reçu dans la compagnie à
Conslantinoî)l(^; isousob; îmes et nous fûmes
conduits parce Persan, à qui on avait donné
0 i\vQ. de frajjper ce frère lians les endroits
où il y avait le [dus de monde. Le frère lui de-
1471 ISP
uianda modestement, en langue persane,
pourquoi il le mallraitait; il ne lui répondit
que par une injure et un autre coup de l)A-
ton, ce qu'il réitéra trois fois jusqu'il notre
arrivée au monastère : nous y trouvAmes un
grand peuple assemblé. Nos^ juges étaient
})lacés, les ecclésiastiques d'un côté et les
séculiers de l'autre. On commença par de-
mander pourquoi il s'était t'ait Fianc ; il ré-
pondit que depuis son enfance il avait tou-
jours été catholique : sur cette réponse, le
juge persan le lit l'rai)per de nouveau. On
nous fit asseoir tandis qu'on le maltraitait;
nos catholiques n'étaient pas plus épir-
gnés ; ils soutinrent ce mauvais traitement
avec une constance héroïque; e', sous la
grèlo des coups dont chacun d'eux était ac-
cablé on ne leur entendait prononcer (juc
ces mots: Seigneur Jésus, donnez-moi la
patience et pardonnez-moi mes péchés.
Après cette exécution, l'on nous renvoya.
Nous nous attendions à ramener le frère avec
nous; mais on recommença à le frapper, et
on le mit en prison. Nous espérions du
moins le délivrer par le crédit de M. le ré-
sident de Moscovie, qui a de la bonté pour
nous; il envoya son arogman au monastère
pour le réclamer; mais ce drogman était ar-
ménien, il trompa son maître. Les armé-
niens schismatiques qui avaient quelque
crédit auprès des aghhuans, voyant bien que
M. de Gardanne, consul de France, était
hors d'état d'agir en f.iveur de la religion,
comme il avait fait jusqu'alors, et que les
compagnies de Hollanle et d'Angleterre ne
pouvaient appuyer les missionnaires de leur
protection, s'imaginèrent que le moment
d'éclater contre eux était arrivé; ils les lireiit
citer devant le ministre du roi, qui, après
quelques interrogations captieuses, les con-
damna et ordonna qu'on les chassât de toute
la Perse.
La Piovidence, qui arrange et qui mén-^ge
tous les événements, nous suscita un défiMi-
seur. Un ieune médecin, nommé M. Hcrmet,
pansait alors le ministre d'une plaie dange-
reuse qu'il avait h la jambe ; il se rendit au-
près de lui, et lui [)arla avec force et avec
courage : « Il faut, lui dit-il, que je sorte du
royaume, et vous m'y condamnez ; l'arrêt qui
est prononcé contre les missionnaires l'est
aussi contre moi ; je professe la même reli-
gion ; s'ils sont coupables, je le suis. » — «Ne
craignez rien, lui ré,diqua le minisire av.c
lionté, ni vous ni vos Pères ne sortirez du
royaume. » Ces paroles ne le rassuraient pas,
l'ordre était expédié ; il devait, le lendemain,
fitre sigrié |)ar le ministre ; il le sav;iit, et,
dés le grand matin, il se Irarisprrrta chez liî
seigneur p(;r.s;in. Les schismaliipK.'S lui pré-
.senterenl l'ordi')' en (juiîst on. Kn ignorait-il
le contenu? Avait-il oublié sa promesse^.' 11
le signa sans même le IIk;. Onel li iomplK;
pour les ennemis de notre religion! lisse
icliraieul /ivec; celte; joie (juinspire une vic-
toire désirée depuis longtemps: « Ah! sei-
K'ieiir, s'écria le zélé délénseur dcîs mission-
Haines, est-c<! donc là la parole (pie vous m'a-
yie;£ donnée ; songez (pie vous venez de si-
ISP
1272
gner mon exil, en signant le bannissement
de nos Pères. » A ces mots, le ministre étonné
lit appeler les arméniens, leur demanda le
papier, le lut et le déchira, en leur disant
qu'ils l'avaient trompé, qu'il n'av-.it point
luéiendu signer un |)areil ordre, et il assura
obligeamment M. Ilermet (pie jamais il n'en
signerait de semblable. M. Hermet joignait à
sa qualité de médecin celle d'interprète de la
com[)agnie dAngleterre, et comme il fut
obligé de suivre MM. les Anglais à Bander-
Abassy, M. Charles-Jac(jues Hermet, son ( a-
det, fut déclaré interprèle de la m('me com-
pagnie pourispahan. Ces deux illustres frè-
res commencèrent à se lier étroitement avec
MM. les chérimans : ce sont les ehefs do
cette famille si opulente et si c )tho!ique,dont
on a d.'jà parlé [)lus haut; ils concertèrent
entre eux les moyens de faire échouer les
pernicieux desseins de nos ennemis.
Le gouverneur, gagné par des présents,
évoqua l'affaire à son tribunal ; l'alarme fut
grande parmi les arméniens et en f)articulier
parmi les vartabeds. L'affaiie ne fut point
jugée d Tmitivement et MM. les c érimans
intéressèrent les seigneurs persans en faveur
de la mission. Cependant, le dimanche après
la grand'messe, un ofticier nous intima ses
ordres, et . ous conduisit en ville à Thritel
de la com agi.ie d'Angleterre : on nous si-
gnifia que nous euss'o ^s à res erjusqu' u
lendemain. Cette espèce d'aï rôt n'étaitiiu'une
feinte concertée; on voulait paraître [)ar là
donner quelque satisfaction aux arméniens
qui avaient demandé notre sortie de Julfa ;
effectivement nous n'y couchAmes pas d tte
nuit. Dès qu'il fut j(^)ur, on nous ap( ela ditz
le çOuvernear pour assister à la déi%sion de
la cau^e. MM. Hermet vit renl avec nous ;
l'accueil gracieux qu'on nous lit nous an-
nonça le succès de notre alfaire. Les varta-
beds, le dérogat et le c lanthar étaient à
notre droite; Mgr l'évoque était à notre
tôte. Le gouverneur, le nabab et les autres
conseillers délibérèi-eiit entre eux [)endant
quehpie tenq)S; ensuite le nabab prenant la
par le, ord(>nna au calanthar de jjrouver les
accusations avancées dans la re(iuèti'. « Hé-
ponJez-nous, lui dit-il, 1° comm nt les Pères
sont-ils des espions ei tielenns par les cours
d Euro e.... Depuis un siède qu'ils sont
établis en Perse, on n'a jamais rien décou-
vert dans le u' conduite (]ui ait pu donner
d'eux de pareds sou, çons » Le calanthar
surpris, ne répondit (pu; par des conjectures
vagues. « 2" Ouels sont ccuv que les Pères ont
fait sortir du loyaume? » Le calanthar pré-
senta les noms (h; ipieNjues calholi(pies (pii
étaient allés s'établir à \enise. Mais le na-
bab, (pi'o 1 avait bien instruit, lui répondit :
Combn-n des v(Mres se sont établis aux Indos
et en Moscovie? Le ca'anthar n'osa le
nier. «Ne maltraitez point les catliolicpies,
ajouta le nabab, et ils n'iront [)as sétablir
a.ileurs. 3" Connnent les Pères trompent-ils
les ()eupl«;s? » Le cal lUlliar n'osant pas
répéter les calomnies gross èi-es (pie débi-
te;U l(!s vaifabeds, prit le parti de se taire.
Le gouverneui- le voyant confondu, fil aux
1275
ISP
ISP
4274
yagna lo
armt^nions ino vive n''|)rimanilo ot nous
l'rtincs iiMivoy(^s a sous. Pnistri^s <lo leurs
os'x'^i-.-ncc.s, k's scliisiii;'ti(iu s ne peidireiit
point <()nra:;o; ils t-e-ivoy^n'iit à Masdiet le
nii^mo vartaheils et le iiiiVne |)nMi7>, cliar-^és
(l'arAcnt et de pix^senls, avec ordre de solli-
citer auprès du prince le l):>fnisseiuent di'S
ni'ss'o naircs ol d(ï le denian 1er sa'is aucune
r-e<triclion : les sommes (ju'ils devaient lé-
[)anilre étaient illimilé('s ; on l"ur pi'omit
d'ac(|ui(ter toutes les lettres de change (pi'i's
enverraient et on leur ti it parole. Ils tiient
fl 'f)uyer leur demande par le palr-iarche cpii
s'était renlu à Maschet, auprès du li's du
roi, apparemment tians le mi'^me dessein. (le
ch 'f de la reli^ioi arménie )ne lit de son
ciMé des [)résenls nia;^Mili(|ues ; i
jeune [M'ince et l'ordre^ fut délivri''.
L'arriv(''e du patriai'che à Julfa ressem-
blait plultM b l'entrée d'un prince (ri'h celle
d'un religieux, et il [)assa avec tant de pom()e
et de m ignilicence au milieu des bazars de
la ville, ({ue les Persans (pii en furent té-
nioi'is, en témoignaient leur indignation, et
ces intidèlt.'s l'auraient insulté, s'il n'avait été
précédé |)ar les valets de pied de M. le ré-
sident de Moscovie , qu'ils res})ectaient.
Grands et p Hits, callioliques et chrétiens,
tous accourure it en foule h ce spectacle :
depuis les dehors de Julfa jusqu'à la porte
du monastère toutes les rues étaient l)or-
dées de monde. Pendant le séjour (ju'il fit à
Julfa, ses discours ne roula ent que sur le
banisscment futur des missionnaires; il en
parlait ouvertement et il ne dissimulait pas
ses dispos tions à leur éga d. MM. les chéri-
mans en furent alarmés, et, avec quelques-
uns des princi|)a .x de nos catholiques, ils
a lèrent au monastère pour lui faire une
visite de civilité et tAclier de l'adoucir par
cette politesse : ils ne furent pas reçus;
ils se présentèrent une seconde fois, l'au-
dience fut encore refusée. Nous étions à
Julfa dans l'attente d'un événement qui de-
vait décider du sort de la religion dans le
royaume de Perse. Nos ennemis avaient
grand soin d'ameuter contre nous la popu-
lace ; nous ne pouvions paraître dans les
rues sans entendre blasphémer contre notre
sainte foi; la conspiration était presque
générale; les enfants ne se contentaient
j)as de nous dir.3 des injures, ils nous je-
taient des pierres et nous fûmes insultés
plus d'une fois. Les émissaires du patriarche
faisaient courir 1 s bruits les plus désavan-
tageux; on disait tantôt que Mgr l'évoque,
que le P. du Han et M. Aroulion avaient été
conduits liés et garrottés ; tantôt qu'on
avait fait mourir notre su[)érieur, qu'on avait
coupé la tôte au prélat, le nez et les oreilles
à M. Aroution el que le catholique, inter-
prète de Mgr l'évèque, avait été étranglé. Les
arméniens ne cessèrent pas d'aller dans les
maisons de leurs parents catholiques pour
leur persuader d'abandonner la foi ; ils n'y
gagnèrent rien et c'est à cette occasion qu'un
chef de famille, à qui l'on disait que, quand
il n'y aurait plus de Pères et de missionnai-
res, il serait bien forcé d'aller à l'église ar-
ménienne, fit cette belle réponse : « Je ne
connais, dit-il, qu'uiu! ég'ise, c'est l'Kgliso
roiiinine d.ins hupielh; je; suis né el avec !a-
«pielle je suis uni de conimunion; s'il no
resie plus h Julfa di; missionnanes ou do
jtrûtres calholi(pies,je suis veuf et parconsé-
(lutnit lil)ie ; j'irai me fair<i ordonner prélro
alin d(! pouvoir satisfaire ma dévotion et
|ioiM' (pie mes enfants, trouvant dans leur
maison do (juoi lemplir leurs devoirs do
cluélioris, ne soi(;nt point tentés d'albn- aux
églises arméniennes. »
Dieu se (-ontenta des généreuses disposi-
tions du héros clinHieii et il ne fiermit pas
que l(! schisme triom|)hAt de la religion. Les
varlabrvis se tlallai(;nt cependant d'un heu-
reux succès, et la veille du jugement un de
leiiis chefs s'était expliqué d'une manière h
faire croire ipi'ils comptaient i-etourner seuls
à Julfa, et (pie les missionnaires en seraient
enfin bannis pour toujours. Le jour marqué
pour la décision arriva. Le prince ne parut
faire aucune attention aux calomnies dont
on tâchait de noircir les Pères et les chéri-
mans ; il se contenta de les interroger sur
leur foi, et leur demanda ([uelle était leur
croyance; cette question s'adressait aux deux
p.irtis ; chacun fut obligé de ré[)ondre et de
s'ex|)liquer. Là se passa une scène singu-
lière : Deux frères servaient d'interprètes,
l'un à Mgr l'évèque, l'autre aux vartabeds ,
tous deux également zélés, l'un pour la foi
catholique, l'autre pour le schisme. Le ca-
det, [la/tisan des arméniens, était un homme
emporté; il accablait son frère des plus
gross ères injures et lui reprochait d'être
déserteur de !a foi de ses pères. L'alné plus
modéré les laissait tomber sans y répondre,
mais le reprenait avec force lorsqu'il rendait
en langue persane les fausses iîiterprétations
que les vartabeds donnaient de l'Ecriture :
ce contraste réjouissait les juges. Le prince
3ui ne voulait, ce semble, que se divertir,
emanda une explication nette et précise
des articles du symbole : chacun la donnait
à sa façon, et quand on vint à l'article du
Sa'nt Esprit , il demanda aux arméniens
comment il était fait et s'ils l'avaient vu :
ils répondirent que non, et qu'étant Dieu
comme les deux autres personnes, il était
invisible : «Mais, poursuivit le prince, peut-
être notre patriarche, qui est un si grand
homme, l'a-t-il vu? » Ces | laisanteries leur
déplurent et ils commencèrent à s'aperce-
voir que ce prétendu jugement qu'ils atten-
daient pourrait bien dégénérer en un simple
badinage; mais il n'était [ilus temps de re-
culer. Enfin, après une demi-heure d'au-
dience, le prince, que ces contestations peu
iîitéressantes pour lui commençaient à fa-
tiguer, les renvoya tous, sans condamner
personne, mais laissant aux cat cliques la
liberté d'exercer leur religion : c'est tout ce
qu'ils demandaient.
Les vartabeds ne remportèrent de cette
tentative que la honte d'avoir fait une dé-
marche inconsidérée; les arméniens qui
l'avaient conseillée n'en furent pas quittes à
si bon marché. Le prince, qui avait besoin
1279
JVC
J.\C
4280
qiios fut si touch('' du courngo qu'il montnit
t'-i confossail lo nom de Jésiis-Clirist, ([u'il
se proclama lui-mômo clirélion. (3i le con-
duisit au suj)|)lice avec le saint a >ôtie. Clie-
niiii faisant, il lui demanda paidoi. Sai'U
Jacq'ies, se tournait vers lui, lui dit : « La
paix soit avec vous >•. Ils furent déca[)ités
tous deux e-isemble (1). Les Es;)agnols pré-
tendent posséder le corps du sa'ul, qu'on
avait d'abord enierré à Jérusalem, et qui
fut, di>ent-ils , transporîé peu après par
ses disciples à Iria Plava, aujourd'hui A7
Padron. On y découvrit es reliques sous
le règne d'Alphonse le Chaste , et oi les
porta dans une p'tite vilh' voisine , qu'où
nomma Giacomo Poslolo, dmit on a l'ait Co-
mopostolo { Compostrllc ), ville de Galice.
Saii;t Ja (jues esl le jircmier apôtre qui ait
soiUert le martvrc.
JACQUES LÉ MINEUR (saint), apôtra et
premier évoque de Jérusalem, était tils de
Marie sœur de la sainte Vierge, et d'Al|)hée,
surnommé Cléophas, l'rè c de saint Joseph.
Ainsi cà liouble titre il et lit cousin de Jésus-
Christ. Eusèbe de Césarée d t de lui , au
premier cha[)itre de son Histoire de l'EyUse :
« Il était lils de Jose|)h, père du Christ, au-
quel le saint Ev uigile dit (|U(' la Vierge fut
mariée. » Il a,)|)uie soi opinion de celle de
saint Clément d'Alexandrie, livre vr de ses
Institutions. Il est étonnant que ces deux
éjrivainsaicnt écrit une pareille erreur quand
il est dit [)os;tivement au chapitre \ de l'E-
va ^gile de saint Mat.hieu, v. 3, que Jacques
était tils d'Alphée.
Ce saint a|)ùtie fut martyrisé à Je usalem,
dnrant l.i ca()tivilé de saint Paul à Rome, en
l'a uiée G2. Sa justice et sa sainteté étaient
tellement, grandes, qu'il ét-iit non-seul, ment
aimé comme un p(ire [)ar les chrélicns. mais
encore vé 'éré même des Juifs, dont la fu-
reur contre Jésus-Christ et sa doctrine était
incessante. Aussi, dans Jérusalem, il était
généralement connu sous le nom du Juste.
S jn martyre eut lieu api'ès la mort de Fes-
tus, et après le déi)art de saint Paul pour
Rome. Ag i|)pa II ayant ôté la grande sacri-
ficature h Joseph Cabi. la doi'wa h Ananie,
cinquième tils d'Anne, grand prôtre dont il
est tant [tarlé dans lEi^iture. Albinus,
gouverneur , nommé pour remplacer Fes-
tus, n'était jtas encore arrivé en Judée.
Aninie, qui était un homme enireprenant
et cruel, assembla un conseil de plusieurs
juges, et fit com[)araître diverses personnes,
el notamment Jacques, évéque de Jéiusa-
lem. Josèphe est le seul historien <pii nous
instruise d(; la part active (ju'Aiianie prit à
la nu>it (le saint Jactpies. Nous allons, pour
la (in du récit, prcvidrc ce (pie nous doniu;
Ensebe d'après lli^-gésippe.
" (Juelques-UMsde ceux (pii étaient engagés
dans les dillérentes sectes qui partag(iaient
(I) A J(;riis:il(;in, :i(:«)U' di- la i)i)rl(! diî Sioii, il (existe
une <''{<lis<; sons rinvocaliftn de saiiil Jacrjucs ii; Ma-
j<-nr. Klli; appanitriil anx arin(Mii(;ns scliisnial ifiics.
A dmiii; «Ml cnUant, on trouve une pclilt; <lia|»('ii<;
qu'on dii lihiic sur le lieu uième où le saiul lui dci-
cjpiui.
alors les Juifs, s'adressèrent h lui et lui de-
mandèient ce (pi'on devait croire de Jésus-
Christ. Il leur répondit que Jésus-Christ
était le Sauveur du monde ; et celti- réponse
si nette et si précise en ayant persuadé [du-
sieurs, ils crurent quf' Jésus était en elfet le
Christ qu'ils attrnd;dent. La plupait de ces
sect'S n'atlmettaie d ni la résurrect on, ni le
dernier avènement du Messie, ni l'éternité
de- supplices et des récompenses ; mais ceux
qui furent a-sez heureux |)Our être éclaiiés
des lum ères de la foi par le ministère de
saint Jacques, renoncèrent aussitôt à leurs
anciennes erreurs, et reçurent des vérités
qu'ils avai'nt jusqne-l<à rejetées.
« La conversion de ces Juifs, parmi lesquels
il se trouvait des [)ersoiines de considéia-
tion et d'un rang distingué, jeta le trouble et
la confusion dans la Synagogue. Les phari-
siens el les docteurs de la loi se mirent à
crier en tumulte que leur religion allait être
renversée, que presque tout le peuple séduit
se laissait entraîner à la fausse créance que
Jésus de Nazareth était le Messie. Enfin, s'é-
tant rassemblés, et ayant délibéré un n)o-
ment enir eux , ils vont trouver saint Jac-
ques, et lui parlent en ces termes : « Nous
venons vous prier el vous exhorter tout
ensemble d'employer tout le pouvoir que la
sainteté de votre vie vous a acquis sur l'es-
prit du peuple, pour le porter îi renoncer à
ces nouveautés dangereuses, qui en ont déjà
j)erverti plusieurs. Détrompez-les de la
fiiuss • opim'on où ils sont que ce Jésus est
véritablement le Me-si.* qui nous est promis.
Vous vo.ez que lagran le fêle de PAtiues ras-
semble ici de toute la Judée un |)euple nom-
hr ux ; inspirez-lui les sent ments qu'il doit
avoir d- cet imposteur; nous savons que
rien n'est plus pur que votre vertu, et nous
sommes convaincus que votre probité est
ho.sd'alleintedela l'avouretde l'intérêt. Per-
suadez donc h ce peuple de ne plus s'at a-
cher à ce vain fantôme de Messie; montez
siu le haut du temple, alin que de ce lieu
élevé vous puissiez être entendu de lonte
cette multitude de Juifs et de genids que la
solannité a fait venir de toutes ])arts à Jéru-
salem. >>
« Les pharisiens ayant ainsi obligé sa'nt
Jacques h monter sur la |)late-forme du
temple, ils lui crièrent : « Saint h(unme,
faites entendre votre voix h ce peuple; il
esl dans l'erreur, en adora> t un ceitain Jé-
sus qui a éié attaché à une croix ; enseignez-
lui ce (pi'il faut ci'oire do cet honnue ; [)ar-
lez, expli(|uez-vous; vos paroles seront poiu'
n us et pour ce [)eu|)le autant d'oracles pro-
noncés par 11 bouche delà vérité mêuR'. »
Alors saint JacipK'S, élevant sa voix, leur
r(''pondit : « Pourquoi m'ni'errogez- vous
touchant Jésus, fils d(! l'homme ? Sachez qu'il
est assis à la droite de la so vt rame puis-
sance (l(! Dieu, et (|u'il doit paraître un jour
au miliiMi des nuées, pour jug(n- de \h tout
l'univers. »
'( Un témoignage rendu h la (li^itlilé di\
J('sus-('hrisl d'une manière si authenliipiiî
et si peu allciidui' srr\ il beaucoup h contir-
4^81
JAC
JAC
1282
merles nouvonux cluélionsdnns l.i foi f|u'il.s
vcnaio'l (IVnibritsser. Ils srrr ôicMit lous
(ruiie voix : « (.loiro nu Fils doD.ivid, ho-i-
II uv et gloire h Jésus ! » Aîais, d'ui «utio
t(M(S U's doc-leurs de I.i loi el les pli.nisioiis,
so voy.-nt si loin de leur atteMlo, se d s.-iieiit
l'un ù l'autre: « Ou'avoiis-iious l'ait ? louie
notre prudence n'aura d^nc servi (|u'^ loi ti-
(it'r ct'lle nouv lie secte d'un téiuolj^iKigc si
considérable? Allons, eoui'ons vev<''" uotre
ri ligion outragée el notre ()()lili(iue trompée :
montons sur la terrasse du tt'm|tle, et (pu;
celui qui afaitu^e injure, si scisibleh l'uie
et h l'autre soit précipité h la vue du peuple,
et qu'il appienne aux autres par sa mort
qu'on ne n-nonce pas impunément h la reli-
gion de nos pères pour embras>er les nou-
veaux dogmes d'un inconnu. »
-( Ils se mirent en mcMne temps îi crier :
« Quoi I i'iiomme de Dieu est aussi dans
l'erreur? lît ce lut alors que l'on vit accom-
plir ces pai'oles qu'on lit dans la Sagesse :
Mettons à mort le juste, pcn-cc qu'il nous est à
chanjc. Animés d'une fureur aveugle, ilsmon-
tére'it au haut du temple, et ci pré^ipilèrent
le saint. Cependant il ne mo .rut pas d'abord,
et il eut encore assez de force pour se met-
tre sur les genoux, et pour adiesser à Dieu
cette prière : « Se gneur , pardonnez-leur,
ils ne savent ce qu'ils font. » Ma. s ces hom-
mes, moins hommes que tigres, s'écriè-
rent : « 11 faut le lapider, » et 5 l'instant
même ils font tomber sur lui une grêle de
pi nres. Il n'y en eut qu'un d'entre eux (1)
qui, touché de quelque sentiment d'huma-
nité, dit aux autres: «Arrêtez, que faites- vous?
le juste prie pour vous et vous le faites
mourir. » Ces paroles toutefois fuient sans
etfel, et elles n'empêchèrent pas qu'un fou-
lon ne déchargeât de toute sa force, sur la
tête du saint, un coup d'une csfièce de niasse
de bois dont les foulons se servent pour ap-
prêter leurs étjd'es; et ce coup mit tin au
mariyre du juste el à sa vie. » Son corps fut
enterré au môme lieu, et l'on y voyait encore
son tombeau du temps d'Eusèbe.
La mort de saint Jaccjues tit une profonde
sensation dans Jérusalem. Jusèphe, dans un
passage cité par Eusèbe, et que nous ne re-
trouvons pas dans ses œuvres, s'exprime
ainsi : « Cela (le siège de Jérusalem) arriva
aux Juifs, à cause de Jacques, frère de Jésus
qui est appelé le Christ, lequel ils avaient
tué, bien que d'un consentement général il
fût reconnu pour très-homme de bien. »
Les notables haljitails de Jérusalem se
pl.dgnirenl au roi Agippa, et accu>èrent
de va. il lui Ananie pour ses actes de violence.
D'autres allérct au-devanldu nouveau gou-
verneur Albinos, et lui ex|)0sèr.nl que le
gra'id prêtre, qui n'avait pas le droit de ras-
sembler le -anhédrin sa is son autorisati n,
avait dépassé ses pouvoirs. Albiius écrivit
une lei re fort dure au ^rand prêtre. Quel-
que temps apiès, Agrippa, pour llatter la
gouverneur , ùta la grande sacr licature à
Ananie, [lour le fait de la mort de Jacques,
el la donna à Jésus, fils de Damneus.
1} C'éiail un RécUabiie.
JACQUES (saint), d'acre et martyr, fut mis
?» mort à Ambesc • n Numidie, sous le rè-
gne de N'.ilénen , avec le saint lecteur Ma-
riei et pln.sieurs autres. L'Iv^l se faii sa fête
le 30 avril, (l'nur les déiails voir les Acies
de sailli M\uii;n <i son article.)
JA(^QLIiS (saint), martyr à Saniosale, ^n
297, sous l'empiie de Uioclétien, soulliit par
Ordre (h; (ialèi e, avec les saints Paraît us ,
Hai)i e , Uomain et Lollien, mnivellement
conv(Mlis ;\ la foi chrétienne. Il eut aussi
[)Our compagnons d(! son martyre saint Ilip-
jianiui! el saint Philothée. Les circonstances
des glorieux combats de tous ces saints mar-
tyrs sont racontées h l'arlicb- de saint Hippak-
QL'K, au(piel nous renvoyons le lecteur.
JACQUES (saint), évêquede Nisibe et con-
fesseur, naiiuit à Nisibe. en Méso()otamie ,
sur la (il du m' siècle. Il embrassa d'abord
la vie des anachorètes. L'hiver il demeurait
dans une caverne, et le reste de l'année dans
les bois, sur les plus hautes montagnes, ex-
posé aux injures du temps. Sa nourriluic
consistait en fruits sauvages, en herbes ou
grains qu'il mangeait sa-^s les faire cuire.
Une tunique et un manleau en poil de chè-
vre conifx saient son habillement. Gern ade
dit qu'il fut du nombre des confesS' urs du
nom de Jésus-Christ sous l'empereur Maxi-
min. Sa vertu était si grande, qu'il fut élevé
sur le siège de Nisibe. Son élévation ne le fit
que changer de demeure. Il jeûna et coucha
sur la terre comme auparavant, mais il tra-
vailla beaucoup plus qu'il ne faisait dans la
solitu .e. il prit soin des jiauvres, des veuves
et des orphelins, il secourut ceux qu'on op-
primait, reprit avec force ceux qui les fai-
saient souffrir. Il se trouva, en 325, avec les
autres Pères au grand concile de Nicée, où il
se signala un des premiers contre les impié-
tés d'Arius. Et en 336, Constantin ayant fait
venir Arius à Constantinople et commandé
à saint Alexandre qui en était évoque de le
recevoir à la communion de lEglise, notre
saint se joignit aux prières qu'Alexandre
adressa au ciel pour détourner le fléau, et
nous avons vu comment Dieu exauça leurs
ferventes supplications. Les auteurs ne mar-
quent point à quelle époque arriva la mort
de Jacques; nous savons seulement que ce
fut sous Constance, peut-être en 350. Entre
les ouvrages que fit notre saint, Gennade lui
en attribue un où il démontre que Jésus-
Christ est Fils de Dieu et consubslanliel à sou
Père. L'Eglise fait sa mémoire le 11 juillet.
JACQUES (saint) Ylntercis, martyr en
Perse, donna ^a vie pour la foi chrétienne,
en l'an de Jésus-Chr si 421, sous le règne de
Varanes ou Vararanes,qui m», nia sur le trône
en kiO, et qui continua contre les chrétiens
la persécution que son père Yesdedgerd ava't
commencée. Jacques était habiiant de la ville
de Beîh-Lap.ta en Perse. 11 était noble et ri-
che, distingué j ar ses vastes co'^naissances.
Les faveurs du lOi l'avaient rendu un objet
d'env:e pour tout le loyaume. Tous ces avai:-
lages devinient pour lui une occasion de
chute. Quand Yesdedgerd déclara la gue. re
au christianisme , Jacques eut le malheur
Ii83
JAC
d'abjurer. Jusque-là il avait toujours été chré-
tii"i. Cotto olijui-alion e .1 liou sous le roi
Yt'sJt'dgertl. La mèie et la sn'ur de Jacques
lui écriv lent la letln^ suiva île : « Nois avons
appris, il y a longtemiis dojà, que vous avez
rené le D eu inhnorU l et soi amour pour
co iserv.r la faveur du roi, les biens et les
ho'^neurs pé.iss.ibles de ce mo"'de. Voyez ce
qu'est devenu celui à la faveur duquel vous
avez eu le malheur d'attacher si gra-id prix.
Misérab'e mortel, comme îoul ce qni < st su-
jet à la mort, il est deve lu vile poussière,
l'eut-il vous secouiir ma ntenant ? vo s s m-
vera-t-il des supplices éternels Si vous res-
te/, dans votre crime, ces su[iplices auxquels
Dieu l'a livré déjà seront votre partage.
Quant à nous, votre mère et votre sœur, nous
ne serons plus rien pour vo js et n'aurons
plus rien de commun avec vous. »
Jacques avait au fond du cœur le remords
dn son crime ; il sufiit |iour l'éveiller tout à
fait, que ces voix si cher s d'uie mère et
d'une sœur vinssent y retentir. Tout san
f)assé si pur se réveillait à ces paroles avec
es frais souvenirs de It jeunesse parfumés
d'innocence. Les prières qu'il faisait avec sa
sœur sous l'aile de sa mère, quand la sainte
femme leur parlait de D eu, leur appren dt
à l'invoquer, revena cnt à sa mémoire. Non
jam.iis l'honnue n'oublie, quels que soient
les tempêtes du cœur, h'S orages de la pas-
sion ces leçons de l'amour maternel. Les
croyances qu'une mère tait sucer avec son
lait' imprègnent l'ûme et demeurent toute la
vie. Ce qu'on regrette le plus de quitter, ce
sont ces eus ignements reçus au berceau
avec la foi naïve de l'enfance ; c'est l'ancre
de détresse qu'on ne jette que le derrner
dans la tempête et qu'on pleure toujours
d'avoir abandonné. Si plus lard, dans une vie
d'erreurs , de crimes peut-être, l;i voix de
Dieu revient parler au C(cur, elle emprunte
pour y r( ntrer ces accents chéris (jui rap-
pellent à l'homme des jours purs, par con-
sé(iuont des jours heureux, des jours regret-
lés. Ja((iues pleura sur la lettre de sa mère.
Il quitta la cour et ses honneurs ; il avait
dans le cœur son trésor perdu retrouvé. Il
s'etj alla dans la solitude prier Dieu pour le
passé et le bénir nour le ])résent. Informé
(le ce changement, le roi le manda devant lui.
Jacques dit hautement (ju'il était cln-étien.
Vararanes, lui parlant des fiveursdont le roi
son pèie l'avait comblé, lui reprocha son
ingi'atitudc. « Où est maintimant ce roi? dit
Jac.ijues; (ju'esl-il deV(M)U?)) Furieux, Vara-
ranes !• menaça de le faire mourii- de la p'ius
cru('lle mort. ^< Toute espèce de mort n'est
qu'un somm(;il, dit le saint : puisse la mi(!nnc
6lr(! cille des justes. — La mort, dit le roi,
est t(;iribl(; pour tous, grands et petits. —
Oui, dit Jac(pit^s, elh; ell'raye Ions ceux qui
mi''|>iis(M)t Difu , parce (jue Vrspérance (1rs
iiK^chanls périra. — (Juoi 1 misérable. dit le i'f)i,
vous MOUS appelez méchants, vousipii ne vou-
lez, adorer ni le sohdl, ni la lune, ni I !'au,ui lo
feu. ces illustres productions do la divinité.—
Ju ne vous outrage ni ne vous accuse, dit
JaC'^uui» ; mais je dis que vous donnez à des
iAC 1284
créatures lo nom incomnii-iiicable de D'eu. »
Le roi furieux ass' iiibla son conseil | onr dé-
libérer sin- le genre de mort qu'on i'^lligerait
au coupable. Il fut déciué que, s'il n'ibju-
rait [)as, on lui couperait tous les membres,
les uns après les autres. Tous les habitants
de la ville ac oururcnt [)Ourassis:(!r à ce spec-
tacle si étrangement cruel. Ja'jques, sur le
lieu du supjliie, pria quelques instants,
tom-né vers l'Orient ; puis les bourreaux le
saisiient et l'allachèrent .u du valet. Avant
de commencer à le martyriser, ils le | rièr» nt
et le suj)i)lièrent d'obéir au roi : tout fut inu-
tile. Le juge lui-môme, préposé au si p,)li(e
j)ar le roi, les larmes aux yeux, le conjurait
d'avoir pitié de lui-même. « Je veux vivre,
disait Jacques, mais de la vie de la résur-
rection. L'arbre dont on coupe les branch;s
reverdira. Vous mutilerez mon corps, mais
Dieu saura bien lui rendre vie et splen-
deur, h On lui coupa successivement les
doigts : il remerciait Dieu ii chaque mutila-
tion nouvelle. La joie éclata. t sur sou visage.
Les juges, après lui avoir fjit mutiler une
main, l'exhortaient à ne pas persévérer. Ce-
lui qui a mis la main à la charrue , dit Jac-
ques, n'est pas digne de Dieu, s'il regarde en
arrière. Les bourreaux lui coupèrent les
doigts des deux 'lieds. « Maintenant que les
branches sont tombées , dit-il , abattez le
tronc. » On lui coupa les bras, les jambes,
les .cuisses; entin un des gardes lui abattit
la tête. I 'est en raison du su{ii)]ice qu'il en-
dura qu'on lui donna le nom lA'Jnlercis. Ce
fut (.m 'i-21, comme nous l'avons dit, qu'il fut
martyrisé, le 2"? novembre, jour auquel sa
fête est mar(]uée dans le Maityroluge ro-
main. Les clnétiens après sa Uiort renfermè-
rent ses reliques dans une urn.'.
JA -OUES (sain;), prêtre , mis à mort sous
Sa[)or, roi de Perse, soull'rit le martyre avec
sainte Marie, sa sœ'ur. Ces deux saints ne
sont pas portés au Mai t.\ rologe. Nous tradui-
sons ici les Actes de leur martyre.
« Dans la septième année de la. persécu
tion , saint Jac(iu(.'s , prêtre du bourg de
Thel-Scialila, fut arrêté avec sa jeui.e sœur
Marie, jeune lille consacrée à Dieu, par l'or-
dre (le Narsès-Tam-Sapor, qui, s'étant vaine-
ment elforcé de contraindre les martyrs à
manger du sang; il or :onna qu'un les déchirât
cruel ement h i'ou{ s lie fouet. Lux, levant
leurs mains vers Dieu, le prièrent qu'il vint
h leur secou.s, et cpie, dans le dénùnnnit
de tout secours humain OÙ ils étaient, il leur
donnât la force et le coir.ige. Le t^ran,
voyant (ju'il ne pouvait détaciier les saints
uiàrlyrs le leur reLgion, lit mander un cer-
tain noble, ue condil <-n i luue (Oii le nom-
mait Malidades), chrétien i ulement d(! noni,
et lui ordonna d exéculer Mii-le-cliamp la
senteiceca; itale poiléecon're eux. Celui-i i,
pensant pouvoir co:.( ilier cet acte avec ses
jiriiicqies, marcha impi udennuenl à la mort
(élernellc)iour conserver .^a vie (irrruslre), et,
trompé par l'.uiiour des choses de ce monde,
perdit ses liauti'S cspi 'ronces. Il ti an» ha la tôle
des sa:nls n.ai lyrs de sa \t i| le main, dans le
bourg du Tiicl-Dura, siluû sur le jjruud lleuvc.
1283 UC
Ces illiistros mnrtvrstt'ruront leur couronne
le ili\-s('|iliènie jDiir (Ic'la lune du mois de
mars. »
JAC(^L'ES , protospnlairo , ou prcmior
écu.vcr ù In cour de l'i-mpcrcur dOritMit,
Lôoii IV, l'ut arrêté |»ar ordro do ro priuuo
icdiiOi husic, avfC le papias ou porlier du p i-
!ais, Tluopliaue, Léon et Tiiouias, cli.uuhcl-
l.iu-, el (|Ut lipit's autres (pii lionoraieul les
ima;^es. L'empei'eur les lit loiidre , tbuetler
et mo'ier hoiitcuscmi-Ml par la ville dans la
p"ison du prétoire. 'riiéo|)liaue y mourut ,
tous les autres euil)rassèreut la vie monasti-
que après la mort de l.con IV, cpii eut lieu
quelques mois après, i n l'an de Jésus-Cli.ist
780. {Voy. leoNocusTKS.)
J.VCQÙKS DE PODIO (saint), frère mineur,
fut martyrisé e i 12G3sous le sulta'i d'l";,y[)to
liihars. ie [)i'ince musulman, avant |iris sur
les chrétiens le cli.Ueau de Sai'ed, lild re aux
six cents et quehpies martyrs (pii l'avaient
détendu, qu'ils eussent A choisir eitre la
mort et ^i^lamisme. .la; qucs de l'odio et Jé-
l'émie, tous deux fières mineurs, einployè-
renl toute la nuit à encourager les clirétiei.s
à préférer la couroiinc glorieuse du martyre
à l'odieux avantage de l'apostasie. Le lende-
main la garnisou tout enière se présenta
courageusement au trépas ; tous les pa-ison-
niers fii-ent déca. ités. Jiiba s [>our se ven-
ger des Fra'U'iscains qui avaient été cause
d'un si généreux dévouement , les lit é^or-
clier vifs, ainsi (|u'un Templier: c'était le
prieur de l'ordre. 11 les tit accabler de coups
de bcUon , après qu'ils eurent enduié l'af-
freux su|)plice que nous venons de dire, en-
suite on les mena au lieu où les six ceuiS
niarlyrs avaient eu la lèt(^ tranchi'C. Ils y
mou urent ne la même façon ( Wadding ,
an 1203, n° 9.)
JACQlKS de FLORENCE (le bienheu-
reux, évè'jue de Zeylon , fut manyrisé en
Ihoimeur du nom de Jésus-Christ dans la
Médic. Les p-iahoméians le mirent à mort
avec le f ère (iuillaume, de la Terre oe La-
bour. Leur martyre arriva l'an 13u2. (Wad-
ding, ail 1362, n" k.)
JACQUES DE SAINT-PIERRE (le bien-
heureux), de la province d'Ar igon, domini-
cain, fut envoyé prêcher la foi au milieu des
musulmans par le maitie général Cajetan.
Après avoir converti un grand nombre d'in-
fid^ les, il reçut la i;alme du maityre. ( Fon-
•tana, Monumeuta Dominicana, an lolG.)
JACQUES DE PADOUE (le bienheureux),
franciscain, paitit avec trois auir, s moines
de son ordre nommés Thomas de Tolentino,
Pierre de Sienne et Déméirius de Tillis ,
pour aller prêcher l'Evangile dans le Kcitliai ,
diiigés par un zélé domiiicain fr.nçais
pouuné Jourdain Ccitali^i. Forcés d'abnder
à Tana, capitale de l'île Salselt ', ils y furent
martyrisés en l'honneur de la Uii de Jésiis-
Ch ist. {Voy. pour les détaiis larticle Mar-
TYKS DE Ta>A.)
Jacques (U- bienheureux), martyr abys-
sinien, mourut pour la f.ù catiiolique so;is
le règne du Négous Mciej Se~ned. 11 était
confesseur de Tecla Georois, vice-r(.i du Ti-
Jam
ma
gi'é, qui avait embrassé l/i foi catholique y)0ur
jilaire h son souveiain dont il avait éfiousô
la li'le. Ce vice-roi s'(-t;r)t révolté e( ayant
apostasie, comme on peut h; voir h l'arliclc
A»\ssi\iK et à l'article (-Konois, lit prendre
non-e saint, (pii fut amené em^hainé au mi-
lieu du camp : tous les principaux d'entre
les conjurés étaient préseids. On avait ré-
solu, pour enchaînt'r (ieorgis d'une manière
invin( il)l(! h la révolte, (pi'il porterait le pre-
mier coup h la victime ; l'afioslat n'y fit pas
faute : il naf) a le saint de son épé(î; aussilAl
tous les autres en tirent autant, et le martyr,
criblé de coups, rendit son Ame à Dieu. Ceux
qui ne purent pas le frapper tandis qu'il était
vivant, ti-empèrent la pointe de leurs é|)ées
dans son sang, el tous jurèrent (ju'ils com-
batlraient jusju'fi ce qu'ils eussent détruit la
foi caiholi<|ue en Abyssinie, et chassé ou ex-
terminé tous ceux qui étaient venus l'y pio-
cher. On peut voir aux articles que nous ve-
nons d'ind.qucr comment finit celte lévolte,
et quel fut le sort du vice-roi ih orgis. Jac-
ques é ait un des hommes les plus remar-
quabie-^ iKirmi les prêtres du clergé abyssi-
nien. II avait été élevé au séminaire ue Fré-
mone.
JACQUES (le bienheureux), fut martyrisé
au Japon ( n 1613, dans le royaume d'Arima',
avec saraèie Jeanne, son | èreTacafatimundo,
IMaiie-'^iiadeleine sa ."-œur, vierge, âgée de
d x-neuf ans et vouée au Seigneur, Léon
Ta uendomi Cuniémon etson fils Paul, Agé de
vingt-sef)t ans, Faiuxida Luguyémon (Léon),
et Mc'.r he , îemme de (e dernier. Tous fu-
rent con 'amnés au suj)plice du feu. Quand
l'humidité du b:'icher se fut dissipée, la
flamme resta claire, et on put voir les saints
martyrs, dont le caîme et la résignation atti-
raient l'admiraiion générale. Notre bienheu-
reux. Agé de douze ans seulement, apparut
dé'.aclié aux yeux des spectateurs. Sans lui
faire beaucoup de mal, le f^u avait consumé
s:-s lien» ; il courait a ! travers des fl-mmes
et des brasiers. Craig'^ant que ce fût pour
s'échapper, la foule lui cria u'avoir courage ;
ma. s ou cessa d'avoir cette crainte, quand
0 1 vit l'enfant se ret<»urner avec calme et
aller vers sa mère, qu'il entoura de ses bras,
voulant mourir avec elle. La sainte femme
qui paraissait morte , se rêve lia à cette
éireinie ; comme si elle eût oublié ses souf-
frances, elle ne cassa plus d'encourager son
fils à accomplir jusqu'au bout le sacrifice de
sa vie pour D.eu. Peu à peu ses liens étant
brûiés, elle tomba sur son fils, le couvrant
de son corps et ils expirèrent ainsi.
JADÈKE (saint), évêque et qualifié martyr
au Martyrologe romain, àladaiedu 10 sep-
tembre, jour auquel l'Eglise célèbre sa fête,
était l'un des neuf évêques enfermés dans
les mines, et à qui s.nnt Cyprien écrivit sa
76' lettre. Il avait été dé[,o.té , immédiate-
ment après sa premièie co'ifession, aussitôt
a()rès avoir éié cruelîeiijent fiappé h coups
de bàto'is. Cet évèque Rvait assisté au grand
conrile de Caithagu. {Voy. Ni-mésien.)
JAMNIQUE (sainic) ou G.uimqce, eut le
bonheur de donner sa vie i)0ur la foi en 177,
IS87
JAN
sm
1238
dans la ville de Lyon, sous le règne de l'em-
pereur Antoiiin Marc-Aurèle. La violence
lies tourments que lui tirent endurer les per-
sécuieurs é|)ui.->a sa force, sans abattre son
courage. Comme saint Polliin et une grande
quantité d'autres saints martyrs , elle mou-
rut en prison. L'Eglise célèbre sa fête avec
celle de tous ses compagnons le 2 juin.
JANVIER (saint), Tun des sept fils de sainte
Félicité, fut martyrisé «i Rome sous Marc-
Aurèle en lOV, avec sa mère et ses frères.
Amené devant le préfet Publius, que Marc-
Aurèle avait commis à suivre le procès de
la sainte et de ses enfants, il montra le plus
grand courage. Publius l'engageant à sacri-
fier aux dieux, Janvier lui répondit : « Vous
ne me donnez pas là un conseil digne d'un
sage magistrat ; il vaut mieux pour moi que
je suive celui de la sagesse même : c'est cle
mettre toute mon espérance au Dieu que je
sers ; il saura me garantir de tous vos arti-
fices, et il me fera surmonter les maux dont
vous me menacez. Le préfet l'envoya en pri-
son après l'avoir fait cruellement fouetter.
Ensuite, ayant rendu comi)te à l'empereur
de ce qui s'était passé , ce prince chargea un
juge de prononcer et de faire exécuter un
jugement contre saint Janvier. Ce juge le tit
assommer à coups de plombeaux. L'Eglise
fait la fête de saint Janvier le 18 judlet.
{Voy. Félicité.)
JANVIER ( saint) , martyr à Carthage, en
250, sous le règne et durant la persécution
de l'empereur Dèce, fut enfermé dans un ca-
chot avec une foule d'autres chrétiens , où ,
par ordre de l'empereur, on les Liissa mourir
de faim. L'Eglise fait la fêle de tous ces
saints martyrs le 17 avril, avec celle de saint
Ma()poliqué ( Voy. l'article de saint Victouin.)
JANVIER (saint), diacre et martyr, fut mis
à mort en2o8, sous Valérien, avec saintSixte,
en môme temps que les saints diacres Féli-
cissime, Agapet, Magne, Vincent, Etienne.
Ils furent tous décapités. L'Eglise honore
la mémoire de tous ces saints le 6 août.
JANVIER (saint), soulfrit le martyre pour
la foi en Afrique, sous le règne de Valérien,
l'an 259, avec les saints Paul, Géronce, Jan-
vier, SaliH'nin, Successe, Jules, Cal, et l.s
saintes Pie, Terlulle et Cermaine. On man-
que de détails aullienli(pies sur leur mar-
tyre. L'Eglise fait leur fête le 19 janvier.
JANVIER (saint), évè jue de Bénévi nt ,
martyr, était, au du e de plusieurs historiens,
natif de Naples, qui a du reste toujours été
regardée •'Omrae sa patrn;. Peridanl qu'il était
évèipjc de Rénévent, il y avait dans l'église
de Misène un diacre nommé Sosie; .sa répu-
tation était si grande, que le saint venait
souvent le voir. Dans les conversations (pi'il
avait avec lui, il s'enthunmait davant.ipC à
la i)iété, et y puisait sans cc'sse des lumières
nouvelles |)our riiislruclioii (pi'il avait à diui-
iKM' 'i son troupeau. Une luis il le trouva
chantant l'Iivangile dans l'ét^lise ; il vil sa
lêle coinplélemenl environnét; de llammes ;
il en conclut qu'il serait bientôt mailyiisé,
ce qui k'accomiilit en (îllct bienliU. Divicoiice,
gouvernc-ur deCauipauie, le lii iriêiur. fouet-
ter, et meure en prison dans la ville de Pouz-
zoles. Saint Janvier vint l'y visite^, ainsi que
ProMile diacre, Eulice et Acuce, tous deux
bourgeois de la ville de Pouz.oles. Draco'ce
l'ayant appris se (it amener les trois der-
niers, avec saint Sosi •, et les ayant fait cruel-
lement fouetter, les lit ei f.Mnu r aussi dans
la prison. Sur ces eiitrelaites , l-i( clétim
nomma Timolhée pour suc.éder à Draconre.
Ce nouveau gouverneur étant venu à Noie,
et ayant appris les soins ([ue rendait saint
Janvier aux prisonniers, il 1 envoya prendre
et le lit jeter dans une fournaise ; mais le
saint en S(>rlil sans avoir, disent ses Actes,
perdu un se^il de ses cheveux. Le juge, au
dire de ces mômes Actes, lui .'yant fait ar-
racher des nerfs (dit vulgairement pour ten-
dons), le renvoya en prison. Alors Timolhée,
ayant fait amener tous les saints prisonniers,
les condamna à être exposés aux bêtes. Au-
cun des animaux féroces qu'on lâcha sur eux
ne voulut leur faire de mal. ïimothée pro-
nonça contre tous ces soldats de Jésus-Christ
la peine capitale ; tous furent à l'instant même
décapités. Les chrétiens de dilférenles villes
vinrent et enlevèrent les corps. Celui de saint
Janvier fut porté à Naples.
Saint Janvier est en grande vénération
dans cette ville, où on prétend qu'il a opéré
plusieurs miracles. Il en est un qui, dit-
on, se renouvelle très-fréquemment, ton es
les fois qu'on expose le sang du saint con-
tenu dans une hole, en présence de sa tôle
ou de toute autre partie de ses ossements.
Nous n'osons rien alhrmer ni pour ni contre.
La fête de saint Janvier a lieu le 19 septem-
bi e. Son martyre eut lieu l'an de l'ère chré-
tienne 3 5.
JANVIER (saint), fut l'un des quarante-
huit martyrs mis à m a't avec saint Salurniu
en Afri(pie, sous le proconsul Anulin, en
l'an de Jésus-Clirisl 305, sous ie règne et du-
rant la persécution atroce tjue rinlAme Dio-
clétien susci'a contre l'Eglise du Seigneur.
{Voy. Satukmn.) L'Eglise célèbre la fête de
tous ces saints le 11 février.
JANVIER (saint), inart.> r en Espagne, mou-
rut pour la foi en 504-, alors (ju-' la persécu-
tion s.iscilée [)ar le tyran Dioclélien déci-
mait l'Eglise. On célèbre sa fête le 13 octo-
bre. Voici ses Actes extraits de Ruinart.
« Eugène, commandant pour les Romains
dans une partie de l'iLspagne, é.anl venu i»
Cordoue avec le dessein île contraindre les
lidèles à adorer les idoles , Fausle, Janvier
et .Martial rallêroul trouvei', el lui parlèrent
ainsi: « Oue prétendez-vous, Eugène, |)ar
une conduite si pl.ine dimpiélé ? Loin de
jierst'cuter les serviteurs ilu vrai Dieu, que
ne les ée(»utez-vous plutôt, et (pu- ne vous
lange -vous de leur coté, en euibrassanl
humblement leur croyance? » .Mais Eugèhe,
(p.e D,(ni avait envoyé h Cordoue pour
éprouver ses serviteuis, et non nour les
perdie, lùigene, dis-je, clKxpié de la liberté
de cell(î Knnontrance, dii à 1-auste (t ù ses
deux comp.ig 'ons ? « .Mi.séial)U'S , quelles
gens êles-vous? » l'auste répondit : « Nous
sommes chretieub ; Jcsub-Ciirisl est iiolro
iâsf)
JAN
Dioii ; lui qui seul est lo Soigneur, lo mni-
trt! ol lo cri^.ilour de loules choses. Eugène :
Vm- quel (U^sespoir vous trouvez-vous ainsi
associés ensemble? Fausle : (\ù n'est point
lo désespoir qui nous mut ; mais vous , quelle
fur
no
eur vous |)ousse h nous vouloir faire vv-
■leor notre Dieu? Eugène: Qu'on l'étende
sur un clievalet, pour lui apprendre à parler
avec le ros})ect(|ui nous est dû. » Alors Jan-
vier dit h Fausto : « O mou clu'r frère î c'est
pour nous que vous endurez ces tourments,
vous qui avez bien voulu vous associera des
péciuMirs.— Notre union, mon frère Janvier,
re;)artit Fauste, formée sur la terre et en-
lretenu(> par la charité, doit être éternelle
dans le ciel. » Ku^';ène, dissimulant l'admi-
ration que lui ousaient des sentiments si
beaux, dit à Janvier et à Fauste : « De (juels
vains discours venez-vous maintenant nous
amuser? Croyez-vous par \h me faire oublier
]'im|)iété avtîc kuiuelle vous m'avez répondu ?
— Confesser Jésus-(ihrist , reprit Janvier,
n'e-t pas une im|)iété. » Eu^^ène se tournant
vers Martial : « Ces gens-ci, lui dit-il, vous
ont engagé dans une méchante alfaire ; si
vous m'en croyez , vous romprez av(>c eux ;
il n'y a ni bonneur ni p ofit à être mêlé avec
des impies et des magiciens. » Martial lui ré-
pondit : Dieu vous pu>.ira, Eugène. Eugène:
Et celui-ci encoro, qu'on le mette sur le che-
valet. — O bienheureuse immortalité de Jé-
sus-Christ ! C'est elle, ô mon frère Fauste 1
qui m'unit à vous. Euj^ne: Q\i'on les tour-
mente jusqu'à ce qu'ils soient résolus d'a-
dorer U'is dieux. Fauste : Il te sera diliicile,
à toi et au démon ton j)ère (1), de nous faire
abandoiuier une religion que nous avons
reçue dès l'enfance, j)our suivre la tienne.
Eugène : Les empereurs veulent que vous
adoriez les dieux. Fauste. Il n'y a qu'un
Dieu qui a tout fait, et nous ne subsistons
que par lui. Quels sont vos dieux? En avez-
vous d'autres que Satan. Eugène: Qu'on lui
couî)e le nez et les oreilles, et qu'on lui ar-
rache toutes les dents d'en haut. «Cela fut
exécuté sur l'heure, et Fauste n'en parut
que plus gai. Eugène : Vois-tu, Janvier, ce
qu'il en coûte à ton compagnon pour vou-
loir persévérer dans sa folie erreur, et pour
ne vouloir pas obéir à nos ordres ? Janvier :
Puisse -je être opiniâtre et désobéissant
comme mon frère, pourvu que le lien de la
charité qui nous unit no se rompe jamais !
/su^'ne : Qu'on n'é[)argne pas non plus ce-
lui-ci. Vous voyez, Martial, quels maux vos
compagnons se sont attirés par leur folie ;
renoncez [irudemmerit à une société si dan-
gereuse. Martial : Jésus-Christ est ma con-
solation, Jésus-Christ que mes compagnons
confessent à haute voix, et que je co; fesse
aussi de tout mon cœur avec le Père et le
Saint-Esprit. » Alors Eugène, ne gardant plus
(1) L'on trouve de ces réponses dures, pour ne pas
dire de ces unprécalioiis, dans d'autres Acles Irès-
vérilaldeseï très auliientiqiies, comme dans ceux de
saint Taraque,elc. — En li>aiU celle noie de Kuinarl,
il faut se souvenir que Jésus-Cluisl avait promis aux
martyrs que le Saint-Esprit leur dicterait leurs ré-
punses.
DiCTIOSN. DES PERSicUTIOXS. l.
JAN 1290
do mesure, les condamna h être brftlés h
polit feu, (>ommo on hîs conduisait au sup-
plit'o, ils exhortaient lo peuple h demeu-
rer lidèlo! à Jésus-Christ. « Nos chers frères,
«lisaient-ils, no vous liez jamais au détnon,
h cet emunni déclaré des hommes, quehpie
j»uissanc(ï «|u'ii send)le avoir aujourd'hui
dans lo monde. Mais souvenez-vous toujours
cpie vous êtes formés à l'imagf; do Dieu.
Adorez-le, bénissez -lo comme l'auteur de
toul(!S choses. N(^ vous laissez point gagner
à ceux qui voudrai(!nt vous engager à ado-
rer leurs proitros ouvrages. Confessez liaute-
ment Jésus-Christ, et chantez jour et nuit les
louanges d'un seul Dieu ! On les litentrerdans
le fou, où ils exuirèrent un moment après. »
JANVIER (saint), fut honoré de la cou-
ronne des glorieux combattants do la foi à
Héraclée. Il eut pour compagnon de son triom-
phe saint F'élix. Le même jour eut lieu le
martyre de >a[nl Julien. Nous n'avons au-
cun détail sur les soud'rances qu'eurent h en-
diu-er ces saints. L'Eglise honore leur mé-
moire le 7 janvier.
JANVIER (saint), diacre et martyr, reçut
la couronne des glorieux corab,Tit;tnts de la
loi à Torre en SariJaigne avec le proti e Prote.
Ayant été envoyés dans cette île par le pape
saint Caïus, ils furent mis à mort sous le
président Barbare, durant le règne de l'em-
pereur Dioclétien. L'Eglise honore leur mé-
moire le 25 octobre.
JANVIER (saint), fut assez heureux, pour
verser son sang pour la défense de la r('li-
gion chrétienne avec les sainis Sévère, Sé-
cur et V'ictorin. Là se bornent tous les dé-
tails que les Actes des martyrs nous don-
nent sur leurs combats. L'Eglise fait col-
lectivement leur fête le 2 décembre.
JANVIER (saint), martyr, cueillit la palme
du martyre en Afrique avec les saints Faus-
tin, Lucius, Can iide, Célien, Marc et For-
tund. {Voy. l'article Fausti.n, pour plus de
renseignements.)
JANVIER (saint), martyr, mourut pour la
foi de Jésus-Christ à Carthnge, avec les saints
Catulin, Florence, et les saintes Julie et Juste.
Ilsfuientinhumésdansla basiliquede Fauste,
L'Eglise les honore le 15 juillet.
JANVIER (saint), soutiVit pendant quatre
jours, à Nicopolis, les supplii^es du cheva-
let, des pointes de fer, des têts de pots cas-
sés. Ils accomplirent ainsi leur glorieux
martyre, lui et sainte Pélagie, L'Eglise ho-
nore leur sainte mémoire le 11 juillet.
JANVIER (saint), fut martyrisé en Afrique,
avec deux saintes femmes, Maxime et Ma-
carie. Les détails nous manquent com,déte-
ment. L'E^Hise lait leur fête le 8 avril.
JANViÈRE, nom d'une femme romaine
qui, sous l'empire de Dèce, en l'année 250,
fut arrêtée pour cause de christianisme, avec
saint Moyse et une foule d'autres chrét.ens.
Elle eut la gloire de partager, pendant dix-
huit mois de prison, leurs souffrances et
leurs to.irments nour la foi. 11 est fait men-
tion d'elle dans la lettre que Lucien, con-
fesseur de Carihage, écrivit à ceux de R'.>me,
et qui se trouve au nombre de cftlies de
M
isdi
JAP
JAP
mi
saint Cyprien. (Pour plus de détails, voy.
MoYSE, confesseur. )
JANVIÈRE (saintp), nom de deux saintes
qui font partie des quar.mfo-huit uiarlyrs
mis à mort pour la foi chrétienne en l'an
305, avec saini Saturnin, sous le proco isul
Anulin, durant la persécution que la fureur
de Dioclétien avait soulevée contre l'Eglise.
{Voy. Satcrnin.) La fête de tous ces saints
a lieu le 11 janvier.
JANVIÈRE (sainte), eut la gloire de ver-
ser son sang à Porto pour la défense de la
religion chrétienne et de sa foi. Les com-
pagnons de son triomphe furent les saints,
Paul, Uéraclius et Secondille. Nous n'avons
point de détails sur eux. L'Eglise honore
collectivement leur mémoire le 2 mars
JAPON ( Persécltions au). Le Japon,
nommé Nipon ou Nifon dans le langage du
pays, du nom de Niphon, l'iuie des îles
principales qui forment ce grand empire, est
situé en Asie par 30" et iS" latitude Nord,
125° et 127° longitude Est. Quatre grandes
îles et une infinité de petites constituent cet
empire. Les (}uatre grandes sont : Yeso,
Niphon, Xicoco ou Sikokf, Ximo ou Kiou-
siou. Le Japon a environ trente millions
d'habitants.
Avant de faire l'histoire des persécutions
au Japon, il nous semble opportun de tracer
à grands traits, pour le lecteur, celle de
l'origine du gouvernement et du culte des
Japonais. S'il s'agissait d'un peuple connu,
nous ne prendrions pas cette peine; mais
nous concevons que le lecteur serait parfois
fort embarrassé, si nous n'entrions pas à cet
égard dans quelques détails, il est facile de
voir, dans ce que nous allons dire, que la
religion du Japon n'est qu'une dégénéres-
cence des traditions bibliques et prophé-
tiques. Tout l'Orient est ainsi rempli des
souvenirs de la religion révélée.
Les habitants des îles du Japon se pré-
tendent aborigènes, non comme les insectes,
suivant certaines histoires, mais en faisant
remonter leur naissance jusqu'à leurs dieux.
« Aucommencement de l'ouverturede toutes
o choses, disent-ils, le chaos flottait comme
« des poissons nagent dans l'eau pour leur
a plaisir. De ce cliaos sortit quelque chose
a de semblable h une épine, qui était sus-
« ceplible d(i mouvement et de transforma-
« tion; celte chose devint une Ame ou un
n esprit, cl ci't esprit esl appelé Kanitoko-
« dnlsno-Mikntto. » (^ct esprit a prcjd.iil hmi'S
dieux dont ils établissent <leux dillérentcs
généalogies. La première esl coiiiposée d'es-
pnls célestes ou d'êtres .•djsolumcnl dégagés
de la matière, et ces êtres oit gouverné le
Ja[)On pend.int un- longue suite de siè les ,
donlil n'est pas ])Ossible de déterminer le
nombr*^; la s(ii;onde comi)rcn(l les esprits
terrestres où les dieux hommes, sucîcesseurs
des [iremiers qui ont aussi rég-ié longt(!inps
ot qui engendrèrent entin les hribitanls ac-
tuels 'lu J;ipon , mais ne conservant vu\\\ do
la pmet/i ni (|(;s [jerlections d»; l(;urs divins
arK^'tres. Pour dévelopjiiîr jjIus clairement
ces étranges idées, il faut so ligurer que les
premiers êtres , sortis du chaos furent au
nombre de sept principaux gouverneurs, dont
le premier était foruié de la partie la plus
pure. SonlUs sortit de lui par le mouvi'ment
et par le pouvoir actit des cieux et des élé-
ments qui sont au-dessous. Chacun ainsi
devint père; mais le dernier s'étant formé
des organes sensibles pour connaître char-
nellement sa femme , engendra des êtres
mêlés qui partici[)èrent de la nature divine
et de la nature humaine. Cette race conserva
assez loiigtemps quelques perfections de
ses diviiîs ancêtres, et elle s'éteignit dans la
personne iVAvaase-Dsuno, père des Japonais
d'aujourd'lmi.
Tel est le tissu de bizarres idées , dont
ces peuples cherchent à orner leur origine.
Abandonnons ces erreurs et consultons des
livres plus dignes de nos recherches. La
plupart de nos géographes s'accordent 5 faire
sortir les Japonais de la Chine , et voici la
tradition orientale sur laquelle ils se fon-
dent. Plusieurs familles cninoises considé-
rables furent convaincues d'une conspiration
contre leur souverain; tous les coupables
furent condanmés à mort , mais le nombre
s'en trouva si considérable que les bourreaux
se lassèrent de ré|)andre le sang; l'empereur
lui-même, revenu de sa première rage,
commua la peine de mort en celle d'un ban-
nissement per[)étuel, et ces malheureux fu-
rent transportés dans les îles du Japon, alors
incultes et sauvages, où ils peuplèrent si
considérablement le pays que bientôt ils se
rendirent redoutables à leurs voisins. On dit
aussi qu'un empereur de la Chine , indigné
de ce que la vie humaine était si courte ,
envoya plusieurs de ses sujets dans toutes
les parties du monde pour chercher quelque
remède qui pût le garantir de la mort , et
qu'un de ses médecins, las de servir un
maître barbare et le tyran de ses peuples ,
saisit cette occasion pour le fuir : il lui laissa
croire que ce remède précieux se trouvait
dans les îles du Ja|)on; mais il ajouta qu'il
consistait en des herbes d'une organisation
si tendre qu'elles ne pouvaient être cueillies
que par des mains jeunes et pures; l'empe-
reur fil chercher dans ses Etats trois cents
jeunes filles avec lesquelles le médecin s'em-
banjua; sa navigation fut heureuse, il aborda
les îles du Japon, s'y établit et peui)la le
pays. On peut choisir entre ces deux ori-
gines : mais ce ([u'd y a de certaui, c'est que
ces anecdotes ne peuvent s'accorder avec la
chronologie des Japo lais.
il faudrait donc s'en tenir au sentiment
d'un historien modei'iuï , cpii ci'oit cpie les
Japonais descendenl des Tarlares , et qui se
fonde sur les annales de la Ch iie , où l'on
trouve (pie 1190 ans avant Jésus-Christ, les
T.irlares commencèrent à peupler les îles de
la mer orientale. Les premier, s notions que
nous ayons eues de rcixislence du Japon
nous viennent du fameux voyageur Marc-Pol,
(lui vivait vers la lin du xm' siècle, et qui,
tlaus ses relations, parle de cet empire sous
le nom de /i/xiiu/ii ou /ipdiKjx. Ses écrits
tombôrcnl au xvi* siècle entre les mains do
II
1^293 ivi^
Christophe Colomb, el ne contiiburront pas
])i'n nux ckM't)iivcilos do c»^ li;il)il<' ii;»vib'a-
tciir.Il t'stvnii.a i moins, quo,l<)isqiril aborda
à nie Hi-|»aniola, il se crut dans la véfiiablo
Zipnisri de Marc;-Pol. C(î ne fui qiiV-M VSk'2,
qu'un naufrage de quehpies Porlir^ais sur
les cùles du Ja()un, apprit ti l'Europe qn'il y
avait un pu ssant c ni|)iro dans les mers
orientales. Nous avons donné une idée des
deux [)rcmiùres races fabuleuses sur les-
quelles ItîS Jaf)onais élab.issent leur histoire;
venons ;\ la troisième époque, qui conunence
6G0 ans avant Jesus-Christ, avec le vè^no do
S>n-Mu, qui avait alors 78 ans. Malgré ce
grand Age, il occupa longtemps le trùne; il
dompta sa nation juscpi'alors indépendante
et barbare, el une suite chronologique, fon-
dée sur (les annales incontestables , fait
mention de ses successeurs, sans (ju'il soit
possible de former aucune discussion contre
JeLU" authenticité. Depuis Syn-^NIu jusqu'à pré-
sent, on compte cent seize princes de celte race
qui ont occupé le trùne en ligne droite, et
par les a. nés, si l'on en écarte la révolution
qui a mis cet empire entre les mains de deux
maîtres, sans briser absolument le sce[)tre
dans celles du véritable empereur. C'est vers
le xii"' siècle qu'il faut chercher cette époque
fameuse.
Dans la naissance du gouvernement japo-
nais , le commandement des troupes était
confié à un général qui portait le nom de
Cubo, et auquel on ajouta celui de Sama, qui
signifie seigneur. L'empereur, pour lors, ne
remettait cette charge qu'à des guerriers
dont la fidélité lui était connue. Ce fut un
de ces Cubo-Sama qui excita une guerre
civile : cette révolution s'accomplit vers le
milieu du xii' siècle- Le 7G' Daïri ou empe-
reur héréditaire de la famille de Sijn-Mu ,
fondatrice de l'enjpire du Japon, voyant la
trop grande puissance des gouverneurs de
province, nomma le Cubo ou général, géné-
ralissime de toutes ses armées, pour réduire
les chefs de province à son obéissance. Mais
celui-ci profita de son autorité pour se rendre
indépendant , et jeta les fondements d'un-
nouveau trône à côté de celui de son maître.
Ainsi l'on voit depuis au Japon deux empe-
Feui'S, l'un nommé Mikaddo ou Dairl , et
autre Cubo-Samn. Ces deux puissances
cherchèrent longtemps à s'anéantir, el pen-
dant leurs guerres les gouverneurs particu-
liers s'éridèrenl en souverains dans leurs
provinces. Tout resta dans cet état violesst
jusqu'au xvr siècle , que le Cubo-Sama se
rend.t absolu et réduisit le Baïri à la simple
souveraineté de la religion. Tous les hon-
neurs, tous les respects sont pour ce der-
nier, ses revenus sont immenses : il nomme
à toutes les digni'.és ecclésiastiques , il
prononce sur certains différends qui s'élè-
vent entre les grands, mais la plénitude de
l'autorité tem[)orelIe réside dans le Cubo-
Sama. Méaco est la résidence du Dairi; une
garde nombreuse semble veiller à sa con-
servation et sert réellement à le tenir dans
les fers. Au défaut de la véritable puissance,
on ne cesse de lui rendre, nar un culte reli-
JAP
1294
gieux,' des honneurs prc.s(|ue divins. Il est
le pontife supi'ôme, sa personne est sacrée.
Loi's(iue le trône est vacant , la cour ecclé-
siaslicpie s'assemble et élève à celte dignité lo
plus proche héritier, sans distinction d'.'ge ni
de sexe. Ouel([uefois c'est un prince mineiir,
d autres fois une |)rincesso qui n'est ftoint
encore mariée. S'il y a [)lusieurs prétendants,
on les fait monter successivement sur le
trône, mais tons ces changements se font on
secret, el le public n'en est jamais instruit
jusqu'à ce (pie la succession soit réglée. Le
Dairi épouse douze femmes, et la première
qui lui donne cinq hls partage les honneurs
du trône. L'habillement de ce [)ont f.'-emjie-
reur est assez simple : c'est une tunicjue de
soie noire sous une robe ronge, et [jar-d-ssus
les deux, une espèce de crépon très-lin. Sa
tète est ornée d'une sorte d(! chapeau avec
des pendants assez semblables aux fanons
d'une niilre d'évèque ou de la tiare du pape;
tout esl de la plus grande somptuosité dans
son palais. Les robes de ses couftisans, qui
comme lui se prétendent descendus de leurs
dieux , sont extrêmement longues et larges,
avec une queue traînante; leur bonnet est
noir et sa forme désigne leur dignité. Le
Cubo-Sama tient sa cour à Yédo : quoique
son em|)ire ne soit pas de la plus grande
étendue, il n'en est [)as moins un des plus
riches monarques du monde.
Il y a au Jaj-on trois religions principales :
1° l'aiicienne, nominée Sintos ; 2° \e Budso
ou le culte dos idoles étrangères, apporté du
royaume de Siam ou de la Chine ; 3° le Siuto
ou la doctrine des philoso[ihes ou des mo-
ralistes. Il faut chercher l'origine du Sintos
dans les fondements de la monarchie japo-
naise. Ces insulaires, comme nous l'avoiis
déjà remarqué, adorent , à litre d'esprits cé-
lestes, les sept princes qui composent, di-
sent-ils, la première dynastie de leurs souve-
rains ; ils y ajoutent les cinq demi-dieux (le
la seconde race, sous le nom de camis; tous
les empereurs qui ont régné depuis Syn-Mu,
chef de la troisième dynastie, sont admis à
ce rang suprême. Le prince régnant fait cet
honneur à celui c[ui l'a précédé, et lui assigne
avec solennité l'espèce de pouvoir qu'il doit
exercer sur les mortels. Le camis q li réunit
l'adoration constante de tous les Japonais
est Tensio-dai-dsin, fondat^^ur de la seconde
race et premier des dieux terrestres , parce
qu'il est regardé comme le père de la nation;
ce qui fonde le droit héré.iit::re du Daïri, qui
en descend en ligne directe par l'aîné de ses
fils. On accorde quelquefois l'apoihéos'e aux
grands hommes, mais ils ne deviennent que
des dieux inférieurs qui sont placés entre les
étoiles. Les temples (les camis sont nonmiés
mias, c'est-à-dire, demeure des âmes immor-
telles, et l'on en compte plus de 27,00Jd ns'
l'étendue du .Tapon. Comme on ne révérait
point les idoles dans les premicis siècles, ùii
ne trouve guère d'idoles dans les mids. Si
l'on en a introduit ([.uelqu'une, elle est eiî'-
fermée dans uiie châsse, et on l'en retiré le
jour de la fête du camis, qui ne se célèbre
qu'une fois en cent ans. Tous les points de
1295
JAP
JAP
iS96
la religion du Sintos se réduisent à cinq :
1» la pureté du cœur: '2' l'abstinence de tout
ce qui peut rendre l homme impur : 3" ne pas
se souiller de sang; 'v s'abstenir de manger de
la chair ; 5" ne pas s'approcher des corps
morts Tous les dogmes de la théologie
des sintosivistes se rapportent au bonheur
actuel. Ils paraiss 'Ut n'avoir qu'une notio i
très-obscure de liunuort ilité de l'àiue, sans
inquiétutie pour Tavenii' : « Rendez-nous
heureux aujourd'hui, disent-ils à leurs dieux,
et nous vous tenons quittes du reste. » Ce-
pendant ils admettent un dieu suprôme cpii
habite au haut des cieux, et des divinités su-
balternes qui ont leur demeure' dans les
étoiles; mais ils ne leur adros>ent aucune
prière, ils ne leur otlVent point de sacrifices,
ils sont trop éloignés d'eux pour en espérer
le moindre bien , ni pour en craindre aucun
mal. C'e^t cependant par eux qu'ils jurent,
mais tous leurs vœux se tournent du côté
dv.s esprits qu'ils supposent devoir présider
aux éléments, aux phinles, aux animaux et
à tous les événements de la vie. Rien de si
absurde que la mythologie de celle secte ;
c'est, comme on a vu , la fable du chaos
défigurée; du reste, leurs livres ne nous
apprennent rien sur la nature des dieux, ni
sur leurs atli ibut^, qui puisse satisfaire un
esjril raisonnable; on y voit seulement que
les âmes im[)ures ne sont pas reçues dans le
paradis de leurs dieux et qu'elles demeurent
Cirantes aussi longtemps qu'il est nécessaire
pour l'expiation de leurs péchés. Ils admet-
tent des diables , mais ces mauvais esprits
sont les âmes des renards, animaux qui font
de prodigieux dégâts dans le Japon. Cette
secle n'a ni rites hxes, ni cérémonies , ni
formulaire de prières; lo:squ'ils doivent se
rendre au temple , ils s'y i)ré|)arent par le
bain et par des ablutions , à moins qu'ils lie
soient en étal d'impureté. Les rigides sin-
toisles croient qu'on-rie doit p.is se présenter
devant les dieux lorsque l'esprit est troublé
par quelques disgrâces , ou qu'une pensée
trop forte nous attache à quelque félicité
passée. « Ces réllexions, disent-ils, ollensent
« ces êtres purs et coitenls, qui ne veulent
« point être distraits dans la |)lénilude de
« leur b inheur par des sujets d'alfection ou
« de regr.'t. » Les pèlerinages foui un des
principaux objets de la dévotion des siu'os
qui ne visitent que les temples de leurs pro-
pres dieus. Le premier pèlerinage est à Isje
ou Ixo , le seco id aux trente-trois temiiles
rép.nidusdausl'empir.îjetle iroisième àquel-
ques leuipli's des camis les |)ius renommés
uar leurs miracles. (>es |)elerina.;,es s'.ip|)e,-
lonl sanga, el Id lidèl!! siiiloisle doit faiic le
tJLiigu un.; fi»is l'aiiné', ou tout au niouis une
fois dans sa vie : si ce n'est pas |)ar liévolioi,
ce doit élie par amour pour sa pairie et par
re p et ptMir le du;u (jui e->l |>ère(l''S Japonais.
Tensio-dai-dsiii , naquit uans la province
d'l>je, el moii lemph; y est situé; on l'appelNî
Uai-ningu, c'est-a-dire le temple du graml
dieu. Il est simple cl son anliipiilé seule
peut l(i rendre respoctabli!, c'esl un édifice
dw bois, mf^sqiiiiienji'nt coiivcrl d<' clirtunn»,
que l'on croirait profaner si l'on y ajoutait
quelijues ornements. L'intérieur est sem-
blable au-dehors; un grand miroir de mé'al,
en fait toute la riclie-se, quelques papiers
découpés cnuvrenl hs murailles. Ce inia est
environné de cent petites chapelles, la plu-
l)arl extrêmement basses. Les canusis, qui
sont les dessei'vants de ce temple, ont leurs
maisons assez proches où ils reçoivent, non
sans espoir de récoinpens.', les pauvres pè-
lerins. IMus loin, est un bourg composé
d'hôtelleries et de divers ouvriers. Toutes
les prospérités sont attachées à la visite de
ce temple; elle obtient le rémission de tous
les péchés, elle procure un étal heureux
après la mort, et pendant la vie, la santé,
les richesses, les dignités et une nombreuse
postérité. Malgré cela, le sanga peul se faire
par procureur, soit pour cause de vieillesse,
d'inUrmités ou d'occupations.
Le Budso ou Boudha signifie proprement
voie des idoles étrangères , ou manière de
les adorer. Celte religion fut i droduile dans
le Japon environ soixante-dix ans après
Jésus-Christ. 11 n'est pas bien décidé si
l'idolâtrie des Japonais a commencé avec
l'introduction de ces idoles élrangcres ou si
ces i)euplcs, avant ce temps, n'adressaient
pas leurs adorations à une certa ne idole
nommée Denix ou Cogi, à laquelle ils don-
naient rang parmi leurs diei.x : « Il paraît
cependant, dit à ce sujet nu historien, que
« le Cogi était moins une divinité particu-
« lière qu'un symbole , sous lequel on a
« voulu représenter un se d Dieu en trois
« personnes. On lui donne liois tètes et (|ua-
« rante mains, pour ex[)riiner, assure-t-on,
« la Trinité des personnes et l'universalité
« d'opérations. D'autres ne reconnaissent
« dans cette ligure qu'un mystère philoso-
i( phique : ils expli(|ueiit les trois têles , du
« soleil, de la lune el des éléments ; le corps,
« de la matière première ; et les quarante
« mains, des qualités célestes et élémen-
« taires, par le moyen desquelles la matière
« j)remière prend toutes sortes de formes. »
Sans entrer dans la discussion si le fonda-
ieui' du Budso est le Fo, le Siaca ou Xaca
des Chinois el des Japonais , le Budha des
Banians de l'Inde, le Badhum des Ceylanais,
le Somniona-kodom des Siamois, le Sommona
Bhutaina des l'c'guans, etc.; nous nous ar-
rêterons h ^hi^loirc! de Siaca ou Xéquia ([ui
s'est donné pour dieu aux Ja[)Onais.
Siaca elait lils d'un l'oi de (^eylan. A l'âge
de dix-neuf an^, il abandonna les grandeurs,
l(;s richesses el les vanités du monde avec sa
femme el un lils uni(]ue, pour se livi'oi à la
contem; lation , sous un sainl el fameux er-
iniK;. D'après les consinls de cet homme
prédestiné, caractère ordinaire, Siaca s'as-
sujettil à une poslui'e (pu , selon ses sect.i-
UMirs, met l'esprit dans une médiialion si
proionde, (pi'il lenlre, pour auisi dire, en
mi-mème, et so. conccniire dans ses |)ensées.
(^('ll(; posture consistait à s'asseou* les jambes
(M-oisées .sous lui el à appliipier les mains sur
5on sein, de faço'i que les chmx pouces puis-
sent sn toucher, ('/est d.iii* celte attitude
lii
liy:
AP
JAP
ii\ii
que les vérités divines se iiiaiiifcstèrent à
ce raiiatiqiic; les mystères do Ju leli^ioii la
plus sublime n'eurent rien do taché pour
fui. 11 connut l'oxistonce des cioux et dos on-
fers, il apprit l'état dos Anu's après la vie,
leurs transuii;j;rations; les peines et les ré-
compenses fulin-es, le pouvoir des dieux,
leui- [)rovidon(e, etc.; et c'est sui- cette pi'é-
tendue révélation qu d ))Ali( tout le syslôme
di' sa doctrine. Annan et Kasja , deux dos
plus illustres disciples de Siaca , et cpii
])ar cette raison ont obîonu place sur le
môme autol que leur maître , composùrent
de SOS préco})los un livre que l'on nounne
Fokekio ou lo livre dos belles Heurs, et j)our
mieu\ (lire, simplonuHit Kio , lo livre })ar
e.xeellonce. Lo promior (|ui prêcha coite re-
ligion passa au Ja|)on vers l'an G3 do Jésus-
Christ, suivant le calcul de ces insulaires. Il
bAlit un templo h Siaca, qui fut appelé temple
du Cheval-Blanc, parce que lo livre par ex-
cellence y fut pnrtc sur un cheval de cette
couleur. Cette doctrine cependiint ne fit que
peu de progrès durant quelques siècles , et
ce n(> fut que sous lo règne de l'empereur
Kinimui, vers 1 an 543 de l'ère chrétienne,
qu elle y prit fivour. Elle avait à combattre
les dogmes de Confucius qui étaient |)assés
de la Chine au Jaiion, et elle eut besoin d'un
certain Z>flrmfl , fanatique venu dos I.des,
pour résister aux alta({ues des gens raison-
nables de la nation. Mais Darma en imposa
au peuple et l'éblouit au point de lui per-
suader la vérité de sa mission. On dit qu'un
jour il s'accusa en public d'avoir eu le mal-
heur de s'endormir dans le fort de sa médi-
tation, et que pour se punir de ce péché, il
se coupa les paupières. C'était déjà beaucoup :
un miracle acheva de convaincre le crédule
vulgaire. Une statue d'Amida qui , selon la
mythologie japon.iise, doit être prise pour
rÉtre suprême, fut transportée miraculeuse-
ment de Faliubasi ou temple du Chevai-Bîanc,
en Corée, dans une province du Japon. Quoi-
que temps après, il parut un nouveau mis-
sionnaire appelé Solokai ; la naissance de ce-
lui-ci fut accompagnée de prodiges. Une voix
annonça à sa mère qui h^ portait encore dans
son sein, qu'il naîtrait (ou plutôt devait re-
naître), pour enseigner les nations. Laissons
les autres fables dont on orne son enfance
et la durée de sa vio.
Les budsoïstescroientlesâmes des hommes
et celles des bêtes également immortelles et
d'une même substance : ils supposent que
la seule ditférence consiste dans le corps
qu'e l.'S occupent. Lorsque les âmes sortent
d'un corps huaiain, elles vont se rendre dans
un séjour heureux ob. dans un séjour mal-
heureux pour y être récompensées ou punies
selon qu'elles se sont bien ou mal gouver-
nées dans le corps qu'elles quittent. Ce séjour
heureux otTre des plaisirs éternels; mais
quoiqu'il y ait divers degrés de satisfaction
dans ce paradis, et ([u'on n'y soit récompensé
qu'à proportion de son mérite, toutes les
âmes y sont si contentes que chacune s'y
croit plus favorisée que les autres et ne sou-
haite autre chose que de posséder éternelle-
ment la félicité dont elle jouit. Amida règne
dans ce lieu de bonheur : il est le |)rotecteur
des .Imos humaines , le pèro et le dieu de
celles qui viennent prendre [);ut aux dHices
(pi'il piéj)are h ses bien-aimés; 1(! sauveur
et le médiateur des homuuîs. C'est | ar la
mi'dialion d'Amida que les boiiunes sont
absous do leurs crimes et qu'ils s(! rendent
dignes dos félicités éternelles. Vivre en
hoiuuio do bien, ne rien faire de contraire
aux commandements do Siaca, voilà les d(;ux
{)oin(s essentiels pour se rendre agréable à
Amida. Voilà la base de la doctrine exoté-
rique. Le grand j)rincipe de cette doctrine
c'est que tout n'est rien et que c'est de ce
rien que tout dépend : de là le distique qu'un
enthousiaste de cette secte écrivit au pied
d'un arbre qu'il avait dessiné , après trente
années de méditations : « Arbre, dis-moi (jui
t'a plante' : moi, dont le principe n'est rien et
la fin rien, » ce qui revient à l'inscription
d'un autre : « Mon cœur n'a ni être ni non
être ; il ne va point, il ne revient point; il nest
retenu nulle part. » Les budsoistes lettrés
négligent l'extérieur et s'appliquent unique-
ment à méditer. Selon eux , il n'y a qu'un
principe de toutes choses, et ce principe est
partout : tous les êtres en émanent ot y re-
tournent. Il existe de toute éternité; il est
unique, clair, lumineux, sans figure , sans
raison, sans mouvement, sans action, sans
accroi.-semont ni décroissement. Ceux qui
l'ont bien connu dans ce monde acquièrent
la gloire parfaite de Fotoque et de ses suc-
cesseurs. Les autres errent et erreront jus-
qu'à la fin du monde. Alors le princi[)e
commun absorbera tout; il n'y a ni peines
ni récompenses à venir; le repos qu'on ac-
quiert par la méditation est le souverain
bien et l'état le plus voisin du principe gé-
néral, commun et parfait. Les entendements
ne sont pas unis de parenté, comme les corps.
Comme les sindosivistes n'admettent au-
cun culte religieux, on doit se former de leur
union celle qu'on pourrait prendre dune
société de philosophes ; et si l'accusation
d'athéisme n'emportait pas avec soi quelque
chose d'odieux et de criant, ces soi-disants
philosophes mériteraient d'en être taxés à
quelques égards. Ils se dirigent sur le siculo
ou la voie philosophique. Tels sont leurs
principes. Il faut pratiquer la vertu, parce
que la vertu seule peut nous rendre aussi
heureux que notre nature le comporte. Le
méchant est assez à plaindre en ce monde ,
sans lui préparer un avenir fâcheux; et le
bon est assez heureux sans qu'il faille encore
une récompense future. Il faut que l'homme
soit vertueux, parce qu'il est raisonnable; et
qu'il soit raisonnable, parce qu'il n'est ni
une pierre ni une brute. Leur morale se ré-
duit à cinq points principaux : conformer
ses actions à la vertu; rendre la justice à
tous les hommes; régler ses mœurs suivant
l'honnêteté et la décence; observer ce que
la prudence dicte; conserver sa conscience
pure Il y a d'immenses commentaires qui
ont subdivisé et paraphrasé ces cinq points.
Les sindosivistes rejettent la métempsycose :
1^9
JAP
JAP
1500
« Il V a, disent-ils, une âme universelle qui
anime tout, dont tout émane et qiii absorbe
tout.» Celte âme particulière envoie les
ârnt s dans les corps auxquels elle a jugé à
propos de les destiner; ce qui semble reve-
nir au princi; e de la mélcmpsycose. Mais
il faut croire que ces pliilosojjhes appellent
âme du monde l'Etre suprême , le premier
moteur de la matière, dont ils n'ont que des
idées confuses et imparfaites. Cet être dis-
pose à son gré de toutes les âmes : il les
])lacc où il veut el les en retire quand i! lui
plaît. Oueltiucs-uns d'entre les sindosivistes
Biimettent une intelligence spirituelle qui
n'est pas l'auteur de la nature, mais qui la
gouverne. Ils bonorent leurs ancêtres par des
sacrilices; ils n'ont ni temples, ni cérémo-
nies l'eligieuses, et ils paraissent révérer les
dimix nationaux , c'est purement par poli-
tique et pour obéir aux lois. Ils usent d'ablu-
tions et s'abstiennent du comn)erce des
femmes lorsqu'ils célèbrent leurs fêtes com-
mémoralives. Ils ne brûlent po nt les corps
des morts , mais ils les enterrent comme
nous. Le suicide n'est pas seulement per.nis
chez eux, mais il est recfnimandé dans cer-
tains cas et j)asse pour une action héroïque.
Lors de l'extirpation du ciwistianisme au
Japon, on exigea d'eux qu'il plaçassent des
idoles dans leurs maisons. Il obéirent. On
en remarque toujours une dans leur foyer
qui est couronnée de Heurs et devant laquelle
on brûle des p;irfums. C'est ordinairement
la strtue d'Amida. Celle de Confucius fait
un des princ'paux ornements d ' leurs écoles.
Les sindosiviles ont fait des efforts étonnants
pour augmenter leur crédit. Un prince Ja-
ponais appelé Sism, ami de ces philoso[)hes
et enivré de leurs jirincipes, s'avisa, il n'y a
pas longtemps, de fonder une académie dans
ses domaines et d'y attirer, par l'es.noir des
récompenses, les génies les plus recomman-
dables de l'empire : le succès ré[)0ndit à ses
soins; mais les honzcs, qui s'aperçuient du
coup qu'on voulait leur porter, menacèrent
TKtat d"S plus grands désastres si ctte por-
tion d'hnmmes studieux n'était pas dispersée.
Sisen se vit contraint d'écarter ses amis , et
pour se sousliaire h la pei'séculion, il céda
ses livies et ses dignités h son (ils. [Origine
de tous les peuples, vol. I, p. 20i.)
L'em[)ire du Japon était plongé dans les
plus profondes ténèbres de l'i lolûirie, quand
saint françois Xavier y aborda, en 15'i9. On
sait comment la parole de Dieu, tonjbée
d une telle bouche, prolulsit d'abondants
fiui.s de salut au Japon : (l(!s pi-ovinces (.'U-
tières se convei'tiient. En 1582, les rois d'A-
riina, de huiigo el d'Amura dé|)ntèrent au
pape Gi-égoire XIII. Cinq ans jtlustard, on
comp!ai( da is c(! vaste (iinjtirc plus d(; deux
cent milb; chrétiens, an nondire desquels il
v avait des bon/es, des i)iinces, des rois. Ainsi
l'o'iiVK; de Er.uiçois Xavier avait pros|)éré
«jtrès --a sortie du Japf)n. U l'avait quitté en
l-V'il, et était moit (;n io.'yi.
Le prerrjier martyr du J.i|)on fut une pau-
vre escl.ive. Elle appartenait à lui luaitro
idolAire excuasiveinoiil cruel (U très-enra-
ciné dans ses croyances. 11 défendit à cette
femme d'aller à une croix que les chrétiens
de Firaudo avaient érigée auprès d'u->e des
portes de la ville, et où ils se rendaient à
certaines heures pour faire leurs prières.
Un jour elle y était allé:" : son maître lui re-
nouvela sa défense, en la menaçant de la tuer
si cela lui arrivait encore. Cette femme lui ré-
poulitque la mort n'etlrayait pas les chrétiens,
qu'elle était décidée à obéir h .«on maître du
ciel avant d'obéir à celui qu'elle avait sur la
terre. Le fndemain encore ede se rendit h
la croix ; son maître, la rage dans le cœur,
courut a[)rès elle ; il la trouva comme elle
revenait, tira son sabre et l'attendit ; elle,
voyant bien ce ([u'il avait envie de laii-e, s'ap-
procha, se mit à genoux et tendit la tète,
que le barbare abattit d'un seul coiqi.
Les chr(Hiens eurent aussi des persécu-
tions pni'tielles à endurer : ainsi, à la suite
d'une révolution politique, les missionnai-
res furent obligés d'évacuer momentané-
ment le royaume de Chicv gen, pour se reti-
rer dans la province de Bungo.
Dans l'année 15G0, 1 ■ Cubosama avait per-
mis de |)rècher l'Evangile ; mais, quatre an-
nées plus tard, une tempête s'éiant élevée
à àléaco, contre la religion chrétienne, il
nomma deux bonzes qui étaient hostiles
aux missionnaires pour examiner leurs
dogmes. Ces deux bonzes, ayant été mira-
culeusement convertis, devinrent deux des
plus ardents propagateurs de la doctrine
qu'ils voulaient détruire. D'autres persécu-
tions partielles eurent lieu : ainsi le prince
de Xéqui ayant apostasie, se mit à persécu-
ter violemment les chrétiens. Malgré cela, le
chrisiianisme était florissant dans tout leiïi-
pire; le ]»rince d'Amacusa, celui d'Omura,
le roi de (iolto, non-seulement se converti-
rent, f! ais encore se firent les apôtres de
leur pays. Le premier se nommait Michel,
le second Sumitanda, le troisième Louis. A
Méaco il en était de même : Nobununga,
qui en et lit le chef, et quehpies seigneurs,
au nondne desquels étniont Tacayama et
Juste Ocondono, son fils.
En 1581, l'empereur du Japon, ses fWs et
presque tous les rois des provinces, furent
sui- le point de se faire chrétiens ; la seule
chose qui les en empêcha, ce fut la pernns-
sion qu'on leur refusa d'avoir plusieurs
femmes.
Ce qid fut cause des malheurs déllinlifs
du Japon, ce (pii lit que la persécution y ué-
truisit le cliriStianisme, ce fut l'omi-sion
d'une chose que les apôtres n'avaient i)as
nianipié de faire, quand ils avaient |)rêché
l'Evangile aux genlds, et (pie nialheureuse-
inent les nussionnaii'cs ne firent pas au Ja-
pon. Pour implanter définitiveiiK nt la foi
dans ce pays, il eilt fallu y instilutn- i\v^ prê-
tres et di s évêcjues pris parmi h s hal)itanis.
Peut-être l'envu; de doinincn- exclus! ement
ne liit-elle pas étrangère à celte oiiu.ss ou fa-
tale ; (pioi (pi'il eu soit, elle fut cause de la
ruini'de la religion dans ce pays si bien dis-
po- ' pour la rccevoii'. Un(î chose (piijustilie
On peui'oiiinion que nous venons d'émellre,
iSOl
JAP
JAP
150t
c'est la (l(^fonso mie fit le p.ipo, par une hnllo
sig'u^c (^rc^^oiiv XIII, ot oidoiint'e lu l>8 jan-
vier i:>85, à tous les ordres relij^ieiix de
mettre le |>ied au Japon, ri^scrvaiU ainsi eelte
mission pour les seuls jt^suiles. Ce lui une
faute de la pari du p.i|»e, et les jcVsuites coin-
proniirent en Tohlenaiit l'avenir de la mois-
son (lu'avait semée saint Franrois Xavier.
Ils s\'xpos«''rent h de violents repi'oclies. S'ils
eussent Ibndé des s ''minairi^s [xiur faii-e des
prêtres indiî^ènes, s'ils eussent appelé d'au-
li'es missiorriaires à leur aide, le Japon se-
rait probablement encore cln-étien, il le se-
rait peut-être tout entier aujoui'd'hui. ('e
ne fut que dans les dernières années qui
])récédérent la persécution do 159(), que
ChMiient VllI periuil <^ d'autres ordres re-
ligieux d'aller au secours des jésuites,
qui ne [louvaient sullire à l'œuvre im-
mense dont le monopole leur avait été at-
tribué.
Cette persécution de 1596 eut pour prin-
cipe un de ces faits que la prudence humaine
ne saurait prévoir, et par conséquent préve-
nir. Un vaisseau espagnol fut forcé, par une
violente tempête, de se réfugier sur les côtes
du Japon. Le navire ayant échoué dans le
port de Tosa, fut confisqué au profit de l'em-
pereur Taicosaraa. Le pilote voulant faire
peur au souverain Japonais de la puissance
du roi d'Espagne, lui montra sur une map-
pemonde toutes les contrées qui dans l'un et
l'autre hémisphère appartenaient àsa nation.
Un ministre ayant demandé à cet homme
comment l'Espagne avait fait pour s'emparer
de tant de pays. « C'est tout simple, dit ce
pilote : le roi d'Espagne envoie partout des
religieux qui convertissent les peuples qu'il
veut conquérir : quand une partie a embrassé
notre religion, le roi envoie des soldats qui
se joignant aux naturels convertis et aux
missionnaires, achèvent en peu de temps la
conquête, r- On conçoit toute l'inquiétude
que cette parole si maladroitement lâchée
dut donner aux Japonais. Immédiatement la
persécution fut résolue. Taïcosama furieux,
lit arrêter, le 9 décembre, neuf religieux ^ui
prêchaient à Ozaca et à Méaco. Trois étaient
jésuites et Japonais de naissance. Paul Miki
de Nobumenga, Jean de Gotlo ( ou Soan ),
Jacques Risaï, simple catéchiste. Les six au-
tres étaient des franciscains, Pierre Baptiste,
Martin d'Aguire et Fiançois Blanco, tous
trois prêtres ; François du Parilha et Gonza-
les Garcia, tous deux laïques ; enfui Philippe
de Las Casas, simple clerc. En faisant arrê-
ter ces religieux , l'empereur commanda
qu'on lui remît la liste de tous les chrétiens
qui à Méaco et à Ozaca avaient coutume
d'aller aux églises. Le ministre qui exécutait
les ordres de Taïcosama, fut tellement ef-
frayé de voir la multitude de noms qu'il y
avait sur cette liste, qu'il prit sur lui de la
détruire, disant que son maître voulait pu-
nir les propagateurs de la religion nouvelle,
mais non pas dépe ^pler sou empire. Cepen-
dant une rumeur vague parlait de persécu-
tion qui devait éclate;' bienlôt. Dansl'attenle
de cette épreuve, tous les chrétiens s'y pré-
I)araienl avec courage, et il faut le dir(;, un
grand nombre avec joie. Un général iiommô
Ucuiulono, lils de Taciiynma, vint à Méaco
près (lu P. Gnocchi, aUn de pouvoir mourir
avec ce saint homme si la persécution écla-
tait. On vit dos seigneurs abandoiuier leur
résidence pour Vtiiiir se; nrésenter comme
chrétiens h ceux qui, pour lempennir, com-
mandai(nità Méaco. En un mot, de tous cô-
tés l'ardeur pour le mai'tyre élait telh', qu'on
ne voyait que gens qui cherchaient à s'y pré-
parer.
Les premiers qu'on martyrisa dans cette
circonstance, ce furent deux tilles esclaves,
qui furent tuées par- leurs maîtresqui avaient
le christianisme en horrem'.Un [)ère,qui avait
abjuré, voulant forcer son jeune fils, un en-
fant de dix ans, h suivre ce lAche exemple,
trouva dans cet admirable enfant une telle
résistance, une si courageuse franchise en
lui repiochant une si abominable action,
qu'entrant en fureur, il le chassa de chez lui.
Cependant tout ce tumulte s'apaisa. On se
borna à arrêter, en plus de ceux que nous
avons dit, dix-sept personnes, cinq francis-
cains et douze laïques. Comme l'olïicier
chargé de faire l'arrestation faisait l'appel
des noms, un nommé Mathiasse trouva ab-
sent, étant pour le moment allé acheter des
vivres. Un ouvrier des environs, ayant en-
tendu, dit : « Je suis Mathias ; probablement
pas celui que vous cherchez, mais enfin je
suis chrétien et tiendrai si vous voulez sa
place. » L'officier répondit qu'il ne deman-
dait pas mieux, pourvu que sa liste fût com-
plète. Le nombre des prisonniers fut aug-
menté encore dans les derniers jours de dé-
cembre. On arrêta trois jésuites, un francis-
cain et trois laïques. Au nombre de toutes
ces saintes victimes, il y avait trois enfants,
qui par leur constance et leur ferveur rem-
plirent d'admiration les persécuteurs et les
assistants de pitié. Us se nommaient Louis
(Agé de douze ans), Thomas et Antoine (ûgés
d'environ quinze ). Us étaient enfants de
chœur chez les franciscains. On n'avait pas
voulu d'abord les comprendre parmi ceux
qu'on arrêtait : ce ne fut que sur leur insis-
tance qu'on les mit avec les autres. Le 3 jan-
vier 1597, on devait leur couper lenez et les
oreilles sur une place publique à Méaco. Le
gouverneur, qui était un homme fort éloigné
par caractère d'approuver ces cruautés, leur
lit seulement couper le bout de l'oreille gau-
che ; ensuite, pour intimider partout les co-
religionnaires de ces saints martyrs de Jésus-
Christ, on les promena de ville en ville sur
la route de Nangazaqui, où on les conduisait
pour y être crucifiés. Le but qu'on se propo-
sait par cette exhibition ne fut pas atteint :
au contraire, beaucoup dinfidèles, en voyant
ces saintes victimes ^i admirablement rési-
gnées se convertirent. Deux chrétiens, qui
accompagnaient partout les saints martyrs
pour leur donner des rafraîchissements, fu-
rent arrêtés par les soldats : on les mit au
nombre des saints, auxquels leur charité les
avait fait se dévouer. Ces deux nouveaux
martyrs se nommaient Pierre Cosaqui el
i:.j3
JA1>
JAP
1504
Fran(;ois Danto. Cp l'ut le 5 ft^vrier que tous
ces saints l'un-nt cruciliéi, sur une collino
voi>ine de Nan-^azaqui. Ils se rendirent à
pied de la ville au lieu de l'exécution, au uii-
lieii d'un concours immense de peuple. En
arrivant, ils aperçurent les croix et couru-
rent les eiiibrasser. Quand les saints martyrs
furent allachés sur leurs croix, le P. fran-
ciscain Baptiste, (piiélait au milieu, entonna
le cantique de Zacharie, (jue tous les autres
répétèrent après lui. Ouand il eut fini, An-
toine, qui était près de lui, entonna le psau-
me Lnudate, pucri, Domivum : les bourreaux
l'ayant frap[)é mortellement, il alla lachever
d<'»ns le ciel. Philip) ■ de Jésus fut le premier
qui mourut ; le P. Baf)tiste fut le dernier.
Ainsi fut couronnée celte glorieuse cohorte
de saints martyrs. A[)rès la mort de tous ces
saints, la foule des chréiiens força les gardes
qui ne purent l'empôcher de se précipiter
autour des saints pour y recueillir de pré-
cieuses reliques qu'ils emportèrent. L'evê-
que du Jai)0ii vint \i soir, avec tous les jé-
suites de Nan^azaqui, faire une sainte visite
aux croix sur lesquelles étaient morts nos
saints martyrs.
Après cette exécution, Taïcosama rendit
un édit de proscription contre tous les mis-
sionnaires qui presijue tous sortirent du Ja-
pon. L'année suivante, 1598, cet empereur
mourut ; son fils fut ass:».ssiné par Gixacu,
que son père lui avait donné pour tuteur, car
il n'avait que six ans. (iixacu se Ut nommer
empereur, et mourut Tannée IGIG, laissant
le ti'ùie a son fils, Fide Tadda.
De[)uis1o97, époque à laquelle nous avons
vu mourir les chrétiens de Nangazaqui, jus-
qu'à l'année 1616, il y eut plusieurs |)ersé-
cutions isolées contre les chrétiens : c'étaient
des préludes de la persécution générale qui
devait bientôt aniver. Les principaux insti-
gateurs de cette persécution, c'est odieux à
du'e, ce furent les jjrolcstants de Hollande et
d'Angleterre, qui, après avoir apostasie dans
leur pays, devmrent, dans les autres contrées
cotmne chez eux, les persécuteurs de ceux
qui étaient restés fidèles h la foi catholique.
Pour arriver h f.iirele counnerce du Japon <i
la [)lacedes Espagnols, ils j)0ussèrent les Ja-
ponais 5 les chasser de leur pays et à i)ros-
crire le christianisme. Politique alfreuse, po-
litique bien digne de ces peuples de mar-
chands, qui ont n)is dans toutes hmrs rela-
tions avec le monde le chilfre à la place de
rh(jnneur, liniérèl à In place de la foi natio-
nale et qui ont importé en politique cette af-
freuse n)axime des bandits : .\ qui veut la
fin peu im|)orienl les moyens.
On dit (jue le protestantism<! a été eu Eu-
rope l'amore des arts, de la littérature, de la
civilisation ; c'est uiu; grossière erreur : le
prole^lantism(! a au contraire été un moment
d'arrêt épouvantable |)Our tout ce ipjc nous
venons de dire. (>(; qu'il a ("idaulé c'est l'au-
dace de l'ignorance et des systinnesabsurdes.
^".e (lu'il a mis dans l'aii-, c'est coiiune son
nom rindi(pjo, la protcsialiot) contre tout ce
qui est saint, vénéré et vrai. Il a amené, pour
couronner l(jul <;ela, et c'est tout dire, lu po-
litique anglaise, cette politique qui a réha-
bilité le mot de foi puni(ju€, si odieux dans
ranti(iuité.
Ke|)renons les faits ou nous les avons lais-
sés, à la colline de Nangazaqui. Deux ans se
passèr(nU sans qu il y eut lien de bien im-
portant : 1599 fut l'année où la persécution
se réveilla. A Firango, le roi chargea soi
lils d'exécuter le décret de persécution qu'il
rendit contre les chrétiens. Ce prince eut à
frap!)er avant tous autres sa propre 'femme,
la îille de Sumitanda, le pi-emier des prin-
ces ja[)onais (jui eût embrassé le christia-
nisme. Celte princesse dit h son m.iri qu'elle
ne pouvait pas être tous les jours inquiétée
pour sa foi, et qu'elle préférait se retirer :
en etfel elle alla chercher un asile chez le
prince d'Omura, son frère. Elle ne revint
que sur les promesses réitérées de son mari
qu'il ne l'inquiétei-ait plus pour cause de
religion. Dans ce seul royaume, voyant les
vexations dont ils étaient l'ohjet, six princes
et plus de six cents chrétiens partirent vo-
lontairement pour l'exil. Le roi a\ant com-
pris tout le tort que faisaientà ses Etals des
migr. lions de celle nature, s'apaisa peu à
peu et fit revenir les exilés. L'apothéo-e de
Taïcosama til tant d'horreur aux Japonais,
que plus de soixante-dix mille se converti-
rent au christianisme. A Fingo, le roi qui
était chrétien étant mort, son royaume de-
vint le partage d'un roi qui adorait les idoles.
Ce prince ordonna à tous s 'S sujets d'ado-
rer les idoles. Ne pouvant pas lesy forcer, il
résolut de faire périr les pi-incipaux d'entre
eux. Les deux premiers furent Jean Minami
et Simon Taquenda. Les personnes qui con-
naissaie:it ces deux seigneurs, firent tout
leur possible pour les engager à faire au
moins semblant d'obéissance au monarque.
Les deux femmes de ces deux seigneurs, loin
d'imiter un pareil exemple, faisaient tous
leurs ell'orts pour engager leurs maris à de-
meurer fermes dans la profession du chris-
tianisme. Le roi l'ayant su, commanda que
les deux chrétiens rebelles à ses ordres lus-
sent conduits dans un lieu voisin qu'on nom-
mait Cunamoto pour y ôtre décapités. Leurs
femmes furent condamnées h être crucifiées
au môme endroit. Ouand Minami eut con-
naissance de cet ordre, il se rendit sponta-
nément chez le gouverneur de Cunamoto,
qui était son ami. Celui-ci fit tout ce qu'il
put pour l'ébranhn', mais inutilement, ets'en
montra fort afiligé. Minami dina avec lui ;
après le repas, le gouverneur le prit h part
et lui fit voir son arrêt de condamnation i\
mort signé de la main du roi. « 11 vous est
encore loisible, lui dit-il, d'éloigner de vous
ce malheur, mais il n'y a' pas de linups h
perdre. — J'aurais souhaité, dit Minami, que
le roi mît ma fidélité h une auire épreuve
qiu; celle-lh. En pareille matière, je ne puis
lui obéir. Je me dois au lloi du (ici avant
d'être au roi de la terre. Du reste, j(> regarde
comme le jtlus grand bordunir cpii [)uis'Se
m';n-rnver celui de répandre mon. N.nig pour
Jésus-Chr-isl. »> l-c gouvenicnir', cornpiunant
enfin que loiiles ses instances étaient vaincs,
150$
MP
lit conduire Minami dans uno ch«inbie voi-
sine, où il lui lit couper la tôto. Celte mort
arriva le 8 (l<^c(unl)ro 1G02. Minami n'avait
encore (|ut' lreiite-ciiu| a'is.
Ce hK^'iiio jour, le gouverneur vint à Oja-
teuxiro, |iuur y trouver Taciuenda, (lu'il
avait [iréveiui (ju'il voulait l'entreienir (le-
vant sa nu^^re et sa fciUMi(>. Dès (lu'ils s'aper-
çurent, ils pleurùre it tous deu\. lui voyant
Jeanne, mère de Tacpienili, le ^ouvei'iieur
lui dit : <' Jo dois r(>ndi(; compte au vu\ d(i
notre entrevue ; faites (jue votre tils m'o-
béisse. — Je fera', dit Jeanne, ce que mon
amour commande. Mon tils ne peut payer
trop cher le botdicur éternel. — S'il n'obéit,
dit le yiiuverneur, il moui'ra. — Puissé-jo
mourir avec lui ! dit Jeamie ; faites que ce
bonheur nous ai-rive, nous vous en serons
reconnaissants comme du plus grand des
services. » Le gouveriiein*, sur[)ris, pensa
qu'en séparant le tils de la mère, il vaincrait
mieux sa r/'sistance. Il le mit chez un païen,
0 1 les plus vives instances lui furent fîiites,
mais inutilement. Sur le soir le gouverneur
lui envoya un de ses proches, pour essayer
enc(u-e de le vaincre ou pour le mettre à
mort. Le parent ne put venir à bout do lui
l'aire ehanger de sentiments ; avant de le faire
mourir, il le laissa prier et passer chez
sa mère et sa femm'\ pour leur diriî que le
moment était arrivé où il allait monter au
ciel. Llles se levèrent et firent ell s-mômes
les préparatifs de l'exécution. Elles ne lais-
sèrent paraître sur leur visage que la joie
qu'elles éprouvaient. Elles étaient condam-
nées à voir l'exécution. Quand tout fut prêt,
Agnès pria son époux de lui couper les che-
veux, disant que si elle vivait après lui elle
se retirerait du monde. A l.i prière de sa
mère, Taquenda le fit. Un seigneur nommé
Figida, qui avait apo-^tasié, étant entré chez
Taquenda, ne pouvait concevoir la joie qui
se montrait sur tous les visages. Ce specta-
cle de femmes en prières, de domestiques
occupés à tout préparer, de chrétiens qui
consolaient ceux q Ton épargnait, qui féli-
citaient les autres, tout cela l'émut jusqu'au
fond de l'Ame. Il se jeta au cou de Taquenda,
et dit qu'il allait revenir au christianisme.
Le martyr loua Dieu de cette grâce, em-
brassa ses parents, récompensa ses servi-
teurs, et vint se mettre à genoux devant
l'exécuteur, qui lui trancha la tète, le 9 dé-
cembre, à deux heures du matin.
Après la mort de Taquenda, Jeanne et
Agnès venaient de passer dans un cabinet
attenant à la chambre où l'exéculitm avait
eu lieu. Elles avaient avec elles la têle dii
saint martyr, elles l'embrassaient, et la cou-
vraient de larmes. Tout à coup un bonheur
inattendu leur fut donné : Madeleine, femme
de Miiiaan, entra avec le petit Louis, enfant
Agé de sept ou huit ans, qu'elle et son mari
avaient adopté, n'ayant pas de progéniture.
Elie leur dit qu'elle venait partager avec
elles le bonheur de mourir pour la foi, et
leur annonça qu'elles allaient être cruci-
fiées, ainsi que le petit Louis, dont l'enfance
n'avait, heureusement ou désarmer les per-
JAF 1506
sécuteurs. Elles éprouvèrent une grande
joie ; l'enfant était dans un ravissement qui
tenait de l'extase. Les bourreaux ne voulu-
rent pas l(!S exécutei- en plein jour, on at-
tendit qu(î le soleil eût disfiaru de l'horizon
})ourfaire place aux ténèbns. On mit les sain-
tes femmes et l'eid'ant dansd<!s litières pour
les conduire au lieu du su|)plice. La mère do
Ta(iuenda pria les bourreaux de vouloir
bien la cIou(m- sur la cr()ix, aiin rpie son sup-
])liceresseml)lAt <i ccdui de Jésus-Christ; mais
ceux-ci refusèrent, en alléguant rpj'ils n'a-
vaient pas d'ordres, et se contentèrent de
l'attacher coiiinK; c'était la coutume au Japon.
Alors ils élevèrent en l'air la victime. La
sainte femme voyant que, malgré les ténè-
bres, une grande multitude de f)eu|)le était
accourue, parla avec beaucou|) d'éloipience
et de force contre le culte des idoles. Les bour-
reaux ne la laissèrent pas achever, et lui donnè-
rent un coupde lance qui, ne l'ayant que légère-
ment b'essée, dut ôtie suivi d'un second qui
lui perça le cœur. On crucifia Louis et sa
mère, vls-h-vis l'un de l'autre. Le bourreau
ayant voulu percer l'enfant d'un coup de
lance, ne fit que l'eflleurer. Craignant qu'il
eût peur, sa mère lui dit de prier Jésus et
Marie : il obéit, reçut un second coup et
mourut sur l'heure. La lance encore fumante
du sang de l'enfant vint frapper à mort la
mère. Restait A.^nès: sa jeunesse, l'éclatante
beauté qui resplendissait en elle, son extrê-
me douceur attendrissaient tous les assis-
tants. Elle demeurait agenouillée au pied de
la croix qui lui était destinée : personne n'o-
sait venir l'y attacher ; voyant cela, elle s'y
plaça elle-même de son mieux, et pria les
soldats de l'aider. Mais la modestie, mais la
grâce qu'elle fit voir dans cette circonstance,
achevèrent de lui gagner tous les cœurs. Les
soldats refusèrent de la supplicier. Ce furent
quelques misérables de la lie du peuple qui
se trouvaient là qui, dans l'espoir du gam,
remplirent cet oflice. Inhabiles à se servir
de la lance, ils lui en portèrent un très-grand
nombre de coups avant de la tuer. Tous les
assistants étaient tellement irrités, que peu
s'en fallut qu'ils ne se jetassent sur ces mal-
heureux et ne les missent en pièces. Le roi
de Fingo ne tarda pas à se convaincre que
ces exécutions produisaient le contraire de
ce qu'il espérait. Loin de faire que les chré-
tiens obéissent à ses volontés, elles furent
cause qu'un grand nombre d'idolâtres se
convertirent. Ce qui l'alfecta le plus, ce fut
d'apprendre que le pai-eut de Taquenda, ce-
lui-là même qui .avait coupé la tête à ce gé-
néreux martyr, avait été si touché de la su-
blimité du courage de Taquenda, de sa mère
et de sa femme, qu'il s'était fait chrétien. Il
était allé trouvé l'évèque du Japon, lui por-
tant le sabre qui avait servi à l'exécution, et
lui disant qu'il ne désirait rien tant que de
mourir lui-même pour la foi chrétienne.
On demanda à ce prince d'enlever les
corps des trois saintes femmes et du petit
Louis : il refusa. A mesure que les osse-
ments tombèrent, on les recueillit, on les
mit dans des caisses, et on les envoya à
1507 JAP
Nangazaqui. Le prélat fit faire des actes au-
tijoTiliquesde cesi-vénemontsct leseiivoya au
l)ape. Lo royaume de Fingo ot celui de Nangato
virent encore d'autiosmartyi-cs.Joseimoii, roi
de Bungo, qui deux ibis avait apostasie et avait
persécuté deux fois les cliiéliens, se conver-
tit et mourut dans la foi chrétienne, en Van
IGOo. A la fin de cet;e année, on comptait
au Japon environ dix-huit cent mille cljré-
tiens.
En 1608, le roi de Fingo ralluma la çersé-
cution. Depuis quatre a ^s Michel Faciémon,
Joacliim Girozayémon, Jean Tingoro, sei-
gneurs de son pays, étaient en jnison : ils
étaient directeurs d'une confrérie fond ce
dans ce royaume sous le nom de la Miséri-
corde. Girozayéiuon y moiu-ut de misère,
tant était mauvaise la nourriture qu'on leur
donnait. Le roi orùonna de couper la tète
aux deux qui restaient, ainsi qu'à leurs en-
fants. Aiissitôt on les conduisit hors de la
ville de Yatcjuxiro; deux soldats allèrent
chercher leurs enfaits. Ils avaient chacun
nu lils : Thomas, fils de Faciémon, avait
douze ans; Pierre, fils de Tingoro, n'en
avait que sept. Le premier, ayant >u qu'on
le cherchait, mit ses plus beaux habits, et
vmt lui-môme au-devant de son père, so jeta
h son cou et lui dit qu'il était prêt à le sui-
vre : l'autre enfant n'arrivant pas, on déca-
pita les saints avant qu'il fût venu ; on le vit
enfin paraître : il avait été trouvé chez son
aïeul où il dormait. Quand ou l'eut éveillé
et qu'on lui eut dit qu'il allait mourir avec
son père, il répondit tpi'il en était content
et suivit le soldat qui Tétait venu chercher.
L'enfant, voyant le corps de son père, se
mit à genoux auprès et joignant les mains
présenta sa tète. Le bourreau allait le frap-
per quand do toutes parts, il se fit un elfroya-
ble tumulte. Tous les assistants jetaient de
grands cris, maudissant les auteurs d'un
aussi cruel assassinat. Le bourreau jeta son
arme et s'enfuit; dinix autres successive-
meni. s'étant présentés, firent la même chose.
Eniiu un esclave coréen eut plus de cou-
rage : il nmlila le pauvre enfant en le frap-
pant sur le cou et sur le dos avant de pou-
voir le décripiter.
Jus(pi'en l'an 1G12, rien de nouveau n'eut
lieu (jui inléi'esse notre sujet. A cette épo-
que les Anglais arrivèrent au Ja])On ; les
Hollandais y étaient dei)uis trois ans. Ils ai-
grirent de plus on plus l'empereur contre
les Espagnols et les Poi'tugais ; en IGl'i, il
exila quatorze seigneurs ([ui refusaient de
rouoiici- au chiislianisme, pour adunn- les
dieu:; du pays. Deux jeunes pages deman-
dèient à |)arlager leur exil jjoui' la mcnm
cause. Julie Ola, jeune fille coréenne, que
le cubosama avait (,'niichie au noi it (pi'elle
était le parti 1<? plus considérable d(! la cour,
n'ayant pas voulu abjurer, fut exilée dans
une île <>ù il n'y avait que (pielques [>au-
vres malheureux pécheurs, et où elle man-
quait dt; tout eu (ju'on puuv.iil lui croirii né-
ces,i>airo, eu égaid à la vie qu'i'lle avait me-
née auparavant. Elle y resta quarante ans.
Le royaume d'Arima eut auoii ses mar-
JAP
1303
tyrs. Deux frères, Thomas et Mathias , çt
Marthe leur mère, ainsi que leurs enfants
Jacques et Juste, furent décapités. Leur
martyre eut lieu le 28 janvier 1013. Le roi
avait deux jeunes frères qui avaient em-
brassé le christianisme; le 27 avril il les fit
égorger durant hnu' sommeil. Le 5 octobre
suivant, il fil brûler huit chrétiens: Adrien
Tacafati Mondo, Jeanne, son é|)Ouse, Marie-
Madeleine, sa lillt», qui avait voué sa virgi-
nité au Seigneur ; puis Jacques, son fils, qui
n'avait qu'h peine douze an>; Léon Faiuxida
Luguyéninn et Marthe, sa femme; Léon
Taqu(;ndomi Cuniéiuon et son fils P; ul,
qui était âgé de vingt- ept ans. Plus de
vingt mille chi-éticns des environs viiu'ent
d'eux-mêmes s'ollrir au maityre. Plusieurs
des seigneurs de la cour en furent tellement
touchés, qu'ils demandèrent à être martyri-
sés aussi, et que, n"ayant {)u l'obtenir, ils
partirent pour l'exil avec leurs enfants. Le 7
O'tobre, l'arrêt des saints devant recevoir
son exécution, on vit une mei veille inouïe
jusque Iti dans les fastes de l'Eglise : les
vingt mille clirétiens de la cami-agne entrè-
rent en ordre dans la ville, où un pareil
nombre d'habitants chrélions les atten-
daient. Tous se mirent en rang dans un fort
bel ordre, ayant chacun un cierge dans la
main, et firent un cortège aux saints mar-
tyrs, qui marchaient au milieu d'eux libres,
mais suivis des bourreaux et d'une compa-
gnie de soldats. Arrivée au lieu du sup-
plice, toute cette multitude s'y rangea comme
aurait pu faire la troupe la mieux discipli-
née. Les martyrs ayant vu les poteaux qui
leur étaient destinés, coururent les embras-
ser : c'étaient huit colonnes qui soutenaient
un toit de charpente. Cette espèce d'écha-
faud était dressée sur la place du palais.
Pendant qu'on faisait les derniers préparatifs,
Léon Cuniémon monta surl'échafaud, et s'a-
dressant h la foule, après avoir obtenu si-
lence de la main , il parla en ces termes :
« Mes frères, voyez quel courage la foi peut
dmnier à de faibles créatures; ces apprêts
terribles d'un supplice etfroy; ble, vous le
voyez, bien loin de nous terrifier, nous
remplissent de joie. Au milieu des llainmes,
je l'espère, Dieu aidant, celte joie augmen-
iera (uicore. C'est aux infidèles maintenant
h voir quelle est la grandeur, quelle est
rexcellenee d'une religion (pii peut produire
de si grandes choses, élever si puissam-
ment la natero au-dessus d'elle-même.
(Juaiit à vous, mes chers frères en Dieu, no
soyez point ellrayés en voyant ces biasicrs ;
plus ils seront ardenis, plus notre vicherc
sera grande et j)r()m|)te. OueUpu'S souUïan-
ct;s à subir vont nous procurer u-'C couio ine
d(! gloiie et des trésors de bonheur (pii du-
reront létcmilé. » I.a foule lit entendre uu
immcuise applaudisseun-nt. Le frémisse-
ment (|ui l'agitait euq)êclia le saint martyr
de pouvoir conlinuei"; il descendit étala se
placer au j)oleau aucjucd il devait être atta-
ché. 11 y lut lié : 1 .'s autres l'étaient déjà.
J{ientot'oi mil le feu au bilcher, qui était
éloigné du martyre d'environ trois pieds.
«309 JA^
La tlauime et los tourbillons de faméo s'é-
levèrent tilors si haut, que [jcudaut (luel-
ques i'istnnls ou no put rien (lislm^'iucr.
Ouand i'innniditi^ du badier se lut dissiipée,
la llaniiMe resta claire et on put voir les
saints martyrs, do it le calme et la résigna-
tio'i aiti, aient radiiiiralion géîiérale. Jac-
ques, Ijls d'Adrien MoîkIo, apparut détaché
aux yeux des spectateurs : sans lui faire
beaucoup de mal, le l'eu avait coisumé ses
liens. II courait au travers des tlannnes et
des brasiers. Cnugnanl que ce tïU pour s'é-
cliapfK'i', la foule lui cria d'avoir couray(! ;
mais o'\ cessa d'avoir celle crainte, quand
on vit l'enfant se relourner aven calme et
aller vers sa mère, qu'il entoura de ses bras,
voulant mourir avec elle. La sainte fennne,
qui i)araissait morte , se rcWeilla h cette
étieinle, et, connue si elle ei'lt oublié ses
soulfrances, elle ne cessa plus d'encourager
son lils à accomplir jusqu'au bout le sacri-
lice de sa vii; pour Dieu. Pou après, ses liens
étant brûlés, elle tomba sur son tils, le cou-
vrant de son corps. Ils expirèrent ainsi. La
sœur de ce jeune enfant, Marie-Madeleine,
âgée de dix-neuf ans, restait debout et sem-
bl;\it pleine de force etdevie, quoiqu'elle pa-
rût toute consumée. On croyait quelle allait
s'atfaisser, quand on la vit prendre des char-
bons ardents, les mettre sur sa tète et s'en
faire une couronne. Peu après elle glis'^a le
long de son poteau, se coucha dans le bra-
sier, et y expira paisiblement. La foule força
les barrières qui entouraient le bûcher. Les
chrétiens euq)Ortèreijt les corps de leurs
glorieux martyrs : tout fut pris par eux, jus-
qu'aux chai'bons qui avaient procuré la
mort à ces illustres victimes. Ce furent les
habitants de Conzuia qui emportèrent dans
leur bourgade le co.ps de Marie-Madeleine ;
mais bientôt, sur l'ordre de l'évèque, toutes
les saintes re.iques furent restituées, et mi-
ses dans des caisses précieuses. On les
porta cl Nangazaqui. Les Actes et les pièces
du procès furent envoyés à Rome,
En 161V, l'évèque du Japon étant mort, il
s'éleva des disputes fort graves sur les ques-
tions de jurid ction ecclésiastique, 11 n'y
avait au Japon que sept prêtres séculiers.
Le provincial des jésuites ei le suoérieur des
franciscains se disputaient ladministration
de l'évêché, La question fut longtemps pen-
dante, et ne fut décidée que par mie bulle
du pape confirmant la sentence de l'arche-
vêque de Goa, lequel attiibuait aux seuls
jésuites l'administration do l'évêché, h. cha-
que fois qu'il deviendrait vacant.
Ces divisions et l'absence d'un clergé in-
digène furent les causes principales de la
ruine de la religion dans cet empire. Il faut
qae la religion, pour se perpétuer dans un
pays, se fasse en quelque sorte citoyenne
do ce pays. Tant qu'elle sera enseignée par
dcs étrangers, elle aura moins de puissance.
Il fallait au Japon créer dos séminaires, faire
des prêtres indigènes. En soixante aas de
prospérité, on pouvait en couvrir en quel-
que sorte le so! ; on pouvait faire un réseau
tellement puissant, que nul n'eût pu le bri-
JAP 1310
" ser. Il fallait que la religion puisât sa forco
l)our le combat dans la nation elle-même,
atin (pi'eii l'attaquant, les (nnpereurs seai-
blassent atlaqu(M' leurs proprcîs sujets, et
non plus ceux d'un souverain étrangin*. Les
gouvernants du Japon n'auraient pas cru
aux calouuiies des Anglais el des Hollan-
dais, s'ils eussent vu (pu; U> christianismo
pouvait recruter sullisamment [)our l(;s be-
soins (h; s(^n culte |iarmi les habitants du
pays. Cela se pcjuvail. Après soixante an-
nées de conversions si nombreuses et d'un
état si (lotissant ({u'il y avait au Ja|)on plus
de dix-huit cent mille chrétiens, les mis-
sionnaires ne devaient plus y être nécessai-
res. Ceux qui ont conunis ces fautes sont
vraiment responsables de l'extinction de la
foi dans ce [)ays.
Une autre chose aussi que nous regar-
dons comme tiès-imj)Ortanle, c'est l'avan-
tage ([u'il y aurait à ne |)as donner aux nou-
veaux convertis, au baptême, exclusiveuient
des noms de saints étrangers. Dans des
pays (lui sont par leur langage complète-
ment étrangeis aux noms des anciens peu-
ples d'Asie et d'Europe, il conviendrait de
laisser les noms nationaux, et, quand l'occa-
sion s'en présente , de canoniser les saints
de ces pays sous leurs noms vulgaires dans
leur patrie. On nationaliserait davantage le
christianisme.
Les Anglais et les Hollandais continuaient
toujours leurs calomnies contre les inten-
tions des missionnaires. Le cubosama ])u-
blia, en 1G14, un édit qui chassait du terri-
toire tous les missionnaires, et prononçait
la pein • de mort contre tout Japonais chré-
tien qui n'apostasieiait pas. On bannit un
nombre considérable de familles chrétiennes,
de princes même, de grands seigneurs. Tout
le canton de Tsugaru, qui auparavant était
presque désert, fut peuplé par ces émigrants.
Cette contrée devint très-()euplée, mais on
y manquait de tout. Les jjauvrcs exilés y se-
raient morts de faim, si les chrétiens du Ja-
pon ne les eu.<sent secouru. Trois jésuites,
qui plus tard furent martyrs, Jérôme de An-
f/f/is, Diego Carvailho, et Jacques Yuki, leur
prodiguaient, autant qu'il était en eux, les
secours spirituels. Là, comme dans une nou-
velle Thébaide, on voyait des gens de toute
sorte luttant péniblement contre la m.sèr" et
la faim. Des homuies qui jusqui -là n'avaient
jamais travaillé manuellement, des généraux,
des seigneurs, des administra eurs, étaient
obligés de cultiver la terre, de s'adonner aux
travaux les plus rudes et les plus grossiers.
Il en était de même des femmes ; beaucoup,
élevées dans l'opulence, dans toutes les dé-
licatesses du luxe, étaient forcées de pour-
voir par leur travail à leurs besoins et à ceux
des leurs. En cette même année le cubo-
suma publia un second édit confirmatif du
premier. Il avait pour but, par ce dernier,
tie priver l'Eglise du Japon de tous les chré-
tiens qui appartenait à la noblesse du pays.
11 prononçait la peine du bannissement con-
tre Juste Ucundono, contre l'ancien roi de
151t
JAP
JAP
1512
ïamba, Jean Naytadons ; le prince Thomas
son fils, Julie sa sœur, Thomas Uquienda
l'un des seigneurs les plus puissants du
royaume de IJuzgen et beaucoup d'antres,
parmi les personnes les plus qualifiées de
l'empire. L'édit portait quils seraient tons
conduits à Méaco, et que le gouverneur de
cette ville les livrerait à celui de Nanga/.aqui
chargé de les faire sortir du Ja|)on. Le roi de
Tamba écrivit h un Père jésuite en ces ter-
mes : « Le vent de la persécution s'élève de
plus en plus, et Dieu, montrant sa miséri-
corde, a voulu que nous fussions un grand
îiombre disposés à verser notre sang pour
la foi. Toutes les apparences font croire que
cette tempête durera long-temps. J'ose espé-
rer que Jésus-Christ voudra bien permettre
que nous partagions en quelque chose ses
souffrances. Si ce bonhenr peut nous arriver,
nous aurons la gloire de marcher dans la
voie qu'ont ouverte avant nous les martyrs
de la primitive Eglise, ceux qui l'ont illus-
trée à cette époque si belle, ceux qui ont
versé pour elle le sang qui a été la semence
de Ja moisson dont on fait depuis des siècles
la récolte pour l'éternité. Cher Père, priez
j)Our nous, demandez à Dieu qu'il nous
fasse persévérer. Qui l'eût pu croire ? des
1Ȏcheurs comme nous donner leur vie pour
Jésus-ChrisX , notre patrie lui fournir des
martyrs ! A cette pensée mon âme s'enivre
de joie, mes yeux versent des larmes abon-
dantes dans le sentiment de reconnaissance
(pie j'é[)rouve pour toutes les grâces dont je
suis l'objet de la part de mon Sauveur. »
Nous avons aussi du prince Thomas deux
lettres qui font voir que le fils ne le cédait
au [(ère ni en zèle ni en bons sentiments.
Nous donnons la seconde, qu'il envoya aux
habitants de Cumami»to. Elle était datée de
sa prison : il était pour lors renfermé dans
une forteresse du Fin.j,o. Sa foi était tous les
jours soumise aux plus dures épreuves.
« Mon cœur a bien souffert, mes très-
chers frères, en apprenant que plusieurs ont
courbé la tète sous la violence de la persé-
cution; mais j'ai été bien consolé par la
constance et par la persévérance du ^vand
nouibre. Que je voudrais ètie auprès d'eux,
s'ils meurent mai tyrs , baiser le sang qu'ils
vei'seraient , les coîijurer de m'^blenir de
mourir comme eux! Priez pour que j'ob-
tienne, mes frères, cette gi;lce ; priez, car je
me sais bien indigne. Je suis ravi, m lis non
surpris, que C(!s généreux martyrs aient re-
noncé à tous les biens de la terre : (jui i)eut
jjréférer ces biens ;i Dieu ? Ceux (pii les leui-
prennent les enrichissent : ils leur Aient ce
qu'il faut (pjitter un jour, ce qui est l'obs-
tacle du salut. Ceux qui l(;s donncml prêtent h
usure de la boue contre de l'or. Jadis j(! m'oc-
cupais de ce saint trali;;; depuis, ma tiédeur a
tout perdu. Que mon martyni lachète ce dé-
faut. On dit (pie vous n'êtes j)as assez fer-
vents [)0Ur mériter le martyic : (ju(i seia-cc
donc de moi? Pourtant je [)r'('sst.'ns (pie l)i(;u
rfîcovra \(t sacrifice; d(» mon sang. Je lu,» puis
iiréi(!ii.lre vous diiiger ; cepen(ianl , je vous
'e dis, foulez tout aux pieds pour Dieu. Quit-
ter les choses du ciel pour celles de la terre
c'est agir en insensé. L'épreuve arrive, le ci-
seau taille la pierre, le feu et le marteau fa-
çonnent le fer : ainsi fait Jésus-ChrisI pour
construire son Eglise. Il a commencé par
lui , pii'rre angulaii e ; le feu des tribulations
a éprouvé ceux (]ui devaient servir de bases;
soyons digncis d'être traités comme .«-es dis-
ciples chéris. S'il veut pour nous l'attaque,
il garde la couronne. Quant à moi, j'ai subi
ici autant d'a>sauts que possible : ma jeu-
nesse, ma naissance, mes enfants, les périls
qui me menacent, on m'a tout mis devant les
yeux. A défaut d'amis pour me soutenir,.i'ai
eu la grâce du ciel. Je vois, au repos (ju'on
me laisse, qu'on n'espère plus me vaincre :
Dieu aidant, nous sommes invincibles, mais
une ou deux victoires ne sont rien sans la
persévérance jusqu'au bout : demandez que
je l'obtienne. »
Ceux qui étaient bannis en vertu de cet
édit étaient au nombre de plus de mille. Par-
mi eux étaient tous les religieux de Saint-
Augustin, les Dominicains, les Franciscains,
et vingt-trois jésuites ; ils furent transportés
à Manille , capitale des îles Philippines. A
peine y arrivaient-ils ((ue Juste Ucundono
tomba gravement malade. A son lit de mort,
il dit à son confesseur : a Je ne recommande
ma famille à personne ; mes parents ont ",
ainsi que moi, l'honneur et l'avantage de
souffrir pour Jésus-Christ, cela doit leur suf-
fire. » Parlant h ses enfants, il leur dit : ((De-
puis mon bas âge jusqu'à mon premier exil,
j'ai servi à la guerre mes seigneurs et mes
empereurs. Durant tout ce tem})S-là, j'ai été
plus souvent sous la cuirasse que sous la
robe de soie ; mes cheveux ont blanchi sous
le casque, et mon épée ne s'est pas rouillée
dans le fourreau. Plus de cent fois j'ai jou0
ma vie sur les champs de bataille. Que m'est-
il donné i)Our tout cela? vous le savez comme
moi ; mais si les hommes m ont mancjué, il
n'en a pas été de même de Dieu. Au temps
de ma puissance, ai-je eu davantage ce qui
m'était nécessaire que dans cet exil, où une
si généreuse hospitalité nous accueille? Ce
n'est pas tout ; je sais quelle récompense
m'attend au ciel; ne pleurez donc pas , féli-
citez-moi. Quant h ce ([ui vous concerne, je
ne saurais vous croire malli.urenx. Je vous
laisse à la garde de Dieu ; vous savez que sa
bonté, que sa j)uissance soif infinies ; soyez-
lui lidèhîs, iliie vous abandonnera pas.» Après
cel I, il lit son testanuMit. La princi]iale clause
j)ortait (ju'il regardait comme ne faisant pas
partie de son sang (luicoïKpie , dans sa fa-
mille , aurait le malheur de renier Jésus-
(]hrist. 11 mourut dans ces admirables dis-
j)ositions. Sa mort fut cause d'un deuil
général : Espagnols et Japonais y i)rirent
paît.
L'empereur Gixasu suivait au Japon le
plan (pi'il s'était tracé; plan infernal, qui
consistait h m; pas verser le satig des chré-
tiens, mais bien à éloigner les plus considé-
rables d'entre eux en les (jxila t, en dépor-
tant les pasteurs, (il ji détruire le christia-
nisme chez les autres en les tourmentant in-
I
131-
JAP
JAP
IMi
cessamniont par loulcs sortes do voxatioiis,
Méaco vit un ollicier toiiniiont<3r avec bar-
barie plusieurs confesseurs : ce mo'istrc! lit
jeter h la voirie l'un d'entre eux (pii res[)i-
rait encore, l-es chrtHiens l'ayant recueilli ,
j)anNÙronl ses blessures dont il guérit paitai-
tenient. Voyant les confesseurs victorieux
de ses premières tentatives , il imagina do
leur livrer un combat inlinimenl j)lus terri-
ble. Il prit parmi leurs lemmes douze des
plus jeunes et des plus jolies, et les envoya
dans des lieux de prostitution. Ceux (jui te-
naient ces maisons refusèrent d'abord de les
recevoir, disant que sans doute elles aime-
raient mieux se tuer (]ue do se laisser dés-
honorer. iMais quand on leur eut dit que la
religion cbrétieniu^ défendait h ceux ([ui la
suivaient d'attenter h leurs jours, n'importe
sous quel prétiîxte, ils les regurtnit. Dès(|uo
ces jeunes femmes se vii'ent dans ce lieu
infc\me, elles demandèrent d >s ciseaux pour
se cou[)cr les cheveux. On les leur donna.
Alors elles s'en servirent [)0ur se mutiler lo
visage, de telle soi te , que de jeunes dé
baucbés qui les virent eurent tellement hor-
reur d'elles qu'ils prirent la fuite. Ceux (jui
les avaient achetées tirent venir des chré-
tiens qui les reconduisirent à leuis maris.
Ceux-ci sentirent leur amour pour elles
s'augmenter; car les cicatrices qu'elles })or-
lèrent, leurs blessures étant guéiies, étaient
les marques de leur honneur. C(!t infâme
moyen réussit mieux dans le royaume de
Buygen ; plusieurs chrétiens apostasièrent ,
craignant que leurs femmes ne fussent pri-
ses pour servir dans ces maisons à la lubi'i-
cité de ceux qui les fréquentaient. Non loin
de la capitale était un hospice de lépreux ;
au commandement que leur fit l'empereur
d'adorer ses dieux, tous répondirent qu'ils
obéiraient k Dieu , dabord , à l'empereur
après. On les menaça de les brûler dans leur
hôpital : « Eh bien ! dirent-ils , nous n'en
sortirons pas; on dirait que nous fuyons. »
Le roi admira leur courage et défendit de les
maltraiter.
Ce qui faisait que Gixasu persécutait les
chrétiens, c'était la crain'e qu'il avait de les
voir, en cas de guerre civile, prendre le parti
de Fide-Jory, empereur séculier son pupille
qu'il voulait détrôner. Ce fut pour cela qu'il
exila les plus braves Japonais, surtout Ucun-
dono, « qui, disait-il, à lui seul valait une
armée.). 11 exécuta ses projets dans ce temps-
là, resta seul maître du Japon, en faisant dis-
paraître Fide-Jory , et mourut l'année d'a-
près, en juin 1615. Il avait recommandé à
son fils de détruire entièrement la religion
chrétienne dans ses Etats, et de ne pas souf-
frir qu'il y restât un seul docteur européen.
Ce fils de Gixasu se nommait Xogun-Sama.
Plusieurs missionnaires étaient restés dans
le Japon, d'autres y venaient sous divers dé-
guisements. Le nouvel empereur rendit un
décret de persécution l'an 1616. Beaucoup
de chrétiens , plusieurs missionnaires péri-
rent par le feu ou par le glaive. Etant venu
à Méaco, en 1619, il commanda que les chré-
tiens, qui se trouvaient dans les prisons »
fussent brilles vifs, sans distinction d'Age
ni tie sex(! : il ne [lei-mit mémi! pas (ju'une
femme, (pii était près d'accoucher, fût ex-
cipté(î d(! cette exécution. On conduisit tous
les confesseurs <i la |)lace publiipn;, au nom-
bre de cin(]uante. Là ils trouvèrent neuf
charrettes ; les hommes montèrcMit sur la
})remière et sur la dernière;; iJans ccdies du
milic'u on mit les femmes et 1(!S enfants :
plusieurs étaient encoi'o à la mamelle. Un
tiompettc marchait devant Cd cortège , et, à
cliacpie coin de rue, annonçait (pie ces pri-
sonniers étaient condamnés [)ar l'empereur
à être lirûlés vifs. «C'est vi'ai, disaient tous
ensemble les martyrs, nous allons [)érir pour
celui qui est mort |)Our nous. » De distance
en distance ils criaient : « Vive Jésus 1 » La
j)itié était dans tous les cœurs, les larmes
sur tous les visages. On arriva à la place
d'un faubourg où les bûchers avaient été
dressés. Quand les confesseurs virent les
croix <jui leur étaient deslinées, et autour
desquelles étaient de grands amas de bois,
ils témoignèrent une joie extrême, et sau-
tèrent de t.essus les charrettes , sans qu'au-
cun montrât de l'hésitation. Ils furent atta-
chés deux à deux à chaque croix, la face
tournée l'un vers l'autre. Les hommes étaient
ensemble, les femmes de môme; les petits
enfants étaient près de leurs mères. On au-
rait cru que la fumée allait étouffer les saints
martyrs, mais quand la nuit fut arrivée, on
les vit les yeux levés au ciel, qui semblaient,
au milieu de cette fournaise, remplis d'une
joie toute céleste. Peu a[)rès, ils e'itonnèrent
les louanges de Dieu. Ces chants , les cris
des assistants, les hurlements des bourreaux,
tout cela formait un bruit étrange et confus,
qui tour à tour inspirait la terreur ou la com-
passion. Au milieu de tout cela, les mères
s'occupaient de leurs enfants , les embras-
saient, les caressaient, essuyaient leurs lar-
mes, étouffaient leurs cris, les exhortaient à
souffrir un peu, quelques moments encore ,
pour entrer en possession d'un bonheur
éternel. Ils moururent les uns après les au-
tres. Ce spectacle redoublait les soupirs et
les sanglots de l'assistance.
Ceux qu'on remarquait principalement,
parmi cette troupe de saintes et nobles vic-
times, c'étaient Faximoto Tafioye, l'un des
plus puissants seigneurs de la cour, et sa
femme. C'était elle dont le tyran n'avait pas
voulu permettre qu'on retardât le supplice,
malgré son état de grossesse. De six en-
fants qu'il avait, l'aîné seul fut sauvé , mal-
gré le père et la mèie, qui auraient bien dé-
siré se présenter à Dieu avec le cortège de
tous leurs enfants; les cinq autres, deux fil-
les , l'une de douze ans, l'autre de trois ,
trois garçons âgés de onze, de huit, de six
ans, se montrèrent tous dignes de l'héroïsme
de leurs parents.
Ce que l'empereur du Japon recherchait
avec le plus de soin, c'étaient les mission-
naires. Dans cette inquisition des prêtres de
la religion catholique , il trouva des auxi-
liaires excellents dans les Anglais et les
Hollandais, qui, depuis quelque temps , ve-
1315
JAP
JAP
4516
naient dans ses Etats. Nous avons déjh dit
que ces mnlheurcîux protostants, après avoir
abaniinniié le s^'in de l'Eglise catholique,
n'avaient rien plus à cœur (pie de la persé-
cuter chez ceux qui éta onl demcurrs fidè-
les. En Tannée 1621, un navire dîne de ces
nations, uoiuméElisahrth (anglais, proi)able-
menl), prit un bAtiment j.iponais, monté par
des chrétiens parmi lescpiels deux religieux,
déguisés en marchands ; l'un se nommait
Pierre de Zugniia, et était augustrn, l'autre,
nommé Louis Florez, était dominicain : le
premier Espagnol, le second Fl.miand. Le
père du [)remier, marquis de Villa-Manii-
que, avait gouverné le Mexi(iue en (]ualité
de vico-roi. Les Hollandais et les Anglais ,
pendant une année entière, insistèrent pour
les faire condamner : en 1622, le 10 août,
les lieux religieux périrent sur le bûcher,
avec le capitaine du bfitiment ; tous les hom-
mes de léquipage eurent la tète tranchée.
S'ils eussent voulu aposlasier, on leur pro-
mettait la vie: tous ref isèrent.
Ch.irles Spinola , jésuite, né d'une noble
famille gén^nse, neveu du cardinal Spinola,
évèque de Noie , fut un des nombreux mar-
tyrs do cette persécution. Le désir du mar-
tyre l'avait fait voiiir au Japon, où il était
arrivé en 1602. 11 avait travaillé avec un
grand succès à la conversion des infidèles.
Enfermé par les Japonais dans une prison ,
il y soulfrit beaucoup de toutes sortes de
mauvais traitements. Il parle ainsi dans une
lettre écrite de sa prison : « Je souiire avec
bonheur pour Jésus-Christ; je no puis trou-
ver de paroles assez fortes pour rendre ce
que j'éprouve , surtout depuis que je suis
dans celte prison , où nous sommes assujettis
à un jeûne continuel, Mes forces physiques
s'en vont; mais mon bonheur augmente à
mesure que la mort approche. Combien heu-
reux serais-je si je pouvais, à Pâques pro-
chain, chanter au ciel Vallcluiaayec le chœur
des bieidieureux! Ah! dit-il , à son cousin
Maximilien Spinola , que vous mépriseriez
les clio><es de ce monde si vous aviez goûté
les délices dont Dieu inonde les Ames doses
serviteurs. Je suis disciple de Jésus-Christ
de]juis ((ue pour son amour je soulfre la pri-
son. Ce que je soutfre des rigueurs de la
faim n'est rien eu com|)araison des conso-
lations (}ui ui'arrivent. (Juand bien même je
serais ])lusieurs amié(!S eu prison, je tiouve-
rais que ce seiait peu, tant j'ai l'ardeur de
soullVir pour un Dieu (|ui me récompense
si I ugement de ce que j e idur(!. J'ai eu niu-
sieuis maladies , une tièvre (pii m'a duré
plus de trois mois ; j'ai été privé de tous les
remèdes convenables; eh bien! pendant ce
l(!mps-là la j<ù(! (jue je ressentais était si
grande, que je renonce h vous la dire. Je ne
m'appartenais plus; il nu? sinublail déjh jouir
du bonheur céleste. » L(! P. Soinola ayant
a|)pris qu'il allait être brûlé vir, rerut cette
nouvelle avec inie joie indicible;. Il employa
tous les mouMMils (}iii lui rostermit ;i reuKM'-
cier' Dieu d'une si grande grAce. D'Ouujra,
où d él<»»l en prison, il fut conduit à Nanga-
Zaqui. 11 fut mis h mort sur une montagne ,
près de cette ville, avec quarante-neuf chré-
tiens. Parmi ces martyrs, il y avait neuf jé-
suites, six dominicains, quatre franciscains:
le r.ste étaient des laïques. Vingt-cinti fu-
rent brûlés, li'S atdres décapités. Au nom-
bre de ces derniers, Spinola, ayant vu Isa-
belle Fernandez, veuve de Dominique Geor-
ge , dans la maison duquel, quatre ans au-
paravant, il avait été arrêté, et dont il avait
baptisé un fils qu'il avait nommé Ignace,
s'écria, en s'adressant à Isabrlle : « Où est
mon p( tit Ignace; qu'en avez-vous fait? » Il
ne voyait pas l'enfant (jui était derrièi-e sa
mère. « Le voici, dit-elle, en le prenant dans
ses bras. Je n'ai pas voulu (pi'il fût piivé du
seul bii n ({ue je puisse lui donner. Mon en-
fant, dit-elle, voici votre père; })riez-le qu'il
vous bénisse.)' L'enfant s'agenouilla, joignit
les mains, et demanda au missionnaire sa
bénédiction. Cette action toucha tellement
les spectateurs, qu'une rumei;r immense s'é-
leva de tous côtés. On craignait que le peu-
ple se portAt à quelques violences , on hAta
l'exécution. Plusieurs tètes tinrent rouler
aux pieds du j)etit enfant: il n'en fut pas
ému. Quand on fra[)pa sa mère , il vit tom-
ber sa tète sans changer de couleur, et re-
çut le coup mortel avec une étonnante intré-
pidité. Quand on en eut fini avec ceux qui
devaient être décapités, on plaça leurs têtes
vis-à-vis ceux qui devaient p 'rir par le supr
plice du feu. On l'alluma; il était h vingt-
cinq pieds de distance des poteaux. Le bois
était tellement arrangé qu'il ne pouvait brû-
ler que lentement. On éteignait le feu quand
il gagnait trop vile. Le P. Spinola donna l'ab-
solution à Lucie Fraitez, qui se trouvait at-
tachée auprès de lui. Se tournant ensuite
vers le président, il lui dit à haute voix :
« A'ous voyez bien ce que les missionnaires
viennent chercher ici. Leur joie, au milieu
d'un tel supplice, ne doit-elle |)as faire tom-
ber tous les sou[)çons cpi'on a contre eux?»
Puis, parlant à l'assemblée, il dit : « Ce feu
qu'on allume pour nous faire mourir, n'est
que l'omijre de celui que Dieu alhnne pour
punir éternellement ceux qui n'auront pas
voulu le reconnaitro , ou qui l'ayanl recon-
nu, n'auront pas vécu d'une manièie con-
forme à ses saints commandements. » Le
martyre de ce saint dura plus de thnix heu-
res. Il mourut à l'Age do cinciuante-huilans,
le 2 sepl(nnbre 1622.
L'Angleterre et la llollandt; porteront de-
vant la post 'rilé toute entière le stigmate
hont(Mix (l(ï leur conduite dans ces ciicons-
t.nices (h'jilorables. Ces duu\ nations fuie d
cause de 11 persécution qui anéaniii dans le
Japon celle belle civil sation chrétienne (|uo
les missionnaires y avaient fade : v[ (piand
nous disons civilisation i hrétienne, on doit
sav(Mr quelle est la valeur de ce mot ; car le
(•lu islianisme est lellambeaii plae('> ainenlro
du monde jiour l'éclairer. Tous ceux (jui s'ap-
prochent de cette sainte lumière voient ileu-
rir à s(>s spUsiidides clartés, leurs aiMs, leurs
institiilions, tous b.'S progrès de l'esprit hu-
main s'accomplir, luus ceux qui au con-
traire en demeurent éloignés, restent d'au-
1317 JAP
t;iM( pins ontnnr(^s dnns les t(Vi(*'l)i'fS do l'i-
^iHiin<Ci' <'l <le la harhaiio, (iirils sont h [)lus
l^i-'uidi' (lisla-v-o. Aussi ai-jo dit avoc i-aisoii
n llriirs. que l'IuiMiniiilé est divisj'M' en zones
do >l ri<:vai;iU* est le cnitio, et dans ces zo-
n. s riinniaMiK'' i^faMdit. ol prospt^ic f) raison
dirent' de la (|na itilô do Inniirrc; (pTelh; oti
rccnii Les An.^lais cl les Hollandais ayant
6U-[\a chez enx une partie de celte Inniièro,
ont coitiibtié.^ l'cteiMiiri' anlaMl (jiw! possi-
ble on le calliolieisnie l'allnniail (I). Pour ra-
cheter un tel passé, il tant que ces dewK
nations , pcnilenles pnbli(pies devant l'iil-
gliso et l'humanité, se sonnietlenl à l'auto-
rité (pfeiles ont méconnue, aux croyances
qu'elles ont apostasiées et qu'ensuite elles
se fassent npAtres aussi, elles, des nations
qu'elles ont caitribné à assassiner et à pri-
ver du llambeau de la loi.
l)ef)uis la ni rsécntion de 1022, persécution
allumée |)arle mercanlilisme des [)rotoslants
d'Anglclerro et de Hollande, la fureur de la
tempête ne fit que s'augmenter au Japon.
Le 11 septembre 1G22, onze chrétiens laï-
ques, plusieurs missionnaires, furent déca-
pités c\ Nangazaqui. Le 12 du môme mois,
Omura vit les feux des bûchers dévorer an
dominicain, trois frères mineurs, un augustin,
(I) Ceux qui ne voient les choses qu'à la superficie
seront lenlés de trouver fausse celte appréciation,
surtout relativenieiit à l'Angleterre. En ciret.en con-
sitloianl celle iuMuense usine d'oi'i s'élèvent sans
cesse tous les hurlenienls de rinduslrie humaine ,
où toute l'exisleiicc individuelle ou nationale se ré-
sume par Doit et par Ai'Oi'r, oîi le luxe des grands
indusiriels jette un si vif éclat, on est tenlé de croire
rAngleterre heunMise, morale, civilisée. Heureuse,
elle ne l'csl pas : Depuis qu'Henri VUI et ses succes-
seurs ont volé au profil de la couroime et des grands
les hiens d'Eglise qui noanissaient le peuple, et créé
une aristocratie (pii doit sa puissance à ses immenses
richesses, la moitié du pei;pîe anglais est plongé dans
la plus atlreuse misère. A Londres notamment, cet
ilo'.e de rinduslrie est jilus malheureux cent fois que
ne l'élaieul ceux de l'anlique Grèce, el ces esclaves
des temps modernes dont l'émancipation irréfléchie
a p u-loiit enfanté des désordres. L'Angleterre est-elle
morale? ... Oui ; dans le langage, celte n .tion a
toute la pruderie de la vertu qu'en fait elle met
sous ses pieds. Dans ses relalious on sail comhien
elle est estimée parles autres peuples, el powr cause.
La foi carthaginoise est devenue son modèle, qu'elle
a surpassé. Dans sa vie iiilime, sa morale , c'est
l'argent; sa justice, c'est l'argent ; une seule chose
pour elle vaut mieux , c'est for. I/Auglais :;chète et
vend tout : il est aux deux extrémilés de la mesure
de fhiiinauilé, avili ou orgu illeux au delà ce loiite
expression. Le noliK- lord (itii éliucelie d or et de luxe
s'enivre et se dégrade iians f orgie comme le porte-
faix qui fréquente les houges voisins de la Tour de
Lon.ires... L'Aiigleterre est-elle civilisée? Oui. si on
considère sa puissance, ses arts, sa police. Mais un
peuple qui se fait le bourreau de l'Irlamle, qui fait
la guerre aux Ciiinois pour les conlrain ire à s'em-
poisonner d'opium, qui, potn- une ndscrahlc ques;io!i
d'argent fuit la guerre à la Grèce, cette protégée
de tout ce qui porte un cœur nohle el généreux,
celte nation qni pour houclier n'avait (pie sa faiblesse
et le prestige de sesgloires passées; ce peuple, dJs-je,
est-il un peuple civilisé, ou n'est-il pas plutôt le fli-
bustier moderne qui met son intérêt avunt le culte
de Thumanité, avant le respect dii à la faiblesse,
avant la vénération des grandeurs tombées?
JAP
1318
plirs deux frères du tiers ordre. Le Père do
(lonstanzo fut bi ilh'ii l'iraiidotroisjouisaprès.
Le 2 du mois suivanl, un caléchislf endura
le mémo su[)|jlico, après avon- subi di\-s('pt
espèces de loitnre. On décapita sa fummi)
avec ses deux lils; l'un avait huit ans, l'au-
Ire (pialre. Le Père jésuite Navarro fut brillé
h Xnnabara le l" fiovend)re avec trois chré-
tiens du Japon.
L'année d'après, lo nouvel empereur rem-
plit tontes les prisons de chrétiens arrêtés
dans les provinces (pii avoisiiiaient Vcdo.
Cei;e ville vit, le k déccndjre, brûler cin-
quante d'enlre eux ; h; 21), vinjj,t-(juatre au-
tres, ctdi\-se[)l quhpies jours après ; dans
le pays ilOxa bc'aucoup ûo, martyrs finent
briilés ; beaucoup iuretit mis sur des étangs
glacés où on les laissa mourir de froid. La
civilisation anglaise commençait à [)énétrer
au Japon: ce supplice était d'importation an-
glaise. Nous avons vu les dignes ministres
de Henri Vlll s'en servir contre les catholi-
ques de leur pays. Plus on faisait mourir de
martyrs, ])lus le noud)re des chrétiens aug-
mentait. En 1624, la fureur de la persécution
fut si grande qu'il semblait qiie la moitié de
l'empire fût levée pour exterminer l'autre.
On ne se contentait plus d'égorger les vivants,
la rage des bourf eaux s'attaquait môme aux
morts. On violait les tombeaux, on en arra-
chait les reliques des saints et on les détrui-
sait au milieu des scènes de profanation les
plus révoltantes. Les royaimies de Bungo, do
GoUo , de firando, de Bijgcn, à^Aqui, de
Fingo, d'Fo, sont inondés du sang des mar-
tyrs ; l'exil des chrétiens, qui s'en vont en
masse, y fait la solitude : à TsugarU, on brûla
beaucoup de chrétiens, beaucoup périrent
de misère. Quelque forte que fût alors la
persécution, elle augmenta encore en 1G27.
Voici la relation qu'en ont faite les Hollan-
dais (Gharlevoix, Histoire du Japon, tome V,
l. I", p. 178) :
« Aux uns, disent-ils, on arrachait les on-
gles, on perçait aux autres les bras et les
je tubes avec des vilbrequins, on leur enfon-
çait des alênes sous les ongles, et on no se
conlentailpasd'avoir fait tout celauneiois,on
y revenait [)lusieurs jours de suite. On esi
jetait dans des fosses pleines de vipères;
on remp^lissait de soufre et d'autres matières
infectes de gros tuyaux, et on y mettait le
feu ; puis on les apiiliquait au nez des pa-
tients, alin qu'ils en respii^assent la fumée,
ce ([ui leur causait une douleur intolérable.
Quelques-uns étaient piiptés par tout le
c'orps avec des roseaux })ointus , d'autres
étaient brûlés avec des torches ardentes.
Ceux-ci étaient fouettés eri lair, jusqu'à ce
que les os fussent tout décharnés ; ceux-là
étaient attachés les bras en croix, à de gros-
ses poutres quon les contraignait de traîner
jusqu'A ce qu ils lombassent en défaillance.
Pour faire souffrir doublement les mères,
les bourreaux leur fra|)paient la tète avec
celle de leurs enfants, et leur fureur redou-
blait à mesure que ces petites créatures
criaient plus haut. La plupart du temps,
tous, hommes et femmes étaient nus, même
1319
JAP
JAP
1520
les personnes les plus qualifiées, et pendant
la i)liis riitie saison. Tanlôl on les promenait
en cet état de ville en ville et de bourgade en
bourgade; tantôton lesattaehail à des poteaux
et on \es contraignait de se tenir dans les
postures les jilus humiliantes et les plus gê-
nantes. Pour l'ordinaire, ou ne les laissait
})as un moment en repos ; les bourreaux,
comme autant de tigres allâmes, étaient sans
cesse occupés à imaginer de nouvelles tortu-
res. Ils leur tordaient les bras jusqu'à ce
qu'ils les eussent tout à fait disloqués ; ils
leur coupaient les doigts, y applicpiaient le
feu, en tiraient les nerfs ; enlin ils les brû-
laient lenteuient, passant des tisons ardents
sur tous les membres. Chaque jour, et quel-
quefois chaque moment avait son supp ice
particulier. Cette barbarie lit bien des apos-
tats; mais le nombre des martyrs fut très-
grand et la plup:u-l même de ceux qui avaient
cédé à la rigueur des tourmeils, n'étaient
pas plutôt remis en libellé, qu'ils faisaient
ouv^Ttement pénitence de leur infidélité.
Souvent, on ne faisait pas semblant de s'en
apercevoir, on voulait avoir l'honneur de
faire tomber ries chrétiens, et quelquefois il
suffisait que, dans une grande troujie, deux
ou trois eussent témoigné de la faiblesse
pour les renvoyer tous, et publier qu'ils
avaient renoncé au christianisiue. 11 y en
eut même à qui l'on prit par force la main
pour leur faire signer ce qu'ils détestaient
a haute voix. Enfiii plusieurs, a[)rès avoir
été mis, à force de tortures, dans l'état du
monde le plus déplora!)le, étaient livrés à des
femmes publiques et à de jeunes filles débau-
chées, afi 1 que par leurs caresses, elles profilas-
sent de l'atlaiblissement de leur esprit pour
les pervertir. On promena un jour à Xi-
manara, cinquante chrétiens dans une situa-
tion à les couvrir de la plus extrême confu-
sion, puis on les traîna à une espèce d'esjjla-
nade pour les y tourmenter en toutes ma-
nières. Il y en eut surtout sept, du nombre
desquels était une femme, dont le courage
chofjua celui qui présidait h cette barbare
exécution, et il s'acharna sur eux avec une
ra-te de forcené I 11 lit creuser sept fosses à
deux brasses l'une de l'autre ; il y fit planter
des croix sur lescpielles on étendit les pa-
tients, et après qu'on leur eut pris la tète
entre deux ais échancrés, on commença à
leur scier avec des cannes dentelées, aux
uns le cou, aux autres les bras; on. jetait de
temps en temps du sel d/ms leurs plaies, et
ce cruel supplice dura cinq jours de suite
sans relAche. Les bourreaux se relevaient
tour à tour ; leur fureur était obligée de cé-
der 'i la constance de ces gém-reux confes-
seurs de J sDs-C^hrist, et des médecins (pi'oii
appelait de temps en temps avaient soin de
leur fiire pieidre des cordiaux , de peur
(pi'uni; nwjii trop fiiompt(j m; l(;s dérobiU à
la brutalité d(! leurs tyrans, ou (pie la dé-
faillance ne leur ùUU le sentiment du mal.
("est ainsi (lue, païun rafliintment de cruau-
té jusque-là incDunii aux peuples même
les plu.', baibai-es, on employait à proloiig(!r
les soulliances des fidèles, un art unique-
ment destiné au soulagement et à la con-
servation de l'humanité I »
L'année 1633, le génie de la persécution
imagina un supjjlice d'un nouveau genre : il
est resté connu sous le nom de suppUce de
la fosse. A deux poteaux plantés des deux
côtés d'une fosse, on attachait une pièce de
bois qui la traversait. A cette traverse, une
corde avec une poulie tenait le martyr i)ar
les pieds. Les mains liées derrière le dos, on
le descendait dans la fosse la tète en bas.
Un couvercle fait de deux pièces échancrées
s'adapiait à la fosse, ne laissant à son centre
qu'un tiou oiî le uiarl\ r était pris par le mi-
lieu du corps. Ainsi la fosse était entière-
ment obscure; souvent on la remplissait à
demi d'immondices. Le premier qui endura
ce supplice, ce fut Nicolas Keyan, jésuite ja-
ponais. Cent jésuites furent martyrisés à
cette époque à peu près. En 1636, le pro-
vincial de l'ordre , Portugais de naissance,
der nier admi listra'eur de l'évêché du Japon,
apostasia. IMais, s'étant reconnu plus tard, il
mourut martyr en 1652. En 1637, les chré-
tiens iïAriina, n'ayant plus de missionnaires
qui leur prêchassent la patience, se soule-
vèrent et vinrent au nombie de tiente-sepl
mille, sous la conduite d'un jeune prince de
leur nation , s'emparer de la vilh; de Xiwa-
bara. Une armée de quatre-vingt mille hom-
mes vint les y assiéger. Les protesta'^ts hol-
landais , avec leur artilleiie, s'unirent aux
infidèles. Après une défense désespérée ,
n'ayant plus ni vivres ni mui. liions, les chré-
tiens sortirent en bataille et se firent tuer
jusqu'au dernier en se défendant avec cou-
rage. En 16'i-0,le roi de Portugal envoya au Ja-
pon quatie ambassadeurs suiv. s de soixante-
quatorze personnes, ils furent }»ris, sommés
de renoncer au chiistianisme, et, sur leur
refus, on les fit moui ii' tous, à l'exception de
treize matelots, (pii furent renvoyés à Macao
avec une lettre ainsi conçue : « Tant que la
lumière du soleil vivifiera la terre, que pas
un chrétien n'ait la hardiesse d'entrer au
Jaf)on. Qu'ils sachent fois que si le roi Phi-
lip[)e lui-même, le dieu des chrétiens, Aora,
l'un des principaux dieux de notre empire,
contrevenaient à cette défense, ils auraient -n
la tête tranchée. » Depuis lors, pour être sur ' '
de découvrir les chrétiens dans toutes les
piovinces où l'on soupco ne (pi'il y en ail,
l'empereur contraint , uiu^ fois par an , tous
les habitants à f .uler aux pieds la croix et
des images chrétiennes. Dej)uis celte épo-
que, beaucoup de missionnaires ont lenlede
pénétrer an Japon; plusieurs y ont réussi
mais y ont trouvé la mort. Le dernier sur
le piel on ait des renseignemenls ceitains
est l'abbé Sidolti, missioinnire sicilien , (jui
y arriva en oclohre 17U1). Pris aussilôt, il l'ut
conduit à NdiKjnzaqui puis à IVV/o, où on le
laissa en prison |ilusieiirs amu'es. Ayant,
malgré cela, liouvi' moyen de baptiser [ilu-
sieurs Japonais, il liil muré d.uis un trou
ipii avait (piatre ou cinq pieds de | rol'on-
(ieur; uiw iielile ouveituie avait été l.iissée
I our qu'on put lui [tasser à manger. Il péril
dans ce clua(pii.' après y avoir souirert louy-
1321
JAS
temps. Dans le xvir siècle, lo Japon a doiint^
À l'Kgliso environ deux millions de ni.ir-
lyrs.
OiH'l est ni;»iiilen<iiit , dans co pays, l'état
de la religion ? On l'ignore. Il y a des lioni-
nies (pii prêchent volontiers (jii'on a le droit
de toi'crr les peuples h deveiiii- philosophes.
S'ils avaient la puissance, ils nous iuipos(î-
rai(Mil , de par la supérior-ité ih; leur raison,
r.nl)et et son Icarie, Fourrier el son phalans-
tère; (piesais-je? |ieut-cMr(^ luOiue le coiu-
îuunisiue dans toute l'acception du mot. Or
<-t's lu)ninu\s-là IcouvimU très-l)on (|ue , sous
prétexte de liberté violée et d'iMivahissenunit
de leri'iloir(\ on hrûh^ les uiissionnaires. En
attendant qu'eux-mêmes deviennent martyrs
pcuu' leiu's convictions, rE;i,lisc! ne demande
qu'une chose , la liberté d'ensei;;,iuM' égale
pour tous, (^ette liberté est lui droit dés que
relui (]ui enseigne et que celui ipu reçoit
l'enseigiHMuent restent complètement en de-
hors de la politicpie, ce droit individuel des
nations. Nous ne voyons pas (pi'il puisse
exister pour un peuple de droit (pii l'auto-
rise h se nuu'er chez lui et à ne i)ns recevoir
d'étrangers. C'est ici l'occasion de dire que
si tous les hommes ont une patrie distincte,
ils sont avaid tout citoyens de l'univers, et
que l'humanité tout entière, en progressant
dans l'avenir, accomplit une nnssion où il y
a i)our toutes les nations qui la composent
solidarité de devoirs et d'avantages. Aucune
n'a le di'oit de refuser absolument h l'autre
ses lumières , ses arts , sa civilisation , les
produits de son sol, ce qui }ieut rendre l'hu-
manité meilleure ou plus heureuse. Atten-
dons avec confiance que ces principes soient
universellement reçus; ils ne peuvent tarder
à l'être. Alors la lumière éteinte ou afl'aiblie
dans le Japon reprendra son éclat; la justice
remplacera la tyrannie. L'humanité aura
fait un pas. Il y a quelque chose de pi-
toyable dans le spectacle de ce qu'on nomme
la j)olitique, concentrant toutes ses vues sur
les intérêts mesquins qui nous divisent, et
ne se donnant pas la peine de comprendre
qu'il serait digne de grandes nations de se
faire apôtres de celles qui croupissent en-
core dans les ténèbres dont l'idolâtrie avait
couvert le monde. Heureusement les chré-
tiens savent , les piophètes l'ont dit , qu'un
jour viendra où le genre humain tout entier
se groupera, dans une unité fraternelle, au-
tour de celle chaire romaine dont Dieu a fait
la pierre fondamentale de son Eglise et le
centre des civilisations humaines.
JASON, de Thessalonique, logea chez lui,
en l'année 52, saint Paul et saint Silas. Les
juifs de la ville, ayant soulevé le peuple,
vinrent fondre sur sa maison dans le des-
sein d'enlever Paul et Silas : ne les ayant
pas trouvés , ils saisirent Jason et le menè-
rent aux magistrats , qui le renvoyèretit à
condition de représenter les accusés. Ce fut
Jason qui s'oifrit généreusement pour servir
de caution. 11 paraît , par l'Epître aux Ro-
mains, que ce saint personnage était parent
de saint Paul. Les Grecs le font évoque de
DicTiONN. DES Persécutions. L
JE A i323
Tarse 1^ en Ciliîie, et célèbrent sa fôte le 28
avril.
JASON (saint), frère de saint Maur, fds de
saint Cdaude, tribun cl martyr, et de sainte
Hilarie, aussi martyre , donna sa vie pour la
foi chrétiemu; avec sou père; et son frère el
soixante-dix soldats, dans la ville de Home,
sous l'empire (h; Numéi-ien. Ce piirxo, (mi
avait fait précipiter dans le Tii)re Claude,
attaché à un (piartier de rocher, lit décajjiter
les deux enfants avec les soixante-dix sol-
dats. Sainte Hilarie eut soin de faire enter-
rer ses deux lils, dont elle avait pu ravoir- les
corps. Les relicpii'S de saint Jason sont, avec
celles de saint Maur son frère , et celles de
sa\nU\ Hilarie sa mère, dans l'église Cnthé-
drale de Luc(pn'S , où elles furent transfé-
rées après (pi'on les eut retii'ées de l'église
de Sai'de-Praxède , où le pape Pascal I" les
avait fait (h'!|)OS(!r. L'Eglise honore la mé-
moire de saint Jason, avec ccHliMleson père,
de sa mère, de son frère et des soixante-dix
sohiats, le 3 décembre.
JASON, nom du juge, qualifi' président,
qui lit mourir pour la foi à Corinlhe, sous la
])eisécution de Dèce, les saints Codrat, De-
nys, Anect, Cyprien, Paul et Crescent.
JEAN-BAPTISTE (saint), martyr, précur-
seur (ie Jésus-Christ, eut pour père Zacha-
rie. C'était un prêtre de la race d'Aaron et
de la famille d'Abia, la huitième des vingt-
quatre familles ou classes que David avait
établies pour faire les fonctions sacerdotales
chacune à son tour durant une semaine. La
mère de notre saint était Elisabeth, aussi
de la race d'Aaron et parente de la sainte
Vierge. Ils étaient tous deux justes et saints
devant Dieu môme et ils observaient tous
ses commandements d'une manière irré-
préhensible. Ils n'avaient point d'enfants,
parce qu'Elisabeth était stérile, et ils étaient
déjà avancés en Age, Mais l'ange Gabriel
vint annoncer à Zacharie au moment où il
otTrait l'encens dans le temple qu'il aurait
un fds, ordonnant que cet enfant serait ap-
pelé Jean et qu'il ne boirait rien qui pût
enivrer. Zacharie n'eut pas assez de foi à ce
que lui dit l'ange : c est pourquoi il resta
muet depuis ce temps-là jusqu'à ta nais-
sance de son fils. Saint Ambroise dit qu'il
perdit l'ouïe avec la ])arole, comme le texte
grec porte à le croire : l'Evangile dit en
effet qu'on lui parlait par signes. Zacharie
s'en revint chez lui tout triste, dit saint
Paulin, demandant pardon à Dieu pour ses
péchés dans le secret do son cœur. Lorsque
le temps de son ministère fut accompli, il
s'en alld en sa maison qui était dans une
ville iid la tribu de Juda, située dans un
pavs dé montagnes. On croit que c'est celle
d'Hébron. Quelque temps après, Elisabeth
conçut l'entant que l'ange lui avait prorais.
Durar'it cinq mois, elle cacha la grâce qu'elle
se réjouissait d'avoir reçue de Dieu, par une
pudeur et une modestie dignes de sa sain-
teté.'
(1) Einon p;is TAmct', comme l'écrivent lesauteui's
d'uni célèbre Dictioimair Imtoriaue.
i2
10-25
JEA
JEA
1324
Elisabeth était dans son sixième mois,
q-riM.l Diau lit conn îlre h la sainle Vior.^e
3 ne sa co.isine avait conçu. Marie se liÀla
' traverser une partie de ïa Judée et vi'il à
Hébron pour rendre à Elisabeth toute l'assis-
tance dont elle [lourrait avoir besoin. Saint
Jean, qui n'était pas encore né, témoigna par
un tressaiilemi-nt de joie tout miraculeux
la connaissance qu"d eut que son Seii^neur
venait le sanclilier. La sainte Vierge était
encore auprès de sa cousine quand cette
dernière, arrivée enfin à son terme, causa
par son heureux accouchement à tous ses
pro.hes et à ses voisins la joie (]ue lange
a-, ait prédite. Quand on vint, le huitième
j'iur, pour circoncire l'enfant, sa mèie vou-
lut qu'on le nommU Jean, selon l'ordre
que l'ange avait donné à son père. Les pa-
rents aimaient mieux le nommer Zacharie :
sur quoi, le père ayant écrit ([uc son nom
devait être Jean, sa langue, que son incré-
dulité avait liée, fat déliée par sa foi et par
s in obéissance. Non-seulement il obtint le
pardon de sa faute, mais il reçut encore la
gi\ke de la pophétio, et publia, par un cé-
lèbre cantique, (fue Dieu allait accomplir
les iiromesses qu'il avait faites à Abraham,
que le Messie était près de paraître et que son
fils serait son pro^jhèle et son précurseur.
Tous ceux qui demeuraient dans les lieux
voisins furent saisis do crainte et d'étonne-
ment en voyant une naissance accom[)agnée
de tant de merveilles. Le bruit s'en répandit
dans tout le pays des montagnes de Judée,
et tous ceux qui en entendirent parler se
disaient les uns aux autres : « Que pensez-
vous (jue sera un jour cet enfant ? »
Notre saint fut élevé dès son enfance dans
le désert; on croit, sur une vision rapportée
par un auteur assez ancien, qu'il demeurait
en un lieu nommé Sapsas, dans une caverne,
environ à un raille au delà du Jourdain. Sa
nourriture se composait de miel sauvage et
do sauterelles, que les pauvres gens man-
geaient en Palesti le; son vêtement était de
poil de chameau et serré par une ceinture de
cuir qu'il portait autour de ses reins. Siint
Pierre d'Alexandrie, martyr illustre et l'un
des plus anciens Pères, r.ipporle que quand
Hérole chercha Jésus Christ [)Our le tuer, il
voulut faire mou/ir ég dément saint Jean;
mais que n'ayant |)u le trouver dans le dé-
sert qui le protégeait, il lit mourir Zacliarie,
son père, entre lo temple et l'autel, c'est-à-
diro e'itre le tem ;)le où les prêtres seuls
entraient et l'autel des holocaustes qui était
dans la place dudevatit.
A|)rès fpie saint Ji;an eut passé trente ans
et plus, do cette sorie, dans le désert. Dieu
le mauilesta au monde en la (pmi/.ième an-
née de l'einjiereur 'l'ibère ((•ommciuxMi le 2'J
août fie l'an 2S de l'eriî (;ominune). Il lui
parla dans le désert et lui ordonna d'aller
préparer la voie au M(;ssie, S(don c(j (pj'isaio
et .M.ilacliie avaient |)roph(!tisé do lui. 11 vint
doie; aut(jui' du Jourdain, dans le pays (pi'on
appelait la Pérée, parce ([u'il était au delà
de (;(:tl(j rivière a l'égard de Jérusalem. Il
prêchait à tout lo monde de l'aire iténitence,
et donnait à cnacun de ceux qui venaient
le trouver, les inslinictions nécessaires selon
son état. Il leiu- faisait reconnaître leurs pé-
chés, les leur taisait confesser et les bap-
tisait dans les eaux du Jourdain. Bientôt sa
réputation devint si grande dans la Judée,
qu'on le prenait pour le Messie; mais |)lein
d'immilité, le saint précurseur répondit qu'il
n'était venu ([ue {)our |M"é|)ai'er ses voies et
qu'd n'était pas même digne de se prosterner
devant lui pour dénouer les cordons de ses
souliers. Il biiptisa bientôt J;>sus lui-même,
et quand ce derni(n' sortit des eaux du Jour-
dain, les cunix s'ouvrirent et le Saint-Es[)int
descendit sur Jésus sous la forme d'une co-
lombe. Il est probable que tous ceux qui
étaient présents virent ce miracle aussi b:en
que Jean. On croit généralement que Jésus
fut baptisé le G janvier de l'an 30 de l'ère
commune.
Saint Jean continua à baptiser jusqu'à son
emprisonnement, qui arriva apparemment
vers la lin de la même année où il avait
baptisé (an 30 de l'ère commune). La cause
de sa détention fut la lib rté avec laquelle
il reprenait Hérodo (Anlipas le Tétrarque) de
toutes ses méchancetés, et particulièrement
do ce qu'il avait épousé Hérodiade femme
de son frère Philippe, qui est nommé Hérode
parJosèpho et qui était né de Mariamme, hlle
de Simon, granu pontife. Car il ne faut \)?.s
le confondre avec Philippe le Tétrarque, son
frère, né d'une CléopAtre de Jérusalem. Cet
Hérode (Philippe) avait été d'ahoid nommé
par son père pour succéder à la couronne
au défaut d'Antipater. Héro;liade, sa femme,
était aussi sa nièce, fille d'Arislobule, tille
du grand Hérode, et sœur d'Agrippa qui fut
depuis roi de Judée. Elle eut de ce mariage
une fille nommée Salomé, célèbre dans l'his-
toire de l'Evangile. Hérode le Tétrarque
ayant vu cette Hérodiade un jour qu'il lo-
geait chez son mari en allant à Rome, con-
çut pour elle une passion illégitime et lui
parla de l'épouser. Elle n'eut point hor-
reur d'une proposition si criminelle et de-
meura d'accord de se retirer chez lui loiv>-
qu'il serait revenu de Rome à condition
qu'il répudierait la fille d'Ai:çUa3, roi d'Ara-
bie, tju'il avait épousée longtem])s aupara-
vant.
Il semble que ce mariage où toutes les
lois étaient violées fut fait fort peu après la
naissance de Salomé. Saint Jean en repré-
senta le crime à Hérode le Tétrarque et lui
dit qu'il ne lui était pas permis d'avoir la
femme de son frère, à qui d l'avait ravie do
Son vivant et dont elle avait eu dos enfants,
ce qui suDisait, (piand il eût été nuirl, pour
reuvire <;(> mariage criminel, mêiii(> selon les
lois qui s'observaient alors parmi les Juifs.
Mais Hérode montra qu'il a\ait toute la du-
roté ou plutôt la cruaulé ord naire des Juifs
contre les jtru ihèl(;s ; car, n(> |)ouvant souf-
frir des roj>rés(!:ilali<>ns si généreuses, il lit
arrêlin- le suint ftr('*(Uiseur (îI l'envoya char-
gé de ehaines au ch.heau de Ma(piei()nte.
Josephe dit cpu! ci; lut par raison d'I-^lal et
par politii|ue qu'Héiode lit cmpiisomior
I
I52r) jf:.\
saint Jean et lo fit enliti mourir. Kt il Ji'cst
pas (liflicilc (pic l'esprit d'uii prince clt''jà ai-
fAv'\, ait craint où il n'y avait rien à ciain-'
dro; surtout si cottf crainte lui clail inspirru
})ar les pharisiens ol les docteurs de la loi,
connue (pichpu-s-uns lo tirent de l'Kvan^ile.
Les paroles de Josùplie sont trop riMuar(pia-
bles pour ne les pas rapporter ici. « J( an,
dit-il, suriionuiié Kaplisie, était un lionune
de |)iélé (pii (>\liortait Ibrtenient les Juifs à
enibr.isser la vertu, ii s'acquitter par la jus-
tice do ce qu'ils se devaient les uns aux
autres, et [)ar la piété de ce qu'ils devaient
ti Dieu ; h pnrilier leur Aine f)ar l'exerc ce
do la vertu, et h y joindio ensuite la |)urili-
cation du corps par le bapliMue. Une gtande
nudliUide de |)eu[)le le suivait, paice (ju'on
était javi d'euteudi-e ses discours; et les
Juifs paraissaient prêts h entre|)rendre tout
ce (ju'il leur aurait ordonné : de soi-le qullé-
rode, craignant cpie le pouvoir qu'il avait ."^ur
eux n'excitAt (piehpie sédition, ciul devoir
prévenir ce mal pour n'avoir passujet do se rc-
pentird'avoir atiendu troptai'dàyi-oniHdic'r. »
Hérodiad-o, non coiit-cute de le voir, on
prison, voulut le l'aire mouiir,et Hérodo cn-
ti-ail tpielquel'ois dans ses sentiments. INiais
la craintiulu peu|)le le retenait; et d'ailleurs,
ne pouvant pas ne point voir que c'était un
juste et un saint, il avait du respect pour lui
et suivait ses avis en beaucoup de choses,
tant la vertu a de force pour se faire révé-
rer même de ses ennemis. Saint Jean de-
meura donc prisonnier jusqu'à ce que son
temps fût accompli. Ses disciples avaient as-
sez de générosité pour ne le pas abandonner
dans sa prison; mais lui, qui était venu pouif
préparer les voies au Seigneur et non pas
atin qu'on s'attachât à sa ijersonne, ne son-
geait qu'cî leur faire connaître celui qui seul
était tout ensemble leur libérateur et leur
maître. Ayant donc appris d'eux les miracles
par lesquels Jésus-Clirist rendait son nom cé^
lèbredans tout le pays , il en envoya deux lui
demander s'il était celui que l'on attendait
depuis le commencement du monde, atin,
qu'ils connussent, par la réponse qu'il leur
ferait, qu'il l'élait effectivement. Jésus-Christ
leur réjiondit en effet par des mii-ach^> qui
étaient des preuves de sa divinité et de sa
mission , plutôt que par des paroles. Et
quand ils, furent partis, il donna de grands
éloges à celui cjui semblait avoir douté
de sa qualité de Christ, afin que [icrsonne
ne crût que la lumière du Saint-Esprit eût
.manqué à saint Jean dans la prison, où Jé-
sus-Chi-ist devait donner à ses apôtres une
plus grande abondance de grâce et de force.
Hérodiade ti'ouva enfin une occasion favo-
rable de satisfaire la haine qu'elle avait contre
saint Jean. Car Hérode faisant un grand
festin à ceux de sa cour le jour d > sa naissance,
Salouié qu'Hérodiade avait eue de son mari
légitime, mais qu'elle avait élevée comme le
pouvait être la fille d'une toile mère, ou-
bliant lamodestie et le secret auxquels son âge,
son sexe et sa qualité eussent dû la retenir,
entra dans la salle du festin et y dansa de-
Yâût tout le moude. Saint Chrysoslome croit
ji:a
1326
mu) c(^ fut llérodiach même, qui, dans la vuo
(le ce qui arriva, proslilna ainsi l'Iionneur
de sa lill(( en lui faisant faire utut action qui
n'était digne ([uo d'une comédienne ou de
la tille d'un(! adultère. Cependant celte
danse, si honteuse h une filhî d'honneur, fut
trouvée b(dle, mais dans un festin, et dans
w^ f(!slin diaboliipu! selon l'expression des
Pères; aussi fut-elle récompensée; par un
crime encore [)lus grand que n'était cette
danse même. Car Hérode ayant promis avec
serment à la danseuse de lui donner tout ce
qu'elle! lui demanderait, (|uaud ce serait la
moitié de son royaume! , elle courut à sa
mère, et,par sf)n co"ns(nl,ell(! vint dire qu'elle
voulait (pi'on lui donnât à l'instant dans un
bassin la tête de Jean-Haptisle. Ib'rode fut
fâché de cotte demande qu'il n'attendait
pas sans doute d'une» jeune fiile, car il con-
servait toujours quele]ue rosj)ect j)e)ur saint
Jean ; uirùs il rou-,it de maneiuer de f)arole
devant tant de monde, et il ne rougit [)as de
comme'tlre l'un des f)tus grands crimes qui
eût jaujais été commis. Il envoya donc un of-
ficier à la prison en un jour de joie, au mi-
lieu d'un festin, et à la prière d'une jeune
lille. Qui n'eût cru que c'était j our faire
grâce? Cependant c'était pour ôter la vie à
saint Jean-Baptiste; et la mort du plus grand
des hommes fut le prix ele la danse d'une
fille, fut la suite d'un serment fait, sans v
penser, dans la chaleur du vin et de la dé-
bauche, et exécuté par une [)iété impie et
une religion plus ciiminelle que n'eût été
lei)arjure même. Cela n'empêche pas que
saint Jean ne soit véritablement martyr,
puisqu'il est mort pour la vérité, pour la
chasteté et pour la justice : t ute l'Eglise
l'honore en cette qualité. On peut dire môme
en un vrai sens qu'il a souffert le martyre
pour la confession de Jésus-Christ, puisque
Jésus-Christ est la vérité. La tête de saint
Jean fut apportée à Salomédans le lieu même
où le festin durait encore, selon divers Pè-
res ; ce qui ffiit que saint Jérôme compare
cette action à celle de Flaminius, général
des armées romaines, qui fit trancher la tête
à un criminel devant lui, dans un festin,
pour satisfaire une misérable qui n'avait
point encore vu cette exécution. Salomé
donna la tête de saint Jean à sa mère, et saint
JcVôme rapporte que cette femme, qui n'avait
pu souffrir de lui entendre dire la vérité, lui
perça Jv; langue avec son aiguille de tête, com-
me la femme d'Antoine avait fait à Cicéron.
Dieu n'attendit pas au dernier jour à ven-
ger la mort de saint Jean. Hérode, comme
ne)us avons dit, avait répudié la filie ei'Arétas,
roi des Arabes , pour épouser Hérodiade.
Cela causa une guerre très-fâcheuse entre
ces deux princes : Hérode y fut enfin défait
et les Juifs mêmes reconuurei t que c'était
une juste punition do la mort de saint Jean-
Baptiste. (Juoique temps après, Hére>diade
ne pouvant souffrir devoir son mari simple
léti-arquo, lorsqu'Agrippa, son propre Irère
& elle, pronail le titre de roi, elle obligea Hé-
n.de de faire un voyage à Rome avec elle
pour demander le même honneur à l'cmiie-
!5i7
JEA
JEA
1328
reur Cens. Mais Caïus, au lieu do satisfaire
S0!i ambition, priva Ht^rodo de sa télrarcliie
et le relégua à Lyon. 11 voulut faire quel-
que grAce à Hrrodiade .à cause d'Agrippa;
mais elle aima mieux suivre son mari dans
le malheur où elle l'avait jeté, que de devoir
quelque chose h la con-idéralion et à la for-
tune de son fi-ère. l'ii Dorothée, Nicé|)h()re
et Métaphraste prétendent aussi que S domé,
fille d'Hérodiade , mourut d'une manière
tragique qu'ils rapportent ; mais les anciens
u'en parlent pas, et ne disent rien de Sa-
Joiné, sinon ({u'elle fut mariée à Philijjpe le
tétrarque, son oncle {)alernel, qui mourut
Tan 33 ou 3i- de Tère commune. Ainsi il
faut ([u'elleait eu environ li ans lorsqu'elle
fut le principal instrument de la uiort de
saint Jean. Autant qu'on le peut juger de la
suite de l'Evangile, la mort de notre saint
arriva sur la tin de l'an 31 de l'ère commune,
ou au commencement de l'an 32, quelque
temps avant la Pàqwe. L'Eglise grecque et
l'Eglise latine en célèbrent la mémoire le 29
août sous le titre de sa décollation.
Les disL'iples de saint Jean, ayant ai)pris
sa mort, vinrent enlever son corps et l'en-
terrèrent dans un tombeau. L'opposiiioncjui
régnait enre les Juifs et les Samaritains no
soutire guère qu'on croie qu'ils l'aient en-
terré à ëi'baste, capitale de la Samarie. Il est
certain néanmoins que son tombeau y était,
loisque,sous Julien l'Apostat, les païens l'ou-
vrirent, et brûlèrent une jiartie des os du
saint |)récurseur. Les autres furent sauvés
par quehjues chrétiens qui les apportèrent à
un aijbéde Jérusalem nommé Pliilipi)e. Cet
abbé, ne s'estimait i)as digne de garder un si
précieux trésor, les envoya à saint Atljanase,
qui les mit dans la muraille d'un autel en
disant, par esprit de [)rophétie, qu'ils servi-
raient dans quelque temps. Gela s'accomplit
lors([ue le grand Théodose ayant ordonné
de démolir le tenq)le de Sérapis et de bâtir
en la même place une église magniti(}ue de
saint Jean-Ba|)tiste, on y mit les saintes re-
iicpies le 27 mai de l'an 395 ou 396 selon
Tliéophaiie. Ce qu'il y a de plus remarqua-
ble pour les reliques de saint Jean est la dé-
couverte de son chef h Emèse, ville célèbre
de la IMiénicie. Selon un écrit ancien et as-
sez bien autorisé, mais que cependant nous
n'osons pas a|)prouver, il avait été enterré
d'abord à Jérusalem et lransj)f)rté h Emèse,
dès le temps de Constantin, (^e qui est cer-
tain, c'est qu'on n'y en avait aucune connais-
sance lors(ju'il y fut trouvé en l'an 'i-o3,dans
une caverne, delà manière (jut; nous l'allons
raconter. L'histoir(î en paiail aussi certaine
que miraculeuse, ayant été écrite par celui
niôme que Dieu a voulu rendr(j le témoin et
le ministre de ces merveilles.
Cet auteur est l'abbé Marcel, honnne d'une
vie irié'préheii>ible, (jui était illu.>ln! j)ar sa
piété et dont les mieurs élai(vil agréables à
Ditju. il était pr(Mi'(; et supin-ieur d'un mo-
iiaslèr(! voisin do la caverne dont nous ve-
nons de parli^r. Vers le commencement du
mois detéviierde l'an k'.'i'i. le saint em-
pereur Murcien gouvernani T'hicnt, col
abbé vit en songe un grand fleuve qui en-
trait en son monastère, et peu après il y vit
entrer de grandes trou|)es de monde qui
chantaient chacune en leur langue et qui di-
saient toutes : « Voilà saint Jean-Baptiste
qui vient se montrer. » Saint Jean arriva en
ell'et aussitôt après, et entra dans l'église oij
toute cette foule vint recevoir de lui la bé-
nédiction et le baiser de paix en lui baisant
la poitrine. Marcel y alla comme les autres
et lui baisa les pieds, mais saint Jean le re-
leva et le baisa. Peu de jours a[)rès, Marcel
eut encore un autre songe où il vit saint
Jean revêtu d'habits blancs, qui répandit
sur ses mains un vase ])lein de miel et en-
tra avec lui dans le monastère, précédé par
une colonne de feu. Le désir qu'eut Marcel
de savoir ce que signitiaient ces songes, fit
qu'un soir, après que les religieux eurent
mangé (car l'on était alors dans le temps des
jeûnes), il leur ordonna de recommencer
chacun le psaume qu'ils avaient à dire ; et
durant qu'ils étaient assis |)Our cela , l'un
deux nommé Isaac aperçut du feu à la })orte
de la caverne où était le chef de saint Jean.
Lui et tous les autres , effrayés, coururent
h Marcel, qui leur dit de faire le signe de la
croix et les rassura, se doutant bi(m que c'é-
tait unesuitedessonges mystérieuxqu'ilavait
eus. Le cinquième jour après, qui était le di-
manche, 16 de février, le prêtre Etienne,
abbé d'un monastère voisin nommé Beth-
gales et Darome, et qui était ou l'exarque
et le chef des monastères du diocèse d'Emèse,
ou le chorévèque de ce quartier-lh, vint trou-
ver l'évêque nommé Urane,et lui représenta
([u'il était à propos d'unir au monastère de
Marcel la caverne qu-i en était i)roche. L'é-
vêque y ayant consenti, Etienne dès le len-
demain matin vint en mettre Marcel en pos-
session, en présence de plusieurs témoins.
11 en ouvrit la porte qui était fermée à clef;
ils y entrèrent ensemble et y firent oraison.
Comme elle était en mauvais état, Etienne
recommanda à Marcel d'en avoir soin, et
Marcel commença à l'heure même d'y tra-
vailler avec ses frères.
Le jour suivant, qui était le mardi 18 fé-
vrier, lorsque Marcel dormait après les priè-
res de la nuit, il fut éveillé comme par ({uel-
qu'un (jui le frap])a trois fois, et il entendit
une voix (jui lui disait : « Dieu me donne à
vous; suivez l'étoile (jui vous coiuluira. » Il
vil en même temns une étoile de feu h la
])orte de sa chamure. 11 s(; leva dans une
grande frayeni- et suivit l'étoih^ (jui s'avan-
çait toujoui's devant lui. 11 fallait passer plu-
sieurs portes (pii se trouvèiinit toutes ou-
vertes, et l'étoile le conduisit (Uilifi justju'à
une voûte (jui était dans la caverne. Il s'y
l)rosterna contre terre et y demeura long-
temps en oraison. Il r«;tourna ensuite en sa
chambre, et lorsipiele jour fut venn, et (|^uo
deuv abbés (jui avaient couché che/. lui lu-
rent partis, il prit renrensoir avec un pic, i-l
s'en alla en priant au lieu cpic l'cHoih! lui
avait manpié. il commeneaàdél'.iiie la vnûle,
au-dessous do laipn'lh' il trouva quantité de
iable, et sous le sable une grande tuile qui
1329
JEA
JËA
1350
couvrait une plaque de nwrbre. Il leva cette
plaque, sous laquelle il vit uue urru', et dans
eettii nrue était la ((Me de saiut Jean, qui
avait encore ses cheveux. Il alluma aussitAl
UIU5 lampe, mit de l'cucu'us dans reiiccnsoir,
adora Dieu dans une joie môlée de crainte,
et puis recouvrit l'urne avec la pla(pu> do
marbre. H sorlait, ce seiuhlc, de la caverne
li)rs(iu'il rencontra le diacre (leuuade, abbé
d'un monastère voisin, qui l'y lit rentrer
comme pour lui i)ailer en particulier. En
elV.'l, après (ju'ils eurent prié ensembh» et
(pi'ils se furent endjrassés, (lenuade lui dit
(pi'il l'avait vu dans une vision occupé avec
lui, dans celle caverne rnôme, ^ distribuer
des pains d'une blancheur extraordinaii-e h
un nond)re inlini de personnes cpii leur en
venaient demander. Comme cette vision coti-
lirmait ce (|ui était arrivé, Marcel ciut devoir
(.léclarer tout à dennade, qui en fut fort
étoiuié. Marcel lui montra aussi le lieu où
était la reli(]tie. Ils allèrent ensuite ensemble
chercher l'abbé Etieu-ie à Darome, alin qu'il
en avertit l'évéque. Mais Etienne était allé
visiter les monastères de la cam[)agae. Mar-
cel envoya prier le diacre Cyriaque, qui était
encore iin autre abbé, de le venir voir pour
lui dire la chose. Il vint et leur rapporta une
vision qu'il avait eue lui-même, toute sem-
blable à celle do Gennade; api es quoi, s'é-
tant mis en piièies, Marcel lui rapporta com-
ment saint Jean s'était découvert à lui.
Marcel et les deux autres abbés passèrent
cinq jours de la sorte, en attendant toujours
qu'Etienne revint, pour en parler à l'évèque
Urane. Mais, le samedi au soir, Marcel se
sentit tout d'un coup frappé au genou, et en
même temps tomba dans une paralysie très-
douloureuse qui le tenait tout courbé, sans
qu'il se pût remuer. Gennade &t Cyriaque lui
représentèrent qu'il avait trop tardé à parler
à l'évèque. Etant ensuite allés à vêpres, ils
lui dirent, à leur retour, qu'ils avaient pro-
mis à saint Jean, avec serment, de faire aver-
tir l'évèque dès le lendemain, avant que le
soleil fût levé. Il les en remercia, et en même
temps sa douleur se dissipa. Dès le lende-
main donc, qui était le dimanche, Marcel et
Cyriaque allèrent trouver Urane, qui reve-
nait de matines. Ils lui dirent que Dieu leur
avait découvert le chef de saint Jean-Bap-
tiste, et lui rapportèrent toutes les visions
que nous avons dites ; de quoi il fut extrê-
mement surpris. Il promit d'y aller dès le
lendemain , ordonnant qu'on n'y touchât
point cependant, et qu'on tînt la chose se-
crète. Il vint effectivement le lundi avec les
prêtres et les diacres, qui, étant arrivés, se
prosternèrent pour adorer Dieu. Un prêtre
nommé Malc témoigna douter que ce fût vé-
ritablement le chef du saint précurseur. Mais
y ayant voulu porter la main, il n'eut pas
plutôt touché aux cheveux, que sa main de-
vint sèche et demeura attachée au bord de
l'urne. Elle se détacha après qu'on eut fait
beaucoup de prières pour lui, et demeura
néanmoins paralytique. Urane, assisté de
tous ceux qui l'accompagnaient, leva l'urne
avec le saint chef qui était dedans, et le
transporta dans la sacristie de la cathédrale,
en attentlant ([u'on eût bAti un(! nouvelle
église pt)ur le mettre. La nouvelle église do
Saint-Jean fut bientôt bAtie, et on y trans-
porta le chef du saint avec uiuî procession
solennelle, le 2(» octobi'O d(» la même année.
Le prêtre Malc eut sa main enlièicmenl gué-
rie dan?; cette soleiuiité, en la melianl sur
l'urne où était la reli(pu', selon l'ordrcî qu'il
en avait eu de saint Jean même, dans une
vision. Cett(; église de Saint-Jean était dans
le monasière de la caveriu; où on avait
trouvé son chef. L'église (pi'Ur-ane avait fait
faire aupi'ès d'Emèse, pour nuMlre le chef
de saint Jean, ne pouvait |)as êln; fort consi-
dérable, puisqu'elle avait été conunencée et
achevée en [)eu de mois. Soit donc qu'elle ne
parût pas assez belle, soit qu'elle eût été rui-
née, ou par les guerres, ou |)ar la longueur
du temps, on (^n bAiit depuis une magnili(|ue>
dans la ville, où l'on lit une; cave, et on y
transporta le chef du saint précurseur en
l'an 760, qui était le vingtièun; do Constan-
tin Copronyme. Il y était encore révéré des
lidèles vers l'an 800. On croit que le chef de
saint Jean fut depuis transféré d'Emèse h
Comane dans le Pont, et de là à Constanti-
nople. L'église d'Amiens prétend en avoir
aujourd'hui une grande partie, c'est-à-dire
toute la face jusqu'à la bouche, et l'avoir re-
çue le 17 décembre 1200, par le moyen de
Walon de Sart'»n, l'un de ses chanoines qui,
s'élant trouvé l'an IrZOi à la prise de Cons-^
tantinople par les Français, rencontra cotte
relique dans les ruines d un vieux palais.
(Tillemont, Hist. eccL, t. I, p. 82, passhn.)
JEAN, l'un des principaux d'entre les Juifs
en 33, siégeait dans le sanhédrin quand,
après le miracle de la guérison du boiteux,
saint Pierre comparut devant ce tribunal. On
ne sait pas précisément quel était ce Jean :
Baronius veut qu'il soit tils d'Anne, auquel
sanit Luc l'adjoint en cette circonstance, en
môme temps qu'à Caïphe et à Alexandre.
Pearson et quelques autres interprètes S' nt
du môme avis (|uo cet écrivain. On peut dire,
contre leur opinion, que parmi les cinq en-
fants d'Anne qui furent grands pontifes, il
n'y avait point de Jean {Voy. les Juifs, § 5),
et on voit par Josèphe qii'Ame n'eut pas
d'autres fils que ces cinq personnages. Dans
le passage que cite Baronius [Bel. 1. ii, ch. 25,
p. 822 e), et où il est en effet parlé d'un Jean,
il y est appelé non pas fils d'Anne ou d'Ana-
nie, nom que donne toujours Josèphe au
beau-père de Caïphe, mais Aninias, qui fut
grand prêtre en l'an 53, alors que saint Paul
lut arrêté à Jérusalem. Son tils pouvait déjà
siéger dans l'assemblée du sanhédrin en 33.
Sans garantir ces explications , nous les
croyons, jusqu'à prouve contraire, les plus
fondées, les plus admissibles.
JEAN (saint), apôtre, évangéliste et mar-
tyr, fils de Zébédée, frère de saint Jacques
le Majeur, était natif de Bethsajde en Gali-
lée. 11 était pêcheur, et âgé de 25 ans à peu
près, (^uand il fut appelé à l'épiscopat. 11 fut
le disciple chéri du Sauveur, qui lui recom-
manda sa mère en mourant. Après la Peu-
1331
JEA
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1532
tecôto, il fut arrêté avec saint Pierre et mis
en prison parles magistrats du teuipioel les
Saducéens [Voy. Pieriu:). Le lendemain ils
comparurent devant les princes des jirètres,
les anciens et les scribes, qui, celte fois,
après les avoir interrogés et fortement me-
nacés, les renvoyèrenl.
Quel(pie temps après, ils furent arrêtés de
nouveau et mis en prison. Un ange vint les
délivrer; ils se rendirent au temple pour y
enseigner le peuple. Ce fut là que les sol-
dats envoyés pour les prendre les rencontrè-
rent; ils ies amenèrent sans violence devant
le conseil. Saint Jean, connue saint Pierre,
répondit à la défense qu'on lui faisait d'en-
seigner au nom de Jésus-Christ, « qu'il fal-
lait obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes. »
Ce fut dans cette occasion que Gamaliel,
docteur de la loi, prononça eu faveur des
apôtres un discours plein de sagesse, à la
suite duquel on les renvoya, en se conten-
tant de les faire battre de verges, au lieu de
les faire mouiir, comme on en avait eu des-
sein (l'abord. Saint Jean assista plus tard au
concile de Jérusalem (en 51) : il alla prêcher
l'Evangile dans l'Asie Mineure, chez les Par-
thes, et e'iiin, vint se lixer à Ephèse, dont il
fut le |)iemier évêquc. Arrêté en 95, il fut,
par ordre de Domitien, amené à Rome et
plongé dans une cuve pleine d'huile bouil-
lante ; mais il en sortit aussi sain qu'il y
était entré. On marque encore, auprès de la
porte Latine, l'endroit où ce grand miracle
s'accomplit : on y voit des monuments com-
méuioratifs qu'y a élevés la piété des fidèles.
L'évidence de ce miracle, sa notoriété, tout
aurait dû ramener Domitien; mais il y a des
aveuglements sur lesquels rien n'opère. Dieu
peut-être a déjà retiré sa main, la ])unition
est commencée. Domitien bannit saint Jean
à Pathmos, dans la mei' Egée : ce fut là qu'il
écrivit son Apocalypse. Nerva, successeur
de Domitien, ayant rappelé les exilés, saint
Jean revint à Ephèse. Ce fut là qu'il écrivit
son Evangile, et peut-être ses Ej)îtres.
11 vécut jus ju'à une extrême vieillesse, et
s'éteignit |»aisiblement sous Trajan, l'an 100
de J.-C., à l'âge de quatre-vingt-i[ualorze ans.
Quoiqu'il soit mort en paix, ce qu'd a souf-
fert a sufii pour que l'Kglise l'honorât comme
martyr. Elle fait sa fête h; 27 décembre.
JEAN (saint), martyr à Ephèse, est fêté par
l'Eglise le 27 juillet, il est l'un dos sept dor-
Uiants dont saint Grégoire de Tours nous a
donné une histoire. Vojj. Dohm an rs (Les sept).
JEAN (saint), soullVit à Coi'doue, avec son
frère Adolplus, durant la |)ejséculion des
Ai'abes. L'Eglise fait leur mémoire le 27 sept.
JEAN (saint), évêque et confesseur, souf-
frit à Autini. Nous h; trouvons insci'it au
Mailyrologe l'omain le 20 octobre.
JEAN (saint), eut la gloire de verser son
sang à Tomes dans le Pont, avec; ses frères
Séia|)ion, Pi(nr(;, et leurs parents Marcellin
et Matuiéo. Les Actes des martyrs no nous ont
conservé aucun document aullKnilupuî sui-
eu\. L'Eglis(,' fait leur mémoire, h; 27 août.
JEAN (saint), martyr, vcn-sa son sang en
Aliicpio, pour la déienso do la leligion. Il
eut pour compagnons do son martyre les
saints André, Pierre et Antoine. L'Eglise cé-
lèbre leur mémoire le 23 sevlembre.
JEAN (saint), fut martyrisé en Toscane
avec saint Festus, dans des circonstances et
à une éjjoque cpii ne sont point parvenues
jusqu'à nous. L'Eglise fait collectivemenl la
fête de ces deux saints le 21 décembre.
JEAN (saint), martyr, répandit son sang
pour la f(ji à Uomt!. 11 eut pour compagnon
de son maityre saint Cyr. Ils fuient décapi-
tés après avoir enduré dillV'rents tourments
L'Eglise célèbre leur mémoire le 31 janvier.
JEAN (saint), martyr, souffrit en Afrique,
avec les saints Claude, Cris|)in, Magin:; et
Etienne. L'Eglise fait leur fête le 3 déceud).
JEAN (sanit), martyr, était fils d'un per-
sonnage foit illustre de Rome, nommé Mar-
cien. Etant venu à mourir, il fut ressuscité
par saint Abonde et saint Abondance, le pre-
mier prêtre, le second diacre. Tous quatre
furent mis à mort sur la voie Flaminienne,
du temps de l'empereur Dioclétitm. Ils sont
collectivement honorés par l'Eglise le 16 sep-
tembre; ces faits sont racontés d'ai)rès le
Martyrologe romain. Quand de pareilles cho-
ses sont avancées, nous aimerions à les voir
étayées par de foites i)reuves. Il |>araît extra-
ordinaire en effet que la Providence per-
mette qu'un homme soit ressuscité pour être
immédiatement mis à mort. Somme toute,
le fait peut être vrai. 11 nous reste, connue
toujours en cas pareil, à incliner notre faible
intelligence devant Celui dont les voies sont
impénétrables.
JEAN (saint), martyr à Nicomédie, en 303,
sous le règne de Dioclétien. Ce tyran ayant
fait afficher dans Nicomédie «un édit qui
déclarait infâmes tous ceux qui i)rofessaient
la joligion chrétienne ; qui les soumettait
aux tortures , de quelque condition qu'ils
fussent ; qui autorisait toutes sortes de per-
sonnes à les accuser ; qui défendait aux ju-
ges de recevoir d'eux leurs plaintes, pour
cause d'injure, d'adultère et de vol ; qui leur
ôtait eiifiii la lib(Mté et la faculté de parler;
un p'articulicr plus courageux que prudent
arracha l'édit et le nnt en i)ièces, en se mo-
quant des surnoms de Gothique et de Sarma-
tique, qvie s'arrogeaient les empereurs. Il
fut arrêté, ai)i)li(pié à la question, et brûlé à
petit feu : siq)plice qu'il souffrit avec une
patience admirable. » Tel est le récit de Lac-
tance. Comme on le voit, cet écrivain ne
nonnne pas le (chrétien ]>lus eouraç/cux que
prudent dont il parle; mais Usuard, Adon,
Noiker et plusieurs autres le noimnent posi-
tivement Jean. Nous avons déjà eu l'occasion
de nous explicpun- sonvinit sur des acti's pa-
reils à celui-ci. L'ex|)ression : plus couraqcux
que prudent, (pj'emploie Lactance, nous loice
à nous prononcer encore. Jean, en airarhant
l'édit, certains saints ou saintes, cm se jetant
dans l(;s bûchers, en so présentant euv-mê-
mes aux persécuteurs, agissaitnit en dehors
des règles oi'dinaires, et lesévè(pK's pronon-
cèrent, à une crrlaine épocpje, des pennes sé-
vères contre leurs imitateurs. Cej)endant
1 Eglise admet que, dans certains cas oituoi)-
C(
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tionncls , lo Saint-Esprit a pu inspircM" iino
tcllo conduite. Il faut tliru aussi (pi'il osl ar-
rivé sans (Iduto cpio des saints aient agi ainsi
sans inspiration, par ignorance des règles,
mais avec une grandi! droilnrc de conscienci!.
Dans co ras. l'intention couvrait l'oubli dos
règles, et le niart.vr(! d'ailleurs épurait co
qn'il |»ouvait y avoir d'imnarfait dans l'acle.
Saint-Jean est fionort^ par l'Kglise avec saint
Anlliinio le 7 sept«Mnhre.
JKAN (saini), martyr, l'un des quarante
martyrs de Sobasto,sousLicinius.(Voj/. Mar-
tyrs I)K SÉHASTH.)
JKAN l'saint), év(^que de Belli-Si^loucie, en
Perse, lut inartyrisi^ sous le roi Sapor, h p(!U
prùs en l'an 3V3, par l'ordre d'Ai-dacirns,
prince persan. {Voy. Narsks.) La l'ôte de saint
Jean a lieu le 30 novembre.
JKAN (saint), ])rèlre et martyr, fut déca-
pité, sous Julien l'Apostat, sur l'ancienne
voie Salaria, devant l'idole du Soleil. Son
corps fut enterré par le bicMihenreux Con-
corde, prèlre, près du lieu appelé les conci-
les des mai'tyrs. L'Eglise l'honore le 23 juin.
JEAN (saint), était ofiicier dans les armées
de Julien l'Apostat, avec saint Paul. Tous
deux furent décapités pour la foi chrétienne,
en l'an de Jésus-Christ 3G2, par l'ordre de
ce ))rince. Ce fut sous Apronien, préfet de
Rome et ennemi acharné des chrétiens, qu'ils
subirent leur martyre. iVoif. Ro'idininus, de
sancto Joanne et Paulo) L'Eglise célèbre la
féto de ces deux saints le 26 juin.
JEAN CHUYSOSTOMK (saint), naquit à
Antioche, vers l'an 347 d'une des premières
familles de la ville. Son père, nommé Second,
était illustre parmi les olliciers généraux
de la Syrie. Sa famille, quoi qu'on en eût dit,
était cin-étie-me. Etant encore en bas Age, il
perdit son père; sa mère n'avait que vingt
ans quand elle devint veuve : elle ne voulut
pas se remarier. Doué d'une grande énergie
de volonté, saint Chrysostome résolut de se
vouer au service des saints autels. Renon-
çant au monde, il vécut quasi dans la re-
traite chez sa mère. Vers 370, saint Mélèce,
évèque d'Antioche, le baptisa et l'ordonna
leeteur. 11 se livra ardemment à l'élude de
l'Ecriture sainte : il eut pour maître le cé-
lèbre Cartère. Lié avec saint Basile d'une
étroite amitié, il le décida à accepter l'épis-
copat que les évoques de S.\rie, assemblés
à Antioche, leur olliaient à l'ui ou h l'autre.
Après cela, il passa six années chez les so-
litaires, dans les montagnes d'Antioche. Re-
venu à Antioche au bout de ce temps, il y
reçut le diaconat, et au bout de cinq autres
années, il fut ordonné prêtre. L'évêque Fla-
vien le chargea tout à fail du ministère de
la prédication. Ce fut au suprême talent
qu'il y montra qu'il dut le surnom de Chry-
sostonae, c'est-à-dire bouche (Vor, sous le-
quel il est le plus généralement connu. Il
fut aussi remarquable par sa sainteté que
par son éloquence. Il attaqua dans ses ser-
inons les anoméens, qui prétendaient être
dans la vérité en ne croyant que ce qu'ils
voyaient, et qui, par conséquent, détrui-
saient complètement la foi. Ce fut en grande
partie en sa faveur que l'empereur Théodose
pardonna aux habilanls d'Aidioclu! , qui
avaient abattu ses statues. Le saint avait lait
à ce sujet ini certain tiond)re de sermons
pour leur démontrcn- la culpabilité de leur
conduite, et leur prêcher le respect d(î l'au-
torité.
Jus([u"à l'année 307, il resta h Antioche,
prêchant, catéchisant, accomplissant avtn; la
jilus grande distinction les fonctions du sain!
ministère. Ce fut dans les derniers jours dd
cette année (ju'il fut élu évê(|ue de Cmus-^
tantinople. Il travailla beancouj) h réformer
les désordres de son clergé, ôta de leurs
fonctions i)lusieurs mauvais ecclésiastiques
pour en mettre do bons. 11 fit fermer les
temples des idoles à Caza, éteignit le culte
des idoles dans la Phénicie. En 'i-OO, il tint
un grand concile à Ephèse, déposa six évê-
(pies simoi'iiaques avec Géronce de Nico-
médie, et ([uehiues autres encore.
Jusqu'ici nous n'avons fait que l'abrégé
très-restreint de la vie de saint Jean Chry-
sostome; sa vie entrant dans l'ère des persé-
cutions, nous devons nous étendre (Javan-
tage. Son austérité, la rigidité de ses pré-
ceptes, la conduite exemplaire et droite qu'il
exigeait de son clergé habitué aux lûches
complaisances de la pkq)art de ses prédé-
cesseurs, l'avaient fait détester du peuple de
Constantinople et surtout des ecclésiastiques.
Parmi ses ennemis, on compte surtout plu-
sieurs prêtres et cinq diacr s. Parmi les
prêtres, on rematque principalement un
nommé Paterne, prêtre de Constantinople ;*
Eugène, qui, en récompense de ses calom-
nies, fut nommé évoque d'Héracléo; Altiquo,
qui devint évèque intrus de Constantinople
quand le saint dont nous écrivons la vie en
eut été chassé. Ses ennemis, à la tète des-
quels était Théophile d'Alexandi-ie, assem-
blèrent au Chêne, bourg voisin de Constan-
tinople un conciliabule d'environ trente
évêques pour juger saint Chysostome. On
articula contre le saint évèque dix -huit
chefs d'accusation qui furent successive-
ment examinés.
« Paul, évêqne d'Héraclée, présidait au
concile, apparemment comme ancien mé-
tropolitain de Thrace; car Byz nce dépen-
dait d'Héraclée, avant qu'elle fût Constan-
tinople. 11 prit les voix do to<.s les assistants,
au nombre de quaran e-cinq, commençant
par un évèque nommé Ciymnase, et finis-
sant par Théophile d'Alexandrie. Ils pro-
noncèrent la déposition de saint Jean Chry-
sostome. Puis ils écrivirent une lettre sy-
nodale au clergé de Constantinople et une
autre aux empereurs. Géronce, Fauslin et
Eugnomone, trois évêques qui se préten-
daient injustement déposés par saint Chry-
sostome, présentèrent encore trois requêtes.
Géronce est sans doute celui de Nicomédie,
dont j'ai rapporté l'histoire. Ensuite le con-
cile reçut la réponse de l'empereur. Ainsi se
termina la douzième séance.
« Le seul prétexte de la condamnation de
saint Chrysostome fut la contumace, et
qu'ayant été auatre fois appelé par le concile,
1555
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i336
il n'avait point voulu se prc^senter. Aussi la
lettre ou relation h l'empereur comuicneait
par ces mots : Comme Jean accusé de quel-
ques crimes, et se sentant coupable, n'a pas
voulu se présenter, il a été (léj)osé selo:\ les
lois. Mais parce que les liJ)clles contiennent
aussi u'ie accusât on de lèse-majesté, votre
piété commandera (|u'il soit chassé et puni
pour ce crime; car il ne nous a])partieiil pas
d'en pren Ire connaissance. Ce crime était
d'avoir parlé contre l'impératrice, et l'avoir
nommée Jé/abel. Au reste, on voit ici que
les évèques n'osaient en connaître , car
quelque injuste que filt d'ailleurs le procédé
de ceux-ci, les plus zélés défenseurs de saint
Chrysostome ne les blAinent point sur cet
article. L'empereur donna un ordre con-
forme à la demande du concile pour chasser
saint Chrysostome de l'église et de la ville
de Constanlinople. Cet ordre fut exécuté
promptement, parce que le saint évoque ap-
pelait de ce concde h un jugement jilus juste.
Il fut chassé de l'église jiar un comte ac-
compagné de soldats; et le soir bien tard,
suivi (le tout son peuple, il fit traîné au
milieu de la ville ])ar un de ces ofliciers que
l'on nommait curieux, et jeté dans un vais-
seau, qui le porta en Asie pendant !a nuit. Il
arriva dans une maison de campagne près de
Prénète en Biihynie.
« Mais cet exil ne dura qu'un jour. La
nuit suivante, il survint un grand tcmble-
raentde terre, qui éi)ranla même la chand^ro
de l'empereur, i. 'impératrice épouvantée le
pria de rappeler le saint évoque, et lui écrivit
elle-même en ces termes : « Que votre
sainteté ne croie pas que j'ai su ce qui s'est
passé. Je suis innocente de votre sang. Des
hommes mécliants et corrompus ont formé
ce complot. Dieu est témoin di'S larmes que
je. lui olfre en sacrilice. Je me souviens que
mes enfan.ts ont été baptisés par vos mains. »
Sitôt qu'il fut jour, elle envoya des olliciers
le prier de revenir au plus vite à Constan-
linople pour y faire cesser le péril. Mais
comme on ne savait où il s'était retiré, a[)rès
les premiers on eu envoya d'autres, et d'au-
tres encore après ceux-là, en sorte que le
Bosphoi-e était [ilein de ceux qui le cher-
chaient. I^e tumulte était grand à Constan-
linople. Ceux môine (|ui avaient été opposés
à saint Chrysostome en avaient alors pitié, et
disaient (pi'il avait été calomnié. Ils criaient
contre l'empereur et contre le concile,
et reconn.jissaient la conjuration de Théo-
phile. Sévérien de Gabales augmenta en-
core le désordre. Car, prêchant dans une
église de Constantinople, il crut bien |)rendre
son temps pr)iir ItlAmer saint Clu-ysoslonie,
et dit (ju(! (piarid il n'aurait pas été conviiincu
d'autre cIkjsc, sa hauteur sudlsait [loui- le
déposer. Car, disait-il, toiis les autres péchés
sont remis aux hommes; mais Dieu résiste
aux superbes, s(doii l'Liniliu'e. Ce sermon
émut encoie plus le pi;uj)le. Il ne pouvait se
conliîMJr ni dans les églises ni dans les pla-
ces ; il .s',-ivau<;a avec de grands cris jus(prau
pal.'iis, deinaridani rpie révé(pie Je.ui l'iU lap-
pl'lé. L'eiiniiipjc IWiscMi, notaire de l'einiie-
reur. fut envoyé en diligence; on trouva
enlin le saint évèque à Prénète, et quand le
peuple l'eut appris, il coiu'ut au-devant :
l'embouchure de la Propontide fut bientôt
couverte de bAtinuMils; tout s'endjarquait,
jusqu'aux fenunes, tenant leurs enfants entre
leurs bras. Ainsi saint (-hrysostorae revint
comme en triomphe, accom[)agné de plus de
trente évoques.
« Mais il ne rentra pas d'abord à Constan-
linople; il s'arrêta dans un bourg nommé
Marianes, en \nie maison de l'impératrice,
s'excusant de rentrer dans la ville, jusqu'.^
ce qu'il eût été justilié par un concile plus
nombreux. Le peuple ne put souifrir ce re-
tardement. Il s'emportait contre la cour, et
força le saint évoque à rentrer. Us allèrent
au-devant, chantant des cantiques com[)osés
exprès, et portant des cierges allumés; ils
l'amenèrent dans l'église; et quelque pro-
testation qu'il pût faire que la sentence pro-
noncée contre lui devait être révoquée avant
qu'd re|)rit ses fonctions, ils le contraigni-
rent de leur annoncer la paix, et de monter
siH" son siège, tant ils avaient de passion
d'entendre ses instructions. Alors il leur lit
sur-le-chnmp un discours que nous avons
encore, et qui commence par une compa-
raison de son église avec Sara, et de Théo-
phile avec le roi d'Egypte, qui avait voulu la
corrom|)re. Il y loue l'affection de son peu-
ple , et témoigne sa reconnaissance pour
l'empereur, particulièrement pour l'impéra-
trice. Il n'oublie rien de ce qu'elle avait fait
pour procurer son retour : la lettre qu'elle
lui avait écrite, le compliment qu'elle lu.i
avait fait faire <i son arrivée, ses instances
auprès do l'empereur pour le rappeler. Ce
discou.f-s attira de si grands applaudisse-
ments, que saint Jean Chrysostome ne put
l'achever. » (Fleury, t. II, p. 157.)
Bientôt après, l'iuqiératrice Eudoxie se fit
dresser à Constantinople une statue d'argent.
On la mit sur son piédestal devant le palais
où se tenait le sénat, et tout près de l'église
Sainte-Sophie. A la dédicace de cette statue,
ainsi qu'on avait l'habitude de le faire, on se
livra K des réjouissances publiques accom-
])agnôes de danses et do spectacles d'his-
trions. « Le service divin , dit Fleury , en
était troublé. » Tillemontdit seulement nue
le saint y vit une atteinte au respect (]u oti
lui devait. Il céda au zèle anleiit dont il
brûlait jiour la maison de Dieu, et dans un
sermon véhément, il attaqua non-seulement
ceux ([ui se livraient à ces amusements,
mais encore ceux (}ui hîs avaient ortlonnés.
L'im|>éralrice en fut fort en colère et lo
témoigna. Alors révê(pie lit un sermon qui
commençait par ces mots : Voici encore lié-
rodinde en fureur, la voilà encore qui danse
et (/ui demande la tête de Jean. La cour fut
fort mécoiil(Mite et une nouvelle conspiration
fut organisé'!! contre! Jean Cliiysoslome. Les
ennemis du saint écrivirent ii Théophile [lour
cpi'il vînt les conduire, « ou du moins leur
fournir (piel((uo moyeu de commencer.
'i'iK'ophihi n'osa retourner à Constanlinople,
.se souveiiaiil de la niaiiière dont il s'en était
1531
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1338
sauvtV, mais il v onvoya trois évoques, Paul,
P(Mn(>n, <>t un troisiùiiio onloiint^ depuis peu;
ot les cliar^t'a drs caiioiis du coiiciiiMl'Aii-
tioc-ho, t(Mui à la diSlicacu' on HM.
«Cos t^'(>i|iit's, étant arrivés, appeléront
de Svrio, de Cappadocc!, do Pont et de Pliiy-
gie, ' tous les mélrofxdilains et les autres
évéïiues, et les assoad)!èieMt à Coustanliuo-
\)\i\ Les principaux deeeiiv (pii s'y trouvè-
rent, furent : Leoneo d'Ancvre en (lalalie,
Anuiiotiius de Tiaodicée en Pisi(li(\ Acac c dc!
Pérée, Aniiocluis de Pt(»léiiiaïd(> en Syrie,
Prison de IMiilippopolis en 'l'Iu-ace. Ktant ar-
rivés à ('o'islantinople, ils conuuuniciuèrent
avec saint Jean Chrysoslome, pour no pas
fi\ire comnu^ les preniieis, mais la cour le
trouva mauvais. Aussi la l'éle do Noid étant
venue, l'empereur n'alla ()oint h l'église cl
rordinaii(\ et tit dire h Jean qu'il ne com-
nuuii(]uerait point avec lui qu'il ne se fiit
justilie. Tiiéndoi'O de ïhyanes était venu
comme les au(res à (^onstanlinople, mais,
ayant appris la conjuration formée contre
saint Jean Chrysostome, il s'en alla sans
dire ailieu, retournià son église, et demeura
jusqu'>\ la tin dans la comnmnion de saint
Clirysostome et de l'Ej^lise ronu\ine. Au con-
traire, Pharétrius, de Césarée en Cappadoce,
ne sortit point (ie chez lui, et ne laissa pas
de s'unir par lettres aux ennemis de saint
Chrysostome.
!( Dans ce second concile composé d'évô-
ques séduits par les libéralités do la cour,
il ne fut plus mention des premières accu-
sations, dont saint Jean Chrysostome offrait
hardiment do se justifier; mais pour lui
ôter toute défense, on s'atiacha aux canons
du concile d'Antioche, c'est-à-dire au qua-
trième et au douzième. Le quatrième portait :
« Si \ni évéque déposé par un concile ose
s'ingérer dans le ministère , pour servir
couune auparavant, il n'aura plus d'espé-
rance d'être rétabli dans un autre concile, et
ses défenses ne seront plus écoutées. » Et le
douzième : «Si un évèque déposé par un
concile ose importuner l'empereur, au lieu
de se fjourvoir devant un plus grand concile,
il sera indigne de pardon; on n'écoutera
point sa défense, et il n'aura point d'espé-
rance d' êtio rétabli. » Les ennemis de saint
Chrysostome prétendaient qu'il était dans le
cas de ces canons, étant rentré dans son
siège sans avoir été justihé par un concile.
Ses amis soutenaient que ces canons avaient
été Ihits par les ariens contre saint Atha-
nase; que le canon quatrième, comme in-
juste, avait été rejeté à Sardique par les
Romains, les Italiens, les Illyriens, les Ma-
cédoniens et les Grecs.
« Alors Ammonius de Laodicée, et Acace
de Bérée, joints à Antiochus de Ptolémaïde,
Cyrin de Chalcédoine, et Sévérien de Caba-
les, allèrent trouver l'empereur, et lui pro-
posèrent de faire venir dix évèques du i)arti
do Jean, car il y en avait plus de quarante,
pour convenir de l'autorité de ces canons.
Elpnie, évèque de Laodicée en Syrie, vieillard
vénérable par sa vertu et par ses cheveux
blancs, vint au palais avec un autre évèque,
nommé Tranquille; et ils dirent ii l'empe-
reur : <( Jean n'a point été déposé juridique-
« ment la pi-emièrt! fois, mais seulement
«. chassé par un comte ; il n'est [)oint rentré
« de lui-même dans son siège, mais par
« votre oi'dre, porté [)ar un de vos notaires :
« et (|uant aux canons (juo l'on produit
« maintenant , nous montrons que c'est
« l'ouvrage des hérétiques. » Connue les
ennemis do saint Chrysostome continuaicMit
de dis[)uter, criant confusément, s'agitant
devant l'empereur, Jillpide, prolitanl d'un
petit intervalle do silence, lui dit dou-
cement: « S(!igneur, sans tant importuner
« volro clémence, faisons ceci : que nos
« frères Acace et Antiochus souscrivent les
« canons qu' ils pro[)Osent connue faits par
« des orthodoxes, et qu'ils disent : Nous
« somnu's do la même foi (pic ceux (|ui les
« ont dressés, alors notre dispute sera linie.»
L'empereur, frap[)é de la simplicité de cette
pro[)osition, dit h Antiochus en souriant :
« Il n'y a point de meilleur expédient. » Sé-
vérien et sa cabale changèrent de couleur,
et se regardèrent les uns les autres. Toute-
Ibis, pressés par la circonstance du lieu,
ils promirent de souscrire, et se tirèrent
ainsi d'embarras ; mais ils no tinrent pas
leur parole.
« Neuf ou dix mois se passèrent dans ces
poursuites; et cependant saint Jean Chryso-
stome tenait ses assemblées avec quarante-
deux évoques , et le peuple écoutait tou-
jours ses instructions avec une merveilleuse
atfection. On rapporte avec raison à ce
temps-là une de ses Homélies sur l'épître
aux Ephésiens, où il montre que le schisme
n'est pas moins dangereux que l'hérésie, et
parle fortement contre les évêques qui se
séparaient do lui sans sujet, et renversaient
par leurs entreprises l'ordre de la hiérar-
chie. Ensuite il s'adresse aux femmes en
particulier, et leur dit : « S'il y en a quel-
« qu'une qui veuille se venger de moi, je
« lui en donnerai un moyen pernicieux.
« Donnez-moi des soufflets, crachez-moi au
« visage devant tout le monde, chargez-moi
« de coups. Quoi ! vous frémissez, quand je
« vous dis de me donner des soufflets, et
'( vous ne frémissez point de déchirer le
« corps de votre maître ? » Les ennemis de
saint Chrysostome , voyant le crédit qu'il
avait, et craignant que ce schisme ne pro-
duisît quelque sédition, firent publier une
loi, qui défend à tous les officiers du palais
de se mêler aux assemblées tumultueuses,
comme ils appellent, sous peine de priva-
tion de leurs charges, et de confiscation des
biens. Cette loi est donnée à Constantinople
le quatrième des calendes de février, sous le
consulat d'Honorius et d'Aristenète, c'est-
à-dire le 29 de janvier iOi.
« Le carême étant venu, Antiochus et sa
cabale eurent une audience secrète de l'em-
pereur, et lui firent entendre que Jean était
convaincu, et qu'il devait donner ordre de
le chasser avant la fête de Pâques. L'empe-
reur Arcade ne put leur résister, et fit dire
à saint Chrysostome de sortir de l'église. II
!339
EA
JEA
1510
répondit : «J'ai reçu do Dieu cotte (''glise,
« pour nrofiiror le salut du [)ouplo, et je ne
« puis r.tljandon'icr ; mais comiiic la ville
«est à vous, si vous vouK'z (jue je quitte,
« chassez moi de force, aliii que j'aie une
« excuse légitime. » On envova do'îc du pa-
lais, non sans quelque lionto, des gens ((ui
le chassèrent, aven ordre de demeurer ce-
pendant dans la n)aison épiscopale. Us atten-
daient, dit Palhule, si la vengoanco divine se
déclarerait, pour le réiahlir dans l'église, ea
cas d'accident, ou le maltraiter de nouveau.
Le jour du grand samedi on lui dénonça
encore de sortir de l'église; il répondit
comme il devait. L'empereur, craignant la
sainteté du jour et le tumulte de la ville,
envoya quérir Acaco et Antiochus, et leur
dit : « Que faut-il faire ? prenez garde que
« vous ne m'ayez donné un mauvais con-
« seil. » Us ré;)ondirent hardiment : « Sei-
« gneur, nous prenons sur notre tôte la dé-
« position de Jean. »
« Les quarante évêques qui lui demeu-
raient unis se présentèrent dans les églises
devant l'empereur et V.m )ératrice, les priant
avec larmes d'épargner l'Eglise de Jésus-
Christ et de lui rendie son évoque; princi-
palement à cause de la PA((ue et de ceux, qui
devaient être ba|)tisés, étant déjà tous in-
struits. Us ne furent point écoutés; mais
Paul de Cartéia dit hardiment à l'impéra-
trice : « Eudoxia, craignez Dieu, ayez pitié
« de vos enfants, et ne profanez pas la fùte
« de Jésus-Christ par reffusion du sang. »
Ensuite ces évoques se retirèrent, et passè-
rent la siinte veille chacun dans son logis,
acca!)lés de tristesse. L^'S prêtres de Constan-
tinople qui étaient demeuri'S fidèles ti saint
Jean Chrysostome, assemblèrent le peuple
dans le bain public, nommé les Thermes
Constantiennes, et y célébrèrent la veille
de Pâques à lord-naire, en lisant les saintes
écritures , et bajilisanl les catéchumènes.
« Antiochus, Acace et Sévère l'ayant ap-
pris, demandèrent que l'on empochât cette
assemblée. Le maître des ollices leur dit :
« Il est nuit, le peuple est grand, il pour-
« rait arriver du désordre. » Acace répondit :
« Les églises sont désertes, nous daignons
i< que l'empereur y venant, et ne trouvant
« personne;, ne s'aperçoive de l'afTection du
« peuple pour Jean , et ne nous regarde
« comme des envieux ; principalement après
« qu(; nous lui avons dit que personne ne
« suit volontiers cet homm(;, qui n'est point
«sociable.» Le maître des offices, après
avoir protesté conijc eux de ce (pii jjouri'ait
arriver, leur donna un nommé Lucius, chef
d'une com[)agnie de gens de {guerre, (jui
passait pour païen , avec ordre d'inviter
doucement le peu|)le à venir dans l'église.
Il y alla, mais il tu; fut point écouté, et re-
vint trouver Acace et les siens, leur re[)ré-
sentarit l'ardfîur et la fouh; du p(Mi|»le. Ils le
prièi-ent instannutnil de relouiner, joignant
a leurs piières l'or (it l(!S prouK.-^ses ; ils lui
recounnaudèrent d'amener le pc-uph; à l'é-
glise par la douceur, ou du dissiper pai' i'orco
telte asseiubléo.
« Lucius retourna donc accompagné do
quelques clercs du parti d'Acace à la seeoTuie
veille de la luiit, c'esl-à-dire a|irès neuf heu-
res ; ear, à Constaiitinople, !e peu|)ie veillait
cette nuit-là jus(]u'au premier chant du coq.
Quatre cents nouveaux soldats thraciens ,
iort insolents, le suivaient l'épée à la main.
Us fondirent tout d'un coup sur ce peu[)le,
écartant la foule i)ar l'éclat de leurs éjiées.
Lucius nian'ha jusijue dans les eaux sacrées,
pour em[)écher que l'on n'administrât le
baptême, et poussa le diacre si rudement,
qu'il répandit les symboles, c'est-à-dire le
saint chrême. U frappa les prêti-cs à coups
de bâton sur la tète, sans respect |)Our leur
grand âge ; et le sacré lavoir fut mêlé de
sang. Les femmes, déjà dépouillées pour le
ba[)lême, s'enfuyaient confusément avec les
hommes, crainte d'être tuées ou déshono-
rées, sans avoir le temps de se couvrir au-
tant que la bienséance le demandait ; plu-
sieurs mêmes furent blessées. On entendait
leurs cris et ceux des enfants ; les prêtres et
les diacres étaient chassés tout revêtus. L'un
blessé à la main se retirait en criant ;
l'autre traînait une vierge déchirant s(^s ha-
bits ; les vases sacrés étaient au pillage.
L'autel était entouré de gens armés, les sol-
dats, dont quelques-uns n'étaient pas bapti-
sés, vinrent jusqu'au lieu oii reposaient les
saints mystères, et virent tout « découvert.
Même dans celte confusion, le précieux sang
de Jésus-Christ fut répandu sur leurs hiibits.
On i)rit une partie des prêtres, des diacres
et on les mit en prison; on chassa de la
ville les laïques constitués en dignités. On
cfiicha plusieurs édits, contenant diverses
menaces contre ceux qui ne renonceraient
pas à la comumnion de Jean. C'est ce qui se
passa la veille de Pâques 16 avril Wt-.
« Le lendemain l'empereur , étant sorti
pour s'exercer dans le chanq), vit auprès du
lieu nounné Pem|)ton, parce qu'il était à cinq
milles de Conslantinople, une grande (juan-
tilé de gens vêtus de blanc. Il demanda à
ses gardes ce que c'était. Us dirent que
c'étaient des hérétitiu.'s. C'étaient en elf t les
catholiijues, qui, étant chassés du bain où
ils s'étaient assemblés, et ne voulant pas
aller dans les églises avec les ennemis do
leur év."!(pie, s'assemblaient en pleine cani-
pagne ; et il y avait entre eux environ trois
mille nouveaux baptisés, ([ui poi talent Iha-
bil blanc, selon la coulmne. Les ennemis do
saint Chrysostome profilant de celte occa-
sion, envoyèrent les plus impitoyables de la
suite de i'emi)i'reur poui- dissiper la multi-
tude, et preniire ceux qui les instruisaient.
Ce j)eupl(; si nombreux eilt pu facilement
S(! défendre, mais il était trop bien instruit.
On prit donc (lucîhiue peu iW clercs et plu-
sieurs laï(iues entre lesquels étaient des
f(nnmes de manpie. On arracha les voiles à
(inelques-uiu's, à (jucltiues autres les |)en-
(îanls et les oreilles mêmes. Une des plus
riclic's et des plus J)elles prit l'habit vl'uno
esclave et s'enfuil, coiu-anl dans la ville,
pour sauver son hountnn-. Les prisons furent
remplies de diUércnls magistrats, on y chaU'
I
f
1-41 JE A
tait (ios nymnos et on y olVrait les saints
mystères, en sorte (ni'ellos tlevinrciit des
éiilisi's; au lion (lue l'on ciito:nlail <ia:is les
(\£,\\fios dos touols, dos tortures et (hîsjnro-
monts torrihios, pour obligera anatln'inati-
sor Jean. Mais plus ses adversaires f.ii.siieut
d'elVorts, plus les assemblées d(! ceux cpii
l'aiMiaieiil étaient norubrouss; elles se le-
nai»>nt taulùt dans un lieu, tantAt dans l'autre,
mais principalement dans un espaec ipic lo
grand Consianliu avait lait enrermer de pa-
lissades, pour y voir dos (îourses de cluivaux,
avant qu'il er»t b;\li la ville.
« \'er> 00 même temps, nu lionnn(! pos-
sédé du démon, on qui passait pour l'être,
fut trouvé avec nu poignai-d. don! on pré-
tendait qu'il voulait tuer saint Clu-ysostome ;
le peuple le mena au pi-éfet, eommi! ayant
été ga uié i)ar ar^Aont pour lairo co ooup.
Mais CbrysoslouH" envoya des évé(]tH's île
ses amis, cpii le délivrèrent avant tpi'on lui
fît aucun mal. lùisude un valet du prêtre
Elpide. ennemi déclaré do saint Cbryso-
slomo, ayant reçu cinijuanle sous d'or pour
le tuer, s'arma do trois |)oig'iards et courut
vers la maison épiscopale. Un homme qui le
reconnut l'arrêta et lui demanda on il allait.
Il ne lui ré|iondit (jne par un coup de poi-
gnaid, et frappa de même un second qui
cria voyant frapper le premier, ensuite un
troisième et un quatrième, et ainsi jusqu'à
sept personnes, dont quatre moururent sur-
le-champ. Le peuple enfin ayant pris ce
meurtrier, le préfet s'en saisit, et pour
apaiser le peuple, promit d'en faire justice ;
mais il le laissa impuni. Depuis co temps-là
le peu[)lo fit garde jour et nuit devant la mai-
son épiscopale i)Our la sûreté de saint Jean
Chrysostome.
«Cinq jours après la Pentecôte, qui, cette
année Wt, fut le 5 juin, Acace, Sévérien ,
Antiochus et Cyrin allèrent trouver l'empe-
reur, et lui dirent : « Vous |)0uvez faire ce
« qu'il vous plaira, mais nous vous avons
« dit que nous [)renions sur notre tète la
« dé|)osition de Jean : il ne faut pas nous per-
« dre tous pour é[)argner un seul homme. »
L'empereur envoya le notaire patrice dé-
noncer à Jean de se recommander à Dieu et
de sortir de l'église. Après un ordre si pré-
cis, saint Jean Chrysostome descendit de la
maison é[)iscopale avec les évoques ses amis,
et leur dit : « Venez, prions, et preno'^s
« congé de l'angle de cette église. » Aussitôt
un homme puissant et craignant Dieu, qui
suivait le bon parti, lui donna cet avis :
« Lucius, dont vous connaissez l'insolence,
« est tout près dans un bain public, avec les
« soldats qu'il commande, pour vous enle-
« ver de force, si vous résistez ou difierez
« d'obéir; la ville est fort émue, sortez donc
« promptemeut et secrètement, de peur que
« le peuple n'en vienne aux mains avec les
«( soldats. » Alors saint Chrysostome prit
congé de quelques-uns des évoques avec le
baiser accompagné de larmes; car il n'vut
pas la force de les embrasser tous, et dit aux
autres dans le sanctuaire : «Demeurez ici,
« je vais un peu me reposer. »
JE A
1349
« Il entra dans le baptistère, et appela
01ym|)iad(;, qui uo. sortit point de l'église,
avec Pent.'dio et l*rocl,i, diaconesses, et Syl-
vine, veuve do Nébridius et liHc de (lildon :
« \'(niez ça, li'ur dit-il, mes (illcs, écoutoz-
« moi; ma fin approche, à ce qu(; je vois,
«j'ai achevé ma cari-ière, et peul-ètre ne
« vorrez-vous plus mon vi'-age. Ce (pu; je
« v(jus demande, c'est que votre alfoction
« poiu" l'iîglise ne se r((lA(;h(! point; et que
« ipiand ([uelqu'un aura été oi'donno malgré
« lui, sans l'avoir brigué, et du coirsento-
« nuMit de tous, vons baissi(;z la tête devant
« lui connue devant moi ; car l'église ne
« peut être sans évêqu(î. Kt comme vous
« voulez que Dieu vous fasse miséricorde,
« souvenez-vous de moi dans vos prieies. »
Elles se jetèrent à ses |)ieds, fondant en
larm(!s. 11 lit signe à un dos plus sages de
ses |)iêi!'es, et lui dit : « Ennnenez-los d'ici,
« do peur c|u'elles ne troublent le i)eu|)lo. »
Jolies s'apaisère;:t un |)eu. et il sortit du côté
do l'orient, tandis qu'à l'occident devant le
grand portail de l'église on tenait par son
ordre son cheval, pour donner le change au
peujjlo (pii l'y attendait; il s'embarqua et
|)assa en Bilhynie. Sa mèr-e, qui vivait en-
core, l'eKhorta courageusement à se retirer
plutv')t que de rien faire d'indigne de lui.
« Pendant qu'il se retirait, on vit tout d'un
coup une llamme dans l'église, à la chaire
où il avait coutume de s'asseoir, et d'où il
prêchait. Le fou monta au toit, et du dedans
gagna le dehor-s; en sorte que l'église fut
toulo brûlée, avec les bâtiments qui l'ac-
compagnaient, excepté une petite sacristie où
étaient les vases sacrés, qui somblt conser-
vée par miracle, de peur que les ennemis de
saini Chrysostome ne l'accusassent d'avoir
enlevé ces vases. De l'église, le feu, poussé
par un grand vent de nord, travei'sa la place
sans fair-e de mal au peuple, mais faisant
comme un pont, il prit au palais où se tenait
le serrât, situé au midi de l'église. Ce palais
commença à briller non du côté do l'église, mais
du Cijté du pillais d:^ l'empereur qui joignait
celui du sénat : il brûla pendant tr^ois heu-
res, depuis sexte jusqu'à none, et l'ut con-
sumé tout entier. Dans tout cet incendie,
qui commença dès le soir précédent, il ne
périt pas une âme, pas même une liète. Les
catholiques le regardèrent corume un miracle
et un elfet de la vengeance divine ; quel-
ques-uns en accusèrent les schismatiques,
et dirent qu'avec l'église ils voulaient brûler
le peuple qui était dedans. Les schismati-
ques, et les païens après eux, en accusèrent
les catholiques, et diront qu'ils avaient mis
exprès le feu à l'église, afin qu'il n'y eût
plus d'évêques après Jean; mais jamais on
ne put découvrir l'auteur de cet embrase-
ment. Il arriva le lundi 20 juin, sous le con-
sulat d'Honorius et d'Aristenète, c'est-à-dire
l'an iOi.
« Cependant les soldats du préfet rete-
naient saint Jean Chrysostome prisonnier
en Bitiiynie, avec deux évoques, Cyriaque
d'Emèso et Eulysius de Bostre, les mena-
çant de les punir pour l'embrasement de
1545
JEA
JEA
i3U
l'église. Ensuite Cynaque et Eulysius, ayant
élé ramenés à Constantinoph' avec les autres
clercs, furent trouvés innocents et mis hors
de prison, mais envoyés en exil. Saint Chry-
sostome, étant ainsi retenu, demanda à ses
persécuteurs d'être au moins ouï sur cet
embrasement de l'église dont ils l'accu-
saient. Mais il ne fut pas plus écouté sur ce
point que sur les autres, et on l'envoya sous
bonne garde h Gueuse en Arménie. » (iFleury,
vol. 11, p. 165).
En (piittant Nicée pour se rendre dans
cette ville, il fut obligé de marcher nuit et
jour, pour éviter les Isaures, (fui faisaient
trembler le pays. Les fatigues de toutes sor-
tes quil eut à endurer, surtout l'extrôine
clialeur et l'excès des veilles, consumèrent le
peu de force qui lui restait. Il tomba malade
d'une lièvre tierce, malgré laquelle il fallut
qu'il conliimAt à marcher. Comme il ne pou-
vait presque plus se traîner, Léonce, arche-
vêque d'Ancyre en Galatie et l'un des princi-
paux ministres de la persécution, en vint
jusqu'à le menacer de la mort. Comme il
approchait de Césarée, plusieurs personnes
vinrent au-devant de lui pour lui dire la
grande envie que Pharètre, évèque de cette
ville, avait de le voir et de lui prodiguer
tous les soins dont il avait besoin. L'accueil
qu'on lui tit dans cette province lui donna
de grandes consolations. Hommes et femmes,
laïques et clercs, vierges et moines, tous se
précipitaient sur son passage, et lui témoi-
gnaient par leur empressement , par leurs
larmes, la douleur (pi'ils éprouvaient de le
voir exilé. Il était encore très-malade quand
il entra dans Césarée. Des médecins vinrent
le voir. Quant à Pharètre, qui avait fait faire
par ses envoyés tant de démonstrations, il
ne paraissait jias. Enfin, avec les soins des
médecins, avec les consolations qu'il reçut de
tous les côtés, ie saint évèque reprit sa santé
pfrdue. Déjà il se préparait à partir dans
quelques jours pour le lieu de son exil,
quand Pharètre, jaloux de voir que toute la
ville se [)ortait à la maison du saint, excita
contre lui les moines qui, à diverses reprises,
vinrent assiéger sa maison et le forcèrent
de {)artir précq):tamment en plein midi dans
une litière, quoifiu'il eût encore la lièvre.
Vi\(i dame de la ville, nommée Séleucie, lui
olfrit son chAteau, cpii était à deux lieues de
là ; mais les mêmes peisécuteurs vinrent
encon- l'en chasser: il fut obligé d'en i)arlir
au milieu de la nuit. Endn il arriva à Cu-
cusf!, après soixairle-dix jours de voyage.
C'était une petite ville si peu peiqtlée, (ju'on
n'y tenait pas même de marché, et cpi'on
n'y trouvait rien à acheter. C'était un lieu
per-du dans le Taunrs, eX' osé à chaque itrs-
ta-it airx cf)ur'ses des Isauri-s. Somme toul(!,
il y dut èti-e ass(!Z bi(!n, cai' Dioscore, irir do
s(,'S aniiens arrris (jui y di rneurait, le lo^ea
chez liri. 1! vécut en repos à (tueuse, deman-
da mêrrre h y r-esler, et consola île son mieux
b'S amis (jui l'av.iierrl suivi dans son exil.
Du reste, c. Ile |)etite vilh; de Cueiise d<;vinl le
lenilc/.-voiis d'un rrombr-e considérable do
jjersonnes qui, do tous coli's , venaient en
foule pour voir le saint. Leshistoriens disent
que toute la villed'Antioche vint pour le visi-
ter; les prêtr-es, les évêques de tous les pays
voisins lui écrivaient ou se rendaient près
de lui. Durant l'hiver il tomba encoremalade.
En VOG, il |)ossa tout cet hiver dans le châ-
teau d'Arabisé, mais il y fut tellement mal
que sa maladie dura jus(pi'au retour de la
belle saison. 11 avait été obligé de se réfugier
à Arabise pour éviter les courses des Isaures,
qui mettaient tout à feu et à sang dans la
contr-ée. Après avoir passé une j)artie de
l'année dans ce château, ([ui était fortifié, il
revint à Cucuse. L'année d'après, sa santé
s'étant trouvée ratTermie, il passa l'hiver dans
iV^s conditions bien meilleur'cs. En 4-07, il fut
transféi-é à Arabise, j)uis unoi^lre arriva qui
le transféra à Pvthionte, mais en y allant il
mourut à Coraafie.
JEAN LÉCONOMANTE, patriai'che intrus
de Constantinoplc, fut un des plus ardents
iconoclastes , et un furieux persécuteur de
la religion catholique. Il naquit à Constanti-
noplc, d'une famille noble, et fut gr\nnmai-
rien de profession, et fort exercé dans les
subtilités de la dialectique. Il était aussi
magicien ; et, comrueil se servait d'un bas-
sin pour prédire l'avenir, on lui donna le
nom de Léconomante, sous lequel il est le
plus connu ; mais on le norrrmait aussi Hily-
las ou Hilzila. Il fut abbé du monastère ue
Saint-Serge et Saint-Bacque, dans le palais
d'Hor-misdas, et compté entre le clergé im-
périal. L'empereur- Léon, ayant donc trouvé
cet homme propre à son dessein, lui promit,
s'il le faisait réussir, de le laire patriarche,
et lui donna ue oivlre en vertu duquel il
commença, vers la Pentecôte de l'an 814-, à.
feuilleter avec quelques autres les anciens
livres de toutes les bibliotlièques de Constan-
tinoplc, tant des églises que des monastères.
En ayant assemblé un grand nombre, ils
marquèrent les passages que leur indiqua le
concile des iconoclastes, tenu sous Constan-
tin Copronyme, mais ils brrllèrent plusieurs
livres qui leur parurent trop favor'ables aux
images. (Fleur-y, vol. III, p. 150.)
Il figura d'une façon excessivement fA-
chense pour son salut, dans l(>s persécutions
que les emper-eur-s d'Ori(Mit firent endurer à
l'Eglise à pr-opos des saintes images. Sous
l'empereur Tliéophile, en 830, il fut nommé
au siège de Constanlinople, à la place d'An-
toine de Syllé. Pendant tout le temps qu'il
fut sur le siège pali'iarcal , il per-sécuta vio-
lenrentles (;alholi(iues ; (piand l'irufiér-atrice
Théodor-a prit, en H\'2, la régence de l'em-
])ir-e, Jean fut déposé : elle appela urr oMieicM",
nommé Conslaritin, et l'eirvoya au patriarche
Jc.iii Léconomante, poirrhri dire: Plusi«|ui-s
moines et d'autres pei'sornres pieirses m'ont
inéserrté rerpièle |)oui' le rétablissement des
siintes iurages ; si vous en êtes d'accoi-d, l'é-
glise rt^irren-ua son ancien orrnnuenl ; sinon,
(prittez le siège, sortez de Conslanlinoplo,
et vous retir-ezà voli'e maisï)n de cam|)agne
jirs(iu'à ce (pie l'on (ieiine rrn concile où.
"vous assisterez. Car un veut vous y juger,
i545
JKA
Jt\
1346
et vous niontivr qiuM'ous soutenez une er-
reur.
Constantin trouva Jean coucIk^ sur un lit
do repos, en une dos iliainl)res du palais |»a-
riarral ; et , après (jn'il lui eut dit ce dont
'ini|>èratrict' 1 avait chargé, Jean n'-pondil
senlemt'nl ([u'il [U'cndrait conseil, elle ren-
vova anssilùi. lui niônie tein[)S, il [)ril unes
lancette, et s'ouvrit les veines du ventre,
pour penlr(> beaucoup de sang sans se uwA-
tre en dangei-. Ainsi, le bruit se répatidit en
un nioinent dans Tégiise ([ui; riui|)ératrice
nvait envoyé assassiner le |)atriar(;lie, et ce
bruit vint jnscju'au palais avant (|ue Constan-
tin y fill retoui'né. Le patrice Hardas fut en-
voyé pour s'int'oinier exactement de la vérité
du fait, et trouva (pie les plaies avaient été
faites exprès. joint le témoignage desdomes-
ti(jues pro|pre:. du patriarche, et la lancette
qui fut représentée. Jean , étant ainsi con-
vaincu , fut chassé de l'église et renfermé
dans sa maison de campagne, nommée Psi-
cha. (Fleury, vol. III, p. 309.)
C'est ainsi que cet évèquc intrus joua la
comédie pour se rendre iidéressant nu
peuple, qui sait? peut-être pour faire croire
a une |)ersécution exercée contre lui. Depuis
lors, Jean n'a plus aucun rôle historique re-
lativement au sujet que nous traitons.
JEAN 1" (saint), pape et martyr, était natif
de Toscane. Il passa successivement par les
différents degrés des ordres sacrés, jusqu'au
rang d'archidiacre, qu'il occupait lors de son
élection au trône pontitical, en l'an 523. Le
roi des Goths, Théo Joric, était alors maître
de l'Italie. On sait que ce roi fut un très-
grand prince, mais qu'il garda toujours une
cruauté et une barbarie, qui tirent tache au
milieu de ses brillantes qualités. Nous pre-
nons dans Fleury, vol. II, p. 525, la suite de
l'histoire.
« L'empereur Justin voulait obliger les
ariens à se convertir et faire consacrer leurs
cgiiïes à l'usage des catholiques. Théodoric,
roi d'Italie, en fut extrément irrité, et mena-
çait de traiter de même les catholiques en
Italie, et de la remplir de carnage. Il tit donc
venir à Uavenne le pape Jean, et l'obligea
d'aller en ambassade à Constantinople pour
faire révoquer ces ordres et rendre les églises
aux ariens. Avec le pape, Théodoric envoya
quatre sénateurs, savon* : Théodore, Impor-
tun et Agapit, qui avaient été consuls, et un
autre Aga[)it, patrice. Ce fut la première fois
qu'un pape lit le voyage de Constantinople.
On dit qu'en entrant dans la ville, par la porte
dorée, un aveugle le pria de lui rendre la
vue, et qu'il le lit, mettant la main sur ses
yeux, en présence de tout le peuple qui était
venu au-devant de lui ; car on lui rendait de
grands honneurs. Toute la ville l'alla rece-
voir jusqu'à douze milles, avec des cierges
et des croix ; l'empereur Justin se prosterna
devant lui et voulut encore être couronné
de sa main. Le patriarche Epiphane l'invita
h faire l'oQice, mais il ne l'accepta qu'après
qu'on lui eût accordé de s'asseoir h la pre-
mière place. 11 célébra donc l'ollice solen-
nellement en latin, le jour de Pâques, 30
mars, indiction troisiènn*, sous le consulat
de Philoxèue et de IMobus, c'esl-a dire en
Irll). Il (■oiuinuni(pia av«M- tous les évô(jues
d'Orieid , excepté Timothé(î d'Alex.'HicIrie,
enneun dt-claré du courilc de Chalcédoiire..
Le pape Jean s'ac(|uittalidèlement de sa com-
nnssio;i. (lar ayant représ(îidé à r(.'m(»er'eur
Justin le péril aurpiel était (ixposée l'Italie,
il obtint ce (pi'il demandait, c'est-à-dii'e cpie
lesaricMis demeur(!rai(!nt en liberté.
« Pendard (pu* le pape était à Coustantino-
l)le, h* roi Théodoric, lit mcdtre en prison les
deux plus illusli-es sénateurs, Symmacpu! vA
IJoëce, son geudi-o, ({ui tous deux avaient
été consuls. Ils fu rend accusés de crinuj d'état,
c'est-à-dire iU\ vouloir sout(Miir la dignité du
sénat contre les entreprises de Théodoric ;
et d'ailhïurs Hoôce était fort zélé pourla jeli-
gion catJKjlique, qu'il défendit par plusieurs
écrits. lien adressa deux au pa[)e Jean, alors
diacre de l'église romaine, savoir : un cordro
Eutychès et Nestorius, touchant les deux
natures et l'unique i)ersonnc de Jésus-
Christ. L'autre sur cette (piestion de logicjue:
Si le pèi-e, le (ils et le Saint-Esprit peuvent
être afiirmés substantiellement de la divinité.
Il adressa à son beau-père Symmaque un
autre traité, oii il prouve que la trinité est
un seul Dieu, et non pas trois dieux. Il s'é-
tait fort appliqué à la logique d'Aristote,
dont il traduisit et expliqua plusieurs traités;
et l'on i)rétend qu'il est le premier des La-
tins qui ait appliqué à la théologie la doc-
trine de ce philosophe. Le i)lus beau et le
plus fameaux de ses ouvrages est la conso-
lation de la philosophie, ciu'il composa dans
sa prison, et où il parle dignement de la pro-
vidence et de la prescien'ce de Dieu. Il fut
arrêté à Pavie et mis à mort dès l'an 52i,
sous le consulat de Justin et d'Opilion, indi-
ction seconde ; et son beau-père Symmaque
fut arrêté après lui et mis à mort l'année
suivante 525.
« Le pape Jean étant revenu de son am-
bassade , fut aussi arrêté à Ravenne, par
ordre du roi Théodoric, avec les sénateurs
qui l'avaient accompagné , apparemment
comme complices de Boèce et de Symmaque.
Théodoric était irrité contre le pape en par-
ticulier à cause des honneurs qu'il avait
reçus à Consta lîinople. Toutefois craignant
l'indignation de l'empereur Justin, il n'osa
les faire mourir; mais il les tint en une
rude prison, où le pape Jean mourut de
maladie, le 27 niai 526, sous le consulat
d'Olybrius, après avoir tenu le saint-siége
deux ans et ne.if iuois. Son corps fut trans-
féré à Rome et enterré à Saint-Pierre, et
l'Eglise honore le jour de sa mort comme
d'un saint martyr. »
JEAN (saint)," martyr, cueillit la palme du
martyre à Cordoue, pendant la sanglante per-
sécution que les Arabes y suscitèrent contre
les chrétiens. Il eut pour compagnon de ses
combats son glorieux frère saint Adulphe.
L'Eglise honore la mémoire de ces deux
saints martyrs le 27 septembre.
JEAN ( saiiJi), martyr, fut du nombre des
saints dont les historié is parlent, comme
1517
JEA
JEA
1348
ayant été martyrisés on tonrmont^s clans le
XI' siècle par les j)oiiplailes encore l^aibares
des Slaves et des Vand.ilcs, dans le pays de
Ratzboiirg. Pressé d i désir ardent de pnrler
la lumière de la foi aux païens, il était venu
d'Ec sse en Saxe dans un âge déjà assez
avancé. 11 avait déjà baptisé plusieurs mil-
liers de Slaves quand il devint enlin victime
de son zèle. Avant été fut pr sonnier, il eut
à souffrir mille mauvais traiteuKMils dans
son cachot, il l'ut ensuite traîné |iai- toutes
les villes du pays recevant des coups de bâ-
ton cl pressé sans cesse d'a;!0sta,^ier la foi
qu'il était venu prêcher. Les païens n'ayant
pu réussir, lui coupèrent les mains et les
pieds et ensuite la tète qu'ils promenèrent
piquée au bout d'une lance, et oUVirent eu-
suite à leur idole nommé K.idegast. Son mar-
tyre, au rapport des historiens du lemjts,
arriva le 10 novembre 10G6. L'Egli^e fait sa
fête le lo juillet.
JEAN DEi'ÉUOUSE (saint), prêtre de l'or-
dre religieux fondé par saint Franrois d'As-
sise, fut envoyé en Espagne par ce saint en
1219 ou 1220, avec Pierre de Sasso-Ferrato,
pour y convertir les Maures. Ils vinrent d'a-
bord à Tuerel, dans lo royaume d'Aragon,
et y établirent un couvent, si toutefois on
peut nommer ainsi deux pauvres cabanes ou
cellules qu'ils avaient bâties auprès d'une
église. Bientôt leurs prédications et l'exem-
plc de la sainteté de leur vie les rendirent
l'objet de la vénération de toute la contrée.
Dans l'intérêt de la pi"opagalio:i de la foi, et
conformément aux ordies de leur saint fon-
dateur, ils SP! rendirent à Valence, ville qui
était SOUS la domination des Maur s, et dans
liquélle régnait Azote, ennemi achainé des
chrétiens. Ils prêchèrent aux habitants les
vérités de notre foi, et enti-eprirent de leur
montrer la fausseté des dogmes de la croyan-
ce mahométano. Cela étant arrivé aux oreil-
les du roi, il les ht arrêter et jeter dans une
prison. Il nnt tout en œuvre pour ébranler
et corrompi-ela foi de ces généreux prédica-
teurs de l'Evangile ; mais ses mer.aces p.is
plus que les promesses de faveurs, de places
et d'argi'Ut, ne purent les gagner : alors il
les condamna à avoir la tête tranch'e, ce
qui fut exécuté, l'an 12.'J0, On dit que de
nombreux miracles s'accomplii-enl sur leur
tombeau. L'Eglise fait leur fêle le 3 sep-
tembre.
JEAN Nf<POMUCÈNE( saint), naquit en
1.3.'{0 à Népomuck, ville peu considérable de
IJohêiiie et située à p(Mi de distance de Pra-
gue. Ses par(Mits le consacrèrent à Dieu en
reconnaissance de la |)io'(Mti(Hi (pic la très-
sainte Vierge hiur-avait accor'déedans une; ma-
ladie qui le mit en gr'andi)éi-ild('s lespiemiris
joui's (Je sa naissanc(;. il reçut une brillante
éducation et prit le degré de docliMii' à ^u-
nive|•sltédel'r■ague,que<;llarl(•slV,emp(!r■eur
d'AlhMiiagne, vtiiail de fonder. Il avait un ta-
lent particulier' pnur' la jjaiole. Aussi, sesen-
laiil une lorli! inclination poui' le saceidoe*',
aus.sii(U ipj'il fut oi-di»nné prêtre, son évè(pio
liiiconha la (;liaw(! d(; la pai'oisse de Noliti-
Daaic-du-'i'ciu. 11 lit un bien immeiiiic cl i*:*
eiuniant'^ couraient en foule pour l'écouter. Sur
ces enlr-efaites, l'empereur Char-les IX étant
venu à mourir-, son lils Wenceslas, surnom-
ni(' dans l'histoiie le Fainéant et \'Jrro(fne,
lui succéda. Ce jeune [)r:nce ayant entendu
pailtM- (1(( notri' saint, et voulant appréc-ier
son mérite par lui-même, le nomma pour
pi'êcher l'Avent à la cour. 11 fut si tnuché de
son éloqu(nce qu'il arnêta quel([ue temps
ses dél>oi"dements et (ju'il voulait nommer
Jean air siège épisco[)al de Leitoméiitz, (jui
était vacant. Il le refusa ainsi (jue la|)révôté
de Wischeradt, (jui rapportait cent mille flo-
rins de revenu par an. L'impératrice Jeanne,
fdio d'Albert de Bavière, comte de Hainaut
et de Hollande, connaissant le mérite et la
sainteté de notre saint, le choisit pour di-
recteur de sa conscience. En [)eu d'années,
elle lit de rapides [)rogrès dans la vertu et
elle apprit à supporter avec joie les peines
continuelles que lui faisait endurer Wences-
las par son carMctère jaloux et emporté. La
piété de l'impératrice ne lit qu'irritu' le ca-
ractère féroce de ce derniei-, et il résolut de
se faire dévoiler jiar Jt-an tout le secret des
confessions de son épouse. Notre saint s'y
refusa courageusem* nt, faisant voir à ce
prince tout ce que sa démarche avait d'o-
dieux. Wincf'slas le (it jeter dans un cachot,
lui d sant qu'il n'en sortirait que (prand il
aurait satisfait à sa demande. Quelqms jours
après cependant, un gentilhomme vi'it le dé-
livrer le i)rianl de la part du roi d'oublier
tout le passé et de venir drner le lendemain
avec lui. Le lend(nnain notre saint se rendit
à l'invitation de Wenceslas. Après le re[)as,
l'emjier-eur renouvela sademande, mais inu-
tilement; alors, plein de fureur, il lit recon-
duire Jean en ()r'ison, oi"donnaiit ((u'on l'y
tr-..itat avec la derriièi'O inhumanité ! Les
bourreaux l'étendii-ent sur un chevalet, lui
aiV)li(picrent des torches ardentes sur les cô-
tés et aux parties du cor|)s les plus sensi-
bles. On le retira du chevalet pi'esque expi-
rait. L'impératrice ayant ap[)ris tous ces
événements, alla se jeter aux pieds de son
époux et en obtint l'élar'gissinnent du saint.
Celui-ci persuadé que ce pardon n'était iju'un
feu caché sous la cendre, se ])répara à la
mort, dit adieu à son clei-gé et à son troii-
oeaii et alla ensuite à Brunfzel visiter- la cé-
lèbre image de la .Mère de Dieu (pie saint
Cyrille et saint Méihode, apôtres des Escla-
vons, y avaient |)lacée autrefois... 11 revint
sur ic soir de sjii pi(Mix pèler'inag(\ L'em-
percMU" (fui l'egardail j)ar une ftniêlre du pa-
lais, le vit passer et sentit sa colér-e se ral-
lurnc'r. 11 lit viniir- Jean sur-le-champ et lui
dit d'opter imli-e la moi't et la i-évélation de
la conli.'ssion de l'impéiMliice. Notre saint ne
réponditque par- le silence ; alors Wenceslas
ne gai'daiit jilus aucune mesur(>, s'écria :
« Ou'on m'ôiccet homme de diMai't lesymii
et (pi'on le jette dans la livièr-e aussit('it (|ue
les léiiebiH's sei'ont assez épaisses pour ca-
clier au peuple la connaissance de l'exécu-
tion I » Il fut précipité, les pieds et les mains
liés, dans la Aluldaw, la veille do l'Ascini-
bioUf 10 luui IJbJ. A iiciiie lo uiurlyr cul-il
I3i0
JEA
JEA
i3r>(i
étt'> t'IniillV! sons les oaii\, (|uo son corps, (|iii
flollailsiir la rivière, lut t'iiviidii'itWruiic lu-
iniùri' ct^li'S'o (|iii allira uni' Ion •• do spcda-
tours. HiciiUM révciu'nni'il ne fut mm secret
pour persuni'O. Sou coipsfiit tiaMsporlé dans
l'(\^lise (le Saiiile-Croiv-(les-l»éiiile!ils où
chacun s'euipressail d«' lui liaiser les pieds
et les mains. (Juaiid le tondieau (pi'on lui
pn^parait dans la cathi-diale l'ut acliev', on y
poi'la soleiiiiellenient ses i'eli(iues et on y
gravacetl»! (^(lilaplio (]u'on lit eucoiu; aujoin-
dliui : Sous celte pierre repose le corps
du (rès-rénénthie et très-ylorieiix tltanina-
tnnje Jean i\epoinneèiie, docteur, clunioine de
cette lùjlise et confesseur de riinjierotricc, le-
quel, pour avoir été conf,l(niiiiie>it fidèle à (jar-
der le sceau de la confession, fut cruellement
$ournienté et précipité du pont de l'raijuedans
la ricière de Muldaw par les ordres de U'en-
ce!<las IV, empereur et roi de Jioliéine, /ils de
Charles jy, l'an mil trois cent (/uatre-vine/t-
trois. i] s'opéra un grand nombre do mira-
cles sur lo tombeau de Jean, ([ui prouvèrent
la place (ju'il occupe au ciel. L"l"]glise lait sa
i'ùle le 10 nuù. Pour sou meurtrier, apiès
avoir été déposé, on l'rOO, par les princes de
rEmjiij'e, il mourut l'rai)pé d'apoplexie au
milieu de ses désordres, sans avoir eu le
temf)s de rentrer en grâce auprès du souve-
rain juge.
JKAN ( saint), martyr, vulgairement saint
Milhey, soullrit le martyre à "NViIna, vers
13V2, avec saint Antoine et saint Eustache.
( Voy. l'article saint Antoine, pour plus de
détails.)
JEAN ( le bienheureux ), Franciscain, de
Monte-Pulciano en Toscane, soutl'rit le mar-
tyre au Caire, vers l'année 1345. Au mo s
d'avril de cette année, un chi-étien génois
ayant renié sa foi, notre saint i'alla trouver
seci'ètemeut et le fit rougir de sa faute. Le
renégat, ramené à Dieu pai" les exhortations
de Jean, se rétracta publiquement et fut con-
damné à mort ; mais les nmsulmans ayant
r.-ppris que notre saint était la cause de cette
conversion, le lorturèient cruellement et les
mirent enlin tous deux à mort. Le Génois
eut la tète tranchée, Jean fut partagé en
deux. (Wadding, an. 13'«5, n° k. Chronique
des Frères Mineurs, t. II, p. 26G bis.)
JEAN DE CÉTiNA ( le bienheureux ), na-
.quit en Aragon. Après avoir passé quelque
temps au service d'un gentilhomme, touché
par la grice, il se retira dans l'ermitage de
Saint-Genèt près Carlhagène. Il y séjourna
plusieurs années, après quoi il prit Ihabit de
Saint-François au couvent de Montion. Ses su-
périeurs, qui lui avaientreconnu beaucoup de
piété et d'intelligence, le lirent étudier àJiar-
celone et élever au sacerdoce. Dès lors, en-
flammé du zèle de gagner des âmes à Jésus-
Christ, il se rendit à Rome alin de solliciter
(lu pape Boniface IX la permission d'aller ré-
jmndre la semence de l'Evangile à Jérusalem.
i^e pape lui accorda l'autorisation de prêcher
dans la Palestine, à condiiion qu'il n'entre-
rail pas dans cette ville, où ses prédications
pourraient causer un grand préjudice aux
frères de la famille Franciscaine de Terre-
Sainte. Celte rosiricfion changea les idéen
de Jean, ipii résolut alors de donner ses
soins à la convervsion des inlidèh-s de (ire
nade et de l'Andalousie. De retour d<! son
voyage h Uome, il conlia sa nouvelle l'éso-
Inlion à Jean Vital, provitici.d de(^aslille, et
lui demanda l'autorisation de pariir. Ccdui-ci
lui repii'scnta les grands druigers rpi'il cour-
rait et l'envoya au couvent du Mont près
('ordoue, alin de s'y éprouver. Il y resta une
aimée environ, après quoi Jean Vital, l'rap|)ô
d(; |tiusieurs miracltss (pie notre saint avait
opérés, lui accorda sans diflicullé la per-
mission que son zèle sollicitait avec tant
d'ardeur. Une révélation avait ai)[)i'is ànotro
bienheureux (jiiele frère Pierre de Duegrias,
en (bastille, serait comp/ignon de son mar-
tyre. On le lui associa donc, et ils partirent
t(»us deux pour Crenade,où ils arrivèrent le
8janvi(!r 1397. Le peuple s'émut de leur ar-
rivée. Lu cadi, dé[)ositaire de l'autorité jK-n-
dairt l'absence momentanée du chef Maho-
mel-Aben-iJalva, les (it aimmei- à son tiibu-
n;d, et ils ne se cachèrent point du motif (|ui
les amenait. Le jugen'osairt j)iendie sur' lui
de les maltra.ter, leur enjoignit, sous peine
de la vie, de quitter le territoire de Grenade.
Le lendemain, malgré l'ordre du cadi, nos
])ionheuieux se mrrerit à i)r-ècher dans la
vilie, et furent aussitôt jetés en pr-ison. Quel-
que temps apr^ès, on les envoya travailler
aux vi.-iiies avec des esclaves ; le rude travail
auquel ils selivraient et les exer'cices de leur
zèle, les hrent tomber malades, mais Dieu
exauça leurs ferventes prières et leur rendit
la sanlé. Après deux mois de séjour aux vi-
gnes, ils revinrent à Grenade. Un jour, Jean
ayant rencontré par la ville une troupe de
mahométans, il se mit à leur expliquer la pa-
role de Dieu et à qualifier Mahomet d'im-
posteur. Ceux qui l'entouraient le conduisi-
rer.t aussit(jt à Mahomet-Aben-Balva, qui
était de retour de son voyage à Malaga. 11
appliqua lui-môme plusieurs coups de bâton
à notre saint, ensuite l'ayant fait dépouiller
de ses vètenients il commanda de l'achever
à coups de fouet. Mahomet-Aben-Balva mit
fin lui-même à ses tortures en lui tranchant
la tète avec son glaive, le 19 mai. Il ordonna
ensuite à Pierre de lui obéir et de renier sa
foi... Promesses, menaces, tout fut inutile ;
alors il le titfusti-,er ciuellement, après quoi
il lui coupa lui-même la tète comme à son
compagnon. Leur martyre arriva le 19 mai
1397. lia populace traina leurs corps par la
ville, mais les chrétiens recueillirent leurs
membres dispersés, et aujourd'hui encore
une grande partie de leur-s saintes reliques
se voient à Vie en Catalogne. (Uinaldi ,
an. 1397, n" 17.)
JEAN DE FRANCFORT ( le bienheureux),
était Dominicain. Ce saint religieux, sans ter-
miner sa vie par le glaive, eut néanmoins le
glorieux privilège de souffr'ir pour Jésus-
Christ. C'était un théologien célèbre. Rem-
\)\i du désir de gagner des âmes à Jésus-
Chr'ist, il partit pour annoncer la foi aux in-
fidèles et fut pr-is par les mahométans de
Baibarie. Jeté dans un noir cachot, il souf-
1351
JEA
JEA
1352
frit la faim et la soif pondant cinq longues
années. Le pape Boniface IX, qui avait été
instruit de cette captivité, résolut de le ra-
cheter. Les mahométans demandant un prix
trop élevé et que Tordre ne pouvait fournir,
Boniface lit un appel général aux fidèles, et
notre bienheureux rerut enfin sa liberté.
(Fontana, Monumcnta Dominicana, an. 1398.)
JEAN (le bienheureux ), naquit à Troïa
dans la Fouille, de parents peu fortunés.
Avant suivi un Espagnol dans sa patrie , il
fut si édifié de la vie sainte que menaient les
Franciscains-Déchaussés de la province de
Saint-Gabriel, qu'il prit leur habit sous le
nom d'Alexandre ; le vicaire général de son
ordre, connaissant son imniense désirde ga-
gner des Ames h Jésus-Christ, l'envoya avec
le frère Barthélémy de Castello et deux au-
tres, prêcher l'Evangile en Barbarie. Ils y fu-
rent accablés d'injures, fouettés, puis jetés
dans une citerne oii il n'y avait plus d'eau.
Ils y restèrent vmgt-deux jours sans nour-
riture, et les infidèles avaient la barbare dé-
rision de leur apporter chaque jour un vase
rempli d'innnondices. Des Juifs toucliés de
comi)assion leur donnèrent un i)eu de nour-
riture. Leurs persécuteurs les vendirent en-
suite à des marchands chrétiens. Alexandre
revint en Espagne avec ses compagnons. Dé-
sespéré de n'avoir pu donner sa vie pour Jé-
sus-Christ, notre bienheureux obtint la per-
mission de se rendre à Bome on Louis de Fos-
sembrun l'admit au nombre des Capucins,
l'an 1530, sous le nom de Jean. Il se rendit
en Fouille et de là dans l'Ombrie. Il se lia
d'amitié avec un autre capucin nommé Jean
Zuaze et i's se rendirent à Constantinople.Ils
y furent battus et mis en prison. Des mar-
chands chrétiens payèrent leur rançon et ils
s'embarquèrent pour se rendre à Jérusalem.
De ià, ils partirent au Caire et se firent pré-
senter au gouverneur pour tenter de le con-
vertir, sous prétexte d'une communication
importante. Celui-ci les remit aux mains du
cadi qui les fit fouetter cruellement; après
diverses tortures, ils furent condanniés à
moïnir de faim en prison. {^Annales des Frè-
res-Mineurs Capucins, traduites i)ar le F. An-
toine Baluze, t. I, p. 50G. ( Chroniiiues des
Frères-Mineurs, t. 111, pag. OG'i- ; t. IV, pag.
JU. )
JEAN DE LA FITIÉ ( le bienheureux ), Do-
minicain du couvent de Mozambique, s'ef-
forçant un jour , sur les bords du Zambèze,
de gajp'ner h la foi un chef infidèle, fut jeté
par lui dans les fers (;t cruellement massacré
en 1592. (Fontana, Monumcnta Dominicana. )
JEAN (le bienheureux), était le serviteur
du bienheureux Antoine, fils de Xi(Olenc<"dt,
élève du séminaire rpje gouvorn.iit à Tlas-
cala au Mc'xiquo h; F. Martin de \'al('nce. Il
l'avait suivi par dévoïKîinent. Antoine , son
maître, ainsi (pie Didace, autre élève du sé-
minaire, aeconipagnaiiml Bernardin de .Mi-
rias.'i (jui allait ii (iuaxaOona avec Alvarez de
S<-indoval. Arrivés h Tépéara, dist.'.iilc! de dix
iicMies (\ii 'ri.iscala, les vnyageurs conuiUMi-
«èrf.'dl ij bris(Mles idoles des habilanis de ce
lieu et des environs. Ceux de Técali el de
Quantitlan les avaient cachées. Bernardin
engagea ses jeunes com[)agnons à faire des
fouilles pour les chercher. Ces investigations
irritèrent tellement les idolâtres, (ju'iJs ré-
solurent de tuer ces jeunes gens. Four cela,
ils les épièrent, car ils n'osaient pas accom-
plir leur crime ouvertement. Antoine et Jean,
son serviteur, étant entrés dans une mai-
son hors de la ville, en l'absence du proprié-
taire, pour y faire leurs fouil.es, furent sui-
vis par des indigènes (pii les assommèrent
surplace. Ce crime devait, s'il était découvert,
attirer sur ses auteurs des cliAtiments sévè*
res.Les meurtriers, pour déjtister les recher-
ches, iiortèi'ent les cadavres dans un en-
droit éloigné et les jetèrent dans une fosse
profonde. Cependant les assassins furent
découverts et on les fit f)enu; e.
Il ne paraît pas facile do justifier par les
règles ordinaires le zèle do Bernardin et de
ses jeunes compagnons. F.>nr ne pas le con-
damner, il faut, comme le fit Martin de A'a-
lence, supérieur du couvent de ïlascala, ad-
mettre une intervention directe du Saint-Es-
prit : sans cela, nous ne saurions voir dans
la conduite des briseurs d idoles qu'un zèle
inconsidéré. Que font les idoles sans le culte
qu'on leur rend? Bien évidemment. Ce qu'il
faut détruire, c'est le culie et non l'idole.
L'idolâtre converti brisera de sa main le ri-
dicule objet de son adoration ; si on brise
l'idole avant de convertir son adorateur, il
demeurera d'autant plus attaché h sa croyance
qu'il la verra persécutée. La violence en au-
cun cas ne sauiail plaire à Dieu, et ne peut
produire de bons fruits. La prédication vaut
infiniment mieux que les moyens violents,
qui ne sont le fait que des persécuteurs.
JEAN (saint), martyr, cueillit la palme du
martyre en Fologne avec d'autres compa-
gnons, ermites comme lui. Ce furent les
saints Benoît, Mathieu, Isaac et Christin.
L'E.;lise lait leur fête le 12 novembre.
JEAN GABRIEL (le bienheureux), prêtre
portugais, fut un des derniers prêtres catho-
îifiues (}ui restèrent en Abyssinie après le
déj)<ut ou la mort des missionnaires, lors do
la [)ersécution (jue Basilides,Négous du pays,
suscita contre les catholiques. [Voy. Melca-
Chiustos.)
JEAN, prince chinois, troisième fils de
Sounou, régulo, s'était fait distinguer par
sa sagesse, par son habileté dans l'art de \n
guerre. Il était fort instruit dans !a connais-
sance des livres chinois el tartares. L'empe-
reur, j)our lui en montrer sa satisfaction, l'a-
vait élevé à la dignité de cong, c'est-h-diro
de régulo du cincpiième ordi(!. ( Ce litre de
r('(/ul() est un mot de sig;iilit'ation euro-
i)é(mn(! (|ui n'existe pas à la Cliine. Dans le
langage; européen il veut dire petit roi. On In
donnait h des princes classés dans plusieurs
ordres. On ajiftelait tsinrant ceux du i)re'
inier : kiunvani ceux du deuxième ; ;;ff//^
ceuxdu troisième ;pcitsévcn\ du (piatrièine;
conç/vanx du ciiiipiième. Venaient ensuite les
graiuls mandarins do fFinpire. Le mol man-
darin est inconnu à la Cli; ne : il vient du
ujol mandur, j)orlugais, vc.m lui-même du
P
1353
JEA
ji:a
155i
niotl;itin, matufnrc.) l/omporciir lo destinait
à (Mic lo successeur do son père, réj^ulo du
troisiùino ordre, conuno nous avons jju lo
voir au tilro do Pcylc ajouté h son nom.
Ayant a[)prisquo son IrcVe, ledixièiiu' prince
dô la lainille, s'était converti au christianis-
me, et avant pris connaissance des lettres
écrites par lui, pour engager son pérc et sa
famille A en l'aire autant, il on fut fort atten-
dri ; mais intérieurement il éprouvait une
sainte envie en se voyant préveiui par ce
frèie plus jeune que lui et h qui il avait
donné les premières notions do la loi chré-
tierme, et il résolut de l'imiter le plus promp-
temont possible. Sa complexion délicate, sa
santé altérée, faisaient qu'il s'abstenait sou-
vent d'all»'r à certaines assemblées où l'ap-
pelaient les devoirs dosa charge et pour les-
quelles du reste il n'éprouvait plus aucun
goût. Voyant cela, remporeur Kang-hi le des-
titua pour le punir de sa négligence et l'a-
baissa d'un degré. Bientôt le prince Jean
donna sa démis.-ion pour ne plus servir que
Dieu. 11 renvoya une concubine de laquelle
il avait un lils qu'il instruisit lui-même des
vérités chrétiennes. Cet enfant mourut à onze
ans après avoir reçu le baptême. Peu de
temps après, malgré que son père n'y voulût
pas consentir, le prince lui-même le reçut
aussi, le jour de l'Assomptiou de Notre-
Dame en 1721. Il fut nommé Jean, nom que
nous lui avons déjà donné au commence-
ment de cet article. La princesse Cécile sa
fennne, sa belle-fille Agnès, ses deux petits-
fils Thomas etMathieu, reçurent aussi le bap-
tême, ils reçurent les noms sous lesquels
nous venons de les désigner. Le vieux ré-
gulo ayant appris ce qui s'était passé, interdit
l'entrée de son palais à ses fds et alla jus-
qu'à les menacer de les déférera l'empereur.
Le prince Jean avait élevé une chapelle dans
son palais : deux fttis le jour, il y assemblait
sa famille et ses domestiques pour les caté-
chiser. Quelque temps après, il servit de
parrain au jeune prince Michel, tils de son
frère Paul, dixième de la famille. Lorsque
l'empereur, qui avait appris les conversions
opérées dans cette sainte famille, eut sévi
contre le vieux régulo, comme on peut le
voir à son titre, et c^ue ce dernier, croyant
apaiser sa colère, eut pris la résolution de
livrer ses fils chrétiens, le prince Jean se
laissa enchaîner sans mot dire avec ses frè-
res Paul et François. Quand on vint lui ôter
ses chaînes, il en témoigna toute sa douleur;
il regrettait l'occasion qu'il perdait de souf-
frir le martyre. Il suivit avec tous les siens
son père et le reste de sa famille, condamnés
à l'exil par l'empereur le 15 juillet 1724-. On
peut voir à l'article SotNou ce qui est relatif
à cette famille exilée.
JEAN, fils de Laurent, chef de la famille
des Tcheou, servait dans une des huit ban-
nières du céleste empire. Ils furent atteints
tous deux par la persécution qu'avait susci-
tée en Chine la dénonciation du chef com-
missaire du tribunal des niathématiques. Le
7 janvier 1769, ils comparurent devant le
tribunal. En voyant le vieux Laurent, les ju-
DicTiONN. DES Persécutions. L
ges le reconnurent pour avoir déjà confessd
la foi trente ans auparavant, (^omnie ils con-
naissaient sa fermeté, ils lésolurent de le
faircï tomb(!r en l'attaipianl par un cAté sen-
sible, l'amour singulier qu'il portail à .son
lils. On se saisit do ce dci'iiic!!', et on lui ap-
l)li(|ua vingt-sept cou|)s de fou(>l. Le 8, il alla
visiter les missionnaiies, leur (h-maiidii leur
bénédiction ; et lo 9, a|)rès avtjir eonununié,
il rotouj-na au combat. Il ne reçut ce jour-là
(juo trente coups de fouet et le vieux Lau-
rent cinquantro-qu.itre. Le 11, il com|)arut
do nouveau devant le tiibunal du mandaiin
qui lui demanda : Kenonccz-vous, oui ou
non? Il répondit : J(! ne renonce point, et
sur cette réponse il reçut vingt-sept coups de
fouet. On lui fil la même question trois fois
encore ; trois fois il fil la même réponse et
reçut vingt-sept coui)S de fouet. Son père fut
battu égaleaient à plusieurs rei)iises sans
donner la moindre marque de faiblesse.
Bientôt pourtant, vaincu par la vue des souf-
frances que subissait son fils, il succomba
et renia sa foi. Jean olfrit à Dieu celle nou-
velle douleur et n'en devint que plus coura-
geux dans sa résistance. Pendant une demi-
heure, onlemit à genouxsur desfragments de
porcelaine brisée ; après ce cruel supplice, il
fût battu quatre fois encore et tomba sans con-
naissance.On profita de ce moment pour saisir
sa main défaillante et former son Lom d'une
manière informe au bas d'un billet apostati-
que. Quand il revint à lui, il prolesta contre
cette violence, s'écriant qu'il était chiétien ;
alors on le remit à genoux sur les fragments
de porcelaine cassée, et bientôt il retomba
de nouveau sans connaissance et sans force.
L'officier le fit alois conduire hors de la
cour : il était dans un état horrible. Cepen-
dant Dieu, qui voulait le récompenser de s s
courageux combais, lui rendit bientôt la
santé, et un mois après il vint remercier
Dieu dans l'église des missionnaires. (Foy.,
pour plus de déta.ls, l'ariicle Chine. )
JEAN (le bienheureux), renégat allemand,
né à Cologne, s'était soumis au joug hon-
teux de Mahomet, et depuis dix ans était ar-
tilleur au service des musulmans et employé
à leur poudrière d'El-Kalif, sur le bord du
golfe Persique. A\ant appris les nombreu-
ses conversions que le P. Gaspard opérait à
Ormuz, il lui écrivit que si les Portugais lui
accordaient un sauf-conduit, il se retirerait
dans cette ville et ferait pénitence de son
apostasie. Gaspard lui réponctit qu'il l'atten-
dait, et qu'il eût à venir sans crainte ; mais
la lettre tomba entre h s mains du gouver-
neur qui fit venir notre b enheureux. Celui-
ci lui déclara qu'il était chrétie; . Les musul-
mans qui assistaient à son interrogatoire, se
jetèrent sur lui remplis de fureur ei le mas-
sacrèrent. On lui trancha la tête, qui fut
mise au bout d'une lance plantée sur le mur
de la forteresse. Quand les Portugais se fu-
rent emparés d'El-Kalif, ils apprirent tout ce
qui s'était passé, et rapportèrent la tête à
Ormuz avec grande pompe.
JEANNE ( la bienheureuse ), martyre au
Japon avec Agnès, sa belle-fille, épouse de
43
1355
JEÀ
JKR
4556
Tacuenda ; Madeleine, veuve de Minanii, et
Louis, lils adoptil' de cette dernière et de son
mari, mourut pour Jésus-Ciu-ist eu Tannée
1602. On peut voir aux articles Minami et
Tacuenda comment ces saintes femmes les
encouragèrent au martyre, comment la mère
et lépouse de Tacuenda turent les coura-
geux témoins de sa mort. L'arrêt qui avait
prononcé la peine ca|)itale contre ces deux
saints, condamnait les saintes que nous ve-
nons de nommer à èlre cruciiiées. Après la
mort de Tacuenda, Jeanne et Agnèsvenaient
de passer dans un cabinet attenant h la cham-
bre où l'exécution avait eu lieu. Elles avaient
avec elles la tète du saint martyr ; elles Tem-
brassaient et la couvraient île larmes. Tout
à coup, un boniieur inattendu leur l'ut donné.
Madeleine, femme de Minami, entra avec le
petit Louis, enfant Agé de sept ou huit ans,
qu'elle et son mari avaient adoi)té, n'ayant
I)as de progéniture. Elle leur dit qu'elle ve-
nait partager avec elles le bonheur de mou-
rir pour la foi, et leur annonça que le lende-
main elles allaient être crucitiées ainsi que
le [)etit Louis dont l'enfance n'avait pu heu-
reusement désarmer les persécuteurs. Elles
éprouvèrent une grande joie. L'enfant était
dans un ravissement qui tenait de l'extase.
Les bourreaux ne voulurent pas les exécuter
en plein jour; on attendit que le soleil eût
disparu de l'horizon pour faire place aux té-
nèbres ; on mil les saintes femmes et l'en-
fant dans des litières pour les conduire au
lieu du supplice. La mère de Tacuenda jiria
les bourreaux de vouloir bien la clouer sur
la croix alin que son supplice ressemblât à
celui de Jésus-Christ ; mais ceux-ci refusè-
rent en alléguant qu'ils n'avaient pas d'or-
dres et se contentèrent de l'attacher comme
c'était la coutume au Japon. Alors ils élevè-
rent en l'air la victime ; la sainte femme
voyant que malgré les ténèbres une grande
multitude de peuple était venue, parla avec
beaucoup d'éloquence et de force contre le
culte des idoles. Les bourreaux ne la laissè-
rent pas achever et lui donnèrent un coup de
lance qui, ne l'ayant que légèrement blessée,
dut être suivi d'un second qui lui {)crça le
cœur. On crucitia Louis et sa njère vis-à-
vis l'un de l'autre. Le bouneau ayant voulu
Percer Louis d'un coup de lance, ne fit que
elUeurer, Craignant qu'il eût peur, sa mère
lui dit de prier Marie et Jésus : il obéit, re-
çut un second coup et mourut sur l'heure.
La lance encore funianle du sang de l'enfant
vint fra[)[)er à mort la mère. Restait Agnès :
sa jeunesse, l'éclalanlf! beauté (pii resplen-
dissait en (iil(% S(jn extrême lioui (uir, atten-
drissaient tous l(;sas>islaiils. Elle demeurait
agenouillée au pi(;d (U; la croix (lui lui était
destiiiéi". Personne n'osait venir l'y allât liei'.
Voyant cela, elle- s'y nlaça elle-mêmo de son
mieux (;t pria les .sold.ils de l'aider. Mais la
modesti(!, mais la grAce <pi'ell<; lit voir dans
celle circonstance, achevèrc-nl d(j lui gagner
tous l(;s coîurs ; les soldats refusèrent d(! la
Rii|)pli(:i(T. C(i fur<!nl ipiehpies misérabhvs de
la lie (lu peiipl()(]ui s*-. Iruuvaionl là, (pii, dans
'.'espoir (lu ijaiti, remplirent cet (•llice. Inha-
biles à se servir de la lanee, ils lui en portè-
rent un très-grand nombre de coups avant
de la tuer.
JEANNE (la bienheureuse), fut raariyrisée
au Japon en KH.'L dans le royaume d'Arima
avec son mari Adrien Tacafatimundo, sa hllo
Marie-Madeleine, vierge vouée au Seigneur,
Jacques son tils. Agé de 1*2 ans, Léon Tacuen-
domi Cuniémon, son lils Paul, Agé de vingt-
sept, ans Faiuxidn Luguyemon (Léon), Mar-
the sa femme, 'i'ous furent condamnés au
suppliée (lu feu. Quand l'humidité du bûcher
se fut dissipée, la tlamme resta claire, et on
put voir les saints martyrs dont le calme et
la résignation attiraient l'admiration géné-
rale. Jacques, fils de notre bienheureuse et
d'Adrien Mundo, apparut détaché aux yeux
des sjKM'tateurs. Sans lui faire beaucoup de
mal, le feu avait consumé ses liens ; il cou-
rait au travers des Uammes et des brasiers :
craignant (jue ce fût pour s'échapper, la
foule lui cria d'avoir courage ; mais on cessa
d'avoix cette crainte, lorsqu'on vit l'enfant
se retourner avec calme et aller vers sa mère
({u'il entoura de ses bras, voulant mourir
avec elle. La sainte femme, qui paraissait
morte, se réveilla à cette étreinte, et comme
si elle eût oublié ses souffrances, elle ne cessa
plus d'e'icourager son hls à accomplir jus-
qu'au bout le sacrifice de sa vie pour Dieu.
Peu après, ses liens éiant brûlés, elle tomba
sur son tils, le couvrant de son corps. Ils
expirèrent ainsi.
JÉRÉMIE (saint), reçut la glorieuse palme
du martyre à Apollonie en Macédoine. Il eut
pour compagnons de son triomphe les saints
Isaure, Félix, Innocent et Pérégrin, Athé-
niens. Ces courageux combattants de la foi
furent livrés à diverses tortures, puis déca-
pités. On ignore la date et les différentes
circonstances de leur martyre. L'Eglise fait
collectivement leur mémoire le 17 mai.
JÉRÉMIE (saint), martyr, fut mis à mort à
Césarée de Palestine en l'an de Jésus-Christ
309, sfms le gouverneur Firmilien, avec
saint Elle et ses compagnons. {Voij. Elik.)
Ils étaient tous Egyptiens, et revenaient do
Cilicie où ils étaient allés rendre visite aux
confesseurs qui avaient été condamnés aux
mines. En passant à Césarée, ils furent ar-
rêtés, et conduits au gouverneur, (pii, ai>r(';s
les avoir fait cruellement tourmenter , leur
lil tiancher la lête. L'Eglise honore leur mé-
moire le IG février. {Voy. Eusèbe, Des murt.
lie Pal es t.)
JÉRIvMlE (saint), moine, avait fondé le mo-
nastère (leTabane. Il ('lait très-vieuv enH.'iO,
(juand,ave(;less.iintsPieri'eprètie,\'alabonse
(îiacre, Sabinien, >'i.sli('mond et ll.dioniitis, il
vint à Cordoue se préseiitei- au ( atli. Ils lui
dirent : « Nous adorons Jésus-Christ C(Minno
DitiU. Mahomet, votre prophète, est le pré-
curs(!iw de l'Antéchrist. Nons (h'^ploroiis
amèrement votre aveiii;lemeiit. » Le cadi
leur lit sur-le-champ couper la lête. On pen-
dit leurs coi'ps à de longs pieux; au bout de
(piol(|ues JOUIS ou les brûla (;l on jeta les
1 iiuircs dans le ilouve. L'Egli:>c l'ail la l'êltj
1557 JER
do tous ros luarlyrs le 7 juin. [Voi/. Vala-
iiuNsi:, MisLi.MVNS {Persécution des).
jfaU-lMlK ^s iiil), uiarlyr, sdullVil pour la
roli|;i()ii à Cortluuu, avec le diacre sainl Enn-
las. Ils lanHuiienl luu;^lom|)s ou prisou du-
rant la porsérutiou des Arabes, et aeiievèrent
leur mailvre par la décapitatiou. Ou ignore
la dal(! précise de leurs soull'raiices. I/Kj^liso
lioMon- leur niéiuoire le Î5 septembre.
JKlU'lMll'l (saiut), l'rère mineur, fut marly-
risiS eu 12()5, sous le sultan d'Ei^yple Hibars.
Cû prince musulman , ayant piis sur les
chrétiens le cliAteau île Sal'ed, lit dire aux.
six cents et (lueUiues martyrs qui l'avaient
défendu (pi'ils eussent à choisir entre la
moil et l'islamisme. Jactjues de Podio et Jé-
j'émie, tous deux frères mineurs, employè-
ro'U toute la nuit àencouragei' les chrétiens
à préférer la couronne ^loi'ieuse du mart_\i'e
h l'odieux avantage île l'apostasie. Le lende-
main, la i^arnison tout entière se [)iésenta
courageusement au trépas; lous les prison-
niers fiu'ent décapilés. liibars, pour se ven-
ger des Franciscains ([ui avaient été cause
d\v\ si généreux dévouement, les lit écor-
eher vifs, ainsi qu'un templier qui était le
jirieur de l'ordre. 11 les lit accabler de coups
de bàto'i, après qu'ils eurent enduré l'ali'reux
sup[)lice que nous venons de dire ; ensuite
on les mena au lieu où les six. ceiits maityrs
avaient eu la tète tranchée. Ils y moururent
de la même fayon. (Wadding, an. 1265 ,
n° 9.)
JÉRÔME (saint), abbé, solitaire à Uethléem,
prêtre, docteur de l'Eglise et confesseur,
naquit à Stridon, ville située sur les confins
de la Dalmatie et de la Païuionie, aujour-
d'hui ville et comté de Sdrin ou Sdrigna
dans la Hongrie ou l'Esclavonie. Quoique
cette province lut infectée de l'arianisme,
saint Jérôme fut élevé dans la foi pure et
orthodoxe de l'Eglise. 11 naquit de parents
chrétiens vers l'an 3i2. Son père se nom-
mait Eusèbe , et possédait de grands biens.
Notre saint suça dès le berceau le lait de la
foi catholique et ne la corrompit jamais par
l'iiérésie. Il eut pour maître dans les huma-
nités le célèbre Donat qui a commiMité Té-
rence et Virgile, et qui enseignait la gram-
maire à Rome avec beaucoup de célébrité
vers l'an S'6ï. Notre saint apprit avec succès
l'éloquence et les belles lettres, et se livra
à l'étude de la logique avec non moins de
succès encore, comme ses écrits en témoi-
gnent. Après avoir étudié quelque terajis à
Romo, il s'en vi:it sur les bords du Rhin
avec Bonose , son compagnon d'études qui
logeait et mangeait chez lui. Ce fut là qu'ils
couimencère it à corriger les écarts de leur
jeunesse et à se repentir de la vie un peu
relâchée qu'ils avaient menée avec les au-
tres étudiants Ils revinrent ensuite à Rome
et y reçurent le baptême de la main du pape
Libère. Vers l'annéo 3'î2, nous le trouvons à
Aquilée retiré dans un monastère où il s'é-
tait rendu pour proliter de l'exemple des
excellents ecclésiastiques qui y ilorissaient
sous la conduite de saint Valérien.
Saint Jérôme ne put jouir longtemps de la
JER
13:)8
douceur i(u'il trouvait dans une aussi sainte
compagnie que celle ipi'il avait h Aquilée.
«Un tourbillon imprévu, dit-il, l'arracha
d'avec Riilin, et une tcmpèt(5 malheureuse
et ci'imincllc le sépara de; celui avec qui la
charité l'avait uni si éti-oitcnncnil. >j Ces ter-
mes semblent manjuer (juelqiK! p( i-sér ution
ass(;z violenli! (ju'on lui avait suscitée, mais
nous n'en savons rit-n distinctemoi.l. 11 ré-
solut donc de se retirer dans le désfM't pour
y trouver le repos (ju'il clKîrchait; mais avant
il séjourna quelcpu) temps à Antioche; il s'y
livra à l'étude ap|)rofondie des Ecritures;
ce fut sans doute durant son séjour dans
celte ville que les Nazaréens liérf'tiques do
Bérée lui permirent de copier 1 Evangile
écrit en syriaque, dont ils se servaient.
Enliu, vers l'année 37'i., il se retira dans
le désert de Calcide en S rie, vaste solitude
qui est enti'e la Syrie et le pays des Sarra-
sins. On voit pai- Théodoi'ct que cette soli-
tude alfreuse était habitée par [)lusieurs so-
litaires illustres. Notre saint |)rend Jésus-
Christ et les anges à témoin (pi'il y avait vu
des solitaires dont l'un était demeuré trente
ans sans sortir de sa cellule et sans prendre
d'autre nourriture que du pain d'orge et de
l'eau bourbeuse , et l'autre qui demeurait
dans une vieille citerne et ne vivait (juc de 5
figues par jour. Voici ce que saint Jérôme
dit expressément de lui-môme sur la vie
qu'il menait au désert : « Retiré dans celte
vaste solitude, toute brûlée [)ar les ardeurs
du soleil, et où les moines ne trouvent
qu'une demeure tout à fait affreuse, je me
tenais seul, parce que mon âme était rem-
plie d'amertume. Le sac dont j'étais couvert
avait rendu mon corps si hideux, que l'on en
avait horreur, et ma peau devint si cras-
seuse et si noire, que l'on m'eût pris pour
un Ethiopien. Je passais les journées en-
tières à verseï' des larmes, à jeter des sou-
pirs; et si j'étais quelquefois obligé malgré
moi de céder au sommeil qni m'accablait, je
laissais tomber sur la terre nue mon corps
tellement déciiarné, qti'à peine les os se te-
naient les uns aux autres. Je ne parle point
du i)oire et du manger. 11 suffit de dire que
les malades mêmes ne boivent que de l'eau
frode, et que là c'est une sensualité que de
manger quelque chose de cuit. »
Saint Jérôme ne vivait point dans l'oisi-
veté; l'argent qu'il recevait de ses paienls le
lui eût permis ; mais selon le commande-
ment de saint Paul, il gagnait sa vie parle
travail de ses mains et à la sueur de son vi-
sage. Toutes les au^térilés auxquelles notre
saint pouvait se livrer, ne l'exemptaient
point des tentations les plus fàcheu;es :
« Hélas, dit-il , combien de fois, depuis que
je fus retiré dans le désert, me suis-je ima-
giné être encore au milieu des délices de
Rome 1 J'avais le visage tout pâli par les
jeûnes, et mon àme se sentait néaiimoins
brûlée par les ardeurs de la concupiscence
dans un corps qui n'avait plus de chaleiur,
Ma chair, n'ayant pas attendu la destruction
de riiomme entier, était déjà morte, et mes
passions étaient encore toutes bouillantes,
1359
JER
JER
1560
Ne sacliant donc plus oùlrouver du secours,
j'allais nie jeter aux pieds île Jésus, je les
baignais de mes larmes, je les essuyais do
mes cheveux, et je tAchais de réduire cette
chaT rebelle en passant des semaines en-
tières sans manger. Je me souviens d'avoir
souvent passé le jour et la nuit h crier, sans
cesser de me frapper la poitrine, jusqu'à ce
que Dieu commandât à la tempête et rendît
le calme à mon Ame. Je n'approchais de ma
cel'ule même qu'avec peine, comme si elle
eût connu mes pensées; et prenant contre
moi-même des sentiments de colère et <le
rigueur, je m'enfon(;ais seul dans les dé-
serts : si j'apercevais quelque vallée som-
bre , quelque montagne fort rude, quelques
rochers escarpés, c'était le lieu que je choi-
sissais pour aller prier et pour en faire la
prison de ce misérable corps. Et Dieu m'est
témoin qu'après avoir ainsi répandu beau-
coup de larmes, après avoir tenu longtemi)s
les yeux toujours élevés vers le ciel , je
croyais quelquefois me voir au milieu des
ch<èurs des anges. Alors, plein de joie et
d'allégresse, je chantais au Seigneur : iVo»s
courons après vous à l'odeur de vos parfumsl»
Il voulut joindre au remède de la mortili-
cation celui d'une occupation ennuyeuse et
désagréable. « Lorsque j'étais jeune, dit-il,
quoique retiré dans les déserts, j'étais si
tourmenté par la violence de mes passions et
par l'ardeur de la concupiscence, que cela
surpassait mes forcés. Je faisais tout ce que
je pouvais pour éteindre ce feu par de gran-
des abstinences , et cela n'empêchait pas
que mon esprit ne fût continuellement agité
par de mauvaises pensées. Pour venir à bout
de le dompter, je me rendis disciple d'un
certain moine, qui de juif s'était fait chré-
tien ; et laissant là les préceptes admirables
de Quinlilien, l'éloquence de Cicéron, la ma-
jesté de Fronton et la douceur de Pline, je
commençai à apprendre l'alphabet et à étu-
dier une langue dont les mots sont si rudes
et si difficiles à prononcer. Il n'y a que moi
et ceux avec qui je vivais alors qui sachent
(juelles peines , quelles dillicullés j'eus à
surmonter, combien de fois je me sentis re-
buté, désespérant d'en venir jamais à bout,
et combien de fois , après avoir tout aban-
donné, je recommençai tout de nouveau,
par l'ardeur c|ue j'avais d'apprendre. Je rends
grAces à mon Dieu de ce (lue je recueille
maintenant de cette étude des fruits d'au-
tant plus doux, (pie la semence en a été plus
amère. » On peut dire en ellel que rien ne
l'a rendu célèbre comme la connaissance ap-
profondie qu'il posséda de la langue hé-
braïque.
bientôt nolro saint renonça complètement
?i la l(!Ctiiro des auteurs profanes (pii sé-
chaifiit dans son C(i;ur l'esprit de la piété et
le goût d(;s Kcritures, écrites sans orncmenis
et avec une si grande simplicité I Dès lois il
se livra av(;c ardeur à l'étude des Prophètes,
des Evangiles et d(!S Apôtres, et instruisit
plusieurs personnes (pu voulaient proliter
de SOS savantes Ie(;ons, el lui servaient en
DX^mc t(;rrips de copistes.
A cette époque, an de Jésus-Christ 37G,
l'Eglise d'Antioche était divisée en deux
camps. Mélèce et Paulin, tous deux évèques
de cette ville, étaient, comme ou peut le voir
dans la vie de saint Mélèce, chacun à la tète
d'ini parti ciue suivait l'Eglise d'Orient pour
Mélèce, et l'Eglise d'Occident i)Our Paulin.
Saint Jértime ordonné |)iètr(^ par Paulin, ve-
nant d'Occident où tous les évoques sui-
vaient le {larti de ce dernier, devait avoir une
propension très-grande à s'attacher à lui.
Cependant il eut la sagesse dans le diui^e de
ne se prononcer jxtur personne dans une
question que l'Eglise n'avait pas di'ciilée.
Pour être sûr de ne pas errer, il s'attacha à
l'Eglise romaine comme à la source inalté-
rable et puie de la foi chrétienne. Quan* à
Vital, qui avait été ordonné évéque d'Antio-
che par Apollinaire, jadis maître de sanit
Jérôme, il ne prit point parti pour lui non
plus, estimant comme le tit depuis l'Eglise,
son ordination irrégulière et entachée d'hé-
résie.
Ce fut cette abstention de saint Jérôme
qui lui suscita dans son désert les persécu-
tions des autres moines: tous, plus ou moins
engagés dans les ])arlis qui divisaient l'E-
glise dans la question d'Antioche ou dans
celle des hypostases , accusaient la foi de
Jérôme. Il fut obligé de quitter le désert,
pour éviter d'y être poursu vi par eux. Il
vint à Antioche, où il fut ordonné par Pau-
lin. Il avait reçu ordre du pape Damase de
communiquer avec lui. Cependant, tout en
acceptant, il ne s'attacha à aucun parti ; de
plus , il demanda et obtint que son ordina-
tion ne l'attacliAt à aucune église et lui lais-
sât entière sa liberté de solitaire. Bientôt le
pape Damase , qui avait une estime particu-
lière pour notre saint, ra[)[>ela à Home et le
lit son secrétaire. Il resta dans cette ville en-
viron trois ans et ne la quitta qu'en l'année
885 au mois d'août , après la mort du pape
Damase. Ce pape lui lit corriger le Nouveau
Testament et lui fit faire de plus quelques
travaux sur les psaumes de l'Alleluia. Saint
Jérôme fut bientôt connu et révéré par toute
la ville, de toutes parts on venait écouter ses
leçons sur les divines Ecritures. Parmi les
saintes femmes qu'il dirigeait dans les voies
de la piété et de la vertu, nous citerons les
saintes Aselle, Paule, Eustoquie , Albine,
MarcelliiK!, Félicité et Marcelle. Il écrivit
I)lusicurs fois à cette derniè.e, qui fut re-
mai-quable par sa sainteté el qui desc(>ndait
d'une race dluslre de proconsuls et de pré-
fets du piétoire. Elle fut moins dlustre |)ar
la possession de tous les avantages du siè-
cle, (pi'en cc! (pi'elle méprisa el sa noblesse
et ses richesses pour embrasser 1 humilité et
la j)auvr('té.
Saint Jérôme écrivit encore d'autres lettres
à saiide l^ustocpiie, une entre autres sui' la
virginité , (pii souleva lloine contre lui.
|{(!auc()up de personnes en lur(vil clio(|nées;
CM' voulant prt'iinniir la sainte coiilie les
embûches du monde, il lui découvrait les
vices des fauv moines, des vierges dt'réglées
.■I (ji's mauvais e( ih'siasiiques. Il eut à souf-
13U1
JER
JKS
1302
fiir il(^ la calommt' (lue sos l'nnerais igno-
rants et jaloux ri'paiulau'nt sur lui.
SaiiU Jôrùmo, désirani la paix et voulant
ôvilei- toutes CCS tem|)tMes, se résolut à ((uil-
ter Uoiiie et i\ partir [lour Jrrusalcni. 11 vi-
sita la Pah'stint' et ri'Xvple. Il resta i)eu Je
temps dans eetle (ierni^i'e contiéc, et se
rendit .^ Hctldi^eni , où il passa le rrsle do
ses jours. Il nous appi-end (pi'on allait h sa
cellule par un petit sentier (pii se sc^parait
du grauii clieniinau lieu où était le tombeau
d'Arcliélaus, roi ou [ilutôt ethnarciuc de la
Judée. Il s'était, dit-il, retiré en ce lieu
pour V j)leurer ses péchés, reidermé et ca-
ché dans une cellule en a'Jendanl le jour du
jugement. Il était vélu grossièrement et so
nourrissait d'herbes et de pain bis. Il ne pre-
nait jamais de vin et s'abstenait de viande.
Notre saint n(> resta pas oisif, il travailla
contituiellement les livres saints, et écrivit
plusieurs ouvrages. Il b;Uit mi monastère et
un hôpital pour les étrangers qui venaierit à
Bethléem. Saint Jérôme, sm^ la fin de ses
jours, fut obligé d'interrompre ses travaux et
ses exercices de piété par les incursions que
les Barbares faisaient en Palestine, et parles
persécutions d(^s i)élagiens. Ces hérétiques
envoyèrent, en VIT, une troupe do bandits à
Bethléem, afin de ravager les monastères
qui étaient sons la conduite de notre saint.
IJs furent [)illés et réduits en cendres , et
eurs saints habitants s'enfuirent. Cette per-
sécution cessa bientôt et saint Jérôme reprit
ses travaux pour la défense de la foi. Enfin,
après une longue vie pleine do travaux et de
pénitences, il mourut, le 30 septembre 420,
miné par une fièvre lente qui le tourmentait
depuis longtemps. 11 fut enterré dans les
ruines de son monastère , et dans la suite
son corps fut transporté h Rome, où on le
conserve encore dans l'église de Sainte-
Marie-Majeure. L'Eglise fa.t sa fête le 30
septend)re.
JÉKOME DE LA CROIX (le bienheureux),
dominicain, né en Portugal, fut envoyé dans
l'Inde p;ir ses supérieurs, n'étant encore
que diacre. De Goa, il fut envoyé dans le
royaume de Siam avec le P. Sébastien de
Canlu, également Portugais. Ils firent tant
de bien dans cette mission, que deux infi-
dèles, irrités du succès de leur prédication,
résolurent de s'en défaire. Ils feignirent de
se baitre en duel devant la maison de nos
saints religieux : ceux-ci étant accourus, Jé-
rôme tomba percé d'un coup de lance au
cœur; pour Sébastien, il reçut une blessure
grave à la tète, mais il en guérit et ne souf-
frit le martyre , avec les compagnons qu'on
lui avait envoyés, que le 11 février 1569.
( Monumenta Dominicana, 1555, 1569 ).
■JÉKUSALEM , capitale de la Judée. C'est
dans ceite ville que s'accomplirent les prin-
cipaux événements de notre sainte religion.
Ce fut là que saint Pierre et saint Jean fu-
rent persécutés; saint Etienne mis à mort.
Saint Paul et les Juifs persécutent l'Eglise
en l'année 3i : Nicodème en est chassé. En
42, Hérode Agrippa y fait mourir saint Jac-
ques le Majeur et emprisonner saint Pierre,
qui es! délivré par un ange. En 5i, sanit
Paul y est arrêté par les Juifs, qui voulaient
l(» tuer. Le tribun Claudt; Lysias l'envoie au
gouvertunn- Félix. En 62, le. peuple, poussé
par le grand prêtre Ananici, as>omma |)rès
du temple saint Jac(pios le Mineiw, évé(]ue
de Jérusalem, surnommé le Juste.
Pour ce qui concerne les malheins de Jé-
rusaliMu sous Vespasien, voy. Ji'ii's ( IHmi-
tion des). En l'ainiéiî 107, saint Siméoii, fils
de ('h'oplias et de Marie, sœur de la Vierge,
deuxième évoque de Jérusalem, y fut tor-
turé, battu de verges, et enfin crucifié sous
Trajan, par ordre du gouverneur Alticus.
JÉSUITES, ordre religieux, fondé en 1534,
par saint Ignace de Loyola, et approuvé par
le pape Paul 111 en 1540. Cet orare se con-
sacre à la propagation de la foi, à la conver-
sion des infidèles et des hérétiques, à l'édu-
cation do la jeunesse, et fait vœu d'obéis-
sance entière au chef de l'Eglise. Nous n'eus-
sions pas parlé des Jésuites dans ce Dic^
tionnaire s ils n'avaient pas été directement
per-écutés comme ordre religieux. L'his-
toire des i)ersécu lions particulières aux in-
dividus de cet ordre célèbre se trouve à l'ar-
ticle de chacun d'eux. Nous ne voulons ici
nous occuper que de la persécution que
l'ordre des Jésuites eut à souff'rir lors de sa
suppression momentanée. Le lecteur conce-
vra dans quel intérêt nous avons renoncé à
faire nous-même le récit de ce grand évé-r
nemenf. Rorhbacher l'a fait en citant Sis-^
mondi, auteur protestant. Les motifs qu'il a
eus sont ceux qui nous dirigent : nous ac-
ceptons le jugement d'un adversaire. C'est
le meilleur moyen de réfuter les déclama-
tions passionnées qui ne cessent de se pro-
duire à propos de cette grave question. Voici
quelles sont les appréciations de Sismondi.
« Louis XV, dit-il , se croyait très-reli-
gieux , c'est-à-dire qu'il avait très-grande
peur des prêtres, comme il avait peur du
diable ; mais il n'échappait pas entièrement
au mouvement philosophique , non plus
qu'aux doutes de son siècle, et madame de
Pompadour était là pour lui persuader que la
philosophie dispensait de la morale en mê-
me temps que de la foi. Elle croyait et elle
avait fait croire au roi qu'il existait une
ligue ambitieuse et dévote qui censurait
avec amertume ses plaisirs scandaleux, et
qui détournait de lui l'affection de son peu-
ple , pour la fixer sur le dauphin; celui-ci
était tout dévoué aux Jésuites , il en avait
fait ses amis et ses guides, il les regardait
comme les défenseurs de la religion et du
pouvoir absolu, et comme les intrépides ad-
versaires de ces magistrats qui ne cessaient
de braver et d'inquiéter l'autorité royale.
Madame de Pompadour se rappelait avec
quel empressement le parti du dauphin avait
voulu l'expulser de Versailles lors de l'at-
tentat de Damions ; elle savait que les Jé-
suites, de concert avec la reine, avec ses
filles, avec le dauphin et la dauphine, et tous
ceux des seigneurs de la cour qui étaient
attachés aux bonnes mœurs , cherchaient
136S
JES
JES
iôU
l'occasion d'amener Louis h un pieux i-e-
jientir qui serait le signal de IV'xil de sa
maîtresse. Les Jésuites, qui, dans d'autres
orcasions, avaient li'ouvé pour les rois une
moiale relAcIiée qui s'aocciinniodait à leurs
penchants, ou étaient devenus plus rigides
dans leui'S principes en raison mc^roe des
dénonciations auxquelles ils avaient été en
butte, ou avaient trouvé leur intérêt dans une
plus stricte adh<''>i<">n aux bonnes mœurs ;
car c'était leur rigorisme môme qui les ren-
dait cliers au danpiiin avec lequel ils espé-
raient hientùf régnerde nouveau sni'la France,
les Jésuites, dis-je, étaient appelés h veiller
d'autant plus scrupuleusement sur cette mo-
rale et ces principes, qu'on leur attribuait
et qui avaient été l'objet de tant daccusa-
tions, (jue leur ordre se trouvait compromis
par des querelles qui leur étaient suscitées
à la fois dans toutes les parties du monde.
Les giands succès qu'ils avaient d'abord
obtenus à la Chine, où ils avaient fondé une
Eglise nombreuse en ménageant les croyances
et les coutumes du pays, avaient plus tard
attiré sur cette Eglise une jiersécution fu-
rieuse (1707 - 172V j, lorsque la jalousie des
Dominicains qui les avaient dénoncés, fixa
sur eux, [)ar des controverses intempestives,
les regards et la jalousie du gouvernement
chinois. En Amérique , leurs colonies des
missions, et en particulier celles du Para-
guai , avaient excité la jalousie des deux
cours despotiques do Madrid et de Lisbonne.
Ils avaient réussi à iixer des peuples sau-
vages, avant eux errants dans les forêts ; ils
leur avaient enseigné, avec lespiemiers élé-
ments (Je la religion, les premiers actes de
la vie civile ; ils leur avaient fait bAtir des
viJlages et des églises, cultiver des champs,
accumuler des richesses. Ces ricbesses, il
est vrai, n'étaient pas pour eux, l'ordre en
disposait, mais il les em|)loyait à faire vivre
les Indiens dans une grande aisance. Les
missionnaires avaient résolu ce problème si
difficile , devant lequel les Européens ont
loujoui's échoué depuis, de faire passeï- les
hommes de la vie sauvage à la vie civilisée :
ftlus notre expérience s'est accrue depuis
ors, et plus notre admiration |)Our le succès
des Jésuites dans les missions doit augmen-
ter. Ils n'emplovèrent que la charité, l'amour
et une providenue paternelle ; les autres peu-
ples ont vr)ulu élevei- les sauvages par l'ins-
truction, l'émulation, le commerce, l'indus-
ti ie, et ils leur ont communiqué les passions
des peujjles civilisés , avant la raison qui
pouvait les dompter, et la police (pii pou-
vait les contenir. Sur tout le globe, le contact
de la race anglaise, hollandaise, i'raneaise,
avec les sauvages, les a tait fondre comme
la cire dt.'vant un feu ardent. Dans les mis-
sions de l'Amérifjue , au contraire, la race
roug(! nmllipliait rajiidemei.t sous la direc-
tion des Jésui'es. Le. rs indiens, disait-on,
n'étaient encoi-e (pie do gramls er)fanls ; oui,
ni.iis api'ès leur* (txpul.^ion, les Esjiagtiols,
les Portugais, les Anglais, les Français, en
ont fiii des tigres..
« Lc'.s Indioiis des uiissions ne connais-
saient que les Pères qtii dirigeaient chaque
village, n'obéissaient qu'aux Pères ; et dans
un airangement de territoire sur la frontière
du Brésil, entre l'Espagne et le Poi'tugal
(17o'i-175'i\ les Indiens des missioi.s avaient
opposé quelque résistance aux ordres des
deux rois. Voltaire, dans Candide et dans ses
Facéties, attaque les Jésuites avec la der-
nièie amertume pour leur roijnuté du Para-
gtifii, et pour le recours aux armes des In-
diens , lorsque des ordres arbitraires , in-
sensés de gouvernements aussi ignorants
que cruels, venaient diHruire leur existence ;
ce n'est pas la première lois qu'il oublie
toutes les lois de l'humanité, de la justice,
de la décence , lorsqu'il trouve l'occasion
d'accuser des prêtres. » 11 faut se rappeler
que c'est le protestant Sismondi qui parle,
aussi bien que dans ce qui suit :
« Tout b coup, une accusation d'une toute
autre nature éclata contre eux, en Portugal,
par suite de ce scandaleux libertinage des
têtes couronnées, qui, au xvin' siècle, sem-
blait être devenu la plaie de toute l'Europe ;
Joseph, qui depuis 1750 régnait en Portugal,
n'était pas monis dissolu dans ses mœurs
que son père Jean Y. ^lais tandis que ce
l)rince avait fait d'un couvent son harem,
et qu'il avait perdu avant l'Age, dans les bras
des religieuses , sa santé et sa vie, Joseph
allait chercher des maîtresses dans les
maisons les plus puissantes du Portugal. Il
avait abandonné sans partage le pouvoir
royal, ou plutôt le plus impitoyable des[)0-
tisme à son ministi-e Sébastien Carvallio,
marquis de Pombal, homme actif, passionné,
doué dévastes connaissances, mais haineux,
ombrageux, cruel, qui entreprit de réformer
les finances, l'administration, le commerce,
la marine, l'armée, et qui ne fit le bien qu'à
coups de hache. Pendant ce temps, Joseph
ne se réservait, de l'autorité royale, que le
droit de se faire amener les plus belles fem-
mes de sa cour. Le grand maître de la mai-
son du roi, duc d'Aveyro, avait à se |)lain-
dre d'un double outrage : sa femme et sa
fille avaient été l'une après l'autre livrées au
monarque voluptueux , et l'entremetteur
Texeira, valet de chambre du roi, le lui avait
dit en face. La jeune marciuise de 'i'avora
avait h son tour, peu aj)rès son mariage,
subi la même ignominie. Tous les membies
de ces deux maisons partageaient le ressen-
timent des époux olfensés ; et dans cette
cour, plus africaine qu'européenne, on
croyait encore ipi'ui tel ()ulrag(^ ne pouvait
être lavé (pi'avec du sang. On assure pour-
tant qu'avant do se hasarder au régicide,
les oU'onsés, suivant les usages d'Kspagne,
vouliu'ont mettre leur conscience en re|)0s,
en consultant dos théologiens casuistes. Ils
s'adressèrent à trois Jésuites célèl)r(\s, les
Pères .Malagrida, Alexandre de Sousa et l^la-
thos. Dans'de tell(>s cousullalions, on a tou-
jours soin (1(! (;acher le nom (l(>s parties et
de dorner le cas connue iU\\h arrivé. Il est
probabhî rpio l'on en usa ainsi avec les trois
Jésuil(;s; mais toute la procédure ayant été
enveloppi'c; d'un seci'ol imp('ii(''lrable, on ne
I56r.
JES
JKS
ir>G6
peut quo \o supposer. «On rr^pandit .seule-
mont le bruit (pi'ils répondirent (ju'aiin^s
une telle provocation, riionii(i<le de l'olVen-
seur ne serait (pi'un péché véniel, et l'on
flsswre (ju'ils sii^n^rcnt leur consultation;
pou do temps après, dans la nuit du 3 sep-
tembre 1758. comme le roi don Jose|)li re-
venait au palais de Helem, avec son valet de
cliand)re Texeira, ministre de ses plaisirs,
sa voilure fut assaillie j)ar trois hommes à
cheval ; l'un d'eux lira sur le (•0(;her avec
une carabine qui ne tit point feu, les deux
autres tirèrent sur la voiture, et le roi fut
blessé au bras droit. Les assassins prirent
la fuite, et penda-tt (luelques mois, on crut
que la |U)lice n'avait aucun indice sur les
auteurs de l'attentat.
« Jose[)h, qui avait eu une grande frayeur,
s'enfeiina pendant trois mois sans laisser
parvenir d'autres personnes jus(|u'h lui, que
s(ui cliiruriAien et son ministie Pombal. Ce
ministre avait feint, après quehpic temps,
d'abandonner des recherches infructueuses.
Tout à coup, il lit arrêter dans un môme
jour, le duc d'Aveyro, ses alhdés, ses do-
mestiques et tous les membres de la famille
Tavora. Les Jésuites furent en même temps
gardés îi vue dans leur monastère. Le pro-
cès fut aussitôt instruit par un tribunal ex-
traordinaire, dans les formes les plus terri-
bles. Tous les accusés furent soumis à d'ef-
froyables tortures ; un seul, le duc d'Aveyro,
se laissa arracher par la douleur des confes-
sions qu'il révoqua ensuite. L'arrôt que dic-
tait la vengeance de la part de Joseph, fut
entin prononcé le 13 janvier 1759. Le duc
d'Aveyro, le marquis de Tavora, ses deux
fils, ses deux gendres et plusieurs domesti-
ques de ces seigneurs, en tout onze person-
nes, furent rompus vifs, brûlés et leurs cen-
dres jetées au vent. La marquise de Tavora
eut la tète tranchée ; elle passa de la prison
à l'échafdud sans avoir été interrogée. Quant
à la jeune femme qui avait attiré ce désastre
sur l'illustre et malheureuse famille à la-
quelle elle venait de s'allier, elle ne fut pas
nommée dans le procès ; toutefois elle fut
pour la vie enfermée dans un couvent. Les
trois Jésuites, Malagrida, Alexandre Sousa
et Mathos, furent dénoncés comme compli-
ces de l'attentat ; mais le pape ayant refusé
un bref pour autoriser leur supplice, ils fu-
rent déférés à l'Inquisition pour de préten-
dues hérésies ou actes de magie, et Malagrida
fut brûlé le 20 septembre 1761 ; les deux
autres moururent en prison. Mais, sans at-
tendre le jugement de son procès, lu roi
avait donné un édit le 3 septembre 1759
pour chasser tous les Jésuites du Portugal.
Tous leurs biens avaient été confisqués, et
leurs personnes ayant été embarquées, on
les jeta dépourvus de tout, au nombre de
plus de 600, sur les côtes d'Italie.
« L'atrocité des procédures de Lisbonne,
l'invraisemblance ou l'absurdité des accusa-
tions intentées contre Malagrida, et la dureté
avec laquelle avait été exécutée la déporta-
tion de celte foule de Jésuites, parmi les-
quels il y avait beaucoup de vieillards et de
malados, comme aussi plusieurs hommes
qui ont acouis un grand nom dans les let-
tres, semblèrent fairi; nioins d'impression
sur rKurope, que ra('(;usation portée contre
ces religieux de favoriser h; régicide. La
violence des[)Otique d<.' Pouibal, qu'on sa-
vail être loin- oiuiemi, la creauté irn;iitoyable
et la p()lii'onneii(Ml'' Joseph, n'empêchèrent
pas les ennemis de l'ordre de donner créance
h <les accusations (pie les parlemorUs de
France avaient, de leur côté, portées contre
lui dvs le temps d(! Henri IV Mais la
magistrature de France legardait l'ordre
des Jésuites, comme un ancien ennemi
qu'elle voulait écraser : accoutumée k cher-
cHu'r des crimes et à les établir sur des preu-
ves légales qui ne satisfaisaient point la
conscience, elle semblait renonc(;r à toute
bonne foi, lorsqu'elle prenait h tAche de
charger un prévenu. Les ])arlementaires,
d'accord avec les jansénistes, employaient
toute la subtilité de leur esprit h démêler,
dans toutes les conspirations, découvertes
contre tous les rois, l'intluence des Jésuites.
En voyant ce qui se passait en Portugal, il
B!y avait plus à douter, disaient-ils, qu'ils
n'eussent été les instigateurs de Damions.
Les philosophes, qui chaque jour deve-
naient plus nombreux et acquéraient ])lus
de pouvoir dans l'Etat , prétendaient être
plus impartiaux et tenir la balance égale en-
tre les Jésuites et les jansénistes; mais ils
en profitaient pour accueil! i-r toutes les ac-
cusations con're les uns comme contre les
autres, et les flétrir tous également. Dans des
écrits plus sérieux, ils s'attachaient en même
temps à faire ressortir la fatale intluence
sur les affaires publiques du fanatisme et de
la superstition ; et ils applaudissaient à tous
les projets pour abolir le plus puissant et le
plus habile des ordres religieux, se croyant
assurés qu'après celui-là, les autres ne tar-
deraient pas à tomber. »
Voilà comme le protestant Sismondi dé-
voile les causes ôt les auteurs de la destruc-
tion des Jésuites. C'est encore à lui que
nous empruntons les particularités suivan-
tes :
« Le duc de Choiseul marchait rapide-
ment vers la place de premier ministre. Il
s'était en même temps assuré des parle-
ments, en sorte qu'il pouvait tourner tous
les pouvoirs de l'Etat contre les Jésuites. Il
avait été lui-même élevé dans leurs collè-
ges. Voltaire leur devait aussi sa première
éducation, car on remarque, avec étonne-
meut que c'était par leurs leçons que s'é-
taient formés tous ceux qui contribuèrent à
renverser cette Eglise que les Jésuites
avaient pour mission snéciale de défendre.
Le duc de Choiseul, secondé par la Pompa-
dour, eut peu de peine à faire entrer dans
ses vues Louis XV.
« Comme la fermentation s'accroissait en
France contre les Jésuites, un incident four-
nit au parlement de Paris l'occasion qu'il
cherchait lie procéder contre cet ordre. Les
établissements des missions, oii les conver-
tis indiens travaillaient pour un fonds com-
^3G:
J£S
JES
1568
iniin administré par les Pères, avaient amené
ces n'lij;ienx à se chariïer d'une immense
administra ion éronomique : c'était leur af-
faire de nourrir et de vèlir tout un peuple,
de pourvoir entin h tows ses besoins. Ils fai-
saient donc en réalité le conimcrce. Le P. La
Vale le, Jésuitt^ français, procureur des mis-
sions à la Marliniiiue, y était cliargé de ces
vastes intérêts nicrrantiles ; mais plusieurs
de ses vaisseaux furent ca[)turés par les An-
glais, en 1755, avant tonte déclaration de
guerre, lorsqu'ils s'empaièrent par surprise
de toute la marine marchande de France.
Le P. La Valette ne put faire face à une jtorte
si énorme, et l'ordre, par un calcul sordide,
prit le parti de l'ahandoimer, au lieu de
payer ses dettes. L'ordre y gai^na de se voir
condamner par le parlement de Paris à payer
toute la faillite, et de voir ses constitutions
examinées, censurées, condamnées parle
parlement, et sa propre existence déclarée
un ahus.
« Labbé de Chauvelin, conseiller au parle-
ment de Paris, Montclar, procureur général
au {'arlement de Rennes, se distinguèrent
surtout dans cette polémique, oii ils mon-
trèrent plus d'esprit que de bonne foi , tan-
dis que l'ordre, qui passait pour j)Ouvoir
donner des leçons de la politique la plus
astucieuse, ne montra pour sa défense que
faiblesse, que trouble et qu'incapacité. 11 est
vrai que bien peu d'hommes ont assez de
force dans le caractère pour rester dignes
d'eux-mêmes, quand le torrent de l'opinion
publique se déchaîne contre eux. Le concert
d'accusations et le [)lus souvent de calom-
nies que nous trouvons contre les Jésuites
dnis tous les écrits du temps, a quelque
chosi^ d'effravant. Tout l'ordre judiciaire,
tous les vieux jansénistes, une grande par-
tie du clergé séculier et des autres ordres
monastiques, jaloux de cflui (jui les avait
si longtemps i)rimés, tous les philosophes
et ceux qui se piéîendaienl esprits forts,
tous les lib^'^rtins qui ne voulaient plus de
frein f)0ur les mœurs, s'étaient réunis |)0ur
dénoiicer les Jésuites et pour proclamer leur
abaissement comme un triomphe de la rai-
son humaine. En même temps, tous I(;s
souverains semblaient se déclarer contre
eux. Les républiqu(is de Venise et de Gè-
nes venaient de limiter leurs privilèges; à
Vienne, une comuiission impériale les avait
privés (Jfs chaires d(; théologie et de |)hilo-
soi)hie ; h Tuiin, le un venait de sévir con-
tre l'un d'eux; tous les princes de la maison
de Bourbon, h Madrid, à Na|)les, à Parme,
se rangeaient |)armi leurs (nmtnnis, cA cejx'U-
dant on voy;(it arriver les uns ajirès les au-
tres à Civiila-Vccchia des vaissi^aux ciiargés
de ces Pères. Ln 1759, c'étaient ceu\ (iu
Portugal ; en 17G0, ceux de rAméii(jU(; por-
tugaise ; on 17G1, ceux (h; (ioa et des Indes-
Orientales. (]es der'uiers, au nombre de c.in-
<juante-n(nif, à leur cnliée dans la Méditer-
ranée, eurent le irialheur de tomber aux
mains des Algériens, qui co|)endant se laissè-
rent toucher de compassion cl les iclAchè-
rent. I.<ti,ipie l'univeis entier semble ainsi
conjuré contre quelques hommes, ils'peuvent
encore trouver le courage de la résignation;
mais où chercheraiimt-ils l'espérance, sans
laquelle on n'a plus ni prudence ni adresse.
« La Pomi>adour aspirait surtout h se don-
ner une rénutation d'énergie dans le carac-
tère, et elle crovait en avoir trouvé l'occa-
sion, en montrant qu'elle savait frapper un
coup d'Kiat. L\ même petitesse d'esprit avait
aussi de l'intluence sur le duc de Choiseul ;
de [)lus, tous deux étaient bien aises de (ié-
tourner l'attentioi^ nublique des funestes évé-
nements de la guerre. Ils espéraient act^uérir
de la()0[)ularité en llattant à la fols les philoso-
phes et les jansénistes, et couvrir les dé-
penses de la guerre, par la confiscation des
biens d'un ordre fort riche, au lieu d'être
réduits h des réformes qui attristeraient le
roi et aliéneraient la cour. Il fallait, il est
vrai, triompher de ropj)Osition du monar-
que, qui, au milieu de ses débauches con-
servait les scrupules et les terreurs de la
dévotion, et qui laissait percer tour à tour
son aversion contre les jansénistes et contre
les philosophes ; mais sa concubine était
accoutumée à le faire céder. Le parlement
de Paris, par un arrêt du G août 1761, avait
ajourné les Jésuites à comparaître dans
l'année, pour ouïr jugement sur leur cons-
titution, et en attendant, il avait ordonné la
clôture de leurs collèges. Le roi, dans son
irrésolution accoutumée, imposa silence au
parlement et consulta une commission de
quarante évoques. Ces prélats, après avoir
examiné les constitutions des Jésuites, se
prononcèrent pour la conservation de cette
socif^té. Le roi accueillit leur décision avec
plaisir et rendit un édit (|ui laissait subsister
les Jésuites, en modifi'anl leurs constitu-
tions. Le parlement, secrètement encouragé
parle duc de Choiseul, refusa d'enregistrer
cet édit. Le roi montra d'abord quelque hu-
meur de cette résistance, mais bientôt il
oublia cet édit. Quelques mois après, il le
retira, et le parlement ayant attendu le terme
fixé i)Our l'ajournement de l'ordre, prononça
le 6 août 17G-2 un arrêt par lequel il con-
danniait l'institut des Jésuites, les séculari-
sait et ordonnait la vente de leurs biens.
Ces biens se trouvèrent avoir été on grande
j)arîie consuuu''S i)ar des séquestres, ou dé-
tournés, en sorte cfue le ministre des linan-
c(îs n'y trouva point la ressoiu'ce sur laquelle
il avait compté. Ou croyait le roi fort agité ;
il montra, au contraire, l'indillérence la plus
apathicjue ; lors(pic (Choiseul lui demanda
son consentement iinal : « Soit, répondit-
il eu riant, je ne seiai pas f;^(hé <le voir le
P. Desm.irets (son confesseur) en abbé. »
« Ce[)endant, continue le protestant Sis-
mondi, la persécution contre les Jésuites
s'étendait de pays en jtays avec une rapidité
(pi'on a peine "à s'explicfuer. Choiscnil eu
faisait désormais ])()ur Ini-nu'^me une alfaire
pcrsotinelle. Il s'attachait surtout à les
faire chasser de tous les Ktals de la mai-
son de Hourbon, el il proli;.i. dans ce but,
de rintlnen(;(! (|u'il avait ac(}iiiso sur lo
roi iTEspaL-ne, (.hailes IM, iirécédenuuent
iS69
JES
JF.S
ir.Tu
roi (le Naplos. Ce mniianpus (|iii doniiuil à
la cliasse la plus i^fandc partie de son liMiips,
avait coptMidanl la |)rtHoiiti()n d'ùlro rc'totiiia-
four, peiit-(Miv iiuMiic pliilosoplio. Il r('j:,ar-
(la't avec (|ii(>l(pu' luépi'is les usa;A'''s et les
j)rt^)ug ''S espagnols et, en arrivant do Na|)l(.'s,
il aurait volontiers donn(^ à sa cour un ;is-
pec't ou fiapolilain ou Iranrais. Deux Maliens,
le (îénois (ii-iiu;ddi et le Napolitain Scpiillace,
av.iient t^l(^ ses ministre'*, (irinialdi, qui
avait le nii'iist(''r(> des all'aires étran^t^res,
était tout dévoué h Clioiseul ; Squillace,
chargé des finanees et de la giuTre, penchait
pour l'Anj^lelerre. Il avait eonunenré h se
rendre odieux eu souniellaut Madrid aux
taxes sur les eoniestihies (pi'il avait vues
fruclitier.^ Naphs; mais il otl'ensa bien plus
profondément les Espagnols on voulant chan-
ger le costume national. Pour rétai)lir la sé-
curité dans les rues de Madrid, on les ren-
contres armées et les assassi'iatsétaienl très-
fréquents', il lit éclairer la ville par 5,000 ré-
verbères ; jusqu'alors on y avait été plongé,
la nuit, dans une obscurité profonde. Il in-
terdit on môme temps le grand manteau et
le grand chapeau rabaitu, sous lesquels les
honunes n'étaient pas moins méconnaissa-
bles que s'ils eussent été masqués. Cette
ordonnance excita dans Madrid, le 26 mars
17G6, le plus violent soulèvement; une par-
tie de la garde wallonne, qui seule résista
aux insurgés, fut massacrée : le roi, contraint
de paraître sur le balcon du palais, capitula
avec le peuple ; il abandonna le monopole
des comestibles, il retira l'ordonnance fu-
neste sur les chapeaux et les manteaux, il
exila Squillace, et cependant il s'enfuit, dans
la nuit, à Aranjuez, ne pouvant supporter la
vue d'un peuple qui lui avait désobéi.
« Charles III, conservait un profond res-
sentiment de l'insurrection de Madrid; il la
croyait l'ouvrage de quelque intrigue étran-
gère; on réussit à lui persuader qu'elle était
l'œuvre des Jésuites et ce fut le commence-
ment de leur ruine en Espagne. Des bruits de
complot, des accusations calomnieuses, des
lettres apocryphes destinées à être intercep-
tées et qui le furent en effet, achevèrent de
décider le roi. Il s'entendit avec le comte d'A-
randa, président de Castille, homme énergi-
que et taciturne, qili avait déjà eu avec
Choiseul des relations secrètes. Ce fut lui
qui, apportant à Charles III une écriioire de
poche ei du papier, lui lit écrire de sa propre
main, sans témoins, dans son cabinet, le dé-
cret de la suppression des Jésuites; il en-
voya des circulaires aux gouverneurs de cha-
que province, avec ordre de les ouvrir h une
certaine heure et dans un endroit déterminé.
Le 31 mars 1767, à minuit, fut le moment
choisi pour l'exécution des ordres qu'elles
portaient. Les religieux, chers à l'Espagne,
devaient être enlevés lous au môme moment,
soustraits aux regards d'un peuple fanatique
et déportés non-seulement sans accusation,
sans jugement, mais sans que la cour de
Madrid eût daigné depuis expliquer sa con-
duite. Les six collèges des Jésuites à Ma-
drid furent investis en même temps par des
troupes. Les pères furent forcés d'entrer
dans des voitures préparées pour eux avec
It^ peu d'elfets qu'il leur fut possible de ras-
sembler dans ce moment de surprise. Avant
lej'ur ils étaient déjà l)i(! i loin de Madrid;
les dragons qui les accompagnaient ne [)er-
meltaient aucuiK; connnunication entre les
voitur(;s. On les ont raina vers la côt(î sans
leur acc(jr(ler un jour de rc^pos ; on l(!s
embarqua aussitôt sur des vaisseaux de ti-ans-
port (pii nedevaienl plus conununir|uer avec
le rivage et , lors([u"ils furent rassembh'S,
plusieurs iVégates furent chargées de les
escorter jusqu'à Civila-Vecidiia. Ch'rles III,
par une lettre adressée au pape, le môme
jour 31 mars, les lui renvoyait connue ayant
cessé d'être Espagnols pour devenir ses su-
jets, leur promettant toutefois une i)etite
pension alimentaire de deux pauli ou un
peu plus d'un franc par jour. Le gouverneur
de Civita-Vecchia , (pii n'était point pré-
venu, ne voulut point les recevoir, et ces
nialheuieux, parnii lesquels il y avait beau-
cou[) de vieillards et de malades, entassés
comme des criminels à bord des bâtiments
de transports, furent réduits pendant des
semaines à courir des bordées en vue de la
cote; beaucoup d'entre eux périrent. Enfin
la ré[iublique de Gênes, touchée de compas-
sion [)ourdes religieux jusqu'alors l'objet de
la vénération publique, et qui n'étaient ac-
cusés d'aucune offense, consentit qu'on dé-
barquât les autres en Corse. Choiseul fut
sur le point de se brouiller avec le sénat par
ressentiment de cet acte d'humanité, et ce
fut par suite de cette querelle que la répu-
blique céda la Corse à la France. » (Quel-
ques mois après cette union, le 15 août 1769,
naquit en Corse un enfant qui, monté un
jour sur les débrisdes trônes de France, d'Es-
pagne, de Portugal et de Naples, dut faire
manger à tant de rois déchus les fruits
amers de l'injustice qu'ils avaient semée.)
«La violente arrestation des Jésuites, qui
s'était faite en un même jour dans l'Espagne
d'Europe, se poursuivait cependant avec le
môme secret et la même rigueur dans toutes
les possessions de la monarchie espagnole.
Au Mexique, au Pérou, au Chili, enfin aux
Philippines, ils furent également investis
dans leurs collèges le même jour, à la même
heure, leurs papiers saisis, leurs personnes
arrêtées et embarquées; on craignait leur
résistance dans les missions où ils étaient
adorés par les nouveaux convertis; ils mon-
trèrent une résignation et une humilité
unies à un calme et à une fermeté vraiment
héroïques. » Tel est le témoignage aussi glo-
rieux que peu suspect que rend aux Jésuites
le protestant Sismondi.
« Clément XIII, continue le même auteur
protestant, regardait les Jésuites comme les
défenseurs les plus habiles et les plus cons-
tants de la religion et de l'Eghse, il avait un
tendre attachement pour leur ordre, leurs
malheurs lui arrachaient sans cesse des lar-
mes, il se reprochait en particulier la mort
des infortunés qui avaient péri en vue de Ci-
vita-Vecchia ; il donna des ordres pour que
1571
JES
ÏES
\:
tous ces (Mporti^s qui lui arrhaiont surcpssi-
v.MUont d'Kuropc et d'AiinViquo fusso-it dis-
tribués dans les Etats de l'Edise, où plu-
sieurs d'entre eu\ acuiiirent dans la suite
une haute réoutation lit'éraire. Mais en m6me
tein!)s il adressa les plus vives instances à
Charles 111 pour le tlùchir. Loin d'y réussir,
loin de déterminer ce monarque à motiver
sa barbarie antixinent ((ue par U'S généra-
lités les plus values il ne put empocher (jue
Charles 111 et le duc de Choiseul entraînas-
sent dans le même système de persécution
les deux autres branches des Bourbons en
llalie. Ferdinand de Naples, qui depuis di\
mois était réputé majeur, mais qui abandon-
Dait toujours le gouvernement à son ministre
Tanueci, lequel se conduisait par les ordres
d'Kspagne, tît investir, au milieu de la nuit
du S novembre 1767, tous les couvents
et les collèges des Jésuites dans tout le
royaume des Deux-Siciles ; toutes les portes
furent enlbncées, tous les meubles séques-
trés, et les moines, auxquels on ne laissa
prendre que leurs seuls habits, turent entr î-
nés vers la plage la plus voisine, où on h^s
embarqua aussitôt. On ne permit ni aux ma-
lades ni à ceux qu'accablait la vieillesse de
demeurer en arrière, et tout fut exécuté
avec tant de précipitation, que ceux qu'on
avait enlevés à Naples, à minuit, au point du
|Our faisaient déjà voile vers Terracine.
« Parme, dont le souverain, trop jeune
pour gouverner, obéissait à un Français,
Guillaume du Tillot, qui agissait comme pre-
mier ministre, avait déjà attaqué de {)lu-
sieurs manières les imumnités ecclésiasti-
ques et interdit les donations faites à l'Eglise
par des séculiers. Lorsque Ferdinand de
Parme supprima à son tour les Jésuites et
les chassa de Si^s Etats, ce fut pour le vieux
pontife comme un alfront qui lui était fait
non-seulement par un |)rincei)lus faible que
lui, mais encore par un feuiataire de l'Eglise.
Le 20 janvier 1708, il publia une sentence
])ar laquelle il annulait tout ce qui s'était
fait contre l'autoi'ité de l'Eglise dans ses du-
chés de Parme et de Plaisance, et il décla-
rait que les administrateurs de ces Etats
avaient encouru l'excommunication pronon-
cée dans la bulle In i'œna Domlni.
« Choiseul, (pji attachait sa gloire au pacte
de famille (entre les branches bourboniennes),
se hAta de prêter main forte au plus fail)le
des piinces bourbons, ([u'il prétendait être
opprimé par le pape. Quehjue peu fondée
qu(; fût oi'iginaiiemcMil la prétention de l'E-
glise à la souv(n'ain(!té de Parme et de Plai-
sance, c'était un fait accompli depuis des
siècles dans le droit public; et, (|U(U(jU(? les
grand<;s puissances, en dispftsaiu de l'héri-
tage des Farnèse par h;s div(M's traités d i
xviii" siècle, y euss<'nl eu peu d'égaid, elles
n'avai<;nt point, par leui- silence, aboli un
droit oonstamiuenl invocpié et par le saint
siège, (\\n le réclamait, et par les habitants
d(! Parme et de Plaisanc(î ([ui y trouvaient
uiHî garantir;; maisie duc de; Choiseul était
chariin'' de ti'ouver une occasion de (pjcirello
avec le saint-siégc. Il n'avait point pardourn)
à Clément XIII d'avoir confirmé les Jésuites
dans Ions leurs privilèges i^ar sa bulle dite
Apo{!tolir(i.ii.i]G l"S avoir justifiés sur tous les
points, d'avoir fait dans cette bnlle l'éloge le
plus pompeux de leur zèle, de leurs servi-
ces et deleurstalents, iustemenlàrénorpiooù
tous les |)arlements du royaume les condim-
naient et où lui-même sollicitait h Rome
la sunnressinn de l'ordre. Il s'entendit avec
le roi do Portugal, le roi d'Fspagn^Je roi de
Naples, qui tons avaieid montré, ])lns encore
que lui, leur inimiliéeontre l'ordre d' s Jésui-
tes; et il fit faire, par le marquis d'Aube-
te re, ambassadeur de France h R'>me, les re-
présentations 'es plus fortes; mais il ne se
donna |ias même le temps d'en attendre l'ef-
fet. Le 11 juin 1708, le marquis de Roche-
clionnrt prit possession d'Avignon et du com-
taf Vénaissin. tandis que le ministre faisait
publier un écrit anonyme dans lequel il at-
taquait les droits du pane sur ces petites
])rovinces, car l'intention du ministre était
de profiter de cette querelle pour les garder.
De la même manière, le roi de Naples pre-
nait possession de Bénévept et de Ponte-
Corvo, districts appartenant à l'Ecliseetencla-
vésdans ses Etats. Le premier président. ai*isi
que neuf commissaires du parlement d'Aix,
avaient accompagné à Avignon le marquis
de Rochechouart et y avaient fait publier un
décret de ce parlement qui réunissait la
ville d'Avignon et le comtat Vénais.sin an do-
maine de la couronn-^, comme si c'était le
prononcé d'une sentence juridique. A l'ap-
proche des deux régiments qiu les escor-
taient, le vice-légat était parti immédiate-
ment pour Nice; tous les b'ens des Jésuites
furent séquestrés, une garde fut établie à la
porte de leur collège et de leur noviciat, et
un économe fut chargé de fournir sur leurs
revenus journellement à leur subsistance.
Les quatre cours de la maison de Bourbon
n'étaient point satisfaites encore de cette
exécution militaire ; de concert avec la mai-
son de Bragance, elles revenaient à la charge
auprès de Clément XIII pour obtenir la sup-
pression de cet ordre religieux. Il mourut
presque suintement à l'Age de soixante-
seize ans, dans la nuit même qui |)récédail
ce jour qui lui sendjlait ftital et qu'il dési-
rait ardemment ne i)oint voir.
« Sur la nouvelle de la mort de Clément
XIII, le carditial de Bernis était ])arti pour
Rome, chargé de défendre les intérêts de la
France, dans le futur conelave, et surtout de
lui procurer lui pape favoi-able aux i)ré-
tentions des (juatre cou.rs de Versailles, d(>
Madrid, de Lisboinie et de Naples, |)Our la
destruction de l'ordre des Jésuites. Remis
arrêta son choix sur Laurent Cianganelli,
niOMie cordelier. Agé de soi\a't(c-(p.iatre ans
et fait cai'din.'l parClénuMit Xlll en 175'). On
s'accordait à louer son inslruclion, si inodé-
raîioti, sa connaissance de l'état actuel des
esprits et .son érpn'té. Après trois mois (1(ï
conclave, les cardinaux, du paiti des Boiu--
bons i'enpior'ère'd, cl Cianganelli fui élu le
r.> mai 17()!>. H prit \o nom de; (^-léiiuvil
XIV. 11 donna innuédiatement des i»rouvos
1575 Jor.
de sa mo(i(^ralion on abandonnant la qno-
rello ontann^d par son pn^(l(''((i><S(Mn' avec le
due (le P;u Mit', et en c'ni|)(Mlianl la iccinro (1(3
la Imllc In Cœiut Domiui. Mais lors(|no Clioi-
Sful W\\[ n'(|n(''rir d'aholii' l'ordre (l(vsj(''sui-
ti'S ol dt^ (•(■•dcr à la France el A Na|>le.s les en-
claves d'Avij^iion et do n('^n(;vonl, il v6[)iy\-
(lit (|u'il no pouvait supprimer nn ordre
y.inilio'iiK^ par dix-nenl'deses |ir(''(l(^cessenrs,
sans e'KpuMo, sans jni;enuMi( ; ([lie, n'estant
qn'adniiiiislratenr des biens de; rK^lis(>, il
ne pouvait alic'nor aucune |)artie de sa sou-
verainoti': (jue toute cession (jii'il ferait do
ces provinces serait nulle de plein droit ; (]ue,
toutefois, il n'i'tait point en (Mat d'o|)posor
la force h la f()rco ; le |)i"il-il faire encore, il
ne sacritierait la vie d'aucun clun^ien |)Our
maintenir une puissance purenieni natu-
r(H(>. Tout t'ois sa douceur et sa ni(t(i(''iation
liront cesser lai^ireur av(M; latpudle la mai-
son de Mourbon avait agi jus(pi'alors envers
le saint-si(*^fi;e ; des n(^gocialions furent ou-
vertes, (piant à la restitution des deux peti-
tes provinces annexées à la Pi-ovence; une
instruction approfondie fut entamée sur les
motifs politiques qui avaient décidé les
cours les plus puissantes de l'iiurope catho-
lique h demancier la suppression d'un oidro
religieux si accrédité; et ce fut seulement le
21 juillet 1773 que Clément XIV publia le
bref par le(iuel il abolissnt cet ordre, non
en punition d'aucun méfait, mais commo
mesure polititjue et pour la })aix de la chré-
tienté. » (Uohrbacher, Hist. univ. de l'Egl.
cath., citant, p. 310 et suiv., t. XXVII, Sis-
mondi, Hist. des Fronçais, passim.)
JIA (sainte), vulgairement sainte Jie ouïe,
vierge et martyre, était venue d'Irlande ha-
biter l'Armorique avec saint Fingar et sa sœur
sainte Piale. Klle fut mise à mort avec eux
pour la foi, en l'an de Jésus-Christ 455, par
Thewdrir, j)! ince breton. Un bourg du canton
deCornouaillesportesonnom. {Voy. Fingar).
J0GUE;S (Isaac), martyr, évangélisait les
Hurons, quand, en 16i2, les Iroquois sur-
prirent les pirogues qui le ramenaient de
Québec avec son escorte. Ces deux peupla-
des étaient continuellement en guerre. Le
saint missionnaire refusa de se séparer des
Hurons prisonniers. Un français , nommé
Guillaume Couture, fut d'abord mutilé sous
ses yeux. Quant à lui, dépouillé de ses vêle-
ments, il fut fra[)pé par les Iroquois à coups
de pierres et de bâtons, avec la dernière bar-
barie. Ces sauvages, voyant qu'il respirait
encore, lui arrachèrent successivement les
ongles do tous les doigts, et lui coupèrent
les deux indicateurs avec leurs dents. Le P.
René Goupil subit les mêmes tortures {Voy.
son article). Après ces atroces cruautés, les
Iro([uois se mirent en marche, et contraigni-
rent leurs prisonniers à les suivre : la marche
dura un mois. Les saints m;rtyrs étaient
couverts de plaies, et, comme on ne les
pansait pas, les vers ne tardèrent pas à s'y
mettre. Plusieurs fois l'occasion de fuir s'oi-
fr;l au P. Jogues; mais il aima mieux rester
et convertir à la foi chrétienne les Iroquois
qui se montrèrent dociles à ses enseigae-
JON
\7ni
monts. Sur le point (r(}tre brillé, il fut arra-
ché h ses bourreaux par un olïicierholl'andais,
et (lassa en France, où la reine-mère l'ac-
cueillit avec la vénération (pu- iiK'rit ait un
cotdesseur de la foi. Il demandi au pape la
perunssiou (h; célébrer les saints mystères
avec ses maius iimtilées. Le pa|)e répondit
(pi'il ne sérail |)as juste d(! refuser à un mar-
tyr de Jcîsus-Christ de boii-e le sangde Jésiis-
Christ. Jogues revient au Canada , où les
Iro(juois continuaient à massacrer les Hu-
rons. Il ne songe qu'au bonheur de féconder
de son sang cett(; lei-re où il avait S(nné la
j)ar'ole divin(!. Ses vunix sont exaucés : h; 17
octobi'e Ki'fG, il toud)e sous la hache avec le
P. Lalande (pii l'accompag'iail. Leurs tètes
lui-ent exposées sur la palissade du village,
et leurs C()r|)s jetés dans le neuv(\
JONAS (saint), martyi', fut mis h mort en
Perse pour la foi, sous le règne (h; Snpor, en
l'an de l'ère chrétienne 327, dans la ville de
Belh-Asa. Nous donnons ici leurs Actes au-
thenti(iues d'après le Chaldaïiue , traduits
textuellement par nous, et comme citation
empruntée à un ouvrage que nous avons en
manuscrit. C'est ainsi que nous ferons béné-
ficier ce dictionnaire de plusieurs actes ori-
ginaux.
Actes des saints martyrs Jouas, Brick-Jésus,
Zébine, Lazare, Maruthus, Narscs, Elle,
Maliaris, Habibe, Sabas et Scembaise.
Sapor, roi des Perses, avait commencé la
vingt-deuxième année de son règne ; pen-
sant agir dans l'intérêt public, il excita une
si violente persécution contre l'Eglise de
Jésus-Christ, qu'il en vint à renverser les
églises et les autels, à incendier les monas-
tères, et à accabler tous les chrétiens d'im-
pôts exorbitants. Le roi faisait toutes ces
choses dans le but d'amener les chrétiens à
abjurer le culte du vrai Dieu, le créateur de
l'univers, ]iour adorer le feu, l'eau, le so-
leil, nouvelles divinités pour eux : c'est pour-
quoi, si quelqu'un refusait de rendre ses
hommages à ces divinités vaines, il était
obligé de subir les tourments les plus intolé-
rables et les plus atroces.
Dans la ville de Belh-Asa, Jonas et Biich-
Jésus (c'est-à-dire ami de Jésus-Christ), bien
famés, et dignes de l'affection de tous les
gens de bien, ayant appris qu'en certains
lieux on sévissait avec tant de cruauté contre
les martyrs de la foi chi'étienne, qu'on vou-
lait, à l'aide de tourments iiiouis, les forcer
à renoncer à leur foi, résolurent de s'y ren-
dre. Sans retard ils se mettent en route, et,
quand ils sont près d'arriver, ils voient la
foule qui, de toutes parts, se rendait aux
autels impies. Comme ils désiraient voir par
eux-mêmes ce qui se passait sur les lieux, ils
entrèrent dans la ville d'Hubaham, et, écar-
tant tout ce qui se présentait sur leur pas-
sage, ils pai'vinrent à la garde publique, en-
trèrent dans la prison, après avoir obtenu la
permission du gardien, pour y voir les chré-
lien.s, qu'ils savaient retenus dans les chaî-
nes pour la foi. Là ils en trouvèrent un
granci nombre, que la barbarie du juge n'a-
1375
JON
30N
i576
Tait pu vaincre : ils les exhortaient pour
qu'ils continuassent^à montrer la mOmeiorce
et le uiéme courage, et avaient avec eux des
conférences sur les livres saints, atin de les
aiïermir. lis eurent le bonheur de si bien
réussir, que, de cette troupe glorieuse de
chrétiens, les uns confessèrent courageuse-
ment la foi chrétienne, les autres, et ce fut
le plus grand nombre, recueillirent la palme
du martyre. Ces derniers, au nombre de
neuf, furent Zébine , Lazare, Maruthas ,
Narsès , Elie, Maharis, Habibe, Sabas et
Scembaise.
Ces neuf martyrs mis à mort, les deux
frères Jonas et Brich-Jésus leur succédè-
rent; car le juge les avait cités au même
jour pour rendre compte de leur religion. On
racontait que ces chrétiens récemment sup-
pliciés avaient, par les exhortations des deux
frères, été poussés à choisir ce genre de
mort; ce qui étant venu à la connaissance
du premier juge , avait violemment excité
sa colère. C'est pourquoi, quand les gardes
eurent amené les deux frères devant lui, il
conunença à les tenter })ar la douceur de ses
paroles : « Par la fortune du roi des rois, je
vous supplie, excellents jeunes gens, je vous
adjure, de ne pas vous jouer de mon minis-
tère dans cette cause. Ayez donc le bon es-
prit, obéissant aux édits du roi des rois, de
rendre au soleil, à la lune, au feu, à l'eau, le
culte sacré prescrit [)ar le prince. » Les mar-
tyrs lui répondirent : « Entendez bien le peu
de i)aroles que nous avons à vous dire , et
qu'elles soient pour vous, préfet du roi, un
avertissement; de peur cjue, vous rendant
coupable de jugements iniques , vous ne
soyez puni par votre faute. Car il n'importe
pas de révérer seulement ce roi de qui vcms
c'ivez reçu votre puissance, vous devez une
bien plus grande reconnaissance à celui qui
vous a donné l'intelligence et le jugement;
et vous devez chercher tout d'abord quel est
ce roi des rois, souverain Seigneur du ciel et
de la terre, qui règle les saisons, ou en
change le cours suivant qu'il lui [)laît ; qui a
donné à l'esprit de l'homme la sagesse; par
h; soin et la j)uissance duquel des juges sont
donnés aux i)cuj)h.'s pour défendre la vérité
et pour exercer le pouvoir au nom de la jus-
tice;. A notre tour donc, nous vous prions et
vous adjurons de nous dire auquel de ces
deux lois nous devons obéir, ou bien h. celui
du(iuel nous venons de ,arler, qui est le
créateur suprême de toutes choses, ou i)icn,
au contraire, à celui (jue la mort va bientôt
frapper et mettre au .-ang de, ses aïeux? »
Ces dernières paroles, qui niaient au loi
des rois liunnorlalilé , et le i)résrntaienl
comme devant mourir un jour, irritèrent au
dernier degré les princes des mages, qui, au
combh; de la fureur, domièrenl l'ordre (ju'on
.•i()|)OitAt des v(;rges. Elles avaient été faites
av(;c des rameaux de grenadier; on ne les
avait point émondées, (;l elles étaient héris-
sées d'é|)ines. Alors on sépara les deux frè-
res, on éloigna l'un du tribunal où .se don-
uail la (|Ufsiir>ii; on le mil dans une prison
tL.îcuro, pour (ju'il ne pût en aucune façon
savoir ce que deviendrait son frère. Ce fut
Brich-Jésus qu'on éloigna ainsi. Les juges,
s'adressant à Jonas : « Voyons , délibère et
choisis, ou d'otlrir de l'encens au feu, au
soleil et h l'eau, suivant les ordres du roi,
ou d'avoir à snp[)Oiter les outrages et les plus
violentes tortures. Car le roi veut qu'on em-
])loie ces moyens pour briser ta résistance,
et ne t'imagine j)as avoir d'aUtre moyen
d'échapper à cet arrêt, que de laisser là ton
entêtement, et de faire ce qu'on t'ordonne. »
Le saint martyr Jonas leur répondit en ces
termes : « Comme je mets avant tout mon
Ame et le bon usage de cette vie, qui ne doit
point cesser quand on la remet à Jésus-
Christ Notre-Seigueur, rien ne m'amènera à
abjurer le nom de Notre Seigneur Dieu, es-
pérance universelle de tous les chrétiens, à
laquelle jamais personne n'aura à se repen-
tir ni à rougir d'avoir cru; espérance que ses
promesses, scellées de son serment, ont ren-
due certaine. Car il dit : Je vous le dis m
vérité, quiconque m'aura renoncé devant les
hommes, je le renoncerai devant mon Père
qui est dans les deux , et quiconque m'aura
avoue devant les hommes, moi aussi je l'avoue-
rai devant mon Père qui est dans les deux
(le martyr ajouta, et devant ses anges).
[Matt. X," 33 et 32J. Car le Fils de l'homme
viendra dans la gloire de son Père avec ses
anges, et alors il rendra à chacun selon ses
œuvres {Matt. xvi, 27). Ainsi donc, exécutez
promptement vos ordres ; nous n'attendons
probablement personne. Vous ne |)ensez pas
que nous soyons de ceux qui trahiront leur
foi jurée jadis à Dieu, qui elfaceions en nous
cette marque de l'Eglise de Jésus-Christ qui
nous a jugés dignes d'avoir la garde de sa
maison, quand il nous parlait en ces termes :
Vous êtes la lumière du monde; et ailleurs :
Vous êtes le sel de la terre, et si le sel perd sa
force, avec quoi salera-t-on? [Matt. v, IV et
13j. Si, d'après cela, nous obéissions, comme
vous nous le conseillez, aux volontés du roi,
c'est il bon droit ([u'on nous accuserait non-
seulement d'avoir trahi notre saint, mais
encore d'avoir livré le salut de tout notre
troupeau. »
Alors , sur l'ordre du prince des mages,
Jonas, tout nu et attaché par le ventre sur une
])Outre, fut soumis à une cruelle ilagellation ;
on emi)loya à cet elfel les V(>rges de grena-
dier (|ue iious avons dit plus haut avoii' été
])réparce.s; il l'ut happé si longtemps que les
cotes était nt déiuuiées. l'cndant tout le temps
(pie dura le supplice , s'adressant à Dieu, il
ne dit pas autre chose (pie ceci : « Je vous
rends gi'Aces , Dieu de noire |)ère Abiaham,
{pii jadis l'avez tiré de c(! lieu par l'appc'l de
votre grAc(;, et (pii nous avez jugé'; dignes
d'ap|)i(;ndre dtî lui (pn'hjues-uns des nom-
breux mystères de notre religion. Mainte-
nant, Seigneur, je vous prie de nous accor-
der (i(! vous otrrirciMUu; l'Espril-SaiMl an-
nonçait jadis i)ar la bouche de David noire
Itère' : Je vous ojj'rirni tr parfum de mes sa-
criliccs; je vous immolerai des victimes: je
vous ])résenlerai la chair des liœufs et des bé-
liers. Venez, et écoutez, et je vous raconterai à
1577 JON
tous les œtivresde Di€u{Ps(tl. l\v, U et 15);
et nous, nous vous attendons et vous ser-
vons, connue il est écrit : Je nai dnnanilé
anime chose au Seiqneur et je la clierclirrai »
(Psat. \XM, V). Kiisnite, élevant la voix, il
s'éeria : « Je renonce au roi idol.Ure el à
tous ses sectateurs , ciue je déclare les mi-
nistres de l'esprit malin. En outre, je renie
le soleil, la lune, les étoiles, le feu et l'eau;
et au contraire je crois et je m'enj:,age M)ieu
le Père , au Fils et au Saint-Kspiit. »
Ai)r(\s avoir entiMulu celle pru'^re, les juges
donnèrent l'ordre (|ue le l)ienlieureu\ mar-
tvr fiU attaché par un i)ied avec une corde,
ennnené loin de là cl jeté pendant toute la
nuit sui' un élang t;;lacé , et (pi'on mît des
sentinelles lie craiut(Mpi'ilnes'écliap[)At. Pour
eux , ils s'en allèrent souper, et , ayant pris
un peu de sounneil , ils revinrent continuer
leur jugement. Les gardes ayant ramené
Bricli-Jésus , les princes des mages lui tin-
rent ce langage insidieux : «Dis s'il te plaît
d'ado[)ter la religion que ton compagnon a
embrassée depuis longtemps? Par ce moyen
tu éviteras cerlainement l'ignominie et le
déshonneur qui te couvrent déjà et qui res-
teront élerne lement sur ta mémoire. — Moi,
au contraire, leur dit le saini martyr, je ren-
drai d'autant plus mon culte au JDieu véri-
table , je lui rendrai d'autant plus d'actions
de grâces, je chanterai d'autant i)lus d'hym-
nes à sa louange, que mon frère, comme je
l'apprends de vous, l'a plus outragé en apos-
tasiant honteusement , quoique au reste je
sache bien que vous mentez et cherchez à
me circonvenir. Mais la vérité ne subira
point cet échec : car qui serait assez aveugle
pour croire avec vous que des corps faits
pour le service des hommes contiennent
quelque chose de divin ? Qui pourrait faire
que nous, qui ne sommes pas des insensés,
rendissions des honneurs divins au feu, que
nous savons fait par le Créateur pour la
commodité des mortels, et que nous voyons
servir tous les jours au commua des hom-
mes , aux pauvres comme aux riches ? De
quel droit voulez-vous nous forcer à accor-
der nos hommages à une chose faite et créée
pour le service et l'utilité de l'univers , et
que Dieu a soumise à notre empire et à
notre puissance ? Et pourquoi ne nous or-
donnez-vous pas aussi d'abjurer le Dieu qui
a créé le ciel et la terre , qui a créé la mer
et qui tient la terre suspendue au milieu de
l'univers; qui a façonné tout ce que nous
voyons au-dessus de nous; le Dieu que par
conséquent doivent adorer et révérer ceux
qui ont la souveraine puissance sur les hu-
mains ? Personne d'entre les mortels ne
peut se passer de lui, car sa volonté régit et
soutient tout, et lui, au contraire, n'a besoin
de personne , car ce n'est point par besoin
qu'il a créé l'univers , mais bien jiour que la
subi. me majesté et l'excodenco de l'ouvrier
se manifestassent aux yeux des mortels. Et
à ces choses il a ajouté les magnitîques ora-
cles des Ecritures par lesquelles l'idolàirie
est défendue : Tu ne te feras point d'idole
taillée, ni aucune image de ce qui est en haut
JON
1378
dans te ciel, ni de ce qui est en bas sur la terre,
ni dans les eaux sous la terre. Tu ne les ado~
reras point {Exod. \x, 4 et 5). Je suis lèpre-
inicr et le dernier {Apoc. i , il). Je suis le Dieu
ittiique, et Un y a point (Vautre Dieu que moi
[Deut. xwii , 39). Je ne donnerai point ma
gloire d un autre, et à des idoles les louanges
qui me sont dues {Isuie, xlii. H). Je frapperai
de mort et je ressusciterai, et nul ne pourra
s échapper de mes mains » [1 Reg. ii , (j).
Les princes des mages furcsnt frappés de
stii|)eur en entendant ce langage , et crai-
gnant la puissance de son élo(|uence : « Jl
ne faut pas soutfrir, dirent-ils, que quelqu'un
entende cet homme défendi'e ainsi sa reli-
gion , ou bientôt les adorateuis du Soleil
abandonneront son culte et nous diront cou-
pables d'impiété, comme le faisaient tout à
l'heure les sectateurs de cet homme. C'est
pourquoi nous voulons qu'il ne soit plus in-
terrogé que la nuit. » Pendant ce temps-là on
ap[)orta des lames d'airain qu'on fit rougir
sur des charbons ardents ; on apporta aussi
deux marteaux incandescents; on ap|;liqua
les unes et les autres sur les bras du martyr,
et les mages lui disaient : « Parla fortune du
roi des rois, si tu fais tombi.'r un seul de ces
instruments , nous dirons que tu as abjuré
la foi chrétienne. » Le bienheureux Brich-
Jésus leur répondit : « O mauvais démons,
ministres impies de votre roi ! non, par Jé-
sus-Christ Notre-Seigneur, Fils de Dieu ; non,
dis-je , je ne crains pas votre feu; pas une
de ces lames ne bougera. Bien plus, au nom
de ce môme Dieu, je vous adjure d'épuiser
la série de vos tortures , et si vous en trou-
vez d'assez cruelles suivant vous, hâtez-vous
de me les appliquer. Celui qui accepte les
combats pour son Dieu sait qu'il faut qu'il y
marche avec courage, surtout celui que Dieu
a enrichi de quelque grâce particulière ou
qu'il a élevé en dignité. » Comme il finissait
de parler, les juges lui firent verser du plomb
fondu dans les oreilles et dans' les yeux , et
le firent en cet état transporter dans la pri-
son , où il demeura suspendu par un pied.
On fit ensuite venir Jonas. Les mages lui
dirent:«Réponds,Jonas, comment te portes-
tu ? Sans doute tu as trouvé bien cruelle
cette nuit passée sur un étang glacé? — Non,
répond Jonas, non, par Dieu que mon âme
s'apprête à voir bientôt ; non, par le jour que
j'ai reçu de ma mère; rien de plus agréable
et de plus délicieux ne m'est arrivé, car la
mémoire de la passion de Jésus-Christ me
soutenait d'une f çon vraiment merveil-
leuse. » Alors les mages : « Quant à ton com-
pagnon , sache qu'il a renoncé depuis long-
temps. — Certes , répondit-il , je le sais, il a
renoncé au diable et à ses anges. » Les ma-
ges reprirent : «Réfléchis, Jonas, pour ne
pas péiir misérablement, abandonné de Dieu
et des hommes. » Saint Jonas leur dit : « J'ad-
mire qu'étant insensés comme vous l'êtes,
vous vous proclamiez néanmoins juges, et
que vous prétendiez que vous discutez les
attaires et rendez les jugements avec saga-
cité. Si vous êtes sages , dites-moi ce que
ueut gagner un homme à laisser ses blés
1379
JON
m
4580
amoncelés dans ses greniers, sous prétexte
de les mettre à l'abri des pluies et des in-
jures des saisons , et s'il ne vaut pas mieux
les semer à pleine main, le cœur gai, en se
conllant à Dieu dans l'espoir de la moisson
prochaine, lors d." laquelle, pour un peu de
semence , l'aire rendra de riches pruduits !
Si quelqu'un garde ses blés renfermés dans
son grenier, loin d'augmenter, peu à i)eu ils
décroissent et bientôt n'existent plus. Jugez
s'il faut faire la même chose enceijui nous con-
cerne : car si quelqu'un a doinié sa vie en ce
monde pour Jésus-Christ, quand le Christ,
dans le monde futur, se montrera dans toute sa
gloire au genre humain, celui ([ui aura mis
en lu' son espérance sera ressuscité éclatant
de lumière; au contraire, les coupables, les
réfractaires à la loi, ceux qui l'auront mé-
prisée, seront jetés dans des fourneaux ar-
dents, comme noslivi-es sacrés nous l'ensei-
gnent : Non sunt carbones igni eorum; nec
splendor flammis eorum {Job xviii, o). [Je
n'ai pas voulu traduire ce passage.] Les ma-
ge ■< lui dirent : « Prends garde que tes livres
ne te ti'ompent, car ils ont été cause de l'er-
reur d'un grand nombre. — Nos livres, dit
Jonas, n'ont point causé l'erreur u'un grand
nombre, mais, après les avoir détachés des
voluptés de ce monde, ils leur ont l'ait goû-
ter la douceur des douleuis de Jésus-Christ
soutirant. Supposez qu'un prince, un homme
quelconque a piépai'é un repas et y a invité
ses amis, aucun d'eux assurément n'ignore,
en sortant de sa maison, ([u'il va souper à la
demeure de son ami; mais quand il y est
arrivé , qu'il s'est mis à table et que les li-
bations d'un vin généreux lui ont fait pei-
dre la raison , il oublie le chemin du logis;
il trébuche jusqu'à ce que ses domestiques
survenant le reconduisent à la maison. Le
lendemain malin, à son réveil, il se réjouira
d'avoir échappé pour cette nuit à la société
de ses amis , et par conséquent à la honte
qu'il n'aurait pas manqué d'encourir. Ainsi,
à peu près , un serviteur de Jésus-Christ,
conduit par les satellites, n'ignore certes
pas qu'on le mène en jugement; quand il est
au tribunal , qu'il a bu lamour de la cioix
de Jésus-Chri.sl et qu'il s'en est enivré , il
perd la mémoire de tout ce qui tient à cette
vie fragile, des l)iens, des ricliesses gagnées
ou héritées des ancêtres, de l'or, de l'argent.
Par-dessus tout , regardant comme |);!U de
chose Ii'S rois et les j)rinces, les puissants et
les grands seigneurs, il désire la ju-ésencedu
seul viai roi dont le royaume est éternel et
do:.t la puissance s'étend de génération en
génération. » Les juges, voyant li cou>lan(;e
du ujartyr dans sa résolution , ordonnent
qu'(jn lui coU|)e, dans lesjointui-es, les doigts
des pieds et d(;s mains , et ensuile les font
jeter. KnsuiU;, louvués vei's le marlyi- :
« Vois, lui dirent-ils, commi; nous avons
semé les doigts : ailiMids la moisson , tu ré-
colleras de colle semcînce, u!i grand nombre
de mains. — Je ne di.niandi' pas plusieurs
mains, leur répondii-il. l^e Dicui «pii inie
jjiemièic fitis m'a ci'éé m'cui fera un jour dci
wouv
lerc iDis III a ci-ee m (Ui lera un lour (Jci
elles. » Alors ils lirunt reinidii- nue
chaudière de poix bouillante , et après avoir
fait arracher au martyr la peau de la tète et
lui avoir coupé la langue , ils le plongèrent
dedans; mais la poix, s'enllant tout à coup
et sortant de tous côtés hors du vase , le
martyr n'y reçut aucun mal. Les juges,
voyant qu'ils n'avaient réussi à rien, et que
Jonas n'avait reçu aucun mal de cette poix
bouillante, le mirent sur une [)resse de bois
et l'y étreignirent avec tant de violence, que
ses veines et ses tendons se ronq)aient avec
bruit. Knsuite ils le coupèrent avec une scie
de fer en morceaux qu'ils firent jeter dans
une citerne desséchée , et mirent des gardes
à Tentour pour qu'on ne vint pas les en-
lever.
Les juges, voyant qu'ils en avaient fini de
cette manière avec le compagnon de Brich-
Jésus, exhortaient ce dernier à avoir pitié de
son corps et h trouver un moyen d'éviter un
sup[)lice certain. Il leur dit : « Ce n'est pas
moi qui l'ai fait ; ce n'est pas moi qui le per-
drai. Dieu , son créateur, sera là pour lui
rendre la forme perdue , et qui vous fera
porter la peine de votre cruauté envers moi,
ainsi qu'à votre roi insensé qui, méconnais-
sant son Créateur et son Seigneur, cherche
à faire prévaloir ses lois impies contre sa
volonté sainte. »
Alors Hormisdascire , se tourn*int vers
Mahar-Narsès : « Nous outrageons le i"oi, dit-
il , car ces gens dont l'eireur a envahi l'es-
prit ne respectent les actes ni les paroles de
personne. » Ayant ainsi parlé , tous deux
exhalèrent la colère qui les animait en don-
nant l'ordre que Brich-Jésus fût battu av*>c
des joncs pointus , et qu'ensuite on couvrît
tout son corjis d'éclats de roseau qu'on ferait
entrer dans ses chairs avec des cordes du-
rement serrées. Ils le tirent, ainsi lié, rouler
à terre. Bientôt ils firent arracher, afï'reux
su[)plice , tous ces roseaux : la peau venait
avec eux. Enlin ils le mirent dans une presse
oti , lui ayant fait verser avec violence de la
})oix et du soufre fondu dans la bouche, il en
lut sulfoqué et mourut , et reçut ainsi la
môme couronne que son frère.
Ayant ap{)ris la mort de ces deux mai-lyrs,
Abtusciales vint , acheta leurs cor[)s pour
cinq cents drachmes et pour ti'ois vèl 'inenls
de soie , jiyant aupai-avant fait le serment
que jamais il ne dnail rien de cela. C'est
})ouri|uoi Abtus(nales était anciennement
honoré conjoiniement avec eux.
Ce livre, ('crit d'après le r(''cil de témoins
ocul.nrts, ct)iilienl les Actes des saints .'cuias,
Bi icIi-Jésus, Zéhine, Lazare, iMai'ullias, Nar-
xès, Klie , .Niahaiis, Hai)il)e, Sabas et Sceiii-
Ijaise , martyrs (l(> Jésus-Ciu'ist , cpii , ayant
conihaltu avec le secours dt; sa grAce et étant
d(!ineurés victorieux, oui mérilé la glorieuse
couronne des Iriomphaleurs. Niins prions
(julsaie, lils d'Adab d'Lr.eroum et chevalier
de la c()horlt^ du n)i , ijui a (Hé témoin des
louniMMits de ces saints martyrs, i'I cpii a.
entrepris la l.Ulie d'écrire leurs triomphes,
ail part à leuis prières. Tons ces saints iiiar-
lyrs,du premier jusqu'.ui dernier, cueilli-
i581
JOS
JOS
138Î
ri'iit la paliiK^ lo 29" jour de la lune du mois
de ili'cemhie. (J'niduclion de rautcur.)
JOSAIMIAT (s.iiijl). ;irclit'V(^(|U(; dii iNtlotzk
et inarlyr, (Hnil un luoinn do Saiiil-Hasilc. On
le playa sur It- siéfj,e do lN)lo(;zk dans la Li-
thuarni', vdie iVonti('>rt! de la iM(»st:ovi((. Ct-llo
église suivait les errements du seliisme grec.
J()saj)liat em|)Ii\>a toutes les ressoufces (luo
put lui touinir sou zèle |)oui' ramener les
selusmatiques dans lo sein de TK^Iise. Loin
de réussir dans sa sainte et couraji^ouse en-
trepi'ise , il dut la |)ayer du sacriliec de sa
vie, et fut ni-issacré par les schismali(|iies lo
il iiovend)re \(ylli. En IGi-i, un décret de la
C(>ngréj;atinn des llites déclara ([uo le mar-
fvre de notre hienheiirtuix archevèipu' était
prouvé d'une manière évidente, et sa sain-
teté conlirmée |)ar (luolcpies nnracles. Le [)ape
Urbain >111 ilo'uia son approbation <i un oi-
tico et à une messe établis en son honiuur
chez tous les moaies de l'oidre de Saint-
Basile et dans toutes les éj^lises du diocèse
de Poloczk.
JOSEPH (saint) , martyr, versa son sang
pour la foi avec sainte Photina sa mère,
V'ictor son frère , Sébastien ollicier de l'ar-
mée, Anatole l'hotius, Phoiide-, saintes Pa-
rascève et Cyriaquo sœurs. L"Eglise honore
le. .r mémoire le 20 mars.
JOSEPH (saint), martyr, disciple de saint
Narsès , évèque clo Scialiarcadat , capitale de
la province de Beth-Germa eu Perse, fut mar-
tyrisé avec lui sous le rè-',nc de Sapor Lon-
guevie. 11 fut décapité le 10 do la lune de
novembre , en 343. Sa fête est inscrite au
Martyrologe romain lo 30 du même mois.
(Voy. Narsès.)
JOSEPH (saint), martyr en Perse sous le
règne de Sapor, en l'an de Jésus-Christ 380,
fut mis à mort après de glorieux combats
avec les saints Aitldlahas et Acepsimas {Voy,
l'article de ce dernier.) L'Eglise honore leur
jnémoire le 14 mars.
JOSEPH, surnommél'HYMNOGRAPHE (saint),
confesseur, reçut le jour en Sicile. Les bar-
bares d'Afrique ayant ravagé cette île, notre
saint se réfugia en Grèce. 11 entra dans le
monastère du Sauveur appelé Casomus , y
fut ordonné prêtre , puis partit pour Cons-
tanlinoplo où il séjourna longtemps dans le
monastère des saints Serge et Bacque. L'em-
pe.eur Léon l'Arménien ayant commencé sa
persécution cruelle contre ceux qui hono-
raient les saintes images, Josejjh s'enfuit, se
dirigeait sur Rome; mais il fut arrêté en
chemin par les S rrasins , qui le conduisi-
rent dans l'île de Crète où il resta longtemps
en [)rison. Dieu éeoutant favorablement ses
prières , le délivra entin des mains des en-
nemis de la foi. 11 revint donc; à Constanti-
nople, se procura des reliques de plusieurs
saints et se reln-a en Thessaiie, où il lit cons-
truire une église dans un endroit solnaire.
Ce fut à cette époque surtout que notre saint
composa un g. and nombre d'hymnes, dont
plusieurs ont été adoptées par les Grecs dans
leurs oûices.
Cependant le zèle etl'ardeurde saint Joseph
h soutenirrhonneurdesimageslui a-.antattiré
de violentés persécutions do la part des ico-
noclastes, l'empereui' 'fie Ophile le bannit
dans la Cliorsonèse. Ouand ii fut ra()polô
plus tard d(! son glorieux (îxil, le palriaicho
saint Ignace h; lit sci'voi'liylax (gardien des
vases sacrés) de la grande église de; (^onstan-
tinopl(\ Ce lut dans l'exercicMî do celte sainto
charge (ju'il mourut vers l'année 8H3. Son
nom est inscrit lo 3 et le 4 avril dans les mé-
nolog(!s des Gr(;cs.
JOSKPH (saint), patriarche de Vaïotz-t/.or,
et du village Holotzmanz, soulfrit lo mar-
tyre sous le règne do Hazguerd , roi do
Perse, (jui voulait imposer à l'Arménie, dont
faisaient partie noti-o saint et ses compa-
gnons, la loi do Zoroaslre. Ce fut Joseph qui
envoya au roi une i)rofession de foi au nom
de toute l'Arménie, en réi)onso à un mani-
feste violent que ce prince avait fait rédiger
par ses ministi-os contre les chrétiens, (juand
il avait vu {{uo ni les inqxjts, ni l(!s vexa-
tions de toutes sortes ne pouvaient vaincre
leur fermeté. Ce fut encore lui qui adressa
à Théodose le Jeune, em[)erour do Constan-
tinople, une lettre par laquelle il lui deman-
dait des secours au nom de toute l'Arménie,
atin de pouvoir lésister à leur tyran. Ce
saint joua un grand vù\e dans les guerres que
les chrétiens d'Arménie eurent à subir con-
tre Hazguerd, par son courage, sa fermeté
et ses vives exhortations aux princes du
pays. Il fut victime de son zèle et jeté dans
un noir cachot à Niuchabouh, où il fut con-
fié à la garde du chef des mages, en même
temps gouverneur civil du pays d'Abar ,
avec les cinq autres prêtres : Sahag, évêque
de Kichdounik; Léonce, archiprêlro de Ya-
naut, du village d'itcavank ; Mouche, prêtre
de Halpage ; Archez, prêtre de Pakrévant du
village d'Eléheg ; Kalchatch, diacre du pays
de Richdounik. Ce mage-gouverneur, voyant
ces saints combaltants demeurer fermes
dans leur foi, les maltraita beaucoup, et les
lit enfermer dans un noir et humide cachot,
où deux gamelles de soupe épaisse et une
cruche d'eau composaient tous leurs ali-
ments. Etonné de les voir joyeux et bien
portants malgré leur dure captivité et la
grossière nourriture qu'il leur faisait donner
depuis quarante jours , ce mage vint une
nuit rôder autour du cachot , soupçonnant
que quoiqu'un de ses serviteurs portait en
sous-uiain des aliments aux prisonniers. 11
s'approcha doucement du soupirai] de la
priso 1, et fut témoin d'un prodige étrange :
chacun des prisonniers brillait d'un éclat
merveilleux , au milieu de l'obscurité de la
nuit. Il fut si épouvanté de ce prodige, que
bientôt il renonça aux erreurs du magisme,
et se fit instruiie par ses [)risoiiniers dans
la religion de Jésus-Christ. Sur ces entrefai-
tes, le roi Hazguerd, excité par ses courti-
sans et par I, s mages, envoya Tenchabouh
afin de faire mourir nos saints prêtres. Quand
il arriva pour exécuter les ordres sanguinai-
res de son maître, il ne fut pas peu étonné
de trouver le mage-gouverneur assis au mi-
lieu des prisonniers, écoutant leurs discours
et les exhortant lui-même à braver le mar-
i385
JOV
JIC
1384
tvre. Tcnclmbonh avertit lo roi de ce aui se
passait. Celui-ci lui df^lVndit de punir publi-
quement le rhef des niasies, à cause du tort
qui en résulterait |iour Irur religion ; mais
il lui ordonnait de l'envover secrèiemenf en
exil dans un pavs lointain, au nord du Kho-
rassan, ofi il reçut la jialme du martyre.
Après avoir terminé cette allaire, le niinisfro
des cruautés d'Hazguerd lit, la mCnne nuit,
transporter .Tosoph et ses compaç;nons dans
un endroit écarté du désert. Arrivés au lieu
de l'exécution , on leur lia les pieds et les
mains, et ils furent traînés d'abord sur un
sol roca'lleu\ et rempli d'aspérités. Ensuite,
Tcnchabouh, avant vainement essayé de les
faire renoncer .^ leur foi, ils furent décajjités
10 30 jiiillet 45'i., dans le grand désert du
pavs d'Abar, au département de la ville
rovale de Niuchabouh.
JOSFPH (le prince^ douzième fds de Sou-
nou, résnlo du trois-ème rang à la cour de
Pékin, était attaché à la suite de l'empereur
Kans-Hi, ainsi (jue son frère Lessihin, si-
xième de la famille. Après la mort deKang-
Hi, l'empereiH- Young-ïching, étant mécon-
tent du neuvième de ses (ils, enveloppa Les-
sihin et son douzième frère dans la même
disgrâce. Il la leur témoigna de la façon sui-
>7inte : Il nomma Lessihin pour suivre le
neuvième ago fon nomme ainsi les fils de
Temnereur) à la guerre. Lessihin, la veille
du départ, crut devoir aller prendre congé
de l'empereur avec son douzième frère, qui
était Tai-tou-ambam, c'est-à-dire grand maî-
tre des équipages de guerre et de chasse do
l'empereur. Celui-ci entra dans une violente
colère, ot lui fit dire qu'il le trouvait bien
hardi d'être venu au palais. « Je viens, dit
le prince, avec mon frère le Tai-tou-ambam,
prendre les derniers ordres de votre Trône.
— Les voici, dit l'empereur, partez domain,
vous et votre fière.» Le douzième prince fut
stupéfait d'être ainsi frappé sans motif, sans
raison qu'il pût comprendre ; il sortit dupa-
lais. Ce qu'il venait d'éprouver était un de
ces coups de la Providence, qui montrent
tout à coiip aux yeux d'un homme ce que
c'est que le monde, et quel fondement il
faut faire sur les biens qu'il procure. Résolu
d'aller immédiatement ta celui qui est la
source de toute justice , et rpii lient fidèle-
ment ses promesses, en récompensant cha-
cun de SOS mt'rites, lo prince vint à l'Eglise.
11 demanda et reçut le l)a[)tèine sous lo nom
do Joseph. Peu de temps ajtrès, s;i femme et
ses enfants suivirent son (îxemple. Imuiédia-
temont après son baptême, Joseph dut par-
tir avec son frère. Ce fut dans co pi-cnuier
exil que dut lui arrivr'r l'ordre d'aller re-
joindre, à Yeou-Oué, posl(î militaire de la
'Jarl'irie, toub! sa famille, (pie remponnir
y exilait poiu' la iV)i, l'annécî suivante \~tl'\.
{y'oy. les articles Sot'voi; (st Ciiim:.)
JOVJN, évèrpK! d'Africpu!, n'cnil pas h;
courage d'envisager les tourments vl le ti-é-
pas pour la ff)i d'Hit il était !(( ministr-o,
fious lo règne de Dècc, il eut h; mallKnii- do
renoncer son Dieu, ccîîiji qui lavait éhivé h
la dignité do successeur des apôtres, pour
sacrifier aux idoles. Depuis son apostasie, il
est tombé dans l'oubli des hommes. Puisse
Dieu no s'être pas souvenu de lui au jourde
son jugement ! Peut-être, comme faisaient
alors beaucoup île ceux qui tombaient dans
un pareil malheur , vinl-il à Rome pour y
chercher son iiardon el l'occasion de réparer
son crime. Il serait possible que le Jovin
que nous traitons d'apostat dans cet article,
soit le Jovin martyr que nous admirons
dans le suivant. Dieu a des miséricordes in-
finies, et jamais le plus grand pécheur n'en
doit désospérer.
JO^TN (saint), reçut la couronne du mar-
tyre h Rome sur la voie Latine, avec saint
Basilée, sous le règne et durant la persécution
de Valérien. On ne nous a pas gardé de do-
cuments authenti(]ues sur la manière dont
ils accomplirent leur sacrifice. L'Eglise fait
leur fête le 2 mars.
JOVIN (saint), martvr, mourut pour la foi
de Jésus-Christ, à Rome, avec les saints
Pierre, Marcien, Cassien , sainte Thècle et
plusieurs autres, dont nous ignorons les
noms. On n'a aucun détail authentique sur
eux. L'Eglise fait leur fête collectivement le
26 mars.
JOVINIEN (saint), était lecteur dans l'é-
glise d'Auxerre. Il reçut la palme du martyre
dans cette même ville, dans des circonstan-
ces qui nous sont complètement inconnues.
L'Eglise fait sa mémoire le 5 mai.
JOVITE (saint) versa son sang pour la re-
ligion chrétienne, avec saint Faustin, à
Bresce, sous l'empereur Adrien. Ce que ra-
conte de lui Rollandus ne porte point en soi
les preuves de vérité nécessaires à des his-
toires de cett(^ importance. L'Eglise fête saint
Jovite le 15 février.
JUCOND ou JocoNDE (saint), martyrisé à
Carthage, sous l'empire de Septime-Sévère.
Il fiït brûlé vif avec saint Saturnin et saint
Arlaxe, comme on le peut voir dans la vision
de Sature, écrit(! par lui-même, dans les Ac-
tes do sainte Perpétue. (Voy. l'article de cette
dernière sainte.) L'Eglise fait la fête de ces
saints martyrs le 0 janvier.
JUCOND (saint), évêque et confesseur,
souffrit, pour la foi de Jésus-Christ, h Bolo-
gne. Les Actes des martyrs ne nous ont laissé
aucun détail sur l'époque et les dilféi-entcs
circonstances (pii illustrèrent son coml)al. II
est inscrit au Martyrologe romain le Ik no-
veml)re.
JUCONDE (sainte), tut honorée de la palme
des glorieux comljillanls de la foi h Noie.
Elle eut pour (;ouip;>gno de son martyre
sainte Julie. L'Eglise fait leur mémoire le 27
juillet.
JLCONDIEN ( saint \ reçut la glorieu«;e
|talme du martyre on Al'ri(pie. Il fut précipité
dans la mer. L'Eglise fait sa sainte mémoire
le \ \\\\\]v\.
JIJC.ONDIN (saint), fut martyrisé .M'rovcs,
-^n même temps (pie saint Claude, saint Juste
ot ciiKi autres (1110 lo Marl\rologe romain ne
noimne pas: leur sacrilico s'accomplit sous
lo règne (h; rempereur Aurélien, et, s'il faut
en croire les actes de sainte Julie, en sa pré-
43&5
lUD
JUD
1386
sence. Leur me a lieu le 21 juillet, comme
celle do sainte Julio; prohabloment que leur
marivro eut lieu lo niômo jour.
JIJDK (saint), aixMro, martyr, élai' auti'o-
nioiit appelé TliaïKléo, et encoio suivionimù
Lebbéo, selon le grec et selon les versions
orientales. Ainsi il avait trois noms, selon
saint JérAme. Om-'''l'^it'S-uns prétendent (|U0
Judo et Tliaddoe ne sont que le ménu! nom
dans la langm» originale. Saint Jérôme tra-
duit le nom de Lebbce par un terme (jui si-
gnifie un homme de sons et do tête. Le mémo
l*éi-e et quelques autres attribuent encore à
saint Judo le titre ou lo surnom de Zélé, et
disent qu'il l'avait mérité ou se rendant il-
lustre par cette vertu.
Il était frère de saint Jacques le Mineur.
Ainsi i''est le mémo Judo <|ui est appelé
f ère de Jésus-Christ, paire (ju'd était iils de
Mario, sœur de lasaintt> A'ierge, et do Cléo-
phas, fiè.e de saint Jose[)h. Il fut marié et
eut des enfants, puisque Hégésippe, au raj)-
port d'Eusèbe, parle de deux martyrs, ses
petits-Iils, comme nous le dirons dans la
suite : Nicéphore a mémo trouvé à sa femme
le nom de Mario. Il fut fait apôtre, l'an 31 de
l'ère commune, un peu après Pâques. Dans
la cène, il demanda h Jésus-Chrisi [)Oui"quoi
il devait se manifester à eux, et non pas au
monde.
Nous lisons dans saint Paulin que Dieu a
donné cet apôtre h la Libye pour y dissiper
les ténèbres de l'erreur par une si vive lu-
mière. Il semble dire que le corps de saint
Judo y était demeuré; mais on ne voit pas
s'il parle de la Libye Cyrénaïque, qu'on croit
communément avoir reçu l'Evangile par
saint Marc, ou de la ïripolitaine, ou, peut-
être, de quelque autre part;e pus méridio-
nale de l'Afrique ; car nous ne trouvons au-
cune autre marque de la prédication de saint
Jude dans ces pays. Les Moscovites croent
avoir reçu la foi par lui. Saint Paul nous ap-
prend que les frères de Jésus-Christ me-
naient avec eux, dans les provinces, quel-
ques fournies chrétiennes, qui les servaient
et les assistaient de leurs biens, selon la cou-
tume qui s'observait en Judée. Cela se doit
entendre particulièrement de saint Jude,
puisque nous ne lisons point que les autres
frères du Seigneur aient été prêcher dans
les provinces. Nous allons voir (|u'il a vécu
apparemment jusqu'après la ruine de Jéru-
salem. Ainsi nous avons tout lieu de juger
qu'il fit un voyage en cette ville vers l'anbS;
car, après 'e martyre de saint Jacques, son
frère, les apôtres et les parents de Jésus-
Christ s'y rassemblèrent de tous côtés, pour
lui donner un successeur, et l'on choisit pour
cela saint Siméon, que l'on croit aussi avoir
été frère de saint Jude,
Nous avons une Epître de saint Jude,
qu'on met la dernière des sept à qui l'on
donne le nom de Catholiques, peut-être parce
qu'elles s'adressent à tous les fidèles en gé-
néral, et non à aucune Eglise particulière.
On croit néanmoins que celle-ci est propre-
ment pour les chrétiens convertis du ju-
daïsme. Il avait toujours souhaité de leur
DicTioNN. DES Persécutions. L
écrire <:ur le salut (pie Jésus-Christ est venu
apporter à tous les hommes. Mais comme
les saints, au lieu de suivre leurs pensées et
leurs désirs, s'attachent aux règles de Dieu,
dont \e temps n'est pas toujours pi'êt, il at-
tendit (pi'il se vît oblig('; d'exhorter les chré-
tiens à combattre pour la foi <[ui leur avait
été c'iseignée, et ;i i-ejeter les faux docteurs
qui s'ellorçaiont de la corrompre. On croit
que c'étaient les nicolaites, les gnostiques,
les snnoniens et autres de ce genre-là, dont
les mœurs n'étaient pas moins corrompues
3ue la doctrine, parce qu'ils se contentaient
'une foi stérile et sans œuvres. Ainsi il
traite le môme sujet que saint Pierre, dans
sa seconde Epitre, dont il prend tellement
l'esprit qu'il imite ses pensées et quelque-
fois même ses expressions. Mais, parce que
les excès de ces hérétiques se répandaient
et s'augmentaient de i)lus en plus, il s'élève
contre eux, avec encore plus de force que
saint Pierre. Cependant, comme le zèle de
la charité est sans amertume et sans haine,
il exhorte les fidèles à travailler avec humi-
lité à les sauver et à les retirer du feu où
leur folie les précipitait. Il semble citer ex-
pressément la seconde Epître de saint Pierre,
et marquer même que la plupart des apôtres
étaient déjh morts. Ainsi il peut bien n'a-
voir écrit son Epître qu'après le règne de Né-
ron et apiès la ruine de Jérusalem , et
c'est la seule époque que nous ayons de sa
mort.
Plusieurs ont douté autrefois de l'autorité
de son Epître, parce que le livre d'Enoch, qui
est apocryphe, s'y trouve cité. Mais cela n'a
pas empêché qu'étant autorisée par son an-
î:quité, elle n'ait été reçue au catalogue des
Ecritures divines, dès avant la fin du iv' siè-
cle, par un coiîsentementgénéral.Et saint Au-
gustin soutient qu'on ne ()eut nier qu'Enoch
n'ait écrit quelque chose par l'esprit de Dieu,
puisque saint Jude le dit dans son Epître ca-
nonique. Origèno dit que cette Epître, dans
le peu de lignes qui la composent, contient
beaucoup de paroles pleines de la force et de
la grâce du ciel
Voilà tout ce que nous trouvons d'assuré
et de fondé pour l'histoire de saint Jude. On
en dit néanmoins encore bien d'autres cho-
ses, qu'il ne sera peut-être pas inutile de
toucher ici en un mot. Saint Jérôme rapporte
quap.ès l'Ascension, il fut envoyé àAbgare,
roi d'Osrhoène, et il cite pour cela l'Histoire
ecclésiastique. L'anonyme OEcuraénius pa-
raît avoir cru la même chose; mais l'His-
toire ecclésiastique même nous apprend que
saint ïhaddée, qui y fut envoyé, était un des
soixante-dix disciples, comme Eusèbe ledit
en trois endroits différents. Cela n'empêche
pas que les nouveaux Grecs et Latins ne di-
sent que saint Jude a prêché à Edesse et dans
toute la Mésopotamie, v affermissant, dit
N céphore , l'ouvrage de Dieu que saint
ïhaddée y avait commencé. Cet historien
ajoute qu'il a aussi prêché dans la Judée, la
Galilée, la Samarie, l'Idumée, et dans toute
la Syrie. Il paraît encore qu'on a cru qu'il
avait établi la foi et l'épiscopat dans la grande
Arménie; et an assure que les Arra(''niens
tiennent, par tradition, qu"il a souUert dans
leur pays. Nous avons vu (jue sai-it Paulin
lo donn'e à la Libye. Fcjrtuaat dit qu'il est
enterr '• dans la Perse, ce que les martyrolo-
ges latins ont suivi.
BèJe racinte de saint Jude plus de parti-
culier tés , mais sur les histoires qui con-
tiennent, dit-il, les soulfrani-es d s a|).Mri'S,
et que la plupirt croient apocryphes. Aussi
.ce qu'il eu dit revient tout à fait à Abdias,
qui nous donne une grande histoire de ce
que saint Jude fit et soull'rit dans la Perse
avec saint Simon. Les Constitutions disent
qu'il y avait des apùtres qui, mûine en [)r6-
chant"i*Evangile, cultivaient la terre, a(in de
n'être jamais oisifs ; et qudques-uns Tenten-
Uent lie saint Jude, p ul-ôlre parce que c'é-
tait l'emploi de ses petits-lils ; mais on ne
peut rien assurer sur cela, non plus que sur
jilusieurs autres choses que les nouveaux
Grecs disent de lui.
Quelques Grecs écrivent qu'il est mort en
paix à Béryte (en quoi il y a bien de l'appa-
rence qu'ils le confondent avec saint Tliad-
dée, a-ôtre d'Edcsse). Leurs ménolo^es, qui
en font la fête le 19 juin, disent qu il fut tué
à coups de flèches, en un lieu que nous ne
connaissons pas. Les plus anc eus mart, ro-
loges latins marquent la fête de saint Simon
et de saint Jude le 29 juin et le 28 octobre,
et If'ur martyre le 1" juillet. Bède met sim-
pl nient leur fête lo 2S octobre, auquel nous
les honorons aujourd'hui. Usuard et Adon le
suivent pour le jou , mais ils parlent plus
amijlement de leur histoire, et marquent
qu'ils ont soutfert le martyre. On croit avoir
aujourd'hui leurs cor|)s h Rome, dans l'éjjlise
de Saint-Pierre, sans que l'on dise quand ni
commi'nt ils y ont été apportés. On assure
que les Arméniens prétendent avoir celui de
saint Jude. On a attribué à cet apôtre un
faux évangile, condamné par le pape Gé-
lase.
L'histoire, comme nous avons dit, parle de
deux petits-lils de saint Jude, qu'on ne jieut
douter avoir été chrélieis: ils avaient, à eux
deux, trente-neuf arpents de terre, valant en-
viron SïiiO livres, qu'ils cullivaien: euK-
mêmes, et cela leur sullisail tant ( oui- s'en-
tretenir que pour |>ayer les tributs que Do-
miti<n exigeait des Juifs avec beaucoup de
ri/ujur. C t empereur, ayant cxf.'ilé la se-
conde persécution contre l'iî^lisc;, en l'an 93
de Jé>us-(>hrist, qui él lil hi I'j-' de son règne,
commanda (pu; l'onl'it m(;urir 'es desceiidaiils
de iJjvid, parce (ju'il craignait la venue du
Christ, aussi bien (pi'Utîrijde. iMiséb-, dans
sa Chroii que, met cet ordre en la d r nère
ann.'*e d<' J)oiiiili(i;i, (pii est la 90"^ de 1ère
commune. Ou(dqu(;s Ju:f>, sur ci'la, fuient
dé loiicer les peliis-lils d(; saint Jiidi;, comme
desi:"iidus de David et pari; ils du Chr.sl. Ils
fui<;nt d ne a neiiés h I) niiitirri par un
exempt (Le t»'\le porte un éiwcaf : c'élaie il
ceux qui, ayant Sfivi le .i- lemiisdans Icsar-
niétfs, y éia.iiil rappelés è des eon iilions
|)lus honorables. Auguste en avait tait un
corpa, qui subsista après lui, jusqu'en l'an
JUL
4dl(!S
230 au moins.) Ce prince, les a.ynnt interro-
gées de leur race, de leurs biens, du Messie et
de sa royauté, ils répondirent sur tout cela
avec beaiirou[) de sincérité et de franchise.
Leurs mains, eutlu cies par ie travail, fai-
saient assez voir (]Me ce (pi'ils disaient do
leur pauvretc^ était véritable Pour le Messie,
ils déelarèi-ent au'il était véritablement roi,
mais dans le ciel et non sur la terre, où son
règne ne paraîtrait qu'à la lin eu monde,
lorsqu'il viendra, dans sa gloire, juger les vi-
vants et les morts. Doinitien n'eut que du
mépris pour leur pauvreté et leur faiblesse;
mais jugeant aussi qu'il n'avait rien à aj^pré-
hender de leur [lart, il ne les regarda [dus
comme criminels, et les mil en liberté. On
ajoute qu'il apaisa même par un édit la jier-
sécution (|u'il avait excitée contre l'Kglise :
et il peut l'avoir fait dans les derniers jours
de son règne, qui ûnil le 18 septembre de
l'année 96.
Les deux petits-fils de saint Jude furent,
dej)uis, fo.t honorés dans l'Eglise, et comme
pirents de Jésus-Christ, et comme martyrs ,
ce titre s'étant donné, dans les trois premiers
siècles, à tous ceux qui avaient rendu un lé-
mosg lage public à la vérité, quoiqu'ils ne
fussent lias morts pour < lie. Ils lurent établis
sur quelques Eglises, et môme conduisirent
toute l'Eglise, s'il faut s'anêlir aux termes
d'Hégésippe. Ils vécurent jusque sous Tra-
jan et jusqu'au temps qutî saint Siméon de
Jérusalem soulIVit le martvre, vers l'année
107. (Tillemont, t. 1, p. 401.)
JUDE (saint), qu'on appelait aussi Barsa-
bas, était probablement l'un des soixante-dix
discijiles. On trouve peu de chose de lui
dans l'Ecriture et dans les anciens. Ce fut
lui ({ui reçut saint Paul, à D.unas, dans sa
maison, ie soir du jour où Jésus -Christ ap-
parut à ce saint apôtre et le convertit. Ce fut
lui qui, avec Silas, porta <\ Anlioche, en l'an
51, la lettre du concile des apôtres.
JULE, centenier, àijui fut remise la garde
de saint Paul, fiour le conduire à Rome,
après (|u"il en eut apfielé à l'empereur devant
le proconsul Festus. Ce centenier le traita
avec beaucou}) d'égards et d'humanité. A Si-
don, où le vaisseau jeta l'ancre, il lui pei'uiit
de se lendre h terre et de visiter ses amis.
Plus tar>i, une violente tempête ayant assailli
le vais'veau, il vint fiire naufrage sur les rô-
les de l'île do '.ia'l:'. Le vai^s.Mu éîanl échoué
et sur le point d'èli'e brisé par les vagues,
il f .Mut que cImc iii songi <'ii h son propre
salut et h gagner la terre lomme il le pour-
rait, ('.(jiume les soldats craignaient (pie leurs
prisoiini(;i's s'échajipasseni dans ce lumulle,
ils étaient d'avis d;; les tuer; mais saint Paul
élail tiès- limé du centenier, (jui tenait h lui
conserver la vie. Ce fut h cette circonsta ico
(lue l(ïs autres iirisonniers durent d'être
épargnés. Ajirès bien du temps ci des vicissi-
tudes, le ceuten or Juie ariiva (nilin à Hdine,
où il nniiit ses iiiisoniiiers (>nlre les mains
d'UVanius Biii-i»ius, ipn était alors préfet du
jir(''loire.
Jl'LK (saint), l'un d s (piaranle-liuil mar-
tyrs de I^}on , mourut en celle vide, en
1^89 n't
l'airu^e 177, sous le rè;^no tl<' l'cinporour
Auto lin Maro-Aurùh;. Il fui du numbiode
(M'iiv (iiii. (•.oiiiiiic sai'il Polliiii ul um; l'oiilo
d'aulrcs, n'euri'iil pas la Ibrco do supporlor
jiisciu'au lioul les louniiL'iils elles mauvais
truitt'iuo Us (]U(! les peiséouteiirs l'aisaieiit
souiïiir à ces gé'iéreux soldais de Jésiis-
Cliiisl. L'Eglise iailla llKe de tous eus saints
le 2 .1 liii.
Jl'LK (saint), fut martyristi h Saragossc en
Ks(>af;ne, j)ar les ordres de Oacicn, qui en
élail gouverneur, en l'an de Jésus-Clu-ist
i{()V, durant la })erséeulion de Dioclétien.
Di\-se|)l autres iuro'il martyrisés avec lui ;
on trouvera leurs noms h l'arl cle Dacikn.
Lesdix-huil martyrs de Saragosse sont très-
honorés eu Espagne. C'est Prudeme (|ui rap-
Î)ortece (|u'(tn sait d'eux. Ils sont inscrits au
Jartyrologe romain sous la date du IG avril.
(Jo//. Fi'udeiiee, de Cor., hym. 4 : Tillcmont,
vol. V, [). ±2\). Vasseus, RvUja. )
JULE (saint), martyr, soutlVit pour Jésus-
Christ le Ti mai ; quant à la date d'année,
on ne la sait pas : ce tut au eommeticement
dir IV siècle, durant la persécution de Dio-
clétien. Voici ses Actes sincères, que nous
prenons dans Ruinart.
Du temps de la persécution (1), Jule fut ar-
rêté connue chréiien, et conduit à Maxime,
gouverneur de Mésie.
Interrogatoire.
Maxime : Est-il vrai, Jule, ce qu'on dit de
vous ? — Jule : Rien n'est plus vrai, je suis
chrétien ; je ne puis me faire passer pour
autre que pour ce que je suis en etfi't. —
Maxime : Comment I ignorez-vous qu'il y a
des édi;s qui veulent qu'on sacriiie aux
dieux? — Jule: Mais je suis cliré ien. et je
ne smrais faire ce qu'on veut que je fasse.
Je n'irai [)oint renoncer au D.eu que j'adore,
qui est le Dieu vivant , le Dieu véritable. —
"Maxime : Ouoi I y a-t-il tant d'inconvénient
à saciilier ? On eri est quitte pour un grain
d'encens, puis on se retire. —Jule : La loi
de Dieu me le défend, je ne dois pas h son
préjudice déférer à cdle d'un prince infidèle.
Au reste, j'ai porié les armes vingt-six ans ;
mais durant tout ce t -mps-là on ne m'a point
vu commettre une mauvaise action qui m'ait
obligé de comparaître devant les tribunaux.
J'ai lait sept cam_ agnes, sans que qui que ce
Sîiit se puisse plaindie que je lui aie fait la
moindre violence; et ce;)endant, quand il a
fallu se battre, je n'ai pas mous bien fait
mon devoir qu'un autre. Le prince ne m'a
j :mais trouvé en faute ; et maintenant qu'il
s'agit de marquer à Dieu ma tidélité, je lui
en manquerais ? — Maxime : Dans quel
corps avez-vous servi V — Jde : Je n'ai point
cjuitté l'armée, j'ai toujours servi, quoique
jefu^se vétéran. Mais cela ne m'a ])as em-
pêché d'adorer toujours le Dieu qui a fa t le
ciel et la terre, et je ne pi-éiends pas la ôtie
m un tenant moins tidèle. — Maxime : Vous me
paraisse/, un homme s .g'^,un homme solide;
laissez-vous donc persuader -je sacrilier. —
(f) Peut-être celle de Dioclétien.
JLL
I.-90
Jide : Je ne le puis ; je un m'expos(»rai pas h
pe;drc mon Ame pour (uule um.' élernilé. Il
y a un trop grand péché à cela. — .Maxime:
Eh hirulje le prends sur moi. <l'(!sl moi qui
vous lais viohnice, et je veux bitii (jurui ctdio
que ce n'est |ias de voire Iton gré (jue vous
iaites la chose. Sa',ri.ie/. donc, et après vous
vous l'elirere/ doucement chez vous, sa is 'jue
personne osevtms v'w.n dire. 'Ifuie/, voil idix
pièces d'argent que je vous prie de v(juloir
accepter. - - JuK- : Ni l'argent du déirion ni
vos beaux discours ne font aucune impres-
sion sur moi. Je ne me priverai pas moi-
inèmi! [)Our si |)eu de chose de la possession
de mon Dieu. Je ne le renoncerai point.
Vous pouvez donc, quand il vous pla.ra,
pnmoncer contre moi, comme chrélicn, la
senlence de mort. — Maxime : Ecoute-, si
vous n'obéissez, je ne pouirai me disjienser
de vous faire couper la tète. — Jule : Bon,
vous ne sauriez me faire un plus grand plai-
sir; je vous conjure seulement de ne pas
différer, et je vous le demande i)ar le salut
des empereurs. — Maxime : Si vous ne sa-
crifiez, je pourrai bien vous satisfaire. —
Jule : Que je vous serai obligé ! — Maxime :
Vous vous hâtez de mou ir, et vous vuus
imaginez sans doute qu'il vous sera glorieux
do souffrir la mort ? — Jaies : Oui, si je suis
assez heureux que de la soulfrir pour une
si bonne cause, ma gloire ne peut être plus
grande. — Maxime : Il est beau, je l'avoue,
de mourir pour la patrie, pour la défens(! des
lois, et je serai le premier à vous y porter ;
mais - Jule : C'est donc pour la défense
des lois que je suis prêt à mourir, pour la
défense des lois divines. — Maxime : Dites
de celles que vous avez reçues d'un honune
attaché à une croix. Que le folie! de préfé-
rer un homme du commun, qui ne vit nlus,
à des princes qui vivent, qui régnent, et qui
peuvent vous rendre heureux. —Jule : Il est
vrai que cet homme dont vous parlez ne vit
plus; mas c'est qu'il a bien voulu mourir
pour nos péchés; et c'est celle mort même
qui est pour nous le principe d'une vie éter-
nelle.Car enfinDieu est éternel, et quiconque
ne craindra pas de le confesser vivra éternel-
lement ; mais quiconque sera assez lâche
pour le renoncer périra éternell.'ment. —
Maxime : Vous me faites pitié ; croyez-moi,
sacrifiez , et laissez-là votre vie élernclJe ;
contentez-vous de vivre aveo nous. — Jule :
Cette vie que vous m'otfrez est unevéïiiable
mort, et cette mort dont vous me menacez
est une véritable vie. —Maxime : Sacrifiez,
et ne m'obligez pas à vous faire mourir. —
Jule : Et c'est ce que je souhaite de tout mon
cœur. Si j"ai mérité quelque grâce de vous,
que ce soit celle de muter promptement du
monde. — Maxime : Voil'i donc votre réso-
lution, et c'est tout de bon que vous aim 'Z
mieux mourir que vivre? —Jule: Oui;
pour vivre toujours, il faut que je meure
ainsi. Maxime |)rononçacett<-sentence: « Sur
le refus que Jule fait d'obéir aux empereurs,
nous l'avons condamné à perdre la tète. »
Comme on le conduisait au lieu où il de-
vait être exécuté, tous ceux quise trouvaien'
4391
iVL
iVL
1502
sur son passage se jetaient h son cou, et
l'embrassaient, et il leur ilisait : Que chacun
prenne garde au motif (^ui l'oblige à m'em-
brasser.
Or, parmi les soldats qui étaient comman-
dés pour le mener au su()j)lice, il y en avait
un nommé Esi(piius (le 17 juin), qui était
chrétien. Il conjurait avec ardeur le saint
martyr de se souvenir- de la promesse qu'il
lui avait laite, ^'oici, lui disait-il, le moment
de l'accomplir. Vous alle/c recevoir la cou-
ronne qui est due à ceux qui confessent
Jésus-Christ. Faites donc que je vous suive
de près. Je vous |)rie aussi, quand vous serez
ariivé au ciel, de saluer de ma part Pasicrale
et Valenlinien, qui y sont déjà. Jule, em-
brassant Esiquius , lui dit : Allons , mon
frère, dépêchez-vous de venir. Ceux que
vous m'avez prié de saluer pour vous ont
déjà reçu vos compliments. Prenant ensuite
son mouchoir, il s'en lit un bandeau ; et
présentant le cou au bourreau, il dit : « Sei-
gneur Jésus, pour qui je meurs, daignez re-
cevoir mon âme, et lui donner place parmi
vos saints. >> Et dans le moment même le
bourreau lui fil tomber la tète du premier
coup.
L'Eglise fait la fête de ce saint le 27 mai.
JULES (saint), sénateur et martyr, souffrit
à Rome pour la défense de la religion chré-
tienne sous le juge Vitellius et par l'ordre
de l'emp.reur Commo:le. On le meurtrit à
coups (le bàion si rudement et si longtemps
qu'il rendit l'âme dans ce supplice. On en-
terra son corps dans le cimelièiede Calépode
sur la voie Aurélienne. L'Egiise honore sa
glorieuse mémoire le 19 août.
JULES (saint), soutfrit le martyre pour la
foi en Afrique, sous le règne de Valérien,
l'an 239, avec les saints Paul, Géronce, Jan-
vier, Saturnin, Successe, Cat, et les saintes
Pie, Ter tulle et Germaine. On manque de
détails authentiques sur leur martyre. L'E-
glise fait leur fête le 19 janvier.
JULES (saint), martyr, était Breton de nais-
sance, il étudia d'abord les saintes Ecritures
à Rome et passa ensuite en Angleterre où il
reçut la couronne du martyre avec saint
Aaron , sous Dioclélien , vers l'an 287, à
Caërléon, ville située sur l'Usk, dans le comté
de Montmouth. L'Eglise célèbre leur mé-
moire le 1"' juillet.
JULES (sai it), mart_yr , versa son sang pour
la foi à Nicomedie. Oi ignore en quelle an-
née. Il eut pou»' compagions de son ti'ioin-
phtt sai'ii Ambique et saint Victoi-. C'est le
30 décembre que l'Eglise célèbre leur sainte
mémoire.
JUi.ES (saint), martyr, avait été pris connue
chrétien avec le sold it Hési(pie. Ils soullVi-
rcnt la moit à iJoiostore en Mysie sous le
président Maxime. L'Eglise fait collective-
ment leur fête le I5juin.
JULES (saint), martyr, répandit son sang
pour la foi h Thagoi'e en Afrique, avec les
saint", martyis S(;s compagno is Ci'ispin, Fé-
lix, (ir.ii, s. pi iiutirs iloul les noms sont in-
connus, et sainte Polamie. On ne connaît
pas les détails de leur combat. L'Eglise ho-
nore leur mémoire le 5 décembre.
JULES (saint), [)rètre et confesseur, souf-
frit pour la foi dans le Milanais, du temps
de l'empereur Théodose. Les détails nous
manquent entièrement. Il est inscrit au Mar-
tyrologe romain le 31 janvier.
JULES (saint), fut honoré de la palme du
martyre à Geldube, ville d'Afrique. Nous
ignorons à quelle époque et dans quelles
circonstances. L'Eglise célèbre sa mémoire
le 20 décembre.
JULIE (sainte^, eut le bonheur de donner
sa vie pour la foi chrétienne dans la ville de
Lyon, en l'année de Jésus-Christ 177, sous
le règne de l'empereur Antonin Marc-Aurèle,
ainsi que saint Pothin, le vénérable évêque de
cette ville, et unefoule d'autres généreux sol-
dats de Jésus-Christ. Elle n'eut pas la force de
résistecjusi^u'àla tin aux mauvais traitements,
aux tourments que les persécuteurs lui firent
enduier. Elle s'éteignit en prison dans le
sein du Seigneur. L'Eglise fait sa fêle, avec
celle de tous ses compagnons, le 2 juin.
JULIE (sainte), fut décapitée à Lyon en
177, sous lo règne de l'empereur Marc-Au-
rèle. Elle était citoyenne romaine; ce fut
celte qualité qui fit ({u'on ne l'exposa pas aux
bêtes, comme le furent plusieui's des 48
martyrs, ses compagnons. L'Eglise célèbre
leur fête à tous le 2 juin.
JULIE (sainte), martyre à Carth.ige en
l'année de J.'sus-Christ 250, durant la terri-
ble persécution que l'empereur Dèce alluma
contre l'Eglise. Elle fut, avec d'autres chré-
tiens, placée dans un cachot étioit et infect,
où, p-ir l'ordre de l'empereur, on les laissa
mourir de faim ( t de soif. La puanteur et
la chaleur de ce cachot furent un supplice
affreux ajouté à celui (jue la privation d'ali-
ments fit souffric aux saints martyrs. [Voy.
VicTORiN.) L'Eglise fait la fête de tous ces
saints mirtyrs le 17 avril.
JULIE (sainte), vierge et martyre, reçut à
Troyes, sous rem{)ire d'Aurélien, et ses Ac-
tes disent en sa jtrésence, la glorieuse cou-
ronne qui la met au rang lies saints dont
nous écrivons l'hisloire. Malheureusement
S3s Actes ne sont pas très-authentiques.
L'Eglise romaine met sa fêle au 21 juillet,
avec celle des saints Claude, Juste et Jucon-
dm, el cinquante qui ne sont pas nouimés.
JULIE (sainte), fut martyrisée à Noie avec
sainte Juconde. Les détails nous nh'uhpient
sin' son conq)te. L'Eglise fait leur méinoiie
le 27 juillet.
JULIE (sainte), martyre, i-épamlit son sang
pour la foi à Carthage, avec saint Catuliti,
dontsaint Augustin prononça le panégyri(iue,
l(îs saints Janvier, Florem-e et sainte Juste.
Ils furent inhumés dans la basilique de
Fauste. L'Eglise honore leur mémoire le 15
juillet.
JULIE (sainte), souffrit le martyre 5 Mé-
ii(l;i, en Espagne. Compagne de sainte Eu-
1395 JUL
lalio, ello lui rosta constammont ndaclu^o
ptMuiiUil ses soutVr.inces , et pnrlagea son
martyre. L'E^jUso l'ail leur fcHe le 10 dé-
cembre.
JIILIK (sainte), vierge et martyre, dtait
d'une des meilleures familles de Cartilage.
Genséric, s'étaiit emparé du eelte ville en
439, lit un gra.'id non^bre de prisonniers
qu'il vendit comme esclaves. Notre sainte
fut du nombre, et tomba entre les mains
d'un marchand syrien, nonuné Eus^be, et
qui adoiail les faux dieux. Julie remplit tous
les devoirs de la servitude avec courage, et
par ses vertus se lit chérir de son maître oui
l'engageait souvent (^ ménager sa santé ua-
vantage. Sur ces entrefaites, Eusèbe entre-
prit un voyage dans les Gaules, atin d'y por-
ter de précieuses marchandises du Levant.
Il lit jeter l'ancre <i un endioit appelé au-
jourd'hui Capo-Corso, pour se joindre aux
habitants (jui allaient sacrifier un taureau.
Pendant le sacrifice, Julie déplora tout haut
l'impiété dont elle était témoin. Le gouver-
neur de l'île en ayant été inslru t, lit venir
Eusèbe, et lui oU'rit quatre cents esclaves
s'il voulait lui livrer Julie. Celui-ci ayant
refusé, le gouverneur l'invita à dîner, et
l'enivra. Il profita de son sommeil, pour or-
donner à notre sainte de sacrifier, et sur son
refus, il la lit frapper au visage et lui fit arra-
cher les cheveux; il ordonna ensuite qu'elle
fût attachée h un gibet. Elle fut transportée
à Bresse en 763, par Didier, roi des Lom-
bards. L'Eglise fait sa glorieuse mémoire le
23 mai.
JULIEN (saint), l'un des sept fils de saint
Gélule et de sainte Symphorose, fut marty-
risé pour la foi sous le règne d'Adrien. On
lui enfonça dans la poitrine plusieurs pointes
de fer. {Voy. Symphorose.) L'Eglise fait la
l^e de ce saint le 17 juillet.
JULIEN (saint), reçut la palme des com-
battants de la foi à Sorra. Pendant qu'on lui
donnait la question, sous la persécution
d'Antonin, un temple d'idoles étant tombé,
l'empereur lui fit trancher la tête. L'Eglise
honore sa ménioirè le 27 janvier.
JULIEN (saint) d'Atin, fut martyrisé à
Sor 'OU Ji Atin, près de Rome, sous le règne
de l'empereur Marc-Aurèle. Les détails his-
toriques q\n nous restent ne nous permet-
tent d'entrer dans aucun détail ; ils ne sont
ni sullisauts ni authentiques.
JULIEN (saint), fut décapité à Pérouse,
pendant la [)ersécution de Dèce, probable-
ment en 251, avec les saints Florence, Cy-
riaque, Marcellm, Fauste. L'Eglise honore
la mémoire de tous ces martyrs le 5 juin;
c'est à tort que le Martyrologe imprimé à
Lille (Catalogue pour l'usage des baptêmes)
dit le k de ce mois.
JULIEN (saint), martyr d'Alexandrie, avec
saint Chronion, mourut sous le règne de
Dèce en 250, et sous le gouvernement de Sa-
binus. Voici ce que dit saint Denis de ce vé-
nérable soldat de Jésus-Christ, dans sa lettre
sur les martyrs d'Alexandrie: « Mais enfin
la loi ne fut pas abandonnée de tous; il se
JUL
1594
trouva encore de ces hommes bienheureux,
de ces colonnes feirncs et inébi'aidables, et
que la main du Seigneur avait elle-même af-
fermies, qui se sentirent une force et une
générosité capable de rendre témoignage à
la vérité de cette; foi et <i la puissance sou-
veraine de Jésus-Christ. De ce nond)re fut
Julien (27 février) : il était fort tourmenté de
la goutte, et elle lui avait de telle sorte ôté
l'usage de ses mendjies, qu'il ne pouvait ni
se tenir debout, ni marcher; on fut obligé
de le faire porter devant le juge, par (hnix
hommes, l'un desquels renonça aussitôt ;
mais l'autre, a[if)elé Chronion, ayant avec le
saint vieillard Julien confessé hautement
Jésus-Christ, on les fit monter sur des cha-
meaux, et faire en cet état tout le tour de la
ville, qui est, comme l'on sait, d'une très-
grande étendue. Durant tout le chemin, on
ne cessait de les batti-e h coups de verges
faites en manière de iléaux, et enfin on les
jeta dans un grand feu, en présence d'une
multitude infinie de peuple, qui prit plaisir
h les voir réduire en cendres. »
L'Eglise fait la fête de saint Julien, mar-
tyr à Alexandrie, le 27 février. Pourquoi la
marque-t-on encore au Martyrologe le 30
octobre? Car c'est le même saint dont il s'a-
git. Pourquoi surtout fciirc de saint Eune un
saint dont la fête est marquée le 30 octobre,
avec celle de saint J(dien; et de saint Chro-
nion, un autre saint dont la fête est marquée
le 27 février, avec celle de saint Julien?
Saint Chronion n'est autre que saint Eune,
et saint Eune n'est autre que saint Chronion.
Eune, qui veut dire attaché, affectionné, était
le surnom de Chronion, domestique de saint
Julien, à cause de l'afTection profonde qu'il
avait pour son maître; c'est de là que vient
l'erreur. Trouvant saint Julien, martyr tan-
tôt avec un saint nommé Eune, tantôt un
saint nommé Chronion, on aura supposé
qu'd y avait deux saints Julien. Il fallait
bien faire deux saints Julien, puisqu'on fai-
sait de saint Chronion deux saints sous deux
noms différents. De telles inconséquences
sont graves. Nous concevrions les deux
noms, saint Eune et saint Chr. nion au Mar-
tyrologe, mais alors il faudrait qu'ils vins-
sent à la même date de fête : on honore un
saint sous deux noms ; mais les faire tomber
à des dates dilférentes, c'est faire deux hom-
mes d'un seul.
JULIEN (saint), martyr, fut mis à mort à
Carthage avec les saints Montan, Luce, Fla-
vien, Donatien et trois autres. Ce fut en 259,
sous l'empire de Valérien et sous le gouver-
nement intérimaire de Solon. (Pour plus de
détails, il faut lire les Actes de saint Montan
à son article.) L'Eglise fait la fête de tous
ces saints le 2i lévrier.
JULIEN (saint), martyr, était, avec saint
Maximien, compagnon des travaux de saint
Lucien, à Beauvais. Quand Julien, qui était
préfet du prétoire vers l'an 290, envoya des
officiers pour ôter la vie à saint Lucien, ce der-
nier, avec ses disciples, sortit de la ville et se
retira sur une montagne éloignée d'une lieue.
Celte moutague se nomme Monlmide, quoi-
Ï395
/CL
JUL
1396
que ses Artos rappellent Amnis. Les persé-
cuteurs y étvTit venus, tuèrent saint Julien
et snint Mn\imicn, qui avaient suivi saint
Lucien. S'il faut en croire le briWiaire de
Beauvais, ces deux saints ('■talent ori-;inaii-es
de cette ville, disciples do saint Lucien el
prêtres tous les deux. L'Eglise lait leur fête
le 8 janvier.
JULIEN (saint), martyr, oripjinaire de Cap-
padoce, depuis peu de temps habitait la Pa-
lestine. Il n'était encore que simple catéchu-
mène, et pourtant les tidèlcs montraient pour
lui une estime toute particulière, à cause des
vertus éminentos qui le distinguaient. Notre
saint arrivait h Césarée au moment oi^i le gou-
verneur Firmilien , ministre des fureurs de
Galère , y persécutait violemment les chré-
tiens. Peut-être un secret désir le poussait
à venir sur le terrain du combat; peut-être
une inspiration du Saint-Esprit l'y condui-
sait. Le sang coulait à flots. Les saints mar-
tyrs Elle, Jérémie, Isaie, Samuel et Daniel,
tous Egyptiens, qui avaient volontairement
servi aux raines de Cilicie les confesseurs
que Firmil'en y avaient envoyés, avaient été,
à leur r tour, arrêtés et mis h mort par le
glaive, après avoir subi les plus cruelles tor-
tures. Julien arrivait (|ue leur sang fumait
en ore, ainsi (pie celui d'un saint vieillard,
nommé ThéoJule, que le gouverneur avait
fait mourir, bien (ju'd fût attaché à sa propre
maison. Restaient encore Se'euque de Cap-
P'idoce et Porpliyre , l'un des domestiques
d i martyr Pamphile. Victorieux dans plu-
sieurs combats, ils soutinrent 1 • dernier, ce-
lui qui Irfs couron-'a, en présence de Julien.
L'un fut brûlé, l'autre périt par le fer. Ju-
lien, |)lein d'admir. tion pour eux, se jeta sur
leiirs corps et les baisa icspectueuscment.
Les soldats témoins de celte coiduite le con-
duisirent au gouverneur. Firmilien avait
une fa(^on d(! procéder expéditive, qui répu-
gnait aux semblants des form s judiciaires :
il condanma Julien à être nnuiédiatement
brillé. Le saint, en entendant la sentence,
remercia Jésus-Christ de la grâce qu'il lui
accordait, et mourut avec un courage que
les bouri-eaux eux-mêmes admirèrent. L'E-
glise célèbre sa fête le 17 f'vrier.
JULIEN (saint), martyr en Cilicie, est cé-
lèbre enlie plusieurs autres qui ont porté
le même nom eu ce (ju'il a eu sa nt Jean
Chrysostome pour [)anégyriste. Ce saint
était originaire d'Ana/.aibe, en Cilicie, et
çonritoyeii de saint Paid, ."oit qu'il fût de
Tarse comme lui, soit seulement (pa'ils fus-
sent tous deux (Je la même province. Un
ju^e plein de cruauté, (]ue les m.''nt'-es (;t les
martyrologes !)onun(,'nl Mai-eien, faisait alors
beau'oup so (IVir 1(,'S disciples du Christ.
Notr(; sanit, éta it toud)é enlrti lesmainsdes
pers(''cut(;urs, lui tut présenté dans la ville
d'Egée foii plutôt Eges, sur les côtes de Ci-
licie). Ayant refusé de sac[ili(!i-, on lui ouviit
la b(juche jiar force, et l'on y versa du vin vi
•i'aulros choses oileites aux idoles, puis on
b; ujit on prison. Le juge lit ensuite venir sa
rnèreiiour l'iiilerroger sur 1(3 compte do .son
fils. Celle-ci demarid/i trois j<jurs pour ré-
pondre, après quoi l'un et l'autre ayant été ii
interrogés de nouveau, on coupa les talons II
de la mère et on la renvoya. Le juge, voyant
Julien inébranlable, le faisait venir devant
lui tuus les jouis, et le renvoyait ensuite en
prison. 11 le promena une année entière par
toute la Cilicie, pensant le couvrir 'de honte
et de confusion. Les bourreaux, acharnés
après lui, le penjaienl de tous côtés déchi-
raient sa chair, découvi aient ses os et met-
taient h nu iusqu'à se> entrailles. Ils le fouet-
taient cruellement, lui apjiliquaicnt le fer et
le feu, mais une seule prière du saint adres-
sée au ciel rendait leurs elforts inutiles. Le
juge voyant entin que, par tous ces toui--
ments prolongi^s par un ralFinement do
cruauté, il ne faisait que couvrir de gloire
notre saint, sans pouvoir le vaincre, le con-
damna à la mort. Etant alors à Eges, ville
maritime de la Cilicie, il le fit jeter a la mer,
cousu dans un sac plein de sa: île, avec des
scorpions, des serpents, des vipères et des
dragons. C'était le supplice ordonné pour les
pariMcide«, et si hoinble que les pa ens évi-
taient d'en user, môme envers ces scélérats.
Les Grecs disent que d Eges la mer porta
son corps à Alexandrie, où il fut enterré par
une sainte veuve. On croit que cette Alexan-
drie est la ville appelée aujourd'hui Alexan-
drette. Saint Jean Chr-ysostome dif qu' de
son temps Julien était enterré à Anliorhe,
où probablement il avait été transporté do
la ville d'Alexandi'ie. 11 lU à Aniioche un
grand nombre de mir-aclcs, et le peuple par
son moyen obtenait beaucoup de giAces spi-
rituelles. C'est appaiemment saint Julien do
Cilicie que les mart . rologes de saint Jérôme,
Notker et quelques autres mar-quent le H
février. L'Eglise l'honore le 16 mars. Voici
connment saint Chrysostome parle de notre
saint martyr".
« La même province, qui vit naître le grand
Paul i)our lapostola , vit naitre Julien ()Our
le martyi-e , et la Cilicie donna l'un et l'autr-e
à l'Eglise. Lorsque la carrière fut ouverte
aux ath'ètesde Jésus-Christ, et que le temps
du combat fut venu, ce der-nier tomba entre
les mains d'un homme qui, sous le nom el le
personnage déjuge, exerçait la crniaulé d'une
bête farouche. Mais con.>idéi'ez un peu l'ar-
tifice. Ce mauvais juge, s'apereevant que
l'Ame de Julien était d'une trempe impéné-
trable, (pie les supplices ne pouvaient l'en-
tamer, il entreprit (le le vaincre par le temps,
il le faisait compar'aître tous les jours (le-
vant lui, et h; l'envoyait ensuite en prisorr,
lui accor-dant cItaipnÀ jour un nouveau délai.
11 ne lui lit pas d"..bor.i couj^er la tête, cette
mor't pr'omple aurait trop tôt terminé l'af-
faire à l'avanlnge de Julien, el ce n'était pas
ce (pu! demandait noir-e juge. Il chen hart à
lasser sa patience par des Intenogalou-es
redoublés, par des menaces, par la vue des
tourments, par des i»r-oiiresses, en se sei'-
vanl (le toiil(!S sortes (1(; macliirr(!S pour' ébran-
ler ce rocher de ( onstanco. 11 le tint
connue cela un an durant, le pronuMiant par
toul.i la Cilicie, le traiiianl après lui comme
un criminel, ol le char'geant d'allronls el
^. il
4391
JI'L
JUL
13C8
d'opprobres h la viio de (onto Ta provmco.
Mats il so ln»m[>ait en cela, il n ' faisait
qiraccroilro le nit'rite et la i^loiio «le son
prisoïinier, qui pouvait dire avee saint l'aul
son eompainote : Je rrnds grâces d Dieu qui
se sert de nous pour triompher de ses enne-
mis (// Tor. M, rO, et i»our réiiandre en
tons lieux r(^clat no sa |)uissa-pe.e. Si vous
renfermez un pai'fuin dans u'ic boih», il no
ciiinniuniquera sa bonne odeur i\uh eette
boîte ; niais si vous l'en tiiez, et ([\io vous
le (ransjjo; tiez en divers lii uk, il en remplii'a
tout l'air. De nu^ine notio m.irtyr tradnil do
vilh» en ville, vi d'ujii» exlri^miîc^ de la Cili-
cic h l'auti-e, parfumait do l'odeur do ses
vertus tous les endroits où il passait. On le
me'iait par tonte la Cdieic eliarjié de chaînes
et d'ignonùnio ci appanmce, mais en ellet
couvei-l de lauriei's et d'iio'ineur. Oîi le traî-
nait de ville en ville ct)nunc un cruninol, ( t
il y entrait en ti-iomplio comme» un vain-
tjueiir. Ce n'élail pins j)ar sa seule réputa-
tion qu'il contirmait les fidèles dans la foi,
et qu'il y attirait les infidèles ; c'èta t en se
montrant lui môme aux uns et aux autres.
On prétendait lui donner tous les Ciliciens
pour témoins de sa honte et de son infamie,
et on les lui donnait pour spectateurs de son
triomphe. Plus on lui faisait faire de tours
dans la carcière, plus on augmentait les a|)-
plaudissements ; ce n'était p(jint par des pa-
roles dont le so'i se pij-d ci l'air, souvent
sans aucun effet, qu'il exhortait les peuples
à l'imiter, mais par sa pr-ésence, plus effi-
cace mille fois que les plus éloquents dis-
cours. Et de même que ce n'est po nt en
poussant des voix que les c eux publient
les grandeurs de Dieu, et racontent sa gloire
(Cœli enarrant gloriam Del] ; mais lorsque, se
laisaiit voir aux h jmmes, tout environnés
de lumière, ils les portent à admirer celui
qui les a faits si beaux ; de môme notre mar-
tyr publiait la grandeur et la majesté de Jé-
sus-Chrisi, lorsqu'il endurait pour son nom
et pour SCS intérêts des peines si longues et
si cruelles. Le ti. marnent brille moins lors-
que, durant une nuit d'hiver, l'air pur et se-
rein nous laisse voir tous ses feux allumés,
que ne brilL^ le corps de Julien couvert de
plaies Oui, je le dis, les astres attachés au
ciel sont moins lumineux que les blessures
de ;io.ie mai tyr.
« Saint Julien était donc devenu l'objet de
la fureur insensée d'un juge idol;^.tre. Il se
voyait de toutes [arts environné d'une foule
de supplic(,'S. Il les soud'rait tous à la fois;
ceux qu'il endurait actuellement, et ceux
qu'il n'endurait pas encore; ceux qu'il était
prêt d'eiidurer, et ceux qu'il devait endurer
ensuite : car les bourreaux étaient autour de
Jui comme autant de bêtes carnassières; les
uns lui perçaient les côtés, les autres lui
enlevaient la peau ; ceux-ci pénétraient plus
avant, et découvraient les os, et ceux-h fai-
saient voir les entrailles.
« Le juge, reconnaissant enfin l'inutilité
de ses etlorts, résolut de le faire prompte-
ment mourir; car la mort des martyrs est
une marque de leur victoire et de la défaite
(Ct norrir>les insectes; voil?» le juste pour la
seconde lois avec les hôtes je dis [)our la se-
< onde Ibis, afin de vous faire ressouvenir de
s('(irpii»ns et d'autres es|>èces de ser[)ents
très-venimeux, nuis on [tiéL-ipiia le sac dans
la nier. V(Mlh donc le niarl>r<'» la merci de
hont(nise de leurs eniKMnis. Voici h; genre
de sn|)plice (pio le tyran inventa, ou [)lulôl
([u'il r(niouvela [lour signaler sa ciuauié,
mais qui signala en môme temps la gran-
deur dn cr)uivige de Julien. On apporta un
grand sac qu'on rem[)lit de sable à moitié, et
on y enferma le s.imt avec di'S vi|)ères, des
l'ancimne histoire de Daniel. On jeta Daniel
dans une fosse, et Jidien dans la mer. Cet
élément le reçut [lonrle couronner, et pour
nous le rendn; 1(1 que nojs le posst'dons
dans celle chAsse. Dieu veut bien partager
avec nous les m;^rtyrs; il prend l'Ame jiour
lui, et il nous lais e le corps, afin ()u'a;\ant
toujours devant les yeux ces sacrées défiouil-
les, nous nous animions h la piaticpie des
vertus qui les ont consacrées. Car si la vue
des armes ensanglantées de quelque vaillent
homme fait naître une certaine ardeur mar-
tiale, môme dans l'Ame d'un lAche, en sorte
que, touchant tantôt le casque, tantôt la
lance, et tantôt la cuirasse, ilse:ent eidlammé
de ce beau leu (jui aiiiiriait ce gucniec, il
commence à s'aperievoir qu'il a du (u-nr, il
ne d mande plus qu'à voir l'ennemi, il biCle
du désir de se signaler [lar quelque action de
valeur; si, d;s-je, des aim^s couvertes d'un
sang généreux inspirent C' tte g' i.étosité à
une âme t:mide, que devons-i ous sentir,
nous auties (jui voyons, qui touchons, non
les armes du soldat de J»^^us-Chlist, mais
son corps ensangl.mté pour la gloire de son
maître et du noire? Quand no s serions les
moins courageux ue tous les homnios, cette
seule vue est capable d'adum? r dans nos
cœurs la môme ardeur qui coi sumaii celui
de Julien. Dieu nous cor tie los reliques des
martyjs, afin que nous ayons eni e les moins
la mat ère d'une philosoj hie sublime. »
JULIEN (saint;, fut martyrisé à Brioude en
Auvergne. Le nom de s;!int Julien a été au-
t. efois e\ti ornement illustre da-^s la Fiance.
Saint Sidoine Apollinaire, célèbre évoque
d'Auvergne, r<î[)pelle son [alron. Saint Gré-
goire de Tours, qui avait é{;rouvé son inter-
cess.'on, tant en sa jtersonne qu'en c^ lie de
ses plus prtjches, et q^i s'apf)elle môme son
élève, et son nourrisson , a f^nt de ses mira-
cles tout son second livre De la gloire des
martyrs. 11 > [.arle aussi de l'hisioire de sa
mort, dont nous trouvons encore quelques
auties monuments qui peuvent être du mi-
lieu ou de la fin du v' siècle.
Saint Julien était natif de Vienne en Dau-
pbiné, d'une famille considérable. On [.eut
voir quel était son extérieur, da.'iS U).e vision
rapportée par saint Gré-oire de Tours. 11
portait les armes , et il éiait dans un âge
dé„à avancé lorsqu'il soulfrit le martyre. Il
avait embrassé le christianisme, et en faisait,
ce semble, une profession tout ouverte. Ses
mœurs répondaient à sa foi, et, ce qui est
encore plus, son âme était embrasée d'une
1399
JUL
chanté très-ardento. Il demeurait 'cnez saint
Ferrôol, qui était tribun et chrétien comme
lui; mais il se déclarait moins. 11 aimait saint
Julien à cause de son éminente piété , et il
en faisait toute sa consolation. Aussi leur loi
et leur charité étaient le plus grand lien de
leur union.
Il arriva en ce temps-là une persécution
dans la ville de Vienne , sous un oQicier
nommé Crispin. On ne dit pas sous quel em-
pereur, et ce n'est que sur des conjectures
assez faibles qu'on croit pouvoir dire que ce
fut sous Dioclétien , vers l'an 30i. Sur le
bruit de cette tempête, Ferréol, prévoyant
que Julien ne pourrait pas demeurer caché
à Vienne, où. il était plus connu, tant il lui
voyait d'ardeur [)Our le martyre, lui conseilla
et le conjura môme de se retirer secrète-
ment, et de se conserver pour la consola-
tion des chrétiens. Julien, qui avait autant
de modération que de zèle , se rendit à son
conseil; et quittant ses parents, ses amis,
ses richesses, pour Jésus-Christ, il s'en alla
en Auvergne, où il se tint caché auprès de
la ville de Brioude-sur-rAUier. Ce ne fut
nullement par la crainte de la mort qu'il se
retira : ce fut au contraire, selon saint ^Gré-
goire de Tours, par l'amour môme du mar-
tyre, parce qu'il craignait que ses parents
l'empêchassent de parvenir à la couronne,
s'il entreprenait de combattre en leur pré-
sence. Il le fit aussi pour obéir à l'Evangile,
qui veut que, quand on nous poursuit en un
heu, nous nous retirions en un autre.
Dieu ne dilléra pas longtemps l'accomplis-
sement de son désir. Crispin sut qu'il s'était
retiré en Auvergne; et Dieu, voulant cou-
ronner promptement le saint et faire soutl'rir
au persécuteur la peine qu'il méritait, per-
mit que cet officier, extrêmement ennemi
des chrétiens, envoyAt des soldats chercher
le saint, avec ordr.; du le tuer en quelque
lieu (ju'ils le rencontrassent. Julien coiuiut,
par le mouvement de Dieu, que les infidèles
le poursuivaient, et il se reliia, [)our <e ca-
cher, chez une vieille veuve, ou, selon d'au-
tres, chez deux vieillards. C'était en un lieu
appelé Vinicelle, h dix stades (ou une demi-
lieue) de Bi'iouiJe. On le regut avec joie
dans celte cabane, et on ne songe<ut qu'à l'y
bien cacher; mais lorsque les persécuteurs
en approchèrent, le saint, qui ne voulat
point meitre ses hôtes en danger, et (jui
sentait ((uc Dieu l'appelait au ciel, sortit dès
qu'il onlendit entrer les soldats, et déclara
qu'il était celui qu'ils cherchaient, et (|u'il.s
n'avaient qu'à exécuter leur ordre. Les sol-
dats dem(!iirèr(;nt étonnés d'un si grand cou-
rage ; mais il l(!s anima lui-même, leur pro-
testant (pi'il ne voulait plus di'iu -urer da is
le inonde ft qu'il ne soupir<iit (pi'après Jésus-
Chiisl, pour alh^r se i-assasier de lui.
Ses Actes disent que les persécultMirs étant
venus clierch(!r h; saint, la vcuvcî ch(;z <\n\ il
Citait caché leur ré|)onilil ([u'il n'y avait per-
sonne chez elle, et qu'alors b; saint S(; dé-
couvrit lui-même; mais on ne trouve rien
de cela dans les auti(;s monuments. Le saint
j»ria rpje|(|ue |m;u do lemjis, pour recomman-
JUL 4400
der son Ame à Dieu, et puis présenta sa tête
aux bourreaux, qui la lui coupèrent en même
temns. Il y avait une fontaine en ce lieu, où.
on lava la tête du saint pour en ôter le
sang; et depuis ce temps l'eau de cette fon-
taine guérissait les maladies et faisait divers
miracles.
Ceux qui avaient tranché la tête à saint
Julien la [)ortèrenl à Vienne, au persécuteur,
pour servir d'exemple aux chrétiens de celte
ville. Elle tomba ensuite entre les mains de
saint Feiréol, qui souffrit aussi le martyre
quelque temps après, et on l'enterra avec lui.
Le corps (le saint Julien fut transporté du
lieu de son martyre à Brioude, et il y fut
enterré honorablemmit par deux vieillai-ds, à
qui, en récompense de ce service. Dieu ren-
dit,à ce qu'on as-<ure,la vigueur d^» leur jeu-
nesse. Celaient sans doute ceux chez (|ui le
saint s'éiait retiré, selon un manuscrit. On
les honore aujourd'hui comme des saints,
sous les noms d'Ilpice et d'Arcons, le 18 juin
et le k février. Branche en pa le amplement.
Je n'en trouve rien dans Bollandus. 11 sem-
ble même que ces d'^ux vieillards fussent
païens lorsqu'ils enterrèrent le saint. Mais
la vigueur du corps qu'il leur obtint leur
aurait été bien inutile, s'il ne leur eût en-
core obtenu du Père des miséricordes la
santé de l'âme. On rapporte qu'une dame
espagnole, sachant que son mari était arrivé
à Trêves, où. était l'empereur, et condamné
à perdre la vie, se hâta de venir au moins
pour l'enterrer. Mais s'étant adressée à saint
Julien, en passant par Brioude, elle trouva
en arrivant à Tièves que son mari était dé-
livré; en reconnaissance de quoi elle lit bâ-
tir une petite chapelle sur le tombeau du
saint. Les grands miracles que Dieu y opéra
ensuite, dont quelques-uns furent cause de
la conversion de ceux du lieu, firent que les
peuples y bâtirent enfin une église magnifi-
que, sans que néanmoins ils eussent un
iour réglé pour fa.re sa fête , parce qu'on
ignorait celui de sa mort, jusqu'à ce que
saint Germain d'Auxerre , étant venu en ce
lieu, ap|)rit par révélation , après beaucoup
de prières, qu'il avait été martyrisé le vingt-
huitième jour d.i mois d'août , auquel sa fête
est mtrquée dans les martyrologes de saint
Jérôme, uans Usuard, Adoii et plusieurs au-
tres, et auquel plusieurs églises en font la
mémoire.
Saint Grégoire de Tours a fait , comme
nous avons dit, un livre entier de ses mira-
cles, dont (piel(iues-uns même avaient é é
faits en sa laveur : c'est pourquoi il l'appelle
son pairon. Il suffit d'y renvoyer le lecteur,
et nous ajouterons seulement (lue (;es mira-
cles s'élemliiinil jusipu' dans l'Oriei)!, par le
moyen d'un peu de terre de >on tombeau
(prïm marchand y apj)orta , ce ([ui fit (pjo
l'on y dressa aussitôt une église en son hon-
neur. Saint Grégoire en niar(]ue plusimus
l),Ui(is (Ml France par saini Arède ou Iriès, et
par (li V(n-s autres; il parle parl.i(ulièr(nnonl
d(! celhî de Tours, (|ui esl encor(! aujourd'hui
une célèl)r(! abbay(î de Bénédictins. Il y on
avait une à Paris du temps de Chilpéric
1401
1VL
JUL
I4<yt
M. (le Laiinoy rrnit qiio c'ost rcllo que l'on
nom m»' anjoiml'liui Saiiit-Julicu-lo-P.uivre,
et M. V.ildis le soutient eucon' plus fortc-
mt'nt. Ou assuto aussi (jue le véritaMo pa-
tron (!(• Sainl-Julio'i des Mén(^triers, bAli ou
l.TJO, est celui (le Hfioiule, (pioiiiuo les IVres
(le la Doctrine eu aient pris uu autre. Mais
si 'oute la France a eu uu f:;rau(l res|)ecl pour
ce s^iinl, l'AuvergMC l'a parlicuni^reuicnt re-
vend comme son patron. On mettait de ses
reliques dans les (églises (pie l'on hAlissait
sous so'i nom, et ou croyait (ju(! c'('tail assez
pour cela d'avoir quel(|ues tils des linges
dont on couvrait son tombeau. C'en était en
efî'et assez pour opérer |)lu.sieurs miracles.
(Vof/. Tillemout, t. V, p. '279.)
JIÎLIKN (saini), arclievécpie do Tolède, fut
élevé par îles parents pleins de vertu et de
religion, qui le liront instruire dans toutes
les sci(Mices ecclésiastiques. Il prit ensuite la
résolution de se retirer dans la solitude, avec
son ami Gudilan, a(in de s'y livrer aux exer-
cices d'une rigoureuse pénitence et à la mé-
ditation de l'Ecriture sainte. Son év(îque le
retint et le fit consacrer au service de l'Eglise.
En (580, ayant été élevé au siège archiépisco-
pal de T()lède, il y brilla de l'éclat de toutes
les vertus. Il mourut en 690. L'Eglise honore
sa mémoire le 8 mars.
JULIEN (saint), fut martyrisé en Afrique
durant la cruelle persécution des Vandales.
Il eut pour compagnons de sott martyre les
saints Lucius et Quintien. Ils sont inscrits au
Martyrologe romain le 23 mai.
JULIEN (saint), souffrit pour la foi sous
l'empereur Licinius, avec saint Macrobe.
Nous n'avons aucun document relatif aux
diverses circonstances qui illustrèrent leur
martyre. L'Eglise fait leur sainte mémoire le
13 septembre.
JULIEN (saint), dit VHospitalier, était ma-
rié à sainte Basdisse. Le jour de leur ma-
riage, ils prirent mutuellement la résolution
de vivre dans la continence. Dieu fut leur
seul amour; les pratiques de la vie reli-
gieuse et chrétienne, leur seule occupation.
Ils consacrèrent au soulagement des pauvres
tous les revenus de leurs biens. Leur maison
était devenue une sorte d'hôpital , où les
malades et les voyageurs étaient reçus : les
hommes étaient séparés des femmes. Julien
avait soin des premiers, Basilisse s'occupait
des secondes. Julien mourut pour la foi en
l'an 313, avec Celse, enfant , Antoine, prêtre ,
Anastase, et Marcianille, mère de Celse. Ils
furent tous mis à mort le 6 janvier, sous
l'empire de Maximin. L'Eglise fait leur fête
le 9 janvier. On a prétendu que le crâne de
saint Julien l'Hospitalier fut a^^porté <i'Orient
à Paris, au temps de saint Grégoire le Grand :
une partie était près d'Etamjies, à l'abbaye
de Morigny, h laquelle Brunehaut en avait
fait don; l'autre partie était à Paris, dans
l'église des Chanoinesses régulières de Sainte-
Basilisse. [Voy. Chastelain.) Il est à regretter
que nous n'ayons pas des Actes bien cir-
constanciés et bien authentiques de saint
Julien : on aimerait à savoir jusqu'aux
moindres détails d'une existence ainsi con-
sacrée au bien de l'humanité. Aimer Dieu
d'une fa(;on conlempl.itive, [jasser son tem[)»
en oraisons, en {xalicpios dévotes, c'est mé-
riter sans doute; mais ntms trouvons bien
pins parlait et bien |)lns cluétien d'aimer
Dieu [)ar la charité, de se sanctifier [)ar la
charité, celte veitu la première de tontes, la
plus snbliuK! et la plus céleste. Aimez vos
semblables, (pii sont les mendjies de Jésus-
Christ , et vous l'aurez aimé suflisamment
lui-même ; soulagez les souffrances do vos
frères, vous aurez soulagé Jésus-Chiist lui-
môme. Car il soulfro en nous, il gémit en
nous : nos douleurs, nos misères, notre dé-
tresse, tout cela, depuis son incarnation, est
devenu son partage. Donnez au malheur : lo
verre d'eau offert, à votre porte, au mal-
heureux qui j)asse, vous ouvrira le chemin
du ciel. Qu'il y a loin de la prati(jue de toutes
ces vertus, que le christianisme enseigne, à
ces vertus humanitaires que les fais(,'urs de
.systèmes veulent de nos jours mettre à la
place de ce qu'a enseigné Jésus-Christ. Ah I
quoi que fassent les novateurs qui se posent
en messies parmi nous, l'Evangile restera le
plus sublime des codes do morale, et la cha-
rité la première des vertus que puisse enfer-
mer Te cœur humain.
JULIEN (saint), souffrit le martyre avec
les saints Diomède , Philippe, Eufychien ,
Hésique, Léonide, Philadelphe, Ménalippe,
Pantagappe. Ils accomplirent leur martyre
les uns par le feu, les autres par le glaive ou
sur la croix. L'Eglise fait leur fête le 2 sept.
JULIEN (saint), martyr, souffrit la mort
pour Jésus-Christ, à Damas, avec les saints
Sabin, Macrobe, Cassie, Paule, et dix autres
dont nous ignorons les noms. Nous n'avons
pas de détails authentiques sur eux. L'Eglise
honore leur glorieuse mémoire le 20 juillet.
JULIEN (saint), est inscrit au Martyrologe
romain le 13 février. Son martyre eut lieu à
Lyon. On ne sait pas autre chose sur son
compte.
JL'LIEN (saint), reçut la palme du martyre
à Carthage, avec saint Modeste. L'Eglise les
honore comme martyrs le 12 février.
JULIEN (saint), fut couronné à Héraclée
le même jour que les saints Félix et Janvier.
Nous ne possédons point de documents rela-
tifs à leur martyre. Ils sont inscrits au Mar-
tyrologe romain le 7 janvier.
JULIEN ^saint), confesseur, souffrit pour
la défense de la religion et de sa foi dans la
ville de Césarée. On ignore à quelle époque
et dans quelles circonstances. Il est inscrit
au Martyrologe romain le 23 mars.
JULIEN (saint), fut honoré de la palme
glorieuse du martyre sous l'empereur Maxi-
mien, avec les saints Théodore, Océan et
Ammien, Après avoir eu les pieds coupés,
ils furent brûlés vifs, et achevèrent ainsi
leur martyre. Ils sont inscrits au Martyrologe
romain le 4- septembre.
JULIEN (saint), fut martyrisé en Syrie
avec saint Macaire. Nous ignorons l'époque
de leur martyre, et les diverses circonstan-
ces qui l'illustrèrent. Ils sont inscrits au
Martyrologe romain le 12 août.
1403
JIL
JLL
140-4
JULIEN (saint), fut honoré i!e la couronne
du inarlyro on Syrio, et dans des lirvOns-
tances que nous i;^norons (nlièroriici.t. 11 est
inscrit au MarlyrolOj^e louiai-i le '26 août.
JULIEN (saint), e^t insiril au Martyrologe
romain, avec saint MarcuMi et huit auires qui
nous sont uicoiinus, le 9 août. L'empereur
Léon, après des tourments multi[)liés, les
fit enlin mourir par !e glaive, parce qu'ils
avaient élevé limage du Sauveur sur la ).orte
d'Au-ain. à Conslaiiiinoi)le. Nous n'avons au-
cun autre document sur leur compte.
JULIEN (saintj, fut couronné à Home avec
saint Pierre et dix-huit autres dont les noms
nous sont inconnus. Leur ma.tyre eut lieu
dais des circonstances et à une époque que
nous ignorons entièrement. Ils sont i.nsciils
au Mu tyiologe romain le 7 août.
JULILN (saint), reçut la couronne du mar-
tyre en Afrique, avec les saints Publius ,
Marcel et leurs compagnons, dont nous igno-
ro s maiheureusement les noms. L'Eglise
fait leur fèie le 19 février.
JULIEN (saint), fut martyrisé en Egypte, à
une époque et dans des circonslano-s qui
nous sont complètement inconnues. 11 eut
pour cum[)agnoiis cinq mille autres combat-
tants , dont les noms soit tous ignorés.
L'Eglise fait collectivemenl leur fête le 16
février.
JULIEN (le comte), oncle maternel de Ju-
lien l'Apostat, était chrétien sous Constance.
Dès que son neveu fut i^arvenu à l'empire ,
le comte Julien apostasia comme lui. 11 fut
nommé gouverneur d'Orient. Après son
apostasie, il se montra ennemi acharné des
chrétiens et ti-ès-ardeni à les persécuter.
Aussitôt qu'il fut installé dans son gouverne-
ment, il releva les idoles. A Antioche il lit
fermer les églises, et chassa tous les ecclé-
siasti(pjes qui furent obligés de se disperser
en ditléreiits lieux. Quand Julien l'empe-
reur eut ordonné qu'on portAt dans son tré-
sor toutes les vichesses de l'Eglise d'An-
tiochc, le comte Julien fit chercher le prêtre
Tliéndorct, qui en était le gardien ou ti'ésorier,
qu'il a[)pli(}uaà une rpicstion très-rigoureuse,
et auquel il ht ensuite trancher la tôle. {Voy.
TuLOuoKin).
le couite Julien se présenta le jour même
du martyre de Tliéodoret, jiour piller les ri-
chesses des églisf.'S, avec Félix, surintendant
des (inances, et El[)i(le, trésori(,'r du do-
maine. Quand il eut pris les vases sacrés, il
les mit à terre, s'assit outrageusement d(!S-
sus, ei coiiuMit d(;s actions telles (pi'ii répu-
gne de les raconter. Il soulll(;ta Imjzoius,
évèijue ajifii, (pii était cm jiossession delà
grande église d'Anlioche, et (pii voulut
s'opposer à cesaboininatio'is. L(.' lendmnain
le (;oml(i Julien lendil compte à rinnper(!ur
de e(; qu'il avait fait : celui-ci lui témoigna
son méconlfMiteimnit qu'il eût f.;it mourir
Il 1 chrétien pour c,.us(! d(! r ligion, disant
ue jo fait pourrait aiiuMicr les chrétiens à
crir(5 contre lui et h l'accuser comme ses
prédéc'sseurs.Le comte fui tellement alterré
do celte réprimande, (pi'il en ilemeurait
ï
comine muet. L'em;)ereur pour le consoler
lui dit de venir sacrdier avec lui ; après le
sacrilice . il lui olfrit des viandes (pii avaient
é;é immolée"; aux dieux. Le comte mangea
f*»rt Fi'ni, tant il él il ému, et se retira chez
lui. Ce qu'il avait mang' lui causa une ma-
ladie d'entrailles épmvantable : son foie
Sortait avec ses excréments par la bouche ;
les parties génitales se corrompirent de telle
sorte que les vers s'y mirent. L'art des mé-
decins, les soins les plus assidus, tout fut
inutile : rien ne put même le soulager. Qua-
rante jours il fut sa is parole et sans senti-
ment. Sa femme, qui était chrétienne et f irt
pieuse, lui dit, quand il fut revenu à lui,
que tout ce qu'il endura:t était u'^e punition
envoyée par Jésus-Christ, à cause de son
apostasie et des maux qu'il avait fait souf-
frir aux chrétiens. Alors le comte se mettait
à prier, demandait grâce et voulait renlrer
dans le sein de l'Eglise. Mais après ses priè-
res, il ne semldait [las plus converti qu'au-
paravant. 11 supplia l'empereur de rendre
aux chrétiens les égl ses qu'il avait fait fer-
mer ; mais il n'en reçut que cette réponse :
« Je ne les ai pas fait fermer moi-même,
hors la principale; je ne les ferai pas ouviir. »
Eniin ce malheureux mourut au nnlieu des
n!us atroces douleurs, dajis la puanteur et
l'infection.
JULIEN L'APOSTAT {Flavius Claudius
Julianns), empereur romain, était fils de Ju-
les Constance, et neveu de Constantin. H
naquit à Constantinople, en l'an 331. Ici ce
n'est f)as son histoire que nous avons à faire :
nous n'avons qu'à le considé er comme |)'n'-
séculeur de l'Eglise. Nous ne toucherons
donc que les points qui sont utiles à notre
sujet. Julien est un des princes à l'égard des-
quels on a le plus dis[)uté. Si quelques chré-
tiens n'onlpasassez rendu justice à quelques
(jualités (ju'ij est juste do lui reconnaitre ,
les i);tïens dont il fut le protecteur l'ont loué
outre mesure. De nos jours, on a singulière-
ment reliRussé Julien : l'école philosophique
et universitaire a trouvé en luiun de ses pa-
trons ; elle n'a pas fait faute à l'exalter. Ju-
1 enest en (pielquesorle le Voltaire des temps
passés, moins le génie, lia persécuté le chris-
tianisme à la façon des philosophes et des es-
prits forts ; aussi n'est-il pas étounant que cer-
tains hommes aieit prisa t;\che de le réha-
biliter et de couvrir de leur adiuiralion tous
les crintîs, toutes les fautes, tous les vices
de Juliini. Nous avois souvenir entre autres
d'un petit prolesseiir d'histoire, dont le nom
nous échappe, et (pii a pris pour sujet do
thèse Julien. Ce monsieur, dont nous ne
pouvons nous rappeler sans rir-e l'air gour-
mé, la pédantes(|ue sullisan(;e, et la vanité
suintant par tous les pores, avait donné h
son travail les (lualilés qui décoraiimt sa
p(U--onne. Traitant du haut on bas les auto-
rités,!'Sraints les |)lus vénérés dans l'Kglise,
C(! petit professeur faisait delà vie de Julien
un récit complètement en th-saccord avec
les idées reçues, et les hisloriens les |)lus
im|)arliaux. Il ohtnit un beau suci^ès devant
ses pairs do l'Université, (jui le promu-
\m
JIL
m.
i'M
ront àiinofncnltt^oi'i sa faconde et sa por-
soiru> loiil les délices dos bos-bleus do la
loialilé.
Lo promior maître qu'ont Julien fut lo
malheur, et c'est celui qui d'onliuaire incul-
que lo mieux ses ensoiij;nemeuts. Son père
rt son frère furent mis <i mort par ordri; de
Constance ; lui-même ne dut son salut qu'à
un saint èvè(]ue (juc, plus tard, il traita avec
la dernière cruauté : la reconnaissance n'est
pas une vertu i)hiIosoplii(pie. Dans son en-
fance, Julien reçut, par ordre de Constance
(l'empereur lils do Constantin), une éducation
chrétienne ; il fut mémo ordonné lecteur,
ainsi que son frère (lallus. Ce dernier était
foncièrement chrétien, l'autre n'était qu'hy-
pocrite : car déjà il songeait à quitter la reli-
gion chrétienne.
Ici qu'il nous soit permis de répondre à
une grande phrase dont on a voulu faire une
grande pensée. « Nul n'a le droit de sonder
les consciences. Julien, sa'is avoir été hypo-
crite, a pu suivre ses convictions et se con-
vertir à la religion païenne. » Permettez-moi
de vous répondre, petits rhéteurs univer-
sitaires, par cette autre phrase : « Si Julien
n'était pas convaincu de la vérité du chris-
tiaiiisme quand il le pratiquait, il était un
hypocrite ; s'il en était convaincu alors et
qu'il se soit franchement converti au paga-
nisme, sans vous manquer de respect, per-
mettez-moi de vous dire qu'il était un imbé-
cile; libre à vous de trouver grand et admi-
rable un homme qui quitte la connaissance
de l'Evangilepour Jupiter et pour saséquelle,
mais libre à nous d'en appeler de vos juge-
ments à ce tribunal qu'on nomme le sens
eonnnun. Il faut être passablement outre-
cuidant, pour prétendre faiie un grand génie
d'un homme qui commet cette bêtise. Qu'on
en fasse un ambitieux, rien de mieux , il
pourra même alors avoir du génie ; mais
qu'on avoue du moins que son ambition a
pris attention au but et non aux moyens ;
qu'elle a rampé dans la fange de l'hypocrisie
au lieu de voler hardiment dans le chemin
droit et visible delà franchise. Pour attein-
dre aux sommets culminants, l'aigle vole et
le serpent rampe. Tous deux personnifient
deux sortes de génie. »
Dès que Julien fut maître de ses actions
et ne craignit plus Constance , il se déclara
en faveur de la religion païenne. Pourtant il
dissimulait encore : ainsi, à Vienne, en l'an
361, il fit, étant déjà auguste, des actes de
christianisme, quoiqu'il adorât parfois les
idoles. Ce fut en lllyrie, où il alla en quittant
les Gaules, qu'il comuiença à sacrifier publi-
quement et à faire rouvrir les temples; il
exhortait vivement ses sujets à faire la même
chose. Les Athéniens et beaucoup d'autres
Grecs obéirent avec empressement. Quand
il vint à Constantinople pour y procéder à
l'enterrement de Constance , il publia un
édit par lequel il ordonnait qu'on rouvrît les
temples , et qu'on recommençât les sacrifi-
ces aux dieux. JuHen prit le titre de souve-
rain pontife des superstitions romaines ,
ainsi que les ompercnirs avaient coutume
de le faire; mais, non coulent de cela, il so
fit prophète de l'oracle d'A()ollon Dydime.
JJaronius prétend (]u'il se fit aussi grand
jxmlile d'Kleusine, mais j(^ crois (pic c est à
loi'l. Le grec d'iiunape, bimi inlcr|)rété, veut
nu'Irne dire le contraire. Jidieii ne (xmvait
f>as, à cause de ses alfaires noinbicnsos , al-
er au tcnnple aussi souvent rju'il l'aurait dé-
siré; d lit, poiu- y suppléer, un temple do
son jai'din , qui était plein d'autels consa-
sacrés à ses dieux. Il avait dans son i)alais
une es|)èce d'oratoire ou petit temple , con-
sacré au soleil, qui était sa divirnlé de pré-
diiettion. Aussitôt son levin-, il sacrifiait à
ses dieux dans son jardin; il sacrifiait au so-
leil, à son lever et à son coucher; la nuit,
il faisait la même chose aux divinités noc-
turnes ; les jours de grandes fêtes, il se ren-
da.t dans les t;'m[)les. 11 voulait n'avoir [)as
seulement le titre de pontife, mais exercer
les fonctions de sacrificateur. Il allait lui-
même chercher le bois pour les sacrifices,
allumait le feu, tuait les victimes de sa main,
ce qui l'avait fait surnommer le boucher.
L'ardeur que Julien montrait pour le culte
idolâîrique était en lui non moins grande
pour la destruction de la religion chrétienne :
la première chose qu'il fit pour commencer
la guerre contre elle fut de rappeler les évo-
ques bannis par Constance pour cause do
religion : c'étaient les plus saints prélats de
l'Eglise, mais peu importait à Julien. En
agissant ainsi, il voulait mettre en présence
les dilférentes sectes religieuses, pour (lu'el-
les se combattissent et se discréditassent
mutuellement. H faisait venir dans son pa-
lais les évêques qui étaient en dissentiment
les uns avec les autres, et, sous prétexte de
conciliation, il les engageait à cesser leurs
disputes, pour s'appliquer chacun à la pra-
tique de la religion telle qu'il l'entendait,
voulant dire par là que toutes les façons d'a-
dorer Dieu sont également bonnes. Or deux
choses sont nuisibles à la vérité : la persé-
cution directe qu'on lui fait subir, et d'un
autre côté la tolérance et la protection qu'on
accorde à l'erreur. Certes , nous ne voulons
I)as dire ici qu'un gouvernement doive se
fairele persécuteur de T'^rreur et le souverain
arbitre des croyances. Loin de nous celte pen-
sée: mais noussignalons ici lebut de cette to-
lérance hypocrite de Julien, quivoulait faire
accepter l'erreur comme aussi bonne que la
vérité. 11 fit revenir Aetius, chef des ariens,
et lui écrivit une lettre amicale , ainsi qu'à
l'hérétique Photin. il se fit le protecteur des
novatiens contre les catholiques, (t leur ac-
corda tout ce qu'ils lui demandaient. Il té-
moigna une alfecti n toute pariicul ère pour
les Juifs, et les anima autant qu'il le put
Contre les chrétiens. Quand les prélats, usant
de leurs droits de premiers pasteurs de l'E-
glise, punissaient leurs subordonnés, Julien
s'en déclarait ouvertement le protecteur, et
prenait à tâche de les faire venir auprès de
lui , de les combler de biens et d'honneurs
Il replaça sur le trône pontifical un nommé
Etienne, qui avait été déposé pour ses er-
1407
JUL
JUL
i408
reurs et pour la corruption de ses mœurs.
Julien voulait ruiner la religion chré-
tienne; mais, mieux instruit de ce qui la
concernait que les princes païens qui jusque-
là Tavaieut pcrsécut('>e, il comprit qu'il ne
devait pas suivre la même marche qu'eux.
L'expérience des temjis passé'^ lui mon-
trait que la violence et la persécution dé-
clarée ne faisaient (lu'enflaiumer le zèle des
chrétiens, et que leur sang versé devenait
une semence féconde pour le progrès et l'a-
grandissement du christianisme. D'un au-
tre côté, il voulait se donner les apparences
de la justice : aussi ne voulait-il pas encore
faire une guerre ouverte aux chrétiens. Il
leur enviait le titre et la gloire de martyrs.
Quand il les faisait souffrir, il voulait qu'on
crût qu'ils étaient punis pour quelques cri-
mes indépendant de tout motif re'igieux.
Peu im|)ortait aux chrétiens, dit saint Gré-
goire de Nazian/e , de n'avoir pas la gloire
extérieure de leurs souffrances, [)0urvu que
ces soull'rances fussent endurées pour la vé-
rité; de n'être pas admirés des hommes,
pourvu qu'ils fussent vus et appréciés par
Jésus-Christ. Dans sonépître 41, Julien dé-
clare qu'il ne veut pas qu'on sévisse contre
les Galiléens (c'est ainsi qu'il nommait tou-
jours les chrétiens) , qu'on les traîne aux tem-
ples et qu'on les contraigne à sacrifier.
, « Il faut, dit-il, les persuader par des rai-
sons, leur faire voir qu'on les prend en
pitié, comme les plus misérables des hom-
mes, parce qu'il n'y a point de plus grand
bien que la vraie religion, et de plus grand
m.il que la fausse. » Malheureusement celte
douceur perfide porta ses fruits : les ré-
ccunpenses, les honneurs, les caresses dont
il comblait les apostats, en produisirent un
graid nombre. Du nombre de ces malheu-
reux fut Ecébole, professeur d'éloquence ,
qui avait anciennement été le maître de Ju-
lien, et qui préféra sa faveur à la vérité.
Après la mort de Julien cet homme demanda
à rentrer dans le giron de l'Eglise.
Ce fut à cette époque qu'un vieil évoque
arien, aveugle depuis quelque teinps, se fit
conduire au temple àConslantino[)le, où Ju-
lien sacrifiait , et le traita publiquement
d'impie, d'athée et d'apostat. Julien, suivant
sa coutume, tourna la chose en raillerie. Il
ne lui convenait ])as de se montrer cruel
[lourdes faits personnels. Cetévê(jue étailMa-
ris de Chalcédoine.Il ûta,sous différents ()ré-
textes, leurs dignités aux ofliciets qui étaient
à sa cour, et môme en fit mourir (pielques-
ui:s. Non content de cela, il fil tout ce qu'il
put |)our bannir le christianisme de; ses ar-
mées; il gagna un nombre considérable de
soldats qui curent la malheur de préférer la
bienveill.ince de l'cjuipereur h leur foi; mais
cf>iiime beaucoup, malgré tout, restaient
fidèles, Juli(;n voulut, par un subterfuge
grossier, faiie croii*; au monde (pie tous sa-
crifiaient aux faux dieux et rcitioncaicMit h
Jés\is-(^hrist. Sous p/-él(;xle de ceilaines libé-
ralilés à faire aux soldats, il fit dresser près
du Inlju'i.d où il siégeait, |)Our leur faire uik;
distribution d'argeul, un autel sui- le(iuel so
trouvait du feu et de l'encens. On n'y voyait
aucun emblème religieux, aucune idole;
sans cela la trom[)erie n'eût pas réussi. A
mesure que les soldats se présentaient pour
recevoir leur gratification, on leur disait de
jeter quelques grains d'encens dans le feu;
que c'était une vieille coutume qu'on renou-
velait, mais sans importance. Beaucoup se
laissèrent prendre à cette ruse, qui, quand
ils surent qu'on avait prétendu engager ainsi
leur foi aux idoles, en témoignèrent toute
leur horreur. Ils vinrent sur la place publi-
que, et dirent qu'ils n'avaient pas eu l'inten-
tion de renoncer Jésus-Christ, que l'action
qu'ils avaient commise avait été faite sans
aucune intention religieuse. Il y en eut môme
qui vinrent prouver Julien et jetèrent
à ses pieds avec dédain l'or qu'ils avaient
reçu de lui, en lui reprochant avec indigna-
tion la lâcheté et l'ignominie de son subter-
fuge : de ce nombre était un nommé Romain.
L'empereur fut tellement irrité, qu'il donna
ordre de les prendre et d'aller les décafiiter
hors de la ville. Cet ordre allait s'exécuter,
et déjà le bourreau s'apprêtait à frapper la
première victime, quand on vit arriver un
exjirès, qui vint donner contre-ordre de la
part de l'empereur. Ces généreux soldats, à
qui on refusait le titi-e de martyrs, furent
exilés aux extrémités de rem[)ire. Julien dit
que c'était pourlui avoir manqué de respect;
le persécuteur se cachait ainsi sous le man-
teau de la dignité impériale outragée. Jovien
et Valentinien, depuis empereurs, furent du
nombre de ceux qui protestèrent contre l'o-
dieuse prétention de Julien.
Un peu plus tard, Julien, pensant qu'il
pouvait oser davantage, commença à chas-
ser des villes les évoques et les ecclésiasti-
ques : ain>i fit-il pour Eleuse, évoque de Cy-
sic, sous prétexte qu'il avait abattu des tern-
ples et des idoles. Il abolit toutes les lois que
Constantin avait faites en faveur des chré-
tiens; il ordonna aux évoques, à tous ceux
3ui avaient détruit des temples des faux
ieux de les rebâtir de leurs deniers. Quand
ils ne le pouvaient pas, ils étaient mis à la
question, tourmentés de mille manières, em-
prisonnés et souvent mis à mort. Non con-
tent de cela, il s'emparait du bien et des tré-
sors des églises ; il exclut les chrétiens
de toutes les charges et dignités. Dans U
guerre qu'il fit aux Perses, il trouva moyen
de tirer des chrétiens tout l'argent dont il
avait besoin, en ordoimant que tous ceux
(pii refuseraient de sacrifier payeraient une
taxe exorbitante. Cette taxe était exigée
avec une exlrômc rigueur, et ceux ciui ne
pouvaient l'acquitter étaient exposés a tou-
tes le^ vexations et h tous les supplices.
Fidèle h son système d'hostilité contre lo
christianisme, il montrait une faveur toute
spéciale aux villes (jui |)rali(iuaient la reli-
gion pan'une, leui- accordait tout ce (lu'elles
demandaient, leur faisait môme dire do
ne pas ciaindn» d'user de ses bonnes (lis|)0-
silions à 1(mu- égard. Au contraire, (piand lo
chrslianisiiuî lloi'issait dans des villes, elles
étaient sOres de ne rien obtenu" de lui :
1109 IUL
Non-scnlemont il leur refusait toutes les
grAcos qu'elles pouvaient solliciter; mais il
se détournait de son elieujin |)Our n'y pas
entrer, et leur nuisait autant (ju'il le pou-
vait. Ainsi, il meiKiea, pour cette cause, la
ville de Nisibe de ne pas la secourir et de la
laisser coniphUenient <^ la discri''ti(.n des
Pei'sos. C'est ainsi encore (pi'il se détourna
d'iulesse, qui se reeonunandait par la inélé
de ses li.ibilants. Bienlùt il alla jus(pr;\ dé-
fendie aux chrétiens d'enseigner et même
d'étudier les lettres humaines. Cette défense
fut l'objet d'une loi expresse et spéciale
qu'il publia au commencement de son ré-
gne. La prescription portait sur la rhétori-
que, la grammaire, les arts, les sciences, et
môme la médecine. Ceux qui seraient tentés
(le ne pas croire h un pareil édit peuvent le
lire tout au long dans liaronius, 263, §313.
Par suite de cet édit beaucoup de profes-
seui'S se virent dans la nécessité d'abandon-
ner l'enseignement. Ainsi Marins Victori-
nus, qui professait i\ Rome avec beaucoup
de succès, dut cesser ses leçons d'éloquence.
Le philosophe Proérèse lit' la môme chose.
L'hypocrite méchanceté de Julien se mon-
tre dans les motifs qu'il allégua en portant
cet édit tyrannique. Il en prend pour pré-
texte que les chrétiens ne doivent pas cher-
cher autre chose que la simplicité de leur
foi, et ne pas s'occuper des lettres grecques
qui n'appartiennent, disait-il, qu'à ceux qui
suivent la religion grecque ou païenne.
Aijisi tout ce raisonnement portait sur un
jeu de mot puéril, sur une misérable équi-
voque. Pour avoir occasion de punir comme
criminels d'Etat ceux qui refuseraient de
rendre aux dieux certains honneurs, il fit
faire des tableaux qui le représentaient, lui,
tantôt avecun Jupiierqui, sortant des nuées,
le couronnait, tantôt avec un Mars ou un
Mercure, ou d'autres dieux. Il faisait placer
ces tableaux dans les villes pour que les hon-
neurs qu'on devait rendre devant eux à la
personne de l'empereur fussent partagés
par les dieux qui étaient représentés à côté.
Il était ravi que les gouverneurs des pro-
vinces persécutassent les chrétiens, pourvu
que les cruautés qu'ils commettaient ne pus-
sent être imputées directement aux ordres
qu'il avait donnés. Il leur laissait donc à cet
égard toute latitude, ainsi qu'aux peuples
dont les séditions fréquentes s'élevaient
contre les chrétiens. Il trouvait toujours ({uel-
que prétexte pour punir, pour déposer les
gouverneurs qui s'étaient montrés trop doux
à l'égard des c'irétiens. Quand ces derniers
venaient se plaindre h lui des injustices
dont ils étaient victimes, des persécutions
qu'on leur faisait soulfrir, il leur répondait
que leur Evangile les obligeait à supporter
les injures et les mauvais traitements. Sa
tolérance extrême envers les violences que
commettaient les peuples ou [ilutôl la vile
populace des cités, montrait que tout ce qui
se faisait ainsi était bien dans ses volon-
tés.
Ce fut en se conduisant de la sorte que,
sans qu'il y eût de persécution ouverte,
JUL
MiO
Julien persécuta elTeetivement les chréti(!n?
avec beaucoup de violence, et qu'ils furent
obligés de s'enfuir, d(; se cacher [lartout :
c(! (jui n'cmpôcha pas qu'on vît des martyrs
dans toutes les provinces de l'empire;. Quand
Jidicn parvint au trône, Tertullus était |)ré-
fet de Konu!. Après lui ce fut Maxiim;, puis
Apronien. Tous trois étaient paiiMis, et fi-
rent des martyrs. Ainsi, sous Apronien,
no;is trouvons h Home saint Jean et saint
Paul {Voy. leurs articles). S'il faut en croire
les Actes de saint (iordien, il souffrit aussi
à Rome sous Julien l'Apostat. On trouve
aussi saint Léopard, qualilié au Martyrologe
doinestique de Julien. Dans le reste de l'I-
talie, il y eut aussi (juelques martyrs sous
le règne de Julien. Le plus célèbre de tous
est saint Donat, d'Arezzo en Toscane. A
son histoire se trouve jointe celle de saint
Hilarin, qu'on dit avoir souffert au môme
lieu (jue lui quelque temps auparavant.
Dans les Gaules, s'il faut en croire Ba-
ronius, les chrétiens souffrirent beaucoup
sous Julien : Saluste, préfet du préfoire, et
son vicaire Dioscore, se montrèrent très-
acharnés contre eux. Nous avons vu le mar-
tyre de saint Elyphe en Lorraine.
Si de cette province nous passons en
Egypte, nous y voyons le peuple d'Alexan-
drie se porter aux violences les plus exé-
crables contre les chrétiens. En dehors de
cette ville, saint Gallican eut la tête tran-
chée par ordre de Julien.
Mais rien n'eut plus de retentissement
duiant la persécution de cet empereur, que
la rage des habitants de Gaza en Palestine.
Les trois frères Eusèbe, Nestable et Zenon
y furent mis à mort par la po|)ulac ■, de la
façon la plus cruelle [Voij. leurs articles).
Quand les habitants de Gaza virent de sang-
froid les excès qu'ils venaient de commettre,
ils craignirent que la juste indignation de
l'empereur ne leur en fit porter la peine.
On disait dans le public que le prince en
était fort irrité. Le gouverneur crut qu'il
était de son devoir de prendre l'initiative :
il fit arrêter ceux des émeutiers et des égor-
gcurs qu'on lui désigna comme les plus cou-
pables, pour les faire juger et punir suivant
la rigueur des lois. Julien ne partagea lias la
manière de voir de ce gouverneur. Loin d'ê-
tre irrité contre les habitants de Gaza et de
le leur faire voir, il ne leur en fit pas seule-
ment de réprimande; mais il fit venir le
gouverneur, le [)riva de sa charge et l'exila
en lui disant que c'était par grâce qu'il lui
laissait la vie. Et comme ce dernier lui re-
montrait qu'en agisscint comme il avait fait
il avait simplement mis les lois à exécution,
Julien lui fit cette horrible réponse : « Eh
bien 1 est-ce donc un si grand mal, quand un
Grec aura tué dix Galiléens? » Ces paroles,
comme le dit saint Grégoire, n'étai. nt-elles
pas un édit vériiable de persécution lancé
contre les chrétiens ? Tous ceux qui avaient
de la haine contre eux ne devaient-ils pas
se croire, n'étaient-ils pas en elfet autorisés
aies persécuter? Ceux qui voulaient faire
iUl
JllL
JUL
1412
la cour au prince eu flaUant ses instincts
cruels et ses haines, n'avaient-il> pas ie
ciiamp libre pour courir sus aux chiolicns
ot Us mettre à mort? Aussi les habitants de
Gaza, encouragés par cette abominable coa-
duite (le Julien, se laissèreit aller aux plus
détestables excès de cruauté : ils prirent des
chrétiens, des hommes consacrés j)ar le sa-
cerdoce, des vierges vouées au Seigneur, et
leur ouvrant le ventre, commirent toutes les
])rofanations imaginables. Ils remplissaient
dorge leurs eniraillcs pour les faire dévorer
par les pourceaux. (Tliéodoret, 1. m, ch. 3.)
A Séljaste ou Simarie, les païens commirent
un autre crime énorme, surtout au point de
vue de la profanation qu'ils tirent des reli-
ques les plus saintes et les plus vénérées.
Ils tirèrent de leurs tombeaux les ossements
de saint Jean-Ba|)liste, le saint précurseur de
Jésus-Christ, et ceux du prophète Elisée, et
les brûlèrent avec des ossements danimaux.
Ils jetèrent la poussière au vent, pour que
les chré iens n'en pussent rien retrouver qui
pût devenir pour eux un obji'tde vénération.
Sil faut en croire IJaronius, les habitants de
S/baste avaient agi par l'ordre de Julien, qui
avait commandé que toutes les villes eu>sent
k ruiner les tombeaux des athées (encore un
des noms que Julien donnait aux chré-
tiens).
En Phénicie, en Syrie, les peuples com-
mirent des horreurs pareilles à celles que
nous venons de voir en Palestine. A Damas,
l'S Juifs brûlèrent deux églises; celle de
Bér.vthe fut brûlée par le comte Magnus,
qui , sous Jovien , fut oi)ligé de la re-
construire à ses dépens. La grande basilique
d"Emè^e fut profanée |»ar les païens, qui y
mirent la statue de Hacchus. Julien dit, dans
un endroit de ses ouvrages, que ceux d'E-
nièse avaient mis le feu aux tombeaux des
Galiléens. 11 faut donc croire que les habi-
tants de cette ville ruinèrent aussi, eux, oes
églises et des lieux consacrés au cult(î. L'E-
glise dEpipbanie, en Syrie, fut traitée comme
celle d'Emèse. Eustale, arien, en était alors
évôjue. Saint Grégoire manjue toutes ces
profanations quand il dit, à propos de la mort
de Julien : « Ils ne regarderont plus nos
maisons sacrées avec un œil de malignité et
de fureur, pour les détruire ; ils ne souille-
ront plus avec un sang détestable, des autels
di'diés h un sacritice parfaitement pur, et où
on ne répand point de sang; ils ne désho-
noreront plus nos sanctuaires par des autels
sacrilèges; ils ne pilleront plus et ne profa-
neront plus, par une impiété méli'e d'ava-
rice, des richess(is consacrées à Dieu ; ils
ne leront plus d'cHitrages à la vieillesse vé-
nérablti des prêtres, à la sainteté des diacres,
h la pudeur des vieiges saintes. » Tout le
monde .sait, dit h; luéme saint, ce (pri so
firatiquait h lléliopolis, au pied du mont Li-
l)ari. Onnimt on y adorait l-a déesse de l'ini-
piidicilé, les fenuiies et les lilles y étaient
jiublitpjcMiienl iMi|)udi(pies. (>e (pji ailleurs
était 11(1 oriuie, était dans cette ville un aelo
de rt|i(^i(iri iuitoi'isé par les lois <l par uik;
VOUlumc iuiinéiuurialu. Couslaaliu uvail fait
ce qu'il avait pu pour convertir les ha-
bitants et pour déraciner ces détestables
coutumes. Sous Ju'ien, ils se portèrent aux
actes de cruauté les plus révoltants. Pour se
venger de ce que Constantin avait, pai' des
lois, réprimé leurs infamies, les babitants
d'Héliopolis se saisire;;t de quelques vierges
chrétienni'S, et les exposèrent nues aux yeux
de tout le monde. Ensuite ils les rasèrent et
les fendirent en deux. On dit que quelques-
uns, par une cruauté inouïe, mangèient de
leurs entrailles palpitantes : les égorgeurs
de la révolution française ne faisaient pas
mieux. Ils agirent de même à l'égard du
saint diacre Cyrille qui, sous Constantin, mu
par un zèle ardent pour la religion, avait
brûlé un grand nombre de leurs idoles. Ils
dévorèrent son foie ; mais tous ceux qui com-
mirent cette abomination furent subitement,
dit Suidas, frappés de la vengeance céleste.
Toutes leurs dents tombèrent à l'instant
môme, leur langue pourrit jusqu'à la racine
et leurs yeux furent frappés de cécité.
Saint jMarc était évêque d'Aréthuse, petite
vil-e de la Syrie, sous Constance; ce prélat,
usant de la permission que lui donnaient
les lois, avait forcé un grand nombre de
païens do prendre le nom de ch; éticns, et
avait démoli une église fort vénérée, où les
païens avaient assemblé de grandes riches-
ses, et pour laciuelle ils avaient une très-
grande vénération. Dès q \c les habitants
paï.ns eurent appris l'inclination de Julien
pour les idolâtres, leur fureur se déborda
avec d'autant plus de violence, qu'ils lavaient
concentrée plus longtemps. Julien, du reste,
les appuyait complètement contre l'évèque.
11 l'avait condamné à faire rebâtir le temple
qu'il avait démoli, ou à en payer le prix.
Marc, voyant qu'il ne pouvait venir h bout
de payer,' et du reste, prétendant qu'il ne lui
était pas permis d'obéir, jugea à propos de
se retirei-, pour éviter la fureur du peuple ;
niais ayant appris que beaucoup de per>on-
nes étaient arrêtées et mises en justice à
cause de lui, il préféra s'ex|)Oser à tout. Il
revint du lieu où il éttit caché, se présenta
au peu[)lc, et se livra h tous les tour-ments
que sa cruauté lui pré[)aiait. La populace,
s'emparant de lui, le traîna par les rues, lui
ht soutfrir, comme on |)eut le voir h son ar-
ticle, les |)lus é|)Ouvantables tourments.
Marc était un de ceux qui avaient sauvé la
vie à Julien, en l'enlevant, tout jeune, du
palais de Constance. {Voy. Mauc.)
A Césarée de Cappadoce, Julien montr-a
sa liaine contri! le nom chrétien. Cette ville
avait détruit un célèbre lem[)le de la Eorlune
qui était dans ses murs. Julien, pour la pu-
nir, lui ôta son nom de Césarée, ({u'elle
j)orlait depuis Tibère, et la for'ça de lepien-
dre son ancien nom de Ma/aca. Il exigea
des églises de la ville et de son teiriloiio
une taxe de trois cents livres d'or. César-ée
lui rayée di; la liste des cités, il enr'ôla tous
les eci:lésiasti(iues comme archers de la |)0-
lice, ordtjnna aux chrélicns de reb.Hir- le
leiii|ih.' (pii avail é;é abattu, plus ceux d'A-
pollu.i et de Jupiter, (pii avaient été di'liuils
iiis
mi
sons SOS prédiVosseurs. 11 menaçait la ville >#
et surtout les (inliléens de toute sa tolère,
s'ils n'exécutaient pas ses ordres : probable-
ment (lu'il (iiU misses menaces h evécuiiuii,
si la guerre de Perse n'eût ajnené la tin de
sad niination, e'i lui faisant trouver la moit
là où il espérait trouver la victoire. Ce Tut <^
cotlQ occrtsioa que saint Kupsyquo soullrit
le martyre.
A Ancyre en dalatie, un chrétien nommé
Busiris se distingua jiar un courage extraor-
dinaire (Ko»/ • ^<^'' article). Saint 'i'imotliée,
évéque dePruse en IJithynie, eut la tète Iran-
rhée sous Julien. A Mérus, dans la Phrygie
Salulaiie, on trouve le ma. tyre de ti'ois s i'its
nonnués Macédone , Tliéodule et Tatien
{Vou. leurs articles). Par.anl de Constajiti-
nojle pour aller en Perse, ù la fin du mois
de mai, Julien passa à Clialcédome. Il con-
danma à mort dans celle vdie trois chré-
tiens (leisans, Manuel, Sabel et I.-maël {Voy.
leurs arlic!es.) Arrivé à Ancyre, Julien, ayant
appris qu'un saint |)i6tre qui se nounnait
Basile était en prison, le tit amener devant
lui, et (il en sorte (ju'on le mil à mort {Voy.
les Actes de saint Basile). Il faut encore
mi'tlre ici le martyre de sa ni PMlorome, de
saint Artine, duc d'Egyj te, de saint (lemelle
de Paphiagonie, et de quelques audes.
Quand Julien fut airivé à Anlioclus il fit
son po>sib!e pour soidever le p(uplc de
Bostres contre Ti le, son évèiiue;mais la lettre
qu'il écrivit {)0ur cola cemeura sans elfet.
A Aiitioche, il eut la sottise de vouloir pol-
luer les fontaines et les aliments, en y faisant
jeter soit des viandes soit de l'eau consa-
crées aux dieux, alin que tous ceux (jui en
feraient usage rei diss nt ainsi un hommage
forcé à ses divinités. Mais les chrétiens s>'
moquèrent de lui, et, suivant l'avis de saint
Paiil, mangèrent les choses qui leur étaient
nécessaires sans attacher d'impor ance h ce
qu'avait fait Julien, et sans s'en(]uérir en
aucune façon si elles avaient éié ou non
souillées par la ridicule manie de ce prince.
C'est ici qu'il faut mettre le martyre de
STint Juventin et de saint M<!ximien (Voy.
hnu's articles), la confession célèbre de saint
Théodore, la fermeture et le } illag • de l'é-
glise d'Antioche et le martyre de saint Théo-
Boret.
Non content de ce qu'il faisait souffrir aux
chiéliens par l'abus de son pouvoii', Julien
Youlut leur faire une autre guerre : il se
crut assez de talent pour entrer dans la po-
lémique religieuse, et il écrivit contre eux.
Le peuj)le d'Antioche s'était moqué de lui
d'une manière cssez ouverte pour lui être
fort Sfnsible : il s'en vei'gea par une saiire
contre la ville et par un livre qu'il fit contre
les chrétiens. Suivant saint Jérôme, cet éci'it
reiifermaiil sept livres; ce Père cite un pas-
sage du se[)tième. Saint Cyrille d'Alexandrie,
qui réfuta cet ouvrage cinquante ans aj rès,
lie compte que trois livres : cela tient pro-
Ijablement à ce qu'on divisa dilféremment
ce livre de Julien. Socrale rapporte quelques
ligiies du troisième de ces livres; il fait voir
que Julien n'entend pas s'adresser aux per-
sonnes instruites et intolligonles pour les
convaincri;, mais bien h la masse ignorante
cl crédule, (\ni\ espère gagner par le Inn
plais lul I t de mauvais(! raillerie (pj'il |»reii(|.
Quoiqu'il n'y d'il lien de .solide d ns ses
ouvrages, ils n(! laissèrent pasdii surfxendre
un grand nombre de f)ersounes l'aibl".s. L'é-
légance du style et sa touinur-e railh us(! et
gaie ne furmil pas pour j)eu de chose dans
ce résultat. Comme il avait été chrétien, on
lui supposait une grande connaissance des
Kcritures, et sans cesse les païens objectaient
de ce ({u'il avait fait, surtout parce qu'on
ne l'avait pas réfuté. Ce fut ce motif qui
engagea saint Cyrille à le combattre cin-
quante ans i)lus tard. Au commencement
de 3G3, nous' trouvons le martyre de saint
Bono^e et de saint Maximilien. Ils ne souf-
frirent nue trois jours a[)rès la mort du comte
Julien [Voy. h-urs articles). Julien conçut
un projet qui, suivant lui, n'allait à rien
moins qu'à Oétrun-e le clui.^lianisme, en rui-
nant l'ail lurilé des piophélies, en démon-
tianl la fausseté des Ecritures sa nies. Il ht
tout ce qu'il put pour s'attacher les Ju.fs et
} our les amener à entrer dans ses desseins.
Sozomène parle d'une lettre très-amicale et
liès-engageai le qu'il leur écrivit, au com-
menc( ment de .«on règne. Il leur dit, entie
autres choses, qu'il a arrêté un nouvel impôt
dont Constance prétendait les surcharger,
qu'd a brûlé tous les mémoires sur lesquels
on se fondait pour l'établir, et fait mourir
tous ceux qui avaient contribué à le vouloir
faire établir. Il (inissail sa lettre en leur pro-
mettant que s'il revenait de la guerre de
Perse, il rebâtirait la cité mainte et leur
t(Mni)le, comme depuis longtemps ils le dé-
siraient, et qu'avec eux il y célébrera l la
gJo je du Tout-Puissant. Certes, Julien man-
quait de franchise en écrivant ainsi ; car, à
la façon dont il se moquait des prophètes,
on (lovvail voir qu'il était aussi ennemi de
la religion juive que de la religion chré-
tienne. Admettre l'une ou l'autre c'était ré-
pudier le paganisme et avoir horieur de ces
dieux de pierre ou de ces dieux infâmes que
les païens adoraient. Son but, en agissant
comme il le faisait, était d'à tirer dans son
camp quelques .««oldats de plus pour com-
battie le christianisme, qui était son en-
nemi de prédilection. Peu lui importait quels
fussc'nt ses auxiliaires, pourvu qu'ils atta-
quassent avec acharnement lennemi com-
mun; pourvu qu'ils trouvassent dans leur
haine contre Jesus-Christ la rage qui l'ani-
mait lui-même; jîourvu qu'ils lançassent à
ses sainls la houe, la pierre ou le gl ive. Du
reste, les Juifs se monti èrenl les alliés fidèles
de Julien : ils biûlèrent la grande église
dAlexandiie; ils en détruisirent deux à
Damas, et d'autres encjre en divers autres
lieux. Julien, pour les flatter, et peut-être
aussi pour les amener à ruiner, par leur
adhésion à ses erreurs, l'autorité des saintes
Ecritures, voulait leur persuader de sacri-
fier, et s étonnait, disait-il, qu'ils ne le fis-
sinii plus. Leur Dieu, leur disait-il, était le
même que les païens adoraient sous d'autres
1415
jul
ICL
1416
noms, le créateur Cv le souverain régulateur
du inonde sensible, le suprême arbitre de
toutes choses. Il le nommait tout-puissant
et très-bon. Les Juifs malgré eux, furent
forcés de lui avouer qu'ils ne pouvaient sa-
crifier ailleurs que dans la cité sainte et
dans le temple. « Si vous voulez, lui di-
saient-ils, que nous offrions des sacrifices,
rendez-nous la ville de Jérusalem; réédifiez
notre temple, relevez notre autel, faites-
nous revoirie saint des saints, et alors nous
sacrifierons avec autant de zèle que nous
avons fait autrefois. »
C'est ainsi que Julien voulait amener les
Juifs à lui demander ce qu'il avait une envie
excessive de faire, alin, comme je le dis
plus haut, de démontrer la vanité de la sen-
tence que Jésus-Christ avait portée contre
Jérusalem et contre le temple. Il leur fit
donc croire qu'il avait trouvé des livres où
il était dit que les temps étaient venus pour
la reconstruction du temple, qu'ils devaient
se hâter de retourner dans leur patrie, pour
l'exécution de ce dessein magnifique. En
outre, il ordonna à ses trésoriers de fournir
l'argent nécessaire à cette dépense, qui de-
vait être énorme. Il assembla de toutes parts
des ouvriers, des architectes et toutes les
personnes capables de concourir à cette en-
treprise, à la tête de laquelle il p'aça, comme
ordonnateur général, comme chef suprême,
le comte Alype d'Antioche, ancien vicaire
du préfet de la Grande-Bretagne. L'empres-
sement que mit Julien à cette œuvre fut se-
condé par l'empressement non moins grand
qu'y mirent les Juifs : ils firent savoir dans
touî l'univers à ceux de leur nation les or-
dres et les permissions qui leur étaient
donnés; on vit accourir ces proscrits de tous
les points du monde, apportant leurs ri-
chesses de toutes sortes pour contribuer au
grand œuvre de régénération nationale et
religieuse. L'enthousiasme était si grand,
que quand les travaux commencèrent, on
vit tout le monde y prendre part : les fem-
mes, môme celles de la plus haute condition,
sans se soucier de leurs fatigues ni du tort
qu'elles friisaient à leurs habits précieux,
portaient la terre et les pierres. On raconte
que les Juifs avaient fait des bêches, des
boyaux et des panniers d'argent. Ils étaient
si glorieux et si tiers, dit Kutin, qu'on eût
dit qu'ils avaient encore parmi eux des
prophètes comme jadis , (juand leur terre
était la terre des miracles, et que chaque
sommet retentissait de la parole inspirée.
Ils insultaient aux chrétiens, les menaçaient
de les traiter i)lus tard de la même manière
qu'eux-mêmes l'avaient été j)ar les Romains.
Ils voyaient déj'i en pensée leur ancienne
autorité ot leui- puissanc*; rétablies; ils no
p/irlaieiit que de guein;, de confjuêtes et de
massacres. On sait (pie les Juifs j'êvent la
dom nation tem[)orelle du monde. Leur oi-
gueil, leur vanité, les rendaient aussi in-
sup[)0itables que ridicules. Saint Cyiille
élrtit alors évê(iue de Jérusalem : dans ces
graves circonstances , le saint évê(jue re-
courut il l'arsenal des vérités chrétiemies. Il
ouvrit les Écritures saintes pour y lire Da-
niel, pour y revoir avec so n les paroles du
Sauveur du monde. Alors il se moqua ou-
vertement de l'entreprise des Juifs, et sou-
tint fermement qu'ils ne pourraient pas seu-
lement élever une pieire sur une autre. En
ed'et, on sait comment se termina cette en-
treprise h la gloire de Jésus-Christ et de l'o-
racle qu'il avait rendu, à la confusii n de
ceux qui voulaient faire passer sa par le
pour vaine. Les Juifs démolirent ce qui
restait du temnie, vérifiant ainsi de plus en
plus cette parole qu'il ne resterait pa< pierre
sur pierre, et ensuite creusèrent les fonde-
ments pour bîltir. Mais i'ouvrage qu'ils
avaient fait se comblait durant la m it , la
la tempête et des tourbillons de vent enle-
vaient et dispersaient au loin les matériaux
qu'ils avaient assemblés. Un tremblement
de terre effroyable combla tout ce qu'ils
avaient creusé, renversa sur leurs travaux
une partie des édifices voisin*, et fit périr
sous les ruines un grand nombre d'entre
eux. Ces enseignements de la volonté divine
ne leur suflisant pas, ils se mirent à travailler
de nouveau; mais à mesure qu'ils creusaient
la terre, des feux en sortaient qui brûlaient
les travailleurs, leurs .outils et leurs maté-
riaux. Des globes de feu les poursuivaient
dans leur fuite. Un grand nombre ayant
voulu se réfugier dans une église, il en
sortit des flammes qui les dévorèrent. La
môme cbose eut lieu dans une cave qui dé-
pendait de l'ancien temple, et où ils ramas-
saient une [lartie de leurs outils pour tra-
vailler : tous ces outils furent réduits en
cendres, et les Juifs qui voulurent entrer
dans la cnve furent consumés aussi.
Ainsi les Juifs lurent obligés d'abandonner
cette entrepr.se })Our laquelle ils avaient
montré tant d'ardeur et qui devait, à les
en croire, être couronnée de plein succès et
amener le rétablissement de leur puissance.
Les lémoigu' ges qui constatent ce miracle
sont irrécusables. A parties historiens catho-
liques ou appartenant aux sectes dissidentes,
à part les Pôies de l'Eglise qui le racontent,
nous avons Ammien, historien ennemi du
christianisme, qui reconnaît que le con)te
Alype, chargé par Julien de la recons'rnc-
tion du temple de JéiusaKin, fut obligé
d'abandonner cette entrejirise, parce quil
sortit plusieurs fois des fondements des
globes de iUunmes, qui brûlaient les travail-
leurs, et (|ui rendaient ce lieu complètement
inaccessible po\n" eux. Sozomè'ie en a écrit
le récit d'après les dires de personnes cpii
avaient vu les témoins oculaires de ci's faits
miraculeux : saint Chrysnstome dit (pie de
son temps on voyait ericoi-e ouverts les fon-
dements (jue les Juifs avaient creusés, chose
(jue la ProvideiKX' avait |)erinise, alin (pi'on
no pût jtas révo(pier ei doute ce (]u'ils
avaient enlre))ris de fan-e. Dans h» mémo
temi)S une croix lumineuse jiarut dans les
airs, s'élendanl depuis le calvaire jus(|u'à
la montagne des Oliviers. Puis les habits de
tout le monde, et piincinalemeiit des Juifs,
se trouvèrent marqués d'uiio multitude do
1411
JUL
JUL
llIR
croix qiii rost^ront ineffaçables tant que dii-
rèiviil CCS habits.
Julien l'ut obligé de s'avouer vaincu, m;u"s
il n'en persista pas moins dans son avcu-
, gienient, ainsi que la grande niajoritr des
juifs, doscjnels beaucouj) eeix'ndaiil l'uterit
frappés de. ces miracles et s'allcicnt jcler
aux pieds des prtHrcs, |H)ur demander de
rec(>v;)ir le l)a[)tôme et d'imlrer dans le sein
de l'Eglise, ce qui leur fut accordé. Ammien
■assure que cet événement arriva au com-
mencement de 303. Rien ne nous empoche
«l'admeitre cette date.
Julien, qui avait entrepris de ruiner par
ton* les moyens possibles la i-eligion chré-
tienne, mais ([ui voyait (pie la majesté de
son culte et de ses enseignements, la sainteté
tle sa morale, la rendaient supérieure au
paganisme, comme la lumière du soleil est
supérieure aux ténèbres de la nuit la plus
profonde, résolut de transporter dans le culte
i)aïen tout ce qui l'ait la grandeur, la beauté,
la sainteté du catholicisme. Ainsi dans chaque
ville il voulut instituer des écoles comme
avaient fait les ministres de l'Evangile ; dans
chaque temple, une hiérarchie vraiment
ecclésiastique, des prières et des chants sem-
blables à ceux des chrétiens. 11 voulait en
outre instituer des Iwpitaux pour singer la
charité chrétienne, des maisons de moines
et de vierges ; puis partout des aumônes et
le soin des pauvres. Julien voulait pratiquer
les vertus chrétiennes en leur donnant une
autre base. Il agissait comme un architecte
qui, voyant un temple magnifique, largement
assis sur une montagne majestueuse et
solide, voudrait en construire un i)arcil sur
un grain de sable. A tout monument il faut
une base suffisante, à toute vertu il faut un
mobile suffisant aussi. Or, le paganisme était
impuissant à rien produire qui pût jamais,
je ne dis pas égaler, mais même imiter faible-
ment et de loin ce que faisait la religion
évangélique. Le paganisme, vieil arbre aux
feuilles mortes, avait produit ses fruits, fruits
amers pour l'humanité, fruits de honte,
d'immoralité et de décrépitude. Le paganisme
avait ses racines séchées et ses branches
mortes. Eût-il été d'ailleurs dans toute sa
vigueur qu'il n'eût pas pu donner autre
chose que ce que nous savons de lui. Comme
dit l'Evangile, on connaît l'arbre à ses fruits
et réciproquement. Julien, voyant que tout
ce qu'il imaginait pour ruiner la religion
chrétienne ou restait sans succès, ou tournait
à sa confusion, entra dans les accès d'une
fureur extraordinaire. 11 prit dessein de
faire par la violence ce que ni ses ruses, ni
ses habiletés mesquines n'avaient pu faire.
Il songea à faire une persécution telle, que
celle des Dèce, des Dioclétien et des Galère,
ne fussent rien à côté. Il ajournait à exécuter
ces projets féroces après les victoires qu'il
se promettait en Perse, et la conquête de
cet empire. Les lauriers d'Alexandre lui
portaient ombrage, et son ambition rêvait
de promener sa gloire plus loin que n'avait
fait la sienne cet homme étonnant, qui
j-emplit en quelques années l'univers de sa
DiCTiONN. DES Persécutions. I,
gloire. Julien disait en forme rio raillerie,
(pi'd remettait la guerre; co-itre les chrétiens
après celle de Perse, parce ([uc cdic (h-rnièn;
étant la moins imporlanU;, il (enail à promp-
tement s'en débarras.->er. Dans l'alterite (ïo
ce nouveau combat, l'Eglise faisait inoiitiT
au ciel ses piières et ses supplie ations : jour
et nuit on priait. Julien ))arlit pour la guerre
de Perse. Déjà la vengeance céleste était
prèt(î : en allant de Hérée à fliéraph;, il
passa par le territoire de Cyr. 11 vit dans un
certain li(;u beaucoup de monde assembh';
devant une caverne. Ayant demandé ce (pji
se passait, il ai)i)rit que. cette caverne élail
habitée par un solilaire noitnué Domice,
dont la grande répulation de sainteté alli-
rait l'allluence des lidèles. Julien lui lit diio
<|ue, puis(ju"il était voué .-i Dieu pour vivi'o
saintement et dans la solitude, il ne devait
recevoir personne. Le solitaire lui ré|)Oiidit,
qu'en ellet il s'était ainsi consacré à Dieu,
mais que cependant il ne pouvait pas chasser
ceux que la foi portait à lui rendre visite.
Julien, mécontent de celte réponse, pourtant
simple et modeste, lit boucher l'entrée de
la caverne, de sorte que le saint y consomma
son martyre. Julien poussa activement la
guerre contre les Perses : il obtint d'abord
de grands avantages, avantages plutôt ai)pa-
rents que réels, car les Perses reculaient à
dessein devant lui, évitant de s'engager à
fond et ne livrant que des combats sans im-
portance, après lesquels Julien, de plus en
plus encouragé, s'avançait en vainqueur
dans un pays inconnu et que l'ennemi dévas-
tait sur sa route, pour que l'armée romaine
n'y trouvât pas sa subsistance. Julien parvint
jusqu'à Ctésiphon, mais le roi de Perse
était invisible. L'empereur n'avait eu affaire
qu'à ses généraux : Sapor ménageait toutes
ses lorces pour le moment décisif. Julien se
mit à sa recherche et quitta Ctésiphon : des
espions infidèles l'engagèrent dans des
chemins dangereux, où il rencontra la disette
et où les Perses commencèrent à le harceler
sans cesse. Il eut l'imprudence de brûler
sa flotte, et par conséquent de s'enlever ses
dernières ressources. 11 allait èlre obligé de
reculer et de revenir par la route dévastée
qu'il avait suivie, quand Dieu, qui ne voulait
pas qu'il échappât à ses vengeances, lui fit
trouver la mort dans le lieu où il commen-
çait à désespérer du salut de son armée.
Durant la marche, les Perses étant venus,
comme de coutume, l'altaquer, le chargèrent
cette fois avec tant de vigueur, qu'il courut
pour les repousser, sans seulement se donner
le temps de mettre sa cuirasse. Un dard le
frappa au côté, et quelque temps après il
mourut de sa blessure. Faut-il croire ce qu'on
raconte de sa mort ? Dans tous les cas, il
faut choisir entre les différentes versions que
l'histoire nous fournit. Quelques auteurs le
font mourir tranquille dans son lit : d'autres,
dans toutes les angoisses de la douleur et du
désespoir. Us racontent aae, sentant la main
qui le frappait, et fais'ant comme la bète
féroce qui mord la lance dont elle est percée,
il prit dans sa main du sang qui coulait de
45
1419
JUL
JUL
14'20
sa blessure, et que le jetant au ciel, il pro-
nonça ces paroles blas[)luhiiatoires et sacri-
léi^es:«Tuasvaincu,rialiléen [«llicn n'établit
ràuthenticité de ce récit. Contentons-nous
de (lire que Julien mourut frappé de la main
de Dieu, pour avoir été apostat et persé-
cuteur.
JULIENNE (sainte), fut martyrisée pour la
foi chrétienne avec saint Paul, lecteur, son
frère, à Ptolémaïde en Isaurie, sous Auré-
lien, dit Baronius; à Ptolémaïde en Pales-
tine, sous Valérien, dit le Martyrologe ro-
main. 11 n'y a pas de Ptolémaïde en Is.mrie.
L'Ejïlise célèbre la fête de saint Paul et de
sainle Julienne le 17 août.
JULIENNE (sainte), reçut à Rome la cou-
ronne du martyre en 303, sous l'empire et
durant la persécution de Diocb'tien. Elle fut
mise à mort sur la voie Salaria, où elle de-
meura enterrée jusqu'au jour de sa transla-
tion, qui eut lieu le 8 août do nous ne sa-
vons quelle année. Vingt-six chrétiens furent
exécutés le même jour dans le même en-
droit. L'Eglise honore leur mémoire leSaoût.
{Voy. Cyriaque. Voy. aussi l'abbé Grandi-
dier, Histoire de Véglise de Strasbourg.)
JULIENNE (sainte), souffrit la mort pour
Jésus-Christ au iv' siècle, sous l'empir.e et
durant la persécution de Dioctétien. On ne
sait pas précisément l'époque de son mar-
tyre. Elle fut décapitée après avoir enduré
les plus cruels tourments. Saint Grégoire le
Grand nous apprend que ses reliques furent
transportées à Rome; maintenant Bruxelles
en possède une partie (dans l'église Notre-
Dame-du-Sablon). Un ancien martyrologe
trouvé à Corbie prétend qu'elle soutlïit à
Nicomédie. Saint Jérôme, Bède et la plupart
des anciens martyrologes, mettent la mort
de sainte Julienne au 16 février. Bollandus
a jugé les Actes de cette sainte dignes de
nous être transmis : ils méritent peu de con-
fiance. (Voy. Chastelain.) L'Eglise fait la fête
de sainte Julienne le 16 février.
JULlENNE(sainto), reçut la glorieuse palme
du martyre à Augsbourg. Elle eut pour com-
pagnons de son courageux comb.it les saiiils
QÙiriaque, Largion, Cniscentien, Ninge et
vingt autres dont les noms ne sont point
parvenus jusqu'à nous Le aiômejouret dans
la même ville, sainte Hilarie, mère de saitno
Aire, martyre, (\\\ veillait au tombeau de sa
fille, fut, poui la foi de Jésus-Christ, brûlée
au même lieu par les i)ersécuteurs, avec Di-
gne, Lu[)répie et Eunomie, ses servantes.
L' l'église honore collectivement leur mémoire
le 12 août.
JULIENNE (sainte), reçut le martyre h
M.ro en Lycie, avec saint Léon. Tous deux
sont inscrits au Martyrologe romain le 18
août. Nous ne i)Ossé(lons aucun docunumt
aullunitique relatif à ces saints couiballaiits
de la loi.
JULI'n'K (sainte), martyre, mourut pour
la loi à Césarée de Cappa(loce,en l'aimée
303. Sou histoire, complétemciut rapportée
n/ir saint Basile, mérite de tiouver place ici.
Nous la (ioijiions in cxlcnso.
« Cclto sainte femme avait été obligée de
soutenir un procès considérable contre un
des premiers de C(''sarée. C'était un de ces
hommes qui emploient également la vio-
lence et la fraude pour s'enrichir, toujours
avides du bien d'autrui, qu'ils regardent
comme une pioie assurée. Celui-ci , à force
de rogner quehiue héritage à ses voisins,
s'était fait grand seigneur, et possédait plu-
sieurs belles terres. Mais il ne s'était pas con-
tenté d'enlever à Julitte quelque morceau de
vigne, ou quehjue ar[)e!it de i)ré; il avait
envahi tout d'un coup ses métairies, ses
bestiaux, ses esclaves; et après s'être encore
emparé de ses meubles qui étaient fort ri-
ches, et l'avoir généralement dépouillée de
tout, il avait eu l'effronterie de la faire assi-
gner le premier, et de prévenir la plainte
qu'elle était sur le point de rendre contre
lui. Mais il s'était auparavant assuré de plu-
sieurs faux témoins et d'un délateur qui de-
vait agir contre elle. Il avait aussi pris ses
précautions du côté des juges, dont il avait
acheté les voix par une sale et honteuse
corruption; et c'était particulièrement sur
ce moyen qu'il appuyait la justice de ses
prétentions. Le jour que la cause devait être
appelée, un huissier, selon la coutume, cita
les parties, et les avocats pré[)arés pour plai-
der prirent place au barreau. Celui de Ju-
litte parla le premier ; il représenta aux
juges l'horrible vexation que sa partie avait
soufferte de la part de ce citoyen; il s'éten-
dit beaucoup sur l'injuste violence avec la-
quelle il s'était rendu maître do tout le bien
de cette dame; et, déplorant d une manière
fort pathétique la condition fAcheuse des
voisins de cet usurpateur, dont l'insatiable
avarice engloutissait tout ce qui éiait à sa
bienséance, il allait produire les titres en
vertu desquels sa partie possédait ces héri-
tages, et faire voir qu'une longue et paisible
jouissance rendait son droit incontestal)le,
lorsque cet homme s'avança au nnlieu de
l'audience et soutint que, par la nouvelle
oidonnance, Julitte ne |)ouvait être reçue en
justice à agir contre lui; que, selon cette loi,
toute personne qui était d'une aulre religion
que celle de remj)ereur, et surtout qui pro-
fessait celle du Christ, était pi-ivée dès lors
du droit d'appeler en jugement un citoyen.
Le préteur reçut ce moyen d'opposition; il
lui paraissait juste et fondé sur le droit. 11
lit donc api)orter de l'enccMis et du feu ; [)uis
se tournant vers les parties: Pour jouii' du
bénéfice des lois, leur dit-il, il faut aupara-
vant donnci' d(!S nianpu's (pi'on n'est point
d(; la irligion (h; Christ. Que si (piokiu'un
s'opiniAtre à vouloii" (k'nieurcM' dans une re-
ligion j)roscrit(! par les édils des empereurs,
on lui déclare (piil est dès à présent déchu
d(> tous les droits, |)rérogatives et i)riviléges
attachés à la (pudité de ciloyen de cette
ville, ou d(! sujet de l'empereur, et même de
celle (jualité, connu»! étant noté d'infamie
selon celle nouvelle ordonnance.
« Ouefera Jubile? Se laissera-t-elleséduire
h l'envie de rentrer daris son bien? ou né-
gligera-t-(!lle de se s(M'vir du moyen (pii lui
est offert pour gagner son procès? Mais
un
JUL
IUL
142%
cé(iii-l-t'll(> au pt'iil (|ni la menaçait? La
crainte i-iit-ollc sur elle (juchiuc ijouvoir? et
la vil-dii pAlir h la voix du ju^o? Non sans
doute. Out> reiiondil-olle donc? lù'oulons-la.
yue toutes les rieliesses du monde péris-
sent, dit-elle; ([ue je perde nioi-niéni(! mille
fois la vit', (jue mon eorps soit mis en mille
pièces, plultU qu'il m'échappe une seule pa-
role (pii |)Uiss«> olleiisor mon Dieu, lit lors-
qu'elle aperçut (|ue le préleur paraissait ex-
trèmeme it cli0(iué de ces paroles, et qu'il
commençait à entrer en fureur, oUo rendit
à Dieu de tiès-humhles actions de grAces, de
ce que le même jugement <jui adjuj^eait la
possession d'un hie i péi'issable, qui lui ap-
Farlcnait légitimement, h celui (lui en était
injuste ravisseur, lui assurait à elle des
biens éternels. On m'ôle, disait-elK>, un peu
de tei-re, et je gagne le paradis; les liouunes
me déclarent ini'Ame, et Dieu me piéparo
une couronne ; mon corps ici-bas soutire la
peine des esclaves, et mon âme sera placée
dans le ciel paiiui les trônes et les puissan-
ces. Enfin, le préteur la pressant fortement
de lenoncci' à sa religion, et elle protestant
toujours qu'elle voulait mourir servante de
Jésus-Christ , traitant d'impies et d'exécra-
bles suborneurs ceux qui voulaient l'enga-
ger à abjurer sa foi, ce juge, contre toute
sorte d'équité, non-seulement confirma l'u-
surpateur dans son injuste détention, mais
encore condamna la sainte à être brûlée,
pour réparation , prétendait-il , de l'outrage
lait par elle aux. édils des empereurs.
« Le cœur ne se port'^ pas avec plus d'ar-
deur vers l'objet de sa passion, l'homme le
plus voluptueux ne court point au plaisir
avec plus d'empressement que Julittc ne s'a-
vança vers le bûcher qui la devait consu-
mer. Son visage, sa contenance, ses paroles,
tout marquait en elle la joie dont son âme
était remplie. Elle exhortait les femmes qui
étaient proche d'elle à endurer constamment
toutes choses pour le soutien et la défense
de la religion de Jésus-Christ, et de ne point
rejeter sur la faiblesse du sexe le crime de
leur désertion. Ne sommes-nous pas, disait-
elle, tirées de la même masse que les hom-
mes? Ne sommes-nous pas aussi bien qu'eux
formées à l'image de Dieu? C'est le même
ouvrier qui a fait ces deux ouvrages, et la
force n'est pas plus le partage de l'homme
que celui de la femme. Est-ce donc une si
grande merveille qu'une femme courageuse?
Sommes-nous, encore une fois, d'une autre
nature que les hommes ? Quand Dieu voulut
former la femme, il ne prit pas de la chair,
mais une cote. Que veut dire cela, sinon que
la lemme ne doit pas montrer moins de fer-
meté et de constance dans la foi , ni moins
de patience dans les tourments que les hom-
mes? Après qu'elle eut parlé de la sorte,
elle s'élança sur le bûcher, qui fut pour elle
un lit nuptial, d'où son âme s'éleva dans le
ciel, et alla prendre possession du bonheur
dû à sa fidélité ; tandis que son corps res-
pecté par les flammes fut remis entier, et
sans aucune atteinte du feu, entre les mains
de ses proches , qui le placèrent honorable-
mont dans le vestibule de ce iemp»e. Au
reste, ces sacrées relicpies, en sanctiliant lo
lieu où elles furent déposées, saiiclitient
aussi ceux tpie le désir de les honorer y con-
duit.
« Mais la terre qui reçut ce précieux dépôt,
comme par un mouvement de reconnais-
sance, lit sortir de son sein une fontaino
d'une eau excellente. Ou plutôt disons
que c'est la sainte elle-même cpii , comme
une nourrice i)leine do tendresse pour les
habitants de cette ville, qu'elle regarde
comme ses chers nourrissons, leur foui-nit
un lait dont la source agréable et salutaire
ne tarit jamais. Cette eau est un |)réservalif
pour ceux qui jouissent d'une parfaite
santé, un breuvage délicieux pour les per-
sonnes sobres, et un remède pour les ma-
lades. Tel fut le présent qu'Elisée fit autre-
fois à ses cliers citoyens de J('richo , lors-
qu'il fit perdre la salure aux fontaines de la
ville, et par sa bénédiction changea en dou-
ceur toute leur amertume. Hommes , ne
souffrez ijas , je vous en conjure, que les
femmes vous dérobent la gloire de défen-r
dre avec plus de générosité que vous la re-
ligion de Jésus-Christ. Et vous, femmes, no
laissez pas aux hommes seuls cette gloire ,
mais faites-vous-en une de suivre l'exemple
que je viens de vous proposer. » (Ruinart.)
L'Eglise célèbre la fête de sainte Julitta
le 30 ju'llet.
JULITTE (sainte), martyre avec son fils,
saint Quinc ou Cyr, donna sa vie pour la
foi, en l'an de Jésus-Chiist 304., dans la
ville de Séleucie, sous le gouverneur Alexan-
dre. Voici en entier ses Actes authentiques,
tels que nous les trouvons dans une lettre
de Théodore, évêque d'Icône.
« Vous m'ordonnez par votre lettre , mon
très-saint-Père, de vous informer des parti-
cularités du mart} re de saint Cyr et de sainte
Julitte : vous voulez savoir si l'on conserve
leurs actes à Icône, d'où l'on vous a dit
que la mère et le fils étaient originaires.
Vous vous plaignez que ceux qui vous sont
tombés entre les mains sont peu corrects,
remplis de fables, de contes frivoles et de
plusieurs choses que la solide et austère
bienséance de la religion chrétienne n'admet
point ; vous les croyez supposés, apocryphes
et indignes de toute créance, et vous sou-
haitez enfin que je vous mande si l'on peut
facilement recouvrer leurs véritables Actes.
Comme je ne désire rien avec plus de passion
que de vous donner des marques de l'atta-
chement sincère que j'ai pour voîre personne,
je n'ai pas eu plutôt votre lettre, que je me
suis mis à lire avec toute l'exactitude pos-
sible les Actes de ces deux martyrs; j'y ai
trouvé en effet toutes les marques de sup-
position ; je les crois, comme vous, corrom-
pus et falsifiés. J'ai cru y reconnaître l'ou-
vrage d'une main profane et sacrilège, et si
je ne me trompe, des manioîiéens ou de
quehiues autres semblables hérétiques, qui
les ont gâtés, ces sales insectes les ayant
couverts d'une bave infecte et empoisonnée.
Cela m'a obligé de faire de nouvelles enquô-
i423
JUL
JUL
i424
los, lesquelles toutefois m'auraient été inu-
tiles , n'avant jm rien découvrir qui me sa-
tisfit , si Von ne m'avait indiqué quelques
})ersonncs de qualité, et des [)remièrcs mai-
sons d'isaure (1), par le moyeu desquellesje
pourrais avoir des mémoires certains de ce
queje désirais savoir. Je me suis donc adressé
à ces hommes vertueux, que j'ai trouvés
très-bien instruits de toutes les circonstances
de cette histoire; ils ont eu la bonté de m'eu
faire le récit tel qu'ils l'avaient ouï iaire
plusieurs fois à des seigneurs de Lycaonie,
parents très-proches de la sainte. Voici donc
ceque Marcien, |)ersonnage d'une haute pro-
bité, et chancelier de l'empire (2), et Zenon,
moins connu par la place honorable qu'il
remplit dans le conseil du prince que par sa
sagesse et sa vertu; voici , dis-je, ce que
ces deux, grands hommes m'ont bien voulu
communiquer touchant les illustres martyrs
Julitte et son fils.
« Cette femme, dont la vie n'a pas été moins
pure que la mort glorieuse, était du sang
royal. Les plus anciennes maisons de Lycao-
nie font gloire de la reconnaître pour leur
parente, et elles s'assemblent tous les ans au
jour de sa léte pour la célébrer avec une ma-
gnificence digne d'une sainte et d'une i)etite-
fille de roi. La persécution qui ravagea l'E-
glise sous l'enquredeDioclétiense lit sentir
partout le monde. La Lycaonie n'en fut pas
jdus exem|)te que les autres provinces. Do-
miticn, ([ui en avait le gouvernement, était
un homme féroce, et qui se plaisait à répan-
dre le sang des chrétiens. Cela obligea Ju-
litte h quitter Iconc , et h se retirer à Séleu-
cie, avec Cyr son lils, qui n'avait encore que
trois ans, et deux iilles qui la servaient, sans
rien emporter de ses grandes richesses. Mais
elle trouva ([ue les affaires des chrétiens al-
laient encore plus mal à Séleucie qu'à Icône,
et qu'Alexaiidre, qui en était gouverneur,
était encore plus cruel (lue Domitien. Il ve-
nait de recevoir un nouvel édit qui ordon-
nait que tous ceux qui refuseraient de sacri-
fier aux dieux seraient punis du dernier
supplice, après avoir passé par tous les au-
tres. Julille, se souvenant de cette i)arole de
sa ut Paul : Donnez lieu à la colère, quitta
Séleucie, et se mit en chemin pour se réfu-
gier à Tarse, capitale de Cilicic. Mais il ar-
riva qu'Alexandre partit ce jour-là môme de
Séleu(;ie et prit la même route (jue Julitte.
i:il(; fut donc reconnue et arrêtée avec son
iils qu'elle portail elle-même dans ses bras.
Ses s(;rvaules prirent la fuite et se cachèrent.
Aiexan(lr(! lui (hnnanda son nom, son pays
et sa condition. A toutes ses demandes elle
ne réi)ondil autre chose, sinon: Je suis
chrétienne. C.ela mit le gouvcMueur en co-
lère;; il conunanda ([u'on lui ùtAl son enfant
ni (pi'on la fi.Ji»p.U à coups de nerfs de IxL'uf.
A l'ég.ird du |>etit Cyr, il se le iil doiuier.
Rien n'était jihis aimable «[ue c(!t enfait; un
ceitaiu an- qui marquait son illustre ori-
giiK!, joint à son iiuioieiice. lui attirait l'in-
(I) Ou Cl.niiliopolis, vill« capilalft de l'isaurie.
<i) Sou». I»' r<Kn« d« J>i»lini»»ii.
clinalion et les vœux de tous ceux qui étaient
présents. On eut toutes les peines du monde
a l'arracher des bras de sa mère. Il étendait
vers elle les siens d'une manière tout à fait
louchante. On ne put jamais l'obliger à re-
tirer ses regards de dessus elle, et par ses
gestes et les mouvements de son corps, au-
tant que par ses cris el ses pleurs, il faisait
connaître la violence qu'on lui faisait. Les
bourreaux le portèrent au gouverneur, qui,
le prenant par une main, s'efforçait de l'a-
paiser. Il le mit sur ses genoux , essayant
j)lusieurs fois de le baiser, lui souriant et lui
faisant mille caresses. Mais l'enfant, ayant
toujours les yeux tournés vers sa mère, re-
poussait le gouverneur avec ses petites mains,
lui égralignail le visage, lui donnait des
coups de pied dans l'estomac , et se défen-
dait enfin avec les faibles armes que la na-
ture lui fournissait. Et lorsque sa mère, au
milieu des tourments, s'écriait : Je suis chré-
tienne, il redisait aussitôt : Je suis chrétien.
Ce qui excita de telle sorte la rage insensée
du gouverneur, que celte bêle farouche,
sans avoir aucun égard pour un âge qui
trouve de la pitié dans les âmes qui en sont
le moins susceptibles, prit cet innocent par
un pied et le jeta contre terre. Le petit mar
tyr, en tombant , se donna la tête contre les
marches du tribunal, qu'il ensanglanta de
sa cervelle, qui se répandit jusque dans le
parquet , où il vint expirer. Julitte le vit et
rendit grûces à Dieu de ce qu'il avait cou-
ronné son fils avant elle.
« Cependant le juge , honteux et tout en-
semble épouvanté de son crime, se mit à dé-
l)loier la destinée de l'enfant, mais sa fu-
reur n'en fut pas moindre envers la mère ;
cela ne fil au contraire que l'augmenter. Car
il la ht étendre sur une table , la menaçant
de ia faire écorcher toute vive; mais lui fai-
sant eu effet verser de la poix fondue sur les
pieds , pendant qu'un des bourreaux lui
criait : Julitte, sacrifiez ; mais elle criait en-
core plus haut : Je ne sacrifie point à des
démons ou à des statues muettes et sourdes.
J'adore Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu,
par qui toutes choses ont été créées. J'ai im-
patience de rejoindre mon fils. Le gouver-
neur la condamna à avoir la tête tranchée,
et le corps de son fils à être traîné au lieu où
l'on jettt! ceux des crimitu'ls. Les bourreaux
s'approchèrent de Julitte jjour lui couper la
tète; elle mit les genoux en terre, el, ayant
obtenu de ces hommes quelques moments,
elle fil celle prière : « Je vous remercie, mon
Dieu, de ce «jnevous avez bien voulu don-
ner à mon fils une place dans votre royau-
me ; ayez la bonté, Seigneur, d'y vouloir
aussi recevoir voire servante , tout indigne
(pi'elhî «Ml soit. Accordez-moi l'entrée de la
chambre nuptiale, comme vous l'avez accor-
dée aux vierges sages, aliii <pie mon Ame bé-
nisse élernellement votre l'ère , qui est le
seul Dieu (jui a créé et cpii conserve loules
choses ; (pi'elle vous bénisse , Stîigneur , et
qu'elle bénisse le Saint-Esorit. » Le bour-
reau lui abattit la tète dans le moment que
sa bouche prononça Àwm. Le corps fut jeté
F
i4SS JUS
hors de la ville , a\i raôrae enaroit où Ton
avait jeté celui do son cher enlutU. Le len-
demain les deux servantes , qui s'étaient ea-
rhées durant celte exécution, sortirent de
leur r(>traile, et eurent assez de courage et
de résolution pour enlever les sacrées reli-
(lues do leur maîtresse et do leur netit maî-
tre. Klles les enterrèrent dans un cnam|) ((ui
touche ^ la ville. Kt queUiues aimées après,
le {irand Constantin ayant tiré de captivité la
vérité et l'Eglise, l'une de ces servantes,
qui vivait encore, découvrit le lieu qui ren-
fermait ce précieux dépôt. Ce lieu devint cé-
lèbre dans la suite par la piété des lidèles
3ui y venaient implorer le secours de ces
eux martyrs. » — IG juin.
JULIUS, proconsul de Bithynie, au m' siè-
cle, sous les conunencements de Dioclélien,
fit, étant h Pruse, martyriser saint Patrice,
évoque de cette ville, ainsi que les saints
Acace, Ménandre et Polyène, tous les trois
rêlres de son église. ( Voy. Patrice de
ruse.)
JUNILLE (sainte), assistait, avec son en-
fant sur ses bras, au martyre des saints Speu-
sippe, Eleusippe et Méleusippe, à Langres,
en 180, sous le règne de l'empereur Marc-
Aurèle. L'histoire ne dit pasqu'ellefût chré-
tienne auparavant, ou bien si elle se con-
vertit à la vue de la mort des saints frères et
des miracles qui l'accompagnèrent. Ce qu'il
y a de certain, c'est que, remettant son en-
tant à une autre personne, elle s'écria qu'elle
était chrétienne. Aussitôt on la saisit et on
la pendit par les cheveux; mais ni ce sup-
plice, ni plusieurs autres qu'on lui fit endu-
rer, ni les prières de son mari, qui essaya
de la fléchir, ne purent l'ébranler. On la con-
duisit au village d'Orbate, où on lui trancha
la tète.
JUST (saint), était soldat sous le tribun
Claude. Ayant été témoin de l'apparition mi-
raculeuse d'une croix, il crut en Jésus-Christ,
et, ayant été baptisé ensuite, il donna tous
ses biens aux pauvres. Arrêté par le préfet
Magnèce, ce juge ordonna de le battre à
coups de nerfs de bœuf, de lui mettre un
casque brûlant sur la tète, et de le jeter dans
un brasier; mais n'en ayant reçu aucune at-
teinte, pas même à un seul de ses cheveux,
il rendit l'esprit en continuant de confesser
le nom de Jésus-Christ. L'Eglise fait sa fête
le 14. juillet.
JUST (saint), est cité dans le bréviaire de
Tolède avec saint Abonde ou Abondance,
comme ayant été martyrisé pour la foi chré-
tienne, sous l'empereur Numérien et sous le
juge Olybre. On ne sait pas dans quel pays
il a souffert. Le Martyrologe romain dit qu'ils
furent condamnés au feu, mais que n'en
ayant souffert aucune atteinte, ils périrent
par le glaive. La fête de ces deux saints est
célébrée par l'Eglise le ik décembre.
JUST (saint), martyr en Espagne, souffrit
avec son frère Pasteur, en l'an de Jésus-
Christ 30i, sous le gouverneur Dacien, qui
commandait la province pour l'empereur
Dioclétien. Tous deux étaient fort jeunes
quiuid ils triomphèrent des tourments que la
Jus
i4iti
rage des bourreaux inventa pour les vaincre.
Dacien était un des plus cruels persécuteurs
de l'Eglise. Itarement la fureur sanguinaire
des tyrans trouva un aussi féroce exécuteur
de ses ordres. Ce tigr(î avait déjà versé le
sang d'un grand nombril de clnétiens, cpiand
il vint à C()iiiplut(!, ville (lu'aujourd'lmi on
connait sons h; nom de Alcala d<; Hénarès.
Son but était de découvrir les servileuis de
Jésus-(^hrist poui' les immoler, s'ils refu-
saienl de sacrifier. Il fit publier dans la ville
]vs édils sanglants r(Midus contr(! (uix, et (it
torturer avec la plus grande cruauté tons
ceux (pi'on lui détu)n(;a. Just, ([ui avait treize
ans, et son frère Pasteur se[)t, avant appris
qu'on tourmentait ainsi les disciples du vrai
Dieu, se sentirent embrasés de l'aident dé-
sir de partager leurs triomphes. Ils vinrent
sur la place i)ubli(iue, (piittanl l'école où ils
étaient, et ayant été reconnus comme chré-
tiens, furent amenés h Dacien. Ce barbare
persécuteur, furieux de se voir bravé par des
enfants, et croyant (ju'il allait lacilement ve-
nir à bout de leur résolution, les fit cruelle-
ment fouetter. Los deux jeunes frères, loin
de se laisser vaincre, s'exhortaient mutuel-
lement au combat. Les assistants ne coiu-
})renaicnt pas comment, dans un Age aussi
tendre, pouvait se rencontrer tant de force»
de courage et de modestie. Dacien, lianteux
de se voir vaincu, les condamna à être dé-
capités : ce fut dans un champ près do la
ville que la sentence reçut son exécution.
Les deux martyrs furent enterrés an lieu où
ils avaient reçu leur couronne, et de[)uis, la
piété des fidèles le consacra par l'érection
d'une chapelle construite en leur honneur.
Plus tard on bûtit dans la ville d'Alcala une
église sous leur invocation ; leurs reliques y
furent transportées. Une partie de celles de
saint Just fut donnée à l'abbaye de Malmédy,
au diocèse de Cologne. L'Eglise célèbre la
fête de ces deux saints le 6 août. {Voy. Pru-
dence, hymn. 4, alias 7. Espana sagrada^
t. VII, n° 13. De la eglesia de Compluto, c. 3,
p. 171, 180, et append. 2, ibid., p. 305.)
JUST (saint), souffrit la mort à Triesle
pour la défense de la religion chrétienne,
sous le président Manace, durant le règne
de l'empereur Dioclétien. L'Eghse fait sa
sainte mémoiie le 2 novembre
JUST (saint), était un jeune enfant. Il souf-
frit le maiiyre dans le diocèse de Beauvais,
par ordre du président Rictiovare, durant la
jpersécution du cruel Dioclétien. Il est ins-
crit au Martyrologe romain le 18 octobre.
JUSTAMON (MadeleIx\e- Catherine de),
ursuline, fut guillotinée à Orange, le 26 juil-
let 1794, avec Thérèse Cousolon, supérieure
des Ursulines de Sisteron, Claire Dubac,
Anne Cartier, ursuline au Pont-Saint-Esprit,
Marguerite Bonnet, religieuse du Saint-Sa-
crement.
JUSTAMON (Eléonore de) religieuse de
Sainte-Catherine d'Avignon, perdit la tête sur
réchafand le 9 juillet 1794, avec Mad.deine
Tailh'u, Marie deCenès-ChansoUe, rehgieuse
du Saint-Sacrement à Bolène , et Louise
Eluse, converse au même couvent.
4427
JUS
JUS
44^
JUSTAMON (sœur), ui.-îuline converse a
Perne, fut guillotinée le IG juillet 1794, à
Orange, avec les sœurs Ganion et Marie Dec-
qui, relii^ieuses du Saiit-Sacremc-it à Bo-
lène, Marie Lage, vrsuline à Bolène, Jeanne
Roussillon et Madeleine-Dorothée de Justa-
nion, du môme ordre.
JUSTAMON MAUKLEiNE-DoROTnÉE de),
ursulinc de Bolène, fut guillotinée à Orange
le 16 juillet 179i, avec les sœurs Justamon,
ursaline converse h Perne, Gardon et Marie
Decqui, religieuses du Saint-Sacrement à
Bolène, Marie Lage, ursuline à Bolène, et
Jeanne Roussillon, du même ordre. La sœur
Madeleine-Dorothée de Justamon, montée
.sur le char qui les conduisait à la mort, dit
h ses gardes : « Nous avons plus d'obligations
à nos juges qu'à nos pèies et à nos mères;
ceux-ci nous ont do; né une vie temporelle
et périssable, nos juges nous procurent une
vie éternelle. » Un de ses gardes fut touché
de ces parolosjusqu'aux larmes, et un paysan
voulut lui toucher la main, parle môme prin-
ci[)e de foi qui faisait viire à la femme de l'E-
vangile, à la vue de Jésus-Christ : « Qu'il me
soit seulement donné de toucher le pm de
sa rohe. « (Tii'é de l'abbé Carron, Confesseurs
de la foi, t. IL)
JUSTE (saint), fut martyrisé àTroyes, en
môme temps que saint Claude, saint Jucon-
din et cinq autres que le Martyrologe ro-
main ne nomme pas. Leur sacrilice s'accom-
plit sous le règne de l'empereur Aurélien,
et, s'il faut en croire les Actes de sainte Ju-
lie, en sa présence. Leur fête a lieu le 21
iuilh't, comme celle de sainte Julie : proba-
blement que leur martyre eut lieu le môme
jour.
JUSTE (saint), martyr, se convertit à la foi
chrétienne en môme tera[)S que les saints
Ariston, Crescentien, Eutychien, Urbain et
Vital. Ils y avaient été déterminés par saint
Tranquillin, leur ami commun. Ce fut à saint
Sébastien qu'ils durent surtout leur conver-
sion, puisque ce saint o(li( ier du palais de
l'empereur Diocléticn fut l'instrument i)rin-
ciftal de la conversion de Traiiquillin, Us
fuient baptisés par h; prôtre saint Polycar[)e.
S'étant rf.'tirés en Campanie, dans les terres
de saint Cliromai-e, fpii, pour s'adonner à la
pratique des vertus chrétieinies, avait (juitlé
sa charge de prétl-t de Rome, ils fur(mt mar-
tyrisés avec saint Félix, saint Félicissime,
sainte Maiic(;, inère d(; ces deux saints, et
sainte Sym[jhorose. L'I^glise fait la fôte de
saint Juste, avec celle de tous ses couqja-
gnons, le 2 juillet. [Voy. Séhastien.)
JUSTE (saint], soulfrit le martyre a Rome,
avec les saints M icaire, Ruiin et Théophile.
Nous n'avons aucun détail sur eux. L'Eglise
fait leur fôte le 28 février.
JUSTE (saint), marlyi-, r(!çut la couronne
des glorieux roinljaltantsde la foi (;ti Sardai-
gne, avec les saintes llénédine et Justitie.
N»)us manquons de détails sur- leur (;om|)tt;.
L'Kgli<;e l'ail hur sainte mémoiie le IV mai.
JI'STE (saint), murlyi', soullVit pour la loi
en AJriquo, avec les saints Donal et lléré-
rtns. Nous manquons de détails sur eux. L'E-
glise fait leur fôte immortelle le 25 février.
JUSTE fsainte), martyre, fut un deslleurons
de la glorieuse couio'uiede marlyrs dont la
j)ersécution de l'empereur AnloiinMarc-Au-
rèle décora la ville de Lyon, dans :'an née 177.
Elle soulfrit avec courage pour la foi chré-
tienne, mais ses foi-ces furtnit au-dessous de
l'énergie de son Ame : la violence des tour-
ments triompha de ses forces physiques; elle
neput pas supportei' jus(]u'au bout ceux que
les pcrsécu'eurs lui réservaient. l'.lle s'étei-
gnit dans sa jirison, comme saint Pothin et
un grand nombre d'entre les martyis de cette
glorieuse armée du Seigneur. Dieu la mit à
l'ombre de son éternité bienheureuse, pour
la soustraire à la rage de ses bourreaux. L'E-
glise honore sa mémoire le 2 juin, avec celle
de ses compagnons.
JUSTE (sainte), martyre, habitait Séville,
en Esjîagne, avec sainte Ruîine. Toutes deux
étaient irarchandes. Leur négoce fournissait
à leurs b 'Soins, et leur permettait de faire
d'abondantes aumônes. Toutes deux se sanc-
tiliaient par la pratique des vertus charita-
bles que l'Evangile enseigne. Dieu voyait
avec faveur leur conduite et leurs œuvres;
il leur accorda pour récompense la palme du
martyre. Les païens, ayant voulu leur ache-
ter certaines choses dont ils avaient besoin
pour leurs sacriiices, elles refusèrent de les
leur vendre. Au dernier degré d'irritation,
ceux-ci résolurent de les perdre : ils défon-
cèrent leur bouti(iue et les traînèrent devant
le juge. La persécution de Dioclélien sévis-
sait alors avec une extrême violence : les
édits se succédaient de plus en plus cruels
et meurtriers. Le juge, ne pouvant contrain-
dre les deux saintes femmes h renoncer Jé-
sus-Christ, les fit étendre sur le chevalet et
décliirer avec les ongles di; fer. La sainte
rendit l'àme sur le chevalet. Rufine fut étran-
glée. Les corps des deux saintes furent brû-
lés. Leur mort arriva en l'année 30'i-, L'Eglise
célèbreleurfète le 20 juillet, Maldonat, Adon
et Usuard ont publié leurs Actes.
JUSTE (sainte), martyre, est inscrite au
Martyrologe romain le lojuillet, avec sainte
Julie, les saints Catulin, dont saint Augus-
tin prononça le |)anégyii(pie, Janvier, Fl)-
rence. L'Eglise célèbre leur mémoire le 15
juillet.
JUSTIN (saint), l'un des sept tils de saint
Gétule et de sainte Symphoros(>, eut le bon-
heur de inoui'a' pour Jésus-tMirist, sous le
règne de l'ompin-eur Adiien, (jui le condamna
h ôlre attachi' à un pieu et à avoir les reins
rompus. Sa fcte (!st célébrée par l'Eglise le
17 juillet. {Vujj. Symimiouose.)
JUSTIN (saint), natif d'Auverns reçut do
ses i)arents la piété et les exemph;s les plus
propres à former un disci|)le fervent de Jé-
sus-Christ. Son frère aiiié, lait (a|»lif, avait
été emmené à Amiens; sanit Justin partit
ave: son |)ère pour cette ville, alin d'aller
ra( heler le prisonnier. Après avon- réu.ssi,
ils partirent d'Amiens, où la persécution
commençait à S(''vir contre les chrétiens. Les
j)aie!is les avaient reconnus, ils les lireilt
poursuivre. Co lut seulumcul au boiug d»
i4S9
-•US
JUS
1450
I
Louvres, près Paris, que les soldats envoyés
après eux les «Ueisniront. T-o jeune Justin
lit radier son pC-re et son frùre. Kn vain les
soldats voulurent savoir de lui le lieu où ils
étaient : Justin refusa constauuuenl de lo
dire. Transportés de fureur, ils lui coupù-
rcot la léte. Son corps l\it enterré h Louvres.
Les reli(pies de saint Justin ont été ]>erdues
dans la tourmente révolulioinuiire. La mé-
moire de ce jeuiuî martyr est honorée par
rivalise le l'-'aoïU.
JITSTIN (saint), docteur de l'Kj,dise, apolo-
giste, mai'tyi', s'otfre h nous avec trois au-
réoles de gloire et de sainteté, dont uno
seule sullit pour atliier notre respect et no-
tre vénération sur le front (ju'elle illumine.
Science profonde i)0\u- enseigner la foi, cou-
rage intré[)ide pour la défendre, courage as-
sez grand |)our mourir pour elle, saint Jus-
tin nous olfrc tout cela réuni : aussi a-t-il
été avec raison regaiclé constamment par
l'Eglise comme une de ses j)almes les plus
glorieuses, comme l'un des plus beaux tleu-
rons de cette couronne de saints qui envi-
ronnent au ciel le trône de celui qui mou-
rut pour le salut et pour l'exemple de tous.
Saint Justin a eu la gloire d'écrire deux
A|)ologies remarquables pour les chrétiens.
Il est le plus ancien des Pères de l'Eglise.
Il était instruit dans les sciences et dans les
lettres : avant de passer pour un docteur
éminent parmi les chrétiens, il était re-
gardé comme un grand philosophe parmi les
nommes du siècle. Tous les auteurs des
premiers temps qui ont parlé de lui, le ci-
tent avec orgueil comme une des lumières
de l'Eglise, invoquent à tout instant son au-
torité dans leurs écrits. Tatien, son disciple,
Tertullien, saint Irénée et une foule d'au-
tres célébrités ecclésiastiques, ne parlent de
lui qu'avec le langage du respect le plus
gran-i et de l'admiration la plus vive.
Justin naquit h Néapolis , ou Naplouse,
capitale de la province de Sainarie, en Pales-
tine : c'est la Siehem de l'Eciiture. Son père
se nommait Prisque, et son grand-père lîac-
chius. Saint Justin, comme saint Paul, était
citoyen romain, sa ville natale ayant le droit
de cité. Quoique Samaritain, il ne fut jamais
circoncis ; c'est lui qui nous l'apprend dans
sa première Apologie. Ce fait nous prouve
qu'il n'était pas de race juive, mais qu'il ap-
partenait à la gentilité. 11 fut élevé dans la
religion païenne, et en étudia la philosophie,
comme il le dit lui-même à Tryphon, quand
il lui raconte comment il a été amené à em-
brasser la religion chrétienne. Nous le lais-
sons parler:
« Ayant dessein de me rendre habile dans
la science des philosophes, je me mis d'abord
entre les mains de l'un d'entre eux, qui
était stoïcien. J'y demeurai quelque temps ;
mais voyant enfin que je n'avançais point
dans la connaissance de Dieu, que cet homme
ignorait jusqu'à la mépriser et ne la croire
point nécessaire, je lequitiai,et en allai
trouver un autre, du nombre de ceux que
l'on appelle péripatéticiens, et qui avait as-
sez bonne opinion de lui-mèuie pour croire
qu'il était des plus habiles et des plus sub-
tds. Il mo souCirit avec lui durant quelques
jijurs ; mais enlin il me pria de lui dire ce
(|u'il |)Ouvait espérer (1*3 moi pour sa récom-
pensi!, alin, disait-il, (pie ma compagnii; pût
être utile à l'un et à l'autre. Cettt; pensée
me sembla si basse pour un philosophe ,
a ne je l'abandonnai aussitôt , connue in-
igne d'en i)orter le nom. Mais h; désir
que j'avais d apprendre ce f)oint |)rincipal et
essentiel de la philosophie ne donnant aucun
repos à mon esprit, je m'adressai à un pytlia-
goricien qui était fort célèbre, et qui aussi
n'avait pas peu d'estime de sa sullisanco.
Quatid je lui eus parlé du dessein que j'avais
de me rendre son disciple et de me mettre
en sa compagnie : «dites-moi, me ré[)ondit-il,
possédez- vous parfaitement la musique,
l'astronomie, la géométrie ? Et croyez-vous
pouvoir rien comprendre dans les choses
qui mènent à la béatitude, si vous n'avez
auparavant appris toutes ces sciences, qui
seules peuvent retirer votre esi)rit des objets
sensibles, et le rendre capable des choses
intellectuelles, pour pouvoir contempler en-
suite cet Etre, qui est la beauté et la bonté
souveraine et essentielle ? » En un mot,
après m'avoir hautement loué la science des
mathématiques, et m'en avoir exagéré la né-
cessité, il me renvoya, sur ce que je lui
avouai que je ne les savais pas. Ce refus me
toucha sensiblement , comme il était biea
raisonnable, vu qu'il me faisait perdre toutes
les espérances que j'avais conçues de lui ; et
je le ressentais assez vivement , d'autant
que je croyas véritablement que (et homme
était habile. Mais, considérant d'autre part
combien il me faudrait employer de temps à
une étude si dillîcile, je ne me pus résoudre
à un si long retardement. » (Tillemont.)
Ce discours prouve quelle envie notre
saint éprouvait de connaître la vérité la plus
inqjortante de toutes, la connaissance de
Dieu. Voyons et apprenons de lui comment
il arriva à trouver ce qu'il cherchait avec
tant d'ardeur. « Dans cette inquiétude, dit-
il, je voulus éprouver si je ne réussirais point
mieux avec les platoniciens. Ces philosophes
étaient alors très-célèbres ; et par bonheur
l'un des principaux d'entre eux, homme in-
telligent, s'était depuis peu habitué dans
notre ville (par oij l'on voit que ceci se passa
dans la Palestine). J'étais donc assidu au-
près de lui, continue saint Justin, autant
qu'il m'était possible ; j'avançais et je pro-
fitais tous les jours de plus en plus. L'intel-
ligenco de ces êtres incorjiorels me ravis-
sait, et la contemplation de ces idées me
donnait comme des ailes pour m'élever au-
dessus de moi. Je m'imaginais déjà être de-
venu sage en peu de temps, et j'étais assez
peu raisonnable pour espérer de voir Dieu
dans un moment : car c'est le but que la
philosophie platonicienne se propose. Etant
rempli de cette folle espérance de connaître
Dieu, dans peu de temps, par la philosophie
de Platon, il me vint un jour en pensée de
me retiier en qu.-lque lieu écarté de fout le
tumulte du monde, pour y jouir à mon aise
iiZi
iUS
JUS
m'a
d'une parfaite solitude, et m'occuper h la
C()ii(om|ilatiou dans un entier recueille-
ment. Je m'en allai pour ce sujet en un lieu
assez proche do la mer. Lorsque j'étais près
d'y arriver, je vis à quelijuos pas de moi
une personne qui me suivait : c'était un
vieillard déjh fort ;1gé , d'assez bonne mine.
La douceur et la gravité paraissaient égale-
ment sur son visage ; je m'arrêtai et me re-
tournai vers lui pourvoir qui c'était, et
je le considérais attentivement sans rien
dire. Alors cet homme, commençant à me
parler: « Est-ce que vous me connaissez?
me dit-il. Je lui avouai que non. D'oij vient
donc, repartit-il , que vous me regardez si
lixement ? — Je suis surjiris, lui répondis-
je, de vous rencontrer en ce lieu , car je ne
croyais pas y devoir trouver personne. —
Ce qui m'y amène, dit ce vieillard, c'est l'in-
quiétude que j'ai pour quelques-uns de mes
amis : ils sont allés faire un voyage, et je
viens ici pour en apprendre des nouvelles,
et voir si je ne les trouverai point quelque
part. »
La conversation s'étant engagée, on parla
philosophie. Justin se fit le champion de la
philosoj)hie i)latonicienne ; mais le vieillard,
dans une argumentation tantôt ironique et
gaie, tantôt solide et accablante, le pressa si
fort, qu'il l'amena à avouer que les philoso-
phes n'avaient pas connu la vérité. Evidem-
ment ce vieillard était un envoyé de Dieu
près de Justin, jiour lui ouvrir la voie du
salut. « Que faut-il donc que je fasse ? lui
dit ce dernier ? Quel maître suivrai-je pour
m'instruire de la vraie philosûj)hie, puisque
tous ceux que j'ai pris pour guides tombent
eux-mêmes dans le précipice? » Ce fut alors
que le vieillard lui pai'la des prophètes, des
grandes vérités qu'ils avaient annoncées, et
que le cours des événements avait démon-
trées en les accomplissant. 11 lui dit que
leurs livres existaient , qu'il i)nuvait , en
les lisant, en constatant les miracles qui s'y
trouvaient consignés, arriver à connaître la
vérité (]u'il cherchait. Il lui dit qu'avant tout,
i.l i'allait qu'il priât Dieu de lui ouvrir la
porte de 1 intelligence! et de la lumière, ajou-
tant que nul ne jiouvait comprendre les vé-
rités contenues dans les Ecritures, sans la
gnlce de Dieu et de son Christ.
Après cette conversation, Justin se sentit
eird)rasé d'amour pour les pro[)hètes. « Voi-
là, dit-il h Try[)non, comment je suis de-
ver)u philosof)he. » Evidemment, j)ar ces
mots, saint Justin voulait dire philosophe
chrétien.
Parmi les iviisons qui le portèrent h eni-
brassfir le chrislianisiue;, saint Justin signale
les suivantes. 11 faut encor-e ici le laisser
parl(M' : h.' témoignage (ju'il rend en faveur
des chrétiens est trop considérable |)Our le
passer sous silence. « J'él;iis autrefois atta-
ché, dit-il, connue beaucoup d'autres, à la
philo'^oijhie de IM.ilon , cl je, n'ignorais pas
noM pliis tous les crimes dont on accusait les
«luéiiens. .Mais !ors(pnj je vins à consichMcr
le peu de cr-aiiile (pi'ils avaient pour la mort,
et géné-rali;m(;nt i)oin- toutes les choses qui
paraissaient .es p.us terribles, je reconnus
qu'il était impossible qu'ils fussent dans les
vices et les dérèglements qu'on leur impu-
tait , car , comment une personne qui ne
cherche que les plaisirs , qui aime les dé-
bauches, qui trouve du contentement à man-
ger de la chair d'un homme, pourrait-elle
recevoir avec joie une mort qui la doit pri-
ver de tout ce qu'elle trouve d'heureux
et d'agréable dans le monde ? Un tel homme
ne fera-t-il pas plutôt tous ses elforts pour
prolonger, autant qu'il |)ourra, une vie où il
met toute sa félicité, et pour le cacher aux
yeux des magistrats, bien loin d'être lui-
môme son dénonciateur et son bourreau ? »
Un passage, du reste assez obscur, de saint
Epiphane, nous porte à croire que saint Jus-
tin avait à peu près trente ans quand il se
convertit : ce dut être en 132 ou en 133,
quelque temps avant la révolte des Juifs.
11 continua à porter le pallium ou manteau
des philosophes. Il menait, dit saint Epi-
phane, une vie fort austère. Il est fort pro-
bable qu'il était prêtre, cej)endant les preuves
è cet égard ne sont pas de nature à empor-
ter conviction. (P. Bélouino, Hist. générale
des perséc. de VEgL, vol. l", p. 223.)
Il avait une vénération très-grande pour
les Ecritures : à chaque instant il cite les
prophètes dans ses écrits. Infatigable prédi-
cateur de l'Evangile , il remplissait cette
mission sainte avec un dévouement sans
bornes, une patience extraordinaire, en pré-
sence des obstacles de toute nature qui lui
étaient suscités. Il habita longtemps Home,
demeurant sur le mont Viminal, auprès des
bains de Timiotée. Home était le lieu ordi-
naire de sa résidence, bien qu'il fît de fré-
quents voyages pour aller porter au loin la
lumière évangélique. Ainsi il visita la Cam-
panie , l'Egypte, Ephèse , où il rencontra
Tryphon. A Rome, sa maison était une sorte
d'athénée chrétien, où le saint démontrait
les vérités évangéliques et combattait les
juifs et les gentils. Athlète de l'Eglise , il
condjattait pour elle par ses discours et par
ses écrits. Les plus célèbres de ses ouvrages
sont ses deux Apologies et son Dialogue
avec Tryphon. Entre les écrits qu'il com-
})Osa contre les païens, il en est un intitulé :
Klenchus , ou Réfutation ; cet ouvrage est
perdu.
Saint Justin écrivit beaucoup d'autres ou-
vrages, la plupart perclus maintenant. Voici
la nomenclature des ouvrages (^ui nous res-
tent de lui : Discours aux Grecs; — Du livre de
la monarchie; — Première Apologie ; — seconde
Apologie ; — Dialogue avec Tryphon ; — Ept-
tre à Diognètc : mais ce qui a surtout rendu
ce saint docteur célèbre , ce sont ses deux
Apologies en faveur des chrétiens. La pre-
mière et la plus importante fut nrésenlée à
Antonin le Pieux et à ses deux lils adoplifs,
]\lar(-Aurèle et Lucius ('onu)iode. Antoniu
n'avait pas rendu d'édils s|ié(iau\ contre les
( hi(Uietis ; mais , vu vertu des lois et des
édits anciens, ils claic^nt persécutés eu tous
lii'uv suivant le capric(! des gonvcMueurs k\o%
l)rovincus. Saiiil Jusini nous représente les
i
ii35
JLS
ils
UU
<hr6{icT\s comme des victimes fjui nVtai^tit
de.stiri('*esqu'.'i Atre imrnolfjcs h la cru.'iiiK; dos
jifTsécuteiirs : il nous les rijonlr»,' coinrrir; des
objets do l'avcTsion et de la riial«''di( lion dos
neupN'S, On consj»irait à les df'qioiiiller de
leurs biens, de leur eiistence ; on tendait à
les exlorniinor du monde; on leur .iltribuait
tous l«;s crimes Jes plus odieux, les plus ré-
voltants. S'avouer cbrétien écjuivalait , tant
''■taient eirorjées les idéos du siècle contre
b's discipb's de Jésus-Cbrist, h se dire alliée,
fniicnii des hommes et des dieux, adonné à
de prétendues infamies qui se commettaient
en commun. Les païens reprochaient aut
chrétiens toutes les horreurs des carf/ocra-
tiens, des adamites; on leur reprochait de
manger en commun la chair d'un enfant
massacré. Toutes ces circonstancfs portèrent
saint Justin h porter son Apologie a l'empe-
reur et h demander qu'on la rendît iiublique.
Il s'y déclare coura|^eusement chrétien, ex-
pose la vraie doctrine , réfute les erreurs ,
abat les calomnies. Voy. cette Apologie dans
notre I" vol. de V/tist. (jén. des persécutions.)
Dieu couronna d'un plein succès les efforts
du saint a|>ologiste. Antonin rendit un res-
crit cui défendit de persécuter davantage les
chrétiens
Ainsi l'Eglise lui fut redevable de la paix
dont elle jouit jusqu'à Marc-Aurèle : sous le
règne de ce prince, saint Justin eut à Rome
ses célèbres conférences avec le philosophe
Crescent : ce philosophe, vaincu par le doc-
teur de l'Eglise , en conçut un tel sentiment
de haine, qu'il résolut de'le faire mourir otj le
dénonçant : c'est du moins ce que nous af>-
prend 'fatien, disciple de saint Justin. Ce s-'jint
docteur nous dit dans sa seconde A{»ologie,
présentée à Marc-Aurèle, qu'il s'attendait à
mourir par le ffiit des trahisons, des dénon-
ciations de Crescent. Ces manœuvres du phi-
losophe vindicatif n'eurent leur résultat
qu'un peu plus tard. Saint Ptolémée ayant
été martyrisé à Rome, et Marc-Aurèle ayant
fait mourir un grand nombre de chrétiens
dans tout l'empiie, saint Justin lui présenta
.sa seconde Apologie en faveur des chrétiens.
Il demande, dans celle-ci comme dans la pre-
mière , qu'elle soit rendue publique ; mais
cette seconde Apologie n'eut pas le résultat
de la première : elle ne procura point la
paix à l'Eglise. Les intrigues et les dénon-
ciations de Crescent prirent acte de ce fait
même pour faire marcher saint Justin à la
mort.
Pour compléter la vie de saint Justin ,
nous donnerons ici ses Actes.
« Sous le règne de Marc-Aurèle, quelques
personnes passionnées pour le culte des ido-
les obtinrent de l'empereur qu'on publiât dans
toutes les villes de l'empire des édits contre
ceux qui faisaient profession de la véritable
religion. Ces édits portaient qu'en quelque
lieu qu'on trouvât un chrétien, on s'en sai-
sît, et qu'on lobligeàt sur l'heure de sacrifier
aux dieux. Ce fut pour lors que Justin et
ceux qui étaient avec lui furent arrêtés et
conduits à Rome , ou on les fit comparaître
devant le tribunal de Ru;>lique, préfet de la
ville. Ce magistrat, s'adressant \ Justin, lui
dit : t Ne voulez-vous pas obéir aux dieux
et Ji l'empereur? >• Justin lui réjjondit :
• Quiconque obéira ;i Jésus-(Jhrist, notre Sau-
veur, ne (>ourra jamais être ( ondamné. —
Quelle science ou quel art [irofessez-vous ,
continua le (uéfet? — Jusqu'ici, réniiqua Jus-
tin, j'ai travaillé à acquérir toutes les connais-
sances naturelles et humaines, et il n'y a point
d"! genre d'érudition où ma curiosité ne m'ait
fait faire quelques progrès; mais enfin je me
suis fixé à la science des chrétiens, quoi-
qu'elle ne soit pas du goût de ceux qui n'en
ont que pour l'erreur. — Quoi 1 misérable ,
reprit Rustique, cette science te f>eut-elle
plaire? — Oui, sans doute, répliqua Justin,
parce ou'elle me fait marcher avec les chré-
tiens dans la voie de la vérité, et qu'elle
contient une doctrine droite et pure. —
Quelle est cette doctrine, dit le préfet ? — f^
doctrine, répondit Justin , que suivent les
chrétiens, consiste à croire qu'il n'y a qu'un
Dieu qui a créé toutes les chosos qui se voient
et toutes celles qui ne tombent pas sous le sens;
à reconnaître un seul Seigneur qui est Jésus-
Christ, Fils unique de Dieu, prédit autrefois
et annoncé aux hommes par les prophètes ,
qui doit venir juger tout le genre humain.
C'est lui qui l'est venu publier dans le monde;
il veut bien être le maitre de ceux qui ai-
ment à apprendre de lui les vérités qu'il en-
seigne. Pour moi , qui suis un homme sans
intelligence , j'avoue que j'ai trop peu de
lumières pour pouvoir parler de sa divinité
d"une manière qui soit di^ne d'elle; il n'ap-
partient qu'aux prophètes de pénétrer dans
cet abîme de grandeur, et ce sont eux qui ,
par l'inspiration de Dieu, ont prédit l'avé-
nernent de celui que je viens de nommer son
fils, et ils l'ont prédit plusieurs siècles avant
qu'il parût sur la terre. »• Le préfet lui de-
manda où les chrétiens s'assemblaient; Jus-
tin lui répondit qu'il était libre à chacun de se
trouver partout où il pouvait. « Pensez-vous,
continua-t-il, que nous ayons un lieu détermi-
né où nous tenions ordinairement nos assem-
blées? Nullt^ment. Sachez que le Dieu des
chrétiens n'est pas enfermé dans un lieu : il est
immense, aussi bien qu'invisible, et il remplit
le ciel et la terre ; ainsi il est adoré en tous
lieux, et chaque fiJèle lui peut rendre hom-
mage par-tout où il le rencontre. — Je veux
savoir, reprit le préfet, où vous vous assem-
blez tous, et particulièrement le lieu où tes
disciples te vont écouter? — Je vous dirai
bien où je demeure , répondit Justin ; j'ai
logé jusqu'ici tout proche , chez un nommé
Martin , et vis-à-vis le bain limiotinurn.
Voici la seconde fois que je viens à Rome ,
je ne connais aucun autre logis; que si quel-
qu'un a voulu me venir trouver, je ne lui ai
pas caché la doctrine de la vérité , et je lui
ai volontiers communioué ce que j'en sa-
vais. — Tu es donc cnrétien , lui dit le
préfet ? — Oui, je le suis , répondit Justin. »
Alors le préfet, se tournant vers Cariton ,
lui dit : « Et toi, es-tu aussi chrétien ? * Ca-
riton répondit : « Oui , je le suis , par la
grâce de Dieu. » Le préfet fit avaccer une
1433
ILS
JUS
4436
femme nommée Caritaine , et lui domanda
si elle était clirétienne, et elle lui dit ((u'elie
était cliréticrme par la misé.icunle du Sei-
gneur. Le i)rérel ialerro^^e.i Evelpiste , qui
lui répondit : « Je suisesclavc do [■empe-
reur, mais je suis chrétien et allVanchi de
J'''Sus-Christ , et , par un effet de sa bo ité ,
j'ai la même espérance (ju'ont ceux que vous
voyez, et je vis connue eux dans la mèinc
attente. » Le préf.'t s'adressa e-isuiteà Hié-
rax , ot lui denianda s'il était chrétien : « As-
surément, répondit Hiérax, je suis ciirélien;
j'adore le même Dieu qui; les antres ado-
rent. — Est-ce Justin, dit le préfet, ([ui vous
a fait chréti 'n ? — Pour moi, dit Hiérax, j'ai
toujours été chrétien et je le serai. » Un
nommé Péon , qui était présent , dit tout
haut : « Je suis aussi chrétien. — Et qui ta
instruit, répliqua le préfet? — Ce sont mes
l)arents, répo'idit Péon. » Evtdpiste ajouta :
« J'écoutais avec i)laisir les instructions de
Justin, mais j'ai aussi appris de mes i)aienls
à être chrétien. » Le i)iéfel lui dit : « Où
sont tes parents?» — Ils so'U enCappadoce ,
repartit Evelpiste. Le préfet ht la même
question à Hiérax, qui lui fit cette réponse :
« Notre véritable père, c'est Jésus-Christ, et
la foi est notre véritable mère ; c'est par elle
que nous croyons en lui. A l'égard des [)a-
rents que j'ai eus sur la terre, ils sont morts.
Au reste, j'ai été tiré de la Phrygie, et l'on
m'a amené ici. » Le i)réfet demanda h Li-
bérien ce qu'il disait, et s'il était aussi chré-
tien et impie envers les dieux. Libérien ré-
pou'iit qu'il était chrétien et qu'il adorait le
vrai Dieu. Le préfet , revenant à Justin , lui
dit : « E;oute, toi qui fais l'orateur, et qui te
jiiques d'éloquence et de doctrine; toi qui
crois |)0ss^der la vraie sagesse , quand je
t'aurai fait déchirer à coups de fouet depuis
la tète jusqu'aux pieds, penses-tu monterau
ciel en cet état? — J'espère, répondit Justin,
que si je soutire pour Jésus-Christ le sup-
plice dont vous me lUi nacez , je recevrai de
lui ce ({uont déjà reçu ceux qui ont gardé
si;s i)réceples ; car je* sais que la grâce de
Dieu est réservée jusqu'à la lin du monde h
tous ceux qui auront ainsi vécu. — Tu t'i-
magines donc, lui dit le préfet, ({u'une grande
l'écompense t'alt(nid .ians h; ciel?— Je ne me
l'imagine pas, répondit Justin, je le sais, et
j'en suis si convaincu qne je n'en ai pas le
moindre doute. » Le préfet dit : « Laissons
tout cela , venons au [)oint et à ce (lu'il y a
de plus pressé. Assemblez-vous tous, et, ani-
més d'un même esprit, préparez-vous à sa-
crilicr airx iLieux. w Justin, prenant la parole
])0iir tous, dit : « 'loul homme dt; bon sens
n'abandfuinera jamais la véritable |)iélé j)onr
courir a|)rès l'impiété et l'erreur. » Le prélet
dit : « Si vous n'obéissez à notre ordon-
nance, vous pouv(;/ vous attendre à èlre trai-
tés sans aucune miséricorde. «Justin répondit:
« Nous ne souhaitons rien avec plus d'ar-
fhrnr que de soulliir [jour Notre -Seigneur
Jésus-Clirist , et d'aller à lui par les lour-
luents. C'est ce qui nous doniuira do la (;on-
liance devant son tribunal teirible , où tous
k'S) houiuio.s doivent comi)arailre pour y èlre
jugés. » Tous dirent la môme chose et ajou-
tèrent : « Faites ce que vous voudrez; nous
sommes chrétiens, et nous ne sacriiions point
à Vos idoles. » Ce que le prél'ei ayant ouï, il
prono'iga cet'e sente ice : « Que tous ceux
qui n'ont pas voulu sacrifier aux dieux ni
obéir à rordonnancc de l'empereur soient
battus de verges et co duitsnu lieu du sup-
plice pour y perdre la tète, ainsi que les lois
l'oi'do mont. » Ces saints martyrs furent donc
menés au lieu où l'on exécutait les crimi-
nels ; et là , parmi les louanges , les actions
de grâces et les bénédictions qu'ils donnaient
à Dieu, ils furent d'aborl fouettés et eurent
ensuite la tète trancliée, confessant leur Sau-
veur juscpi'au dernier soupir. Après leur
mort, (piehjues lidèles enlevèrent secrète-
ment'leurs corps et les enterrèrent en ud
lieu décent. »
L'Eglise fait la fête de saint Justin le 1"
juin
JUSTIN (saint), confessa sa foi à Rome,
sur le chemin de Tivoli, durant la |;ersécu-
tion de Valérien et de Gallien. Il enterra
le corps du [)ape saint Xyste , ceux de saint
Laurent , de saint Hi[)polyte et de [dusieurs
autres. II soulfrit le martyre sous rem[)e-'
rcur Claude. L'Eglise fait sa fètc le 19 sep-
tembre.
JUSTIN (saint), martyr, souffrit pour la foi
à Trêves. {Voy. Maxence , pour plus de dé-
tails.)
JUSTIN, gouverneur de la Thrace, succéda
à Bassus et fut appelé après lui à continuer
l'atfaire des saints Pliili|)[)e, évoque d'Héra-
clée, Sévère, |)rêtre, et Hermès, diacre. 11 se
montra d'une cruauté qui contrasta vive-
ment avec la douceur et la justice qu'avait
montrées son prédécesseur. Il condamna
saint Philip[)e et saint Hermès à être brûlés
vifs. Saint Sévère fut mis à mort trois jours
après. (Voy. les Actes de saint Puilu'pe à son
article.)
JUSTINE (sainte), donna sa vie pour Jé-
sus-Christ, à P.idoue, en l'an de l'ère chré-
tienne 30't, sous rein()ire et durant la persé-
cution de Dioclétien. On est })eu assuré sur
le détail de ce qui la concerne. Ses reli(iues
ont été retrouvées en 1177. L'Eglise célèbre
sa fête le 7 octobre. Ses Actes, (pii sont dans
Mombrilius, n'ont rien d'ancien ni d'authen-
tique, mais beai'coup de paroles, et un mi-
racle digne de Mélaphraste; vi (pioitpie Tau-,
leur S(ï prétende témoin o(.'ulaire de son mar-
tyre, les faits iiiême (pi'il rapporte font voir
(pi'il n'a vécu (pi'assez longtemps depuis. Ce
(|u'en rap|)orle Pierrtï de Nutdlibus e.>t encore
moins reeevable. Elle fut enterrée par saint
Prodosciine, évê(pie «le Padoue.
JUSTINE ( sainte) , martyre à Nicométlio ,
en l'an de Jésus-t^hrist JO'i-, fut mise à mort
j)ar l'ordiu! exprès de l'empereur Dioclétien.
(Pour plus d(î détails , voy. l'arlicle de saint
Cyi'uien dit l(! Mayicicn.)
JUSTINI*: (sainte), martyre, cueillit la pal-
me du m.u'tyrii à Aiiii<i(! en Paplilagonie. On
i,;nore l'epcxpu! où (dio soiiil'rit ; on sait seu-
lement (pi'elhf fut toiturée avec Alevandra,
<Maude , Eu[)hrasiL , iMalrt)ne , Euphémie ,
1457 JLY
Théodose, Dor[)hute et sa sœur. L'Eyliseho-
noi-i' loiii" mémoire le 20 mars.
• JIISI'INK (sainte). soiitlVil le martyre ^
Mayeiue, avecsi'iiit Auré, son IVère, cl d'iui-
tres chrétiens doit les noms nous so-it i'i-
couMiis. Ils étaient ;"» céléhier les divins
mystères dans une église, lors(|n' Is y Cu-
rent surpris et massacrés p-ir les Huns, (l'ii
ravageaient l'AlIcmaiAne. Ils sont inscrits au
Mariyr(dogo romain \o. Itijuin.
JUSrJNi'; (sainte), mailyre, eut le i;lo-
rieux {irivilége d(^ donner sa vie [)0ur la dé-
fense do la reliu;ion. Klle eut pour compa-
gnons d(^ son marlyre, (jui eut lieu en Sar-
daign(\ sainte Hénédine et sai'it Juste. L'K-
glise t'ait leur mémoire le l'i- mai
JUN'MNAL (saint), reçut la palme du mar-
tyre cl uni' épO(iue ( l dans des circonstjuccs
qui nous sont complètement inco-inucs. Il
est inscrit au Martyrologe romain le 7 mai.
JUVI^NCK (saint), i-eçut la palme du mar-
tyre r^ Home; nous ignorons h quelle ép0(|ue
et dans (luelles circonstances. L'Eglise lait
sa l'été le 1" juin.
JUVENTIN (saint), martyr, mourut pour la
défense du christianisme, en l'an de Jésus-
Christ lHhi. Ses Actes lui sont conununs avec
saint Maximin ; les voici dans leur entier,
d'après Vflistoire ecclésiastique de Théodo-
ret, liv. III, chap. 15.
« Julien commençait h ne plus garder de
mesures dans la guerre qu'il avait déclarée à
Jésus-Christ : il l'attaquait avec plus d'au-
dace ; et s'il cachait encore ses mauvais des-
seins sous une a[)parence de douceur et
sous une feinte modération, ce n'était que
pour les l'aire réussir plus sûrement. E:i ef-
fet, il ne cherchait qu'à faire tomber les
chrétiens dans les pièges qu'il leur dressait
chaque jour, et à les entraîner avec \-<i dans
l'impiété, ete'isuitodans le malheur éternd :
car il tit souiller, par ses abominables sacri-
fices, les fontaines (fui étaient dans Antio-
clie et dans les faubourgs, et i articulière-
ment dans celui de Daphné, afin que tous
ceux qui viendraient y puiser de l'eau se
souillassent eux-mêmes en buvant de cette
eau impure. Il lit la même chose à l'égard
des denrées qui se vendaient dans les mar-
diés publics, et le pain, la viande de bou-
cherie, les fruits et les légumes étaient ren-
dus profanes et devenaient une nourriture
«acrilége, par l'eau lustrale que les prêtres
Ôes faux dieux jetaient dessus. Cette op-
pression faisait gémir les chrétiens, et toute
l'*\5lise était dans la consternation. Les fi-
dèles toutefois ne laissaient pas d'acheter
ce qui leur était nécessaire, et ils en man-
geaient sans se gêner par un vain scrupule ,
se souvenant de l'avertissement que donne
l'Apôtre : Mangez de tout ce qui s expose au
marché, sans vous informer trop curieuse-
ment d OM // vient, pour ne pas jeter dans vo-
tre conscience le trouble et l'inquiétude. Or,
il arriva un jour que deux hommes de dis-
tinction dans lest oupes (car ils étaient de
la compagnie des gardes de l'empereur), se
trouvant à un festin, se mirent à déplorer
en termes un peu forts la condition des
JUV \m
chrétiens, et la violence qu'on exerçait con-
ti'(! eux ; ils se seivirent mènu! fort à ])ropos,
pour expr nier lei.r douleur, des [)aroles
dont s'él.dent servis autrefois, à H.ibylone,
dans une pareille conjom:lui'e, les trois jeu-
nes Hi'breux , si coinuis <lans l'hisloiio
sainte. « Vous nous avez livrés (ilisaient-ils
connue ces jeunes Juifs), à un prince infi-
dèle, h un apostat qui est en horreur à toute
la ((M're. » Cela fut rapporté par (pieUin'un
des conviés, à rem()ereui', qui ne manqua
pas de faire aussitôt venir devant lui ces
deux gardes, 11 les inliîrrogea lui-même, et
il voulut appieidre (h; leur propi-e bouche
ce qu'ils avaient dit de lui. Ces braves gens,
bien loin de s'elfrayer d'une semblable de-
mande, en prirent, au contraire, O' casion de
parler au prince avec plus de liberté ; se
sentant donc animés d'un zèle généreux et
viainuijt chrétien, ils lui dirent : « Sei-
gneur, a\ant i-eçn l'un et l'autre dans le
sein de l'Kglise une éducation toute sainte,
et n'ayant jamais obéi qu'aux lois pleines
de piété et de religion du grand Constantin
et des empereurs ses enfants, nous ne pou-
vons voir qu'avec une douleur sensible que
vous remplissez d'abimiinations tout l'em-
pire, et que, par des sacrifices impies, vous
souillez les-biens que Dieu fait aux hommes,
et les choses les plus nécessaii'cs qu'il leur
fournit pour le soutien de leur vie. C'est sur
ces malheurs, seigneur, que nous versons
des larmes en secret depuis longtemps, et
que nous prenons la liberté «l'en réi)an(ire en
la présence de Votre Majesté. » A ce dis-
cours, le plus doux et le plus modéré de
tous les hommes (car c'est ainsi que ses flat-
teurs le nomment), ne se souvenant plus de
faire le personnage d'un prince clément, se
laissa voir, sans aucun déguisement, dans
tout son naturel. Il les lit tourmenter si
cruellement, qu'ils expirèrent dans les sup-
plices. Mais les couronnes qu'ils reçurent en
sortant de la vie les consolèrent bientôt
de la perte qu'ils venaient d'en faire dans
un temps si malheureux. Cependant Julien,
pour colorer sa cruauté de quelque prétexte
S[)écieux, et aussitôt reprenant sa dissimu-
lation ordinaire, publia que la religion n'a-
vait aucune part à la mort de ces deux
hommes, et qu'il n'avait puni en eux que
le peu de respect qu'ils avaient eu pour sa
personne et pour sa dignité, qu'ils avaieni
violée par- l'insolent discours qu'ils lui avaient
tenu. Il prétendait par là leur ravir la gloire
du martyre : au reste, il est juste de lais-
ser à la 1 ostéi'ité les noms de ces deux il-
lustres guerriers. L'un se nommait Juven-
tin, et l'autre Maximin. La vdle d'Antioche,
voulant rendre à leur mémoire les hon-
neurs qui leur sont dus pour avoir défendu
la vérité, au prix même de leur sang, leur
éleva un superbe tombeau, oij l'on voit se
renouveler chaque jour la dévotion des peu-
ples (Ij.
(l) Saint Chrysosîome prononça, dans Antiocbe,
1111 discours à leur lioiiiieur; c'est le 40« dul" vo-
lume des Œuvres de ce saint docteur.
1439
KAl
KAt
U4Ô
« Plusieurs autres personnages considéra-
Mes ou par leur charge ou par leur luérite,
pour avoir parlé avec la même liberté, eu-
rent presque le môme sort et remportèrent
de pareilles couronnes. De ce nombre fut
Valcntinien, celui-là même qui régna peu de
temps après. Ce grand homme, qui pour
lors était tribun et commandait la garde du
palais, ne put cacher le zèle (juil avait pour
la gloire de Dieu et i)Our l'honneur de sa re-
ligion. Car, un jour que Julien entrait
connue triomphant dans le temple du Génie
public, et que deux sacristains rangés aux
deux côtés de la porte i)uritiaient avec de
Teau lustrale tous ceux qui entraient avec
l'empereur, Valenlinien, qui le suivait im-
médiatement, ayant aperçu une goutte de
cette eau sur sa" manche, donna de toute sa
force un soulllct au sacristain qui la lui
avait jetée, lui disant hautement qu'il l'a-
vait sali et non pas i)urihé. Julien, qui fut
témoin de l'action, le relégua dans un chA-
teau bâti au milieu d'un désert. Mais h peine
un an et quelques mois s'élaienl-ils écoulés,
que Dieu lui donna l'empire pour récom-
pense de cette généreuse confession. » — 25
janvier et 5 septembre.
K
KAM (François), néophyte lOnquinois,
fut mis à mort pour la foi, en 1722, au Ton-
quin, avec le P. Bucharclli, jésuite, Paul Noi,
Luc Mai, Thadée Tho , Philippe Mi, Luc
Thu, Emmanuel Dien, Pierre Frien et Dao
Ambroise, néophytes qui mêlèrent leur sang
à celui du saint missionnaire.
KARÉKIN (saint), était un jeune prince
d'Arménie qui vivait à la cour du prince
Hazguerd, roi des Arméniens. Le seul nom
de Jésus-Christ mettait ce prince en fureur,
et il ne pouvait comprendre qu'un Dieu se
fût laissé maltraiter, crucifier, mourir et
ensevelir ; il revenait sans cesse à ces points
de notre foi qui lui fournissaient un conti-
nuel sujet de moquerie. — «Mais, lui dit un
jour notre jeune saint, d'où savez-vous, mon
roi, toutes ces choses touchant Notre- Sei-
gneur ? — D'oùje les sais, répondit Hazguerd,
ne me suis-je pas fait lire le livre de votre
croyance erronée ? — Et pourquoi, répondit
le jeune prince, n'avez-vous fait lire que
jusque-là ; si vous aviez été plus avant, vous
auriez vu la résurrection , l'apparition de
Jésus ressuscité à ses disciples, son ascension
au ciel où. il est assis à la droite de Dieu, la
I)romesse de son second avènement, la ré-
surrection merveilleuse du genre humain,
le jugement dernier et la récompense équi-
table ! » Le roi se prit à rire et dit d'un ton
dédaigneux : « Mensonge (jue tout cela, n)en-
songe 1 » Mais notre héros chrétien lui re-
partit sans s'émouvoir : « Si vous regardez
coirnne croyable son su|)plice dans le teuips,
vous |)0uvez croire aven; plus de certitude
encore à sa gloire immortelle' et à son terrible
avènement dernier. » Le roi entra aloi-s dans
une furieuse colère et lit tomber sa i-age sur
Kaj'ékirj ; il lui lit mettre les fers aux pieds
(;t aux mains, et après l'avoir laissé languir
deux années dans un noir cachot, il confis-
qua ses biens et lança contre lui une s(in-
Uiticji do mort. (E. V. trad. (i. Ci. k, pussim.)
KATCHATCII (saint), diacre du uays do
Uiclulounik, reçut la glorieuses panne du
m?irtyr(! sous le règrn; du cruel lla/.guerd,
loi (le l>ers(î, (jui voulait forcer les Armé-
niens loml)(';s sous sa domination, (st dont
notre saint et ses compagnons faisaient par-
tie, à embrasser la loi de Zoroastre. Les
compagnons du martyre de Katchatch furent :
Sahag,[évêquedeRichdounik, Joseph, patriar-
che de Vaïotz-tzor et du village Holotzmanz,
Léonce, archiprôtre de Vanant, du village
d'Itcavank, Mouche, prêtre de Halpage, Ar-
chen, prêtre de Pakrévant, du village d'Elé-
heg, et le bienheureux chef mage de la ville
de Niuchahouh. Excité par les mages et par
son premier ministre, nommé Mihir-Nerséh,
Hazguerd envoya Tenchabouh, pour faire
mourir ces saints prêtres, qui étaient renfer-
més dans la ville lorte de Niuchabouh sous
la garde du chef des mages en môme temps
gouverneur civil du pays d'Abar. Ce mage,
voyant nos saints demeurer fermes dans
leur foi, les maltraita beaucoup et les fit en-
fermer dans un noir et humide cachot où
deux gamelles de soupe épaisse et une cruche
d'eau composaient tous leurs aliments. Eton-
né de les voir joyeux et bien portants, mal-
gré leur dure captivité et la grossière nour-
ture qu'il leur faisait donner depuis quarante
jours, le mage gouverneur vint une nuit rô-
der autour du cachot, soupçonnant quequel-
qu'un de ses serviteurs [)ortait des aliments
aux prisonniers, protégé par les ténèbres. 11
s'api)rocha doucement du soupii'ail de la pri-
son et fut témoin d'un prodige étrange. Cha-
cun des [)risotHiiers brillait d'un éclat mer-
veilleux au milieu (!(! l'obscurité de la nuit.
Il fut si épouvanté de ce nrodige, (pie bientôt
il renonça aux erreurs (lu magisme et se fit
insti'uire pai'ses |)i'isonniers dans la religion
des (îhi'étiens. Quand Tenchabouh arriva
pour exécuter les ordres sanguinaires d'Haz-
guerd, il ne fut pas peu étonné de trouver
1(! mage assis au milieu des j)risonniers,
écoutant leurs discours et les exhortant lui-
même à braver la mort (ju'ils allaient souf-
frir. Tenchabouh avertit le roi de co qui
venait de se passer ; celui-ci lui défendit do
l)utiir imblicpuMuent le mage gouverneur, à
cause du tort (|ui en résulterait pour la reli-
gion de Zoroastre, mais il lui ordoimait de
l'envoyer secièleiiH'Ul en exil dans un pays
lointain, au nord de Khoiassan, où il reçut
la palme du martyre. Après avoir terminé
cette allaire, le miniiitrc dos cruautés d'Haï-
1
i
j
1441
KIL
KOR
1449
gu(M(l fil, lam/^mo nuit, transporter los prA-
trcs niiiU'iiitMisdaiis iiîi ciidroit (''cartùdu dé-
sert. Arrivés au lieu de l'exécution, on leur
lia les pieds et les mai>is,el ils lurent traînés
d'ahord sur un sol rocailleux et rempli d'as-
pérités. Knsuile TiMicliabouli, ayant essayé
vainement de les faire renoncer h leur loi,
ils furent décapités, le 30 juillet 45V, dans lo
grand désert du i>a vs d'Aban, au département
e la ville royale de Niuchabouh.
KHOUEN (saint), martyr d'Arménie, sous
Hazguerd, deuxième du nom, roi de Perse.
Voij. pour les détails, saint Ahuauam, confes-
seur (Abraham de Niuchabouh).
KILIEN (saint), évétjue do Wurlzbourg et
martyr, mourut en l'an de Jésus-Christ G89 ;
il est quehiuefois a|>pelé Chilien ou Kuln. Il
appartenait h. une lamillo illustre d'Ecosse,
c'est-à-dire d'Irlande, et très-bien instruit
des saintes lettres. Etant évéque, quolcju'il
fiU extrêmement aimé de son clergé et do
son peuple, le désir d'une plus grande per-
fection le i)orta à quitter son pays ; et il per-
suada à quelques-uns de ses disciples de l'ac-
compagner. Ils passèrent en Austrasie, et
s'arrêtèrent à Wurtzbourg sur le Mein, où
commandait alors un duc, nommé Gosberl,
encore i)aien. L'agrément du lieu et le beau
naturel des habitants invitèrent Kilien à y de-
meurer. Il le proposa à ses compagnons.
« Mais auparavant , dit-il, allons à Rome
comme nous avons résolu dans notre pays ;
visitons les églises des saints apôtres, pré-
sentons-nous au pape Jean, et, s'il nous
donne la permission , nous reviendrons ici
prêcher l'Evangile. » Ils s'y accordèrent tous ;
mais, étant arrivés à Rome, ils trouvèrent
que le pape Jean était mort. Saint Kilien fut
très-bien reçu par le pape Conon, qui, voyant
sa foi et sa doctrine, lui donna de la part de
saint Pierre le (louvoir d'instruire et de con-
vertir les infidèles. Il retourna à Wurtzbourg,
accompagné du prêtre Coloman et du diacre
Totnan. Ils y prêchèrent ; le duc Gosbert les
fit venir : saint Kilien l'entretint, le conver-
tit, le baptisa ; et un grand nombre suivit
son exemple. Gosbert avait épousé la femme
de son frère ; mais saint Kilien ne voulut
pas lui faire de peine sur ce mariage, juscju'à
ce qu'il le vît bien atïermi dans la foi. Alors
il lui dit : « Mon cher tils, vous serez en
tout agréable à Dieu si vous pouvez en-
core vous résoudre à quitter votre femme,
car votre mariage n'est pas légitime. » Gos-
bert lui répondit : « Vous ne m'avez encore
rien proposé de si difficile, mais, puisque
j'ai quitté tout le reste pour l'arnour de
Dieu, je quitterai encore ma femme, quoi-
qu'elle me soit très-chère, s'il ne m'est pas
permis de la garder. » Il remit à exécuter
cette séparation après un voyage de guerre
où il était pressé d'aller. Cependant safemme,
nommée Geilane, pensait continuellement à
se venger ; et, prenant le temps de l'absence
du duc, elle envoya de nuit un de ses gens
pour égorger le saint et ses compagnons. Ils
cliautaient ensemble les louanges de Dieu;
saint Kilien les exhorta à soutenir généreu-
sement ce combat, qu'ils désiraient depuis
si longtemps, et ils eurent tons la tête tran-
chée. On les enterra la même nuit à la liAle et
en cachettes avec leurs coffres, la croix, T'E-
vangili! (ît les ornements pontificaux. C'était
l'an G89, le 8 juillet, jour au(iu(!l J'Eglise les
honore connue martyrs. (Af«r/f/r./?om. 8 juil.)
Lo duc Gosbert étant revenu, demanda od
étaient les serviteurs de Dieu. Geilane dit
qu'elle no savait ce qu'ils étaient diîvenus ;
niais le meurtrier se découvrit lui-même.
Il courait de tous côtés, et disait en trem-
blant que Kilien le brûlait d'un feu très-
cruel. Gosbert assembla tous les chrétiens,
ses sujets , et demanda ce que l'on devait
faire de ce misérable. Mais (jeilane suscita
un homme plus éloquent que les autres,
qui dit : « Seigneur, pensez à vous et à tous
tant que nous sommes , qui avons reçu le
ba{)tênie de ces étrangers ; et, r)Our éprou-
ver si leur Dieu est aussi puissant qu'ils
disent, faites détacher ce malheureux et le
laissez en liberté , nous verrons si leur
Dieu les vengera. Sinon, ne trouvez pas
mauvais que je le dise, nous voulons servir
la grande Diane comme nos pères, qui s'en
sont bien trouvés. » Ainsi fut fait, mais le
meurtrier, étant délivré, entra en fureur et
se déchira à belles dents jusqu'à la mort. Les
chrétiens en louèrent Dieu, mais sa ven-
geance s'étendit plus loin. Geilane fut possé-
dée du malin esprit, qui l'agita tellement
qu'elle en mourut ; le duc Gosbert fut tué
par ses domestiques ; Hétan, son fils, fut
chassé de son état par les Français Orien-
taux ; et il ne resta personne de cette race.
Saint Kilien est honoré comme le patron de
Wurtzbourg, dont toutefois il ne fut jamais
évéque, car ce siège ne fut érigé que cin-
quante ans après.
KOMAR, religieux de l'ordre de Saint-Ba-
sile, fut une des victimes de l'atroce persé-
cution que le czar Nicolas fit subir, en l'an-
née 1837, à tous les catlioliques qui ne vou-
lurent point abandonner leur foi pour em-
brasser la religion russe. Après avoir subi
mille tortures, ce saint martyr, qui était
plus que septuagénaire, fut placé sous une
pompe dont l'eau qu'on lâcha sur lui, se
congelant au contact de l'air , l'enveloppa
bientôt comme d'un manteau de glace sous
lequel il trouva une mort affreuse. [Voy.
MiECZYSLAWSKA.)
KORYCKA (Catherine) , l'une des reli-
gieuses de Saint-Basile, établies à Minsk en
Lithuanie, et connues sous le nom de Filles
de la Sainte-Trinité, qui furent expulsées
de leur couvent et livrées aux persécutions
les plus violentes, dans le courant de l'an-
née 1837, par le czar Nicolas et Siema.szlsO,
évêque apostat. On les employa à la cons-
truction d'un palais à Spas, pour Siemaszko.
Un éboulement étant survenu, Catherine Ko-
rycka et quatre de ses compagnes furent en-
sevelies vivantes sous les décombres, sans
qu'on permît à celles qui étaient témoins
de ce malheur, de chercher à délivrer les
victimes. Les quatre autres sœurs se nom-
maient, Euphémie Gurzynska, Clémentine
1443
LAC
LAC
14U
Zél)rowska, Elisabeth Tysonnauz et Irène
Kraiiifo. (Voy. Mieg/îyslawskv.)
KKAiNTO vIr^nk) , rui.e îles roligieuscs
de S,iiiit-B;isilL', établies à Minsk en Lilhua-
nie, et connnes sous le nom de Filles de la
Sainte-Tiinilé, qui furent expulsées de lour
couvent et livrées au\ jilus violentes persé-
cutions, dans le courant de l'année 18;J7, i)ar
le czar Nicolis et Tévéïiue a|>ostat Sieniaszko.
Un ébouleinent étant survenu, liène Krainto
et quatre de ses compagnes furent ens^-ye-
lies vivantes sous les aé(;oml)res, sans i(u'on
permit à celles (]ui étaient témoins de ce
mallieur, de cherchera délivrer les victimes.
Les quatre autres sœurs se nommaient Eu-
})hémie (lurzynska, Clémentine Zébrowska,
Catherine Rorycka et Elisabeth Tysenhauz.
{Voy. MlECZTSLAWSKA.)
RRYSZTALEWICZ (Cléophe) , l'une des
rel. 'icuses Basiiienno^, q^i, dans le courant
de l'année 1837, furent si v.olcmmcnt [)ersé-
culées i)iu' le czar Nicolas et Sieinaszko, c\c-
que apostat. On les employa à la construc-
tion d'un palais pour c;' prv'lre schismatique.
U'i |)an de muraille étant venu à s'écrouler,
Cléophe Krys/.lalew icz t>t quatre de ses compa-
gne^ furent écrasées. (To;/. MIECzYsl.A^vsKA N
,KL'LESZA (Geneviève), Tune des religieu-
ses Basil ennes qui, dans le courant de l'an-
née 1837, fiuent si violemment persécutées
par le czar Nicolas et lévéquo apostat Sie-
inaszko. On les cmjjloya à la construction
d'un palais pour ce prêtre schisaialiipie. Un
pan tic muraille étant venu à s'écrouler, Ge-
neviève Kidesza et quatre de ses comi)agnes
furent écrasées. {Voy. Mieczyslawsk.a.)
t
L
LABRID (le bienheureux Nicolas de), cha-
noine de Lyon, et trois autres ecclésiastiques
étaient allés à Rome sous le pontificat de
Benoît XIII, mort en 1730, afin de prier ce
pontife de les envoyer en mission là où il
lui plairait. « Sa Sainteté, ajoute Gumilla
(His;oire de l'Orénoque, t. li, pag. 277,) ins-
piiéc du Saint-Esprit, l.s institua évoques
pour les quatre parties du monde. Les pa.ys
de rOrénoq .e étant échus à M. de Labi id,
il s'y rendit, et en attendant l'expédiiion de
ses bulles et l'agrément de sa Majesté Ca-
tholique , le gouverneur de la Trinité et
de la (iuyane leur oifrit un logement chez
lui. Cet illustre prélat le remercia de son
odre et prit le parti d'attendre à Cayenne
les dépécnes de sa Sainteté. Il s'embarqua
en effet dans le but de s'y rendre ; mais
son zèle lui ayant fait changer de dessein,
il prit une autre roule et vint mouiller dans
la rivière d'Aquire, où les Caraïbes le reçu-
rent à bras ouverts pour mieux cacher leur
trahison ; car au bout de quelques jours, ils
mas.sacrèi-ent deu\ [)rôlres de sa suite et lui
cou|)èrent la tête d'un coup de sabre, lis pri-
rent les ornemenis et brisèrtnit un crucifix
d'ivoire et un autel (pii avait été consacré
parle pape, dont le nom se voit encore sur
les moi-ceau\. Ce prélat est enterré h côté
du njaîire-aulel de l'église de Saint-Joseiili
de Oi una, chrétienté de la Trinité, du coté
de ri*>angil(;, et les corps de ses deux com-
pagnons sont enterrés de rautr(!.
LACHANOIJUACON , gouverneur d'Asie
sous (Constantin Coj)ionymc, [)ersécuteur de
l'Eglise callK^liipie en faveui- des icoiioc.las-
t<;.s, exerça d'atroces ci'uautés contre les ca-
tholiques de son gouvernenjent ; nous en
avcnis pour preuv(! ce liagmcMit (pit^ nous
trouvons dans I-i vie de saint Paul abbé, par
Anaslase : « Le vi«;illard Théosléricte, jirô-
tre du monastèi(i de l'élicite, <pii avait le
îUA cou|)»' et la barbe; brûlée; avec la poix et
la n.'qdile, s'avança et dit: « On ne |»cul ra|)-
• porter sans géuiir la cruauté du gouverneur
d'Asie , que l'on nomme Lachanodiacon. »
Saint Etienne lui dit: «Parlez, mon Père,
vous nous encouragerez, si Dieu veut que
nous soutl'rions aussi. » Théostéricte reprit
ainsi :« Le soir du jeudi saint, comme on
célébrait les divins mystères , ce gouver-
neur entra par ordre de l'empereur avec une
niulliUid • de soldats, fii cesser l'ofiice, prit
trente-lmit moines choisis, qu'il attacha à
des pièces de bois par le cou et par les
mains ; quant aux autres, il en fit déchirera
coups de foui't, il en fil brûler, il en ren-
voya, après leur avoir fait |)0 sser et brûler
la barbe, et couper le nez, dont je suis du
nombre. Non content de cela, il brûla iemo-
naslcre depuis l'écurie jusqu'aux églises ,
réduisant tout en cendres. Il emmena les
trente-huit qu'il avait pris, les enferma dans
la voûte d'un vieux bain près d'Ephèse, dont
il boucha l'eiitrée ; puis il lit miner la mon-
tagne attenanie, (jui les enterra. »
LACTANCE, oraleui et défenseur de l'E-
glise. Saint Jérôme nous assure que Lac-
tance avait aussi le nom de Eirmi>n, sous
lequel il est maniué par saint Eucher. On y
ajoute aujourd'hui ceux de Lucius Cœlius
ou plutôt Ciecilius. Ceux q-ii ont étudié son
histoire avec ^dus de soin, reconnaissent
qu'on n'a rien d" certain sur son pays,
ni sur sa f.uuille. il y a n>'a nnoins l)ien plus
d'appare nce (pi'il était d'Afiiejue, comme l'a
cru Baronius, que d'Ilalii;, comme quel-
qu(;s autres le prétendent; car il fut disci-
l)le d'Aiiuthe, (pii professait la rhétori(|ue
dans la ville d(; Sieepie, en la province pro-
coMSulaire d'Al'ii(pie. Et saint Jérôme nous
apprend en tiilel (ju'il étudia en Al'riepie, où
il composa un écrit étant encore tout jeune,
sous h; titre de lianqucl. Ce fui au^si d'Afri-
(pie qu'il alla à Nicomédie. Ou peut jvuei-
combien il profita, soit par les instructions
do son maître, soit par t.on projire travail,
puiscjuc saint Jérôuui laiipe'lh; le {tins sa-
vant homme île son temps. Pour son style,
il! niéme .saint dit qu'd e.-l romiue un lleuvi!
d'éloquence, comparable ;i (ncéron. Saint
Eucher le met eiitic les hommes les idus
«
144S
I.AC
LAC
1146
élo(iuonts qu'ait eus lo cliii.sli;mismo. Los
ouvrages (jui lunis on rcsVMii, iic déiiienteiit
poitil rcsIiiiH' que ces saints en ont lailn :
et l'un voit par It'S éloges des plus savants
liOinuies (le ees derniers temps , ramassés
dans i't'diliun de tlallu'us, (lu'il est l'rgardô
comme le plus éloquent des déle'Lseurs do
notre religion, et eonnno le (^ieéron des
clu'éliens. 11 no se mit néanmoins jamais
dans le barreau, et il n'étudia l'iMcKpience
que pour se rendre capable de renseigner
aux autres. C'est ce qu'il lit dans la Hitliynie,
où on le fit venir sous DiocliHien, poiu' y
protess(>r la rliét(iri(pie latme h Niconn'-ilie,
qui était alors le siège de la cour de Dioclé-
'iien. 11 y fui a|)pelé d'Al'ri(|uo avec un gi'am-
niairien, nonnné Flavius ou Fannius, au-
teur de (jnchpies ouvrages en vers sur la
médecine. \'os-ius, (jui I appelle l\liemnius
Fant)ius, ou Lavinus selon tfautics, le lait
discipi(! d'Arnol)© et contemporain (U-. Con-
stantin ; et il le croit auteur d'un poème en
vers li(?xamèlres sur les ]iOLds et les mesu-
res, attiibué oïdinaijement à Priscicn. Ce-
pendant il ne cite rien à ra[)[)ui.
Lactatice ]Mofessa longtcm[)s la rhétori-
que, soil à Nicomédie, soit en AlVitjne, en-
seignant aux jeunes gens, comme ille dit lui-
niùme, non h pralifjuer la vertu, mais à ètie
ingénieux à eouvrii- et à défendre le mal.
Néanmoins, cet exei'cice (]u'il labaisse si lort
et qu'il semble presque condamner absolu-
meii, Jui servit beaucoup dans la suite, lois-
qu"il l'eûlquilté, our défendre Li vérité et l'in-
sinuei- dan s les esprits avec d'au ta ni pliisd'elii-
cacité, que les ornements do léloquence la
rendaient plus claire et plus agréable. 11 eut
entre ses disciples, un nommé Démétrion, à
qui il dédie plusieurs de ses ouvrages, en
lui rendant ce témoignage, qu'il avait été
docile il recevoir ses instructions, et soi-
gneux h les i)ratiquer ; qu'il n'y avait pas
seulement en lui la moindre apparence d'or-
gueil et de vanité, et que dans l'embarras
des em|)lois civils oi^i il était, la pu. été de
sa conscietice lui faisait souvent élever son
esi)rit aux choses du ciel. 11 tiouva |)eu d'é-
coliers à Nicomédie, parce que l'on y par-
lait |)lus grec que latin, et cela lui donna
le loisir de s'appliquer à écrire. Nous ne
savons pas néanmoins quels livres il com-
posa alors, et nous ne voyons pas que nous
en ayons aucun qu'on i)uisse lapi-orter au
temps où il professait encore. Nous ne pou-
vons point assurer non plus s'il avait déjà
embrassé la religion chrétienne. Nous pou-
vons dire seulement que l'honneur que lui
fit JDioclétion de l'appeler à Nicomédie, ne
montre pas qu'il ne fût pas déjà chrétien,
puisque non-seulement ce prince souUVit les
chrétiens durant la plus grande partie de
son règne, mais qu'il en aima même plu-
sieurs, et son [)akiis on était rempli. Ce qu'on
peut dire être certain, c'est que Laclance
était chrétien dès (]ue la persécution com-
mença, et ainsi dès le temps qu'il enseignait
l'éloquence. Nous ne trouvons rien de par-
ticulier sur sa conversion ; mais il ne faut
pas oublier un endroit de saint Eucher, c^ui,
parlant do lui, de saint Cyprien, de saint
llilaire et de (juclques autres, leur met en
la bouche ces [)aroles de saint Augustin :
« Que faisons-nous? Les ignorants ravissent
le ciel, et nous, avec toulo uoin' science,
nous somnn.'S si stnpides et si hébétés, que
nous demeurons toujours ens(velis eonnno
des bètes dans la chair et dans h; sang. »
Voilii, ajoute saint Kuclu'r, C(^ (pie ces hom-
mes habiles et élocjuents s'étaient sans dc^itc
dit à eux-mêmes, et animés par c(!tto pen-
sée, ils ont lait aussi violence au royaume
d(î Dieu. On voit (pie Lactanco avait in par-
ticuhèren)ent Aliimtius Félix, Tertullien et
saint (lyprien.
11 professait encore l'éloquence à Nicomé-
die, lois(iue la persécution commença, et
que l'on y abattit le temple do Dieu, le 23
février de l'an .'ÎO.'Î. 11 y était aussi lorsque
la i)ersécutioii ('tait da'is sa [)lus grande fu-
reur ; et les particularités qu'il manjuo de
ce qui se passa dans la même ville, en 311 et
313, font juger (ju'il y était encore alors.
Ainsi il y i)assa tout le temps do la persé-
cution. C'est ce (pii autorise extrêmement
tant de particularités qu'il nous ap{)rend de
ce temps-là dans ses institutions, mais en-
core plus dans l'ouvrage qu'il on a fait ex-
près, comme nous le dirons bientôt. Nous
voudrions avoir quelque lumière sur ce qui
lui |)eut être arrivé durant ces dix années
qu'il passa au milieu des ennemis de FEglise
et dans le siège do Satan. Mais tout ce que
nous en trouvons, c'est qu'outre les cruau-
tés barbares qu'il. \ vit exercer contre l'Eglise,
il eut encore la douleur de la voir fouler aux
pieds par les insultes de ses ennemis; car
il y eut, en ce temps-là, deux païens, Hiéro-
cle et un philosoplie inconnu, qui voulurent
signaler leur impiété par une entie[)rise
aussi vaine qu'elle était à contre-temps, en
prétendant abattre et accabler la vérité par
leurs livres, comme les othciers publics y
travaillaient par le for et par le feu.
Lactance et les autres chrétiens qui enten-
diient réciter ces ouvrages à leurs auteurs,
n'eurent pas de peine à en reconnaître la
faiblesse et à s'en moquer en eux-mêmes,
si le temps no souffrait pas qu'ils le lissent
ouvertement. Les païens mômes trouvèrent
fort mauvais qu'on voulût insulter à des
gens ûvjh accablés par la violence. Mais Lac-
tance, indigné d'une impiété si superbe, ré-
solut d'employer tout ce qu'il avait d'esprit
et d'éloipience à réfuter non-seulement ces
deux écrivains, mais aussi tous les autres
qui avaient voulu laisser à la j)Ostérité des
monuments de leur injustice et (ie leur haine
contre leur créateur et contre ses adorateurs.
Il semble néanmoins qu'il n'ait exécuté ce
dessein que longteuq)S depuis, comme nous
le verrons en parlant de ses écrits, après que
nous aurons achevé ce oui nous reste à dire
de son histoire.
Il repassa de l'orient dans l'occident pour
y instruire un disci[.«le d'une condition bien
l)Ius relevée que tous ceux qu'il avait eus
auparavant, savoir : Crispe César, hls de
Constantin, à qui il montra l'éloquence la-
1447
LAC
tiue dans les Gaules. Il eut cet emploi dans
son extrême vieillesse. Ainsi, il peut ijien
ne l'avoir quitté que par sa mort, qui; quel-
ques-uns croient être arrivée vers l'an 325,
et vers le même temps que celle de Crispe,
plutôt à Trêves qu'en un autre lieu, puisque
c'était alors la principale ville des Gaules.
Godefroy croit que ce fut Lactance qui, étant
alors auprès de Constantin, obtint de lui, en
l'an 315, les lois célèbres par lesquelles il
abolit le supplice de la croix, défendit de
marquer les criminels sur le front, et pour-
vut à la subsistance des pauvres; mais il
n'eu rapporte pas de preuve qui soit bien
considérable. Ce qui paraît plus fondé, c'est
qu'encore que, selon l'opinion de tout le
monde, il fût précepteur de Crispe, lorsqu'il
publia ses Institutions, et peut-être encore
lorsqu'il fit une bonne partie de ses autres
ouvrages, jamais néanmoins il ne parle de
cet emploi que son mérite seul lui avait fait
obtenir, ni d'aucune autre chose qui pût
le relever devant les hommes. Il est encore
important de remarquer que la qualité de
précepteur d'un César et d'un fils aîné d'un
empereur aussi libéral qu'était Constantin
ne l'empêcha pas d'honorer et de pratiquer
la pauvreté chrétienne, puisque nous appre-
nons de saint Jérôme, qu'il était tellement
pauvre qu'il manquait non-seulement des
chose* délicieuses, mais souvent même des
nécessaires. Et ce Père fait cette remarque
en même temps qu'il dit que Constantin
lui donna le soin de son fils , nous donnant
par là lieu de croire qu'il vécut dans la pau-
vreté au milieu môme de l'abondance et des
délices de la cour. Lactance témoigne quel-
quefois lui-même qu'il était dans l'extrême
nécessité. Ainsi sa bouche parle de l'abon-
dance de son cœur, lorsqu'il rend à la pau-
vreté évangélique les témoignagnes si glo-
rieux que nous lisons dans ses ouvrages, et
lorsqu'il avertit Démétrien, son disciple, de
mépriser et d'abandonner, s'il pouvait, toute
la prospérité du siècle pour ne pas tomber
dans ses pièges, d'autant plus dangereux
qu'ils sont plus doux. Mais, ni les incommo-
dités de la pauvreté, ni les occupations qu'il
pouvait avoir d'ailleurs, ne l'erupèchèrent
pas de consacrer tout son esprit et toute son
éloquence à l'éclaircissement de la vérité di-
vine, et à la réfutation des vaines subtilités
des philosophes de son temps ; et il espérait
le pouvoir faire, non par ses propres Ibrces,
mais jiar celles qu'il attendait de Dieu. Il
croyait (ju'il lui serait au moins i)lus glorieux
de succomber sous le poids d'une si haute
entreiirise, <pie de manquer de /èle pour la
défense de sa religion; et il était persuadé
que son travail et sa vie ne pouvaient avoir
un meilleur objet (jue de retirer (piehjues
per.'sonnes de l'erreur et de les conduire au
chemin du ciel.
\'oila tout ce que nous trouvons pour
riiisloire de ce défenseur de la loi chré-
tienne, laissant h de pins habiles le soin dii
l'eririclnr jtar les excellentes maximes «;l les
sentiments de piété (jui se lfonv(Mil répan-
dus dans ses ouvrages. Nous allons maint<j-
LAC 1448
nant faire le dénombrement de ses écrits»
suivant, autant que nous pourrons, l'ordre
des temps.
11 semble que le premier soit son Sympo-
sion ou Banquet, qu'il écrivit, comme nous
avons dit, étant encore tout jeune. Ayant été
appelé d'Afrique à Nicomédie, il écrivit son
voyage en vers hexamètres. On peut encore
rapporter au môme temps un livre qu'il
composa sous le titre de Grammairien. Nous
n'avons aucun de ces ouvrages. Il y en a qui
croient que le poëme du Phœnix, qui est
parmi ses œuvres, et qui ne peut être que
d'un païen, est une des premières i)ro(luc-
tions de sa jeunesse. Néanmoins saint Jé-
rôme n'en parle point : et après tout, cette
pièce n'est pas fort digne de l'éloquence et
de la réputation de Lactance.
Le livre intitulé De Vouvrage de Dieu, ou
De la formation de Vhomme, que nous avons
encore, est fait pour .prouver que l'homme a
été créé de Dieu, et établir sur ce principe la
foi de la Providence. 11 a été écrit peu de
temps avant les livres des Institutions où il
est cité. Il semble môme que ce soit le pre-
mier fruit de la piété de son auteur, autant
que l'on en peut juger par les protestations
qu'il y fait de consacrer désormais son temps
et sa plume à la défense de la vérité. Et en
etîet, H semble que la persécution de Dioclé-
tien n'était pas encore passée. Il le dédie à
Démétrien, son disciple, à qui il parle comme
h un chrétien, qui était néanmoins, ce sem-
ble, dans les emplois civils, hors des pays
où la persécution durait encore.
Les Institutions divines, qui est le grand
ouvrage de Lactance, suivirent d'assez près
le livre De la formation de Vhomme, divisées
par lui-même en sept livres, comme nous les
avons encore aujourd'hui ; et nous en avons
aussi un abrégé composé par l'auteur, dont
le commencement était perdu dès le temps
de saint Jérôme. Lactance même cite cet ou-
vrage sous le titre d'Institutions divines. Le
nom d'Institutions se donne oïdinairemcnt
par les Latins aux ouvrages ciui sont pour
former une personne dans quelque science :
de sorte que nous le pourrions traduire par
celui ûlnstructions, s'il n'était ordinaire de
laisser aux livres ces sortes de titres sous
lesquels ils sont plus connus.
Cliacun de ces sent livres des Institutions
a son titre iiarliculier, ([ui manpio de quoi
il traite. L'ouvrage entier est fait pour exé-
cuter le dessein (jue Lactance avait pris, dès
l'an 303, de répondre ci tous ceux qui au-
raient écrit contre le religion chrétienne, et
de réfuter non-seulement tout ce qu'on avait
dit, mais encore tout ce qui pouvait se dire
contre l'Eglise. En ell'el, il y combat avec
une extrême force la vanité du |)aganisme, et
il y détruit avec une facilité merveilleuso
toutes les illusions (le l'idolAtrie. Aussi, saint
Jérôme l<' relève comme un ouvrage excel-
lent, et les plus habiles des derniers siècles
en ont témoigné uin> estime extraordinaire.
On peut assurer au moins cpu» peisonne n'a
défendu l'I'lglise et couil.atlii l'idolAlrie avec
un style i)lus beau et )>lus éloquent.
14 10 lAC
Col onvrngo, on Tt'lat quo nous l'avons au-
iounl'liui, no paraît i)as avoir 6lé lait avant
l'an ."121. C'ost |)Our(|uoi, il ne faut pas s6-
tonnor si Lactanoo l'adrosso <^ Constantin
th^jh (k'u'larô pour la religion chrétionno. 11
paraît (pio Laotanco vivait alors dans les ter-
res (1«! ce prince, hors de la Bitliynio, ol do
tous les antres pays où Lieinius i)orso('utait
enooro les chrtUiens. Ainsi l'on pont juger
quo c'est un l'ruit iin lonips (pi'il passa dans
les (îanlcs anpr(''S iW Crispe. IMais on ci'oit
((u'il avait |)aru auparavant on Orient, vers
J'an 313, aussitôt anrès la (in de la i)orso('U-
tion, ot i)eu après l'ouvrage De la formation
de I homme.
Saint Jérôme nous assure que Lactance a fait
un livre de la Persécution. C'ost tout ce qu(«
nous on avons su jusqu'à l'an 1G79, quo Ba-
luzo nous l'a donné sur un manuscrit ancien
d'environ 800 ans : ot dos protestants anglais
foit habiles se sont liAtés do lo faire aussitôt
réimprimer, comme une pièce très-authonli-
quo et très-importante. Nous no croyons pas
en ellet (jue personne puisse douter que ce
ne soit \ni véritable ouvrage de Lactance, et
nous y apprenons beaucoup do particulari-
tés considérables pour l'histoire ecclésiasti-
que et profane, que nous ignorions entière-
mont, ou dont nous n'avions qu'une connais-
sance moins exacte.
Lactance n'entreprend pas d'y faire l'iiis-
toiro de la persécution, mais son principal
dessein n'est que de faire adorer la justice
divine dans la punition et la mort de Dio-
clétien, et des autres princes qui avaient été
auteurs de la i)orsécution. C'est pourquoi
son livre est intitulé, dans le manuscrit dont
on l'a tiré : De la mort des persécuteurs. Il a
eu i)our que de si grandes choses ne fussent
oubliées par les hommes, et que ceux qui
voudraient écrire l'histoire n'altérassent la
véiité en omettant ce que ces princes avaient
fait contre Dieu, ou ce que Dieu avait fait
pour les punir. Il proteste qu'il n'a rien
ajouté à la vérité, et qu'il n'a rien mis dont
ceux qui ont su la vérité des choses ne lui
rendent témoignage. En elTet, il no dit guère
que les choses dont il peut avoir été témoin
oculaire, étant demeuré àNicomédie, comme
nous avons dit, durant tout le temps de la
persécution. Il semble par le commence-
ment de cet ouvrage qu'il l'ait fait aussitôt
que Dieu eut rendu la paix à l'Eglise. Néan-
moins, il le conduit jusqu'à la mort funeste
de la femme et de la fille de Dioclétien,
quinze mois au moins après la mort de Ma-
ximien, c'est-à-dire au plus tôt à la fin de 314.
Il y parle toujours assez avantageusement de
Lieinius, d'où l'on infère que ce prince ne
commençait point encore alors à |)ersécuter
les chrétiens. Il marque néanmoins diver-
ses exécutions qu'il avait faites, où il paraît
plus de cruauté que de justice. Il dit même
qu'on le craignait comme cruel, et il avait
déjà eu guerre contre Constantin, à la fin de
314.
Baluze croit que Lactance fit cet écrit
lorsqu'il était encore en Bithynie, parce qu'il
l'adresse à un confesseur de ces pays-là,
DlCTIO>N. DES PEnSÉCUTIONS. I.
LAC
MU)
nommé Douât, (jui sortit do prison au mois
de mai 311, a|)rès y avoir domouré six ans.
Ainsi, il y avait été iiiis on 305 ou 30G. Il y
avait éprouvé tout (;(• que la |)orsécution
avait (!u do plus terrible, les fouets, les on-
gles, le fer, le feu, toutes sortes de tour-
monts, premièrement sous Flaccin, jiréfetdu
Prétoire, puis sous Hiéroclo, gouverneur de
la Hithynie, l'un des plus grands onnomis
qu'eiU alors l'Eglise, et enfin sous Priscilli(!M
son suc(;esseur. Il avait été appliqué neuf
fois à dillorentes questions et avait triomphé
neuf fois, par la grandeur do sa foi, de tout
ce quo les hommes ot les démons avaient do
force el do malice. Enfin le diable si souvent
vaincu, n'osant plus l'attaquer, et ne voulant
pas qu'il romportAt la couronne du martyre
par la mort à la(iu( lie il était tout prépaie,
se contenta de lo faire retcnirsix ans en pri-
son jusqu'à ce que Dieu l'en tira par l'édit
qu'il contraignit Maximien Galère de pu-
blier en 311, pour faire cesser la persécution
dont il avait été lui-mèrnerauteur. Lactance
attribue la paix de l'Eglise aux prières que
ce confesseur répandait tous les jours et à
toute heure en la présence de Dieu, avec les
autres confesseurs qui s'étaient aussi acquis
par les mérites de leur foi une couronne
éternelle; et en finissant son livre,, il le
prie, comme un homme digne d'être écouté
de Dieu, de lui demander qu'il conserve à
son E ,lise la paix qu'il lui avait donnée. 11
l'assure aussi que Dieu lui réserve tout en-
tière la couronne du martyre dans le ciel,
quoique les persécuteurs eussent eu honte
de le condamner à la mort. Le nom de Do-
nat est si commun entre les saints, qu'il est
difiîcile de discerner si celui-ci est un de
ceux c^ue l'Eglise honore. Baluze veut que
ce soit le môme Donat à qui Lactance adressa
son ouvrage De la colère de Dieu. Ce livre, en
effet, est postérieur à celui des Institutions,
et par conséquent à la persécution de Dio-
clétien, niais Lactance n'y parle point à ce
Donat comme à un il ustrè confesseur. Il lui
parle même comme à un disciple, qui avait
be>oin d'être instruit et fortifié, pour n'être
pas trompé par l'autorité des sages du
monde.
Lactance avait promis, dans ses Institu-
tions, de faire un traité exprès pour montrer
que Dieu n'est pas moins juste que patient,
qu'il a une colère et une justice pour punir
les péchés des hommes, et qu'on ne le peut
nier sans ruiner absolument la vérité et la
religion. C'est ce qu'il a fait dans le livre De
la colère de Dieu, dont nous parlons et que
nous avons encore. Saint Jérôme le relève
comme un très-bel ouvrage, écrit avec au-
tant de science que d'éloquence, et qui peut
seul sufïire pour sa matière. Lactance y cite
ses livres des Institutions. Il témoigne, dans
l'un et dans l'autre ouvrage, qu'il avait des-
sein d'écrire contre toutes les hérésies. Mais
il semble qu'il ait été prévenu par la mort,
puisque saint Jérôme ne parle point de cet
ouvrage, qui n'eût pu manquer d'être fort
célèbre.
Dans le livre De Vouvrage de Dieu, il dit
4G
i45l
L.\C
LAC
1452
qu'il est résolu d'employer tout son temps
et tous ses etlbrts à traiter ce qui regarde la
vie bienheureuse, et cela co-itre les philoso-
phes qui prumeltent d'éiablir la vérité, mais
sans la connaître, et qui la combattent ;nu<[
d'îula-it plus dangereusement que leurs
discours éloquents et leurs laisonnemenls
subtils les rendent plus propres à tromper
les autres. Il dit qu'il les veut réfuter, et par
les lumières de la religion chrétienne, et par
les seniimonts contraires dont ils se combat-
tent les uns bs autres. Nous n'avons pas
d'ouvrage dont le titre réponde à cetlt> |)i'0-
Diesse ; mais on croit que c'est ce (ju'il fait
dans tout le corps de ses Instilutions , et
priicipalement dans le dernier livie.
Saint Jérôme lui attribue deux livres à
Asclépiade, que nous n'avons plus. Lactarice
moine dit qu'Asclépiade, son ami, lui avait
dédié un écrit oi!i il traitait de la [)rovid nce
du souveiain D eu, et dont il rap[)orie un
pssage. Nous n'eu savons r en dav;ui!age.
Balaze nous a d.mné un passage sur le
dernier jugeaient, qu'il croit être de Lac-
tan. e, parce qu'd l'a trouvé dans un marms-
cri , en ire si s lnslitution& et so i livre De la
colère de Dieu. Il est bien écrit.
Pour les poésies attribuées à Lactance ,
nous avons déjà par-lé de celle du Fliœnix.
Celle oui e^t sui' la Pàque, et dont on chante
encore une partie dans ({uniques églises, est
aussi parmi les œuv.-es de Fortunat, et les
manuscrits les lui attribuent. Le poème de
la Fassioii est fnrt beau et [)0urrait être attri-
bué à Lactance, s'il y avait quel(}ue appa-
rence que l'on mît dès ce teQq)s-lh un cruci-
fix au milieu des églises, comme nous fai-
sons aujfturd'hui. On ne le li'ouve dans
aucun manuscrit de ses ouvrages. On a en-
core sous son nom des Notes sur Stace et
autres choses semblables, que Du Pin dit
être d'un Lactance Placide, grannriairien.
Lactance ne composa pas seulement di-
vers ouvrages en vers et en prose, mais il
écrivit aussi quantité de lettres. Saint Jérôme
en ('ompte huit livres, dont il y en avait qua-
tre adressés à Probe, deux à Sévère et deux
à Démétrien, son disciple. Ces lettres étaient
quelquefois fort long les, mais d y en avait
peu qui traitassent des matières de notre
foi : la plupart pai'Iaient de mesures, de la
situation des [)ays, de ({uestioiis philosophi-
ques, et n'étaient propres qu'à des avocats
ou à des gens dut lettres. Ce fut ce qui en
dégoûta le pape Damase, à (pii saint Jérôme
les avait données à lire. Peut-être que Lac-
tance en avait composé uncj grande partie
avant sa conversion, et lorsqu'il enseignait
la rhétorique , ce ((ui l'obligeait de tiaitin-
C(;s sortes de (paestions. (jalla'us ivippoite
3u'il se trouvait, il n'y a pas longli'iiips,
eux livres manuscrits des épîtres du L.u;-
tance dans un couvcnit d'Kgmond o\t Hol-
iarid;', niais (pi'ils oit été perdus. Le jug<'-
iHOnl qu'fin l'ait Damase doit nous consrdcr
de celle, i)erte.
Pour CM (|iii regarde les ouvrages de Lac-
tJui':e. en j^énéral , nous avons déjà parlé do
l'esliine qu'on en fnisail pour l'éloipienco.
Saint lïérôme dit que ses Inati tut ions, avec
ses deux livres De la Formation de Vhomme
et De la coh're de Dieu, sont l'abrégé des
Dialogues de Cicéron. 11 dit autie part qu'il
n'a pas eu autant de bonheur à prouver les
vérités chrétiennes, que de facilté à détruire
le mensonge et l'impiété. Saint Sidoine lui
attribue le don de réfuter, et à saint Augus-
tin celui de prouver et d'établir. Quoiqu'on
y trouve partout d'excellentes choses pour le
dogme et la piété, on y rencontre aussi des
fautes que d'autres se sont donné la peine
de ramasser. Ce n'e>-t pas ici le lieu d'exa-
miner s'ils ne se sont point trompés quel-
quefois eux-mêmes. SaiiU Jérôme remarque
l)articulièremcnt qu'il ne reconnaissait point
la personne du Saint-Esprit, laquelle il disait
devoir êlic rapportée au Père ou au Fils.
Cette opinion dé'testable et judaïque se trou-
vait, dit-il, en divers entlroits drs livr(;S de
Lactance, et principalement dans le viu* livre
de s(;s épîties, adressé à D:'métrien. On ne la
trouve point dans ce (ju nous reste aujour-
d'hui de ses écrits, et quel jues-uns cro eut
même que saint Jérôme a pu ne pas bien
entendre soi sentiment sur ce point. Le
même Père n'onl)lie pas aussi d'y rC; Tendre
roi)inion des millénaires, dont Lactance [.arle
aussi amplement qu'aucun autre.
Pelage en avait tiré, sans le nommer néan-
moins, quelques passages q i semblent ad-
meitre en Jésjs-Clirist un combat contre les
vices et contre les dés rs de la concuiiis-
.cence. Saint xVugustin, en répon iant à Pelage,
sans savoir de (jui étaient ces passages, a
p ine à y trouv r un bon sens, et notre des-
sein ne nous permet pas de nous arrêter à y
en cherclier. Il y en a (jui croient que ses
ouvrages ont été alt.''rés [)ar des héréli(|ues,
et qu'a.^'ès tout ce n'est pas un auteur qu'on
puisse alléguer sur des matières cor.testées,
parce (ju'il paraît avoir été plus orateur que
théologie n, avoir été peu instruit de la doc-
trine de l'Eglise, et avoir traité la théologie
d'une manière trop philosophi(jue.On trouve
qu'il avait bien lu '['erti'illien, et qu'il le suit
assez souvent. Les fautes et les erreurs
qu'on rencontre dans ses ouvrages les ont
fait mettre au lang des a|)0cryphes par le
concile de Rome, sous (iélase; néanmoins
elles ne doivent pas nous empêcher de les
lire, comme nous en assure saint Jérôme,
pour proliter de t-uit de vérités saintes, qui
y sont déveloj)pées d'une manière claire,
vive, graiiile, iij,réable et éloquente. (Tille-
mont, t. VI, p. -io.'L)
LADISLAS DE HONCUIE (le bienheureux),
fi'a iciscaiii, ."-oulVrit le martyre dans la capi-
tale' des Hulgares, avec quatre autres bien-
heureux d(ï son ordre, nommés Nicolas de
Hongrie, (Jrégoire de Trau en Dalmalie,
Antoine de Saxe et Thomas de Fobgiio.
Bussarath, prince schisniaiiipie, ipii régnait
nu delà du Danulie, surprit la ville, ùélaient
nos sainis, aidé par les si h smatiques (|ui
riialiitaienl. L'un de ces m.iityrs fui massa-
cré dans l(î pre.iii •!' tumulte, et les (|ualro
autres l'iir. lit décapités sur le bord du lleuve
lo l'A février Util). L'en iiuil du rivage où.
1453
LAC
t.AC
u:
gîoaiont les corps (Jes martyrs fut illmniné
d'une clarU^ s|)lovli(le. On y enîendil uno
musique qui semblait provenir des ( licL'uts
c.'lesifs. Oii;mi(1 ou raconta res pn)(li;j;es à
hassaratli, il se rendit iniinédiatenient sur
les lieux. Mais (|uoi (ju'il |)iU l'aire, son clie-
\al u'()l)L^issaiil ni aux eoups ni «\ l'éperon,
refusa d'ap rocher descorps des saints. Alors
descendant de rlieval, il voulut s"approclier ;
mais une terrible a[)paritioM lui barra le elie-
niin ; il l'ut obligé de se retirer, l'épouvante
dans le cœur. Les moines du rile yrec, qui
craijj;naient iju'on rendit les liouneuis ac-
coutumés parmi les catholiques aux reliques
des saints, amenèrent des chiens pour lés
dévoi'cr. 0i'3i>'l ^'<^s animaux voulurent ac-
complir celte horiible curée , la main de
celui (|ui commande à toutes choses ici-bas,
les frappant d'une fa(jon invisible pour les
spectateui's, les ibrca de fuir en jetant des
hurlements é()ouvantables. L'un d'eux, ayant
luordu uu de Ces corps sacrés, parut aussitôt
la gueule en feu aux yeux des spectateurs
rem; lis d'épouvante. Ce fut alors que Dieu,
Diettant le comble à ces })rodiges, lit sortir
le fleuve de son lit; ses vaj^ues vinrent sou-
lever sur la rive les corps que tant de mira-
cles avaient gloriliés et les placèrent dans
des cercue Is qu'a|)portôrentdes anges. Quand
cet ensevelissement miraculeux fut terminé,
le fleuve s'ouviit f)Our donner aux martyrs
une sépulture non moins miracuhîuse au
sein de ses Ilots. Les vénérables reliques n'ont
pas été retrouvées Voilà ce que raconte
Wadding, et, d'après lui, Henrion. Nous
aimons à croire que des faits de cette nature
ont été étayés de preuves sudisantes pour
que des auteurs recomiuandables en aient
accepté la i-esponsabilité.
LOECUMÉNIOUE (saint), n'est pas porté au
Martyrologe : c'est à tort. C'était un homme
de profond mérite. Il était principal b blio-
thécaire à Constantinople, et pieviail soin,
avec douze sous-bibliolhécaire?, des trente
mille volumes que peu ."i peu les empereurs
avaient amassés. A celte époque, où les
volumes étaient la plupart eu rouleau, sur-
tout les anciens, trente mille volumes pre-
naient beaucouf) plus d'espa. e qu'aujour-
d'hui et demandaient beaucoup plos de soin.
Il n'est donc pas étonnant de voir treize
hommes occupés à celt" bibliothèque. D'un
autre côté ils faisaient tous des couis pujjlii.s
et gratuits , concernant la religion ei les
sciences profanes. Léon Tlsaurien, qui n'ai-
mait ni les siences ni ceux qui h s culti-
vaient, tit d'abord son possible i our gagner
les saints bibliothécaires à son opinion tou-
chant le culte des images. N'ayant pu y
réussir, il fit entouter la bibliothèque de
fascines et la brûla, avec tous ceux qui
étaient employés dedans.
LAFORtjE (Hemuette), religieuse du
Saint-Sacremenr à Bolèue, fut jiuiliotinée à
Orange le 13 juillet 179-V, avec Anastasie de
Rocard, supérieure des Ursulines de Bolène ;
Marie-Anne Lambert, converse au même cou-
vent; la sœur sainte Françoise, converse chez
ks Ursulines à Carpentras j Elisabeth Vor-
chière, Alexis Mincette, religieuses du Saint-
Sacrement de Holène.
LACE (Mabik), ursuline ?i Bolène, fut guil-
lotinée h Orange le Ki juillet 1704, avec les
steuis Ju'slamon. ursuline converse à J'erne*
(laidon et MaiieDecqui, religieuses du Saint-
Sncr(nnenl à Bolène; Jearnie Uoussillon et
Madeleine Dorothée de Justamon, duuième
ordre.
LAINEZ (François), de la compagnie de
Jésus, faisait partie des missionnan-es du
royaume de Maduré. Nous le laisserons
paihîr lui-même dans uu(! lettre qu'il écri-
vait en 1G93, à propos du marlyiedu P. Jeaa
de Brito : « Voilà, mes révérends Pères,
quelle a été la glorieuse fin de not/e cher
confrère, le révérend Père Jean de Brito ;
il sou[iirail depuis long(ern[)S a[irès cet heu-
reux terme, il y est entiti arrivé. Comme
c'est dans les mêmes vues que lui que nous
avons quitté rEuro])e et que nous sommes
venus aux Indes, nous espérons avoir un
jour le môme bonheur que ce serviteur de
Dieu. Plaise à la miséricorde iiilinie de Notre-
Seigneur Jésus-Christ de nous en faire la
grâce, et que de notre coté nous n'y met-
tions aucun obstacle. La chrétienté de Ma-
ravas se trouve dans une grande désolation
par la perle de son saint pasteur ; joignez
donc, je vous conjure, vos |>iières aux nô-
tres, afin que le sang de son premier martyr
ne lui soit pas inutile, et qu'elle letrouve,
par les intercessions de ce nouveau fin^tec-
leur, d'autres Pères aussi puissants que lui
en œuvres et en piuoles, qui soutiennent et
qui achèvent ce qu'il a si glorieusement
commencé. Le prince de Maravas, nouvel-
lement monté sur le trône, était fort attaché
à ses fauses divinités. Les brames , qui
s'étaient emparés de son espr.t, lui repré-
sentèrent qu'il était assez inutile de relever
leurs temples ahallus, s'il Le délrtasait celui
du Di u des chrétiens, qui faisait déserter
tous les autres. Ils jtroOlèrent d'un accieent
arrivé à un seigneur chrétien, fort puissant
à la cour, et |)reinier secrétaire d'Etal, pour
aliéner tout à fait le prince de notre sainte
rehgion.
« Ce seigneur, qui portait de l'argent à une
petite armée qu'on avait levée pour donner
la chasse aux vokurs, s'était cigagi'» témé-
rairement dans les bois a\ec une trop petite
escorte; il y fut attaqué par uie trouve de
ces voleurs, qui le dépouillèrent, lui enlevè-
rent l'argent et lui donnèrent plusieurs coups
de poignard. On le porta tout ensanglanté
dans sa maison où je me rendis au plus vite,
et où je n'eus que le temps de le confesser
avant sa mort. Les brames et les autres en-
nemis de la religion dirent sur cela au
prince, que j'avais eu recours à mille sorti-
lèges pour conserver la vie à cet otîicier de
sa cour; mais que, par ces sor.iléges-là
mêmes, j'avais avancé sa mort ; que s'il eût
été permis aux brames de faire leurs prières
et leurs sacrifices, l'Etat n'aurait pas perdu
un ministre si tidèle. Le prince, infiniment
sensible à cette [jerte, avait une disposition
naluielle à croire ces imposteurs j lï donna
m
LAI
LâÏ
i4B0
ordre qiio le lendemain, dès la pointe du
jour, 011 s'assurât de ma personne et de mes
catéchistes, qu'on pillât et brùlAt mon église,
qu'on m'emprisonnât, qifon fouettât mes
catéchistes et qu'où les mît à la torture : il
défendit néanmoins qu'on me maltraitât, se
faisant scrupule de violer la parole qu'il
m'avait précédemment donnée de me mettre
sous sa protection. A la nouvelle de ces
odieuses vexations, les néophytes me pres-
sèrent de me retirer; je ne crus pas devoir
céder à leur conseil; je fis appeler vingt-cinq
catéchumènes qui se dis|)osaient depuis
longtemps à recevoir le baptême. Après les
avoir entretenus , je les remis entre les
mains des catéchistes, afin qu'ils continuas-
sent à les préparer, tandis que je réciterais
mon ofTice.
« A peine avais-je ouvert mon bréviaire,
qu'un brame, un capitaine et une troupe de
soldats parurent dans la cour de l'église; ils
venaient, disaient-ils, p )ur me conduire au
palais, où le prince voulait m'entretenir.
Nous avons coutume de porter les ornements
d'autel dans des paniers assez propres, faits
en forme de coffres et couverts d'une peau
de daim ou de tigre; je m'en saisis aussitôt
et je déclarai aux envoyés du prince que,
leur abandonnant tout le reste, je ne permet-
trais à personne de toucher aux meubles qui
servaient aux sacrifices que je faisais chaque
jour au Dieu vivant; que mes catéchistes
môme n'y pouvaient pas mettre la main;
qu'ils se gardassent bien d'y toucher, s'ils
ne voulaient éprouver la malédiclion que je
lancerais sur-le-champ de la [)art du vrai
Dieu, auquel ces meubles étaient spéciale-
ment consacrés. Ces paroles, proférées d'un
ton ferme, les intimidèrent, car il n'y a rien
que les Indiens appréiiendent davantage que
les malédictions des gouroux (docteurs spiri-
tuels). « A la bonne heure, me répondirent-
ils, mais ouvrez-nous ce pugei pclti (c"(^st-
à-dire ce '-offre du sacrifice), et montrez-nous
ce qui y est renfermé, afin (jue nous en
puissions faire le ra|)|)ort au prince. » J'ou-
vris le coffre et je leur montrai charjue pièce,
l'une après l'autre. Leur aviditi'; ne iut guère
irritée : la chasuble et le devant d'autel
étaient d'une soie de la Chine fort commune ;
le calice et le ciboire auraicnit [)u les frapper,
parce que la cou[)e en éta l de vcrnuiil doré
et le reste de cuivre doré; mais je les tins
enVîT-Ioppés par respect, et je ne Icui- montrai
que le dessous du pied, rpii n'était pas doré ,
de sorte (pi'jls n'en firent pas grand cas. Les
ctiréticns avaient eu soin de retii-er de l'église
une fort belle image de la sa nte Viergn et
quelques oriKMnen s de peu de valeur. Kniin
les soldats priient les pelil(;s |)i-ov.sioris de
riz et de légumes, avec; les pots et les autres
ustensd(;s (}u'iis troiivcrtMit dans ma cabane;
ils enlevèrent pareillinneni deux charges de
riz, (|u'uji i'i'rvent chrétien avait mis \\ la
porte de l'église pour être distribuées aux
jt.iuvre.s ; après quoi ils m'ordoiMièrent de
les suivre, A peiiK; eûmes-nous fait ipjel-
ques pas, qu<! je songeais à prend k; le chemin
tre la capitale ainsi (pi'ils me l'avaient dit;
mais ils m'en empêchèrent, en me montrant
leur ordre, qui portait de me mettre en prison
à une lieue de l'église ; c'était le môme endroit
où le vénérable Père de Brito, dont la mort
glorieuse vous est assez conn;:e, fut con-
duit il y a environ vingt-trois ans ; ce souve-
nir me remplit de joie, dans l'espérance du
môme bonheur. Comme ils voulurent me
renfermer dans un temple d'idoles, bâti de
briques et assez vaste, je leur répondis qu'ils
me mettraient plutôt en pièces que de m'y
faire enter, et que s'ils m'y entraînaient par
force, je renverserais toutes leurs idoles.
Cette réponse les fit changer de dessein et
ils me mirent dans un réduit fort humide,
qui n'était couvert que de padle et qui n'était
fermé que par un retranchement. Incontinent
après, ils mirent les fers aux pieds de mes
deux catéchistes, et ils firent venir plus de
deux cents soldats pour nous garder, dans
l'appréhension où ils étaient que les chré-
tiens ne nous enlevassent. Je me présentai
aux soldats pour participer aux fers de mes
catéchistes, et je leur dis pour les y engager
qu'étant leur chef et leur maître, cet hon-
neur m'était dû préférablement à eux ; ils
me répondirent qu'ils avaient défense de
mettre la main sur moi.
Le lendemain, ils préparèrent plusieurs
poignées de branches de tamariniers, qui
sont aussi pliantes que l'osier , mais qui,
étant semées de nœuds, causent beaucoup
plus de douleurs , et ils conduisirent les
deux catéchistes sur la j)lace publi(jue ;
ils les dépouillèrent tout nus, ne leur lais-
sant qu'un simple linge qui leur entourait
le milieu du corps. Deux soldats déchargè-
rent de grands coups sur le plus âgé, qui
relevait d'une longue et dangereuse mala-
die : la force de son esprit sup[)léaà la fai-
blesse de son corps; il supporta ce tourment
avec une constance invincible, prononçant
h haute voix les noms sacrés de Jésus e*t de
Marie ; et [)lus les idolâtres, qui étaient ac-
courus en foule <i ce spectacle, lui criaient
d'invoquer le nom de leur dieu Chiven, plus
il élevait la voix pour invoipier celui de
Jésus-Christ. Les bourreaux s'étant lassés
sur cette victime, deux autres prirent leur
place et exercèrent la môme crnaulé sur le
second catéchiste, dont la fermeté et la pa-
tience; furent également admirables. Après
ce jtremier acte d'inhumanité, on leur fit
suulfrir une question très-douloureuse; les
bourreaux hmr mirent enli'e les doigts de
cha(iu(; main des morceaux d(î bois inégaux
et ils leur serrèrent ensuite les doigts Itès-
élroitement avec des cordes; poui- rendre la
douhiur encoi'e })Ius vive, ils l(>s forcèrent
de metln; leurs mains ainsi seri'ées sous
la plante de leurs j)ieds, (pie les bourreaux
pressaient encrjre avec les leurs di! toutes
leurs forces. Quand je vis ces généreux con-
fesseurs entrer dans la prison, je courus au-
devant d'eux, je les embrassai tendrenieni,
leiM' baisai ensuite les pieds (>t les félicitai
d'avoir été trouvés dignes de souffrir pour lo
nom de Jésus-Chi'ist.
« C<'pendanl le brame écrivit au prince,
1457 LAI
jiour lui rendre roiiiple de tout ce qui séUxli
passé. Le princ l'ut sui-j-ris de ei; (pi'ou avait
trouvé si peu de chose dans mon église; on
lui avait rapporté qu'on y avait vu, le jour
d'une fête, un dais superbe, qui valait plus
de niilic pagodes, c'esl-iVdire plus di; cinq
cenis pistoles : cédais n'était pourtant (|uu
de toile peinte, ornée de divers festons de
pièces de soie de la Chine. 11 se douta que
l'avais rei^u (iuclqu'avis,etsonsou|)ron tomba
sur le gouverneur de sa capitale, (jui est
chrétien. Le |)rin(;e envoya un nouvel ordre
flu bianie [)ar lequel il lui conunandait de
tourmenter de nouveau mes deux catéchis-
tes et de les tenailler; de brûler mon église,
d'envoyer partout des soldats pour saisir
les autres catéchistes et [lour leur faire
souffrir les ménies suj)[)lices. L'oidre portait
aussi de me resscirerplus élroitement que ja-
mais, sans [)0urtant user de violence à mon
égai'd: le malheur arrivé à son prédécesseur
q ui avait fait mourir le P. de Brito, lui faisait a[)-
})r*''lieniler un sort semblable, ei c'est runicpic
raison (jui le porta à cette sorte de ménage-
ment. 11 me lit dire que le premier ministre
du prince devant arriver de l'armée sous
peu de jours, il allait suspendre jusi|ue-là
l'exécution des ordres qu'il avait donnés.
Le piemier ministre arriva en ellet, et je lis
solliciter une audience. Il m'envoya deux de
ses principaux ofliciers pour me dire qu'il
ne voulait pas jne parler, de crainte que le
prince ne s'imaginât que je l'avais gagné par
quelque somme d'argent; mais qu'il permet-
tait âmes catéchistes de paraître en sa pré-
sence : il ordonna sur-le-champ qu'on leur
ôtàt les fers et qu'on les lui amenât. D'abord
il leur marqua le déplaisir qu'il avait des
tourments et des atlVonts qu'on leur avait
fait souU". ir . « Mais, ajouta-t-il, le prince
n'a-t-il pas raison de vous punir pour avoir
embrassé une loi si contraire à celle du pays
et pour aider un étranger à la prêcher et à
pervertir les peuples? Vous êtes de la même
caste que moi : pourquoi la déshonorez-vous
en suivant un inconnu? Quel honneur et
quel avantage trouvez-vous dans cette loi ?
— Nous y trouvons, répondirent les caté-
chistes, le chemin assuré du ciel et de la fé-
licité éternelle. — Bon I ré liqua-t-il en
riant, quelle autre félicité y a-t-il que celle
de ce monde? Pour moi, je n'en connais
point d'autre; votre gourou vous abuse. —
Nous le saurons un jour vous et nous, ré-
pondirent les catéchistes, quand nous se-
rons dans l'autre monde. — Hél quel monde
y a-t-il, leur demanda le ministre ? - IJ y
a, répliquèrent-ils, le ciel et l'enfer; celui-ci
pour les méchants, celui-là pour les bons. »
Comme ils voulaient lui expliquer leur foi
plus en détail, cetinlidèle les interrompit en
leur disant qu'il n'avait pas le loisir d'entrer
dans un long discours; mais que s'ils pou-
vaient don, er caution, il leur permettrait de
le suivre à la cour, où il tâcherait d'apaiser
la colère du prince. Un chrétien, capitaine
d'une compagnie de soldats, s'olfrit aussitôt
à être leur caution, et ils furent mis en li-
berté. Ce ministre me fit dire qu'il s'oppo-
LAI
1458
serait à la ruine <l<' mon église, pourvu que
je promisse (luclqucs milliers d'écus que je
pouv.'.is tirer aisément d'un grand nomme de
disciples cjue j'avais dans le royaume. Je ré-
pon:ns h ceux qui me lirenl cette proposi
tion de sa part, qu'ils pouvaient dire h leur
maître et au piince même, <iue je n'avais ap-
porté dans le Maravas la loi de Jésus-
Christ {jue pour la leur annoncer, et ma
tête pour la donner, s'il était nécessaire, en
témoignage de la vérité de celte loi ; qu'ils
n'avaient qu'à choisir l'une ou l'autre, mais
que je ne permettrais jamais que mes disci-
ples rachetassent i)ar argent ma liberté ni
ma vie. « Qu'il sache que je m'estime plus
heureux dans ma prison que dans mon
église et dans son palais. » Cette réponse
étant portée au ministre, il ne dit autre chose,
sinon : « Hé ! que fera le prince du ci âne
d'un étranger? c'est de l'argent qu'il de-
mande : si l'on ne promet rien je ne réponds
tie rien. » 11 partit ensuite pour la cour et il
permit à mes deux catéchistes d'aller voir
leur famille avant que de venir l'y trouver.
Les deux catéchistes allèrent en effet dans
leur maison où ils avaient chacun leur mère.
Celle de Xaveri Moutton, c'est le nom du
plus ancien catéchiste, était fort âgée, et il
s'attendait à la trouver toute désolée, mais
il fut bien surplis quand il la vit se jeter à
son cou avec un visage épanoui et lui dire
en l'embrassant: « C'est à présentque jevous
reconnais véritablement pour mon fils. Quel
bonheur pour moi d'avoir enfanté et nourri
un confesseur de Jésus-Christ ! Mais, mon
cher hls, c'e.>t peu d avoir commencé à don-
ner des preuves de votre constance, il faut
persévérer jusqu'à la tin ; le Seigneur no
vous abandonnera pas si vous lui êtes
fidèle. »
« Sattianaden, c'est ainsi que s'appelle
l'autre catéchiste, fut reçu par sa mère avec
les mêmes transports de joie et les mêmes
sentiments de piété; il était marié et avait
un enfant fort aimable, d'environ trois ans :
cette bonne chrétienne le prit entre ses bras
et le portant au c(ni de son fils : « Mon en-
fant, lui dit-elle, embrasse ton père qui a souf-
fert pour Jésus-Christ; 0.1 nous a enlevé le peu
que nous avions, mais la foi nous tiendra
lieu de tous les biens. » Le prince, qui s'at-
tendait à un riche butin, fit de sanglants re-
proches aux brames de ce qu'ils l'avaient
( ngagé dans une atlaire capable de le dés-
honorer. Cepe.'idant, pour couvrir son ava-
rice sous des dehors de zèle pour ses divi-
nités, il protesta qu'il ne voulait plus soullrir
une loi qui condamnait les dieux, et il or-
donna qu'on fît une recherche exacte de tous
les catéchistes, atin de les punir sévère-
ment. Ayant appris qu'on avait épargné mon
église, il donna un troisième ordre de la ré-
duire en cendres. Une troupe de gentils fut
chargée de cette commission. J'avais fait
écrire au haut du rétable ces paroles en
gros caractères : Sarvcsurenukon stosiram,
qui signifient : Gloire et louanges soient au
souverain Seigneur de toutes choses. » Le
capitaine, qui présidait à la destruction de
1459
LAI
LA M
UGÛ
î'-'ulise, fit d'obord briser cotlc insmption,
cfi.i, dit-il, que îi; nom du Diou doschrÔLiens
fOt tout .^ fait anL'anli : l.-s inateciau\ i'ai'ent
transportas ailleurs et iestiiiés h la cons-
tru'tion d'un leni|ili' d'idoles; le reste de-
vint 1 1 proie des inii lèles. Le prince éîail ré-
solu de livrer tous les ch'-étieiis à deux In-
diens de sa cour, qui oirraient de nietlre
vingt mille écus au trésor, si Ton voulait
leur donner le pouvoir de tourmentera leur
gi é mes néoj)h\tes et de piller leurs maisons.
La cliose était "presque conclue ; mais le |)re-
mier ministre, par un trait de politicjue, sauva
les c'irétiens, afn de se sauver lui-même. Il
cr.ngnit d'être recherché sur l'administration
des finances, et il savait que des oUiciers chré-
tiens avaient en main de quoi le perdre.
Pour leur fermer la bouche et gagner en
même temps leurs bonnes grâces, il entre-
prit de dissuader le prince el de lui montrer
que le dessein qu'il méditait était contraire
à ses véritab es intérêts. Il lui représenta que
pour vingt mille écus qu'il gagnerait, il s'es.-
pcserdit h perdre plus de vingt mille bons su-
jets; qu'il y avait parmi eu\ u i grand nom-
bre de capitaines et de soldats; que se vcjyant
pe.sécutés, ils abandonneraient le pays et
chercheraient un asile da is l'Etat voisin qui
était actuelleme; t en guerre avec le M.tra-
vas ; que cette désertion grossirait l'armée
ennemie et entraînerait peut-être la ruine de
son Etat. C?^s raisons firent impression sur
le prince, il renonça à son premier projet ;
mais il me fit dire, qu'ayant plus de cent
m;lle chrétiens dans le Muavas, (|ui tous
étaient disposés à suivre mes ordres, il me
serait facile d'en tirer vingt mille écus, somme
mo iique dont il se con, enterait. Toute ma
répo !se fi;t qu'il n'appartenait pas h un
étranger comme moi d'imposer une ta\e sur
Ses sujets; que la loi sainieque j'enseignais
prescrivait l'ribéissance et la lidélilé qui sont
duesaux souverains; que je n'avais ni ne vou-
lais avoir aucun droit sur les biens de mes
dis.;iples, el queje ne soufrriraisjamais qu'ils
donnassent une obole |)Our aclietcr ma li-
berté ; qu'au contraire, si je possédais des
richesses je les donnerais volontiers pour ob-
tenir la gi-âce de mourir dans l'étroite pri-
son oiî il m'avait fait enfermer. Enfin, après
plus de deux mois de détention, et lorsque
]e m'y attendais le moins, un officier suivi
de (plaire soldats vint me tirer de ma prison;
il était chargé de me conduire sur la fron-
tière du Maravasel de m'intimer l'ordre de
sortir du royaume el do n'y plus rentrer,
sous peine de la vie. (ioinme cet ofiicier
devait sa fortune h un des prt-miers seigneurs
du palais, (pji était chrétien, il ne m'accom-
[)agiia qu'une deini-lieu(! au sortir de la pri-
son, el il me laissa la liixTlé d'alhT où je vou-
divns. » (LeltrcH édifidrites, j). 'Ml, vol. IV.)
Dans l'an u'e lO.I*.), le I*. Laincz r(>venail
d'un vovage dont le but avait été d'assister
les chiéiiens d'Outremeloiir, lors(iu'on le
soumit h un tourmenl aussi cruel qu lîxliaor-
dinniic. Le 1*. Dolu, de la compagnie de Jé-
sus, dans une lettre datée du V octobre 1700,
adressée nu I'. Le Gobicn, raconte que no-
tre sai'it missionnaire avait obtenu du Durey
(seigiieurj n'Oulremelour la |)eruiission do
construire une egiis(î sur son lerntoire, aux
environs de la célèb.-e Cang houram, dans le
royaume de Carnate. Un gouverneur, solli-
citJ- par quehpies gentils, arrêta le P. Lainez
et lâcha sur lui plusieurs soldats à grande
gueule (c'est leur nom), qui le mordirent si
cruellement que les suites de ces morsures
'incomnifxJèrent long-temps.
LA LANDE (le bi nheureux), missionnaire
français, accompagnait le P. Jogues chez les
Iio [uois. Le 17 octobre lOiO, tous deux fu-
rent tués à coups de hache. Leurs tètes fu-
rent coupées, exposée^ sur la palissade du
village, et on jeta leurs corps dans la ri-
vière.
LALLEMANT (le bienheureux Gabriel),
missionnaire delà compagnie de Jésus, cueil-
lit la j)alme du martyre dans le Nouveau-
Monde, avec le P. Jean de Brébeuf, de la mê-
me compagnie. [Voy. l'article Brébklf, pour
plus de détails.)
LAMBERT (saint), fit martyrisé à Sara-
gosse. Nous ignorons les détails de son mar-
tyre. Il est inscrit au Martyrologe romain le
16 avril.
LAMBERT (saint) , évêque de Maestricht
et martyr, était né d'une illustre famille
dans la ville même de laquelle il fut depuis
nommé i)remier pasleur. Il avait eu le bon-
heur d'avoir des parents non- seulement
chrétiens, mais encore très-fervents. Saint
Théodard, successeur de saint Rema;;le, abbé
de MalmeJy et de Stavelo, avait été promu
à l'évêohé de Maestricht ; ce fut entre ses
mains que les parents de notre saii.t le pla-
cèrent, le chargeant du soin de son éduca-
tion. Ce saint évêque, plein d'affeclion pour
son jeune élève , ne négligea rien (lour for-
mer son esprit et son cœur. En 609, saint
Lambert eut le malheur de perdre son maî-
tre. Tliéodard s'éfanl mis en route pour al-
ler trouver çn Austrasie le roi Childéric II,
afin d'obtenir de lui la restitution des biens
de son église, que des seigneurs puissants
dans le ji.iys avaient accaparés, fut tué par
ces usurpateurs, dans la foi èl de Renaît {Voy
son article). Lambert fut choisi pour succé-
der à son maître. Ce ne fut qu'avec chagrin
et en tremblant qu'il accepta l'épiscopat,
craignant, comme tous les saints, de ne pas
remplir dignement celte fonction, si haute
el si pleine de t)érils. L'Austrasie, comme
nous venons di» le diie, obéissait «i Childé-
ric- II, qui avait Wulfoade |)our maire du pa-
lais. Thierri 111 régnait en Neustrie et en
Bourgogne; Ebroiii av dl pris sous ce prince
la charge de maire du palais; mais le roi et
son ministre se ixnidirenl bientôt si odieux
j)ar leur cruauté el leur tyrannie, (lu'on so
révolta (îonlre eux : ils furent ciiassés ,
Thierri fut (enfermé h Saint-Dcni's. Ebnnn à
Luxeuil. Cliildéric II, ipii d'aliord avait gou-
verné avec beaucoup «Ici sa,j,esse , ne se.
voyant jiliis d'ennemis ^ craindre , devint
lui-même un tyran exécrable, s'abandonnant
à ses liassions ell'iénees, et foulant aux |iied5
tout ce «lui •'•lait saint el sacré.
1461
LA M
I-AM
U'.2
En 673, Bodilon , qu'il avait fait foiiellcr
f>uhli(]ueiruMit , souleva rontie lui la no-
ilossft et l'assassina, 'l'hici ri , sorlaiit dts
SaiMt-Dt'uis, so til uouinicr roi do Ncuslrie.
I)aj;n|)iri II , lils do Si^t'bcit , s'empara de
J'Austrasio. Saint Lniiltort, qui avail olé loit
attaché h Childéric fut ohass • do sou siojjço.
lîri intrus, noniiiu^ iMiaramoiid , lut mis h sa
j)laro. Le saint «^v(Viu(' s(> retira dans lo nio-
iiasii^ro do Stavolo , avec, iloux lidùli s do-
mestiques qui vouluront s'associer ù son
sort. Il y di'moin'a sopl a'is. Il y suiva't la
rOgle dos roli^ioi.x comme eût pu faiio un
simple novico. l'hrnm avait oui i lu lo mo- \
naslèro do Luxouil ol iVuUt i-cdovoiui maire
du palais. Après l'assassinat de l)aj;oborl,
voyant Thioni seul maitr»; do toute la nio-
narihi(>, il redoubla ses . rinuilés et ses vio-
lences. 11 avait npprimt^ l'église de Maos-
tricht on haine du .saint ; il le tourmenta lu -
même avec infiniment do cruauté. Kulin , la
vcigoance divine frappa ce monstre : Her-
menfi'ède, un seigneiu' qu'il avail déponi lé
de ses biens, et q-Ti! avait môme me • ué û(}
mort, l'as-assina ei 681. Pepi-i d'H.'rislal ,
devenu maire du palais , s'appl.'<[ua active-
ment à réparer los maux (pie la uuauté et
la tyiannio d'Ebroïn avaient causés. Il ro'i-
vo\'a les évéques intrus des ditféronis sièges
qu^ils occujiaient; il rétablit partout les évé-
ques légitimes. Saint Lambert revint à iMaes-
Iricht m 681 ou 082.
Rien n'était comparable au désordre, à la
confusion, qui régnaient alors en France,
sous le gouvernement de ces rois qu'on a
n*^ rames rois /'arwe«t?/5. Les lois étaient sans
force, sans autorité-; la force brutale seule
avait raison.
Floury, vol. III, p. 48, va nous fournir la
suite de notre récit : « Après donc que saint
Lambert eut été se;;l ans hors de son siège
do .Maestricht, retiré dans le monastère de
Stavelo, la mort d'Ebroin donna lieu à Pé-
pin de chasser Pharamond, usurpateur de ce
siège, et d'y rétablir saint Lambert, h la
prière de tout le clergé et de tout le peuple,
vers l'an 681. Il recommença donc à s'ac-
quitter de ses fonctions avec un très-grand
zèle; et trouvant encore des païens dans la
ïoxandrie, petit pays voisin de Maestricht,
il s'ajipliqua à leur conversion, adoucit leur
barbarie par sa patience, et abattit plusieurs
temples et plusieurs idoles.
« Mais doux frères , Gallus et Riokie, pil-
laient les biens de l'église de Maestricht , et
se rendaient insupportables par leurs vio-
lences. Les amis et les parents de saint Lam-
bert en furent tellement indignés, que, se
voyant poussés à bout, ils les tuèrent. Les
deux frères étaient parents de Dodon, do-
mestique de Pépn , qui possédait cpiantité
de terres et de soifs. 11 résolut de venger
leur mort sur l'évèque môme; et, ayant as-
semblé quantité de gens armés, il v.nt l'at-
taquer à Leodium, sur la Meuse, alors simple
village, aujourd'hui la grande ville de Liège.
Saint Lambert reposait, après matines, quand
un de ses serviteurs , nommé Baldouèe, qui
était de garde et veillait auprès de lui , sor-
tit dehors, ot vil rarmée de Dodon qui venait
on plusieurs troupes. l'tanl arrivés, ils roni-
pironl les palissades el les |)Ortes, < t monlè-
ront sur le loil. Baldouéo crjurul avertir le
saint évécpie, (pii coininençait <'i s'endormir.
Dans le pr(niii(n mou\ eiiunit, il prit une éj éo
poin- se déleiidre; mais, pons.mt i\ Dion, et
se oonliant on lui, il jota répé(i à terre, ai-
mant mieux mouiir(]ue de mellie la main
sur ce> mochaids. Auss tôt ils onirèrent, ot
doinôrcnil de li urs lancs conlro les mu-
raille.-. Deux neveux de l'évèque loscl'assè-
ront à coups do bàîon; mai> il leur dit , et
aux aidros ((ui racoom()ac.iiaionl : « Si vous
m'auiiiiz vèrilablemc'H , aimez Jé.su.s-r,hr st
comme mo , el lui conft;>soz vos péchés;
pour moi, il est lemjis que j'aille vivre a"cc
lui.» Vu autre de ses noveix lui dit : «N'cn-
teiidoz-vous pas comme ils crii nt de mcUre
lo feu à la maison pour nous b/ûhr tous
vifs ? » Alors saint Lambert dit h s( s nev( ux :
« Souvoruiz-vo .- que vous eus coupabl. s de
ce ci'iiiie , c'c.^ t-<i-dire de la mori dos de ux
frères; allez mainon; nit on ne- voir la juste
récom|)(njso. » Ensuite, ayant fait soitir l(jul
le monde do sa cliambre, ii se piosti ina les
bias éltndus en f^rnne de croix, el se mit à
prier avec ollusion de larmes. L s cnnouiis
entrèrent dans la maison, passèrent au fil de
1 épée lous ceux qu'ils y Irouvèionl, el un
d'eux ét;;nl monté sur lo toit de la chambre
où était le saint évoque, lui lança un dard
dont il le tua. Ainsi inooiul saint Lambirt,
le 17 septembre, l'an 708 ou environ, api es
quarante ans de pontifn al , depuis l'an t68
qu'il succéda à saint Tliéodaru. Son corps
fut mis dans une barque, ot rapporté à Maes-
tricht, où il fit enterré dans l'église de Saint-
Pierre; mais depuis il fui reportée Liège,
et il est honoré comme martyr. »
LAMBERT (Marie-Anne), converse au cou-
vent dos Ursulines de Rolène , fut guilloti-
née le 13 juillol 179i, à Orange, avec Anas-
tasie de Rocard, supérieure du même cou-
vent ; la sœur Sainte-Françoise, converse
Chez les Ursulines, à Carpeiîtias ; El.sabolh
Vorchière, Alexis Mincelle el Henriette La-
forge, religieuses du Saint-Sacrement à Bo-
lène.
LAMBÈSE, ville de Numidie, en Afrique ,
célèbre par le martyre de saint Marien et
de saint Jacques, sous l'empire de Valérien.
{Voij. les Actes de saint Marien, à son arti-
cle.)
LAMES DE FER, lominœ , plaques qu'on
faisait rougir pour brûler les cotés , les bras
dos martyrs. 11 arrivait souvent qu'on appli-
quait ces plajues sur les bas des marlj,TS
pour éprouver leur courage. On leur disait :
« Si vous laissez tomber ces plaques, ce sera
le signe que vous aposlasiez. » On faisait
ainsi de la paience et du courage dans la
résistance à la douleur le signe de la foi.
Evid mmenl, les martyrs pouvaient ne pas
se conformer <i ces .njonclions de leurs bour-
reaux, et pour cela ne pas rencncer leur loi ;
mais beaucoup acceptaient ce défi, beaucoup
résistaient à la douleur, et supportaient ,
sans les laisser tomber, les plaques rougies
ii6ô
LAll
LAR
1404
qu'on leur appliquait sur le bras tondu.
Toute l'antiquité admirait le courage dcMu-
cius Scévola : à chaque pas , l'histoire des
martyrs nous montre de semljlables héroïs-
lues.
LAMPSAQUE, aujourd'hui Cherdak, ville
de Mysie , sur la Propoiitide, eut la gloire
de vo r, en 250, sous le règne de l'empereur
Dère, le martyre des saints Pierre, Paul, An-
dré et Denise. Ce fut le proconsul Optimus,
.successeur de Quintilien, qui les condamna.
Paul et André avaient déjà subi un interro-
gatoire, quand la populace se soulevant, en-
toura la maison du proco-isul, demandante
grands cris qu'on lui livrât les saints mar-
tyrs. Ils furent de nouveau interrogés , et
ayant été livrés à ce peuple furieux, ils fu-
rent lapidés par lui hors de la ville.
LANGRES, Andomatunum, puis Lingones,
ville de France (Haute-Marne), jadis capitale
ÛQS Lingones. C'est dans cette ville que, sous
le règne de l'empereur Marc-Aurèle, saint
Speusippe, saint Eleusippe et saint Meleusip-
pe, tous trois frères et jumeaux, furent misa
mort par l'ordre des magistrats, qui se nom-
maient Quadrat , Palmace et Hermogène.
Les deux greffiers qui les assistaiint se con-
vertirent, en voyant le courage des saints
martyrs et en entendant leurs discours. Le
premier, qui se nommait Néon , fut lapidé
pour avoir renversé et brisé, dans un saint
accès d'indignation, la statue de Némésis; le
second, qui se nommait Tarbon , fut pris
par les persécuteurs , et termina ses jours
par un glorieux martyre, mais sur lequel
on manque de détails. En 4-11, les barbares
ayant fait une invasion dans les Gaules, mar-
chaient sur la ville de Langres. Saint Didier,
qui en était évêque, vint au-devant d'eux
avec tout son clergé, alin d'intercéder pour
son troupeau, mais les barbares le massa-
crèrent 'avoc tous ceux qui raccompagnaient.
(Voy. Didier.)
LAODiCE, était préfet de Rome sousl'em-
jjereur Dioclétien. Il est connu dans les an-
nales des martyrs par les souifrances qu'il
fit endurer aux saints Maur et Papias.
L.VODICE, était proconsul sous l'empe-
reur Dioclétien. II lit endurer plusieurs tour-
ments au prêtre Mace, qui confessait coura-
geusement la religion chrétienne.
LAODICÉE. Le Martyrologe romain dési-
gne par ce nom seulement , sans préciser
davantage , le lieu où fut mat tyi'isé , sous
M;u'c-Aurèle, saint Sagaris, évô(jùe. Il existe
t.iiit de villes de ce nom ((pjatrc) (pie nous
ne [Kjuvons savoir de la(|uelle il est (jues-
li(jn.
L.\RGl!) (saint) , l'un des coinpagnons du
saint martyr (^yriaqiH! , di.icre de l'Eglise
romaine, mourut en '.iO'.l, à Home, sur la voie
S'ilaria, où il fut cntern'. \\s furi'iil vin.^t-six,
d.uis le môme jour, mis'i mort au même (mi-
drfjit. L'Iv^lise célèbr^^ leui- tète collective le
jour de leur tiaiisl.ilion , (pii eut lieu le 8
août. (Voy. CvuiAyui:. Voy. aussi l'abbé
Graiididi(;r , Ilintoire de llîglisc de Stras-
bourg. )
LAKGK (saint), soulIVil le martyre à Aqui-
liée, avec saint Hilaire , évêque, et les saints
Tatien, diacre, Félix et Denis. Leur sacrifice
eut lieu sous l'em|)ire de Numérien, et sous
le président Béroine. On ne dit pas quel fut
au juste leur genre de mort. 11 est certain
qu'ils subirent la peine du cheval<>t et di-
vers autres tourments. L'Eglise fait leur
fête le 16 mars.
LARGION (saint), reçut la palme du mar-
tyre h Augsbourg , avec les saints Quiria-
que, Crescentien, Ninge, Julienne et vingt
autres dont les noms sont ignorés. Le môme
jour et dans la môme ville , sainte Hilarie ,
mère de sainte Afie, martyre, qui veillait au
tombeau de sa lille, fut, |)Our la foi de Jé-
sus-Christ, brûlée au même lieu [)ar les per-
sécuteurs, avec Digne, Euprépie et Eunomiç,
ses servantes. L'Eglise fait collectivement
leur glorieuse mémoire le 12 aoilt.
LAROCHEFOUCAULT (François-Joseph,
et PiERRE-Loiis de), évoques de Saintes et
de Beauvais, étaient deux frères. Ils furent
arrêtés tous deux dans leur apjiaitement.
Les révolutionnaires en voulaient spéciale-
ment à l'évoque de Beauvais, et laissèrent la
liberté à.celui de Saintes; mais il leur dit :
« Messieurs, j'ai toujours été uni h mon
frère de la plus tendre amitié ; je le suis
encore plus par mon attachement à la même
cause. Puisque son amour pour la religion
et son horreur pour le parjure font tout son
crime, je vous supplie de croire que je ne
suis pas moins coupable. Il me serait d'ail-
leurs impossible de voir mon frère conduit
en prison et de ne pas aller lui tenir comjia-
gnie; je demande à y être emmené avec lui
et à partager son sort. » Cet aimable et hé-
roi{|ue prélat conserva dans sa prison vo-
lontaire toute sa gaité habituelle. Toujours
riant, toujours prévenant, il se jilaisait sur-
tout avec son frère, à accueillir les nouveaux
prisonniers avec une bonté, avec des at-
tentions qui bientôt faisaient oublier à
ceux-ci toutes leurs peines.
Quand les révolutionnaires eurent enfoncé
la porte du jardin des Carmes, un grand
nombre de prêtres se réfugièrent dans la
petite chapelle. Là, attendant la mort dans
un profond silence, ils olfraient à Dieu leur
dernier sacrifice. Les brigands déchargèrent
sur eux leurs fusils et leurs pistolets à Ira-
vers les barreaux. Les victimes tombaient
les unes sur les autres; les vivants étaient
arrosés du sang de leurs frères mourants.
L'évêcfue de Beauvais eut la jambe fracassée
d'une balle et tomba couune moit
Cependant arrivaient d'autres assassins,
et avec eux un commissaire de l;i section.
api)elé Viclet, (pii appelait les i)rôtres dans
l'é-lise, leur promettant (lu'ils y seraient en
sûreté. Ce coiinuissaire faisait de grands ef-
forts pour en fermer l'entrée auv brigands,
(|ui rugissaient autour comiiie des tigres al-
térés de carnage. Tout à coup \\ se fait un
silence inattendu; c'ét.iil l'évêipie de Beau-
vais, la jambe fracassée dune balle, (pie ses
■pr()[)res.assa.s.sins apportaient avec une es-
|)èce (11! com|t«s.sion et de respect ; ils le
déposôrenl dans l'église sur des matelas,
I
iiC'i
LA II
LAU
i4G6
comino s'ils ciissonl voulu lo ^lU'iir do sos
blessures. Sou (lit;uo IVèro, l'évc^iue do Saui-
tes, ii^iuorait eueure so-i sorl. Eu oiitraul
da-is ie elKeur. il avait dit : « Qu'est devcuu
mon frère? Mou Dieu, je vous eu prie, ua
nie st^|)arez («as de uioii frère! » Averti par
un des |)rèlres, qui avait eulendu ces paro-
les, il eourul h sou frère et l'eudjrassa teu-
drouicut. I.os victiiues élaieut e'ieorcï au
nouihi-e do cent. Le conuuissairo obtint ([u'ou
ne les égorî^'erait point dans l'église; il
établit sou bureau près d'uuo des sorties.
Pour toute preuve ([ue chacun des prêtres
devait être mis à mort, les brigands deniau-
dèront : « Avez-vous fait lo serment ? —
« No'î, répondirent les [)rùtros. » Un d'en-
tre eux ajouta : « 11 on est parmi nous plu-
sieurs cl ([ui la loi même no lo deuiauilait
pas, parce (ju'ils n'étaient point fonctioiniai-
res publics. — C'est égal, reprirent les bri-
gands, ou le serment, ou vous mourrez
tous! » Les victimes défilaient devant le bu-
reau du commissaire , qui prenait leurs
noms. Les prêtres étaient en prières dans
l'église ; h mesure qu'ils étaient ai)polés, ils
se lovaient et allaient tranquillement à la
mort, les uns en disant leur bréviaire, les
autres en lisant l'Kcriture sainte, d'autres
enlin répétaient ces paroles du Sauveur
ciucifié : Seigneur, pardonnez-leur, car ils
ne savent pas ce qu'ils font ! Parmi les der-
nières victimes furent les deux frères de La-
rochefoucault , évoques de Saintes et de
Beauvais : le second, ayant la jambe fracas-
sée, pria les meurtriers de l'aider à se ren-
dre au lieu où ils l'appelaient; ce qu'ils lui
accordèrent, en le soulevant par les bras,
avec un reste d'humanité, de respect même. »
(Rolirbacher, Hist. univ. de l'Eglise, p. 519,
passim.)
LAUDANSKI (l'abbé), religieux basilien,
fort âgé, fut une des victimes de l'atroce
persécution que le czar Nicolas fit subir en
1837, à tous les catholic^ues qui ne voulaient
point abandonner leur toi pour embrasser la
religion russe. 11 avait été renfermé avec des
religieuses basilienncs dans un couvent en-
levé à d'autres religieuses, pour passer en-
tre les mains d'une conmiunauté deCzernice
ou Filles-Noires, recrutées parmi les veuves
de soldats russes et les filles de mœurs dé-
réglées. Ces filles passaient leur temps à
s'injurier, à se battre, à boire de l'eau-dG-
vie et à martyriser leurs malheureuses vic-
times. L'abbé Laudanski que les Filles-Noi-
res employaient aux travaux les plus rudes,
ayant succombé un jour, sous une charge
de bois, fut, en présence des religieuses,
frappé si violemment à la tête par un diacre,
qu'il expira aussitôt. {Voy. l'article Mieczys-
LAWSK.A.)
LAURAGAIS, petit territoire du Langue-
doc, oiî vers les commencements du règne
de Dioclétien, c'est-à-dire à la fin du m'
siècle, saint Papoul, disciple de saint Satur-
nin de Toulouse et compagnon de ses tra-
vaux évangéliques, fut martyrisé. {Voy. Pa-
poul.)
LAURE (saint), était tailleur de pierres en
lllyrie. 11 souffrit le martyre avec un de ses
conipajAnons nommé Klore. Ces denx illus-
ti'es condialtants d(! la foi, après le martyre
de lenis nuu'fres saint Pi(jcale et saint Maxi-
me, ayant enduré divers t(jurments, fui-ent
jetés (lans un |)uits profbn<l sous le prési-
dent Licion. L'Eglise fait leur fête le 18
août.
LAURENT (saint), [)rêtro, fut martyrisé à
Novare avec des enfants dont on lui avait
confié l'éducation. Nous ignorons l'époque
et les différentes circonstances de son mar-
tyre. L'Eglise honore sa sainte mémoire le
30 avril.
LAURENT (saint), diacre et martyr, mou-
rut sous le règne de Valérien, peu d(î jours
après le pape saint Sixte, (jui lui avait pré-
dit, on marchant au sup[)lice, qu'il ne tarde-
rait pas à le suivre. Ce saint pape l'avait
fait archidia(;re de l'église de Rome, et lui
avait confié, avant de mourir, le soin du
troupeau (ju'il ({uittait pour monter au ciel.
Nous copions ses Actes dans Ruinart. Us ont
été donnés en vers par Prudence : ordinai-
rement cette forme prête aux embellisse-
ments, à l'exagération. Nous ne croyons pas
que cette fois l'auteur ait abusé du privilège
des poètes.
« Rome, qui durant tant de siècles as ren-
fermé dans ton enceinte un peuple d'idoles,
et qui par un heureux changement , n'es
plus assujettie qu'à Jésus-Christ, si tu le
fais maintenant triompher de leur culte im-
pie, c'est en suivant les traces de Laurent,
son illustre martyr. Souviens-toi du temps
que tu mettais ta gloire à renverser des
trônes et à faire porter des chaînes à des
rois ; qu'il t'est bien plus glorieux d'avoir
abattu les temples où régnait l'idolâtrie, et
d'avoir donné des fers aux dieux mêmes I
Mais il manquait quelque chose à ton bon-
heur : c'était de pouvoir mettre aux pieds
de Jésus-Christ leur souverain, l'infâme Ju-
piter. Tu l'as fait, non par la force des ar-
mes ni par la valeur d'un Cossus, d'un Ca-
mille ou d'un César, mais par le sang du
généreux Laurent, de ce jeune héros, qui
en moui^ant l'a fait vaincre. Ce fut la foi qui
combattit avec lui, et ce fut par elle qu'il
remporta la victoire ; mais il lui en coûta la
vie, et ce ne fut qu'en mourant qu'il put
triompher de la mort. Le grand prêtre Sixte
l'avait prédit du haut de la croix où il était
attaché, lorsque voyant Laurent qui en bai-
gnait le pied de ses larmes : « Cessez, mon
frère, lui dit-il, cessez de pleurer ; dans
trois jours vous me suivrez : je ne fais que
vous montrer le chemin. » Les dernières
paroles de Sixte furent pour Laurent un pré-
sage assuré de la vicloire. Le jour prédit
par le saint pontife parut, et lui apporta
une couronne. Quelle voix assez forte pourra
chanter une mort si glorieuse ? de quelles
louanges pourrai -je en rehausser l'éclat?
Mes vers, serez-vous dignes de cet honneur?
« Entre les sept lévites qui approchent le
plus près de l'autel , Laurent tenait le
premier rang par son mérite ; il était le
chef des gardes du sanctuaire, les clefs lui
IW
LAU
LAU
!468
en étaient confiées, et on l'avait choisi pour
être le dispensateur tidèle îles riches otlVan-
des que la piété consacrait cliasiue jour aux
pieds des autels. Koine avait pour lors un
gouverneur que la cru tulé et l'avaricv- pos-
sédaient ép^fllement. Ministre inhumain ii'un
maître furieux, et vil es l.ive d"iine passion
basse, il ne songeait ipià amasser de l'or et
à répa ulie du san^i;, sans qu'on pûi savo;r
s'il était plus avare de l'un que prodigue de
l'autre. Il pense en lui-même de (jneil • ma-
nière il pourra se icndre u)aîlre des trésors
qu'il croit runlermé-i dans les lieux sacrés.
Il fait citer Laurent devant lui ; il le presse
de lui livrer le riche dépôt, et cet amas de
pièces d'or que sou imagination lui grossit.
« Je sais, lui di -il, que vous vous plai-
gnez, vous autres chrétiens, qu'on vous
traite avec trop de rigueur, et qu'on n'éj)ar-
gne guère votre vie. Eh bien 1 ct'ssez do
vous plaindre, cessez de nous reproctier no-
tre dureté. Vous voyez avec quelle douceur
je vous parle et que je n'emploie que des
prières pour obtenir de vous ce que j'aurais
droit d'exiger d'une autre sorte. Réponde/,
donc à mon honnêteté, et donnez do tjonne
grAce ce qu'on vous demande avec civilité.
L'on dit que vos prêtres o-^t coutume de se
servir le vases d'or pour faire 1. s libatio s;
qu'ils reçoivent dans des coupes d'argent
le sang encore fumant des victimes, et
que les lieux oiî vous offrez vos sa>riiices
sont éclairés par un grand nombre de {lam-
beaux de cire, que dt-s chandeliers d'or sou-
tiennent. Outre cela, nous savons de bonne
pai't que les frères (car on dit que c'est ainsi
que vous vous appelez'), q le les frères, dis-
je , n'ont point de plus grande joie que
de se dépouiller de leurs biens, de vendre
leurs fonds et leurs domaines, et d'en porter
le [)rix aux pieds de vos pontifes; et cela
monte, dit-Oii, h des sommes immenses.
Souvent môme le fds, déshérité par la dévo-
tion mal régl.'-e de ceux qui l'ont mis au
monde, voit avec douleur vendre le patri-
moine de ses aïeux, et, réduit à la dernière
misère, gémit d'avoir un père trop homme
de bien. Quel abus 1 L'on croit honorer la
divinité en (Mant le pain à ses propi-es en-
fants, pour enrichir des étrangers. J'3 suis
informé du lieu où l'on tient toutes ces ri-
chesses sous la clef, vous en êtes le dé|»osi-
taire; il faut que vous me la remettiez en-
tie les mains, et que vous m'ouvriez ce ré-
duit, obscur oij sont cachés ces monceaux
d'or et (l'argent accumulés par des voies per-
nicieuses et fiar des [iicîstiges encore plus
noirs que n'est le caveau qui les renferme.
L'Ktat en a besoin, le [)ublic les redemande,
et le trésor épuisé les attend f)Our rournii-
aux frais de la guerre, et pour p<iy(M- aux
soldats [)lusi(;urs mont/es (jui leur sont dues.
Ainsi vous accomplire/. <i la lettre; une do
vos maximes, qui vous ordonne de rendre
à chacun ce (pu lui a|)pai lient. I/emperiîur
ne redemande que ce (jui lui est <ïù ; il
trouve son itriagc; sur voti'(; or, n'est-il pas
en droit de la reprendre? Kl vous n'ignorez
pas (jii'on doit rendre à César ce qui est ài
César. C'est encore un de vos dogmes : car,
si je ne me trompe, votre Dieu ne fait pas
naître monnaie, et je ne crois pas qu'il ait
apporté beaucoup de philippes d'or, lors-
qu'il est venu sur la terre : il était très-riche
en beaux discouis, mais })Our l'argent, il
n'en était pas fort chargé. Fai es voir au
monde que vous mettez les premiers en
])ra'ique ce que vous prêchez aux autres,
et que vos actions sont d'accord avec vos pa-
roles : soyez oi)ulents en maximes, j'y con-
sens ; possédez de grands l/ésors de sain-
teté, je ne vous les envie pas ; mais défai-
tes-vous de ces trésors corruptibles, el qui
sont SI peu dignes de votre attache.
« Lorsque le [)réfet eut cessé de parler , le
saint diacre lui répondit sans s'émouvoir
qu'il était prêt à lui obéir : qu'à la vérité
l'Eglise possédait de grandes richesses ; que
l'épargne de remi)ereur, tout maître du
monde qu'il était, en contenait beaucoup
moins, quoique toute la monnaie qui avait
cours dans l'empire fût à son coin. « Je ne
refuse pas, ajouta-t-il, de vous livrer le tré-
sor du Dieu que j'adore, qui, sans faire tort
aux autres dieux , est incomparablement
[)luç riche qu'eux ; je n'en détournerai rien ;
el comptez que vous verrez tout. Je ne vous
demande qu'un peu de temps pour faire un
mémoire exact de tant de précieux meubles,
et pour dresser un état des diverses espèces. »
« Qui pourrait exprimer la joie que res-
sentit le préfet ta cette promesse qui flat-
tait si agréablement son avarice? La douce
es.pérance de posséder hientôt ces immenses
trésors lui avance le plaisir de la jouissance :
il destine déjà dans son logis un lieu pour
le placer stlrement. Enfin le terme des trois
jours est donné au saint diacre, et il est ren-
voyé absous sur sa |)arole, loué, caressé,
comblé d'honneurs. Durant cet intervalle,
il parcourt toute la ville, et, ramassant tout
ce qu'il trouve de mendiants et d'invalides,
il en forme un groupe : il met à la lête les
aveugles, qu'il arme d'un bAton, non pour
combattre, mais pour se conduire. Les boi-
teux viennent ensuite d'un jias lent et iné-
gal ; les uns dont les genoux sont disloqués,
traînant avec peine leurs jambes inutiles
sur la terre ; les autres n'en ont que de bois ;
ceui-ci en ont une plus courte que l'autre,
parce que le pied y manque, et ceux-là, ré-
duits à la moitié de ce qu ils furent autrefois,
j)araissent moins des hommes que des
Dustes. Les manchots marchent après ; ils
ne font qu'un même corps avec ceux qui
sont couverts d'ulcères. Tous sont connus
de Laurent, et tous le connaissent. L'Kgliso
(pii les nourrit laisse aux diacres le soin do
pourvoir aux besoins de chacun d'(!ux en
particulier; il en fait la revue, il éciit exac-
leuienl leurs noms, el il les |)lace au devant
de l'église sur une même ligne, mais fort
étendue.
« Le jour qui semblait au préfet si long
à paraître, avait enlln paru, et commençait
même à pencher vers son déclin, et h exciter
dans l';inie avare de ce juge une fureur in-
quiète. 11 (leiuainle le diacic, il le l'ait cher-
I
U69
LAU
LAU
4470
cher ;nn lo trouve, oa lo lui anièno ; il ost
somuié iW. toinv sa parole. « Je suis prêt à
l'accomplir , dit le saiul martyr, (htiruv-
vous seulcmeut la peine, seigneur, de me
suivre. Venez, et vous serez surprix eu
voyaut les ritliesses que notre Dieu pos-
stVle rj'ai tout lait uu.'tlre par ordre, \ou.s
verrez U'i grand vestibule toul rempli do
vases d'or, et do longues galeries où sont
rangés par piles les talents, U\s mines, et les
sesterces. » Laurent uuu'che le prenùer,
l'inipat ent gouverneur le suit ; on ai'riveau
sacré portique, et l'on n'y tiouvo qu'une
troupe de pauvres cpii semblent avoir ras-
semblé en un môme lieu toutes les misères
humaines. Un bruit lamenlaljUî s'élève tout
«i coup au milieu de ces malheureux. ; ils
implorent d'un ton de voix lugubre et
mêlé de sanglots et de cris, le secours des
assistants. Le préfet en frémit d'horreur; et,
lançant sur le saint diacre un regard mena-
çant, il jetto la terreur dans tous les esj)i'its,
hors dans celui qui seul doit craindre. Mais,
au contraire, se tournant vers le préfet: « Eh
quoi ! seigneur, lui dit-il, vous semblez vous
troublei'; trouvez-vous ici quelque chose qui
vous blesse? Ces haillons, ces plaies, ces ul-
cères , tout cela vous paraît-il si peu consi-
dérable ? Cet or que vous recherchez avec
tant de passion, qu'est-ce autre cliose qu'un
peu de boue cuite par le soleil, et tirée des
entrailles de la terre par des criminels, ou,
tont au plus, un peu de sable qn'un fleuve
roule sur soa lit bourbeux, et qui doit le
faible éclat dont il brille au feu qui le puri-
fie ? Mais de quels crimes n'est point capa-
ble ce métal infortuné? 11 dresse des embû-
ches à la pudeur ; il n'a aucun égard à la
dignité des juges, et il attaque sans respect
leur intégrité ; il rompt la paix la mieux éta-
blie ; il corrompt la tidélité la mieux éprou-
vée ; les lois, même les plus saintes, ne sont
pas en sûreté devant lui. Pouvez-vous aim-r
ce qui est le poison mortel de la gloire ?
Mais si vous voulez que je vous f.isse voir
un or pur, un or véritablement précieux, le
voilà devant vous ; jetez les yeux sur ces
corps accablés de maux ; c'est parmi ces
maux que l'âme conserve une santé parfaite.
Lorsque la douleur affaiblit, abat, détruit le
corps, l'esprit se fortitîe, s'élève, se perfec-
tionne ; mais si le corps reprend sa vigueur,
l'esprit en même temps perd la sienne. Oui,
s'il m'était permis de faire un choix, je
laisserais détigurer mon corps, pourvu que
mon dme ne perdî! rien de sa beauté. Il n'y
a pour cela qu'à comparer les maladies de
l'âme avec celles du corps, et les chj-étiens
avec ceux qui ne le so;.t pas. Les premiers
portent souvent dans un corps languissant,
et dont les traits sont à demi ell'acés, une
âme toute belle, sans aucune tache, sans le
moindre défaut; les derniers cachent presque
toujours dans un corps rempli de force et
d'euibon, oint une âme infixtée de lèpre, à
qui l'erreur a fait perdre un bras, et la fraude
les deux yeux. Voulez-vous, seigieur, que
je vous fasse voir ces grands du siècle, ces
nommes qui font dans le monde une si belle
hgurc? Tout brille chez eux, une mine haute,
un visage (leui'i, un habit uiagnili(iue ; h;
croirie/.-vous? il n'y a ii(Mi eu ces hommes
d(î léel ; tnut n'y est (jU(! liction, tout n'y est
(pra|>pareTue, tout y est f.iux : gi-andenr,
beauté, ricliosc; mais, en ell'et, ils sont j»lus
abjects, plus malades et |)lns pauvres (pie
tous ceux (jui sont ici, et qui vous font tant
d'horreur ; rien ne m'est plus facile (pie d(;
le prouver. L'or et la soie dont l'un (!st cou-
vert, et le char superbe où il est traîné, lui
enlleut le cœur; voilà i'hydropisie formée
au dedans, et (jui, venant à iépaiidre son ve-
nin dans l'âme, y produit une enllure mor-
telle. L'avarice cause à cet autre une con-
traction de nerfs ; ses mains se sont rélré-
cies ; ses doigts se sont retirés, il ne peut les
étendre. L'iiuf)ureté couvre l'âme d(! celui-ci
d'un ulcère infect: on le voit aller, en cet
état qui fait bondir le cœur, dans tons les
lieux de |)rostiiu ion, [lour y mendier une
sale volupté; l'âme de celui-là est brûlée
jour et nuit de la soif ardente de riioiuieur ;
c'est une lièvre maligne qui allume le feu
dans ses veines. Un autre a un sang brûlé,
qui lui cause une continuelle démangeaison
de parler; il ne |)eut rien taire. Ne peut-on
l)as dire que son âme est Iravaillée d'une
gale S|)iritucl;e ? Un autre a dans l'âme une
tumeur livide; c'est l'envie qui la produit.
La médisance enfin forme d -ns l'âme de ce
dernier un cancer qui ne se nourrit que de
la réputation d'autrui. Vous-même, seigneur,
à qui Home obéit ; vous, qui adorez les dé-
mons et méprisez le vrai Dieu, vous, dis-jo,
vous êtes atla(|ué du mal royal. Au reste, ces
pauvres qui sont l'objet de votre mé[)ris, et
dont la misère, bien loin de voiis toucher,
ne fait qu'exciter en vous un orgueil dédai-
gtîeux et une délicatesse outrée; ces hom-
mes, le rebut des autres hommes, abandon-
neront bient(jt leurs membres à demi pour-
ris ; dans peu on les verra se dépouiller d'une
chair sujette à la corruption, et, déchargés
de ce fardeau incommode, prendre leur es-
sor vers le ciel, pour y êlre revêtus de lu-
mière. Ces méchants habits, dont l'odeur
forte saisit et blesse votre odorat, seront
changés en vêtements de pourpre, et des
couronnes d'or orneront leurs têtes. xMais,
s'il m'était [)errais en même temps de retirer
du fond de l'abîme ces grands du monde, et
de les faii e paraître à vos yeux, quel specta-
cle d horreur pour vous, quel sujet de con
fusion pour eux 1 Vous les verriez à demi
nus ; une salive acre et corrosive leur coule
de la bouche , leurs narines sont devenues
des égoûts, d'où sort un sang noir et cor-
rompu, et leurs paupières, jointes par une
humeur gluante qui en distille sans cesse, ne
sont plus (jue les tombeaux de leurs yeux
éteints. Sac .ez, seigneur, qu'il n'y a rien de
plus horrible à voir qu'une âme dans le pé-
ché; la lèpre la plus invétérée n'a rien qui
en approche ; c'est un ulcère qui renaît tou-
jours, et qui ne se ferme jamais, et l'enfer
n'exhale point de vapeur plus mortelle. Cette
âme qui, ()endant qu'elle animait le corps où
le ciel l'avait attachée, nourrissait, pour ainsi
!.i7l
L.\U
LAU
1472
dire, ses yeux de la beaut' des objets, n'eu
rencontre plus que d'aflTrenx, et elle en de-
vient un qui rej)résente la îaideur môme.
«Eh bien! seigneur,jc vous ai tenu parole;
j'ai étalé à vos yeux les trésors de Jésus-
Christ, je les remets entre vos mains; les
voilà; mais des trésors «iiii ne craignent ni
la violence du feu, ni les surprises des vo-
leurs. Et afin que vous connaissiez quelle
est la grandeur et la magnificence du Dieu
que nous servons, je veux bien encore y
ajouter ses plus belles perles : elles sont
d'une eau admirable, et leur éclat éblouit.
Ce>l ce chaste et innocent troupeau de vier-
ges que vous voyez; ce sont les joyaux de
l'Eglise, ré[)ouse de notre maître; f'ile s'en
part- parce qu'elles sont nos richesses : accep-
tez-les, seigneur; elles peuvent servir plus
que toute autre chose à l'embellissement de
Rome, porter l'abondance dans les coffres
de l'empereur et dans les vôtres. »
« On nous joue donc ainsi! s'écria le gou-
verneur frémissant de rage; on ose nous
tourner en ridicule en noire ])résence, et
l'insolent respire encore! Tu t'applaudis de
tes belles figures, et tu crois sans doute que
j'aurais écouté, sans aucun ressentiment,
celte longue suite d'impertinences outra-
geuses et ce tissu de mauvaises plaisante-
ries dont tu n'as pas craint de lasser ma pa-
tience? Tu fais le bouffon; j'ai moi-même
donné lieu, par ma douceur et jiar ma mo-
dération, à tes railleries fades, et tu as cru
pouvoir à mes dépens divertir celte belle
assemblée. Tu penses apparemment que les
faisceaux de verges qu'on porte devant moi
ne sont tout au jilus qu'une vaine marque
de puissance, et que les haches de mes lic-
teurs ont le tranchant émoussé. 11 faut que
tu comptes beaucoup sur ma clémeiice, ou
que tu te sois nus dans l'imagination que je
n'ai ni la volonté ni le pouvoir de punir ton
impudente témérité. Tu médiras sans doute
que tu ne crains i)as la mort, et qu'elle doit
i^iire le j)lus doux des vœux d'un martyr.
Je sais que c'est là la sotte vanité dont vous
autres chrétiens vous vous laissez entêter;
mais n'ai tends [)as (juc je satisfasse mon
envie de la manière que tu te l'imagines.
Une mort pronq)te te ferait trop de |)laisir,
et ne me vengerait pas. Je retiendrai ton
/^me entre la vie et la mort ; et par la lenteur
des tourments (pie j(; te ferai endurer, je
l'arrêterai toutes les fois (pi'elle voudra sor-
tir de ton corps : en vain tu ap|)elleras la
mort à ton secours, elle ne viendra linir tes
douleur'S que loi'.s(pie je lui en donnerai la
permission. Ou'ou a'Iume un feu lent, (pi'on
ait soin d'en tempérer l'aideur, de crainte
que la llamme s'élevanl ne lui entriî dans
la bouclii.', (!t n'ailh; donner au cu'Mv une
rnort trop précipitée; (pie les charbons com-
mencent à perdre hnu' foi'ce, et (\wi lem-
chaleur n'agiss(î (ju(i faiblement et p(Mi à peu
•siu- les membres à d(;iui brilles. J'ai de la
j(jie (pie l(! chef de ces conteurs de myst('r(îs
soil tombé entre mes mains, il servira du
moins d'exemjil.j aux autres. INfonte, misé-
rable, monl(j bur ce lit de f(;r, il est digne
d'un scélérat tel que tu es; et Ih tu pourras
me soutenir à ton aise que Vulcain n'est
qu'un di(ni imaginaire. »
« Le préfet avait à peine achevé de parler,
que deux bourreaux se mettent en devoir
de dépouiller le saint martyr de sa tunique;
ils le couchent sur ce funeste lit, ils l'y
étendent, ils l'y attachent. Cejiendant des
rayons de lumière environnent sa tête sa-
crée : tel parut autrefois le grand législateur
des Hébi'eux , lorsque, descendant de la
montagne, il se présenta devant eux ; mais
ce peu|)le, qui durant son absence s'était
souillé par ladoration du veau d'or, ne put
soutenir l'éclat qui rejailliss dt de son visage,
qui n'était toutefois qu'une légère trace de
gloire que la présence de Dieu y avait im-
primée. Tel aussi parut aux Juifs Etienne,
le premier martyr, lorsque ujourant pour
Jésus-Christ, il ne voyait plus le ciel qu'à
travers une nuée de cailloux. Au reste, cette
lumière surnaturelle qui partait du visage du
saint diacre n'était aperçue que de ceux qui,
purifiés depuis peu de jours dans les eaux
salutaires du baptême, avaient reçu de Jé-
sus-Christ le privilège de la voir; mais elle
était cachée aux infidèles, dont les yeux,
couverts d'un voile épais, étaient plongés
dans les ténèbres de l'impiété. C'est ainsi
que le peuple de Dieu jouissait de la clarté,
tandis que les Egyptiens étaient enve'oppés
d'une nuit obscure. La même dilférence se
trouvait à l'odeur (pii s'exhalait du corps du
saint diacre; c'était pour les païens une
odeur insupportable, et pour les chrétiens
un j)arfum exquis ; et le môme air qui por-
tait à l'odorat des premiers la vapeur venge-
resse et mortelle d'une chair qui se fond sur
le feu, faisait en même temps sur celui des
derniers une impression douce et agréable.
Ainsi le feu éternel éclaire les élus et brûle
les réi)rouvés.
« Le feu, quoique lent, n'avait pas laissé
de faire son elfet sur le corps du saint, et,
pénétrant insensiblement les chairs , eu
avait cuit une partie ; alors Laurent, se re-
levant un peu sur le gril où il était étendu :
« Je crois, dit-il au juge, (ju'il faudrait me
retourner sur l'autre côté ; je suis assez rôti
de celui-ci; faites-en l'essai, et yoyez si vo-
tre Vulcain vous a servi à propos. » Le gou-
verneur commanda qu'on le retournAt ; et
quelque temps après : « 11 est comme il faut,
dit le saint marlvr; mangez hardiment, et
goiltez si la chair des chrétiens est meilleure
rôtie ([ue ci-ue. « Puis, levant les yeux au
ciel, au même instant (juc son cœur et sa
pensée étaient toui'nés vers Home, il s'écria
en soupirant : «O Jésus! seul Dieu de I uin-
vers, lumière éternelle, auteur de toutes
choses, c'est vous (fui avez doiuié à Home
tous les scej)tres de la terre, (pu avez voulu
(pie le monde (nitier reconnôt sa i)uissanco
et fôl soumis h s(!s lois; (|ue tontes les na-
tions, (pi(ii(pie diverses de mtems cl do, lan-
gues, fusscMit réunies sous un seul chef, et
ollVissent les m(>mes sacrifices; mais vous
aviez V(:)S desseins.
« Ces desseins, souveid incoimus, toujours
147S
LA«
LAU
im
adorables, avaient en vue la religion de vo-
tre Fils, le nom elirétien et Tunion de tout
le |)eu|tle, et ee nom saeré en devait c^tre le
lien. One Uoin(% (|ne la eapit;de (i(! l'univei-s,
se sunniettiiit h vous, vous sounu'tte tout
l'univers ; qu(î tous les membres de eo vaste
eorps, unis h leur clieC soient unis h vous
par leur chef; que Koriudns devieinie clu'é-
tien, ([ne Numa croie it l'Kvangile ; (pie b;
st'nat n'adoreplus les (lieu\(iePhrvgie;et(pio
les P(^nafes de Troie, cliass(''Sile leurpalrie,no
li'0uve?it plus de retraite dans les foyers des
Romains. Ellacez , Seiî,'neur, celle tache
honteuse (jui (kMlgure la i)lus belle ville du
monde; envoyez votre ange, (|ui lui fasse
conn.aitrc ciue vous (Mes le vrai Dieu, et (jue
le charitable Ua|)hai''l vienne et dissipe le
funeste aviuiglenient de la posIériK' d'Iule.
Rome poss(''de d(''ji^ ûv-i gages (I(> celte esp(';-
rance, des otagt s fidèles (pii lui rt'fxjndent
de vos bontés, et les princes des ap(Mrcs en
ont déjà [)ris possession en vot.'e nom ;
vous vous êtes servi de l'un pour bannir
l'erreur du milieu des nations, et leur en-
seigner la viM'ité ; cl vous avez choisi l'autre
pour tenir votre place sur la terre et lo
faire asseoir dans votre trône. Fuis loin de
ces murs, infâme, adultère, détestable Jupi-
ter; délivre Rome de ta présence et son
peuple do la servitude. Paul, lo grand Paul,
l'en chasse, et le sang de Pierre crie contre
toi, et demande an ciel vengeance pour l'a-
voir ré|)andu par la main impie de ton Né-
ron. J'aperçois un prince qui met son dia-
dème aux pieds de Jésus-Christ. Oui, je le
vois qui, brûlant d'un saint zèle, court ren-
verser tes autels et abolir tes abom.inables
saci'ifices. Le voilà qui ferme ton temple pour
jamais ; ces portes d'ivoire ne s'ouvriront
plus, l'herbe va ci'Oître sur ces degrés foulés
chaque jour par les pieds sacrilèges de tes
adorateurs; des verrous d'airain en défen-
dront l'entrée à tous les siècles h venir. Le
marbre et le bronze ne seront plus des
dieux ; le sang impur des victimes n'en
souillera plus la blancheur et l'éclat, et Rome
dans ses idoles n'admirera plus que 1 art in-
nocent de Phidias et de Praxitèle. »
« Laurent, par ces derniers mots, mit fin à
sa prière et à sa vie, et son âme, rom[>ant ses
liens, s'envola vevs le ciel avec lo son de sa
voix. Hippolyte el Justin, gagnés en ce mo-
ment à Jésus-Christ nar la généreuse liberté
qui avait paru dans le saint martyr, plièrent
leurs épaules sous les sacrées dépouilles de
son corps. Ils s'étaient sentis touchés d'un
mouvement subit et violent, qui, s'insinuant
par la parole du saint diacre jusqu'au fond
de leur cœur, y avait introduit l'amour de
Dieu, et en avait banni les amusements du
siècle et le culte des faux dieux. Rome
même, dès ce jour, commença à y renoncer ;
et le peuple se refroidissant pour ces divi-
nités ridicules, leurs temples |)eu à peu de-
vinrent déserts; on les abandonnait pour
courir en foule à celui de Jésus-Christ. Ainsi
Laurent, combattant pour la {^oire du vrai
Dieu, ne se servit, pour vaincre l'ennemi,
que des propres armes de cet ennemi
i;
même : le démon tomba percé du coup qu'il
voulait lui poi-ter ; et. sans avoir pu jamais
S(! relever d(! sa chute» il est demeuré ense-
veli pour- toujours sous les trophées de cet
invincible martyr. Sa mort fui celle* du pa-
ganisme, et lo feu (pii bi'tHa son corps dé-
ti'uisit la fauss(ï religion el ses temples. La
déesse A'esta se voit abandonnée des dieux
domesfi(pi('s rpii empoilenl avec eux le fa-
meux PdllddiiDH : les cnfa'ils de Rojuulus ne
font plus de libations ; les vases de Numa
demeurent inutiles, l'autel du Dieudes clué-
tiens esl assiégé, l'église retentit d'Iiyniru^s
cl de canli(jucs. Le sénat, l'auguste sénat est
sur|)ris de voir ses j)rincipau\ cl'iofs se dé-
l)ouil!er de leur pourpre, pour la ineltre
sous les pieds des ap(')tres. On ne voit plus
fumer le sang des béliers et des taureaux ;
de plus nobles victiuies sont otrertcsau Dieu
vivant, et les maisons nalriciennes lui con-
sacrent h l'envi leurs illustres héritiers. Les
rêlres de Jupiter et d'Ai)ollon airachenl do
our fionl les bandelettes profanes et les ru-
bans de soie dont il était naré, pour l'orner
du signe do la ci-oix ; et la vestale Claudia
laisse ét<indro le feu sacré pour aller révérer
les cendres des martyrs.
«0 ville trois el quatre fois heureuse 1 les
dépouilles do la terre entière ont moins ap-
porté do richesses dans tes murs que n'ont
fait tant de saints martyrs en te laissant leurs
précieuses dépouilles. Oh I que j'envie le
bonheur de tes citoyens, de pouvoir s'en
approcher à toute heure, les baiser, les ar-
roser de leurs larmes, se prosterner devant
elles, leur donner toutes les marques d'un
respect religieux et sincère ! Pour nous qui
sonunes relégués sur les bonis de l'Lbre, sé-
parés de riieui'ouso Italie par les Alpes et les
Pyrénées, h peine les noms de tant do saints
dont Rome esl pleine ont pu franchir les
cimes élevées de ces montagties toujours
couvertes de neige. Et qui sait parmi nois le
nombre des tombeaux dont ses cham[;s sont
couverts ? Mais puisque nous sommes privés
de ce bien et qu'il ne nous est pas permis de
baiser les pas des martyrs et les précieuses
traces de leur sang, nous regarderons lo ciel
où ils régnent, nous les honorerons dans ce
séjitur de la gloire ; Ja vue en est du moins
comnmno à toutes les nations. C'est ainsi,
ô gi\}nd saint ! dont ma plume vient d'écrire
les combats, que nous cherchons les lieux
oiî vous vous êtes signalé ! Home, qui fut le
lieu do votre victoiie, conserve votre corps ;
le ciel, qui est témoin do votre îriom])ho,
possède voire àme; c'est dans ceite éternelle
cité, qui vous a accordé lo droit de bour-
geoisie, que vous portez la couronne civique.
Il me srmble vous voir, revêtu d'une robe
tout étincelante de pierreries, obtenir par
un mérite encore plus éclatant le consulat
de la Rome du ciel. Celle de la terre recon-
naît quel est votre pouvoir dans cette céleste
jKitrie ; et il n'est point de Romain qui n'en
ait fait une heureuse expérience. Qui s'est
jamais adressé à vous, el n'en a pas obtenu
ce qu'il demandait ? Qui peut se plaindre d'en
avoir été refusé ? Ainsi puissiez-vous être
n:
LAU
LAtJ
147G
toujour»;le protecteur et le père de ceux de
celtv^ ville côl(MM-e(]ue vous avez élevés avec
tant de soin. Mais parmi ceux qui iuiploie-it
votre secours, un j)oele de campagne pour-
rait-il espérer de vous faire entendre ses
vœux et ses gémissements? Obtenez-lui-ea
1.' panion. Je sais qu'il ne mérite pas que
Jésus-Christ lui-même daigne l'éco.iter ; il
n'ose pas non plus s'adresser à lui ; niais
il compte beaucoup sur votre intercession.
Soyez donc favorable, grand saint, au pé-
cheur Prudence. »
Nous donnerons encore ici un extrait des
Offices de saint Ambroise, où il est parlé de
saint Laurent, liv. i, c!). il.
« Saint Laurent, voyant que l'on condui-
sait au supplice saint Sixte, son évêque, se
mit à pleurer, non de ce que ce saint jiape
allait mourir, mais do ce qu'il ne mourait pas
avec lui. « Où allez-vous, lui disait-il, mon
cher père, où allez-vous sans votre lils ? Où
courez-vous, prêtre de Jésus-Cluist, sans
votre dacre? vous n'aviez pas coutume
d'otfrir de sacrifice sans ministre. Qu'ai-je
donc faitciui ait pu vous déplaire? Ou'avez-
vous remarqué en moi qui me rendît in-
digne d'être appelé votre tîis ? Eprouvez du
moins si je ne mérite plus le choix que vous
aviez fait de n>oi pour consacrer avec vous
le sang du Seigneur. Vous ne voulez pas
que je joigne mon sacrilice au vôtre ; vous
me l'avez permis tant de fois dans la célé-
bration des saints mystères 1 Ah! prenez
garde que lorsqu'on donne de si grandes
louanges k la généreuse fermeté que vous
faites [)araître, l'on ne vous accuse en même
temps de ne me pas rendre toute la justice
que vous me devez, ou bien l'on croira que
vous aurez reconnu en moi quelque défaut.
Mais l'abaissement du disciple ne tournera
jamais à la gloire du maître ; et quelque il-
lustre qu'il soit, il triomphe bien plus glo-
rieusement par la victoi/e que remporte son
élève, que par celle qu'il remporte lui-même.
Enlin Abraham olfril son lils, saint Pierre
envoya devant lui saint Etienne. Faites-en
de même, moucher père; montrez, par ce
que peut votre fils, ce que peut un père tel
que vous, et que sa vertu fasse adanrer la
vôtre. Olfrez celui (jui est le lUs de votre es-
prit et de votre charité, faites l'essai de sa
loi, afin qu'étant sûr de ne vous être pas
trom|)édans le jugement (pie vous avez poi-té
de lui, vous arriviez à la gloire (jui vous at-
tend , accompagné d'un second, cjui, vous
ayant suivi dans le combat, méiite de vous
suivre dans votre triomp e. » Saint Sixti', se
tournaiit alors veis saint Laurent : « Je ne
voi's aljji.donin; pas, mon lils, lui dit-il, ce
ri'("^t f)a>) moi (pii vous laisse ; mais le (;i('l
vous léserve h de plus grands r-ombals. On
nous épargne, nous autres vieillards. Pour
voi.s qiii êtes dans la lieu.- de l'Age, et (pii
avez toute la vigeur de la jeunesse, une vic-
toiie plus éclatante vcjus attend. Cessez de
vous adligcr, dans tiois jours vous me sui-
vre/.. Il esl de la bienséance qu'il y ait ipud-
que disl.Mice entre le prêtre et le diacre, il
pe VOUS aurait pus été uvunlai5eu.v de com-
battre sous les yeux de votre maître, comme
si vous eussiez bvsoiu d'aide pour vaincre.
Pourquoi désirez-vous de partager avec moi
les tourments que je vais endurer? Je vous
les laisse tous par ma mort. Ma présence
vous était-elle nécessaire pour vous animer
au çombat?Nesavez-vouspasqueles officiers
font marcher devant eux les soldats timides,
mais qu'ils se font suivre par les plus braves ?
C'est ainsi qu'Elie laissa Elisée sur la terre,
loi'squ'il fut enlevé dans le ciel. Je vous
laisse donc en mourant dépositaire de mon
es[)rit, et je vous fais héritier de toute ma
YcnHu. » Sainte contestation, agréable dis-
pute, digne, certes, de deux illustres mi-
nistres de Jésus-Christ, tous deux combat-
tant à qui mouna pour lui ! Combien de
fois a-t-on entendu des théâtres profanes
retentirdesapplaudisscmentsdes spectateurs,
lor.>que la scène produisait à leurs yeux ces
deux fameux amis, Oresle et Pilade? Pilade
disait ([u'il était Oreste ; Oreste soutenait
que c'était lui-même qui l'était. Pilade vou-
lait, mourir pour son ami; Oreste ne pouvait
souil'rir (jue son ami mourût pour lui ; mais
ni l'un ni l'autre ne méritaient de vivre, puis-
que l'un et l'autre étaient coupables d'un
parricide ; le premier en était l'auteur, et le
second en était le complice. Au lieu que
c'est ici le seul amour de Jésus-Christ, la
religion seule, la divine charité (jui fait par-
ler saint Laurent, et qui lui fait demander
la moit qu'il ne mérite pas. 11 la reçut trois
jours après, selon ses désirs, et suivant la
prédiction du saint pontife. »
Saint Hij)polyte et le prêtre Justin enter-
rèrent son çori)s clans le cimetière de Cyria-
que, au champ Yérau. L'Eglise fait sa fête le
10 août.
LAURENT, chef de la famille des Tcheon,
était âgé de soixante-deux ans en 17G9, quand
il fut alte nt par la persécution qu'avait sus-
citée (ni Chine la dénonciation du chef com-
missaire du tribunal des matliématiques.
Trente ans aui)aravant, il s'était si^nali? par
sa courageuse résistance; mais cette fois on
le soumit à une bien dure épreuve. 11 avait
un (ils nommé Jean qu'il aimait beaucoup.
11 l'aimait mal, piiis(iue cet amoui* fut l'oc-
casion de sa cliute. L'amour d'un père pour
son tils doit avant tout s'inspirer de l'amour
de Dieu, car ce dernier doit être la source et
la règh; de tous les sentinunils humains.
Lors(|ue l'amour palin-iud cesse d'être con-
f(;rme h l'amour clivin et de le suivre, il s'é-
gare, et le cieur doit le briser : c'est ce (|ue
ne lit pas malheureuseiiKnil Laurent. Ainsi
qu'on peut le voir à l'article Jka>, It; vitnix
Laurent, (pii avait re(;,u (•iii(piante-(piatio
coups de biilon sans vouloir abjurer, ne put
teiiii- aux cruels tourments ipTon faisait
souil'rir à son lils, et abjura par une .fausse
tendresse.
LAl'KKN'l'lN (saint), oncle pateiiiel do
saint C.éléiin, (pii soullrit pour la foi sous
Dèce, fut lui-même martyrisé sous l'empire
de Sévères en Afrique, avec sainte Célérine,
a (Mded(; saint Célériii, et saint Ignace, oncle
maternel du mémo saint. Nous avons dans
1477 tKl
les OKiivi-es He saint Cypricn une oxcl lento
Ifllre h la loiian^H lo cos saints niailvts.
L'Eglise honore Itui mémoire le .'{ leviU'r.
KAI'HK.NI'IN (saint), et saint PbllUiKN-
TIN, son IVèit', qui n'étaient (iu(3 de jeunes
cnfaMts, apiés avoir sonUVrl de cruels su|i-
l)liees, et fait de grands miracles, durant la
t)ersé(;ution de Dùee, sous le président 'li-
l)uri e, [lérii-ent par le glaive. ( Extrait du
Maitijroluye romain.) L'ïv^isc les honore
1( 3 juin. Leur martyre eut lieu à Are/zu,
ville de Toscane.
LAUUIAC, aujourd'hui bourg do Lorch,
dans la hautti Autriche, est célèbre par lo
niarlyro qu'y endura saint Florien, vers
i'aïuiée 30/i-, sous Aquilin, gouverneur de la
Moiiqne.
LATSIKU ( CiERTRunE «i: ), ursulino do
lloléne, iuf guillotinée le 7 jUiKot 171)'i., avec
Agnès Koiissillon, religieuse du mémo ordre.
AiTivée< au lieu du suppliei', leur joie lut
si grand.', cpi'el'es baisèrent l'iiibtiuaKnl
qui devait leui' domier la mort.
LAZAUE (saint), diacre, fut martyrisé à
Trieste dans l'Istrie, sous le rc^ue de l'em-
pereur Marc-Aurèle. Nous manquons do
documents (|ui nous permettent d'en dire
davaniage sur son compte.
LAZARE (saint), soulfrit le martyre en
Peise, sous le roi Sapor. il eu pour compa-
gno; s do son martyre les saints Zanitas,
Marotas, Narsès et cinq autres dont les noms
ne nous sont point co. nus. L'Egliso honore
leur mémoire le 27 mars.
LAZARE (saint), martyr, eut le glorieux
Îrivilége do verser son sang pour la foi de
!'su>-Christ, en Peise, sous lo règne de Sa-
por, vers l'année 327. ( Voy. poui'des détails
plus explicites, les Actes de saint. Jonas et
de saint Harachise, à leurs articles. )
LAZARE ( saint ), naquit dans le pays des
Chazares, dans les environsdu mont Caucase.
Il entra de bonne heure dans un couvent do
Constaninople, où il apprit \.\ peinture dans
les moments qu'il dérobait à ses exer-
cices de dévotion. Nous voyons en elfet que
depuis les édits portés par les iconoclastes
proscrivant les images et l'art qui les pro-
duisait, les supérieurs de plusieurs couvents
faisaient cultiver la peinluie dans l'intérieur
du cloître, afin éi'empêcher que les images
fussent entièrement abolies. Aussi ce fut ce
qui l'exposa à de grandes persécutions.
L'empereur Théophile, successeur de sou
père Michel le Bègue, ordonna, en 829, que
les peintres, qui re/useraient de déchirer ou
de briser les tableaux des saints, fussent mis
à mort. No re saint fut donc arrêté, on l'ap-
pliqua à la torture et des tourments altroi'os
lui furent intligés; ensuite, on le jeta dans
u« cachot souterrain.
Ayant été mis en liberté, il recommença à
peindre et fut arrêté de nouveau. On lui ap-
pliejua des lames ardentes Si.r les mains, et
le fer rouge lui clévora la chair ju-qu'aux. os.
Ce dernier supplice fut -^i hor, ibh; ([u"on le
crut mort. L'impératrice Théudora, saisissant
MT
li78
C(( |)réte\te, le cacha dans l'église^ de Saint-
Jeaii-Uaptiste, et til panser ses plaies. Dans
l'année holi, Michel l'envoya à Kome pour
ollVir au pape Uei oit ill de giands [tré.sents
destinés a l'église des A|)ôlres. On dit (pi'il
mourut dans celle ville, et selon les méiio-
loges, on Iranstéra son (îorps à Conslanlino-
ple dans l'église de Sainl-Evandre. Son nom
est inscrit au Martyrologe romain le 23 fé-
vrier.
Lédan, ville du pays des Huzites dans le
royaume de Perse, fui, en 37(i ou .')77, sous
le règne de Sa[)or Longue-Vie, témoins du
martyre du saint évé(pie de Cascar, Abdas,
avec vingt-huit auties chrétiens, (ie fut un
vendredi, 15 du mois yar, (lue ce su| plico
eut lieu. Co jour coriespoud au 1(» du mois
de mai, auquel la fête de ces saints est ins-
crite nu Maityroli)ge romain.
LI'XIKN, qualilié proconsul do l'Ombrie,
fit tiancher la tète h sai:it Térenlicn dans la
ville de Todi, dont ce saint était le f)remier
évêijue, et est encore aujourd'hui le patron.
Nous ne savons rien do plus do ce person-
na.;e. ( Ughelkis. )
LEFÈVKE, jésuite français, était dans la
province de Keang-si quand éclata la persé-
cuiioii duFo kien,en ilkii. Ignorant qu'elle
eût éclaté, il voulait passer diins la pi ovincedc
Riaiig-Nan.Les mandarins ayant appris qu'il
était dans une maison où il résidait le plus
oi-dinaireuiont, tirent tout ce qu'ils purent
[lour le découvrir. Ils vinrent trois investir
cette maison, avec environ CO soldats. Lo
Père l'avait quittée depuis trois jours. Ou
saisit et on mit au pillage tout ce qui s'y
trouva. La maison, fut confisquée, ensuite
détruite ; beaucoup de chréticuis furent ar-
rêtés dans le voisinage, enchaînés et mis eu
prison. Us furent frap[)és à coups de bâton
et mis à la (|uestion. Ce fut alors qu'un des
chrétiens do ce district, courant après le P.
Lefevre, l'atteignit au bout de trois journées
de route, lui apprit l'éditde l'empereur, qui
ordonnait la recherche des missionnaires et
les cruautés qu'on venait de commettre.
« Changez de route, lui dit-il, retournez sur
vos pas ; vous n'avez rien de- mieux à faire
que do venir clieichor une retraite dans ma
maison : on y viendra faire des visites ; mais
où n'eu fera-t-on pas? Je no crains que pour
vous, et je m'e\i)Ose volontiers à tous les
dangers ; j'espère même qu'ayant un emploi
dans le tribunal, je pourrai modifier ces vi-
sites jusqu'au point do vous conserver pour
le bien de la chrétienté. » Les parents de
ce généreux chrétien refusaient de recevoir
le missio maire ; mais il vainquit leur ré-
sistance. Il le plaça dans un petit réduit où
peu de monde de la maison le savait caché.
Pour qu'il vit clair dans cet endroit, il fal-
lut faire au toit une ouverture en ùtant une
tuile, qu'on remettait quanti il pleuvait. On
ne visitait le Père et on ne lui portait à man-
ger que vers les neuf heures du soir. Le P.
Lefèvre entendait quelquefois des gens, des
chrétiens, qui conseillaient à celte famille
de ne le pas recevoir, en supposant qu'il
vint demander asile. Plusieurs fois on visita,
U79
Lef
LEF
4480
la maison; mais comme le chrétien à qui
elle appartenait avait une sorte d'autorité
sur le tribunal, les visites se faisaient légè-
rement. Le P. Lefèvre passa près d'une an-
née dans cette espèce de prison.
LÉGER (saint), évtVpu^ d'Autun, martyr,
naquit en GIG, d'une l'aniille franç.-iise fort
illustre. Tout jeune encore, il fut "mené par
ses parents à la cour du roi Clotaire IL Ce
prince, liis de la trop fameuse Frédégondo,
morte en 597, ne fut d'abord roi ijuc de la
Neustrie. Ayant iait Sigebert prisonnier, en
61i, et ayant fait mourir la reine Brunehaut,
il se troliva seul maître de la monarchie
française. Ce fut peu de temps après ces évé-
nements, que saint Léger fut contié aux
soins de Didon, frère de sa mère, et évèque
de la ville de Poitiers, ('e saint prélat mit
d'abord son neveu entre les mains d'un ec-
clésiastique recommandable, puis il le lit
ensuite venir dans son palais, i)Our prendre
lui-même soin de son éducation. Notre saint
faisait de très-grands et de très-rapides pro-
grès dans l'étude des choses sacrées. Son
oncle, voyant cela, le dispensa de l'applica-
tion des règles canoniques, et l'ordonna
diacre à l'âge de vingt ans. Bientôt après, il
le lit archidiacre et lui contia le gouverne-
ment de son diocèse à la mort de l'abbé du
monostère de Saint - Maxence , où saint
Maixeul, son oncle, le nomma pour pren-
dre sa place. Il gouverna ce couvent avec
infiniment de sagesse et de mérite. A la
mort de Clovis II, roi de Neustrie et de Bour-
gogne, sainteBathilde,mère du jeune roi Clo-
taireIII,f'it nommée régente: elle choisit, pour
l'aider dans le gouvernement du royaume,
saint Eloi de Noyon, saint Ouen de Rouen,
et saint Léger. En 6a9, on le promut à l'é-
vêché d Autun ; depuis deux ans cette ville
n'avait i)as d'évôque : le diocèse était dé-
chiré par les dissensions ; il y avait eu en
plusieurs rencontres du sang versé. Léger
pacitia tout, apaisa tous les troubles. Les pau-
vres furent soulagés, le clergé reprit un nou-
vel éclat par l'instruction que lui lit acquérir
le saint évèque. Les églises furent décorées,
enrichies. En 070, un synode fut assemblé h
Autun, lequel s'occu])a de plusieurs ordon-
nances concci'nanl les mœurs, et n'glementa
ce qui regardait les moines. Clotaire III
étant mort, en 069, saint Léger se rendit
iunnédiatenient h la cour. La noblesse se
déclara pour Childéric, (pii gouvernait avec
sagesse l'Auslrasit; ; mais Ebroin se déclara
y)Our Tliierry, le lit i>roclani(!r et se lit son
maiie du palais. Bi(;ntùl c(î ministre sut se
rendre si odieux, ({ue tout le mond(! se dé-
clara contre lui; de toutes |)arts on se soumit
à (Childéric. Ce prince auiait fait mourir le
mair(! du palais, si saint Léger et (piel(pies
autres évé(iues n'eussent obtenu sa grAce :
on se contenta de le raser, de h; retdcrmer
dans l'abbaye de Luxeuil. Thierry fut envoyé
dans celli; de Saint-Denis.
Tant (ju(î Childéric suivit les conseils de
saini Léger, il gouvei-na avec bonheur et sa-
gesse ; mais ln(Milùt, se laissant aller îi ses
passions, il changea de conduite : il en vint
jusqu'à épouser sa propre nièce. Le saint
évèque lui en fit d'abord secrètement des
remontrances ; m.:is l'ayant trouvé indocile,
il le reprit publicpiement et le condamna
formellement. La hardiesse de l'évèque dé-
plut beaucoup an roi, que les courtisans ne
manmièrent pas d'aigrii-. Le maire du palais,
Wulfoald, rendit sa tidélité suspecte ; on
l'exila à Luxeuil, où il retrouva Ebroïn, qui,
dans sa reconnaissance du service qu'il lui
avait rendu, Itù [)romit une lidéiité à toute
épreuve. Sur ces entrefaites, Childéric ayant
été assassiné par Bodilon, (|n'il avait piii)li-
quement fait fouetter, laissa le trône vacant
en 673. Safi^ume et son jeune iilsDagobeit
eurent le môme sort. Dagobert II, banni en
Irlande, fut proclamé roi. Ces événements
permirent à saint Léger de revenir ci Autun,
et à Ebroin de sortir de Luxeuil.
« Ebroin, voyant Leudésie reeonnu maire
du palais en Neustrie, ne le put souffrir. Il
quitta l'habit monastique, reprit sa femme,
amassa des troupes et marcha contre le roi
Théodoric. II sur[)rit Leudésie, sous prétexte
dune conférence, et le fil tuer; puis il s'as-
socia avec deux évoques déposés pour leurs
crimes. Désiré, surnommé Diddon, de Chû-
lons-sur-Saône, et Abbon, ou Bobon, de Va-
lence. Ils hrent paraître de concert un pré-
tendu fils du roi Clotaire III, qu'ils nom-
mèrent Clovis, publiant que Thierri était
mort, et sous prétexte de le faire reconnaî-
tre, Ebroïn marcha en Neustrie et envoya
en Bourgogne les deux évoques, avec \in-
mer, duc de Champagne. Ils marchèrent h
Autun |)Our prendre saint Léger, qui y tra-
vaillait à rétablir son peuple, après les dé-
sordres que son absence avait causés. Ses
amis et son clergé lui consedlèrent ne se re-
tirer, et d'emporter avec lui les trésoi'S qu'il
avait amassés, pour d.''tourner les ennenns,
en leur faisant perdre l'espérance d'en pro-
fiter. Mais il leur dit : « A quoi bon traîner
avec moi honteusement ce que je n'empor-
terai i)as au ciel ; il vaux mieux le donner
aux p.^uvres. » Il lit donc tirer sa vai3^elle
d'argent, qui était nombi'euse, et la lit met-
tre en pièces à coups de marteaux, pour la
distribuer par les mains de personnes tidèles,
réservant ce (|ui était à l'usage des églises; et
cet argent servit au soulagement deplusieurs
monastères d'hommes et de tilles. Ensuite il
oidonna un jeiine de trois jours et une pro-
cession générale, où l'on portait la croix et
les reli(iues dt'S saints autour des muradies
de la vdle. A cha(iue porte il se pioslci-
nait, et demandait à Dieu avec larmes cpu',
s'il l'appelait ,au 'martyre, il ne permît j>as
(pie son lrou[)eau fiU réduit en capliviié. La
crainte des ennemis avait fait accouru' le
piu|ile de foules parts dans la ville, dont ou
avait fermé les portes et mis tout en élal de
défense. Alors le saint évèque appela tout
le monde h l'église, et demanda pardon h
ceux (pi'il pouvait avoir oliensés par des ré-
primandes trop vives.
« Peu de temps après, les ennemis ap-
jdochèrent. Ceux de la vilhi tirent une vi-
gouieuso défense, et l'on c(uubatlit just[u'au
1481
LtG
LEG
148i
soir. Mais sninl Léger, voyant lo péril où
ils s'exposaiont, It'\ir dit : « N(! ooiiibatli'/.
pas (lavaiila^c ; si c'est pour moi (ju'ils sont
venus, j»î suis |»r(Hà les salisi'airo ; cnvovons
un (le nos Mws savoir co ([uils dcuiaii-
dent. » Vu al)l>i'' nouuur Méroaldc sorlil cl
s'adressa h Diddon, (jui répondit (pi'ils ne
cesseraient (ralta(pier la ville, si on ne leur
livrait Lé^ei-, et s'il ne prouiellait lidélilé au
roi Clovis, assurant avec sennenl (pie 'l'iiéo-
doric était mort. S:\int Léj^er, ayant appiis
coittî réponse, déclara pultliipiement qu'il
soidl'rirait plutôt la mort (pu* de nian(pu'r de
fidélité h sou pi-ince. Kt connue les i>niicniis
j)ressaiciit la ville par le l't-r (.'t par le l'eu, il
dit adieu »i tous les frères, el, apiès avoir
piis la sainte connuinuon, il uiaiclia lianli-
ment vers la porte, la lit ouvrir et s'oll'r.t
aux ennemis, lis lui tire'il arracluîrles yeux,
ce qu'il souIVrit sans se laisst'r lier les mains
et sans pousser aucun gémissemeut, ne t'.ii-
sant ee[)enilanl que chanter des |)saumes.
Vaimer et Diddon donnèrent à lîohon !'é-
vôclié d'.Xutun, pour le récouq^enser de Va-
lence, dont il avait été chassé, et lo peu|)le
Je reçut pour éviter la ca|itivité. Ainsi ou
n'emmena personne ; mais on prit cinq
mille sons d'or de l'argent de l'église, outre
ce que donnèrent les ciloyeus.
« Vaimer emmena saint Léger chez lui, eu
Champagne. Diddon el Hohon marchèrent
avec Adah'ic, (pi'ils voulaient établir palrice
en Provence. Ils croyaient cul. ver en pas-
saut saint Genès, archevêque de Lyon; mais
le [X'uple, rasscnd^lé de tous colés, défen-
dit si l.uen cette grande ville, (lu'ils furent
obligés de se retirer. L'arcbcvèciuc mourut
quel(pie lenqis après, le premier jour de no-
vtMubre C77, et eut pour successeur saint
La:id)ert, abbé de Fonlenelle, après saiiit
Va!i(hille. Avant d'embrasser la vie mo-
iiasli(pie, il avait été en grande considéra-
lion à la cour du roi Clolaire 111. Saint Ans-
J)erl lui succéda à Fonlenelle, el en fut lo
troisiènuj abbé, suivant la pro[)hélie de saint
A'andrillc, cpii avait marqué ses deux pre-
miers successeurs.
« Kbroui avait ordonné qu'or; tint saint
Léger dans le i'ond d'un bois et qu'on l'y
laissai mourir de faiui, faisant courir le
bruit (pi'il s'était noyé. .Mais après (j[u'il eut
longtemps soulfi.nH la faim, Vaimer eut com-
passion el le lit aujener chez lui. Il fut
même tellement touché de S(;s discours,
qu'il lui rendit l'argent de l'église d'Autuu,
cl saint Léger l'y renvoya pour être dis-
tribué aux })auvres. Vaimer fut fait ensuite
évèque de 'i'royes par l'artiticc d'Ebruin,
qui craignait a[)paremmeut sa puissance; et
saint Léger fut mis dans un monasière où
il demeura deux ans. Ebroin, étant devenu
maire du palais de Théodoric, el maîrre ab-
solu en Neustrie el eu Bourgogne, feignit
de vouloir venger la mort du roi Childérie,
el en accusa saint Léger et son frère Gairin.
On les amena en la [irésence du roi et des
Seigneus. Ebroïn le cliargea de reproches ;
mais saint Léger lui répondit : « Tu veux te
mettre en France au-dessus de tous ; mais
DicTiONN. DES Persécutions. L
tu perdras bientôt celle dignité que tu mé-
rites si p(ni. n Ebroïn le (il sépar(!r ; ( t pre-
mièrement on ennnena (lairi i, (pii fut atta-
che h un poteau et la|)idé. il disait cepen-
dant : « Seigneur Jésus, (pii êtes venu ap-
peI(M-, non pas les justes, mais les pécheurs,
recevez. l'Ame de votre seiviteur, ;i cpji vous
ave/, bien voulu accorder une mtxt sembla-
ble h celle des martyrs. » Il mourut ainsi
en priant.
« On n'osa faire mourii' alors saint Léger,
parc(! cpi'il n'avait pas été déposé par les
évê(|ues. Mais il fut traîné dans une pièce
d'eau, dont les pierres aignés el tranchantes
lui déchirer, ni la plante des (;ieds ; outre
les yeux, <p''il avait perdus, on lui coupa
les lèvres el la langue pour le faire tomber
dans le désespoii'. On le dépouilla lion eu-
sement, et, a^près l'avoir liainé nu dans les
rues bourbeuses, on le mil sur un méchant
cheval, el on chargea le comte Varingue de
l'emmener et le garder. Ermenaire, abbé de
Saint-Svmphorien d'Autun, qui lui succéda
dans Tépiscopat, prit soin de guérir ses
plaies, et depuis le saint ne lai sa pas de
parler; ce qui passa jiour un miracle. Lo
comte Varingue , l'ayant emmené en so'i
pays, l'honora comme un martyr, et lo mit
dans le monastère de Fescan, fju'il avait
fondé. Saii.t Léger y fui gardé pendant deux
ans ; et, se trouvant guéri en peu tie temps,
il instruisait les re igieuses, oifrail tous les
jours le saint sacrilice et priait continuelle-
ment.
« Il écrivit de là une lettre de consolation
à sa mère Sigrade, qui s'était rendue reli-
gieuse dans le monastère de Notre-Dame de
Soissons. Il lui recommande [)rincipalemcnt
le pardon des ennemis. Aussi, ayant appris
dans sa retraite la punition de quelques-uns
de ses persécuteurs, loin de s'en réjouir, il
})leura de ce qu'ils étaient morts sans péni-
tence. En effet, le roi Théodoric et Ebroïn
assemblèrent un concile nombreux, où plu-
sieurs évoques furent condamnés. Diddon,
qui l'avait été de ChAlons, eut la tète lasée,
ceciui était un signe de dégradation; ensuite
il fut banni et puni de mort. Vaimer, duc de
Chaujpagne, et depuis évêque de Troyes,
étant tombé dans la disgrâce d'Ebroïn, fut
tourmenté et pendu.
<( Enlin Ebroin fil amener saint Léger au
palais, voiilant le faire déposer |)ar le juge-
ment des évoques, afin qu'il n'eût plus la li-
berté d'oifrir le .»aint sacrilice. On le pressa
encore de s'avouer coupable de la mort du
roi Childéric; mais il !e na toujours, prc-
ranl Dicii à témoin de son innocence. On lui
déchira sa tunique du hauljusqu'en bas, ce
qui éiait encore une cérémonie de di'posilion,
et on le mil entre les mains de Chrodobert,
comte du palais, avec ordre de le faire mou-
rir. Ebroin, prévoyant qu'il serait honoré
comme un martyr, ordoiiiia que l'on cher-
ciiàt un puits au fond d'un bois pour > jeter
son corps el le couvrir, en sorte qu'on ne
pût le retrouver. Mais Chrodobert fut tou-
ché par les exnorta'iions du saint, qui savait
se faire aimer et respecter de tout le monde.
47
14S5
LEO
LEO
1484
Ne pouvant donc se résoudre à le voir mou-
rir, il commanda à (juatre (i(^ ses domesli-
gues d'exécuter l'ordre qu'il avait reçu. La
femme du comte eu pleura amèrement; mais
saint Léger la consola et lui dit qu'elle s'at-
tirerait la bénédiction de Dieu si elle pre-
nait soin de sa sépulture.
« Les quatre exécuteurs le menèrent dans
la forêt, où, ne trouvant point de puits, ils
s'arrêtèrent etitin, et trois sejetèrent à ses
pieds pour lui demander pardon. Il pria
pour eux ; puis, quand il avertit qu'il était
temps, le quatrième lui coupa la tète On
dit que ce meurtrier fut quelque temps après
saisi du démon, et qu'il se jeta dans le feu
et y mourut. La femme du comte Chrodo-
bert fit enterrer le saint dans un petit ora-
toire, en un lieu nommé Sarcin en Artois;
mais il fut depuis transféré au monastère de
Saint-Maixent en Poitou, dont il avait été
abbé. La forêt où il fut tué, nommée aupa-
ravant Aquiline ou Iveline, a pris, depuis
plusieurs siècles, le nom de Saint-Léger ; on
abdti en son honneur un très-grand nombre
d'églises. On rapporte quantité de miracles
faits à son tombeau ; et il n'y a guère de saint
plus illustre en France. L'Eglise l'honore
comme martvr, le second jour d'octobre; et
il mourut , comme l'on croit , l'an 678. »
(Fleurv, t. II, p. 913,914.)
LENTINI, ville de Sicile, à 22 kilom. d'A-
gosta, a été illustrée par le martyre de sainte
Epiphane, qui y souffrit sous l'impie Dioclé-
tien et le président Tertyle.
LÉOCADIE (sainte), naquit à Tolède en
Espagne. Son nom est demeuré célèbre dans
cette vieille terre catholique. Le temps de la
persécution de Dioclétien étant arrivé ,
sainte Léocadie fut remarquée, à cause du
zèle tout particulier qu'elle faisait voir pour
la religion chrétienne. Un nommé Dacien,
gouverneur, implacable ennemi du nom
chrétien, la fit arrêter : il lui fit souffrir d'hor-
ribles tortures, et la fit ensuite mettre en
prison. Elle y mourut des suites de ses bles-
sures. On ignore en quelle année précise
eut lieu la mort de la sainte : suivant les opi-
nions les plu.'î communes, ce fut en 302 en-
viron. Sainte Léocadie avait été embrasée du
désir de verser son sang pour la foi, en ap-
prenant la mort de sainte Eulalie. Elle ne
cessait de demander h Dieu la grAce de mou-
rir aussi pour lui. Comme on vient de le
voir, sa prière fut exaucée, Tolède a choisi
cette saint(i f)0ur patronne : trois des églises
de celle ville sont sous son invocation. L'E-
glise fait la fête de sainte Léocadie le 9 dé-
cembre. (On [)eut, h son sujet, consull(;r le
P. Florès, Spaàn sagrada, t. VI, p. .'{13.)
LÏ:;0(^K1TIE (sainte), cueillit la palme du
^jartyre à Cordoue, durant la persécution
d'Abdérarae H. Cette jeui;e musuliiKUHî
avait, dès son (îufance, été instruite dans la
religion chrétienne par une; de .ses parentes
qui l'avait lait ba(>liser. Son père et sa mère
1 ay.uit su, la tourmentaient cruelleuKMit, la
foufliîiiii jour et nuit, dil Fleurv dans sa
tradu(;liond'l"jjloge, pour la foirer de renon-
cer li sa foi. Elle Ut connaitro sa iii;illieui"ouse
])Osilion à Euloge de Cordoue et au prêtre
Amulone, leur témoignant le désir Qu'elle
avait de se réfugier dans un lieu où elle pût
pratiquer sa religion en liberté. Euloge lui
procura les moyens de sortir de chez ses
parents, qu'elle trompa, au point même
qu'elle parlait mal, en leur présence, de la
religion chrétienne. Elle se revêtit de ses
plus beaux habits, sous prétexte d'aller à
une noce, et se réfugia chez Euloge et sa
sœur , qui la cachèrent pendant quelque
temps,, et la placèrent chez une personne de
leurs amis. Les parents, au désespoir, firent
des recherches inouïes pour la retrouver, et
obtinrent du cadi de faire arrêter et fouetter
des chrétiens, même des religieuses et des
prêtres, sur lesquels ils avaient des soup-
çons. Euloge ne se trouvait ému de rien,
faisait souvent changer de retraite à Léocri-
tie, et passait les nuits en prières pour elle,
tandis qu'elle, de son coté, priait, jeûnait et
couchait sur un cilice.
Une nuit, étant venue voir Euloge et sa
sœur, elle ne put retourner, parce que la
personne qui devait l'accompagner vint trop
tard, et qu'il était déjà jour. Le cadi en étant
averti, envoya des soldats entourer la mai-
son, d'où ils tirèrent Léocritie avec Euloge,
et les amenèrent en sa présence. Il demanda
à Euloge pourquoi il tenait cette fille chez
lui, et Euloge répondit que les prêtres ne
pouvaient refuser l'instruction ù ceux qui la
demandaient. Le cadi le menaça de le faire
mourir à coups de verges ; mais Euloge ré-
pondit tiue le glaive était un moyen plus
sûr, et commença à parler hautement con-
tre le prophète et sa religion. On le mena
aussitôt au palais, devant le conseil. Un des
conseillers, qui Je connaissait particulière-
ment, lui dit : « Si des ignorants se précipi-
tent malheureusement à la mort, un homme
savant et vertueux comme toi ne doit pas
imiter leur folie. Ci'ois-moi, je te prie, dis
seulement un mot à présent, puisqu'il le
faut : tu reprendras ensuite ta religion, et
nous promettons de ne te point rechercher. »
Euloge lui réj)ondit en souriant : « Ah! si tu
pouvais connaître les récompenses qui at-
tendent ceux qui conservent notre foi, lu re-
noncerais à ta dignité tcm])orelle. » Il com-
mença alors à leur proposer hardiment les
vérités de l'Evangile; mais, i)Our ne le pas
écouter, ils le condamnèrent aussitôt, à per-
dre la tête. Comme on le menait au supplice,
un des (.'unuqucs du roi lui donna un souf-
fiet: il tendit l'antre joue et en souffrit pa-
tienunent un second. Quand il fui arrivé au
lieu de l'exécution, il pria à genoux, étendit
les mains auci(!l, fit le signe de la croix sur
tout son corps, et piésenta sa têle qui fut
|)romptem(!nt coupée. C'était h l'heure de
none, ou (rois heures après midi, le samedi
jl mars 859. Il fut enterré .^ Sainl-Zoïle. Léo-
critie fut aussi décollée cpialre jours après,
et j(!téedans h! Ileuve Bétisi ; mais elle en fut
tiiée et enterrée h Sainl-Cenès de Tertios.
l>'Fglise honore l'un et l'autre le jour de leur
ni.irt,>re. La Vie de saint Fulogo a été écrite
par Àlvar, son ami, et depuis, il nous restf
I4S.S
i,i;o
Li:o
N«(î
peu do nionumt'nls do l'K^'lise d'iîspagnu
Suas la doiuiii.ilion des niusidiuaus.
l.ÉON (sainl), mailyr, mourut pour la dé-
fense de noire sainte religion, h Uoiue, avec
les saints Al)oniiaii(-e, Donat, Nicrphore et
iieul'aulres, dont l'iîgliso honore la MH'inoiie
le 1" mars. (Pas d'actes aulhenticpics.)
LÉON (saint), n)arlyr, soutVril dans le
iir si(>(lt>, probablement sous reni[)ire de
Diorlétien. l). lUiinarl a douné ses Actes,
que nous transcrivons textuellement, (le
saint est honoré ^)ar l'Kgliso avec saint Paré-
gorius, le 18 de lévrier.
« Saint Parégorius venait do répandre son
sang h Patare (ville de Lyeie), pour la cause
de Jésus-Christ, et saint Léon, qui avait été
le témoin de son combat, se trouvait pai'Iagé
entre la joie que lui causait le bonheur de
son ami et la douleur de n'avoir |)n encore
se signaler comme lui, lorsque l'intendance
de la Lycie fut donnée au proconsul Lollien.
Ce nouvel intendant, voulant à son arrivée
marquer son zèle pour le culte des dieux,
indiqua une fêle solennelle en l'honneur de
Sérapis, et ordonna que tous les habitants de
Patare, de quelque religion qu'ils fussent,
s'y trouveraient. Plusieurs chrétiens obéi-
rent, la crainte des hommes l'emportant sur
celle des jugements de Dieu. IMais Léon,
bien loin de marquer la moindre complai-
sance pour l'intendant, ne voulut pas même
qu'on lui parlât de cette cérémonie sacrilège.
Pensant alors en lui-même à ce qu'il avait
à faire en cette rencontre, il sortit de son lo-
gis pour se rendre au lieu oi!i étaient les re-
liques de saint Parégorius. 11 passa devant
le temple de Sérapis, où l'on oilrait un sa-
crifice; ceux qui y assistaient, ayant jeté les
yeux sur lui, reconnurent qu'il était chré-
tien, à sa démarche, à son visage et à son
habit. Car on voyait en tout cela un air de
modestie qui le rendait respectable. Mais on
remarqua particulièrement, à quelques si-
gnes qu'il fit, qu'il avait une extrême hor-
reur pour cette fête impie. Il s'était exercé,
dès sa jeunesse, dans les pratiques de la vie
solitaire; et outre les autres vertus qu'il y
avait acquises, il possédait éminemment la
chasteté et la tempérance. Son habit était une
étoff'e grossière, faite de poil de chameau; en
un mot, il avait pris pour modèle de ses ac-
tions les apôtres et saint Jean-Baptiste. Etant
donc arrivé au tombeau de saint Parégorius,
il y fit sa prière; il se retira ensuite chez lui,
il y pria à son ordinaire, mangea un peu, et
y demeura le reste du jour renfermé, repas-
sant sans cesse dans son esprit la fin glo-
rieuse de saint Parégorius. Tout occupé de
ces pensées, il s'endormit et vit en songe,
comme un autre Joseph, ce qui devait lui
arriver. Il lui sembla donc être au milieu
d'un torrent ; un orage eff'royable obscurcis-
sait tout l'air, et l'eau tombait à grands flots
des nues noires et épaisses qui passaient sur
sa tête. Ayant aperçu dans le même torrent
saint Parégorius qui s'avançait vers le mar-
tyre, il courut à lui, malgré la rapidité du
torrent, et le suivit. S'étant réveillé après
cette vision, il n'eut pas de peine à com-
prendie qu'il aurait le même sort que Paié-
gorius; il on ressentit une joie qu'on ne
peut ex[)iimer. Cett(î espéiancc; au};menla la
dévotion (pi'il avait pour ce bienheureux
niaityr; dallait plus souvent h son tomlxMu;
il ccùnmença à se nîgaider comme h; fidèle
compagnon (his travaux de Paié^orins, et h
considérer Parégorius comme soîi préi;ur-
seur dans la gloire. 11 ne cherchait point de
chemin détourné, ni uiie route secrète {)Our
aller visiter les reli(pu»s du saint ; il [)assait
au milieu de la ville, par la place publique,
à la vue de tout le j)euple. Un jour (lu'il
avait pris son chemin par devant le 'l'icnée,
il a|)erçut ce temple illuminé d'une infinité
de flambeaux ; il eut compassion de ceux qui
les avaient allumés, et, animé d'un zèle cha-
ritable, il éteignit tous ces flambeaux, les mit
en pièces, les foula aux f)icds, et dit : « Si
« vos dieux se sentent oflensés de l'insulte
« (pie je leur viens de faire, ils n'ont qu'c>
« m'en punir, je ne me déroberai point à
« leur ressentiment. » Il poursuivit ensuite
froidement son chemin.
« Cependant la populace s'assemble, une
troupe d'impies se mêle parmi les plus sédi-
tieux, on murmure, on s'émeut, on crie, on
charge Léon de malédictions. Il est cause,
dit-on, que la déesse Fortune ne regardera
plus Patare de bon œil ; il lui a fait une in-
jure, dont elle ne manquera pas de se venger
si on ne l'apaise. Le tumulte augmeiitant, et
le bruit de l'action de Léon se répandant de
rue en rue et de quartier en quartier, fut
bientôt porté aux oreilles de l'intendant, qui
envoya en même temps des soldats pour ob-
server le saint et se saisir de lui à son re-
tour. Ils le virent rentrer chez lui; et, ayant
investi son logis, ils le.prirent sans qu'il fit
la moindre résistance, et le menèrent à l'in-
tendant. Ce magistrat était déjà fort altéré
du sang des chrétiens, et cette généreuse
hardiesse du martyr ne servit pas peu à l'al-
lumer encore davantage. 11 considérait que
la chose était d'un très-dangereux exemple;
qu'il était de la dernière importance de ré-
primer cette audace des chrétiens, contre la-
quelle les dieux mêmes n'étaient pas en sû-
reté. Aussi, dès que Léon fut en sa présence,
il s'emporta fort contre lui. « Méchant vieil-
« lard, lui dit-il, ignorez-vous le pouvoir des
« dieux, lorsque vous osez entreprendre sur
« leur religion? ou avez-vous tellement perdu
« l'esprit, que vous croyiez pouvoir mépri-
« ser impunément les ordonnances de nos
« divins empereurs, qui sont aussi nos dieux
« et nos sauveurs? — Seigneur intendant,
« répondit Léon, vous venez de parler de i lu-
'( sieurs dieux, cependant il n'y en a qu'un;
« c'est Jésus-Christ notre Seigneur, Fils de
« Dieu, et le Dieu du ciel et de la terre, qui
« n'a pas besoin que les hommes lui rendent
« un pareil culte. Un cœur contrit et une
« âme qui sait s'humilier, voilà ce qui peut
« plaire à Dieu. Mais ces flambeaux, ces cier-
« ges, ces lampes, que vous allumez devant
« vos idoles, sont toutes choses vaines &ten-
(■( tièrement inutiles à des statues de bois.
« de pierre et de bronze, qui doivent tout c*?
1487
LEO
LEO
1488
« qu'elles sont au sculpteur ou au fondeur.
« Si vous connaissiez celui qui est le vrai
« Dieu, vous ne perdriez pas ainsi votre en-
« cens h par.''unier une souche ou une pièce
« de marbre. Renoncez donc à ce culte vain
o et frivdle, et r( servez vos louanges et votre
« admiration pour celui (jui est le vrai Dieu,
« et i)Our Jésus-Christ, sou Fils, le Sauveur
rt du mnnde et le créateur de nos âmes. —
« Vous ne ré[)ondez pas juste, repartit l'in-
« tendant, et, au lieu de vous purger des
« crimes qu'on vous objecte, vous vous amu-
« sez à nous prêcher voire christianisiuc.
« Maisje rends grAces aux dieux qui ont per-
n rais que vous vous décelassiez vous-même,
« et que vous vous fissiez connaître pour ce
que vous èles: choisissez donc, ou d'ado-
rer les dieux et de leur oll'rir le sacriiice
avec tous ceux qui sont ici présents, ou de
souffrir la peine que mérite votre impiété.
— Je vous avou". répliqua le martyr, que
j'eusse souhaité de n'avoir à déj'lorer la
chute d'aucun de ceux que je vois si mal-
heu' e'isement tombés dms l'erreur. Hélas !
quelle douleur doit ôtre'la mienne, lors-
que je jette les yeux sur cette multitude de
chrétiens qui se sont laissés séduire. Mais,
de peur que vous ne vous imaginiez
que je suis de ce nombre, je vous dé-
clare que je suis chrétien. Je conserve
gravés en moi-même les préceptes des
apùtres, qui enseignent tous à rendre à
Dieu l'obéissance qui lui est due. Si donc
vous croyez devoir me punir à cause de
cela, ne différez pas un moment ; car soyez
persuadé que la crainte des lourmenis ne
me fera jamais manquer à mon devoir.
Je suis prêt à endurer tous ceux que vous
voudrez me fîiire souffrir. Au reste, si
quelqu'un est d'un autre sentiment, il peut
se borner h la vie présente, sans prétendre
l la vie future. On sait que ce n'est que
par le chemin des souffrances qu'on y ar-
rive, suivant celle maxime de l'Ecriture:
La voie qui conduit à la vie est étroite. —
Eh bien! dit l'intendant, si elle est si
étroite, quittez la pour suivre la nôtre qui
est large et counnode. — Je n'ai pas dit,
reprit Léon, qu'elle fût si resserrée qu'on
ne pût y marcher ; et ne croyez pas qu'elle
soit déserte; [)lusieurs l'ont parcourue, et
plusieurs la suivent encore tous les jours:
elle est appelée étroite, parce qu'on y len-
contre la morlilicalion, la |)auvr( té, les af-
flictions, la persécution; mais la loi adou-
cit les peines ; elle fait surmouler les dilli-
eultés; elle aplanit le chemin, l'élargit et
le rend aisé, l'ounpi'ii, enfin, n(; v()us lais-
a sez-vous j)as convaincre de celle vérité, el
« que ne prononcez-vous hardiment (|ue
a cette voie étroite est cependant Irès-com-
o nmde pour arriver au salut, pnisipie vous
« n'ignorez |»as (pi'une multilu.ie iimombra-
« ble de litjéles, (]ui ont éie justifiés par la
« même foi (pii a justifie; rioti-e père Abra-
" hfun, ont marché par cette voie, el repo-
* seul maiiiten.intdans le sein de ce père «les
« croyants; et qu'au conliaire l'incrédulité
« rend pénible, rude t-i cmbarrassép, relie
« par laifuclle vous marchez : car, les vertus,
« qui sont si aisées ^ pratiquer lorsqu'on a la
« foi, sont très-dil1iciles à acquérir, et de-
« viennent en (piel([ue sorte inaccessibles à
« ceux qui sont privt's de ce secours. »
« Comme le saint discourait ainsi de la re-
ligion chrétienne, et (ju'il en établissait so-
lidement la véiité et les maximes, il fut in-
terrompu par des cris confus que poussaient
à l'envi les Juifs et les païens. « Ne souf-
« frez pas de grâce, seigneur, disaient-ils à
« l'intendant, que cet homme p 'rie davan-
« tage, imposez-lui silence. — Je lui permets
« au contraire, dit l'intendant, de parler tant
« qu'il voudra; et de plus jt; lui offre mon
« amitié, s'il veut reconnaître nos dieux. »
A quoi Léon répondit : « Seigneur inlen-
« dant, si vous avez déjà oublié ce que je
« viens de dire, vous avez raison de me
« jDermetlre de parler encore; mais si vous
« vous en souvenez, comment voulez-vous
« que je reconnaisse pour des dieux ce qui
« n'est rien ? » Ces dernières paroles du
saint mirent l'intendant si fort en colère,
qu'il le fit cruelhnnent fouetter. Pendant que
les bourreaux le déchiraient impitoyable-
ment, lintendant lui disait : « Ce n'est là
« qu'un essai des tourments que je vous
« prépare ; si vous voulez que je m'e i tienne
« a l'essai, il faut que vous adoriez nos
« dieux et que vous leur sacrifii z. Léon : O
'< jugelje veux bien vous redire encorece que
« je vous ai déjà dit tant de fois : Je necon-
« nais point vos dieux, et je ne me résoudrai
« jamais à leur sacrifier. L'intendant : Dites
« seulement : Les dieux ont un pouvoir sou-
« verain; et je vous renverrai. A vous dire
« vrai, j'ai pitié de votre vieillesse. Léon :
« Oui, je consens de dire que les dieux ont
« un pouvoir souverain pour perdre ceux
« qui croient en eux. Lintendant : Qu'on le
« lie comme un furieux , et qu'on le traîne
« à travers les pierres et les cailloux jus-
« qu'au torrent. Léon : Il m'importe peu de
« quelle manière je meure ; je ne puis que
« mourir content, puisque le ciel doit être
« ma récompense. L'intendant ■ Obéissez à
« l'édit, et dites: Les dieux sont les conser-
« vateurs du monde ; ou bien je vous ferai
« mourir sur-le-champ. Léon : Vous n'avez
« que des jiaroles, venez-en enfin aux ef-
« fets. » L(! peuple, ne pouvant nlus se con-
tenir, comiuençail à s'émouvoir : l'intendant,
apprélieiidant que cela n'eût des suites, fil,
pour satisfaire le jieuple, traîner le saint
martyr dans le lonenl pour y êtie exécuté.
Les bourreaux le j)rirent, l'attachèrent par un
pied, el se mirent à le traîner sur les cail-
loux dont la terre était sinnée. Pendant cette
longue et pénible carrière, le s'iint disait :
« Je vous rends grâces. Père de Ji'sus-Christ,
« de ce (pie vous avez la bouté de me rejoin-
« (Ire si promplriuenl à votre s(Mvileur Paré^
« gorius. Je vous oifr(! ma mort avec joie, je
« vous l'ollVe pour satisfaire aux pécliés de
'< ma jeunesse. Je remets mon âme eiitn^
.' les mains de vos anges. Dans peu je serai
" \'o\\\'\s (Ml liberté , et ma destinée ne dé-
" pondiM plus de l'injusiice des méchants»
1489
J.EO
I r.i)
uuu
H Soyez-ltMir toiitel'uis pioiùce, Seigneur, ne
« vengez pas inn ni il sur ceux qui on soiil
(( les ailleurs, je ileiiiarule giîlee pour eux.
•t Qn'ils vous eonnaissent, Soi>;neur, |)uurle
i( Dieu (le l'univors ; niais ([u'ils (''prouvi-iil
« voire clt5inenco au inonienl où ils sor^jul
« i^(laii-(''s de voire luniièie : accoidcz-inoi
« la grAcotle soullVir paticiiinieiit pour voire
« gloire. Aineu. » Kl après avoir dil une s(;-
coiide l'ois amen, il expira.
(( Ou préei[)ila le c rps du saint du haul
d'un rocher dans une [biulrièr(> (jui était au-
dessous, sans fiu'il tïll le moins du monde
endommagé. H l'ut trouvé clans le foml de
cet abime aussi entier ipie si on l'y eût porté
do'icemt'nt; il n'y paraissait (]ue <pielciues
légèi'es égratignures qu'il s'i'tait laites en
rou'anl sur les pointes du rocher. Ce fut
ainsi ((ue Léon mérita |)lus d'une couronne
pour avoir vaincu le démon : mais parce
qu'il est juste (jue la mémoire des exploits
lAlorieux des saints, et les grAces dont le ciel
les favorise, se conserve dans les siècles sui-
vants. Dieu a voulu que le lieu mémo où lo
corps de saint Léon fut précifiité en fût un
monument éternel. Ce lieu, avant ce lemps-
là, éiait un précipice atfreux dont la vue
seule éloignait le voyageur; mais depuis
qu'il a servi de tombeau au saint, il est de-
venu entièrement praticable, le terrain s'est
allermi, on y peut marcher sans courir le
moindre hasard. On se sent même dôiourné
insensiblement du grand chemin par je ne
sais quelle puissance inconnue pour passer
jiar cet endroit. Enfin on a vu un cnariot
tiré par plusieurs chevaux , tomber de fort
haul dans le fond de cet abîme, sans que ni
les chevaux, ni le chariot, ni les conduc-
teurs, ni les personnes qui étaient dedans
se ressentisse-iit d'une si dangereuse chute.
« Le corps du suinl fut aussitôt relevé par
les chrétiens, qui ne pouvaient assez admi-
rer l'éclat plein de majesté, et mêlé toutefois
d'un doux souiire, qui sortait de son visage,
non plus que la couleur vive qui n'avait
point abindonné le reste de son corps. 11
était seulcme Tt couvei t d'un peu de pous-
sière, comme le sont ceux des athlètes au
sortir de l'amphithécltre. Les frères le lavè-
rent et l'ensevelirent avec un grand soin;
après quoi ils se retiré; eut, rendant à Dieu
mille actions de grâces de ce (ju'il avait
donne au bienheureux martyr une si longue
et si généreuse persévérance, et le priant en
même temps, de les faiie jouir un jour du
môme bonheu.'. Puissions-nous nous en
rendre dignes ! »
LÉON (saint), reçut le martyre â Myrc en
Lycie avec sainte jTulienne. Tous deux sont
inscrits au Martyroioge romain le 18 août.
Nous ne possédons aucun document authini-
tique relatif à ces glorieux combattants delà
foi de Jésus-Christ.
LÉON (saint) , confessa la foi de Jésus-
Christ à Melun, à une époque et dans des
circonstances qui nous sont inconnues.
L'Eglise fait sa lète le 10 novembre.
LEON (saint), évêque et confesseur, souf-
frit à Sens pour la défense de la religion
chrélit-nne et pour riiDinieiir de .•>n loi. Nous
ignorons les délails de son ((jinbat. 11 est
insci il au Martyrcjlo.Ae romain le '22 avril.
LÉON m, dit \'Is(tttiicii, dit aussi l'/cono-
claslf , était originaire d"lsaur:e. D'abord
généial sous Anastasi! II, il monta sur le
lron(( im|)érial en 717. Dix ans a|»rès, en
727, un volcan sous-marin ayant f;iit une
violente éruption dans l'Archipel, entre les
iles Théra et Thérésia , la mer y présenta
durant (piel(|U(î temps ras[)ect d'une vérita-
ble lempéte : des pierres furent lancées h
d'(''normes distances sur les deux continents
d'Asie et d'Euiope, et une île nouvelle sur-
git tout à coup auprès de celle de Théra.
Léon feignil de voir dans ce fait, assez ordi-
naire ce> endant dans l'anli(iuilé, la marciue
de la colèr(! du ciel irrité de ce que les
chrétiens adorassent les images. Il traitait C(î
culte d'idolàlrie. liescr, Syrien, Constantin,
évé(|ue de Nacolie en IMir) gie, le soutenaient
encore dans cette o[)inion. L'em[)ereur ayant
assemblé le peuple, dit i)ubliquement que le
culte des images était une idolâtrie. Cer-
main, patriarche, lui résista énergiquement,
et, soutenant que de tous temps edesavaicnt
été en honneur dans l'Eglise , se déclara
j)rôl à mourir pour la défense de leur culte.
Cette entreprise de Léon contre les images
lui attira une révolte des peuples de la (jrèce
et desCyclades. Il en demeura vainqueur, et
ce succès le rendi. plus audacieux dans son
projet hérétique. N'ayant pu gagner le pa-
triarche Cerm.iin, quoiqu'il employât [)Our
cela menaces ou bien douceur, il le chassa
de Constantinople; il envoya dans le palais
épiscopal des soldats qui frappèrent à coups
de poings ce vénérable vieillard, quoique
âgé de près de quatre-vingts ans. L'empe-
reur lit ordonner Anastase à sa place; il fit
ôter l'image de Jésus-Christ , laquelle était
placée depuis fort longtemps à la porte du
jjalais nommée la pore d'Airain et donnant
sur la place nommée Calcopratea (marché au
cuivie). Il envoya pour l'abattre un de ses
écuycrs nommé Jouin. Celui-ci, montant à
l'échelle, frappait l'image à coups de hache.
Les femmes s'attroui/èrent,tirèient l'échelle,
firent tomber Jouin et le tuer ni sur place.
L'image n'en fut j)as moins ôtée ; on mit à
sa place une simple croix avec une inscrip-
tion qui relatait l'enlèvement de l'image.
Quant aux femmes qui avaient tué Jouin, k
la demande d'Anastase elles furent punies
du dernier supplice. Léon persécuta ensuite
violemment les gens de lettres : il ferma les
écoles qui avaient subsisté depuis le grand
Constantin. Il brûla la belle bibliothèque
amassée pour ses prédécesseurs et conte-
nant plus de trente mille volumes. Le bi-
bliothécaire, nommé Lœcuménique, était un
homme distingué, d'un mérite rare; il avait
sous lui douze autres bibliothécaires. L'em-
pereur n'ayant pu les amener à son senti-
ment touchant le culte des images, les
brûla tous avec le monument qui contenait
les livres, et cju'il fit entourer de fascines.
Le pape Grégoire III, dès le commencement,
écrivit à Léon, l'exhortant à cesser ses per-
14»]
LEO
LEO
un
gr^^utions, le réprimandant lorteuient, et en-
t n il assembla à Rome un concile oi:i on
anathématisa tous ceu\ qui ne resteraient
pas d'accord avec TEglise touchant le culte
des imagt's. Léon, furieux, arma une grande
flotte qii'il envova contre Tltalie, mais elle
fit naufrage da'is la mtn- Adriatique. Après
des luttes continuelles contre l'autorité du
pape, et n'avant pas cessé de persécuter les
catholi,|ues'et de poursuivre partout le culte
des images, Léon mourut en TVl.le 18 juin,
après vingt-quatre ans de règne.
LÉON IV, fils de Constantin Copronyme
et d'Irène, fille d'un prince tartare, monta
sur le trône de 775 à 780, épousa une autre
Irène, la fameuse impératrice de ce nom. H
montra d'abord de la piété et mit dans les
premiers sièges des métropolitains pris
parmi les abbés. Mais en 780 il fit paraître
son aversion pour les images. En ayant
trouvé deux sous le chevet de l'impératrice
Irène, son épouse, il lui en lit de grands re-
proches, et lui dit : « Est-ce ainsi que vous
gardez le serment que vous avez fait à l'em-
pereur, mon père, sur les mystères les plus
terribles? » Elle assura qu'elle n'avait point
vu ces images; toutefois l'empereur l'éloigna
de lui, et n'eut plus de commerce avec elle.
Il s'informa d'où venaient ces images, et
trouva qu'elles avaient été apportées par le
papias , c'est-à-dire le concierge du palais,
et que d'autres grands officiers étaient ses
complices. Il fit donc arrêter le papias avec
Jacques, protospataire, ou premier écuyer,
ïhéophane, Léon et Thomas, chambellans,
et quelques autres qui honoraient les ima-
ges. Il les fit tondre, fouetter et mener hon-
teusement à travers la ville dans la prison du
prétoire. Théophane y mourut, tous les au-
tres embrassèrent la vie monastique après la
mort de l'empereur , qui arriva quelques
mois après. Car, comme il était passionné
pour les pierreries, il eut envie d'une cou-
ronne que l'empereur Héraclius avait mise
dans la grande église. Il la prit et la porta;
mais il lui vint à la tète des charbons, et il
fut saisi d'une fièvre violente dont il mou-
rut le 8 septembre de la même année 780, au
commencement de l'indiclion quatrième,
après avoir régné cinq ans. Il eut pour suc-
cesseur son fils Constantin, né l'an 771, in-
diction neuvième, le U janvier, et couronné
à la prière du peuple h; jour de PAques, ik
avril 770. Ce jeune prince n'ayant pas encore
dix ans, l'impéralrico Irène, sa mère, prit le
gouveriiemenl de l'empire; et connue elle
était catholi(pie, on commença sous son rè-
gm; h parler en lihcrlé pour les saintes ima-
ges, et il fut permis d'embrasser la vi(; mo-
nastique. » (Fleury. vol. III, p. 15V.)
LÉON (saint), chambellan h la cour de
J'euipen.'ur d'Orient, Léon IV', fut arrêté [lar
ordre de ce prince iconof.lasle, avec le pa-
pias ou portier du palais, Théophane, Tho-
m.ns, chambellans , et ([uelqutis autres qui
h')Morai(!nt les images. L'(Mupereur l(;s (it
toiidnî, foufiller el menei' honteusement |)ar
la ville dans la prison du prétoire. Théo-
phane y mourut , tous les autres enibrassô-
rent la vie monastique après la mort de
Léon IV, qui eut lieu quekiues mois après,
en l'an de Jésus-Christ 780 [Votj. Iconoclas-
tes.) L'Eglise fait leur fête le k décembre.
LEON L'ARMÉNIEN, \' du nom , empe-
reur d'Orient, fut proclamé par les troupes
en 813, après la destitution de Michel. II
persécuta violemment les catholiques, en
voulant les contraindre k ne plus vénérer les
saintes images. [Voy. Iconoclastes. Voij.
aussi NicÉPHORE, patriarche.)
LÉON saint), évèque de Rayonne, apôtre
des Basques et martyr, naquit vers l'an 856,
à Carentan dans la Basse -Normandie. Il
était peut-être évoque régionnaire quand il
partit avec Gervais et Eîeuthère, ses frères,
î)Our prêcher l'Evangile à Rayonne et dans
le pays de Labour, qu'habitaient les Rasques,
mais il est sûr qu'il ne fut jamais archevê-
que de Rouen comme plusieurs auteurs l'ont
prétendu. Ces contrées, où notre saint vou-
lait prêcher l'Evangile, avaient été chrétien-
nes dès le commencement de l'Eglise, mais
les Sarrasins avaient fait disparaître toutes
les traces de leur foi primitive. Léon arriva
donc dans ce pays vers l'an 900 : il y répan-
dit la lumière de l'Evangile, y fonda ime
église sous l'invocation de la Mère de Dieu.
Ses travaux apostoliques avaient été couron-
nés di succès, et il espérait étendre encore
davantage les conquêtes de la foi, quand il
fut martyrisé, avec son frère Gervais, par
des pirates qui avaient fait une descente sur
la côte. Rayonne conserve précieusement
les reliques de notre saint dans sa cathé-
drale, et l'honore ccnume le patron du dio-
cèse. L'Eglise fait la fête de saint Léon le
1" mars.
LÉON, ville d'Espagne, célèbre i^ar le
martyre des trois frères Claude, Luperque
et Victoire, sous les empereurs Dioclétien et
Maximien.
LÉON TACUENDOMI CUNIÉMON(le bien-
heureux), fut martyrisé au Japon, en 1(513,
dans le royaume d'Arima, avec son fils Paul,
Agé (le 27 ans, Léon Faiuxida Luguyémon,
Marthe sa femme, Adrien Tacafaliiiiundo ,
Jeanne sa femme, sa fille Marie-Madeleine,
vierge vouée au Seigneur, et Jacques son
fils. Agé de 12 ans. Tous furent condamnés,
au supplice du feu. Tandis que l'on faisait
les derniers préparatifs, noire bienheureux
monta sur l'échafaiid, el, s'adressant h la
foul(!, après avoir obtenu silence de la main,
il j)arla en ces termes : « Mes frères, voyez
(piel courage la foi peut donner îi de faibles
créatures : ces ap[)rêts terribles d'un snp-
])lice etfniyable, vous le voyez bien, loin de
nous tci'riiier, nous remplissent de joie. Au
milieu dos fiammes, je l'espère, Dieu aidant,
cette joie augmentera encore. <Ve>l aux infi-
dèles maintenant à voir quelle est la grati-
d(;ur, (pielle est rexcellciice d'uno religion
([ui peut i»ro(luire de si grandes choses, éle-
ver si piiissaunuenl la nature au-dessus
d'elle-mênu'.Ouanl à vous, mes chers frères'
en Dieu, ne soyez point ellVayés en voyant
ces brasiers; plus ils st^ronf ardents, plus no-
tre vicloiro sera grande el prompte. Quel-
U05
LEO
LEO
!«l
ques souffrances b subir ront nous procu-
l'er une couronne de gloire et des trésors de
boiilieur (jui dureront lYtoiiiité ! » La foule
lit entendre un immense aii|)lau(!iss('in('nt.
Le fV(''missement (|ui l'agitait empôclia lo
saint martyr de continuer ; il descendit et
«lia se placer au poteau au(iu(>l il (hîvaitôtre
allnché. Il y fut lié, et bienh^t ils montèrent
tous au ciel chercher la palme du martyre.
LÉONCIi, homme consulaire, était magis-
tral ou gouverneur de la Toscane sous Tra-
jan. Les Actes de saint Césaire, martyrisé h
Terraccine, et ceux de saint Hyacinthe, mar-
tyrisé h Porto, le citent, ainsi (pie Luxurius,
comme ayant été i)ersécuteur et juge des
saints dont ils font mention. {Voy. Césaire,
diH(M'e.)
LÉONCE (saint), martyr, eut le glorieux
privilège de donner sa vie pf)ur la défense
do la religion. Ce fut h Alexandrie qu'il con-
fessa Jésus-Christ et sous l'empereur Maxi-
min. Il eul pour compagnons df^sa gloire les
saints Hiéronide, Sérapion, Sclèsc, Valérien
et Straton. Ils furent jetés à la mer. L'E-
glise fait collectivement \eut mémoire le 12
soplemhre.
LÉONCE (saint), frère des saints Côme et
Dnmion, fut martyrisé avec eux en 303, sous
l'empire de Diocléfien. Sa fête arrive llvec la
leur le 27 sejitembre. (Voy. Come.)
LÉONCE (saint), était laboureur, il habi-
tait la Pamphylie, du t(;mps de l'empereur
Diocléfien. U fut arrêté avec huit autres
laboureurs comme lui, parmi lesquels saint
Alte et saint Alexandre, par ordre du prési-
dent Flavien qui les fit décapiter. L'Eglise
honore leur mémoire le 1" août.
LÉONCE (saint), martyr, l'un des quarante
martyrs de Sébaste, sous Licinius. {Voy.
Martyrs de Sébaste.)
LÉONCE (saint), martyr, versa son sang
pour la foi, vers l'an 484, pendant la persé-
cution que Hunéric , roi des Vandales, fit
subir aux catholiques. Il mourut après avoir
lassé ses bourreaux. L'Eglise fête sa mé-
moire le 6 décembre.
LÉONCE (saint), martyr, souffrit pour la
foi à Nicopolis en Arménie, avec les saints
Maurice, Daniel et d'autres qui nous sont
inconnus. Ils furent d'abord torturés de plu-
sieurs manières, sous l'empereur Licinius
et le président Lysias , et achevèrent leur
martyre dans le feu où ils furent jetés. L'E-
glise célèbre leur mémoire le 10 juillet.
^ LÉONCE (saint), fut martyrisé pour Jésus-
Christ, avec les saints Eusèbe , Longin et
quatre autres dont nous ignorons les noms.
Le lieu, la date et les différentes circons-
tances de leur martyre sont inconnus.
Après avoir été cruellement tourmentés, ils
périrent par le glaive durant la persécution
de Dioclétien. L'Eglise fait leur mémoire le
24 avril
LÉONCE (saint), archiprètredeVanaut, du
village d'Itcavank, souffrit le martyre sous
le règne d'Hazguerd, roi de Perse, qui vou-
lait forcer l'Arménie, dont notre saint et ses
compagnons faisaient partie, à embrasser la
loi de Zoroasire. Les compagnons du mar-
tyre de Léonce furent Sahag, véque de Rf-
chdounick ; Joseph , f»alriarche de Vaïolz-
tznr, et du village d'Holotzmanz ; Mouche,
prêtre de Hal|)age ; Atrlien, prêtre d.' Pak-
révant,(hi village; d'Lléheg ; Katchatch, dia-
cre du pays de Kichdounick, et le bienheu-
reux chef mage, de la ville de Niuchabouh.
Excité par l(>s mages (;t par son pi-emier mi-
nistre, nonmié Mihir-Nerséh, llazguerd en-
voya Tenchabouch pour faire niouiir ces
saints pi-êtres, (pii étaient renfermés dans la
ville^ forte de Niuchabouh, sous la garde du
ch(d' des mages, en môme temps gouverneur
civil du i)ays d'Abar. Ce mage, voyant nos
saints demeurer fermes dans leur foi, les
maltraita beaucoup et les lit renfermer dans
un noir et humide cachot, où deux gamelles
de soupe é{)aisso et une cruche d'eau com-
posaient tous leurs aliments. Etonnés de les
voir joyeux et bien [)ortants, malgré leurs
souffrances et la mauvaise noufriturc qu'il
leur ftiisait donner, le mage gouverneur vint
une nuit rôder autour du cachot, soupç*>n-
nant ({ue quelqu'un de ses serviteurs portait
des aliments aux prisonniers. Il s'approcha
du soupirail de la prison, et fut témoin d'un
prodige étrange : chacun des prisonniers
brillait d'un éclat merveilleux au milieu de
l'obscurité de la nuit. Il fut si épouvanté de
ce prodige que bientôt il ri^nonça aux erreurs
du magisme et se fit instruire par ses pri-
sonniers dans la religion des^ chrétiens.
Quand Tenchabouh arriva pour exécuter les
ordres sanguinaires d'Hazguerd, il ne fut
pas peu étonné de trouver le mage assis au
milieu des prisonniers, écoutant leurs dis-
cours et les excitant à braver la mort. Il
avertit le roi de ce qui se passait ; celui-ci
lui défendit de punir publiquement ce mage,
à cause du tort qui en résulterait pour la re-
ligion de Zoroastre, mais il lui ordonna de
l'envoyer en exil dans un pays lointain, au
nord de Khorassan, où il reçut la palme du
martyre. Après avoir terminé cette affaire,
îe ministre dos cruautés d'Hazguerd fit, la
même nuit, transporter les prêtres armé-
niens dans un endroit écarté du désert. Ar-
rivés au lieu de l'exécution, on leur lia les
pieds et les mains, et ils furent traînés d'a-
bord sur un sol rocailleux et rempli d'as-
périt 's. Ensuite, Tenchabouh ayant vaine-
ment essayé de les faire renoncer à leur foi,
ils furent décapités, le 30 juillet 454 , dans
le grand désert du pays d'Abar, .au départe-
ment do la ville royale de Niuchabouh.
LÉONID^i (saint), père d'Origène, fut mis
à mort à Alexandrie, sous l'empire de Sé-
vère , vers l'an 202. « L'empereur Sévère
ayant excité une persécution contre l'E-
glise, il se trouva dans toutes les [)rovinces
de généreux athlètes de Jésus-Christ, qui
combattirent en faveur de la religion, jus-
qu'à répandre tout leur sang pour sa défense.
Mais ce fut principalement à Alexandrie
qu'on en vit couler avec abondance ; et cette
grande ville fut comme un vaste théâtre, où
les plus braves combattants de l'Egypte et
de la Thébaïde so signalèrent ; Dieu prési-
dant à ces combats, et di-tribuant des cou -
im
LEO
LES
149G
rounes à tous ceux qui pour sa gloire per-
daient la vie au milieu des tourments.
Parmi CC'^ saints martyrs, on remar(]ue Léo-
nide, père d'Origène,' qui, ayant eu la tôto
coupée, laissa son lils eu bas âge. » (Eu-
sèbe.)
Le jeune homme allait ti'ouver son père en
prison, etrexhoil;iit à subir coura ;eusement
le martyre. «N'allez pas, lui disait-il, chan-
ger à c use de nous. » Après qu'il eut été dé-
eapité. on confisq la ses biens, ce qui réduisit
sa famille à la plus conifdète indigence. Mais
son lils avait un de C(>s héritages qui mettent
celui (jui le possède au-dessus des plus riches
de ce monde, des plus puissants et dos plus
considérés. 11 avait le génie, ce feu sacré
dont il tombe si rarement des étincelles ici-
bas, et qui illumine de siècle en siècle cer-
tains fronts [)rivilégiés.Ori gène fut de ces bien-
heureux. Suidas prétend que saint Léonide
fut honoré du caractère épiscopal ; doin Vin-
cent ielaKueappuie cetieopinionen l'étayant
de l'autorité de deux copies du Catalogue des
hommes illustres de saint Jérôme , que pos-
sède la bibliothèque du Vatican. L'E^-^lise
fait la fi^te de saint Lî'-onide le 22 avril.
LÉONIDE (saint), obtint la palme du mar-
tyre dans la Tliébaide, sous le règne de l'em-
pereur Dioctétien. Il eut plus.euis compa-
gnons, mais ils nou< sont comj^lélem nt in-
connus. L'Eglise fiit leur fête le 28 janvier.
LÉONIDE (saint), martyr, cueillit la [lalme
du martyre avec les saints Diomède, Julien,
Philippe, Eutychien, Hésique, Philadelplie,
Ménalipne et Pantagape. Ils accomplirent
leur martyre, les uns par le feu, les auires
Ear le glaive ou sur la croix. L'Eglise célè-
re leur fêle le 2 septembre.
LÉONIDE (saint), souffrit le martyre avec
saint Kleuthère. On ignore le lieu, la date et
les circonstances particulières de leurs souf-
frances. C'est le 8 août tiue l'Eglise honore
la samte mémoire de ces combattants de la
foi.
LÉONIDE (sainte), souffrit les plus cruels
tourments pour la défense de la foi, h Pal-
myre en Syrie. Elle out pt)ur compagnes de
son martyre, les siintes Libye, sa sœur, et
Eutropie, jeune (ille de douze ans. On n'a
point de détails sur l'éfjoque et les circons-
tances de leur combat. L'Eglise les honore
collectivement le 15 juin.
LÉONISSA (JosKPiL Di:), na(]uit en 15oG à
Léonissa, [)etite ville située dans l'Etat ec-
clésiasli<jue, près dOtticoli. A dix-huit ans,
il entra dans le couvent (|u'y possédaient les
ca[)ucins et rempla(;a son nom d'Eufranius
par celui de Joseph. Il y devint le modèle
de tous les religieux par sa patience, sa
chasteté, sa doucc'ur, son obéissance et sa
parfaite humilité. Trois fois dans la se-
maine, sa nourriture était du i)ain et (h;
l'eau ; des planch(!S lui servaiinit d(! lit dont
le chevet était un tronc d'arbre. L'année
1587, ses sn|)érieurs l'envoyèrent en mis-
sion dans la Turquie, afin d'instruire les
chiéti(;ris de l'éia, i'aul)Ouig d(i Constantino-
j^le. Sur ces enlrelaili;s, la jKiste ayant t'ait
des ravages, il se dévoua enlièroinonl au
service des galériens, et bientôt fut atteint
lui-même de ce redoutable fléau. Mais Dieu
(jui savait combien les malheureux en avaient
besoin ne lania pas h lui rendre la santé.
Il iTOtita de ce bienfait pour travailler à la
conversion de plusieurs .ii)ostats, et en ra-
mena un entre autres qui était pacha. Les
disciples de Mahomet, furieux de la sainte
hardiesse de Léonissa, le mirent deux fois
en prison et le condamnèrent h mort. Il fut
attaché à un gibet avec des crochets de fer qui
lui perçaient la main et le pied droits, et un feu
étoutfé lut allumé au-dessous de lui alin de
le suffoquer; pendant trois jours, souteiui
par le secours de Dieu, il supporta ce cruel
supplice et fut alors détaché du gibet. Le
sultan ayant commué la première peine en
exil, notre saint s'embarqua bientôt, prit
terre à Venise, et arriva à son couvent après
deux années d'absence. De retour dans son
pays, il continua ses travaux apostoliques
avec beaucoup d'ardeur, et Dieu les bénit
comme par le passé. Au déclin de sa vie, il
fut alfligé d'un cruel ulcère qui nécessita
deux fois des opérations chirurgicales, sans
qu'il poussât un seul soupir. Il mourut le
4 févriei' 1612, connue il l'avait prédit. Après
sa mort, son visage, fatigué par les austéri-
tés et les mortifications, devint d'une beauté
merveilleuse. Le p ipe Clément XIII le béa-
titia en 1737, et il fut canonisé, en 174.6, par
Benoît XIV.
LÉONIIA, aujourd'hui Lentz , ville du
pays des S aves (N'and/iles occidentaux d'au-
trefois), où. Godescalc, prince vandale qui
avait converti une partie de la nation, tut
mis à mon par les païens.
LÉOPARD (saint), était un des officiers de
Julien l'Apostat. Il eut la tête tranchée à
Rome, et oans la suite son corps a été trans-
por;é à Aix-la-Chapelle. L'Eglise honore sa
sainte et glorieuse mémoire le 30 septem-
bre.
LÉOVIGILDE (saint), fut martyrisé à Cor-
doue, par les Arabes, avec saint Christophe.
Ayant été emprisonnés pour la défense de
la foi chrétienne, ils furent décapités et brû-
lés ensuite. C'est ainsi qu'ils reçurent la
couronne: du martyre. L'Eglise célèbre leur
sainte mémoire le '10 août.
LÉPIDE, assesseur dcPolémon, mngistrat
et })rêtre des idoles à Sinyrne. On le voit
ligurer dans l'un des inli-rrogatoires que
saint Pione et ses compagnons suninml
avant d'être condanniés h mort par le pro-
consul Julius IM'ociilus 0"intilianus, sous le
règne etdura!it la persécution de l'empereur
Dèce. [Voi/. Piom;.)
LESSIHIN, prince de la maison impériale
des Tartares Mantchoux, était le sixième lils
du régulo Sounou, qui sei'vait à la cour de
Pékin. IMusiiurs de ses frères s'étaient con-
vertis au christianisme et a\ai(Mit été bapti-
sé;-;. Son père, (pii les avait (liasses de sa
présence, fondait sur lui désormais l'e.spoir
(1(! sa famille. Lessiliin éiail l'homme d(> la
( our le plus instruit 'ans les langues lartare
et cliiiKtise, cl le plus reiiianiuabh» par la
be.iiili'' de son espiil. Successivement l'em-
U97
LLS
LbZ
4498
pereur Kaiig-Hi, jiislc appréciateur du vrai
mt^rito, l'avait |)r()mu h ciiKi ou siv emplois
considi'iahk's , de soi le quo tout le inoiido
admirait la ^ra'xh'ur, in supi'rioriti' tir ,^('■lue
({u'il l';illail pour suf.iro ^ tant d'occupa-
tions. Mais Lc^siliiu avait conçu le d sseiti
d'cuibrassor le cluistianisme, et s'instruisait
en secret ne lous ses do^nuss. Il discutait
mémo avec les adversaires de la leli^iou
chrtMiennc, et toujoui's diî mainère h les con-
foidre. Ce fut dai s c's dis|)ositions d'esprit
(lu'il perdit son lils uiii(ine Ai^é de deu\ a'is.
Cette mort im|)iévui', (pii le frappait dans
ses espéi-auces les plus chères, ébranla son
courajj;e, obscurcit son iidelliyence. Dans la
force de sa douleur, son Ame, noyée sous
les larmes, ne raisonnait plus. 11 se prit <\
murmurer contre Dieu : « Où donc est sa
justice, disait-il? 11 donne aux mécliants
toute la prosi)érilé, et pour ceux ipii l'ai-
ment, il garde ces infortunes (pii abreuvent
l'existence de larmes et la i'em[)lisse'it d'a-
mertume. Les ennemis de son nom vont
insulter h ma disgiâce : ils diront dans leur
joie dérisoire : « Apj)rends-nous donc com-
ment ton Dieu leprotege etce qu'il a l'ait pour
toi ? » Le P. Parennin, devant qui s'exhalait
cette douleur, lui dén\ontra que Dieu n'é-
tait responsable à persoiuie de sa conduite ;
qu'il avait l'éternité pour réparer l'injustice
apparente du temps, et que souventd'ailleurs,
pour nous, qui ne savons sonder ni la plu-
part des elfets et des causes, les coups les
plus rigoureux émanent de sa miséricorde à
notre égard. Lessihin avoua qu'en elfet il
aurait eu de la peine <i se faire chrétien
avec ses cra[)lois et ses dignités, avec l'assi-
duité qui ne lui laissait presque pas de mo-
ments de libres. 11 convenait que les gran-
deurs sont un écueil, elle bonheur un oreil-
ler sur lequel s'endort la vigilance de l'âme.
L'empereur lui fit bientôt voir combien il est
difticile de servir deux maîtres à la fois. Ce
prince, mécontent de son frère, le neuvième
ogo, le cùiid.imnaà rendrede grosses sommes
d'argent qu'il lui reprochait d'avoir mal ac-
({uises sous le règne de son père, et à partir
ensuite pour l'armée. 11 chargea le prince
Lessihin d"e;i poursuivre le remboursement.
Vayo ne se pri^ssait ni de payer, ni de [(artir,
prétextant qu'il fallait da temps pour amas-
ser tant d'argent, et que du reste il était
malade. L'empereur atlrihua ces lenteurs à
Lessihin, et lui reprocha d'y mettre de la
mollesse ; il finit par lui ordonner de le
suivre à la guerre. Avant de partir, ce prince
crut devoir prendre congé de l'empereur. Il
alla donc au palais où il fut très-mal accueilli,
et reçut l'ordre soc et bref de partir le len-
dema'in. Cet ordre tomb.i connue un coup de
foudre au milieu de ses dernières illusions et
les détruisit. Tous les liens qui l'attachaient
encore aux choses terrestres, gloire et puis-
sance, honneurs et richesses, tout fut dé-
truit. Arrivé à Siuim lieu situé à 400 lieues
de Pékin), avec son frère Jo.>«eph, il acheva
de s'instruire et fut baptisé le jour de Noël,
par le jésuite Jean Mouram, qui avait suivi
le neuvième ago. Il prit au baptême le nom
de Louis. Ils écrivirent h leurs faioilles pour
les exhorter à se faire insiruir(^ et i)aptiser.
Les princesses leurs épouses, (jne leur' belle-
S(eur .Mari(; avait déjà instruites et (pli n'at-
tendaient (pie la permission de h'urs maris,
(Ml usèrent [)our se faire b tptiscr iiiunédiat(!-
iiU'iil. Toute la famille de Sounou a\;int été
bannie par remper(mr Yoig-Clùng. en il'Iï,
h Veou-()u('', le prince Lessihin all.i l'y re-
joiMdr(;. (P(jur c(î (pii con(,'erne l<fs détails et
la lin d(; c(! glori(;ux exil, v<)7j. les articles
Soi ivoL) et (]iiim:.).
LJVIUS, gouverneur d'Alexandrie en 202,
sous remj)ire de Sévère, p(irséciita violem-
ment les chrétiens, en vertu de l'édit (jue ce
prince venait de rendre contre eux. Les plus
lemarquables il'entre c(iux ipji donnèrent
alors leur vie pour la foi fiucnt, i\ Alexan-
drie, saint Léonide, père d'Origène, saint
Plutarque, saint Sérénns, saint Héraclide,
saint Héron, un autre Sérénus, une femme
nommée Héraïde, un soldat nommé Hasilide,
et plusieurs autres. On voit i)ar les Actes de
saint Léonide que le gouverneur Létus no
se contentait pas de condamner à mort les
saints, il confisquait leurs biens , ruinant
ainsi leurs familles. Ainsi arriva-t-il pour
Oiigène.
LLUCE (saint), martyr, eut la gloire de
mourir i)our Jésus-Christ en Bithynie, sous
l'emp re de Dèce, avec saint Callinique et
saint Thyrse. Nous ne savons rien de positif
sur ces trois saints ; ce qu'on en raconte
comme détails n'a aucun caractère d'authen-
ticité; mais de tout temps ils ont été en
très-grande vénération dans l'Eglise, qui
célèbre leur fiMe le 28 janvier. Saint Thyrse
et saint Callinique eurent la tête tranchée ;
quant à saint Leuce, il expira comme on
cessait de le tourmenter.
LÉVIGILDE, roi des Goths d'Espagne, fit
mourir pour la foi catholii^ue son fils Her-
MÉNiGiLDE. [Voy., pour les détails, l'article
de ce dernier.)
LEZINIANA (Alfonse ou Mathieu-Alo\-
zo), naquit à Nava-Del-Re, bourgade du
royaume d'Espagne. 11 entra dans l'ordre de
saint Dominique à Ségovie. Choisi par ses
supérieurs pour aller porter le (lambeau de
l'Evangile dans les Indes Orientales, il fut
au nombre des vingt-quatre missionnaires
qui partirent avec le P. Cil et abordèrent
aux Philippines à la fin de 1730. Deux ans
après, il |)énéira dans le royaume de Ton-
quin avec le P. Ponsgrau ; le bonze Tay-tinh,
qiw plus tard opéra si malheureusement
pour lui-même l'arrestation du P. Gil, per-
sécuta nos deux missionnaires. Ayant porté
plainte contre quelques chrétiens, il fut en-
voyé avec des soldats pour entourer pendant
la nuit quatre des princi, aux villages et
pour s'emparer des missionnaires qui pour-
raient s'y trouver; mais malgré qu'il eût pris
beaucou|j de précautions pour faire secrète-
ment cette expédition, les chrétiens purent
faire évader les deux dominicains. C'était
en juillet 1732. Le bonze se dédommagea de
sa décei)tioa par le pillage. Cinq mois durant,
le P. LezJniaua se.cacha pour laisser s'élein-
U99
LEZ
LEX
1500
dre l'ardeur de ce prêtre idolâtre. Ce temps
lui lut utile pour rétablir sa santé altérée,
étudier la langue et les usages de la contrée
et se préparer par la prière à de nouvelles
prédications. Au commeicoment de l'année
suivante, il recommença à évangéliser le
Tonquin méridional. U vit pendant dix ans
ses ctforts couronnés de succès. Il forma
des catéchistes (lui lui furent d'une grande
utilité pour l'instruction des indigènes.
AjH'ès l'arrestation du P. Gil, le P. Lezi-
niana établit sa résidence à Luc-lhuy. Près
de 11 il y avait un lettré idolâtre, qui ga-
gnait petitement sa vie h faire l'école aux
enfants chrétiens. Il venait parfois chez le
missionnaire avec ses écoliers; l'appât du
gain porta cet homme à le trahir. Au mois
de novembre 17i3, le chef militaire du can-
ton, sur la dénonciation que lui fit ce lettré,
arrêta le P. Leziniana au moment où il était
à l'autel. Les idolâtres renversèrent le calice
qui venait d'être consacré; ils frappèrent la
dominicain d'un coup de sabre à la tête, et,
l'ayant attaché, le traînèrent par les cheveux
jusqu'à un village voisin. Un mandarin lui
lit mettre au cou une cangue fort lourde qui
le serrait étroitement. Le chef militaire
le reçut humainement , mais ne voulut rien
accorder aux chrétiens qui intercédaient
pour lui, bien qu'il eût accepté une forte
somme d'argent qu'ils lui donnèrent. Il le
garda quatorze jours et l'envoya nuitamment
dans la capitale, où il arriva le 21 décembre
avec le catéchiste Quoiii. Dès le 30, il vit le
P. Gil qui allait être désormais le compa-
gnon de ses souffrances. 11 fut d'abord confié
à la garde du gouverneur de Kescho. Au
commencementdel7ii, il comparut plusieurs
fois devant le tribunal oii on voulut le faire
marcher sui- la croix ; mais il refusa éner-
giqueinent. Répondant aux questions du
juge, il dit que les chrétiens adoraient un
seul Dieu, créateur du chl et de la terre,
fuyaient le vice, pratiquaient la vertu ; puis
il récita le Décalogue, comme résumé de la
religion chrétienne dans ses commande-
ments.
Vint le tour du catéchiste. On voulait sa-
voir les noms de ceux chez qui le mission-
naire avait logé, s'il avait été en relation
avec les rebelles armés contre le roi; puis
enfin s'il y avait d'autres missionnaires h
Luc-thuy ou h l'entour. Ce jeune homme
)é))ondll avec sagesse et prudence; il dit
que son maître fuyait les rebelles ; que pour
lui il ne connaissait qu'un prédicateur,
celui qu'il avait l'honneur de servir. Le
ju^e entra eii colère à celte réponse et lui
jtromit la liberté s'il voulait fouler la croix
aux pi(!ds. Il rejeta av(;c horreur cette in-
jonction, |)roteslant (pi'il aimait mieux mou-
lii'.
Le Tonijuinois chez lequel le mission-
ua'iva habitait h Luc-t niy, imita la même
réserve et la même piiidencfî. lui lin de
compte, il ne fut condamné ipi'à une amende
péeinnaire.
(^n lit rentrer l(! I'. J,cziinana, et on voulut
h toute force savoir où il avait logé pendant
qu'il prêcTiait la foi. Mais il se borna à des
réponses générales : jamais les missionnai-
res ne com})roroirent ceux qui les avaient
servis. Il repoussa les reproches d'impudi-
cité qu'on faisait aux chrétiens, ceux de
sortilège qu'on lui adressait. Peu après le
tribunal prononça une sentence ainsi libel-
lée : « Attendu qu'il est constant, par suite
des procédures et informations qne Mathieu,
chef de la religion chrétienne depuis 1732
jusqu'à l'époque de son arrestation, s'est
rendu très-souvent au bourg nommé Luc-
thuy dans le territoire de (iiao-thuy, afin d'y
séduire le peuple en lui prêchant sa religion ;
qu'on a trouvé dans son domicile plusieurs
images qui sont des signes de cette môme
religion interdite dans ce royaume, ledit
Mathieu est condamné à avoir la tôle Iran-
chée : Ignace Quoùi, disciple de Mathieu et
chrétien comme lui, est condamné à garder
les éléphants. Les images, meubles et autres
objets appartenant à Mathieu et servant à
l'exercice de sa religion, seront brûlés. On
donnera soixante pièces de monnaie au lettré
Phuongpour le récompenser d'avoir procuré
la prise de Mathieu. »
Leziniana s'estima infiniment heureux de
pouvoir mourir pour la religion chrétienne;
il en rendit grâces à Dieu. Le 30 mai 1744 on
le transféra dans le lieu qui servait de prison
au P. Gil. Jusque-là les deux saints avaient
eu peu d'occasions de se voir ; mais on les
laissa ensemble nuit et jour. Ils pouvaient
recevoir la visite des chrétiens qui s'adres-
saient à eux et célébrer les saints mystères.
Ce fut dans cette aimée, le 19 juillet, que
l'oncle du roi désira avoir avec les mission-
naires une conférence. Un instant ils Crurent
qu'il allait se convertir; mais ce prince, fout
en convenant que sa religion était pleine
d'absurdités et de faussetés, déclara qu'il
croyait encore moins aux mystères d'amour
de la religion chrétienne. Les fléaux dont le
Tonquin était frappé firent croire au roi qu'il
y avait quehiue chose de surnaturel dans ces
événements et (lu'ils pouvaient bien être une
])unition divine. Imbu de cette idée, il or-
donna qu'on examinât de nouveau les procès
do tous les condamnés, recommandant djé-
largir immédiatement les innocents et d'user
d'indulgence môme envers les coupables.
Les chrétiens agirent auprès des juges qui
cassèrent la sentence prononcée contre le
P. Leziniana et le condamnèrent simplement
à une détention perpétuelle. La sentence du
P. (iil, ainsi qu'on j)eut le voir à son litre,
avait été maintenue. Le roi, trouvant deux
sentences si différentes dans deux causes
s(Mnblables, l'cfusa de donner sa signature et
renvoya devant le tribunal suprême avant
([lie cf! tribunal eût pronunc('Mlélinilivement.
L(i bruit s(! répandit (pie l'un des dcMix chré-
tiens allait êli'e mis à mort tandis ipie l'autro
serait épargné! Le secrétaire du tribunal
donna plus de consistance à cv. bruit on
disant aux chrétiens de la coin- que le len-
demain l(! I*. (îil allait C-lre décapité. Il n'a-
jouta rien au sujet de Leziniana. On vit alors
"une chose bien digne d'être admirée. Celui
«SOI
LEZ
LIB
li'Ui
«'attendait à iiioiuir manifestait son conten-
tement, l'antre an contraire n'avait pas assez
do larmes |)Onr sa doulenr. Le premier, ([ni
recevait les télicitationsdn second, S(( voyait
oblii^c tie le consoler. A trois heures après
mimiit, 1»^ P. («il ayant célébré la sainte
messe, le F. Le/.iniana la célébra h son tour
pour le saint martyr qui allait marcher an
supplice, et (jne les soldats vinrent |>rcndr(î
à huit heures. Le P. Leziniaua, phnn d'une
sainte envie pour son bonheur, et voulant
an moins, s'il ne |iouvail le partager, ac(;om-
pagner son coni'rùre jusqu'à ses dei'niers
instants, obtint la |)ermission de le suivn;.
lis marchaient l'un près de l'autre, e-itonrés
et suivis d'une Ibule innnense composée do
chrétiens et d'idolAlres. Les derniers en
voyant c(>lui des deux qui marchait h la mort,
plein d'unejoiesi vive,etcelui ipii devait sur
vivre si douloureusement atl'ecté, se disaient
entre eux : « Qu'est-ce donc (}ue ces hommes
si ditïéi'ents des autres : la vie est le premier
des biens et ils n'ambitionnent que la mort. »
Quand on fut arrivé vis-à-vis hi palais, le
P. Leziniana apprit que le tribunal venait d(!
ratiiier la sentence de ses premiers juges
en cassant celle des seconds. Celui qui de-
vait lui notifier l'arrêt lui ayant demandé s'il
entendait la langue du Tonquin, lui dit,
sur sa réponse alïirmative : « Parce que tu
es venu d'un royaume étranger pour î)rôcher
danscepays lareligiondes chrétiens, le roi te
condamne à perdre aujourd'hui la tête. — J'en
rends grAcesàDieu, dit le missionnaire. «Lors-
qu'ils furent arrivés sur le lieu du supplice,
ils se mirent à genoux, prièrent longtemps,
et s'administrèrent réciproquement l'absolu-
tion. La foule était dans l'admiration : chré-
tiens et idolâtres, saisis de respect, montraient
le recueillement le plus profond. Une vieille
femme païenne était, non loin de là, age-
noudlée devant ses idoles et, dans la dévote
simplicité de sa superstition, elle les priait de
sauver la vie de ces deux étrangers qui ne
pouvaient être des scélérats ni des criminels,
a en juger par leur air si doux et si résigné.
Les bourreaux venaient de les attacher cha-
cun à un pieu. Le magistrat qui présidait
au supplice était debout à côté : les bour-
reaux n'attendaient que son geste pour frap-
per; leurs sabres s'abattirent et les deux
têtes tombèrent au signal qu'il donna. Les
chrétiens, faisant irruption dans l'enceinte,
s'emparèrent, malgré les gardiens, des corps
et des vêtements des saints martyrs. Ils re-
cueillirent jusqu'à la terre que leur sang gé-
néreux avait imprégnée. On remit les deux
têtes à un jésuite tonquinois nommé Pierre
Xavier, qui le lendemain, les envoya avec les
corps au bourg de Luc-thuy, où deux (iomi-
nicains, Louis de Spinosa et Pie de Sainte-
Croix, les enterrèrent le 26 du même mois
dans la maison qui leur avait servi successi-
vement de demeure. Bientôt après on les
transféra dans l'Eglise de celte chrétienté.
Cette translation eut lieu d'une façon très-
solennelle! Plusieurs auguslins, le P. Pons-
grau, vicaire provincial des dominicains, le
' P. Hilaire de Jésus, vicaire apostolique du
Tonquin et évêque de Corée, y assistaient.
On V chanta le Te Deum en actions de grâces.
!. LiBANIUS, était président à Myre en Lycie.
Il y lit maityriser les saints Nicandre, évêque
(;t Hermas, prêlre. Nous ignorons comj)lé-
lement à (piehe éporpie.
LIBELLAI lOUKS, (sspèce d'apostats dont
il est beaucoup parlé dans saint (^yprieri et
dans les auteurs du même temps. Ce, fut la
pei'sécution de; Dèce qui les produisit. Ils
existèrent piincipalenuvit (>n Ahicjue. Ce
nom d(! libellatiqMcs fut donné aux chré-
tiens (pii, ticmblant devant la perséculion,
se rendaient auprès du inagisliat et obte-
naient de lui à prix d'argent de n'èlre pas
inquiétés. Ils donnaient au magisli-at, ou lé
magistrat leur donnait un billet attestant
qu'ils avaient sacrifié, bien (pi'ils ne l'eussent
pas fait ; ce billet était lu publi{pietnenl : le
scandale pour les fidèles était exactement le
même que si le fait du sacrifice eût été
consommé. Pour les païens le triomphe était
le même. Certes, l'ignorance a ses i)riviléges;
et la criminalité gît bien nlus dans l'inten-
tion que dans la matérialité d'un acte. Il
)eut très-bien se faire que les premiers libel-
atiques fussent réellement innocents, puis-
qu'ils croyaient l'être en ne sacrifiant pas en
fait aux idoles ; mais bientôt les évoques
fulminèrent contre eux, et notamment saint
Cyprien. 11 fut hautement proclamé par
l'autorité é|)iscopale, que le crime des libel-
latiq^ues était une véritable apostasie. Cette
grossière erreur des chrétiens, qui croyaient
leur conscience parfaitement couverle par
ce mensonge, nous rappelle malgr^é nous la
théorie si ingénieusement sotte des restric-
tions mentales. Beaucoup encore l'admet-
tent de nos jours et s'y prélassent à mer-
veille. Vous ne voulez pas dire la vérité,
eh bien 1 prenez un biais, mentez tout haut
en ajoutant la véiité tout bas ; et vous n'au-
rez pas fait de mensonge. Ou bien encore ,
ri^pondez ou parlez en termes qui prêtent
à l'équivoque, qui aient un double sens ;
le mensonge ira droit à la personne à qui
vous parlerez, mais votre conscience à vous
se rattrapera sur le calembourg, sur le
doubh»^ sens.
LIBËKAT (saint), martyr, était abbé d'un
couvent de la Byzacène, près de Capse.
Hunéric, roi des Vandales en Afrique, et
défenseur de l'arianisme, publia, dans la
septième année de son règne, des édits
con(re les catholiques, leur ordonnant de
détruire tous leurs monastères. Libérât et
ses six compagnons, Boniface, diacre, Servus
et Rusticus, sous-diacres, Rogat, Septime et
Maxime, simples moines, reçurent l'ordre
de se rendre à Carthage. On leur fit de
magnifiques promesses pour les engager à
renier leur religion, mais ils refusèrent et
furent jetés dans un noir cachot. Les fidèles,
ayant gagné les gardes, venaient visiter les
saints prisonniers pour écouter leurs ins-
tructions. Hunéric, informé oe ce qui se
passait, les fit resserrer davantage et leur
lit subir de grandes tortures. 11 se décida
enfin à les faire brûler sur mer. Ils se ren-
ÎSOÔ
Lin
Lie
1504
dirent à bord du bateau avec une grande
joie ; mais Dieu, pour confondre les persé-
cuteurs, ne permit pas que le feu s'allumât.
Le tvran, furieux, les lit assommer à coups
de rames et jeter ensuite à la mer, qui re-
poussa leurs cor{)s au rivage, contre ce qui
avait coutume d'arriver sur cette ciHe. Les
catiioliques les enterrèrent honorablement
dans le monastère de Bigue, près de l'église
de Saint-Célérin. On i)lace leur martyre
en 483.
LIBÉKAT ^saint), martyr, était un médecin
de Carlhage, qui fut exilé avec safeunne par
Hunéric, roi des Vandales. Avant leur exil,
on leur tit subir la prison et l'on s'elforça de
les attirer vers Tarianisme par la ruse et les
menaces. Ce fut en vain. On ne sait comment
ils moururent, mais l'Eglise les honore
comme martyrs. Ecoutons ce qu'en rapporte
Victor : Libérât exerçait la médecine à Car-
tilage. Il fut arrêté avec sa femme et on les
mit tous deux dans une même i)rison, mais
séparés, en sorte qu'ils ne se pouvaient voir
ni se parler. Les ariens, qui s'étant déclarés
contre la vérité éternelle, pouvaient bien
employer le mensonge pour soutenir le
mensonge, vinrent dire à la femme : « Cessez
d'être opiniâtre puisque votre mari a obéi
au commandement du roi et est maintenant
chrétien comme nous. Elle répondit : « que
je le voie, et je ferai après cela ce que Dieu
m'inspirera. » On la tira donc de prison et
on la mena à la place où elle trouva son
mari tout auprès du tribunal, au milieu d'un
grand nombre de personnes. Dans la
ccovance qu'elle avait que ce qu'on lui avait
i-apporté était vrai, elle se jeta sur lui, le
prit à la gorge et l'étouffait presque en lui
disant : « Misérable et réprouvé que vous
êtes, indigne de la grâce et de la miséricorde
de Dieu ! Quoi ! pour un peu d'honneur
temporel, voulez-vous périr éternellement ?
De quoi vous serviront vos richesses ? Cet or
et cet argent vous empêcheront-ils de brûler
dans le feu de l'enfer? Elle ajouta encore
d'autres choses semblables. Mais Libérât se
contenta de lui répondre : « D'où vient ce
transport, ma femme ? Que vous ôtes-vous
donc persuadé, ou (pi'a-t-on pu vous dire
de moi ? Je demeure ferme, par la miséri-
corde de Dieu, dans la foi catholique, et rien
ne sera jamais capab e de me faire départir
de cette croyance. Ainsi la fourberie des
hérétiques fut découverte, et ils n'en rem-
portèrent que là juste conl'usiuii qu'ils
mé.itaii'nt. »
Le roi commanda ensuite que Libéral AU
mené en exil avec sa femme et ses enfants,
qui étaient encore tout [)elils. Mais Timp été
arienne s'avisa de sé()arer ces enfants d'avec
leurs [)arents, alin d ébranler leur vertu par
ces sentiuients si tendr.-s (jue, la naturiî ins-
pire aux pères pour hmrs enfants, (^el ordie
fut exécuté, et comme; l>ibérat,en se voyant
enlevei' ceux (|u'il aimait si tendrement, était
près de verseï' des laruies, sa feumu; les
arrêta et les lit sécher dans le même moment
sur le bord de ses y(mx par cette vive r(!-
montr.uKe : >• Voule/.-vous donc, mon cher
mari, perdre votre âme par l'amour que
vous avez pour vos enfants ? Ne pensez non
plus h eux (jue s'ils n'avaient jamais été au
monde; Jésus-l'hrist en prendra soin comme
étant h lui. Car ne voyez-vous qu'ils crient
de toute leur force qu'ils sont chrétiens ? »
Malgré leurs avis et leur résistance, les
ariens les rebaptisèrent par force. Divers
martyrologes mettent saint Libérât et sa
femnie le 23 mars, ajoutant qu'ils soutinrent
immie la mort ; ils leur joignent aussi leurs
enfants.
LIBÉRÂT (saint) , martyr, reçut la cou-
ronne du martyre, à Rome. Le Martyroloj;e
romain ne donne aucun détail sur le lieu,
la date et les circonstances de son combat.
L'Eglise fa:l sa fête le 20 décem;.re.
LIBÉRIEN (saint), eut la gluire de mourir
pour la foi chrétienne à Rome, sous l'cnn-
pire de Marc-Aurèle , avec saint Justin et
les autres chrétiens arrêtés avec lui. Le pré-
fet Busticus les condamna tous à la peine
du fouet et à la décapitation. L'Eglise célèbre
leur fête à tous le 13 avril. {Voy. Ji;stin.)
LICINIUS. Les Actes do saint Gélule nom-
ment ainsi celui qui le fit ai-rèter avec saint
Auiance son frère, saint Céréal et saint Pri-
mitif. Licinius tit battre de verges les qua-
tre saints, les lit torturer de diverses façons,
les tint ensuite vingt-sept jours en prison,
et, voyant qu'ils refusaient de sacrifier, les fit
décapiter sur le bord du Tibre, à 5 lieues de
Borne, le 10 juin (sous le règne d'Adrien).
Voy. Gétule.
LICINIUS (saint), martyr, donna sa vie
pour la défense de la religion, avec ses com-
pagnons saints Carpophore, Evantho, Cas-
sius, Séverin, Second. Ils furent décapités à
Côme. Le Martyrologe romain ne dit pointa
quelle époque. L'Eglise célèbre leur mé-
moire le 7 août.
LICINIUS (C. Flavius), empereur romain,
naquit d^ns la Dace, d'une famille de [)ay-
sans. Il fut d'abord simple soldat ; peu h peu
sa vaillance et ses talenis, qui l'avaient fait
remarijuer de son compatriote (lalèie, le fi-
rent monter en grades ; enfin Galère l'associa
h remj)ire en 307. Il eut à commander la
Pannonie, la Noii(jue et la Rliéiie. Connue
Galère, il persécuta les chrétiens jusqu'en
l'an 311, époque à laquelle ce i)i-ince, frappé
des fléaux de Dieu, fil cesser la [)ersécution.
Quelques-uns ont voulu douter que Lici-
nius eût persécuté les chrétiens dans ses
commeiKunnents. Il fallait ([u'ils connussent
bien mal Galère et ses exigences lyrami-
([ues à l'égard de ceux qui lui étaient sou-
mis, ou bien ({ui, sans l'être d r. clément,
lui avaient, couune Licinius, de grandes obli-
gations. Son nom se trouvait, erj 311, sur
l'édit de Galère qm mettait lin h la ]iersécu-
tion.
A la moit d(ï Galère, Licinius ajouta .'i
ses Etats, l'illyrie, la Grèc(> et la Thi.ice. Il
lit adiance avec Constantin, ipii, vu 313, lui
donna (M) maiiagt^ sa s(eur Coiislancie. Co
mariag(! fut célébré h Milan. De cette ville,'
les deux empereurs datèrent l'édit remar-;
(juable «lu'ils promulguèreiil v\\ faveur des.
1505 Lie
cliri^liens. Peu de temps après, Licinius vain-
quit Maxiinin on iiivocpiant le Dieu des d\v6-
ticMS suivant ipi'il lui avait vU\ eu soti;^e,
coiumaudé de le faire. Sa victoire lui sou-
nut loul l'Orient, lui eidraut i\ Nicouirdie,
il publia l'i''dild(ï Milan, et (Mii:;aH,t'a les chré-
tiens à lebAtir leurs églises. Lactauco, clans
son Histoire de la mort îles pcrsenitnirs, ([ni
vajustpiW la tin de .'U'î-, ditcpu» Licinius no
cessa |)as ûc se montrer lavorabhi aux chré-
tiens. 8i)zoniéne va plus loin : il prétend (pu>
ce [irince end)rassa le christianisme ; il ajoute
que quand il se déclara enneud de Lo.'is-
tantin, il embrassa le pay;anisme ; Eusèbc
est (.lu méuKï avis ; l'auteur des '\ctes de
saint Basilic dit la môme chose plus Ibrmel-
lement encore, [)uis((u'il prétend que Lici-
nius avait juré h Constantin de n'abantlon-
ner jamais le ciiristianisme. Le cardinal No-
ris rejette l'opinion et l'autorité de ces au-
teurs ; il prouve par tles médailles de 31^i-,
et par d'autres postéi-ieures, (lue Licinius a
toujours été atlorateur des idoh'S. Les chré-
tiens quiétaienléloignésde sa cour pouvaient
croire le contraii'e, en voyantlaconduitequ'il
tenait à l'égard des dise pies de Jésus-Christ,
et surtout à cause delà manière dont il avait
vaincu Maximin. On peutvoirparundiscours
qu'il lit à ses ollic ers, et que cite Eusèbe,
qu'il était à peu près indillerent au paganis-
me et au christianisme.
Licinius était donc un homme, hélas!
comme tant d'autres, mù |)ar l'ambition, par
l'amour des choses de la terre, mais vivant
dans l'oubli des choses du ciel. Ai)rès qu'il
eut été vaincu à Cibahs par Constantin, à la
fui de SU', il changea, dit Sozomène. I! est
possible que Lic.nius garda au fond du cœur
naine contre Constantin et contre les chré-
tiens que ce f.rince aimait ; néanmoins la
bonne harmonie fut app rente jusqu'en 317.
Saint Jérôme ne met la persécution de Lici-
nius qu'en 320; c'est une erreur de sa part,
comme on peut le voir a l'article saint Blaisb,
martyr et évèquede Sébaste. Licinius com-
mença à persécuter les c! rétiens dès l'an 318.
Insensé qui, pour satisfairela haine qu'il gar-
dait contre son beau-frère Constantin, s'en
prenait au Dieu des chrétiens, qui lui avait
donné la victoire et toutes ses prospérités.
Quand nous donnons, au commencement de
la persécution de Licinius, la date de 318,
c'est de la persécution sanglante que nous
voulons parler. Dès auparavant il avait com-
mencé à persécuter les chrétiens, en les
chassant dw son palais, en les éloignant des
em|)lois; il en bannit un giand nombre, et
réduisit les autres en esclavage. Il fit une loi
qui défendait aux évêques d'avoir aucune
communication entre eux, de tenir aucune as-
semblée, d'ouvrir aucun concile ou synode.
Ne dirait-on pas que Licinius, en cela, pres-
sentait et ouvrait la guerre philosoplnque
que de notre temps il était réservé à l'Eglise
d'endurer. Nous ne pouvions, dit Eusèbe,
enfreindre celte loi , sans être considérés
comme coupables ; nous ne pouvions y obéir
sans violer les lois de l'Eglise. A cette époque
surtout, ce que dit Eusèbe était vrai ; l'Eglise
Lie
15UG
n'avait pas encore ces règles certaines, ces
décisions nombreuses dont h; dépôt est h
Home et (pu; cluupie évètpa; pcnit consulter
pnin- s'éclaiier. Alors toutes les dillicultés
élaiimt pour ainsi dire nouvelles. Les con-
ciles seuls pouvaient les aplanir. A celte
épo(pi(,', défendre les réunions des évè(|ues
était donc mm tuMimie insupportable et sa-
crilège. Aujourd'hui l'Eglise peut faire plus
de con(;eî»sions ^ cet ('gard, fiour les raisons
que nous venons de donner.
Luinius lit une autre loi, qui défendait
aux femmes de s'ass(Mnl)ler avec les hom-
mes })our l'accomplissement d.-s devoirs re-
ligieux. Il leur était int(Mdit de se faire ins-
truire |)ar des hommes. Il fallait (jue ce fus-
sent des femmes (pii leur enseignassent la
religion. On se mo({ua d'un (nupereur qui se
faisait ainsi le défenseur ridicule de la mo-
rale et de la chasteté, (juand il était de noto-
riété (|ue lui-même était le plus dissolu, le
plus débauché des hommes. Non c mtent d'a-
voir édicté ces ordonnances ri iicules, il en
lit u!ie autie qui commandait ((ue les assem-
blées des lidèles se tinssent hors des villes
en plein air. La liberté et le g/ and air des
champs éta'cnt choses plus saines, plus com-
modes, que les oratoires et les églises dans
les Cités, .\insi ce tyran prenait aussi pré-
texte de l'hygiène pour vexer les chrétiens.
Quand ces derniers, pour écha[)peraux dan-
gers ou aux vexations, s'exilaient volontaire-
ment, ou bien quand cette peine avait été
j)rononcée contre eux, Licinius s'em[»arait
de leurs biens pour lui-même. Il mettait
aussi la m lin sur les propriétés de l'Eglise.
Enfin, lâchant ia bride à sa fureur, ce prince
finit par déclarer guerre à outiance au chris-
tianisme ; il fit mourir les prêtres et les évê-
ques. Il faisait en sorte que les gouverneurs
eussent l'air de faire mourir les chré iens,
de leur propre autorité, et sans que lui-même
intervint. Ainsi la persécution, visible par
les effets, n'était pas officiellement avouée.
Licinius pouvait toujours répondre aux re-
prochesde Constantin, qu'il n'avait donnéau-
cun ordre, et que ce qui avait lieu n'arrivait
que par accident et du fait des gouverneurs
des provinces. Licinius avait projeté de faire
une persécution générale ; il en fut empê-
ché par la guerre que lui fit Constantin. Il
fut obligé de se défendre, et par conséquent
ne put [ilus songer à la persécution. Plu-
sieurs fois Constantin lui avait fait promet-
tre de mieux traiter ses sujets, de cesser de
les inquiéter pour cause de religion. Lici-
nius faisait tous les serments qu'on lui de-
mandait et les violait tous. Constantin lui
eût fait la guerre pour cette conduite cri-
minelle, si Licinius lui-même n'eût pris les
devants en commençant les hostilités. Cette
guerre eut pour lui le succès qn'elle devait
avoir; vaincu par Constantin, il y perdit la
couronne et la vie. Dans sa haine contre la re-
ligion, Licinius prenait tous les chrétiens
pour des partisans de son beau-frère , et
par conséquent voulait contraindre tous
ceux qui étaient dans ses troupes à sacri-
lier aux idoles. Un des plus grands sujets
im
Lie
Lie
1508
de douleurs qu'ait eu l'Eglise dans cette per-
sécution, ce fut de voir ua de ses évoques,
Eusèbe, qui alors occupait le siège de INico-
médie, être le complice des cruautés de Li-
cinius contre les évèques dont les opinions
ne concordaient pas avec les siennes. Cons-
tantin l'en accusé fi>rniellement dans une let-
tre qu'il écrivit à rE^i,lise de Niconiédie. Un
autre sujet de deuil encore pour le christia-
nisme fut la faiblesse d'un grand nombre de
fidèles, qui tombèrent sans même avoir rien
eu à soutlrir, ni dans leurs personnes, ni
dans leurs biens.
Les plus célèbres martyrs de cette persé-
cution sont les quarante martys de Sébaste.
Nous trouvons à Héraclée en ïhrace le mar-
tyre de saint Ammon, diacre, et de quarante
vierges qu'd instruisait. Probablement que la
cause de leur martyre fut l'oubli qu'ils ti-
rent de la défense qu'avait faite Licinius aux
femmes de se laisser instruire par des hom-
mes. Licinius lui-même intervint dans les
supplices qu'eurent à endurer ces saintes
femmes.
Les Grecs mettent encore en Europe, nans
la province de Scythie, le martyre de saint
Macrobe, saint Gordien, saint Zotique, saint
Lucien et saint Héli : les trois derniers déca-
pités à Tomes par commandement du juge
Maxime, et les deux autes brûlés vifs. Ils y
ajoutent saint Valérien, qui rendit son âme
à Dieu en pleurant sur le tombeau des au-
tres. Ils font la fête de tous ces saints le 13
septembre, auquel jour Baronius s'est con-
tenté de mettre saint Macrobe dans le Mar-
tyrologe romain. Ce saint et saint Gordien
étaient officiers de Licinius et extrêmement
aimés de lui. Mais les trouvant invincibles
dans leur foi, il les relégua dans la Scythie
où ils ajoutèrent le titre de martyrs à celui
de confesseurs.
Entre ceux que Licinius chassa de sa
cour. Suidas met un Auxence, l'un de ses se-
crétaires, et il en rapporte une histoire qui
est Hgréable. Mais si cet Auxence est celui
qui fut depuis évê(jue de Mopsueste, comme
il le prétend, nous espérons montrer autre
part que c'était un des i)lus méchants des
ariens, et que tout ce qu'on dit à sou avan-
tage doit passer au moins pour très-suspect,
comme venant de Philostorge , historien
arien.
Nous parlerons aussi autre part de saint
Paul, évoque de Néocésarée, sur l'Euphrate,
à qui Licinius lit estrojjier les deux mains
avec un fer chaud, et de saint Arsace, Perse
de nalion, qui, a[)rès s'être vu réduit à i)ren-
dre soin des lions que l'cmpcM-enr faisait
nourrir, devint en ce tem))S-ci un saint con-
iesseur de Jésus-(^hrist, et fut depuis un il-
lustre solitaire au milicîu de la ville de Ni-
comédie. Il faut, ce semble, mettre au com-
mencement de l'année -i-I-i, le mai-tyre cpie
saint Théogène soullril h(^y/.ie plutôt que do
s'engagcM- à porter les armes sous Licinius.
Il y a aussi beaucoup (ra|)paren(;e ipie c'est h
la pfjrséeution de Li(;iiiius (ju'il faut ra[)por-
ter le iMapl}rt; célèbre (pK; soulliit saint (ior-
di» à C«^8»iée «n (^appadoce, quoique nous
l'ayons mis sous celle de Dioclétien, pour
suivre Baronius.
Je ne trouve point au 13 septembre dans
Canisius, ni dans les menées, le nom de
saint Julien, martyr sous Licinius, que Ba
ronius a mis dans le Martyrologe romain,
sans en rien dire davantage, suivant, dil-il,
le Ménologe des Grecs (jui en font la fête le
même jour. Mais le Ménologe d'Ughellus, qui
aparu depuis, marque ce jour-là saint Julien,
prêtre d'Ancyre, dans la Galatie, qui, s'étant
retiré dans une forêt, durant la persécution
de Licinius, avec quarante autres chrétiens,
fut reconnu et pris par les païens, loisqu'il
allait puiser de l'eau dans une fontaine pt)ur
lui et ses compagnons. Le juge lit ce q.; 'il
put, par divers tourments, pour l'obliger de
découvrir où étaient les autres; mais il ne
le voulut jamais faire, se contentant de dire
qu'il était" chrétien lui-même, et il eut ainsi
la tête tranchée. C'est visiblement le même
que celui que Canisius et les menées mettent
le l'2 septembre, mais sous Dioclétien, en
quoi ils [)euvent bien avoir raison, et sous
le gouverneur Antoine. Les menées en font
une longue histoire mêlée de prodiges. Et
la prière qu'Us lui font faire en mourant est
tout à fait insoutenable. Ils ne lui donnent
point le titre de prêtre.
Le Ménologe de Canisius fait encore une
hif-toire pleine de prodiges de saint Acace,
décapité à Milet, sous Licinius et le juge Po-
sidoine. Les menées en marquent seule-
ment le nom au 28 juillet , auquel Ba-
ronius a mis ce saint dans le Martyrologe
romain.
L'Eglise de Sébaste fut honorée non-seule-
ment par les quarante martyrs, mais encore
par saint Sévérien, homme d'épée, qui avait
toujours vécu dans la guerre. 11 avait de
grands biens, mais ayant encore plus de foi
et de piété, il distribuait avec libéralité ses
biens aux pauvres, particulièrement à ceux
qui soutiraient pour le nom de Jésus-Christ.
Ainsi, sa vertu faisait embrasser le christia-
nisme à beaucoup de païens, et soutenait
divers (idèies que leur faiblesse ou la crainte
de mani^uer des choses nécessaires aurait
pu tenter de l'abandonner. On crut mônie
qu'il avait été la principale cause, après
Dieu, de la générosité invincible que les
quarante martyrs avaient léuioignée. Ce
furent là ses mérites devant Dieu et ses cri-
mes devant les hommes. Le général Lysias,
à qui il fut déféré, a.yant envoyé pour le
j)rendre, il vint de lui-même, le trouver. Ly-
sias le lit déchirer avec des nerfs di; bœuf et
avec les ongles de fer, ensuite il fut mené en
prison, où il demeura ciiui jours. Lysias
l'ayant fait comparaître de nouveau, lui lit
meurtrir tout le vis-ige à coups di> pierres, et
dé(;hirer une seconde fois les cùtés avec les
ongles de fer. Ensuite, il lui lit allacherune
|)ierre au cou et une autre aux pieds, et le
lit jeter en cet état du haut d'une muraille
en bas. (Juehpies fidèles ordevèrenl son
cor[)s, et l'allèrenl enterrer en son pays, qui
n'est [tas nommé.
Nous n'avon-s son hislone que dans les
1509
^IC
Lie
\h\b
niéndos des Grocs, qui l'honoront le 9 sop-
tiMiibrc, et dans ses Actes, tnuluits dans Su-
rins, qui sont reconnus pour ôtre de Méta-
l)hraste. Néanmoins, connue ils n'ont rien
de mauvais poiu- les l'ails, juscju'h la mort du
saint, nous avons cru en pouvoir tirer cet
abrégé. Les niiracles (jui suivent sa mort
sont un peu sus[)ects. Baronius l'a mis dans
le Martyrologe romain.
On niet encore à Sébasto, sous Licinius,
le martyre de saint Eu(lo\e, saint Agape, et
huit auires soldats consumés par le l'eu, lio-
norés le 2 novembre dans les niénées, qui
portent qu'ils lurent examinés par Auxane,
magistrat de la ville, par Marcel, ollicier des
troupes, et |)ar M- Agricolai.is, gouverneur
de l'Ai-ménie, selon les Actes des quarante
martyrs. Le Ménologe d'Ughellus dit à peu
près la même chose des sainis Carlère, Atli-
que, Stirace, Eudoxe, Tobie, Agafjct, Nico-
politain, brûlés avec un grand nouibre de
lidèles, uiais il ne leur donne point d'auties
juges (jue Marcel. H rap[)orle ([uclques parti-
cularités de la confession de saint Carlère.
Le Martyrologe romain le met à la tète de
tous les autres le même jour, 2 novembre.
Les Grecs disent aussi que, sous Licinius,
Lysias lit mourir par lo feu, à INicople en
Arménie, quarante-cinq chrétiens, cnlva les-
quels étaient les i)lus qualifiés de la ville,
nommés Léonce, Maurice, Daniel et An-
toine. Ils en font leur grand olhce le 10 juil-
let. Baronius les a suivis.
Nous avons marqué sur l'histoire de saint
Gurie et saint Samone, le commencement de
la vie de saint Abibe, diacre, qui était
comme eux du territoire d'Edesse, dans la
Mésopotamie, né dans le village de Thelsée.
Les deux autres ayant été couronnés dès le
temps de Maximin, vers Tan 306, Abibe, que
Dieu avait conservé , parcourait toute la
ville pour y encourager les chrétiens et les
contirmer dans la piété par les instructions
qu'il tirait des Eci'iiures. La persécution de
Licinius ne l'empêcha point de continuer ce
saint exercice. Lysanas, gouverneur du
pays, en fut averti, et le manda à Licinius,
qui fut ravi d'avoir cette occasion de don-
ner des ordres à Lysanias pour persé-
cuter les chrétiens, ce qu'il n'avait pas en-
core fait jusqu'al rs, et lui ordonna particu-
lièrement de l'ail e mourir Abibe.
Le saint demeurait alors avec sa mère et
{)lusieurs de sa famille, dans un quartier de
a ville auquel son ministère l'attachait par-
ticulièrement. Il semble qu'il se soit caché
aussitôt qu'il sut l'ordre que Lysanias avait
reçu ; car on le chercha partout, et on fut
longtemps sans le trouver. Mais enfin, ayant
peur, disent ses Actes, que Dieu ne h- punit
d'avoir perdu l'occasion du martyre, il se
vint présenter lui-même à Théotecne, l'un
des premiers officiers du gouverneur. Théo-
tecne l'exhorla à se retirer et à se cacher,
eu l'assurant qu'il n'avait rien à craindre
pour sa mère et pour ses parents. Mais le
saint lui dit qu'il ne venait se déclarer que
parce qu'il était résolu de souffrir pour Jé-
aus-Ghrist, et qu'il irait plutôt lui-même se
présenter au gouverneur; de sorte que
Théotecne, craignant (|u"on ne lui fit une af-
faire de l'avoir laissé échapper, h- mena à
Lysanias, et lui rapporta connuent Abibe
s'était venu découvrir lui-même.
Lysanias regarda ce courage extraoniinaire
comme une insolence, conmm une insulte
et comme une marcjue qui; le saint ne res-
pectait guère son autorité. C'est pourriuoi il
commença aussitôt à l'interroger et h lui de-
maniler |)our(pioi il ne sacrifiait pas comme
l'empereur le lui ordonnait. Le saint ré|ton-
dit ({u'il no cpiitterait jamais le vrai Dieu
pour adorer les ouvrages des hommes. Et
alors Lysanias le fit suspendre i)ar les bras
à un poteau pour lui déchirer les côtés avec
les ongles de fer, ce qui lui était encore un
moindre supplice que d'être susjiendu
comme il était. Lysanias ne laissait pas de
tAcher en même temps de le gagner par pro-
messes et {)ar menaces, et il lui demanJait,
comme par compassion, quel avantage il
trouvait à souffrir tant de tourments; ti quoi
le saint répondit : « Nous envisageons moins
le présent que l'avenir, où nous espérons
trouver une gloire qui surpassera de beau-
coup tout ce que nous pouvons souU'rir ici
pour l'acquérir. »
Le juge, le voyant invincible, le condamna
enfin à mourir par le feu. Le lieu de l'exé-
cution était hors de la ville, du côté du sep-
tentrion. Sa mère et ses parents l'y suivi-
rent : il leur donna le baiser de paix, fit sa
prière, souhaita à tous les assistants la bé-
nédiction de Dieu; et, le feu ayant été mis
enfin au bûcher, il rendit son esprit à celui
qui le lui avait donné. Quant le feu eut été
éteint, ses proches prirent son corps, l'em-
baumèrent, le revêtirent d'ornements pré-
cieux, et l'enterrèrent auprès de saint Gurie
et de saint Samone, avec qui il avait été si
uni durant sa vie ; et on marque que le jour
de son martyre se trouva être le même que
celui au(|ueï ces saints avaient souffert seize
ans auparavant, c'est-à-dire le 15 novembre.
C'est pourquoi les Grecs les honorent ce
jour-là tous trois ensemble par un même
office. Baronius les a mis le même jour,
mais séparément. Saint Abibe soufiVit appa-
remment en l'an 322, puisqu'on marque (]ue
sa mort donna U repos à l'Eglise par la
victoire que Constantin remporta sur Lici-
nius , en 323, le 18 septembre. Et c'est ce
qui nous a fait mettre seize ans entre son
martyre et celui de saint Gurie.
Nous ne trouvons que dans les livres de
l'office des Grecs Ihistoire de saint Théo-
doie, évêque de la ville de Cyrinie, appelée
par les anciens Ceraunia, et aujourd'hui Ce-
rines, sur la côte septentrionale de l'ile de
Chypre. Ils disent que le saint ayant été amené
sous Licinius à Sabin, gouverneur de l'île,
il fut fouetté, déchiré, mis su.' un lit de fer
tout en feu, contraint de courir avec des
clous dans les pieds, et enfin retenu dans
une prison dont il ne sortit que par l'auto-
rité des. édits de Consiaiitin , le 19 janvier
32V. 11 UKîurut deux ans après, le 2 mars
326. Les Grecs en faisaient la fête en l'un o*t
4oH
LIE
UN
1519
«"1 l'autre jour. Néanmoins, les menées la
marquent le 17 janvier au lieu du 19, auquel
die est marquée en |>lusieurs manuscrits et
dans le Méiiologe d'U^iliclhis ({ui ajoute quel-
ques petites nai'tlcularilés à som histoire.
Les Grecs en lo U encore une troisième fùte
le 6 mai, peut-être à cause de (Quelques re-
liques apportées à Constan<inoi)le, et Haro-
nius l'a mise ce jour-là dans le Martyrologe
romain.
Bol'andus nous a donné le 22 mai les Actes
d'un saint Don.it, qui, après avoir confessé
Jésus-Christ, l'an 3,)'^ <à Salones en Dahna-
tie, en préscvice de Dioclétien même, vint,
dit-on, en Egypte, où il fut fait évêîjue de
Tlunuis après le martyre de saint Pliiléas,
et y acquit la cour'onne du martyre dans la
persécution de Licinius, avec saint Macaire,
prêtre, et saint Théodon, diacre, ayant été
tous trois coui)és en pièces et jetés ensuite
dans la nn-r. Bollandus croit que ces Actes
sont de quelque moine grec (|ui les a ornés
d'jjiarangues et d'autres ampliticalioïis à la
mode de ceux de sa nation. Il les croit écrits
dans la Dalmatie, après le déclin de l'em-
pire rouiaiu. De quelque leaips et de quel-
que auteur qu'ils soient, il serait aisé de
montrer par beaucoup de preuves qu'ils
sont trop pleins d^; fautes pour avoir aucune
autorité. Je ne trouve i)Oint que ceux, dont
ils p irlent soient honorés |)ar les Grecs ni
par les Latins. Bollandus n'en cite rien et ne
rend môme aucune raison pourquoi il les a
mis le ±2 mai.
LIÈDE (saint), reçut la palme du martyre
en Espagne, avec saint Vincent. Il sont ins-
crits au Martyrologe romain le 1" septem-
bre. Nous n'avons aucun document authen-
tique sur eux.
LIEOU-EUL, catéchiste des Pères portu-
gais , commis pour conférer le baptême
aux enfants abandonnés et transportés dans
les hôpitaux parordi-e de l'autorité, fut ar-
rêté en vaquant à ces jjicuses fonctions et
conduit au tribunal du gouverneur. On ne
lui trouva pas d'autre crime que celui d'être
chrétien : mais comme c'en était un d'api-ès
la déff'nse faite, vu 1723, par Young-Tching
et ensuite par Kien-Long en 1730, son af-
faire fut renvoyée au tribu lud des crimes.
11 y fut donc conduit ave(; Tching-Tsi, gar-
dien de rho[)ital, et Ly-Si-Eou, leur dénon-
ciateur connnun. Ou-Che-San , mandarin
rnantchou , les lit conj|»araître. 11 ne put
modérer sa joie, tant il désirait (jne quelque
alfaire conc.(;rnant la rcliguju lui fût défé-
rée. Lieou-Eul répondant à toutes les (jues-
lions avec beaucoup de sagesse, le juge le
lit apj)li(iuer à la (jueslion pour lui faire
avouer- (jut) c'était h force d'argent (pie les
liurojiéeiis attiraient les C-him.ds ii leur reli-
gion. Uien ne put lui arracher ce grossier
mensonge;. Naschlem , [irésident rnantchou
du même tribunal, h; litremeliieà la torture
et aurait poussi; les choses [dus loin encore; s'il
n'eill été nommé, sur ces enlicfaites, Isong-
lou ou gfmveineui' gén/nal de Nankin. Ou-
Clie-San jHjiirsuivait cette; alfaire avec une
extrême vivacité: il voulait faire mourir lo
chrétien, mais il avait un collègue qui fut
d'avis (lilïérent. Cette diversité d'opinions
fil renvoyer l'all'airc à Sun-Kia, président
chinois de ce; tribunal, qui n'approuva pas
la sévérité déiiloyée par Ou-Clie-San. Le
chr-élien ne fut cond.unné qu'à recevoir cent
coups de pan-t-ee (b;\ton dont on frappe les
condamné>), à porter la cangue un mois du-
rant, et a[)ièscela à recevoir encore quarante
coups de pan-tsée. La seiitence fut envoyée
au tribunal du gouverneur de Pékin. Elle
était conçue comme on peut le voir à l'arti-
cle Chim:, année 1737.
LIEY (saiiitj, confesseur, souffrit dans le
diocèse de Troyes pour l'honneur et la dé-
fense de la religion chi'étienne. Nous man-
c^uonsde dtHails. L'Eglise honore sa mémoire
sainte le 25 mai.
LIFAUD (saint), confesseur, fut d'aboi^d
un des f)remieis magistrats d'O léans. En-
suite le désir de mener une vie plus parfaite
le lit enti'erdans l'état ecclf'siastique; et b en-
fui l'évoque d'Orléans l'ordonna diacre. Ce-
pendant le désir qu'il avait de deineur'er
(ta is la solitude devii.it si vif, qu'il se retir-a
avec Urbiciiis, son disciple, dan^ un lieu voi-
sin de la monta,:;ne et du chAteau de Meun, '
sur le bord de la Loii-e, un peu au-dessous
d'Orléans. Ils s'y construisirent deux caba-
nes en jonc et vécurent dans la f)rière et
dans le jeûne. L'évoque d'Orléans ordonna
prêtre notre saint, et lui permit de fonder
un monastère. Il mourut vers le milieu du
VI' siècle; mais on ignore en quelle année.
L'Egl.se fait sa mémoire le 3 juin.
LiGOlKE (s int), fut martyrisé pour la loi
ie Jésus-Christ à une époque qui nous est
inconnue. Il fut massacré par les païens
dans le désert où il vivait. L'Eglise l'honore
comme martyr le 13 septembr-e.
LILIOSE (sainte), martyre, reçut la cou-
ronne du martyre à (^ordoue en Espagne,
du tem[)s de la persécution que les Arabes
tirent souffrir aux c'aéliinis. Elle eut pour
comjiagnons de son triomphe sainte N<italie
et les saints Georges, Félix et Aurèle. L'E-
glise fiit leurfcte le 27 juif et.
LIMOGES, chef-lieu du département delà
Haute-Vienne, où fut martyrisé la vierge
sainte Vulère.
LIN (sainl), pape et mar'fyr, fut le succes-
seur immédiat de saint Pieri'e sur le siège
de; Rome, d'après sainl Irénée, Eusebe,
saint Epiphane, sainl Optât et saint Aujus-
lin. Il occupa la chau-e lie Sairit-Pierr-e de-
puis l'an ()5 jus([u'à l'an 70. Le canon de la
messe de l'Eglise r'Omaine le nomme parmi
les martyr-s. Il fui enterré sur le mont X'ali-
can, [irès du tombeau de saint Pierre». Il
est' honoré élans TE^ise le 23 seiitenn-
bre.
LINAUEZ (PiKURK de), do la compagnie ele
Jésus, fut martyrisé à Axae'a, le 8 février
1571, avec les bienilieur-eux Jean-U.i| tislo
S.guivi, Gabrie'l (ioiiie/, Saiu lie/. Savelli et
Christophe llolundo. Ils avaient pé'iétr-é
élans la Floride, eîoiiduils par un naturel du
pays nommé Louis, epii avait été l)a|ilisé
eu Espagne;. Nous avons vu, A l'arlido
'«il
I
1515
L!V
Loris «EQuinos, que ce naturol itii^'i:;.»! lo
massacra avec (Unix de sos corniJagnoiis.
Trois jours aprc'^s, los meurtriers se présen-
tèrent devant les autres missionnaires «jui
restaient, ceux (jui sont nommés plus liaut
j)rélextant avoir hesoin de iiaelies pour abat-
tre des arbres. A peine curenl-iis désarmé
les missionnaires qu'ils les massacrèrent
(8 fcWrier 1571). Ils s'emparèrent des vases
sacrés, et connuirent un grand nond)re de
profanations. (Societas Jesu usqnc nd snngui-
nix et rilœ profnsionfiti milihtns, p. kW.)
LlNtiUIN (saini) ou Liminias, eut le bon-
heur do donnei" sa vie pour la foi en 2GG
environ, dans les Gaules, à Clermont ou
bie'i près de cette ville, avec les saints Vic-
toria et Ca^^sius. 11 tomba dans la persécu-
tion que Chroi'us, roi i\('S Allemands, lit en-
durer aux. chrétiens des(iaules, ([uan<l il vint
ravager ce pays que It^ faible Valérien ne sa-
vait pas défendre. Les Actes de saint Lin-
guin existaient encore du tenq)s de saint
Grégoire de Touis : depuis ils o-it été per-
dus. La mémoire de ce saint martyr est ho-
norée par l'Eglise romaine le 13 mai.
LISBONNE (JEAN-Fi:»NANDÈsDE),de la Com-
pagnie de Jésus, faisait partie des saints
missionnaires que le P. Azevcdo était venu
recruter à Rome pour le Brésil. (Foj/. Aze-
VEDO.) Leur navire fut pris le 15 juillet 1571,
par des corsaires calvinistes qui les massa-
crèrent ou les jetèrent à la mer. Notre bien-
heureux subit le môme sort en l'honneur du
nom de Jésus-Christ. (Du Jarric, Histoire
des choses j)lus mémorables, etc., t. II, p. 278.
Tanner, Societas Jesu usque ad sanguinis et
vitœ profusionem militans, p. 166 et 170.)
LISBONNE, capitale du Portugal, est célè-
bre dans les annales des martyrs par les
souffrances et la mort qu'y endurèrent saint
Vérissime et les saintes Maxime et Julie , ses
sœurs, durant la persécution de Dioclétien.
LITTÉE (saint), évoque et qualifié martyr
au Martyrologe romain, à la date du 10 sep-
tembre, jour auquel l'Eglise célèbre sa feie,
était l'un des neuf évoques enfermés dans
les mines, et h qui saint Cyprien écrivit sa
76' lettre. Il avait été déporté immédiate-
ment après sa première confession, aussitôt
après avoir été cruellement frappé à coups
de bâtons. Cet évèque avait assisté au grand
concile de Carthage. {Voy. Némésien.)
LIVIN (saint), évèque et martyr, que l'E-
glise honore le 12 novembre, habitait l'E-
cosse. Il vint dans la Flandre pour prêcher
l'Evangile aux idolâtres. Avant d'en»repr:n-
dre cette sainte mission, il voulut se sancti-
fier d'une façon toute particulière : à celte
fin, il se tint en oraison trente journées du-
rant, au sépulcre de saint Bavon, dans la ville
de Gand, et chaque jour il y célébra la sainte
messe. Quand il se fut aiiisi consacré solen-
nellement à Jésus-Christ, il commença à
prêcher l'Evangile, et amena à la vraie reli-
gion un grand nombre de païens des con-
trées de Houthera et d'Alost. Toujours il fut
très-fervent à saint Bavon. Comme dans
son jeune Age il avait étudié la poésie, il fit
une pièce élégiaque en l'honneur de ce saint,
DlCTIOJiN. DES PeRSÉCLTIONS. I.
LOIN «514
qui n'était desrendu nu tombeau que depuis
peu d'années. Saint l.iviii fut m.iityrisé par
les païens h Esche en 650. lloubrai fut lo
lieu (pii reçut ses d.'-pouilles morl(!lles. El-
les v furent jusqu'à ce que Tliierri, évôquo
de Cambrai, les transféra en 8V2. Ereuibold,
abbé d(! Sainl-Bavon, en emicliit son mo-
nastènîcu 1007. Après plusieurs translations,
elles furent pillées et détruites par les hé-
rétiques au XVI' siècle.
LIVIN (le bienheureux), avait pris l'hab t
de l'orde do Saint-François, vers raiméo
13V5, déierminé par les pressantes sollicita-
tions du frère Adam, C('lèbre prédicateur. Ils
partirent pour la Palestine, et vécurent quel-
que temps dans le couve:;t de Sion, où no-
tre saint donna de grandes marques de sain-
teté. Bientôt noire; saint fut envoyé au Caire
l)0ur y porter des secours spirituels cMix
chrétiens qui s'y trouvaient. Dévoré du dé-
sir de verser son sang pour l'amour de Jé-
sus-Christ, il serendil'unjour danslamagu,-
fique mosquée de Toulon i, où le sultan lui-
luôme se trouvait en cet iiisiant. Il n'aVait
jamais appris ni su l'arabe; il lit néanmoins
une vive allocution en cette langue, inspiré
par le Saint-Esprit. Le sultan inité le con-
damna h mort. Il eut la tôle tranchée sur la
place publique l'an 13^5. (Wadding, an. 13V5,
n. 1-3. Chron. des Frères Mineurs , t. II, p. 5:65.)
LŒCUMÉNIQUË (saint). L'ordre alphabé-
tique exigeait que l'article de ce saint fût
placé ici : une erreur de rédaction nous l'a fait
transposer ailleurs. Voy. ci-dessus, col. 14-53.
LOGNY,bourgsituésur les contins du pays
Chartrain et de l'Orléanais, dans la Beauce,
est célèbre par le martyre de saint Lucain
au commencement du y' siècle.
LOLLIEN (saint), martyr, mourut en con-
fessant sa foi, sous l'empire de Dioclétien,
et par ordre de Galère, avec les saints Pa-
ragrus , H:M)ide et Romain , nouvellement
convertis à la foi chrétienne. Saint Hippar-
que et saint Philothée partagèrent égaleme-^t
avec lui la glorieuse palme du martyre. (Le
lecteur verra les circonstances de ces com-
bats h l'article Hipparque.)
LONDRES ( Augusta Trinohantium, Lon-
dinum, London), capitale de l'Angleterre et
de toute la monarch e anglaise, est la ville
la plus grande et la plus peuplée de l'Eu-
rope. Le premier martyr (jue nous y trou-
vions est saiit Augule, nommé aussi Aule
( et Ouil en Normandie), sous l'empire de
Dioclétien, au commencement du iV siècle.
LONGN (saint), martyr, était l'un des sol-
dats qni gaidaient saint Victur dans .«-a pri-
son à Marseille. Il se convertit en voyant
la lumière miraculeuse qui éclaira cette pri-
son durant la nuit. Maximien l'ayant su, le
fit venir avec saint Victor et deux autres
soldats également convertis , Alexandre et
Félicien, et les fit décapiter. L'Eglise honore
la mémoire de ces trois saints, avec celle de
saint Victor, le 21 juillet. {Voy. Victor de
Marseille.)
LONGIN (saint), évèque et martyr, reçut
la mort «our la défense de la religion avec
les saints évèques Vindémial et Eugène.
48
1515
LOP
LOP
1516
Ces trois saints ayant combattu les ariens
et les ayant confondus par leurs discours et
les miracles de l'un d'eux, saint Vindémial ,
le roi Hunéric les fit décapiter. L'Eglise ho-
nore leur sainte mémoire le 2 mai.
LONOIN (saint), reçut la couronne du mar-
yre avec les saints Eusèbo, Néon, Léonce, et
quatre autres qui ne sont pas connus, et dans
des circonstances que nous ignorons. Ils fu-
rent cruellement tourmentés, puis périrent
parle glaive. Ce l'ut durant la persécution de
l'impie Diocléticn qu'ils soutinrent le mar-
tyre. L'Eglise lait leur fête le 2'i- avril.
LONGIN (saint), souffrit le martyre à Cé-
sarée en Cappadoce. On prétend que ce
soldat est celui qui d'un coup de lance ou-
vrit le côté de Notre-Seigneur. 11 est inscrit
au Martyi'ologe romain le 15 mars.
LOPETIO (le bienheureux François), ap-
partenait à une des jurandes fam Iles de Sé-
ville. Ayant embiassé la règle séraphique,
il accompagna le bienheui'eux Rodriguez
Augustin avec un autre fiète nommé Jean
de Saille-Marie, chez les Zacatèques et les
Chichimè(|ues. ils s'avancèrent ensuite veis
les conliées septentrionales où nul mis-
sionnaire n'était encore allé. Ils firent envi-
ron 500 milles dans le nord avec une es-
corte de douze soldats espagnols : ils par-
vinrent jusque dans la contrée (ju'ils nom-
mèrL'nl Nouveau-'Viexique. Cinquante mille
hommes environ habitaient six mille mai-
sons dans le lieu où ils s'arrôlèreiit. Ils y
furent cordialement reçus , et furent en-
chantés de cet accueil. Frère Jean de Sainte-
Marie partit pour retourner cliercfier do
nouveaux missionnaires; mais les naturels
l'aya-U guetté au passage d'une montagne
firent rouler sur lui un quartier d-j rociicr
qui l'écrasa. Les soldats qui l'escortaient re-
gagnèrent Mexico. Ce fut par eux qu'on
ap(>rit les découvertes que les religieux
venaient de faire. Les deux autres mission-
naires continuaient leui'S prédications au
Nouveau -Muxit[ue. Un jour qu'ils prê-
chaient, François aperçut des naturels qui
se disputaient et allaient se battre. 11 courut
à eux p!)ur les réconcilier, mais ils tournè-
rent leur fureur contre lui et le percèrent de
leuis tlèches. Augustin, resté seul après la
mort de ses deux compagnons, n'en conti-
nua pas moins à accomplir sa sainte mis-
sion; mais bientôt il tomba lui-même vie
lime de son zèle. 11 fut martyrisé par les in-
digènes.
LOPEZ (André de), de l'ordre des Frères
Prê(;heurs, reçut la glorieuse i)alme du mar-
tyre en 1555, av(!C le bienheureux Domi-
nique de Vie, religieux du même ordre. L(îs
habitants du pays de Puclujtla, irrités do
voir le progrès de l'Evangile chez leurs voi-
sins de rancH.MUKi Terre de Guerre, iéunircnt
une nombreuse armée, cl envahireni la nou-
velle Terre de Paix , nïin de venger leurs
dieux délaissés. Nos deux saints mission-
naires j)érirent dans celle invasion. ( Fon-
tana, Monuiiwnta Dominicana, marque leur
glori(;ux martyic; en 1552. )
LOPEZ ( le bienheureux André ) , était
missionnaire dans la colonie de Mamos, que
les Franciscains de Pirétu avaient fondée
près de la ville de Guaya. Les Caraïbes ,
aftrès avoir saccagé les établissements des
Jésuites, se jetèrent sur la colonie dont fai-
sait partie notre bienheureux. A l'arrivée
des infidèles, il était encore à l'autel. Il en
descendit à la hàle, prit un crucifix, et ex*
cita son peuple à la défense. Atteint bientôt
d'un coup de fusil à la jambe, il n'en con-
tinua pas moins ses courageuses exhorta-
tions. Alors un Caraïbe lui déchargea un
grand coup de sabre sur la bouche, en lui
disant de se taire, et il tomba sur le carreau
baigné dans son sang. Après avoir pillé et
saccagé la colonie, les infidèles, s'étant jetés
sur André afin de le dépouiller, s'aperçurent
qu'il vivait encore. Ils lui déchargèrent un
second coup sur la tête, lui enlevèrent sa
robe , et a[)rès avoir allumé un grand feu
sous un arbre, ils l'y pendirent. Huit jours
après, il fut retrouvé sans avoir reçu au-
cune atteinte du feu et n'ofîi-ant encore au-
cune marque de corruption. Son martyre
arriva vers l'année 1733.
LOPEZ ( le bienheureux François), de la
Coin[)agnie de Jésus, soulfrit le martyre en
1568. Quatre jésuites se trouvaient sur un
navire portugais qui fut attaqué par des vais-
seaux mahométnns. Un baril de poudre
ayant pris feu ù bord du v isseau portugais,
ils sautèrent et se jetèrent h la mer. Ayant
abordé, ()h, sieurs furent faits prisonniers,
notamment notre bienheureux. Comme il
refusait de renier sa foi, il fut massacré.
LOPEZ (le bienheureux Simon), Portugais,
de la Comp;ignie de Jésus, faisait partie des
soixante-neuf missionnaires que 1(î bien-
heureux Azevcdo était venu recruter à
Rome pour le Rrésil. (Foy. Azevedo.) Leur
navire fut pris le 15 juillet 1571, par des
corsaires calvinistes, qui les massacrèrent
ou les jetèrent à la mer : t<l fut le martyre
de notre bienheureux. (Du Jarric, Histoire
des choses les plus mémorables, t. 11, p. 278.
Tanner, Socictas Jesii iisque ad snnguinis et
vitœ profusionem militans, p. 106 et 170.)
LOiMiZ (le bienheureux Antoine), de la
Compagnie de Jésus, naquit à Ségovie. A
son arrivée au Pérou, ses supérieurs, au
lien de l'appliquer aux missions, selon son
vif désir, lui firent enseigner Ja théologie
morale. On voulut ensuite le préposer comme
recteur à la conduite de ses frères; mais il
manifesta si fortement son désir de s'em-
ployer aux missions, qu'on l'envoya à Cuzco
où, en 1585, il avait fait sa profession solen-
nelle. Il pénétra chez une [)eupladc sauvagi),
adonnée au vice de la polygamie, et qui fu-
mait avec avidité les feuilles dune cer-
taine plante (|ui déterminait l'ivresse et
tn.Miblail leur raison. Notre bienheureux,
en combatlant ces deux vices, s'attira la
haine des indigènes , qui rempoisonnèreiU
en 15i)(), h l'Age de cincpiante-trois ans. Ses
inenrlriers remplis de remords tardifs, l'ho-
norèi'etit comme martyr, (Tanner, Socictas
Jrsii usquc ad samjmms cl vitœ profusionem
nùlilans, p. h'ôli.)
ir;i7
LOU
LUC
4518
LOnCiE (saint), martyr, versa son sang pour
lu dri'c'iNe de la rcilit^iou en Cappadoce, avuc
suinl LuiiiiS, uviVjuo, et saint Al^salon. Los
marlvrulo^rs no (joniiciit aucun dôlail sur
ces :>aiMts aiurlyrs, dont l'Ki^liso lait la llHo
le 2 mars.
LOUIS (saint), martyr, versa son san^;
i)()ur la foi, dans la ville de C(trdouo, (ju'd
habilail. 11 eut pour conipat^nons de son
mail vie le pj'ôfro Ainalour et le solitaire
Pien-e. On n a pas do ilotails sur hnir.s com-
bats. L'Kglise les lionore le 30 avril.
LOUIS, riait le frère d'un Paraousti ou
chef de la ville d'Axaca,dans la Floride. Cet
indigène, qui avait élu baptisé eu Lspaguo,
revint dans son pays avec plusieurs mis-
sionuaires, leur alln-mant ([u'ils y prêche-
raient l'Evangile avec succès. Ils cutrèient
à Axaca en 1570. A peine arrivés, Louis les
abaiidonîia auv horreurs de la faim et de
la maladie , renia sa foi et retourna au.v
coutumes barbares de sa nation. A[)rès qua-
tre mois de soutfranccs, les trois PP. Louis
de Quiros, CJabiiel de Solis et Jean Mondez
allèrent tiouvor Louis alin de l'engager à
revenir au milieu d'eux. Celui-ci le leur pro-
mit ; mais à peine étaient-ils partis , qu'il
fondit sur eux avec une troupe de Flori-
diens et les perça h. coui)s de flèches le 4 fé-
vrier 1571. Cinq jours après, les meurtriers,
Louis à leur tète, se présentèrent devant les
autres missionnaires, qui restaient, prétex-
tant avoir b(iSoin de haches pour abattre
des arbres. A peine eurent-ils désarmé nos
bienheureux qu'ils les massacrèrent (8 fé-
vrier 1571). Ils pillèrent la cabane qui servait
de demeure aux missionnaires, s'emparèrent
des vases sacrés , et commirent un grand
nombre de profanations. L'année suivante,
don Pedro Menendez de Avilez s'empara d'une
grande partie des meurtriers, qui lurent mis
à mort après avoir été baptisés, grâce aux
sollicitations d'Alfonse, jeune homme qui
avait échappé au massacre l'année précé-
dente. Pour Louis, il s'enfuit et expia dans
les austérités de la pénitence les crimes
dont il s'était souillé. Voici les noms des
saints religieux de la Compagnie de Jésus,
à qui il procura la glorieuse palme du mar-
tyre : Louis de Quiros , Cabriel de Solis,
Jean Mondez, le P. Jean-Bapliste Segura ,
Gabriel Gomez , Pierre de Linarez , San-
cliez Savelli et Christophe Uotundo.
LOUIS (le bienheureux), tils adoptif de
Minami et de Madeleine, souffrit le mar-
tyre au Japon en l'année 1G02, avec sa
mère Madeleine, Agnès, femme de Ta-
cuenda, et Jeanne, belle-mère de cette der-
nière. Ou peut voir à l'article Jeanne le dé-
tail de leur martyre. Notre jeune bienheu-
reux était à^^é de sept ou huit ans seu-
lement, et avait été adopté, comme nous l'a-
vons dit, par Mi ^ami et Madeleine, faute de
pro(;éaitUi e. Cet enfant était dans un ravis^
semoni qui tenait de l'extase. On le cruci-
fia avec sa mère vis-à-vis l'un de l'autre. Le
bourreau, ayant voulu percer Louis d'un
coup de lance, ne fit que l'etlleurer. Crai-
gnant qu'il eût peur, sa mère lui dit do
prier Marie et Jésus. 11 obéit, re<;ut un 6<f-
Cond coup et mourut sur llKune.
LOUIS (saini), l'un des viu^t-six martyrs
du Japon, dont riigliso f;iil la iéic, lo 5 '^16-
vrier, éi.iil enfant de cIkiîui cIk,'/. le» Francis-
cains, ("e fut sur sa di-mande qu'on h; prit
avec les sa nls missionnaires (pjand on vint
les arrêter. Parc(î cju'il n'était âgé que dq
douze ans, on voulait le laisser aller. (Koy.
Maktvks du Japon.)
LOUISlANK. (Voy. Canada.)
LOUP (saint), évoque et confesseur, versa
son sang à Vérone pour la foi et [)our la
défense de la religion chrétienne. On ignore
les circonstances de son combat. L'Lglisa
fait sa glorieuse fête le 2 décembre.
LOUVENT (saint), abbé de Sainl-Privat do
Gabales ou de Javouls en Gévaudan , mar-
tvr, fut accusé j)ar le comte de Cabales ou
(le Javouls, nommé imiocent, d'avoir in-
sulté la reine Hrunohaut dans ses discours,
îitant allé se disculpera la cour d'Austrasie,
il confondit sans peine ses accusateurs, qui
résolurent sa mort, innocent s'empara de lui
comme il revenait à son couvent, et lui fit
subir les plus indignes traitements, après
quoi il le laissa aller en liberté. Mais ses sa-
tellites ayant saisi par ses ordres notre
bienheureux , le mirent à mort sur les bords
de l'Aisne, où ils jetèrent son corps. Après
sa mort, plusieurs miracles attestèrent sa
sainteté. Le 22 octobre on l'honore comme
martyr à Châlons-sur-Marne, où une {«artie
de ses reliques sont conservées précieu-
sement.
LOUVRES en Parisis, bourg près Paris,
où saint Justin d'Auxerre fut martyrisé par
les soldats que les infidèles d'Amiens avaient
envoyés à sa poursuite, après qu'il eut quitté
leur ville, où il était venu avec son père pour
racheter son frère aîné, qui y avait été
amené captif.
LUC (saint), évangéliste, était originaire
d'Antioche, en Syrie, gentil et païen d'ori-
gine. Plusieurs croient que c'est celui que
saint Paul, dans l'Epître aux Romains, ap-
pelle Lucius, en rendant son nom un peu
plus latin, et cela est d'autant plus vraisem-
blable, que les Actes nous assurent que saint
Luc était alors avec saint Paul : ainsi il était
parent de cet apôtre. 11 était médecin. Saint
Jérôme dit même qu'il était très-habile dans
cette profession , et qu'il n'eut jamais ni
femme ni enfant. Ses écrits font juger qu'il
avait une g ande connaissance de la langue
grecque, car on trouve que son style est plus
poli et ressent plus léloquence humaine que
celui dos auaos écrivains canoniques : ce
qui pout faire juger qu'il était plutôt Grec
que Syrien. On lient qu'il savait peu l'hé-
breu, et même beaucoup ont cru qu'il ne le
savait pas du tout. 11 y a assez d'app/irence
quU passa du paganisme au clirisliaiii>me
sans recevoir la circoncision, et aii.si il se-
rait dilUcile d'adm^^itie ce que quelques-uns
ont dit, qu'il avait éié disciple de Jésus-
Christ. Aussi, beaucoup d'anciens croient
qu'il a été seulement disciple des apôtres,
particulièrement de saint Paul, dont saint Je-
151»
LUC
LUC
1520
rôme l'appelle h fils spirituel. 11 a encore
conversé avec les autres apôtros, et a pris un
grand soin de profiter do ce qu'il apprenait
d'eux. 11 était leur disciple, non-seulement
pour les suivre et pour les accompagner,
mais encore pour prendre part à leurs tra-
vaux, pour prêcher et pour annoncer l'Evan-
gile avec eux, .-urtout ;tvec saint Paul, dont
il était insénarable, étant presque toujours
avec lui, car il aimait le travail, souhaitait
d'appren(Jre, et avait beaucoup de patience.
Aussi sai'^l Paul l'appelle son hien-aimé. Sa
persévérance à ne ])oiut (juitter cet apôtre
est la plus grande preuve de sa vertu. Les
Grecs disent qu'en le suivant il a éclairé
(oute la terre, et (jue le Verbe, qui connaîî
ce qui est dans les cœurs, l'a choisi pour
être avec cet apôtre le docteur des nations.
Il passa certainement avec lui de Troade
en Macédoine, dans le premier voyage que
saint Paul tit en Grèce vers l'an 51. Nous
n'avons {)oint de preuve qu'il Tait suivi au-
paravant. Mais de la manière dont saint Iré-
née et d'autres Pères en parlent, nous avons
lieu de présumer que, depuis ce temps-là, il
fut le compagnon inséparable de tous ses
voyages. Nous ne marquerons néanmoins
ici que ce que l'Ecriture nous apprend expres-
sément. Jl accompagna saint Paul de Troade
jusqu'à Philippes, en Macédoine, oil il de-
meura quelques jours. 11 ne dit point ce
qu'il devint ensuite jusqu'à ce que saint
Paul retourna de Grèce à Jérusalem en
l'an 58. L'année d'avant, saint Paul envoya
de Macédoine saint Tite à Corinthe, avec une
autre personne dont il parle fort avantageu-
sement ; et l'opinion la plus probable, aussi
bien que la plus commune, est que c'était
saint Luc. Nous apprenons donc de cet en-
droit que saint Luc avait été associé par les
Eglises à cet apôtre, pour l'accompagner
dans ses voyages, et recueillir avec lui les
aumônes des fidèles, ce que saint Paul même
avait souhaité, afin d'avoir un témoin irré-
prochable de so!i entier désintéressement.
C'est peut-être pour ce sujet qu'il est appelé
l'apôtre ou le député des Eglises. Saint Paul
nous assure, au même endioit, <iu'il était la
gloire do Jésus-Christ, et qu'il était devenu
célèbre par l'Evangile dans toutes les Egli-
ses. Plusieurs Pères ont expliqué ceci de
l'Evangile, qu'ils croient que saint Luc avait
déjà écrit. Mais «piand il ne l'aurait écrit
que depuis (uc quoi nous parlerons dans la
suite), on mérite des louanges en prêchant
l'Evangile .'uissj l)ien (pi'en l'écrivant.
Saint Paul suivit bientôt saint Tite et saint
Luc à Corinthe, d'où il écrivit aux Romains,
et leur fit des recommandations de Lucius,
son [)arcnt,que plusieurs, comme nous avons
dit, croient êlra le même nue saint Luc. Un
mois ou deux après, saint Paul s'en alla en
Asie, par la Macédoine, et saint Luc était en
sa compagnie. Il partit de Philif)pes avec
saint Paul, et alla avec lui à Troade; saint
Paul voulant aller par terre jusqu'à Asson,
il ordoima à saint Luc et à quelijues autres
d'y aller f)ar mer; et saint Paul étant alors
rntré daus l« vaissoau, il*; alIf^Tenl ensemble
jusqu'à Césarée, oii saint Luc et beaucoup
d'autres tâchèrent en vain de l'empêcher
d'aller à Jérusalem. Saint Luc y alla aveclui
et l'accompagna encore, lorsqu'après son ar-
rivée il alla rendre visite à saint Jacques. 11
le suivit aussi depuis Césarée jusqu'à Rome,
lorsqu'après son appel il y fut conduit par
ordre de Festus, pour y être jugé par Néron.
Il était à Rome lorsque saint Paul écrivit de
là à Philémon et aux Colossiens. 11 semble
qu'il n'était pas avec lui lorsque cet apôtre
comparut d'abord devant Néron, la seconde
fois qu'il vint à Rome. 11 y ét.iit et. était le
seul de ses anciens disci])les qui lui tînt une
fidèle compagnie, lorsqu'il écrivit la seconde
leitre à Timothée, un i)eu avant son mar-
tyre, et ainsi il l'a accompagné jusqu'à la fin
de sa vie. 11 doit avoir beaucoup survécu à
saint Paul, puisqu'on assure qu'il n'est mort
que dans une grande vieillesse, à l'âge d'en-
viron 80 ou 8i ans ; mais on sait peu ce qu'il
a fait durant ce temps-là. Nous n'en trou-
vons rien que ce que dit saint Epiphane,
qu'il reçut la commission de prêcher l'Evan-
gile, et qu'il le prêcha dans la Dalmatie, dans
les Gaules, dans l'Italie et dans la Macé-
doine. L'Eglise des Gaules ne conserve au-
cune mémoire qu'il y ait prêché ; ainsi, s'il
l'a fait, ses prédications n'y ont pas eu beau-
coup de suite. Nicéphore dit qu'après avoir
été à Rome avec saint Paul, il revint en
Grèce, et conduisit beaucoup de personnes
à la lumière de la vérité. Métaphraste dit
qu'il prêcha dans l'Egypte, la Libye et la
Thébaïde, de quoi Fortunat, entre les La-
tins, ne s'éloigne pas; et on prétend qu'il
ordonna Abilius, troisième évêque d'Alexan-
drie, vers l'an 86. Le Praedestinalus du P. Sir-
mond dit qu'il condamna à Antioche l'héré-
sie des Ebionites, née -vers le temps de Do-
mitien.
Nous avons voulu rapporter tout ce que
nous savons des actions de saint Luc avant
que de parler de ses écrits qui rendent son
nom si célèbre et si vénérable dans l'Eglise,
c'esl-à-dire de son Evangile et du livre des
Actes des apôtres. L'Evangile fut écrit le
premier, et apparemment dès l'an 53. On
convient que c'a été après que saint Mat-
thieu et saint Marc avaient déjà écrit l'E-
vangile, et lorsque les apôtros, qui pouvaient
juger de son ouvrage, vivaient encore. Il
était alors d;ms la Grèce, vers l'Achaïe et la
Béotie. 11 le composa sur ce qu'il avait ap-
pris, non-seulement de saint Paul, mais aussi
des autres apôtres qui avaient suivi Jésus-
Christ depuis le commencement do sa pré-
dication. 11 l'entreprit sur ce que plusieurs
autres, qui s'étaient elï'orcés d'écrire l'Evan-
gile, mais sans le mouvement de la grâce et
])0ussés parleur esprit propre plutôt que par
celui do Dieu, avaient été abandonnés du
secours de Dieu, et ainsi, ou n'avaient pas
achevé leur ouvrage, ou avaient été rojetés
de l'Eglise. Mais pour lui, ce fut l'esprit de
Dieu nui le poussa ou même qui le contrai-
gnit d écrire ce qu'il voulait alors faire ajou-
ter à ce que saint Matthieu et saint Marc
avaient d^jà publié sur ro sujet. 11 l'sdresso
1521
LUC
LUC
I5ii
à Théophile, soit qu'il ontomJu en général
parce mot tons c'cux(|ui aiment Dieu ou (jui
sont aimés de hii (selon la si-nilication .lu
terme ^rec), soit ([u'il l'adresse à une per-
sorme particulière (pii porl;U ce nom, connue
ronl cru saint Augustin et saint Clirysos-
tome. Saint Chrysoslome, en ellVt, le loue
d'avoir enlrepris"^cet ouvrage pour un seul
homme. 11 y en a qui ont cru (pie lorsipui
saint Paul so sort de ces termes : Selon mon
Evan</ile, il parlait (h; l'I'IvangiU' de saint
Luc. Tertullion r(Mnar(|ue (jue (pnd([ues-nns
même l'en faisaient auteur, d'autant plus
qu'il est assez raisonnable d'atliihuer au
maître les ouvrages pidjliés par les disciples.
On lit, dans un écrit attribué h saint Atlia-
nase, que c'était lui qui l'avait dicté, vi (pie
saint Luc l'avait seulement publié, par où
l'on n'a peut-être voulu marquer autre chose
que ce que dit saint Irénée, que saint Lu(> a
mis par écrit l'Evangile cpu; saint Paul prê-
chait. Saint (Irégoire de Nazianze dit ((u'il
l'a écrit sans le secours de saint Paul. liaro-
nius croit que c'était saint Paul (jui l'avait
porté à l'écrire. Origène remar(iue qu'il a
été fait pour les Gentils. Les Marciouites ne
recevaient aucun antre Evangile que celui
de saint Luc, mais après l'avoir tronqué et
corrompu. Aussi, ils ne lui donnaient le nom
ni de saint Luc ni d'aucun autre auteur.
Saint Luc, ayant écrit son Evangile sur ce
qu'il avait appris des autres, écrivit ensu'te
le livre des Actes sur ce qu'il avait vu lui-
même, dit saint Jérôme. Il a intitulé ce livre :
Les actes ou les aclions des apôtres, parce
qu'il voulait que nous y cherchassions, non
les miracles qu'ils ont fait, mais leurs actions
et leurs vertus pour les imiter. 11 y a mis ce
qu'il a cru suffire pour édifier la foi des lec-
teurs, et il l'a écrit avec tant de sincérité et
tant de grâce, qu'entre un grand nombre de
livres qu'on a faits sur l'histoire des apôtres,
le sien seul a été reçu de l'Eglise comme di-
gne de foi, et on à rejeté tous les autres.
Aussi, quoiqu'il semble ne faire autre chose
que nous raconter une histoire et représen-
ter avec simplicité la naissance et l'enfance
de l'Eglise, si néanmoins nous faisons ré-
flexion sur celui qui en est l'auteur, nous
verrons que toutes les paroles de ce méde-
cin sacré sont autant de remèdes contre les
langueurs de nos âmes. Ce livre peut ne nous
être pas moins utile que l'Evangile même,
soit pour le règlement de nos mœurs, soit
pour l'établissement de la doctrine. Car nous
y voyons l'accomplissement de diverses cho-
ses que Jésus-Christ avait prédites, la des-
cente du Saint-Esprit et le changement pro-
digieux qu'il a opéré dans l'esprit et dans le
cœur des apôtres. Nous y voyons le modèle
de la perfection chrétienne, soit pour les
simples fidèles dans les premiers chrétiens
de Jérusalem, soit pour ceux qui gouvernent
l'Egiise dans la vertu incomparable des apô-
tres et surtout dans leur union et leur cha-
rité parfaite. Nous y apprenons aussi des
dogmes que nous ne trouvons dans aucun
autre livre de l'Ecriture avec la même clarté.
On peut dire surtout que ce livre est parti-
culièrement la preuve de la résurrectio!» d«
Jésus-Christ, de la(|U(,-ll(î toutes les autres
V(''rités de la religi(jn suivent sans (joine.
Saint Chrysostome y admiie encoi'(î la con-
de.st(Mi(lan((ï dont les .Mijôtrcvs usaient par
l'inspiration du Saint-I<;spril, eu établissant
beaucoup riiumanilé, la résuriv-ciion et l'.is-
cension de Ji'sus-Cln'isl, ne [)arlant que fort
peu de sa divinité, de peur d<! lebutei' leurs
auditeuis en les accablant par des vérités
disproportioinn''es à leur faililesse, au lieu
de les laisser croître (X'U h [)eu et deversir
assez forts j)our se nourrir de ce »jui les au-
i-ait éloullV's d'abord, et pour être ensuite iti-
cor[)oiés à l'Eglise par les sacr(;mefds. Un
ancien a dit, (pn- connue l'Evangib; nous
appi'cnd les aclions de Jésus-Cihi-ist.les Actes-
nous apprennent les actions et la conduitci
du Saint-Esprit.
(^omme saint Luc était disciple (h; saint
Paul, il déciit principalement ce qui le re-
garde; mais il le fait avec une entière sim-
plicité, sans relever jamais ni ses actions, ni
ses souffrances. H en conduit l'histoire jus-
qu'à la seconde année que cet apôtre de-
meura à llome, c'est-à-(lirejusqu'(!n l'an 63»
d'où nous pouvons juger que ce fut î\ Uonie
qu'il l'écrivit dans ce temps-là même. Et il
ne laut pas demander pourquoi il n'a pas
achevé de faire l'histoire de saint Paul, puis-
que ce qu'il en a écrit suf.it pour notre ins-
truction, si nous savons en profiter, et que
le dessein do ces honniies a[!Ostoliques n'é-
tait pas d'écrire beaucoup.
Je n:.' sais d'où peut être venu ce qu'on lit
dans un écrit attribué à saint Athanase, que
ce fut saint Pierre qui dicta le livi-e des Ac-
tes à saint Luc. Ce livre a été traduit du
grec en hébreu, car personne ne doute
que saint Luc n'ait écîit , en gr.c. On remar-
que qu'il suit plus le style oiuiriaire <les his-
toires, et que son expression est meilleura
et plus grecque que celle des autres écri-
vains canoniques. On voit aussi qu'il cite
plutôt l'Ecriture selon le gi^ec des Se[)tantQ
que selon l'hébreu ; ce que l'on attr-ibue à ce
que les anciens auteui^s ecclésiastiques ont
rcma.-qué, qu'il savait mieux la langue grec-
que que rhébraique. Ce fut par le moyen do
son Evangile et de son histoire des "Actes,
que de médecin des corps il devint médecin
des âmes; et il exerce celte médecine divine
autant de fois qu'on lit ses ouvrages dans
les églises. Il a chassé les ténèbres de toute
la terre et a mérité qu'on l'appelât VEtoila
de VEijlise.
Après que saint Luc, fortifié par la pui.'Ç-
sance invincible de la grâce, eut longtemps
combattu contre le démon et contre lui-
même, et qu'il eut arrosé lEglise par ce
fleuve de lumière qu'on trouve dans son
Evangile et dans son histoire des Actes, il
alla recevoir la couronne de ses mérites. Il
mourut en Achaïe. et i)eut-ètre à Patres,
ville de cette province, déjà célèbre -par le-
martyre de saint André. Toute l'Eglise grec-
(jue et latine en fait présenteruent la f:'te lo
18 O'tiobre. Quelques anciens Marlyrolo.^es
maïqueiit ce jour-là une translation de sou
1523
L13C
LUG
1524
corps, que nous ne connaissons pas, et met-
tent sa fête le 21 seiUembrc L'Eglise d'Afri-
que l'honorait le 13 octobre. Ni S'iinl Jérùiiie,
ni les Martyrologes grecs ou lalins ne nous
apprennent rien de parlieulier sur sa mort,
et leurs termes portent à croire qu'il est
mort en paiï. Elle de Crète, célèbre par ses
coramentairessur saint (Irégoirede Nazianze,
suppose même qu'il est constant qu'il n'est
point mort par le martyre, non plus que
saint Jean l'évangéliste, mais qu'a[)rès avoir
beaucoup soulTert i)oar Jésus-Christ et pour
l'Evangile, il est retourné en paix vers le
Dieu de paix.
Cependant, saint Gaudence de Bresce, qui
vivait à la fin du iv' siècle et qui avait beau-
coup voyagé dans l'Orient , met saint Luc
entre ceux qui, après avoir prêché le royaume
de Dieu et sa justice, avaient été tués par tes
impies. Saint Paulin lui donne aussi , selon
quelques-uns, la qualité de martyr, et le ca-
lendrier de l'Eglise d'Afrique le qualifie po-
sitivement évangéliste et marlijr. Entre les
Grecs , saint Grégoire de Nazianze reproche
à Julien l'Apostat de n'avoir point respecté
ces victimes immoU'^es pour Jésus-Clirist ,
ces glorieux atliiètes Jean, Pie.re , Luc,
Thècle et les autres (jui ont exposé leur vie
pour la vérité; qui o U combattu contre le
fer et le feu , contre les bêtes et les tyrans,
comme si leurs corps eussent été insensibles
ou qu'ils n'eussent point eu de coips. Quel-
ques nouveaux Grecs ont dit encore plus po-
sitivement que saint Luc avait été martyrisé,
et assurent qu'il mourut attaché et crucitié
à un olivier. Mai-, s il n'est pas certain que
sa mort ait été honorée par- le martyre, on
peut dire néanmoins que sa vie a été un
long martyre, et que, conmie l'Eglise le dit
de lui, il a sans cesse porté sur son corps la
mortihcatio'i de la croix. Les Grecs et les La-
tins mêmes lui d.'unent le titre dapotre.
Nous ne rapportons |)oint la manière mira-
culeuse dont les nouveaux Grecs disent que
son corps fut trouvé par ses (disciples. Il suf-
fit d'apprendre de saint Gaudence qu'il fai-
sait voir par les merveilles qu'il opérait qu'il
vivait toujours à l'égard de Dieu. Ses reli-
ques furent portées d'Achaïe à Cou'tantino-
ple avec celles de saint André , en l'an 357 ,
et mises dans la basili(pie dos Apôtres. On
\{is y trouva enterrées dans des colfres de
tois, lorsque Juslinien voulut reb.Uir cette
église; et après qu'elles curent été exposées
à la vénération dt-s peuples, elles furent re-
mises en tirre au même lieu. On prétond
que lorsque le c(>rf)s de saint Luc fut ap-
j)orté à (>onsta'ilin()ple, Anatole, eunuque et
chambellan de Constance, s'élanl mêlé parmi
teux fjui hîhorlaient, fut aussitAt guéri d'u'i
mal ineurabledoiit il était travaillé. Il y avait
desreliquesdesaiiitLucdansl église d(ï Saisit-
Félix, à Noie, et saint l*aulin en mil dans celle
qu'il lit bâtir h Eondi. S;iint (iandence do
Bresce en mit aussi dans son églis(;. On pré-
tend (lue saint Grégoire l(!(ir;uid, revenant
d(! s;i légation di-t^onslantinople, en rapporta
h llonu; lc(;h(;l do sainl Luc pour !•' mcttio
dans le uionastère (ju'il y avait fondé sous
le nom de ce saint et de saint André , et que
ce chef se conserve encore aujourd'hui dans
le Vatican. On |)arle encore de diverses re-
liiiues de saint Luc, ap|)orlées àPaioue et en
d'autres endroit^ d'Italie , mais il n'y a rien
en tout cela de fondé.
Personne n'ig lore que l'on altribneaujour*
d'huià saint l>uc la qualité (hipe ntre,et(pron
prétend qu'il alaissé plusieurs portraitsde sa
main, comme de saint Pierre, de saint Paulj
de Jésus-Cliiist môme, et particulièrement
celui de la Vierge que Pulcliérie mit dans
une église /{u'elle avait fa t b itir à Constan-
tino|)le. Nous aurions omis cette particula-
rité aussi bien que plusieurs autres choses
que Nicéphore dit de ce saint, si Théo-
dore le Lecteur ne parlait aussi du portrait
de la Vierge fait par saint Luc, et envoyé de
Jérusalem à Pulchérie, quoiq le [leut-être cet
historien même, qui vivait an vr siècle, ne
fût guère propre pour autoriser une c iose
dont ni Eusèbe ni aucun autre ancien n'ont
parlé. Car on peut aisément avoir pris quelque
peintre nommé Luc pour l'évangéliste. Bol-
lauiusdit que la pieuse. crédulité des tidèles
fait saint Luc peiîitre, à cause de plusieurs
images qu'on honore comme si elles étaient
de lui.
Outre l'Evangile et les Actes des apôtres,
saint Clément d'Alexandrie et saint Jérôme
disent que saint Luc a traduit en grec l'épî-
tre de saint Paul aux Hébreux. D'autres ont
Cl u (ju'il pouvait même l'avoir composée des
pensées et des paroles qu'il avait retenues
de saint Paul. Estius ne s'éloigne pas tout à
fait de croire qu'il l'a écrite sur la matière ,
l'ordre et les pensées que saint Paul lui avait
fournies. Le même saint Clément lui a en-
core attribué un autre ouvrage qui est la
dispute de Jason et de Papisque. Nonobs-
tant cette autorité , saint Maxime, abbé au
Yir siècle, dit qu'elle a été mise en écrit par
Ariston de Pella, qui peut avoir vécu du
temps de T. Anlonin, vers l'an IW. Et as-
surément do la manière dont saint Jérôme et
Origène parlent de cet ouvrage, il n'y a nulle
apparence qu'il ait été écrit par saint Luc.
Nous ne laisserons pas néanmoins do mettre
ici i)ar occasion ce que nous en avons trouvé.
Cet ouvrage était une conférence de Ja-
son , Juif d'origine et chrétien de religion ,
avec un juif d'Alexandi-ic nommé Papis([ue ,
(pii y délendait sa supcM'slilion avec toute
lobstinalion ordinaire aux Juifs. Cependant,
Jason le convaiiupiit si bien parles [).issagos
do l'Ancien reslamenl, |)ar la clarté avec la-
qnelhî il j)rouva ([ue les prophéties ont été
accomplies en Jésus-Christ , cl pai* la foice
pleine de doucein- avec lacpielle il combattit
sa dunîté , (pu; Papiscpio, éclairé ;ni-dedans
do son conir par l'infusion du Sainf-Lspril ,
reconnut la véiilé, ou plutôt fui admis à la
connaître, et, touchi'î d(; la crainte du Soi-
gneur par la grAco du Seign(Mir même , il
crut en Jé^ut-Chrisî, Elis do Dimi, et pria Ja-
son de lui faii 0 obtenir le sceau d(i sa foi et
d(; sa religion, le baptême. Jason y rciprésen-
tail fort ceft(! véiilé, lune des plus impor-
tantes pour les niu'urs , a (pic DlOU voit pré-
i
1525 LUC
sentutnent et jugera un jour non-soulomont
nos actions et nos paroles, nviis jusqu'h nos
pensées ; (pi'ainsi nous no dcTons ni ii(!n
penser ni rien faire (ju'il puisse; condaniiicr,
mais tout faire, juscpraux nmindics diodes,
dans le dessein et dans iiMlr^sir de lui plaire.
Celle c<)il(''rence , qualiiiée |)ar ()i-i;èn(>,
Contra'liction , vl Altfrcaliov par saint .l(^-
rùme , fut ùcrile en grec, non par J.ison
raônie , mais psr saint Lue , si on N; veut
croire sur l'autorilé do saint Clt'nnenl , ou
par Ariston, ou pai- (]ueiqu(> autre qui la ju-
gea lU^nv de |)asser à la posh-rdé et e.ipablo
a éditier ceux qui la lii-aient. (".(ds»; Tlipicu-
rie!i en parlait avee nn^ni'is en écrivant con-
tre les chrétiens vers le nnlieu ou la (in du
II' siècle , h quoi Origène répond (pi'il fi'y a
rien dans ce livr(> (pii soit digne de raillerie ou
de mépris. Il en appelle à tous c(nix (pii vou-
dront se donner la peine de lire l'ouvrage ,
et il soutient ipTils uié])riseront moins le li-
vre que celui (pii en parle si désavanl.^geu-
senuMit. Il dit Uiannuiins en mftmc temps
que c'était un des moins considérables de
ceux qui ont été faits |)oiir la défense de no-
tre religion , et il avoue qu'il est plus capa-
ble d'instruire les simples que de satisfaire
les doctes. Mais il paraît réduire ce défaut
cl la simplicité du style et aux explications
allégoriques de l'Ecriture qui apparemment
n'étaient pas assez naturelles SaintJérômele
cite en deux endroits, quoiqu'il n'en pnrle
point dans ses Hommes illustres. W y reprend
une opinion qu'il dit être de quelques au-
tres anciens.
Puisque cet ouvrage a été connu de Celso
l'Epicurien, il faut qu'il ait été écrit au |ilus
tard vers le milieu du ii° siècle. Pamélius
prétend môme que Jason,,quiy soutenait la
vérité de la religion , est le parent de s;iint
Paul, dont il est pailé dans le chapitre
xvi" de l'Epître aux Rumains, et dans le xvii°
des Actes. Les protestants d'Angleterre ont
copié cette note dans leur édition de saint
Cyprien, et S[)enser, dans ses notes sur Ori-
gène, rapporte la même pensée sans la con-
tester. Elle paraît venir originairement de
Sixte de Sienne. Cependant la simple confor-
mité du nom est une raison bien faible pour
avancer une chose de cette importance. Un
chrétien nommé Celse, jugeant que cet écrit
pouvait être utile pour vaincre la dureté des
Juifs , encore plus ennemis de Jésus-Christ
que les païens mêmes, le traduisit de l'ori-
ginal grec en latin, en faveur de ceux qui ne
savaient pas le grec , et l'adressa à un saint
évêquenommé Vigile, qui savait l'une et l'au-
tre langue, afin qu'il jugeât de sa traduction.
Et nousavons encore cettepréfaccparlaquelle
il la lui adresse ; car pour l'ouvrage , nous
ne l'avons plus aujourd hui ni en latin ni en
grec. On ne sait point qui est ce Celse , ni
l'évoque Vigile, sinon qu'ils vivaient appa-
remment durant les persécutions de l'Eglise
et avant le concile de Nicée. (Tillemont, t. IL)
LUC (saint), martyr, répandit son sang
pour la foi avec les saints Apelle et Clément.
On ignore à quelle époque eut lieu leur mar-
tyre; le Martyrologe romainn'ea dit rieû,non
LUC
4526
plus que des circonstances (jui l'illustrèrent.
L'lv.thse vénère la mémoire de ces saints
maityrs le 10 S"pteml)re.
\ {':(] (saint), diacre et martyr, mourut pour
la d ''fens(ï de la religion chréliernu', av c le
diacre Mncius, et les trois prêti-es Parniène.
Héliiiiénas et Chrysotèle. Les Ades des sninls
Ahdon et Sennon décrivent le martyre de
notre saint el di di.u^re '.iucius. L'Ivglisc fait
leur fêle le 22 avril.
LUC. MAI, néophyte tonifuinois , fut mis
h uiort jiour la foi , en il'l-l , au Torqr.in ,
avec le P. Bnchai-elli , jésuite, Phili|)pe Mi,
Luc Thu , Ktnmannel i)ien , Pierre Fri(,'U,
Dao Ambroise, Tli.ulée Tho , Paid Noi et
François Kam, néophytes, qui mêlèrent leur
sang h cv\\\\ du saint missioiniaire. Comme
on a pu d('jh le voir ailleurs, cent cinquante-
trois ( inéti(Mis furent condamnés à prendre
soin des élé|)hants. L'exemple de nos saints
martyrs corrobora leur foi, et leur lit sujipor-
ler avec courage et résignation hiS fonctions
humiliantes auxquelles les pcr-séculeurs les
conduimèrent en haine tiu christianisme.
LUC THU. Voi/. le précédent.
LUCAIN (saint), fut martyrisé en B^auce,
h Logny, sur les contins du pays deCh;irtres
et de l'Orléanais, en l'an de l'ère chréiienne
400, sons le règne d'Arcadius. Ses reliques
furent transportées àParisdansl'églisedc No-
tre-Dame. Elles y furent gardées avec grande
dévotion de la part des fidèles, jusqu'en l'an
1793. A cette é[)Ofpie ell-es eurent le sort de
tant de choses vénérables, qu'e)n[!orta la
tourmente révolutionnaire. Les Parisiens
avaient saint Lucain en très-grand:^ véné-
ration. Dans les calamités publiques on por-
tait sa chûsse entre celle de la sainte pa-
tronne de Paris et celle de saint Marcel. La
mémoire de saint Lucain est honorée par
l'Eglise le 30 octobre.
LUCAS (saint), diacre de l'église d'.Emèse,
fut arrêté avec saint Silvain, son évoque, et
livré aux bêtes après avoir enduré un grand
nombre de tourments. Sa fête arrive le 6 fé-
vrier. ( Voy. SiLVAiN d'Emèse.)
LUCE (saint) , souffrit le martyre à Rome
vers l'année 166 , avec saint Ptolémée et un
troisième compagnon dont le nom est ignoré.
Dans le courant de l'année 166, la persécu-
tion reprit avec violence à Rome , sous le
préfet Urbicus , qui fit mettre à mort ces
trois saints de la façon la plus inique. Le
généreux athlète de" la vérité , saint Justin,
qui , comme nous l'avons vu , avait l'ait en-
tendre à l'empereur Antonin une voix pleine
d'éloquence et de courage en faveur des
chrétiens , ne put supporter le spectacle de
ces horreurs et fut justement révolté des per-
sécutions qu'on faisait endurer aux chrétiens
dans les provinces. Dans le feu de l'indi-
gnation que lui avait causée la conduite d'Ur-
bicus , il adressa aux empereurs Marc-Au-
rèle et Vérus et au sénat de Rome sa seconde
apologie. On retrouve dans cet écrit tout le
courage, toute l'éloquence qui brillaient
dans la première. Le saint n'y entre pas
dans d'aussi grands dévelo;:pements , car il
était inutile de répéter ce qu'il avait déjà dit ;
im
LtC
LUC
1S28
du reste, il so met h la disposition de eeiix qui
auraient des (lue-lions h lui i)Oser. (Belouiiio,
Histoire drs Persécutions , t. 1", p. 329.)
Voici le passage relatif à notre sujet : « II
importe , dit-il , que vous connaissiez la
cause du fait arrivé dernicromcnt sous Ur-
bicus. Une femme avait un mar." extrême-
ment débauché; fV.c était elle-même de
mœurs peu régulières. Mais devenue chré-
tienne , elle ne se conienta pas de changer
de conduite , elle voulut encore tirer son
mari de ses criminelles hibiludcs. Elle lui
parlait de la doctrine de Jésus-Christ, elle
lui montrait dans l'avenir les feux éternels
réservés à ceux qui vivent au gré de leurs
î'assicns et refusent d'écouter le langage de
Ja raison. Mais celui-ci , loi'i de renoncer à
ses désordres , s'y plongea de plus en plus,
au point d'a'iéner entièrement de lui le
cœur de sa femme; elle crut ne pouvoir sans
crime rester avec un mari dont les passions
Cifrénées souillaient le mariage et ne res-
pectaient aucune loi; e'ie résol il donc de
quitter sa couche et de faire romiire ses
liens. Mais ses am's l'eigagèrent à user de
patience et à dilférer encore. Ils lui repré-
sentaient que sou mari nouvaii cliangei' ou
du moins lui donner cet esjjoir. Elle se laissa
gagier et se fit violence pour rester avec lui,
mais, dans un vovage qu'il lit à Alexandrie,
il lui dt'clara qu'il ferait pis encore. C'est
alors qu'elle craignit d'être la complice im-
pie et sa'jrilége de ses turpitudes, si elle
continuait à partager sa table et soi lit; elle
lui envoya donc ce que vous appelez un li-
belle de divorce.
a Ce digne mari , qui aurait àù se réjouir
O.Q ce que sa femme , qui se livrait aupara-
vant au vin et à tous les genres d'excès avec
des esclaves et des ouvriers, non-seul«'ment
était changée, mais voulait le changer lui-
même , refusa le Iib3'le et l'accusa d'êîre
chrétienne. Alors, pri'ice,eile vous présenta
à vous-même une requête, dema dant qu'il
lui fi)t permis de r.'gler ses affaires domesti-
ques et i)rûmeltanl de répondre ensuite h
1 accusation. Vous consentîtes à sa demande.
« Son maii ne pouvait f)lus la poursuivre;
mais alors il touriîa sa fureur contre un cer-
tain Ptolémd'C (jui l'avait instruite dans la
religion chrétienne et (ju"Urbicus fit mettre à
mort. .Mais voici comment il parvint h ses
lins. Il pria un centurion de ses amis de se
saisir du la personne de Ptolémée pour le
jeter en prison, et de se borner h lui deman-
der s'il était chrétien. i*lolémée, qui avait
horreur du mensongii et de la moindre dis-
sinjulation, n'hésite pas un moment à répoii-
dre qu'il (;sl chrétien. A ces mots, leccrdu-
rion le jette dans un cachot, d'où on le tira
après lie longues soullrarices pourle conduira?
devant le tribunal d'Urbicus. Ce)ui-vi lui fit
Ja même ([uestion et en obtint la même lé-
,oorise. Plein d'une n<jbl;i conliance (pi'il
avait pirsée à l'école d(; Jésus-Christ, Plolé-
ni.'e confessa une s(.'COnde f ;.> le nom clii'.'-
tieti, car nous ne pouvons le nier eu par» illo
circonslauecî '|U0 {)our deux raisons : ou
parce qtit) rjou"? condanuions la chose dont il
s'agit ou parce qu'elle nous condamne nous-
mêmes et nous force à rougir ; mais rien de
semblable ne se rencontre dans un vrai
chréiien. Sur la sentence d'UrJjicus, Ptolé-
mée est traîné au supplice. Cette injustice
révolte un autre disciple nommé Lucius qui
se trouvait là par hasard. Il interpelle le pré-
fet en ces termes : « Pourquoi, condamnez-
vous un homme qui n'est accusé ni d'adul-
tère, ni de vol, ni d'homicide ni de rapt;
qui n'est, en un mot , convaincu d'aucun
crime et qui seulement confesse le nom
chrétien? Croyez-moi, Urbicus, ce jugement
ne s'accorde pas avec les intentions ni du
pieux empereur, ni du philosophe son fils, ni
du sacré sénat. » Urbicus, sans autre réponse,
dit k Lucius : « Tu me parais aussi faire par-
tie de ces gens-là? —Oui, certainement! »
s'écrie Lucius. Alors le préfet commande
qu'il soit aussitôt conduit au supplice. Et
Lucius, de son côté, lui rend grâces de ce
qu'il le délivrait de tels maîtres, et lui ou-
vrait la voie pour monter vers son père, le
roi des cieux. Il en survint un troisième qui
fut livré au mémo supplice. » (Saint Justin,
II' Apologie, cliap. 2.)
LUCE, sinqilc fidèle d'Afrique , qui eut le
malheur, avec un prêtre nommé Félix et
Victorio safcnmie, de renier la foi chrétienne
sous l'empire (Je Dèce. Bientôt ces trois
chrétiens pusillanimes se repentirent de la
f.nite qu'ils avaient commise ; une seconde
fois ils comparurent devant le juge, et cette
fois ni les i)rières ni les menaces ne purent
ébranler leur courage. Ils furent condamnés
au bannissement. Leurs biens furent confis-
qués.
LUCE (saint), martyr, fut mis à mort à
Cartilage avec les sainisMontan, Flavien, Ju-
lien, Victoric, Primole, Renus et Donatien.
Ce fut en 251), sous l'empire de Valérien, et
sous le gouvei'nement intérimaire de Se-
lon. (Pour jilus de détails, il faut lire les Ac-
tes de saint Montan à sun article.) L'Eglise
fait la fête de tous ces saints le 2i février.
LUCE (sainte), communément sainte Lucie,
vierge et martyre, appartenait à une des
j)remières familles de Syracuse, par lafortuno
et par la noblesse, deux titres que la vanité
humaine place si fort au-dessus de l'égalité
que Dieu a mise entre les hommes h leur
naissance, et qu'il rétablit si souverainement
au lomboau. De bonne heure la jeune fille
])erdit son père. Sa mère, qui se nommait
Eutychie, fit elle-même son éducation, forma
son esprit et son cœur. Déjh bien des fois
ce conseil est sorti de ma plume. Mères,
élevez vos filles vous-mêmes si votre |)0si-
tion vous le permet. Tro[) souvent elles pé-
rissent loin de vous. Abritez-les longtemps
sous l'aile de voJre amour, (pi'iHles y gardent
la paix du C(L'U1' <.'l rinnoccucc, cette Heur
du jeune û;:,e (pii se fane, hélas ! si vile à
l'air ininur du uionde. Dieu nu^t au cieurdes
mères (les trésors d.- sagt'ss(î cl d'insîiiK'tivos
])révoyances (lue l'étrangèi-e ne peut pas
comprendre. Une bt)nu(; mèr.' est le plus
grand bien (pi'on puisse avoir dans ce
monde : c'est elle qui sait ensoigner la
1S29
LUC
Ll'C
15S0
vertu sans logique et sans instruction, par
sini[)le épaiicheini'Ut du cœnv dans lo cœur.
Celui (pii' le louibilloii ilu inoiulo enlraînc,
que les j)assions inaitrisonl, ijue roif^iioil-
leuso raison égare, qui reste sourd h toute
autre voix, se souvieut-toujours, aux heures
suprêmes do la vie, des ci-oyauees puisées
dans l'amour maternel. Quand Dieu envoie
un rayon de sa gr<loe éclairer le coupable ou
le niburaut, iJ luit au cœur près pie tou-
jours environné des souvenirs d'enfance, et
ramenant avec lui la chère image de celle
qui fut l'ange gardien du berceau.
Eutychie éleva sa fdle près d'elle, et lui
inspira, dès ses plus jeunes ans, l'aniourdL'S
vertus évangél;(iues. La jeune tilh; pi-omit
à Dieu de se consacrer entièrement à lui et
de n'avoir pas d'autre amour en ce monde
que celui-là. Mystérieuse [)romessc déjeune
lille faite dans le secret du cœur, et que la
mère elle-même ignora. Toutes les jeunes
filles ont ainsi quelque culte ignoré. Les pures
amours et les plus chères se voilent ainsi.
Premiers rêves du cœur, ce sont ceux qu'on
chérit le plus et qu'on revient trouver de
souvenir quand on n'est plus heureux, quand
on a feuille à feuille semé sur la route
ses illusions et ses bonheurs.
Eutychie songeait à marier sa fille : pré-
voyant instinctdesmères ! elles songentau'un
jour, si Dieu les appelle, elles laisseront leurs
filles isolées dans ce monde. Elles se sou-
viennent de leurs joies d'épouses, de leurs
félicités maternelles, et veulent légut-r à des
mains qu'elles prient Dieu de choisir le
bonheur de leur enfant. Pauvres mères, si
heui-euses quand Dieu les écoute, si navrées
s'J les condamne à voir soulfrir celles en
qui désormais elles vivent tout entières 1
Eutychie prévoyait sa fin prochaine ; depuis
quelque temps un fiux de sang que rien
n'arrêtait, l'approchait chaque jour du tom-
beau. Ne songeant qu'à sa fille, elle la pres-
sait de prendre l'époux qu'elle lui avait
choisi. Luce, épouse du Seigneur, ne voulait
pas contracter d'autres liens sur terre : fille
dévouée, elle voulait rester près de sa mère
souHYante et lui prodiguer ses soins. Dieu
l'inspira, disent ses Actes : Elle conseilla
à sa mère de se rendre à Catane, au tombeau
de sainte Agathe, pour y demander sa gué-
rison. Leurs prières furent exaucées. Ce fut
alors que Luce fit l'aveu de sa promesse.
Eutychie ap[)rouva cette promesse, et lui
permit de se consacrer entièrement au culte
du Seigneur. Le jeune homme auquel Luce
avait été promise passa de l'amour au désir
de la vengeance. Rarement l'amour par-
donne ; quelques cœurs privilégiés seu'e-
ment se mettent à la hauteur de l'amitié si
généreuse et si riche d'abnégations. Ce
jeune homme, qui était païen, n'eut pas le
courage héroïque du sacrifice. H dénonça
Luce comme chrétienne au gouverneur
Paschase. La persécution décimai^ l'Eglise
et peuplait le ciel. I.e sang chiélien coulait
à flots sous le glaive que Dioctétien et ses
collègues avaient tiré contre Jésus-Christ.
Paschase était un digne ministre de tels
maîtres. 11 comdamna la sainte h être exposée
ilans un lieu de |)roslitution. Dieu veillait
sur SCS vierges; souvent d'infAries juges
prononcèrent de pareilles sente-iccs : pre^tiue
toujours nous voyons dans les Actes que la
|)rotection divine ne iiermit pas qu'elles
fussent exécutées. Sainte Luc(! fui iiréservée.
Personne, disent ses Actes, n'osa s approcher
d'elle. On pensa la vaincre par l(;s tortures;
elle fut inébranlable, et, toute déchirée par
les bourreaux, elle fut ramenée en prison,
où elle mourut nu bout de quehiue temps.
0"e devint sa mère ? les Actes n en disent
rien. Pauvre bienheureuse mère, elle dut
sentir jusqu'à la fin de ses jours tout ce
(lue Dieu peut mettre dans un cœur do
douleurs et de joies, puisiju'elle était mère
et chrétienne, puisqu'elle était seule sur
terre, aspirant le ciel où son enfant l'appelait.
Quelques années, le corps de sainte Luce
resta à Syracuse, puis il fut porté en Italie.
Othon I" le donna à l'église de Saint-Vincent
de Metz. La fête de sainte Luce arrive le
13 décembre. (Voy. Acta sincera S. Luciœ,
V. M., ex oplimo codice fjrœco nimc prirnum
édita et illustrota, Palermis, 1G61, in-4».
Tauromenilani Canonic. Palermit.)
LUCIE (sainte), était fennne de qualité et
Romaine. Ce fut sous l'empereur Dioclétien
(ju'elle périt par le glaive, après avoir souf-
fert, avec un courage héroïque, de longues
et ligoureuses tortures. Elle eut pour com-
pa-;non de son triomphe saint Géminien.
L'Eglise fait leur fête le 16 septembre.
LUCIE (sainte), née en Campanie : ayant
été prise en sa qualité de chrétienne, elle
fut tourmentée cruellement par le lieute-
nant Riccius-Varus, qu'elle convertit à Jé-
sus-Chrisl. On leur adjoignit Antonin, Sé-
verin, Diodore, Dion et dix-sept autres dont
nous ignorons les noms. Ils sont inscrits au
Martyrologe romain le 6 juillet.
LUCIE (saillie), vierge et martyre, répan-
dit son sang pour la foi à Rome, avec vingt-
deux autres saints dont les noms sont igno-
rés. L'Eglise les honore comme martyrs le
25 juin.
LUCIEN, nom d'un prétendu gouverneur
romain de la Palestine, à qui les nouveaux
Grecs, et d'après eux le Martyrologe ro-
main, attribuent la mort de saint Ananie,
qui bajUisa saint Paul à Damas. Ils préten-
dent (lue ce gouverneur aurait condamné co
saint ;i être lapidé. A l'ariicle Akame, nous
démontrons la fausseté de celte opinion des
Grecs. Voy. Aname.
LUCIEN (saint), cueillit la palme du mar-
tyre sous l'empire de ïrajaû, à Durazzo,
ville d'Albanie, et eut pour compagnons do
son martyre saint Pérégrin, saint Pompée,
saint Hésychius, saint Papius, saint Satur-
nins et saint Germain. (Pas de documents
sur cette glorieuse cohorte de martyrs.) L'E-
glise fc\it leur fête le 7 juillet.
LUCIEN (saint), martyr et apôtre deBeau-
vais, vint de Rome avec saint Quentin; quel-
ques anciens ajoutent avec saint Denis, pour
piêcher la foi chrétienne dans les Gaules.
Après avoir -porté la parole divine daus plu-
4531 LUC
sieurs contrées avec saint Quentin, dont
quelques-uns l'ont fait disciple, il vint avec
lui jusqu'à Amiens. Ce fut tlans celte ville
que les deux saints se séparèrent, saint
Quentin pour y rester, saint Lucien pour
aller à Beauvais : là il prouva la vérité de
l'Evangile par ses prédications et ses jnira-
cles. Sa vie se partageait tout entière entre
les travaux de raj^ostolaf, le jeûne et les
prières. Il vivait de manière à ne donner à
son corps que ce qui lui était indispensab'e
pour vivre : des herb-s, de l'eau, c'était sa
nourriture. On prélenJ que pendantlecarème,
il ne mangeait que deux fois par semaine,
pourtant il devait être vieux, ayant dû ve-
nir en Gaule vers l'an 2'i-5. Presque tous
ceux qui ont parlé de lui ne lui donnent
pas d'autre qualité que celle de prêtre. Le
peuple de Beauvais, qui était journellement
témoin de sa ve.lu, des miracles qu'il opé-
rait, voulait l'avoir pour évèquc. Les prin-
cipaux de la ville avaient député vers saint
Bieul, évèfiue de Senlis, pour qu'il vsnt
l'ordonner. Saint Uioul éiail déjà en route
quand il ap{)rit (jue le saint avait été marty-
risé au sein d'une émotion populaire susci-
tée par la haine de ceux des principiux
habitants qui, n'ayant pas été convertis
par les prédications du saint, souIlVaient im-
patiemment de voir leur vie et leurs mœurs
condaninées par les vertus de ceux qui
étaient devenus chrétiens. On pense que Ju-
lien, vicaire ou môme successeur de Ric-
tius Varus, préfet des Gaules, n'avait pas été
étranger à la mort du saint, et qu'il avait
excité les habilunls de Beauvais à s'en dé-
faire. L'Eglise romaine honore sa mémoire
le 8 janvier. Il existe, à propos de saint
Lucien, une tradition populaire pareille à
celle qui existe par rapport à saint Denis :
on raconte que ce saint, ayant été décapité,
traversa la rivière portant sa tète entre ses
mains, et qu'il marcha justpi'au lieu où se
trouve aujourd'hui l'abbaye qui porte son
nom à un quart de lieue de Beauvais.
LUCIEN (saint), fut martyrisé pour la foi
avec saint Marcien, à Nicom'édie, sous l'em-
l>ire de Dèce. Ils eurent pour compagnons
de leur martyre les saints Flore, Héraclo, Tito
et un autre Flore. Les Actes que nous don-
nons ici, et qui paraissent Irès-authenliques
et tiès-édiliants, ne concernent que Lucien
et Marcien, quoique les autres saints que
nous venons de nommei' aient été certaine-
ment martyrisés avec eux et dans les mô-
mes circon.'^t.inces ; L'Eglise fait leur fôte à
tous le 20 octobre.
« Je veux, m. 'S frères, pour votre édifica-
tion, vous faire h' récit du martyre de saint
Lucien et de saint Marcien. ils étai(;nt
j>aiens, et si dévoués au démon, qu'ils n'a-
vaient point de plus grjiiide passion que de
séduire des âmes, pour les engager dans
son ciilte sacrilège. Ils se servaient pour
cela de cette science ténébreuse (pic les dé-
mons ont enseignée aux hommes; car ib
él.'nenl magiciens de piol'e.ssioti, (!t par la
lon;(! (Je bjurs cnclianlemenls et la veilu do
leurs j^hiUros, de hjurs anneaux constellés
LUC
1532
et de leurs figures talisraaniques, ils fai-
saient obtenir aux uns Faccomplisseraent de
leurs amours, et donnaient aux autres les
moyens de satisfaire leurs haines. Ainsi,
quiconque voulait ou se faire craindre, ou
se faire aimer, n'avait qu'à s'adri'sscr à eux.
Mais D'eu qui prend plaisir à ^'aire luire sa
grâce dans l'obscurité des plus grands cri-
mes, et qui aime à faire connaître son nom
à ceux qui semblent ôlr*- les plus éloignés, et
qui sont on eO'et les plus indignes de cettedi-
yine fàv,'ur; Dieu, dis-je, ojx'na dans un
instant la conversion de ces deux fameux
enchanteurs, de la manière que je vais ra-
conter,
« Il y avait à Nicomédie une jeune per-
sonne qui, ayant renoncé au mariage et em-
brassé l'état de la virginité, s'était consacrée
à Dieu ; elle le servait avec une fidélité ex-
acte et un attachement [)arfait. La beauté de
son corps ne cédait qu'à celle de son âme ;
mais elle effaçait toutes les autres. Tant de
charmes joints ensemble lui firent conquen-
dre qu'il n'y avait que celui qni en avait
fait l'assemblage qui en méritât la posses-
sion. Elle se donna donc tout entière à lui,
et elle le priait sans cesse qu'il voulut bien
la conserver pour lui seul. Nos deux magi-
ciens la virent, et cette beauté surprenante
fit sur eux son effet naturel : elle les éblouit
d'abord, et, contre son intention, leur fit con-
cevoir de l'amour et des désirs, mais un
amour criminel et des désirs impurs. Cepen-
dant, comme ils désespéraient de les pou*
voir satisfaire par les voies ordinaires, ils
eurent recours à leur art, et ils iuq)lorèrent
le secouis^do leurs démons ; mais ce fut en
vain : l'enfer ni ses noirs artifices ne purent
rien sur celle que le ciel protégeait. Lucien
et son comi)agnon frémissaient de dépit, en
voyant l'impuissance de leur art ; et leur
confusion était d'autant plus grande, que
celle qu'ils attaquaient ne faisait autre
chose, pour se défendre et pour rendre
leurs ellorts inutiles, que d'adresser à Dieu
de ferventes prières. Mais eux redoublant
leur conjuration, et épuisant tout ce que
leur savoir funeste et sombre leur fournis'-
sait d'enchantements et de prestiges, ils ne
cessaient, jour et nuit, de consulter leurs dé-
mons touchant le mauvais succès de leur
entreprise.
«Ces malins esprits, fatigués de leurs
plaintes continuelles et do ces évocations si
souvent réitérées, \va\v lépondiront enfin en
ces termes : « Tandis que vous n'avez formé
« des desseins (pie sur des personnes à qui
« le Dieu du ciel était inconini, il nous a été
« facile de vous accorder notre assistance,
« lorsq 10 vous nous l'avez demandée, et
« nous avons toujours lait réussir les ('lioses
« à votre contentement. Mais, maintenant
« qu'il nous faut attaijuer un ciDur défendu
« par la chastiîté , nous y trouvons une si
« grande résistance, que nous désespérons
« de pouvoir vous le soumettre. Car mifin
« nous soniuïcs obligés de vous diri^ , (pie
« celte p(MS(tnno dont la beauté vous louche
« est du nombre du ces vierges qui sont
I
ltiS5
LUC
LUC
ISS*
« co.isaiTiîes à JtVsus-Clirist, lo Seigneur ot lo
« Dieu do tous Icslioiniiit's, el l(M|uel a don-ié
« sa Vi(* pour eux. Vous iw sauciez croii-o
« lo soin qu'il prend do la |)ri^serv(M' do tous
« nos aililicos, ol <•(( qu'il nou«< lait «(uillVir
« loul<'s les fois quo tous voulons ontio-
« prondro (|uol(|uo chos(î conlro clic. Ainsi
« nous cédons malgré nous ;"» uuo puissance
« supériciu'c, et nous soinintis l'orccs de nous
« retirer couverts de houle el do cotdcssor
« notre l'aihle^se. «(Ici iwcn des d6n\ons sur-
prit étrangouieut nos magiciens; ils en lu-
rent si vivement pénétrés , qu'ils on tom-
bèrent eounno morts, lo visage contre terre.
Ils y demeurèrent (iMelipio tem|)s , saisis
d'étonneuuMit et do crainte. iMilin , revenant
à eux peu à [)eu, et ayant locouvré l'usage
des sons ot ilc la lumière, ils congédièrent
les démons; puis, se regardant l'un l'autre ,
ils se [)laignaiont do Nuir mallunn'i'use des-
tinée. «Quoi! disaient-ils, ce Jésus-Christ
a est si jiuissantl tout lui obéit, tout lui
« code : ceux-là mêmes (jue nous croyions
« des dieux trembhvH devant lui. Allez ,
« vaines illusions d'un art tiomueur, char-
«( mes impuissants , détestable magie , et
« vous, osp'it impur, rentrez tous dans l'a-
rt bime d'où vous n'étiez sortis que pour
« nous séduire. C'est à Jésus crucilié (jue
« nous voulons être désormais; c'est lui (|ue
« nous devons craindre; lui seul mérite
« qu'on l'adore. »
« Ce fut pour lors qu'on vit une surabon-
dance de grâces où l'on n'avait trouvé jus-
que-là qu'une abondance de péché : car,
pleins (l'uni sainte impatience , et poussés
d'un mouvement inconnu, mais divin , ils
coiu'ent à la place publitpie, ils allument un
grand feu, et ils y jettent leurs livres, leurs
caractères magiques et tout ce (]ui servait
à l'exercice de leur exécrable science. Celte
action d'éclat jeta la surprise dans les esprits;
mais eux , élevant leur voix, publiaient la
grâce qu'ils venaient de recevoir du Seigneur.
« Que le grand Dieu du ciel soit béni, di-
« saient-ils ; il a dissipé les ombres de la
« mort qui nous environnaient, et il a ouvert
« nos yeux h la lumière de la vie. Malbeu-
« reux que nous étions, iious courions après
« des fanlomes q.e les détnons formaient
« pour nous tromper : tout cela n'était qu'il-
« lusion et que mensonge. Mais nous recon-
« naissons niaintenant le Dieu véritable , et
« nous mettons toute notra es[)érance en
« lui. » En parlant ainsi, ils s'avancent vers
1 église , et confessent publiquement leurs
péchés. Après qu'ils eurent été reçus au
nombre des fidèles et qu'ils eurent été bap-
tisés, ils se retirèrent aans un désert, où ils
commencèrent à pratiquer les exercices les
plus laborieux de la pénitence^ menant une
vie si austère et si mortiliée, qu'ils ne pre-
naient tous les jours qu'un peu de pain et
d'eau.
« Ils ne laissaient pas de quitter quelque-
fois leur solitude pour aller annoncier aux
gentils Jésus-Christ, le Verbe de Dieu, et ils
leur découvraient les erreurs grossières de
la fausse religion. Chacun était dans l'admi-
l'ation, et on se disait l'un à l'autre : « Ne
a sont-co pas là ces honuiies si savatits liins
« les ujystèros de nos dieux, el (pii avaient
« d(; si l)oaijx secrets [lour rions faiie jouir
« des objets de nos passions? Kl h s voilà
« nianitonanl ({ui [irèclienl 1(> (wucilié, dont
« ils ont autr lois dit tant de mal. » Mais c(?s
admiiables solilaires i-épondaient : « Croyez-
« nous, nu'S fièies : si nous avions connu un
« autre chemin potu- arriver à la félicnlé,
« nous ne serionsjamaiserrtrés dans celui-ci ;
« suivez-donc notre exem|)le; converiissoz-
« vous, et si viMis voulez éviter des malheurs
»< éteiTiels, reconnaissez lo mènu) Dieu que
« nous confessons. » Ces paroles n'eurent
pas le nu'»me ctret (|u'ils (Ui attendaient; elles
ïw liiont au contraire (pi'allumer la fureur
parmi ce peuple. On se jette sur eux, on se
saisit de leurs personnes, on les traîne devant
le pr-ocoiisul : car la persécution excitée par
l'empereur Décius commençait à désoler
i'Kglise. Nos deux saints pénitents fur-erit
donc présentés au juge :« Voilà, lui dit-on,
« deux hommes qui attaquent à présent ce
« qu'ils défendaient , et qui défendent ce
« (pi'ils attKpjaienl. » Alois le proconsul,
s'auressanl à Lucien, lui demanda son nom;
il r .pondit : « Je m'ap[)elle Lueien. Le pro-
« consul : De quelle profession es-tu? Lwcie/i ;
« Je faisais autrefois profession de décrier la
« r-eligion chr-étienne el de persécuter ceux
« qui la suivaient; maintenant, quoique in-
« digne, je fais prufession de la prêcher
« et de la suivre. Le proconi^ul : De quelle
« autorité oses-tu pi-êcher celle loi? Lucien :
« Chacun a vocation pour cela, et il est per*-
« mis h tout homme , i)ar le droit naturel et
« commun, do retirer son fi'ère de l'eneur
« où il le voit cnaagé; et ainsi il procure la
« liberté à son frère, et il s'acquiert auprès
« de Dieu un nouveau mérite. »
« Le proconsul se tourna ensuite vers
Marcien et lui dit : « Comment vous nom-
ce mcz-vous? Marcien : Je me nomme Mar-
te cien. Le proconsul : De quelle condition?
« Marcien : De condition l.bre et de la reli-
« gion qui ne reconnaît qu'un Dieu. Le
« proconsul : Qui vous est allé mettre en
« tèto d'abandonner les dieux immortels et
« vénérables qui vous ont comblé de biens j
« el (pli vous rendaient les dél ces de ce
(( peuple, pour vous attacher au culte d'un
« homuie mort, puni du dernier supplice, et
« dont il n'a pas eu seulement le pouvoir de
« se garantir? Marcien : C'est celui-là môme
« dont vous parle , quia eu la bonté de nous
(( pariionner nos égarements, comme il par-
ce donna autrefois une pareille erreur à Paul,
« si connu dans l'Asie; qui , de persécuteur
^( de l'Eglise, devint ensuite, par la grâce de
« cet homme attaché h la croix, l'apôtre et
« le jirédicateur de l'univers. Le proconsul :
« Pensez à vous, r^elournezà la religion de vos
« pères, et par un tetour si sage, et en même
« temps si nécessaire, rendez-vous favorables
(( les dieux du ciel et les maîli'es de la terre,
(( nos invincibles princes; mais surtout son-
ce gez qu'il y va de votre vie. Lucien : Le
« conseil que vous nous donnez n'est pas
1535
LUC
LUC
15Î6
« d'un homme fort sage. Pour nous , nous
« rendons grâces à Dieu de ce qu'il a bien
« voulu nous retirer du milieu des ténèbres,
« pour nous élever à la gloire dojit nous
« jouissons présentement. Le proconsul :
« Est-ce ainsi qu'il prend votre défense , ce
« Dieu do'it vous faites sonner si haut le
« pouvoir? Comment a-t-il soulfert (jne vous
« tuml)assiez entre mes mains? D'où vient
« qu'il n'accourut pas h votre secours? Mar-
« cien : Et c'est là le bonîieur des chrétiens,
« de perdre ce que vous appelée la vie , et
« qui n'en est en ellet ([ue l'ombre, pour eu
« obtenir une véritable et éternelle. Nous
« conjurons de tout notre cœur le Dieu que
« nous adorons de vous accorder la grâce
a de connaître son pouvoir suprême , et
« surtout cette bonté intiniecju'il fait paraître
« envers ceux qui croient en lui. Le pro-
« consul : 11 vous en donne sans doute de
« rares témoignages, et vous avez grand sujet
« de nous vanter si fort sa bonté; on voit
« bien qu'il vous aime , en vous laissant
« ainsi entre les mains de la justice! Lucien :
o Nous avons déjà dit que c'était en cela
« (jue consistait la gloire des chrétiens. Oui,
« le Seigneur [)romet une vie qui n'aura ja-
« mais de fin à celui qui aura méi)risé les
« menaces du démon, et qui aura foulé aux
« pieds les plaisirs , les grandeurs et tous
« ces faux biens qui ire font que passer, et
« qui tombent en un moment. Le proconsul :
« Idées pures, contes en l'air! écoutez : Je
« n'ai qu'urr mot à vous dire; sacritiez tous
« présentement, c'est la volonté de Tempe-
« leur; obéissez, et ne me forcez pas à en
« venir à des extrémités, dont vous pourriez
'< bien vous repentir; vous n'avez déjà que
« ti'op excité mo colère. Marcien : Nous voilà
« prêts à souffrir tout ce que vous voudrez
« nous faiie endurer; mais nous ne sommes
« nullement résolus de renoncer au Dieu
a vivant et véritable, pour être jetés ensuite
« dans les ténèbres extérieures et dans un feu
« qui ne s'éteindra jamais, et qui est destiné
« pour briller le démon et ses complices. »
« Le proconsul, voyant la fermeté de ces
génér-eux chrétiens, et désespérant de la
jjouvoir- llécirir, prononça coirtre eux cette
sentence : '< Les nommés Lucien et Marcien
« ayant été par noris convaincus d'avoir violé
a et tiarrsgressé nos lois divines, et d'avoir
« ernt)rassé les vaines sui)erstitions du chi-is-
« lianisrrrrj; quoique nous ayons err'ployé
« les sollicitations les [)lus [iressantes pour
« les porter ii obéir aux édits de nos invin-
« cibles eiirtieieurs et à sacriiier aux dieux
<( immortels, et qu'eu cas de lefirs nous les
a ayons urr-nacés du suppliée; lesdits Lucien
« et Marci(;n n'ayarrt aueiin égard à toutes
u ces choses, mais niépiisant au contraire
« avec une opiniâireté invincible nos re-
« montrancf'S et nos rrrcnaces. norrs les avons
« condamnés à ètrr; i>rûlés tout vifs. » L(;rs-
(pj'ils furent arrivés au lierj d(! l'exécu-
tion, leur- voix se confondant eirsembi ■ , et
n'en faisant iju'uim!, ils i-crnlir-ent grâces à
Dieu, (Ml dis.int : « Sei;-;neur' Jésus, (proique
« nos ( œur.s vous louent et vous bénissent
« avec toute l'ardeur dont ils sont capables,
« nous avouons qu'ils ne sauraient vous
« louer ni vous bénir assez de ce que vous
« n'avez pas dédaigné de jeter sur nous les
« yeux de votr-e miséricorde. Notre misère
« ne vous a point l'ciit horreur, et , tout in-
« dignes que noirs fussions de vos bontés ,
« vous avez bien voulu nous retirer du mi-
« lieu des erreurs du paganisme et de l'a-
rt bîme, des égarements d'une vie criminelle,
« pour nous élever à cet honneur suprême où
« nous nous voyons aujourd'hui en mourant
« pour votre nom. Agréez, Seigneur, que
« nous remettions nos âmes entre vos mains,
« et recevez, avec nos louanges, notre der-
« nier soupir. » Comme ils achevaient celte
prière, on mit le feu au bûcher qui les con-
suma.
« Ainsi moururent ces bienheureux mar-
tyrs, en combattant pour Jésus-Christ, qui,
après les avoir rendus, participants de ses
soutfi'ances , les associa à la jouissance de
sa gloire. »
LUCIEN, confesseur à Carlhage en l'an 250,
sous le régne de l'empereur Dèce, souffrit
courageusement pour la foi les tourments les
l)lus cruels eC la prison. 11 jeta i)lus tard du
trouble dans l'Eglise, en prodiguant les bil-
lets d'indulgence aux tombés. On lui écrivait
de partout pour lui en demander. Sa condes-
cendance était d'abord faiblesse, elle devint
vraiment coupable quand Lucien continua à
délivrer ces brllels malgré les admonesta-
tions de son évêquc. Cette pratique relâchée
allait directement contre l'autorité des évo-
ques et contre la discipline de l'Eglise. Elle
était contraire à la modestie et à la défiance
de soi-même que doivent toujours garderies
plus éminents et les plus saints d'enire les
ministres 'lu Seigneur : car les confesseurs
qui accordaient de semblables billets di-
saient par là même qu'ils croyaient leurs
propres mérites assez grands aux yeux de
Dieu pour racheter de leurs fautes , sans
ciu'ils fissent les pénitences prescrites par
I Eglise, les apostats repentants qui deman-
daient à rentrx'r dans son sein. L'Ii stoire
nous ofï're à ce sujet un fait d'humilité trop
édifiant pour que nous ne le racontions i)as.
II contraste d'une manière admii-able avec
l'orgueilleuse assurance de Lucien. Saint Cé-
lérin,le célèbre confesseur, celui que depuis
saint Cyprien fit lecteur de son Eglise, avait
confessé la foi de Jésus-Clu'isl, aussi coura-
geusement que Lucien. La couronne qu'il
avait rem|)orlée était au moins égale à la
sienne. S.iint Cyprien ne tarit |)as d'éloges
sur son compte, ijuand il le nomme dans ses
Lettres. C(! saint confesseur' avait eu le riial-
heur- de voir' sa pi'Ojir'C samr sacrifier aux \(\o-
les, avec dcnix autres femmes tpii lui étaient
chères, pr'obableriK-nl à titre de parentes et
o'amies. Eh bien, le saint passe les jours et
les nuits (M1 prièr'cs pour oblmiii' de Dieu
hnu' pardon. Lui ne croit point ses jii'opres
riiériles assez gr-ands pour' payera Dieu la
r-.incrjn d(; hnirs taules. Il ne se fail point
jugi*^ enli'O elles et Dieu, eu leur' donnant un
1)1 Ile! d'uidulgence, en les faisant rentrer
1537 LUC
ainsi cinns lu sein do l'R^liso. Il se croit in-
digne (fini si grand pouvoir. Mais ayant ap-
pris (jne Lucien et d'autres tonfi^sscMus le
faisaient en Afrique, il huir écrit pour l'ob-
tenir. Admirable simplicité d»î la foi, (pii
doute lie soi et non des autres. Lucien ne lit
pas attendre ce que saint Cùlérin lui deman-
dait, mais en rentrant dans le sein de l'Eglise
les protégées de (lélérin obtinrent le pardon
do Dieu bien [)lus de la vertu de stss prières
et connue priv de ses lai'mes et de ses souf-
frances, ijue du billet accordé |)ai' Lucien.
Ce conl'esseur no se contentait nas d'en ac-
corder en son nom, il en accorilait au nom
des antres. Il |)rétendait iiuo saint Panl, ce-
lui qui mourut à Cartilage <i cette éjjoquc,
en sortant de la (]uestioM, lui avait oixlonno
do n'en refuser h f)orsonne. Saint Cyprien
conteste la vérité de cette afiirmation. Lu-
cien en signait pour ceux qui ne savaient
pas éci'ire : ainsi faisait-il pour le jeune Au-
rèle, celui que saint Cyprien éleva ii la di-
§nité de lecteur dans l'Eglise de Cartilage,
ans l'année 251, et probablemeni plus tard
à 1.1 prôtrise. 11 eut le malheur do porter si
loin ses orgueilleuses prétentions, qu'il écri-
vit à saint Cyprien, son évoque, une lettre
insolente, dans laquelle il lui enjoignait de
respecter ses décisions. (Foj/. Cypuien.j
LUCIEN ( saint ), d'Antioche, est rais par
Eusèbe entre les plus illustres membres du
clergé qui ont soulfert dans la grande persé-
cution commencée sous Dioclétien et conti-
nuée durant dix ans sous ses successeurs. Il
est célèbre non-seulement dans cet historien
qui en parle fort honorablement, mais aussi
dans Rnfin, qui ajoute diverses choses à ce
qu'Eusèbe en rapporte ; dans saint Jérôme
qui loue son érudition, son éloquence et son
ardeur infatigable pour l'étude de l'Ecriture;
dans saint Chiysostome, qui a prononcé pu-
bliquement son éloge, et dans d'autres au-
teurs postérieurs.
Nousavons aussi ses Actes que Baronius es-
time et tient être fort légitimes, les attribuant
à Jean, prêtre de Nicomédie. Néanmoins, non-
seulement il faut les regarder comme étant de
Métaphraste, selon le jugement de Léo Alla-
tius, et comme Baronius le reconnaît quel-
quefois; mais encore comme étant mêlés de
fables, ainsi que nous ne craignons pas de le
dire après un homme très-judicieux et très-
habile. Ils renferment diverses fautes con-
tre la vérité de l'histoire. C'est ce qui nous
dispense d'y avoir aucun égard quand ils ne
seront pas conformes aux autres auteurs, et
ce qui nous permet encore de ne nous y ar-
rêter que fort peu dans tout le reste.
La sincérité ne nous permet pas de taire
que saint Lucien a eu ses adversaires aussi
bien que ses vénérateurs, et que d'illustres
Pères semblent nous donner de grands su-
jets de douter de sa sainteté, en voulant que
nous doutions de la pureté de sa foi. Néan-
moins, on jugera sans doute que tout ce
qu'on a pu dire contre lui doit céder non-
seulement à l'avantage qu'il a eu de répan-
dre son sang pour Jésus-Christ, mais encore
à la vénération que l'Eglise a toujours eue
LUC 1538
pour lui depuis le iv* siècle jus((u'h présent.
Il n.ujuit A Samosales (dans la Syrie appe-
lé(î Luphralésienne), d'inie famille honnête,
disent ses Actes, qui ajoutent (jue son pèro
et sa mère étaient cliiétiens, et eurent soin
de l'élever dans la jtiété jus(pi'h l'Age de
douze ans ([u'il les |)eidit. Mais dans la ha-
i-angue (ju(! Uulin lui fait faire h sa mort,
il se met au rang de ceux (pii avaient autre-
fois adoré les idoles. Bollaiidus veut ((u'on
i'enlo'ule non de lui, mais de ses ancêtres. Je
ne sais si cette explication ne paraîtra point
un peu forcée.
Après la mort de ses parents, continue
Métaphraste (ou plutôt après sa conversion),
il distiibua toutes ses richesses aux pauvres
et s'appli(pia h l'étude de l'Ecriture, sous la
condutl(,' d'un nommé Macaire qui demeurait
il Edesse. 11 ne négligea pas aussi les lettres
humaines, qu'il savait fort bien, dit saint
Chiysostome. Saint Jérôme loue même beau-
coup son éloquence, et assure que les scien-
ces des pliilosophes paraissaient dans ses
écrits avec les lumières de l'Ecriture.
Métaphraste ajoute que, dès qu'il fut bap-
tisé, il embrassa la vie monastique, et il fait
ensuite une description assez particulière
de ses diverses austérités , voulant sans
doute expliquer ce que dit Eusèbe , qu'il
possédait avec éminence toutes sortes de
bonnes qualités et que l'austérité de sa vie
était admirable. Métaphraste dit qu'il était
fort habile à copier, et que par ce travail il
gagnait de quoi s'entrelenir et donner l'au-
mône. 11 se donna à l'Eglise d'Antioche, dont
il fut fait prêtre.
Il était Irès-estimé pour la science des Ecri-
tures, et ses Actes disent même qu'il en ou-
vrit une école h Antioche où l'on venait de
toutes parts. Un des grands fruits de son tra-
vail sur l'Ecriture fut la correction du texte
sacré, tant de l'Ancien que du Nouveau Tes-
tament, laquelle portait son nom. Presque
tout l'Orient s'en servait depuis Antioche et
jusque dans Constantinople même. Cette édi-
tion était aussi appelée Commune ou Vulgate
et avait souffert diverses corruption*, selon
les lieux et les temps. Ainsi, il y a bien de
l'apparence que ce qu'avait fait saint Lucien
étaii de rendre celte édition vulgate la plus
correcte qu'il avait pu, i)eut-être en y mar-
qua it par des lignes ce qui était de trop et
par des étoiles ce qu'il y fallait ajouter des
autres éditions. Au moins, c'est la pensée
de M. Valois qui se fonde sur ce que ditsaint
Jérôme, que ces lignes et ces étoiles se trou-
vaient dans presque tous les exemplaires
des Ecritures.
Outre ce travail, saint Lucien composa
divers petits ouvrages sur la foi, et quelques
lettres fort courtes. Nous avons déjà remar-
qué l'estime qu'en faisait saiid J>rôme, tant
pour l'éloquence que pour l'érudition. Baro-
nius et Boîlan ius semblent entendre, par ces
ouvrages sur la fo', des apologies que saint
Lucien faisait pour défendre la pureté de sa
f )i contre ceux qui l'expliquaient mal. Il n'y
a rien qui nous détermine à ce sens plutôt
qu'à un autre.
1339 LUC
Eusèbe parle d'une 1- ttre que sfiint Denys
c'Aleiandrie avait écrite à >aiiil Do'iys de
Koine(vers Tan -iGV), toiulruit u'i Lucien,
mais il ne s'explique ])a'^ davantage. Sahit
AIc\an<lre d'Alcxa.idrie a assuré de. uis que
noire saint avait été lou^^lemps séparé de la
Gouimunion de rEjj,lisc sous trois évèqties
(Nous voudrions que ces deux passigt's ,
joints ensemble, nous dom.issent quelque
lieu de dire qnr saint Luci- n avait été ex-
communié [VM- Paul de Samosates, et que
celte exroinuuinicilion n'était pas reçue
sansdifiii-ulié des i)lus grands évôcjues, puis-
que le second évéque de riîglise était obligé
d'avouer que celle conjecture a moins d'ap-
parence ([ue celle de M. Valois), qui, se fon-
dant sur les termes de saint Alexandre, croit
que saint Lucien soutint, avec ini peu troj) de
chaleur, le parti de Paul de Samosates, son
compalriole et son évèque, dont il ne pi'né-
trail pas sans doute les sentiments aussi
cacliés cpie pernicieux, et qje ce fut ce (jui
le tint séparé de la communion de ITg ise
sous les trois successeurs de Paul, Domnus,
Tiinée et Cyrdle.
C'est l'endroit le plus f^icheux de la vie de
notre saint, sur lequel néanmoins nous ne
nous étendons pas, ayant marqué antre part
ce que nous croyons se jiouvoir dire pour
l'excuser; car nous ne prétendons point qu'il
ait pu en cela être sans faute. Mais, telle
qu'ait été sa faute, il l'etfaça en rentrant en-
suite dans l'Eglise, et en y donnant des
preuves d'une charité parfaite, lorsqu'il livra
son âme et sa vie pour Jésus-Christ. Car
l'endroit même de saiiU Alexandre, qui fuit
sa condamnation, marque assez qu'il fut
enfin reyu dans l'Eglise ; et nous en verrous
encore des preuves qui précédèrent de plu-
sieurs années son martyre.
. Saint Lucien fut donc apparemment sé-
paré de l'Eglise à la fin de l'au 2G9, lorsque
le concile d'Aptioche dé[)Osa Paul, et mit
Donuius en sa place. Domnus ne gouverna
qu'environ deux ans, et Timée, son succes-
seur, étant mort vers 280 ou 282, saint Cy-
rille , qui fut élu ;q)rès lui, gouvoïua au
jnoins vers 297. Mais Tyran lui avait assuré-
ment succédé, lorsque la persécution de
Dioclétien commença (au mois de février
^(KJj. liaronius a mis saint Cyrille dans le
Martyrologe romain au 22 juillet, sur l'auto-
rité du faux Maityrologe de liède, et il le
qualiti<i un évêque célèbie eu doctrine et en
piété. Ce fut sous lui, saus doute, <iue saint
Lucien, après avoir été beaucoui» d'années
séparé de l'Eglise sous tiois évêqnes, y l'ut
enlin rétabli au bout peut-être de dix ou
doiiiie ans.
il y a (pjclque sujet de croire que, durant
cette séjiaralion, il se trouva (jbiigi'î de ({uit-
ibi Aiilioche pour quelque teinjts. \n moijis,
sairjl Epq»han(» nous appit'ud (pi'il a de-
nienré à Nierjinédie avec Euièbi-, (pii-ej) fut
depu s fait évéi^uo. Il était encure (;n cette
vide en l'an '^y'.i, au coujmencenKîiil d(! la
persécwlion, lorsque .'•ain.t Anthime et l>e/iu-
Wjup rl'aiitres y soiilliirent le jnailyr<\Car
la Chronunie cl'Aloxuudrio rapporte ces ])a-
LUC
iua
rôles d'une lettre qu'il écrivit aux fidèles
d'Antioclie : « Tonte la troupe sacrée des
sai us marlyrs vous salue. Il faut que j'ajoute
encore que le pape Anlhime a achevé sa
course i).ir le mai-tyrc. » Cette lettre est
uni grande marque que saint Lucien était
alors dans la comnuinion des Eglises de Ni-
comédie el d'Antioche, aussi bien que dans
celle des martyrs.
11 nous reste enfin h parler de son martyr.) '
(jui arriva api es que Maximin, ayant apaisé
la pei'sécution malgré lui en 311," la fit revi-
vre six mois après, non par des édits qui
condamnassent tous les chiétiens à la mort,
mais par divers artifices qui produisirent le
même elfet. Les Act'js de saint Lucien por-
tent que, s'ét.iut caché pour éviter la persé-
cution, il fut découvert par un prêtre d'An-
tii^che nonnijé Pancrace, qui était sabellien
e't jaloux de sa grande réputation. 11 fut
conauit d'Antioche à Nicomédie, où l'empe-
reur Maximin élait alois, sur la fin de 1 an
311. Mélaphra.ste dit ([ue le saint, passant par
la Cappadoce, et y ayant trouvé quarante
soldais qui avaient renoncé à la foi, il leur
lit concevoir une; telle horre.ir de leur faute,
et les anima tellement à s'en relever, qu'il^
embrassèrent la pénitence et confessèrent
ensuite Jésus-Christ, en sorte que plusieurs
d'entre eux souil'rirent un glorieux martyre,
elles autres endurèrent constamment les plus
grands tourments de la quest:on. L'on ajoute
que queiques-uns de ses disciples qui l'a-
vaient suivi à Nicomédie, ayant aussi re-
noncé, furent ramenés à la péndence et 4
mglise par ses exhortations. Cela se doit
entendre, selon Pinlostorge, d'un Alexandre
et du sophiste Asière, (jui se rendit depuis si
célèbre dans le parti des ariens.
Le saint fut interrogé par le gouverneur
de la ()rovince, et, avant que de rendre té-
moignage par ses soulfrances h. la royauté
céleste de Jésus-Christ, il le fit hautement
par une illustre apologie de sa foi qu'il pro-
nonça devant ce uiagisirat. Rnliii lui fait faire
une harangue assez longue. Mais la manière
dont il en parle fait voir qu'elle est de lui et
non du sa.nit. Il fut ensuite mis en prison,
où on le fit mourir, mais non sur-le-champ
comme Rufin semble le niartjuer ; car saint
Chiysostome ténuùgne c|u'il y fut longtemps
tourmenté par la faim. Quand on vilcju'il no
se r(;ndait pas aux pi-mmères attaques de ce
supplice, on en augmenta lu violence, en
dicbsant à sa vue une tal)Ie fort bien cou-
veilo de touîcîs sories de viandes, mais of-
fertes aux idoiCS. La faim le pressait au
dedans avec de grapiles viohuic.Qs de so
nourrir de ces viandes ipi'on lui présentait,
mais la crainte de Du!u lui retenait la main,
et lui faisait sui'uionter tous les ell'orts de la
nature.
Outre ce supplict^ ses Actes porlmil qu'il
fut mis ton' nu sur des pontivs de pois
(tassés, ayant les pieds el les mains tendus,
en sorte (pj'il ne se pouvait itnnuer. Nous
lisons 1^1 peu près la même chose dans des
coiunientairessur Job, aitribuéslaussenu'iilà
Origèneol qu'Erasme montre être d'un arien,
I.'UI
LUC
LUC
1512
ajoutant qu'ils pourraient bion ôtre d'un
AJaxiinitin dont parle saint Augustin. Oi's
coiiMucntaiics disent (|n'il diincura douze,
jours en cet élal, et (ju'il niourul le Uoi-
zièiiio. Mais saint (llnvsoslonie nous y|)|>ri'nd
oncoro d'anlrosparlirularitiVs de son mai lyre.
La conslanco de ee saint, dit-il, demeurant
inél)raidul)le, on l'amtuia uno seconde lois\
devant le iugo, où on lui (il sDullVir h's tour-
ments de la (|ueslion. Dujant (lu'on le tour-
nientail, on lui (il diverses interrogalions, lui
demandant d'où il élail, chi qiu'lle ct)ndition,
(juels étaient ses parents. Mais il ne répondit
^ulio elioso à tout cela, sinon (ju'il élait
chrétien, parcii tiue ce spul mot est capable
de reîiverser toutes les ai'inées de l'i^der, et
que dans (es occasions il faut do la loi, non
des discours. 11 no cessa de dire (pi'il élait
chrétien qu'en cessant de vivre. On |)arle
assez diveisiMuent de sa [uort. ('e (jui pai'ait
le nueux Ibndé, c'est qu'il eut la lète tranchée
ou périt (le quel(|ue autre siqiplice de cette
nature, dans sa {)rison, ayiuit été, dit saint
Cln-ysustome, lavé etbafitisé dans son sang.
11 mourut le lend(!main de rEi)i|)hani(s
selon ses Actes, et saint (dn-ysosloine témoi-
gne aussi que l'on faisait sa fête ce jour-là,
c'est-à-dire le septième de janvier, auquel
les manuscrits reconnaissent qu'il pronon(;a
le [)anégyri()uo de ce saint. L'est aussi en
ce jour que les Martyrologes latins mar-
oueid la iùle de saint Lucien. On la trouve
dans ceux de saint Jérôme, dans ceux du
l-V siècle, et dans t()us les autres postérieurs.
Les Grecs, qui font ce jour-là une mémoire
de saint Jean-Bapiisle, liansfère'ît celle do
saint Luci( n au 15 octobre, auquel ils en
font leur grand oUice. Etant mort le 7 jan-
vier après la nioitde Galère, on ne peut met-
tre son martyre qu'en l'an 312, sur la tin
duqu'd la persécution du Dioclétieu (init en-
tièrement.
On prétend que son corps fut jeté dans la
mer avec des pierres et j-etrouvé miraculou-
ement le lendemain on quelques jours
afi'ès sur la côte de Drepane en Bithynie.
Saint Jér(ime nous assure au moins qu'dfut
enterré en ce lieu. Ce n'était alors qu'un
bourg, dont Constantin lit peu après une
ville en l'hoineur de ce saint martyr, lui
donnant le liom d'Hélénople, à cause de sa
mère. Et pour honorer davantage saint Lu-
cien, il exempta de tributs toutes les terres
âui étaient à la vue de cette ville, ce qui
lira plusieurs siècles. Ce fut en ce lieu
d'Hélénople et dans l'église des Martyrs qui
y était, qu'après une longue prière, cet
empereur se résolut absolument à demander
le baptême, et reçut l'imposition des mains,
accompagnée des prières de l'Eglise.
Nous omettons beaucoup de choses qui
sont dans les Actes de saint Lucien, même
ce qu'd y a de plus célèbre, comme ce qu'on
dit qu'd offrit le saint sacrilice sur son propre
corps, et qu'après sa mort, son corps ayant
été jeté dans la mer, fui apporté à terre par
un dauphin. Plus ces choses sont considéra-
bles et nierveilleuses, plus elles ont besoin
d'une autorité proportionnée pour être crues
et encore ))lus pour être rnpporfées connno
cntyaliles. Le silence do saint Chiysoslomo
est de filus une gnindt; conviction' liv. leur
fausseté, et même il .«serait furl ditlicile do
les accorder avec ce (pTij dii (losilivemont.
IMulostorge |tarle de (îcs histoires, ce (|ui
fait voir ipi'elles sont anciormos, mais do'uio
li(Mi de craindre (pièce no soieni des (jetions
des ariens, jiour relever un marlyv qu'ils
croyai(;ht ou voulaient faire croire avoic été
dans leurs sentiments. Aussi rauloriié d(!
l'Iiilostorge n'empêche pas des personnes
trè>-judicieuses et très-sages d'appeler le
sacrilice de saint Lucien un sacrilice pré-
tendu.
Métaphraslo insère dans ses Actes le mar-
tyre (pie deux entants soulfiirenl à Nicomé-
d'io. Il est bien décrit, s'il pouvait être aussi
constant. BoUandus ne dit point qu'on en
trouve rien autre part, ni que les Grecs ou
les Latins honorent ces enfants entre les
martyrs, quoique Métaphrast(! dise que l'é-
gliSe qu'on avait bAlie sur leur tombeau se
voyait encore de son temps auprès de Nico-
médio et s'appelait le Martyre des onfanls.
Florusjnintà saint Lucien plusieurs clercs
et diacres d'Antioche, qui, api es a voir été ti-
rés sept fois de la prison pour être menés
devant le juge, et avoir souffert autant de
fois les tourments, eurent entin la tête tran-
chée. Mais d'aut"r('S Martyiologes lisent cçt
endroit d une autre manière.
11 ne faut pas oublier l'illustre saint Basi-
lis()ue, évoque de Comane dans le Pont, qui
souffrit à Nicomédio avec saint Lucien, selon
le rapport de Pallade. Mais nous en avons
parlé plus amplement siir un autre martyr
de même nom, qui souifrit à Comane même
peu d'années auparavant.
LUCIEN (saint), prêtre et martyr, fut jeté
dans la mer lié dans un sac, avec saint Cé-
sa ire, diacre, en l'année 300, à Terracine,
sous le règne de Dioclétien, pour avoir ma-
nifesté l'horreur que lui inspirait le sacrifice
volontaire que de temps en temps des jeu-
nes hommes de cette ville faisaient de leur
vie quand arrivait la fête d'Apollon, qui en
était la divinité protectrice. La fête de ce
saint martyr arrive avec celle de saint Césair©
le 1" novembre. {Vo7j. Césaîbe.)
LUCIEN (saint), reçut la glorieuse paîmo
du martyre en Afrique, pour la défense
de la religion chrétienne. Saint Fortunat
mourut avec lui. L'Eglise fait leur fête le
13 juin.
LUCIEN (saint),, martyr, répandit son sang
pour la foi avec les saints Emile, Félix et
Priam. Leur martyre arriva en Sardaigne.
L'Eglise fait leur lête le 28 mai.
LUCIEN (saint) , martyr, sou tîrit la mort pour
la foi à Tripoli, lient pour compagnons de ses
souffrances les saints Métrope, Paul, Zénobe,
Théotime et Drusus. On n'a pas d autres dé-
tails sur eux. L'Eglise fait leur fête le 2i dé-
cembre.
LCCILE (sainte), souffrit le martyre à
Rome avec son frère le diacre Némèse. Ils
furent décapités par ordre de l'empereur
Valérien, le 25 août, parce qu'ils étaient
i3i5
LUC
LUC
IhU
inébranlables dans leur foi. Leurs corps, que
le pape saint Etienne avait fait enterrer et à
qui saint Xyste avait donné en ce jour une
sépulture pJus lionoral)le sur la voie ap-
pienne, furent depuis transférés, par Gré-
goire V, dans l'église de Sainte-Marie la
Neuve, titre d'un cardinal diacre, avec les
saints Symphrone, Olympe, tribun, Exu-
périe, sa femme, et Théodule, leur tils, qui,
s'étant tous convertis par les soins de Sym-
phrone et ayant reçu le baptême des mains
de saint Etienne, obtinrent la couronne du
martyre. Dans la suite des siècles, Gré-
goire"^ XIII, les ayant trouvés en ce lieu, les
lit mettre plus honorablement, le 8 décem-
bre, sous l'autel de la môme église. Ils sont
inscrits au Martyrologe romain le 31 oc-
tobre.
LUCILLE (sainte), fut martyrisée à Rome
sous le commencement de Gallien , avec
sainte Flore et les saints Eugène, Antonin,
Théodore et leurs compagnons, au nombre
de dix-huit. L'Eglise latine fait leur fôle le
29juillet.
LUCILLIEN (saint), martyr, était prêtre
des idoles à Constantinople. S'étant fait
chrétien, il fut martyrisé avec quatre en-
fants, Claude, Hypace, Paul et Denis. Après
divers supplices, ils furent jetés dans une
fournaise, d'oiî ils sortirent sains et snufs,
le feu ayant été éieint par la pluie. Enfin
Lucillien fut crucifié et les enfants décapités
sous le président Siiva. L'Eglise honore
la mémoire de ces courageux martyrs le
3 juin.
LUCINE , femme de Pinien , proconsul
d'Asie, était fille de Sergius Térentianus,
deux fois préfet de Rome, et de Plantine,
fille de Gula, qui avait l'empereur Gallien
pour père. Notker l'appelle Anicia Lucina.
On pourrait douter si elle n'est point la
même que Lucile, parente, dit-on, de saint
ïiburce , illustre entie les martyrs; mais
rien ne nous oblige de le dire ; et je ne sais
même s'il serait aisé d'accorder ensemble ce
qu'on dit de l'une et de l'autre. Sainte Lu-
cine fut mariée à Fultonius Pinianus, qui
pouvait encore avoir W. nom de Marcus. Ba-
ronius croit que c'est de lui qu'est venu ce
Pinien, si célèbre du temps de saint Augus-
tin et de saint Jérôme; au moins il es; assez
vraisemblable que c'était de la môme fa-
mille, r
Pinien fut fait proconsul d'Asie par Dio-
cléticn et Maximien dès l'an !2htj, ce qui
marque qu'il avait été consul (quelques an-
nées aujjaravant , et il y mena sa feunne
avec lui. 11 avait pour assesseur un nommé
Quérémou, qui j)er.séculail (ixlièmcrneiU les
chrétiens ; cet homme, ayant été al)andonné
do Dieu au démon, tomba de son chariot
flcvant tout le monde, et après avoir été
horriblement tourmenté durant (pielcpies
heurt.'S, il expira en nivoquant ceux mômes
qu'il avait fait mourir. La vu»; d'un spectacle
si funeste saisit Pinien d'elLroi, et h; fit
londj(;r dans une maladie; dont tous les mé-
decins n'altend.uent plus (pie la mort. Lu(;ine
crut que le sang des chrétiens, dont il s'était
lui-même rendu coupable, était la cause de
son mal, et avait ouvert l'entrée à l'ennemi :
elle fit do ic chercher tous ceux qui étaient
dans la prison et les fit ame:ier secrètement.
Ces saints étaient Anthime prêtre, et Sisinne,
diacre, avec Max me, Bassus, Fabius, Dio-
clèce ou Dioclétien et Florent; elle les
conjura d'obtenir la guérison de son mari,
leur promettant en récompense beaucoup de
présents et la liberté. Anthime lui dit que si
Pinien se faisait chrétien, il serait assuré-
ment guéri, Lucine lui fil porter cette parole,
et l'ayant trouvé dans une assez bonne dis-
position, elle fit entrer dans sa chambre
Anthime et Sisinne, nui lui firent quelques
discouis tant pour l'exliorier à embrasser la
foi que pour l'instruire; et à la fin il lui
imposèrent les mains.
Pinien adressa ensuite sa prière à Jésus-
Christ, en témoignage de sa foi et de son
espérance, et les saints Anthime et Sisinne
ayant fait de même de leur côté, la chambre
fut rem' lie d'une grande lumière, qui dura
une demi-heure, et se dissipa peu à peu.
Anthime et Sisinne dirent alors à Pinien de
se lever, et il se trouva parfaitement guéri
en ce moment. Il rendit grAces à Jésus-Christ,
fit venir les autres confesseurs que nous
avons nommés, et après avoir passé se|.)t
jours avec eux à prier Dieu et à recevoir
leurs in.vtructions , il fut baptisé avec sa
femme et tous ses amis. 11 demeura encore
un an dans sa charge, et délivra tous les
chrétiens qui étaient dans les prisons ou
dans les mines et dans les autres travaux.
Il semble par tout ceci qu'il y avait eu une
persécution considérable dans l'Asie au
commencement de Dioclétien, au lieu qu'Eu-
sèbe témoigne que I Eglise jouissait alors
d'une grande paix; mais il ne faut pas pré-
tendre que, dans les règnes des païims les
plus pacifiques, il n'y ait point eu du tout
de martyrs : car il est difiTicile de supposer
que les gouverneurs n'en fissent pas quel-
ques-uns quand ils en avaient la volonté.
Pinien revint de[)uis en Italie, sur la fin
de l'an 287, et amena avec lui les confes-
seurs par qui il avait été converti, avec plu-
sieurs auires chrétiens; et comme on en
faisait du bruit dans Rome, il les mit en
ditlerents endroits de ses terres, car il en
avait beaucoup. Saint Anthime, prêtre, de-
meura caché dans celles (pii étaient auprès
de Rome, avec M.xime, Bassus, et Fabius;
et Sisinne s'établit dans une terre (pie Pi-
nien lui (ionna près d'Osme, dans la Marche
d'Ancône, où il avait avec lui Dioclèce, Flo-
rent et beaucoup d'autres. Ceux-ci vécui-ent
trois ans en cet endroit avec beaucoup de
repos, s'occupant au service et aux louanges
de Dieu, et ils y furent eniin couronnés
du martyre, lan 290. (Jillcmont, vol. IV,
p. 55'!..)
LUCIOLE (saint), martyr, versa son sang
})Our la foi avec les saints Félix, Fortunal,
Marcie et leurs compagnon.^, dort les noms
sont inconnus, aussi bien (jue les saints
Cléonice, Fulrope et Bù.>ilis(pie, soldats. Ils
lrionq)hèreiit heureusement par le sup[)lice
i545 LUC
de la croix, durant la iiorséciition de Maxi-
mien, sous lo président Asclépiadt;. ()n
it;noro le lieu où arriva leur [glorieux et im-
mortel martyre. L'Ktjliso célèbre leur sainte
mémoire le 3 mars.
LUCIUS (saint). Voici ce qu'h son sujet
nous trouvons dans le Martyrologe romain :
« A Alexandrie, les saints |)rôlri'S et diacres
Caius, Fauste, Eusèbe, Cliérémon, I.ucius,
et leurs compagnons, dont les uns lurent
martyrisés durant la pei-sécution de Valé-
rien ; vt les autres, en servant les martyrs,
reeurent la récompense des martyrs. »
L'iiglise fait leur léle le V octobre.
LUCIUS (saint), martyr, donna sa vie pour
la foi sous l'empire et dui'ant la persécution
de Claude 11, dit le Ciotldtpu', avec les saints
ïhéodose , Pierre, Marc, et quarante-six
autres soldats , que le tyran lit décapitt.T
aussitôt a[)rès que le pape les eut baptisés.
Ils lurent (MitcMxés sur la voie Salaria, avec
plusieurs auties martyrs, au nombre de plus
de cent vingt. L'Eglise honore leur mémoire
le 25 octobre.
LUCIUS (saint), évoque et qualifié martyr
au Martyrologe romain, à la date du 10 sep-
tembre, jour auquel l'Eglise célèbre sa fête,
était l'un des neuf évoques enfermés dans
les mines, et h qui saint Cyprien écrivit sa
76' lettre. Il avait été déporté immédiate-
ment après sa première confession, aussitôt
après avoir été cruellement frappé à coups
de bâton. Cet évêque avait assisté au grand
concile de Carthage. {Voy. Némésien.)
LUCIUS fsaint), pape et confesseur, fut
très-[)robabIement martyr. Sous le règne de
l'empereur Gallus, après la mort du pape
saint Corneille, ce fut Lucius qui fut élevé
sur la chaire de saint Pierre. 11 avait confessé
la foi avec saint Corneille. Dès le commen-
cement de son pontilicat, il fut exilé de
Rome ; mais au bout de fort peu de temps il
put y revenir. Saint Cyprien lui écrivit à ce
sujet une lettre de laquelle nous allons citer
un fragment.
« Cyprien et ses collègues à leur frère
Lucius, salut. Il n'y a pas longtemps, frère
bien aimé, que nous vous avons félicité du
double honneur que vous accorda la divine
miséricorde, lorsque, dans votre personne,
elle donna pour chef à son Eglise un évêque
et un confesseur. Aujourd'hui nous ne vous
félicitons pas moins, vous, vos compagnons
et tous nos frères, de ce que la protection
du Seigneur vous a ramené parmi les siens,
couronné de la même gloire qu'au jour de
votre départ. Le pasteur a été rendu à ses
brebis, le pilote au gouvernement du vais-
seau, le conducteur à l'amour de son peuple.
On le voit bien: en permettant votre exil, le
dessein de Dieu était, non pas que l'Eglise
restât veuve de l'évêque relégué loin d'elle,
mais que l'évêque reparût dans l'Eglise plus
grand et plus honoré. En effet, le martyre
des trois jeunes hommes de Babylone est-il
moins illustre parce que, frustrant la mort
de ses espérances, ils sortirent sains et
saufs de la fournaise ? Daniel a-t-il perdu de
son illustration parce que, jeté comme une
DiCTiONN. DES Persécutions. I.
LUC
1546
proie h la dent des lions, la protection du
Seigneiw le conserva pour la gloice? Non, l'a-
jouiiifiiient du marlyi'i', Njin d'allaiblir dans
les cotil'esseius le mi-iiie d(! leur triomphe,
manifeste les merveilles de la puissance di-
vine. Vous reproduirez h nos yeux le dé-
voueiiuMit de ((îs trois généreux et illustres
jeunes honnnesloi'S{{u'ils déilaièceiil h un roi
impie (pi'ils étaient orèls à brûler dîuis les
llammes |)lutùl (pie cle servir s(!.s dieux on.
d'adorer l'imagc! ([u'il avait faite. Néanmoins,
yj(mtaient-ils, le Dieu (pi'ils adoraj(!nt et
que nous adorons aussi était assez puissant
pour- les arracher à la foui-riaise dévoraiiti.',
et les délivier des mains du roi, ainsi (pie
de leurs maux présents. Même courage dans
votre confession ; de la part de Dieu môme
protection. Vous étiez disposé h braver les
tortures les plus cruelles; mais le Seigneur
vous les a épargnées, afin de vous réserver
pour son Eglise. » (Belouino, Histoire des
persécutions de l'Eglise, t. 11, p. 190.)
Fleury dit (}ue, (luehjue tem[)s après, Lu-
cius mourut naturellement; d'autres disent
qu'il fut martyrisé. On le trouve presque
toujours dans les auteurs avec la qualifica-
tion de martyr.
LUCIUS (saint), était roi dans la Grande-
Bretagne. Voici ce que nous trouvons à son
sujet dans ïillemont : « Une des choses qui
rend célèbre le pontificat d'Eleuthère, c'est
l'ambassade qu'il reçut de la part d'un roi
d'Angleterre. Car c'est ainsi que nous appe-
lons par avance ce qu'on appelait alors la
Bretagne. L'Evangile avait été porté dans
cette île dès le commencement de la prédi-
cation des apôtres, comme saint Gildas, sur-
nommé le Sage, semble le dire, quoique obs-
curément. Mais dans le temps qu'EIeuthère,
qui était un homme saint, dit Bède, était le
chef et le pontife de l'Eglise romaine sous
les empereurs Marc-Aurèle et Commode, son
frère (ou plutôt son hls), Lucius, roi des An-
glais, lui écrivit et le pria instamment de
lui envoyer quelqu'un, afin qu'il se fit chré-
tien, et il obtient aussitôt l'effet d'une de-
mande si sainte. C'est ce que nous appre-
nons de Bède ; et on le lit aussi dans un
pontifical qu'on prétend avoir été fait avant
le milieu du vi' siècle. Les Anglais, ajoute
Bède, ayant reçu la foi par ce moyen, la
conservèrent toujours pure et inviolable
dans une paix profonde jusqu'à la persécu-
tion de Dioclétien. Saint Gildas, qui écrivait
l'an 56i, selon Ussérius, près de 200 ans
avant Bède, dit que la foi avait été reçue en
Angleterre avec beaucoup de tiédeur, et
qu'elle y était néanmoins demeurée jusqu'à
Dioclétien, tout entière dans les uns et un peu
altérée dans les autres. Origène dit que la
vertu du nom de Jésus-Christ avait passé les
mers pour aller chercher les Bretons dans
un autre monde.
« Pour ce qui est de Lucius, dit Ussérius,
l'opinion la plus générale est que ce prince
était roi d'une partie de l'Angleterre sou-
mise aux Romains ; car il montre fort bien
que c'était une chose assez ordinaire aux
Romains d'avoir même des rois pour instru
49
1547
LUC
LUC
1548
ments de la servitude des peuples, comme
dit Tacite, de rAngleterrc mènu'. VA ee sen-
timent est conforme à ce que ilit Bôde, que
les Anglais, ayant reçu la foi par la conver-
sion de Lucius, la conservèrent sans trou-
ble jusqu'à Dioclétien ; car, que leur eût fait
la persécution de Dioclétien, s'ils n'eussent
pas été soumis à l'empire romain ? Baronius
a mis Lucius dans le Martyrologe romain au
3 décembre.
a Ussérius rapporte jusqu'à vingt-trois opi-
nionsditl'érontes sur le temps de la conversion
du roi Lucius, quoique le j)ape Eleut hère, sous
qui tout le monde le met, n'ait gouverné que
quinze ou seize ans ; mais il marque assez
clairement que cela arriva sous Marc-Aurèle,
au commencement d'Eleuthèrc, et ainsi vers
lan 177, quoique Bède marque l'an 167. Us-
sérius suit ce sentiment comme le plus pro-
bable et le contirme, parce que quelques
Anglais attribuent cette conversion à l'éclat
de la victoire que Marc-Aurèle avait obtenue
par le secours des chrétiens en 17i. L.'autro
opinion est celle de Baronius qui, croyant
que la paix dont l'Eglise jouit sous Com-
mode était i)lus propre pour cette action,
l'a mise la deuxième année de ce prince,
qui est la cinquième (i'Eleuthère, de Jésus-
Christ 181. Basnage rejette toute cette his-
toire, mais il n'en donne aucune raison so-
lide. Tout ce qu'on peut lui accorder, c'est
que, n'étant pas fondée sur des pièces an-
ciennes el originales, elle ne peut pas pas-
ser pour être tout à fait certaine.
« Ceux qui sont venus depuis Bède ont
ajouté à ce qu'il dit de la conversion de
Lwcius beaucoup de choses moins assurées,
que l'on peut voir dans le livre d'Ussérius
des Antiquités de l'Eglise britannique, et q.ui
sont pour la plupart ridicules et insoutena-
bles. Nous mentionnerons les plus considéra-
bles et les pius universellement reçues, quoi-
que nous n'y trouvions rien qu'on puisse dire
être établi sur des fondements un peu soli-
des. Ces auteurs disent donc que les dépu-
tés envoyés à Rome par Lucius étaient El-
vanus et Medwinus, dont le premier ou tous
les deux, selon quelques autres, ayant été
faits évoques par Eleuthère, servirent beau-
coup à la conversion des Anglais, et étant
morts après beaucoup de travaux, furent en-
terrés en l'abbaye de Glastone, nommée
aussi Avalone, qui est dans une île de la ri-
vière de Saverne, au diocèse de Wells. Quel-
ques nouveaux martyrologes en marquent
la fête le 1" janvier.
« Ceux qu Eleuthère envoya de sa part à
Lucius sont nonunés par le Martyrologe ro-
main et par Baronius, Fugace et Damicn, et
fort diiVéremment par les écrivains anglais.
On prétend qu'ils retournèrent à Uom.î pour
demander au [)apo la conliruiation d(î tout
ce(pj'ils avaient fait, et qu'ils retouirièrenl en
Angleterre avec plusieurs nouveaux conqm-
gnoris. On ra[iporle aussi une li^tlre qu'on
dilqii'El.ijlhere écrivit ahjrs à Lucius, mais
les Anglais mêmes ne trouvent pas riu'(!lle
ail btnuicoup de ra[)iwjrt au temps '1 ''leu-
tliér.;. Ce serait bien diliicile à souicnir,
et on y trouve encore d'autres marques
de fimsseté. Enfin, selon le sentiment d Us-
sérius, Lucius ayant régné quelque vingt-
cinq ans depuis son baptême , mourut à
Glocester où il fut enterré. D'autres disent
qu'il quitta son royaume, alla prêcher l'E-
vangile en Allemagne, qu'il soufl'rit beau-
coup à Augshourg, et qu'enfin ayant été fait
évêque de Coire (dans le pays des Grisons),
il y fut martyrisé. Cette opinion, qui assuré-
ment est la moins probable, est néanmoins
celle que l'on paraît avoir suivie dans le
Martyrologe romain, le 3 décembre, auquel
on a mis la fête de saint Lucius, roi des
Bretons , à Coire en Allemagne , sans lui
donner néanmoins la qualité d'évêque ni do
martyr ; il est même après quelques confes-
seurs. On dit qu'il tomba entre les mains
des Grisons ([ui le décapitèrent dans la for-
teresse de Martiola, vers la fin du ii* siècle.
Sa fête se célèbre avec beaucoup de solen-
nité dans le diocèse de Coire, et l'on garde
une partie de ses reliques à Augsbourg, dans
l'église de Saint -François. » (Tillemont,
t. III, Vie de saint Eleuthère, passim.)
LUCIUS, qualifié président dans les Actes
de saint Cyrille, évêque de Gortyne en Crète,
condamna ce saint à être jeté dans le feu ;
mais ayant vu que les flammes n'avaient
brûlé que les cordes qui l'attachaient, et que
le saint sortait sain et sauf du milieu des
flammes, il le laissa partir sans rien lui faire
souilrir davantage. Peu de temps après, ayant
ap[)ris que Cyrille continuait les travaux de
son saint ministère, qu'il instruisait et con-
vertissait les infidèles, il le fit décapiter. Tels
sont les faits que nous trouvons dans les
Actes de saint Cyrille et au Martyrologe
romain. {Voy. Cyrille, évêque de Gortyne.)
LUCIUS, gouverneur d'Ombrie et d'Etru-
rie pour les empereurs Dioclétien et Maxi-
mien, succéda, en 304., à Vénustien, qui, s'é-
tant converti au christianisme, *avait dû re-
noncer à des fonctions qui, dans ces temps
malheureux, transformaient les gouverneurs
en bourreaux des chrétiens. 11 fit venir à
Spolète saint Sabin, évoque d'Assise, à qui
Vénustien avait fait coui)er les deux mains,
et qui, depuis la conversion de ce gouver-
neur, était resté dans son diocèse. Il ordonna
qu'on le battît cruellement jusqu'à ce qu'il
exi)iràt sous les coups. Cette sentence reçut
son exécution.
LUCIUS (saint), fut honoré de la palme du
martyre en Afrique, sous la persécution des
"Vandales. Les compagnons de ses combats
furent les saints Qumtien et Julien. Nous
n'avons aucun détail sur leur compte. L'E-
glise fait leur fête le 23 mai.
LUCIUS (saint), martvr, versa son sang
en Afrique f)0ur la défense do la ndigiou
avec les saints Sylvain, Rutule, CIassi(iue,
Secondin, Fructulo et Maxime. On n'a pas
de détails sur les circonstances de leurs
cr»nil).ds. L'Eglise fait leur glorieuse fête le
18 lévrier.
LUCIUS (saint), martyr, «st inscrit au
Martyrologe roiuain W. 15 février, avec les
\U9
i.ir.
LYO
iSSO
Srtints Saturnin, Magnus et Lucius. L'E^liso
les lioiiofo (•{illcctivenit'iit.
LlICIl'S (.sailli), était sénaUMir. Se trouvant
un jour au martyre do saint Théodore, évo-
que do Cvrèno, il lut si touché (kî sa cons-
tance, qu'il se convertit à hi foi d(» Jésus-
Christ; d y attira aussi le {)rési(lent DijAnicn,
avec ItMiuèl, étant allé en Chypre, et voyant
qu'on y faisait mourir d'autres chrétiens
pour la confession du nom de Notre-Sri':;neur
Jésus-Christ, il î^e présenta de lui-inénns et
ayant été déca(>ité, il mérita d(^ recevoir la
couronne du martyre. L'Eglise fait sa fête le
20 août.
LUCIUS (saint), martyr, était évéijue en
Cap[>adoce, où il sonlTrit le martyre avec
saint Absalon et saint Lorge. On n'a [)as do
détails certains sur leurs souIVranees. L'E-
glise lionore leur mémoire le '2 mars.
LUCIUS (saint), martyr, souIVrit ,^ Rome
en l'honneur de la foi avec les saints Paul et
Cyriaqut'. On ignore l'époque et les circons-
tances do leur martyre. L'Eglise fait leur
fête le 8 février.
LUCIUS (saint), reçut la glorieuse palme
du martyre pour l'honneur de Jésus-Christ
et la défense de la religion chrétienne. 11 eut
pour compagnons do son martyre, qui arriva
en Lucanie, les saints Hyacinthe, Quint et
Félicien. Nous n'avons pas d'autres détails.
L'Eglise fait leur fètc le 29 octobre.
LUCIUS (saint), martyr, souffrit pour
Jésus-Christ , en Afrique avec les saints
Faustin, Candide, Célien, Marc, Janvier et
Fortunat. {Voy. l'article Faustin pour plus
de renseignements.)
LUCIUS (saint), mart3'r, souffrit le martyre
à Rome avec les saints Rogat, Cassien et
Candide. On n'a aucun détail authentique
sur eux. L'Eglise fait leur mémoire le 1"
décembre.
LUCQUES, ville de l'ancienne Toscane.
Son premier évoque, nommé Paul, y fut
martyrisé avec plusieurs autres, sous l'em-
pire de Néron.
LUCRÈCE (sainte), vierge et martyre, ac-
complit son martyre à Mérida en Espagne,
sous le président Dacien, et durant la per-
sécution de Dioclétien. Nous n'avons aucun
document relatif aux diverses circonstances
de son combat. L'Eglise honore sa glorieuse
mémoire le 23 novembre.
LUGLIEN (saint), martyr. {Voy. Luglius.)
LUGLIUS (saint), martyr, mourut pour lafoi
chrétienne vers la fin du \iV siècle, avec son
frère Luglien. Us furent mis à mort tous les
deux à Lillers en Artois. Tous deux étaient
originaires de L'Irlande, et nés dans le sein
d'une famille illustre. Luglius, sans être at-
taché à aucun siège, était évèque : il en avait
tous les pouvoirs. Son frère Luglien était
possesseur d'une seigneurie. Tous deux, par
esprit de dévotion, quittèrent leur patrie, et
montèrent sur un vaisseau qui faisait voile
pour Jérusalem. Une tempête les fit aborder
à Boulogne-sur-Mer. De là ils vinrent à Té-
rouenne. Us résolurent d'aller parterre, mais
de prêcher l'Evangile chemin faisant. Dans
la vallée de Ferfay ils furent massacrés par
des brigands. Louis relifpios furent gardées
très-lnuglcmps à l.illcrs, (jui (hjitson oiigine
au ciillfMju'on leur rendait etijui y attirait de
nouihrcux pèlerins [Voy. Fkrkay). L'Eglise
fuit la l'éle do ces douK saints le 23 octobre.
LIIFÈRE (saint), évê(pio et confesseur, ver-
sa son sang h Vérone pour la défense de la
religion chrétienne. Nous n'avons aucun dé-
tail sur lui. L'I'^glise fait sa mémoire glo-
rieuse le 15 noveiidire.
LUPERQUE (saint), fut martyrisé à Sara-
gosse en Espagne, par les ordres de Dacien,
(pii on était gouverneur, en l'an de Jésus-
Christ 30'i-, durant la persécution de Dioclé-
tien ; div-scpt autres furent martyrisés avec
lui; on trouvera hsur nom à l'aiiicle Dacikn.
Les dix-huit martyrs de Saragosse sont très-
honorés ou Espagne. C'est Prudenci' qui
rapporte ce (pi"on sait d'eux. Us sont inscrits
an .Martyrolf)go romain sous la date du IG
avril. [Voy. Prudence, de Cor. hym. '*; Tille-
mont, vol. V, p. 229; Vasseus, Bclga.)
L\JY*V.nQl]E (saint) , soiiffril le martyre à I.éoii eu Es-
pagne, avec ses deux frères Claude et Viclor. (l'our plus
de détails, do»/- <'ladiji;.)
LLPl'E (saint), ayant passé de la condition d'esclave à
la liberté des enfants de Jésus-Christ, fut encore honoré
de la couronne du martyre. L'Eglise fait sa fêle le 23
août.
LUXORK (saint), martyr, répandit son san?; pour la foi,
en Sardaigne , durant la pers(''Cution de Dioclétien. Il eut
pour compai;nons de son martyre les sainis Cisei et Omé-
rin. Us [léi ireiit par le glaive," sous le président Delphius.
L'Eglise célèbre leur sainte mémoire le 21 août.
LlXUlllUS, était magistrat ou gouverneur de la Tos-
cane sous Trajao. Les Aetes de saint Césaire, mailyrisô a
Terracine, et ceux de s;iini Hyaciniiie, maityrisé à l'orto,
le citent, ainsi que Léonce.comme ayant été fiersécuteur et
juge des saints dontils font mention. ( Voij. Cksaire, diacre.)
LYBOSL: (saint) , martyr , mourut eh Afrique pour la
défense de la foi avec les saiuls Dominique, Victor, Pri-
mien, Crescent, Second et Honorât. On ignoi e la date et
les circonstances de leur martyre. L'Eglise honore la
sainte mémoire de ces glorieux marlvrs le 29 décembre.
LYCARION (saint), fut martyrisé en Egypte. Ayant été
déchiré de coups, fouetté avec des verges de 1er embra-
sées, et tourmenté cruellement en diverses manières, il
accomplit enlin son martyre par le glaive. L'Eglise honore
sa mémoire le 7 juin.
LYDIE (sainte), martyre, était femme de saint Philet,
mai tyr. Elle cueillit la palme avec lui et ses enfants Ma-
cédo et Théoprépide. Le Martyrologe nomme encore saint
Amphiloque, chef de milice, et saint Cronidas, greffier.
L'Eglise honore la sainte mémoire de ces glorieux mar-
tyrs le 27 mars.
LYON, LugdwnMnj, chef-lieu du département du Rhône,
était, sous les Romains, une des plus importantes villes
des Gaules : c'était la capitale de toute la Lyonnaise. Cette
ville fut la patrie de Marc-Aurèle; ce prince persécuteur
voulut sans doute que sa patrie ne fût pas oubliée quacd
il lit poursuivre et mettre a mort les chrétiens: ce fut
sous son règne que la ville de Lyon fut le théâtre de celte
gratide persécution dans laquelle périrent saint Pothin,
son évéque, les saints Sanclus, Mature , Epagate, Attale,
Ponticus, Alexandre le médecin, Alexandre le Grec et
Epipode, ainsi qu'une multitude d'autres dont l'histoire
ne nous a pas conservé les noms. Les femmes ne furent pas
épargnées : sainte Biblis et sainte Blandine y versèrent
leur sang pour la foi, après avoir été horriblement tourmen-
tées. Nous croyons devoir donner ici certains piissagt s de
la lettre que lés chrétiens de Vienne et de Lyon écrivi-
rent aux Eglises d'Asie. (Du reste, voyez les articles des
saints et des saintes nommés ci-dessus.)
« Les serviteurs de Jésus-Christ, qui demeurent a Vienne
et à Lyon, \illede la Gaule Celtique, à leurs frères d'Asie
et de Phrygie qui ont la même foi et qui espèrent au
même Rédempteur : la p.àx, la grâce et la gloire leur
soient (ioiuiées par la inisériiorde de Ditu le Père et l'en-
tremise de Jésus-CLiisi N( tie-Seigue.r. :Nos paroles ne
pourront jamais e.xprinuT, ni notre plume dépeindre tous
les maux que l'aveugle fureur des gentils leur a inspirés
i551
L\0
LYS
lo52
contre, les saints, ni loiil ce que leur cruelle animosiU'" a
rail eiulurer aux bieniioureiix m:irt\T^. iNniro oiuiomi
coiiiiuuu a ramassé loules sns tort;es coiitre no'is; mais
ayant lornié le ilesseiii d" uotre perle, il y a Irmai lé peu
k pt'u, et il a couuiieacé ii'al)ord ii nous faire sentir (jui'i-
ques niarciues de sa haine; car etiliu il n'a rien oui)lié de
tout ce que ces noirs arlilices lui oui su fournir de moyens
pour pordrp les serviteurs de Dieu; ci il n'y a ni alfronts,
ni injures, ni lourniouts que sa tnaliguité ne lui ail fait
employer contre eux. Il a accouiumé insensiblement ses
niinisires à les liar, ei leurs mauvais traitenienis onl été
couune le prélude des maux liorri])les oil il Irs a enfin
précipités. Non-siult-nient ou les ciiassait des maisons, des
bains, de la |)lace publique, mais on ne soutFrait pas même
qu'un seul pari\i en aucun lieu. Mais la grâce de Dieu a
combattu pour nous, et le démon a été lieureusement
vaincu. Celle gràre toule-puissanle ayant mis les plus fai-
bles hors di- l'aliaque et a l'abri du péril, elle n'a
ex()0sé que les plus braves aux traits de rennemi. Ces
généreux soldais de Jésus-Christ, comme autant de fer-
mes colonnes, sont demeurés inébranlables a toutes ces
secousse-, et opposani leurs corps à l'impétuosité de ces
coups, ils oni eux seuls soutenu vaillamnuinl tout le fort
du combat. S'étant donc avancés vers cet implacable en-
nemi, et l'ayant joint de près, ils se sont vus d'ahord cou-
verts de toutes sortes d'opprobres; mais, foulant aux
pieds tout ce qui iiaraît formidal)le à l'esprit, ils n'ont eu
en vue que la gloire que Jésus-Clirisl leur montrail;ils
ont marché vers elle, monlrant aux homm>^s par leur
exemple à ne point craindre les maux de celte vie, qui
n'ont aucune pro; ortion avec le bonheur de l'autre, ils
oni donc essuyé avec une co;istance admirable les cla-
meurs d'un peuple furieux, s s emportements, sa férocité;
ils ont soulieri d'être frappés, traînés sur le pavé, dé-
pouillés de leurs biens, accalilés sous des monceaux de
pierres, jetés dans des prisons obscures; en un moi, ils
ont é|irouvé tout ce qu'uup p ipulace bruiale et livrée à
l'e'-ptit de haine aurait pu entreprendre contre les enne-
mis les [lins conjurés à sa ruine. Il y eu eut plusieurs qui,
s'étant drpuis longtemps préparés a tout événement, se
monlrèrent prêts a mourir, et, se mettant à la tête des
lidèles, firent avec une joie (jui éclatait sur leur visage et
dans le son de leur voix la confession des martyrs; mais
il y en eut d'antres qui, pour ne s'èlre pas exercés à ce
combat, et pour y être venus sans s'être armés de force,
du moins sans s'être cousuliés sur leur faiblesse, en don-
nèrent de tristes marques. Il s'en trouva environ dix qui,
par leur déplorable chute, nous causèrent une douleur
incroyable, et firent couler des pleurs parmi la joie que
nous ressentions d'avoir confessé Jésus-Christ. L'aiiliction
l'ut générale, et elle passa jusiju'a ceux qui, n'ayant pas
encore été découverts, se tenaient près des mariyrs pour
les fortifier, et qui ne les quiLlalenl point de vue, quoi-
qu'ils s't xposassenl par la a un très-grand danger.
« Frappés d'une mortelle crainte, nous demeurions dans
une incertitude cruelle touchant la suite (lu'aurail celte
alFaire : non que les tourments ni la mort nous lissent peur,
mais, n'osant envisager l'avenir qu'avec tiembleineul,
nousappréheiubons toujours (jue quelqu'un des noires ne
vl it à tomber a nos yeux. Il est viai (jne le nombre de
ceux qui étaient tombés fut bii'iilôt heureusement rem-
placé par les pins consiiiéraliles qu'on arrêtait tous les
jours; de sorte i\\if les premiers de l'une et de l'autre
Kglis'', et qui , par leur industrie et leurs travaux, les
av.iient fondées, furent tons mis en prison. Il y eut aussi
de nos esclaves qui, (juoiciue pai.iis, fùn'nt arrêtés, le
gouverneur ayant donne des ordres très-précis de ne lais-
ser échapper aucun de nous ni des uôires. Mais ces âmes
basses et servies, ces perfides serviteurs, ou effrayés par
la vue des supplices (pi'ils voyaient souffrir ii leurs inaltres,
ou poussés par le dé. non, cet esprit de mensonge, ou in-
cités par !es soldats, gens peu religieux, rcnouvelèient
contre nous les anciennes et affreuses calonmies dont les
païens ont si souvent noirci notre réputation et l'inno-
cence de l'Lglise. Ils nous reprochèrent ces rejias san-
glants de Thyeste et ces embrasseioents in(;estueux d'OE-
dipe, et d'au 1res forfaits auxquels nous n'osons penser et
(pie nous o.sons encore moins écrire, ni croire (ju'il se
I>uisse trouver un seul homme (|ui ose les conun'tire.
Cependant, a peine ces lausses accusations eurent-elles
été répandues parmi le |)eupl(!, que les es[)rits s(! déchal-
iièr<;nt cjnire nous avec tant de lurie, (pie si jusqu'alors
Il s'était rencontré (|ueli|n'un (jni, par (|uelipie liaison de
sang ou d'amitié, .se liit montré modéré i notrw égard,
cette déposition forcée de crimes imaginaires l'aliénait
aussitôt et le rendait uotre plus cruel ennemi. On voyait
s'accomplir alors celle prédiction de Jésus-Christ : // vien-
dra un /( i»(;)s iju'im croira faire un ace de retiçiion en voui
faisant muurir ; et eu effet, ces saints martyrs souffrirent
des tourments si horribles, (jue le démon se promettait
sans doute que leur constance pourrait enfin être vaincue
ou leur foi ébranlée. « (Hniuart.)
Après la grande persécution (lue l'Eglise de Lyon souf-
frit sons Marc-Aurèle, elle demeura en paix durant un
assez long intervalle. Tout le règne de Commode et le
commeucemenldeceluideSepiime-Sévèr(' furent exempts
de persécutions. Saint Irènée , (lui avait été nommé évo-
que de Lyon après la mort de saint Poihin, avait profité
de celte paix profonde pour faire de nombreuses conquê-
tes à Jésus-Christ. Saint (Grégoire de Tours dit qu'il amena
la ville de Lyon près lue tout entière au christianisme.
Pendant ce tem|)S-lâ aussi la foi s'était propagée aux pro-
vinces voisines : des évêques avaient été nommés, et saint
Irénée avait pu deux fois, dans des circonstances solen-
nelles, assembler des conciles provinciaux. Dieu voulut
récompenser de si grands succès et couronner la vie si
remplie et si belle du pasteur par le triomphe qu'il lui ré-
servait ainsi qu'ia la plus grande (lariie de sou troupeau.
En rannée 20i', sous le règne de l'empereur Septime-Sé-
vère, l'Eglise de Lyon eut à soutenir un combat des plus
glorieux : saint Irénée fut martyrisé avec la plus grande
partie de .son troupeau. On porte a 18,000 le nombre de
ces généreux martyrs.
LVSIAS, tribun des troupes romaines qui étaient pré-
posées il la garde du temple de Jérusalem. Ce fut lui qui
arracha des mains des Juifs saint Paul, qu'ils voulaient
faire mourir. Voulant connaître le sujet de leur colère
contre lui, il allait le faire meltt-e à la question et le faire-
battre de verges , quand saint, l'aul lui dit qu'il était
citoyen romain. Il l'envoya dans la tour Anlonia, et ayant
eu avis que plus de quarante Juifs conspiraient pour le
tuer, il le fil partir pour Cé»arée avec une escorte res-
pectable, il remit aux centurions qui le conduisaient une
lettre pour le gouverneur Félix. {Voy. Padl.)
LYSIAS, lieutenant de Trajan, fil un grand nombre de
martyrs a Eiiesse, eu l'année 116. Parmi les chrétiens qui
furent martyrisés par ses ordres, Thisloire a conservé les
noms de saint Barsiinée, évcHpie d'Edesse , de saint Sar-.
bêle et de sainte Uarbée. 11 est certain qu'un grand nom-
bre de chrétiens sonllrirent le martyre sous ce lieutenant
de Trajan. Mallieureusemenl les écrivains du temps ne
nous ont pas laissé de documents certains sur ces saints et
sur le {;enre de leur morl.
LYSIAS, proconsul de Cilicie, sous les commencements
de Dioclélien, fil mourir, après leur avoir fait endurer des
supplices atroces, les saintes Doumine elThéonille, et les
saints Claude , Astère et Néon. H montra une cruauté
inouïe, en choisissant pour tourmenter les saints tout ce
que la barbarie la plus ralîinée avait pu imaginer d'hor-
rible (Vo'j. Claide). En lisant les Actes des saints, victi-
mes d(ï ce persécuteur féroce, on vena la preuve de ce
que nous disons ici. Ce fut aussi cet homme cruel qui fil
mourir le saint vieillard Marin, en le faisant exposer au
milieu du cirque, oii les animaux féroces le mirent en
pièces; préal iblement il l'avait l'ail déchirer ii coups de
fouets plomliés, et lui avait fait disloquer les membres.
Il condamna a être décapités les s lints Côme et Damieu,
qui exerçaient leur profession a Eges. Leurs trois trères.
Antilime, Léonce et Euprèpe, furent décai)ités avec eux.
Voilà tout ce que nous savons sur Lysias ; c'est assez pour
nous convaincre ipie ce gouverneur meltail ii accomplir
les ordres des |iersécuteurs un zèle bien vif et un achar-
nement bitni grand.
LYSl.MAtJlJE (saint), martyr, l'un des quarante martyrs
deSéhasie, sous Liciiiius. {Voij. Mautvus de Sébaste.)
LVSTl^E, ville de la Lycaouie , auN.-O. d'Icône. Saint
Paul y étant venu avec saint Barnabe, y guérit miracu-
leusement uii homme perclus de ses deux jambes. Les
assistants, émerveillés, voulurent adorer les deux saints,
les prenant pour des dieux. Ils ap|)elaienl .saint Paul,
Mercure, et saint liamabé, Jupiter. Les deux hommes de
Dieu se défendirent de ces hommages prolanes, et se mi-
rent il prêcher les vérités de la foi a cette multitude ;
mais (pielques Juifs dlcone éianl arrivés changèrent tel-
lement les dispositions du peuple, (ju'il .souffrit (pielesJuifs
lapidassent saint Paul. Après qu'ils l'eurent ainsi lapidé,
ils le traiiu-reul hors de la ville elle laissèreui pour luorl.
(Vuij. Paul.)
FIN I)V TO.MK rKKMllill.
l
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sc^ieiice, — de» Ordres religieux (hommes et femiiiei), — des
d V !Ses Religion--, — de Géographie sacrée et ccclésiastiiue, —
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Adds'iu, De B» r ih, Jem J.k .pM-s Roufiseau, Para du Pliinias,
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nard. Biair, De ro:np;gnan, 'îc l ni:, l'orieus, Gérard, Die>sl)3ch,
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/oni, Perrone, Paley, Dorléans, Campri n, l'éreniiès, Wiseman,
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